Saint Thomas d’Aquin - Somme Théologique
1a 2ae = Prima Secundae = 1ère partie de la 2ème Partie
Question 10 :
De la manière dont la volonté est mue
Après
avoir parlé du moteur de la volonté nous avons maintenant à nous occuper de la
manière dont elle est mue. — A cet égard quatre questions se présentent : 1° La
volonté se porte-t-elle naturellement vers un objet ? (La volonté étant une
puissance naturelle, se porte naturellement et nécessairement vers le bien qui
lui convient, comme toute nature créée, mais en tant que puissance libre il
n’en est pas de même.) — 2° Est-elle mue nécessairement par son objet ? (Cet
article a pour but de déterminer en quoi la volonté est libre et en quoi elle
est nécessitée.) — 3° Est-elle mue nécessairement par l’appétit inférieur ? (Il
y a une multitude de fautes qui proviennent de cet appétit ; ce qui n’aurait
pas lieu si la volonté ne pouvait lui résister, d’après cette parole de saint
Augustin qui est devenue un axiome : Peccatum non est peccatum, nisi sit voluntarium.) — 4°
Est-elle mue nécessairement par son moteur extérieur, qui est Dieu ? (Le
concile de Trente a ainsi condamné ceux qui prétendent que Dieu contraint la
volonté : Si quis
dixerit liberum hominis arbitrium à Deo motum et excitatum, Deo excitanti atque vocanti non posse dissentire, si velit, anathema sit.)
Article
1 : La volonté se porte-t-elle naturellement vers quelque objet ?
Objection
N°1. Il semble que la volonté ne se porte pas naturellement vers quelque chose.
Car l’agent naturel est opposé à l’agent volontaire, comme on le voit (Phys., liv. 2, text.
94). Donc la volonté ne se porte pas naturellement vers quelque chose.
Réponse
à l’objection N°1 : la volonté est opposée à la nature, comme une cause l’est à
une autre ; car il y a des choses qui se font naturellement et d’autres qui se
font volontairement. Le mode de causalité propre à la volonté qui est maîtresse
de ses actes est autre que le mode de la nature qui est nécessairement
déterminé à un effet unique. Mais comme la volonté repose sur la nature, il est
nécessaire que la volonté participe d’une manière au mode qui est propre à la
nature, comme la cause seconde doit toujours participer à ce qui appartient à
la cause première. Car en toutes choses l’être qui existe par nature est
toujours antérieur à la volition qui existe par la volonté ; c’est ce qui fait
que la volonté veut naturellement quelque chose.
Objection
N°2. Ce qui est naturel à une chose lui est toujours inhérent ; ainsi il est
naturel au feu d’être chaud. Or, il n’y a pas de mouvement qui soit toujours
inhérent à la volonté. Donc il n’y a pas de mouvement qui lui soit naturel.
Réponse
à l’objection N°2 : Dans les choses naturelles, ce qui est naturel et qui ne
résulte, pour ainsi dire, que de la forme, existe toujours en acte. Ainsi le
feu est toujours chaud. Mais ce qui est naturel et ce qui résulte de la
matière, n’existe pas toujours en acte, quelquefois il n’existe qu’en
puissance. Car la forme est l’acte et la matière la puissance. Or, le mouvement
est l’acte de l’être qui existe en puissance. C’est pourquoi ce qui a rapport
au mouvement, ou ce qui, dans l’ordre de la nature, en est la conséquence,
n’existe pas toujours. Ainsi le feu ne s’élève pas toujours en l’air, mais
quand il est hors de son lieu. De même il ne faut pas que la volonté qui passe
de la puissance à l’acte quand elle veut une chose la veuille toujours. Elle ne
doit la vouloir que quand elle est dans une certaine disposition déterminée. Mais
la volonté de Dieu qui est un acte pur est toujours en acte à l’égard de ses
volitions.
Objection
N°3. La nature n’a de détermination que pour une chose unique. Or, la volonté
se rapporte à des choses opposées. Donc la volonté ne veut rien naturellement.
Réponse
à l’objection N°3 : Une unité proportionnelle répond toujours à la nature dans
ses divers états. Ainsi l’unité du genre répond à la nature en général ;
l’unité d’espèce à la nature spécifique, et l’unité d’individu à la nature
individuelle. La volonté étant une puissance spirituelle comme l’intellect, il
y a naturellement quelque chose d’un et de général qui lui correspond, tel que
le bon, comme il y a pareillement quelque chose d’un et de général, tel que le
vrai, l’être, etc., qui correspond à l’intellect. Mais sous ce bien général il
y a une foule de biens particuliers à l’égard desquels la volonté n’est
déterminée d’aucune manière.
Mais
c’est le contraire. Le mouvement de la volonté suit l’acte de l’intellect. Or,
il y a des choses que l’intellect conçoit naturellement. Donc il y en a que la
volonté veut de la même manière.
Conclusion
La volonté de l’homme se porte naturellement au bien, à sa fin
dernière ainsi qu’aux choses qui conviennent à la nature humaine.
Il
faut répondre que, comme le disent Boëce (De duab. nat. in princ.) et Aristote (Met., liv. 5, text. 5), on entend le mot
nature en plusieurs sens. Car quelquefois il signifie le principe intrinsèque
qui existe dans les êtres changeants, et dans ce cas la nature est la matière
ou la forme matérielle, comme le démontre Aristote (Phys., liv. 2, text. 4). D’autres fois on
entend par nature la substance de l’être, et alors ce qu’on regarde comme
naturel à l’être c’est ce qu’il lui convient selon sa substance, c’est-à-dire
ce qui lui est inhérent par lui-même (Saint Thomas explique lui-même les
différents sens du mot nature, et
l’origine de ces divers sens (1a pars, quest. 29, art. 1 ad 4). Or,
dans tous les êtres les choses qui n’existent pas par elles-mêmes sont toujours
ramenées à un être qui existe par lui-même, comme leur
principe. C’est pourquoi il est nécessaire, en prenant le mot nature en ce
sens, que le principe à l’égard de ce qui convient à une chose soit toujours
naturel. C’est ce qu’on voit évidemment par ce qui se passe dans l’entendement.
Car les principes de la connaissance intellectuelle sont naturellement connus.
De même le principe qui meut la volonté doit être naturellement voulu. Mais ce
principe est le bien général et absolu vers lequel la volonté tend
naturellement, comme toute puissance tend à l’objet qui lui est propre. Il est
sa fin dernière, et cette fin est dans l’ordre des
choses que l’appétit désire ce que sont les premiers principes dans l’ordre des
choses intelligibles, et il embrasse universellement tous les biens qui sont en
harmonie avec la nature de l’être qui veut. Car par la volonté nous ne désirons
pas seulement les choses qui ont rapport à cette puissance, mais encore celles
qui appartiennent à chacune des autres puissances et à l’homme tout entier.
D’où il arrive que l’homme veut naturellement non
seulement l’objet de la volonté, mais encore toutes les choses qui conviennent
aux autres puissances, comme la connaissance du vrai qui convient à
l’intellect, comme l’être, la vie et les autres attributs qui se rattachent à
l’existence. Tous ces biens sont compris sous l’objet de la volonté comme
autant de biens particuliers (Ainsi la volonté veut nécessairement le bien en
général, sa fin dernière et les biens particuliers propres à toutes les autres
puissances. Mais elle ne veut ces derniers biens que considérés en eux-mêmes, parce
que, en raison des choses qui s’y adjoignent, elle peut porter sur eux un
sentiment tout différent, et les fuir au lieu de les rechercher, comme le dit
saint Thomas dans l’article suivant.).
Article
2 : La volonté est-elle mue nécessairement par son objet ?
Objection
N°1. Il semble que la volonté soit nécessairement mue par son objet. Car
l’objet de la volonté est à la volonté ce que le moteur est au mobile lui-même,
comme le prouve Aristote (De animâ, liv. 3, text. 54). Or,
le moteur quand il est suffisant meut nécessairement le mobile. Donc la volonté
peut être mue nécessairement par son objet.
Réponse
à l’objection N°1 : Le moteur suffisant d’une puissance n’est rien autre chose
que l’objet qui a tout ce qu’il faut pour le mouvoir. Mais s’il y a dans
l’objet quelque défectuosité, le mouvement qu’il imprimera ne sera plus
nécessaire, comme nous l’avons dit (dans le corps de l’article.).
Objection
N°2. Comme la volonté est une puissance spirituelle, de même l’intellect et ces
deux puissances qui se rapportent l’un et l’autre à un objet universel, comme
nous l’avons dit (art. préc., réponse N°3). Or, l’intellect est mû nécessairement par
son objet. Donc la volonté l’est également par le sien.
Réponse
à l’objection N°2 : L’intellect est mû nécessairement par un objet qui est
toujours et nécessairement vrai, mais non par un objet contingent qui peut être
vrai et faux ; c’est ce que nous avons dit d’ailleurs à l’égard du bien (dans
le corps de l’article.).
Objection
N°3. Tout ce qu’on veut est la fin ou quelque chose qui s’y rapporte. Or, on
veut nécessairement la fin, parce qu’elle est dans les choses pratiques ce
qu’est dans les choses spéculatives le principe auquel nous adhérons
nécessairement. La fin étant la raison qui nous fait vouloir ce qui s’y
rapporte, il semble que ce qui se rapporte à la fin nous le voulions aussi
nécessairement. Donc la volonté est mue nécessairement par son objet.
Réponse
à l’objection N°3 : La fin dernière meut nécessairement la volonté parce
qu’elle est le bien parfait ; il en est de même des moyens sans lesquels on ne
peut arriver à la fin comme l’être, la vie, etc. Quant aux autres moyens qui ne
sont pas nécessaires, celui qui veut la fin ne veut pas ces moyens
nécessairement, comme celui qui croit les principes n’admet pas pour cela
nécessairement les conséquences sans lesquelles les principes peuvent être
vrais.
Mais
c’est le contraire. D’après Aristote (Met.,
liv. 9, text. 3) les puissances raisonnables ont pour
objet des choses opposées. Or, la volonté est une puissance raisonnable, car
elle a son siège dans la raison, comme le dit ce même philosophe (De animâ, liv.
3, text. 42). Donc la volonté se rapporte à des
choses opposées, et, par conséquent, elle n’est pas nécessairement portée vers
l’une d’elles.
Conclusion
la volonté est mue nécessairement par son objet qui est le bien universel,
c’est-à-dire la béatitude suprême ; mais elle n’est pas mue de la sorte par le
bien particulier qu’elle ne peut pas vouloir.
Il
faut répondre que la volonté est mue de deux manières. Elle l’est : 1° par
rapport à l’exercice de son acte ; 2° par rapport à la spécification de l’acte
qui résulte de l’objet. Dans le premier sens la volonté n’est mue
nécessairement par aucun objet. Car on peut toujours ne pas penser à un objet
quel qu’il soit, et par conséquent on ne peut pas le vouloir. Mais dans le
second sens il y a des objets qui meuvent nécessairement la volonté comme il y
en a qui ne la meuvent pas de la sorte. Car pour se rendre compte du mouvement
d’une puissance il faut considérer la raison par laquelle l’objet se meut.
Ainsi, ce qui est visible agit sur la vue au moyen de la couleur qui est
visible elle-même. Par conséquent, toutes les fois que la couleur frappe la vue
elle meut nécessairement cet organe, à moins qu’on ne détourne ses regards, ce
qui revient alors à l’exercice de l’acte. Mais si l’objet qu’on présente, à la
vue n’était pas actuellement coloré complètement, et qu’il le fût sous un
rapport sans l’être sous un autre, la vue ne percevrait pas nécessairement cet objet
; parce qu’elle pourrait le considérer sous l’aspect qui n’est pas actuellement
coloré, et alors elle ne le verrait pas. Or, comme ce qui est actuellement
coloré est l’objet de la vue, de même le bien est l’objet de la volonté (Le
bien général et universel contient toute bonté, et la volonté ne peut pas le
vouloir, parce qu’elle ne peut se porter que vers ce qui est bien.). Ainsi
donc, quand on offre à la volonté un objet qui est universellement bon, et sous
tous les rapports, elle s’y porte nécessairement, du moment où elle veut
quelque chose, parce qu’elle ne peut vouloir le contraire. Mais si on lui
propose un objet qui ne soit pas bon sous tous les rapports, elle ne s’y porte
pas nécessairement. Et comme le défaut d’un bien ne peut être une bonne chose,
il s’ensuit qu’il n’y a que le bien parfait, celui qui ne manque de rien, enfin
la béatitude suprême, que la volonté ne puisse pas vouloir. Pour les autres
biens particuliers, par là même qu’ils manquent toujours de quelque chose, on
peut les considérer comme n’étant pas de véritables biens, et la volonté qui
est susceptible de se laisser diriger par des considérations diverses peut bien
par conséquent les repousser ou les rechercher selon qu’il lui plaît (Les
choses, dans ce cas, paraissent bonnes ou mauvaises, selon le point de vue
d’après lequel on les envisage.).
Article
3 : La volonté est-elle mue nécessairement par l’appétit inférieur ?
Objection
N°1. Il semble que la volonté soit mue nécessairement par la passion de
l’appétit inférieur. Car saint Paul dit (Rom.,
7, 19) : Je ne fais pas le bien que je
veux, mais je fais le mal que je déteste. Et il parle ainsi à cause de la
concupiscence qui est une passion. Donc la volonté est nécessairement mue par
la passion.
Réponse
à l’objection N°1 : Quoique la volonté ne puisse empêcher les mouvements de la
concupiscence, selon ces paroles de l’Apôtre (Rom., 7, 19) : Je fais,
c’est-à-dire je désire le mal que je
déteste ; cependant la volonté peut repousser la concupiscence ou n’y pas
consentir ; par conséquent si elle suit le mouvement de la concupiscence, ce
n’est pas nécessairement.
Objection
N°2. D’après Aristote (Eth., liv. 3, chap. 5), la fin paraît telle
qu’on est. Or, il n’est pas au pouvoir de la volonté de rejeter immédiatement
une passion. Donc il n’est pas en son pouvoir de ne pas vouloir l’objet vers
lequel la passion se porte.
Réponse
à l’objection N°2 : Quoique dans l’homme il y ait deux natures, la nature
intellectuelle et la nature sensitive, quelquefois l’homme est en quelque sorte
tout d’une pièce. C’est ce qui arrive quand la partie sensitive est totalement
soumise à la raison comme dans les hommes vertueux, ou que la raison se trouve
au contraire complètement éclipsée par la passion, comme chez les fous. Mais
dans certaines circonstances il arrive que la raison, tout voilée qu’elle est
par la passion, conserve néanmoins une partie de sa liberté. Alors on peut ou
repousser complètement la passion ou du moins s’abstenir à la suivre. Car dans
cet état l’homme étant indifféremment disposé selon les différentes parties de
son âme, la raison lui conseille une chose et la passion une autre.
Objection
N°3. Une cause universelle ne produit un effet particulier que par
l’intermédiaire d’une cause particulière. C’est pour ce motif que la raison
générale n’agit qu’au moyen de la raison particulière, comme le dit Aristote (De animâ, liv.
3, text. 58). Or, ce que la raison générale est par
rapport à la raison particulière la volonté l’est à l’égard de l’appétit
sensitif. Donc pour vouloir un objet particulier la volonté n’est mue qu’au
moyen de l’appétit sensitif. Donc quand l’appétit sensitif est porté par une
passion quelconque vers un objet la volonté ne peut se mouvoir en un sens
contraire.
Réponse
à l’objection N°3 : La volonté est mue non seulement par le bien universel que
la raison perçoit, mais encore par le bien qui est du domaine des sens. C’est
pourquoi elle peut se porter vers un bien particulier sans que la passion de
l’appétit sensitif l’y pousse. Car nous voulons et nous faisons une foule de
choses sans passion d’après le seul choix de l’appétit, comme on le voit par
les actes dans lesquels la raison résiste à la passion.
Mais
c’est le contraire. Il est écrit (Gen., 4, 7) : Votre appétit vous sera soumis et vous le
dominerez. Donc la volonté humaine n’est pas mue nécessairement par
l’appétit inférieur.
Conclusion
La volonté de l’homme étant une puissance spirituelle, elle n’est mue ni
nécessairement ni universellement par l’appétit inférieur.
Il
faut répondre que, comme nous l’avons dit (quest. préc., art. 2), la passion
de l’appétit sensitif agit sur la volonté par suite de l’action que l’objet
exerce sur cette faculté, c’est-à-dire en ce sens que l’homme influencé d’une
manière quelconque d’une manière quelconque par la passion juge convenable et
bon ce qu’il ne considérait pas tel si la passion n’avait pas puissance sur
lui. Or, l’homme peut subir l’influence de la passion de deux manières : 1° La
passion peut enchaîner totalement la raison de telle sorte que l’homme n’en ait
plus l’usage, comme on le voit dans ceux que la violence de la colère ou de la
concupiscence, ainsi que toute autre perturbation physique, rendent furieux ou
insensés. Car ces passions supposent toujours quelque modification physique, et
ceux qui en sont là se trouvent à l’état des animaux qui suivent nécessairement
l’impétuosité de leur passion, et il n’y a par conséquent plus en eux ni
raison, ni volonté. 2° D’autres fois la raison n’est pas totalement absorbée
par la passion, mais il reste encore une certaine liberté de jugement, et il y
a dans la même proportion une certaine action volontaire. Par conséquent, selon
que la raison reste libre et qu’elle n’est pas soumise à la passion, la volonté
qui subsiste ne tend pas nécessairement vers l’objet auquel la passion
l’entraîne. Ainsi, ou la volonté n’existe pas et la passion seule domine, ou la
volonté existe et alors elle ne suit pas nécessairement le mouvement de la
passion.
Article
4 : La volonté est-elle mue nécessairement par son moteur extérieur qui est Dieu
?
Objection
N°1. Il semble que la volonté soit nécessairement mue par Dieu. Car tout agent
auquel n ne peut résister meut nécessairement. Or, on ne peut résister à Dieu
puisque sa puissance est infinie, selon ces paroles de l’Apôtre (Rom., 9, 19) : Qui résiste à sa volonté ? Donc Dieu meut nécessairement la
volonté.
Réponse
à l’objection N°1 : La volonté divine a pour effet non seulement de faire
produire une chose par une autre, mais encore de lui faire produire de la
manière qui convient à sa nature. C’est pourquoi il répugnerait plus à l’action
divine de faire mouvoir la volonté nécessairement contrairement à sa nature,
que de la faire mouvoir librement comme sa nature le demande.
Objection
N°2. La volonté est nécessairement portée vers les choses qu’elle veut
naturellement, comme nous l’avons dit (art. 1). Or, ce que Dieu opère dans un
être lui est naturel, selon saint Augustin (Cont.
Faust., liv. 26, chap. 3). Donc la volonté veut nécessairement toutes les
choses auxquelles Dieu la pousse.
Réponse
à l’objection N°2 : Ce que Dieu produit dans les êtres pour qu’il leur soit
naturel l’est en effet. Car les choses conviennent aux êtres selon que Dieu
veut qu’elles leur conviennent. Or, il ne veut pas que tout ce qu’il opère dans
les êtres leur soit naturel. Ainsi, il n’est pas nature que les corps
ressuscitent. Mais il veut qu’il soit naturel à tous les êtres d’être soumis à
sa puissance.
Objection
N°3. Le possible est que ce l’on peut admettre sans qu’il en résulte
d’impossibilité. Or, il y a impossibilité à supposer que la volonté ne veuille
pas les choses auxquelles Dieu la pousse, parce qu’alors l’action de Dieu
serait inefficace. Il n’est donc pas possible que la volonté ne veuille pas ce
que Dieu la porte à vouloir. Elle le veut donc nécessairement.
Réponse
à l’objection N°3 : Si Dieu pousse la volonté à une chose, il est impossible
hypothétiquement que la volonté n’y adhère pas, mais ce n’est pas impossible
absolument. Il ne s’ensuit donc pas que la volonté soit mue nécessairement par
Dieu (Cette question a été longuement développée dans la première partie
(quest. 19, art. 8 et quest. 22, art. 4).).
Mais
c’est le contraire. Il est écrit (Ecclésiastique,
15, 14) : Dieu a créé l’homme dès le
commencement, et l’a laissé dans la main de son conseil. Donc il ne meut
pas nécessairement sa volonté.
Conclusion
La volonté étant un principe actif qui n’est pas déterminé à une seule chose, mais
qui est indifférent à l’égard d’un grand nombre ; elle n’est pas mue
nécessairement par Dieu, qui dirige tous les êtres selon les dispositions de
leur propre nature.
Il
faut répondre que, comme le dit saint Denis (De div. nom.,
chap. 4), il n’appartient pas à la Providence de corrompre la nature des êtres,
mais de la conserver. Ainsi, elle dirige tous les êtres conformément à leur
nature. Par conséquent, son action fait produire aux causes nécessaires des
effets nécessaires, et aux causes contingentes des effets contingents. Or, la
volonté étant un principe actif qui n’est pas déterminé à une seule chose, mais
qui est indifférent à l’égard de plusieurs, Dieu la meut de manière à ne pas la
déterminer nécessairement pour un seul objet mais à lui laisser un mouvement
contingent et libre, sinon pour les choses qu’elle veut naturellement.
Copyleft. Traduction
de l’abbé Claude-Joseph Drioux et de JesusMarie.com qui autorise toute personne à copier et à rediffuser par
tous moyens cette traduction française. La Somme Théologique de Saint Thomas
latin-français en regard avec des notes théologiques, historiques et philologiques,
par l’abbé Drioux, chanoine honoraire de Langres, docteur en théologie, à
Paris, Librairie Ecclésiastique et Classique d’Eugène Belin, 52, rue de
Vaugirard. 1853-1856, 15 vol. in-8°. Ouvrage honoré des encouragements du
père Lacordaire o.p. Si par erreur, malgré nos vérifications, il s’était glissé
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