Saint Thomas d’Aquin - Somme Théologique
2a 2ae = Secunda Secundae
= 2ème partie de la 2ème Partie
Question 28 : De la joie
Après
avoir parlé de l’acte principal de la charité qui est l’amour, nous devons nous
occuper des effets qui en découlent. Et d’abord des effets intérieurs, ensuite
des effets extérieurs. Sur les effets intérieurs il y a trois choses à
considérer : 1° la joie ; 2° la paix ; 3° la miséricorde. — 1° Touchant la joie
quatre questions se présentent : l° La joie est-elle un effet de la charité ? —
2° Cette joie est-elle compatible avec la tristesse ? — 3° Cette joie peut-elle
être pleine ? — 4° Est-elle une vertu ?
Article 1 : La
joie est-elle en nous un effet de la charité ?
Objection
N°1. Il semble que la joie ne soit pas un
effet de la charité en nous. Car la tristesse résulte plutôt que la joie de
l’absence de l’objet aimé. Or, Dieu que nous aimons par la charité est absent
pour nous, tant que nous vivrons sur cette terre. Car, selon l’expression de
l’Apôtre (2 Cor., 5, 6) : Tant que nous habitons dans ce corps nous
sommes éloignés de Dieu. La charité produit donc en nous la tristesse plus
que la joie.
Réponse à l’objection N°1 :
Tant que nous sommes dans ce corps on dit que nous sommes loin de Dieu,
comparativement à sa présence dont jouissent ceux qui sont admis à sa vision
intuitive. Aussi l’Apôtre ajoute au même endroit : C’est par la foi que nous marchons et non par une claire vue. Mais
il est néanmoins présent ici-bas dans ceux qui l’aiment, puisqu’il habite en
eux par sa grâce.
Objection N°2. C’est surtout par
la charité que nous méritons la béatitude. Or, parmi les choses au moyen
desquelles nous méritons la béatitude, on place les larmes qui appartiennent à
la tristesse, d’après ces paroles de l’Evangile (Matth.,
5, 5) : Bienheureux ceux qui pleurent,
parce qu’ils seront consolés. Donc la tristesse est un effet de la charité
plutôt que la joie.
Réponse à l’objection N°2 :
Les larmes qui méritent la béatitude ont pour objet ce qui est contraire à la
béatitude elle-même. Par conséquent c’est pour le même motif que la charité
produit cette tristesse et qu’elle produit la joie spirituelle à l’égard de
Dieu, parce que c’est le même motif qui nous porte à nous réjouir d’un bien et
à nous attrister des choses qui lui sont contraires.
Objection N°3. La charité est une
vertu distincte de l’espérance, comme on le voit d’après ce que nous avons dit
(quest. 17, art. 6). Or, la joie est produite par l’espérance, puisque l’Apôtre
dit (Rom., 12, 12) que nous nous réjouissons dans l’espérance.
Elle n’est donc pas produite par la charité.
Réponse à l’objection N°3 :
A l’égard de Dieu, il peut y avoir deux sortes de joie spirituelle : 1° une
joie qui résulte du bien divin considéré en lui-même (Cette joie résulte de ce
que nous aimons Dieu pour lui-même, pour ses intimes perfections, au lieu que
l’autre joie, qui est plus imparfaite, résulte de ce que nous l’aimons d’un
amour intéressé, c’est-à-dire selon que nous participons à sa nature.) ;
2° une joie qui résulte de ce même bien, selon que nous y participons. La
première espèce de joie est la meilleure et elle procède principalement de la
charité ; mais la seconde procède aussi de l’espérance par laquelle nous
attendons la jouissance du bien surnaturel, quoique d’ailleurs cette jouissance
parfaite ou imparfaite nous soit aussi accordée en proportion de notre charité.
Mais c’est le contraire. L’Apôtre
dit (Rom., 5, 5) : La charité a été répandue dans nos cœurs par
l’Esprit-Saint qui nous a été donné. Or, la joie est produite en nous par
l’Esprit-Saint, d’après ces paroles du même Apôtre (Rom., 14, 17) : Le royaume de
Dieu ne consiste pas dans le boire et le manger, mais dans la justice, dans la
paix et dans la joie que donne l’Esprit-Saint. La charité est donc cause de
la joie.
Conclusion La joie spirituelle
que nous avons de Dieu vient de l’amour de la charité.
Il faut répondre que, comme nous
l’avons dit en traitant des passions (1a 2æ, quest. 25,
art. 1, 2 et 3), la joie et la tristesse procèdent de l’amour, mais d’une
manière contraire. La joie provient de l’amour, soit à cause de la présence du
bien qu’on aime, soit parce que l’objet qu’on aime jouit de son bien propre et
le conserve. Cette seconde espèce de joie appartient surtout à l’amour de
bienveillance par lequel on se réjouit des succès d’un ami, même quand il est
absent. Au contraire, la tristesse vient de l’amour, soit par suite de
l’absence de l’objet qu’on aime, soit parce que l’objet aimé auquel nous
voulons du bien en est privé ou qu’il est frappé de quelque revers. Mais comme
la charité est l’amour de Dieu dont le bien est immuable, parce qu’il est sa
bonté même, il s’ensuit que par là même qu’il est aimé, il existe dans le sujet
qui l’aime par son effet le plus noble, d’après ces paroles de saint Jean (1
Jean, 4, 16) : Celui qui demeure dans la
charité demeure en Dieu et Dieu demeure en lui. C’est pourquoi la joie
spirituelle que nous avons de Dieu est produite par la charité.
Objection
N°1. Il semble que la joie spirituelle qui
résulte de la charité soit susceptible d’être mélangée de tristesse. Car il
appartient à la charité de se réjouir des biens du prochain, d’après ces
paroles de saint Paul (1 Cor., 13, 6)
: La charité ne se réjouit pas de
l’injustice, mais elle se réjouit de la vérité. Or, cette joie est
susceptible d’un mélange de tristesse, suivant ce que dit le même Apôtre (Rom., 12, 15) : qu’on doit se réjouir avec ceux qui sont dans la joie
et pleurer avec ceux qui pleurent. Donc la joie spirituelle de la charité
souffre un mélange de tristesse.
Réponse à l’objection N°1 :
Le deuil du prochain n’a pour objet qu’un mal quelconque. Or, tout mal implique
un défaut de participation au souverain bien. C’est pourquoi la charité ne nous
fait gémir sur le prochain qu’autant que nous le voyons empêché de participer
au bien divin.
Objection N°2. La pénitence
consiste, dit saint Grégoire (Hom. 34 in Ev.), à
pleurer les fautes qui sont passées et à ne plus en commettre qu’on doive
pleurer. Or, la vraie pénitence n’existe pas sans la charité. Donc la joie de
la charité est mêlée de tristesse.
Réponse à l’objection N°2 :
Les péchés établissent une séparation entre nous et Dieu, comme le dit le
prophète (Is., chap. 59). C’est pourquoi nous devons gémir sur nos propres
péchés ou sur ceux des autres, parce qu’ils sont un obstacle à la participation
du bien divin.
Objection N°3. La charité fait
qu’on désire être avec le Christ, d’après ces paroles de l’Apôtre (Phil., 1, 23) : J’ai le désir d’être délivré des liens de ce corps et d’être avec le
Christ. Or, ce désir produit toujours dans l’homme une certaine tristesse,
comme le dit le Psalmiste (Ps., 119,
5) : Malheur à moi, mon séjour s’est
prolongé. Donc la joie de la charité est susceptible d’être mêlée de
tristesse.
Réponse à l’objection N°3 :
Quoique dans ce séjour de misère nous participions d’une certaine manière au
bien divin par la connaissance et l’amour ; cependant les misères de cette vie
nous empêchent d’y participer aussi parfaitement que nous y participerons dans
le ciel. C’est pourquoi cette tristesse qui nous fait déplorer le délai qui
nous éloigne de la gloire, se rapporte à l’obstacle qui nous empêche de
participer au bien divin.
Mais c’est le contraire. La joie
de la charité est la joie qu’on a de la divine sagesse. Or, cette joie n’est
pas mélangée de tristesse, car l’Ecriture dit de la Sagesse (Sag., chap. 8), que son commerce n’a pas d’amertume. Donc la joie de la charité est
incompatible avec la tristesse.
Conclusion Quoique la joie qui
provient en nous de la charité divine ne soit par elle-même mélangée d’aucune
tristesse, cependant il arrive par accident que la tristesse se mêle à cette
joie spirituelle.
Il faut répondre que, comme nous
l’avons dit (art. préc., réponse N°3), la charité produit en nous deux espèces de
joie : l’une principale qui est propre à la charité. C’est par elle que nous
nous réjouissons du bien divin considéré en lui-même. Cette joie n’est pas
compatible avec la tristesse, comme le bien dont elle se réjouit ne peut être
mélangé d’aucun mal. C’est pourquoi l’Apôtre dit (Philipp., 4, 4) : Réjouissez-vous
toujours dans le Seigneur. — L’autre joie est celle par laquelle on se
réjouit du bien divin, selon que nous y participons. Or, cette participation
peut être troublée par quelque chose qui lui est contraire (Ainsi elle peut
être troublée par le sentiment que nous avons de nos misères et de notre
faiblesse, qui pourrait à chaque instant nous faire tomber dans le péché, si la
grâce ne nous protégeait.). C’est pourquoi sous ce rapport la joie de la
charité peut être mêlée de tristesse, en ce sens qu’on s’attriste de ce qui
nous empêche, ou de ce qui empêche le prochain, que nous aimons comme
nous-mêmes, de participer au bien divin.
Article 3 : La
joie spirituelle qui résulte de la charité peut-elle être en nous pleine et
entière ?
Objection
N°1. Il semble que la joie spirituelle qui
résulte de la charité ne puisse pas être en nous pleine et entière. Car plus la
joie que nous avons de Dieu est grande et plus elle est pleine et parfaite en
nous. Or, nous ne pouvons jamais nous réjouir de Dieu autant qu’il est digne
qu’on s’en réjouisse ; parce que sa bonté qui est infinie surpasse toujours la
joie de la créature qui est finie. Donc la joie que nous avons de Dieu ne peut
être jamais pleine et entière.
Réponse à l’objection N°1 :
Ce raisonnement s’appuie sur la plénitude de la joie considérée par rapport à
la chose dont on jouit.
Objection N°2. Ce qui est complet
ne peut pas être plus grand. Or, la joie des bienheureux peut être plus grande,
puisque la joie de l’un est plus grande que celle de l’autre. La joie que nous
avons de Dieu ne peut donc pas être dans la créature pleine et entière.
Réponse à l’objection N°2 :
Quand on sera parvenu à la béatitude, chacun atteindra le terme qui lui a été
fixé par la prédestination divine, et il n’y aura plus lieu de tendre au delà :
quoique arrivé à ce terme, l’un se trouvera cependant plus rapproché de Dieu et
l’autre moins. C’est pourquoi la joie de chacun sera pleine par rapport au
sujet qui jouit, parce que les désirs de chacun seront pleinement satisfaits.
Néanmoins la joie de l’un sera plus grande que celle de l’autre (Tous les cœurs
seront également satisfaits, seulement il y aura inégalité entre eux, selon que
les uns seront plus vastes que les autres, en proportion de leurs mérites. On
peut comparer cette variété à des mesures de grandeur inégale qui seraient
toutes également pleines, et qui ne comprendraient cependant pas la même
quantité de liqueur.), parce qu’il participera plus pleinement à la béatitude
divine.
Objection N°3. La compréhension
ne paraît être rien autre chose que la plénitude de la connaissance. Or, comme
la faculté cognitive de la créature est finie, de même aussi sa faculté
appétitive. Par conséquent, puisque Dieu ne peut être compris par une créature,
il semble que la joie qu’elle reçoit de Dieu ne puisse pas être non plus pleine
et entière.
Réponse à l’objection N°3 :
La compréhension implique la plénitude de la connaissance par rapport à la
chose connue, c’est-à-dire qu’il faut qu’on la connaisse autant qu’elle peut
être connue. Néanmoins il y a une plénitude de connaissance qui se rapporte au
sujet qui connaît (Cette plénitude de connaissance relative existe quand le
sujet a autant de connaissance qu’il peut en avoir. Cet état sera celui des
élus, car ils auront tous autant de lumière que leur intelligence peut en
supporter. Cependant on ne peut pas dire que leur connaissance soit parfaite,
parce que la connaissance se mesure d’après l’objet, et il n’y a aucune créature
qui puisse connaître parfaitement Dieu. Mais on dit que leur joie est parfaite,
parce que la joie se mesure d’après le sujet, et que leurs désirs seront tous
comblés.), comme nous l’avons dit de la joie (dans le corps de cet article.).
C’est ce qui fait dire à l’Apôtre (Col.,
1, 9) : Je demande que vous soyez remplis
de la connaissance de la volonté de
Dieu, et qu’il vous donne et qu’il mette en vous tonte la sagesse et toute
l’intelligence spirituelle.
Mais c’est le contraire.
Notre-Seigneur dit à ses disciples (Jean, 15, 11) : Que ma joie soit avec vous, et que votre joie soit pleine.
Conclusion La joie spirituelle,
qui est produite en nous par la charité, quoiqu’elle ne puisse pas ici-bas être
pleine et entière, le sera cependant dans le ciel, de sorte que tous nos désirs
trouveront en elle leur satisfaction.
Il faut répondre que la plénitude
de la joie peut s’entendre de deux manières : 1° par rapport à la chose dont on
se réjouit, de telle sorte qu’on s’en réjouisse autant qu’elle le mérite. En ce
sens il n’y a que la joie de Dieu qui soit pleine de lui-même, parce que la
joie de Dieu est infinie, et par conséquent adéquate à sa bonté, qui est
infinie aussi ; tandis que la joie de toute créature est nécessairement
limitée. 2° On peut considérer la plénitude de la joie par rapport au sujet qui
se réjouit. Or, la joie est au désir ce que le repos est au mouvement, comme
nous l’avons dit en traitant des passions (1a 2æ, quest. 25,
art. 1 et 2 et 4). Le repos est complet quand il n’ya plus de mouvement ; par
conséquent la joie est pleine quand on n’a plus rien à désirer. Tant que nous
sommes en ce monde, nous ne cessons pas de désirer, parce que nous avons
toujours lieu de nous approcher de Dieu davantage par la grâce, comme on le
voit d’après ce que nous avons dit (quest. 24, art. 4 et 7). Mais quand nous
serons parvenus à la béatitude parfaite, nous n’aurons plus rien à désirer,
parce qu’alors nous jouirons pleinement de Dieu, et que nous rencontrerons dans
cette jouissance tous les autres biens que nous aurons ambitionnés, suivant
cette parole du Psalmiste (Ps. 102, 5)
: Il remplit votre désir en vous comblant
de ses biens. C’est pourquoi, non seulement le désir que nous avons de Dieu
sera satisfait, mais encore nous obtiendrons l’accomplissement de tous nos
autres désirs. La joie des bienheureux sera donc parfaitement pleine, elle sera
même surabondante, parce qu’ils obtiendront plus qu’ils n’ont pu désirer. Car,
selon l’expression de l’Apôtre (1 Cor.,
2, 9) : Le cœur de l’homme n’a jamais
conçu ce que Dieu a préparé pour ceux qui l’aiment. C’est la même vérité
que l’Evangile exprime ainsi (Luc, 6, 38) : On
versera dans votre sein une bonne mesure qui se répandra par-dessus.
Toutefois, comme aucune créature n’est capable d’une joie qui soit adéquate à
Dieu, il s’ensuit que cette joie complètement pleine n’est pas contenue dans
l’homme, mais que l’homme pénètre plutôt en elle, suivant ces autres paroles de
l’Evangile (Matth., 25, 21) : Entrez dans la joie de votre Seigneur.
Article 4 : La
joie est-elle une vertu ?
Objection
N°1. Il semble que la joie soit une vertu. Car
le vice est contraire à la vertu. Or, la tristesse est mise au nombre des
vices, comme on le voit à propos de la paresse et de l’envie. On doit donc
faire aussi de la joie une vertu.
Réponse à l’objection N°1 :
La tristesse qui est un vice est produite par l’amour déréglé de soi-même, qui
n’est pas un vice spécial, mais une racine générale qui produit plusieurs
vices, comme nous l’avons dit (1a 2æ, quest. 77, art. 4).
C’est pourquoi il a fallu que certaines tristesses particulières fussent
considérées comme des vices spéciaux, parce qu’elles ne découlent pas d’un vice
particulier, mais d’un vice général. Au contraire on fait de l’amour de Dieu
une vertu spéciale, qui est la charité, à laquelle la joie se rapporte, comme
son acte propre, ainsi que nous l’avons dit (dans le corps de cet article et
art. 2).
Objection N°2. Comme l’amour et
l’espérance sont des passions qui ont pour objet le bien, de même aussi la
joie. Or, on place l’amour et l’espérance au rang des vertus. On doit donc
aussi y placer la joie.
Réponse à l’objection N°2 :
L’espérance résulte de l’amour aussi bien que la joie ; mais l’espérance
ajoute par rapport à l’objet une certaine raison spéciale, c’est-à-dire la
difficulté et la possibilité d’obtenir ce qu’on espère. C’est pour cela que
l’espérance est une vertu particulière. Mais la joie n’ajoute à l’amour, sous
le rapport de l’objet, aucune raison spéciale qui soit capable d’en faire une
vertu particulière.
Objection N°3. Les préceptes de
la loi portent sur les actes des vertus. Or, il nous est ordonné de nous
réjouir en Dieu, suivant ces paroles de l’Apôtre (Phil., 4, 4) : Réjouissez-vous
toujours dans le Seigneur. Donc la joie est une vertu.
Réponse à l’objection N°3 :
Le précepte de la loi se rapporte à la joie considérée comme un acte de la
charité, bien qu’elle ne soit pas son premier acte (Parce que les préceptes ont
pour objets tous les actes de vertu. Ils commandent les derniers aussi bien que
les premiers.).
Mais c’est le contraire. On ne
compte la joie ni parmi les vertus théologales, ni parmi les vertus morales, ni
parmi les vertus intellectuelles, comme on le voit d’après ce que nous avons
dit (1a 2æ, quest. 57, 60 et 62).
Conclusion La joie n’est pas une
vertu distincte de la charité, mais c’est un acte ou un effet de la charité.
Il faut répondre que la vertu, comme nous l’avons dit (1a
2æ, quest. 55, art. 2 et 4), est une habitude opérative ; c’est
pourquoi elle est portée selon sa propre nature à produire un acte quelconque.
Mais il arrive qu’une même habitude produit plusieurs
actes dépendant l’un de l’autre, de telle sorte que l’un découle de l’autre. Et
parce que les derniers actes ne procèdent de l’habitude de la vertu que par
l’intermédiaire d’un acte premier, il en résulte qu’une vertu ne se définit et
ne se dénomme que par l’acte premier, quoique d’autres actes découlent d’elle
aussi. Or, il est évident, d’après ce que nous avons dit sur les passions (1a
2æ, quest. 25, art. 2 et 4), que l’amour est la première affection
de la puissance appétitive, qui est aussi le principe du désir et de la joie.
C’est pourquoi c’est la même habitude de vertu qui nous porte à aimer et à
désirer le bien que nous aimons et à nous en réjouir. Et parce que l’amour est
le premier de ces actes, il s’ensuit que la vertu ne tire son nom ni de la
joie, ni du désir, mais de la dilection et qu’on l’appelle charité. Par
conséquent la joie n’est pas une vertu distincte de la charité, mais elle en
est un acte ou un effet, et c’est pour cela qu’on la compte parmi les fruits (Gal., chap. 5) (Fructus autem spiritus est charitas, gaudium,
pax, etc. Il est à remarquer que la joie est comptée parmi les fruits,
parce qu’elle est le dernier acte de l’amour, son dernier terme. Le désir n’est
pas considéré comme un fruit parce qu’il est un acte intermédiaire.).
Copyleft. Traduction
de l’abbé Claude-Joseph Drioux et de JesusMarie.com qui autorise toute personne à copier et à rediffuser par
tous moyens cette traduction française. La Somme Théologique de Saint Thomas
latin-français en regard avec des notes théologiques, historiques et
philologiques, par l’abbé Drioux, chanoine honoraire de Langres, docteur en
théologie, à Paris, Librairie Ecclésiastique et Classique d’Eugène Belin, 52,
rue de Vaugirard. 1853-1856, 15 vol. in-8°. Ouvrage honoré des
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l’abbé Drioux ou de la nouvelle traduction effectuée par JesusMarie.com, et
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