Saint Thomas d ’Aquin - Somme Théologique

2a 2ae = Secunda Secundae = 2ème partie de la 2ème Partie

Question 109 : De la vérité

 

Nous avons maintenant à nous occuper de la vérité et des vices qui lui sont opposés. — A l’égard de la vérité quatre questions se présentent : 1° La vérité est-elle une vertu ? — 2° Est-elle une vertu spéciale ? — 3° Est-elle une partie de la justice ? — 4° Penche-t-elle vers le moins plutôt que vers le plus ?

 

Article 1 : La vérité est-elle une vertu ?

 

Objection N°1. Il semble que la vérité ne soit pas une vertu. Car la première des vertus est la foi qui a pour objet la vérité. Par conséquent, puisque l’objet est avant l’habitude et l’acte, il semble que la vérité ne soit pas une vertu, mais quelque chose d’antérieur à elle.

Réponse à l’objection N°1 : Ce raisonnement s’appuie sur la vérité considérée dans le premier sens.

 

Objection N°2. Comme le dit Aristote (Eth., liv. 4, chap. 7) : il appartient à la vérité qu’on avoue ce qui existe à l’égard de soi ; qu’on ne dise ni plus, ni moins. Or, ceci n’est pas toujours louable dans les bons, parce que, comme dit le Sage (Prov., 27, 2) : Que l’étranger vous loue, mais que ce ne soit jamais votre propre bouche. Les méchants ne doivent pas le faire non plus ; car le prophète s’élève contre quelques-uns d’entre eux en disant (Is., 3, 9) : Ils ont publié leur crime comme Sodome, ils ne l’ont pas caché. La vérité n’est donc pas une vertu.

Réponse à l’objection N°2 : Dire ce que l’on est, est une chose bonne dans son genre, en tant que cet acte est l’aveu du vrai. Mais cela ne suffit pas pour faire un acte de vertu. Il faut encore que cet acte soit revêtu de toutes les circonstances légitimes ; et si ces circonstances ne sont pas observées, l’acte devient vicieux. Ainsi c’est une mauvaise chose que de se louer sans motif d’une chose qui est vraie ; et on est également répréhensible, quand on publie ses propres fautes, pour en tirer vanité ou pour les découvrir inutilement de quelque manière.

 

Objection N°3. Toute vertu est théologale, intellectuelle ou morale. Or, la vérité n’est pas une vertu théologale, parce qu’elle n’a pas Dieu pour objet, mais les choses temporelles. Car Cicéron dit (De invent., liv. 2) que la vérité est l’exposé fidèle des choses qui sont, qui ont été ou qui doivent être. Elle n’est pas non plus une vertu intellectuelle, mais elle est la fin de ces vertus. Elle n’est pas une vertu morale, parce qu’elle ne consiste pas dans un milieu qui se trouve entre deux extrêmes ; car plus on dit vrai et mieux cela vaut. Elle n’est donc pas une vertu.

Réponse à l’objection N°3 : Celui qui dit vrai produit des signes conformes aux choses, par des paroles ou des actions, ou d’autres marques extérieures. Il n’y a que les vertus morales qui se rapportent à ces choses, parce que c’est à elles qu’appartient l’usage des membres extérieurs, selon qu’il est produit par l’empire de la volonté. Par conséquent la vérité n’est ni une vertu théologale, ni une vertu intellectuelle, mais une vertu morale. Elle tient le milieu entre deux extrêmes, de deux manières : de la part de l’objet et de la part de l’acte. De la part de l’objet, parce que le vrai implique une certaine égalité selon son essence, et l’égalité est un milieu entre le plus et le moins. Ainsi, par là même que quelqu’un dit la vérité sur son compte, il tient le milieu entre celui qui le loue trop et celui qui ne le loue pas assez. De la part de l’acte, elle tient encore un milieu en disant le vrai, quand il faut et comme il faut. Ainsi il pèche par excès, celui qui manifeste à contretemps ce qu’il est ; tandis qu’il pèche par défaut, celui qui cache sa pensée quand il devrait la manifester.

 

Mais c’est le contraire. Aristote (Eth., liv. 2 et 4, chap. 7) met la vérité au nombre des autres vertus.

 

Conclusion Puisque c’est une bonne action que de dire vrai, la vérité par laquelle on s’exprime ainsi est nécessairement une vertu, mais il n’en est pas de même de la vérité qui fait qu’une chose est véritable.

Il faut répondre que la vérité peut se considérer de deux manières : 1° Selon qu’elle détermine l’exactitude de ce que l’on dit. En ce sens la vérité n’est pas une vertu, mais elle en est l’objet ou la fin. Car la vérité ainsi comprise n’est pas une habitude du genre de la vertu, mais elle est une équation entre l’intellect ou le signe et la chose comprise et signifiée, ou bien elle est la conformité de la chose avec sa règle, comme nous l’avons vu (1a pars, quest. 16, art. 1, et quest. 21, art. 2). 2° On peut entendre par vérité, ce qui fait qu’on dit vrai, ce qui rend par conséquent l’homme véridique. Cette vérité, ou cette véracité doit être une vertu ; parce que dire la vérité est une bonne action, et que d’ailleurs la vertu est ce qui rend bon celui qui la possède, et ce qui rend bons ses actes.

 

Article 2 : La vérité est-elle une vertu spéciale ?

 

Objection N°1. Il semble que la vérité ne soit pas une vertu spéciale. Car le vrai et le bien rentrent l’un dans l’autre. Or, la bonté n’est pas une vertu spéciale ; et même toute vertu est une bonté, puisqu’elle rend bon celui qui la possède. La vérité n’est donc pas non plus une vertu spéciale.

Réponse à l’objection N°1 : Il faut répondre au premier argument, que le vrai et le bien reviennent subjectivement l’un à l’autre, parce que tout ce qui est vrai est bon, et tout ce qui est bon est vrai. Mais, rationnellement, ils se surpassent réciproquement, comme la volonté et l’intellect se surpassent également. Car l’intellect connaît la volonté et beaucoup d’autres choses, et la volonté désire le bien de l’intellect et beaucoup d’autres biens. Ainsi le vrai, selon sa raison propre, qui est la perfection de l’intellect, est un bien particulier, en tant qu’il est une chose désirable ; de même le bien selon sa raison propre, en tant qu’il est la fin de l’appétit, est une chose vraie, au même titre qu’il est une chose intelligible. Par conséquent, puisque la vertu implique la bonté, il peut se faire que la vérité soit une vertu spéciale, comme le vrai est un bien spécial ; mais il ne peut pas se faire que la bonté de l’homme soit une vertu spéciale, puisqu’elle est plutôt par sa nature le genre de la vertu elle-même (La bonté de l’homme est un genre de vertu qui embrasse toutes les autres, et c’est pour cela qu’on appelle homme de bien celui qui possède toutes les vertus.).

 

Objection N°2. La manifestation de ce qui appartient à l’homme est un acte de la vérité dont nous parlons maintenant. Or, cette manifestation appartient à toute vertu, car toute habitude d’une vertu est manifestée par l’acte qui lui est propre. Elle n’est donc pas une vertu spéciale.

Réponse à l’objection N°2 : Les habitudes des vertus et des vices tirent leur espèce de ce qu’on se propose absolument, mais non de ce qui existe par accident et en dehors de l’intention. Qu’un individu manifeste ce qui le concerne, ceci appartient à la vertu de la vérité, comme étant la chose qu’elle se propose absolument ; mais cet acte ne peut appartenir aux autres vertus que par voie de conséquence (La fin première de toutes les vertus, c’est de produire l’acte qui leur est propre ; ainsi la justice produit des actes d’équité, la force des actes de courage. Si elle représente l’homme tel qu’il est, ceci n’est que secondaire.) en dehors de l’intention principale. Car le fort se propose d’agir fortement. Si en agissant de la sorte il manifeste sa force, ceci se produit en dehors de son intention principale.

 

Objection N°3. On appelle vérité de la vie, celle qui nous fait vivre droitement, et dont le prophète dit (Is., 38, 3) : Souvenez-vous, je vous prie, que j’ai marché devant vous dans la vérité et avec un cœur parfait. Or, toute vertu nous fait vivre avec droiture, comme on le voit par la définition que nous en avons donnée (1a 2æ, quest. 55, art. 4). La vérité n’est donc pas une vertu spéciale.

Réponse à l’objection N°3 : La vérité de la vie est la vérité d’après laquelle une chose est vraie, non celle par laquelle on dit vrai. On dit de la vie, comme de toute autre chose, qu’elle est vraie par là même qu’elle atteint sa règle et sa mesure, c’est-à-dire la loi divine, qui la rend droite du moment qu’elle est conforme avec elle. Cette vérité ou cette droiture est commune à toute vertu, quelle qu’elle soit (Mais ce n’est pas cette vérité objective que nous désignons comme une vertu spéciale.).

 

Objection N°4. La vérité paraît être la même chose que la simplicité, parce que la dissimulation est opposée à l’une et à l’autre. Or, la simplicité n’est pas une vertu spéciale, parce qu’elle rend droite l’intention qui est nécessaire dans toute vertu. La vérité n’est donc pas une vertu spéciale.

Réponse à l’objection N°4 : La simplicité se dit par opposition à la duplicité, qui fait qu’on a une chose dans le cœur et qu’on en montre une autre extérieurement. Cette simplicité appartient par conséquent à la vertu de la vérité. Elle rend l’intention droite, non pas directement (ce qui appartient à toute vertu), mais en excluant la duplicité par laquelle l’homme met en avant une chose, bien qu’il s’en propose une autre.

 

Mais c’est le contraire. Aristote compte la vérité parmi les autres vertus (Eth., liv. 2, chap. 7).

 

Conclusion La vérité est une vertu spéciale par laquelle l’homme fait un usage convenable de ses paroles, de ses actes et de ses autres signes extérieurs.

Il faut répondre qu’il appartient à l’essence de la vertu humaine de rendre bonnes les actions de l’homme. Par conséquent, dès que dans un acte humain il se rencontre une raison spéciale de bonté, il est nécessaire que l’homme y soit disposé par une vertu particulière. D’un autre côté le bien, d’après saint Augustin (Lib. de nat. boni, chap. 3), consistant dans l’ordre, il faut que l’on considère la raison spéciale du bien d’après un ordre déterminé. Or, il y a un ordre spécial, d’après lequel nos paroles ou nos actions extérieures se rapportent convenablement à une chose (Cet ordre spécial consiste en ce que nos paroles ou nos actions extérieures manifestent nos pensées et nos sentiments intérieurs, et c’est en cela que consiste la vérité considérée comme vertu.), comme le signe à la chose signifiée. L’homme est perfectionné à cet égard par la vertu de la vérité. D’où il est manifeste que la vérité est une vertu spéciale.

 

Article 3 : La vérité est-elle une partie de la justice ?

 

Objection N°1. Il semble que la vérité ne soit pas une partie de la justice. Car le propre de la justice paraît être de rendre à autrui ce qui lui est dû. Or, en disant vrai, il ne semble pas qu’on rende à un autre ce qui lui est dû, comme on le fait dans toutes les autres parties de la justice. La vérité n’est donc pas une partie de la justice.

Réponse à l’objection N°1 : L’homme étant un animal sociable, l’un doit naturellement à l’autre ce qui est essentiel au maintien de la société humaine. Or, les hommes ne pourraient pas vivre ensemble, s’ils ne croyaient pas les uns aux autres, comme se manifestant réciproquement la vérité. C’est pourquoi la vertu de la vérité a pour objet une chose qui est due d’une certaine manière.

 

Objection N°2. La vérité appartient à l’intellect. Or, la justice réside dans la volonté, comme nous l’avons vu (quest. 58 , art. 4). La vérité n’est donc pas une partie de la justice.

Réponse à l’objection N°2 : La vérité, selon qu’elle est connue, appartient à l’intellect ; mais l’homme, par sa volonté propre, au moyen de laquelle il fait usage de ses habitudes et de ses membres, produit des signes extérieurs pour manifester la vérité. Par conséquent la manifestation de la vérité est un acte de la volonté.

 

Objection N°3. On distingue trois sortes de vérité, d’après saint Jérôme (Sup. Matth, chap. 15 : Audito hoc, scandalizati sunt), la vérité de la vie, la vérité de la justice et la vérité de la doctrine. Or, aucune d’elles n’est une partie de la justice. Car la vérité de la vie contient en soi toute vertu, comme nous l’avons dit (art. préc., Réponse N°3) ; la vérité de la justice est la même chose que la justice elle- même, et par conséquent elle n’en est pas une partie ; enfin la vérité de la doctrine appartient plutôt aux vertus intellectuelles. La vérité n’est donc d’aucune manière une partie de la justice.

Réponse à l’objection N°3 : La vérité dont il est ici question diffère de la vérité de la vie, comme nous l’avons dit (art. préc., Réponse N°3) ; quant à la vérité de la justice, elle s’entend de deux manières : 1° selon que la justice est la droiture réglée conformément à la loi divine. En ce sens, la vérité de la justice diffère de la vérité de la vie ; parce que la vérité de la vie est celle par laquelle on vit droitement en soi-même, tandis que la vérité de la justice est celle qui fait qu’on observe la droiture de la loi dans les jugements que l’on porte sur les autres. Par conséquent la vérité de la justice, ainsi considérée, n’appartient pas à la vérité dont nous parlons maintenant, pas plus que la vérité de la vie. 2° On peut entendre par la vérité de la justice ce qui fait qu’un individu manifeste la vérité d’après la justice elle-même ; comme quand on confesse la vérité dans un jugement ou qu’on rend un témoignage véritable. Cette vérité est un acte particulier de justice et n’appartient pas directement à la vérité dont nous nous occupons ici ; parce que dans cette manifestation de la vérité l’homme se propose principalement de faire faire droit à un autre. Ainsi Aristote, voulant préciser cette vertu, dit (Eth., liv. 4, chap. 7) : Je ne parle pas ici de la loyauté dans les contrats, ni de tout ce qui tient à la justice ou à l’injustice (Mais je parle, ajoute le philosophe, de l’homme qui, dans les circonstances où il n’a aucun intérêt de ce genre, se montre vrai dans sa conduite comme dans ses discours, parce que tels sont sa nature et son caractère. C’est cette vertu que l’on désigne ordinairement sous les noms de loyauté et de franchise.). Quant à la vérité de la doctrine, elle consiste à énoncer des paroles ou des choses qui appartiennent à la science. Cette vérité n’appartient donc pas directement à la vertu dont nous parlons ; mais il n’y a que la vérité par laquelle on se montre, dans sa conduite et ses discours, tel qu’on est, sans inventer ce qui n’est pas et sans augmenter ni diminuer ce qui existe. Cependant comme les vérités morales, en tant qu’elles nous sont connues, se rapportent à nous et nous appartiennent, la vérité de la doctrine peut, sous ce rapport, appartenir à la vertu dont nous nous occupons, ainsi que toute autre vérité par laquelle on manifeste, au moyen de ses paroles ou de ses actes, ce que l’on connaît.

 

Mais c’est le contraire. Cicéron (De invent., liv. 2) met la vérité au nombre des parties de la justice.

 

Conclusion La vérité est une partie de la justice, selon qu’elle lui est annexée comme une vertu secondaire à une vertu principale.

Il faut répondre que, comme nous l’avons dit (quest. 80), par là même qu’une vertu est annexée à la justice comme une chose secondaire à une chose principale, elle se confond en partie avec elle, et elle reste en partie au-dessous de la perfection de son essence. Or, la vertu de la vérité a deux choses qui lui sont communes avec la justice. 1° Elle se rapporte comme elle à autrui. Car la manifestation, qui est, comme nous l’avons dit, l’acte de la vérité, se rapporte à autrui, en ce sens qu’un homme manifeste à un autre les choses qui le concernent. 2° La justice établit dans les choses une certaine égalité, et c’est ce que fait aussi la vertu de la vérité. Car elle rend les signes adéquats aux choses qu’ils expriment. Mais elle reste au-dessous de la raison propre de la justice quant à la nature de ce qui est dû. Car la vérité n’a pas pour objet la dette légale à laquelle la justice se rapporte, mais plutôt une dette morale, dans le sens que c’est par honnêteté qu’un individu doit à un autre la manifestation de la vérité. Par conséquent la vérité est une partie de la justice, en tant qu’elle lui est annexée comme une vertu secondaire à une vertu principale.

 

Article 4 : La vertu de vérité penche-t-elle plutôt vers le moins ?

 

Objection N°1. Il semble que la vertu de la vérité ne penche pas vers le moins. Car, comme on fait une fausseté en disant plus, de même on en fait une en disant moins. En effet, il n’est pas plus faux de dire que quatre font cinq que de dire qu’ils font trois. Or, tout ce qui est faux est mauvais en soi et doit être évité, comme le dit Aristote (Eth., liv. 4, chap. 7). La vérité ne penche donc pas vers le moins plutôt que vers le plus.

 

Objection N°2. Quand une vertu penche plus vers un extrême que vers un autre, ceci résulte de ce que le milieu de la vertu est plus rapproché de cet extrême que de l’autre ; comme la force est plus près de l’audace que de la timidité. Or, le milieu de la vérité n’est pas plus près d’un extrême que d’un autre ; parce que la vérité, étant une certaine égalité, elle consiste dans un milieu qui est un point. Elle ne penche donc pas plutôt vers le moins.

 

Objection N°3. Celui qui nie la vérité paraît s’en écarter en moins, puisqu’il lui retire quelque chose ; au lieu que celui qui y ajoute paraît s’en écarter en plus. Or, celui qui nie la vérité lui est plus contraire que celui qui y ajoute ; parce que la vérité n’est pas compatible avec sa propre négation, tandis qu’elle l’est avec ce qu’on y ajoute. Il semble donc que la vérité doive plutôt pencher vers le plus que vers le moins.

 

Mais c’est le contraire. Aristote dit (Eth., liv. 4, chap. 7) que, d’après cette vertu, on s’éloigne du vrai plutôt en moins.

Conclusion Il appartient à la vertu de la vérité de pencher vers le moins en affirmant, c’est-à-dire de dire de soi moins de bien qu’il n’y en a en réalité ; mais il ne lui appartient pas de pencher ainsi vers le moins en niant, c’est-à-dire de nier le bien qu’on possède en soi véritablement.

Il faut répondre que la vérité peut pencher vers le moins de deux manières : 1° en affirmant, comme quand on ne manifeste pas tout le bien qui est en soi, par exemple, la science, la sainteté ou toute autre qualité ; ce qui se fait sans préjudice pour la vérité, parce que le moins est renfermé dans le plus (Ainsi celui qui jeûne toute l’année peut dire qu’il jeûne pendant le carême.). La vertu penche de cette manière vers le moins. Car, comme le dit Aristote (ibid.), il y a en cela de la prudence, parce que tout ce qui est exagéré déplaît. En effet, ceux qui se donnent des qualités qu’ils n’ont pas sont à charge aux autres, comme s’ils voulaient les surpasser, au lieu que les hommes qui s’abaissent leur sont agréables, comme s’ils voulaient par leur modestie condescendre à leur faiblesse. C’est ce qui fait dire à l’Apôtre (2 Cor., 12, 6) : Si je voulais me glorifier, je ne serais pas imprudent, car je dirais la vérité ; mais je me retiens, de peur que quelqu’un ne m’estime au-dessus de ce qu’il voit en moi ou de ce qu’il en entend. 2° On peut pencher vers le moins en niant, de manière qu’on nie l’existence de ce qu’on possède réellement en soi. De cette manière, il n’appartient pas à la vertu de la vérité de pencher vers le moins, parce que ce serait tomber dans le faux (Par exemple, celui qui jeûne ou qui prie constamment ne pourrait pas dire, sans mentir, qu’il ne jeûne ou qu’il ne prie point du tout.). Toutefois cet acte serait moins contraire à la vérité, considérée, non d’après sa propre nature, mais d’après la nature de la prudence que l’on doit sauvegarder dans toutes les vertus. Car il répugne plus à la prudence, parce que c’est une chose plus dangereuse et plus onéreuse pour les autres, de penser ou de dire qu’on a ce qu’on n’a pas, que de penser ou de dire qu’on n’a pas ce qu’on a.

La réponse aux objections est par là même évidente.

 

Copyleft. Traduction de l’abbé Claude-Joseph Drioux et de JesusMarie.com qui autorise toute personne à copier et à rediffuser par tous moyens cette traduction française. La Somme Théologique de Saint Thomas latin-français en regard avec des notes théologiques, historiques et philologiques, par l’abbé Drioux, chanoine honoraire de Langres, docteur en théologie, à Paris, Librairie Ecclésiastique et Classique d’Eugène Belin, 52, rue de Vaugirard. 1853-1856, 15 vol. in-8°. Ouvrage honoré des encouragements du père Lacordaire o.p. Si par erreur, malgré nos vérifications, il s’était glissé dans ce fichier des phrases non issues de la traduction de l’abbé Drioux ou de la nouvelle traduction effectuée par JesusMarie.com, et relevant du droit d’auteur, merci de nous en informer immédiatement, avec l’email figurant sur la page d’accueil de JesusMarie.com, pour que nous puissions les retirer. JesusMarie.com accorde la plus grande importance au respect de la propriété littéraire et au respect de la loi en général. Aucune évangélisation catholique ne peut être surnaturellement féconde sans respect de la morale catholique et des lois justes.

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