Saint Thomas d’Aquin - Somme Théologique
1a 2ae = Prima Secundae = 1ère partie de la 2ème Partie
Question 41 :
De la crainte considérée en elle-même
Après
avoir parlé de l’espérance et du désespoir, nous devons nous occuper d’abord de
la crainte, puis de l’audace. — Touchant la crainte il y a quatre choses à
examiner. Nous traiterons : 1° de la crainte elle-même ; 2° de son objet ; 3°
de sa cause ; 4° de ses effets. — Sur la crainte considérée en elle-même il y a
quatre questions à faire : 1° La crainte est-elle une passion de l’âme ? — 2°
Est-ce une passion spéciale ? — 3° Y a-t-il une crainte naturelle ? — 4° Des
espèces de crainte.
Article
1 : La crainte est-elle une passion de l’âme ?
Objection
N°1. Il semble que la crainte ne soit pas une passion de l’âme. Car saint Jean
Damascène dit (De fid.
orth., liv. 3, chap. 23) que la crainte
est une vertu de contraction qui désire l’être. Or, il n’y a pas de vertu qui
soit une passion, comme le prouve Aristote (Eth., liv. 2, chap. 5). Donc la crainte n’est pas une passion.
Réponse
à l’objection N°1 : Le mot vertu (Le
mot vertu est pris ici dans son acception la plus large. Il désigne l’habitude
et en général tous les principes d’opération.) désigne
un principe d’action. C’est pourquoi, comme les mouvements intérieurs de la
puissance appétitive sont les principes des actes extérieurs, on leur donne à
ce titre le nom de vertus. Aristote dit que la passion n’est pas une vertu,
c’est-à-dire qu’elle n’est pas une habitude (Aristote dit que les vertus ne
sont pas des passions, parce que ce n’est pas à cause de nos passions qu’on
nous blâme ou qu’on nous loue, mais à cause de nos habitudes ou de nos actes.).
Objection
N°2. Toute passion est un effet provenant de la présence d’un agent. Or, la
crainte n’a pas pour objet ce qui est présent, mais ce qui est à venir, comme
le dit saint Jean Damascène (Orth. fid., liv. 2, chap. 12). Donc la
crainte n’est pas une passion.
Réponse
à l’objection N°2 : Comme la passion d’un corps naturel provient de la présence
matérielle d’un agent, de même la passion de l’âme provient aussi de la
présence intellectuelle d’un agent ; mais il n’est pas nécessaire qu’il soit
présent corporellement ou réellement (Pour faire impression sur nous, il suffit
qu’il soit rendu présent à la pensée ou à l’imagination.), parce que le mal qui
est futur réellement est présent par l’idée qu’on s’en forme.
Objection
N°3. Toute passion de l’âme est un mouvement de l’appétit sensitif qui résulte
de la perception des sens. Or, les sens ne perçoivent pas l’avenir, mais le
présent. Donc, puisque la crainte a pour objet le mal futur, il semble que ce
ne soit pas une passion de l’âme.
Réponse
à l’objection N°3 : Les sens ne perçoivent pas ce qui est à venir ; mais
d’après ce qu’il perçoit dans le présent, l’animal est porté par son instinct
naturel à espérer le bien ou à craindre le mal futur.
Mais
c’est le contraire. Saint Augustin (De
civ. Dei, liv. 14, chap. 7 à 9) place la crainte au nombre des autres
passions de l’âme.
Conclusion
Puisque la crainte se rapporte au mal par elle-même et qu’elle est accompagnée
d’une modification corporelle, elle est nécessairement une passion de l’âme.
Il
faut répondre qu’entre tous les autres mouvements de l’âme la crainte est après la tristesse le mouvement qui mérite le mieux le
nom de passion. Car, comme nous l’avons dit (quest. 22, art. 1), pour qu’il y
ait passion il faut qu’il y ait : 1° Mouvement d’une puissance passive produit
par un objet qui lui tient lieu de moteur et de principe actif, parce que la
passion est l’effet d’un agent. C’est ainsi que sentir et comprendre sont
appelés des passions. 2° On appelle passion, à proprement parler, le mouvement
d’une puissance appétitive revêtue d’un organe corporel et qui est accompagné
d’un changement physique quelconque. 3° Enfin ces mouvements reçoivent encore
plus proprement le nom de passion quand ils impliquent quelque chose de
nuisible. Or, il est évident que la crainte qui a le mal pour objet appartient
à la puissance appétitive qui se rapporte par elle-même au bien et au mal. Elle
appartient aussi à l’appétit sensitif, puisqu’elle est accompagnée d’un certain
effet physique, c’est-à-dire de la contraction, comme le dit saint Jean
Damascène (De fid.
orth., liv. 3, chap. 28). De plus elle
se rapporte au mal selon qu’il triomphe d’un bien ; par conséquent elle réunit
véritablement et au plus haut degré tout ce qui constitue la passion. Cependant
elle doit être placée après la tristesse qui a pour objet le mal présent, parce
qu’elle ne se rapporte qu’au mal futur qui impressionne toujours beaucoup
moins.
Article
2 : La crainte est-elle une passion spéciale ?
Objection
N°1. Il semble que la crainte ne soit pas une passion spéciale. Car saint
Augustin dit (Quæst., liv. 83, quest. 33) que celui qui est
exempt de crainte, n’est ni rongé par la cupidité, ni brisé par le chagrin ou
la tristesse, ni enflé par la vaine joie et par la volupté. D’où l’on voit
qu’en écartant la crainte on se délivre de toutes les autres passions. Donc la
crainte n’est pas une passion spéciale, mais générale.
Réponse
à l’objection N°1 : Toutes les passions de l’âme découlent d’un principe
unique, c’est-à-dire de l’amour, où elles se trouvent liées les unes aux autres
; en raison de cette connexion, quand on écarte la crainte on écarte toutes les
autres passions, mais il ne s’ensuit pas que la crainte soit une passion
générale.
Objection
N°2. Aristote dit (Eth., liv. 6, chap. 2) que la poursuite et
la fuite sont à l’égard de l’appétit ce que sont l’affirmation et la négation à
l’égard de l’intelligence. Or, la négation pas plus que l’affirmation ne sont
quelque chose de spécial dans l’intellect ; elles sont au contraire quelque
chose dégénérai qui se rapporte à une multitude d’objets. Donc la fuite
n’existe pas non plus d’une manière spéciale dans l’appétit, et comme la
crainte n’est rien autre chose que la fuite du mal, il s’ensuit que ce n’est
pas une passion spéciale.
Réponse
à l’objection N°2 : La fuite de l’appétit n’est pas toujours une crainte, mais
pour être une crainte il faut que la fuite se rapporte à un objet spécial tel
que celui que nous avons décrit (dans le corps de l’article.) (Cet objet
spécial est le mal difficile, ardu, auquel on ne peut résister.). C’est
pourquoi bien que la fuite soit quelque chose de général, la crainte n’en est pas
moins une passion spéciale.
Objection
N°3. Si la crainte était une passion spéciale, elle existerait surtout dans
l’irascible. Or, elle existe dans le concupiscible. Car Aristote dit (Rhet., liv. 2, chap. 5) que la crainte est
une espèce de tristesse. Saint Jean Damascène prétend (Orth. fid., liv. 3, chap.
23) que c’est une vertu qui excite le désir. Comme la tristesse et le désir se
trouvent dans le concupiscible, ainsi que nous l’avons dit (quest. 30, et 35,
art. 1), la crainte n’est donc pas une passion spéciale, puisqu’elle appartient
à différentes puissances.
Réponse
à l’objection N°3 : La crainte n’existe d’aucune manière dans le concupiscible
; car elle ne se rapporte pas au mal d’une manière absolue, mais au mal
considéré comme une chose difficile ou ardue à laquelle on peut à peine
résister. Mais, comme les passions de l’irascible découlent des passions du
concupiscible et ont en elles leurs termes, ainsi que nous l’avons vu (quest.
25, art. 1), on attribue à la crainte ce qui appartient à l’appétit
concupiscible. Ainsi on dit qu’elle est une tristesse, parce que son objet
contriste quand il est présent. C’est ce qui fait dire à Aristote (Rhet., liv. 2, chap. 5) que la crainte
provient de la pensée d’un mal futur qui doit faire tort ou contrister. De même
saint Jean Damascène attribue le désir à la crainte, parce que, comme
l’espérance est produite par le désir du bien, de même la crainte provient de
la fuite du mal, et la fuite du mal naît du désir du bien, comme on le voit par
ce que nous avons dit (quest. 25, art. 2 ; quest. 29, art. 2, et quest. 36,
art. 2).
Mais
c’est le contraire. D’après saint Jean Damascène lui-même (Orth. fid., liv. 2, chap. 15)
la crainte se distingue des autres passions de l’âme.
Conclusion
Puisque l’objet de la crainte est le mal futur difficile, auquel on ne peut
résister, il faut qu’elle soit une passion de l’âme distincte et séparée des
autres.
Il
faut répondre que les passions de l’âme tirent leur espèce de leurs objets ;
ainsi une passion spéciale est celle qui a un objet spécial. Or, la crainte a
un objet spécial aussi bien que l’espérance. Car, comme l’objet de l’espérance
est le bien futur, ardu, mais possible, de même l’objet de la crainte est le
mal futur, difficile, auquel on ne peut résister. La crainte est donc une
passion spéciale de l’âme.
Article
3 : Y a-t-il une crainte qui soit naturelle ?
Objection
N°1. Il semble qu’il y ait une crainte naturelle. Car saint Jean Damascène dit
(Orth. fid., liv. 3, chap.
23) qu’il y a une crainte naturelle et que c’est la crainte de la mort, parce
que l’âme ne veut pas être séparée du corps.
Objection
N°2. La crainte naît de l’amour, comme nous l’avons dit (art. préc.,
réponse N°1). Or, il y a un amour naturel, comme dit saint Denis (De div. nom., chap. 4). Donc il y a une crainte
qui est naturelle aussi.
Objection
N°3. La crainte est contraire à l’espérance, comme nous l’avons dit (quest. 40,
art. 4, réponse N°1). Or, il y a une espérance naturelle, comme on le voit par
ces paroles de l’Apôtre qui dit d’Abraham (Rom.,
4, 18) qu’il a cru à l’espérance de la
grâce contrairement à l’espérance de la nature. Donc il y a aussi une
crainte naturelle.
Mais
c’est le contraire. Les choses qui sont naturelles se trouvent dans les êtres
inanimés aussi bien que dans les êtres animés. Or, la crainte ne se trouve pas
dans les êtres inanimés. Donc elle n’est pas naturelle.
Conclusion
Il y a une crainte naturelle qui a pour objet le mal qui blesse ou qui altère
de quelque manière le bien essentiel à la nature ; et il y a une crainte qui
n’est pas naturelle, d’après laquelle nous redoutons non le mal opposé à la
nature, mais celui qui est opposé au bien qu’on aime ou qu’on désire.
Il
faut répondre qu’on dit qu’un mouvement est naturel, parce que la nature est
portée à le produire. Mais la nature peut être portée à le produire de deux
manières : 1° quand ce mouvement est produit tout entier par elle, sans le
concours de la puissance cognitive : ainsi le mouvement d’ascension est naturel
au feu, comme le mouvement d’accroissement est naturel aux animaux et aux
plantes. 2° On appelle encore mouvement naturel celui que la nature produit par
le moyen de la puissance cognitive ; parce que, comme nous l’avons dit (quest. 17,
art. 9, réponse N°2, et quest. 10, art. 1), les mouvements de la puissance
cognitive et de la puissance appétitive se ramènent à la nature comme à leur
premier principe. Ainsi les actes de la puissance cognitive, tels que
l’intelligence, le sentiment, la mémoire, et même les mouvements de l’appétit
animal, sont quelquefois appelés des mouvements naturels. C’est en ce sens
qu’on peut dire que la crainte est naturelle, et elle se distingue de la
crainte qui ne l’est pas par la diversité de son objet. En effet, comme le dit
Aristote (Rhet.,
liv. 2, chap. 5), la crainte a pour objet le mal qui corrompt et que la nature
repousse par suite du désir qu’elle a d’exister ; c’est cette crainte qu’on dit
naturelle (Ainsi la crainte naturelle est celle qui a pour objet le mal qui est
capable de détruire notre nature. Elle résulte par conséquent de la
conservation de notre être, qui est un sentiment naturel à tous.). Elle a aussi
pour objet le mal qui contriste, celui qui ne répugne pas à la nature, mais au
désir de l’appétit (Telle est, par exemple, la crainte que nous avons de perdre
les richesses, les honneurs, et d’autres biens qui reposent sur des vues
purement intellectuelles. Cette crainte n’est pas naturelle, parce qu’elle
suppose la connaissance.), et c’est cette crainte qui n’est pas naturelle. Nous
avons déjà d’ailleurs appliqué cette distinction à l’amour, à la concupiscence
et à la délectation (quest. 30, art. 3 ; quest. 31, art. 7). Or, d’après la
première acception du mot naturel, il est à remarquer que parmi les passions de
l’âme il y en a qui peuvent être naturelles, comme
l’amour, le désir et l’espérance, et d’autres qu’on ne peut jamais appeler
ainsi. Ceci provient de ce que l’amour et la haine, le désir et la fuite
impliquent une certaine propension à rechercher le bien et à fuir le mal, et
que cette propension appartient à l’appétit naturel. C’est pour cela qu’il y a
un amour naturel et qu’on peut quelquefois attribuer le désir ou l’espérance
aux êtres naturels dépourvus de connaissance. Mais les autres passions de l’âme
impliquent certains mouvements auxquels l’inclination naturelle ne suffit
aucunement : soit parce que les sens ou la connaissance sont de l’essence de
ces passions ; ainsi nous avons vu (quest. 31, art. 4, et quest. 35, art. 1)
que la connaissance est nécessairement requise pour la délectation et la
douleur, et que les êtres qui en sont dépourvus ne peuvent avoir ni peine, ni
plaisir ; soit parce que ces mouvements sont contraires à l’inclination
naturelle elle-même ; ainsi le désespoir renonce au bien, parce qu’il est trop
difficile, et la crainte se refuse à combattre le mal contraire, malgré
l’inclination de la nature. C’est pour ce motif qu’on n’attribue d’aucune
manière ces passions aux êtres inanimés.
La
réponse aux objections est par là même évidente.
Article
4 : Distingue-t-on convenablement les différentes espèces de crainte ?
Objection
N°1. Il semble que saint Jean Damascène distingue à tort six espèces de crainte
(De fid. orth., liv. 2, chap. 15) : la lenteur (segnities), la
pudeur, la honte, l’étonnement, la stupeur et l’angoisse. Car, comme le dit
Aristote (Rhet., liv. 2, chap. 5), la crainte a pour
objet le mal qui attriste ; par conséquent les différentes espèces de crainte
doivent répondre aux différentes espèces de tristesse. Or, il y a quatre
espèces de tristesse, comme nous l’avons vu (quest. 35, art. 8). Donc il n’y a
que quatre espèces de crainte qui leur correspondent.
Réponse
à l’objection N°1 : Ces différentes espèces de tristesse que nous avons
désignées (quest. 35, art. 8) ne se distinguent pas d’après la diversité de
leur objet, mais d’après leurs effets et leurs raisons spéciales ; c’est
pourquoi il n’est pas nécessaire que ces espèces de tristesse correspondent aux
espèces de crainte qui se considèrent d’après la division propre de l’objet
(L’objet comprend ici l’opération du sujet et les choses extérieures auxquelles
son action ou son opération se rapporte. C’est sur cette double division que
repose la distinction des différentes espaces de crainte, comme on le voit
(dans le corps de l’article.).) même de cette passion.
Objection
N°2. Ce qui dépend de notre action est soumis à notre puissance. Or, la crainte
a pour objet le mal qui excède notre pouvoir, comme nous l’avons dit (art. 2).
Donc la lenteur, la pudeur et la honte qui se rapportent à notre action ne
doivent pas être considérées comme des espèces de crainte.
Réponse
à l’objection N°2 : L’action considérée comme effet est soumise à la puissance
de celui qui l’opère ; mais l’objet de l’action peut surpasser la puissance de
celui qui l’opère ; c’est ce qui fait qu’on l’évite et qu’il en résulte la lenteur, la pudeur et la honte, qui
sont autant d’espèces de crainte.
Objection
N°3. La crainte a pour objet l’avenir, comme nous l’avons vu (art. 1 et 2). Or,
la honte se rapporte à un acte déjà commis, comme dit Némésius
(De nat. hom.,
chap. 20). Donc la honte n’est pas une espèce de crainte.
Réponse
à l’objection N°3 : A l’égard d’un acte qui est passé on peut craindre le
reproche ou l’opprobre qui doit en résulter, et c’est ainsi que la honte est une espèce de crainte.
Objection
N°4. La crainte n’a pour objet que le mal. Or, l’étonnement et la stupeur ne se
rapportent qu’à ce qui est grand, extraordinaire, que ce soit bien ou mal. Donc
l’étonnement et la stupeur ne sont pas des espèces de crainte.
Réponse
à l’objection N°4 : Tout étonnement et toute stupeur ne sont pas des espèces de
crainte ; il n’y a que l’étonnement
qui a pour objet un grand mal et la stupeur
qui se rapporte à un mal insolite. — Ou bien on peut dire que comme la lâcheté
fuit la peine attachée à une action extérieure, de même l’étonnement et la stupeur
évitent la peine qu’on trouve à examiner ce qui est grand et extraordinaire,
que ce soit bien ou mal. Ainsi l’étonnement
et la stupeur se rapportent à
l’action de l’intellect comme la lâcheté
à l’action extérieure.
Objection
N°5. Les philosophes sont excités par l’étonnement à la recherche de la vérité,
comme le dit Aristote (Met., liv. 1,
chap. 2). Or, la crainte ne porte pas à faire des recherches, mais plutôt à
fuir. Donc l’étonnement n’est pas une espèce de crainte.
Réponse
à l’objection N°5 : Celui qui est dans l’étonnement
refuse de se prononcer pour le moment sur l’objet qui l’étonne, parce qu’il
craint d’être en défaut, mais il cherche à s’éclairer pour l’avenir, tandis que
celui qui est dans la stupeur craint
de juger dans le présent et n’ose faire des recherches pour l’avenir. C’est
ainsi que l’étonnement ou
l’admiration favorise les recherches de la philosophie, tandis que la stupeur est un obstacle à cette étude.
Mais
c’est le contraire. Nous nous en tenons sur ce point
à l’autorité de saint Jean Damascène et de Némésius (loc. cit.).
Conclusion
Les saints docteurs ont reconnu six espèces de crainte : la lenteur, la pudeur,
la honte, l’étonnement, la stupeur et l’angoisse.
Il
faut répondre que, comme nous l’avons dit (art. 2), la crainte a pour objet le
mal futur qui excède la puissance de celui qui le redoute, au point qu’il ne
peut lui résister. Or, on peut considérer le bien de l’homme comme le mal dans
son action ou dans les choses extérieures. Par rapport à l’action de l’homme il
y a deux sortes de maux à craindre. Le premier c’est le travail qui pèse à la
nature ; de là la lenteur ou la
lâcheté quand quelqu’un se refuse à travailler dans la crainte d’une peine
excessive. Le second c’est la turpitude qui blesse l’opinion. Si l’on craint
cette turpitude à l’égard d’un acte qu’on doit commettre, elle prend le nom de pudeur ou de confusion ; si elle a pour
objet un acte honteux déjà commis, elle porte celui de honte. — Le mal qui consiste dans les choses extérieures peut
surpasser de trois manières les forces de l’homme qui entreprend de lui
résister. Il peut les dépasser : 1° en raison de sa grandeur, comme quand
quelqu’un considère un grand mal dont il ne peut connaître l’issue ; alors il y
a étonnement. 2° En raison de ce
qu’il a d’insolite ; ainsi quand un mal que nous n’avons pas coutume de
rencontrer se présente à nous et qu’il nous paraît immense, il en résulte un
sentiment de stupeur qui provient de
ce que notre imagination est extraordinairement frappée. 3° En raison de ce
qu’il a d’imprévu ; quand on ne peut remédier aux malheurs futurs qu’on
redoute, on donne à cette crainte le nom d’angoisse,
parce qu’on se trouve à l’extrémité.
Copyleft. Traduction
de l’abbé Claude-Joseph Drioux et de JesusMarie.com qui autorise toute personne à copier et à rediffuser par
tous moyens cette traduction française. La Somme Théologique de Saint Thomas
latin-français en regard avec des notes théologiques, historiques et
philologiques, par l’abbé Drioux, chanoine honoraire de Langres, docteur en
théologie, à Paris, Librairie Ecclésiastique et Classique d’Eugène Belin, 52,
rue de Vaugirard. 1853-1856, 15 vol. in-8°. Ouvrage honoré des
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