Saint Thomas d’Aquin - Somme Théologique

1a 2ae = Prima Secundae = 1ère partie de la 2ème Partie

Question 114 : Du mérite qui est l’effet de la grâce opérante

 

          Nous avons à traiter en dernier lieu du mérite qui est l’effet de la grâce coopérante. — A cet égard dix questions se présentent : 1° L’homme peut-il mériter de Dieu quelque chose ? (Luther et Calvin ont nié que l’homme fut capable de mériter, parce que dans leur système il n’est justifié qu’extérieurement, et sa nature est tellement corrompue qu’elle ne peut faire que le mal. Le concile de Trente a décidé formellement le contraire : Si quis dixerit ipsum justificatum bonis operibus… non verè mereri augmentum gratiæ, anathema sit.) — 2° Peut-on sans la grâce mériter la vie éternelle ? (La proposition soutenue dans cet article est de foi, aussi bien que la précédente. Elle a été ainsi décidée par le concile de Trente (sess. 6, can. 2) : Si quis dixerit : ad hoc solum divinam gratiam per Christum Jesum dari, ut facilius homo justè vivere, ac vitam æternam promereri possit, quasi quod per liberum arbitrium sine gratiâ utrumque, sed ægrè tamen et difficulter possit, anathema sit.) — 3° Peut-on par la grâce mériter la vie éternelle ex condigno ? (Les théologiens distinguent deux sortes de mérite : le mérite ex condigno, quand la valeur de l’œuvre égale directement la valeur de la récompense, et le mérite de congruo, qui est celui d’une chose qui ne vaut pas la récompense qu’on lui accorde. Dans le premier cas, la récompense est due à titre de justice, et le mérite est propre et absolu ; dans le second, la récompense n’est accordée que par convenance, et elle est l’effet de la libéralité de celui qui la donne, et on ne la mérite ainsi qu’improprement.) — 4° La grâce est-elle le principe du mérite principalement par le moyen de la charité ? (Il y a controverse sur cette question. Vasquez dit que les actes qui émanent dans les justes des vertus acquises méritent la vie éternelle de condigno, sans l’influence virtuelle de la charité. Suarez et quelques thomistes conviennent qu’il en est ainsi des vertus infuses, mais non des vertus acquises. Mais la plupart des théologiens suivent le sentiment de saint Thomas.) — 5° L’homme peut-il mériter pour lui la première grâce ? (Le concile de Trente expose ainsi la doctrine catholique sur ce sujet (sess. 6, can. 8) : Cum Apostolus dicit hominem justificari gratis : ideo dicimus gratis justificari, quia nihil eorum quæ justificationem præcedunt, sive fides, sive opera, ipsam justificationis gratiam promerentur.) — 6° Peut-il la mériter pour un autre ? (Il y a dans l’Ecriture des passages qui montrent que l’homme peut mériter pour un antre la grâce (Actes, 7, 60) : Et s’étant mis à genoux, il cria à haute voix : Seigneur, ne leur imputez pas ce péché ; et il y en a d’autres qui supposent le contraire (Ez., 14, 14) : si ces trois hommes, Noé, Daniel et Job, se trouvent au milieu de lui, ils délivreront leurs âmes par leur justice. Saint Thomas concilie ces passages qui paraissent tout d’abord opposés.) — 7° Peut-il mériter pour lui la réparation après la chute ? (La solution de cette question est une conséquence de celles qui précèdent.) — 8° Peut-il mériter pour lui l’augmentation de la grâce ou de la charité ? (Cet article est une réfutation de l’erreur de Mélanchton, qui a soutenu que nos bonnes œuvres ne méritaient pas de récompenses spirituelles, mais seulement des récompenses corporelles. Le concile de Trente a décidé ainsi que nous méritions par nos bonnes œuvres une augmentation de la grâce (sess. 6, can. 14) : Si quis dixerit justitiam acceptam non conservari, atque etiam augeri coram Deo, anathema sit. Si quis dixerit justificatum bonis operibus… non verè mereri augmentum gratiæ, vitam æternamatque etiam gloriæ augmentum : anathema sit.) — 9° Peut-il mériter pour lui la persévérance finale ? (Tous les théologiens catholiques enseignent que l’homme ne peut mériter la persévérance ex condigno, et par persévérance on entend ici le don qui fait que l’homme reste en état de grâce jusqu’à sa mort. C’est d’ailleurs la doctrine du concile de Trente (sess. 6, can. 13) : Quod quidem aliunde haberi non potest, nisi ab eo qui potens est eum qui stat statuere ut perseveranter stet, et eum qui cadit restituere.) — 10° Les biens temporels sont-ils l’objet du mérite ?

 

Article 1 : L’homme peut-il mériter de Dieu quelque chose ?

 

          Objection N°1. Il semble que l’homme ne puisse pas mériter de Dieu quelque chose. Car personne ne paraît mériter une récompense en rendant à un autre ce qu’il lui doit. Or, par tous les biens que nous faisons, nous ne pouvons nous acquitter envers Dieu de ce que nous lui devons parce que notre dette s’étend toujours au delà, comme le dit Aristote (Eth., liv. 5, chap- ult.). C’est pourquoi il est dit dans l’Evangile (Luc, 17, 10) : Lorsque vous aurez fait tout ce qui vous a été commandé, dites : Nous sommes des serviteurs inutiles : nous n’avons fait que ce que nous étions obligés de faire. Donc l’homme ne peut pas mériter de Dieu quelque chose.

          Réponse à l’objection N°1 : L’homme mérite en faisant par sa volonté propre ce qu’il doit, autrement l’acte de justice par lequel on s’acquitte de ce qu’on doit ne serait pas méritoire.

 

          Objection N°2. Ce que l’on fait dans son propre intérêt ne paraît pas être un sujet de mérite près de celui auquel cet acte ne rapporte rien. Or, l’homme en faisant le bien travaille pour lui-même ou pour un de ses semblables, mais non pour Dieu. Car il est dit (Job, 35, 7) : Si vous êtes justes que lui donnerez- vous ? ou que recevra-t-il de votre main ? Donc l’homme ne peut rien mériter de la part de Dieu.

          Réponse à l’objection N°2 : Dieu ne cherche pas dans nos œuvres son intérêt mais sa gloire, c’est-à-dire la manifestation de sa bonté qu’il cherche aussi dans ses propres actions. Ce n’est pas lui qui gagne au culte que nous lui rendons, mais c’est nous. C’est pourquoi nous méritons de Dieu quelque chose, non parce que nous ajoutons à sa grandeur par nos œuvres, mais parce que nous travaillons pour sa gloire.

 

          Objection N°3. Celui qui mérite quelque chose de quelqu’un le constitue son débiteur ; car on doit une récompense à celui qui l’a méritée. Or, Dieu n’est le débiteur de personne, et c’est ce qui fait dire à l’Apôtre (Rom., 11, 35) : Qui lui a donné quelque chose le premier pour en prétendre une récompense ? Donc l’homme ne peut mériter de Dieu quelque chose.

          Réponse à l’objection N°3 : Nos actions n’étant méritoires que d’après l’ordre préalablement établi par Dieu, il ne s’ensuit pas que Dieu devienne absolument notre débiteur ; il en résulte seulement qu’il est obligé envers lui-même dans le sens qu’il doit tenir sa promesse (Une des conditions sur lesquelles repose le mérite, c’est la promesse que Dieu a faite à l’homme de récompenser ses œuvres. C’est ce que paraissent indiquer ces paroles du concile de Trente : Benè operantibus usque in finem, et in Deo sperantibus, proponenda est vita æterna tanquam merces ex ipsius Dei promissione bonis ipsorum operibus et meritis fideliter reddenda. Il y a cependant des théologiens qui veulent que les bonnes œuvres soient méritoires par elles-mêmes.).

 

          Mais c’est le contraire. Le prophète dit (Jér., 31, 16) : Vos œuvres seront récompensées. Or, on appelle récompense ce qu’on accorde au mérite. Il semble donc que l’homme puisse mériter de Dieu.

 

          Conclusion L’homme peut mériter de Dieu quelque chose, non à titre de justice absolue, mais d’après l’ordre préalablement établi de Dieu lui-même, en ce sens que l’homme obtient par son opération, comme récompense, la chose pour laquelle Dieu lui a donné la vertu ou la puissance d’agir.

          Il faut répondre que le mérite et la récompense se rapportent à la même chose. Car on appelle récompense ce que l’on accorde à quelqu’un en rémunération de ses œuvres ou de son travail ; c’est en quelque sorte le prix de ce qu’il a fait. Ainsi comme c’est un acte de justice de rendre à quelqu’un le prix exact de la chose qu’on en a reçue, de même aussi c’est un acte de justice que d’accorder à quelqu’un la récompense due à son œuvre ou à son travail. Mais la justice est une égalité, comme le démontre Aristote (Eth., liv. 5, chap. 4). C’est pourquoi elle n’existe absolument qu’entre ceux qui sont absolument égaux. Pour ceux qui ne sont pas sur le pied de l’égalité absolue, il n’y a pas de justice absolue, il ne peut y avoir qu’une justice imparfaite ; comme celle qui existe entre le père et l’enfant, entre le maître et l’esclave, selon la remarque du même philosophe (ibid., chap. 6). C’est pourquoi dans les choses où il y a justice absolue, il y a également mérite et récompense absolus, et dans celles où il n’y a qu’une justice improprement dite, il n’y a non plus qu’un mérite impropre ou relatif. C’est ainsi que le fils mérite quelque chose de son père et l’esclave de son maître. Or, il est évident qu’entre Dieu et l’homme il y a une très grande inégalité (car l’infini les sépare), et tout ce qu’il y a de bon dans l’homme vient de Dieu. De l’homme à Dieu la justice ne peut donc pas exister d’après une égalité absolue, mais d’après une certaine proportion en tant que l’un et l’autre opère selon le mode qui lui convient. Mais comme le mode et la mesure de la vertu humaine vient de Dieu, il s’ensuit que l’homme ne peut mériter près de Dieu que d’après un ordre préalablement établi par Dieu lui-même. En sorte que l’homme obtient de Dieu par son opération, comme récompensera chose pour laquelle Dieu lui a donné la vertu d’agir. C’est ainsi que les choses naturelles parviennent par leurs mouvements propres et leurs opérations au but pour lequel elles ont été établies par Dieu ; avec cette différence toutefois que la créature raisonnable se meut elle-même par son libre arbitre, ce qui rend ses actes méritoires (Le libre arbitre est dans l’homme le fondement du mérite, ce que l’Eglise a reconnu en condamnant la troisième proposition de Jansénius.), tandis qu’il n’en est pas de même des autres créatures.

 

Article 2 : Peut-on sans la grâce mériter la vie éternelle ?

 

          Objection N°1. Il semble qu’on puisse sans la grâce mériter la vie éternelle. Car l’homme mérite de Dieu la chose à laquelle il a été providentiellement destiné, comme nous l’avons dit (art. préc.). Or, l’homme par sa nature se rapporte à la béatitude, comme à sa fin. Aussi désire-t-il naturellement être heureux. Donc par ses moyens naturels et sans la grâce il peut mériter la béatitude qui est la vie éternelle.

          Réponse à l’objection N°1 : Dieu a voulu que la nature humaine arrivât à la vie éternelle non par ses propres forces, mais par le secours de la grâce ; et de cette manière elle peut par ses actes la mériter.

 

          Objection N°2. La même œuvre est d’autant plus méritoire qu’elle est moins obligatoire. Or, on est moins tenu à faire du bien à quelqu’un quand on en a reçu moins de bienfaits. Par conséquent celui qui n’a que des biens naturels ayant reçu de Dieu moins de bienfaits que celui qui a reçu des dons gratuits indépendamment de ses dons naturels, il semble que ses œuvres soient plus méritoires devant Dieu. Par conséquent si celui qui a la grâce peut mériter la vie éternelle de quelque manière, à plus forte raison celui qui ne l’a pas.

          Réponse à l’objection N°2 : L’homme sans la grâce ne peut produire une œuvre égale à celle qui procède de la grâce elle-même ; parce que plus le principe de l’action est parfait et plus l’action est parfaite elle-même. L’objection ne serait fondée qu’autant qu’on supposerait que ces deux opérations sont d’une égalité absolue.

 

          Objection N°3. La miséricorde et la libéralité de Dieu surpassent infiniment la miséricorde et la libéralité des hommes. Or, un homme peut mériter de son semblable quoiqu’il n’ait jamais eu auparavant sa grâce. Il semble donc qu’à plus forte raison l’homme puisse sans la grâce mériter de Dieu la vie éternelle.

          Réponse à l’objection N°3 : Quant à la première raison alléguée, elle ne s’applique pas à Dieu et à l’homme de la même manière. Car l’homme tient de Dieu toute la puissance qu’il a de faire le bien, tandis qu’il ne la tient pas de son semblable. C’est pourquoi, l’homme ne peut mériter de Dieu quelque chose, que par le don qu’il en a reçu. C’est ce que l’Apôtre explique formellement quand il dit : Qui lui a donné le premier pour prétendre à une récompense ? Mais au moyen de ce qu’on a reçu de Dieu on peut mériter de son semblable, avant d’en avoir obtenu aucune faveur. — Relativement à la seconde raison tirée de l’obstacle du péché, il en est de l’homme comme de Dieu ; parce que nous ne pouvons mériter près de celui que nous avons offensé, si nous ne nous réconcilions pas d’abord avec lui, en lui donnant pleine satisfaction.

 

          Mais c’est le contraire. L’Apôtre dit (Rom., 6, 23) : La grâce de Dieu est la vie éternelle.

 

          Conclusion Puisque la vie éternelle surpasse toutes les forces de la nature, l’homme ne peut la mériter ni dans l’état de nature intègre, ni dans l’état de nature déchue, sans la grâce et sans s’être réconcilié avec Dieu.

          Il faut répondre qu’on peut considérer l’homme sans la grâce dans deux états, comme nous l’avons dit (quest. 109, art. 2) : l’état de nature intègre, tel qu’il fut dans Adam avant le péché, et l’état de nature déchue, tel qu’il est en nous avant la réparation de la grâce. Si donc nous parlons de l’homme relativement au premier état, il ne pouvait mériter la vie éternelle sans la grâce par ses seules forces naturelles pour une raison, c’est que le mérite humain dépend de l’ordre préétabli de Dieu. Or, l’acte d’un être n’est pas mis par la Providence en rapport avec une chose qui surpasse les forces de la puissance qui est le principe de cet acte. Car la providence divine veut qu’aucun être n’agisse au delà de sa puissance. La vie éternelle étant un bien qui surpasse les forces d’une nature créée, parce qu’elle surpasse sa connaissance et son désir, d’après ces paroles de l’Apôtre (1 Cor., 2, 9) : L’œil n’a pas vu, l’oreille n’a pas entendu, et le cœur de l’homme n’a pas conçu ce que Dieu a préparé à ceux qui l’aiment, il s’ensuit qu’aucune créature n’est un principe capable de produire un acte qui mérite la vie éternelle, si on ne lui surajoute un don surnaturel qu’on appelle la grâce (Ce raisonnement est d’une rigueur mathématique. Baïus ayant prétendu que c’était être pélagien que de dire qu’une bonne œuvre faite hors de l’état de grâce ne mérite pas la vie éternelle, ce sentiment fut condamné. C’est la douzième de ses propositions, qui est ainsi formulée : Pelagii sententia est, opus bonum citrà gratiam adoptionis factum, non est regni cælestis meritorium.). — Mais s’il s’agit de l’homme qui est dans le péché, il faut ajouter une seconde raison à celle-là, par suite de l’obstacle que le péché produit. Car le péché étant une offense contre Dieu qui exclut de la vie éternelle, comme on le voit d’après ce que nous avons dit (quest. 71, art. 6, et quest. 113, art. 2), celui qui est dans cet état ne peut mériter la vie éternelle, s’il ne se réconcilie auparavant avec Dieu, en obtenant son pardon, ce qui se fait au moyen de la grâce. Car le pécheur ne doit pas recevoir la vie, mais la mort, d’après ce mot de l’Apôtre (Rom., 6, 23) : La solde du péché, c’est la mort.

 

Article 3 : L’homme qui est en état de grâce peut-il mériter la vie éternelle de condigno ?

 

          Objection N°1. Il semble que l’homme qui est en état de grâce ne puisse pas mériter la vie éternelle ex condigno. Car l’Apôtre dit (Rom., 8, 18) : Les souffrances de la vie présente n’ont pas de proportion avec la gloire future qui doit éclater en nous. Or, parmi les œuvres méritoires, celles qui paraissent les plus excellentes ce sont les souffrances des saints. Donc il n’y a aucune œuvre humaine qui mérite la vie éternelle ex condigno.

          Réponse à l’objection N°1 : L’Apôtre parle des souffrances des saints considérées en elles-mêmes, dans leur substance.

 

         Objection N°2. A l’occasion de ces paroles de l’Apôtre (Rom., 6, 23) : La grâce de Dieu est la vie éternelle, la glose fait remarquer (ord. Aug. liv. de grat. et lib. arb., chap. 9), qu’il aurait bien pu dire : La récompense de la justice est la vie éternelle ; mais qu’il a mieux aimé employer cette expression : la grâce de Dieu est la vie éternelle, pour nous faire comprendre que Dieu nous fait arriver à la vie éternelle par sa miséricorde, mais non par nos mérites. Or, ce qu’on mérite ex condigno, on ne le reçoit pas à titre de miséricorde, mais à titre de justice. Il semble donc que l’homme ne puisse pas par la grâce mériter la vie éternelle ex condigno.

          Réponse à l’objection N°2 : Ces paroles de la glose doivent s’entendre de la première cause qui nous fait parvenir à la vie éternelle. C’est en effet la miséricorde de Dieu ; notre mérite est la cause subséquente.

 

          Objection N°3. Le mérite ex condigno paraît être celui qui égale la récompense. Or, aucun acte de la vie présente ne peut égaler la vie éternelle, qui surpasse notre connaissance et notre désir, et qui est même au-dessus de la charité ou de l’amour que nous avons ici-bas, comme elle est au-dessus de notre nature. Donc l’homme ne peut pas par la grâce mériter la vie éternelle ex condigno.

          Réponse à l’objection N°3 : La grâce de l’Esprit-Saint que nous possédons ici-bas, quoiqu’elle ne soit pas égale à la gloire en acte, lui est cependant égale virtuellement ; comme la semence d’un arbre renferme virtuellement l’arbre entier. De même l’Esprit-Saint qui habite en nous par la grâce est une cause suffisante pour que nous obtenions la vie éternelle. D’où il est appelé le gage de notre héritage (2 Cor., chap. 1).

 

          Mais c’est le contraire. Ce qu’on accorde d’après un juste jugement, paraît être une récompense méritée ex condigno. Or, Dieu accorde la vie éternelle d’après le jugement de sa justice, suivant ces paroles de l’Apôtre (2 Tim., 4, 8) : Il ne me reste qu’à attendre la couronne de justice qui m’est réservée, et que le Seigneur m’accordera en ce jour, comme un juste juge. Donc l’homme mérite la vie éternelle ex condigno.

 

          Conclusion L’action du juste, selon qu’elle procède de la grâce de l’Esprit-Saint qui habite en lui et dont la dignité est infinie, mérite la vie éternelle ex condigno ; mais elle ne la mérite pas de même selon qu’elle procède de son libre arbitre, à cause de l’inégalité immense qu’il y a entre l’effet et la cause ; quoiqu’il soit convenable que Dieu récompense selon l’excellence de sa puissance l’homme qui fait ce qu’il peut.

          Il faut répondre qu’on peut considérer de deux manières les œuvres méritoires de l’homme. On peut les considérer selon qu’elles procèdent du libre arbitre, et selon qu’elles procèdent de la grâce de l’Esprit-Saint. Si l’on considère la substance de l’œuvre selon qu’elle procède du libre arbitre (Sylvius fait ici remarquer qu’il s’agit du libre arbitre, selon qu’il est mû par la grâce ; autrement saint Thomas paraîtrait en opposition avec ce qu’il a dit (quest. 109, art. 1 et 6) sur l’impuissance de l’homme à se préparer à la grâce, loin de la mériter de congruo.), il ne peut pas y avoir condignité à cause de l’inégalité immense qu’il y a entre le mérite et la récompense ; mais il y a convenance, à cause de l’égalité proportionnelle qui se trouve entre ces deux choses. Car il paraît convenable que Dieu récompense selon l’excellence de sa puissance, l’homme qui opère selon toute l’étendue de la vertu qu’il lui a donnée. — Mais s’il s’agit de l’œuvre méritoire selon qu’elle procède de la grâce de l’Esprit-Saint, elle mérite la vie éternelle ex condigno (C’est ce que supposent ces paroles du concile de Trente : Si quis dixerit, justificatum bonis operibus quæ ab eo per Dei gratiam et Jesu Christi meritum fieret, non verè mereri vitam æternam et ipsius vitæ æternæ, si tamen in gratiâ decesserit, consecutionem, atque etiam gloriæ augmentum : anathema sit.). Car alors la valeur du mérite s’apprécie d’après la vertu de l’Esprit-Saint, qui nous porte à la vie éternelle, suivant cette parole de saint Jean (Jean, 4, 14) : Il y aura en lui une fontaine d’eau qui jaillira jusque dans la vie éternelle. Le prix de l’œuvre se considère aussi d’après la dignité de la grâce, qui fait que l’homme participe à la nature divine et qui le rend enfant de Dieu, de telle sorte que l’héritage lui est dû d’après son droit d’adoption, suivant cette parole de saint Paul (Rom., 8, 17) : Si nous sommes ses enfants, nous sommes aussi ses héritiers.

 

Article 4 : La grâce est-elle le principe du mérite plutôt par la charité que par les autres vertus ?

 

          Objection N°1. Il semble que la grâce ne soit pas le principe du mérite plutôt par la charité que par les autres vertus. Caria récompense est due à l’ouvrier, d’après ces paroles de l’Evangile (Matth., 20, 8) : Appelez les ouvriers et donnez-leur la récompense qu’ils ont méritée. Or, toute vertu est le principe d’une œuvre quelconque ; puisque la vertu est une habitude opérante, comme nous l’avons vu (quest. 55, art. 2). Donc toute vertu est également le principe du mérite.

          Réponse à l’objection N°1 : La charité, selon qu’elle a la fin dernière pour objet, porte les autres vertus à agir. Car l’habitude à laquelle la fin se rapporte commande toujours aux habitudes qui ont pour objet les moyens, comme on le voit d’après ce que nous avons dit (quest. 9, art. 1).

 

          Objection N°2. L’Apôtre dit (1 Cor., 3, 8) : Chacun recevra sa propre récompense selon son propre travail. Or, la charité diminue le travail plus qu’elle ne l’augmente ; car, comme le dit saint Augustin (Lib. de Verb. Dom., serm. 9, chap. 3 et serm. 49 de temp.), l’amour rend faciles et presque nulles les choses les plus pénibles et les plus cruelles. Donc la charité n’est pas plus le principe du mérite qu’une autre vertu.

          Réponse à l’objection N°2 : Une œuvre peut être laborieuse et difficile de deux manières : 1° D’après sa grandeur ; et alors l’étendue du travail ajoute au mérite. La charité ne diminue pas l’effort, elle fait même entreprendre les plus grands travaux ; car quand elle existe, elle opère de grandes choses, comme le dit saint Grégoire (Hom. 30 in Ev.). 2° D’après le défaut du sujet qui opère. Car ce qu’on ne fait pas d’une volonté prompte et active paraît pénible et difficile à tout le monde. Cette peine diminue le mérite, mais la charité la détruit.

 

          Objection N°3. La vertu dont les actes sont les plus méritoires paraît être plus principalement la source du mérite. Or, les actes qui paraissent les plus méritoires sont les actes de foi et de patience ou de force, comme on le voit à l’égard des martyrs qui ont combattu pour la foi avec patience et courage jusqu’à la mort. Donc les autres vertus sont le principe du mérite plus que la charité.

          Réponse à l’objection N°3 : L’acte de foi n’est pas méritoire, si la foi ne l’opère par l’amour, comme le dit, saint Paul (Gal., chap. 5). Un acte de patience et de force n’est méritoire non plus qu’à condition qu’il émane de la charité (La charité est à l’égard des autres actes ce que la cause générale est à l’égard des causes particulières. Elle ne les empêche pas de produire chacune leurs effets, mais par son influence elle les complète.), d’après ces paroles du même apôtre (1 Cor., 13, 3) : Quand je livrerai mon corps pour être brûlé, si je n’ai pas la charité, tout cela ne me sert de rien.

 

          Mais c’est le contraire. Le Seigneur dit (Jean, 14, 21) : Si quelqu’un m’aime, il sera aimé de mon Père, je l’aimerai et je me manifesterai moi-même à lui. Or, la vie éternelle consiste dans la connaissance manifeste de Dieu, puisqu’il est dit plus loin (17, 3) : La vie éternelle consiste à vous connaître, vous qui êtes le seul Dieu véritable et vivant. Donc le mérite de la vie éternelle réside surtout dans la charité.

 

          Conclusion La grâce est plus particulièrement le principe du mérite par la charité que par les autres vertus, parce que c’est par la charité que nous opérons de la manière la plus volontaire et qu’elle se rapporte tout spécialement à la béatitude.

          Il faut répondre que, comme on peut le conclure de ce que nous avons dit (art. 1), l’acte humain tire son mérite de deux sources ; la première et la principale, c’est la promesse divine d’après laquelle on dit que l’acte mérite le bien que Dieu destine à l’homme. La seconde c’est le libre arbitre qui met l’homme au-dessus des autres créatures, en lui donnant la faculté d’agir par lui-même, volontairement. Sous ces deux rapports le mérite consiste principalement dans la charité. En effet, il faut observer que la vie éternelle consiste dans la jouissance de Dieu. Or, le mouvement de l’âme humaine vers la jouissance de ce bien est l’acte propre de la charité, par lequel tous les actes des autres vertus se rapportent à cette fin, selon que les autres vertus sont commandées par la charité. C’est pourquoi le mérite de la vie éternelle appartient premièrement à la charité, et secondairement aux autres vertus, puisqu’elles n’agissent que sous sa direction. De même il est aussi évident que ce que nous faisons par amour, nous le faisons de la manière la plus volontaire. Par conséquent le mérite est principalement attribué à la charité, selon que son essence exige qu’il soit volontaire.

 

Article 5 : L’homme peut-il mériter pour lui-même la première grâce ?

 

          Objection N°1. Il semble que l’homme puisse mériter pour lui-même la première grâce. Car, comme le dit saint Augustin (in Præf. Ps. 31), la foi mérite la justification. Or, l’homme est justifié par la première grâce. Donc il peut la mériter pour lui.

          Réponse à l’objection N°1 : Comme le rapporte saint Augustin (Ret., liv. 1, chap. 23), il avait été lui-même trompé en croyant que le commencement de la foi vient de nous (Cette erreur fut celle des semi-pélagiens.), mais que Dieu nous en donne la consommation, et il rétracte ce sentiment. Il semble qu’il était encore dans cette erreur, quand il a dit que la foi mérite la justification. Mais si nous supposons, ce qui est vrai en effet, que le commencement de la foi vienne de Dieu en nous, alors l’acte de foi résulte lui-même de la première grâce, et il ne peut pas conséquemment la mériter. L’homme est donc justifié par la foi, non comme s’il méritait la justification en croyant, mais parce que quand il est justifié, il croit, puisque le mouvement de la foi est nécessaire à la justification de l’impie, comme nous l’avons dit (quest. 113, art. 4).

 

          Objection N°2. Dieu ne donne la grâce qu’à ceux qui en sont dignes. Or, on n’est digne d’un bien qu’autant qu’on l’a mérité ex condigno. Donc on peut mériter ex condigno la première grâce.

          Réponse à l’objection N°2 : Dieu ne donne la grâce qu’à ceux qui en sont dignes ; ce qui ne signifie pas qu’ils en étaient dignes auparavant, mais que lui qui seul peut rendre pur celui qui est né d’un sang impur (Job, 14, 4) les en rend dignes par sa grâce.

 

          Objection N°3. Près des hommes on peut mériter un don que l’on a déjà reçu préalablement. Par exemple, celui qui a reçu de son maître un cheval, le mérite en en faisant bon usage au service du maître lui-même. Or, Dieu est plus libéral que l’homme. Donc à plus forte raison l’homme peut-il mériter de Dieu, par des œuvres subséquentes, la première grâce qu’il en a reçue.

          Réponse à l’objection N°3 : Toutes les bonnes actions des hommes procèdent de la première grâce, comme de leur principe, mais elles ne procèdent pas de tout don humain (Le bon usage que l’on fait d’un don qu’on a reçu est le fait du bon esprit et des bonnes dispositions de celui qui s’en sert, au lieu que le bon usage que nous faisons de la grâce vient de la grâce elle-même.). C’est pourquoi il n’y a pas de parité entre le don de la grâce et le don que nous recevons de nos semblables.

 

          Mais c’est le contraire. Il répugne à la nature de la grâce d’être la récompense des œuvres, d’après ces paroles de saint Paul (Rom., 4, 4) : La récompense qui se donne à quelqu’un pour ses œuvres ne lui est pas imputée comme une grâce, mais comme une dette. Or, l’homme mérite ce qui lui est imputé à titre de chose due, comme la récompense de ses œuvres. Donc il ne peut pas mériter la première grâce.

 

          Conclusion L’homme ne pouvant mériter pour lui la première grâce, ni par des œuvres antérieures, parce qu’il n’y a aucune proportion entre elles et le don de la grâce, ni par des œuvres postérieures, parce que la grâce n’est pas la fin de ses œuvres, mais le commencement ; on doit dire qu’aucun homme ne peut mériter pour lui-même la première grâce.

          Il faut répondre qu’on peut considérer le don de la grâce de deux manières : 1° comme don gratuit. Il est évident qu’à ce point de vue tout mérite répugne à la grâce ; parce que, comme le dit l’Apôtre (Rom., 11, 9) : Si elle venait des œuvres, elle ne serait plus grâce. 2° On peut la considérer d’après la nature de la chose donnée, et sous ce rapport elle ne peut pas non plus être méritée par celui qui n’a pas la grâce ; soit parce qu’elle surpasse les forces de la nature, soit parce qu’avant d’avoir la grâce l’homme qui est dans l’état du péché, est empêché par le péché lui-même de la mériter. Quant à celui qui a la grâce, il ne peut pas la mériter après l’avoir reçue ; parce que la récompense est le terme de l’œuvre, tandis que la grâce est en nous le principe de toutes nos bonnes actions, comme nous l’avons dit (quest. 109). D’ailleurs si l’on mérite un autre don gratuit en vertu de la grâce que l’on a possédée antérieurement, ce ne sera plus la première grâce. D’où il est évident que personne ne peut mériter pour soi la première grâce.

 

Article 6 : L’homme peut-il mériter pour un autre la première grâce ?

 

          Objection N°1. Il semble que l’homme puisse mériter pour un autre la première grâce. Car à l’occasion de ces paroles de saint Matthieu (9, 2) : Jésus, voyant leur foi, etc., la glose dit (ordin.) : Combien la foi personnelle a de puissance près de Dieu, qui s’est tellement laissé toucher par la foi d’un autre qu’il a guéri un homme intérieurement et extérieurement. Or, la guérison intérieure de l’homme s’opère par la première grâce. Donc l’homme peut mériter cette grâce pour un autre.

          Réponse à l’objection N°1 : La foi d’un individu peut mériter le salut d’un autre, ex congruo, mais non ex condigno.

 

          Objection N°2. Les prières des justes ne sont pas inutiles, mais efficaces, d’après ce mot de saint Jacques (5, 16) : La prière persévérante du juste a beaucoup de pouvoir. Auparavant il avait dit : Priez les uns pour les autres, afin que vous soyez sauvés. Par conséquent puisque le salut de l’homme ne peut être produit que par la grâce, il semble qu’un homme puisse mériter pur un autre la première grâce.

          Réponse à l’objection N°2 : L’impétration de la prière repose sur la miséricorde, tandis que le mérite ex condigno s’appuie sur la justice. C’est pourquoi en priant beaucoup, l’homme obtient de la divine miséricorde ce qu’il ne mérite pas à titre de justice, d’après ces paroles de Daniel (9, 18) : Ce n’est point en nous confiant dans notre propre justice que nous vous offrons nos prières prosternés devant vous, mais c’est dans la vue de la multitude de vos miséricordes.

 

          Objection N°3. Il est dit (Luc, 16, 9) : Faites-vous des amis avec l’argent que vous avez injustement acquis, afin que quand vous viendrez à manquer, ils vous reçoivent dans les tabernacles éternels. Or, on n’est reçu dans les tabernacles éternels que par la grâce ; car c’est par elle seule qu’on mérite la vie éternelle, comme nous l’avons dit (art. 2 et quest. 109, art. 5). Donc un individu peut mériter pour un autre la première grâce.

          Réponse à l’objection N°3 : On dit que les pauvres qui reçoivent des aumônes, font entrer les autres dans les tentes éternelles ; soit en obtenant leur pardon par leurs prières ; soit en méritant pour eux ex congruo cette faveur par d’autres bonnes œuvres, soit encore matériellement parlant, parce que par les œuvres de miséricorde qu’on exerce envers les pauvres, on mérite d’être reçu dans les tabernacles éternels.

 

          Mais c’est le contraire. Le prophète fait dire au Seigneur (Jér., 15, 1) : Quand Moïse et Samuel se présenteraient devant moi, mon cœur ne se tournerait pas vers ce peuple. Ces deux serviteurs de Dieu étaient cependant du plus grand mérite. Il semble donc que personne ne puisse mériter pour un autre la première grâce.

 

          Conclusion Le mérite ex condigno n’étant accordé aux œuvres humaines que parce qu’elles sont produites par l’impulsion de Dieu et la grâce, qui a été donnée au Christ seul comme chef de l’Eglise, de telle sorte qu’il peut mériter la vie éternelle non seulement pour lui, mais encore pour les autres, il s’ensuit qu’il n’y a que le Christ qui ait pu mériter pour un autre ex condigno la première grâce.

          Il faut répondre que, comme on le voit d’après ce que nous avons dit (art. 1 et 4), nos œuvres tirent leur mérite de deux choses : 1° de la force de la motion divine, et c’est ainsi que nous méritons ex condigno. 2° Une action est méritoire selon qu’elle procède du libre arbitre, dans le sens que nous la faisons volontairement. Sous ce rapport, nous méritons ex congruo, parce qu’il est convenable que quand l’homme fait un bon usage de sa vertu, Dieu opère plus excellemment selon l’éminente supériorité de sa puissance. — D’où il est évident qu’il n’y a que le Christ qui puisse mériter pour un autre ex condigno, la première grâce : parce que chacun de nous est mû par Dieu au moyen de la grâce, pour parvenir à la vie éternelle. C’est pourquoi notre mérite ex condigno ne s’étend pas au delà de cette motion. Au lieu que l’âme du Christ a été mue de Dieu au moyen de la grâce, non seulement pour parvenir à la gloire de la vie éternelle, mais encore pour y conduire les autres, comme chef de l’Eglise, et comme auteur du salut du genre humain, d’après ces paroles de saint Paul (Héb., 2, 10) : Il a amené ses enfants en grand nombre dans la gloire, il est l’auteur du salut, etc. — Cependant on peut mériter pour un autre ex congruo la première grâce. Car l’homme qui est en état de grâce, faisant la volonté de Dieu, il est convenable qu’en raison de son amitié Dieu accomplisse la volonté de celui qu’il aime en opérant le salut d’un autre. Mais il peut quelquefois y avoir obstacle de la part de celui dont un saint désire la justification. Et c’est dans ce cas que se trouve applicable le passage du prophète Jérémie (Quelque puissante que soit l’intercession d’un saint, il no peut nous sauver sans nous.).

 

Article 7 : L’homme peut-il mériter pour lui d’être relevé de son péché après qu’il est tombé ?

 

          Objection N°1. Il semble qu’on puisse mériter d’être relevé après qu’on est tombé. Car l’homme paraît pouvoir mériter ce qu’il demande de Dieu avec justice. Or, il ne peut rien demander de plus juste à Dieu, comme le dit saint Augustin (implic. enar. 1, sup. hæc verb. Psalm.), que son pardon après sa chute, suivant cette parole du Psalmiste (Ps. 70, 9) : Quand ma vertu fera défaut, ne m’abandonnez pas, Seigneur. Donc l’homme après sa chute peut mériter qu’on le relève.

          Réponse à l’objection N°1 : Le désir par lequel on souhaite d’être relevé après qu’on est tombé est juste ; de même la prière par laquelle on demande sa réhabilitation est juste aussi, parce qu’elle tend à la justice ; mais elle ne s’appuie pas sur la justice à la manière du mérite, elle ne repose que sur la miséricorde (Elle repose sur la miséricorde et la générosité de Dieu, et par conséquent ce mérite n’est qu’un mérite ex congruo, pris dans un sens large.).

 

          Objection N°2. Les œuvres de l’homme lui sont plus profitables qu’elles ne le sont aux autres. Or, 1’homme peut mériter d’une certaine manière pour un autre qu’il se relève après être tombé, comme il peut lui mériter la première grâce. Donc, à plus forte raison, peut-il mériter pour lui-même une pareille faveur.

          Réponse à l’objection N°2 : On peut mériter pour un autre la première grâce ex congruo, parce qu’il n’y a pas, du moins de la part de celui qui mérite, l’obstacle qui existe quand quelqu’un, après avoir reçu la grâce, s’est écarté de la justice.

 

          Objection N°3. L’homme qui a été un jour dans la grâce, a mérité pour lui-même la vie éternelle par les bonnes œuvres qu’il a faites, comme on le voit d’après ce que nous avons dit (art. 2 et quest. 109, art. 5). Or, on ne peut parvenir à la vie éternelle, si l’on n’est relevé par la grâce. Il semble donc qu’il ait mérité d’être relevé de cette manière.

          Réponse à l’objection N°3 : Il y a des auteurs qui ont dit qu’on ne mérite absolument la vie éternelle que par l’acte de la grâce finale ; qu’auparavant on ne la mérite qu’à condition de persévérer (Cette erreur revenait à celle des novateurs qui ont prétendu qu’il n’y avait que les prédestinés qui pouvaient mériter pour la vie éternelle ; ce que le concile de Trente a ainsi condamné (sess. 6, can. 17) : Si quis, justificationis gratiam non nisi prædestinatis ad vitam contingere dixerit, anathema sit.). Mais ce sentiment est déraisonnable, parce que, quelquefois l’acte de la dernière grâce n’est pas plus méritoire et il l’est même quelquefois moins que les actes antérieurs, par suite de la maladie qui enlève à l’homme ses forces. — Il faut donc dire que tout acte de charité mérite absolument la vie éternelle ; mais par le péché qui suit on met un obstacle au mérite antérieur, de telle sorte qu’il ne produit pas son effet, comme les causes naturelles sont aussi empêchées de produire leurs effets par un obstacle qui survient.

 

          Mais c’est le contraire. Le prophète dit (Ez., 18, 24) : Si le juste se détourne de la justice et qu’il vienne à commettre l’iniquité, toutes les œuvres de justice qu’il aura faites seront oubliées. Donc les mérites antérieurs n’auront pas de vertu pour le tirer du mal, et par conséquent on ne peut pas mériter sa réhabilitation, après qu’on est tombé.

 

          Conclusion On ne peut d’aucune manière mériter sa réhabilitation après qu’on est tombé, on ne peut l’obtenir que par la seule miséricorde de Dieu.

          Il faut répondre que personne ne peut mériter, ni ex condigno, ni ex congruo, d’être relevé après qu’il est tombé. On ne peut le mériter ex condigno, parce que ce mérite dépend essentiellement de la motion de la grâce de Dieu, et cette motion est interrompue par le péché subséquent. Ainsi, tous les bienfaits que le pécheur reçoit de Dieu après son péché, et par lesquels il est réhabilité, ne sont pas l’objet du mérite, parce que l’impulsion de la grâce antérieure ne s’étend pas jusque-là. Le mérite ex congruo, par lequel on mérite pour un autre la première grâce, ne peut avoir son effet quand le péché de celui pour lequel on mérite y fait obstacle. A plus forte raison, l’efficacité de ce mérite est-elle empêchée, quand il y a obstacle de la part de celui qui mérite et de celui pour lequel il mérite. Car dans cette hypothèse ces deux obstacles se trouvent réunis dans la même personne. C’est pourquoi on ne peut mériter d’aucune manière sa réhabilitation, après qu’on est tombé.

 

Article 8 : L’homme peut-il mériter une augmentation de la grâce ou de la charité ?

 

          Objection N°1. Il semble que l’homme ne puisse pas mériter une augmentation de la grâce ou de la charité. Car quand quelqu’un a reçu une récompense qu’il a méritée, on ne lui en doit pas une autre, comme le dit l’Evangile (Matth., 6, 2) : Ils ont reçu leur récompense. Si donc quelqu’un méritait un accroissement de charité ou de grâce, il s’ensuivrait que la grâce augmentée ne pourrait pas attendre une autre récompense au delà, ce qui répugne.

          Réponse à l’objection N°1 : La récompense est le terme du mérite. Or, il y a dans un mouvement deux sortes de termes ; le dernier et le moyen qui est tout à la fois principe et terme. C’est ce terme qui reçoit la récompense de l’accroissement du mérite. Mais la récompense des faveurs humaines est comme le dernier terme pour ceux qui placent là leur fin. C’est pourquoi ils ne reçoivent aucune autre récompense.

 

          Objection N°2. Aucun être n’agit au delà de son espèce. Or, le principe du mérite est la grâce ou la charité, comme on le voit d’après ce que nous avons dit (art. 2 et 4). Donc personne ne peut mériter une grâce ou une charité plus grande que celle qu’il a.

          Réponse à l’objection N°2 : L’augmentation de la grâce ne va pas au delà de la vertu de la grâce préexistante, quoiqu’elle soit au delà de sa grandeur ; comme un arbre, quoiqu’il excède en grandeur la semence qui l’a produit, n’est cependant pas au-dessus de sa vertu.

 

          Objection N°3. Ce qui est l’objet du mérite, l’homme le mérite par tout acte qui procède de la grâce ou de la charité, comme il mérite la vie éternelle par tous les actes semblables. Si donc l’augmentation de la grâce ou de la charité est l’objet du mérite, il semble qu’on mérite cet accroissement par tout acte que la charité anime. Or, ce que l’homme mérite, il l’obtient de Dieu infailliblement, si le péché subséquent n’y met obstacle. Car il est dit (2 Tim., 1, 12) : Je sais à qui je me suis fié, et je suis sûr qu’il est assez puissant pour garder mon dépôt. Il s’ensuivrait donc que la grâce ou la charité serait augmentée par tout acte méritoire ; ce qui paraît répugner, parce que quelquefois les actes méritoires ne paraissent pas assez fervents pour être capables d’augmenter la charité. Donc cet accroissement n’est pas l’objet du mérite.

          Réponse à l’objection N°3 : Pour tout acte méritoire l’homme mérite un accroissement de grâce, comme il mérite aussi la consommation de la grâce elle-même, qui est la vie éternelle. Or, comme on ne reçoit pas la vie éternelle immédiatement, mais dans son temps ; de même la grâce n’est pas augmentée immédiatement, mais elle l’est dans son temps, lorsqu’on est suffisamment disposé à cet égard.

 

          Mais c’est le contraire. Saint Augustin dit (Sup. Epist. Joan., tract. 5) que la charité mérite d’être augmentée, afin qu’étant augmentée elle mérite aussi d’être couronnée. Donc l’accroissement de la charité ou de la grâce est l’objet du mérite.

 

          Conclusion Puisque c’est par le même moyen que nous arrivons à notre fin et que nous progressons vers elle, l’homme juste, méritant la vie éternelle ex condigno par ses bonnes œuvres, selon qu’elles sont produites par l’impulsion de Dieu, on doit dire qu’il mérite aussi une augmentation de grâce et de charité.

          Il faut répondre que, comme nous l’avons dit (art. 6 et 7), le mérite ex condigno embrasse les choses auxquelles s’étend la motion de la grâce. Or, la motion d’un moteur ne s’étend pas seulement au dernier terme du mouvement, mais encore à tout le développement de sa marche. Le terme du mouvement de la grâce est la vie éternelle. Son progrès ou son développement a lieu en raison de l’augmentation de la charité ou de la grâce, d’après ces paroles de l’Ecriture (Prov., 4, 18) : Le sentier des justes est comme une lumière brillante qui s’avance et qui croît jusqu’au jour parfait, qui est le jour de la gloire. Ainsi donc l’augmentation de la grâce est l’objet du mérite ex condigno.

 

Article 9 : L’homme peut-il mériter la persévérance ?

 

          Objection N°1. Il semble qu’on puisse mériter la persévérance. Car ce que l’homme obtient en le demandant, celui qui a la grâce peut le mériter. Or, les hommes obtiennent de Dieu la persévérance en la demandant : autrement il serait inutile qu’elle fût comprise parmi les demandes de l’Oraison dominicale, comme l’explique saint Augustin (Lib. de bon. perseverant., chap. 2 et 17). Donc celui qui a la grâce peut mériter la persévérance.

          Réponse à l’objection N°1 : Ce que nous ne méritons pas nous l’obtenons par nos prières (D’après saint Thomas, il semble que nous ne méritions le don de persévérance que d’un mérite ex congruo pris dans un sens large, c’est-à-dire en raison de nos prières, qui sont fondées sur la libéralité et la bonté de Dieu. Cependant il y a des thomistes qui n’interprètent pas sa pensée dans un sens aussi restreint, et il y a aussi d’autres théologiens qui prétendent que nous méritons ce don d’un mérite de congruo proprement dit.). Car Dieu exauce les pécheurs qui lui demandent le pardon de leurs fautes qu’ils ne méritent pas, comme on le voit dans saint Augustin (Tract. 44 in Joan.), qui, à l’occasion de ces paroles de saint Jean (Jean, 9, 31) : Nous savons que Dieu exauce les pécheurs, fait remarquer que sans cela le publicain aurait dit inutilement : Dieu, soyez- moi propice, qui suis un pécheur (Luc, 18, 13). De même on obtient de Dieu pour soi et pour les autres le don de la persévérance en le demandant, quoiqu’il ne soit pas l’objet du mérite.

 

          Objection N°2. Il est mieux de ne pouvoir pas pécher que de ne pas pécher. Or, l’impossibilité de pécher est l’objet du mérite, car on mérite la vie éternelle qui implique essentiellement l’impeccabilité. Donc à plus forte raison peut-on mériter de ne pas pécher, ce qui constitue la persévérance.

          Réponse à l’objection N°2 : La persévérance dans la gloire est le terme du mouvement méritoire du libre arbitre, mais il n’en est pas de même de la persévérance d’ici-bas, pour la raison que nous avons donnée (dans le corps de l’article.).

 

          Objection N°3. L’accroissement de la grâce est une chose supérieure à la persévérance dans la grâce qu’on possède. Or, on peut mériter l’accroissement de la grâce, comme nous l’avons dit (art. préc.). Donc à plus forte raison peut-on mériter la persévérance dans la grâce que l’on a.

          Réponse à l’objection N°3 : Il faut faire la même réponse qu’à l’objection précédente au sujet de l’augmentation de la grâce, comme on le voit d’après ce que nous avons dit (ibid., et art. préc.).

 

          Mais c’est le contraire. Tout ce qu’on mérite on l’obtient de Dieu, si le péché n’y met obstacle. Or, il y en a beaucoup qui ont fait des œuvres méritoires, et qui n’obtiennent pas la persévérance. On ne peut pas dire que ce soit à cause que le péché les en empêche ; parce que le péché est précisément ce qui est opposé à la persévérance ; de sorte que si l’on méritait la persévérance, Dieu ne permettrait pas qu’on tombât dans le péché. La persévérance n’est donc pas l’objet du mérite.

 

          Conclusion La persévérance d’ici-bas n’étant pas un effet de la grâce, mais étant plutôt sa cause et son principe, parce qu’elle est une conservation et une création continue de la grâce, il est évident que nous ne pouvons la mériter, nous ne méritons que celle qu’on appelle la persévérance de la gloire.

          Il faut répondre que l’homme ayant naturellement le libre arbitre qui peut se porter au bien et au mal, on peut obtenir de Dieu la persévérance dans le bien de deux manières : d’abord parce que le libre arbitre est déterminé au bien par la grâce consommée, ce qui aura lieu dans la gloire ; ensuite de la part de la motion divine, qui porte l’homme au bien jusqu’à la fin. Or, comme on le voit d’après ce que nous avons dit (art. 6 à 8), l’objet du mérite embrasse ce qui se rapporte, comme son terme, au mouvement du libre arbitre mû par Dieu, mais non ce qui se rapporte à ce même mouvement comme son principe. D’où il est évident que la persévérance de la gloire qui est le terme de ce mouvement est l’objet du mérite ; parce qu’elle dépend uniquement de la motion divine qui est le principe de tout mérite. Mais Dieu accorde gratuitement le don de la persévérance à tous ceux auxquels il le donne.

 

Article 10 : Les biens temporels sont-ils l’objet du mérite ?

 

          Objection N°1. Il semble que les biens temporels soient l’objet du mérite. Car ce qu’on promet à quelques-uns comme une récompense de leur justice est l’objet du mérite. Or, dans la loi ancienne on a promis aux justes les biens temporels, comme une récompense de leur justice, ainsi qu’on le voit (Deut., chap. 28), il semble donc que les biens temporels soient l’objet du mérite.

          Réponse à l’objection N°1 : Comme le dit saint Augustin (cont. Faust., liv. 4, chap. 2), ces promesses temporelles étaient des figures des biens spirituels qui se sont accomplis en nous. Car le peuple charnel s’attachait aux promesses de la vie présente, et non seulement ses discours, mais encore son existence même furent prophétiques.

 

          Objection N°2. Le mérite paraît embrasser ce que Dieu accorde à quelqu’un pour un service qu’il en a reçu. Or, Dieu donne quelquefois aux hommes des biens temporels pour le service qu’ils lui ont rendu. Car il est dit (Ex., 1, 21) que parce que les sages-femmes avaient craint Dieu, il leur bâtit des maisons, et saint Grégoire fait remarquer à ce sujet (Mor., liv. 18, chap. 4) que leur bienfaisance a pu avoir pour récompense la vie éternelle ; mais que leur mensonge a reçu une récompense terrestre. Et le prophète fait dire au Seigneur (Ez., 29, 18) : Le roi de Babylone m’a rendu avec son armée un grand service au siège de Tyr, et il n’en a pas reçu de récompense. Puis il ajoute : Voici comment je le récompenserai ; je lui ai donné la terre d’Egypte, parce qu’il a travaillé pour moi. Donc les biens temporels sont l’objet du mérite.

          Réponse à l’objection N°2 : On dit que ces récompenses sont divines par rapport à la motion de Dieu, mais non par rapport à la malice de la volonté, surtout à l’égard du roi de Babylone, qui n’a pas fait le siège de Tyr pour servir le Seigneur, mais plutôt pour usurper à son profit le souverain pouvoir. De même les sages-femmes, quoiqu’elles aient eu une bonne intention relativement à la délivrance des enfants, néanmoins leur volonté n’a pas été droite, relativement au mensonge qu’elles ont fait.

 

          Objection N°3. Comme le bien se rapporte au mérite, de même le mal se rapporte au démérite. Or, il y en a que Dieu punit de peines temporelles à cause du démérite de leurs péchés, comme on le voit par les Sodomites (Gen., chap. 19). Donc les biens temporels sont l’objet du mérite.

          Réponse à l’objection N°3 : Les maux temporels sont infligés aux méchants à titre de châtiments, parce qu’ils ne sont pas pour eux un secours qui les mène à la vie éternelle. Pour les justes, au contraire, ces maux les aident, et ils ne sont donc pas pour eux des peines, mais plutôt des remèdes, comme nous lavons dit (quest. 87, art. 8).

 

          Objection N°4. Mais c’est le contraire. Les biens qui sont l’objet du mérite ne sont pas accordés de la même manière à tout le monde. Or, les bons et les méchants participent également aux biens et aux maux temporels, d’après ce précepte de l’Ecriture (Ecclésiaste, 9, 2) : Tout arrive également au juste et à l’impie, au bon et au méchant, à celui qui est pur et à celui qui ne l’est pas, à celui qui immole des victimes et à celui qui méprise les sacrifices. Donc les biens temporels ne sont pas l’objet du mérite (L’argument contraire établit ici une thèse absolument opposée à celle que soutiennent les raisonnements antérieurs. Saint Thomas doit le réfuter comme les autres, parce que son propre sentiment est une doctrine intermédiaire qui doit se poser entre ces extrêmes pour déterminer ce qu’il y a de vrai et ce qu’il y a de faux dans chacun d’eux.).

          Réponse à l’objection N°4 : Les bons et les méchants sont également partagés à l’égard des biens et des maux temporels considérés en eux-mêmes, mais il n’en est pas de même par rapport à leur fin ; car les bons s’en servent pour arriver à la béatitude, tandis qu’il en est tout autrement des méchants.

 

          Conclusion Les biens temporels, selon qu’ils sont utiles aux actes de vertus par lesquels nous arrivons à la vie éternelle, peuvent être considérés comme des biens absolus, et à ce titre ils sont absolument et directement l’objet du mérite ; mais considérés en eux-mêmes, comme ils ne sont pas absolument les biens de l’homme, de même ils ne sont pas absolument l’objet du mérite, ils ne le sont que relativement.

          Il faut répondre que ce qui est l’objet du mérite est une récompense qui est un bien. Or, le bien de l’homme est de deux sortes : il est absolu ou relatif. Le bien de l’homme absolu est sa fin dernière, d’après ces paroles du Psalmiste (Ps., 72, 27) : Il m’est bon de m’attacher à Dieu, et par conséquent il embrasse tout ce qui mène à cette fin. Ces biens sont, absolument pariant, l’objet du mérite. Le bien relatif de l’homme, c’est le bien qui lui convient pour le moment (Pour le moment, c’est-à-dire pour cette vie dans laquelle il n’est pas possible de se passer absolument des biens temporels, et selon que ces biens nous sont nécessaires pour arriver à notre fin, saint Thomas dit que nous pouvons les mériter ex condigno.), ou qui lui va sous un rapport. Cette espèce de bien n’est pas absolument, mais relativement l’objet du mérite. — D’après cela il faut dire que si l’on considère les biens temporels, selon qu’ils sont utiles aux bonnes œuvres qui nous conduisent à la vie éternelle, ils sont à ce point de vue l’objet direct et absolu du mérite, aussi bien que l’augmentation de la grâce, et tout ce qui aide l’homme à parvenir à la béatitude après la première grâce. Car Dieu dorme aux justes autant de biens et de maux temporels qu’il leur en faut pour parvenir à la vie éternelle ; et ces biens temporels sont par là même des biens absolus. D’où il est dit (Ps. 33, 2) : Ceux qui craignent le Seigneur ne seront privés d’aucun bien. Et ailleurs (Ps. 36, 25) : Je n’ai pas vu le juste abandonné, etc. — Si on considère les biens temporels en eux-mêmes, à ce point de vue ils ne sont pas absolument les biens de l’homme, ils ne le sont que relativement. De même ils ne sont pas l’objet absolu du mérite, ils n’en sont que l’objet relatif, en tant que les hommes sont quelquefois poussés par Dieu à faire des choses temporelles, dans lesquelles ils parviennent, avec son aide, à l’exécution de leur dessein (Ainsi, avec le secours de Dieu, les conquérants qui ont châtié la Judée ont obtenu la victoire qu’ils désiraient, et les avantages qu’ils en ont tirés ont été leur récompense.) ; de telle sorte, que comme la vie éternelle est simplement la récompense des œuvres de justice qui se rapportent à la motion divine, ainsi que nous l’avons dit (art. 3 et 6), de même les biens temporels considérés en eux-mêmes sont une récompense relativement à la motion divine, qui porte la volonté des hommes à faire ces choses : quoiqu’il arrive quelquefois que ceux qui les exécutent n’aient pas toujours une intention droite (Ainsi le roi de Babylone et l’empereur Titus furent les instruments des desseins de Dieu, sans avoir une intention droite, car dans tous exploits ils ne recherchèrent que leur propre gloire.).

          Ici se termine ce que nous avions à dire de la morale en général.

 

 

Copyleft. Traduction de l’abbé Claude-Joseph Drioux et de JesusMarie.com qui autorise toute personne à copier et à rediffuser par tous moyens cette traduction française. La Somme Théologique de Saint Thomas latin-français en regard avec des notes théologiques, historiques et philologiques, par l’abbé Drioux, chanoine honoraire de Langres, docteur en théologie, à Paris, Librairie Ecclésiastique et Classique d’Eugène Belin, 52, rue de Vaugirard. 1853-1856, 15 vol. in-8°. Ouvrage honoré des encouragements du père Lacordaire o.p. Si par erreur, malgré nos vérifications, il s’était glissé dans ce fichier des phrases non issues de la traduction de l’abbé Drioux ou de la nouvelle traduction effectuée par JesusMarie.com, et relevant du droit d’auteur, merci de nous en informer immédiatement, avec l’email figurant sur la page d’accueil de JesusMarie.com, pour que nous puissions les retirer. JesusMarie.com accorde la plus grande importance au respect de la propriété littéraire et au respect de la loi en général. Aucune évangélisation catholique ne peut être surnaturellement féconde sans respect de la morale catholique et des lois justes.

 

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