Saint Thomas d ’Aquin - Somme Théologique
2a 2ae = Secunda Secundae
= 2ème partie de la 2ème Partie
Question 183 : Des offices et des divers états des hommes en général
Après avoir parlé
des différentes vies, nous avons à nous occuper de la diversité des états, et
des offices parmi les hommes. — Nous considérerons : 1° les offices et les
états des hommes en générai ; 2° l’état de ceux qui sont parfaits en
particulier. — Sur la première de ces deux considérations il y a quatre
questions à examiner : 1° Ce qui produit un état parmi les hommes. — 2° S’il
doit y avoir dans les hommes différents états ou différents offices ? (Le
concile de Trente fait voir que la force de l’Eglise résulte précisément de
cette multiplicité, qui se montre dans son unité (sess. 23, chap. 4), et il
anathématise ceux qui ne reconnaissent pas l’ordre hiérarchique (can. 6) : Si quis dixerit, in Ecclesiâ
catholicâ non esse hierarchiam
divinâ ordinatione institutam, quæ constat ex episcopis,
presbyteris et ministris,
anathema sit.) — 3° De la différence des offices. — 4° De la différence des
états.
Article 1 : L’état
implique-t-il dans son essence la condition de la liberté ou de la servitude ?
Objection N°1. Il semble que
l’état n’implique pas dans son essence la condition de la liberté ou de la
servitude. Car le mot status
vient du verbe stare, se tenir
debout. On dit que quelqu’un se tient debout en raison de ce qu’il est droit ;
d’où le prophète dit (Ez., 2, 1) : Fils de l’homme, tiens-toi sur tes pieds, et saint Grégoire observe
(Mor., liv. 7, chap. 17) qu’ils
perdent toute droiture ceux que des paroles funestes font tomber. Or, l’homme
acquiert la droiture spirituelle par là même qu’il soumet sa volonté à Dieu.
C’est pourquoi à l’occasion de ces paroles du Psalmiste (Ps. 32) : Rectos decet collaudatio, la glose
dit (ord. Aug.)
: Ils sont droits ceux qui dirigent leur cœur conformément à la volonté divine.
Il semble donc que l’obéissance aux préceptes de Dieu suffise à elle seule pour
constituer un état.
Réponse à l’objection N°1 : La rectitude, considérée comme
telle, n’appartient pas à l’essence de l’état, mais seulement en tant qu’elle
est naturelle à l’homme et qu’elle se trouve jointe à un certain repos. C’est
pourquoi à l’égard des animaux on n’exige pas qu’ils soient droits pour dire
qu’ils ont un état, et on ne dit pas non plus que les hommes en ont un, quelque
droits qu’ils soient (Ainsi l’obéissance, qui rend l’homme droit dans ses
actions, ne constitue un état qu’à la condition d’être rendue immuable par un
vœu.), s’ils ne sont en repos.
Objection N°2. Le mot d’état semble impliquer l’immobilité,
d’après ces paroles de saint Paul (1 Cor.,
15, 58) : Soyez stables et immobiles. D’où
saint Grégoire dit (Sup. Ezech., hom. 21) : C’est une
pierre carrée qui peut se poser (statum habere) de
toutes faces, et qui ne tombe pas en changeant de côtés. Or, la vertu est la
puissance qui nous fait agir d’une manière immuable, d’après Aristote (Eth., liv. 2, chap. 1 et 2). Il semble donc
que toute action vertueuse mène à un état.
Réponse à l’objection N°2 : L’immobilité ne suffit pas à
l’essence de l’état (Mais il faut que la rectitude se joigne à l’immobilité.) ;
car celui qui est assis ou couché est en repos, cependant on ne dit pas qu’il a
un état, qu’il se tient debout (stare).
Objection N°3. Le mot d’état (status) paraît se rapporter à la
hauteur ; car un individu se tient debout (stat)
par là même qu’il s’élève en haut. Or, la diversité des offices fait qu’on est
plus élevé qu’un autre ; de même, au moyen des degrés ou des ordres différents,
les hommes ont une élévation diverse. La diversité des degrés, des ordres ou
des offices suffit donc à elle seule pour varier les états.
Réponse à l’objection N°3 : L’office se dit par rapport à
l’acte ; et le degré selon l’ordre de supériorité et d’infériorité. Mais l’état
requiert l’immobilité en ce qui appartient à la condition de la personne (C’est
pour ce motif que l’office et le degré ne font pas changer l’état.).
Mais c’est le contraire. D’après le droit (Decr.
2, quest. 6, chap. 40), si l’on est interpellé dans une cause capitale ou dans
une cause d’Etat, on doit agir non par procureur, mais par soi-même. Par cause
d’Etat on entend là ce qui appartient à la liberté ou à la servitude. Il semble
donc qu’il n’y a que ce qui appartient à la liberté ou à la servitude qui
change l’état de l’homme.
Conclusion L’état appartient proprement à la liberté ou à la
servitude, soit dans les choses spirituelles, soit dans les choses civiles,
selon la condition de la personne.
Il faut répondre que l’état, à proprement parler, signifie une
différence de position, d’après laquelle une chose est disposée ou établie
selon le mode de sa nature en quelque sorte d’une manière fixe et immobile. En
effet, il est naturel à l’homme d’avoir la tète élevée, de mettre ses pieds sur
la terre, et de disposer dans l’ordre qui convient tous les membres
intermédiaires ; ce qui n’a pas lieu quand il est couché, ou assis, ou penché,
mais seulement quand il se tient debout : et on ne dit pas qu’il se tient
debout, quand il marche, mais quand il est en repos. D’où il suit que dans les
actions humaines elles-mêmes, on dit qu’une affaire a un état, quand elle est
selon l’ordre de la disposition qui lui est propre et qu’elle se trouve dans le
repos ou l’immobilité. Par conséquent, à l’égard des hommes, les choses qui
changent facilement et qui sont extrinsèques ne constituent pas un état ; comme
d’être riche ou pauvre, d’être élevé en dignité ou d’être plébéien, ou toute
autre distinction semblable. C’est pourquoi il est dit dans le droit civil (liv.
Cassius et suiv. ff. de senatorib.)
que l’on ravit plutôt une dignité qu’un état à celui qui est exclu du sénat.
Mais il semble que l’état de l’homme ne comprenne que ce qui regarde
l’obligation personnelle, c’est-à-dire selon qu’on est maître de soi, ou qu’on
dépend du pouvoir d’autrui ; et qu’il en est ainsi non par suite d’une cause
légère ou facilement changeante, mais par l’effet de quelque chose de permanent
; et c’est ce qui appartient à l’essence de la liberté ou de la servitude.
Ainsi l’état appartient proprement à la liberté ou à la servitude, soit dans
les choses spirituelles, soit dans les choses civiles.
Article 2 : Dans
l’Eglise doit-il y avoir une diversité d’offices ou d’états ?
Objection N°1. Il semble que
dans l’Eglise il ne doive pas y avoir diversité d’offices ou d’états. Car la
diversité répugne à l’unité. Or, les fidèles sont appelés à l’unité du Christ,
d’après ces paroles de saint Jean (17, 21) : Pour qu’ils soient un en nous, comme nous sommes un. Il ne doit
donc pas y avoir dans l’Eglise diversité d’offices ou d’états.
Réponse à l’objection N°1 : La diversité des états et des
offices n’empêche pas l’unité de l’Eglise, qui est rendue parfaite par l’unité
de foi, de charité et de secours mutuel, d’après ce passage de saint Paul (Eph., 4, 16) : Tout son corps est compact, ce qui est l’effet de la foi, bien lié dans toutes ses parties, ce qui
résulte de la charité, par les liens
d’une communication réciproque, ce qui fait que l’un est utile à l’autre.
Objection N°2. La nature ne fait pas par plusieurs ce qu’elle peut
faire par un seul. Or, l’opération de la grâce est beaucoup plus parfaitement
ordonnée que celle de la nature. Par conséquent, il serait plus convenable que
ce qui appartient aux actes de la grâce fût administré par les mêmes hommes, de
telle sorte qu’il n’y eût pas dans l’Eglise une diversité d’offices et d’états.
Réponse à l’objection N°2 : Comme la nature ne produit pas
par plusieurs ce qu’elle peut produire par un seul ; de même elle ne réunit pas
non plus en une seule chose ce qui exige le concours de plusieurs, d’après
cette pensée de l’Apôtre (1 Cor., 12,
17) : Si tout le corps était œil où
serait l’ouïe ? Par conséquent dans l’Eglise, qui est le corps du Christ,
il a fallu aussi que les membres fussent divers selon la diversité des offices,
des états et des rangs.
Objection N°3. Le bien de l’Eglise paraît surtout consister dans
la paix, d’après ces paroles du Psalmiste (Ps.
147, 3) : C’est lui qui a établi la paix
dans vos frontières, et d’après ce passage de saint Paul (2 Cor., 13, 12) : Ayez la paix, et le Dieu de paix sera avec vous. Or, la diversité
empêche la paix que la ressemblance paraît produire, d’après ces paroles de
l’Ecriture (Ecclésiastique, 13, 19) :
Tout animal aime son semblable. Et
Aristote observe aussi (Pol., liv. 5,
chap. 4) que la moindre différence produit des dissensions. Il semble donc qu’il
ne doive pas y avoir diversité d’états et d’offices dans l’Eglise.
Réponse à l’objection N°3 : Comme dans le corps naturel les
divers membres sont unis par la vertu de l’esprit qui les vivifie et qu’ils se
séparent dès que cet esprit les quitte ; de même dans le corps de l’Eglise la
paix des divers membres est conservée par la vertu de l’Esprit-Saint, qui
vivifie le corps de l’Eglise, comme on le voit (Jean, chap. 6). D’où l’Apôtre
dit (Eph., 4, 3) : Ayez soin de conserver l’unité de l’esprit par le lien de la paix.
Mais on s’éloigne de cette unité d’esprit, quand on cherche ses intérêts
propres ; comme dans un état temporel la paix est détruite du moment que chaque
citoyen ne songe qu’à lui. Autrement la distinction des offices et des états
est plutôt un moyen de conserver la paix aussi bien dans l’âme que dans la
société, parce que par là il y en a un plus grand nombre qui prennent part aux
actes publics (Ils sont ainsi plus disposés à les respecter, parce qu’ils les
considèrent comme leurs œuvres.). C’est pourquoi l’Apôtre dit (1 Cor., 12, 24) : Dieu a tout réglé en nous de manière qu’il n’y ait point de division
dans le corps, mais que tous les membres aient également soin les uns des
autres.
Mais c’est le contraire. Il est dit, à la louange de l’Eglise (Ps. 44), qu’elle est entourée d’ornements divers, et la glose
remarque à cette occasion (ord. Cassiod.) que ce sont la
doctrine des apôtres, le courage des martyrs, la pureté des vierges et les
larmes des pénitents, qui forment les ornements de la reine, c’est-à-dire de
l’Eglise.
Conclusion Il a été convenable pour la perfection et la beauté de
l’Eglise de Dieu que les charges des divers offices et des divers états fussent
distribuées aux différentes personnes, selon que l’exige la multiplicité des actions
qui s’opèrent nécessairement en elle.
Il faut répondre que la diversité des états et des offices dans
l’Eglise tient à trois choses : 1° à la perfection de l’Eglise elle-même. Car,
comme dans l’ordre naturel la perfection qui se trouve en Dieu d’une manière
simple et uniforme, ne peut se rencontrer dans l’universalité des créatures que
d’une manière multiple et sous des formes différentes, de même la plénitude de
la grâce, qui est concentrée dans le Christ comme dans le chef, rejaillit sur
ses membres de différentes manières, pour que le corps de l’Eglise soit
parfait. C’est ce qu’exprime l’Apôtre (Eph, 4, 2) : Il a
donné à son Eglise les uns pour être apôtres, d’autres pour être prophètes,
d’autres pour être évangélistes, d’autres pour être pasteurs et docteurs, afin
qu’ils travaillent à la perfection des saints. 2° Elle a pour cause la
diversité des actions qui sont nécessaires dans l’Eglise. Or, il faut que l’on
emploie des hommes différents pour des actions différentes, afin que tout se
fasse plus promptement et sans confusion. C’est encore ce que dit saint Paul (Rom., 12, 4) : Comme dans un seul corps nous avons plusieurs membres, et que tous ces
membres n’ont pas la même fonction ; ainsi, quel que soit notre nombre, nous ne
sommes qu’un corps en Jésus-Christ. 3° Cette diversité appartient à la
dignité et à la beauté de l’Eglise, qui consiste dans un certain ordre. D’où il
est dit (3 Rois, 10, 5) : Que la reine de Saba voyant toute la sagesse
de Salomon, les appartements de ses officiers, les classes diverses de ceux qui
le servaient, fut tout hors d’elle-même. C’est aussi ce qui fait dire à
l’Apôtre (2 Tim., 2, 20) que dans une grande maison il n’y a pas
seulement des vases d’or et d’argent, mais encore des vases de bois et
d’argile.
Article 3 : Les
offices se distinguent-ils par les actes ?
Objection N°1. Il semble que
les offices ne se distinguent pas par les actes. Car les actes humains sont
d’une diversité infinie aussi bien dans l’ordre spirituel que dans l’ordre
temporel. Or, ce qui est infini n’est pas susceptible d’une distinction
positive. On ne peut donc pas distinguer d’une manière certaine les offices par
la diversité des actes.
Réponse à l’objection N°1 : La diversité
matérielle des actes humains est infinie ; ce n’est pas d’après elle qu’on
distingue les offices, mais c’est d’après la diversité formelle qui se
considère suivant les différentes espèces d’actes, et d’après laquelle les
actes de l’homme ne sont pas infinis.
Objection N°2. La vie active et la vie contemplative se
distinguent d’après les actes, comme nous l’avons dit (quest. 179, art. 1). Or,
la distinction des offices paraît autre que celle des vies. Les offices ne se
distinguent donc pas par les actes.
Réponse à l’objection N°2 : La vie se dit dans un sens absolu
: c’est pourquoi la diversité des vies se considère d’après les divers actes
qui conviennent à l’homme considéré en lui-même. Mais le mot faire, d’où vient le mot d’office, comme nous l’avons dit (in arg. Sed cont.), implique une action qui tend
vers une autre chose, selon la remarque d’Aristote (Met., liv. 9, text. 16). C’est pourquoi
les offices se distinguent proprement d’après les actes qui se rapportent aux
autres. C’est ainsi qu’on dit qu’un docteur ou qu’un juge ou tout autre a un
office. C’est ce qui fait dire à saint Isidore (loc. sup. cit.) que l’office consiste à faire des choses qui ne
nuisent à personne, mais qui soient utiles à tout le monde.
Objection N°3. Il semble qu’on distingue par les actes les ordres,
même les ordres ecclésiastiques, les états et les degrés. Si donc les offices
se distinguent par les actes, il semble en résulter que la distinction des
offices, des degrés et des états est la même. Or, cela est faux, puisqu’ils se
divisent diversement en plusieurs parties. Par conséquent il semble que les
offices ne se distinguent pas par les actes.
Réponse à l’objection N°3 : La diversité des états, des
offices et des degrés se prend à différents points de vue, comme nous l’avons
dit (art. 1, Réponse N°3). Cependant il arrive que ces trois choses se
rencontrent dans le même individu ; comme quand quelqu’un est destiné à un acte
plus élevé ; il a simultanément par là même un office et un degré et il a de
plus l’état de perfection que suppose la sublimité de son acte ; c’est ce qui
est évident pour un évêque. Quant aux ordres ecclésiastiques ils se distinguent
spécialement d’après leurs divers offices. Car saint Isidore dit (Etym., liv. 6) : Il y a plusieurs genres
d’offices ; mais le principal est celui qui a pour objet les choses sacrées et
divines.
Mais c’est le contraire. Saint Isidore dit (Etym., liv. 6, chap. 18) que le mot office vient du verbe efficere (faire),
comme s’il y avait efficium,
et que par élégance on a changé la première lettre de ce mot. Or, faire appartient à l’action. On
distingue donc les offices par les actes.
Conclusion La diversité des offices change selon la diversité des
actions.
Il faut répondre que, comme nous l’avons dit (art. préc.), la diversité dans les membres de l’Eglise se
rapporte à trois choses : à la perfection, à l’action et à la beauté, et à ce
triple point de vue on peut distinguer trois sortes de diversité parmi les
fidèles. L’une se rapporte à la perfection, et c’est sur elle que repose la
différence des états, selon qu’il y en a qui sont plus parfaits que d’autres.
Une autre se considère par rapport à l’action, et c’est la distinction des
offices ; car on dit que ceux qui sont destinés à des actions différentes
occupent divers emplois. Enfin il yen a une autre qui regarde l’ordre de la
beauté ecclésiastique, et c’est de là que vient la différence des degrés,
d’après laquelle dans le même état ou dans le même office l’un est supérieur à
l’autre. D’où le Psalmiste dit (Ps.
47, 3, Interpret. 70) : Dieu sera connu dans ses degrés (Cet ordre est l’ordre hiérarchique
d’après lequel on distingue dans le même état des degrés plus ou moins élevés.
C’est ainsi que dans le clergé il y a les
évêques, les prêtres et les ministres.).
Objection
N°1. Il semble que la différence des états ne
se considère pas d’après ceux qui commencent, qui progressent et qui sont
parfaits. Car dans les divers genres on ne distingue pas les espèces de la même
manière. Or, on divise les degrés de la charité selon la différence qu’il y a
entre le commencement, le progrès et la perfection, comme nous l’avons vu
(quest. 24, art. 9) en traitant de cette vertu. Il semble donc que l’on ne
doive pas considérer ainsi la différence des états.
Réponse à l’objection N°1 :
L’affranchissement du péché est l’effet de la
charité qui est répandue dans nos cœurs par l’Esprit-Saint qui nous a été
donné, selon l’expression de saint Paul (Rom., chap. 5). Et c’est ce qui lui fait dire (2 Cor., 3, 17) : Où est
l’esprit du Seigneur, là est la liberté. C’est pourquoi la charité se
divise comme les états qui appartiennent à la liberté spirituelle.
Objection N°2. L’état, comme nous
l’avons dit (art. 1), se rapporte à la condition de la servitude ou de la
liberté, à laquelle la différence de ceux qui commencent, qui profitent et qui
sont parfaits ne paraît pas appartenir. C’est donc à tort qu’on divise l’état
de ces trois manières.
Réponse à l’objection N°2 :
Ceux qui commencent, qui progressent et qui sont parfaits, selon qu’ils sont
ainsi divisés en divers états, reçoivent le nom d’hommes non d’après toute
espèce d’occupation, mais d’après le zèle qu’ils ont pour les choses qui
appartiennent à la liberté ou à la servitude spirituelle, comme nous l’avons
dit (dans le corps de cet article, et art. 1).
Objection N°3. Ceux qui
commencent, qui progressent et qui sont parfaits paraissent être distingués
selon le plus et le moins, ce qui semble appartenir plutôt à
la nature du degré. Or, la division des degrés et des états n’est pas la même,
comme nous l’avons dit (art. 2 et 3 préc.). Il n’est
donc pas convenable d’appliquer à l’état cette triple distinction.
Réponse à l’objection N°3 :
Comme nous l’avons vu (art. préc., Réponse N°3), rien n’empêche que le degré et l’état ne se
trouvent dans le même individu. Car dans les choses du siècle ceux qui sont
libres, sont non-seulement d’un autre état que les esclaves, mais ils sont
encore d’un degré plus élevé.
Mais c’est le contraire. Saint
Grégoire dit (Mor., liv. 24, chap. 7)
: Il y a trois modes de conversion, le commencement, le milieu et la
perfection. Et ailleurs il observe (Sup. Ezech., hom. 15) qu’autre
chose est le commencement de la vertu, autre chose le progrès et autre chose la
perfection.
Conclusion L’état de servitude ou
de liberté spirituelle se distingue d’après ceux qui commencent, qui
progressent et qui sont parfaits.
Il faut répondre que, comme nous l’avons dit (art. 1),
l’état se rapporte à la liberté ou à la servitude. Or, il y a dans les choses
spirituelles deux sortes de servitude et deux sortes de liberté : l’une est la
servitude du péché et l’autre la servitude de la justice. De même il y a aussi
deux sortes de liberté : l’une est la liberté du mal et l’autre la liberté du
bien, comme on le voit par ces paroles de l’Apôtre (Rom., 6, 20) : Lorsque vous
étiez esclaves du péché, vous avez été libres à l’égard de la justice ; mais
maintenant que vous êtes affranchis du péché, vous êtes devenus esclaves de
Dieu. — Or, on est esclave du péché ou de la justice quand on est porté au
mal par l’habitude du péché ou quand on est porté au bien par l’habitude de la
justice. De même on est affranchi du péché, quand on n’est pas vaincu par
l’inclination mauvaise ; et on est affranchi de la justice quand on n’est pas
éloigné du mal par l’amour de cette vertu. Cependant comme l’homme est porté à
la justice conformément à sa raison naturelle, au lieu que le péché lui est
contraire, il s’ensuit que l’affranchissement du péché est la vraie liberté.
Cette liberté est jointe à la servitude de la justice parce que par ces deux
choses l’homme tend à ce qui lui convient. De même la véritable servitude est
la servitude du péché auquel est joint l’affranchissement de la justice, parce
que l’homme est empêché par là de faire ce qui lui est propre. — Il dépend de
l’homme de se rendre l’esclave de la justice ou du péché, comme le dit l’Apôtre
(ibid.) : Ne savez-vous pas que, peu importe de qui vous vous soyez rendus
esclaves pour lui obéir, vous demeurez esclaves de celui à qui vous obéissez,
soit du péché pour y trouver la mort, soit de l’obéissance pour y trouver la
justice. Or, en toute occupation humaine il y a un principe, un milieu et
une fin. C’est pourquoi on divise de cette manière l’état de la servitude ou de
la liberté spirituelle, de manière que c’est au principe que se rapporte l’état
de ceux qui commencent, au milieu l’état de ceux qui progressent, et à la fin
l’état de ceux qui sont parfaits.
Copyleft. Traduction
de l’abbé Claude-Joseph Drioux et de JesusMarie.com qui autorise toute personne à copier et à rediffuser par
tous moyens cette traduction française. La Somme Théologique de Saint Thomas
latin-français en regard avec des notes théologiques, historiques et
philologiques, par l’abbé Drioux, chanoine honoraire de Langres, docteur en
théologie, à Paris, Librairie Ecclésiastique et Classique d’Eugène Belin, 52,
rue de Vaugirard. 1853-1856, 15 vol. in-8°. Ouvrage honoré des
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