Saint Thomas d’Aquin - Somme Théologique
2a 2ae = Secunda Secundae
= 2ème partie de la 2ème Partie
Question 21 : De la présomption
Après
avoir parlé du désespoir, nous avons ensuite à nous occuper de la présomption.
— A ce sujet, quatre questions se présentent : 1° Quel est l’objet de la
présomption ; sur quoi repose-t-elle ? (Billuart définit la
présomption dont il est ici question : Temeraria expectatio beatitudinis
mediorusque ad
illam (Tract. de spe,
art. 5).) — 2° Est-elle un péché ? (La présomption est un péché mortel,
parce qu’elle est opposée à une vertu théologale et qu’elle est très inférieure
à Dieu et très funeste à l’homme, et elle est un péché contre l’Esprit-Saint,
parce qu’elle méprise ses secours, comme s’ils n’étaient pas nécessaires pour
sortir du péché et pour mériter.) — 3° A quoi est-elle contraire ? (On
peut voir à ce sujet la doctrine du concile de Trente (sess. 6, chap. 9).) — 4°
De quel vice vient-elle ? (En traitant la vaine gloire, saint Thomas
revient sur cette question (quest. 132, art. 5).)
Article 1 : La présomption repose-t-elle sur Dieu ou
sur la vertu propre ?
Objection
N°1. Il semble que la présomption qui est un péché contre l’Esprit-Saint ne
repose pas sur Dieu, mais sur la vertu propre. Car moins une vertu est grand et
plus grave est le péché de celui qui se repose trop sur elle. Or, la vertu
humaine est moindre que la vertu divine. Par conséquent, celui qui présume trop
de la vertu humaine pèche plus grièvement que celui qui présume trop de la
vertu divine. Et comme le péché contre l’Esprit-Saint est le plus grave, il
s’ensuit que la présomption, qui est une espèce de péché contre l’Esprit-Saint,
repose sur la vertu humaine plus que sur la vertu divine.
Réponse à
l’objection N°1 : Comme nous l’avons dit (quest. 20, art. 3, et 1a
2æ, quest. 73, art. 3), le péché qui est contre Dieu est plus grave
en son genre que tous les autres péchés. Par conséquent la présomption par
laquelle on se repose déréglément sur Dieu est un péché plus grave que la
présomption par laquelle on se repose sur sa vertu propre. Car quand quelqu’un
se repose sur la vertu divine pour obtenir ce qui ne convient pas à Dieu, il
diminue par là même cette vertu (Il porte atteinte aux perfections de Dieu,
parce qu’implicitement il nie sa justice.), et il est évident que celui qui
diminue la vertu de Dieu pèche plus grièvement que celui qui exagère sa propre
vertu.
Objection
N°2. Du péché contre l’Esprit-Saint naissent d’autres
péchés ; car on appelle péché contre l’Esprit-Saint la malice par laquelle
on pèche. Or, les autres péchés semblent plutôt naître de la présomption par
laquelle l’homme présume trop de lui-même que de la présomption par laquelle il
présume trop de Dieu, parce que l’amour de soi est le principe du péché, comme
le prouve saint Augustin (De civ. Dei,
liv. 14, chap. ult.). Il semble donc que la présomption, qui est un péché
contre l’Esprit-Saint, repose surtout sur la vertu humaine.
Réponse à
l’objection N°2 : La présomption même par laquelle on présume trop de Dieu
(En présumant de ces choses qui sont contraires à l’ordre et aux décrets de la
divine sagesse.), implique l’amour de soi qui nous fait désirer d’une manière
déréglée notre propre bien (Cette faute renferme donc une double malice ;
elle est répréhensible, et par rapport à Dieu, et par rapport à la créature.).
Car ce que nous désirons vivement, nous pensons pouvoir l’obtenir facilement au
moyen des autres, quand même ce serait impossible.
Objection
N°3. Le péché provient de l’attache déréglée au bien qui change. Or, la présomption
est un péché. Donc elle résulte plutôt de l’attachement à la vertu humaine, qui
est un bien changeant, que de l’attachement à la vertu divine qui est un bien
immuable.
Réponse à
l’objection N°3 : Celui qui tombe dans la présomption à l’égard de la miséricorde
divine, se tourne vers le bien qui change, parce que ce sentiment procède du
désir déréglé qu’il a de son propre bien, et il se détourne du bien qui ne
change pas, parce qu’il attribue à la vertu divine ce qui ne lui convient pas.
Car par là l’homme se détourne de la vertu de Dieu.
Mais c’est
le contraire. Comme par le désespoir on méprise la miséricorde divine sur
laquelle repose l’espérance, de même par la présomption on méprise la justice
de Dieu qui punit les pécheurs. Or, comme la miséricorde est en Dieu, de même
aussi la justice. Par conséquent, comme le désespoir nous éloigne de Dieu, de
même la présomption nous tourne déréglément vers lui.
Conclusion.
— La présomption, qui est une confiance excessive et immodérée ou un excès
d’espérance, peut s’appuyer non seulement sur nos propres forces, mais encore
sur la puissance ou la miséricorde de Dieu.
Il faut
répondre que la présomption semble impliquer une espérance excessive. L’objet
de l’espérance étant le bien difficile, mais possible, une chose est possible à
l’homme de deux manières : 1° par sa propre vertu ; 2° par la vertu
divine. La présomption peut résulter de la confiance excessive qu’on peut avoir
sous ce double rapport. En effet, à l’égard de l’espérance qui nous inspire de
la confiance dans nos propres forces, il y a présomption quand on se croit
capable d’atteindre un bien qui est au-dessus de ses forces, d’après cette
parole de l’Ecriture (Judith, 6, 15) : Vous
humiliez ceux qui présument trop d’eux-mêmes. Cette sorte de présomption
est contraire à la vertu de la magnanimité qui tient le milieu à l’égard de
cette espèce de confiance. — Quant à l’espérance qui repose sur la puissance
divine, elle est excessive et devient de la présomption quand on tend vers un
bien qu’on croit pouvoir obtenir par la vertu et la miséricorde divine, tandis
que cela n’est pas possible. Tel est, par exemple, celui qui espère obtenir le
pardon sans le repentir ou la gloire sans les mérites. Cette présomption est, à
proprement parler, une espèce de péché contre l’Esprit-Saint, parce que par
elle on détruit ou l’on méprise le secours de l’Esprit-Saint qui retire l’homme
du péché.
Article 2 : La présomption
est-elle un péché ?
Objection
N°1. Il semble que la présomption ne soit pas un péché. Car aucun péché n’est
une raison pour être exaucé der Dieu. Or, il y en a que Dieu exauce en vertu de
leur présomption. Car Judith dit au Seigneur (9, 17) : Exaucez celle qui a recours à vous dans sa
misère et qui présume de votre miséricorde. Ce n’est donc pas un péché de
présumer de la miséricorde divine.
Réponse à l’objection N°1 :
La présomption se prend quelquefois pour l’espérance, parce que l’espérance
légitime que nous avons à l’égard de Dieu paraît de la présomption, si on la
mesure d’après la condition de l’homme ; mais ce n’est pas de la présomption,
si on considère l’immensité de la bonté divine.
Objection
N°2. La présomption implique un excès d’espérance. Or, dans l’espérance qui
repose sur Dieu il ne peut y avoir d’excès, puisque sa puissance et sa miséricorde
sont infinies. Il semble donc que la présomption ne soit pas un péché.
Réponse à l’objection N°2 :
La présomption n’implique pas un excès d’espérance en ce sens que l’on ait trop
de confiance en Dieu, mais elle provient de ce qu’on espère de Dieu ce qui
n’est pas compatible avec sa nature. Dans ce cas l’espérance est moindre, parce
qu’on diminue par là même la vertu divine, comme nous l’avons dit (art. préc.,
réponse N°1).
Objection
N°3. Ce qui est un péché n’excuse pas du péché. Or, la présomption est une excuse.
Car le Maître des sentences dit (liv. 2, dist. 22) qu’Adam a moins péché parce
qu’il a péché avec l’espérance d’être pardonné, ce qui paraît être de la
présomption. Donc la présomption n’est pas un péché.
Réponse à l’objection N°3 :
Pécher avec la résolution de persévérer dans le péché, dans l’espérance d’en
obtenir le pardon, c’est de la présomption (On voit par là que la présomption
ne détruit pas nécessairement l’espérance, et qu’elle est, jusqu’à un certain
point, compatible avec cette vertu.). Cette disposition ne diminue pas, mais
elle augmente le péché. Mais pécher avec l’espérance d’être un jour pardonné et
tout en formant la résolution de s’abstenir du mal et de s’en repentir, ce
n’est pas de la présomption ; au contraire, cette disposition diminue la faute,
parce qu’alors on a la volonté moins ferme de pécher.
Mais c’est le contraire. Car la
présomption est une espèce de péché contre l’Esprit-Saint.
Conclusion. — La présomption est
conforme à cette erreur de l’intellect qui fait croire que Dieu pardonne à ceux
qui persévèrent dans le péché ou qu’il glorifie ceux qui négligent de faire des
bonnes œuvres ; c’est pourquoi elle est un péché, mais un péché moins grave que
le désespoir.
Il faut répondre que, comme nous
l’avons dit (quest. préc., art. 1) à l’égard du désespoir, tout mouvement de
l’appétit qui est conforme à une opinion fausse est mauvais en lui-même et est
un péché. Or, la présomption est un mouvement de l’appétit, puisqu’elle
implique une espérance déréglée, et elle est conforme à une opinion fausse
aussi bien que le désespoir. Car comme il est faux que Dieu ne soit pas
miséricordieux pour ceux qui se repentent ou qu’il n’appelle pas les pécheurs
au repentir ; de même il est faux qu’il pardonne ceux qui persévèrent dans le péché
ou qu’il glorifie ceux qui ne font pas de bonnes œuvres, et c’est cette
dernière opinion (La présomption est jointe à l’infidélité, si l’on admet
spéculativement toutes ces erreurs, et alors c’est une circonstance que l’on
doit déclarer en confession.) qui inspire la présomption. C’est pourquoi la
présomption est un péché moins grave que le désespoir ; parce qu’en vertu de sa
bonté infinie, la miséricorde et le pardon sont plus propres à Dieu que le
châtiment ; car la miséricorde et le pardon lui conviennent en eux-mêmes,
tandis qu’il ne nous punit qu’en raison de nos péchés.
Article 3 : La
présomption est-elle plus contraire à la crainte qu’a l’espérance ?
Objection
N°1. Il semble que la présomption soit plus
contraire à la crainte qu’à l’espérance. Car la crainte déréglée est contraire
à la crainte légitime. Or, la présomption semble appartenir à la crainte
déréglée, puisqu’il est dit (Sag., 17, 10) : La conscience troublée présume toujours les
maux les plus cruels, et que l’écrivain sacré ajoute que la crainte aide la présomption. Donc la
présomption est plus opposée à la crainte qu’à l’espérance.
Réponse à l’objection N°1 :
Comme l’espérance se dit du mal dans un sens abusif et du bien dans le sens
propre, il en est de même de la présomption. C’est ainsi qu’on appelle
présomption le dérèglement de la crainte.
Objection N°2. Les contraires
sont les choses les plus éloignées. Or, la présomption s’éloigne plus de la
crainte que de l’espérance ; car la présomption implique un mouvement vers
l’objet aussi bien que l’espérance, tandis que la crainte implique un mouvement
contraire (Elle s’éloigne de la chose au lieu de se porter vers elle.). Donc la
présomption est plus contraire à la crainte qu’à l’espérance.
Réponse à l’objection N°2 :
Les contraires sont les choses qui sont les plus éloignées dans le même genre.
Or, la présomption et l’espérance impliquent un mouvement du même genre qui
peut être ou réglé ou déréglé. C’est pourquoi la présomption est plus
directement contraire à l’espérance qu’à la crainte. Car elle est contraire à
l’espérance en raison de sa différence propre comme ce qui est déréglé est
contraire à ce qui est réglé, tandis qu’elle est contraire à la crainte en raison
de sa différence générique, c’est-à-dire d’après la nature de leur mouvement
(L’espérance et la présomption se portent vers leur objet qu’elles recherchent
; au lieu que la crainte s’éloigne du sien et le fuit.).
Objection N°3. La présomption
exclut totalement la crainte, mais elle n’exclut pas totalement l’espérance,
elle n’exclut que ce qu’il y a de légitime en elle. Par conséquent puisque les
choses opposées sont celles qui se détruisent, il semble que la présomption
soit plus contraire à la crainte qu’à l’espérance.
Réponse à l’objection N°3 :
La présomption est contraire à la crainte d’une contrariété de genre ; tandis
qu’elle est contraire à l’espérance d’une contrariété de différence (Ce terme a
ici le sens qu’on lui donne en logique quand on dit que la définition d’une
chose doit désigner son genre prochain et sa différence la plus propre.). C’est pourquoi la présomption exclut
totalement la crainte d’après la nature même de son genre, mais elle n’exclut
l’espérance qu’en raison de la différence, c’est-à-dire en excluant ce qu’elle
a de réglé.
Mais c’est le contraire. Deux
vices opposés l’un à l’autre sont contraires à la même vertu ; ainsi la
timidité et l’audace sont contraires à la force. Or, le péché de présomption
est contraire au péché de désespoir qui est directement opposé à l’espérance.
Il semble donc que la présomption soit aussi plus directement contraire à
l’espérance.
Conclusion. — La présomption est
plus directement opposée à l’espérance qu’à la crainte.
Il faut répondre que, comme le
dit saint Augustin (Cont. Julian., liv.
4, c. 3), il y a non-seulement des vices manifestement contraires à toutes les
vertus, comme la témérité à la prudence, mais il y en a encore qui sont en
quelque sorte voisins des vertus et qui sans leur ressembler réellement en ont
l’apparence trompeuse ; c’est ainsi que l’astuce ressemble à la prudence. C’est
ce qui fait dire aussi à Aristote (Eth., liv. 2, chap.
8) que la vertu paraît avoir plus de rapport avec l’un des vices qui lui sont
opposés qu’avec un autre ; comme la tempérance avec l’insensibilité et la force
avec l’audace (La tempérance est moins éloignée de l’insensibilité que de la
débauche, qui est son acte contraire, et la force se rapproche plus de l’audace
que de la patience ; la libéralité a plus de rapport avec la prodigalité
qu’avec l’avarice, etc.). — La présomption semble donc avoir une opposition
manifeste avec la crainte, surtout avec la crainte servile qui a pour objet le
châtiment infligé par la justice de Dieu dont la présomption espère le pardon.
Mais d’après la fausse ressemblance qu’elle a avec l’espérance, elle est plus
contraire à cette vertu, parce qu’elle implique une espérance déréglée à
l’égard de Dieu. Et comme les choses du même genre sont plus directement
opposées que celles qui sont de genres différents (puisque les contraires
appartiennent au même genre), il s’ensuit que la présomption est plus
directement opposée à l’espérance qu’à la crainte. Car elles se rapportent
l’une et l’autre au même objet (La présomption et l’espérance sont du même
genre, parce qu’elles n’ont qu’un seul et même objet, qui est la béatitude. La
crainte est d’un autre genre, car elle a pour objet la peine.) sur lequel elles s’appuient ; mais l’espérance s’y rapporte
d’une manière régulière et la présomption d’une manière déréglée.
Article 4 : La
présomption est-elle produite par la vaine gloire ?
Objection
N°1. Il semble que la présomption ne soit pas
produite par la vaine gloire. Car la présomption paraît s’appuyer sur la
miséricorde divine. Or, la miséricorde a pour objet la misère qui est opposée à
la gloire. Donc la présomption ne vient pas de la vaine gloire.
Objection N°2. La présomption est
opposée au désespoir. Or, le désespoir vient de la tristesse, comme nous
l’avons dit (quest. 20, art. 4, réponse N°2). Par conséquent, puisque les
contraires sont produits par des causes contraires, il semble que la
présomption vienne de la délectation et qu’elle ait pour causes les vices
charnels dont les délectations sont les plus violentes.
Objection N°3. Le vice de la
présomption consiste en ce que l’on tend vers un bien qui n’est pas possible,
comme s’il était possible. Or, quand on regarde comme possible ce qui est
impossible, c’est un effet de l’ignorance. Donc la présomption provient plutôt
de l’ignorance (L’ignorance est la compagne de toute espèce de faute, elle ne
peut donc pas être assignée comme la cause d’un péché particulier.) que de la
vaine gloire.
Mais c’est le contraire. Saint
Grégoire dit (Moral., liv. 31, chap.
17) que la présomption des nouveautés est fille de la vaine gloire.
Conclusion. — La présomption qui
repose sur la vertu propre vient de la vaine gloire, mais celle qui repose
dérèglement sur la miséricorde ou la puissance de Dieu vient de l’orgueil.
Il faut répondre que, comme nous
l’avons dit (art. 1), il y a deux sortes de présomption ; l’une qui repose sur
la vertu propre et qui entreprend, comme si elles lui étaient possibles, des
choses qui sont au-dessus de ses forces. Celle-là vient manifestement de la
vaine gloire. Car par là même qu’une personne désire vivement la gloire, il
s’ensuit qu’elle entreprend des choses qui surpassent ses forces. Telles sont
principalement les nouveautés qui excitent le plus l’admiration, et c’est pour
ce motif que saint Grégoire désigne expressément cette sorte de présomption
comme étant issue de la vaine gloire. — L’autre présomption est celle qui
repose d’une manière déréglée sur la miséricorde ou la puissance de Dieu et qui
nous fait espérer d’obtenir la gloire sans mérites ou le pardon sans repentir.
Cette présomption semble naître directement de l’orgueil, parce qu’alors nous
nous estimons tant nous-mêmes que nous croyons que Dieu ne nous punira pas ou
qu’il ne nous bannira pas du ciel, même quand nous serions des pécheurs.
La réponse aux objections est par là même évidente.
Copyleft. Traduction
de l’abbé Claude-Joseph Drioux et de JesusMarie.com qui autorise toute personne à copier et à rediffuser par
tous moyens cette traduction française. La Somme Théologique de Saint Thomas
latin-français en regard avec des notes théologiques, historiques et
philologiques, par l’abbé Drioux, chanoine honoraire de Langres, docteur en
théologie, à Paris, Librairie Ecclésiastique et Classique d’Eugène Belin, 52,
rue de Vaugirard. 1853-1856, 15 vol. in-8°. Ouvrage honoré des
encouragements du père Lacordaire o.p. Si par erreur, malgré nos vérifications,
il s’était glissé dans ce fichier des phrases non issues de la traduction de l’abbé
Drioux ou de la nouvelle traduction effectuée par JesusMarie.com, et relevant
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