Saint Thomas d’Aquin - Somme Théologique

1a 2ae = Prima Secundae = 1ère partie de la 2ème Partie

Question 30 : De la concupiscence

 

          Après avoir parlé de l’amour et delà haine, nous avons à nous occuper maintenant de la concupiscence. — A cet égard il y a quatre questions à faire : 1° La concupiscence n’est-elle que dans l’appétit sensitif ? — 2° La concupiscence est-elle une passion spéciale ? — 3° Y a-t-il des concupiscences qui sont naturelles et d’autres qui ne le sont pas ? — 4° La concupiscence est-elle infinie ?

 

Article 1 : La concupiscence n’est-elle que dans l’appétit sensitif ?

 

          Objection N°1. Il semble que la concupiscence n’existe pas seulement dans l’appétit sensitif. Car il y a une concupiscence de la sagesse, comme il est écrit (Sag., 6, 21) : La concupiscence de la sagesse mène au royaume éternel. Or, l’appétit sensitif ne peut se porter vers la sagesse. Donc la concupiscence n’existe pas que dans l’appétit sensitif.

          Réponse à l’objection N°1 : Le désir de la sagesse et des autres biens spirituels reçoit quelquefois le nom de concupiscence, soit par analogie, soit parce que l’ardeur de l’appétit de la partie supérieure de l’âme reflue en quelque sorte sur l’appétit inférieur au point que celui-ci tend aussi à sa manière au bien spirituel, selon l’impulsion que l’autre lui a donnée. C’est ainsi que le corps lui-même se prête aux choses spirituelles, selon ces paroles du Psalmiste (Ps. 83, 3) : Mon cœur et ma chair brûlent de joie pour le Dieu vivant.

 

          Objection N°2. Le désir d’observer les commandements de Dieu n’existe pas dans l’appétit sensitif. Car l’Apôtre dit (Rom., 7, 18) : Le bien ne se trouve pas en moi, c’est-à-dire dans ma chair. Or, le désir d’observer les commandements de Dieu tombe sous la concupiscence, puisqu’il est écrit (Ps. 118, 20) : Mon âme dans l’ardeur de sa concupiscence a désiré votre loi qui est pleine de justice. Donc la concupiscence n’existe pas que dans l’appétit sensitif.

          Réponse à l’objection N°2 : Le désir, à proprement parler, peut appartenir plutôt non seulement à l’appétit inférieur, mais encore à l’appétit supérieur. Car il n’implique pas une sorte d’association (Le désir convient mieux à la recherche des biens spirituels, parce qu’il est un simple mouvement de l’esprit ; mais la concupiscence, par là même qu’elle indique le concours de deux forces, convient mieux à la recherche des biens sensibles à laquelle le corps et l’âme prennent part.), comme la concupiscence, mais il exprime un simple mouvement vers l’objet désiré.

 

          Objection N°3. Chaque puissance désire le bien qui lui est propre. Donc la concupiscence existe dans toutes les puissances de l’âme et ne se trouve pas que dans l’appétit sensitif.

          Réponse à l’objection N°3 : Chaque puissance de l’âme peut appéter le bien qui lui est propre d’un appétit naturel qui ne suit pas la perception ; mais il n’y a que la puissance appétitive qui appète le bien d’un appétit animal qui est une conséquence de la perception. Et c’est à la puissance concupiscible qu’il appartient d’appéter le bien qui délecte les sens, ce qui constitue la concupiscence proprement dite.

 

          Mais c’est le contraire. Saint Jean Damascène dit (De fid. orth., liv. 2, chap. 12) qu’on distingue dans la partie déraisonnable qui obéit à la raison et qui lui est soumise la concupiscence et la colère. Or, cette partie de l’âme est passive et appétitive. Donc la concupiscence a son siège dans l’appétit sensitif.

 

          Conclusion La concupiscence étant le désir de ce qui délecte les sens, elle réside à proprement parler dans la faculté concupiscible de l’appétit sensitif.

          Il faut répondre que, comme le dit Aristote (Rhet., liv. 1, chap. 11), la concupiscence est l’appétit ou le désir de ce qui délecte. Or, il y a deux sortes de délectation, comme nous le verrons plus loin (quest. 31, art. 3 et 4) : l’une qui consiste dans le bien intellectuel qui est le bien de la raison, et l’autre dans le bien qui flatte les sens. La première de ces deux délectations semble appartenir à l’âme exclusivement. La seconde appartient à l’âme et au corps, parce que les sens sont une puissance qui existe dans un organe corporel. Ainsi ce qui est bon par rapport aux sens est bon pour l’être entier qui en est composé. Or, la concupiscence parait être le désir de cette dernière délectation, parce que, comme son nom l’indique (concupiscere), elle appartient tout à la fois au corps et à l’âme. Par conséquent la concupiscence, à proprement parler, existe dans l’appétit sensitif et dans la puissance concupiscible qui tire d’elle son nom.

 

Article 2 : La concupiscence est-elle une passion spéciale ?

 

          Objection N°1. Il semble que la concupiscence ne soit pas une passion spéciale de la puissance concupiscible. Car on distingue les passions d’après leurs objets. Or, l’objet de la puissance concupiscible est ce qui délecte les sens, ce qui est aussi l’objet delà concupiscence, d’après Aristote (Rhet., liv. 1, chap. 11). Donc la concupiscence n’est pas une passion spéciale qui réside dans la puissance concupiscible.

          Réponse à l’objection N°1 : Le bien qui délecte n’est pas absolument l’objet de la concupiscence ; il ne l’est qu’autant qu’il est absent, comme les choses sensibles ne sont l’objet de la mémoire qu’autant qu’elles sont passées. Car ces conditions particulières changent l’espèce des passions ou même des puissances de la partie sensitive qui se rapporte aux objets particuliers.

 

          Objection N°2. Saint Augustin dit (Quæst., liv. 83, quest. 33) que la cupidité est l’amour des choses qui passent ; par conséquent elle n’est pas distincte de l’amour lui-même. Or, toutes les passions spéciales sont distinctes les unes des autres. Donc la concupiscence n’est pas une passion spéciale de l’appétit concupiscible.

          Réponse à l’objection N°2 : C’est une façon de désigner l’effet par sa cause, mais non par son essence. Car la cupidité n’est pas l’amour absolument, mais elle en est l’effet. — Ou bien il faut répondre que saint Augustin prend dans un sens large la cupidité pour tout mouvement de l’appétit qui peut se rapporter à un bien futur. Par conséquent il comprend sous elle l’amour et l’espérance.

 

          Objection N°3. Toutes les passions spéciales de l’appétit concupiscible ont leur contraire, comme nous l’avons dit (quest. 23, art. 2). Or, il n’y a pas de passion spéciale dans l’appétit concupiscible qui soit opposée à la concupiscence. Car, d’après saint Jean Damascène (De fid. orth., liv. 2, chap. 12), le bien attendu constitue la concupiscence et le bien présent la joie. De même le mal qu’on attend produit la crainte, et celui qui est arrivé la tristesse. D’où il semble que comme la tristesse est contraire à la joie, de même la crainte l’est à la concupiscence. Or, la crainte n’existe pas dans le concupiscible, mais dans l’irascible. Donc la concupiscence n’est pas une passion spéciale qui existe dans le concupiscible.

          Réponse à l’objection N°3 : On n’a pas donné de nom à la passion qui est directement opposée à la concupiscence et qui se rapporte au mal comme la concupiscence au bien. Mais parce qu’elle a pour objet le mal qui n’est pas encore arrivé, comme la crainte, on met quelquefois cette dernière passion à sa place, de la même manière qu’on prend quelquefois la cupidité pour l’espérance. Et comme on ne tient pas compte du mal ou du bien qui est peu saillant, il arrive qu’on emploie la crainte et l’espérance, qui ont rapport au bien ou au mal difficile, pour exprimer tous les mouvements de l’appétit qui regardent le bien ou le mal futur.

 

          Mais c’est le contraire. La concupiscence a pour cause l’amour et pour terme la délectation, qui sont des passions de l’appétit concupiscible. Par conséquent elle est distincte, comme passion spéciale, de toutes les autres passions de cette puissance.

 

          Conclusion La concupiscence est une passion de l’appétit sensitif distincte dans son espèce de l’amour qui est sa cause et de la délectation qui est son terme.

          Il faut répondre que, comme nous l’avons dit (quest. 23, art. 1), le bien qui délecte les sens est en général l’objet de l’appétit concupiscible. Par conséquent les passions de cet appétit se distinguent d’après la diversité de leur objet. Or, la diversité de l’objet peut se considérer, soit d’après la nature de l’objet lui-même, soit d’après la différence qu’il y a entre sa vertu motrice ou son principe d’action. Quand la diversité de l’objet repose sur la nature même de la chose, elle établit une différence matérielle entre les passions (Ainsi les vêtements, les aliments, les plaisirs charnels sont des biens sensibles matériellement différents ; mais cette différence matérielle n’établit entre les passions qu’une différence numérique, comme celle qui existe entre les diverses sortes de concupiscence.) ; mais la diversité qui résulte de leur vertu motrice produit une différence formelle qui fait qu’elles ne sont pas de même espèce. La vertu motrice diffère selon que l’objet est réellement présent et selon qu’il est absent. Car quand l’objet est présent il fait qu’on se repose en lui, tandis que s’il est absent, il fait qu’on se meut vers lui. Ainsi ce qui délecte les sens produit l’amour quand il s’attache et s’harmonise pour ainsi dire avec l’appétit (Ainsi l’amour a pour objet le bien considéré purement et simplement, la concupiscence le bien qu’on n’a pas, la délectation le bien qu’on a obtenu.), il produit la concupiscence quand il l’attire à lui lorsqu’il est absent, et il produit la délectation quand il est présent et que l’appétit se repose en lui. La concupiscence est donc une passion d’une autre espèce que l’amour et la délectation. Mais quand la concupiscence a pour objet telle ou telle chose agréable, elle se divise alors en autant de concupiscences numériquement distinctes.

 

Article 3 : Y a-t-il des concupiscences naturelles et d’autres qui ne le sont pas ?

 

          Objection N°1. Il semble que parmi les concupiscences il n’y ait pas lieu d’en distinguer qui soient naturelles et d’autres qui ne le soient pas. Car la concupiscence appartient à l’appétit animal, comme nous l’avons dit (art. 1, réponse N°3). Or, l’appétit naturel se distingue par opposition de l’appétit animal. Donc aucune concupiscence n’est naturelle.

          Réponse à l’objection N°1 : Ce qu’on désire d’un appétit naturel on peut le désirer d’un appétit animal quand il y a connaissance. Ainsi la concupiscence animale peut avoir pour objet la nourriture, la boisson et toutes les autres choses semblables qu’on désire naturellement.

 

          Objection N°2. Une diversité matérielle ne produit pas une différence d’espèce, mais seulement une différence numérique dont l’art ou la science ne tient pas compte. Or, s’il y a des concupiscences qui sont naturelles et d’autres qui ne le sont pas, elles ne diffèrent que selon la différence qu’il y a entre les objets concupiscibles ; ce qui établit une différence matérielle et seulement numérique. Donc il ne faut pas distinguer les concupiscences naturelles et celles qui ne le sont pas.

          Réponse à l’objection N°2 : La différence qu’il y a entre les concupiscences naturelles et celles qui ne le sont pas, n’est pas seulement matérielle, mais elle est en quelque sorte formelle, en ce sens qu’elle procède de la diversité de l’objet actif. En effet, l’objet de l’appétit est le bien perçu ; par conséquent il y a différence entre l’objet quand il est perçu différemment. Ainsi quand on perçoit une chose comme absolument convenable, il en résulte des concupiscences naturelles qu’Aristote appelle irraisonnables (Rhet., loc. cit.). Mais si on perçoit l’objet librement, d’une manière délibérée, il en résulte des concupiscences qui ne sont pas naturelles, et que pour ce motif le philosophe appelle raisonnables.

 

          Objection N°3. La raison est divisée par opposition à la nature, comme on le voit (Phys., liv. 2, text. 46). Si donc dans l’homme il y a une concupiscence qui ne soit pas naturelle, il faut qu’elle soit raisonnable. Mais il ne peut pas en être ainsi, parce que la concupiscence, par là même qu’elle est une passion, appartient à l’appétit sensitif et non à la volonté, qui est l’appétit intelligentiel. Donc il n’y a pas de concupiscences qui ne soient naturelles.

          Réponse l’objection N°3 : Dans l’homme il y a non seulement la raison universelle qui appartient à la partie intellective, mais encore la raison particulière qui appartient à la partie sensitive, comme nous l’avons dit (1a pars, quest. 83, art. 4). D’après cela, la concupiscence qui est raisonnable peut appartenir à l’appétit sensitif. C’est pourquoi l’appétit sensitif peut être mû par la raison universelle, au moyen de l’imagination, qui est une puissance particulière.

 

          Mais c’est le contraire. Aristote (Eth., liv. 3, chap. 11, et Rhet., liv. 1, chap. 11) reconnaît des concupiscences qui sont naturelles et d’autres qui ne le sont pas.

 

          Conclusion Parmi les concupiscences, il y en a de naturelles qui sont communes aux hommes et aux animaux, par lesquelles ils recherchent, selon que leurs sens le perçoivent, le bien qui convient à leur nature ; et il y en a d’autres qui sont supérieures à la nature ou qui ne sont pas naturelles, et qui nous portent vers les biens qui résident dans la raison ou qui lui sont supérieurs.

          Il faut répondre que, comme nous l’avons dit (art. 1), la concupiscence est l’appétit du bien qui délecte ; et le bien peut délecter de deux manières : 1° Parce qu’il convient à la nature de l’animal, comme la nourriture, la boisson et les autres choses de cette espèce. C’est à cette sorte de concupiscence qu’on donne le nom de naturelle. 2° On dit qu’une chose délecte quand elle convient à l’animal selon la manière dont il la perçoit (Selon l’idée que l’imagination ou la raison s’en forme. Ainsi on désire les dignités et les honneurs en raison de l’idée qu’on s’en forme. Le sage ne les recherche pas, parce qu’il en connaît la vanité.). Par exemple, quand quelqu’un prend une chose pour bonne et convenable, et qu’en conséquence il se délecte en elle. On dit que la concupiscence de cette espèce de bien n’est pas naturelle et on a coutume de lui donner le plus souvent le nom de cupidité. Les concupiscences naturelles sont communes aux hommes et aux animaux, parce que pour l’un et l’autre il y a quelque chose qui convient à leur nature et qui la délecte ; à cet égard tous les hommes sont d’accord, et c’est pour ce motif qu’Aristote (Eth., liv. 3, chap. 11) les appelle communes et nécessaires. Les autres concupiscences sont propres à l’homme, parce qu’il lui est propre de considérer quelque chose comme bon et convenable en dehors de ce que la nature exige. C’est ce qui fait qu’Aristote dit (Rhet., liv. 1, chap. 11) que les premières sont irraisonnables et que les secondes sont les compagnes de la raison. Et comme parmi les hommes les uns raisonnent d’une manière et les autres de l’autre, Aristote (Eth., liv. 3, chap. 11) dit que ces dernières sont propres et accidentelles, c’est-à-dire supérieures à la nature.

 

Article 4 : La concupiscence est-elle infinie ?

 

          Objection N°1. Il semble que la concupiscence ne soit pas infinie. Car l’objet de la concupiscence est le bien qui a la nature de la fin, et qui dit infini exclut l’idée de fin, selon la remarque d’Aristote (Met., liv. 2, text. 8). Donc la concupiscence ne peut pas être infinie.

          Réponse à l’objection N°1 : Tout ce qu’on désire en acte, on le regarde comme fini, soit parce qu’il est fini en réalité selon qu’on le désire en acte, soit parce qu’il est fini rationnellement selon la connaissance qu’on en a. Car on ne peut rien percevoir d infini, puisque le propre de l’infini est de s’étendre toujours au delà de la quantité perçue par ceux qui veulent le connaître (Il n’est pas possible que l’objet désiré soit infini eu acte, mais il peut l’être en puissance et par succession.), comme le dit Aristote (Phys., liv. 3, text. 63).

 

          Objection N°2. La concupiscence a pour objet le bien qui convient puisqu’il procède de l’amour. Or, l’infini, par là même qu’il est disproportionné, ne peut convenir. Donc la concupiscence ne peut pas être infinie.

          Réponse à l’objection N°2 : La raison a en quelque sorte une vertu infinie, en ce sens qu’elle peut considérer une chose indéfiniment, comme on le voit dans l’addition des nombres et des lignes. Ainsi l’infini pris de cette manière est proportionné à la raison. Car l’universel que la raison perçoit est infini d’une façon, puisqu’il contient en puissance une infinité de choses particulières.

 

         Objection N°3. On ne peut pas aller au delà de ce qui est infini, et par conséquent, dans les choses de ce genre on ne peut pas arriver aux dernières. Or, celui qui convoite se délecte, par là même qu’il est arrivé au dernier terme de son ambition. Donc si la concupiscence était infinie, il s’ensuivrait qu’il n’y aurait jamais délectation.

          Réponse à l’objection N°3 : Pour que quelqu’un se délecte il n’est pas nécessaire qu’il obtienne tous les objets qu’il désire. Il peut se délecter dans chacun de ces objets, du moment qu’il les obtient.

 

          Mais c’est le contraire, Aristote dit (Polit., liv. 1, chap. 6) : Comme il y a dans les hommes une concupiscence infinie, ils désirent une infinité de choses.

 

          Conclusion Puisque la concupiscence naturelle a pour objet ce que requiert la nature qui tend toujours à quelque chose de certain et de fini, elle ne peut pas être infinie, quoiqu’on puisse dire qu’elle, l’est en puissance par la succession de ses mouvements ; au lieu que la concupiscence non naturelle, c’est-à-dire celle qui ne suit pas la nature, mais la raison qui peut marcher indéfiniment, est absolument infinie.

          Il faut répondre que, comme nous l’avons dit (art. préc), il y a deux sortes de concupiscence, l’une qui est naturelle et l’autre qui ne l’est pas. La concupiscence naturelle ne peut pas être infinie en acte. Car elle a pour objet ce que la nature requiert, et la nature se rapporte toujours à quelque chose de fini et de certain. Ainsi un homme ne désire jamais une nourriture infinie, ou une boisson infinie- Mais comme il arrive que dans la nature l’infini existe en puissance par succession, de môme il arrive que la concupiscence est infinie de cette manière. Ainsi après avoir pris de la nourriture, le désir d’en prendre revient ensuite, et il en est de même de toutes les autres choses qui sont nécessaires à la nature, parce que ces biens corporels, quand on les possède, ne sont pas de durée ; ils ne tardent pas à manquer. C’est pourquoi le Seigneur a dit à la Samaritaine (Jean, 4, 13) : Celui qui aura bu de cette eau aura encore soif. — Mais la concupiscence qui n’est pas naturelle est absolument infinie. Car elle suit la raison, comme nous l’avons dit (art, 3), et il est dans l’essence de la raison de progresser indéfiniment. Ainsi celui qui désire les richesses, peut les désirer sans mettre un terme positif à ses désirs, mais en désirant absolument être riche autant que possible. — D’après Aristote (Pol., liv. 1, chap. 6), on peut encore donner une autre raison pour laquelle il y a une concupiscence qui est finie et une autre qui ne l’est pas. Car la concupiscence de la fin est toujours infinie. En effet la fin est désirée pour elle-même comme la santé. De là il arrive que plus on a de santé et plus on en désire, et cela indéfiniment. De même si la blancheur distingue par elle-même un objet d’un autre, plus elle est éclatante et plus elle produit d’effet. La concupiscence qui a pour objet les moyens n’est pas infinie, si on ne les désire que dans une mesure proportionnée à la fin qu’on veut atteindre. Ainsi ceux qui mettent leur fin dans les richesses les convoitent indéfiniment, tandis que ceux qui ne les désirent que pour subvenir aux nécessités de la vie, ne désirent que des richesses limitées, suffisantes pour leurs besoins, comme le dit ce philosophe. On peut faire le même raisonnement sur la concupiscence, peu importe à quelles choses elle se rapporte.

 

Copyleft. Traduction de l’abbé Claude-Joseph Drioux et de JesusMarie.com qui autorise toute personne à copier et à rediffuser par tous moyens cette traduction française. La Somme Théologique de Saint Thomas latin-français en regard avec des notes théologiques, historiques et philologiques, par l’abbé Drioux, chanoine honoraire de Langres, docteur en théologie, à Paris, Librairie Ecclésiastique et Classique d’Eugène Belin, 52, rue de Vaugirard. 1853-1856, 15 vol. in-8°. Ouvrage honoré des encouragements du père Lacordaire o.p. Si par erreur, malgré nos vérifications, il s’était glissé dans ce fichier des phrases non issues de la traduction de l’abbé Drioux ou de la nouvelle traduction effectuée par JesusMarie.com, et relevant du droit d’auteur, merci de nous en informer immédiatement, avec l’email figurant sur la page d’accueil de JesusMarie.com, pour que nous puissions les retirer. JesusMarie.com accorde la plus grande importance au respect de la propriété littéraire et au respect de la loi en général. Aucune évangélisation catholique ne peut être surnaturellement féconde sans respect de la morale catholique et des lois justes.

 

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