Saint Thomas d’Aquin - Somme Théologique
1a = Prima Pars =
Première Partie
Question 58 : Du
mode de connaissance des anges
Après
avoir traité de l’objet de la connaissance des auges, nous avons maintenant à
nous occuper du mode. — A cet égard sept questions se présentent : 1°
L’entendement de l’ange est-il tantôt en puissance et tantôt en acte ? (Cet
article a pour objet d’établir la différence qu’il y a entre notre
connaissance, sous le rapport du mode, et la connaissance de l’ange.) — 2°
L’ange peut-il comprendre plusieurs choses à la fois ? (Cet article est
purement philosophique, mais il est utile pour faire comprendre en quoi
consiste la généralisation des idées et faire ressortir la nature de
l’entendement pur.) — 3° Sa connaissance est-elle discursive ? (Cet article a
pour but de prouver que la raison est la différence propre do l’homme ; l’ange
comprend, mais il ne raisonne pas.) — 4° L’ange comprend-il en composant et en
divisant, c’est-à-dire par des propositions ? (Cette question peut se traduire
ainsi : les anges ont-ils besoin de former, comme nous le faisons, des
propositions pour saisir le rapport des sujets et des attributs ? ou bien
encore : procèdent-ils par affirmation ou par négation ? Cet article, comme on
le voit, n’est que le développement du précédent. Car si les anges ne
raisonnent pas, ils n’ont pas besoin d’avoir recours à des propositions.) — 5°
Le faux a-t-il accès dans son entendement ? (Cet article a pour objet de nous
expliquer comment le démon peut être trompé par la sagesse de Dieu, d’après ces
paroles de l’Ecriture (Ps. 103, 26) :
ce monstre que vous avez formé pour s’y
jouer ; et comme l’Eglise le chante dans l’hymne du dimanche de la Passion
: Hoc opus nostræ
salutis ordo depoposcerat multiformis proditoris ars ut artem falleret.) — 6° L’ange
peut-il avoir une connaissance matutinale et une connaissance vespertinale ? (Saint Augustin est le premier docteur qui
ait fait cette distinction, ou du moins qui ait employé ces termes. En méditant
l’explication que, d’après lui, saint Thomas en donne, on voit que ce n’est pas
une pure subtilité.) — 7° Cette connaissance matutinale et vespertinale
est-elle une seule et même connaissance, ou si elles sont diverses ? (En
établissant la différence qu’il y a entre ces deux connaissances, sain! Thomas
établit par là même la différence qu’il y a entre la connaissance des démons et
celle des bons anges. Les bons anges ont deux connaissances, mais les mauvais
n’ont que la connaissance vespertinale. Comment es-tu tombé du ciel, Lucifer, toit
qui te levais si brillant le matin ?, etc. (Is., 14, 12).)
Article
1 : L’entendement de l’ange est-il tantôt en puissance et tantôt en acte ?
Objection
N°1. Il semble que l’entendement de l’ange soit quelquefois en puissance. Car
le mouvement est l’acte d’un être qui existe en puissance, d’après Aristote (Phys., liv. 3, text.
6). Or, les intelligences des anges se meuvent en comprenant, comme le dit
saint Denis (De div. nom., chap. 4). Donc les intelligences
des anges sont quelquefois en puissance.
Réponse
à l’objection N°1 : Le mouvement n’est pas pris en cet endroit pour l’acte d’un
être imparfait qui existe en puissance, mais pour l’acte d’un être parfait qui
existe en acte. C’est dans ce sens qu’Aristote donne le nom de mouvement à la
connaissance et à la sensation (De anim., liv. 3, text.
28).
Objection
N°2. Le désir a pour objet une chose que l’on n’a pas, mais qu’on peut avoir.
Quiconque désire comprendre une chose est donc en puissance par rapport à elle.
Or, il est dit (1 Pierre, 1, 12) que les anges désirent pénétrer dans les
secrets de Dieu. Donc l’intelligence de l’ange existe quelquefois en puissance.
Réponse
à l’objection N°2 : Ce désir n’exclut pas dans les anges la possession de la
chose désirée, mais seulement le dégoût qu’elle pourrait inspirer. Ou bien on
peut dire qu’ils désirent la vision de Dieu par rapport aux révélations
nouvelles qu’ils en reçoivent en raison des affaires dont ils sont chargés.
Objection
N°3. On lit dans le livre des Causes
(prop. 8) que l’intelligence comprend selon le mode
de sa substance. Or, la substance de l’ange a quelque chose de potentiel. Donc
l’intelligence de l’ange est quelquefois en puissance.
Réponse
à l’objection N°3 : Dans la substance de l’ange il n’y a pas de puissance qui
soit dénuée de l’acte. De même l’intelligence de l’ange n’est jamais tellement
en puissance qu’elle ne soit point du tout en acte (L’ange est donc toujours en
acte sous certain rapport quoique ce ne soit pas un acte pur, comme Dieu.).
Mais
c’est le contraire. Car saint Augustin dit (Sup.
Gen. ad litt., liv. 2,
chap. 8) que les anges, depuis qu’ils sont créés, jouissent dans l’éternité du
Verbe d’une contemplation sainte et ineffable. Or, l’entendement qui contemple
n’est pas en puissance, mais en acte. Donc l’entendement de l’ange n’est pas en
puissance.
Conclusion
L’intelligence de l’ange n’est pas toujours en acte par rapport aux choses
qu’il connaît naturellement, mais il est toujours en acte par rapport à celles
qu’il connaît dans le Verbe divin.
Il
faut répondre que, comme le dit Aristote (De
anim., liv. 3, text. 8,
et Phys., liv. 8, text.
32), l’intelligence est en puissance de deux manières : 1° avant d’avoir appris
ou trouvé, c’est-à-dire avant d’avoir la science ; 2° quand elle a la science,
mais qu’elle ne réfléchit pas à ce qu’elle sait (Ou, selon l’expression de
l’école, l’intelligence est en puissance à l’acte premier et a l’acte second.).
L’ange n’est jamais en puissance dans le premier sens relativement aux choses
qu’il peut connaître naturellement. Car, comme les corps supérieurs ou les
corps célestes ne sont pas en puissance par rapport à l’être qu’ils doivent
avoir, mais qu’ils le possèdent actuellement et d’une manière complète, de même
les intelligences célestes ou les anges n’ont pas de puissance intelligible qui
ne soit totalement complétée par les espèces intelligibles qui leur sont
naturelles. Mais à l’égard des choses que Dieu leur révèle rien n’empêche que
leur entendement ne soit en puissance. Ils ressemblent alors aux corps célestes
qui sont aussi quelquefois en puissance par rapport à la lumière qu’ils
reçoivent du soleil. — Dans le second sens l’entendement de l’ange peut être en
puissance à l’égard des choses qu’il connaît naturellement, parce que son
esprit n’a pas toujours actuellement présentes les choses qu’il sait par
nature. Mais relativement à la connaissance qu’il a du Verbe (Remarquez que
saint Thomas distingue dans l’ange trois sortes do connaissances, celles qui
lui sont naturelles, celles qu’il obtient par la révélation, et celles qu’il voit
dans le Verbe. Sa solution repose sur cette triple distinction.) et des choses qu’il voit dans le Verbe, il ne peut jamais
être en puissance, parce qu’il contemple toujours le Verbe et ce qui est en
lui. Car c’est cette vision qui fait le bonheur des anges, et le bonheur ne
consiste pas dans l’habitude, mais dans l’acte, comme le dit Aristote (Eth., liv. 1,
chap. 8).
Article
2 : L’ange peut-il connaître plusieurs choses à la fois ?
Objection
N°1. Il semble que l’ange ne puisse comprendre plusieurs choses à la fois. Car
Aristote dit (Top., liv. 2, chap. 4,
loc. 33) que l’on peut savoir beaucoup de choses, mais qu’on n’en comprend
qu’une seule (Ou plus littéralement : on peut savoir plusieurs choses, on ne
peut en penser plusieurs (Voy. Top., liv. 2, chap. 10 ; Id.
chap. 19).
Réponse
à l’objection N°1 : Comprendre plusieurs choses en tant qu’elles sont unes,
c’est ne comprendre qu’un seul et même objet.
Objection
N°2. On ne comprend une chose qu’autant que l’intelligence reçoit sa forme par
une espèce intelligible comme le corps reçoit sa forme au moyen d’une figure.
Or, un même corps ne peut revêtir en même temps plusieurs figures diverses.
Donc la même intelligence ne peut comprendre à la fois des objets intelligibles
qui sont différents.
Réponse
à l’objection N°2 : L’entendement reçoit sa forme de l’espèce qu’il a en lui.
C’est pourquoi il peut, par une seule et même espèce intelligible, connaître
plusieurs choses à la fois, comme un corps peut, par une seule figure,
ressembler en même temps à plusieurs autres corps.
Objection
N°3. La connaissance est un mouvement. Il n’y a pas de mouvement qui ait des
termes divers. Donc la connaissance ne peut embrasser en même temps plusieurs
choses.
Réponse
à l’objection N°3 : Même réponse que pour la première objection.
Mais
c’est le contraire. Car saint Augustin dit (Sup.
Gen. ad litt., liv. 4,
chap. 32) : L’intelligence de l’ange comprend facilement et simultanément tout
ce qu’il veut.
Conclusion
Les anges connaissent en même temps tout ce qu’ils voient dans le Verbe et tout
ce que la même espèce intelligible leur fait connaître, mais ils ne peuvent
connaître simultanément ce qu’ils ne connaissent que par des espèces diverses
qui leur sont innées.
Il
faut répondre que comme l’unité de mouvement implique l’unité de but, de même
l’unité d’opération implique l’unité d’objet. Or, il est des choses que l’on
peut regarder tout à la fois comme multiples et comme unes. Telles sont, par
exemple, les parties d’un corps qui a de l’étendue. Si on les considère chacune
en elles-mêmes, elles sont multiples, et elles ne peuvent être perçues
simultanément et d’un seul acte par les sens et par l’intelligence. Si au
contraire on les considère comme ne formant qu’un seul tout, les sens et
l’intelligence pourront les connaître simultanément et par un seul acte en
saisissant dans son ensemble le tout qu’elles forment, comme le dit Aristote (De anim., liv.
3, text. 23). Ainsi, notre entendement embrasse tout
à la fois le sujet et le prédicat comme étant les parties d’une seule et même
proposition ; il embrasse également les deux objets que l’on compare parce
qu’ils ne forment qu’une comparaison unique. D’où il résulte évidemment qu’on
ne peut comprendre à la fois plusieurs choses en tant qu’elles sont distinctes,
mais qu’on les comprend bien de cette manière quand elles rentrent dans un seul
et même objet intelligible. Car chaque chose est intelligible en acte suivant
que sa ressemblance est dans l’entendement. Par conséquent, toutes les choses
qu’on peut connaître par une seule espèce intelligible, on les connaît comme si
elles ne formaient qu’un seul objet, et c’est ainsi qu’on connaît plusieurs
choses en même temps. Mais celles qu’on connaît par des espèces intelligibles
différentes on les connaît comme formant autant d’objets divers, et on ne les
saisit pas simultanément. Les anges connaissent donc simultanément toutes les
choses qu’ils voient dans le Verbe, puisqu’ils les voient par une seule espèce
intelligible qui est l’essence divine. Ainsi dans la patrie, au séjour de la gloire,
nos pensées ne seront plus légères, allant d’une chose à une autre, revenant
sur les objets qu’elles ont quittés, mais, comme le dit saint Augustin (De Trin., liv. 15, chap. 16), nous
embrasserons d’un seul coup d’œil et simultanément toute notre science. Quant à
la connaissance que les anges acquièrent au moyen des espèces qui leur sont
innées, ils peuvent connaître à la fois toutes les choses que la même espèce
représente, mais ils ne peuvent connaître ainsi celles qui sont représentées
par des espèces différentes.
Article
3 : La connaissance de l’ange est-elle discursive ?
Objection
N°1. Il semble que l’ange ait une connaissance discursive. Car la connaissance
est discursive quand on connaît une chose par une autre. Or, les anges
connaissent les créatures par le Verbe. Donc leur connaissance est discursive.
Réponse
à l’objection N°1 : La méthode discursive implique un certain mouvement. Or,
tout mouvement va d’un premier objet à un second. Par conséquent, la
connaissance discursive consiste à aller d’un premier objet connu à un second
qui ne l’est pas, mais qu’on se propose de connaître. Or, si en regardant un
objet on en voit en même temps un autre, comme dans un miroir, par exemple, où
l’on voit tout à la fois l’image de la chose et la chose elle-même, la
connaissance qu’on a de ces deux objets n’est plus alors une connaissance
discursive. Et c’est de cette manière que les anges connaissent les choses dans
le Verbe.
Objection
N°2. Tout ce que peut un être inférieur, un être supérieur le peut aussi. Or,
l’entendement humain peut faire un syllogisme et connaître les causes par leurs
effets, ce qui constitue la connaissance discursive. Donc à plus forte raison
l’ange a-t-il la même puissance, puisqu’il est, dans l’ordre de la nature,
supérieur à l’âme humaine.
Réponse
à l’objection N°2 : Les anges peuvent raisonner comme possédant la science du
raisonnement (C’est-à-dire qu’ils comprennent le raisonnement comme tout le
reste.), et ils voient les effets dans les causes et les causes dans les
effets, mais non de telle sorte qu’ils acquièrent en raisonnant des causes aux
effets et des effets aux causes la connaissance d’une vérité qu’ils ignoraient.
Objection
N°3. Saint Isidore dit (De sum. bon.,
liv. 1, chap. 10) que les démons connaissent beaucoup de choses par
l’expérience. Or, la connaissance expérimentale est une connaissance discursive
; car l’expérience se forme d’après plusieurs souvenirs, et une idée générale
se forme de plusieurs expériences, comme on le voit (in fin. Post., liv. 2, text. ult., et Met.,
liv. 1, chap. 1). Donc la connaissance des anges est discursive.
Réponse
à l’objection N°3 : On dit par analogie que les démons et Ses anges ont de
l’expérience, ce qui signifie qu’ils connaissent les choses sensibles qui
existent présentement, mais on ne dit pas pour cela que la connaissance qu’ils
en ont soit discursive.
Mais
c’est le contraire. Car saint Denis dit (De
div. nom.,
chap. 7) que les anges n’acquièrent la connaissance qu’ils ont de Dieu ni par
des discours diffus, ni par des raisonnements laborieux, et que leurs procédés
n’ont rien de commun avec les nôtres.
Conclusion
Tout ce que les anges connaissent, ils le connaissent sans discourir.
Il
faut répondre que, comme nous l’avons dit (art. 1, et quest. 55, art. 1), les
anges sont dans le monde spirituel ce que les corps célestes sont dans le monde
corporel. C’est même ce qui les fait appeler par saint Denis des intelligences célestes (loc. cit.). Or, il y a cette différence
entre les corps célestes et les corps terrestres que ceux-ci n’arrivent à leur
perfection que par le changement et le mouvement, tandis que les autres
possèdent du moment où ils existent la perfection que leur nature requiert (Cette
théorie péripatéticienne n’est sans doute pas démonstrative, mais nous pouvons
ici l’accepter à titre de comparaison.). De même les esprits inférieurs, comme
l’esprit de l’homme, n’arrivent à connaître parfaitement la vérité qu’autant
qu’ils se meuvent et qu’ils discourent, c’est-à-dire qu’autant qu’ils vont du
connu à l’inconnu. Car si dès qu’ils connaissent un principe ils connaissaient
en même temps toutes les conséquences qu’il renferme, ils n’auraient pas besoin
de discourir. Or, c’est précisément ce qui a lieu dans les anges, parce qu’ils
voient sur-le-champ toutes les idées particulières renfermées dans les idées
générales qu’ils connaissent naturellement. Aussi nous leur donnons le nom de
créatures intellectuelles, parce que
les choses que nous saisissons ainsi naturellement et sur-le-champ, nous disons
que nous les comprenons (Le
raisonnement de saint Thomas roule sur le rapport qu’il y a entre les mots intellectualis, intelligere qui
ont en latin le même radical, ce qui n’a pas lieu en français.). C’est encore
pour cela que nous donnons le nom d’intelligence à la faculté qui connaît les
premiers principes. L’âme humaine, qui n’arrive à la connaissance de la vérité
que discursivement, reçoit au contraire le nom de créature raisonnable. Et si elle est obligée d’avoir recours au procédé
discursif, c’est une conséquence de la faiblesse de la lumière intellectuelle
qui l’éclaire. Car si elle avait la plénitude de cette lumière comme l’ange,
elle comprendrait à la première vue tout ce que renferment les principes
qu’elle connaît, et elle verrait immédiatement tout ce que le syllogisme peut
en déduire.
Article
4 : Les anges comprennent-ils en composant et en divisant ?
Objection
N°1. Il semble que les anges comprennent en composant et en divisant. Car là où
il y a multiplicité de concepts il y a composition, d’après ce que dit Aristote
(De anim., liv. 3, text. 21). Or, dans
l’entendement de l’ange il y a multiplicité de concepts, puisqu’il connaît
divers objets par des espèces diverses, et qu’il ne connaît pas toutes choses à
la fois. Donc il y a dans l’entendement de l’ange composition et division.
Réponse
à l’objection N°1 : La multiplicité des concepts ne fait pas toujours qu’il y
ait composition. Il n’y a composition que quand l’on attribue un de ces
concepts aune chose ou qu’on le dénie à une autre. Or, l’ange en comprenant
l’essence d’une chose, voit en même temps tous les attributs qui peuvent lui
convenir et ceux qui lui répugnent (Ainsi son procédé est t’inverse du nôtre.
Nous allons des attributs ou des propriétés à l’essence, et l’ange va de
l’essence aux attributs ou aux propriétés.). Par conséquent, en comprenant tout
ce qu’est le sujet il comprend par une simple et unique intuition tout ce que
nous pouvons savoir en composant et en divisant.
Objection
N°2. Il y a plus de distance de la négation à l’affirmation qu’il n’y en a
entre deux natures opposées quelles qu’elles soient, parce que la première
distinction est celle qui se fait par l’affirmation et la négation. Or, il y a
des natures assez différentes l’une de l’autre pour que l’ange ne les connaisse
pas par un seul et même objet, mais par des espèces diverses, comme nous
l’avons dit (art. 2). Donc il faut qu’il connaisse par des moyens divers
l’affirmation et la négation, et que par conséquent il comprenne en composant
et en divisant.
Réponse
à l’objection N°2 : Les essences diverses des choses diffèrent moins entre
elles quant à leur raison d’existence, que l’affirmation ne diffère de la
négation. Cependant par rapport à la connaissance l’affirmation et la négation
diffèrent moins, parce que du moment que l’on connaît la vérité d’une
affirmation, on voit par là même la fausseté de la négation opposée (Au lieu
que deux natures diverses ne peuvent être connues que par deux raisons
différentes.).
Objection
N°3. Le langage est le signe de l’intelligence. Or, les anges, comme on le voit
en plusieurs endroits de l’Ecriture, quand ils parlent aux hommes, emploient
des propositions affirmatives et négatives ; ce qui est le signe de la
composition et de la division dans l’intellect. Donc il semble que l’ange
comprenne en composant et en divisant.
Réponse
à l’objection N°3 : Si les anges emploient des propositions affirmatives et
négatives, c’est une preuve que les anges connaissent la composition et la
division, mais non qu’ils acquièrent leurs connaissances en composant et en
divisant, car ils ne les acquièrent qu’en embrassant absolument d’un seul coup
d’œil le sujet dans toute son étendue.
Mais
c’est le contraire. Car saint Denis dit (De
div. nom.,
chap. 7) que la puissance intellectuelle des anges éclate dans la simplicité de
l’idée par laquelle ils connaissent Dieu. Or, l’intelligence simple est sans
composition et sans division, comme le dit Aristote (De anim., liv. 3, text. 21 et 22). Donc
l’ange comprend sans composer et sans diviser.
Conclusion
Les anges ne connaissent pas en divisant et en composant.
Il
faut répondre que comme dans l’entendement qui raisonne la conclusion est mise
en rapport avec le principe, de même dans l’entendement qui compose et qui
divise, le prédicat (Ou l’attribut.) est mis en rapport avec le sujet. Car si
notre esprit voyait immédiatement dès le commencement la vérité d’une
conclusion, jamais il n’aurait recours au raisonnement pour s’en convaincre, et
ses connaissances ne seraient pas discursives. De même si l’intelligence en
saisissant l’essence du sujet connaissait d’un seul coup tous les attributs qui
peuvent lui convenir et tous ceux qui lui répugnent, elle n’aurait pas besoin
de procéder par composition et par division, il lui suffirait de voir ce qu’est
le sujet. Il est donc évident que si, pour comprendre, notre intelligence
discourt, compose et divise, cela provient d’une seule et même cause, à savoir,
de ce que quand elle saisit un premier principe, elle ne peut voir
immédiatement et d’un seul coup tout ce qu’il renferme. Ce qui provient de la
faiblesse de nos lumières, comme nous l’avons dit (art. préc).
Donc, puisque dans l’ange il y a une lumière intellectuelle parfaite, puisqu’il
est, comme dit saint Denis (De div. nom.,
chap. 4), un miroir pur et limpide, il s’ensuit que comme il ne connaît pas
discursivement, il ne connaît pas non plus en composant et en divisant. L’ange
connaît néanmoins la composition et la division des propositions, comme il
connaît l’art du syllogisme. Mais son intelligence comprend le composé d’une
manière simple, le mobile d’une manière immuable et le matériel d’une manière
spirituelle.
Article
5 : L’intelligence de l’ange est-elle capable d’errer ?
Objection
N°1. Il semble que l’intelligence de l’ange soit capable d’errer. Car le
dérèglement est une sorte d’erreur. Or, dans les démons il y a une imagination
déréglée, comme le dit saint Denis (De
div. nom.,
chap. 4). Donc il semble que l’intelligence de l’ange soit capable d’errer.
Objection
N°2. L’ignorance est cause des opinions fausses. Or, dans les anges il peut y
avoir ignorance, comme le dit saint Denis (Hier.
eccles., chap. 6). Il semble donc que
l’erreur puisse exister dans leur intelligence.
Objection
N°3. Tout ce qui s’écarte de la vérité de la sagesse et tout ce qui a une raison dépravée a par là même un entendement capable
d’erreur. Or, d’après saint Denis (De
div. nom.,
chap. 7), tels sont les démons. Il semble donc que dans l’intelligence des
anges l’erreur puisse avoir accès.
Mais
c’est le contraire. Aristote dit (De anim., liv. 3, text.
26 et 41) que l’entendement est toujours vrai. Saint Augustin dit aussi (Quæst., liv. 83,
quest. 32) que l’on ne comprend que le vrai. Or, les anges ne connaissent les
choses que par l’intelligence. Donc il ne peut y avoir dans leur connaissance
ni déception, ni erreur.
Conclusion
Dans l’intelligence des anges il n’y a pas d’erreur absolue possible ; ils ne
peuvent se tromper que par accident, puisque tout ce qu’ils perçoivent ils le
connaissent à la première vue de l’esprit.
Il
faut répondre que la véritable solution de cette question dépend de ce que nous
avons dit précédemment. Car nous avons vu (art. préc.)
que l’ange connaît sans composer et sans diviser, mais en saisissant l’essence
des choses. Or, l’entendement est toujours dans le vrai à l’égard de l’essence
des choses, comme les sens à l’égard de leur objet propre, ainsi que le dit
Aristote (De anim.,
liv. 3, text. 26). Mais nous pouvons nous tromper par
accident quand il s’agit de l’essence d’une chose. Ainsi nous pouvons nous
laisser induire en erreur par rapport à la composition. C’est ce qui arrive
quand nous prenons la définition d’une chose pour une autre, ou bien quand les
parties d’une définition sont incohérentes, c’est-à-dire quand nous associons
ensemble des termes incompatibles. Par exemple si nous prenions pour la
définition d’une chose ces mots : un
quadrupède volant, ce serait une fausseté, parce qu’il n’y a pas d’animal
qui soit un quadrupède volant. On se trompe ainsi sur les objets complexes dont
la définition se tire d’éléments divers et matériels. Mais à l’égard des
essences simples, comme le dit Aristote (Met.,
liv. 9, text. 22), l’intelligence n’erre pas, parce
que, ou elle ne les perçoit pas du tout, et dans ce cas elle n’en a aucune
idée, ou elle les connaît telles qu’elles sont. Il ne peut donc y avoir
directement ni fausseté, ni erreur, ni déception dans l’intelligence d’un ange
; cela ne peut avoir lieu que par accident, mais d’une autre manière qu’en
nous. Car c’est en composant et en divisant que nous parvenons quelquefois à la
connaissance de l’essence, comme nous trouvons la définition d’une chose en
divisant et en démontrant. L’ange ne fait rien de semblable. C’est par la
connaissance qu’il a de l’essence d’une chose qu’il en connaît tous les
attributs. Or, il est évident que l’essence d’une chose peut être un moyen de
connaître tous les attributs qui lui conviennent naturellement et tous ceux qui
lui répugnent ; mais elle ne suffit pas pour découvrir les choses qui ne
dépendent que de l’ordre surnaturel établi de Dieu. C’est pourquoi les bons
anges qui ont la volonté droite ne se servent pas de la connaissance qu’ils ont
de l’essence pour juger ce qui s’y rapporte surnaturellement ; ils se
soumettent à cet égard à l’ordre que Dieu a établi. C’est ce qui fait qu’il ne peut
y avoir en eux ni fausseté, ni erreur (Les bons anges ne peuvent pas plus se
tromper qu’ils ne peuvent pécher ; et c’est leur impeccabilité qui est la
garantie de leur infaillibilité.). Mais les démons dont la volonté perverse
pousse l’entendement loin de la divine sagesse, jugent quelquefois des choses
d’une manière absolue d’après leur condition naturelle. Ils ne se trompent pas
sur ce qui se rapporte naturellement à chaque objet. Mais ils peuvent être
trompés à l’égard des choses surnaturelles (Parce qu’ils en jugent d’après
leurs connaissances naturelles, qui sont incapables de les leur faire
connaître.). C’est ainsi qu’en voyant un homme mort ils pensent qu’il ne
ressuscitera pas et qu’en voyant le Christ ils ne savaient pas qu’il était
Dieu.
Par
là la réponse à toutes les objections devient évidente. Car le déréglement des démons provient de ce qu’ils ne sont pas
soumis à la sagesse divine. L’ignorance qui est dans les anges porte non sur
les choses qu’ils doivent naturellement connaître, mais sur les choses
surnaturelles. Il est évident aussi que l’entendement qui comprend l’essence
des choses est toujours dans le vrai et qu’il n’erre que par accident, quand la
composition ou la division s’exécutent mal.
Article
6 : Y a-t-il dans les anges une connaissance matutinale et une connaissance vespertinale ?
Objection
N°1. Il semble que dans les anges il n’y ait ni connaissance matutinale, ni
connaissance vespertinale. Car dans le soir et le
matin il y a encore des ténèbres. Or, dans la connaissance de l’ange il n’y a
rien de ténébreux puisqu’il n’y a ni erreur, ni fausseté. Donc on ne doit pas
dire que la connaissance de l’ange est matutinale, ni qu’elle est vespertinale.
Réponse
à l’objection N°1 : Le soir et le matin n’ont pas été pris pour exprimer la
connaissance des anges, parce qu’il y a dans l’un et l’autre des ténèbres, mais
parce que l’un est le commencement et l’autre le terme de la journée. C’est sur
cette similitude que repose la métaphore. Ou bien il faut dire que rien
n’empêche, comme l’observe saint Augustin (Sup.
Gen. ad litt., liv. 4,
chap. 23), qu’une même chose soit appelée lumière par rapport à une chose et
ténèbres par rapport à une autre. Ainsi la vie des fidèles et des justes est
appelée lumière comparativement à celle des impies dans ce passage de l’Apôtre
(Eph., 5,
8) : Autrefois vous étiez ténèbres, et
vous êtes maintenant lumière dans le Seigneur. Et par rapport à la vie de
la gloire cette même vie est appelée ténébreuse par saint Pierre quand il dit (2 Pierre, 1, 19) : Nous avons les oracles des prophètes auxquels vous faites bien de vous
arrêter comme à une lampe qui luit dans un lieu obscur. Ainsi dans l’ange
la connaissance par laquelle il connaît les choses dans leur propre nature est
lumineuse comparativement à l’ignorance ou à l’erreur, mais elle est obscure si
on la compare à la vision du Verbe.
Objection
N°2. Entre le soir et le matin arrive la nuit, et entre le matin et le soir se
trouve le milieu du jour. Si dans les anges on admet une connaissance du matin
et du soir il faudra donc pour la même raison reconnaître une connaissance de
la nuit et du milieu du jour.
Réponse
à l’objection N°2 : La connaissance matutinale et la connaissance vespertinale appartiennent l’une et l’autre au même être,
c’est-à-dire aux anges que la lumière de Dieu éclaire et qui sont distincts des
ténèbres ou des mauvais anges. Les bons anges en connaissant la créature ne
s’attachent pas à elle, ce qui aurait pour effet d’obscurcir leur intelligence
et de produire en elle la nuit, mais ils rapportent cette connaissance à la
gloire de Dieu en qui ils connaissent toutes choses comme clans leur principe.
C’est pourquoi après le soir la nuit ne se fait pas (Il n’y a donc pas lieu de
distinguer en eux une connaissance nocturne.), mais le matin brille de telle
sorte qu’il est la fin du jour précédent et le commencement du jour suivant,
puisque les anges rapportent à Dieu la connaissance antécédente qu’ils ont de
ses œuvres. Quant au midi, on le comprend sous le nom de jour comme un point
intermédiaire entre deux extrêmes (Ainsi le midi se confond avec ta
connaissance du malin ou avec la connaissance du jour.), ou bien encore on peut
le rapporter à la connaissance de Dieu lui-même qui n’a ni commencement ni fin.
Objection
N°3. La connaissance se distingue d’après la diversité des objets que l’on
connaît. C’est ce qui fait dire à Aristote (De
anim., liv. 3, text.
38) que les sciences se divisent de la même manière que les choses. Or, les
choses existent de trois sortes. Elles existent, d’après saint Augustin (Sup. Gen. ad litt., liv. 2, chap. 8), ou dans le Verbe, ou dans leur
nature propre, ou dans l’intelligence de l’ange. Si l’on suppose dans les anges
une connaissance du matin et une connaissance du soir, parce que les choses
existent et dans le Verbe et dans leur propre nature, on doit également
reconnaître une troisième espèce de connaissance, parce qu’indépendamment de
ces deux manières d’être les choses en ont une troisième puisqu’elles existent
dans l’intelligence des anges.
Réponse
à l’objection N°3 : Les anges sont aussi des créatures, et par conséquent
l’existence des choses dans leur entendement est comprise dans la connaissance vespertinale au même titre que l’existence des choses dans
leur propre nature.
Mais
c’est le contraire. Car saint Augustin distingue dans les anges deux sortes de
connaissance, l’une qu’il appelle matutinale et l’autre vespertinale
(Cf. Sup. Gen.
ad litt., liv. 4, chap. 22 et 31, et De civ. Dei, liv. 12, chap. 20 et chap.
7).
Conclusion
On distingue dans les anges une connaissance matutinale par laquelle ils
connaissent les choses dans le Verbe et une connaissance vespertinale
par laquelle ils les connaissent en elles-mêmes.
Il
faut répondre que c’est saint Augustin qui le premier s’est servi de ces
expressions de connaissance matutinale et de connaissance vespertinale
pour indiquer les différentes espèces de connaissance qui sont dans les anges.
Ce grand docteur ne veut pas que par les six jours de la création dont il est
parlé dans la Genèse on entende des jours ordinaires (La science naturelle est
sur ce point de l’avis de saint Augustin, comme nous le verrons dans
l’explication de l’œuvre des six jours.), comme ceux que mesure actuellement le
mouvement du soleil, puisque le soleil n’a été fait qu’au quatrième jour. Mais
il appelle jour la connaissance de
l’ange qui se rapporte aux six ordres de choses qui composent l’universalité de
la création. Ainsi comme dans les jours actuels il y a le matin qui est le
commencement de la journée et le soir qui en est le terme, de même il a donné
le nom de connaissance du matin à la connaissance qu’ont les anges de l’essence
primordiale de tous les êtres, et cette connaissance est celle par laquelle ils
voient les choses dans le Verbe. Puis il a donné le nom de connaissance du soir
à celle qu’ont les anges des créatures considérées dans leur nature propre. Car
toutes les créatures viennent du Verbe comme de leur principe primitif, et
cette émanation a pour terme l’existence des choses telles qu’elles sont dans
leur nature propre.
Article
7 : La connaissance matutinale et la connaissance vespertinale
forment-elles une seule et même connaissance ?
Objection
N°1. Il semble que la connaissance vespertinale et la
connaissance matutinale soient une seule et même connaissance. Car on lit dans
la Genèse (1, 5) : Le soir et le matin
ont fait un seul jour. Or, par jour
on entend la connaissance de l’ange, comme le dit saint Augustin (loc. sup. cit.). Donc dans les anges la
connaissance matutinale et la connaissance vespertinale
ne forment qu’une seule et même connaissance.
Réponse
à l’objection N°1 : Comme le nombre de six jours s’entend d’après saint
Augustin des six genres de choses que les anges connaissent, de même l’unité de
jour se prend pour l’unité de l’objet qui peut être connu de différentes
manières (Par le Verbe incréé ou par une espèce innée.).
Objection
N°2. Il est impossible qu’une seule et même puissance produise en même temps
deux opérations. Or, les anges sont toujours dans l’acte de la connaissance
matutinale, puisqu’ils voient toujours Dieu et les choses qui sont en lui,
d’après ces paroles de saint Matthieu (18, 10) : Leurs anges voient toujours la face de mon Père. Donc si la
connaissance matutinale était autre que la connaissance vespertinale,
les anges ne pourraient d’aucune manière posséder en acte cette dernière.
Réponse
à l’objection N°2 : La même puissance peut produire simultanément deux
opérations quand l’une de ces opérations se rapporte à l’autre ; c’est ainsi
que la volonté veut la fin et les moyens qui s’y rapportent. De même
l’intelligence saisit tout à la fois les principes et les conséquences qui s’en
déduisent, une fois qu’elle est en possession de la science. La connaissance vespertinale se rapportant dans les anges à la connaissance
matutinale, comme le dit saint Augustin (Sup.
Gen., liv. 4, chap. 24), rien n’empêche donc
qu’elles n’existent l’une et l’autre simultanément dans leur entendement.
Objection
N°3. L’Apôtre dit (1 Cor., 13, 10) : Quand nous
serons dans l’état parfait du ciel, tout ce qui est imparfait sera aboli.
Or, si la connaissance vespertinale est autre que la
connaissance matutinale, elle est par rapport à elle ce que l’imparfait est au
parfait. Donc elle ne pourra pas exister simultanément avec elle.
Réponse
à l’objection N°3 : Le parfait détruit l’imparfait, quand celui-ci lui est
opposé. Ainsi la foi qui a pour objet ce qui ne se voit pas, sera détruite par la vision de ces mêmes choses. Mais
l’imperfection de la connaissance vespertinale n’est
pas opposée à la perfection de la connaissance matutinale. Car la connaissance
d’une chose en elle-même n’est pas opposée à la connaissance qu’on peut avoir
de cette même chose dans sa cause. Il n’y a pas non plus de répugnance à ce
qu’un objet soit connu par deux moyens, l’un parfait et l’autre imparfait.
Ainsi nous pouvons arriver à la même conclusion par la démonstration et la
probabilité. De même les anges peuvent connaître la même chose et par le Verbe
incréé et par une espèce innée.
Saint
Augustin dit le contraire (Sup. Genes, ad litt., liv. 4,
chap. 24). Il enseigne qu’il y a une grande différence entre connaître une
chose dans le Verbe de Dieu et la connaître dans sa nature, et que c’est avec
raison qu’on rapporte l’une de ces connaissances au jour et l’autre au soir.
Conclusion
La connaissance vespertinale, quand elle a pour terme
les créatures vues en elles-mêmes et non dans le Verbe, est essentiellement
différente de la connaissance matutinale ; mais quand elle se rapporte tout à
la fois aux créatures et au Verbe, elle est une seule et même chose avec elle,
elle n’en diffère qu’en raison des objets connus.
Il
faut répondre que, comme nous l’avons dit (art. préc),
on appelle connaissance vespertinale celle par
laquelle les anges connaissent les choses dans leur nature propre. Il ne faut
pas toutefois entendre par là que les anges connaissent les choses dans leur
nature propre, comme si la proposition dans
indiquait une relation de principe ou d’origine, puisque nous avons établi
(quest. 55, art. 2) que les anges ne reçoivent pas des choses leur
connaissance. Quand on dit que les anges connaissent les choses dans leur
nature propre, on doit donc entendre par là qu’ils les connaissent suivant leur
être propre, de telle sorte que la connaissance vespertinale
consiste dans les anges à connaître l’existence qu’ont les choses
naturellement. Or, les anges ont deux moyens d’acquérir cette connaissance. Ils
peuvent l’acquérir ou par les espèces innées qui sont en eux, ou par les
raisons des choses qui existent dans le Verbe. Car en voyant le Verbe ils ne
connaissent pas seulement l’être qu’ont les choses en lui, mais ils connaissent
encore l’être qu’elles ont dans leur nature propre, comme Dieu, par là même
qu’il se voit, connaît l’être qu’ont les choses en elles-mêmes. Ainsi donc, si
on appelle connaissance vespertinale celle par
laquelle les anges connaissent dans le Verbe l’être qu’ont les choses dans leur
propre nature, cette connaissance est essentiellement la même que la
connaissance matutinale, elle n’en diffère qu’en raison des objets connus. Mais
si on entend par connaissance vespertinale celle que
les anges acquièrent de la nature propre des êtres au moyen des espèces qui
leur sont innées (Les démons n’ont que celle-là.), alors la connaissance du
soir est autre que celle du matin : et c’est sans doute ainsi que saint
Augustin l’entendait quand il disait l’une imparfaite par rapport à l’autre.
Copyleft. Traduction
de l’abbé Claude-Joseph Drioux et de JesusMarie.com qui autorise toute personne à copier et à rediffuser par
tous moyens cette traduction française. La Somme Théologique de Saint Thomas
latin-français en regard avec des notes théologiques, historiques et
philologiques, par l’abbé Drioux, chanoine honoraire de Langres, docteur en
théologie, à Paris, Librairie Ecclésiastique et Classique d’Eugène Belin, 52,
rue de Vaugirard. 1853-1856, 15 vol. in-8°. Ouvrage honoré des
encouragements du père Lacordaire o.p. Si par erreur, malgré nos vérifications,
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