Saint Thomas d ’Aquin - Somme Théologique
2a 2ae = Secunda Secundae
= 2ème partie de la 2ème Partie
Question
103 : De l’honneur qu’on rend aux supérieurs (Cette question est intitulée Dulia, du mot grec que l’on
pourrait traduire en latin par servitus.
Nous avons eu recours à une périphrase pour rendre ce titre, afin d’en mieux
préciser le sens.)
Après avoir parlé
du respect, nous allons considérer ses différentes parties. — Nous traiterons :
1° De l’honneur par lequel on rend hommage aux supérieurs ; 2° de l’obéissance,
par laquelle on exécute leurs ordres. — A l’égard de l’honneur quatre questions
se présentent : 1° L’honneur est-il quelque chose de spirituel ou de corporel ?
— 2° Ne devons-nous honorer que nos supérieurs ? — 3° La vertu de dulie, qui consiste
à rendre des honneurs et un culte à ceux qui sont au-dessus de nous, est-elle
une vertu spéciale distincte de la vertu de latrie ? (Les mots dulia et latria signifient
l’un et l’autre la même chose. On pourrait les traduire indifféremment en latin
par le mot servitus, mais il est reçu
par l’usage que le culte de latrie est le culte de Dieu, et le culte de dulie
le culte des créatures et principalement des bienheureux qui sont dans le ciel.
C’est saint Augustin qui a le premier précisé ainsi le
sens de ces deux expressions (Voy. quest. 81, art. 1).)
— 4° Cette vertu se distingue-t-elle en différentes espèces ?
Article 1 : L’honneur
implique-t-il quelque chose de corporel ?
Objection N°1. Il semble que
l’honneur n’implique pas quelque chose de corporel. Car l’honneur est un
témoignage de vénération rendu à la vertu, comme on peut le dire d’après
Aristote (Eth., liv. 1, chap. 5). Or, cette marque de
révérence est quelque chose de spirituel ; car révérer est un acte de crainte,
comme nous l’avons vu (quest. 81, art. 2, Réponse N°1). L’honneur est donc
quelque chose de spirituel.
Réponse à l’objection N°1 : La révérence n’est pas la même
chose que l’honneur. Mais elle est d’un côté le premier motif qui nous porte à
rendre à quelqu’un des honneurs ; car on n’honore les personnes qu’autant qu’on
les révère. D’un autre côté, elle est la fin de l’honneur, dans le sens que
l’on honore un individu, pour qu’il soit révéré par les autres.
Objection N°2. D’après Aristote (Eth., liv. 4, chap. 3), l’honneur est la récompense de la vertu. Or,
la récompense de la vertu, qui consiste principalement dans des choses
spirituelles, n’est pas quelque chose de corporel, puisque la récompense est
plus noble que le mérite. L’honneur ne consiste donc pas dans des choses
corporelles.
Réponse à l’objection N°2 : Comme le dit Aristote (ibid.), l’honneur est la récompense
suffisante de la vertu (Ce n’est pas une récompense qui égale le prix de la
vertu, mais c’est la récompense qui lui convient, puisque dans les choses
humaines il n’y en a pas de plus élevée.). Car dans les choses humaines et
corporelles, il n’y a rien de plus grand que l’honneur, selon qu’on considère
les choses corporelles comme les signes démonstratifs d’une vertu supérieure.
Or, comme on doit manifester ce qui est bon et beau, d’après ces paroles de
l’Evangile (Matth., 5, 15) : Quand on allume une lampe, on la met, non sous le boisseau, mais sur le
chandelier, pour qu’elle éclaire tous ceux qui sont dans la maison, il
s’ensuit que l’honneur est pris pour la récompense de la vertu.
Objection N°3. L’honneur se distingue de la louange et de la
gloire. Or, la louange et la gloire consistent dans des choses extérieures.
L’honneur consiste donc dans ce qui est intérieur et spirituel.
Réponse à l’objection N°3 : La louange se distingue de
l’honneur de deux manières : 1° parce que la louange ne consiste que dans les
paroles, tandis que l’honneur consiste dans tous les signes extérieurs ; et
sous ce rapport la louange est renfermée dans l’honneur. 2° Parce qu’en
honorant quelqu’un, nous rendons témoignage de sa bonté d’une manière absolue,
au lieu que par la louange, nous attestons son mérite relativement à une fin.
C’est ainsi que nous faisons l’éloge de celui qui travaille bien dans un genre.
Ainsi l’honneur est le propre des hommes vertueux qui n’ont pas une bonté
relative, mais une bonté absolue, comme le remarque Aristote (Eth., liv. 1, chap. 5). Quant à la gloire,
elle est l’effet de l’honneur et de la louange ; parce que, par là même que
nous rendons témoignage à la bonté de quelqu’un, son mérite parvient à la
connaissance de plusieurs personnes, et c’est ce que le mot de gloire implique.
Car le mot gloire (gloria) vient du mot claria (illustre). C’est pour ce motif que la glose dit, d’après saint
Augustin (Lib. 3 cont. Maxim., chap.
13), que la gloire est une connaissance
illustre accompagnée d’éloges.
Mais c’est le contraire. Saint Jérôme, expliquant ce passage de
saint Paul (1 Tim., 5, 17) : Que les prêtres qui gouvernent bien soient
jugés digne d’un double honneur, dit (Ep.
ad Ageruch.) que ce double honneur désignait
l’aumône ou les présents. Or, ces choses sont corporelles. L’honneur consiste
donc dans des choses de cette nature.
Conclusion Quoique l’honneur, par rapport à Dieu, consiste dans un
acte intérieur, il consiste par rapport aux hommes dans des signes extérieurs
et corporels.
Il faut répondre que l’honneur est un témoignage rendu à la
supériorité de quelqu’un. Ainsi les hommes qui veulent être honorés cherchent
un témoignage de leur supériorité, comme on le voit dans Aristote (Eth., liv. 1, chap. 5, et liv. 8, chap. 8).
Or, un témoignage se rend devant Dieu ou devant les hommes. Devant Dieu, qui
voit au fond des cœurs, le témoignage de la conscience suffit. C’est pourquoi
l’honneur par rapport à Dieu peut consister uniquement dans le mouvement
intérieur du cœur, quand on pense à sa grandeur infinie ou à celle d’un autre
homme devant lui. — Mais, à l’égard des hommes, on ne peut rendre témoignage
que par des signes extérieurs ; soit par des paroles, comme quand on exalte
dans ses discours le mérite de quelqu’un ; soit par des actes, comme quand on
le salue ou qu’on va à sa rencontre ; soit par des choses extérieures, par
exemple, en lui offrant des présents, ou en lui dressant des statues, ou de
toute autre manière. C’est ainsi que l’honneur consiste dans des signes
extérieurs et corporels.
Article 2 : L’honneur
est-il dû en propre aux supérieurs ?
Objection N°1. Il semble qu’on
ne doive pas proprement honorer ses supérieurs. Car l’ange est supérieur à tout
homme qui est sur cette terre, d’après ces paroles de l’Evangile (Matth., 11, 2) : Le
dernier dans le royaume des cieux est plus grand que Jean Baptiste. Or,
l’ange a empêché saint Jean de l’honorer, comme il voulait le faire (Apoc., chap. 22). On ne doit donc pas
honorer ses supérieurs.
Réponse à l’objection N°1 : L’ange a défendu à saint Jean non
de lui rendre toute espèce d’honneur, mais de l’honorer du culte de latrie, qui
est dû à Dieu ; ou bien il l’a détourné de lui rendre le culte de dulie pour
montrer la dignité de saint Jean lui-même, que le Christ avait élevé à la
hauteur des anges, selon l’espérance de la gloire des enfants de Dieu. C’est
pourquoi il n’a pas voulu être honoré par lui, comme s’il lui eût été
supérieur.
Objection N°2. On doit honorer quelqu’un en témoignage de sa
vertu, comme nous l’avons dit (art. préc. et quest. 63,
art. 3). Or, il arrive quelquefois que les supérieurs ne sont
pas vertueux. On ne doit donc pas les honorer, comme nous ne devons pas honorer
les démons, quoiqu’ils nous soient supérieurs dans l’ordre de la nature.
Réponse à l’objection N°2 : Si les supérieurs sont mauvais,
on ne les honore pas pour l’excellence de leur propre vertu, mais pour celle de
leur dignité qui en fait des ministres de Dieu. On honore aussi en eux toute la
société dont ils sont les chefs. Quant aux démons, ils sont irrévocablement
mauvais ; nous devons plutôt les considérer comme des ennemis que de les
honorer.
Objection N°3. L’Apôtre dit (Rom.,
12, 10) : Prévenez-vous par des honneurs
réciproques, et saint Pierre ajoute (1 Pierre, 2, 17) : Honorez tout le monde. Or, il ne
faudrait pas agir ainsi, si l’on ne devait honorer que les supérieurs.
L’honneur ne leur est donc pas dû en propre.
Réponse à l’objection N°3 : Dans tout individu il y a quelque
chose qui nous permet de le considérer comme au-dessus de nous, d’après ce mot
de saint Paul (Philip., 2, 3) : Que chacun par humilité voie les autres
au-dessus de soi. Suivant ce même principe, on doit tous se prévenir par
des honneurs réciproques.
Objection N°4. L’Ecriture rapporte (Tob, 1, 16) que Tobie avait dix talents qui provenaient de ce qu’il avait
été honoré par le roi. On lit aussi dans le livre d’Esther (6, 11)
qu’Assuérus honora Mardochée, et qu’il fit crier devant lui : C’est ainsi que doit être honoré celui qu’il
plaira au roi d’honorer. On honore donc aussi les inférieurs, et par
conséquent il semble que l’honneur ne soit pas dû en propre aux supérieurs.
Réponse à l’objection N°4 : Les particuliers sont quelquefois
honorés par les rois, non parce qu’ils leur sont supérieurs sous le rapport de
la dignité, mais à cause de la prééminence de leur vertu. C’est ainsi que Tobie
et Mardochée ont été honorés par des souverains.
Mais c’est le contraire. Aristote dit (Eth., liv. 1, chap. 12, et liv. 4, chap. 3) que l’honneur est dû à
ceux qui excellent davantage.
Conclusion L’honneur n’est dû à quelqu’un qu’en raison d’une
supériorité quelconque.
Il faut répondre que, comme nous l’avons dit (art. préc.), l’honneur n’est rien autre chose qu’une
manifestation en faveur de l’excellence de la bonté de quelqu’un. Or,
l’excellence d’un individu peut se considérer, non seulement par rapport à
celui qui l’honore de telle sorte qu’elle lui soit toujours supérieure, mais on
peut encore la considérer en elle-même ou relativement à quelques autres
sujets. D’après cela, l’honneur est toujours dû à quelqu’un pour un certain
mérite ou une certaine supériorité. Car il n’est pas nécessaire que celui qui
est honoré vaille mieux que celui qui l’honore, mais il suffit qu’il soit
supérieur à d’autres, ou qu’il l’emporte sur celui qui l’honore, non pas
absolument, mais relativement (Ainsi un égal peut honorer son égal, et un
supérieur son inférieur.).
Article 3 : L’honneur
de dulie est-il une vertu spéciale distincte de l’honneur de latrie ?
Objection N°1. Il semble que
l’honneur de dulie ne soit pas une vertu spéciale distincte de l’honneur de
latrie. Car, à l’occasion de ces paroles (Ps.
7) : Seigneur, mon Dieu, j’ai espéré en
vous, la glose dit (interl.) : Seigneur de toutes choses par sa
puissance, le culte de dulie lui est dû ; Dieu par la création, on lui doit le
culte de latrie. Or, la vertu qui se rapporte à Dieu n’est pas distincte selon
qu’il est Seigneur et selon qu’il est Dieu. L’honneur de dulie n’est donc pas
une vertu distincte de l’honneur de latrie.
Réponse à l’objection N°1 : Comme la religion reçoit par
antonomase le nom de piété, parce que Dieu est notre père par excellence, de
même la latrie reçoit de la sorte le nom de dulie, parce que Dieu est
éminemment notre Seigneur et maître. Mais parce que la créature ne participe
pas à la puissance de créer, et que c’est en raison de cette puissance que le
culte de latrie est dû à Dieu, la glose a fait une distinction en attribuant à
Dieu le culte de latrie, selon sa puissance de création qu’il ne communique pas
à la créature, et le culte de dulie, selon la souveraineté de son domaine qu’il
lui communique.
Objection N°2. D’après Aristote (Eth., liv. 8, chap. 8), être aimé et être honoré sont deux choses qui
ont beaucoup d’analogie. Or, la vertu de charité par laquelle on aime Dieu est
la même que celle par laquelle on aime le prochain. Par conséquent l’honneur de
dulie qu’on rend au prochain n’est pas une autre vertu que l’honneur de latrie
qu’on rend à Dieu.
Réponse à l’objection N°2 : Dieu est la raison qui nous fait
aimer le prochain ; car il n’y a que Dieu que nous aimions dans le prochain par
la charité. C’est pourquoi la charité par laquelle nous aimons Dieu et le
prochain est la même. Mais il y a d’autres amitiés qui diffèrent de la charité
d’après les autres raisons pour lesquelles on aime ses semblables. De même,
puisque le motif que nous avons de servir Dieu et l’homme ou de les honorer
l’un et l’autre est différent, l’honneur de latrie n’est, pas la même vertu que
l’honneur de dulie.
Objection N°3. C’est le même mouvement qui nous porte vers l’image
et vers la chose qu’elle représente. Or, par le culte de dulie, on honore
l’homme, en tant qu’il a été fait à l’image de Dieu. Car le Sage dit des impies
(Sag., 2, 22) qu’ils n’ont fait aucun cas de la gloire qui est réservée aux âmes
saintes, parce que Dieu a créé l’homme immortel et qu’il l’a fait à l’image de
sa ressemblance. L’honneur de dulie n’est donc pas une autre vertu que
l’honneur de latrie qu’on rend à Dieu.
Réponse à l’objection N°3 : Le mouvement qui se porte vers
l’image, considérée comme telle, se rapporte à la chose que l’image représente.
Mais tout mouvement qui se porte vers une image ne se rapporte pas à elle,
considérée comme telle ; c’est pourquoi le mouvement vers l’image n’est pas
quelquefois de même espèce que celui qui se porte vers l’objet. Par conséquent
il faut donc dire que l’honneur ou la soumission de dulie se rapporte
absolument à la dignité de l’homme. Car, quoique l’homme soit, d’après cette
dignité, à l’image ou à la ressemblance de Dieu, cependant, quand on témoigne
de la vénération à un de ses semblables, on ne la rapporte pas toujours à Dieu.
— Ou bien il faut dire que le mouvement qui se porte vers l’image se porte
d’une certaine manière vers l’objet, mais non réciproquement. C’est pourquoi le
respect que l’on témoigne à quelqu’un, selon qu’il est à l’image de Dieu,
reflue sur Dieu lui-même. Au lieu que le respect que l’on a pour Dieu est tout
autre, et il n’appartient d’aucune manière à son image.
Mais c’est le contraire. Saint Augustin dit (De civ. Dei, liv. 10, chap. 1) qu’autre est la soumission que l’on
doit aux hommes, d’après laquelle l’Apôtre commande aux serviteurs d’obéir à
leurs maîtres, et qu’en grec on appelle du nom de dulie (δούλια)
et autre le culte de latrie qui désigne la soumission qui regarde le culte de
Dieu.
Conclusion L’honneur de dulie, par lequel nous rendons à l’homme
un culte selon qu’il participe à la souveraineté, est une autre vertu que
l’honneur de latrie par lequel nous rendons à Dieu un culte, comme au souverain
Seigneur de toutes choses.
Il faut répondre que, d’après ce que nous avons dit (quest. 101,
art. 3), la nature de la dette étant différente, il faut que la vertu par
laquelle on l’acquitte soit autre aussi. Or, la raison pour laquelle on doit
servir Dieu est autre que celle pour laquelle on doit servir l’homme, comme la
souveraineté de Dieu est autre que celle de l’homme. Car Dieu a un domaine
absolu et complet sur tous les êtres, et chaque créature est totalement soumise
à sa puissance ; au lieu que l’homme participe par analogie à la souveraineté
divine, selon qu’il a un pouvoir particulier sur un homme ou sur une créature. —
C’est pourquoi l’honneur de dulie par lequel on rend à l’homme qui domine la
soumission qui lui est due est une autre vertu que le culte de latrie par
lequel on rend à la souveraineté de Dieu la soumission qu’on lui doit. Cet
honneur est une espèce de respect, parce que, par le respect, nous honorons
toutes les personnes qui sont remarquables par leur dignité, et par l’honneur
de dulie proprement dit, les serviteurs vénèrent leurs maîtres, car le mot
dulie vient du grec (δούλεια) et signifie servitude.
Article 4 : Y
a-t-il différentes espèces de dulie ?
Objection N°1. Il semble qu’il
y ait différentes espèces de dulie. Car c’est par cette vertu qu’on honore le
prochain. Or, nous honorons de différentes manières les différentes personnes
avec lesquelles nous avons des rapports, comme un roi, un père, un maître,
ainsi qu’on le voit dans Aristote (Eth., liv. 9, chap.
2). Par conséquent, puisque la raison diverse de l’objet change l’espèce de la
vertu, il semble que la dulie se divise en vertus d’espèce différente.
Réponse à l’objection N°1 : Ce raisonnement repose sur la
dulie prise en général.
Objection N°2. Le milieu diffère spécifiquement des extrêmes,
comme le pâle diffère du blanc et du noir. Or, l’hyperdulie (Le culte
d’hyperdulie est le culte qu’on rend à la créature qui approche le plus de
Dieu. C’est le culte que nous rendons à la sainte Vierge, et qu’on rendrait à
l’humanité du Christ si elle était séparée, comme l’observe Nicolaï.) paraît tenir le milieu entre la latrie et la dulie. Car on
rend cet honneur aux créatures qui ont une affinité spéciale avec Dieu, comme
la B. Vierge qui est sa mère. Il semble donc qu’il y ait des espèces
différentes de dulie : l’une qui serait la dulie simplement, et l’autre
l’hyperdulie.
Réponse à l’objection N°2 : L’hyperdulie est la principale
espèce de dulie, considérée en général ; car on doit à l’homme le plus grand
respect en raison de l’affinité qu’il a avec Dieu.
Objection N°3. Comme dans la créature raisonnable on trouve
l’image de Dieu, en raison de laquelle on l’honore ; de même on trouve dans la
créature irraisonnable son vestige. Or, l’image et le vestige impliquent une
autre raison de ressemblance. Il faut donc, d’après cela, considérer
différentes espèces de dulie, surtout puisque l’on rend un honneur à certaines
créatures irraisonnables, comme au bois de la sainte croix, etc.
Réponse à l’objection N°3 : L’homme ne doit ni soumission, ni
honneur à la créature irraisonnable considérée en elle-même. Au contraire,
toute créature de ce genre est plutôt naturellement soumise à l’homme. Si l’on
honore la croix du Christ, on l’honore du même honneur que le Christ lui-même ;
comme on honore la pourpre du roi du même honneur que le roi, selon
l’expression de saint Jean Damascène (De orth. fid., liv. 4, chap.
3).
Mais c’est le contraire. La dulie se distingue par opposition de
la latrie. Or, on ne divise pas la latrie en différentes espèces ; par
conséquent la dulie ne se divise pas non plus.
Conclusion La dulie, prise en général, a pour parties la piété, le
respect et toute autre vertu qui témoigne à l’homme de la vénération. Prise
dans un sens strict, elle désigne cette vertu par laquelle le serviteur
témoigne du respect à son maître, c’est une espèce infime qui ne renferme pas
de parties sous elle.
Il faut répondre qu’on
peut considérer la dulie de deux manières : 1° en général, selon qu’elle
témoigne du respect à tout homme en raison de son excellence, quelle qu’elle
soit. Dans ce sens elle contient sous elle la piété, le respect et toutes les
vertus qui ont pour objet d’honorer l’homme. De cette manière elle a des
parties de différente espèce. 2° On peut la considérer strictement, en la
considérant comme la vertu d’après laquelle le serviteur honore le maître, car
le mot dulie veut dire servitude,
ainsi que nous l’avons dit (art. 3). A ce point de vue on ne la divise pas en
différentes espèces, mais elle est une des espèces de respect que Cicéron
reconnaît (De invent., liv. 2) : parce que le serviteur vénère son maître,
le soldat son chef, le disciple son maître, d’après une raison particulière.
Copyleft. Traduction
de l’abbé Claude-Joseph Drioux et de JesusMarie.com qui autorise toute personne à copier et à rediffuser par
tous moyens cette traduction française. La Somme Théologique de Saint Thomas
latin-français en regard avec des notes théologiques, historiques et
philologiques, par l’abbé Drioux, chanoine honoraire de Langres, docteur en
théologie, à Paris, Librairie Ecclésiastique et Classique d’Eugène Belin, 52,
rue de Vaugirard. 1853-1856, 15 vol. in-8°. Ouvrage honoré des
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