Saint Thomas d ’Aquin - Somme Théologique
2a 2ae = Secunda Secundae
= 2ème partie de la 2ème Partie
Question 134 : De la magnificence
Après
avoir parlé de la magnanimité, nous devons nous occuper de la magnificence et
des vices qui lui sont opposés. — A l’égard de la magnificence il y a quatre
questions : 1° La magnificence est-elle une vertu ? — 2° Est-elle une vertu
spéciale ? — 3° Quelle est sa matière ? — 4° Est-elle une partie de la force ?
Article 1 : La
magnificence est-elle une vertu ?
Objection
N°1. Il semble que la magnificence ne soit pas
une vertu. En effet celui qui a une vertu les a toutes, comme nous l’avons vu (1a
2æ, quest. 65, art. 1). Or, on peut avoir les autres vertus sans la
magnificence. Car Aristote dit (Eth., liv. 4, chap.
2) que tout libéral n’est pas magnifique. La magnificence n’est donc pas une
vertu.
Réponse à l’objection N°1 :
Le libéral n’est pas toujours magnifique quant à l’acte, parce qu’il n’a pas
les choses dont il faut faire usage nécessairement pour produire un acte de
magnificence. Mais tout homme libéral a l’habitude de la magnificence, ou en
acte, ou d’après une disposition prochaine, comme nous l’avons dit (quest. 129,
art. 3, Réponse N°2, et 1a 2æ, quest. 65, art. 1), en
parlant de la connexion des vertus.
Objection N°2. La vertu morale
consiste dans un milieu, comme on le voit (Eth., liv. 2, chap. 6). Or, la magnificence ne paraît pas consister
dans un milieu, car elle l’emporte sur la libéralité en grandeur ; et le grand
est opposé au petit comme son extrême, leur milieu est égal, comme le dit le
même philosophe (Met., liv. 10, text. 17 à 19). Par conséquent la magnificence ne consiste
pas dans un milieu, mais dans un extrême ; elle n’est donc pas une vertu.
Réponse à l’objection N°2 :
La magnificence consiste dans un extrême, quand on considère l’étendue de ce
qu’elle fait ; mais elle consiste néanmoins dans un milieu, quand on
considère la règle de la raison qu’elle suit sans aller au delà, ni sans rester
en deçà, comme nous l’avons dit à propos de la magnanimité (quest. 129, art. 3,
Réponse N°1).
Objection N°3. Aucune vertu n’est
contraire à l’inclination naturelle, mais elle la perfectionne plutôt, comme
nous l’avons vu (quest. 108, art. 2, et quest. 117, art. 1, Objection N°1). Or,
comme l’observe Aristote (Eth., liv. 4, chap.
2), ce n’est pas pour lui-même que le magnifique fait de grandes dépenses, ce
qui est contraire à l’inclination naturelle par laquelle on songe d’abord à
soi. Par conséquent la magnificence n’est pas une vertu.
Réponse à l’objection N°3 :
Il appartient à la magnificence de faire quelque chose de grand. Mais ce qui
appartient à un individu est peu de chose comparativement à ce qui se rapporte
aux choses divines ou aux biens communs. C’est pourquoi le magnifique ne
cherche pas à faire principalement des dépenses pour ce qui concerne sa propre
personne, non qu’il soit insensible à son propre bien, mais parce que ce bien
n’est pas quelque chose de grand. Si cependant, dans ce qui le regarde, il se
rencontre quelque chose qui ait de la grandeur, il le fait avec pompe. Telles
sont les choses qui n’arrivent qu’une fois, comme les noces ou d’autres fêtes
semblables, et celles qui sont permanentes. C’est ainsi qu’il lui appartient
d’avoir une habitation convenable (La magnificence doit éclater principalement
dans ce que l’on fait pour Dieu ou pour le bien public. Elle doit d’abord
briller dans les églises, les autels, les vases sacrés, puis dans les hôpitaux
et les édifices publics.), comme le dit Aristote (Eth., liv. 4, loc. cit.).
Objection N°4. D’après Aristote (Eth., liv. 6, chap. 4), l’art est la droite
raison des travaux que l’on doit exécuter (factibilium). Or, la magnificence
a pour objet ce que l’on doit faire (factibilia), comme on le voit d’après la nature même de son
nom. Elle est donc plutôt un art qu’une vertu.
Réponse à l’objection N°4 :
Comme le dit Aristote (Eth., liv. 6, chap. 5), il faut que l’art
soit dirigé par une vertu morale qui porte la volonté à en faire un bon usage ;
et c’est ce que fait la magnificence. Elle n’est donc pas un art, mais une
vertu.
Mais c’est le contraire. La vertu
humaine est une participation de la vertu divine. Or, la magnificence
appartient à la vertu divine, d’après ces paroles du Psalmiste (67, 35) : Sa magnificence et sa vertu éclatent dans
les nues. La magnificence est donc une vertu.
Conclusion C’est avec raison
qu’on compte la magnificence parmi les vertus.
Il faut répondre que, comme le
dit Aristote (De cælo,
liv. 1, text. 116), on donne le nom de vertu au
dernier terme auquel une puissance peut arriver. Ce dernier terme ne se
considère pas en moins, mais en plus, et son essence consiste dans la grandeur.
C’est pourquoi il appartient à l’essence de la vertu proprement dite de faire
quelque chose de grand, et c’est de là que la magnificence tire son nom. Elle
est donc une vertu.
Article 2 :
La magnificence est-elle une vertu spéciale ?
Objection
N°1. Il semble que la magnificence ne soit pas
une vertu spéciale. Car il semble qu’il appartienne à la magnificence de faire
quelque chose de grand. Or, il peut convenir à toute vertu, si elle est grande,
de faire quelque chose de grand. Ainsi celui qui a une grande tempérance fait
de grandes actions propres à cette vertu. La magnificence n’est donc pas une
vertu spéciale, mais elle désigne l’état parfait de toutes les vertus.
Réponse à l’objection N°1 :
Il appartient à toute vertu parfaite de faire ce qu’il y a de grand dans son
genre, selon le sens général du mot faire,
mais non dans son sens propre. Et c’est ce dernier sens qui appartient à la
magnificence.
Objection N°2. Il semble qu’il
appartienne à la même vertu de faire une chose et d’y tendre. Or, il appartient
à la magnanimité de tendre à quelque chose de grand, comme nous l’avons dit
(quest. 129, art. 1 et 2). Il lui appartient donc aussi de faire quelque chose
de grand, et par conséquent la magnificence n’est pas une vertu distincte de la
magnanimité.
Réponse à l’objection N°2 :
Il appartient à la magnanimité non seulement de tendre à ce qui est grand, mais
encore de faire ce qu’il y a de noble et de grand dans chaque genre de vertu,
sous le rapport de la morale ou de l’art, comme le dit Aristote (Eth., liv. 4, chap. 3). Toutefois la
magnanimité n’a pour objet une chose qu’en raison de sa grandeur, tandis que
les autres vertus qui font de grandes actions, quand elles sont parfaites,
n’ont pas principalement en vue ce qu’il y a de grand, mais plutôt ce qui est
propre à chacune d’elles. La grandeur n’est qu’une conséquence de leur étendue.
Quanta la magnificence, il lui appartient non seulement de faire quelque chose
de grand, selon le sens propre du mot faire,
mais encore d’y tendre par la pensée. C’est ce qui fait dire à Cicéron (De invent., liv. 2) que la
magnificence consiste à projeter et à réaliser de grandes choses que l’on
entreprend dans une haute et noble pensée. Le mot projeter se rapporte à l’intention intérieure, et le mot réaliser à l’exécution extérieure. Par
conséquent, comme la magnanimité tend à faire quelque chose de grand en tout
genre, de même la magnificence y tend dans les objets d’art (Ainsi la
magnificence diffère de la magnanimité, comme l’espèce diffère du genre. La
magnanimité tend au grand en toutes choses, au lieu que la magnificence n’y
tend que dans une matière spéciale et déterminée, c’est-à-dire dans les choses
que l’homme peut faire.).
Objection N°3. La magnificence
paraît appartenir à la sainteté, car il est dit (Ex., 15, 11) que le Seigneur est magnifique de sainteté, et ailleurs (Ps. 95, 6) : La sainteté et
la magnificence sont dans son sanctuaire. Or, la sainteté est la même chose
que la religion, comme nous l’avons vu (quest. 81, art. 8). La magnificence
paraît donc être la même chose que la religion, et par conséquent elle n’est
pas une vertu spéciale distincte des autres.
Réponse à l’objection N°3 :
La magnificence tend à faire de grandes œuvres. Or, les œuvres que les hommes
font se rapportent à une fin. Les œuvres humaines ne peuvent pas avoir une fin
plus relevée que la gloire de Dieu. C’est pourquoi la magnificence rapporte
principalement à cette fin tout ce qu’elle fait de grand. Aussi Aristote dit (Eth., liv. 4, chap. 2) que les dépenses les
plus honorables sont celles qui se rapportent aux sacrifices divins, et c’est
par là que le magnifique cherche principalement à se distinguer. C’est ce qui
fait que la magnificence est unie à la sainteté, parce que son effet principal
se rapporte à la religion ou à la sainteté.
Mais c’est le contraire. Aristote
la met au nombre des autres vertus particulières (Eth., liv. 2, chap. 7, et liv. 4, chap. 2).
Conclusion La magnificence selon
qu’elle se rapporte exclusivement à la matière extérieure dont elle fait
quelque chose de grand et d’éclatant, est une vertu spéciale ; mais selon
qu’elle se rapporte à toute matière intérieure aussi bien qu’extérieure, elle
est une vertu générale plutôt qu’une vertu spéciale.
Il faut répondre qu’il appartient
à la magnificence de faire quelque chose de grand, comme son nom l’indique. Or,
le mot faire peut s’entendre de deux
manières : dans un sens propre et dans un sens général. Au propre, faire, c’est produire quelque chose avec
une autre matière extérieure, comme faire une maison ou quelque autre chose
semblable. En général, le mot faire
se dit de toute espèce d’action, soit qu’elle se rapporte à une matière
extérieure, comme brûler, couper, soit qu’elle reste immanente dans l’agent,
comme comprendre et vouloir. — Si donc la magnificence se prend pour
l’exécution de quelque chose de grand, dans le sens propre du mot faire, elle
est une vertu spéciale. Car l’art produit ce que l’on doit faire
extérieurement, mais dans son application on peut considérer une raison
spéciale de bonté qui consiste en ce que l’œuvre que l’art exécute soit grande,
sous le rapport des dimensions, du prix ou de la beauté, et c’est ce que fait
la magnificence. A ce point de vue elle est une vertu spéciale. — Mais si par
magnificence, on entend faire quelque chose de grand, dans le sens général du
mot faire, dans ce cas elle est une
vertu générale.
Article 3 : Les
grandes dépenses sont-elles la matière de la magnificence ?
Objection
N°1. Il semble que les grandes dépenses ne
soient pas la matière de la magnificence. Car il n’y a pas deux vertus qui
aient la même matière. Or, la libéralité a pour objet la dépense, comme nous
l’avons vu (quest. 117, art. 2). Donc la dépense n’est pas la matière de la
magnificence.
Réponse à l’objection N°1 :
Comme nous l’avons dit (quest. 129, art. 2), les vertus qui ont pour objet les
choses extérieures rencontrent deux sortes de difficulté : l’une qui naît de la
nature même de la chose qui est l’objet de la vertu, et l’autre qui provient de
sa grandeur. C’est pourquoi, à l’égard de l’argent et de son usage, il est
nécessaire qu’il y ait deux vertus : la libéralité, qui se rapporte à l’usage
que l’on doit faire communément de ses richesses (La libéralité a pour objet
les dépenses ordinaires, et la magnificence les grandes dépenses.), et la
magnificence, qui regarde l’usage qu’on en doit faire dans les grandes
circonstances.
Objection N°2. Celui qui est
magnifique est toujours libéral, d’après Aristote (Eth., liv. 4, chap. 2). Or, la libéralité se rapporte plutôt aux dons
qu’à la dépense. Par conséquent il en est de même de la magnificence.
Réponse à l’objection N°2 :
L’usage de l’argent se rapporte au libéral et au magnifique, mais sous des
aspects différents. Car il appartient au libéral, selon qu’il procède de
l’affection déréglée des richesses. C’est pourquoi l’usage légitime de l’argent
qu’un amour modéré des richesses n’empêche pas appartient à la libéralité,
c’est-à-dire qu’elle comprend les dons et les dépenses. Mais l’usage de
l’argent appartient au magnifique quand il s’agit de l’employer pour exécuter
quelque grande entreprise. Cet usage ne peut pas avoir lieu sans de grandes
dépenses.
Objection N°3. Il appartient à la
magnificence de faire quelque chose d’extérieur. Or, toutes les dépenses ne
produisent pas quelque chose d’extérieur, même quand elles sont immenses. Ainsi
on peut faire de grandes dépenses en cadeaux. La dépense n’est donc pas la
matière propre de la magnificence.
Réponse à l’objection N°3 :
Le magnifique fait aussi des présents ou des cadeaux, comme le dit Aristote (loc. cit.), mais non pas à titre de
cadeaux ; il les fait plutôt à titre de dépenses qui ont pour but quelque
grande action ; comme d’honorer quelqu’un ou de faire quelque chose qui
contribue à la gloire d’une cité, comme quand on fait des réjouissances
auxquelles une ville entière prend part (Ou comme les présents qu’on fait à des
princes ou à des ambassadeurs.).
Objection N°4. Il n’y a que les
riches qui puissent faire de grandes dépenses. Or, les pauvres peuvent avoir
toutes les vertus ; parce que les vertus n’ont pas besoin nécessairement de la
fortune extérieure, mais elles se suffisent, comme le dit Sénèque (De irâ, liv. 1,
chap. 9, et Lib. de vitâ
beatâ, chap. 16). La magnificence n’a donc pas
pour objet les grandes dépenses.
Réponse à l’objection N°4 :
L’acte principal de la vertu est le sentiment intérieur que l’on peut avoir
sans posséder extérieurement des biens qui y répondent. De cette manière le
pauvre peut être magnifique. Mais pour produire certains actes extérieurs de
vertu, il faut les biens de la fortune qui en sont comme les instruments. En ce
sens le pauvre ne peut pas faire des actes extérieurs de magnificence qui aient
pour objet des choses absolument grandes. Mais il peut en faire avec des choses
qui ont une grandeur relative. Car quoiqu’une chose soit petite en elle-même,
elle peut cependant être exécutée magnifiquement dans son genre ; puisque la
grandeur et la petitesse sont des expressions relatives, comme le dit Aristote
(Prædicam,
chap. Ad aliquid).
Mais c’est le contraire. Aristote
dit (Eth., liv. 4, chap. 2) que la magnificence
ne s’étend pas à toutes les opérations pécuniaires, comme la libéralité, mais
elle a seulement pour objet les opérations somptueuses, dans lesquelles elle
l’emporte sur la libéralité par la grandeur. Elle a donc seulement pour objet
les grandes dépenses.
Conclusion La magnificence n’a
pas seulement pour matière les grandes dépenses, mais encore l’argent et
l’amour de l’argent qu’elle règle pour qu’il n’empêche pas de dépenser
beaucoup.
Il faut répondre qu’il appartient
à la magnificence, comme nous l’avons dit (art. préc.),
de se proposer de faire quelque chose de grand. Or, pour faire convenablement
de grandes choses, il faut des dépenses en proportion, car les grandes choses
ne peuvent se faire qu’avec de grandes dépenses. Par conséquent il appartient à
la magnificence de faire de grandes dépenses pour exécuter convenablement une
grande entreprise. C’est ce qui fait dire à Aristote (loc. cit.) que le magnifique fait une œuvre digne de lui du moment
qu’il y a égalité de proportion entre la dépense et le résultat. Or, la dépense
est une émission d’argent dont on peut être détourné si l’on est excessivement
attaché aux écus. C’est pourquoi on peut dire que la magnificence a pour
matière la dépense que le magnifique consacre à la réalisation de ses grands
desseins, et l’argent dont il se sert pour couvrir ces grandes dépenses, et
l’amour de l’argent qu’il modère, pour qu’il ne l’empêche pas de les faire.
Article 4 : La
magnificence est-elle une partie de la force ?
Objection
N°1. Il semble que la magnificence ne soit pas
une partie de la force. Car la magnificence a pour objet la même matière que la
libéralité, comme nous l’avons dit (art. préc.). Or,
la libéralité n’est pas une partie de la force, mais de la justice. La
magnificence n’est donc pas une partie de la force.
Réponse à l’objection N°1 :
La justice se rapporte aux opérations considérées en elles-mêmes, selon qu’on
les considère au point de vue de ce qui est dû ; au lieu que la libéralité et
la magnificence considèrent les dépenses selon qu’elles se rapportent aux
passions de l’âme ; mais elles ne le font pas de la même manière. Car la
libéralité a pour objet les dépenses considérées relativement à l’amour et au
désir de l’argent, qui sont des passions du concupiscible ; elle les règle pour
qu’on fasse les cadeaux et les dépenses que l’on doit faire. Par conséquent,
cette vertu réside dans le concupiscible. Quant à la magnificence elle a pour
objet les dépenses selon qu’elles se rapportent à l’espérance. Elle ne tend pas
à ce qu’il y a de difficile d’une manière absolue, comme la magnanimité, mais
elle le fait dans une matière déterminée qui est la dépense. D’où il paraît que
la magnificence existe dans l’irascible, comme la magnanimité (Mais elles
diffèrent entre elles, parce que la magnificence ne se rapporte qu’à la
dépense, au lieu que la magnanimité embrasse toutes choses sans avoir une
matière déterminée.).
Objection N°2. La force a pour
objet la crainte et l’audace. Or, la magnificence ne paraît nullement se
rapporter à la crainte, mais seulement à la dépense qui est une opération. Il
semble donc qu’elle appartienne plutôt à la justice qui a pour objet les
opérations qu’à la force.
Réponse à l’objection N°2 :
La magnificence, quoiqu’elle n’ait pas la même matière que la force, se
rapporte cependant à sa matière propre dans les mêmes conditions qu’elle ;
car elle tend à ce qui est difficile sous le rapport de la dépense, et la force
à ce qui est difficile sous le rapport de la crainte.
Objection N°3. Aristote dit (Eth., liv. 4, chap. 2) que le magnifique a
quelque chose du savant. Or, la science a plus d’affinité avec la prudence
qu’avec la force. On ne doit donc pas faire de la magnificence une partie de la
force.
Réponse à l’objection N°3 :
La magnificence rapporte l’usage de l’art à quelque chose de grand, comme nous
l’avons dit (dans le corps de cet article et art. préc.).
Or, l’art existe dans la raison. C’est pourquoi il appartient au magnifique de
faire un bon usage de la raison en proportionnant ses dépenses à l’œuvre qu’il
doit faire. L’intervention de la raison est nécessaire à cause de la grandeur
des dépenses et de l’entreprise ; parce que si on n’y apportait pas beaucoup
d’attention, on serait exposé aux pertes les plus graves.
Mais c’est le contraire. Cicéron
(De invent., liv. 2),
Macrobe (liv. i in Somn.
Scip., chap. 8 circ. med.) et
Andronic font de la magnificence une partie de la force.
Conclusion La magnificence n’est
pas une partie subjective de la force, mais c’est une partie qui fui est unie, comme une vertu secondaire à une vertu principale.
Il faut répondre que la magnificence, considérée comme
vertu spéciale, ne peut pas être appelée une partie subjective de la force,
puisqu’elle n’a pas la même matière qu’elle ; mais elle est une de ses parties
dans le sens qu’elle lui est adjointe, comme une vertu secondaire l’est à une
vertu principale. En effet, pour qu’une vertu soit unie à une vertu principale,
il faut deux choses, comme nous l’avons dit (quest. 80 et 128) : la première,
c’est que la vertu secondaire ait quelque chose de commun avec la vertu
principale, la seconde c’est que celle-ci lui soit supérieure sous quelque
rapport. Or, la magnificence s’accorde avec la force en ce qu’elle tend, comme
elle, à quelque chose d’ardu et de difficile ; d’où il résulte qu’elle existe
dans l’irascible, comme la force elle-même. Mais elle reste au-dessous d’elle
en ce que la chose ardue qui est le but de la force présente une difficulté qui
provient du danger que l’on court personnellement ; au lieu que la chose
difficile à laquelle tend la magnificence n’offre d’autre embarras que la
question d’argent qui est beaucoup moins grave que le danger de mort. C’est
pourquoi on fait de la magnificence une partie de la force.
Copyleft. Traduction
de l’abbé Claude-Joseph Drioux et de JesusMarie.com qui autorise toute personne à copier et à rediffuser par
tous moyens cette traduction française. La Somme Théologique de Saint Thomas
latin-français en regard avec des notes théologiques, historiques et
philologiques, par l’abbé Drioux, chanoine honoraire de Langres, docteur en
théologie, à Paris, Librairie Ecclésiastique et Classique d’Eugène Belin, 52,
rue de Vaugirard. 1853-1856, 15 vol. in-8°. Ouvrage honoré des
encouragements du père Lacordaire o.p. Si par erreur, malgré nos vérifications,
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l’abbé Drioux ou de la nouvelle traduction effectuée par JesusMarie.com, et
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