Saint Thomas d’Aquin - Somme Théologique
1a 2ae = Prima Secundae = 1ère partie de la 2ème Partie
Question 80 : De
la cause du péché par rapport au démon
Après
avoir considéré la cause du péché par rapport à Dieu, nous devons maintenant la
considérer par rapport au démon. — A ce sujet quatre questions se présentent. —
1° Le diable est-il directement la cause du péché ? (Cet article est une
réfutation de l’erreur de Manès et des arméniens, qui prétendaient que le péché
n’est pas produit par le libre arbitre, mais par l’impulsion du démon qui en
est lui-même l’auteur.) — 2° Le diable porte-t-il l’homme au péché en le
persuadant intérieurement ? (D’après l’Ecriture on ne peut douter que le démon
n’agisse sur l’homme intérieurement. (1 Pierre, 5, 8) : votre adversaire, le diable, comme un lion rugissant, rôde, cherchant
qui il pourra dévorer. (Actes, 5, 3) : Ananie, pourquoi Satan a-t-il tenté ton cœur, pour te faire mentir à l’Esprit-Saint, et frauder sur le prix du champ ? (Apoc., 12, 9) : Satan, qui séduit le monde entier.) — 3° Peut-il nécessairement
contraindre au péché ? — 4° Tous les péchés proviennent-ils de la tentation du
diable ? (L’Ecriture indique que le démon n’est pas
seul l’auteur de nos fautes (Jacq., 1, 14) : Mais chacun est tenté par sa propre concupiscence.)
Article
1 : Le diable est-il par rapport à l’homme la cause directe du péché ?
Objection
N°1. Il semble que le diable soit la cause directe du péché de l’homme. Car le
péché consiste directement dans l’affection. Or, d’après saint Augustin (De Trin., liv. 4, chap. 12) le diable
inspire à sa société de malignes affections. Bède à l’occasion du fait d’Ananie (Actes,
chap. 5) dit que le diable entraîne l’âme à des affections perverses. Saint
Isidore ajoute (De summo
bono, liv. 2, chap. 41, et liv. 3, chap. 5) que
le diable remplit les cœurs des hommes de convoitises occultes. Donc le diable
est directement la cause du péché.
Réponse
à l’objection N°1 : Ces passages et tous ceux qui leur ressemblent doivent
s’entendre de l’influence du démon qui nous porte au mal, en suggérant ou en
proposant des objets qui flattent l’appétit (Mais ils ne prouvent pas que le
démon soit la cause directe du péché.).
Objection
N°2. Saint Jérôme dit (Cont. Jovin., liv. 2, chap. 2) que comme Dieu est le consommateur
du bien, de même le diable est le consommateur du mal. Or, Dieu est directement
la cause de nos bonnes œuvres. Donc le diable est directement la cause de nos
péchés.
Réponse
à l’objection N°2 : Cette ressemblance doit se considérer sous ce rapport, c’est
que le diable est en quelque sorte cause de nos péchés, comme Dieu est d’une
certaine manière cause de nos bonnes actions ; mais on ne doit pas l’admettre
relativement au mode de causalité. Car Dieu produit le bien en mettant
intérieurement notre volonté en mouvement, ce que le diable ne peut faire.
Objection
N°3. Suivant Aristote (Eth.,
liv. 7, chap. 18), il faut au conseil de l’homme un principe extrinsèque. Or,
le conseil de l’homme porte non seulement sur les biens, mais encore sur les
maux. Par conséquent comme Dieu donne à l’homme le bon conseil et qu’il est par
là cause directe du bien ; de même le diable le porte
au mauvais conseil, et il résulte de là qu’il est directement la cause du
péché.
Réponse
à l’objection N°3 : Dieu est à la vérité le principe universel de tous les
mouvements intérieurs de l’homme ; mais si la volonté humaine s’arrête à un
mauvais conseil, c’est un fait qui relève d’elle directement ; le diable n’y
contribue que par la persuasion ou en offrant aux sens des choses qui les
séduisent.
Mais
c’est le contraire. Saint Augustin prouve (De
lib. arb., liv. i, chap. 11, et liv. 3,
chap. 17 et 18) que l’âme humaine n’est esclave de la passion que par sa propre
volonté. Or, l’homme ne devient esclave de la passion que par le péché. Donc la
cause du péché ne peut pas être le diable ; elle n’est que la volonté propre de
l’homme.
Conclusion
Puisque le diable ne peut être la cause du péché qu’autant qu’il propose aux
sens quelque chose qui les flatte ou qu’il s’efforce de persuader la raison, et
puisqu’il ne meut pas nécessairement la libre volonté de l’homme, il ne peut
pas être la cause directe ou suffisante du péché.
Il
faut répondre que le péché est un acte. Par conséquent une chose peut être la
cause directe du péché de la même manière qu’elle peut être la cause directe
d’un acte ; et le péché ne peut avoir de cause directe que celle qui porte le
principe propre de l’acte à agir. Or, le principe propre de l’acte du péché est
la volonté, parce que tout péché est volontaire. Le péché ne peut donc pas
avoir d’autre cause directe que ce qui peut porter la volonté à agir. Or, la
volonté, comme nous l’avons dit (quest. 9, art. 3, 4 et 6), peut être mue par
deux choses : 1° par l’objet : c’est ainsi que les choses appétit blés meuvent
l’appétit une fois qu’elles sont perçues ; 2° par ce qui porte intérieurement
la volonté à vouloir ; ce qui ne peut être que la volonté elle-même ou Dieu,
comme nous l’avons prouvé (loc. cit.).
Dieu ne pouvant pas être la cause du péché, ainsi que nous l’avons vu (quest. 79,
art. 1), il en résulte que sous ce rapport la volonté seule de l’homme est la
cause directe de son péché. — A l’égard de l’objet on peut concevoir que la
volonté soit mue de trois manières : 1° elle peut être mue par l’objet même qui
lui est proposé ; c’est ainsi que nous disons que les aliments excitent dans
l’homme le désir de manger ; 2° par celui qui propose ou qui offre l’objet ; 3°
par celui qui persuade que l’objet proposé est bon ; parce que ce dernier
propose en quelque sorte à la volonté son objet propre qui est le bien réel ou
apparent. De la première manière, les choses sensibles par leur apparence
extérieure portent la volonté de l’homme au péché ; de la seconde et de la
troisième manière le diable ou l’homme peut exciter au péché, soit en
présentant aux sens quelque chose qui les flatte, soit en agissant par la
persuasion sur la raison. Mais dans ces trois hypothèses aucune de ces choses
ne peut être la cause directe du péché ; parce que la volonté n’est mue
nécessairement par aucun objet, sinon par sa fin
dernière, comme nous l’avons dit (quest. 10, art. 1 et 2). Par conséquent ni
les choses extérieures, ni la persuasion du tentateur, ne suffisent pour
produire le péché. D’où il suit que le diable n’en est ni la cause directe, ni
la cause suffisante, mais qu’il y contribue seulement par la persuasion ou en
présentant à l’esprit l’objet qui peut le séduire.
Article
2 : Le diable peut-il tenter l’homme en le poussant au péché intérieurement ?
Objection
N°1. Il semble que le diable ne puisse pas tenter l’homme en le poussant au
péché intérieurement. Car les mouvements intérieurs de l’âme sont des
opérations vitales. Or, une œuvre vitale ne peut venir que d’un principe
intrinsèque, ce qui est vrai même de l’opération de l’âme végétative, qui est
la plus humble de toutes les opérations de l’âme. Donc le diable ne peut pas
intérieurement porter l’homme au mal.
Réponse
à l’objection N°1 : Quoique les opérations vitales procèdent toujours d’un
principe intrinsèque, cependant un agent extérieur peut coopérer à leur
développement. C’est ainsi que la chaleur extérieure, en facilitant la
digestion des aliments, contribue aux opérations de l’âme végétative.
Objection
N°2. Tous les mouvements intérieurs ont selon l’ordre de la nature leur origine
dans les sens extérieurs. Or, il n’y a que Dieu qui puisse agir en dehors de
l’ordre de la nature, comme nous l’avons dit (1a pars, quest. 110,
art. 4). Donc le diable ne peut pas agir sur les mouvements intérieurs de
l’homme sinon au moyen des objets qui frappent extérieurement les sens.
Réponse
à l’objection N°2 : Cette apparition des formes imaginatives n’est pas
absolument en dehors de l’ordre de la nature ; elle n’a pas lieu par l’effet
seul du commandement (Elle ne résulte pas seulement de l’ordre de la volonté,
mais encore du mouvement local des espèces sur lequel un agent extérieur peut
exercer de l’influence.), mais par le mouvement local, comme nous l’avons dit
(dans le corps de l’article.).
Objection
N°3. Comprendre et imaginer, tels sont les actes intérieurs de l’âme. Sous ce
double rapport le diable ne peut avoir aucune action sur nous ; parce que comme
nous l’avons vu (1a pars, quest. 111, art. 2, réponse N°2, art. 3,
réponse N°2), il n’agit pas sur l’intellect humain. Il semble aussi qu’il ne
puisse pas agir sur l’imagination, parce que les formes imaginatives par là
même qu’elles sont plus spirituelles sont plus nobles que les formes qui
résident dans la matière sensible Et puisque le diable n’a pas action sur ces
dernières, ainsi que nous l’avons prouvé (1a pars, quest. 110, art.
2, et quest. 111, art. 2, et art. 3, réponse N°2), il s’ensuit qu’il ne peut
agir sur les mouvements intérieurs de l’homme pour le porter au péché.
Mais
c’est le contraire. Car s’il en était ainsi le diable ne tenterait jamais
l’homme qu’en se montrant visiblement à lui ; ce qui est évidemment faux.
Conclusion
Puisque le diable peut présenter à l’imagination certaines formes et exciter
des passions dans l’appétit sensitif, il peut par là même porter l’homme au
péché, en le tentant intérieurement.
Il
faut répondre que la partie intérieure de l’âme est intelligentielle
et sensitive. La partie intelligentielle comprend
l’intellect et la volonté. A l’égard de la volonté nous avons déjà dit (art. préc., et
1a pars, quest. 111, art. 1) quels sont les rapports du diable avec
elle. Pour l’intellect il est mû directement par l’objet qui l’éclaire, pour le
faire arriver à la connaissance de la vérité. Ce n’est pas ce que se propose le
diable à l’égard de l’homme ; il obscurcit plutôt la raison de celui qu’il fait
consentir au péché. Cet obscurcissement provient de l’imagination et de
l’appétit sensitif. Par conséquent l’action intérieure du diable paraît se
rapporter tout entière à l’imagination et à l’appétit sensitif, et c’est en
excitant ces deux facultés qu’il peut porter au péché. En effet, il peut faire
que certaines formes se présentent à l’imagination et il peut faire aussi que
l’appétit sensitif se porte vers une passion. Car nous avons dit (1a
pars, quest. 110, art. 3) que la nature corporelle obéit naturellement à la
nature spirituelle selon le mouvement local. Par conséquent le diable, s’il
n’est retenu par la puissance divine, peut être cause de tous les effets qui
peuvent résulter du mouvement local des corps inférieurs. D’ailleurs la
représentation de certaines formes à l’imagination est quelquefois une
conséquence du mouvement local (Ainsi le tempérament sanguin prédispose à
l’impureté, le tempérament bilieux à la colère, le tempérament lymphatique à la
frayeur.). Car Aristote dit (De somn. et vigilia) que durant
le sommeil, le sang descendant en plus grande masse vers le principe sensible,
tous les mouvements s’y rendent avec lui ainsi que les impressions laissées
dans les veines par l’action des choses sensibles, et qu’elles affectent le
principe intelligent de telle sorte qu’il lui semble que le principe sensible
est alors affecté par les choses extérieures elles-mêmes. Comme les démons
peuvent produire dans les hommes ce mouvement local des esprits ou des humeurs,
soit pendant la veille, soit pendant le sommeil, il s’ensuit qu’ils agissent
sur leur imagination. De même ce qui excite l’appétit sensitif, à certaines
passions, c’est un mouvement déterminé du cœur et des esprits. Par conséquent
le diable peut y coopérer. En effet quand les passions sont excitées dans
l’appétit sensitif, il s’ensuit que l’homme perçoit mieux tout mouvement ou
tout objet sensible qui parait se rapporter à ce qui préoccupe son esprit.
Ainsi, comme le dit Aristote dans le même ouvrage (chap. 2), la moindre
ressemblance rappelle à celui qui aime l’objet aimé. Quand la passion est
soulevée, il arrive aussi que l’on croit devoir
rechercher ce qui se présente à l’imagination ; parce que celui qui est
l’esclave d’une passion regarde comme un bien l’objet vers lequel la passion
l’entraîne. C’est ainsi que le diable nous porte intérieurement au péché.
La
réponse au troisième argument est par conséquent évidente, parce que ces formes
viennent primitivement des sens (Les sens en fournissent la matière, mais
l’imagination s’empare de ces notions positives et en fait des associations
toutes particulières qui peuvent mettre en mouvement les passions.).
Article
3 : Le diable peut-il nécessairement contraindre quelqu’un à pécher ?
Objection
N°1. Il semble que le diable puisse contraindre l’homme à pécher. Car une
puissance supérieure peut violenter une puissance inférieure. Or, il est dit du
diable (Job, 41, 24) : Il n’y a pas de
puissance sur la terre qui puisse lui être comparée. Donc il peut
contraindre l’homme à pécher.
Réponse
à l’objection N°1 : Toute puissance supérieure à l’homme ne peut pas mouvoir sa
volonté, mais qu’il n’y a que Dieu, comme nous l’avons vu (quest. 9, art. 6),
qui puisse le faire.
Objection
N°2. La raison de l’homme ne peut être mue que par les objets qui frappent
extérieurement les sens et qui se présentent à l’imagination ; puisque toutes
nos connaissances viennent des sens et que nous ne pouvons rien comprendre sans
images, comme le dit Aristote (De animâ, liv. 3, text. 30 et
39). Or, le diable peut agir sur l’imagination de l’homme, comme nous l’avons
vu (art. préc.) et sur ses sens extérieurs. Car saint
Augustin dit (Quæst., liv. 83, quest. 12) que le mal qui
vient du démon se glisse par toutes les ouvertures des sens ; il se communique
aux figures, s’adapte aux couleurs, s’attache aux sons et se répand dans les
saveurs. Donc le diable peut nécessairement porter la raison de l’homme au
péché.
Réponse
à l’objection N°2 : Ce qui est perçu par les sens ou l’imagination ne meut pas
nécessairement la volonté, si l’homme a l’usage de sa raison et que cette
perception ne le prive pas absolument de l’usage de cette faculté.
Objection
N°3. D’après saint Augustin (De civit. Dei, liv. 19, chap. 4) il y a péché quand la chair
convoite contre l’esprit. Or, le diable peut produire la concupiscence de la
chair et toutes les autres passions, de la manière que nous avons dit (art. préc.). Donc le démon peut porter nécessairement l’homme au
péché.
Réponse
à l’objection N°3 : La concupiscence de la chair contre l’esprit, quand la
raison lui résiste actuellement, n’est pas un péché, mais c’est un moyen
d’éprouver la vertu. Et comme le diable n’a pas le pouvoir d’empêcher la raison
de lui résister, il s’ensuit qu’il ne peut pas porter l’homme nécessairement au
péché.
Mais
c’est le contraire. Il est dit (1 Pierre, 5, 8) : Le démon votre ennemi tourne autour de vous comme un lion rugissant,
cherchant celui qu’il pourra dévorer, résistez-lui donc en demeurant ferme dans
la foi. Or, il serait inutile de donner un pareil avis, si l’homme
succombait nécessairement au démon. Donc il ne peut pas nous forcer à pécher.
Conclusion
Saint Pierre nous avertirait inutilement de résister au démon, et saint Jacques
aurait avancé une chose fausse en disant : Résistez
au démon et il s’éloignera de vous, si l’homme succombait nécessairement à
la tentation ; il ne peut donc pas se faire que le diable le porte
nécessairement au péché.
Il
faut répondre que le diable par sa propre puissance, s’il n’était retenu par
Dieu, peut porter quelqu’un nécessairement à faire un acte (C’est ce qu’on voit
dans ceux qui sont possédés du démon. Leurs actes sont nécessités par l’esprit
malin qui s’est emparé d’eux.) qui est un péché dans
son genre, mais il ne peut pas le contraindre nécessairement à pécher (Le péché
ne peut être que matériel, mais il ne peut être formel, parce que sous ce
dernier rapport il dépend exclusivement de la volonté.). En effet l’homme ne
résiste à ce qui l’entraîne au mal que par la raison ; le diable peut
complètement empêcher l’usage de cette faculté en agissant sur l’imagination et
l’appétit sensitif, comme on le voit dans ceux qui sont sous son empire. La
raison étant alors enchaînée, tout ce que l’homme fait dans cette circonstance
ne lui est pas imputable à péché. Si la raison n’est pas totalement enchaînée,
elle peut d’après ce qu’elle conserve de liberté résister au péché, comme nous
l’avons dit (quest. 77, art. 7). Par conséquent, il est évident que le diable
ne peut d’aucune manière contraindre nécessairement l’homme à pécher.
Article
4 : Tous les péchés des hommes proviennent-ils de la tentation du démon ?
Objection
N°1. Il semble que tous les péchés des hommes proviennent de la tentation du
démon. Car saint Denis dit (De div. nom., chap. 4)
que la multitude des démons est cause de tous leurs maux et de tous ceux des
autres.
Réponse
à l’objection N°1 : La multitude des démons est cause de tous nos maux selon
leur première origine, comme nous l’avons dit (dans le corps de l’article.).
Objection
N°2. Quiconque pèche mortellement devient l’esclave du diable, d’après ces
paroles de saint Jean (Jean, 8, 34) : Celui
qui fait le péché est l’esclave du péché. Or, il est dit (2 Pierre, 2, 19)
qu’on est esclave de celui par qui on a
été vaincu. Donc celui qui pèche est toujours vaincu par le démon.
Réponse
à l’objection N°2 : Non seulement on devient l’esclave de celui par lequel on
est vaincu, mais encore de celui auquel on se soumet volontairement. C’est
ainsi que celui qui pèche de son propre mouvement devient l’esclave du diable
(Parce qu’il se soumet de lui-même à son empire.).
Objection
N°3. Saint Grégoire dit (Moral., liv.
4, chap. 10) que le péché du diable est irréparable, parce qu’il est tombé sans
que personne l’ait tenté. Si donc les hommes péchaient par leur libre arbitre
sans être tentés, leur péché serait irrémissible, ce qui est évidemment faux.
Donc tous les péchés des hommes sont l’effet de la tentation du démon.
Réponse
à l’objection N°3 : Le péché du diable a été irrémissible, parce qu’il a péché
sans être tenté par quelqu’un et sans avoir en lui quelque penchant au mal
résultant d’une tentation antérieure ; ce qu’on ne peut dire d’aucun péché de
l’homme.
Mais
c’est le contraire. Car nous lisons (Lib.
de Eccles. dogm., chap. 82) que
toutes nos pensées mauvaises ne sont pas produites par le diable, mais qu’elles
naissent quelquefois du mouvement de notre libre arbitre.
Conclusion
Le démon est à la vérité l’occasion de tous les péchés, puisqu’il a porté le
premier homme au mal, que la nature humaine a été par suite souillée tout
entière et qu’elle a eu de l’inclination au péché ; mais tous les péchés en
particulier ne sont pas l’effet de ses tentations.
Il
faut répondre que le diable est la cause directe et occasionnelle de tous nos
péchés, puisqu’il a porté le premier homme à pécher et que par suite de cette
faute la nature humaine a été tellement corrompue que nous avons tous du
penchant au mal ; comme si l’on disait que la cause de la combustion du bois
est celui qui le coupe, parce qu’il résulte de là qu’il brûle facilement. Mais
il n’est pas la cause directe de tous les péchés des hommes en ce sens qu’il
leur persuade chacune des fautes qu’ils commettent. Origène le prouve (Periarch., liv. 3,
chap. 2) par cette considération ; c’est que, quand même le diable n’existerait
pas, les hommes auraient le désir des plaisirs de la table et de la chair, et
ce désir pourrait être déréglé, s’il n’était réglé par la raison qui est
soumise au libre arbitre.
Copyleft. Traduction
de l’abbé Claude-Joseph Drioux et de JesusMarie.com qui autorise toute personne à copier et à rediffuser par
tous moyens cette traduction française. La Somme Théologique de Saint Thomas
latin-français en regard avec des notes théologiques, historiques et philologiques,
par l’abbé Drioux, chanoine honoraire de Langres, docteur en théologie, à
Paris, Librairie Ecclésiastique et Classique d’Eugène Belin, 52, rue de
Vaugirard. 1853-1856, 15 vol. in-8°. Ouvrage honoré des encouragements du
père Lacordaire o.p. Si par erreur, malgré nos vérifications, il s’était glissé
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