Saint Thomas d’Aquin - Somme Théologique
1a 2ae = Prima Secundae = 1ère partie de la 2ème Partie
Question 97 : Du
changement des lois
Après
avoir parlé de la puissance de la loi, nous devons nous occuper de ses changements.
— A ce sujet quatre questions se présentent : 1° La loi humaine est-elle muable
? (A ce sujet le concile de Latran s’exprime ainsi : Non debet reprehensibile
judicari, si secundùm varietatem temporum statuta quandòque varientur humana : præsertim cum necessitas, vel evidens utilitas
id exposcit. Quoniam ipse Deus ex his quæ in Veteri Testamento
statuerat, nonnulla mutavit in Novo.) — 2° Doit-elle être toujours
changée, quand il se présente quelque chose de mieux ? (La doctrine de saint
Thomas sur ce point a toujours servi de règle à la conduite de l’Eglise (Voy. Concil. Later.
in art. préc., Concil. Trid.,
sess. 24, chap. 1 et 2, et sess. 21, chap. 2). Il serait à désirer que les
sociétés modernes eussent tenu compte plus sévèrement de ce principe,
l’autorité serait aujourd’hui plus respectée.) — 3°
Est-elle détruite par la coutume, et la coutume acquiert-elle force de loi ? —
4° La loi humaine doit-elle être modifiée par la dispense des supérieurs ?
Article
1 : La loi humaine doit-elle changée de quelque manière ?
Objection
N°1. Il semble qu’on ne doive changer la loi humaine d’aucune manière. Car la
loi humaine découle de la loi naturelle, comme nous l’avons dit (quest. 95,
art. 2). Or la loi naturelle reste immuable. Donc la loi humaine doit l’être
aussi.
Réponse
à l’objection N°1 : La loi naturelle est une participation de la loi éternelle,
comme nous l’avons dit (quest. 93, art. 3), et c’est pour ce motif qu’elle est
immuable. Elle tient ce caractère de l’immutabilité et de la perfection de la
raison divine qui a établi la nature. Mais la raison humaine est muable et
imparfaite ; c’est ce qui fait que la loi l’est elle-même. De plus la loi
naturelle renferme des préceptes particuliers qui naissent de la diversité des
circonstances.
Objection
N°2. Comme le dit Aristote (Eth., liv. 5, chap. 5) : Une mesure doit être absolument
stable. Or, la loi humaine est la mesure des actes humains, comme nous l’avons
vu (quest. 90, art. 1 et 2). Donc elle doit être immuable.
Réponse
à l’objection N°2 : Une mesure doit être stable autant que possible. Or, dans
les choses changeantes, il ne peut rien y avoir qui soit absolument immuable.
C’est pourquoi la loi humaine ne peut pas avoir ce caractère d’une manière
absolue.
Objection
N°3. Il est de l’essence de la loi d’être juste et droite, comme nous l’avons
dit (quest. 95, art. 2). Or, ce qui est droit une fois, l’est toujours. Donc ce
qui est une loi dans une circonstance, doit l’être toujours.
Réponse
à l’objection N°3 : Dans les choses matérielles le mot droit (rectum) s’entend
d’une manière absolue ; c’est pour cela que ce qui est droit l’est toujours.
Mais la rectitude de la loi se rapporte à l’utilité générale, et comme la même
chose n’est pas toujours en rapport avec cette fin, ainsi que nous l’avons dit
(dans le corps de l’article.), il s’ensuit que cette rectitude est variable.
Mais
c’est le contraire. Saint Augustin dit (De
lib. arb., liv. 1, chap. 6) : La loi
temporelle, quoiqu’elle soit juste, peut cependant avec le temps subir de justes
changements.
Conclusion
La loi humaine étant la règle rationnelle qui dirige les actes humains, il
arrive que les lois changent, parce qu’on perfectionne ce qui était imparfait
selon les conditions diverses des hommes et des temps.
Il
faut répondre que, comme nous l’avons dit (quest. 91, art 3), la loi humaine
est le dictamen de la raison qui dirige les actes humains. Par conséquent on
peut avoir un double motif légitime pour changer cette loi : l’un tiré de la
raison, l’autre tiré des individus dont cette loi régit les actes. — L’un tiré
de la raison, parce qu’il semble naturel à la raison humaine qu’on aille
graduellement de l’imparfait au parfait. C’est ainsi que nous voyons dans les
sciences spéculatives que les premiers qui ont philosophé ont avancé des théories que leurs successeurs ont ensuite
perfectionnées et rectifiées. Il en a été de même en matière pratique ; car les
premiers qui se sont appliqués à découvrir ce qui pouvait être utile à la
société, ayant été dans l’impuissance de tout observer d’après eux-mêmes, ont
d’abord fondé des institutions très imparfaites et très défectueuses que ceux
qui sont venus après eux ont modifiées, en les remplaçant par d’autres qui n’offrissent
pas les mêmes inconvénients. — Par rapport aux individus dont la loi doit
régler les actes, on peut avec raison la changer, parce que la condition des
individus change elle-même, et qu’il faut des lois diverses
pour des conditions différentes. C’est ce que saint Augustin rend
sensible par un exemple (De lib. arb., liv. 1, chap. 6) : Si un peuple,
dit-il, est parfaitement tranquille, qu’il soit sérieux et tout dévoué au bien
public, on a raison de porter une loi qui lui permette d’élire lui-même les
magistrats qui veillent à l’administration de l’Etat. Mais si ce même peuple se
déprave insensiblement, que son suffrage devienne vénal et qu’il confie le
pouvoir à des scélérats et à des brigands, il est juste qu’on lui enlève le
pouvoir de disposer des dignités, et qu’on le remette à quelques hommes de bien
(La vertu est la condition essentielle de la liberté ; l’une n’est pas possible
sans l’autre.).
Article
2 : Doit-on toujours changer la loi humaine quand il se présente quelque chose
de mieux ?
Objection
N°1. Il semble qu’on doive toujours changer la loi humaine quand il se présente
quelque chose de mieux. Car c’est la raison humaine qui a inventé les lois
humaines, comme les autres arts. Or, dans les autres arts, on change de
méthode, aussitôt qu’on a trouvé une amélioration. Donc on doit faire de même à
l’égard des lois humaines.
Réponse
à l’objection N°1 : Les arts dépendent de la raison seule. C’est pourquoi
toutes les fois qu’il y a une amélioration, on doit l’adopter. Mais les lois
doivent à la coutume la plus grande partie de leur force, comme l’observe
Aristote (Polit., liv. 2, chap. 6).
C’est pour cette raison qu’on ne doit pas facilement les changer (Tous les
philosophes ont été de ce sentiment. Rousseau écrivait aux Genevois : que c’est
surtout la grande antiquité des lois qui les rend saintes et vénérables ; que
le peuple méprise bientôt celles qu’il voit changer tous les jours (Préface de son discours sur l’origine de
l’inégalité parmi les hommes).).
Objection
N°2. D’après le passé nous pouvons prévoir l’avenir. Or, si on n’eût pas changé
les lois humaines quand on a rencontré quelque chose de mieux, il en serait
résulté une foule d’inconvénients, car les lois anciennes sont extrêmement
défectueuses. Donc il semble qu’on doive changer les lois toutes les fois qu’un
avantage se présente.
Réponse
à l’objection N°2 : Ce raisonnement prouve qu’on doit changer les lois, non
pour toute espèce d’amélioration, mais quand il y a de grands avantages ou une
nécessité pressante à le faire, comme nous l’avons dit (dans le corps de
l’article.).
Objection
N°3. Les lois humaines ont pour objet les actions particulières des individus.
Or, il n’y a que l’expérience qui nous fasse connaître parfaitement les choses
particulières, et pour avoir de l’expérience il faut du temps, comme le dit
Aristote (Eth.,
liv. 2, in princ.).
Il semble donc qu’avec le temps on puisse trouver moyen de faire des lois
meilleures.
Réponse
à l’objection N°3 : On doit faire la même réponse que pour l’objection
précédente.
Mais
c’est le contraire. Nous lisons dans le droit (Decret., dist. 12, chap. 5) : Il est ridicule, et c’est une chose
abominable que nous laissions transgresser les traditions anciennes que nous
avons reçues de nos pères.
Conclusion
Le changement de la loi étant ordinairement nuisible au bien général, on ne
doit pas toujours changer la loi quand quelque chose de mieux se présente, à
moins que ce ne soit évidemment nécessaire ou tout à fait utile à l’Etat.
Il
faut répondre que, comme nous l’avons dit (art. préc.),
on n’a raison de changer la loi humaine qu’autant que ce changement peut être
utile à la société en général. Or, le changement considéré en lui-même est
nuisible au bien général, parce que la coutume est si puissante pour faire
observer la loi, que les choses qu’on n’a pas l’habitude de faire paraissent
pénibles, même quand elles seraient légères en elles-mêmes. Par conséquent, en
changeant la loi, on affaiblit sa force, parce qu’on détruit une coutume. C’est
pourquoi on ne doit jamais changer la loi, si d’un autre côté il n’y a pas un
avantage qui fasse compensation aux inconvénients qui résultent du changement
lui-même. Cette compensation existe quand la loi nouvelle est d’une utilité
manifeste, immense, ou quand il y a nécessité d’abroger la loi ancienne, soit
parce qu’elle est injuste, soit parce que son observation est très nuisible.
C’est ce qui fait dire à Ulpien (liv. 1, tit. 4 De const. princip.) que pour porter une
loi nouvelle il faut qu’il y ait utilité, pour s’éloigner ainsi du droit qui a
paru longtemps juste et équitable (Quand le législateur abroge sans raison les
lois anciennes pour en faire de nouvelles, il abuse de son pouvoir ; il pèche
par conséquent, mais la loi nouvelle n’en est pas moins obligatoire.).
3.
On doit répondre de la même manière au troisième.
Article
3 : La coutume peut-elle avoir force de loi ?
Objection
N°1. Il semble que la coutume ne puisse avoir force de loi, ni supplanter la
loi. Car la loi humaine vient de la loi naturelle et de la loi divine, comme
nous l’avons dit (quest. 93, art. 3, et quest. 95, art. 2). Or, la coutume des
hommes ne peut changer ni la loi de nature, ni la loi de Dieu. Donc elle ne
peut pas non plus changer la loi humaine.
Réponse
à l’objection N°1 : La loi naturelle et divine procède de la volonté de Dieu,
comme nous l’avons dit (dans le corps de l’article.). Elle ne peut donc pas
être changée par une coutume qui vient de la volonté humaine ; elle ne pourrait
l’être que par l’autorité divine. De là il résulte qu’aucune coutume ne peut
avoir force de loi contre la loi divine ou la loi naturelle (Dans ce cas la
coutume est nulle de soi, comme toutes les lois positives.). Car saint Isidore
dit (Synon.,
liv. 2, chap. 16) que l’usage cède à l’autorité ; que la loi et la raison
triomphent d’un usage mauvais.
Objection
N°2. D’un grand nombre de maux on ne peut pas faire un bien. Or, celui qui
commence d’abord à agir contre la loi fait mal. Par conséquent en multipliant
les mêmes actes on ne peut pas faire quelque chose de bien. Or, la loi est une
bonne chose, puisqu’elle est la règle des actes humains. Donc elle ne peut pas
être abrogée par la coutume, au point que la coutume ait elle-même force de
loi.
Réponse
à l’objection N°2 : Comme nous l’avons dit (quest. 96, art. 6), les lois
humaines sont défectueuses dans certains cas. Il est donc possible qu’on agisse
quelquefois contre la loi dans le cas où elle est défectueuse, sans que l’acte
soit mauvais. Quand ces circonstances se multiplient par suite d’un changement
arrivé dans les individus, alors la coutume prouve que la loi n’est plus
désormais utile, comme on le manifesterait, si l’on promulguait verbalement une
loi contraire. Mais si la raison pour laquelle la loi était tout d’abord utile
subsiste encore, ce n’est pas la coutume qui triomphe de la loi, mais c’est la
loi qui l’emporte sur la coutume (Parce que la troisième condition que nous
avons exigée n’existe pas.) ; à moins que la loi ne paraisse inutile, parce
qu’elle n’est pas possible selon les mœurs ou les habitudes du pays, ce qui est
une des conditions de la loi. Car il est difficile de détruire une coutume
quand elle est universelle.
Objection
N°3. Les lois ne peuvent être portées que par les personnes publiques qui sont
chargées de régir la société. Ainsi de simples particuliers ne peuvent pas
légiférer. Or, la coutume s’établit par les actes des particuliers. Donc elle
ne peut avoir force de loi, et détruire ainsi la loi qui l’a précédée.
Réponse
à l’objection N°3 : Le peuple ou la multitude dans laquelle s’introduit une
coutume peut être dans deux états. Si c’est un peuple libre qui puisse faire
lui-même ses lois, le consentement de la multitude a plus de poids pour faire
observer ce que la coutume établit, que l’autorité du prince qui n’a pas le
pouvoir de faire des lois ou qui n’en peut faire qu’autant qu’il représente le
peuple. Ainsi quoique chaque individu ne puisse pas légiférer, cependant le peuple
entier peut le faire. — Mais si le peuple n’a pas la liberté de faire ses lois
ou de se soustraire à celles qui lui sont imposées par son chef, la coutume
quand elle prévaut a encore force de loi, parce qu’elle est tolérée par ceux
qui ont mission d’imposer des lois à cette multitude. Car ils paraissent par là
même approuver ce que la coutume a introduit (Puisqu’ils ne s’opposent pas à
l’établissement de la coutume, leur consentement est du moins tacite, ce qui
suffit.).
Mais
c’est le contraire. Saint Augustin dit (Epist. 86, ad Casulanum)
: On doit observer, comme une loi, les coutumes du peuple de Dieu et les usages
des ancêtres, et comme on punit ceux qui transgressent les lois divines, on
doit punir ceux qui méprisent les coutumes ecclésiastiques.
Conclusion
Chacun paraissant regarder comme bon ce qu’il fait, il est certain qu’il n’y a
pas que les paroles qui fassent une loi, mais que les actes, surtout quand ils
sont multipliés (comme quand il y a coutume), font loi aussi, de telle sorte
qu’on peut dire avec raison que la coutume a force de loi.
Il
faut répondre que toute loi émane de la raison et de la volonté du législateur.
La loi divine et la loi naturelle viennent de la volonté rationnelle de Dieu,
tandis que la loi humaine vient de la volonté de l’homme réglée par la raison.
Comme la raison et la volonté de l’homme se manifestent par la parole, quand il
s’agit de choses pratiques, de même elles se manifestent par des actes ; car
tout individu paraît considérer comme une bonne chose ce qu’il fait. Or, il est
évident que la parole humaine peut changer la loi et l’expliquer, selon qu’elle
manifeste le mouvement et le concept intérieur de la raison humaine. Par
conséquent on peut aussi, par des actes très répétés qui établissent une
coutume, changer la loi, la faire connaître et produire une chose qui ait force
de loi elle-même, parce que le mouvement intérieur de la volonté et le concept
de la raison sont suffisamment manifestés par des actes extérieurs. Car quand
une chose se fait une multitude de fois, elle paraît être le fruit des
délibérations de la raison. Ainsi la coutume a force de loi ; elle abroge la
loi et elle en est l’interprète (Pour que la coutume abroge une loi il faut
trois conditions : 1° qu’elle soit généralement reçue pendant un certain temps
; 2° qu’elle ne soit pas contraire à la loi divine ou à la loi naturelle ; 3°
qu’elle soit, relativement aux circonstances, plus utile, plus conforme au bien
général que la loi elle-même.).
Article
4 : Ceux qui sont à la tête d’une nation peuvent-ils dispenser des lois
humaines ?
Objection
N°1. Il semble que les chefs d’une nation ne puissent dispenser des lois humaines.
Car la loi a été établie pour le bien général, comme le dit saint Isidore (Etym., liv. 5,
chap. 21). Or, on ne doit pas négliger le bien général pour le bien particulier
d’un individu, parce que, comme le dit Aristote (Eth., liv. 1, chap. 2), le bien
d’une nation l’emporte sur le bien d’un individu. Il semble donc qu’on ne doive
pas dispenser quelqu’un, pour qu’il agisse contrairement à la loi commune.
Réponse
à l’objection N°1 : Quand on dispense quelqu’un d’observer la loi commune, on
ne doit pas le faire au préjudice du bien commun, on doit au contraire avoir
pour but de servir les intérêts de tous.
Objection
N°2. Il est dit dans la loi à ceux qui sont au-dessus des autres (Deut., 1, 17) : Vous écouterez le petit comme le grand, vous
n’aurez aucun égard à la condition de qui que ce soit, parce que c’est le
jugement de Dieu. Or, il semble qu’on fasse acception des personnes, quand
on accorde à l’un ce qu’on refuse généralement à tous. Donc les chefs ne
peuvent pas ainsi dispenser, puisque c’est contraire au précepte de la loi de
Dieu.
Réponse
à l’objection N°2 : Il n’y a pas acception des personnes, quand on ne se conduit
pas de la même manière envers des individus qui sont dans une position
différente. Par conséquent, quand la condition d’un individu exige
rationnellement qu’on ait pour lui des attentions spéciales, il n’y a pas
acception des personnes si on lui accorde cette faveur.
Objection
N°3. La loi humaine, si elle est droite, doit être conforme à la loi naturelle
et à la loi divine ; car autrement elle ne serait pas d’accord avec la religion
et la nature, ce qui est nécessaire à la loi, comme le dit saint Isidore (Etym., liv. 5,
chap. 3). Or, aucun homme ne peut dispenser de la loi naturelle et de la loi
divine. Donc on ne peut pas non plus dispenser de la loi humaine.
Réponse
à l’objection N°3 : On ne peut pas dispenser de la loi naturelle relativement
aux préceptes généraux qui sont toujours obligatoires. Quant aux autres
préceptes qui sont en quelque sorte des conséquences de ces préceptes généraux,
quelquefois l’homme en dispense ; c’est ainsi qu’on permet de ne pas rendre à
un traître les armes qu’il a prêtées ou d’autres choses semblables. — A l’égard
de la loi divine tout homme est, par rapport à cette loi, ce qu’un simple
particulier est par rapport à la loi publique à laquelle il est soumis. Par
conséquent, comme il n’y a que celui qui met la loi publique en vigueur, qui
puisse en dispenser, ou celui à qui il en a confié la puissance, de même à
l’égard des préceptes qui sont de droit divin il n’y a que Dieu qui puisse en
dispenser, ou celui qu’il chargerait spécialement de cette mission (Le pape
peut dispenser de toutes les lois canoniques et ecclésiastiques, même de celles
qui ont été faites par les apôtres, mais il ne peut dispenser de celles que
Jésus-Christ a établies et que les apôtres ont promulguées : comme le nombre,
la matière et la forme des sacrements.).
Mais
c’est le contraire. Saint Paul dit (1
Cor., 9, 17) : La dispense m’a été
confiée.
Conclusion
Il appartient aux chefs d’une communauté de dispenser des lois pourvu qu’ils le
fassent prudemment et pour de justes raisons.
Il
faut répondre que dispenser, c’est, à proprement parler, faire aux individus la
distribution d’une chose qui leur est commune. Ainsi on dit que celui qui
gouverne une famille est le dispensateur, parce qu’il distribue à chacun des
membres de la famille, avec poids et mesure, les travaux et les choses nécessaires
à la vie. Par conséquent dans une société on dit que quelqu’un dispense, par là
même qu’il ordonne de quelle manière chacun doit observer un précepte général.
Or, il arrive quelquefois qu’un précepte qui a été établi dans l’intérêt du
plus grand nombre ne convient pas à tel ou tel individu, ou dans telles ou
telles circonstances ; soit parce qu’il serait un obstacle à quelque chose de
mieux, soit parce qu’il en résulterait un mal, (C’est ainsi qu’on dispense du
jeûne dans l’intérêt de la santé.) comme on le voit d’après ce que nous avons
dit (quest. 96, art. 6). Or, il serait dangereux de laisser chacun juge de ce
qu’il doit faire, à moins que le péril ne soit évident et subit (Dans le doute,
si une dispense est nécessaire, on peut agir et user de sa liberté ; mais il
vaut mieux, si la chose est possible, consulter son supérieur.), comme nous l’avons
vu (ibid.). C’est pourquoi celui qui
est à la tête d’une multitude a le pouvoir de dispenser de la loi humaine, qui s’appuie
sur son autorité, afin que quand la loi est défectueuse par rapport aux
personnes ou aux circonstances, il accorde la liberté de ne pas l’observer.
Mais s’il accordait cette permission sans raison, de sa volonté, il ne serait
pas un dispensateur fidèle ou il serait imprudent. Il
serait infidèle, s’il ne se proposait pas le bien général (Il y a lors péché de
la part de celui qui dispense et de celui qui sollicite la dispense. D’après
Soto, Wiggers, et d’autres théologiens, ce péché
n’est que véniel ; mais Suarez, Cajétan, Sylvius et
plusieurs autres prétendent au contraire qu’il est mortel.). C’est ce qui fait
dire à Notre-Seigneur (Luc, 12, 42) : Quel est le dispensateur fidèle et prudent
que le maître établira sur sa famille…
Copyleft. Traduction
de l’abbé Claude-Joseph Drioux et de JesusMarie.com qui autorise toute personne à copier et à rediffuser par
tous moyens cette traduction française. La Somme Théologique de Saint Thomas
latin-français en regard avec des notes théologiques, historiques et philologiques,
par l’abbé Drioux, chanoine honoraire de Langres, docteur en théologie, à
Paris, Librairie Ecclésiastique et Classique d’Eugène Belin, 52, rue de
Vaugirard. 1853-1856, 15 vol. in-8°. Ouvrage honoré des encouragements du
père Lacordaire o.p. Si par erreur, malgré nos vérifications, il s’était glissé
dans ce fichier des phrases non issues de la traduction de l’abbé Drioux ou de
la nouvelle traduction effectuée par JesusMarie.com, et relevant du droit
d’auteur, merci de nous en informer immédiatement, avec l’email figurant sur la
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littéraire et au respect de la loi en général. Aucune évangélisation catholique
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