Saint Thomas d’Aquin - Somme Théologique
2a 2ae = Secunda Secundae
= 2ème partie de la 2ème Partie
Question 31 : De la bienfaisance
Nous avons
maintenant à nous occuper des actes extérieurs ou des effets de la charité. —
Nous traiterons : 1° de la bienfaisance ; 2° de l’aumône qui est une partie de
la bienfaisance ; 3° de la correction fraternelle qui est une sorte d’aumône. —
Touchant la bienfaisance quatre questions se présentent : 1° La bienfaisance
est-elle un acte de charité ? — 2° Doit-on faire du bien à tout le monde ? — 3°
Doit-on faire plus de bien à ceux avec lesquels on est le plus uni ? — 4° La
bienfaisance est-elle une vertu spéciale ?
Article 1 : La
bienfaisance est-elle un acte de charité ?
Objection N°1. Il semble que la
bienfaisance ne soit pas un acte de charité. Car la charité se rapporte surtout
à Dieu. Or, nous ne pouvons pas être bienfaisants envers Dieu, d’après cette
parole de Job (35, 7) : Que lui donnerez-vous
? ou que recevra-t-il de votre main ? La
bienfaisance n’est donc pas un acte de charité.
Réponse à l’objection N°1 : Comme le dit saint Denis (De div. nom., chap. 4), l’amour meut les êtres
qui sont coordonnés de manière que l’un se rapporte à l’autre, il élève les
inférieurs vers les supérieurs pour qu’ils en reçoivent leur perfection, et il
porte les supérieurs à pourvoir aux inférieurs. Sous ce point de vue la
bienfaisance est un effet de l’amour. C’est pourquoi il ne nous appartient pas
de faire du bien à Dieu, mais nous devons l’honorer en nous soumettant à lui ;
tandis qu’il lui appartient de nous accorder ses bienfaits par suite de son
amour.
Objection N°2. La bienfaisance consiste surtout à accorder des
dons. Or, ceci appartient à la libéralité. La bienfaisance n’est donc pas un
acte de charité, mais de libéralité.
Réponse à l’objection N°2 : Dans la collation des dons il y a
deux choses à considérer ; l’une est le don extérieur, l’autre est la passion
intérieure que l’on a pour les richesses, dans lesquelles on met son plaisir.
Or, il appartient à la libéralité de modérer la passion intérieure, de telle
sorte qu’on ne désire et qu’on n’aime pas les richesses par excès. C’est ce qui
dispose l’homme à les répandre facilement. Par conséquent, si l’on fait à
l’homme un grand don, mais avec le désir de retenir ce qu’on lui donne, il n’y
a pas de libéralité. Mais sous le rapport du don extérieur la collation d’un
bienfait appartient en général à l’amitié ou à la charité. Ce n’est donc pas
déroger à l’amitié que de donner à un autre par amour une chose qu’on désire
garder, c’est plutôt lui démontrer qu’on l’aime parfaitement.
Objection N°3. Ce qu’on donne, on le donne ou comme une chose
qu’on doit ou comme une chose qu’on ne doit pas. Or, quand on accorde un
bienfait à titre de chose due, on fait un acte de justice. Si on l’accorde
comme une chose qui n’est pas due, c’est un don gratuit et par conséquent un
acte de miséricorde. Donc toute bienfaisance est un acte de justice ou un acte
de miséricorde, et par conséquent ce n’est pas un acte de charité.
Réponse à l’objection N°3 : Comme l’amitié ou la charité
considère dans un bienfait la raison générale du bien, de même la justice
considère ce qui est dû, tandis que la miséricorde a pour objet le secours qui
vient en aide à la misère ou à la faiblesse du prochain (On attribue l’acte de
la bienfaisance plutôt à la charité, parce que l’objet de cette vertu étant le
bien général, il a plus d’extension que l’objet des trois autres vertus, qui
est le bien considéré sous un aspect particulier et par conséquent restreint.)
Mais c’est le contraire. La charité est une amitié, comme nous
l’avons dit (quest. 23, art. 1). Or, Aristote dit (Eth., liv. 9, chap. 4) que l’amitié consiste à faire du bien à ses
amis, c’est-à-dire à exercer la bienfaisance à leur égard. Donc la bienfaisance
est un acte de charité.
Conclusion La bienfaisance, d’après sa nature générale, est un
acte d’amitié ou de charité, mais d’après sa nature spéciale il est possible
qu’elle soit l’acte d’une autre vertu.
Il faut répondre que la bienfaisance n’implique pas autre chose
que de faire du bien à quelqu’un. Or, on peut considérer ce bien de deux
manières. 1° D’une manière générale, la bienfaisance considérée ainsi en
général est un acte d’amitié et par conséquent de charité. Car l’acte d’amour
est compris dans la bienveillance, par laquelle on veut du bien à quelqu’un,
comme nous l’avons vu (quest. 23, art. 1, et quest. 27, art. 2). Et comme la
volonté produit ce qu’elle veut, si elle en a la faculté, il s’ensuit par
conséquent que la bienfaisance résulte de l’amour que l’on a pour ses amis.
C’est pour cela que la bienfaisance considérée en général est un acte d’amitié
ou de charité. Mais si on considère le bien qu’on fait à un autre sous un
aspect particulier (On peut le considérer comme une chose due, et alors l’acte
de la bienfaisance appartient à la justice, ou comme une chose qui n’est pas
due et qu’on donne sans y être obligé, et alors il appartient à la libéralité,
et s’il a pour but de soulager quelqu’un il appartient à la miséricorde.),
alors la bienfaisance se spécialise et se rattache à une vertu particulière.
Article 2 : Faut-il
faire du bien à tous les hommes ?
Objection N°1. Il semble qu’on
ne doive pas faire du bien à tout le monde. Car saint Augustin dit (De doct. christ., liv. 1, chap. 28) que nous ne
pouvons pas être utile à tous. Or, la vertu ne nous porte pas à faire
l’impossible. On n’est donc pas obligé de faire du bien à tout le monde.
Réponse à l’objection N°1 : Absolument parlant nous ne
pouvons pas faire du bien à tout le monde en particulier. Toutefois il n’y a
personne qui ne puisse se trouver dans une circonstance telle qu’on soit obligé
de lui faire du bien en particulier. C’est pourquoi la charité exige que
l’homme, quoiqu’il ne fasse pas aux autres du bien actuellement, ait cependant
le cœur toujours disposé à leur en faire, si l’occasion s’en présente. Mais il
y a un service que nous pouvons rendre à tout le monde sinon en particulier, du
moins en général ; ainsi nous pouvons prier pour tous les fidèles et les
infidèles.
Objection N°2. Il est dit (Ecclésiastique,
12, 5) : Donnez au bon et ne recevez pas
le pécheur. Or, il y a beaucoup d’hommes qui sont des pécheurs. On ne doit
donc pas faire du bien à tous les hommes.
Réponse à l’objection N°2 : Dans le pécheur il y a deux
choses, la faute et la nature. On doit donc venir en aide au pécheur pour
sustenter sa nature. Mais on ne doit pas le secourir pour qu’il pèche plus
aisément. Car dans ce cas ce ne serait pas faire le bien, mais plutôt le mal.
Objection N°3. La charité
n’agit pas mal, dit l’Apôtre (1 Cor.,
13, 4). Or, c’est mal agir que de faire du bien à certains individus ; par
exemple, on aurait tort de faire du bien aux ennemis de l’Etat ou aux
excommuniés, parce que ce serait se mettre en communion avec eux. Donc puisque
la bienfaisance est un acte de charité, on n’est pas obligé de l’exercer envers
tout le monde.
Réponse à l’objection N°3 : On doit retirer ses bienfaits aux
excommuniés et aux ennemis de la patrie, parce que c’est un moyen de les faire
revenir de leur faute. Si toutefois il y avait nécessité et qu’ils fussent en
danger de mourir, on devrait les secourir de la manière convenable,
c’est-à-dire les empêcher de mourir de faim ou de soif ou de souffrir tout
autre dommage, à moins que la justice n’en ait décidé ainsi (S’il y a un
jugement rendu ou si les lois de la guerre prescrivent les plus grandes
rigueurs, on ne doit pas les enfreindre.)
Mais c’est le contraire. L’Apôtre dit (Gal., 6, 10) : Pendant que nous en avons le temps faisons du
bien à tout le monde.
Conclusion Il faut faire du bien à tout le monde, toutefois selon
que les circonstances de temps ou de lieu nous le permettent.
Il faut répondre que, comme nous l’avons dit (art. préc., réponse
N°1), la bienfaisance résulte de l’amour qui porte les êtres supérieurs à
pourvoir aux besoins des inférieurs. Or, les degrés qui existent entre les
hommes ne sont pas immuables comme ceux qui existent entre les anges ; parce
que les hommes peuvent manquer d’une multitude de choses (Ceux qui sont
aujourd’hui au sommet de la fortune et de la puissance peuvent être demain
renversés.). Par conséquent celui qui est supérieur sous un rapport est ou peut
être inférieur sous un autre (On peut être inférieur à quelqu’un sous le
rapport de la fortune et lui être supérieur en science et réciproquement.).
C’est pourquoi puisque l’amour de la charité s’étend à tous les hommes, la
bienfaisance doit aussi s’y étendre également ; toutefois selon les temps et
les lieux (Il faut toujours, pour qu’un acte soit un acte de vertu, qu’il
s’accomplisse dans le temps et le lieu qui conviennent.). Car tous les actes
des vertus doivent être déterminés par les circonstances légitimes.
Article 3 : Devons-nous faire plus de bien à ceux qui nous
sont le plus étroitement unis ?
Objection N°1. Il semble que ce
ne soit pas à ceux auxquels on est le plus uni qu’on doive faire le plus grand
bien. En effet, il est dit (Luc, 14, 12) : Quand
vous faites un dîner ou un souper, n’appelez pas vos amis, ni vos frères, ni
vos parents. Or, ce sont là les personnes avec lesquelles on est le plus
uni. Donc ce n’est pas à ces personnes qu’on doit faire le plus de bien, mais
c’est plutôt aux étrangers et aux indigents ; car l’Evangile ajoute : Quand vous faites un festin, appelez les
pauvres et les infirmes, etc.
Réponse à l’objection N°1 : Le Seigneur n’empêche pas
absolument d’inviter à un festin ses amis ou ses parents, mais il ne veut pas
qu’on les invite avec l’intention d’être réinvité par eux, parce qu’alors ce
n’est plus de la charité, mais de la cupidité. Cependant il peut arriver qu’on
doive inviter plutôt des étrangers, par exemple lorsqu’ils sont dans une grande
indigence. Car il faut savoir que, toutes choses égales d’ailleurs, on doit
faire du bien tout particulièrement à ceux avec lesquels on est le plus uni.
Mais si de deux individus l’un nous est plus près et que l’autre soit dans le
besoin, on ne peut pas d’après une règle générale déterminer celui qu’on doit
secourir de préférence, parce qu’il y a divers degrés d’indigence et de
proximité ; par conséquent c’est au jugement de l’homme prudent à prononcer.
Objection N°2. Le plus grand bienfait c’est d’aider quelqu’un dans
la guerre. Or, à la guerre le soldat doit aider plutôt son compagnon d’armes
qui lui est étranger que l’ennemi qui serait son parent. Ce n’est donc pas à
ceux avec lesquels on est le plus uni qu’on doit accorder les plus grands
bienfaits.
Réponse à l’objection N°2 : Le bien général de la multitude
est plus divin que le bien d’un seul individu. Par conséquent c’est un acte de
vertu que d’exposer sa propre vie pour le bien général de sa patrie, soit pour
son bien spirituel, soit pour son bien temporel. C’est pourquoi la guerre ayant
pour objet la conservation de l’Etat, le militaire qui vient au secours de son
compagnon d’armes dans cette circonstance, ne l’aide pas comme s’il était un
simple particulier, mais comme s’il servait en lui la patrie entière. C’est pourquoi
il n’est pas étonnant que dans ce cas on préfère un étranger à un parent (Mais
dans le cas de nécessité extrême, la nature reprend ses droits, et l’on doit
plutôt faire du bien à son père qu’à un étranger.).
Objection N°3. Nous devons rendre ce que nous devons avant
d’accorder gratuitement des bienfaits. Or, celui qui a reçu de quelqu’un un
bienfait doit le lui rendre. Nous devons donc plutôt faire du bien à nos
bienfaiteurs qu’à nos parents.
Réponse à l’objection N°3 : Il y a deux sortes de dette.
L’une qu’on ne doit pas compter parmi les biens de celui qui doit, mais parmi
les biens de celui auquel il est dû. Par exemple si l’on a de l’argent ou un
objet quelconque d’un autre, soit qu’on l’ait volé, soit qu’on l’ait emprunté,
soit qu’on l’ait reçu en dépôt ou qu’on le possède de toute autre manière, on
doit rendre ce que l’on doit, avant de s’en servir pour faire du bien à ceux
avec lesquels on est uni ; à moins que par hasard on ne se trouve dans une
nécessité extrême. Dans ce cas il serait permis de s’emparer de ce qui est à
autrui pour soulager celui qui serait dans une extrême nécessité ; si toutefois
celui à qui l’objet est dû ne se trouve point lui-même dans une nécessité
semblable. Alors il faudrait apprécier la condition de l’un et de l’autre
d’après d’autres règles établies par la prudence, parce que pour ces
circonstances on ne peut pas donner de règle générale à cause de la variété de
chacun des cas en particulier, comme le dit Aristote (Eth., liv. 9, chap. 2). L’autre espèce de dette figure dans les biens
de celui qui doit et non de celui à qui il est dû. Il en est ainsi des choses
qui ne sont pas exigées nécessairement d’après la stricte justice, mais d’après
une sorte d’équité morale, comme quand il s’agit des bienfaits que l’on a reçus
gratuitement. Or, les faveurs d’aucun bienfaiteur n’égalant celles des parents,
il s’ensuit que quand il s’agit de récompenser des bienfaits, on doit préférer
ces derniers à tous les autres, à moins que la nécessité ne l’emporte sous un
autre rapport ou qu’on ne cède à une autre considération, telle que l’intérêt
général de l’Eglise ou de l’Etat. A l’égard des autres, on doit tenir compte
aussi des liens qui rattachent à leur personne, des bienfaits qu’on en a reçus,
ce qui ne peut également être déterminé par une règle générale.
Objection N°4. On doit aimer ses parents plus que ses enfants,
comme nous l’avons dit (quest. 26, art. 9). Or, c’est à ses enfants qu’on doit
faire le plus de bien. Car d’après l’Apôtre (2 Cor., 12, 14) : Les enfants
ne doivent pas thésauriser pour leurs parents ; mais c’est l’opposé. Donc
ce n’est pas à ceux avec lesquels on est le plus uni qu’on doit faire le plus
de bien.
Réponse à l’objection N°4 : Les parents sont comme les
supérieurs. C’est pourquoi l’amour des parents se manifeste par le bien qu’ils
font à leurs enfants, tandis que l’amour des enfants se manifeste par les
hommages qu’ils rendent à leurs parents. Toutefois dans l’extrême nécessité il
serait plutôt permis d’abandonner ses enfants que ses parents (L’homme a plus
d’obligation envers ceux qui lui ont donné l’être qu’à l’égard de ceux qui
l’ont reçu de lui.) ; il n’est permis d’aucune manière d’abandonner ces
derniers à cause de l’obligation établie par les bienfaits qu’on en a reçus,
comme le dit Aristote (Eth., liv. 8, chap. ult.).
Mais c’est le contraire. Saint Augustin dit (De doct. christ., liv. 1, chap. 28) : Puisque vous ne pouvez pas
être utile à tout le monde, vous devez surtout faire du bien à ceux avec
lesquels, selon l’opportunité des lieux, des temps et des circonstances, vous
vous trouvez le plus étroitement uni.
Conclusion Quoiqu’on doive faire plus de bien aux personnes avec
lesquelles on est uni qu’à des étrangers, néanmoins dans le cas de nécessité,
on doit quelquefois faire plutôt du bien aux étrangers.
Il faut répondre que la grâce et la vertu imitent l’ordre de la
nature établi par la divine sagesse. Or, l’ordre de la nature est tel que tout
agent naturel exerce d’abord et surtout son action sur les choses qui sont le
plus rapprochées de lui ; c’est ainsi que le feu échauffe davantage les objets
à mesure qu’ils en sont plus près. De même Dieu répand les dons de sa bonté
plus immédiatement et plus abondamment sur les substances qui se rapprochent de
lui, comme le prouve saint Denis (De cœl. hier.,
chap. 7). L’octroi d’un bienfait étant un acte de charité envers les autres, il
s’ensuit que nous sommes plus bienfaisants à l’égard de ceux qui nous sont les
plus proches. Mais la proximité d’un homme à l’égard d’un autre peut se
considérer d’après les choses diverses que les hommes ont de commun. Ainsi il y
a les parents dans l’ordre naturel, les concitoyens dans l’ordre civil et les
fidèles dans l’ordre spirituel, et il en est de même du reste. Il y a divers
bienfaits qui doivent être dispensés de différentes manières d’après ces
différentes liaisons. Car on doit surtout accorder à chacun le bienfait qui se
rapporte à l’ordre de choses selon lequel nous lui sommes, absolument parlant,
le plus étroitement unis (Ainsi le parent doit faire du bien à son parent, le
citoyen au citoyen, le religieux au religieux ; chacun dans ce qui leur est
propre, en raison du genre de rapports qui les unit entre eux.). Toutefois ceci
peut varier selon la diversité des lieux, des temps et des circonstances. Car
dans certains cas on doit venir plutôt en aide à un étranger ; par exemple,
s’il est dans l’extrême nécessité, nous devons le secourir plutôt que notre
propre père qui ne serait pas réduit au même état.
Article 4 : La
bienfaisance est-elle une vertu spéciale ?
Objection N°1. Il semble que la
bienfaisance soit une vertu spéciale. Car les lois ont pour but les vertus ;
parce que les législateurs ont l’intention de rendre les hommes vertueux, comme
le dit Aristote (Eth., liv. 2, chap,
1). Or, il y a un précepte qui concerne spécialement la bienfaisance et
l’amour, puisqu’il est dit (Matth., 5, 44) : Aimez vos ennemis et faites du bien à ceux
qui vous haïssent. La bienfaisance est donc une vertu distincte de la
charité.
Réponse à l’objection N°1 : Il n’y a pas de préceptes qui
concernent les habitudes des vertus, il y en a seulement pour les actes. C’est
pourquoi la diversité des préceptes ne désigne pas des habitudes diverses, mais
des actes différents.
Objection N°2. Les vices sont contraires aux vertus. Or, il y a
des vices particuliers opposés à la bienfaisance. Ce sont ceux par lesquels on
fait du tort au prochain, tels que la rapine, le vol, etc. Donc la bienfaisance
est une vertu spéciale.
Réponse à l’objection N°2 : Comme tout le bien qu’on fait au
prochain considéré d’une manière générale se rapporte à l’amour ; de même tout
ce qui lui nuit considéré de la même manière se rapporte à la haine. Mais quand
on considère ces mêmes choses sous des raisons spéciales, elles se rattachent à
des vertus ou à des vices particuliers. C’est en ce sens qu’il y a différentes
espèces de bienfaits.
Objection N°3. On ne divise pas la charité en une foule d’espèces.
Or, il semble qu’on divise ainsi la bienfaisance, selon les différentes espèces
de bienfaits. Donc la bienfaisance est une autre vertu que la charité.
Mais c’est le contraire. L’acte intérieur et l’acte extérieur
n’exigent pas des vertus différentes. Or, la bienfaisance ne diffère de la
bienveillance que comme l’acte extérieur diffère de l’acte intérieur ; parce
que la bienfaisance n’est que la pratique de la bienveillance. La bienfaisance
n’est donc pas plus que la bienveillance une vertu distincte de la charité.
Conclusion La bienfaisance n’est pas une vertu distincte de la
charité, mais elle en est un acte ou un effet spécial.
Il faut répondre que les vertus se diversifient d’après les
raisons diverses de leur objet. Or, la raison formelle de l’objet de la charité
est la même que celle de la bienfaisance. Car l’une et l’autre ont pour objet
le bien en général, comme on le voit d’après ce que nous avons dit (art. 1).
Par conséquent la bienfaisance n’est pas une autre vertu que la charité, mais
elle désigne un de ses actes.
La réponse au
troisième argument est donc par là même évidente.
Copyleft. Traduction
de l’abbé Claude-Joseph Drioux et de JesusMarie.com qui autorise toute personne à copier et à rediffuser par
tous moyens cette traduction française. La Somme Théologique de Saint Thomas
latin-français en regard avec des notes théologiques, historiques et
philologiques, par l’abbé Drioux, chanoine honoraire de Langres, docteur en
théologie, à Paris, Librairie Ecclésiastique et Classique d’Eugène Belin, 52,
rue de Vaugirard. 1853-1856, 15 vol. in-8°. Ouvrage honoré des
encouragements du père Lacordaire o.p. Si par erreur, malgré nos vérifications,
il s’était glissé dans ce fichier des phrases non issues de la traduction de
l’abbé Drioux ou de la nouvelle traduction effectuée par JesusMarie.com, et relevant
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retirer. JesusMarie.com accorde la plus grande importance au respect de la
propriété littéraire et au respect de la loi en général. Aucune évangélisation
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