Saint Thomas d ’Aquin - Somme Théologique
2a 2ae = Secunda Secundae
= 2ème partie de la 2ème Partie
Question 79 : Des parties intégrantes de la justice qui consistent à faire le bien et à éviter le
mal
Après
avoir parlé des parties subjectives de la justice, nous devons nous occuper de
ses parties intégrantes qui sont : le bien à faire et le mal à éviter, et des
vices qui leur sont opposés. — A ce sujet il y a quatre questions à examiner :
l° Ces deux choses sont-elles des parties de la justice ? — 2° La transgression
est-elle un péché spécial ? — 3° L’omission est-elle un péché spécial ? — 4° De
la comparaison de l’omission avec la transgression.
Article 1 :
Si éviter le mal et faire le rien sont des parties de la justice ?
Objection N°1. Il semble
qu’éviter le mal et faire le bien ne soient pas des parties de la justice. Car
il appartient à toute vertu de faire le bien et d’éviter le mal. Or, les
parties ne valent pas mieux que le tout. On ne doit donc pas faire de ces deux
choses des parties de la justice qui est une vertu spéciale.
Réponse à l’objection N°1 : Le bien et le mal sont ici pris
sous une raison spéciale, par laquelle on les approprie à la justice. C’est
pourquoi à ce point de vue particulier on en fait deux parties de la justice,
mais non deux parties d’une autre vertu morale quelconque ; parce que les
autres vertus morales ont pour objet les passions, dans lesquelles faire le
bien c’est arriver à un milieu ; c’est-à-dire s’éloigner des extrêmes comme
étant mauvais. Par conséquent il revient au même pour les autres vertus de
faire le bien et d’éviter le mal. Au contraire, la justice a pour objet les
opérations et les choses extérieures, à l’égard desquelles constituer l’égalité
et ne pas la détruire une fois qu’elle est établie, sont deux choses
différentes.
Objection N°2. A l’occasion de ces paroles : Détournez-vous du mal, et faites le bien (Ps. 33, 15), la glose dit (ord.
Cassiod.) : En se détournant du mal, on évite la
faute, et en faisant le bien, on mérite la vie et la palme. Or, toute partie
d’une vertu mérite la palme et la vie éternelle. L’éloignement du mal n’est
donc pas une partie de la justice.
Réponse à l’objection N°2 : L’éloignement du mal, considéré
comme une partie de la justice, n’implique pas une négation pure comme celle-ci
: ne pas faire mal. Car par là on ne
mérite pas la palme, mais on évite seulement la peine. Mais il implique le
mouvement de la volonté qui repousse le mal, comme le mot d’éloignement l’indique, et cet acte est méritoire surtout quand on
est porté à faire le mal et qu’on résiste.
Objection N°3. Toutes les choses qui existent de manière que l’une
soit renfermée dans l’autre ne se distinguent pas entre elles, comme les
parties d’un tout quelconque. Or, l’éloignement du mal est renfermé dans la
pratique du bien ; car personne ne fait simultanément le bien et le mal.
L’éloignement du mal et la pratique du bien ne sont donc pas des parties de la
justice.
Réponse à l’objection n°3 : La pratique du bien est l’acte
complémentaire de la justice et en quelque sorte sa partie principale ; tandis
qu’éviter le mal est un acte plus imparfait, et c’est sa partie secondaire
(Elle est secondaire sous le rapport de la dignité, mais elle tient le premier
rang quant à l’origine, parce qu’il faut avant tout éviter le mal : Détournez-vous du mal, et faites le bien (Ps.,
33, 15).). C’est pourquoi elle est,
pour ainsi dire, sa partie matérielle, sans laquelle la partie formelle
complétive est impossible.
Mais c’est le contraire.
Saint Augustin dit (Lib. de corrept. et grat., chap. 1) : qu’il
appartient à la justice de la loi d’éviter le mal et de faire le bien.
Conclusion L’éloignement du mal et la pratique du bien
appartiennent à la justice, comme ses parties, selon la mesure propre du bien
et du mal.
Il faut répondre que si nous parlons du bien et du mal en général,
il appartient à toute vertu de faire le bien et d’éviter le mal, et d’après
cela on ne peut considérer ces deux choses comme des parties de la justice, à
moins qu’on ne regarde la justice comme une vertu générale ; quoique d’ailleurs
la justice ainsi entendue ait pour objet une espèce particulière de bien qui
consiste dans ce qui est dû par rapport à la loi divine ou à la loi humaine. —
Mais la justice considérée comme une vertu spéciale se rapporte au bien qui est
dû au prochain. En ce sens il appartient à la justice spéciale de faire le bien
que l’on doit faire au prochain, et d’éviter le mal opposé, c’est-à-dire ce qui
nuit à autrui. Mais c’est à la justice générale qu’il appartient de faire le
bien qui est obligatoire envers la société et envers Dieu, et d’éviter le mal
contraire. On dit que ces deux choses sont des parties intégrantes de la
justice générale ou spéciale, parce qu’elles sont requises l’une et l’autre
pour un acte de parfaite justice. Car il appartient à la justice d’établir
l’égalité dans ce qui se rapporte à autrui, comme on le voit d’après ce que
nous avons dit (quest. 58, art. 2). C’est à la même vertu à établir cette
égalité et à la conserver une fois qu’elle a été établie. Or, on l’établit en
faisant le bien, c’est-à-dire en rendant à autrui ce qui lui est dû ; et on la
conserve, après qu’elle est établie, en détournant du mal, c’est-à-dire en
empêchant de faire aucun tort au prochain.
Article 2 :
La transgression est-elle un péché spécial ?
Objection N°1. Il semble que la
transgression ne soit pas un péché spécial. Car aucune espèce n’entre dans la
définition du genre : Or, la transgression entre dans la définition générale du
péché ; puisque saint Ambroise dit (De parad., chap. 8)
que le péché est une transgression de la loi divine. La transgression n’est
donc pas une espèce de péché.
Réponse à l’objection N°1 : Comme la justice légale est toute
vertu subjectivement et en quelque sorte matériellement (Parce qu’elle se
trouve dans tout péché quel qu’il soit.), de même l’injustice légale est dans
le même sens tout péché ; et saint Ambroise a ainsi défini le péché d’après la
nature de l’injustice légale.
Objection N°2. Aucune espèce ne dépasse son genre. Or, la
transgression s’étend au-delà du péché, parce que, d’après saint Augustin (Cont. Faust., liv. 22, chap. 27), le
péché est une parole, ou une action, ou un désir contraire à la loi de Dieu ;
tandis que la transgression est encore contraire à la nature ou à la coutume.
La transgression n’est donc pas une espèce de péché.
Réponse à l’objection N°2 : L’inclination de la nature
appartient aux préceptes de la loi naturelle. La coutume honnête a aussi force
de loi, parce que, selon l’expression de saint Augustin (Epist. de jejun. sab.,
36), ce qui est passé en coutume parmi les fidèles doit être considéré
comme une loi. C’est pourquoi le péché aussi bien que la transgression peut
être contraire à une coutume honnête et à une inclination naturelle.
Objection N°3. Aucune espèce ne contient sous elle toutes les
parties dans lesquelles le genre se divise. Or, le péché de transgression
s’étend à tous les vices capitaux, et de plus aux péchés du cœur, de la bouche
et des œuvres. Elle n’est donc pas un péché spécial.
Réponse à l’objection N°3 : La transgression peut s’étendre à
toutes les espèces de péchés (Elle s’étend à tous les péchés contraires aux
préceptes négatifs, mais elle est distincte de l’omission qui regarde les
préceptes affirmatifs.), non d’après leurs raisons propres, mais d’après une
raison spéciale, comme nous l’avons dit (dans le corps de cet article.). Mais
le péché d’omission est absolument distinct de la transgression.
Mais c’est le contraire. Car elle est opposée à une vertu
spéciale, c’est-à-dire à la justice.
Conclusion La transgression est un péché spécial, parce que par sa
raison formelle elle est opposée aux préceptes négatifs, comme le péché
d’omission aux préceptes affirmatifs.
Il faut répondre que le mot de transgression
a été emprunté aux mouvements corporels pour être appliqué aux actes moraux.
Or, on dit qu’il y a transgression (transgredi) dans le mouvement corporel, quand on va au-delà
du terme qu’on s’est fixé. Ce qui fixe à l’homme son terme en morale, ce sont
les préceptes négatifs qui lui défendent d’aller au-delà de certaines limites.
C’est pourquoi il y a transgression proprement dite, par là même que l’on agit
contrairement à un précepte négatif. Ce qui peut être matériellement (La
transgression matérielle n’est pas un péché spécial, et il y a transgression
matérielle quand on fait ce que la loi défend, mais sans mépris pour elle.)
commun à toutes les espèces de péchés, parce que dans toute espèce de péché
mortel on transgresse quelque précepte divin. — Mais si on considère la
transgression formellement (La transgression formelle est un péché spécial, et
elle implique le mépris de la loi. Ce mépris aggrave beaucoup la faute que l’on
fait, et de vénielle la rend mortelle.), c’est-à-dire selon sa nature spéciale
qui consiste à agir contrairement à un précepte négatif, elle est un péché
particulier de deux manières : 1° Selon qu’elle est opposée à des genres de
péchés qui sont opposés à d’autres vertus. Car comme il appartient à l’essence
propre de la justice légale de considérer l’obligation du précepte, de même il
est de l’essence propre de la transgression de se rapporter à son mépris. 2°
Selon qu’elle est distincte de l’omission qui est contraire au précepte
affirmatif.
Article 3 :
L’omission est-elle un péché spécial ?
Objection N°1. Il semble que
l’omission ne soit pas un péché spécial. Car tout péché est ou originel ou
actuel. Or, l’omission n’est pas un péché originel, parce qu’elle ne vient pas
de l’origine ; elle n’est pas non plus un péché actuel, parce qu’elle peut
exister absolument sans acte, comme nous l’avons vu (1a 2æ,
quest. 71, art. 5) en traitant des péchés en général. L’omission n’est donc pas
un péché spécial.
Réponse à l’objection N°1 : L’omission n’est pas un péché
originel, mais actuel, non parce qu’elle suppose un acte qui lui soit
essentiel, mais dans le sens que la négation de l’acte revient au genre de
l’acte lui-même ; parce que ne pas agir
est considéré comme une sorte d’action, ainsi que nous l’avons dit (1a
2æ, quest. 71, art. 6, Réponse N°1).
Objection N°2. Tout péché est volontaire. Or, quelquefois
l’omission ne l’est pas, mais elle est nécessaire, comme quand une femme se
perd après avoir fait vœu de virginité, ou quand on a perdu une chose qu’on est
tenu de restituer, ou quand un prêtre est obligé de célébrer et qu’il en est
empêché. L’omission n’est donc pas toujours un péché.
Réponse à l’objection N°2 : L’omission, comme nous l’avons
dit (dans le corps de cet article.), ne porte que sur le bien qui est dû et
auquel on est tenu. Or, personne n’est tenu à l’impossible. Par conséquent si
on ne fait pas ce qu’on ne peut faire, on ne pèche pas par omission. Ainsi la
femme perdue qui a fait vœu de virginité, ne pèche pas par omission, en ce
qu’elle n’a plus cette vertu, mais en ne se repentant pas de son péché passé,
ou en ne faisant pas ce qu’elle peut pour accomplir son vœu, en observant la
continence. De même le prêtre n’est tenu de dire la messe qu’autant qu’il est
en état de le faire ; si cette condition manque, il ne pèche pas par omission.
Pareillement on est tenu de restituer, supposé qu’on ait le moyen de le faire ;
si on ne l’a pas et si on ne peut l’avoir, il n’y a pas omission, pourvu que
l’on fasse son possible. On doit en dire autant du reste.
Objection N°3. Pour tout péché particulier on peut déterminer le
temps où il commence à exister. Or, on ne peut le faire pour l’omission, parce
que par là même qu’elle consiste dans le défaut d’action, elle existe toujours.
Cependant on ne pèche pas toujours. Elle n’est donc pas un péché spécial.
Réponse à l’objection N°3 : Comme le péché de transgression
est opposé aux préceptes négatifs qui ont pour objet de nous éloigner du mal ;
de même le péché d’omission est opposé aux préceptes affirmatifs qui ont pour
objet de faire faire le bien. Or, les préceptes affirmatifs n’obligent pas à
toujours, mais seulement pour un temps déterminé, et c’est alors que le péché
d’omission commence à exister. Cependant il peut arriver que quelqu’un soit en
ce moment dans l’impuissance de faire ce qu’il doit ; si ce n’est pas par sa
faute il ne pèche pas par omission, comme nous l’avons dit (Réponse N°2 et 1a
2æ, quest. 71, art. 5). Mais si c’est par suite d’une faute
précédente (comme quand quelqu’un s’est enivré sur le soir et qu’il ne peut se
lever le matin conformément à son devoir), il y a des auteurs qui disent que le
péché d’omission commence à exister, dès l’instant même qu’on s’applique à
l’acte illicite qui est incompatible avec l’acte obligatoire auquel on est
tenu. Cette opinion ne paraît pas exacte ; parce qu’en supposant qu’on le
forçât à s’éveiller, il irait à matines et il ne ferait pas d’omission. Par
conséquent il est évident que l’ivresse antérieure n’a pas été l’omission, mais
qu’elle en a été la cause. Il faut donc dire que l’omission commence à être
imputable, quand le moment d’agir est arrivé (C’est sans doute dans ce moment que
le péché d’omission a lieu. Mais celui qui l’a commis a été coupable, du moment
où il a consenti à s’enivrer, tout en prévoyant bien que l’ivresse lui ferait
manquer la messe. Et quand même sa prévision serait trompée, et qu’il
entendrait la messe réellement, il devrait s’accuser de s’être exposé sciemment
et volontairement au péril de ne pas l’entendre.), pourvu qu’elle résulte d’une
cause antérieure qui l’ait rendue volontaire.
Objection N°4. Tout péché spécial est opposé à une vertu
particulière. Or, il n’y a pas de vertu particulière à laquelle l’omission soit
opposée ; soit parce qu’on peut omettre le bien d’une vertu quelconque, soit
parce que la justice, à laquelle elle paraît plus spécialement opposée, exige
toujours un acte, même pour s’éloigner du mal, comme nous l’avons dit (art. 1,
Réponse N°2), tandis que l’omission peut exister absolument sans acte. Elle
n’est donc pas un péché particulier.
Réponse à l’objection N°4 : L’omission est directement
opposée à la justice, comme nous l’avons dit (dans le corps de cet article.).
Car elle n’est pas l’omission du bien d’une vertu quelconque, mais elle est
l’omission du bien qui est dû ; ce qui appartient à la justice. Pour qu’un acte
de vertu soit méritoire on demande plus de choses que pour qu’une faute soit
une cause de démérite, parce que le bien provient d’une cause intègre, tandis
que le mal résulte de chaque défectuosité en particulier (C’est l’axiome : Bonum
ex integrâ causâ, malum ex minimo defectu.). C’est
pourquoi, pour que la justice soit méritoire, il faut un acte, tandis que cela
n’est pas nécessaire pour l’omission.
Mais c’est le contraire.
Car il est dit (Jacques, 4, 17) : Celui qui connaît le bien et qui ne le
fait pas, pèche.
Conclusion L’omission qui consiste à ne pas faire le bien auquel
la justice oblige est un péché spécial, opposé à la pratique du bien que l’on
doit faire et distinct des vices qui sont opposés à d’autres vertus.
Il faut répondre que l’omission implique non pas l’omission de
toute espèce de bien en général, mais celle du bien que nous devons faire. Le
bien que nous devons faire appartient proprement à la
justice. Il appartient à la justice légale, si on le considère par rapport à la
loi divine ou humaine ; mais il se rattache à la justice particulière, selon
qu’on l’envisage par rapport au prochain. Par conséquent comme la justice est
une vertu spéciale, ainsi que nous l’avons vu (quest. 58, art. 6 et 7), de même
l’omission est un péché spécial distinct des péchés qui sont opposés aux autres
vertus ; et comme la pratique du bien à laquelle l’omission est opposée est une
partie spéciale de la justice, distincte de l’éloignement du mal qui a pour
contraire la transgression, de même l’omission se distingue de la
transgression.
Article 4 : Le
péché d’omission est-il plus grave que le péché de transgression ?
Objection N°1. Il semble que le
péché d’omission soit plus grave que le péché de transgression. Car le délit (delictum) paraît
être la même chose que ce qu’on abandonne (derelictum), et par conséquent il
semble être identique avec l’omission. Or, le délit est plus grave que le péché
de transgression, puisqu’il avait besoin d’une plus grande expiation, comme on
le voit (Lév., chap. 5). Le péché d’omission est
donc plus grave que le péché de transgression.
Réponse à l’objection N°1 : Le délit pris en général désigne
toute espèce d’omission ; cependant on le prend quelquefois dans un sens strict
pour l’omission de choses qui se rapportent à Dieu, comme quand on omet
sciemment et par mépris ce que l’on doit faire. Alors le délit a une certaine
gravité (L’omission qui implique ainsi le mépris devient plus grave qu’une
simple transgression, et c’est pour cela qu’il y avait des sacrifices pour
l’expier.), et pour ce motif il a besoin d’une expiation plus grande.
Objection N°2. Au plus grand bien est opposé le plus grand mal (Eth., liv. 8, chap. 10). Or, la pratique du
bien à laquelle est opposée l’omission est une partie de la justice plus noble
que l’éloignement du mal qui a pour contraire la transgression, comme on le
voit d’après ce que nous avons dit (art. 1, Réponse N°3). L’omission est donc
un péché plus grave que la transgression.
Réponse à l’objection N°2 : Faire le bien a pour opposé ne
pas faire le bien, ce qui constitue l’omission, et faire le mal, ce qui produit la transgression. Mais la première
opposition est contradictoire et la seconde contraire,
ce qui implique une distance plus grande, et c’est pour ce motif que la
transgression est un péché plus grave.
Objection N°3. Le péché de transgression peut être véniel et
mortel. Or, le péché d’omission paraît être toujours mortel, parce qu’il est
opposé au précepte affirmatif. Il semble donc que l’omission soit un péché plus
grave que la transgression.
Réponse à l’objection N°3 : Comme l’omission est opposée aux
préceptes affirmatifs, de même la transgression est opposée aux préceptes
négatifs ; c’est pourquoi elles impliquent l’une et l’autre le péché mortel, si
on les prend dans leur sens propre. Mais la transgression ou l’omission peuvent
s’entendre dans un sens large, selon qu’elles se rapportent à quelque chose qui
n’est pas conforme aux préceptes affirmatifs ou négatifs, et qui dispose à leur
contraire ; de cette manière elles peuvent être l’une et l’autre un péché
véniel.
Objection N°4. La peine du dam,
c’est-à-dire la privation de la vision divine qui est due au péché d’omission,
est plus grande que la peine du sens
qui est due au péché de transgression, comme on le voit dans saint Chrysostome
(Sup. Matth.,
hom. 24). Or, la peine est proportionnée à la faute.
Le péché d’omission est donc plus grave que le péché de transgression.
Réponse à l’objection N°4 : La peine du dam répond au péché de transgression, parce qu’il détourne de Dieu,
et la peine du sens, parce qu’il
porte dérèglement vers le bien qui change. De même la peine du dam n’est pas la seule qui soit due au
péché d’omission, mais la peine du sens
lui est encore due, d’après ces paroles de l’Evangile (Matth.,
7, 19) : Tout arbre qui ne produit pas de
bon fruit sera coupé et jeté au feu : et cela à cause de la racine qui le
produit (Cette racine n’est toujours en réalité que l’attachement à la
créature. Car le paresseux n’omet ses devoirs que parce qu’il tient à jouir du
repos.), quoiqu’il ne soit pas nécessaire qu’il se tourne actuellement vers
aucun bien passager.
Mais c’est le contraire. Il est plus facile de s’abstenir du mal
que de faire le bien. Donc celui qui ne s’abstient pas du mal, ou qui fait une
transgression, est plus coupable que celui qui ne fait pas le bien ; ce qui
constitue l’omission.
Conclusion Absolument parlant, la transgression est un péché plus
grave que l’omission, parce qu’elle est opposée à l’acte de la vertu, tandis
que celle-ci implique seulement sa négation ; quoique d’ailleurs certaine
omission puisse être plus grave qu’une transgression.
Il faut répondre
que la gravité du péché est en raison de ce qu’il s’éloigne de la vertu. La
contrariété étant la plus grande distance, comme le dit Aristote (Met., liv. 10, text.
13 et 14), il s’ensuit que le contraire est plus éloigné de son contraire que
sa simple négation. Ainsi le noir est
plus éloigné du blanc que ce qui n’est pas blanc absolument ; car tout ce
qui est noir n’est pas blanc, mais non réciproquement. Or, il est évident que
la transgression est contraire à l’acte de la vertu, tandis que l’omission
implique sa négation ; par exemple, on pèche par omission, si on ne rend pas
aux parents le respect qu’on leur doit, tandis qu’on pèche par transgression,
si on fait contre eux une contumélie, ou toute autre injure. D’où il est
manifeste qu’absolument parlant, la transgression est un péché plus grave que
l’omission, quoique certaine omission puisse être plus grave qu’une
transgression (Cette dernière différence est accidentelle, et tient à la nature
de l’acte et des circonstances. Ainsi il est plus grave de manquer à la messe
que de prendre un fruit ou un objet insignifiant.).
Copyleft. Traduction
de l’abbé Claude-Joseph Drioux et de JesusMarie.com qui autorise toute personne à copier et à rediffuser par
tous moyens cette traduction française. La Somme Théologique de Saint Thomas
latin-français en regard avec des notes théologiques, historiques et
philologiques, par l’abbé Drioux, chanoine honoraire de Langres, docteur en
théologie, à Paris, Librairie Ecclésiastique et Classique d’Eugène Belin, 52,
rue de Vaugirard. 1853-1856, 15 vol. in-8°. Ouvrage honoré des
encouragements du père Lacordaire o.p. Si par erreur, malgré nos vérifications,
il s’était glissé dans ce fichier des phrases non issues de la traduction de
l’abbé Drioux ou de la nouvelle traduction effectuée par JesusMarie.com, et
relevant du droit d’auteur, merci de nous en informer immédiatement, avec
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puissions les retirer. JesusMarie.com accorde la plus grande importance au
respect de la propriété littéraire et au respect de la loi en général. Aucune
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la morale catholique et des lois justes.
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