Saint Thomas d’Aquin - Somme Théologique
1a = Prima Pars =
Première Partie
Question 19 : De
la volonté de Dieu
Après
avoir examiné ce qui a rapport à la science de Dieu, nous avons à considérer ce
qui regarde sa volonté. Nous traiterons donc 1° de sa volonté, 2° de ce qui se
rapporte absolument à la volonté, 3° de ce qui concerne l’intelligence dans ses
rapports avec la volonté. — A l’égard de la volonté divine elle-même, douze
questions se présentent : 1° En Dieu y a-t-il volonté ? (L’Ecriture
est très formelle à cet égard, indépendamment du texte cité par saint Thomas,
on peut encore indiquer les passages suivants (Ps. 134, 6) : Tout ce qu’il a
voulu, le Seigneur l’a fait. (Ez., 18, 23) : Ce que je veux, est-ce la mort de l’impie ?
dit le Seigneur Dieu. (Esth., 13, 9) : Seigneur, roi tout-puissant, toutes choses
sont soumises à votre pouvoir, et nul ne peut résister à votre volonté.) —
2° Dieu veut-il des choses différentes de lui-même ? (Nous ferons ici
remarquer, quoiqu’on ait fait de saint Thomas un disciple d’Aristote, quelle
différence il y a entre la doctrine de l’un et de l’autre. Le Dieu d’Aristote
ne connaît que lui-même ; il n’est pas tout-puissant, puisque la matière est
éternelle comme lui ; il n’est pas créateur ; par conséquent sa providence ne
s’étend pas sur toutes choses, puisque cette providence suppose en Dieu
l’omniscience, la toute-puissance et une volonté créatrice. Qu’il y a loin de
ce Dieu solitaire, exclusivement occupé de lui-même, au Dieu de la révélation,
que saint Thomas nous fait connaître.) — 3° Tout ce que Dieu veut, le veut-il
nécessairement ? (Les arnaudistes voulaient que Dieu
agît d’après une nécessité de sa nature, et, par conséquent, qu’il n’agît pas
d’après la liberté de sa volonté. Abeilard disait
qu’il ne peut faire que ce qu’il fait, et il niait aussi son libre arbitre ; Wiclef, Luther, Bucer et Calvin, ont
aussi nié la liberté de Dieu. Cette erreur est combattue dans cet article.) — 4°
La volonté de Dieu est-elle la cause des choses ? (Cet article n’est que le
développement de la question qui a déjà été traitée (quest. 14, art. 8).) — 5°
Peut-on assigner une cause à la volonté de Dieu ? (L’intention de saint Thomas
n’est pas de prouver ici que ce que Dieu veut, il le veut sans raison. Car il
réfute positivement l’erreur de ceux qui disaient qu’il n’y a pas d’autres
motifs à donner pour l’explication des œuvres de Dieu, que d’alléguer purement
et simplement sa volonté (Voy. contra Gent., liv. 1, chap. 86 et 87). Mais il a pour but de
montrer ici que la cause de sa volonté n’est rien autre chose que sa bonté, et
que par conséquent elle se confond avec sa volonté et son essence.) — 6° La
volonté de Dieu s’accomplit-elle toujours ? (Saint Thomas nous apprend ici à
concilier ces divers textes de l’Ecriture (Est., 13, 9) : nul ne peut résister à votre volonté ; (Ps. 134, 6) : Tout ce qu’il a
voulu, le Seigneur l’a fait ; (Matth., 23, 37) : que de fois j’ai voulu rassembler tes fils,
comme la poule rassemble ses petits sous ses ailes, et tu ne l’as pas voulu ! ;
(Prov., 1, 24) : Puisque j’ai appelé, et vous avez refusé d’écouter, etc.) — 7° La
volonté de Dieu est-elle changeante ? (Cet article n’est qu’un corollaire de
ceux où nous avons établi l’immutabilité de la substance et de la science
divine. On peut aussi y voir une réfutation d’une erreur de Calvin, qui dit que
la loi de Dieu et sa volonté sont souvent en désaccord ; ce qui supposerait un
changement dans sa volonté depuis la promulgation de sa loi.) — 8° La volonté
de Dieu rend-elle nécessaires les choses qu’elle veut ? (Cet article est nue
réfutation de Wiclef, dont les erreurs ont été
condamnées au concile de Constance et de tous ceux qui ont nié la liberté
humaine.) — 9° Dieu veut-il les choses mauvaises ? (Calvin a enseigné que Dieu,
non seulement permet les péchés que font les hommes, mais qu’il veut que les
hommes les fassent, et qu’il les y pousse. Mélanchton
a dit également que Dieu est l’auteur de l’adultère de David et de la trahison
de Judas, aussi bien que de la conversion de saint Paul. L’apôtre saint Jacques
a dit, au contraire (Jacq., 1, 13) : Que nul, lorsqu’il est tenté, ne dise que
c’est Dieu qui le tente ; car Dieu ne tente pas pour le mal, et il ne tente
lui-même personne. Le concile de Trente a condamné positivement tous ceux
qui font Dieu auteur du péché (sess. 6, can. 6).) — 10° Dieu a-t-il le libre
arbitre ? (Cet article revient à la question que nous avons traitée, art. 3. L’Ecriture expose cette vérité en une multitude d’endroits (Rom., 9, 18) : Il fait miséricorde à qui il veut, et il endurcit qui il veut. (Jer., 18, 3) : voici,
il travaillait sur sa roue, etc. Voyez cette magnifique allégorie.) — 11°
Faut-il distinguer en Dieu ce qu’on appelle la volonté de signe ? (Les
théologiens distinguent la volonté de
signe (signi)
et la volonté de bon plaisir (beneplaciti). La
volonté de bon plaisir est un acte intérieur et véritable de la volonté divine,
qui a pour terme un objet qui lui plaît ; telle est, par exemple, la volonté
qu’a Dieu de donner sa gloire aux élus. La volonté de signe n’est pas l’acte interne
et véritable de la volonté divine, c’en est seulement le signe. Le mot de
volonté ne lui convient même que dans un sens impropre et métaphorique. C’est
ainsi qu’on appelle un testament la volonté du testateur, parce qu’il exprime
ses derniers desseins.) — 12° Est-il convenable de distinguer à l’égard de la
volonté divine cinq signes ? (Ces distinctions qu’on a beaucoup trop sévèrement
critiquées sont cependant on ne peut mieux fondées en raison. Elles jettent
d’ailleurs beaucoup de jour sur les problèmes ardus qui se rattachent à la
volonté de Dieu et à ses rapports avec les hommes.)
Article
1 : Y a-t-il en Dieu volonté ?
Objection
N°1. Il semble qu’en Dieu il n’y ait pas volonté. Car l’objet de la volonté est
la fin et le bien. Or, on ne peut pas assigner à Dieu une fin. Donc il n’y a
pas en lui volonté.
Réponse
à l’objection N°1 : Quoiqu’il n’y ait rien en dehors de Dieu qui soit sa fin,
il est néanmoins la fin de tous les êtres qu’il a créés, et il l’est par son
essence, puisqu’il est bon par son essence, comme nous l’avons prouvé (quest.
16, art. 3). Car la fin est déterminée par la bonté.
Objection
N°2. La volonté est une espèce d’appétit. Or, l’appétit ayant pour objet une
chose qu’on n’a pas, suppose une imperfection qui ne peut être en Dieu. Donc il
n’y a pas volonté en lui.
Réponse
à l’objection N°2 : En nous la volonté appartient à l’appétit, et quoiqu’elle
tire de là son nom (Aussi, dans saint Thomas comme dans Aristote, la volonté
est-elle appelée souvent du nom d’appétit intelligentiel.),
elle ne consiste pas seulement à désirer ce qu’elle n’a pas, mais encore à
aimer ce qu’elle a et à s’y délecter. C’est sous ce rapport qu’il y a en Dieu
une volonté qui est toujours en possession du bien qui est son objet, puisque
le bien n’est rien autre chose que son essence, comme nous l’avons dit (dans le
corps de l’article.).
Objection
N°3. D’après Aristote (De animâ, liv. 3, text. 54), la
volonté est un moteur qui est mû (Car, comme le dit Aristote lui-même, ce qui appète est mû, en tant qu’il appète, et
l’appétition est une sorte de mouvement, en tant qu’elle est un acte (De an., liv. 3, chap. 10, § 2).1). Or,
Dieu est le premier moteur immobile, comme le prouve également ce philosophe (Phys., liv. 8, text.
49). Donc il n’y a pas volonté en lui.
Réponse
à l’objection N°3 : La volonté qui a pour objet principal un bien qui est en
dehors d’elle, a besoin d’être mue par une cause étrangère ; mais l’objet de la
volonté divine est sa bonté même qui est son essence. Par conséquent la volonté
de Dieu étant son essence, il n’est pas mû par un autre que lui-même. Il est mû
par lui-même suivant cette façon de parler qui nous fait appeler l’intelligence
et la volonté un mouvement. C’est ainsi que Platon a dit que le premier moteur
se meut lui-même (Si on prenait ces mots dans leur sens propre, il ne serait
pas possible de comprendre l’immobilité de ce premier moteur.).
Mais
c’est le contraire. Car l’Apôtre adit : Afin
que vous témoigniez quelle est la volonté de Dieu (Rom., 12, 2).
Conclusion
La volonté étant la conséquence de l’intelligence, il faut qu’en Dieu il y ait
volonté puisqu’il y a en lui intelligence.
Il
faut répondre qu’en Dieu il y a volonté comme il y a intelligence. En effet la
volonté est la conséquence de l’intelligence. Car comme toute chose naturelle a
l’être en acte par sa forme, de même l’intelligence est mise
en acte par sa forme intelligible. Or, tout être est ainsi disposé à l’égard de
sa forme naturelle, que quand il ne l’a pas il aspire et tend vers elle, et que
lorsqu’il l’a il s’y repose. Il en est de même pour toute perfection naturelle,
c’est-à-dire pour tout ce qui est bon dans la nature. Et c’est cette
inclination vers ce qui est bon qui s’appelle appétit naturel dans les êtres
qui sont dépourvus de connaissance. Par conséquent l’intellect a naturellement
une disposition analogue envers le bien perçu par sa forme intelligible. Quand
il le possède, il se repose en lui ; quand il ne l’a pas, il le recherche, et c’est
précisément dans ces deux choses que consiste la volonté. Donc il y a volonté
dans tout être qui a une intelligence, comme il y a un appétit animal dans tout
être qui a des sens. Ainsi puisqu’il y a en Dieu intelligence il faut qu’il y
ait en lui volonté. Et comme son intelligence est son être, sa volonté l’est
aussi.
Article
2 : Dieu veut-il autre chose que lui-même ?
Objection
N°1. Il semble que Dieu ne veuille pas autre chose que lui-même. Car la volonté
de Dieu est son être. Or, Dieu n’est pas autre chose que lui-même. Donc il ne
veut pas autre chose que lui-même.
Réponse
à l’objection N°1 : Quoique la volonté de Dieu soit son être réellement, elle
en diffère cependant rationnellement, c’est-à-dire d’après notre manière de
dire et de comprendre, comme nous l’avons observé (quest. 13, art. 4). Car
quand je dis que Dieu existe il n’y a pas là l’expression d’un rapport comme
quand je dis que Dieu veut. C’est pourquoi quoique Dieu ne soit pas autre chose
que lui-même, il veut cependant autre chose que lui-même.
Objection
N°2. L’objet voulu meut le sujet qui le veut comme l’objet désiré meut le sujet
qui le désire, d’après Aristote (De anim.,
liv. 3, text. 54). Donc si Dieu veut autre chose que
lui-même, sa volonté sera mue par un autre être que lui, ce qui est impossible.
Réponse
à l’objection N°2 : Quand nous voulons une chose pour une fin, cette fin est le
seul mobile qui imprime le mouvement à notre volonté. C’est ce qu’on voit de la
manière la plus manifeste dans les choses que nous ne voulons que pour une fin
déterminée. Ainsi celui qui veut prendre une potion amère ne veut rien autre
chose que la santé ; c’est là l’unique mobile de sa volonté. Au contraire celui
qui prend une potion douce, la prend non seulement pour sa santé, mais encore
pour le plaisir qu’il y trouve. Par conséquent, puisque Dieu ne veut les autres
choses qu’autant qu’elles se rapportent à une fin qui est sa bonté, comme nous
l’avons dit (art. préc.), il ne s’ensuit pas que sa
volonté soit mue par autre chose que par sa bonté même. Ainsi donc, comme en
comprenant son essence il comprend des choses différentes de lui, de même sa
volonté en s’attachant à sa bonté veut autre chose que lui.
Objection
N°3. Quand la volonté d’un être trouve dans l’objet qu’elle veut tout ce qu’il
lui faut, elle ne cherche rien en dehors. Or, la bonté de Dieu lui suffit, et
sa volonté en est pour ainsi dire rassasiée. Donc Dieu ne veut pas autre chose
que lui.
Réponse
à l’objection N°3 : De ce que la bonté de Dieu suffit à sa volonté il ne
s’ensuit pas que Dieu ne veuille pas autre chose que lui. Il s’ensuit seulement
qu’il ne doit vouloir les autres êtres qu’en raison de sa bonté même. Ainsi
l’intelligence divine, quoiqu’elle soit parfaite par là même qu’elle connaît
son essence, connaît néanmoins en elle tous les autres êtres.
Objection
N°4. La volonté multiplie ses actes en raison du nombre des objets qu’elle
veut. Si donc Dieu se veut lui-même et qu’il veuille encore autre chose que
lui, il s’ensuit que les actes de sa volonté sont multiples, et que par
conséquent son être l’est aussi, puisque son être c’est sa volonté même. Or, l’être
de Dieu ne peut pas être multiple. Donc il ne veut pas autre chose que
lui-même.
Réponse
à l’objection N°4 : Comme l’intelligence divine est une, parce que toutes les
choses qu’elle voit elle les voit dans un même être, de même la volonté divine
est une et simple, parce que toutes les choses qu’elle veut elle les veut par
un seul motif qui est sa bonté (Personne n’a mieux fait ressortir que saint
Thomas le rapport qu’il y a entre l’intelligence et la volonté et c’est à ce
point de vue qu’il se place pour éclairer les questions les plus difficiles.).
Mais
c’est le contraire. La volonté de Dieu est votre sanctification, dit l’Apôtre (1 Thess., 4,
3).
Conclusion
Comme il entre dans la perfection de la volonté de communiquer aux autres le
bien que l’on possède, il est convenable que la volonté divine surtout se
veuille elle-même comme fin et qu’elle veuille les autres choses pour
elle-même, c’est-à-dire suivant le rapport qu’elles ont avec leur fin, parce
que les autres êtres doivent participer à sa souveraine bonté.
Il
faut répondre que Dieu se veut non seulement lui-même, mais qu’il veut encore
autre chose que lui ; ce que nous pouvons rendre sensible par la comparaison
que nous avons précédemment employée. En effet la créature n’a pas seulement
une inclination naturelle vers son bien propre, de manière à l’acquérir quand
elle ne le possède pas ou à s’y reposer quand elle le possède, mais elle est
encore portée à le répandre sur les autres êtres autant qu’il lui est possible.
Ainsi nous voyons que tout agent, suivant son actualité et sa perfection,
reproduit son semblable. Il est donc dans l’essence de la volonté de
communiquer aux autres, autant que possible, le bien que l’on possède. Et s’il
en est ainsi de la volonté humaine, à plus forte raison en est-il de même de la
volonté divine de laquelle découle par imitation toute espèce de perfection.
Donc si les créatures communiquent aux autres êtres leur bonté en raison de
leur perfection, la volonté divine doit être d’autant plus portée à communiquer
aux autres êtres sa bonté en reflétant sur elles, autant que possible, son
image. Dieu se veut donc lui-même, et il veut aussi les autres choses. Il se
veut comme fin, et il veut les autres êtres comme se rapportant à cette fin ;
car il convient à la bonté divine de se donner en partage à toutes les
créatures.
Article
3 : Tout ce que Dieu veut le veut-il nécessairement ?
Objection
N°1. Il semble que tout ce que Dieu veut il le veuille nécessairement. Car tout
ce qui est éternel est nécessaire. Or, tout ce que Dieu veut, il le veut de
toute éternité, autrement sa volonté serait changeante. Donc tout ce que Dieu
veut il le veut nécessairement.
Réponse
à l’objection N°1 : De ce que Dieu veut de toute éternité ce qu’il veut il ne
s’ensuit pas qu’il le veuille nécessairement d’une nécessité absolue, mais
d’une nécessité hypothétique.
Objection
N°2. Dieu veut d’autres choses que lui-même par l’effet de sa bonté. Or, il
veut sa bonté nécessairement. Donc il veut nécessairement autre chose que
lui-même.
Réponse
à l’objection N°2 : Quoique Dieu veuille nécessairement sa bonté, il ne veut
cependant pas ainsi les choses qui s’y rapportent, parce que sa bonté peut
exister sans elles.
Objection
N°3. Tout ce qui est naturel à Dieu est nécessaire, parce que Dieu est par
lui-même l’être nécessaire et le principe de toute nécessité, comme nous l’avons
prouvé (quest. 2, art. 3). Or, il lui est naturel de vouloir tout ce qu’il
veut, parce que rien ne peut exister en Dieu que ce qui lui est naturel, comme
le dit Aristote (Met., liv. 5, text. 6). Donc tout ce qu’il veut il le veut
nécessairement.
Réponse
à l’objection N°3 : Il n’est pas dans la nature de Dieu de vouloir les choses
qu’il ne veut pas nécessairement. Ce n’est pas non plus contraire à sa nature,
mais c’est en lui quelque chose de purement volontaire.
Objection
N°4. Ce qui n’est pas nécessaire peut ne pas exister. Si donc il y a des choses
que Dieu ne veut pas nécessairement, il est possible qu’il ne les veuille pas
et que par conséquent il veuille ce qu’il ne veut pas. Sa volonté serait donc
une chose contingente et par là même imparfaite, parce que tout ce qui est
contingent est imparfait et changeant.
Réponse
à l’objection N°4 : Quelquefois une cause nécessaire a un rapport qui n’est pas
nécessaire avec son effet, ce qui provient de l’imperfection de l’effet et non
de l’imperfection de la cause. Ainsi la vertu du soleil a un rapport non
nécessaire avec quelques-uns des phénomènes que nous voyons ici se produire
accidentellement, et la contingence de ce rapport provient non de
l’imperfection de la puissance de cet astre, mais de l’imperfection de l’effet
qui ne résulte pas nécessairement de sa cause. De même si Dieu ne veut pas
nécessairement tout ce qu’il veut, il ne faut pas attribuer cette contingence à
l’imperfection de sa volonté, mais à l’imperfection des choses qu’il veut. Car
tout ce qu’il crée de bon est nécessairement imparfait, tandis que sa nature à
lui est telle que sa bonté peut être parfaite sans les créatures.
Objection
N°5. L’être qui est indifférent à produire un effet plutôt qu’un autre n’agit
qu’autant qu’il est déterminé à l’action par un autre être, comme le dit Aristote
(Phys., liv. 2, text.
48). Si la volonté de Dieu est ainsi indifférente dans certaines circonstances,
il s’ensuit qu’elle agit sous l’influence d’un autre être, et qu’il y a
au-dessus de lui une cause qui détermine son effet.
Réponse
à l’objection N°5 : Une cause qui est par elle-même contingente a besoin d’une
cause extérieure qui la détermine à produire son effet, mais la volonté divine
qui est nécessaire par elle-même se détermine elle-même à vouloir l’objet avec
lequel elle n’a pas un rapport nécessaire.
Objection
N°6. Tout ce que Dieu sait, il le sait nécessairement. Or, comme la science de
Dieu est son essence, de même aussi sa volonté. Donc tout ce que Dieu veut il
le veut nécessairement.
Réponse
à l’objection N°6 : Comme l’être de Dieu est nécessaire en lui-même, ainsi
l’est sa volonté et sa science. Mais la science de Dieu a un rapport de nécessité
avec les choses qu’il sait, tandis que sa volonté n’a pas un rapport semblable
avec les choses qu’il veut. Le motif de cette différence c’est que la science
se rapporte aux choses suivant ce qu’elles sont dans le sujet qui les connaît,
tandis que la volonté se rapporte aux choses suivant ce qu’elles sont en
elles-mêmes. Or, comme toutes les choses sont nécessaires quand on les
considère en Dieu, mais qu’elles ne le sont pas d’une nécessité absolue quand
on les considère en elles-mêmes, il arrive que tout ce que Dieu sait il le sait nécessairement, mais qu’il ne veut pas nécessairement
tout ce qu’il veut.
Mais
c’est le contraire. Car l’Apôtre dit que Dieu
fait tout d’après le conseil de sa volonté (Eph., 1, 11). Or, ce que nous
faisons d’après le conseil de notre volonté, nous ne le voulons pas
nécessairement. Donc tout ce que Dieu veut, il ne le veut pas nécessairement.
Conclusion
La bonté de Dieu étant l’objet propre de sa volonté, et toutes les autres
choses se rapportant à elle comme à leur fin, Dieu veut absolument et
nécessairement sa bonté, mais il ne veut les autres choses que d’une nécessité
hypothétique, c’est-à-dire, une fois qu’on a supposé qu’il les veut, il ne peut
pas ne pas les vouloir.
Il
faut répondre que le mot nécessaire a deux sens ; il peut être pris absolument et hypothétiquement (La volonté absolue ne dépend d’aucune condition ;
elle est soumise exclusivement au libre arbitre de Dieu, comme la volonté qu’il
a eue de créer le monde ; sa volonté hypothétique dépend d’une condition ;
telle est la volonté qu’il a de sauver tous les hommes. La condition qu’il y
met, c’est qu’ils voudront correspondre à sa grâce et observer ses
commandements.). On juge de la nécessité absolue d’une proposition par le
rapport des termes. Ainsi la proposition est d’une nécessité absolue quand le
prédicat est renfermé dans le sujet ; par exemple, l’homme est nécessairement
un animal, ou bien encore quand le sujet est de même nature que le prédicat,
par exemple, il est nécessaire que le nombre soit pair ou impair. Mais cette
proposition : Socrate est assis, n’est pas nécessaire absolument, puisqu’il
pouvait bien se faire qu’il ne s’assît pas ; elle est nécessaire seulement d’une
nécessité hypothétique, c’est-à-dire supposé qu’il soit assis, il est nécessaire
qu’il le soit tant qu’il l’est. — A l’égard de la volonté, il faut remarquer qu’il
y a des choses qu’elle veut d’une nécessité absolue, mais il n’en est pas ainsi
de tout ce qu’elle veut. Car la volonté de Dieu est nécessairement en rapport
avec sa bonté qui est son objet propre. Dieu veut donc nécessairement sa bonté
comme nous voulons nécessairement le bonheur. Toute autre faculté a également
un rapport nécessaire avec son objet propre et principal, comme la vue se porte
nécessairement sur les couleurs, puisqu’il est de sa nature de les rechercher.
Mais Dieu veut les choses qui sont en dehors de lui suivant qu’elles se
rapportent à sa bonté comme à leur fin. Or, quand nous voulons une fin, nous ne
voulons pas nécessairement les moyens qui y conduisent, à moins que ces moyens
ne soient tels que sans eux nous ne puissions atteindre notre fin. Ainsi nous
voulons nécessairement de la nourriture quand nous voulons conserver notre vie
; nous voulons nécessairement un vaisseau quand nous voulons naviguer, parce que
sans aliments on ne peut vivre, sans navire on ne peut aller sur l’eau. Mais
nous ne voulons pas nécessairement un cheval pour nous promener, parce que nous
pouvons bien aller à la promenade sans cela. Il en est de même pour le reste. D’où
il suit que la bonté de Dieu étant parfaite et pouvant se passer de tout ce qui
est en dehors d’elle, puisque rien ne peut ajouter à sa perfection, il n’est
pas absolument nécessaire que Dieu veuille d’autres choses que lui ; mais il
faut qu’il les veuille d’une nécessité hypothétique. Car, supposé qu’il veuille
en effet une chose, il ne peut pas ne pas la vouloir,
parce que sa volonté ne peut changer.
Article
4 : La volonté de Dieu est-elle la cause des êtres ?
Objection
N°1. Il semble que la volonté de Dieu ne soit pas la cause des êtres. Car saint
Denis dit (De div. nom., chap. 4) que comme le soleil
sans raisonner et sans préférer une chose à une autre répand, par le fait seul
de son être, sa lumière sur toutes les parties du monde qui peuvent la
recevoir, de même Dieu répand par son essence les rayons de sa bonté infinie
sur tout ce qui existe. Or, tout ce qui se fait par la volonté se fait en
raisonnant, en préférant une chose à une autre. Donc Dieu n’agit pas par sa
volonté, et par conséquent sa volonté n’est pas la cause des êtres.
Réponse
à l’objection N°1 : Saint Denis n’a pas l’intention d’exclure par ces paroles
absolument tout choix, toute préférence de la part de Dieu, mais il a seulement
voulu dire que Dieu ne communique pas seulement sa bonté à quelques êtres, mais
à tous les êtres, et il n’admet pas qu’il choisisse les uns et délaisse
complètement les autres.
Objection
N°2. L’être qui existe par son essence occupe le premier rang dans son ordre (De
là l’axiome : Primum in unoquoque generum est causa cæterorum.)
; ainsi la première de toutes les substances ignées c’est celle qui est du feu
par son essence. Or, Dieu est le premier de tous les agents. Il agit donc par
son essence qui est sa nature. S’il agit par sa nature il n’agit pas par sa
volonté. Donc la volonté divine n’est pas cause des êtres.
Réponse
à l’objection N°2 : L’essence de Dieu étant son intelligence et sa volonté, par
là même qu’il agit par son essence il s’ensuit qu’il agit par son intelligence
et sa volonté.
Objection
N°3. Tout ce qui est cause d’une chose parce qu’il est tel lui-même en est
cause par nature et non par volonté. Car le feu est cause de la chaleur parce
qu’il est chaud, mais l’architecte est cause de la maison parce qu’il veut la
faire. Or, saint Augustin dit (De doct. christ., liv. 1, chap.
32) que nous sommes parce que Dieu est bon. Donc Dieu est la cause des êtres
par sa nature et non par sa volonté.
Réponse
à l’objection N°3 : Le bon est l’objet de la volonté. Quand on dit : Nous sommes parce que Dieu est bon, cela
signifie seulement que sa bonté est le motif qui le porte à vouloir l’existence
de ses créatures, comme nous l’avons dit (art. 2, réponse N°2).
Objection
N°4. Une même chose ne peut avoir qu’une seule cause. Or, la science de Dieu
est la cause des créatures, comme nous l’avons dit (quest. 14, art. 8). Donc on
ne doit pas considérer la volonté de Dieu comme la cause des choses.
Réponse
à l’objection N°4 : En nous le même effet a pour cause la science.qui
dirige l’intelligence dans la conception de son œuvre et la volonté qui
commande. Car tant qu’une chose est dans l’esprit il n’y a rien qui détermine
si elle sera ou si elle ne sera pas réalisée, si la volonté n’intervient pas.
C’est pourquoi l’intelligence spéculative ne s’occupe pas de l’action. La puissance
au contraire est la cause créatrice parce qu’elle désigne le principe immédiat
de l’action. Mais tout cela n’est en Dieu qu’une seule et même chose.
Mais
c’est le contraire. Car il est dit (Sag., 11, 26) : Comment
quelque chose pourrait-il subsister si vous ne le vouliez, Seigneur ?
Conclusion
Dieu étant le premier de tous les êtres qui agissent, il est par son
intelligence et sa volonté la cause de tout ce qui existe.
Il
faut répondre qu’il est nécessaire de dire que la volonté de Dieu est la cause
des êtres, et que Dieu agit par sa volonté et non par une nécessité de sa
nature, comme quelques philosophes l’ont pensé. C’est ce qu’on peut se
démontrer de trois manières. — 1° Par l’ordre même des agents. L’intelligence
et la nature agissant pour une fin, comme le prouve Aristote (Phys., liv. 2, text.
49), il faut qu’une intelligence supérieure détermine à l’avance la fin que
doit atteindre celui qui agit par nature et les moyens qu’il doit employer,
comme il faut que le chasseur détermine le but que doit atteindre sa flèche et
la manière dont elle doit le frapper. Par conséquent il est nécessaire que
celui qui agit par l’intelligence et la volonté soit avant celui qui agit par
la nature, et puisque Dieu est le premier de tous les agents, il est nécessaire
qu’il agisse par son intelligence et sa volonté. — 2° D’après la constitution
intime de l’agent naturel. En effet, cette espèce d’agent ne produit jamais qu’un
seul et même effet. Car la nature opère toujours d’une seule et même manière, à
moins qu’elle ne rencontre un obstacle. Ce qui fait qu’il en est ainsi, c’est
qu’elle agit toujours suivant ce qu’elle est, et tant qu’elle est dans le même
état elle reproduit les mêmes effets. Car tout agent naturel a
un être déterminé. Par conséquent l’être divin n’étant pas déterminé, mais
renfermant en lui toute la perfection de l’être, il ne peut pas se faire qu’il
agisse par la nécessité de sa nature. Dans ce cas il ne pourrait produire qu’un
effet indéterminé, infini dans son être, ce qui est impossible, comme nous l’avons
montré (quest. 7, art. 2). Il n’agit donc pas par la nécessité de sa nature,
mais tous les effets dont il est cause procèdent de son infinie perfection,
selon la détermination de sa volonté et de son intelligence. — 3° D’après la
relation des effets à la cause. Les effets procèdent de la cause qui les
produit suivant qu’ils préexistent en elle ; car tout agent produit son
semblable. Or, les effets préexistent dans la cause suivant la manière d’être
de la cause elle-même. Par conséquent l’être de Dieu étant son intelligence,
les effets préexistent en lui d’une manière
intelligible ; ils en procèdent d’après le même mode et par conséquent d’une
manière volontaire. Car c’est à la volonté qu’appartient le désir de réaliser
ce que l’intelligence a conçu. Donc la volonté de Dieu est la cause des êtres.
Article
5 : Peut-on assigner une cause à la volonté de Dieu ?
Objection
N°1. Il semble qu’on puisse assigner une cause à la volonté de Dieu. Car saint
Augustin s’écrie : Qui oserait dire que Dieu a fait sans raison tout ce qu’il a
créé (Quæst.,
liv. 3, quest. 46). Or, pour un agent volontaire, la raison de son action est
la cause de sa volonté. Donc la volonté de Dieu a une cause.
Réponse
à l’objection N°1 : La volonté de Dieu est raisonnable, non parce que ses
déterminations ont une cause, mais parce qu’il ne veut une chose que par
rapport à une autre, et qu’ainsi tous les objets de ses volontés sont
coordonnés entre eux (Ainsi, parmi les œuvres de Dieu, une chose est cause
d’une autre, et la science a spécialement pour objet de connaître
l’enchaînement de ces causes secondes.).
Objection
N°2. Aux choses qui ont été produites sans aucun motif on ne peut assigner une
autre cause que la volonté même de celui qui les a produites. Or, la volonté de
Dieu est la cause de tous les êtres, comme nous l’avons prouvé (art. préc). S’il les a créés sans motif il ne faut pas chercher
à l’universalité des choses une autre cause que la volonté divine. Toutes les
sciences qui s’efforcent d’assigner aux effets des causes sont donc vaines, ce
qui parait répugner. Donc il faut assigner une cause à la volonté divine.
Réponse
à l’objection N°2 : Dieu voulant que les effets soient produits de telle
manière qu’ils résultent de cause certaine et que l’ordre général soit toujours
observé, il n’est pas inutile de rechercher pour ces effets d’autre cause que
la volonté de Dieu. Il n’y aurait d’inutile que les efforts que l’on ferait
pour trouver d’autres causes premières indépendantes de la volonté divine.
Comme le dit saint Augustin (De Trin.,
liv. 3, chap. 2) : Il a plu à la vanité des philosophes d’attribuer les effets
contingents à d’autres causes parce qu’ils ne pouvaient voir parfaitement la
cause qui est supérieure à toutes les autres, c’est-à-dire la volonté de Dieu.
Objection
N°3. Ce qui est fait par un être sans aucun motif dépend de sa simple volonté.
Si la volonté de Dieu n’a pas de cause, il s’ensuit donc que tout ce qu’il fait
dépend de sa simple volonté et n’a pas d’autre motif d’exister, ce qui répugne.
Réponse
à l’objection N°3 : Dieu voulant que les effets existent en raison des causes,
tous les effets qui en présupposent un autre ne dépendent pas seulement de la
volonté de Dieu, ils dépendent encore d’un autre être. Il n’y a que les effets
premiers qui dépendent uniquement de la volonté divine. Par exemple, si nous
disions que Dieu a voulu que l’homme eût des mains pour aider à son
intelligence en exécutant les divers ouvrages qu’elle conçoit ; qu’il a voulu
qu’il eût une intelligence pour lui donner son caractère d’homme ; qu’il a
voulu qu’il eût ce caractère d’homme par sa jouissance ou pour compléter
l’œuvre de la création, on ne pourrait plus alors remonter à d’autres fins
ultérieures. D’où l’on voit que dans cette série d’effets, il n’y a que le
premier qui dépende simplement, uniquement de la volonté de Dieu, les autres
dépendent d’un enchaînement de causes différentes.
Mais
c’est le contraire. Car saint Augustin dit (Quæst., liv. 83, quest. 28) : Toute cause efficiente est supérieure à
son effet, et comme il n’y a rien de plus grand que la volonté de Dieu, il ne
faut pas lui chercher une cause.
Conclusion
Dieu voulant tout dans sa bonté par un acte unique et absolument simple, on ne
peut assigner aucune cause à sa volonté.
Il
faut répondre que la volonté de Dieu n’a aucune espèce de cause. En effet, il
faut remarquer que la volonté est une conséquence de l’entendement, et que la
cause de la volonté de celui qui veut est la même que la cause de l’intelligence
de celui qui comprend. Or, dans l’entendement il arrive que si on comprend
séparément ou l’un après l’autre le principe et la
conclusion, l’intelligence du principe est cause de la science de la
conclusion. Mais si l’esprit voyait la conclusion dans le principe et qu’il les
saisît l’un et l’autre du même coup d’œil, la science de la conclusion n’aurait
plus alors pour cause l’intelligence du principe, parce que dans ce cas la
science de l’une et l’intelligence de l’autre ne seraient qu’une seule et même
chose, et une chose ne peut être cause d’elle-même. Ce qui n’empêcherait pas
toutefois l’esprit de considérer les principes comme les causes de la
conclusion. Il en est de même de la volonté pour laquelle la fin est aux moyens
ce que pour l’intelligence les principes sont aux conclusions. D’où il résulte
que si quelqu’un veut la fin, puis les moyens par deux actes distincts, la
volonté de la fin sera cause de la volonté des moyens. Mais si l’on veut par un
seul et même acte la fin et les moyens, il n’en sera plus de même parce qu’une
chose ne peut pas être cause d’elle-même. Néanmoins il sera vrai de dire qu’on
veut les moyens par rapport à la fin. Or, comme Dieu comprend toutes choses
dans son essence par un seul et même acte, de même il veut toutes choses par un
seul et même acte dans son amour. Par conséquent, comme en Dieu l’intelligence
de la cause n’est pas la cause de l’intelligence de l’effet, puisqu’il comprend
les effets dans leur cause ; de même la volonté qu’il a de la fin n’est pas
cause de la volonté qu’il a des moyens. Néanmoins il veut que ces moyens se
rapportent à la fin. Par conséquent il veut la chose pour le motif, mais ce n’est
pas à cause du motif qu’il la veut.
Article
6 : La volonté de Dieu s’accomplit-elle toujours ?
Objection
N°1. Il semble que la volonté de Dieu ne soit pas toujours accomplie. Car saint
Paul dit que Dieu veut que tous les hommes soient sauvés et qu’ils parviennent
à la connaissance de la vérité (1 Tim., 2, 4). Or, il n’en est pas ainsi. Donc la volonté
de Dieu n’est pas toujours accomplie.
Réponse
à l’objection N°1 : Ce mot de l’Apôtre : Dieu
veut que tous les hommes soient sauvés, peut s’entendre de trois manières :
1° Il peut signifier : Dieu veut que tous les hommes qui sont sauvés le soient
; ce qui ne signifie pas qu’il n’y a aucun homme qu’il ne veuille voir sauvé,
mais qu’il n’y a personne de sauvé qu’il n’ait voulu son salut, comme le dit
saint Augustin (De prædest.,
liv. 1, chap. 8). 2° On peut appliquer cette parole à tous les genres
d’individus, mais non aux individus de chaque genre. Elle signifierait alors
que Dieu veut qu’il y ait des individus sauvés dans toute espèce d’état, des
hommes et des femmes, des juifs et des gentils, des grands et des petits, ce
qui ne voudrait pas dire que dans chaque état tous les individus seraient
sauvés. 3° D’après saint Jean Damascène (Orth. fid., liv. 2, chap. 29), il faudrait entendre ces paroles de la
volonté antécédente. Cette distinction ne se rapporte pas à la volonté de Dieu,
puisqu’il n’y a pour elle ni avant, ni après, mais elle se rapporte aux choses
qui en sont l’objet. — Pour la bien comprendre, il
faut remarquer que toutes les choses que Dieu veut, il les veut en raison de
leur bonté. Or, une chose considérée en elle-même, d’une manière absolue, peut
être bonne ou mauvaise, et changer ensuite de caractère, quand on la considère
après qu’elle s’est adjoint une autre chose qui l’a modifiée. Ainsi en soi,
absolument parlant, c’est une bonne chose que l’homme vive, et c’en est une
mauvaise qu’on le tue. Cependant, si un homme devient un homicide, et qu’il ne
vive que pour mettre en péril les jours de ses semblables, il est bon qu’on le
détruise, et il est mauvais qu’il vive. D’où l’on peut dire qu’un juge qui est
juste veut d’une volonté antécédente que tout homme vive, mais qu’il veut d’une
volonté conséquente que l’homicide soit pendu (La volonté antécédente est celle
qui considère l’objet en lui-même, abstraction faite des circonstances ; saint
Jean Damascène l’appelle la volonté de
bonté et de miséricorde. La volonté conséquente est celle qui considère l’objet
avec toutes ses circonstances. Ce même Père l’appelle la volonté de justice. Cette distinction joue un très grand rôle en
théologie.). De même Dieu veut d’une volonté antécédente que tout homme soit
sauvé, mais il veut d’une volonté conséquente qu’il y ait des damnés pour la
satisfaction de sa justice. Cependant, ce que nous voulons d’une volonté
antécédente nous ne le voulons pas absolument, mais sous certain rapport
seulement. Car la volonté se rapporte aux choses suivant ce qu’elles sont en
elles-mêmes, et elles n’existent en elles-mêmes que d’après des circonstances
particulières. C’est pourquoi nous ne voulons absolument que ce que nous
voulons après avoir fait la part de toutes les circonstances particulières
déterminantes, et c’est ce qu’on appelle vouloir d’une volonté conséquente.
Ainsi on peut dire que le juge qui est juste veut absolument que l’homicide
soit pendu, mais il voudrait sous un rapport qu’il vécût, c’est-à-dire qu’il le
voudrait comme homme. Et cette dernière manière de vouloir peut être appelée
plutôt une velléité qu’une volonté absolue. Ainsi, par là il est évident que
tout ce que Dieu veut absolument arrive, quoique ce qu’il veut d’une volonté
antécédente n’arrive pas.
Objection
N°2. Ce que la science est au vrai, la volonté l’est au bien. Or, Dieu sait
tout ce qui est vrai. Donc il veut tout ce qui est bien. Cependant tout ce qui
est bien ne se fait pas, car il y a beaucoup de bonnes choses qu’on pourrait
faire et qu’on ne fait pas. Donc la volonté de Dieu n’est pas toujours accomplie.
Réponse
à l’objection N°2 : La faculté de connaître agit suivant que l’objet connu est
dans le sujet qui le connaît, tandis que la volonté se rapporte aux choses
suivant ce qu’elles sont en elles-mêmes. Or, tout ce qui peut avoir la nature
de l’être et du vrai est virtuellement compris tout entier en Dieu, mais
n’existe pas tout entier dans les créatures. C’est pourquoi Dieu connaît tout
ce qui est vrai, mais il ne veut pas tout ce qui est bon, sinon en tant qu’il
se veut lui-même, en qui tout bien existe virtuellement.
Objection
N°3. La volonté de Dieu, étant la cause première, n’exclut pas les causes
secondes, comme nous l’avons dit (art. préc). Or, l’effet
de la cause première peut être empêché par la faute d’une cause seconde ; ainsi
la faculté générale que nous avons de nous mouvoir peut être entravée par l’imperfection
de nos membres. Donc l’effet de la volonté divine peut être empêché par la
faute des causes secondes. Donc la volonté de Dieu n’est pas toujours
accomplie.
Réponse
à l’objection N°3 : La cause première ne pourrait être privée de son effet par
la faute d’une cause seconde, qu’autant que cette cause première ne serait pas
universelle, et qu’elle ne comprendrait pas dans son empire toutes les causes.
Car si elle embrasse toutes les causes secondes il n’y a pas d’effet qui puisse
se produire en dehors de son domaine, et il en est ainsi de la volonté de Dieu,
comme nous l’avons dit (dans le corps de l’article.) (Cet article peut être
aussi considéré comme une réfutation de l’erreur de Calvin, qui dit que Dieu a
créé le genre humain principalement pour la damnation et la mort éternelle.).
Mais
c’est le contraire. Car il est dit dans les Psaumes : Dieu a fait tout ce qu’il a voulu (Ps. 113, 13).
Conclusion
La volonté de Dieu étant la cause la plus universelle de toutes, il faut qu’elle
soit toujours accomplie.
Pour
s’en convaincre, il faut observer que l’effet étant semblable dans sa forme à
la cause qui le produit, il faut raisonner sur les causes efficientes de la
même manière que sur les causes formelles. Or, dans les causes formelles,
quoiqu’un effet puisse n’avoir pas telle ou telle forme particulière, il ne
peut cependant pas manquer d’avoir au moins une forme générale (C’est-à-dire
une forme quelconque.). Ainsi il peut bien être un homme ou un être vivant,
mais il ne peut pas être un non-être. La même observation est applicable aux
causes efficientes. Un effet peut être produit en dehors de telle ou telle
cause particulière, mais non en dehors de la cause universelle qui comprend en
elle toutes les causes secondes. Car si une cause particulière vient à manquer
son effet, c’est qu’elle a été entravée dans son action par une autre cause
particulière qui est elle-même comprise dans le domaine de la cause
universelle. Par conséquent, un effet ne peut pas échapper à l’empire de la
cause universelle. C’est ce qu’on voit parfaitement dans les choses
corporelles. Une étoile peut être empêchée de produire son effet. Mais la cause
qui l’empêchera de le produire pourra toujours être ramenée, par le moyen des
causes intermédiaires, à la forme générale qui régit le premier ciel (D’après
les théories péripatéticiennes le premier ciel est la cause générale,
universelle de tous les mouvements des astres.). Par conséquent, puisque la
volonté de Dieu est la cause universelle de tous les êtres, il est impossible
qu’elle ne produise pas son effet. Car l’être qui paraît s’y soustraire sous un
rapport y retombe sous un autre. Ainsi le pécheur qui s’éloigne de la volonté
de Dieu autant qu’il est en lui en péchant, retombe sous son empire puisqu’il
est puni par sa justice.
Article
7 : La volonté de Dieu est-elle changeante ?
Objection
N°1. Il semble que la volonté de Dieu soit changeante. Car le Seigneur dit : Je me repens d’avoir fait l’homme (Gen., 6, 7). Or,
celui qui se repent de ce qu’il a fait a une volonté changeante. Donc Dieu a
une volonté changeante.
Réponse
à l’objection N°1 : Cette parole du Seigneur est métaphorique, et c’est une
imitation de notre manière de parler. Car quand nous avons du repentir, nous
détruisons ce que nous avons fait, ce qui ne suppose pas au reste un changement
dans la volonté, puisqu’un homme, sans changer de volonté, veut quelquefois
faire une chose avec l’intention de la détruire ensuite. Ainsi, en comparant
l’action de Dieu à la nôtre on dit qu’il s’est repenti, ce qui signifie qu’il a
détruit l’homme qu’il avait fait en répandant sur toute la surface de la terre
les eaux du déluge.
Objection
N°2. Jérémie fait dire au Seigneur (18, 7) : Je parlerai contre la nation et contre le royaume pour les déraciner,
les détruire et les perdre ; mais si cette nation vient à se repentir du mal qu’elle
a fait, je me repentirai aussi du mal que j’ai eu dessein de lui faire.
Donc Dieu a une volonté changeante.
Réponse
à l’objection N°2 : La volonté de Dieu étant la cause première et universelle,
n’exclut pas les causes secondes qui ont la vertu de produire certains effets.
Mais ces causes secondes n’ayant pas la même puissance que la cause première,
il y a dans la vertu, dans la science et dans la volonté de Dieu beaucoup de
choses qui ne sont pas du domaine de ces causes inférieures. Telle est la
résurrection de Lazare. Celui qui ne fait attention qu’aux causes secondes
pouvait dire : Lazare ne ressuscitera pas.
Mais celui qui s’élève jusqu’à la cause première, jusqu’à Dieu, pouvait dire : il ressuscitera. Dieu veut ces deux
choses, c’est-à-dire il veut quelquefois qu’une chose qui doit arriver selon
les causes secondes n’arrive cependant pas d’après la cause supérieure, et
réciproquement. Il faut donc dire que Dieu dit quelquefois qu’une chose sera
parce qu’elle est dans l’ordre des causes secondes, et qu’elle est, par
exemple, la conséquence du bien ou du mal que l’on a fait, mais que cette chose
n’arrive pas parce que la cause supérieure qui est la volonté divine en a
décidé autrement que les causes subalternes. Ainsi, quand le Seigneur dit à
Isaïe : Préparez votre maison, parce que
vous mourrez et ne vivrez plus (Is., 38, 1), l’événement ne confirma pas cette parole, parce
que de toute éternité il en avait été décidé autrement dans la science et la
volonté de Dieu qui est immuable. C’est pour cela que saint Grégoire dit que
Dieu change sa sentence, sans changer la détermination de sa volonté. Quant à
ce qu’il dit : Je ferai pénitence, on
doit l’entendre métaphoriquement. C’est pour s’accommoder à notre langage ; car
quand un homme ne réalise pas les menaces qu’il a faites, on dit qu’il se
repent.
Objection
N°3. Tout ce que Dieu fait il le fait volontairement. Or, il ne fait pas toujours
la même chose. Car dans un temps il a ordonné d’observer les cérémonies de la
loi judaïque, et dans un autre temps il l’a défendu. Donc il a une volonté
changeante.
Réponse
à l’objection N°3 : Ce raisonnement ne prouve pas que la volonté de Dieu change
; on en peut seulement conclure qu’elle veut le changement.
Objection
N°4. Dieu ne veut pas nécessairement ce qu’il veut, comme nous l’avons prouvé
(art. 3). Donc il peut vouloir et ne pas vouloir la même chose. Or, tout être
qui peut choisir entre deux choses opposées est changeant suivant la volonté,
comme ce qui peut être et n’être pas est changeant selon la substance, et comme
ce qui peut être ici et n’y pas être est changeant suivant le lieu. Donc la
volonté de Dieu est changeante.
Réponse
à l’objection N°4 : Quoiqu’il ne soit pas absolument nécessaire que Dieu
veuille une chose, cependant cela est nécessaire hypothétiquement à cause de
l’immutabilité de sa volonté, comme nous l’avons dit (art. 3).
Mais
c’est le contraire. Dieu n’est pas comme
l’homme capable de mentir, il n’est pas, comme les enfants des hommes, capable
de changer (Nom., 23, 19).
Conclusion
La substance de Dieu et sa science étant invariables, il faut que sa volonté le
soit aussi.
Il
faut répondre que la volonté de Dieu est souverainement immuable. En effet, il
est à remarquer qu’il y a de la différence entre changer de volonté et vouloir
le changement de quelque chose. Car on peut, sans changer de volonté, vouloir
qu’une chose soit faite maintenant, et qu’ensuite le contraire ait lieu. Il n’y
a changement de volonté que quand on commence à vouloir ce qu’auparavant on ne
voulait pas, ou qu’on cesse de vouloir ce que l’on a voulu. Ce qui ne peut
arriver que par suite d’un changement d’idées ou d’un changement dans les
dispositions d’être de celui qui veut. Car la volonté ayant le bien pour objet,
on peut commencer à vouloir une chose qu’on ne voulait pas auparavant pour deux
motifs : 1° Quand on commence à trouver bonne une chose qu’on ne trouvait pas
telle auparavant, ce qui suppose un changement dans le sujet. Ainsi, quand le
froid arrive, on commence à se trouver bien près du feu, ce qui n’avait pas
lieu auparavant. 2° Quand on commence à connaître la bonté d’un objet qu’on
avait toujours ignorée jusque-là. Car nous avons recours au conseil pour savoir
ce qui est bon par rapport à nous. Mais tous ces changements ne sont pas
possibles en Dieu, puisque nous avons démontré (quest. 9, art. 1, et quest. 14,
art. 15) que sa substance aussi bien que sa science sont absolument immuables ;
nous devons donc conclure que sa volonté l’est aussi.
Article
8 : La volonté de Dieu rend-elle nécessaires les choses qu’elle veut ?
Objection
N°1. Il semble que la volonté de Dieu rende nécessaires les choses qu’elle a
voulues. Car saint Augustin dit : II n’y a de sauvé que celui dont Dieu veut le
salut. C’est pourquoi il faut le prier de vouloir notre salut, parce que s’il
le veut il sera nécessaire que nous le fassions.
Réponse
à l’objection N°1 : Il faut entendre cette parole de saint Augustin non d’une
nécessité absolue, mais d’une nécessité conditionnelle. Car il est nécessaire
que cette proposition conditionnelle soit vraie : Si Dieu veut une chose, il est nécessaire qu’elle arrive.
Objection
N°2. Toute cause dont on ne peut empêcher l’effet le produit nécessairement,
parce que la nature produit toujours la même chose si rien ne s’y oppose, comme
le dit Aristote (Phys., liv. 2, text. 84). Or, on ne peut empêcher la volonté de Dieu de s’accomplir.
Car saint Paul dit : Qui résiste à sa
volonté ? (Rom., 9, 19.) Donc la
volonté de Dieu rend nécessaires toutes les choses qu’elle a voulues.
Réponse
à l’objection N°2 : De ce que rien ne résiste à la volonté de Dieu il en
résulte non seulement qu’il fait ce qu’il veut, mais encore que, selon qu’il le
veut, les choses sont contingentes ou nécessaires.
Objection
N°3. Ce qui est nécessaire à priori (J’ai
conservé ce mot, parce qu’il m’a été impossible de trouver un équivalent.) l’est
absolument. Ainsi il est nécessaire pour l’animal de mourir, parce qu’il est
composé d’éléments contraires. Or, les créatures se rapportent à la volonté
divine comme à leur cause première. Et ce rapport leur impose une nécessité
absolue, puisque cette proposition conditionnelle est vraie : Si Dieu veut une chose, elle existe. Or,
une proposition conditionnelle ne peut être vraie qu’autant qu’elle est
nécessaire. D’où il suit que tout ce que Dieu veut est absolument nécessaire.
Réponse
à l’objection N°3 : Les êtres secondaires dépendent des êtres premiers de la
manière que ceux-ci déterminent. Donc les choses qui dépendent de la volonté de
Dieu sont nécessaires comme Dieu veut qu’elles le soient, c’est-à-dire qu’elles
sont nécessaires conditionnellement seulement ou absolument. Elles ne sont donc
pas toutes nécessaires d’une nécessité absolue.
Mais
c’est le contraire. Tout ce qui se fait de bien, Dieu veut qu’il arrive. Si sa
volonté rend nécessaires les choses qu’il veut, il s’ensuit que tous les actes
bons sont des actes nécessaires. Ce qui détruit le libre arbitre, le conseil et
toutes les vertus.
Conclusion
La volonté divine ne rend pas nécessaires toutes les choses qu’elle veut ; elle
rend nécessaires les effets qu’elle a fait dépendre de causes nécessaires, mais
elle laisse contingents ceux qu’elle a fait dépendre de causes contingentes.
Il
faut répondre que la volonté divine rend nécessaires certaines choses, mais qu’elle
n’impose pas à tout ce qu’elle veut ce caractère. Quelques philosophes ont
voulu rendre compte de cette différence par le moyen des causes, et ils ont dit
que les choses que Dieu fait par les causes nécessaires sont nécessaires et que
celles qu’il fait par les causes contingentes sont contingentes. Mais ce
raisonnement ne nous satisfait pas pour deux raisons. 1° Parce que l’effet d’une
cause première est contingent par suite d’une cause seconde. Car il peut être
empêché par la faute de cette cause seconde. Ainsi une plante peut empêcher la
vertu du soleil de se produire, tandis qu’il n’y a aucune cause seconde qui
puisse empêcher la volonté de Dieu d’avoir son effet. 2° Parce que si la
distinction des effets contingents et des effets nécessaires ne se rapporte qu’aux
causes secondes, il s’ensuit qu’elle existe en dehors de l’intention et de la
volonté de Dieu, ce qui répugne. — Il vaut donc mieux dire que cette
distinction repose sur l’efficacité de la volonté divine (Au lieu d’attribuer
la contingence des êtres à l’efficacité de la volonté divine, les scotistes
l’attribuent à sa liberté, et ils prétendent qu’il y a dans l’univers des êtres
contingents, parce que Dieu a une volonté libre. Mais l’opinion de saint Thomas
est, à juste titre, généralement préférée.). Car quand une cause est efficace
dans son action, l’effet qui s’ensuit dépend d’elle, non seulement quant à son
existence, mais quant à sa manière d’être et d’être fait. Si le fils, par
exemple, ne ressemble pas au père jusque dans les accidents qui composent sa
manière d’être, il ne faut l’attribuer qu’à la débilité du germe chargé de sa
reproduction. Mais la volonté divine étant souverainement efficace, il s’ensuit
non seulement que ce que Dieu veut arrive, mais encore que tout se fait de la
manière dont il veut que ce soit fait. Or, il veut qu’il y ait des choses
nécessaires et d’autres qui soient contingentes, afin qu’il y ait de l’ordre dans
l’univers et qu’il offre un ensemble complet. C’est pourquoi il a soumis
certains effets à des causes nécessaires qui ne peuvent faillir et qui agissent
nécessairement, et il en a soumis d’autres à des causes contingentes,
faillibles, qui peuvent ne les pas produire. C’est pourquoi les effets voulus
de Dieu ne sont pas contingents parce que les causes prochaines qui les
produisent le sont aussi ; mais ils le sont parce que Dieu a voulu qu’ils le
fussent et qu’il les a soumis dans ce dessein à des
causes qui le sont également.
Article
9 : Dieu veut-il le mal ?
Objection
N°1. Il semble que Dieu veuille les choses mauvaises. En effet il veut tout le
bien qui arrive. Or, il est bon qu’il y ait des choses mauvaises. Car saint
Augustin dit (Enchir.,
chap. 96) : Quoique les choses qui sont mauvaises ne soient pas bonnes en tant
que mauvaises, cependant il est bon qu’il y ait non seulement de bonnes choses,
mais qu’il y en ait aussi de mauvaises. Donc Dieu veut les choses mauvaises.
Réponse
à l’objection N°1 : D’après quelques philosophes (Hugues de Saint-Victor avait
prétendu qu’il était bon que le mal existe (De
sacram. fid., liv. 1, quest.
4, chap. 13).), quoique Dieu ne veuille pas le mal, cependant il veut que le
mal existe et qu’on le fasse, parce que, quoique le mal ne soit pas bien,
cependant il est bon que le mal existe et qu’on le fasse. Ils pensaient ainsi,
parce que les choses qui sont mauvaises en elles-mêmes se rapportent à un bien
quelconque, et ils supposaient qu’il était nécessaire à l’ordre que le mal
existe ou qu’il arrive. Mais ils se trompaient, parce que le mal ne se rapporte
pas au bien par lui-même, il ne s’y rapporte qu’accidentellement. Car le bien
qui peut résulter du péché est en dehors de l’intention du pécheur, comme
l’intention des tyrans n’est entrée pour rien dans la gloire dont les martyrs
ont brillé par leur patience dans les tourments. C’est pourquoi on ne peut pas
dire que le mal soit utile au bien, ni que ce soit une bonne chose que le mal
existe ou qu’on le fasse, parce qu’on ne juge pas une chose sur ce qui ne lui
convient qu’accidentellement, mais sur ce qui lui convient essentiellement.
Objection
N°2. Saint Denis dit (De div. nom., chap. 4)
que le mal concourt à la perfection de l’univers, et saint Augustin ajoute (Enchir., chap. 10
et 11) que l’universalité des êtres produit une admirable harmonie dans
laquelle ce qu’on appelle le mal est merveilleusement ordonné, car il est placé
à l’endroit le plus convenable pour faire ressortir par le contraste ce qu’il y
a d’agréable et de digne d’éloges dans le bien. Or, Dieu veut tout ce qui
appartient à la perfection et à la beauté de l’univers, parce que ces qualités
sont celles qu’il recherche surtout dans ses créatures. Donc il veut les choses
mauvaises.
Réponse
à l’objection N°2 : Le mal ne contribue à la beauté et à la perfection de
l’univers qu’accidentellement, comme nous l’avons dit dans la réponse
précédente. Et saint Denis ne se sert des paroles citées dans l’objection que
pour en tirer une induction contre ceux qui veulent que le mal soit une chose réelle.
Objection
N°3. Que le mal soit fait et qu’il ne soit pas fait, voilà deux choses
contradictoirement opposées. Or, Dieu ne veut pas empêcher de faire le mal,
puisque par là même qu’on le fait, sa volonté ne serait pas toujours accomplie.
Donc il veut qu’on le fasse.
Réponse
à l’objection N°3 : Bien que ces deux propositions : que le mal soit fait, qu’il
ne soit pas fait, soient contradictoirement opposées, cependant vouloir que le mal soit fait et vouloir qu’il ne soit pas fait, ne sont
pas deux propositions contradictoires, puisqu’elles sont affirmatives l’une et
l’autre. Donc Dieu ne veut pas que le mal arrive, et il ne veut pas qu’il
n’arrive pas, mais il veut le laisser faire, et cette liberté qu’il donne est
une bonne chose.
Mais
c’est le contraire. Car saint Augustin dit (Quæst., liv. 83, quest. 2) : Aucun homme sage ne voudrait être l’auteur
de la dégradation de son semblable. Or, la sagesse de Dieu est au-dessus de la
sagesse humaine. Il est donc encore moins possible que Dieu soit l’auteur de la
dégradation d’un être quelconque. Cependant il serait l’auteur de cette
dégradation s’il voulait le mal, puisqu’il est constant que le mal dégrade l’homme.
Donc Dieu ne le veut pas.
Conclusion
Puisque Dieu ne veut rien plus que sa bonté à laquelle le mal est opposé, et
que parmi les autres biens il y en a qu’il veut plus que d’autres, il ne veut
en aucune sorte le mal moral, mais il n’y a pas de répugnance à ce qu’il
veuille quelquefois le mal qui n’est qu’une imperfection de la nature ou un
châtiment.
Il
faut répondre que le bien est ce qui de sa nature est désirable, comme nous l’avons
dit (quest. 5, art. 1) ; il n’est donc pas possible que le mal qui lui est
opposé soit l’objet de l’appétit naturel, animal ou intellectuel qui n’est rien
autre chose que la volonté. Cependant il arrive qu’on désire accidentellement
le mal, mais c’est qu’alors il se rattache à quelque chose de bon, comme nous
allons le voir. En effet, un agent naturel quelconque ne veut ni la privation,
ni la corruption d’un autre être en elles-mêmes ; il veut seulement une forme
dont la réalisation entraîne la destruction d’une autre forme, il veut la
production d’une chose qui a pour conséquence la corruption d’une autre. Ainsi
le lion qui tue le cerf ne se propose que de se nourrir, et il ne tue pas cet
animal uniquement pour le tuer. De même l’impudique ne regarde que le plaisir
qu’il trouve dans le mal, et il ne s’arrête pas à la difformité, à la laideur
de sa mauvaise action. Le mal se rattache donc à un bien quelconque et n’est
que la privation d’un autre bien. On ne le désirerait jamais, même accidentellement,
si on ne désirait le bien auquel il est joint plus vivement que le bien dont il
nous prive. — Or, il n’y a pas de bien que Dieu puisse vouloir plus que sa
bonté même quoiqu’il veuille à la vérité tel bien plus que tel autre. D’où il
résulte qu’il ne veut d’aucune manière le mal du péché qui détruit tout rapport
avec sa divine bonté. Mais il veut le mal qui n’est qu’une imperfection de la
nature et le mal qui est un châtiment, et il le veut en voulant directement le
bien qui y est attaché (Par conséquent, il ne veut qu’indirectement et par
accident ces deux sortes de maux.). Ainsi il veut le châtiment parce qu’il veut
la justice, et il veut qu’il y ait des choses qui se corrompent naturellement,
parce qu’il veut maintenir l’ordre de la nature.
Article
10 : Dieu a-t-il le libre arbitre ?
Objection
N°1. Il semble que Dieu n’ait pas de libre arbitre. Car saint Jérôme dit dans
son homélie sur l’Enfant prodigue (Epist. 146) : Il n’y
a que Dieu qui ne pèche pas et qui ne puisse pas pécher. Pour les autres êtres,
puisqu’ils ont leur libre arbitre ils peuvent faire le bien comme le mal.
Réponse
à l’objection N°1 : Saint Jérôme refuse à Dieu le libre arbitre non d’une
manière absolue, mais seulement selon qu’il est susceptible de péché.
Objection
N°2. Le libre arbitre est la faculté qu’ont la raison et la volonté de choisir
entre le bien et le mal. Or, comme nous l’avons dit (art. préc),
Dieu ne veut pas le mal. Donc il n’a pas en lui de libre arbitre.
Réponse
à l’objection N°2 : Le mal du péché étant directement opposé à la bonté divine
par laquelle Dieu veut toutes choses, comme nous l’avons prouvé (art. 3), il
est évident qu’il est impossible qu’il veuille ce mal. Néanmoins il a le libre
arbitre, puisqu’il peut se déterminer entre deux choses opposées. Ainsi il peut
vouloir que ceci soit ou ne soit pas, comme nous pouvons, sans pécher, vouloir
nous asseoir ou ne pas le vouloir.
Mais
c’est le contraire. Car saint Ambroise dit (De
fid., liv. 2, chap. 3) : L’Esprit-Saint distribue ses dons à chacun comme il le veut,
c’est-à-dire d’après son libre arbitre, sans obéir à la nécessité.
Conclusion
Dieu a le libre arbitre à l’égard des choses extérieures qu’il ne veut pas
nécessairement, mais par rapport à lui il n’a aucune liberté parce qu’il se
veut nécessairement.
Il
faut répondre que nous avons nous-mêmes le libre arbitre à l’égard des choses
que nous ne voulons pas nécessairement ou instinctivement. Car vouloir être
heureux n’est pas de notre part un acte libre, mais un acte instinctif. C’est
pourquoi les autres animaux, dont tous les mouvements sont réglés par l’instinct
de la nature, ne sont pas considérés comme doués du libre arbitre. Puisque Dieu
veut nécessairement sa bonté et qu’il y a des choses qu’il ne veut pas
nécessairement, comme nous l’avons prouvé (art. 3), il a le libre arbitre par
rapport aux choses qu’il ne veut pas nécessairement.
Article
11 : Faut-il distinguer en Dieu la volonté de signe ?
Objection
N°1. Il semble qu’on ne doive pas distinguer en Dieu la volonté de signe. Car
la volonté de Dieu est la cause des choses, de même aussi sa science. Or, on ne
reconnaît pas de signes en lui sous le rapport de la science. Donc il ne doit
pas non plus y en avoir sous le rapport de la volonté.
Réponse
à l’objection N°1 : La science n’est cause de ce qui se fait que par
l’intermédiaire de la volonté. Car nous ne réalisons les choses dont nous avons
connaissance qu’autant que nous le voulons, et c’est pour cela qu’on ne
distingue pas de signe par rapport à la science comme par rapport à la volonté.
Objection
N°2. Tout signe qui ne se rapporte pas avec l’objet qu’il signifie est faux.
Par conséquent si les signes qu’on attribue à la volonté divine ne s’accordent
pas avec elle, ils sont faux ; s’ils concordent, il est inutile de les
assigner. Donc on ne doit pas désigner de signes à l’égard de la volonté
divine.
Réponse
à l’objection N°2 : Nous appelons volontés divines, les signes dé la volonté,
non parce qu’ils signifient réellement ce que Dieu veut, mais parce que nous
appelons en Dieu volontés divines les signes qui sont pour nous l’expression
ordinaire de nos volitions. Ainsi le châtiment ne signifie pas qu’il y ait
colère en Dieu, mais à propos du châtiment nous disons que Dieu est irrité,
parce qu’en nous le châtiment est le signe ordinaire de la colère (La Volonté
de signe, comme on le voit, s’entend métaphoriquement ; il n’y a que la volonté
de bon plaisir qui soit la volonté de Dieu proprement dite. Toutes ces
distinctions sont nécessaires pour qu’il n’y ait pas d’équivoque dans les
termes quand on parle de la volonté divine.).
Mais
c’est le contraire. Car la volonté de Dieu est une, puisqu’elle est son
essence. Quelquefois cependant on en parle au pluriel, comme quand on dit : Les œuvres du Seigneur sont grandes, elles
sont proportionnées à toutes ses volontés (Ps. 110, 2). Donc il faut que l’on prenne quelquefois le signe de
la volonté pour la volonté elle-même.
Conclusion
On distingue en Dieu la volonté de signe de la volonté propre ou de bon
plaisir.
Il
faut répondre qu’il y a des choses qu’on applique à Dieu dans un sens propre,
et d’autres qui ne lui conviennent que dans un sens métaphorique, comme nous l’avons
dit (quest. 18, art. 3). Ainsi, quand nous attribuons à Dieu métaphoriquement
quelques-unes des passions humaines, nous nous fondons sur l’analogie ou la
similitude de l’effet. Dès lors le signe qui manifeste en nous cette passion
peut aussi se rapporter à la Divinité dans un sens métaphorique. Ainsi l’homme
en colère étant porté à punir, la punition est pour nous le signe de la colère
; c’est pour cela qu’en parlant de Dieu nous employons le mot colère pour désigner un châtiment qu’il
inflige. De même le signe qui manifeste ordinairement notre volonté est
quelquefois employé métaphoriquement comme indiquant la volonté de Dieu. Ainsi
quand on commande une chose, c’est un signe qui indique qu’on veut qu’elle soit
faite. C’est ce qui fait que nous prenons quelquefois dans un sens métaphorique
le précepte de Dieu pour sa volonté, comme quand nous disons : Que votre volonté soit faite sur la terre
comme au ciel (Matth., 6, 10). Il y a toutefois
cette différence entre la volonté et la colère, que celle-ci ne s’entend jamais
au propre, parce qu’elle implique fondamentalement une passion, tandis que la
volonté peut être prise au propre à l’égard de Dieu. De là on distingue en
Dieu, deux sortes de volonté, une volonté propre et une volonté métaphorique.
Sa volonté propre est appelée volonté de
bon plaisir, et sa volonté métaphorique, volonté de signe, parce qu’on prend dans ce cas le signe de la
volonté pour la volonté même.
Article
12 : Est-il convenable de distinguer par rapport à la volonté divine cinq
signes ?
Objection
N°1. Il semble qu’il ne soit pas convenable de reconnaître par rapport à la
volonté divine cinq signes, savoir : la prohibition,
le précepte, le conseil, l’opération, et
la permission. Car Dieu opère quelquefois en nous ce qu’il nous commande ou ce qu’il nous conseille, et il nous permet quelquefois ce qu’il nous défend. Donc cette division est
mauvaise, puisque les parties rentrent les unes dans les autres.
Réponse
à l’objection N°1 : Rien n’empêche qu’à l’égard de la même chose on manifeste
de différentes manières ce que l’on sent. On peut se servir de plusieurs signes
pour indiquer la même chose, comme on emploie plusieurs mots pour exprimer la
même idée. Il n’y a donc pas répugnance à ce que la même chose soit l’objet
d’un précepte, d’un conseil, d’une opération, d’une défense ou d’une
permission.
Objection
N°2. Dieu n’opère rien qu’il ne le veuille, comme il est dit au livre de la
Sagesse (chap. 11). Or, la volonté de signe se distingue de la volonté de bon
plaisir. Donc l’opération ne doit pas
être comprise dans la volonté de signe.
Réponse
à l’objection N°2 : Comme la volonté métaphorique de Dieu peut signifier
quelque chose que ne veut pas sa volonté propre, de même elle peut aussi
signifier quelque chose qu’il veut réellement. Rien n’empêche donc que la
volonté de bon plaisir et la volonté de signe n’aient le même objet. Mais l’opération fait toujours une seule et
même chose avec sa volonté de bon plaisir, tandis qu’il n’en est pas de même du
précepte et du conseil. Car l’opération se rapporte au présent, le précepte et le
conseil à l’avenir. L’opération est l’effet direct de la volonté divine, tandis
que le précepte et le conseil supposent un intermédiaire, comme nous l’avons
dit (dans le corps de l’article.).
Objection
N°3. L’opération et la permission regardent en général toutes
les créatures, puisque dans toutes Dieu opère et que dans toutes il permet
quelque chose. Or, le précepte, le conseil et la prohibition ne regardent que les créatures raisonnables. Donc cette
division est mal faite, puisque toutes les parties n’appartiennent pas au même
ordre.
Réponse
à l’objection N°3 : La créature raisonnable est maîtresse de son action ; c’est
pourquoi on distingue par rapport à elle des signes particuliers de la volonté
divine, d’après lesquels Dieu la laisse agir volontairement et par elle-même,
tandis que les autres créatures n’agissent qu’autant que la puissance divine
les meut, et c’est ce qui fait qu’à leur égard il n’y a pas lieu d’admettre
autre chose que l’opération et la permission.
Objection
N°4. Le mal se fait d’un plus grand nombre de manières que le bien. Car le bien
ne se fait que d’une manière, tandis que le mal se fait d’une multitude de façons,
comme le disent Aristote (Eth., liv. 2,
chap. 6) et saint Denis (De div. nom., chap. 4).
Il ne paraît donc pas convenable qu’on ne reconnaisse qu’un signe qui ait
rapport au mal, savoir la prohibition,
et qu’on en distingue deux qui se rapportent au bien, savoir, le conseil et le précepte.
Réponse
à l’objection N°4 : Le mal du péché, quoiqu’il se produise de bien des
manières, se réduit cependant à un seul point, c’est qu’il est en désaccord
avec la volonté divine. Voilà pourquoi, sous le rapport du mal, on ne distingue
qu’un seul signe, qui est la prohibition.
Le bien se rapporte de différentes manières à la bonté divine. Ainsi, il y a le
bien sans lequel on ne peut arriver à la jouissance de la bonté divine,
celui-là est de précepte. Il y a
aussi le bien qui doit nous y faire parvenir plus parfaitement, celui-ci est de
conseil. On peut dire encore que le
conseil n’a pas seulement pour but de nous engager à faire le plus de bien
possible, mais encore à éviter les moindres maux.
Conclusion
La volonté divine se manifeste par cinq signes, qui sont : la prohibition et la permission par rapport au mal ; le précepte, le conseil et l’opération par rapport au bien.
Il
faut répondre qu’on appelle ici signes de la volonté les moyens par lesquels
nous avons coutume de montrer que nous voulons quelque chose. Or, on peut
manifester que l’on veut quelque chose par soi-même ou par un autre. On le
manifeste par soi-même directement ou indirectement et par accident. On le
manifeste directement lorsqu’on l’opère par soi-même, et dans ce cas le signe
reçoit le nom d’opération. On le
manifeste indirectement lorsqu’on ne s’oppose pas à son exécution. Car Aristote
a dit (Phys., liv. 8, text. 32) que ne pas empêcher une chose c’est la faire par
accident ou indirectement. Alors le signe s’appelle permission. — On manifeste par un autre qu’on veut une chose, en le
disposant à la faire, soit en l’y contraignant de force comme quand on ordonne
à quelqu’un de faire ce que l’on veut (Alors il y a précepte.), ou qu’on lui défend de faire le contraire (Dans ce cas
il y a prohibition.), soit en l’y
engageant d’une manière persuasive, et dans ce cas le signe de la volonté prend
le nom de conseil. L’homme ayant cinq
manières de manifester sa volonté, nous distinguons pour ce motif cinq signes
de la volonté divine (Cette analogie entre l’homme et Dieu repose sur ce
principe : c’est que nous ne pouvons parler de Dieu que d’après notre manière
de concevoir ; c’est pourquoi il arrive souvent à saint Thomas de passer ainsi
de l’âme humaine ou des choses naturelles aux choses divines, procédant ainsi
du plus connu à ce qui l’est moins.). — D’ailleurs le précepte, le conseil et
la prohibition sont appelés dans les
saintes Ecritures des signes de la volonté divine. Car il est dit dans saint
Matthieu : Que votre volonté soit faite
sur la terre comme au ciel (Matth., 6, 10).
D’après saint Augustin, la permission
et l’opération sont aussi deux signes
de la volonté suprême. Car il dit : Rien ne se fait si le Tout-Puissant
ne veut ou ne permet que cela se fasse, ou s’il ne l’opère lui-même (Enchir., chap.
95). On peut dire aussi que la permission
et l’opération se rapportent au
présent, la permission au mal, l’opération au bien ; que la prohibition est toujours relative au
mal, le précepte relatif au bien
obligatoire, et le conseil relatif au
bien de subrogation, et qu’ils se rapportent tous les trois à l’avenir.
Copyleft. Traduction
de l’abbé Claude-Joseph Drioux et de JesusMarie.com qui autorise toute personne à copier et à rediffuser par
tous moyens cette traduction française. La Somme Théologique de Saint Thomas
latin-français en regard avec des notes théologiques, historiques et
philologiques, par l’abbé Drioux, chanoine honoraire de Langres, docteur en
théologie, à Paris, Librairie Ecclésiastique et Classique d’Eugène Belin, 52,
rue de Vaugirard. 1853-1856, 15 vol. in-8°. Ouvrage honoré des encouragements
du père Lacordaire o.p. Si par erreur, malgré nos vérifications, il s’était
glissé dans ce fichier des phrases non issues de la traduction de l’abbé Drioux
ou de la nouvelle traduction effectuée par JesusMarie.com, et relevant du droit
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littéraire et au respect de la loi en général. Aucune évangélisation catholique
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