Saint Thomas d’Aquin - Somme Théologique
1a 2ae = Prima Secundae = 1ère partie de la 2ème Partie
Question 71 :
Des vices et des péchés considérés en eux-mêmes
Après
avoir parlé des vertus nous avons à nous occuper des vices et des péchés. — A
ce sujet il y a six choses à considérer : Il faut examiner : 1° les vices et
les péchés en eux-mêmes ; 2° leur distinction ; 3° le rapport qu’ils ont entre
eux ; 4° le sujet du péché ; 5° sa cause ; 6° son effet. — Touchant le vice et
le péché considérés en eux-mêmes six questions se présentent : 1° Le vice
est-il contraire à la vertu ? (Il est dit dans l’Ecriture (Is.,
5, 20) : Malheur à vous, qui dites que le
mal est bien, et que le bien est mal ; qui changez les ténèbres en lumière, et
la lumière en ténèbres.) — 2° Le vice est-il contre nature ? (Il ne s’agit
pas ici d’une contrariété absolue, comme si le vice répugnait aux principes
essentiels de la nature humaine, mais il s’agit seulement de la disconvenance
qui se trouve entre vice et la nature d’un être raisonnable.) — 3° Ce qu’il y a
de pire est-ce le vice ou l’acte vicieux ? (L’Ecriture
indique que l’acte est pire que l’habitude par ces paroles (Ecclésiastique, 31,
10) : il a pu violer la loi, et il ne l’a
point violée ; il a pu faire le mal, et il ne l’a pas fait.) — 4° L’acte
vicieux peut-il exister simultanément avec la vertu ? — 5° Dans tout péché y a-t-if un acte ? — 6° De la définition du péché que donne
saint Augustin dans son livre contre Fauste (Cont. Faust., liv. 22) quand il dit : que le péché est une parole, une action ou
un désir contraire à la loi éternelle. (Saint Ambroise définit le péché une
transgression de la loi de Dieu (De Par.,
chap. 8) ; la définition de saint Augustin revient à celle-là, mais elle
exprime mieux ce qu’il y a de matériel dans le péché.)
Article
1 : Le vice est-il contraire à la vertu ?
Objection
N°1. Il semble que le vice ne soit pas contraire à la vertu. Car il n’y a
qu’une chose qui soit contraire à une autre, comme le prouve Aristote (Met. liv. 10, text.
17). Or, le péché et la malice sont contraires à la vertu. Donc le vice ne lui
est pas contraire, puisque l’on donne le nom de vice à la mauvaise disposition
des membres corporels ou de toute autre chose.
Réponse
à l’objection N°1 : Ces trois choses ne sont pas contraires à la vertu sous le
même rapport ; le péché lui est contraire quand on la considère comme la
puissance productive du bien ; la malice quand on la prend pour la bonté, mais
le vice lui est contraire à proprement parler, c’est-à-dire quand on la
considère comme vertu.
Objection
N°2. La vertu désigne une certaine perfection de la puissance, tandis que le
vice n’indique rien qui appartienne à la puissance. Donc le vice n’est pas
contraire à la vertu.
Réponse
à l’objection N°2 : La vertu n’implique pas seulement la perfection de la
puissance qui est le principe de l’action ; mais elle implique encore une bonne
disposition de la part de celui qui est vertueux ; parce que tout être agit
selon qu’il est en acte. Il est donc nécessaire que l’être qui doit faire le
bien soit convenablement disposé en soi. C’est ainsi que le vice est contraire
à la vertu.
Objection
N°3. Cicéron dit (De Tusc.
quæst., liv. 4) que la
vertu est comme la santé de l’âme. Or, la peine ou la maladie est opposée à la
santé plus que le vice. Donc le vice n’est pas contraire à la vertu.
Réponse
à l’objection N°3 : Comme le dit Cicéron (Tusc. quæst., liv. 4), les
maladies et les indispositions (ægrotatio) sont des parties du vice. Car dans le corps on
appelle maladie (morbus) la corruption du corps entier, comme la fièvre ou toute
autre chose semblable ; on donne le nom d’indisposition
(ægrotatio)
à la maladie quand elle est accompagnée d’un certain affaiblissement, et enfin
on se sert du mot vice quand les
parties du corps ne s’accordent pas entre elles. Quoique dans le corps la
maladie existe quelquefois sans l’indisposition, puisqu’on peut souffrir
intérieurement sans être pour cela empêché de vaquer extérieurement à ses
travaux ordinaires, cependant à l’égard de l’esprit, comme Cicéron le remarque
lui-même, on ne peut séparer ces deux choses que par la pensée. En effet quand
on est intérieurement mal disposé et qu’on a une affection déréglée, il est
nécessaire que l’on soit moins apte à faire ce qui est de devoir. Car on
connaît l’arbre par ses fruits, c’est-à-dire l’homme par ses œuvres, comme le
dit l’Evangile (Matth., chap. 12). Or, d’après
Cicéron lui-même, le vice de l’âme est une habitude ou une affection qui varie
pendant toute la vie et qui est toujours en désaccord avec elle-même : ce qui
existe sans maladie ou sans indisposition, quand, par exemple, quelqu’un pèche
par faiblesse ou par passion. Par conséquent le mot vice a plus d’extension que les mots maladie ou indisposition
; comme la vertu se prend dans un
sens plus étendu que la santé, car la
santé est aussi appelée une vertu (Phys.,
liv. 7, text. 47). C’est pourquoi il est plus
convenable d’opposer le vice à la vertu que l’indisposition ou la maladie.
Mais
c’est le contraire. Saint Augustin dit (De
perf. just., chap. 2) que le vice est une
qualité qui rend l’âme mauvaise, tandis que la vertu est une qualité qui rend
bon celui qui la possède, comme nous l’avons prouvé (quest. 55, art. 3 et 4).
Donc le vice est contraire à la vertu.
Conclusion
Le péché est contraire à la vertu selon qu’elle se rapporte au bien ; la malice
lui est opposée si on la considère comme une certaine bonté, mais le vice lui
est contraire selon sa propre essence.
Il
faut répondre que nous pouvons considérer deux choses à l’égard de la vertu,
l’essence même de la vertu et l’objet auquel elle se rapporte. L’essence de la
vertu peut se considérer directement, et on peut considérer ce qui en est la
conséquence. La vertu implique directement une certaine disposition dans celui
qui se conduit conformément à sa nature. C’est ce qui fait dire à Aristote (Phys., liv. 7, text.
17) que la vertu est la disposition de l’être parfait à ce qu’il y a de mieux,
et par le mot parfait on entend l’être disposé conformément à sa nature (Dans
l’homme cette perfection n’est pas autre chose que la conformité de ses actions
avec la droite raison, parce que sa nature est celle d’un être raisonnable.).
Si on considère la vertu dans ce qui en est la conséquence, il résulte de là
que c’est une certaine bonté. Car la bonté d’une chose consiste en ce qu’elle
est bien disposée selon le mode de sa nature. De plus l’objet auquel la vertu
se rapporte est l’acte bon (L’acte n’est bon dans cette circonstance qu’autant
qu’il est raisonnable.), comme nous l’avons prouvé (quest. 55, art. 3 et quest.
56, art. 3). D’après cela il y a trois choses qui sont opposées à la vertu. La
première est le péché, qui lui est
opposé relativement à l’objet auquel elle se rapporte ; car on donne le nom de
péché proprement dit à tout acte désordonné, comme un acte de vertu est un acte
bien ordonné et bien réglé. En second lieu, la malice lui est opposée relativement à la conséquence qui découle de
son essence et qui est la bonté. Mais si on la considère directement dans ce
qui est de son essence, le vice lui
est contraire. Car le vice d’une chose quelle qu’elle soit paraît provenir de
ce qu’elle n’est pas disposée comme il convient à sa nature. C’est ce qui fait
dire à saint Augustin (De lib. arb., liv. 3, chap. 4) : Appelez vice
tout ce que vous voyez qui manque à la perfection de la nature.
Article
2 : Le vice est-il contre nature ?
Objection
N°1. Il semble que le vice ne soit pas contre nature. Car le vice est contraire
à la vertu, comme nous l’avons dit (art. préc.). Or,
les vertus ne sont pas produites en nous par la nature, mais elles y sont
produites par infusion ou par la réitération accoutumée des mêmes actes, comme
nous l’avons vu (quest. 63, art. 2 et 3). Donc les vices ne sont pas contre
nature.
Réponse
à l’objection N°1 : Les vertus, quoiqu’elles ne soient pas produites par la
nature dans leur état de perfection, cependant nous portent à ce qui est
conforme à la nature, c’est-à-dire conforme à la raison (L’homme est
naturellement corruptible par rapport à la matière dont il est composé, mais il
ne l’est pas par rapport à la forme, qui est l’âme raisonnable ; il ne se
corrompt qu’en agissant contre elle.). Car Cicéron dit (Rhet., liv. 2 De invent.) que la vertu est une sorte d’habitude
naturelle conforme à la raison. C’est dans ce sens qu’on dit que la vertu est
conforme à la nature et que par opposition on entend que le vice lui est
contraire.
Objection
N°2. Les choses qui sont contre nature ne peuvent passer en habitudes ; ainsi
on ne peut habituer la pierre à s’élever en l’air, comme le dit Aristote (Eth., liv. 2,
chap. 1 in princ.).
Or, il y a des hommes qui ont l’habitude du vice. Donc le vice n’est pas contre
nature.
Réponse
à l’objection N°2 : Aristote parle en cet endroit des choses qui sont contre
nature, selon qu’elles sont opposées aux effets qui en procèdent (Comme le
mouvement d’une pierre qu’on jette en l’air.), mais il n’en parle pas selon
qu’elles sont opposées à celles qui lui sont conformes (Il ne parle pas des
êtres libres qui peuvent résistera l’inclination de leur nature.), dans le sens
qu’on dit que les vertus sont conformes à la nature, parce qu’elles nous
portent à faire des actes qui sont en harmonie avec elle.
Objection
N°3. Ce qui est contre nature ne se rencontre pas dans le plus grand nombre de
ceux qui possèdent cette nature. Or, on trouve des vices dans la plupart des
hommes. Car, comme le dit l’Evangile (Matth., 7, 13)
: Elle est large la voie qui mène à la
perdition, et il y en a beaucoup qui la prennent. Donc le vice n’est pas
contre nature.
Réponse
à l’objection N°3 : Dans l’homme il y a deux sortes de nature, la nature
raisonnable et la nature sensitive. L’homme étant conduit par les opérations
des sens à la raison, il arrive qu’il y en a plus qui
suivent les penchants de la nature sensitive qu’il n’y en a qui suivent l’ordre
de la raison. Car il y en a plus qui commencent une
chose qu’il n’y en a qui la mènent à sa perfection. Or, les vices et les péchés
dans l’homme proviennent de ce qu’il suit le penchant de sa nature sensitive
contrairement à l’ordre de la raison.
Objection
N°4. Le péché est au vice ce que l’acte est à l’habitude, comme on le voit
d’après ce que nous avons dit (art. préc.). Or, saint
Augustin définit le péché une parole, une action, ou un désir contraire à la
loi de Dieu (Cont. Faustum,
liv. 22, chap. 27). Puisque la loi de Dieu est au-dessus de la nature, on doit
donc dire que le vice est contraire à la loi plutôt que contraire à la nature.
Réponse
à l’objection N°4 : Tout ce qui est contraire à la nature d’un objet d’art, est
aussi contraire à la nature de l’art d’après lequel cet objet a été produit.
Or, la loi éternelle est à l’ordre de la raison humaine ce que l’art est à
l’objet que l’artisan produit. Par conséquent le vice et le péché sont
contraires à la loi éternelle pour la même raison qu’ils sont contraires à
l’ordre de la raison humaine. C’est ce qui fait dire à saint Augustin (De lib. arb.,
liv. 3, chap. 6) que tous les êtres tiennent de Dieu ce qu’ils sont
naturellement et qu’ils sont vicieux en raison de ce qu’ils s’éloignent de
l’art d’après lequel ils ont été faits.
Mais
c’est le contraire. Saint Augustin dit (De
lib. arb., liv. 3, chap. 13) : Tout vice,
par là même que c’est un vice, est contre nature.
Conclusion
L’homme étant constitué dans son espèce parce qu’il a une âme raisonnable, le
vice est contraire à la nature humaine, puisqu’il sort de l’ordre rationnel.
Il faut répondre que, comme nous l’avons dit
(art. préc.), le vice est contraire à la vertu. Or,
la vertu d’une chose consistant en ce qu’elle est bien disposée conformément à
sa nature, ainsi que nous l’avons vu (ibid.),
il faut donc que l’on appelle vicieuse toute chose qui a des dispositions
contraires à sa nature, et que par conséquent on parte de là pour la blâmer ;
car le mot latin vituperatio
qui signifie blâme parait tiré du mot vice
(vitium),
comme le dit saint Augustin (De lib. arb.,
liv. 3, chap. 14). Mais il est à remarquer que la nature d’une chose consiste
principalement dans la forme qui détermine son espèce. Et comme ce qui
constitue l’espèce de l’homme c’est son âme raisonnable, il s’ensuit que ce qui
est contraire à l’ordre de la raison est, à proprement parler, contraire à la
nature humaine, considérée comme telle, tandis que ce qui est conforme à la
raison est conforme à la nature même de l’homme. D’ailleurs le bien de l’homme,
d’après saint Denis (De div. nom., chap. 4),
consiste dans la conformité de l’homme avec la raison, et le mal de l’homme
provient de son opposition avec la raison. Par conséquent la vertu humaine qui
constitue la bonté de l’homme et de ses œuvres est conforme à la nature de
l’homme selon qu’elle est conforme à la raison, et le vice est contraire à
cette même nature selon qu’il est contraire à cette faculté.
Article
3 : Le vice est-il pire que l’acte vicieux ?
Objection
N°1. Il semble que le vice, qui est une habitude mauvaise, soit pire que le
péché qui est un acte mauvais. Car comme le bien est meilleur à mesure qu’il a
plus de durée, de même le mal devient pire selon qu’il dure plus longtemps. Or,
une habitude vicieuse a plus de durée qu’un acte vicieux qui ne fait que
passer. Donc une habitude vicieuse est pire qu’un mauvais acte.
Réponse
à l’objection N°1 : Rien n’empêche qu’une chose ne soit absolument supérieure à
une autre et qu’elle lui soit inférieure sous un rapport. Car on juge qu’une
chose est absolument supérieure à une autre quand on les considère toutes deux
dans ce qui leur est essentiel, et on dit qu’elle lui est supérieure sous un
rapport quand on les considère dans ce qui leur est accidentel. Or, nous avons
prouvé (dans le corps de l’article.) d’après la nature même de l’acte et de
l’habitude que l’acte l’emporte en bonté et en malice sur l’habitude. Mais si
l’habitude a plus de durée que l’acte, ceci provient de ce que l’un et l’autre
se trouvent dans une nature qui ne peut toujours agir, et dont l’action
consiste dans un mouvement transitoire ou passager. Ainsi l’acte l’emporte
d’une manière absolue en bonté et en malice, tandis que l’habitude l’emporte
sous un rapport (L’habitude l’emporte accidentellement sur l’acte, non
seulement parce qu’elle a plus de durée, mais encore
parce qu’un vice est la cause d’une foule de péchés.).
Objection
N°2. On doit fuir plusieurs maux avec plus d’empressement qu’un seul. Or, une
habitude mauvaise est virtuellement cause d’une multitude d’actes mauvais
aussi. Donc une habitude vicieuse est pire qu’un acte vicieux.
Réponse
à l’objection N°2 : L’habitude ne suppose pas absolument plusieurs actes, elle
ne les suppose que sous un rapport, c’est-à-dire virtuellement. Par conséquent
on ne peut pas conclure de là que l’habitude l’emporte absolument (On peut en
conclure seulement qu’elle remporte accidentellement.) sur l’acte en bonté et
en malice.
Objection
N°3. La cause l’emporte sur l’effet. Or, l’habitude complète l’acte en bonté
aussi bien qu’en malice. Donc l’habitude l’emporte sur l’acte en bonté et en
malice.
Réponse
à l’objection N°3 : L’habitude est la cause de l’acte en ce sens qu’elle en est
la cause efficiente, mais l’acte est la cause de l’habitude à titre de cause finale,
puisque c’est lui qui détermine sa bonté et sa malice. C’est pourquoi l’acte
l’emporte sur l’habitude en bonté et en malice.
Mais
c’est le contraire. On punit avec justice quelqu’un pour un acte vicieux, mais
non pour une habitude vicieuse quand elle ne passe pas à l’acte. Donc l’acte
vicieux est pire que l’habitude.
Conclusion
Puisqu’on dit qu’une habitude est bonne ou mauvaise en raison de la bonté ou de
la malice de l’acte, c’est-à-dire selon qu’elle porte à un acte bon ou mauvais,
il s’ensuit qu’absolument parlant les actes mauvais sont pires que les
mauvaises habitudes.
Il
faut répondre que l’habitude tient le milieu entre la puissance et l’acte. Or,
il est évident qu’en bien comme en mal l’acte l’emporte sur la puissance, comme
le dit Aristote (Met., liv. 9, text. 19) ; car il est mieux de bien agir que de pouvoir
bien agir ; de même il est plus blâmable de mal agir que de pouvoir le faire.
D’où il résulte qu’en bonté et en malice l’habitude tient le milieu entre la puissance
et l’acte, de telle sorte que comme l’habitude bonne ou mauvaise l’emporte en
bonté ou en malice sur la puissance, de même elle est inférieure à l’acte. Ce
qui est d’ailleurs manifeste, parce qu’on ne dit d’une habitude qu’elle est
bonne ou mauvaise qu’autant qu’elle nous porte à un bon ou à un mauvais acte.
D’où il suit que c’est la bonté ou la malice de l’acte qui décide de la bonté
ou de la malice de l’habitude. Par conséquent l’acte l’emporte en bonté ou en
malice sur l’habitude, parce que ce qui décide du caractère d’une chose possède
ce caractère plus éminemment qu’elle.
Article
4 : Le péché peut-il exister simultanément avec la vertu ?
Objection
N°1. Il semble qu’un acte vicieux ou le péché ne puisse pas exister simultanément
avec la vertu. Car les contraires ne peuvent exister simultanément dans le même
sujet. Or, le péché est en un sens contraire à la vertu, comme nous l’avons dit
(art. l). Donc le péché ne peut exister simultanément avec elle.
Réponse
à l’objection N°1 : Le péché n’est pas contraire à la vertu considérée en
elle-même, mais il est contraire à ses actes. C’est pourquoi le péché est
incompatible avec l’acte de la vertu, tandis qu’il ne l’est pas avec
l’habitude.
Objection
N°2. Le péché est pire que le vice, c’est-à-dire l’acte mauvais est pire qu’une
habitude mauvaise. Or, le vice ne peut exister simultanément avec la vertu dans
le même sujet. Donc le péché ne peut pas exister non plus.
Réponse
à l’objection N°2 : Le vice est directement contraire à la vertu, comme le
péché l’est à l’acte vertueux ; c’est pourquoi le vice exclut la vertu comme le
péché exclut l’acte vertueux.
Objection
N°3. Comme le péché existe dans les choses volontaires, de même il se rencontre
dans les choses naturelles, ainsi que le dit Aristote (Phys., liv. 2, text. 82). Or, le péché
n’a jamais lieu dans l’ordre de la nature que par suite d’une corruption
quelconque de la vertu naturelle ; ainsi les monstres résultent de la
corruption de l’un des principes qui concourent à les produire, selon la
remarque d’Aristote (Phys., liv. 2).
Donc dans les choses volontaires le péché n’a lieu que par suite de la
corruption de la vertu de l’âme. Par conséquent le péché et la vertu ne peuvent
exister dans le même sujet.
Réponse
à l’objection N°3 : Les vertus naturelles agissent nécessairement (La pierre se
porte nécessairement vers le centre de la terre.). C’est pour cette raison que
tant que la vertu existe dans son intégrité, le péché ne peut jamais avoir lieu
actuellement. Mais les vertus de l’âme ne produisent pas leurs actes nécessairement
; par conséquent il n’y a pas de parité.
Mais
c’est le contraire. Aristote dit (Eth., liv. 2, chap. 2 et 3) que la vertu est engendrée et
corrompue par les contraires. Or, un acte vertueux ne produit pas la vertu,
comme nous l’avons vu (quest. 51, art. 3). Donc un acte vicieux ou un péché ne
la détruit pas non plus ; par conséquent le péché et la vertu peuvent exister simultanément dans le même sujet.
Conclusion
Le péché mortel ne peut pas exister simultanément avec les vertus infuses comme
avec les vertus acquises, mais le péché véniel peut exister avec les unes et
les autres.
Il
faut répondre que le péché est à la vertu ce que l’acte mauvais est à une
mauvaise habitude. Or, l’habitude n’est pas dans l’âme ce que la forme est dans
les choses naturelles. Car la forme naturelle produit nécessairement une action
qui est d’accord avec elle. Par conséquent une forme naturelle ne peut exister
simultanément avec l’acte d’une forme qui lui est contraire. Ainsi l’action du
refroidissement est incompatible avec la chaleur, et le feu est également
incompatible avec le mouvement de haut en bas, à moins qu’il ne soit soumis à
l’action violente d’un principe extérieur. Mais l’habitude n’opère pas dans
l’âme nécessairement ; l’homme en fait usage quand il veut. Ainsi l’homme peut
avoir en lui-même une habitude et ne pas s’en servir ; il peut même faire un
acte qui lui soit contraire. Par conséquent l’homme vertueux peut faire un
péché. Or, le péché comparé à la vertu elle-même considérée comme une habitude
ne peut la corrompre si on ne le commet qu’une fois. Car comme il ne suffit pas
d’un acte pour produire une habitude, de même ce n’est pas assez d’un acte pour
la corrompre, comme nous l’avons dit (quest. 63, art. 2, réponse N°2). Mais si
on compare le péché à la cause des vertus, il peut se faire qu’il y ait des
vertus qu’un seul péché détruise. Car tout péché mortel est contraire à la
charité qui est la racine de toutes les vertus infuses, en tant que vertus (Si je fais cela, c’est la mort pour moi (Daniel, 13, 22).). C’est pourquoi la
charité étant détruite par un seul péché mortel, toutes les vertus infuses, en
tant que vertus, sont aussi par là même détruites. Ce qui est vrai également de
la foi et de l’espérance dont le péché mortel dégrade les habitudes et qui
cessent ainsi d’être des vertus. Mais le péché véniel qui n’est pas contraire à
la charité ne la détruit pas, et par conséquent il ne détruit pas non plus les
autres vertus. Quant aux vertus acquises, elles ne sont pas détruites par l’acte
d’un seul péché quel qu’il soit. Ainsi le péché mortel ne peut pas exister
simultanément avec les vertus infuses, mais il est compatible avec les vertus
acquises ; tandis que le péché véniel peut simultanément exister avec les
vertus infuses et les vertus acquises (Quoique d’ailleurs il ne leur soit pas
conforme et qu’il les affaiblisse.).
Article
5 : Dans tout péché y a-t-il un acte ?
Objection
N°1. Il semble que dans tout péché il y ait un acte. Car le péché est au vice
ce que le mérite est à la vertu. Or, il ne peut pas y avoir de mérite sans un
acte quelconque. Donc il ne peut pas non plus y avoir de péché.
Réponse
à l’objection N°1 : Le bien requiert plus de choses que le mal, parce que le
bien provient d’une cause totale et entière, tandis que le mal résulte de
chaque défaut en particulier, comme le dit saint Denis (De div. nom., chap. 4). C’est pourquoi il peut y avoir péché soit
qu’on fasse ce qu’on ne doit pas, soit que l’on ne fasse pas ce que l’on doit.
Mais il ne peut y avoir de mérite qu’autant qu’on fait volontairement ce qu’on
doit. C’est pour cette raison que le mérite ne peut pas exister sans l’acte,
tandis que le péché peut exister sans cela.
Objection
N°2. Saint Augustin dit (De lib. arb., liv. 3, chap. 18, et De ver. relig., chap. 14) que tout péché
est tellement volontaire que quand il n’a pas ce caractère ce n’est pas un
péché. Or, une chose ne peut être volontaire que par l’acte de la volonté. Donc
dans tout péché il y a un acte.
Réponse
à l’objection N°2 : On dit qu’une chose est volontaire non seulement parce
qu’elle appartient à l’acte de la volonté, mais parce qu’il est en notre
pouvoir de la faire ou de ne pas la faire, comme le dit Aristote (Eth., liv. 3,
chap. 5). Par conséquent le non-vouloir peut être
appelé volontaire, parce qu’il est au pouvoir de l’homme de vouloir et de ne
pas vouloir.
Objection
N°3. Si le péché existait sans un acte quelconque, il s’ensuivrait que l’on
pécherait par là même qu’on cesserait de faire ce que l’on doit faire. Or, il y
a des individus qui cessent continuellement de faire ce qu’ils doivent ; ce
sont ceux qui ne remplissent jamais leur devoir. Il résulterait de là que ces
individus pécheraient continuellement, ce qui est faux. Donc il n’y a pas de
péché sans acte.
Réponse
à l’objection N°3 : Le péché d’omission est contraire au précepte affirmatif
qui oblige toujours, mais non pas à toujours (Obligat semper, non ad semper, porte le texte, c’est-à-dire que le précepte
affirmatif ne nous permet jamais de faire le contraire de ce qu’il commande (obligat semper), mais il ne nous oblige pas de
le pratiquer à toute heure (non obligat ad semper). Il n’est obligatoire que pour des
temps déterminés.). C’est pourquoi en cessant d’agir on ne pèche que pour le
temps où le précepte affirmatif oblige.
Mais
c’est le contraire. Saint Jacques dit (4, 17) : Celui qui sait le bien qu’il doit faire, s’il ne le fait pas, pèche.
Or, l’abstention n’implique pas d’acte. Donc le péché peut exister sans acte.
Conclusion
Puisque le péché d’omission résulte quelquefois par accident et sans intention
de la cause ou de l’occasion qui se présente, et qu’on ne doit pas juger des
choses d’après ce qui se rapporte à elles accidentellement, on peut dire avec
plus de vérité que le péché peut exister absolument sans acte.
Il
faut répondre que cette question se rapporte principalement au péché d’omission
sur lequel les sentiments sont partagés. Car il y en a qui disent que dans tout
péché d’omission il y a un acte intérieur ou extérieur. Par exemple, l’acte est
intérieur lorsque quelqu’un ne veut pas aller à l’église quand il est tenu d’y
aller ; et il est extérieur lorsqu’au moment où une personne est tenue d’aller
à l’église elle se livre à des occupations qui l’empêchent d’y aller ; ce qui
semble revenir au même. Car celui qui veut faire une chose qui est incompatible
avec une autre, veut conséquemment s’abstenir de cette dernière, à moins qu’il
ne remarque pas qu’en voulant l’une il est dans l’impossibilité de faire
l’autre, et dans ce cas il pourrait pécher par ignorance. D’autres prétendent
que pour le péché d’omission il n’est pas nécessaire qu’il y ait un acte ; car
ce péché consiste uniquement à ne pas faire ce qu’on est tenu de faire. — Ces
deux sentiments sont vrais sous certain rapport. Car si dans le péché
d’omission on ne comprend que ce qui appartient absolument à l’essence du
péché, alors tantôt ce péché est accompagné d’un acte intérieur, comme quand on
veut ne pas aller à l’église, tantôt il n’est accompagné ni d’acte intérieur,
ni d’acte extérieur, comme quand à l’heure où l’on est tenu d’aller à l’église,
on ne pense ni à y aller, ni à n’y pas aller (Il peut y avoir néanmoins péché
dans celle circonstance, parce que cette omission peut provenir d’un oubli ou
d’une négligence coupable. Mais alors on comprend nécessairement dans le péché
d’omission la cause ou l’occasion qui l’a fait commettre. C’est pourquoi on
peut dire, à proprement parler, qu’il n’y a pas de péché d’omission sans un
acte de la volonté.). Mais si dans le péché d’omission on comprend les causes
ou les occasions qui le font commettre, il est nécessaire qu’il y ait dans ce
péché un acte quelconque. Car il n’y a péché d’omission que quand quelqu’un
omet ce qu’il peut faire et ne pas faire. Et pour que quelqu’un soit porté à ne
pas faire ce qu’il peut faire et ne pas faire, cela ne provient que d’une cause
ou d’une occasion antérieure ou concomitante. Si cette cause n’est pas au
pouvoir de l’homme, l’omission n’est pas un péché, comme quand quelqu’un par
suite d’une infirmité manque d’aller à l’église. Si la cause ou l’occasion de
l’omission est dépendante de la volonté, l’omission est un péché. Alors il faut
toujours que cette cause, en tant que volontaire, produise un acte, ne
serait-ce qu’un acte intérieur de la volonté. Cet acte se rapporte quelquefois
directement à l’omission elle-même, par exemple quand on ne veut pas aller à
l’église pour s’en éviter la peine. Dans ce cas cet acte appartient par
lui-même à l’omission. Car la volition de toute espèce de péché appartient par
elle-même au péché, par là même que le volontaire est de l’essence du péché.
D’autres fois l’acte de la volonté se porte directement vers un autre objet qui
empêche l’homme d’accomplir son devoir, soit que la chose vers laquelle la
volonté se porte se trouve jointe à l’omission (Alors elle est concomitante.
Dans ce cas l’acte qui empêche l’accomplissement du précepte, bien qu’il soit
honnête en lui-même, devient mauvais parce qu’il n’est pas fait dans les
circonstances voulues.), comme quand on veut jouer au moment où l’on devrait
aller à l’église ; soit qu’elle ait été antérieure (Cet acte est également
coupable si l’on a prévu qu’en prolongeant sa veillée on manquerait à la messe.
Mais les actes qui accompagnent l’omission sans y contribuer ne deviennent pas
répréhensibles, s’ils ne sont pas naturellement mauvais, et l’omission n’en est
ni plus ni moins grave.), comme quand on veut veiller longtemps le soir, d’où
il arrive qu’on ne va pas à l’église à l’heure des matines. Dans ce cas l’acte
intérieur se rapporte accidentellement à l’omission ; parce que l’omission en
résulte, sans qu’il y ait eu intention, comme on le voit (Phys., liv. 2, text. 49 et suiv.). D’où
il est manifeste qu’alors le péché d’omission est accompagné ou précédé d’un
acte quelconque qui ne se rapporte cependant à lui qu’accidentellement. Mais
comme on doit juger des choses d’après ce qu’elles sont par elles-mêmes et non
d’après ce qu’elles sont par accident, il est plus vrai de dire qu’il y a des
péchés qui peuvent exister absolument sans acte ; autrement les actes et les occasions
circonstancielles appartiendraient à l’essence des autres péchés actuels.
Article
6 : Est-il convenable de définir le péché, une parole, une action, ou un désir
contraire à la loi éternelle ?
Objection
N°1. Il semble qu’on définisse mal le péché quand on dit que c’est une parole, une action ou un désir
contraire à la loi éternelle. Car ces trois mots : parole, action, désir, impliquent un acte quelconque, comme nous
l’avons dit (art. préc.). Donc cette définition
n’embrasse pas toute espèce de péché.
Réponse
à l’objection N°1 : L’affirmation et la négation se ramènent au même genre,
comme en Dieu l’engendré et le non-engendré à la
relation, d’après ce que dit saint Augustin (De Trin., liv. 5, chap. 6 et 7). C’est pourquoi il faut prendre
pour une même chose ce qu’on dit et ce qu’on ne dit pas, ce qu’on fait et ce
qu’on ne fait pas (Les péchés d’omission sont donc par là même compris dans
cette définition. Il en est de même du péché originel si on le considère comme
un acte que nous avons produit par la volonté d’un autre qui nous est propre
d’une certaine manière.).
Objection
N°2. Saint Augustin dit (Lib. de duabus anim., chap. 11 et
12) : Le péché est la volonté de retenir ou d’acquérir ce que la justice
défend. Or, la volonté est comprise dans la concupiscence, selon que la
concupiscence prise dans un sens large renferme toute espèce d’appétit. Donc il
aurait suffi de dire : le péché est un désir contraire à la loi éternelle, et
il ne fallait pas ajouter que c’est une parole ou une action.
Réponse
à l’objection N°2 : La première cause du péché consiste dans la volonté qui
commande tous les actes volontaires, les seuls qui puissent être des péchés.
C’est pourquoi saint Augustin définit quelquefois le péché exclusivement
d’après la volonté. Mais comme les actes extérieurs appartiennent à la
substance du péché, puisqu’ils sont mauvais en eux-mêmes comme nous l’avons dit
(dans le corps de l’article et quest. 20), il a été nécessaire de mettre dans
la définition du péché quelque chose qui appartînt aux actes extérieurs
(C’était aussi utile pour écarter l’opinion de ceux qui supposaient que les
actes extérieurs n’étaient pas des péchés. Les juifs croyaient le contraire et
ne regardaient pas comme coupables les actes intérieurs. Mais Jésus-Christ a lui-même
condamné ces deux erreurs : Quiconque se
met en colère contre son frère sera condamné en jugement ; et celui qui dira à
son frère, Raca, sera condamné par le conseil, et celui qui lui dira, fou, sera
condamné à la géhenne du feu (Matth., 5, 22).).
Objection
N°3. Le péché consiste, à proprement parler, à se détourner de sa fin. Car le
bien et le mal se considèrent principalement par rapport à la fin, comme on le
voit d’après ce que nous avons dit (quest. 1, art. 3, et quest. 18, art. 4 et
6). De là saint Augustin (De lib. arb., liv. 1, chap. ult.) définit le
péché par rapport à la fin en disant que pécher n’est rien autre chose que de
négliger les biens éternels pour rechercher les biens temporels. Et ailleurs (Quæst,. liv. 83, quest. 30) il dit que toute la méchanceté de
l’homme consiste à user des choses dont il doit jouir et à jouir de celles dont
il doit user. Or, dans la définition précédente il n’est fait aucune mention de
l’éloignement de l’homme par rapport à sa fin
légitime. Donc cette définition est incomplète.
Réponse
à l’objection N°3 : La loi éternelle ordonne principalement et avant tout
l’homme à l’égard de sa fin, et par conséquent elle le dispose bien
relativement aux moyens. C’est pourquoi en disant : contraire à la loi éternelle ; ces mots indiquent l’éloignement de
l’homme pour sa fin et tous les autres dérèglements que le péché implique.
Objection
N°4. On dit qu’une chose est défendue parce qu’elle est contraire à la loi. Or,
tous les péchés ne sont pas mauvais, parce qu’ils sont défendus, mais il y en a
qui sont défendus, parce qu’ils sont mauvais. Donc dans la définition générale
du péché il ne fallait pas mettre qu’il est contraire
à la loi de Dieu.
Réponse
à l’objection N°4 : Quand on dit que tout péché n’est pas un mal parce qu’il
est défendu, on entend cela de la défense portée par le droit positif. Mais si
on le rapporte au droit naturel qui est contenu primitivement dans la loi
éternelle et secondairement dans le jugement naturel de la raison humaine,
alors tout péché est mal parce qu’il est défendu ; car par là même que c’est
une chose déréglée il répugne au droit naturel (Il n’y a donc pas de péché
purement philosophique, c’est-à-dire qui n’attaque que la raison sans offenser
Dieu.).
Objection
N°5. Le péché signifie un mauvais acte de l’homme, comme on le voit d’après ce
que nous avons dit (art. 1). Or, le mal de l’homme c’est ce qui est contraire à
la raison, comme le dit saint Denis (De
div. nom.,
chap. 4). Donc on aurait dû dire que le péché est contraire à la raison plutôt
que contraire à la loi éternelle.
Réponse
à l’objection N°5 : Les théologiens considèrent surtout le péché comme une
offense contre Dieu, tandis que les philosophes le considèrent au point de vue
de la morale comme contraire à la raison. C’est pourquoi il est mieux de dire
avec saint Augustin que le péché est contraire à la loi éternelle que de dire
qu’il est contraire à la raison ; surtout quand on observe que la loi éternelle
est notre guide à l’égard de beaucoup de choses qui surpassent la raison humaine,
par exemple à l’égard de tout ce qui est de foi.
Mais
c’est le contraire. Cette définition est celle de saint Augustin (Cont. Faust., liv. 22, chap. 27), et
l’autorité de ce père suffit pour l’établir.
Conclusion
Le péché n’étant rien autre chose qu’un acte humain mauvais, saint Augustin l’a
bien défini en disant que c’est une parole, une action ou un désir contraire à
la loi éternelle.
Il
faut répondre que, comme nous l’avons dit (art. 1), le péché n’est rien autre
chose qu’un acte humain mauvais. Or, un acte est humain parce qu’il est
volontaire, comme nous l’avons prouvé (quest. 1, art. 1), soit qu’il soit
volontaire parce qu’il émane de la volonté, comme vouloir ou choisir ; soit
qu’il soit commandé par la volonté, comme les actes extérieurs tels que la
parole ou l’action. L’acte humain est mauvais par là même qu’il n’a pas la mesure qu’il devrait avoir. Or, la mesure d’une
chose se considère toujours par rapport à une règle, et du moment où elle
s’écarte de cette règle elle est vicieuse. Il y a pour la volonté humaine deux
sortes de règles : l’une qui est prochaine et de même nature qu’elle, c’est la
raison humaine ; l’autre qui lui est supérieure et qu’on appelle la loi
éternelle, qui est en quelque sorte la raison divine. C’est pour ce motif que
dans la définition du péché saint Augustin fait entrer deux choses : l’une qui
appartient à la substance de l’acte humain qui est ce qu’il y a de matériel
dans le péché, et il la désigne par ces mots : parole, action, ou désir (Ces trois mots correspondent aux
trois sortes de péchés qu’on appelle peccata cordis, oris et operis, pensées,
paroles et œuvres.) ; l’autre qui se rapporte à l’essence même du mal et qui
est en quelque sorte ce qu’il y a de formel dans le péché, et c’est ce qu’il
indique en ajoutant : contraire à la loi
éternelle.
Copyleft. Traduction
de l’abbé Claude-Joseph Drioux et de JesusMarie.com qui autorise toute personne à copier et à rediffuser par
tous moyens cette traduction française. La Somme Théologique de Saint Thomas
latin-français en regard avec des notes théologiques, historiques et
philologiques, par l’abbé Drioux, chanoine honoraire de Langres, docteur en
théologie, à Paris, Librairie Ecclésiastique et Classique d’Eugène Belin, 52,
rue de Vaugirard. 1853-1856, 15 vol. in-8°. Ouvrage honoré des
encouragements du père Lacordaire o.p. Si par erreur, malgré nos vérifications,
il s’était glissé dans ce fichier des phrases non issues de la traduction de
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