Saint Thomas d’Aquin - Somme Théologique

2a 2ae = Secunda Secundae = 2ème partie de la 2ème Partie

Question 8 : Du don d’intelligence

 

            Nous devons maintenant nous occuper du don d’intelligence et du don de science qui répondent à la vertu de la foi. — Touchant le don d’intelligence huit questions se présentent : 1° L’intelligence est-elle un don de l’Esprit-Saint ? (L’intelligence est souvent désignée dans les saintes Ecritures comme un don de l’Esprit-Saint (Is., 11, 2). (Ps. 31, 8) : Je vous donnerai l’intelligence, etc. (2 Tim., 2, 7) : car le Seigneur te donnera l’intelligence en toutes choses.) — 2° Peut-elle exister simultanément dans un même sujet avec la foi ? — 3° L’intelligence qui est un don de l’Esprit-Saint est elle exclusivement spéculative ou est-elle encore pratique ? — 4° Tous ceux qui sont dans la grâce possèdent-ils le don d’intelligence ? — 5° Ce don se trouve-t-il dans quelques personnes sans la grâce ? — 6° Comment le don d’intelligence se rapporte-t-il aux autres dons ? — 7° De ce qui correspond à ce don parmi les béatitudes. — 8° De ce qui lui correspond parmi les fruits.

 

Article 1 : L’intelligence est-elle un don de l’Esprit-Saint ?

 

            Objection N°1. Il semble que l’intelligence ne soit pas un don de l’Esprit-Saint. Car les dons gratuits se distinguent des dons naturels, puisqu’ils leur sont surajoutés. Or, l’intelligence est une habitude naturelle de l’âme, par laquelle nous percevons les principes qui nous sont naturellement connus, comme le dit Aristote (Eth., liv. 6, chap. 6). On ne doit donc pas en faire un don de l’Esprit-Saint.

            Réponse à l’objection N°1 : Par la lumière naturelle qui nous est donnée nous ne connaissons que les principes généraux qui sont naturellement évidents, mais que l’homme ayant pour fin la béatitude surnaturelle, comme nous l’avons dit (quest. 2, art. 3, et 1a 2æ, quest. 3, art. 8, et quest. 5, art. 5), il est nécessaire qu’il s’élève plus haut, et c’est pour cela que le don d’intelligence lui est nécessaire.

 

            Objection N°2. Les créatures participent aux dons de Dieu selon leur proportion et leur manière d’être, comme le dit saint Denis (De div. nom., chap. 4, lect. 5 et 6). Or, le mode de la nature humaine n’est pas de connaître la vérité d’une manière simple (ce qui appartient à l’essence de l’intellect), mais d’une manière discursive (ce qui est le propre de la raison), comme le dit encore le même Père (De div. nom., chap. 7, lect. 2). Donc la connaissance divine que les hommes reçoivent doit être appelée plutôt le don de la raison que le don de l’intelligence.

            Réponse à l’objection N°2 : Le mouvement discursif de la raison part de l’intellect et y revient comme à son terme. Car nous raisonnons en procédant de principes que nous comprenons, et le raisonnement cesse quand nous sommes parvenus à comprendre ce que nous ignorions auparavant. Tout raisonnement procède donc d’une intuition antérieure. Mais le don de la grâce ne procède pas de la lumière de la nature ; il s’y surajoute comme son perfectionnement. C’est pourquoi on ne donne pas à cette addition le nom de raison, mais plutôt celui d’intelligence, parce que la lumière qui nous est donnée par surcroît est aux choses qu’elle nous fait connaître surnaturellement ce que la lumière surnaturelle est à celles que nous connaissons primordialement (Elle nous fait connaître les choses surnaturelles intuitivement, comme nous connaissons naturellement les premiers principes.).

 

            Objection N°3. Dans les puissances de l’âme, l’intelligence se divise par opposition à la volonté, comme le dit Aristote (De animâ, liv. 3, text. 48). Or, aucun don de l’Esprit-Saint ne porte le nom de la volonté. Donc aucun ne doit porter non plus le nom de l’intelligence.

            Réponse à l’objection N°3 : La volonté désigne simplement le mouvement appétitif sans déterminer aucune prééminence ou supériorité, tandis que l’intelligence désigne l’excellence de la connaissance qui pénètre jusqu’à ce qu’il y a de plus intime. C’est pourquoi on donne au don surnaturel plutôt le nom d’intelligence que celui de volonté.

 

            Mais c’est le contraire. Isaïe dit (Is. 11, 2) : L’esprit du Seigneur se reposera sur lui, l’esprit de sagesse et l’esprit de l’intelligence.

 

            Conclusion. — Il y a des choses que l’homme ne peut comprendre par ses propres lumières naturelles, il a besoin pour les connaître d’une lumière surnaturelle, et c’est cette lumière qui est donnée à l’homme qu’on appelle le don d’intelligence.

            Il faut répondre que le mot d’intelligence implique une connaissance intime ; car en latin intelligere signifie en quelque sorte lire au-dedans (intus legere). C’est ce qui devient pour ceux qui considèrent la différence qu’il y a entre l’intelligence et le sens. En effet la connaissance sensitive a pour objet les qualités sensibles extérieures, tandis que la connaissance intellective pénètre jusqu’à l’essence de la chose. Car l’objet de l’intelligence est la quiddité ou l’essence, comme le dit Aristote (De animâ, liv. 3, text. 26). Or, il y a beaucoup de choses qui sont cachées intérieurement et dans lesquelles il faut que la connaissance de l’homme pénètre d’une manière intime, pour ainsi dire. Car la nature de la substance se cache sous les accidents ; les choses signifiées sous les mots qui les expriment, la vérité figurée sous les similitudes et les images qui la représentent (car les choses intelligibles sont intérieures, en quelque façon, par rapport aux choses sensibles que l’on perçoit extérieurement), et les effets sont cachés dans les causes et réciproquement. Par rapport à toutes ces choses qu’on peut dire qu’il y a intelligence (L’intelligence qui a ces choses pour objet est l’intelligence naturelle.). Mais puisque la connaissance de l’homme commence par les sens comme par ce qui est extérieur, il est évident que plus la lumière de l’intelligence est vive, et plus on peut pénétrer profondément. Or, la lumière naturelle de notre entendement étant d’une puissance limitée et ne pouvant parvenir que jusqu’à un point déterminé nous avons donc besoin de la lumière surnaturelle pour atteindre les connaissances qui sont au-dessus des forces de notre nature, et c’est cette lumière surnaturelle donnée de Dieu à l’homme que nous appelons le don d’intelligence.

 

Article 2 : Le don d’intelligence peut-il exister simultanément avec la foi ?

 

            Objection N°1. Il semble qu’on ne possède pas le don de l’intelligence simultanément avec la foi. Car saint Augustin dit (Quæst., liv. 83, quest. 14) que ce qu’on comprend est limité par la capacité de celui qui comprend. Or, ce qu’on croit n’est pas compris, d’après ces paroles de l’Apôtre (Phil., 3, 12) : Ce n’est pas que je comprenne, ou que je sois parfait. Il semble donc que la foi et l’intelligence ne puissent pas exister dans un même sujet.

 

            Objection N°2. Tout ce qu’on comprend est vu par l’intelligence. Or, la foi a pour objet les choses qu’on ne voit pas, comme nous l’avons dit (quest. 1, art. 4, et quest. 4, art. 1). La foi ne peut donc pas exister simultanément dans un même individu avec l’intelligence.

 

            Objection N°3. L’intelligence est plus certaine que la science. Or, la science et la foi ne peuvent exister à l’égard du même objet, comme nous l’avons dit (quest. 1, art. 4 et 5). Donc, à plus forte raison, l’intelligence et la foi ne peuvent-elles pas exister non plus.

 

            Mais c’est le contraire. Saint Grégoire dit (Mor., liv. 1, chap. 15) : que l’intelligence éclaire l’esprit sur ce qu’il entend. Or, celui qui a la foi peut être éclairé intellectuellement sur ce qu’il entend. Ainsi il est dit (Luc, chap. 24) : que le Seigneur ouvrit l’intelligence à ses disciples pour qu’ils comprissent les Ecritures. Donc l’intelligence peut exister simultanément avec la foi.

 

            Conclusion. — Il est possible que le don d’intelligence existe simultanément avec la foi, non selon l’intelligence parfaite ou quant aux choses qui sont par elles-mêmes l’objet de la foi, mais d’après la connaissance imparfaite et seulement par rapport aux choses qui ont seulement la foi pour fin.

            Il faut répondre qu’il est ici nécessaire de faire deux sortes de distinction, l’une qui se rapporte à la foi et l’autre à l’intelligence. Par rapport à la foi, il faut observer qu’il y a des choses qui en sont directement et par elles-mêmes l’objet, et qui surpassent la raison naturelle, comme Dieu est trin et un ; le Fils de Dieu s’est incarné. Mais il y a des choses qui sont du domaine de la foi, parce qu’elles se rapportent à celles-là d’une certaine manière, comme toutes les choses qui sont renfermées dans l’Ecriture sainte. Par rapport à l’intelligence, il faut remarquer que nous pouvons comprendre une chose de deux manières : 1° parfaitement, quand nous parvenons à connaître l’essence de la chose comprise et la vérité de la proposition qui l’énonce, selon ce qu’elle est en elle-même. Nous ne pouvons comprendre ainsi les choses qui sont directement du domaine de la foi tant que la foi dure (Ainsi nous ne pouvons comprendre l’Incarnation, la Trinité, parce qu’alors nous verrions ces vérités avec évidence, et la vision succéderait à la foi.), mais nous pouvons comprendre celles qui se rapportent à elles (Les apôtres ont pu parfaitement comprendre ou saisir les miracles opérés par Notre-Seigneur, sa passion sa mort, sa résurrection. Nous pouvons de même comprendre les faits qui sont les motifs de crédibilité qui nous engagent à croire.). 2° On peut comprendre une chose imparfaitement quand l’essence de la chose ou la vérité de la proposition n’est pas connue, qu’on ne sait ce qu’elle est, ni comment elle est, mais cependant on sait que ce qui lui paraît opposé extérieurement ne l’est pas en effet, en ce sens que l’homme comprend que ces apparences extérieures ne sont pas un motif pour s’écarter des choses qui sont de foi (Nous pouvons ainsi comprendre qu’il n’y a pas de motifs naturellement suffisants pour ébranler notre foi ; c’est-à-dire que nous pouvons par la raison répondre aux difficultés que les incrédules nous opposent, quoique nous ne puissions pas directement et évidemment démontrer les vérités de foi.). Sous ce rapport rien n’empêche que, tant que l’état de foi dure, on ne comprenne ainsi les choses qui sont par elles-mêmes du domaine de la foi.

            La réponse aux objections est par là même évidente. Car les trois premières raisons concluent relativement aux choses dont on a l’intelligence parfaite. Mais la dernière raison s’appuie sur l’intelligence des choses qui se rapportent à la foi.

 

Article 3 : Le don d’intelligence est-il spéculatif exclusivement, ou est-il encore pratique ?

 

            Objection N°1. Il semble que l’intelligence qui est un don de l’Esprit-Saint, ne soit pas pratique, mais seulement spéculative. Car l’intelligence, comme le dit saint Grégoire (Mor., liv. 1, chap. 15), pénètre les choses les plus élevées. Or, ce qui appartient à l’intelligence pratique n’est pas élevé ; c’est ce qu’il y a d’infime, puisqu’il s’agit des choses particulières que les actes ont pour objet. Donc l’intelligence qui est un don n’est pas l’intelligence pratique.

            Réponse à l’objection N°1 : Les actions humaines considérées en elles-mêmes n’ont pas d’excellence ou de supériorité mais selon qu’elles ont pour règle la loi éternelle et pour fin la béatitude divine, elles ont une certaine élévation (En raison de leur foi et de leur règle, elles sont surnaturelles, et par conséquent elles sont l’objet propre du don de l’intelligence, qui est surnaturel elle-même.) qui fait que l’intelligence peut se rapporter à elles.

 

            Objection N°2. L’intelligence qui est un don est plus noble que l’intelligence qui est une vertu intellectuelle. Or, l’intelligence qui est une vertu intellectuelle a seulement pour objet les choses nécessaires, comme le dit Aristote (Eth., liv. 6, chap. 3 et 6). Donc, à plus forte raison, l’intelligence qui est un don ne se rapporte-t-elle qu’aux choses nécessaires. Mais comme l’intelligence pratique n’a pas pour objet les choses nécessaires, et qu’elle ne se rapporte qu’aux choses contingentes que l’homme peut faire, il s’ensuit que l’intelligence qui est un don n’est pas l’intelligence pratique.

            Réponse à l’objection N°2 : Ce qui appartient à la noblesse du don d’intelligence, c’est qu’il considère les choses intelligibles éternelles ou nécessaires, non seulement selon ce qu’elles sont en elles-mêmes mais encore comme les règles des actes humains (Son double caractère, qui en fait un don spéculatif et pratique, l’ennoblit, parce qu’il étend son domaine.), parce que, plus sont nombreuses les choses auxquelles s’étend une puissance cognitive, et plus cette puissance est noble.

 

            Objection N°3. Le don de l’intelligence éclaire l’esprit à l’égard de ce qui surpasse la raison naturelle. Or, les actions humaines que l’intelligence pratique a pour objet ne surpassent pas la raison naturelle qui dirige l’homme dans sa conduite, comme on le voit d’après ce que nous avons dit (1a 2æ, quest. 58, art. 2, et quest. 71, art. 6, et quest. 65 et quest. 91). Donc l’intelligence qui est un don n’est pas l’intelligence pratique.

            Réponse à l’objection N°3 : La règle des actes humains est la raison humaine et la loi éternelle, comme nous l’avons dit (1a 2æ, quest. 10, art. 3 et 4, et quest. 71, art. 6, et quest. 91 et quest. 95). Or, la loi éternelle surpasse la raison naturelle ; c’est pourquoi la connaissance des actes humains, selon qu’elle a pour règle la loi éternelle, surpasse la raison naturelle, et elle a besoin de la lumière surnaturelle du don de l’Esprit-Saint.

 

            Mais c’est le contraire. Le Psalmiste dit (Ps. 110, 10) : Tous ceux qui agissent selon la crainte de Dieu ont une intelligence salutaire.

 

            Conclusion. — Quoique le don d’intelligence qui perfectionne la partie supérieure de l’homme soit absolument plus spéculatif que pratique, cependant par extension et sous un rapport il est pratique.

            Il faut répondre que, comme nous l’avons dit (art. préc.), le don d’intelligence se rapporte non seulement aux choses qui sont premièrement et principalement du domaine de la foi, mais encore à toutes les choses qui s’y rapportent. Or, les bonnes actions se rapportent à la foi. Car la foi opère par l’amour, d’après l’Apôtre (Gal., 5, 6). C’est pourquoi le don de l’intelligence s’étend à certaines actions, non qu’elles soient l’objet principal auquel il se rapporte (Le don d’intelligence a principalement pour objet les choses spéculatives, et il se rapporte subsidiairement aux choses pratiques.), mais en ce sens que dans la conduite nous nous réglons d’après les choses éternelles ; la raison supérieure qui est perfectionnée par le don d’intelligence s’attache à elles, les voit et les consulte, comme le dit saint Augustin (De Trin., liv. 12, chap. 7).

 

Article 4 : Le don d’intelligence est-il dans tous ceux qui ont la grâce ?

 

            Objection N°1. Il semble que le don d’intelligence n’existe pas dans tous ceux qui ont la grâce. Car saint Grégoire dit (Mor., liv. 2, chap. 26) que le don d’intelligence est accordé pour détruire l’ineptie de l’esprit. Or, il y en a beaucoup qui ont la grâce et dont l’esprit est cependant très obtus. Donc le don d’intelligence n’existe pas dans tous ceux qui ont la grâce.

            Réponse à l’objection N°1 : Ceux qui ont la grâce sanctifiante peuvent avoir l’esprit fermé pour des choses qui ne sont pas nécessaires au salut, ils sont suffisamment instruit par l’Esprit-Saint, d’après ces paroles de saint Jean (1 Jean, 2, 27) : Son onction vous enseigne toutes choses.

 

            Objection N°2. Parmi les choses qui appartiennent à la connaissance, il n’y a que la foi qui paraisse nécessaire au salut, parce que le Christ habite par la foi dans nos cœurs, comme le dit l’Apôtre (Eph., chap. 3). Or, tous ceux qui ont la foi n’ont pas le don d’intelligence, puisque ceux qui croient doivent prier pour comprendre, comme le dit saint Augustin (De Trin., liv. 15, chap. 27). Donc le don d’intelligence n’est pas nécessaire au salut, et par conséquent il n’existe pas dans tous ceux qui ont la grâce.

            Réponse à l’objection N°2 : Quoique tous ceux qui ont la foi ne comprennent pas pleinement ce qu’on leur propose à croire, cependant ils comprennent qu’ils doivent croire ces choses et qu’ils ne doivent en aucune manière s’en écarter.

 

            Objection N°3. Les choses qui sont communes à tous ceux qui ont la grâce ne leur sont jamais soustraites. Or, la grâce de l’intelligence et des autres dons est quelquefois retirée utilement ; car quelquefois quand l’esprit s’enorgueillit en comprenant des choses sublimes, il tombe aussitôt dans des choses basses et viles sur lesquelles il s’appesantit, comme le disait saint Grégoire (Moral., liv. 2, chap. 26). Donc le don d’intelligence n’existe pas dans tous ceux qui ont la grâce.

            Réponse à l’objection N°3 : Le don d’intelligence n’est jamais soustrait aux saints par rapport aux choses qui sont nécessaires au salut, mais quelquefois il leur est soustrait pour d’autres choses, afin qu’ils ne puissent pas tout comprendre clairement, et qu’ils n’aient pas lieu de s’enorgueillir.

 

            Mais c’est le contraire. Le Psalmiste dit (Ps. 81, 5) : Ils sont dans l’ignorance, ils ne comprennent pas, ils marchent dans les ténèbres. Or, celui qui a la grâce ne marche pas dans les ténèbres, d’après ces paroles de saint Jean (8, 12) : Celui qui me suit ne marche pas dans les ténèbres. Donc celui qui a la grâce ne manque pas du don d’intelligence.

 

            Conclusion. — Comme la charité existe dans tous ceux qui ont la grâce sanctifiante, de même aussi le don d’intelligence.

            Il faut répondre que tous ceux qui sont en état de grâce doivent avoir nécessairement une volonté droite, puisque la grâce prépare la volonté de l’homme au bien, comme le dit saint Augustin (Retract., liv. 1, chap. 22). Mais la volonté ne peut être portée convenablement au bien, qu’autant qu’on possède préalablement la connaissance de la vérité ; car l’objet de la volonté est le bien que nous comprenons, comme le dit Aristote (De animâ, liv. 3, text. 34 et 39). Or, comme l’Esprit-Saint par le don de la charité dispose la volonté de l’homme de telle sorte qu’elle tende directement vers le bien surnaturel, de même par le don d’intelligence il éclaire son esprit pour qu’il connaisse la vérité surnaturelle vers laquelle la volonté droite est obligée de se porter. C’est pourquoi comme le don de la charité existe dans tous ceux qui ont la grâce sanctifiante, de même aussi le don d’intelligence.

 

Article 5 : Le don d’intelligence existe-t-il dans ceux qui n’ont pas la grâce sanctifiante ?

 

            Objection N°1. Il semble que le don d’intelligence existe dans ceux qui n’ont pas la grâce sanctifiante. Car saint Augustin expliquant ces paroles du Ps. 118 : Concupivit anima (Conc. 3 et 8) dit : L’intelligence vole en avant, et la volonté humaine qui est infirme la suit péniblement. Or, dans tous ceux qui ont la grâce sanctifiante, la volonté est prompte à cause de la charité. Donc le don d’intelligence peut exister dans tous ceux qui n’ont pas cette grâce.

            Réponse à l’objection N°1 : Saint Augustin appelle intelligence toute lumière intellectuelle quelle qu’elle soit. Cependant la lumière intellectuelle n’est véritablement un don qu’autant qu’elle amène l’esprit de l’homme à concevoir une juste idée de sa fin.

 

            Objection N°2. Daniel dit (10, 1) qu’on a besoin de l’intelligence de la vision prophétique, et par conséquent il semble que la prophétie n’existe pas sans le don d’intelligence. Cependant la prophétie peut exister sans la grâce sanctifiante. Ainsi Notre-Seigneur répond (Matth., 7, 22) à ceux qui lui disaient : Nous avons prophétisé en votre nom : je ne vous connais pas. Donc le don d’intelligence peut aussi exister sans elle.

            Réponse à l’objection N°2 : L’intelligence qui est nécessaire à la prophétie est cette lumière de l’esprit qui l’éclaire sur les choses révélées aux prophéties (Cette lumière peut se rencontrer dans ceux qui n’ont pas la grâce.) ; mais elle n’est pas cette lumière qui donne à l’âme une juste idée de sa fin dernière et qui appartient au don d’intelligence.

 

            Objection N°3. Le don d’intelligence répond à la vertu de la foi, d’après ces paroles d’Isaïe (Is., 7, 7) dans la version des Septante : Si vous ne croyez pas, vous ne comprendrez pas. Or, la foi peut exister sans la grâce sanctifiante. Donc également le don d’intelligence.

            Réponse à l’objection N°3 : La foi implique seulement l’assentiment aux choses qu’on lui propose ; tandis que l’intelligence implique une certaine connaissance de la vérité qui ne peut exister au sujet de la fin dernière que dans celui qui a la grâce sanctifiante (dans le corps de l’article.). C’est pourquoi il n’y a pas de parité entre l’intelligence et la foi.

 

            Mais c’est le contraire. Le Seigneur dit (Jean, 6, 45) : Quiconque a écouté le Père et a appris de lui qui je suis, celui-là vient à moi. Or, par l’intelligence nous apprenons ou nous pénétrons les choses que nous avons entendues, comme le prouve saint Grégoire (Mor., liv. 1, chap. 15). Donc quiconque a le don d’intelligence vient au Christ, ce qui ne peut se faire sans la grâce sanctifiante. Par conséquent le don d’intelligence n’existe pas sans cette grâce.

 

            Conclusion. — Le don d’intelligence ne peut pas exister dans un individu qui n’a pas la grâce sanctifiante.

            Il faut répondre que, comme nous l’avons dit (1a 2æ, quest. 68, art. 1 et 2), les dons de l’Esprit-Saint perfectionnent l’âme en la rendant docile à ses bons mouvements. Ainsi la lumière intellectuelle de la grâce constitue le don d’intelligence, parce qu’elle rend l’esprit de l’homme souple et flexible aux inspirations de l’Esprit-Saint. Cette inspiration a pour but de faire connaître à l’homme la vérité qui concerne sa fin. Par conséquent tant que l’esprit humain n’est pas mû par l’Esprit-Saint jusqu’à posséder une juste idée de sa fin, il n’a pas le don d’intelligence, quelques que soient d’ailleurs les lumières que l’Esprit-Saint lui communique sur les autres choses qui sont un préliminaire ou une préparation à celle-là. Or, pour avoir une juste idée de la fin dernière, il ne faut point errer son regard (Quand on a une juste idée de la fin dernière, on la préfère tout, on y rapporte toutes ses actions, on s’y attache inébranlablement ; ce que ne fait pas la grâce sanctifiante.), mais il faut s’y attacher fortement comme à ce qu’il y a de meilleur et puisqu’il n’y a que celui qui a la grâce sanctifiante qui agisse ainsi, comme dans les choses morales l’homme n’a une juste idée de sa fin que par l’habitude de la vertu, il en résulte que personne n’a le don d’intelligence sans la grâce sanctifiante.

 

Article 6 : Le don d’intelligence se distingue-t-il des autres dons ?

 

            Objection N°1. Il semble que le don d’intelligence ne se distingue pas des autres dons. Car les choses qui ont les mêmes contraires sont les mêmes. Or, la folie est contraire à la sagesse, la stupidité à l’intelligence, le conseil à la précipitation la science à l’ignorance, comme le dit saint Grégoire (Mor., liv. 2, chap. 30). Comme la folie, la stupidité, l’ignorance et la précipitation ne paraissent pas différentes entre elles, il s’ensuit que l’intelligence n’est pas non plus distincte des autres vertus.

            Réponse à l’objection N°1 : Cette différence des quatre dons convient évidemment à la distinction des choses que saint Grégoire cite comme leur étant opposées. En effet l’idiotisme est contraire à la pénétration de l’esprit ; car on dit par analogie que l’esprit est pénétrant quand il peut aller au fond des choses qui lui sont proposées ; par conséquent l’esprit obtus est celui qui ne peut aller au fond des choses qu’il considère. On appelle insensé celui qui juge mal de la fin générale de la vie ; c’est pourquoi la folie est, à proprement parler, contraire à la sagesse, qui juge pertinemment de la cause universelle. L’ignorance implique un défaut d’esprit à l’égard de toutes les choses particulières ; c’est pourquoi elle est contraire à la science qui permet à l’homme de juger sainement des causes particulières, c’est-à-dire des créatures. La précipitation est évidemment contraire au conseil qui fait que l’homme n’agit pas avant que la raison n’ait délibéré.

 

            Objection N°2. L’intelligence considérée comme vertu intellectuelle diffère des autres vertus de ce genre par ce qui lui est propre, c’est-à-dire en ce qu’elle a pour objet les principes qui sont par eux-mêmes connus. Mais le don d’intelligence ne se rapporte pas aux principes qui sont connus par eux-mêmes, puisque pour les choses qu’on connaît ainsi naturellement, l’habitude naturelle des premiers principes suffit. Par rapport aux choses surnaturelles on a assez la foi, parce que les articles de foi sont comme les premiers principes de la connaissance surnaturelle, ainsi que nous l’avons dit (quest. 1, art. 7). Donc le don d’intelligence ne se distingue pas des autres vertus.

            Réponse à l’objection N°2 : Le don d’intelligence se rapporte aux premiers principes de la connaissance gratuite d’une autre manière que la foi. Car la foi consiste à y adhérer fermement, tandis que le don d’intelligence a pour but de faire pénétrer l’esprit dans les choses qu’on lui dit.

 

            Objection N°3. Toute connaissance intellectuelle est spéculative. Or, le don d’intelligence se rapporte à l’une et à l’autre, comme nous l’avons dit (art. 3). Il ne se distingue donc pas des autres dons intellectuels, mais il les renferme tous en lui.

            Réponse à l’objection N°3 : Le don d’intelligence se rapporte aux deux sortes de connaissance, à la connaissance spéculative et à la connaissance pratique, non pour les juger (Le jugement appartient, sous des rapports divers, à la sagesse, à la science et au conseil.), mais pour les percevoir, de manière qu’on saisisse ce que l’on entend.

 

            Mais c’est le contraire. Toutes les choses qui font nombre entre elles doivent être de quelque manière distincte les uns des autres, parce que la distinction est le principe du nombre. Or, le don d’intelligence est compté parmi les autres dons, comme on le voit dans Isaïe (Is., chap. 10). Donc ce don est distinct des autres.

 

            Conclusion. — Le don d’intelligence se distingue des autres dons de l’Esprit-Saint ; il se distingue de la piété, de la force et de la crainte en ce que ces trois dons appartiennent à la puissance appétitive, tandis que l’intelligence se rapporte à la faculté cognitive. Il se distingue de la sagesse, de la science et du conseil, en ce qu’il se rapporte à la pénétration des choses qui sont de foi, tandis que la sagesse a pour objet le jugement que l’on doit porter sur les choses divines, et la science juge des choses créées. Le conseil sert à appliquer les choses que l’on croit à chacune des œuvres que l’on opère.

            Il faut répondre que le don d’intelligence se distingue évidemment de ces trois dons : de la piété, de la force et de la crainte, parce que le don d’intelligence appartient à la puissance cognitive, tandis que ces trois dons appartiennent à la puissance appétitive. Mais la différence qu’il y a entre lui et les autres dons, la sagesse, la science et le conseil qui appartiennent aussi à la puissance cognitive, n’est pas aussi manifeste. Il semble aux uns que le don d’intelligence se distingue du don de science et de celui de conseil en ce que ces deux derniers regardent la connaissance pratique, tandis que le don d’intelligence se rapporte à la connaissance spéculative. Il se distingue du don de sagesse qui se rapporte comme lui à la science spéculative, en ce qu’il appartient à la sagesse de juger, tandis que l’intelligence est la capacité qu’a l’entendement de recevoir ce qu’on lui propose ou de le pénétrer à fond, et c’est d’après cela que nous avons déterminé le nombre des dons (1a 2æ, quest. 68, art. 4). — Mais quand on approfondit le don d’intelligence, on remarque qu’il se rapporte non seulement aux choses spéculatives, mais encore aux choses pratiques, comme nous l’avons dit (art. 3). De même le don de science se rapporte aux uns et aux autres, comme nous le verrons (quest. suiv. art. 3). C’est pourquoi il faut faire reposer sur un autre fondement leur distinction. Car ces quatre dons ont pour objet la connaissance surnaturelle qui est établie en nous par la foi. Or, d’après l’Apôtre : La foi vient de ce que l’on entend (Rom., 10, 17). Par conséquent il faut que les choses qu’on propose à la croyance de l’homme ne lui soient pas présentées comme ayant été vues, mais comme ayant été entendues. La foi a surtout principalement pour objet la vérité première, et elle se rapporte secondairement à certaines considérations qui se rapportent aux créatures. Elle s’étend même jusqu’à la direction des actes humains, puisque, comme nous l’avons dit, la foi opère par l’amour (quest., art. 1 et 6, réponse N°1, quest. 4, art. 2, réponse N°3). Ainsi à l’égard des vérités que la foi nous propose à croire, nous avons deux choses à faire. La première consiste à les saisir et les pénétrer par l’entendement, et c’est ce qui appartient au don d’intelligence. La seconde consiste à en juger sainement, de manière qu’on sache que l’on doit s’attacher à elles et s’écarter de leurs contraires. Ce jugement relativement aux choses divines appartient au don de sagesse, et relativement aux choses créées (Il ne s’agit ici que des choses créées qui se rapportent à Dieu, car le don de science est surnaturel aussi bien que les autres.) il appartient au don de science. Quant à l’application des choses que l’on croit à chacune des choses que l’on opère, elle dépend du don de conseil.

 

Article 7 : La sixième béatitude répond-elle au don d’intelligence ?

 

            Objection N°1. Il semble que la sixième béatitude (Beati mundo corde) ne réponde pas au don d’intelligence. Car la pureté du cœur semble appartenir surtout à la volonté. Or, le don d’intelligence n’appartient pas à la volonté, mais plutôt à la puissance intellectuelle. Cette béatitude ne répond donc pas au don d’intelligence.

 

            Objection N°2. Saint Pierre dit (Actes, 15, 9) : Ayant purifié par la foi leurs cœurs. Pr, par la purification du cœur on en acquiert la pureté. Donc cette béatitude appartient plutôt à la vertu de la foi qu’au don d’intelligence.

 

            Objection N°3. Les dons de l’Esprit-Saint perfectionnent l’homme ici-bas. Or, la vision de Dieu n’appartient pas à la vie présente, puisque c’est elle qui rend heureux, comme nous l’avons dit (1a 2æ, quest. 3, art. 8). Donc la sixième béatitude, qui comprend la vision de Dieu, n’appartient pas au don d’intelligence.

 

           Mais c’est le contraire. Saint Augustin dit (De serm. Dom., liv. 1, chap. 4) : La sixième opération de l’Esprit-Saint, qui est l’intelligence, convient à ceux qui ont le cœur pur, et qui de leur œil purifié peuvent voir ce que l’œil corporel n’a pas vu.

 

            Conclusion. — La béatitude qui se rapporte dans l’Evangile à ceux qui ont le cœur pur répond au don d’intelligence.

            Il faut répondre que la sixième béatitude comme toutes les autres renferme deux choses. L’une par manière de mérite, qui est la pureté de cœur, et l’autre par manière de récompense, qui est la vision de Dieu, comme nous l’avons dit (1a 2æ, quest. 69, art. 2 et 4). Ces deux choses appartiennent d’une certaine façon au don d’intelligence. En effet il y a deux sortes de pureté, l’une qui prépare et qui dispose à la vue de Dieu, et qui consiste à purifier la volonté de toutes les affections désordonnées. Cette pureté de cœur est l’effet des vertus et des dons qui appartiennent à la puissance appétitive (Par conséquent cette pureté n’appartient pas au don d’intelligence qui se rapporte à l’entendement.). L’autre est en quelque sorte le complément de celle-là par rapport à la vision de Dieu. Elle consiste à purger l’entendement de toute imagination fausse et toute erreur (Cette pureté parfaite dépouille l’entendement de toutes les folles pensées de la terre, et nous fait mépriser les choses terrestres et rechercher au contraire les choses divines.), de manière que ce qu’on propose sur Dieu, on ne le reçoive pas sous la forme des images corporelles, ni d’après les idées fausses que les hérétiques s’en font (Le don d’intelligence épure en nous l’idée de Dieu et la dégage de tout ce qui peut la fausser.). Le don d’intelligence produit cette espèce de pureté. De même il y a aussi deux sortes de vision de Dieu : l’une parfaite par laquelle on voit l’essence divine, et l’autre imparfaite par laquelle on voit l’essence divine, et l’autre imparfaite par laquelle, quoique nous ne voyons pas ce que Dieu est, nous voyons cependant ce qu’il n’est pas (Cette vision imparfaite est celle dont nous jouissons d’ici-bas, l’autre est propre à la gloire.). Et plus nous connaissons Dieu parfaitement ici-bas, mieux nous comprenons qu’il surpasse tout ce que l’intelligence comprend. Ces deux sortes de vision appartiennent au don d’intelligence. La première se rapporte au don d’intelligence consommé tel que nous le posséderons dans le ciel, la seconde à ce don commencé tel qu’il existe ici-bas.

            La réponse aux objections est par là même évidente. Car les deux premiers arguments s’appuient sur la première pureté, et le troisième sur la perfection de la vision divine. Les dons commencent ici-bas notre perfection qu’ils consommeront dans la vie future, comme nous l’avons dit (dans le corps de l’article.). (1a 2æ, quest. 68, art. 6, et quest. 69, art. 2).

 

Article 8 : Parmi les fruits la foi répond-elle au don d’intelligence ?

 

            Objection N°1. Il semble que parmi les fruits la foi ne réponde pas au don d’intelligence. Car l’intelligence est le fruit de la foi, selon ces paroles du prophète (Is., 7, 9) : Si vous ne croyez pas, vous ne comprendrez pas. Donc la foi n’est pas le fruit du don d’intelligence.

            Réponse à l’objection N°1 : L’intelligence est le fruit de la foi qui est une vertu (La foi qui est une vertu théologale, produit au contraire l’intelligence ; car tous les Pères disent avec saint Anselme qu’il faut croire pour comprendre.). Par conséquent quand on dit que la foi est un fruit on ne l’entend pas ainsi, mais on le prend pour la certitude à laquelle l’homme parvient par le don d’intelligence.

 

            Objection N°2. Ce qui est antérieur n’est pas le fruit de ce qui vient ensuite. Or, la foi semble être antérieure à l’intelligence, parce que la foi est le fondement de tout l’édifice spirituel, comme nous l’avons dit (quest. 4, art. 1 et 7). Donc la foi n’est pas le fruit de l’intelligence.

            Réponse à l’objection N°2 : La foi peut universellement précéder l’intelligence. Car l’homme ne pourrait donner son assentiment par la foi à ce qu’on lui propose, s’il ne le comprenait d’une certaine manière. Mais la perfection de l’intelligence est une conséquence de la foi qui est une vertu, et cette perfection de l’intelligence a pour effet la certitude (Cette certitude reçoit le nom de fruit, parce qu’elle est la dernière chose que le Saint-Esprit opère dans notre entendement.) qui est le fruit auquel on donne le nom de foi.

 

            Objection N°3. Il y a plus de dons qui appartiennent à l’intelligence qu’à l’appétit. Or, parmi les fruits il n’y en a qu’un seul qui appartienne à l’intelligence, et c’est la foi. Tous les autres regardent l’appétit. Donc la foi ne semble pas répondre à l’intelligence plutôt qu’à la sagesse, à la science ou au conseil.

            Réponse à l’objection N°3 : Le fruit de la connaissance pratique ne peut pas exister en elle, parce qu’on n’acquiert pas cette connaissance pour elle-même, mais en vue d’une autre chose ; tandis que la connaissance spéculative possède son fruit en elle-même, et ce fruit est la certitude des choses qu’elle a pour objet. C’est pourquoi il n’y a pas de fruit propre qui réponde au don du conseil qui n’a pour objet la connaissance pratique. Quant aux dons de sagesse, d’intelligence et de science qui peuvent appartenir à la connaissance spéculative, il n’y a qu’un seul fruit qui y corresponde, c’est cette certitude qu’on désigne sous le nom de foi. Mais on distingue plusieurs fruits qui appartiennent à la partie appétitive, parce que, comme nous l’avons dit (dans le corps de l’article.), l’idée de fin qu’implique le mot de fruit appartient plutôt à la puissance appétitive qu’à la puissance spéculative.

 

Mais c’est le contraire. La fin de chaque chose est son fruit. Or, le don d’intelligence semble principalement avoir pour fin la certitude de la foi qui est mise au nombre des fruits. Car la Glose dit (ad Gal., chap. 5), que la foi qui est un fruit est la certitude des choses invisibles. Donc parmi les fruits la foi répond au don d’intelligence.

 

            Conclusion. — La foi, c’est-à-dire la certitude de la foi, correspond ici-bas au don d’intelligence, comme son fruit, mais dans le ciel c’est la joie.

            Il faut répondre que, comme nous l’avons dit (1a 2æ, quest. 70, art. 1), on appelle fruits de l’Esprit-Saint les dernières choses agréables que produit en nous sa vertu. Or, les dernières jouissances ont la nature de la fin qui est l’objet propre de la volonté. C’est pourquoi il faut que la jouissance dernière qui réside dans la volonté soit en quelque sorte le fruit de toutes les autres qui se rapportent aux autres puissances. Par conséquent, d’après le genre de don ou de vertu qui perfectionne une puissance, on peut distinguer deux sortes de fruits ; l’un qui appartient à la puissance qui lui est propre (On distingue à l’égard de chaque don deux sortes de fruits l’un prochain et l’autre éloigné. Celui qui prochain leur est propre, l’autre leur est commun, et il est propre à la volonté. Ainsi le fruit propre du don d’intelligence, c’est la certitude que nous avons des choses de foi ; son fruit éloigné, c’est la joie qu’elle nous procure. Ce dernier fruit lui est commun avec tous les autres dons et toutes les vertus.) et l’autre qui appartient en dernier lieu à la volonté. D’après cela il faut dire que la foi répond au don d’intelligence pour le fruit qui lui est propre, c’est-à-dire pour la certitude de la foi ; mais la joie qui appartient à la volonté lui correspond comme son fruit dernier.

 

Copyleft. Traduction de l’abbé Claude-Joseph Drioux et de JesusMarie.com qui autorise toute personne à copier et à rediffuser par tous moyens cette traduction française. La Somme Théologique de Saint Thomas latin-français en regard avec des notes théologiques, historiques et philologiques, par l’abbé Drioux, chanoine honoraire de Langres, docteur en théologie, à Paris, Librairie Ecclésiastique et Classique d’Eugène Belin, 52, rue de Vaugirard. 1853-1856, 15 vol. in-8°. Ouvrage honoré des encouragements du père Lacordaire o.p. Si par erreur, malgré nos vérifications, il s’était glissé dans ce fichier des phrases non issues de la traduction de l’abbé Drioux ou de la nouvelle traduction effectuée par JesusMarie.com, et relevant du droit d’auteur, merci de nous en informer immédiatement, avec l’email figurant sur la page d’accueil de JesusMarie.com, pour que nous puissions les retirer. JesusMarie.com accorde la plus grande importance au respect de la propriété littéraire et au respect de la loi en général. Aucune évangélisation catholique ne peut être surnaturellement féconde sans respect de la morale catholique et des lois justes.

 

 

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