Saint Thomas d ’Aquin - Somme Théologique
2a 2ae = Secunda Secundae
= 2ème partie de la 2ème Partie
Question 86 : Des oblations et des prémices
Nous avons
maintenant à nous occuper des oblations et des prémices. — A cet égard quatre
questions se présentent : 1° Ya-t-il des oblations qui soient de nécessité de
précepte ? — 2° A qui doit-on des oblations ? (Ces articles se rapportent à
l’ancien droit canonique ; c’est pour ce motif que nous avons cru inutile de
les annoter.) — 3° De quelles choses doivent-elles être composées ? — 4°
Spécialement à l’égard des oblations des prémices les hommes y étaient-ils
tenus nécessairement ?
Article 1 : Les
hommes sont-ils tenus aux oblations de nécessité de précepte ?
Objection N°1. Il semble que
les hommes ne soient pas tenus aux oblations de nécessité de précepte ; car,
sous la loi évangélique, on n’est pas tenu d’observer les préceptes cérémoniels
de la loi ancienne, comme nous l’avons vu (1a 2æ, quest. 103,
art. 3 et 4). Or, l’offrande des oblations se trouve parmi les préceptes
cérémoniels de la loi ancienne ; car il est dit (Ex., 23, 14) : Vous
célébrerez chaque année trois fêtes solennelles en mon honneur. Et puis le
Seigneur ajoute : Vous ne vous
présenterez pas devant moi les mains vides. Les hommes ne sont donc pas
tenus maintenant aux oblations de nécessité de précepte.
Réponse à l’objection N°1 : Sous la loi nouvelle les hommes
ne sont pas tenus aux oblations, en vertu des solennités légales dont il est
parlé dans l’Exode ; mais ils y sont tenus pour d’autres causes, comme nous
l’avons dit (dans le corps de cet article.).
Objection N°2. Avant que les oblations ne soient faites, elles
sont volontaires, comme on le voit par ce que dit le Seigneur (Matth., 5, 23) : Si
vous offrez votre présent à l’autel, ce qui indique que cet acte était
laissé à l’arbitraire de chacun. Mais une fois qu’elles sont faites, il n’y a
plus lieu de les recommencer. On n’est donc tenu d’aucune manière à en faire de
nécessité de précepte.
Réponse à l’objection N°2 : L’on est tenu de faire des
offrandes, et avant qu’elles ne soient faites (comme dans le premier, le
troisième et le quatrième cas dont nous avons parlé), et aussi après qu’elles
ont été faites par délégation ou par promesse ; car on est tenu de donner
réellement à l’Eglise ce qu’on lui a offert sous forme d’hommage (La promesse
n’oblige pas moins qu’un autre contrat, du moment qu’elle a été faite
sérieusement, et qu’elle a été acceptée.).
Objection N°3. Celui qui est tenu de donner une chose à l’Eglise,
s’il ne la donne pas, peut y être contraint par la privation des sacrements.
Or, il parait défendu de refuser les sacrements à ceux qui ne veulent pas faire
d’offrandes, d’après un décret du concile ex
Trullo (can. 23) qui se trouve dans le Droit (1, quest. 1, chap. Nullus), et qui est ainsi conçu : Que
celui qui dispense la sainte communion n’exige rien de celui qui reçoit cette
grâce ; s’il en exige quelque chose, qu’il soit déposé. Il n’est donc pas nécessaire
au salut que l’on fasse des oblations.
Réponse à l’objection N°3 : Ceux qui ne font pas les
oblations qu’ils doivent peuvent être punis par la privation des sacrements,
non par le prêtre lui-même auquel ces oblations doivent être faites, dans la crainte
qu’il ne paraisse exiger quelque chose pour l’administration des sacrements,
mais par une autorité supérieure.
Mais c’est le contraire. Saint Grégoire VII dit (in Conc. rom. 5,
can. 12) : Que tout chrétien fasse à Dieu, à la messe solennelle, quelques
oblations.
Conclusion On est tenu, non de faire les oblations prescrites par
la loi ancienne, mais celles qui sont commandées sous la loi nouvelle.
Il faut répondre que, comme nous l’avons dit (quest. préc.,
art. 3, Réponse N°3), le mot d’oblation est général pour désigner toutes les
choses que l’on emploie au culte de Dieu ; de telle sorte que si l’on offre
pour le culte de Dieu quelque chose qui doive être consacré et ensuite consumé,
il y a oblation et sacrifice. Ainsi il est dit (Ex., 29, 18) : Vous ferez
brûler le bélier tout entier sur l’autel ; c’est une oblation pour le Seigneur
; l’odeur de la victime est très agréable à Dieu. Et ailleurs (Lév., 2, 1) : Quand une personne fera à Dieu l’oblation d’un sacrifice, de la fleur
de farine sera son offrande. Si la chose offerte pour le culte divin reste
dans son intégrité ou qu’elle soit destinée à l’usage des prêtres, il y a
oblation et non sacrifice (Il n’y a jamais sacrifice sans oblation, mais il
peut y avoir oblation sans sacrifice. Le mot
oblation exprime le genre par rapport au sacrifice, qui est l’espèce.). Ces
oblations sont, par leur nature, volontaires ; c’est pourquoi il est dit (Ex., 25, 2) : Vous les recevrez de tous ceux qui me les présenteront avec une pleine
volonté. Cependant il peut arriver que l’on soit tenu à faire des oblations
pour quatre raisons : 1° par suite d’une convention antérieure, comme quand on
accorde à quelqu’un une propriété de l’Eglise, à la condition qu’à certaines
époques il fera des oblations déterminées, ce qui a la nature d’un cens (Syntagmat. juris, liv.
3, chap. 15, num. 9).) ; 2° à cause d’une délégation
ou d’une promesse antérieure, comme quand on fait une donation entre-vifs ou
quand on laisse à l’Eglise, par testament, un bien meuble ou immeuble qu’on
doit céder plus tard ; 3° si une église était dans la nécessité, par exemple,
si les ministres n’avaient pas de quoi vivre ; 4° par la coutume. Ainsi les
fidèles sont tenus, à certaines fêtes, de faire les offrandes accoutumées.
Cependant, dans ces deux derniers cas, l’offrande reste volontaire sous un
rapport, c’est-à-dire relativement à la quantité ou à l’espèce de la chose
offerte.
Article 2 :
Les oblations ne sont-elles dues qu’aux prêtres ?
Objection N°1. Il semble que
les oblations ne soient pas dues seulement aux prêtres ; car les principales
paraissent être celles qu’on destine aux sacrifices des victimes ou des
hosties. Or, ce qu’on donne aux pauvres reçoit dans l’Ecriture le nom d’hostie, d’après ce passage de saint Paul
(Héb., 13, 16) : Ne manquez pas d’être charitables et de faire part de vos biens aux
pauvres ; car c’est par de semblables hosties qu’on se rend agréable à Dieu. Donc
à plus forte raison les oblations sont-elles dues aux pauvres.
Réponse à l’objection N°1 : Les dons qu’on fait aux pauvres,
quoiqu’ils ne soient pas à proprement parler des sacrifices, cependant on leur
en donne le nom, parce qu’on les fait pour Dieu. On peut aussi, pour la même
raison, leur donner le nom d’offrandes, quoiqu’ils ne soient pas des oblations
proprement dites, parce qu’ils ne sont pas offerts à Dieu immédiatement. Mais
les oblations proprement dites sont employées à l’usage des pauvres, non
d’après la dispensation de ceux qui les offrent, mais par celle des prêtres.
Objection N°2. Dans beaucoup de paroisses les moines ont une
partie des oblations. Or, la charge des clercs est autre que celle des moines,
comme le dit saint Jérôme (Epist. 1 ad Heliod.). Les oblations ne sont donc pas dues qu’aux
prêtres.
Réponse à l’objection N°2 : Les moines ou les autres
religieux peuvent recevoir des oblations de trois manières : 1° comme pauvres,
quand les prêtres les leur dispensent ou que l’Eglise les leur assigne ; 2°
s’ils sont ministres de l’autel ; alors ils peuvent recevoir les oblations
qu’on leur fait spontanément ; 3° quand les paroisses sont à eux : dans ce cas,
ils peuvent recevoir les oblations à titre de choses dues, comme recteurs de
ces églises.
Objection N°3. Du consentement de l’Eglise les laïques achètent
les oblations, comme les pains, etc. Or, ils ne les achètent que pour les
employer à leur usage. Les oblations peuvent donc aussi appartenir aux laïques.
Réponse à l’objection N°3 : Les oblations, après qu’elles ont
été consacrées, ne peuvent plus être mises en usage par les laïques, comme les
vases et les vêtements sacrés, et c’est dans ce sens qu’il faut entendre les
paroles du pape Damase (Mais c’est le contraire.). Mais celles qui n’ont pas
été consacrées peuvent servir aux laïques, d’après la dispensation des prêtres,
soit qu’ils les leur donnent, soit qu’ils les leur vendent.
Mais c’est le contraire. Le pape Damase dit (habetur 10, quest. 1, chap. Hanc consuetudinem) : Que les oblations que l’on fait à
l’intérieur de l’Eglise n’appartiennent qu’aux prêtres ; qu’il n’y a que ceux
qui servent le Seigneur tous les jours qui puissent les manger et les boire ;
parce que le Seigneur, dans l’Ancien Testament, a défendu aux enfants d’Israël
de manger les pains de proposition, qu’il n’y avait d’exception que pour Aaron
et ses fils.
Conclusion Puisque le prêtre est médiateur entre Dieu et le
peuple, le peuple doit lui faire des offrandes, non seulement pour qu’il les
emploie à son propre usage, mais encore pour qu’il les dispense fidèlement en
ce qui se rapporte au culte divin, pour l’usage des autres prêtres, et pour
l’entretien des pauvres.
Il faut répondre que le prêtre est en quelque sorte l’entremetteur
et le médiateur entre le peuple et Dieu, comme il est dit de Moïse (Deut., chap. 5) ; c’est pourquoi il lui
appartient de transmettre au peuple les dogmes et les sacrements divins, et
d’en recevoir ensuite les prières, les sacrifices et les oblations, pour les
offrir à Dieu, selon ces paroles de saint Paul (Héb., 5, 1) : Tout pontife étant
pris d’entre les hommes, est établi pour eux en ce qui regarde le culte de
Dieu, afin qu’il offre des dons et des sacrifices pour le péché. C’est
pourquoi les offrandes que le peuple fait à Dieu appartiennent aux prêtres, non
seulement pour qu’ils les emploient à leur usage, mais encore pour qu’ils les
dispensent fidèlement, en en employant une partie à ce qui regarde le culte de
Dieu, une partie pour leur propre nourriture, parce que ceux qui servent l’autel participent de l’autel, selon l’expression
de l’Apôtre (1 Cor., chap. 9), et une
autre partie pour les pauvres, qui doivent, autant que possible, être soutenus
par les biens de l’Eglise ; parce que le Seigneur tenait en réserve de l’argent
pour les pauvres, comme le dit saint Jérôme à l’occasion de ces paroles de
saint Matthieu (17, 26) : Mais pour
que nous ne les scandalisions pas (Ces répartitions ne sont applicables
qu’autant que la coutume opposée n’a pas prévalu, ou que la volonté des
donataires n’a pas stipulé le contraire, ou qu’il n’y a pas de loi de l’Eglise
qui l’établisse.).
Article 3 : Peut-on
faire des oblations de tout ce qu’on possède licitement ?
Objection N°1. Il semble qu’on
ne puisse pas faire des oblations de toutes les choses qu’on possède
licitement. Car, d’après le droit (1, Idem
ff. de condict. ob turp.
caus.), une prostituée exerce une profession honteuse, et cependant ce
qu’elle reçoit n’est pas un gain illégitime, elle le possède licitement. Or, il
n’est pas permis de faire des offrandes avec ce profit, puisque la loi dit (Deut., 23, 18) : Vous n’offrirez pas le
prix de la prostitution dans la maison
du Seigneur votre Dieu. Il n’est donc pas permis de faire une offrande de
tout ce que l’on possède licitement.
Réponse à l’objection N°1 : Sous l’ancienne loi, il était
défendu d’offrir le gain de la débauche à cause de l’impureté de cette action ;
sous la loi nouvelle, cette oblation est aussi défendue à cause du scandale,
dans la crainte que l’Eglise ne paraisse favoriser le péché, si elle recevait
l’offrande du profit qui en est résulté.
Objection N°2. Au même endroit, il est défendu d’offrir dans la
maison de Dieu le prix d’un chien. Or, il est évident que le prix d’un chien
vendu dans de justes conditions est une possession légitime. Il n’est donc pas
permis d’offrir tout ce que l’on possède légitimement.
Réponse à l’objection N°2 : Le chien, d’après la loi
ancienne, était réputé immonde. Cependant on rachetait les autres animaux
impurs, et l’on pouvait en offrir le prix, d’après ces paroles du Lévitique (Lév., 27, 27) : Si l’animal est impur, celui qui l’aura offert le rachètera. Mais
on n’offrait, ni on ne rachetait le chien, soit parce que les idolâtres s’en
servaient dans les sacrifices des idoles, soit parce que ces animaux désignent
la rapacité, dont on ne peut faire une oblation. Cette défense n’existe plus
sous la loi nouvelle.
Objection N°3. Le prophète dit (Mala.,
1, 18) : Si vous offrez un animal boiteux
et malade, n’est-ce pas une faute ? Or, un animal boiteux et malade est une
chose que l’on possède justement. Il semble donc qu’on ne puisse pas faire une
offrande de tout ce que l’on possède à juste titre.
Réponse à l’objection N°3 : L’oblation d’un animal aveugle ou
boiteux était défendue pour trois motifs : 1° en raison de celui à qui on les
offrait. Ainsi le prophète dit (Mala., 1, 8) : Si vous offrez un animal aveugle pour
l’immoler, n’est-ce pas un mal ? Les sacrifices devaient être sans tache.
2° Par suite du mépris. C’est pourquoi le même prophète ajoute : Vous avez souillé mon nom en ce que vous
avez dit : la table du Seigneur est souillée, ce qu’on place dessus est
méprisable. 3° A cause du vœu antérieur qui oblige l’homme à donner dans
son entier ce qu’il a promis ; et c’est ce qui fait dire encore à Malachie : Maudit soit l’homme trompeur qui a dans son
troupeau une bête saine, et qui, après avoir fait un vœu, n’offre au Seigneur
qu’un animal débile. Ces motifs restent les mêmes sous la loi nouvelle ;
mais dès qu’ils cessent, l’oblation n’est plus défendue.
Mais c’est le contraire. Il est dit (Prov., 3, 9) : Honorez le
Seigneur votre Dieu de vos biens. Or, tout ce que l’homme possède
légitimement fait partie de ses biens. Il peut donc en faire une offrande.
Conclusion Il n’est pas permis de faire une oblation des biens que
l’on a acquis et qu’on possède injustement ; à l’égard de tous les autres,
comme d’après la loi nouvelle, toute créature est pure, considérée en
elle-même, on peut les offrir ; cependant par accident on peut en être empêché,
par exemple on ne peut offrir une chose dont l’oblation tournerait au détriment
d’un tiers.
Il faut répondre que, comme le dit saint Augustin (Lib. de verb. Dom.,
serm. 35, chap. 2) : Si vous dépouilliez quelqu’un et
que vous donniez de ses dépouilles à un juge, dans le cas où ce juge serait
pour vous, la force de la justice est si grande que vous le désapprouveriez.
Dieu n’est pas tel que vous ne devez pas être vous-même. C’est pourquoi il est
dit (Ecclésiastique, 34, 21) : L’oblation de celui qui offre un bien
injustement est souillée. D’où il est évident que l’on ne peut pas faire
une oblation des choses que l’on possède et qu’on a acquises injustement. —
Sous la loi ancienne, qui était figurative, il y avait des choses qui étaient
considérées comme immondes à cause de leur signification, et qu’il n’était pas
permis d’offrir. Mais, sous la loi nouvelle, toute créature est considérée
comme pure, selon la remarque de saint Paul (Tite, chap. 1). C’est pourquoi, absolument parlant, on peut faire
une offrande de tout ce que l’on possède licitement. Cependant, par accident,
il y a des choses que l’on possède légitimement et qu’on ne peut pas offrir ;
par exemple, s’il en résultait un dommage pour un tiers, comme si un enfant
offrait à Dieu ce qu’il doit employer à nourrir ses parents, ce que le Seigneur
désapprouve (Matth., chap. 15). On ne peut pas non
plus offrir une chose s’il en résultait du scandale, ou du mépris, ou tout
autre effet semblable.
Article 4 :
Est-on tenu de payer les prémices ?
Objection N°1. Il semble qu’on
ne soit pas tenu de payer les prémices. Car, après avoir donné, la loi sur les
premiers-nés, Moïse ajoute (Ex., 13,
9) : Ce sera comme un signe dans votre
main ; ce qui paraît indiquer un précepte cérémoniel. Or, on ne doit pas
observer, sous la loi nouvelle, les préceptes cérémoniels. On ne doit donc pas
payer les prémices.
Réponse à l’objection N°1 : Les préceptes cérémoniels
proprement dits figuraient l’avenir, et c’est pour cela qu’ils ont cessé
aussitôt que ce qu’ils signifiaient s’est réalisé. Mais l’oblation des prémices
était en signe d’un bienfait passé, d’où résulte aux yeux de la raison
naturelle elle-même une dette de reconnaissance. C’est pourquoi cette
obligation subsiste en général.
Objection N°2. On offrait au Seigneur les prémices pour le
bienfait spécial qu’il avait accordé au peuple juif. Ainsi il est dit (Deut., 26, 2) : Vous prendrez les
prémices de tous les fruits de votre terre, et vous irez trouver le prêtre qui
sera d’office ce jour-là et vous lui direz : Je reconnais aujourd’hui devant le
Seigneur votre Dieu que je suis entré dans la terre qu’il avait promis avec
serment à nos pères de nous donner. Les autres nations ne sont donc pas tenues
de payer les prémices.
Réponse à l’objection N°2 : On offrait des prémices sous la
loi ancienne, non seulement parce qu’on avait reçu de Dieu, à titre de
bienfait, la terre promise, mais encore parce qu’on tenait de lui les fruits de
la terre. Aussi disait-on (Deut., 26, 10) : J’offre les prémices des biens de la terre
que le Seigneur m’a donnés. Cette seconde cause est générale pour tout le
monde. On peut dire aussi que comme Dieu a accordé la terre promise aux Juifs
par un bienfait spécial, de même il a accordé à tout le genre humain, par un
bienfait général, la possession du globe, d’après ces paroles du Psalmiste (Ps. 113, 19) : Il a donné la terre aux enfants des hommes.
Objection N°3. Une chose à laquelle on est tenu doit être
déterminée. Or, on ne trouve ni dans la loi nouvelle, ni dans la loi ancienne,
quelle doit être la quantité des prémices. On n’est donc pas tenu
nécessairement à les payer.
Réponse à l’objection N°3 : Comme le dit saint Jérôme (Sup. illud Ezech.
45 Hæ sunt primit. et
hab. chap. 1 de Constitut.),
d’après la coutume des anciens, il était d’usage que l’on donnât au plus la
quarantième partie de la récolte aux prêtres pour les prémices et qu’on en
offrît pour le moins la soixantième. D’où il paraît que les prémices que l’on
doit offrir se renferment dans ces limites selon la coutume du pays. Mais
cependant c’est avec raison que sous la loi on n’a pas déterminé la quantité
des prémices, parce que, comme nous l’avons dit (dans le corps de cet
article.), les prémices se donnaient sous forme d’offrande, et il est de
l’essence de l’offrande d’être volontaire.
Mais c’est le contraire. Le droit dit (16, quest. 7, chap. Decimas) : Il
faut que l’on reçoive de tout le peuple les dîmes et les prémices que nous
reconnaissons comme appartenant de droit aux prêtres.
Conclusion Tout le monde est tenu de payer les prémices des fruits
qu’il retire de ses champs ; selon la loi ancienne c’était déterminé par la loi
elle-même ; mais sous la loi nouvelle on doit s’en rapporter à la coutume du
pays et de l’Eglise.
Il faut répondre
que les prémices sont un genre d’oblation, parce que c’est à Dieu qu’on les
offre. Aussi est-il dit (Deut., 26, 4) que le prêtre, prenant le panier où les prémices sont
renfermées, le mettra sur l’autel devant le Seigneur votre Dieu ; puis on
recommande à celui qui fait l’offrande de prononcer ces paroles : J’offre maintenant les prémices des fruits
de la terre que le Seigneur m’a donnés. On offrait les prémices pour un
motif spécial qui consistait à reconnaître le bienfait de Dieu, comme si l’on
eût confessé publiquement que c’était de lui qu’on tenait les fruits de la
terre, et qu’on était obligé pour cela de lui en faire hommage, d’après cette
pensée de l’Ecriture (I. Par., 29, 14)
: Nous vous donnons ce que nous avons
reçu de vous. Et parce que nous devons offrir à Dieu ce qu’il y a de
principal, la loi ordonnait de lui faire oblation des prémices, qui sont en
quelque sorte ce qu’il y a de mieux dans les fruits de la terre. Comme le
prêtre est établi pour le peuple en ce
qui se rapporte à Dieu, il s’ensuit que les prémices que le peuple offrait
servaient à l’usage de tous les ministres sacrés. C’est pourquoi il est dit (Nom., 18, 8) : Le Seigneur a dit à Aaron : Voilà, je vous ai donné la garde de mes
prémices. — Or, il est de droit naturel que l’homme emploie les choses que
Dieu lui a données pour l’honorer ; mais qu’il fasse une offrande à telles ou
telles personnes, qu’il donne les premiers fruits de la terre ou qu’il les
donne dans telle ou telle quantité, c’est ce qui a été déterminé de droit divin
sous la loi ancienne. Ces mêmes choses sont définies sous la loi nouvelle par
les lois de l’Eglise, qui oblige les fidèles à payer les prémices, selon la
coutume de leur pays et selon les besoins de ses ministres.
Copyleft. Traduction
de l’abbé Claude-Joseph Drioux et de JesusMarie.com qui autorise toute personne à copier et à rediffuser par
tous moyens cette traduction française. La Somme Théologique de Saint Thomas
latin-français en regard avec des notes théologiques, historiques et
philologiques, par l’abbé Drioux, chanoine honoraire de Langres, docteur en
théologie, à Paris, Librairie Ecclésiastique et Classique d’Eugène Belin, 52,
rue de Vaugirard. 1853-1856, 15 vol. in-8°. Ouvrage honoré des
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