Saint Thomas d’Aquin - Somme Théologique
1a 2ae = Prima Secundae = 1ère partie de la 2ème Partie
Question 46 :
De la colère considérée en elle-même
Après
avoir parlé de l’audace, nous avons maintenant à nous occuper de la colère.
Nous, considérerons : 1° La colère en elle-même ; 2° la cause qui la produit et
son remède ; 3° ses effets. — Touchant la colère considérée en elle-même huit
questions se présentent : 1° La colère est-elle une passion spéciale ? — 2°
L’objet de la colère est-il bon ou mauvais ? — 3° La colère existe-t-elle dans
l’appétit concupiscible ? — 4° La colère est-elle compatible avec la raison ? —
5° La colère est-elle plus naturelle que la concupiscence ? — 6° La colère
est-elle plus grave que la haine ? — 7° La colère ne se rapporte-t-elle qu’à
ceux auxquels se rapporte la justice ? — 8° Des espèces de colère.
Article
1 : La colère est-elle une passion spéciale ?
Objection
N°1. Il semble que la colère ne soit pas une passion spéciale. Car c’est de la
colère (ira) que la puissance irascible
tire son nom. Or, il n’y a pas qu’une seule passion qui se rattache à cette
puissance, mais il y en a plusieurs. Donc la colère n’est pas une passion
spéciale.
Réponse
à l’objection N°1 : La puissance irascible tire son nom de la colère (ira), non parce que tous les mouvements
de cette puissance sont des mouvements de colère, mais parce qu’ils ont tous la
colère pour terme et que d’ailleurs ce sont les mouvements de cette passion qui
se produisent avec le plus d’éclat au dehors.
Objection
N°2. Toute passion spéciale a son contraire, comme on le voit en les parcourant
successivement. Or, il n’y a pas de passion qui soit contraire à la colère,
comme nous l’avons dit (quest. 23, art. 3). Donc elle n’est pas une passion
spéciale.
Réponse
à l’objection N°2 : Par là même que la colère résulte de passions contraires,
c’est-à-dire de l’espérance qui se rapporte au bien et de la tristesse qui a le
mal pour objet, elle implique en elle une contrariété. C’est pourquoi elle n’a
pas son contraire en dehors d’elle. C’est ainsi que dans les couleurs moyennes
(Couleurs moyennes ou mixtes, comme celles qui sont composées de blanc et de
noir.) on ne trouve pas d’autre contrariété que celle qui résulte des couleurs
simples qui les produisent.
Objection
N°3. Une passion spéciale n’en renferme pas une autre. Or, la colère implique
une foule de passions. Car elle existe simultanément avec la tristesse,
l’espérance et la délectation, comme on le voit (Rhet., liv. 2, chap. 2 et 3). Donc la colère n’est pas une passion spéciale.
Réponse
à l’objection N°3 : La colère renferme en elle une foule de passions, non comme
le genre comprend les espèces, mais plutôt comme un effet général comprend les
causes qui le forment.
Mais
c’est le contraire. Saint Jean Damascène fait de la colère une passion spéciale
(Orth. fid., liv. 2, chap.
16), et il en est de même de Cicéron (Tusc., liv. 6).
Conclusion
La colère n’est pas une passion générale comme si elle était la cause d’une
foule d’autres passions ; mais elle est une passion spéciale qui se distingue
par opposition avec les autres ; elle n’est générale qu’autant qu’on la
considère comme produite par le concours de plusieurs autres passions.
Il
faut répondre qu’on dit de trois manières qu’une chose est générale. Ce mot
s’entend : 1° du prédicat ; c’est ainsi que le mot animal est général par
rapport à tous les animaux ; 2° de la cause ; ainsi on dit que le soleil est la
cause générale de tout ce qui est produit dans le monde inférieur, comme le
rapporte saint Denis (De div. nom., chap. 4).
Car, comme le genre renferme en puissance beaucoup d’espèces différentes selon
la ressemblance de la matière, de même la cause efficiente contient
virtuellement en elle une multitude d’effets. Mais un effet peut être produit
par le concours de différentes causes. Et comme toute cause subsiste de quelque
manière dans son effet, on peut dire en troisième lieu que l’effet qui résulte
de la réunion d’une foule de causes a aussi sa généralité, puisqu’il contient
en acte d’une certaine manière une multitude de causes. — Dans le premier sens
la colère n’est pas une passion générale, mais elle est une passion spéciale
qui entre dans la même catégorie que les autres, comme nous l’avons dit (quest.
23, art. 1 et 4). — Elle n’est pas non plus une passion générale dans le second
sens ; car elle n’est pas la cause des autres passions, comme nous l’avons vu
(quest. 25, art. 1). Il n’y a que l’amour qu’on puisse de cette manière appeler
une passion générale, comme on le voit par ce que dit saint Augustin (De civ. Dei, liv. 14, chap. 7 et 9). Car
l’amour est la première source de toutes les passions, comme nous l’avons
prouvé (quest. 25, art. 2). — Mais on peut dire qu’elle est une passion
générale dans le troisième sens, parce qu’elle résulte du concours de beaucoup
d’autres passions. En effet le mouvement de la colère ne s’élève que parce
qu’on a éprouvé quelque peine et qu’on a le désir et l’espérance de s’en
venger. Car, comme le dit Aristote (Rhet., liv. 2,
chap. 2), celui qui est en colère a l’espérance de
punir les autres, puisqu’il désire se venger autant que possible. Mais quand le
tort qu’on a éprouvé provient d’une personne éminente, la colère ne s’ensuit
pas, mais seulement la tristesse, comme le dit Avicenne (De animâ).
Article
2 : L’objet de la colère est-il le bien ou le mal ?
Objection
N°1. Il semble que l’objet de la colère soit le mal. Car Némésius
dit (De nat. hom.,
chap. 21) que la colère est comme l’écuyère de la concupiscence, parce qu’elle
combat ce qui entrave cette passion. Or, tout empêchement est mauvais par son
essence. Donc la colère se rapporte au mal comme à son objet.
Objection
N°2. La colère et la haine produisent le même effet ; car l’une et l’autre ont
pour but de nuire à autrui. Or, la haine se rapporte au mal comme à son objet,
ainsi que nous l’avons dit (quest. 29, art. 1). Donc la colère également.
Objection
N°3. La colère est l’effet de la tristesse. C’est ce qui fait dire à Aristote (Eth., liv. 7, chap. 6) que la colère agit
avec tristesse. Or, l’objet de la tristesse est le mal. Donc aussi celui de la
colère.
Mais
c’est le contraire. Saint Augustin dit (Conf., liv. 2,
chap. 6) que la colère désire la vengeance. Or, le désir de la vengeance est le
désir du bien, puisque la vengeance appartient à la justice. Donc le bien est l’objet
de la colère.
De
plus, la colère est toujours accompagnée de l’espérance, et c’est pour cela
qu’elle produit la délectation, comme le dit Aristote (Rhet., liv. 2, chap. 2). Or, le bien est l’objet de l’espérance et de
la délectation. Donc il est aussi celui de la colère.
Conclusion
Puisque la colère porte à la vengeance en vue du bien et qu’elle s’allume
contre celui dont on a à se venger comme contre un ennemi et un être nuisible,
il faut reconnaître qu’elle a pour objet non-seulement
le bien, mais encore le mal
Il
faut répondre que le mouvement de la puissance appétitive suit l’acte de la
faculté cognitive (De telle sorte que si l’acte de la faculté cognitive est
simple ou composé relativement à son objet, le mouvement de l’appétit le sera également.).
Or, la faculté cognitive perçoit une chose de deux manières : l° elle la
perçoit d’une manière incomplexe, comme quand nous comprenons ce qu’est l’homme
; 2° d’une manière complexe, comme quand nous comprenons qu’un homme est blanc
(Ainsi connaître une chose simplement c’est la connaître dans sa nature toute
seule, sans mélange d’autre chose, et la connaître d’une manière composée c’est
la connaître avec une autre qui n’est pas de sa nature.). La puissance
appétitive peut de ces deux manières tendre au bien et au mal ; elle peut y
tendre d’une manière simple et incomplexe, comme quand l’appétit poursuit
simplement le bien et s’y attache, ou qu’il fuit le mal ; ces mouvements sont
le désir, l’espérance, la délectation, la tristesse, etc. (Ainsi l’objet de ces
passions est simple.) ; elle peut y tendre d’une manière complexe, comme quand
l’appétit se rapporte à ce qui est bon ou mauvais relativement à un autre, soit
qu’il tende vers cet objet, soit qu’il le fuie, ainsi qu’on le voit
manifestement à l’égard de l’amour et de la haine. Car nous aimons quelqu’un
parce que nous lui voulons du bien et nous le haïssons parce que nous lui
voulons du mal. Et il en est de même de la colère. Quiconque se fâche, cherche
à se venger de quelqu’un. Ainsi le mouvement de la colère a deux termes ; il
tend à la vengeance qu’il désire et qu’il espère comme un bien, ce qui le rend
agréable, et il tend vers celui dont il veut se venger qu’il regarde comme une
chose qui lui est contraire et nuisible, et qui est par conséquent mauvaise.
Mais la colère diffère de l’amour et de la haine de deux façons ; la première
c’est que la colère se rapporte toujours à deux objets, tandis que l’amour et
la haine ne se rapportent quelquefois qu’à un seul, comme quand on dit qu’on
aime le vin ou quelque autre chose de semblable, ou qu’on le hait ; la seconde
c’est que les deux objets auxquels l’amour se rapporte sont deux bonnes choses;
car celui qui aime quelqu’un lui veut du bien, comme à une personne qui lui
convient, et la haine, quand elle se rapporte à deux objets, ne peut se
rapporter qu’à deux maux (L’amour et la haine peuvent avoir un objet double et
composé, mais non des objets qui soient contraires entre eux, tandis qu’il en
est autrement de la colère.) ; car celui qui hait quelqu’un lui veut du mal,
comme à quelqu’un qui lui déplaît. Mais la colère se rapporte à un objet
qu’elle regarde comme un bien, c’est la vengeance qu’elle désire et elle se
rapporte à un autre objet qu’elle regarde comme un mal, c’est l’individu qui
lui est nuisible et dont elle veut se venger. C’est pourquoi elle est une
passion composée en quelque sorte de passions contraires.
La
réponse aux objections est par là même évidente.
Article
3 : La colère existe-t-elle dans l’appétit concupiscible ?
Objection
N°1. Il semble que la colère existe dans l’appétit concupiscible. Car Cicéron
dit (Tusc., liv. 4) que la colère est une espèce
de convoitise. Or, la convoitise existe dans le concupiscible. Donc la colère
aussi.
Réponse
à l’objection N°1 : Cicéron appelle convoitise le désir de tout bien futur,
sans distinguer s’il est difficile ou non, et d’après cela il range la colère
sous cette dénomination générale, parce qu’elle est un désir de vengeance. La
convoitise telle qu’il l’entend est donc commune à l’irascible et au
concupiscible.
Objection
N°2. Saint Augustin dit (in Regulâ) que la colère croît jusqu’à la haine. Et
d’après Cicéron (loc. cit.) la haine
est une colère invétérée. Or, la haine existe dans le concupiscible aussi bien
que l’amour. Donc la colère aussi.
Réponse
à l’objection N°2 : Quand on dit que la colère s’élève jusqu’à la haine, cela
ne signifie pas qu’elle ne forme avec elle numériquement qu’une seule passion,
de sorte que la passion qui était de la colère est ensuite devenue en
s’invétérant de la haine ; mais il faut rapporter ce changement à la colère
comme à sa cause ; car la colère produit avec le temps la haine.
Objection
N°3. Saint Jean Damascène (Orth. fid., liv. 2, chap. 16) et Némésius (De nat. hom., chap. 21) disent que la colère se compose de la
tristesse et du désir. Or, ces deux passions existent l’une et l’autre dans
l’appétit concupiscible. Donc la colère également.
Réponse
à l’objection N°3 : On dit que la colère se compose de la tristesse et du
désir, non parce que ces passions en sont les parties, mais les causes.
D’ailleurs nous avons dit (quest. 25, art. 1) que les passions du concupiscible
sont les causes des passions de l’irascible.
Mais
c’est le contraire. La puissance concupiscible est autre que la puissance
irascible. Si donc la colère (ira)
existait dans le concupiscible, l’irascible ne tirerait pas d’elle son nom.
Conclusion
Puisque la colère se rapporte à la vengeance et à celui dont on cherche à se
venger, et que ces deux choses sont ardues et difficiles, elle existe dans
l’irascible, mais non dans le concupiscible, dont les passions ont pour objet
le bien ou le mal absolument.
Il
faut répondre que, comme nous l’avons dit (quest. 23, art. 1), les passions de
l’irascible diffèrent des passions du concupiscible, en ce que les objets des
passions du concupiscible sont le bien et le mal absolu, tandis que les objets
des passions de l’irascible sont le bien et le mal ardus, difficiles. Or, nous
avons dit (art. préc.) que la colère se rapporte à
deux objets, à la vengeance qu’elle désire et à celui dont elle cherche à se
venger. A ce double égard la colère suppose une certaine difficulté (Ainsi le
bien qui est son objet est un bien difficile ; c’est le bien de la vengeance ;
le mal qu’elle a pour objet consistant à punir celui qu’on a pour ennemi, est
également une chose difficile.), car elle ne s’allume qu’autant que ces deux
objets ont de l’importance et de la valeur. Tout ce qui n’est rien ou qui á peu
de prix, nous ne le considérons d’aucune manière, comme dit Aristote (Rhet., liv. 2, chap. 2). D’où il est évident
que la colère n’existe pas dans l’appétit concupiscible, mais dans l’irascible.
Article
4 : La colère existe-t-elle avec la raison ?
Objection
N°1. Il semble que la colère n’existe pas avec la raison. Car puisque la colère
est une passion elle existe dans l’appétit sensitif. Or, l’appétit sensitif ne
suit pas la perception de la raison, mais celle de la partie sensitive de
l’âme. Donc la colère n’existe pas avec la raison.
Réponse
à l’objection N°1 : Le mouvement de la puissance appétitive peut exister avec
la raison de deux manières : 1° il peut être avec la raison qui commande ;
c’est ainsi que la volonté est avec cette faculté, ce qui lui a fait donner le
nom d’appétit rationnel ; 2° il peut être avec la raison qui éclaire, et c’est
ainsi que se trouve la colère. Car Aristote dit (Probl. 3, sect. 28) que la colère existe avec la raison, non avec
la raison qui ordonne, mais avec celle qui fait connaître l’injure. Car
l’appétit sensitif n’obéit pas immédiatement à la raison, il ne lui obéit que
par l’intermédiaire de la volonté.
Objection
N°2. Les animaux sont dépourvus de raison ; cependant il y a en eux de la
colère. Donc la colère n’existe pas avec la raison.
Réponse
à l’objection N°2 : Les animaux ont un instinct naturel qu’ils ont reçu de la
raison divine, et qui fait que leurs mouvements intérieurs et extérieurs
ressemblent aux mouvements rationnels, comme nous l’avons dit (quest. 40, art.
3).
Objection
N°3. L’ivresse enchaîne la raison, tandis qu’elle favorise la colère. Donc la
colère n’existe pas avec la raison.
Réponse
à l’objection N°3 : Comme le dit Aristote (Eth., liv. 7, chap. 6), la colère écoute jusqu’à un certain point la
raison qui lui découvre l’outrage qui a été fait ; mais elle ne l’écoute pas
parfaitement, parce qu’en se vengeant elle n’observe pas les règles qu’elle lui
trace. Il y a donc dans la colère un acte de raison et un obstacle qui entrave
l’exercice de cette faculté. C’est ce qui fait dire au même philosophe (Probl. 2 et 26, in sect. 3), que ceux qui sont tout à fait ivres, au point de
n’avoir plus de raison, ne se fâchent pas, mais quand ils se sont légèrement
enivrés ils se fâchent, parce qu’ils conservent encore leur raison, sans
toutefois qu’elle ait la même liberté.
Mais
c’est le contraire. Aristote dit (Eth., liv. 7,
chap. 6) que la colère est jusqu’à un certain point une conséquence de la
raison.
Conclusion
Puisque la colère est le désir de la vengeance et qu’elle implique la nécessité
de comparer la peine qu’on doit infliger avec l’offense qu’on a reçue, elle
n’existe pas sans la raison.
Il
faut répondre que, comme nous l’avons dit (art. 2), la colère est le désir de
la vengeance. Or, la vengeance implique la nécessité de comparer la peine qu’on
doit infliger avec l’offense qu’on a reçue. C’est ce qui fait dire à Aristote (loc. cit.) qu’aussitôt que le
raisonnement a prouvé par ce rapprochement qu’il fallait s’élever de toutes ses
forces contre l’auteur de l’outrage, alors on s’irrite immédiatement. Et comme
ce rapprochement et ces déductions sont l’effet de la raison, il s’ensuit que
la colère existe d’une certaine manière avec cette faculté.
Article
5 : La colère est-elle plus naturelle que la concupiscence ?
Objection
N°1. Il semble que la colère ne soit pas plus naturelle que la concupiscence.
Car on dit que le propre de l’homme est d’être un animal doux de sa nature. Or,
la douceur est opposée à la colère, comme le dit Aristote (Rhet., liv. 2, chap. 3). Donc la colère n’est pas plus naturelle que la
concupiscence, mais elle paraît même absolument contraire à la nature de
l’homme.
Réponse
à l’objection N°1 : On peut considérer dans l’homme la complexion naturelle de
son corps qui est tempérée et la raison. Sous le rapport de la complexion
corporelle l’homme n’a selon son espèce aucune passion naturellement
prédominante. Ainsi, ni la colère, ni aucune autre passion n’est en lui
extrême, parce que sa complexion est soumise à un tempérament régulier. Mais
les autres animaux n’ont pas cette égalité de complexion ; ils sont au
contraire disposés à un tempérament extrême. Par suite on trouve en eux des
passions excessives ; ainsi le lion se distingue par l’audace, le chien par la
colère, le lièvre par la crainte et ainsi des autres. Sous le rapport de la
raison il est naturel à l’homme de se fâcher et d’être doux, parce que tantôt
la raison excite la colère quand elle en voit le sujet, et tantôt elle
l’apaise, quand celui qui est irrité n’est plus docile à ses ordres, comme nous
l’avons dit (art. 4, réponse N°3).
Objection
N°2. La raison se divise par opposition à la nature. Car les êtres qui agissent
par raison nous ne disons pas qu’ils agissent par nature. Or, la colère existe
avec la raison, tandis que la concupiscence existe sans elle, comme le dit
Aristote (Eth., liv. 7, chap. 6). Donc la
concupiscence est plus naturelle que la colère.
Réponse
à l’objection N°2 : La raison elle-même appartient à la nature de l’homme ; par
conséquent par là même que la colère existe avec la raison, il s’ensuit que
d’une manière elle est naturelle à l’homme.
Objection
N°3. La colère est le désir de la vengeance, tandis que la concupiscence est
surtout le désir de tout ce qui délecte le tact, comme la nourriture, et les
jouissances charnelles. Or, ces choses sont plus naturelles à l’homme que la
vengeance. Donc la concupiscence est plus naturelle que la colère.
Réponse
à l’objection N°3 : Ce raisonnement se rapporte à la colère et à la
concupiscence considérées objectivement.
Mais
c’est le contraire. Aristote dit (Eth., liv. 5, chap.
6) que la colère est plus naturelle que la concupiscence.
Conclusion
Puisque la colère existe avec la raison plutôt que la concupiscence, elle est
plus naturelle à l’espèce, c’est-à-dire pour ce qui est de l’être raisonnable
et individuel, ou de la complexion propre de celui qui se fâche ; mais,
relativement à la nature du genre, c’est-à-dire de l’animal et de la part de
l’objet, la concupiscence est plus naturelle que la colère.
Il
faut répondre qu’on appelle naturel ce qui est l’effet de la nature, comme le
dit Aristote (Phys., liv. 2, text. 4) ; par conséquent on ne peut savoir si une passion
est plus ou moins naturelle qu’en la considérant d’après sa cause. Or, on peut
considérer la cause de la passion, comme nous l’avons dit (quest. 36, art. 1), de
deux manières : 1° de la part de l’objet 2° de la part du sujet. Si on
considère la cause de la colère et de la concupiscence objectivement, alors la
concupiscence, surtout celle des plaisirs de la table et de la chair, est plus
naturelle que la colère, parce que toutes ces choses sont plus naturelles que
la vengeance. Mais si on considère la cause de la colère subjectivement, sous
un rapport la colère est plus naturelle, et sous un
autre la concupiscence. Car la nature de l’homme peut être considérée, ou
d’après la nature du genre, ou d’après la nature de l’espèce, ou d’après la
complexion propre de l’individu. — Si on considère la nature du genre qui dans
l’homme est l’animal, la concupiscence sous ce rapport est plus naturelle que
la colère ; parce que d’après sa nature générale l’homme est porté à désirer ce
qui doit lui conserver la vie, soit comme espèce, soit comme individu. — Si on
considère la nature humaine du côté de l’espèce, c’est-à-dire comme être
raisonnable, alors la colère est plus naturelle à l’homme que la concupiscence,
parce qu’elle existe avec la raison plus que cette dernière passion. De là
Aristote dit (Eth., liv. 4, chap. 5) que l’homme est plus
naturellement enclin à la vengeance (ce qui appartient à la colère) qu’à la
douceur. Car tout être s’élève naturellement contre ce qui lui est contraire et
ce qui lui nuit. — Enfin si on considère la nature de l’individu selon la
complexion qui lui est propre, dans ce cas la colère est plus naturelle que la
concupiscence, parce que certain tempérament particulier porte plus facilement
à la colère qu’à la concupiscence ou à toute autre passion. Car l’homme est
porté à la colère selon que son tempérament est bilieux, et de toutes les
humeurs du corps la bile est celle qui se met le plus rapidement en mouvement,
puisqu’on la compare au feu. C’est pourquoi celui qui est naturellement enclin
par son tempérament à la colère est bien plutôt emporté par cette passion que
celui qui est disposé à la concupiscence ne succombe à son entraînement. C’est
pourquoi Aristote dit (Eth., liv. 7, chap. 6) que la colère se
transmet plutôt des pères aux enfants que la concupiscence.
Article
6 : La colère est-elle pire que la haine ?
Objection
N°1. Il semble que la colère soit plus grave que la haine. Car il est écrit (Prov., 27, 4) : La colère et la fureur qui éclate sont sans miséricorde. Or, la
haine se laisse quelquefois fléchir. Donc la colère est plus grave qu’elle.
Réponse
à l’objection N°1 : Dans la colère et la haine on peut considérer deux choses,
l’objet qu’on désire et l’intensité de ce désir. Quant à l’objet du désir, la
colère est plus compatissante que la haine ; car par là même que la haine
désire le mal d’autrui pour lui-même, rien ne peut l’assouvir. En effet, les
choses qu’on désire pour elles-mêmes, on les désire sans mesure, comme le dit
Aristote (Pol., liv. 1, chap. 6).
C’est ainsi que l’avare désire les richesses. C’est pourquoi il est écrit (Ecclésiastique, 12,16) : Si l’ennemi trouve l’occasion de vous perdre
il sera insatiable de votre sang. Mais la colère ne désire le mal que pour
exercer une juste vengeance. Ainsi quand le mal vient à dépasser les bornes de
la justice, au jugement de celui qui était irrité, alors il se laisse fléchir.
C’est la remarque d’Aristote qui dit (Rhet., liv. 2,
chap. 4) que celui qui est en colère peut être calmé par divers moyens, tandis
que celui qui a de la haine ne peut l’être jamais. Par rapport à l’intensité du
désir, la colère exclut la compassion plutôt que la haine, parce que le
mouvement de la colère est plus impétueux par suite de la facilité avec
laquelle la bile s’enflamme. Aussi l’Ecriture ajoute (Prov., 27, 4) : Qui pourra soutenir la violence d’un homme
emporté ?
Objection
N°2. Souffrir le mal et en gémir, c’est plus que de le souffrir simplement. Or,
pour celui qui hait quelqu’un, il lui suffit que son ennemi souffre une peine
quelconque, mais pour celui qui est en colère ce n’est pas assez ; il veut
qu’il connaisse la main qui le frappe et qu’il s’en afflige, comme le dit
Aristote (Rhet., liv. 2, chap. 4). Donc la colère est plus
grave que la haine.
Réponse
à l’objection N°2 : Comme nous l’avons dit (dans le corps de l’article.), celui
qui est irrité désire le mal d’autrui parce qu’il le considère comme une juste
vengeance. La vengeance s’exerce en portant une peine. Or, il est dans la
nature de la peine d’être contraire à la volonté, d’affliger celui qui la
reçoit et d’être imposée pour une faute quelconque. C’est pourquoi celui qui
est irrité veut que celui à qui il fait du tort le sache, qu’il en ait de la
peine et qu’il apprenne que ce mal lui arrive en punition de son outrage. Mais
celui qui hait ne s’inquiète nullement de cela, parce qu’il désire le mal
d’autrui pour lui-même. Toutefois il n’est pas vrai que le plus grand mal soit
celui dont on s’attriste. Car l’injustice et l’imprudence sont des maux,
néanmoins parce qu’ils sont volontaires ils ne contristent pas ceux dans
lesquels ils se trouvent (Ces maux sont cependant incomparablement plus graves
que la peine ou le châtiment qui déplaît au pécheur.), comme le dit Aristote (Rhet., liv. 2, chap. 4).
Objection
N°3. Plus il y a de choses qui concourent à la formation d’une autre, et plus
celle-ci paraît avoir de stabilité. Ainsi une habitude qui résulte de plusieurs
actes est plus permanente. Or, la colère résulte du concours de plusieurs
passions, comme nous l’avons dit (art. 1), tandis qu’il n’en est pas de même de
la haine. Donc la colère est plus ferme et plus grave que la haine.
Réponse
à l’objection N°3 : Ce qui résulte de plusieurs causes est plus stable quand
les causes sont d’égale valeur, mais une cause peut l’emporter sur plusieurs
autres. Or, la haine provient d’une cause plus permanente que la colère. Car la
colère provient de ce que l’esprit s’émeut à propos d’une injure qu’il a reçue,
tandis que la haine provient de la disposition d’un individu d’après laquelle
il regarde comme contraire et nuisible ce qu’il hait. C’est pourquoi comme la
passion passe plus vite que la disposition ou l’habitude, la colère passe plus
vite que la haine, parce que la haine, bien que ce soit une passion, provient
de cette disposition. C’est pourquoi Aristote dit (Rhet., liv. 2, chap. 4) que la haine est plus inguérissable que la
colère.
Mais
c’est le contraire. Saint Augustin (Reg.,
chap. 37) compare la haine à une poutre et la colère à un fétu.
Conclusion
Puisque l’objet de la haine est le mal considéré comme tel, et celui de la
colère le mal considéré sous le rapport du bien, la haine est donc bien pire et
bien plus grave que la colère.
Il faut répondre que l’espèce de la passion et
sa nature s’apprécient d’après son objet. Or, l’objet
de la colère et de la haine est le même subjectivement. Car, comme celui qui
hait désire du mal à son ennemi, de même celui qui est irrité en désire à celui
contre lequel il est en colère, mais non sous le même rapport. En effet celui
qui hait cherche le mal de son ennemi comme une chose mauvaise, tandis que
celui qui est irrité veut le mal de celui contre lequel il s’irrite, parce que
ce mal lui paraît un bien. Car dans son opinion il pense qu’en se vengeant il
fait un acte de justice. De là nous avons conclu (art. 2) que la haine se
produit par l’application du mal au mal, et la colère par l’application du bien
au mal. Or, il est évident qu’il est moins mauvais de désirer le mal pour une
raison de justice que de le vouloir d’une manière absolue. Car en voulant le
mal de quelqu’un parce que ce mal est juste on peut agir selon la vertu de
justice, si on obéit au précepte de la raison. Et la colère n’est coupable en
cette circonstance que parce qu’elle déroge à ce précepte en agissant avec
vengeance. D’où il est évident que la haine est bien pire et bien plus grave
que la colère.
Article
7 : La colère ne s’élève-t-elle que contre ceux que regarde la justice ?
Objection
N°1. Il semble que la colère ne s’élève pas seulement contre ceux qui sont
capables de justice. Car les êtres déraisonnables n’en sont pas capables, et
cependant l’homme se fâche quelquefois contre eux ; ainsi par exemple
l’écrivain jette sa plume de colère ou le cavalier frappe son cheval. Donc la
colère ne se rapporte pas seulement à ceux qui sont capables de justice.
Réponse
à l’objection N°1 : Comme nous l’avons dit (art. 4, réponse N°2), la colère,
quoiqu’elle existe avec la raison, peut cependant se trouver dans les animaux qui
sont dépourvus de cette faculté, parce que leur instinct naturel les porte, au
moyen de leur imagination, à des actions qui ressemblent aux œuvres de la
raison. Ainsi donc, puisque l’homme a la raison et l’imagination, la colère
peut se produire en lui de deux manières : 1° Elle peut résulter de
l’imagination seule qui lui montre l’offense qu’il a reçue. Dans ce cas la
colère s’élève contre des choses irraisonnables et inanimées, et ressemble aux
mouvements qu’éprouve l’animal à propos de tout ce qui lui nuit. 2° Elle peut
provenir de la raison qui découvre elle-même le mal qu’on a reçu. Alors, comme
le dit Aristote (Rhet., liv. 2, chap. 3), la colère ne peut
se porter d’aucune manière vers les choses insensibles, ni vers les morts ;
soit parce qu’ils n’ont pas le sentiment de la douleur, et c’est surtout ce que
recherchent ceux qui sont irrités à l’égard de ceux qui sont l’objet de leur
colère ; soit parce qu’il n’y a pas de vengeance à exercer contre eux,
puisqu’ils ne peuvent faire injure à personne.
Objection
N°2. L’homme n’a pas de justice à exercer envers lui-même, ni à l’égard de ce
qui lui appartient, comme le dit Aristote (Eth., liv. 5, chap. 6). Or, l’homme se fâche quelquefois contre
lui-même, comme le pénitent à cause de ses péchés. C’est ce qui fait dire au
Psalmiste (Ps. 4, 5) : Fâchez-vous, mais ne péchez pas. Donc la
colère ne se porte pas seulement sur ceux qui sont capables de justice.
Réponse
à l’objection N°2 : Comme le dit Aristote (Eth., liv. 5, ad fin.), il
peut y avoir métaphoriquement justice et injustice de l’homme envers lui-même,
en ce sens que la raison régit l’irascible et le concupiscible. C’est ainsi
qu’on dit que l’homme tire vengeance de lui-même et que par conséquent il se
fâche contre lui-même ; mais on ne pourrait pas le dire d’une manière propre et
absolue.
Objection
N°3. Il peut y avoir justice et injustice de la part d’un genre entier ou d’une
communauté entière ; par exemple quand une cité a lésé quelqu’un. Or, la colère
ne se rapporte pas au genre, mais seulement aux individus, comme le dit
Aristote (Rhet., liv. 2, chap. 4). Donc la colère ne
se rapporte pas à proprement parler à ceux qui sont capables de justice et
d’injustice.
Réponse
à l’objection N°3 : Aristote (Rhet., liv. 2,
chap. 4) ne met qu’une différence entre la haine et la colère, c’est que la
haine peut se rapporter à un genre quelconque ; ainsi nous haïssons le genre
entier des voleurs, tandis que la colère n’a pour objet que ce qui est
individuel. La raison en est que la haine provient de ce que nous considérons
la manière d être d’une chose comme contraire à notre disposition (Ainsi on
hait le venin et la morsure de tous les serpents en général et en particulier.)
; ce qui peut avoir lieu à l’égard de l’universel aussi bien qu’à l’égard] du
particulier. Mais la colère résulte de ce que quelqu’un nous a offensés par son
action. Or, tous les actes se rapportent aux individus ; c’est ce qui fait que
la colère a toujours pour objet quelque chose d’individuel. Ainsi quand une
ville entière nous a blessés, on considère cette ville comme un seul être
individuel.
Mais
c’est le contraire. Aristote l’affirme (Rhet., liv. 2,
chap. 2 à 4).
Conclusion
Puisque c’est à la justice qu’il appartient d’exercer la vengeance, la colère
ne se rapporte qu’à ceux qui sont capables de celte vertu.
Il
faut répondre que, comme nous l’avons dit (art. préc.),
la colère désire le mal comme un moyen de juste vengeance ; c’est pourquoi elle
se rapporte aux mêmes individus que la justice et l’injustice. En effet, c’est
à la justice qu’appartient la vengeance et c’est à l’injustice que reviennent
les blessures ou les outrages. Ainsi du côté de sa cause qui est l’offense
faite par un autre aussi bien que du côté de la vengeance que désire celui qui
est irrité, il est évident que la colère se rapporte aux mêmes individus que la
justice et l’injustice.
Article
8 : A-t-on distingué convenablement les différentes espèces de colère ?
Objection
N°1. Il semble que saint Jean Damascène (De
fid. orth., liv. 2, chap.
16) distingue à tort trois espèces de colère : le fiel, la manie et la fureur.
Car on ne distingue pas les espèces d’un genre d’après ce qu’il y a en elles
d’accidentel. Or, ces trois espèces se distinguent d’après des accidents. En
effet, on appelle fiel le principe du mouvement de la colère ; on donne le nom
de manie à la colère quand elle est permanente, et celui de fureur à la colère
qui cherche l’occasion de la vengeance. Donc il n’y a pas différentes espèces
de colère.
Réponse
à l’objection N°1 : Toutes les choses qui contribuent au développement de la
colère ne se rapportent pas à elle d’une manière purement accidentelle. C’est
pourquoi rien n’empêche qu’on ne puisse ainsi distinguer différentes espèces de
colère.
Objection
N°2. Cicéron dit (De Tusc.,
liv. 4) que l’emportement que les Grecs désignent sous le nom de θυμòς est la colère qui s’élève et qui se passe en un
instant. Or, saint Jean Damascène (loc.
cit.) emploie le mot θυμòς
pour exprimer la fureur. Donc la fureur ne respire pas après la vengeance, mais
elle s’affaiblit plutôt avec le temps.
Réponse
à l’objection N°2 : L’emportement dont parle Cicéron paraît appartenir plutôt à
la première espèce de colère qui est prompte qu’à la fureur. D’ailleurs rien
n’empêche que le mot grec θυμòς,
que les Latins traduisent par fureur, n’exprime tout à la fois la promptitude
de la colère et son obstination dans le dessein qu’elle a de punir.
Objection
N°3. Saint Grégoire distingue (Mor., liv. 21,
chap. 4) dans la colère trois degrés : la colère silencieuse, la colère
accompagnée de la voix, la colère accompagnée de la parole exprimant la pensée.
C’est d’après cette triple distinction que Notre-Seigneur
dit (Matth., 5, 22) : Celui qui se fâche contre son frère, il exprime par là la colère
silencieuse. Puis il ajoute : Celui qui
aura dit à son frère : Racha ; il indique par ces
mots la colère accompagnée de la voix, mais qui n’exprime pas pleinement ses
pensées. Et enfin il dit : Celui qui aura
dit à son frère : Fat, ce qui signifie l’expression complète de la parole.
Donc saint Jean Damascène n’a pas été complet dans son énumération, puisqu'il
n’a fait aucune distinction relativement à la voix.
Réponse
à l’objection N°3 : Ces degrés de colère se distinguent d’après les effets de
cette passion, mais non d’après ses divers états de perfection (C’est-à-dire
que saint Grégoire distingue la colère d’après ses effets, mais non d’après ses
différentes espèces.).
Mais
c’est le contraire. L’autorité de saint Jean Damascène et celle de Némésius (De nat. hom., chap. 21) sont formelles.
Conclusion
Il y a trois espèces de colère, le fiel, la manie et la fureur, et ces trois
distinctions se rapportent aux objets qui augmentent la colère.
Il
faut répondre que les trois espèces de colère désignées par saint Jean
Damascène et par Némésius se prennent des objets qui
ajoutent à la colère, ce qui arrive de trois manières : 1° Par la facilité du
mouvement, et c’est cette colère qu’on appelle fiel, parce qu’elle s’enflamme rapidement. 2° Par l’effet de la
tristesse qui est cause de cette colère dont le souvenir reste longtemps dans
l’esprit ; et c’est ce qui constitue la manie
qui vient du mot latin manere
(demeurer). 3° Par suite de la vengeance que celui qui est irrité désire ; ce
qui appartient à la fureur qui n’a
jamais de repos tant qu’elle n’a pas puni le coupable. De là Aristote dit (Eth., liv. 4, chap. 5) que parmi ceux qui
se mettent en colère, il y en a qu’on appelle violents parce que leur colère est prompte, d’autres qu’on appelle amers parce qu’ils gardent longtemps
leur rancune, enfin d’autres qui sont difficiles
parce qu’ils ne s’apaisent que quand ils ont rendu le mal pour le mal.
Copyleft. Traduction
de l’abbé Claude-Joseph Drioux et de JesusMarie.com qui autorise toute personne à copier et à rediffuser par
tous moyens cette traduction française. La Somme Théologique de Saint Thomas
latin-français en regard avec des notes théologiques, historiques et
philologiques, par l’abbé Drioux, chanoine honoraire de Langres, docteur en
théologie, à Paris, Librairie Ecclésiastique et Classique d’Eugène Belin, 52,
rue de Vaugirard. 1853-1856, 15 vol. in-8°. Ouvrage honoré des
encouragements du père Lacordaire o.p. Si par erreur, malgré nos vérifications,
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