Saint Thomas d ’Aquin - Somme Théologique
2a 2ae = Secunda Secundae
= 2ème partie de la 2ème Partie
Question 89 : Du serment ou jurement
Après avoir parlé des actes intérieurs de religion, nous devons
nous occuper des actes extérieurs, par lesquels les hommes font usage de
quelque chose de divin, soit d’un sacrement, soit du nom de Dieu lui-même. Nous
aurons l’occasion de parler de l’usage des sacrements dans la troisième partie
de cet ouvrage ; ici nous devons nous occuper de l’usage que l’on fait du nom de
Dieu. Or, on l’emploie de trois manières : 1° sous forme de serment pour
confirmer ses propres paroles ; 2° sous forme d’adjuration pour y exciter les
autres ; 3° sous forme d’invocation pour prier ou pour louer. Nous devons
traiter tout d’abord du serment. — A cet égard dix questions se présentent : 1°
Qu’est-ce que le serment ? — 2° Est-il licite ? (Cette proposition est de foi
contre les pélagiens, les vaudois, les anabaptistes, les quakers, et elle a été
décidée contre Wiclef au concile de Constance, qui a condamné cette proposition
de l’hérésiarque dans sa session 8e : Juramenta illicita sunt, quæ fiunt ad roborandum humanos contractus et commercia civilia.) — 3°
Quelles sont les conditions qu’il requiert ? — 4° Est-ce un acte de vertu ? (La
loi ordonne le serment comme un acte religieux, et le Psalmiste loue ceux qui
le font : tous ceux qui jurent par lui se
féliciteront (Ps. 62, 12).) — 5°
Doit-on le rechercher et le faire souvent, comme ce qui est utile et bon ? (Les
théologiens examinent aussi s’il est permis de demander le serment à quelqu’un.
Pour recourir à ce moyen, il faut avoir une raison légitime. Un juge peut et
doit même quelquefois déférer le serment à l’une des parties ; un simple
particulier peut le faire, s’il croit que c’est un moyen de sauvegarder ses
droits et ses intérêts. Mais si l’on savait qu’un individu ne reculera pas
devant un parjure, on ne devrait pas lui demander le serment, si on n’avait pas
des intérêts sérieux à défendre.) — 6° Est-il permis de jurer par une créature
? — 7° Le serment est-il obligatoire ? (Si
un homme a fait un vœu au Seigneur, ou s’est lié par serment, il ne manquera
point à sa parole, mais il accomplira tout ce qu'il aura promis (Nom., 30, 3).) — 8° Laquelle de ces deux
choses impose la plus grande obligation, du serment ou du vœu ? (Il s’agit ici
du serment promissoire ; car s’il
s’agissait du serment affirmatif, il l’emporterait sur le vœu, parce qu’il est
plus injurieux de prendre Dieu à témoin pour une fausseté que de ne pas
observer une promesse qu’on lui a faite.) — 9° Peut-on dispenser du serment ? (L’Eglise
peut dispenser du serment promissoire ou le commuer,
et ce pouvoir est fondé sur ces paroles de Jésus-Christ (Matth.,
18, 18) : Tout ce que vous lierez sur la
terre sera aussi lié dans les cieux.) — 10° A qui et en quel temps est-il
permis de jurer ?
Article 1 :
Jurer est-ce prendre Dieu à témoin ?
Objection N°1. Il semble que le
serment ne consiste pas à prendre Dieu à témoin. Car celui qui cite un texte de
l’Ecriture, prend à témoin Dieu, dont les paroles sont renfermées dans les
livres saints. Si jurer c’est prendre Dieu à témoin, il s’ensuit que celui qui
citerait l’Ecriture jurerait ; ce qui est faux. Donc, etc.
Réponse à l’objection N°1 : Autre chose est de se servir du
témoignage de Dieu déjà donné, ce que l’on fait quand on s’appuie sur un
passage de l’Ecriture sainte, et autre chose est d’invoquer son témoignage pour
établir la vérité de ce que nous disons, comme on le fait par le serment.
Objection N°2. Quand on prend quelqu’un à témoin, on ne lui rend
rien. Or, celui qui jure par Dieu, lui rend quelque chose ; car il est dit (Matth., 5, 33) : Vous
rendrez au Seigneur vos serments que vous avez faits, et d’après saint
Augustin (Serm. 28, De verb. Apost., chap. 6), jurer c’est
rendre à Dieu le droit de la vérité. Jurer ce n’est donc pas prendre Dieu à
témoin.
Réponse à l’objection N°2 : On dit que l’on rend à Dieu les
serments qu’on a faits, du moment qu’on s’acquitte de ce qu’on a juré de faire,
ou bien quand en prenant Dieu à témoin, on reconnaît qu’il sait tout et qu’il
est l’infaillible vérité.
Objection N°3. L’office du juge est autre que celui du témoin,
comme on le voit d’après ce que nous avons dit (quest. 67 et 70). Or,
quelquefois l’homme en jurant implore le jugement de Dieu, d’après ces paroles
du Psalmiste (Ps. 7, 5) : Si j’ai rendu le mal à celui qui me faisait
du bien, que je sois renversé à terre par mes ennemis. Jurer ce n’est donc
pas prendre Dieu à témoin.
Mais c’est le contraire. Saint Augustin dit (loc. sup. cit.) : Qu’est-ce que jurer par Dieu, sinon dire : Dieu
est témoin ?
Conclusion Le serment consistant à invoquer le témoignage de Dieu,
pour rendre certaine l’affirmation d’une chose, il est évident que jurer n’est
rien autre chose que prendre Dieu à témoin.
Il faut répondre que, comme le dit l’Apôtre (Héb., chap. 6), le serment a pour but de confirmer une chose. Or, dans
les sciences, la confirmation (C’est-à-dire la preuve.) se fait par la raison,
qui procède de principes naturellement connus, qui sont infailliblement vrais.
Mais les actions particulières des hommes, qui sont des faits contingents, ne
peuvent pas être établies par une raison nécessaire. C’est pourquoi on a
coutume de prouver ce que l’on en dit par des témoins. Toutefois le témoignage
humain ne suffit pas pour rendre une chose certaine, et cela pour deux motifs :
1° A cause du défaut de vérité qu’il y a parmi les hommes. Car un grand nombre
se laissent aller au mensonge, d’après cette parole de l’Ecriture (Ps. 16, 10) : Leur bouche a proféré le mensonge. 2° A cause de leur défaut de
connaissance. Car les hommes ne peuvent connaître ni l’avenir, ni le secret des
cœurs, ni les choses absentes, et cependant ils en parlent ; et il est
avantageux pour les choses humaines que l’on ait à cet égard quelque certitude.
C’est pour ce motif qu’il a été nécessaire de recourir au témoignage divin,
parce que Dieu ne peut pas mentir et que rien ne lui est caché. Or, on dit que
jurer, c’est prendre Dieu à témoin, parce qu’il a été admis en droit que ce que
l’on dit sous l’invocation du témoignage de Dieu passe pour vrai. On prend Dieu
à témoin, tantôt pour affirmer une chose présente ou passée, et on dit alors
que le serment est affirmatif ; tantôt
on l’invoque pour une chose future, et dans ce cas on dit qu’il est promissoire (Cette première division se
rapporte à la matière du serment. Mais le serment promissoire ayant pour objet
de jurer que l’on fera une chose, peut être accompagné de quelque menace. Ainsi
on peut dire : Je prends Dieu à témoin
que je tous punirai. Dans ce cas, il prend le nom de serment comminatoire.). Mais on n’emploie pas le
serment pour les choses qui sont nécessaires et que l’on doit étudier au moyen
de la raison. Car on serait ridicule si, dans une discussion scientifique, on
voulait établir sa thèse par un serment.
Il faut répondre au troisième, que l’on invoque le témoignage de
quelqu’un pour que le témoin qui a été invoqué manifeste la vérité à l’égard de
ce que l’on dit. Or, Dieu manifeste si ce que l’on dit est vrai de deux
manières : 1° en révélant absolument la vérité, soit par une inspiration
intérieure, soit en dévoilant le fait et en rendant public ce qui était caché ;
2° en punissant le menteur. Alors il est tout à la fois juge et témoin,
puisqu’en punissant le menteur il manifeste le mensonge. C’est pourquoi il y a
deux manières de jurer. On peut le faire en prenant simplement Dieu à témoin,
comme quand on dit : Dieu m’est témoin,
ou je parle devant Dieu, ou au nom de Dieu, ce qui revient au même,
comme le dit saint Augustin (Lib. 1 de serm. Dom. in monte, chap. 17).
L’autre manière de jurer se fait par exécration (Relativement à la manière de
jurer, on distingue le serment simple et le serment imprécatoire. Par le premier, on prend simplement Dieu à témoin ;
par le second, on se souhaite du mal à soi ou aux autres, si ce que l’on dit
n’est pas vrai : Que Dieu me damne ; qu’il me confonde.), comme quand
quelqu’un se condamne à un châtiment, ou l’appelle sur ce qui lui appartient,
si ce qu’il a dit n’est pas vrai (Si l’on considère la chose par laquelle on
jure, on distingue encore le serment implicite et le serment explicite. Le
serment est explicite quand on prend expressément Dieu à témoin ; il est
implicite quand on jure par les créatures en tant qu’elles sont l’image ou le
reflet de ses perfections.).
Article 2 : Est-il
permis de faire un serment ?
Objection N°1. Il semble qu’il
ne soit pas permis de jurer. Car rien de ce qui est défendu dans la loi de Dieu
n’est permis. Or, le jurement est défendu (Matth., 5,
34) : Je vous dis de ne pas jurer, et
l’apôtre saint Jacques dit (5, 12) : Avant
toutes choses, mes frères, ne jurez pas. Le jurement est donc illicite.
Réponse à l’objection N°1 : Saint Jérôme dit sur ces paroles
de saint Matthieu (5, 34, Je vous dis de
ne pas jurer) : Remarquez que le Sauveur n’a pas défendu de jurer par Dieu,
mais par le ciel et la terre ; car on sait que les Juifs avaient cette
détestable habitude de jurer par les éléments. Mais cette réponse n’est pas
suffisante, puisque saint Jacques a ajouté : Ni par quelque autre chose que ce soit. C’est pourquoi il faut dire
avec saint Augustin (Lib. de mendacio, chap. 5), que l’Apôtre, en jurant dans ses
épîtres, nous a montré comment nous devions interpréter ces paroles : Je vous dis de ne point jurer. Cette
défense a été faite, de peur qu’en jurant nous ne parvenions à le faire
facilement, que cette facilité dégénère en habitude, et que l’habitude nous
mène au parjure. C’est pourquoi on ne voit pas qu’il ait juré ailleurs que dans
ses lettres, parce que l’on peut peser avec plus de circonspection ce que l’on
dit en écrivant qu’en parlant.
Objection N°2. Ce qui vient du mal paraît être illicite, parce
que, comme le dit l’Evangile (Matth., 7, 18) : Un mauvais arbre ne peut produire de bons
fruits. Or, le serment vient du mal ; car il est dit (Matth.,
5, 37) : Contentez-vous de dire : Oui,
cela est ; non, cela n’est pas. Ce que
l’on dit de plus vient du mal. Le serment paraît donc être illicite.
Réponse à l’objection N°2 : Comme le dit saint Augustin (Lib. 1 De serm.
Dom. in monte, chap. 17) : Si l’on vous force de
faire un serment, sachez, dans la nécessité, subvenir à la faiblesse de ceux
auxquels vous voulez persuader quelque chose. Cette faiblesse est assurément un
mal. C’est pourquoi il n’a pas dit : Ce
qui va au-delà est un mal, mais vient
d’un mal (à malo est). Car ce
n’est pas vous qui faites le mal en faisant bon usage du serment pour persuader
à un autre ce qu’il est utile que vous lui persuadiez ; mais c’est une chose
qui vient du mal, puisque c’est sa faiblesse qui vous oblige à faire ce
serment.
Objection N°3. Demander un signe à la providence divine c’est
tenter Dieu, ce qui est absolument illicite, d’après ces paroles du Deutéronome
(6, 16) : Vous ne tenterez pas le
Seigneur votre Dieu. Or, celui qui jure paraît demander un signe à la
providence de Dieu, puisqu’il demande un témoignage divin qui se manifeste par
un effet évident. Il semble donc que le serment soit absolument illicite.
Réponse à l’objection N°3 : Celui qui jure ne tente pas Dieu,
parce qu’il n’implore pas le secours divin sans utilité et sans nécessité ; de
plus, il ne s’expose à aucun péril. Si Dieu ne veut pas lui rendre témoignage
pour le présent, il lui rendra certainement témoignage dans l’avenir, quand il produira à la lumière ce qui est caché
dans les ténèbres, et qu’il manifestera les secrètes pensées des cœurs,
comme le dit l’Apôtre (1 Cor., 4, 5).
Ce témoignage ne manquera pas à celui qui jure, soit pour, soit contre lui.
Mais c’est le contraire.
La loi porte (Deut., 6, 13) : Vous tenterez le Seigneur
votre Dieu, et vous jurerez par son nom.
Conclusion Quoique le jurement soit quelquefois une chose licite
et honnête ; cependant quand on le fait sans nécessité, il est mauvais et
illicite.
Il faut répondre que rien n’empêche qu’une chose qui est bonne en
elle-même, ne devienne mauvaise pour celui qui n’en fait pas un usage
convenable. Ainsi c’est une bonne chose que de recevoir l’Eucharistie,
cependant celui qui la reçoit indignement
mange et boit son jugement, selon l’expression de saint Paul (1 Cor., 11, 29). — A l’égard de la
question présente, il faut donc dire que le serment est en soi licite et
honnête ; ce qui est évident d’après son origine et sa fin. D’après son origine
; car le serment a été introduit par la foi, qui fait que les hommes croient
que Dieu possède la vérité infaillible, qu’il a la connaissance et la
prévoyance universelle de toutes choses. D’après sa fin, puisqu’on l’emploie
pour rendre les hommes certains et pour mettre fin aux controverses, comme le
dit saint Paul (Héb., chap. 6). Mais le serment devient
mauvais quand on en fait mauvais usage, c’est-à-dire quand on l’emploie sans
nécessité et sans y mettre la discrétion voulue. Car il paraît avoir peu de
respect pour Dieu, celui qui le prend à témoin pour une cause légère (C’est ce
que défend ce précepte du Décalogue (Ex.,
20, 7) : Vous ne prendrez point en vain
le nom du Seigneur votre DIeu.), ce que l’on n’oserait faire à l’égard d’un
homme honnête. Il est aussi exposé à se parjurer, parce que l’homme pèche
facilement par parole, d’après ce mot de saint Jacques (3, 2) : Si quelqu’un n’offense pas Dieu dans ses
discours, il est un homme parfait. D’où l’Ecclésiastique dit (23, 9) : Que votre bouche ne s’accoutume pas au
jurement ; car il y a là bien des occasions de chute.
Objection N°1. Il semble que
l’on ait tort de demander pour le serment trois conditions : la justice, le
jugement et la vérité. En effet, on ne doit pas compter comme diverses des
choses dont l’une est renfermée dans l’autre. Or, l’une de ces trois choses est
renfermée dans l’autre, car la vérité est une partie de la justice, d’après
Cicéron (De invent., liv. 2), et le jugement est un acte de cette même
vertu, comme nous l’avons vu (quest. 60, art. 1). C’est donc à tort que l’on
distingue pour le serment trois conditions.
Réponse à l’objection N°1 : Le jugement ne se prend pas ici
pour l’exécution de la justice, mais pour la faculté de discernement, comme
nous l’avons dit (dans le corps de cet article.). La vérité ne se considère pas
non plus ici comme une partie de la justice, mais comme une condition du
langage.
Objection N°2. Il y a beaucoup d’autres choses qui sont requises
pour le serment, à savoir la dévotion et la foi par laquelle nous croyons que
Dieu sait tout et qu’il ne peut mentir. Il semble donc que les trois conditions
indiquées soient insuffisantes.
Réponse à l’objection N°2 : La dévotion, la foi et toutes les
autres conditions requises pour que le mode du serment soit légitime, sont
comprises dans le jugement ; car les deux autres conditions se rapportent à son
objet, comme nous l’avons dit (dans le corps de cet article.). Cependant on
pourrait dire que la justice appartient à la cause pour laquelle on jure.
Objection N°3. On doit demander ces trois choses pour tout acte
humain ; car on ne doit rien faire contre la justice ou la vérité, ou sans le
jugement, d’après ces paroles de saint Paul (1 Tim., 5, 21) : Ne faites
rien sans un jugement préalable. Donc ces trois choses ne se rapportent pas
plus au serment qu’aux autres actes humains.
Réponse à l’objection N°3 : Dans le serment il y a un grand
péril, soit à cause de la grandeur de Dieu dont on invoque le témoignage, soit
à cause de la légèreté du langage humain, dont le serment confirme les paroles.
C’est pourquoi ces conditions sont plutôt requises pour le serment que pour les
autres actes humains.
Mais c’est le contraire. Jérémie dit (4, 2) : Vous jurerez, vive le Seigneur, dans la vérité, dans le jugement et
dans la justice. Saint Jérôme, expliquant ce passage, dit (et hab., chap. 2, 22, quest. 2) : qu’il
faut remarquer que le serment a pour compagnes la vérité, le jugement et la
justice.
Conclusion Il faut que celui qui jure le fasse avec jugement, vérité
et justice.
Il faut répondre que, comme nous l’avons dit (art. préc..), le serment n’est bon qu’autant qu’on en fait bon
usage. Pour que l’usage qu’on en fait soit bon, deux choses sont requises : 1°
Il faut qu’on ne jure pas légèrement, mais qu’on le fasse pour une cause
nécessaire et avec discrétion. Pour cela il faut le jugement, afin que celui
qui jure le fasse avec discernement (Il y a péché véniel à jurer ainsi sans
discernement pour des bagatelles, sans examiner si la chose que l’on jure est vraie
ou non. Il peut y avoir péché mortel si la négligence que l’on met à s’assurer
de la vérité de la chose que l’on jure est vraiment coupable. Et celui qui
serait dans l’habitude de jurer ainsi serait dans un état de péché mortel
(saint Liguori, Theol. Mor., liv. 3, n°145).). 2° Par rapport
à la chose que l’on prouve par le moyen du serment ; il faut qu’elle ne soit ni
fausse, ni illicite. C’est pour ce motif qu’on exige la vérité, par laquelle on
n’use du serment que pour affirmer ce qui est vrai (Quand on jure sciemment et
avec pleine délibération contre la vérité, on commet un parjure. Ce péché
n’admet pas en lui-même de légèreté de matière. C’est pourquoi le pape Innocent
XI a condamné la proposition suivante : Vocare Deum in testem mendacii levis, non est tanta irreverentia propter quam velit aut possit damnare hominem.),
et la justice, par laquelle on établit ce qui est permis (On pèche mortellement
quand on jure de faire une chose qui est mortellement illicite, par exemple, de
brûler une maison, de voler ou de tuer quelqu’un. Si on jure de faire un péché
véniel, il y a controverse entre les théologiens. Saint Alphonse croit qu’il
est plus probable que même dans ce cas il y a péché mortel (liv. 3, n° 146).).
Un serment imprudent manque de jugement ; un serment menteur manque de vérité,
et un serment inique ou illicite manque de justice.
Article 4 :
Le serment est-il un acte de religion ?
Objection N°1. Il semble que le
serment ne soit pas un acte de religion ou de latrie. Car les actes de religion
ont pour objet des choses sacrées et divines. Or, on emploie le serment pour
dirimer les discussions humaines, comme le dit l’Apôtre (Héb., chap. 6). Le serment n’est donc pas un acte de religion.
Réponse à l’objection N°1 : Dans le serment il y a deux
choses à considérer : le témoignage que nous invoquons, ceci est divin ; et le
motif pour lequel nous l’invoquons, ou ce qui nous force à l’invoquer, et ceci
est humain. Le serment appartient donc à la religion sous le premier rapport,
mais non sous le second.
Objection N°2. Il appartient à la religion d’offrir à Dieu un
culte, comme le dit Cicéron (De invent., liv. 2). Or, celui qui jure
n’offre rien à Dieu, mais il le prend à témoin. Le serment n’est donc pas un
acte de religion.
Réponse à l’objection N°2 : En prenant Dieu à témoin par
manière de serment, on reconnaît sa souveraineté, ce qui est une marque
d’honneur et de respect. Par conséquent on lui offre quelque chose, puisqu’on
lui rend l’honneur et le respect qui lui sont dus.
Objection N°3. La religion a pour fin de rendre un honneur à Dieu.
Or, le serment n’a pas cette fin, il a plutôt pour fin de confirmer une parole.
Il n’est donc pas un acte de religion.
Réponse à l’objection N°3 : Tout ce que nous faisons, nous
devons le faire pour honorer Dieu. C’est pourquoi rien n’empêche que nous ne
témoignions à Dieu notre respect, tout en ayant l’intention de rendre un homme
certain d’une chose. Car nous devons agir pour la gloire de Dieu, de manière
qu’il résulte de notre action quelque avantage pour le prochain, parce que Dieu
opère lui-même pour sa gloire et pour notre utilité.
Mais c’est le contraire.
La loi dit (Deut., 16, 13) : Vous craindrez le
Seigneur votre Dieu ; vous ne servirez que lui et vous jurerez par son nom.
Or, il s’agit là du culte de latrie. Le serment est donc un acte de latrie.
Conclusion Le serment est un acte de latrie ou de religion par
lequel on reconnaît que Dieu est d’une vérité indéfectible, qu’il est au-dessus
de tout et qu’il est infiniment sage.
Il faut répondre que, comme nous l’avons dit (art. 1), celui qui
jure invoque le témoignage de Dieu à l’appui de ce qu’il dit. Or, on ne prouve
une chose que par une autre qui est plus certaine et plus excellente. C’est
pourquoi, en jurant par Dieu, l’homme avoue que Dieu est au- dessus de lui, et
il reconnaît qu’il est l’être dont la vérité est indéfectible et la
connaissance universelle ; par conséquent, il lui rend hommage d’une certaine
manière. C’est ce qui fait dire à l’Apôtre (Héb., 6, 16), que les hommes
jurent par celui qui est plus grand qu’eux ; et saint Jérôme observe, à
l’occasion de ces paroles de saint Matthieu (5, 34) : Je vous dis de ne pas jurer, que celui qui jure, vénère ou aime
celui par lequel il jure. Aristote dit aussi (Met., liv. 1, chap. 3), que le serment est une très grande marque
d’honneur. Et comme il appartient à la religion de rendre à Dieu l’honneur qui
lui est dû, il est donc évident que le serment est un acte de religion ou de
latrie.
Objection N°1. Il semble qu’on
doive rechercher le serment et qu’on doive en faire souvent usage, comme d’une
chose utile et bonne. Car comme le vœu est un acte de latrie, de même aussi le
serment. Or, il est plus louable et plus méritoire de faire une chose par vœu,
parce que le vœu est un acte de latrie, comme nous l’avons dit (quest. 88, art.
5). Donc, pour la même raison, il est mieux de faire ou de dire une chose avec
serment, et par conséquent on doit désirer le serment, comme une chose bonne
par elle-même.
Réponse à l’objection N°1 : On ne peut faire le même raisonnement
à l’égard du vœu et du serment ; car par le vœu nous faisons une promesse pour
honorer Dieu, ce qui en fait par là même un acte de religion ; tandis que par
le serment nous avons, au contraire, recours au respect dû au nom de Dieu pour
confirmer la promesse que nous avons faite. C’est pourquoi ce qui est appuyé
par le serment ne devient pas pour cela un acte religieux, parce que les actes
moraux tirent leur espèce de leur fin.
Objection N°2. Saint Jérôme dit (Sup. Matth, loc. cit. art. préc.) : que celui qui
jure, vénère ou aime celui par lequel il jure. Or, on doit tendre à vénérer ou
à aimer Dieu, comme une chose bonne par elle-même. On doit donc aussi
rechercher le serment.
Réponse à l’objection N°2 : Celui qui jure se sert du respect
ou de l’amour de celui par lequel il jure ; mais il ne fait pas sou serment
pour l’honorer ou pour l’aimer. Son serment se rapporte à quelque autre chose
(Il a pour fin de confirmer aux yeux des autres hommes la parole que l’on dit.)
qui est nécessaire à la vie présente.
Objection N°3. Le serment a pour but de confirmer une chose ou de
la rendre certaine. Or, il est bon que l’homme prouve ce qu’il dit. On doit
donc rechercher le serment comme une bonne chose.
Réponse à l’objection N°3 : Comme une médecine est utile pour
opérer une guérison, et que cependant plus elle a de vertu et plus elle fait de
mal si on la prend à contretemps ; de même le serment est utile pour prouver
une chose. Mais plus il est respectable et plus il est dangereux, si on ne le
fait pas dans les circonstances voulues. Car, comme le dit l’Ecriture (Ecclésiastique, 23, 13) : Si celui qui jure néglige de faire ce qu’il
a promis, son péché sera pour lui ;
s’il dissimule, c’est-à-dire si par dissimulation il fait un faux serment, il péchera doublement, parce que l’équité simulée est une double iniquité.
S’il jure pour une chose vaine, c’est-à-dire sans motif légitime et sans
nécessité, il ne sera pas justifié.
Mais c’est le contraire. L’Ecriture dit (Ecclésiastique, 23, 12) : Que
celui qui jure beaucoup sera rempli d’iniquité. Et saint Augustin ajoute (Lib. de mend.,
chap. 15) : Le Seigneur nous a défendu de jurer, afin que nous n’affections
pas, autant qu’il est en nous, de le faire, et que nous ne le désirions pas
avec délectation comme une bonne chose.
Conclusion Puisque le serment n’a pas pour objet les choses que
nous devons désirer par elles-mêmes, mais qu’il appartient à celles qui sont
nécessaires à la vie présente, on ne doit en faire usage qu’autant qu’on y est
poussé par un motif de grande utilité ou de nécessité.
Il faut répondre que ce qu’on emploie seulement pour subvenir à
l’infirmité ou au défaut d’un autre, on ne le range pas parmi les choses que
l’on doit rechercher par elles-mêmes, mais on le place parmi celles qui sont
nécessaires, comme on le voit à l’égard de la médecine que l’on emploie pour
remédier à une maladie. Or, on se sert du serment pour subvenir à un défaut,
qui empêche un homme de s’en rapporter à un autre. C’est pourquoi on ne doit
pas mettre le serment parmi les choses que l’on doit désirer par elles-mêmes,
mais parmi celles qui sont nécessaires à cette vie et dont on fait mauvais
usage chaque fois qu’on y a recours au-delà des bornes de la nécessité. C’est
ce qui fait dire à saint Augustin (Lib. 1
De serm. Dom. in monte, chap. 17) : que celui qui
comprend qu’on ne doit pas mettre le serment parmi les bonnes choses,
c’est-à-dire parmi celles qu’on doit désirer pour elles-mêmes, mais parmi les
choses nécessaires, se contienne autant qu’il peut, afin de n’en pas faire usage,
si la nécessité ne l’y contraint.
Article 6 : Est-il
permis de jurer par les créatures ?
Objection N°1. Il semble qu’il
ne soit pas permis de jurer par les créatures. Car il est dit dans l’Evangile (Matth., 5, 34) : Je
vous dis de ne jurer en aucune sorte, ni par le ciel, ni par la terre, ni par
Jérusalem, ni par votre tête ; ce que saint Jérôme explique en disant :
Remarquez que le Sauveur n’a pas défendu de jurer par Dieu, mais par le ciel et
la terre.
Réponse à l’objection N°1 : Le Seigneur a défendu de jurer
par les créatures, de manière à leur rendre des honneurs divins (Dans ce cas,
il y a blasphème et idolâtrie.). C’est pour cela que saint Jérôme ajoute : que
les Juifs en jurant par les anges et les autres créatures, leur rendaient des
honneurs qui ne sont dus qu’à Dieu. Pour la même raison les canons (loc. cit., Objection N°2) punissent le clerc
qui jure par les créatures ; ce qui se rapporte au blasphème de l’infidélité. C’est
pourquoi il est dit au chapitre suivant : que si quelqu’un jure par le cheveu
de Dieu ou par la tête, ou qu’il blasphème contre lui d’une autre manière, on
doit le déposer, s’il est ecclésiastique.
Objection N°2. On ne doit punir que les fautes. Or, on punit celui
qui jure par les créatures. Car il est dit (22, quest. 1, chap. 9) qu’on doit
très vivement reprendre le clerc qui jure par les créatures, et que s’il
persévère dans ce vice, on doit l’excommunier. Il est donc défendu de jurer par
les créatures.
Objection N°3. Le serment est un acte de latrie, comme nous
l’avons dit (art. 4). Or, le culte de latrie n’est pas dû à une créature, comme
on le voit (Rom., chap. 1). Il n’est
donc pas permis de jurer par elle.
Réponse à l’objection N°3 : L’on rend un culte de latrie à
celui dont on invoque le témoignage en jurant. C’est pour ce motif qu’il est
dit dans la loi (Ex., 23, 13) : Vous ne jurerez pas par les noms des dieux
étrangers. Mais on ne rend pas ce culte aux créatures en jurant par elles
(Il est à remarquer que l’on ne doit jurer que par les créatures qui reflètent
d’une manière toute particulière les perfections de Dieu. Si on jurait par des
créatures trop viles, connue un chien, un chat, ce serait plutôt une moquerie
qu’un serment.) de la manière que nous avons indiquée.
Mais c’est le contraire. Joseph a juré par le salut de Pharaon, comme on le voit (Gen., chap. 42). Ordinairement on jure par l’Evangile, par les
reliques et par les saints.
Conclusion Le jurement par simple attestation ne se fait
principalement que par Dieu, mais il se fait secondairement par les créatures,
selon que la vérité divine brille en elles ; mais dans le jurement exécratoire,
on a coutume de désigner les créatures que l’on aime, pour que le jugement de
Dieu s’exerce sur elles.
Il faut répondre que, comme nous l’avons dit (art. 1, Réponse N°3),
il y a deux sortes de serment. L’un qui se fait par une simple attestation, en
prenant Dieu à témoin : ce serment repose sur la vérité divine, comme la foi.
Or, la foi a par elle-même et principalement pour objet Dieu qui est la vérité
même, et secondairement les créatures dans lesquelles brille la vérité de Dieu,
comme nous l’avons dit (quest. 1, art. 1). De même le serment se rapporte
principalement à Dieu, dont on invoque le témoignage ; et l’on
jure secondairement par certaines créatures que l’on ne considère pas en
elles-mêmes, mais selon que la vérité divine se manifeste en elles. C’est ainsi
que nous jurons par l’Evangile, c’est-à-dire par Dieu, dont la vérité est
manifestée dans l’Evangile, et par les saints qui ont cru cette vérité et qui
l’ont observée (C’est ce qu’indiquent ces paroles (Matth.,
23, 21-22) : Quiconque jure par le temple jure par lui et par Celui qui y
habite. Et celui qui jure par le ciel, jure par le trône de Dieu et par Celui
qui l’habite.). — L’autre espèce de serment est exécratoire. Dans ce
serment on désigne une créature pour que le jugement de Dieu s’exerce sur elle.
C’est ainsi que l’homme a coutume de jurer par sa tête, ou par son fils, ou par
quelque autre chose qu’il aime. L’Apôtre a fait ce serment, quand il a dit (2 Cor., 1, 23) : Je prends Dieu à témoin, et je veux qu’il me punisse de mort. —
Quant au serment que Joseph a fait par le salut de Pharaon, on peut l’entendre
de ces deux manières. Il pouvait être exécratoire, dans le sens qu’il vouait à
Dieu la vie de Pharaon, et il pouvait être simplement attestatoire,
en tant que par là il prenait à témoin la vérité de la justice de Dieu que les
princes de la terre doivent exécuter.
La réponse à la seconde objection est par là même évidente.
Article 7 : Le
jugement a-t-il la force d’obliger ?
Objection N°1. Il semble que le
serment ne soit pas obligatoire. Car on fait le serment pour confirmer la
vérité de ce qu’on dit. Or, quand on parle d’une chose à venir, on dit vrai,
quoique ce que l’on dit n’arrive pas. Ainsi, quoique saint Paul ne soit pas
allé à Corinthe, comme il l’avait dit, il n’a cependant pas menti (2 Cor., chap. 1). Il semble donc que le
serment ne soit pas obligatoire.
Réponse à l’objection N°1 : Il faut répondre au premier
argument, qu’il y a de la différence entre une simple parole et le serment, par
lequel on en appelle au témoignage de Dieu. Car il suffit pour qu’une parole
soit vraie qu’on dise ce qu’on se propose de faire ; parce que la chose est
déjà vraie dans sa cause, c’est-à-dire dans l’intention qu’on a de la faire.
Mais on ne doit employer le serment que pour une chose dont on est parfaitement
certain (Celui qui promet avec serment de faire une chose et qui n’a pas
l’intention de tenir sa promesse fait un parjure. S’il doute qu’il puisse la
tenir, il fait un péché mortel, parce qu’on ne peut jurer, comme le dit saint
Thomas, qu’autant qu’on est certain.). C’est pourquoi si on l’emploie, on est
obligé, à cause du respect que l’on doit au témoignage de Dieu que l’on a
invoqué, de faire que ce que l’on a juré soit vrai, autant que possible, à
moins qu’il ne s’agisse d’une chose qui aurait des suites fâcheuses, comme nous
l’avons dit (dans le corps de cet article.).
Objection N°2. Une vertu n’est pas contraire à une autre, comme on
le voit (Catég. De oppos.).
Or, le serment est un acte de vertu, comme nous l’avons dit (art. 4). Or,
quelquefois, en observant un serment qu’on a fait, on ferait une chose
contraire à la vertu ou qui serait pour elle un obstacle ; comme quand on jure
de faire un péché, ou de ne plus faire une bonne œuvre. Le serment n’est donc
pas toujours obligatoire.
Réponse à l’objection N°2 : Un serment peut devenir fâcheux
dans ses suites de deux manières : 1° parce que d’après son principe il a eu
des conséquences funestes ; soit parce qu’il a pour objet une chose mauvaise en
elle-même (comme quand on jure de faire un adultère), soit parce qu’il est un
obstacle à un plus grand bien, comme quand on jure de ne pas entrer en religion
ou de ne pas se faire clerc, ou de ne pas accepter la prélature dans un cas où
il est utile qu’on l’accepte, ou de ne pas faire d’autres bonnes actions. Ces
serments sont illicites dans leur principe, mais d’une manière différente. Car
si l’on jure de faire un péché, on a péché en faisant ce serment et on pèche en
l’observant ; au lieu que si l’on jure de ne pas faire un plus grand bien
auquel cependant on n’est pas obligé, alors on pèche en jurant, parce qu’on met
un obstacle à l’action de l’Esprit-Saint qui inspire les bonnes résolutions,
mais on ne pèche pas en observant son serment ; quoiqu’on fasse beaucoup mieux
de ne pas l’observer. 2° Le serment peut avoir une mauvaise issue, parce qu’il
se présente de nouvelles circonstances que l’on n’avait point prévues. Tel fut
évidemment le serment d’Hérode, qui jura de donner à sa fille qui dansait ce
qu’elle lui demanderait. Ce serment pouvait être licite dans son principe, en
sous-entendant cette condition, c’est qu’elle ne demanderait que ce qu’il était
convenable de lui donner. Mais l’accomplissement de ce serment fut illicite.
C’est ce qui fait dire à saint Ambroise (De
offic., liv. 1, chap. 50) qu’il est
quelquefois contraire au devoir d’exécuter sa promesse ou de garder son serment
; qu’ainsi Hérode fut coupable en consentant à la mort de Jean, pour ne pas
manquer à la promesse qu’il avait faite.
Objection N°3. Quelquefois on est forcé malgré soi à promettre
quelque chose sous le serment. Or, les souverains pontifes délient de leur
serment ceux qui sont dans ce cas, comme on le voit (hab. Extrà de Jurejur.,
chap. Verum in ea quæst.). Le serment
n’est donc pas toujours obligatoire.
Réponse à l’objection N°3 : Dans le serment que l’on fait par
contrainte, il y a deux sortes d’obligation. L’une par laquelle on s’engage
envers celui auquel on fait une promesse. Cette obligation est détruite par la
contrainte, parce que celui qui fait violence à un autre, mérite qu’on ne tienne
pas ce qu’on lui a promis. L’autre est celle par laquelle on est tenu envers
Dieu de remplir ce qu’on a promis par son nom. Cette obligation n’est pas
détruite au for de la conscience (Ce sentiment de saint Thomas est celui de
saint Alphonse de Liguori, qui le regarde comme beaucoup plus probable que le
sentiment des théologiens qui pensent que cette promesse n’oblige point (Voy. Théol. Moral.,
liv. 3, n°171).), parce qu’on doit supporter un dommage temporel plutôt que de
violer un serment. Cependant on peut redemander en jugement ce qu’on a payé ou
le dénoncer au prélat, quoiqu’on ait juré le contraire ; parce que ce serment
aurait des suites funestes. Car il serait contraire à la justice publique. Les
souverains pontifes délient de ces serments, non en déclarant qu’ils ne sont
pas obligatoires, mais en annulant les obligations qu’ils imposent, comme
provenant d’une cause injuste.
Objection N°4. On ne peut pas être obligé à deux choses opposées.
Or, quelquefois l’intention de celui qui fait le serment et l’intention de
celui à qui il le fait sont opposées. Le serment ne
peut donc pas être toujours obligatoire.
Réponse à l’objection N°4 : Quand l’intention de celui qui
jure et de celui à qui l’on jure n’est pas la même, si cette diversité provient
de la fourberie de celui qui fait le serment, il le doit observer selon le vrai
sens de celui auquel il l’a fait. C’est ce qui fait dire à saint Isidore (Lib. 2 de sum. bono, chap. 31) :
Quelques artificieuses que soient les paroles de celui qui jure, Dieu, qui est
témoin de ce qui se passe dans la conscience, reçoit son serment, comme le
comprend celui à qui il le fait. Et ce qui prouve évidemment que ce grand
docteur parle en cet endroit du serment captieux, c’est qu’il ajoute : Il est
doublement coupable celui qui prend le nom de Dieu en vain et qui prend le
prochain dans ses filets. Si celui qui jure n’a pas recours à la ruse, il est
obligé selon sa propre intention (Le serment que l’on fait par suite d’une
surprise ou par suite d’une erreur qui tombe sur la substance même de la chose
qu’on promet n’est pas obligatoire.). D’où saint Grégoire dit (Mor., liv. 26, chap. 7) : Les hommes
jugent de nos paroles d’après le sens qu’elles offrent extérieurement ; au lieu
que Dieu entend ce qui se dit au dehors tel qu’il est au fond du cœur.
Mais c’est le contraire.
Il est dit (Matth., 5, 33) : Vous vous acquitterez
envers le Seigneur des serments que vous aurez faits.
Conclusion Le jugement affirmatif et le jugement promissoire sont
l’un et l’autre obligatoires.
Il faut répondre que l’obligation se rapporte à quelque chose que
l’on doit faire ou que l’on doit quitter. Elle ne regarde donc pas le serment
affirmatif qui a pour objet le présent ou le passé, ni celui qui porte sur ce
qui doit être fait par d’autres causes, comme si l’on jurait qu’il doit
pleuvoir demain ; mais elle regarde seulement les choses qui doivent être
faites par celui qui fait le serment. Or, comme le serment affirmatif qui a
pour objet le passé ou le présent doit être vrai ; de même le serment qui se
rapporte à ce que nous devons faire à l’avenir. C’est pourquoi ces deux
serments sont obligatoires, mais de différentes manières. Car dans le serment
qui porte sur le passé ou le présent, l’obligation n’est pas relative à la
chose qui a déjà existé, ou qui existe, mais elle est relative à l’acte même du
serment. Dans ce cas on est obligé de jurer ce qui est vrai ou ce qui l’a été.
Au lieu que dans le serment que l’on fait pour les choses que l’on doit
exécuter, l’obligation tombe au contraire sur la chose que l’on a attestée par
serment. Car on est tenu de rendre vrai ce que l’on a juré ; autrement le
serment manquerait de vérité. — Mais s’il s’agit d’une chose qui n’est pas au
pouvoir de celui qui l’a jurée, le serment n’a pas été fait avec le jugement requis
; à moins que la chose ait été possible quand on l’a jurée, et qu’elle ait été
ensuite rendue impossible par un événement quelconque : comme si l’on jurait de
donner de l’argent et qu’on en soit ensuite dépouillé par le vol ou par la
violence. Alors il paraît qu’on est exempt de faire ce que l’on a juré ;
quoiqu’on soit tenu de faire son possible (Ainsi celui qui aurait juré de
donner mille francs à quelqu’un et qui se trouverait dans l’impossibilité de le
faire, par suite de pertes imprévues, devrait lui remettre la somme dont il
pourrait encore disposer. Ce que nous avons dit du vœu est applicable au
serment (Voy. quest. 88, art. 3).), comme nous
l’avons dit plus haut, à l’égard de l’obligation du vœu (quest. préc.,
art. 3, Réponse N°2). — S’il est possible de faire la chose qu’on a jurée, mais
qu’on ne doive pas la faire, soit parce qu’elle est mauvaise par elle-même (On
a péché en faisant ce serment, on pécherait en l’exécutant, d’après cette règle
de droit : Non est obligatorium
juramentum contrà bonos mores prœstitum.),
soit parce qu’elle empêche un bien, alors le serment manque de justice. C’est
pourquoi on ne doit pas l’observer dans le cas où il est un péché, ou un
obstacle au bien. Car, d’après saint Augustin (Lib. de bono conjug., chap. 4), dans
ces deux hypothèses il a une suite fâcheuse. Il faut donc dire que celui qui
jure faire une chose est obligé de la faire pour que la vérité soit accomplie ;
en observant toutefois les deux autres conditions du serment, le jugement et la
justice.
Article 8 :
L’obligation du serment est-elle supérieure à celle du vœu ?
Objection N°1. Il semble que le
serment oblige plus que le vœu. Car le vœu est une simple promesse. Or, le
serment ajoute le témoignage de Dieu à la promesse. Son obligation est donc
supérieure à celle du vœu.
Réponse à l’objection N°1 : Le vœu n’est pas une promesse
quelconque, mais une promesse faite à Dieu, à laquelle il est très grave d’être
infidèle.
Objection N°2. Le plus faible est ordinairement confirmé par le
plus fort. Or, le vœu est quelquefois confirmé par le serment. Le serment est
donc plus fort que le vœu.
Réponse à l’objection N°2 : Le serment (Il ne s’agit ici que
du serment ayant pour objet une promesse faite à un homme ; car si le serment a
pour but de confirmer une promesse faite à Dieu, il devient ce que les
théologiens appellent votum
juratum, et il l’emporte sur le vœu simple.) ne
s’ajoute pas au vœu comme quelque chose de plus fort, mais pour rendre la
résolution plus stable en la fixant sur deux bases immobiles.
Objection N°3. L’obligation du vœu provient de la délibération de
l’esprit, comme nous l’avons dit (quest. 88, art. 1), tandis que l’obligation
du serment résulte de la vérité divine, dont on invoque le témoignage. Par
conséquent, puisque la vérité de Dieu surpasse la délibération humaine, il
semble que l’obligation du serment soit plus forte que celle du vœu.
Réponse à l’objection N°3 : La délibération affermit le vœu
de la part de celui qui le fait, mais il est encore plus ferme de la part de
Dieu à qui on l’offre.
Mais c’est le contraire. Par le vœu on est lié à Dieu ; au lieu
que par le serment on est quelquefois lié à un homme. Or, l’homme est plus
obligé envers Dieu qu’envers son semblable. L’obligation du vœu l’emporte donc
sur celle du serment.
Conclusion Le vœu est de sa nature plus obligatoire que le
serment.
Il faut répondre que ces deux obligations, celle du vœu et celle
du serment, résultent de quelque chose de divin, mais l’une
d’une manière et l’autre d’une autre. Car l’obligation du vœu est produite par
la fidélité que nous devons à Dieu, d’après laquelle nous sommes tenus de
remplir ce que nous lui avons promis ; au lieu que l’obligation du serment
résulte du respect que nous lui devons, et d’après lequel nous devons faire ce
que nous promettons en son nom. Or, toute infidélité renferme un défaut de
respect, mais non réciproquement. Car l’infidélité du sujet envers le maître
paraît être la plus grande irrévérence. C’est pourquoi le vœu est par sa nature
plus obligatoire que le serment.
Article 9 :
Peut-on dispenser du serment ?
Objection N°1. Il semble qu’on
ne puisse pas dispenser du serment. Car, comme la vérité est requise pour le
jugement affirmatif qui a pour objet le passé ou le présent, de même elle est
nécessaire pour le serment promissoire qui a pour objet l’avenir. Or, on ne
peut pas dispenser quelqu’un de jurer selon la vérité à l’égard des choses
présentes ou passées. On ne peut donc pas non plus dispenser quelqu’un de
rendre vrai ce qu’il a promis de faire avec serment.
Réponse à l’objection N°1 : La dispense du serment ne va pas
à ce que l’on fasse quelque chose qui soit contraire au serment lui-même. Car
ceci est impossible, puisque l’observation du serment est de précepte divin et
qu’on ne peut dispenser d’un pareil précepte. Mais la dispense du serment fait
que ce qui en était la matière cesse de l’être, comme nous l’avons dit à l’égard
du vœu (quest. préc., art. 10, Réponse N°2). Or, la matière du jugement
affirmatif qui a pour objet le passé ou le présent implique une sorte de
nécessité qui la rend immuable. C’est pourquoi, à l’égard de ce serment, la
dispense ne se rapporterait pas à la matière, mais à l’acte même du serment.
Par conséquent cette dispense serait directement contraire au précepte divin.
Au contraire, la matière du jugement promissoire est une chose future qui peut
changer. Elle peut donc devenir, par suite des événements, illicite ou nuisible
(Dans ce cas, la promesse cesse d’être obligatoire.), et par conséquent cesser
d’être la matière légitime du serment. C’est pourquoi on peut dispenser du
serment promissoire, parce que cette dispense se rapporte à la matière du serment,
et qu’elle n’est pas contraire au précepte divin qui nous oblige à l’observer.
Objection N°2. Le serment promissoire est employé dans l’intérêt
de celui auquel on fait une promesse. Or, il semble que ce dernier ne puisse en
dispenser, parce qu’il agirait contre le respect dû à Dieu. Un autre peut donc
encore beaucoup moins le faire.
Réponse à l’objection N°2 : On peut faire à un autre une
promesse sous serment de deux manières : 1° en lui promettant quelque chose qui
lui est utile : par exemple, si on promet à quelqu’un avec serment de le servir
ou de lui donner de l’argent (Quand une promesse a été faite licitement à un
tiers, il n’y a que lui qui puisse en dégager l’auteur ; ni l’évêque, ni le
pape ne peuvent en dispenser.). Celui à qui cette promesse a été faite peut en
dégager son auteur. Car on s’est acquitté de sa promesse du moment que l’on a
fait ce que désire celui envers lequel on s’était engagé. 2° En promettant à un
autre ce qui appartient à l’honneur de Dieu ou à l’intérêt du prochain, comme
si l’on promettait à quelqu’un avec serment d’entrer en religion ou de faire
des œuvres de piété. Dans ce cas, celui qui a reçu la promesse ne peut en
dégager celui qui en est l’auteur ; parce que ce n’est pas à lui principalement
que la promesse a été faite, mais à Dieu, à moins qu’on y ait ajouté une
condition de la nature de celle-ci : Si vous jugez que je doive accomplir cette
promesse.
Objection N°3. Tout évêque peut dispenser d’un vœu, à l’exception
des vœux qui sont réservés au pape exclusivement, comme nous l’avons vu (quest.
préc.,
art. 12, Réponse N°3). Donc, pour la même raison, tout évêque pourrait
dispenser du serment, si le serment était susceptible d’une dispense ; ce qui
paraît cependant contraire au droit (chap. Auctoritatem et suiv. 15, q. 6 et
chap. Si vero, de Jurejurando).
Il ne semble donc pas qu’on puisse dispenser du serment.
Réponse à l’objection N°3 : Quelquefois la matière du serment
promissoire est manifestement contraire à la justice, soit parce que c’est un
péché, comme quand quelqu’un jure de faire un homicide ; soit parce que c’est
un obstacle à un plus grand bien, comme quand on jure de ne pas entrer en
religion. Ce serment n’a pas besoin de dispense (Il est nul par le fait.). Dans
le premier cas, on est tenu à ne pas observer son serment ; dans le second, il
est permis de l’observer et de ne pas l’observer, comme nous l’avons dit (art.
7, Réponse N°2). D’autres fois on promet avec serment une chose, et l’on doute
si ce serment est licite ou illicite, avantageux ou nuisible, absolument ou
dans un cas particulier. Alors tout évêque peut en dispenser. Enfin, dans
d’autres circonstances, on promet avec serment une chose qui est manifestement
licite et utile. Il ne semble pas qu’il y ait lieu de dispenser de ce serment
ou de le commuer, s’il ne se présente pas quelque chose de mieux à faire dans
l’intérêt général, et c’est au souverain pontife qui est chargé du soin de
l’Eglise universelle qu’il appartient de le déclarer. C’est aussi à lui à
l’annuler absolument, puisqu’il lui appartient de juger en général tout ce qui
se rapporte aux affaires ecclésiastiques, à l’égard desquelles il a la
plénitude de la puissance (Le pape seul peut dispenser des serments qui ont le
même objet que les vœux qui lui sont réservés. Le serment de garder les statuts
émanés du Saint-Siège lui est aussi réservé (Mgr Gousset, Théol. Moral., tom. 1, p. 207).), comme il appartient à chacun
d’annuler le serment fait par ceux qui lui sont soumis, quand il porte sur des
choses qui relèvent de son autorité. C’est ainsi que le père peut rendre nul le
serment de sa fille, l’époux celui de son épouse, comme on le voit (Nom., chap. 30) et comme nous l’avons
dit à l’égard du vœu (quest. préc., art. 8 et 9).
Mais c’est le contraire. Le vœu est plus obligatoire que le
serment, comme nous l’avons dit (art. préc.). Or, on
peut dispenser du vœu. On peut donc aussi dispenser du serment.
Conclusion Comme on peut dispenser du vœu par nécessité
ou par convenance, de même on peut dispenser du serment.
Il faut répondre que, comme nous l’avons dit (quest. préc.,
art. 10), il est nécessaire de dispenser d’une loi ou d’un vœu, parce que ce
qui est utile et bon, considéré en soi ou d’une manière générale, peut être
mauvais et nuisible dans une circonstance particulière, et par conséquent
cesser d’être l’objet de la loi ou du vœu. Or, il ne peut se faire qu’on soit
tenu par serment d’accomplir ce qui est mauvais ou nuisible ; car, si une chose
est mauvaise, elle répugne à la justice, et si elle est nuisible, elle répugne
au jugement. C’est pourquoi on peut dispenser du serment aussi bien que du vœu et
de la loi.
Article 10 :
Le serment est-il empêché par certaines conditions de personne ou de temps ?
Objection
N°1. Il semble que le serment ne soit pas
empêché par une condition de personne ou de temps. Car on emploie le serment
comme moyen de preuve, ainsi qu’on le voit (Héb., chap. 6). Or, il convient à toute personne de prouver ce qu’elle
dit, et elle peut le faire en tout temps. Il semble donc que le serment ne soit
pas empêché par une condition de personne ou de temps.
Réponse à l’objection N°1 :
Il y en a qui sont incapables de confirmer leur parole, parce qu’ils n’ont pas
ce qu’il faut pour cela, et il y en a d’autres dont la parole doit être si
certaine qu’elle n’ait pas besoin de confirmation.
Objection N°2. C’est une plus
grande chose de jurer par Dieu que par les Evangiles. C’est ce qui fait dire à
saint Chrysostome (alius auctor Hom. 44 in op. imperf.) : Si l’occasion s’en présente, on regarde
comme peu de chose de jurer par Dieu, et l’on croit que celui qui jure par les
Evangiles fait beaucoup plus. Insensés ! les Ecritures
ont été faites à cause de Dieu, mais Dieu n’existe pas à cause des Ecritures. Or,
dans la conversation ordinaire, en tout temps et des hommes de toute condition
ont coutume de jurer par Dieu. Donc, à plus forte raison leur est-il permis de
jurer par les Evangiles.
Réponse à l’objection N°2 :
Le serment considéré en lui-même est d’autant plus fort et plus obligatoire que
l’être par lequel on jure est plus grand, comme le dit saint Augustin (ad Publicol., epist. 47). D’après cela, c’est une plus grande chose de
jurer par Dieu que par l’Evangile. Mais il peut en être autrement en raison de
la manière dont le serment est fait ; comme si, par exemple, le serment que
l’on fait par l’Evangile, se faisait avec délibération et solennité, tandis que
le serment que l’on fait au nom de Dieu aurait été fait légèrement et sans
délibération.
Objection N°3. Le même effet ne
résulte pas de causes contraires, parce que les causes contraires appartiennent
à des sujets contraires. Or, il y en a auxquels le serment est interdit à cause
de leurs défauts personnels ; ainsi les enfants ne doivent pas jurer avant
quatorze ans, et on n’admet pas ceux qui ont été parjures. Il ne semble donc
pas qu’on soit empêché de jurer, soit à cause de la dignité que l’on a, comme
le sont les ecclésiastiques, soit à cause de la solennité du temps.
Réponse à l’objection N°3 : Rien
n’empêche qu’une chose soit détruite par des causes contraires, dont l’une agit
par excès et l’autre par défaut. C’est ainsi qu’il y en a qui sont empêchés de
prêter serment, parce qu’ils ont trop d’autorité pour qu’il soit convenable
qu’ils le fassent, et il y en a d’autres qu’on exclut, parce qu’ils n’inspirent
pas assez de confiance, pour qu’on s’en rapporte à leur serment.
Objection N°4. Parmi les hommes
qui sont sur la terre, il n’en est point dont la dignité égale celle d’un ange.
Car il est dit (Matth., 11, 11) : que le plus petit dans le royaume des deux est
plus grand que Jean Baptiste, qui était encore vivant. Or, il convient à
l’ange de jurer ; puisqu’il est dit (Apoc., 10, 6) :
que l’ange a juré par celui qui vit dans
les siècles des siècles. Aucun homme ne doit donc être exempt du serment, à
cause de sa dignité.
Réponse à l’objection N°4 :
L’ange jure, non à cause de son imperfection, comme si on ne devait pas croire
à sa simple parole, mais pour montrer que ce qu’il dit procède de l’infaillible
disposition de Dieu ; comme nous voyons quelquefois Dieu lui-même jurer dans
les Ecritures, pour montrer l’immutabilité de sa parole, selon l’expression de
l’Apôtre (Héb., chap. 6).
Mais c’est le contraire. D’après
le droit canon (2, quest. 5, chap. 4), au lieu du serment, le prêtre doit être
interrogé au nom de sa consécration sainte. Et ailleurs il est dit (22, quest. 5,
chap. 22) : qu’aucun ecclésiastique ne doit prêter serment à un laïque sur les
saints Evangiles.
Conclusion Puisque par respect pour
Dieu on emploie le serment à l’appui de ce que l’on dit, il n’est pas
convenable que les enfants, les parjures et les ecclésiastiques en fassent
usage, sinon dans le cas de nécessité ou pour une chose d’une grande importance
et principalement pour des affaires spirituelles.
Il faut répondre que dans le serment il y a deux choses à
considérer. L’une se rapporte à Dieu, dont on invoque le témoignage. A cet
égard on doit au serment le plus grand respect. C’est pourquoi on n’admet pas
au serment les enfants avant l’âge de puberté, parce qu’ils n’ont pas encore
l’usage parfait de la raison, et qu’ils ne peuvent pas conséquemment prêter
serment avec tout le respect qui convient (Si cependant un enfant a la raison
suffisante pour faire un péché mortel avant d’être arrivé à cet âge, il serait
néanmoins parjure, dans le cas où il manquerait à son serment.). On en exclut
aussi les parjures, parce que d’après leurs antécédents on présume qu’ils
n’auraient pas pour le serment le respect qu’on doit avoir (Il n’est pas
nécessaire qu’ils aient été convaincus de parjure juridiquement ; il suffit que
leur crime soit notoire.). C’est pourquoi, pour montrer tout le respect dû au
serment, le droit dit (22, quest. 5, chap. 16) : qu’il est bon que celui qui
ose jurer par les choses saintes le fasse à jeun, avec toute la bienséance
possible et avec la crainte de Dieu. — Il y a une autre considération qui se
rapporte à l’homme, dont le serment confirme la parole. En effet la parole de
l’homme n’a besoin d’être confirmée qu’autant qu’on en doute. Or, c’est déroger à la dignité d’une personne que de douter de la
vérité de ses paroles. C’est pour ce motif qu’il ne convient pas aux personnes
très élevées en dignité de jurer. C’est ce qui fait que d’après le droit (2,
quest. 10, chap. Si quis presbyter), les prêtres ne doivent pas jurer pour une
cause légère. Cependant quand il y a nécessité, ou pour une chose d’une grande
importance, il leur est permis de le faire, surtout pour des affaires
spirituelles. Ils doivent prêter serment pour elles dans les jours solennels où
l’on doit s’occuper de choses de cette nature. Mais ils ne doivent pas faire de
serments pour des choses temporelles, à moins que ce ne soit pour une grande
nécessité.
Copyleft. Traduction
de l’abbé Claude-Joseph Drioux et de JesusMarie.com qui autorise toute personne à copier et à rediffuser par
tous moyens cette traduction française. La Somme Théologique de Saint Thomas
latin-français en regard avec des notes théologiques, historiques et
philologiques, par l’abbé Drioux, chanoine honoraire de Langres, docteur en
théologie, à Paris, Librairie Ecclésiastique et Classique d’Eugène Belin, 52,
rue de Vaugirard. 1853-1856, 15 vol. in-8°. Ouvrage honoré des
encouragements du père Lacordaire o.p. Si par erreur, malgré nos vérifications,
il s’était glissé dans ce fichier des phrases non issues de la traduction de
l’abbé Drioux ou de la nouvelle traduction effectuée par JesusMarie.com, et
relevant du droit d’auteur, merci de nous en informer immédiatement, avec
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