Saint Thomas d’Aquin - Somme Théologique

3a = Tertia Pars = 3ème partie

Question 24 : De la prédestination du Christ

 

            Après avoir parlé de l’adoption du Christ, nous devons nous occuper de sa prédestination. — A ce sujet quatre questions se présentent : 1° Le Christ a-t-il été prédestiné ? (Cet article a pour objet d’expliquer ce passage de saint Paul (Rom., 1, 4) : Qui a été prédestiné comme Fils de Dieu avec puissance, selon l’esprit de sainteté, etc.) — 2° A-t-il été prédestiné comme homme ? (Cette proposition est vraie si, par le nom d’homme, on entend la nature humaine.) — 3° Sa prédestination est-elle le modèle de la nôtre ? (Cet article est l’explication de ces paroles de l’Apôtre (Rom., 8, 29) : Car ceux qu’il a connus par sa prescience, il les a aussi prédestinés à devenir conformes à l’image de son Fils, afin qu’il se fût lui-même le premier-né entre des frères nombreux ; (Philipp., 3, 20-21) : Nous attendons comme sauveur notre Seigneur Jésus-Christ, qui transformera notre corps d’humiliation, en le rendant semblable à son corps glorieux.) — 4° En est-elle la cause ? (Dans toute l’Ecriture et dans toute la tradition, le Christ est considéré comme la cause de notre prédestination, en ce sens que c’est par lui seul que nous pouvons être sauvés. Voyez le concile de Trente, sess. 6, chap. 2, 5, 6, 7, 11, 14, 16, etc.)

 

Article 1 : Convient-il au Christ d’être prédestiné ?

 

Objection N°1. Il semble qu’il ne convienne pas au Christ d’être prédestiné. Car la prédestination paraît avoir pour terme l’adoption, d’après saint Paul qui dit (Eph., 1, 5) : Il nous a prédestinés pour être ses enfants adoptifs. Or, il ne convient pas au Christ d’être un enfant adoptif, comme nous l’avons dit (quest. préc.). Il ne lui convient donc pas non plus d’être prédestiné.

Réponse à l’objection N°1 : Saint Paul parle en cet endroit de la prédestination par laquelle nous sommes prédestinés pour être les fils adoptifs de Dieu. Mais comme le Christ est le Fils naturel de Dieu d’une manière particulière qui n’appartient à aucune autre, de même il est aussi prédestiné d’une façon toute singulière.

 

Objection N°2. Dans le Christ il y a deux choses à considérer, la nature humaine et la personne. Or, on ne peut pas dire qu’il soit prédestiné en raison de la nature humaine, car il est faux de dire que la nature humaine est le fils de Dieu. On ne peut pas le dire non plus en raison de la personne ; parce que cette personne n’est pas le fils de Dieu par grâce, mais par nature, comme nous l’avons vu (1a pars, quest. 23, art. 1 et 5). Le Christ n’a donc pas été prédestiné pour être le Fils de Dieu.

Réponse à l’objection N°2 : Comme le dit la glose (ord. sup. illud : Qui prædestinatus est Filius), il y en a qui ont prétendu que la prédestination devait s’entendre de la nature et non de la personne, parce que c’est à la nature humaine qu’a été accordée la grâce d’être unie au Fils de Dieu dans l’unité de la personne. Mais d’après cela l’expression de l’Apôtre serait impropre, pour deux motifs : 1° Pour une raison générale ; car nous ne disons pas que la nature de quelqu’un est prédestinée, mais le suppôt ; parce qu’être prédestiné, c’est être dirigé vers le salut ; ce qui appartient au suppôt qui agit (D’après l’axiome : Actiones sunt suppositorum.) en vue de la béatitude. 2° Pour une raison spéciale : parce qu’il ne convient pas à la nature humaine d’être le fils dé Dieu. Car il est faux de dire : La nature humaine est le fils de Dieu, à moins que par hasard, en forçant le sens, on ne veuille dire que ces paroles : Qui a été prédestiné pour être le fils de Dieu dans une souveraine puissance, ne signifient qu’il a été prédestiné pour que la nature humaine fût unie au Fils de Dieu en personne. Il faut donc que la prédestination soit attribuée à la personne du Christ, non par rapport à elle-même ou selon qu’elle subsiste dans la nature divine, mais selon qu’elle subsiste dans la nature humaine. C’est pourquoi après avoir dit : Qui est né selon la chair de la race de David, l’Apôtre ajoute : Qui a été prédestiné pour être le Fils de Dieu selon la puissance (C’est-à-dire pour qu’il eût la puissance et la majesté du Fils véritable et naturel de Dieu.), pour nous faire comprendre que, selon qu’il est né de la race de David quant à la chair, il a été prédestiné pour être le Fils de Dieu dans la puissance. Car quoiqu’il soit naturel à cette personne considérée en elle-même d’être le Fils de Dieu dans sa puissance, cependant cela ne lui est pas naturel selon la nature humaine d’après laquelle ce titre lui convient par la grâce d’union.

 

Objection N°3. Comme ce qui a été fait n’a pas toujours existé, il en est de même de ce qui est prédestiné, parce que la prédestination suppose une certaine antériorité. Or, parce que le Christ a toujours été Dieu et Fils de Dieu, on ne dit pas dans un sens propre que cet homme a été fait le fils de Dieu. Pour la même raison on ne doit donc pas dire que le Christ a été prédestiné pour être le Fils de Dieu.

Réponse à l’objection N°3 : Origène (Sup. hanc epist. ad Rom., chap. 1) dit que la lettre de ce passage est ainsi conçue : Qui destinatus est Filius Dei in virtute, de sorte qu’il ne désigne pas d’antériorité (Ce sentiment est celui de plusieurs autres Pères grecs, entre autres de saint Chrysostome et de Théophilacte. Mais saint Thomas a eu raison de s’attacher à l’interprétation de saint Augustin, comme il l’a fait.), et par conséquent il n’offre pas de difficulté. D’autres rapportent l’antériorité qui est désignée par le participe prédestiné, non pas à la prérogative d’être le Fils de Dieu, mais à sa manifestation, selon la manière ordinaire de s’exprimer dans les saintes Ecritures, où l’on dit que les choses sont faites quand elles sont connues, de sorte que le sens de ce passage c’est que le Christ a été prédestiné pour être manifesté comme étant le Fils de Dieu. Mais ce n’est pas ainsi que la prédestination se prend dans son sens propre. Car on dit que quelqu’un est proprement prédestiné selon qu’il est dirigé vers la fin de la béatitude. Or, la béatitude du Christ ne dépend pas de notre connaissance. C’est pourquoi il vaut mieux dire que cette antériorité qu’implique le mot prédestiné ne se rapporte pas à la personne en elle-même, mais à la personne en raison de la nature humaine ; parce que cette personne, quoiqu’elle ait été de toute éternité le Fils de Dieu, cependant le Fils de Dieu n’a pas toujours été subsistant dans la nature humaine. D’où saint Augustin dit (Lib. de prædest. sanct., chap. 15) : Jésus a été prédestiné, pour que celui qui devait être le fils de David selon la chair, fût le Fils de Dieu en puissance. Et il est à remarquer que quoique le participe prédestiné implique une antériorité, comme le participe fait, ce n’est cependant pas dans le même sens. Car il appartient à une chose d’être faite, selon qu’elle existe en elle-même au lieu qu’il appartient à quelqu’un d’être prédestiné, selon qu’il existe dans la pensée de celui qui le prédestine. Or, ce qui appartient à une forme et à une nature selon la réalité peut être considéré ou selon qu’il existe dans cette forme ou d’une manière absolue. Comme il ne convient pas absolument à la personne du Christ d’avoir commencé d’être le Fils de Dieu, tandis que cela lui convient selon qu’on la conçoit comme existant dans la nature humaine (En raison du nouveau mode d’être qu’elle a pris.), parce qu’il est arrivé un temps où le Fils de Dieu a commencé d’être existant dans la nature humaine ; il s’ensuit que cette proposition : Le Christ a été prédestiné Fils de Dieu, est plus vraie que celle-ci : Le Christ a été fait Fils de Dieu (D’après Billuart, le mot prédestiné s’entend du sujet pris formellement ; c’est pourquoi il peut se dire du Christ, selon qu’il subsiste en deux natures ; au lieu que le mot fait s’entend du sujet pris matériellement, et il ne pourrait se dire du Christ qu’en se rapportant à la personne ; ce qui rend cette expression fausse.).

 

Mais c’est le contraire. L’Apôtre dit en parlant du Christ (Rom., 1, 4) : Qu’il a été prédestiné pour être le Fils de Dieu dans une souveraine puissance.

 

Conclusion Quoique l’union des natures dans la personne du Christ se soit faite dans le temps, cependant parce qu’elle a été préalablement ordonnée de toute éternité, on doit avouer que le Christ a été prédestiné.

Il faut répondre que, comme on le voit d’après ce que nous avons dit (1a pars, quest. 23, art. 1 et 5), la prédestination proprement dite est une préordination divine qui existe de toute éternité à l’égard des choses qui doivent être faites dans le temps par la grâce de Dieu. Ainsi la grâce d’union a opéré dans le temps le mystère par lequel l’homme est Dieu et Dieu est homme. On ne peut pas dire que Dieu n’a pas établi à l’avance de toute éternité que ce fait aurait lieu dans le temps ; parce qu’il en résulterait que l’entendement divin aurait appris quelque chose de nouveau. C’est pourquoi il faut dire que l’union même des natures dans la personne du Christ tombe sous la prédestination éternelle de Dieu, et que c’est en raison de cela qu’on dit que le Christ est prédestiné.

 

Article 2 : Cette proposition est-elle fausse : Le Christ, comme homme, a été prédestiné pour être le Fils de Dieu ?

 

Objection N°1. Il semble que cette proposition soit fausse : Le Christ, comme homme, a été prédestiné pour être le Fils de Dieu. Car chacun est dans un temps ce qu’il a été prédestiné d’être, parce que la prédestination de Dieu est infaillible. Si donc le Christ, comme homme, a été prédestiné pour être le Fils de Dieu, il semble s’ensuivre qu’il soit le Fils de Dieu, comme homme. Le conséquent étant faux, l’antécédent l’est aussi.

Réponse à l’objection N°1 : Quand on dit : Le Christ, comme homme, a été prédestiné pour être le Fils de Dieu, cette détermination, comme homme, peut être rapportée à l’acte signifié par le participe de deux manières : 1° De la part de ce qui tombe matériellement (C’est-à-dire de l’homme qui subsiste en Jésus-Christ. On ne peut l’entendre ainsi, parce que le suppôt dans le Christ n’étant rien autre chose que la personne divine, et la personne divine étant éternelle, il n’est pas possible qu’elle soit prédestinée.) sous la prédestination, et dans ce sens elle est fausse. Car elle signifie qu’il a été prédestiné que le Christ, comme homme, soit le Fils de Dieu. Et c’est ainsi que l’entend l’objection. 2° Elle peut être rapportée à la raison propre de l’acte, selon que la prédestination implique dans son essence une antériorité et un effet gratuit. De cette manière elle convient au Christ en raison de la nature humaine, comme nous l’avons dit (dans le corps de cet article.). C’est dans ce sens qu’on dit qu’il a été prédestiné comme homme.

 

Objection N°2. Ce qui convient au Christ comme homme, convient à tout autre homme, parce qu’il est de la même espèce que nous. Si donc le Christ, comme homme, a été prédestiné pour être le Fils de Dieu, il s’ensuivrait que cela convient à tout homme. Le conséquent étant faux, l’antécédent l’est aussi.

Réponse à l’objection N°2 : Une chose peut convenir à un homme, en raison de la nature humaine, de deux manières : 1° Elle peut lui convenir de telle sorte que la nature humaine en soit la cause, comme la faculté de rire convient à Socrate en raison de la nature humaine des principes de laquelle elle découle. De la sorte il ne convient ni au Christ, ni à aucun homme d’être prédestiné en raison de la nature humaine, et c’est le sens sur lequel repose l’objection. 2° On dit qu’une chose convient à quelqu’un en raison de la nature humaine, selon que la nature humaine en est susceptible (Ainsi la nature humaine n’a pas été la cause efficiente de la prédestination ; elle s’y est seulement prêtée par son aptitude.). C’est ainsi que nous disons que le Christ a été prédestiné en raison de la nature humaine ; parce que la prédestination se rapporte à l’exaltation de la nature humaine en lui, comme nous l’avons dit (dans le corps de cet article.).

 

Objection N°3. Ce qui doit être fait un jour dans le temps est prédestiné de toute éternité. Or, cette proposition : Le Fils de Dieu s’est fait homme, est plus vraie que celle-ci : L’homme a été fait fils de Dieu, comme nous l’avons vu (quest. 16, art. 6 et 7). Par conséquent cette proposition : Le Christ, selon qu’il est Fils de Dieu, a été prédestiné pour être homme, est plus vraie que celle-ci : Le Christ, comme homme, a été prédestiné pour être le Fils de Dieu.

Réponse à l’objection N°3 : Comme le dit saint Augustin (loc. cit.), l’incarnation du Verbe a eu pour effet merveilleux que le Fils de Dieu a été à la fois le fils de l’homme, qu’on l’a appelé véritablement et proprement le fils de l’homme à cause de la nature humaine qu’il a prise, et le fils de Dieu à cause du Fils unique de Dieu qui a pris cette même nature. C’est pourquoi l’acte de l’Incarnation étant l’objet de la prédestination, selon qu’il est un effet de la grâce, on peut dire l’un et l’autre ; c’est que le Fils de Dieu a été prédestiné pour être homme, et le fils de l’homme a été prédestiné pour être le Fils de Dieu. Mais comme ce n’est pas une grâce qui a été faite au Fils de Dieu d’être homme, mais qu’elle a plutôt été faite à la nature humaine pour être unie au Fils de Dieu, on peut dire que le Christ, comme homme, a été prédestiné pour être le Fils de Dieu, dans un sens plus propre qu’on ne dit que le Christ, selon qu’il est le Fils de Dieu, a été prédestiné pour être homme.

 

Mais c’est le contraire. Saint Augustin dit (Lib. de prædest. sanct., chap. 15) : Nous disons que le Seigneur de la gloire a été prédestiné en tant que l’homme est devenu le Fils de Dieu.

 

Conclusion Puisque la nature humaine n’a pas toujours été unie au Verbe de Dieu et que cet avantage lui a été conféré par la grâce, le Fils de Dieu a été prédestiné par rapport à elle.

Il faut répondre que dans la prédestination on peut considérer deux choses : 1° L’une se rapporte à la prédestination éternelle elle-même, et sous ce rapport elle implique une certaine antériorité par rapport à ce qui est l’objet de la prédestination. 2° On peut considérer la prédestination relativement à son effet temporel, qui est un don gratuit de Dieu. On doit donc dire que sous ces deux rapports on attribue la prédestination au Christ en raison de la nature humaine toute seule. Car cette nature n’a pas toujours été unie au Verbe, et il lui a été donné par la grâce d’être unie au Fils de Dieu en personne. C’est pourquoi la prédestination ne convient au Christ qu’en raison de la nature humaine. D’où saint Augustin dit (loc. cit.) : L’élévation à laquelle la nature humaine a été prédestinée est si haute qu’il n’y avait pas lieu de la faire monter à un degré supérieur. Et comme nous disons que ce qui convient à quelqu’un en raison de sa nature humaine lui convient comme homme, il s’ensuit qu’il faut dire que le Christ, comme homme, a été prédestiné pour être le Fils de Dieu.

 

Article 3 : La prédestination du Christ est-elle le modèle de la nôtre ?

 

 Objection N°1. Il semble que la prédestination du Christ ne soit pas le modèle de la nôtre. Car le modèle préexiste avant ce qui doit le reproduire. Or, rien ne préexiste de toute éternité. Par conséquent puisque notre prédestination est éternelle, il semble que celle du Christ ne soit pas le type de la nôtre.

Réponse à l’objection N°1 : Cette raison se rapporte à l’acte de celui qui prédestine.

 

Objection N°2. Le modèle mène à la connaissance de ce qui l’imite. Or, Dieu n’a pas dû être conduit à la connaissance de notre prédestination par quelque autre chose, puisqu’il est dit (Rom., 8, 29) : Il a prédestiné ceux qu’il a connus à l’avance. La prédestination du Christ n’est donc pas le modèle de la nôtre.

Réponse à l’objection N°2 : De même que pour la première.

 

Objection N°3. Le modèle est conforme à la copie. Or, la prédestination du Christ parait être d’une autre nature que la nôtre ; parce que nous sommes prédestinés pour être des enfants d’adoption, tandis que le Christ a été prédestiné pour être le Fils de Dieu dans sa puissance, selon l’expression de saint Paul (Rom., 1, 4). Sa prédestination n’est donc pas le modèle de la nôtre.

Réponse à l’objection N°3 : Il n’est pas nécessaire que la copie soit conforme à l’original de tous points ; mais il suffit qu’elle le reproduise de quelque manière.

 

Mais c’est le contraire. Saint Augustin dit (Lib. de prædest. sanct., chap. 15) : que la lumière la plus éclatante de la prédestination et de la grâce, c’est le Sauveur, le médiateur entre Dieu et les hommes, Jésus-Christ, l’homme-Dieu. Or, on dit qu’il est la lumière de la prédestination et de la grâce, en tant qu’il manifeste notre prédestination par la sienne, ce qui paraît appartenir à la nature du modèle. Donc la prédestination du Christ est le type de la nôtre.

 

Conclusion La prédestination du Christ n’a pas été le modèle de la nôtre selon l’acte de celui qui prédestine, mais quant au terme de la prédestination.

Il faut répondre qu’on peut considérer la prédestination de deux manières : 1° Selon l’acte de celui qui prédestine. La prédestination du Christ ne peut pas être appelée de la sorte le modèle de la nôtre ; car Dieu nous a prédestinés et il a prédestiné le Christ d’une seule et même manière et par un même acte éternel (Comme en Dieu il n’y a qu’un seul et même acte, on ne peut pas supposer qu’un acte est produit par un autre.). 2° On peut considérer la prédestination selon l’objet auquel on est prédestiné ; ce qui est le terme et l’effet de la prédestination. A cet égard la prédestination du Christ est le modèle de la nôtre ; et cela de deux manières : 1° Quant au bien auquel nous sommes prédestinés. Car il a été prédestiné pour être le Fils naturel de Dieu, et nous sommes prédestinés à la filiation adoptive, qui est une participation ou une ressemblance de la filiation naturelle. D’où saint Paul dit (Rom., 8, 29) : Ceux qu’il a connus d’avance, il les a prédestinés pour être conformes à l’image de son Fils. 2° Quant au mode d’obtenir ce bien qui s’acquiert par la grâce ; ce qui est très manifeste pour le Christ, parce que la nature humaine a été unie en lui au Fils de Dieu sans aucun mérite antérieur (Ainsi la prédestination du Christ a de l’analogie avec la nôtre, mais elle en diffère cependant, quant au terme et quant au mode. Car le Christ est le fils naturel de Dieu et nous ne sommes que ses enfants adoptifs : aucuns mérites n’ont précédé ceux du Christ, tandis que les siens ont précédé les nôtres.), et que nous avons tous reçu de la plénitude de sa grâce, selon l’expression de saint Jean (Jean, 1, 16).

 

Article 4 : La prédestination du Christ est-elle cause de la nôtre ?

 

Objection N°1 : Il semble que la prédestination du Christ ne soit pas cause de la nôtre. Car ce qui est éternel n’a pas de cause. Or, notre prédestination est éternelle. La prédestination du Christ n’est donc pas cause de la nôtre.

Réponse à l’objection N°1 : Ce raisonnement s’appuie sur la prédestination considérée selon l’acte de celui qui prédestine.

 

Objection N°2. Ce qui dépend de la simple volonté de Dieu n’a pas une autre cause que sa volonté. Or, notre prédestination dépend de la simple volonté de Dieu. Car saint Paul dit (Eph., 1, 11) : Nous avons été prédestinés par le dessein de celui qui fait toutes choses selon le conseil de sa volonté. La prédestination du Christ n’est donc pas la cause de la nôtre.

Réponse à l’objection N°2 : De même que pour la première.

 

Objection N°3. La cause étant enlevée, l’effet l’est aussi. Or, la prédestination du Christ étant écartée, la nôtre ne l’est pas ; parce que quand même le Fils de Dieu ne se serait pas incarné, il était possible qu’il y eut un autre moyen de nous sauver, d’après saint Augustin (De Trin., liv. 13, chap. 10). La prédestination du Christ n’est donc pas la cause de la nôtre.

Réponse à l’objection N°3 : Si le Christ n’eût pas dû s’incarner, Dieu aurait préordonné les hommes au salut par une autre cause. Mais, parce qu’il a préordonné l’incarnation du Christ, il a simultanément préordonné qu’elle serait la cause de notre salut.

 

Mais c’est le contraire. Saint Paul dit (Eph., 1, 5) : Nous avons été prédestinés par Jésus-Christ pour être ses enfants adoptifs.

 

Conclusion La prédestination du Christ n’a pas été cause de la nôtre quant à l’acte de celui qui prédestine, mais selon le terme de la prédestination.

Il faut répondre que si l’on considère la prédestination selon son acte même, la prédestination du Christ n’est pas cause de la nôtre, puisque c’est par un seul et même acte que Dieu l’a prédestiné et qu’il nous a prédestinés nous-mêmes. Mais si l’on considère la prédestination selon son terme, alors la prédestination du Christ est la cause de la nôtre. En effet Dieu a préordonné notre salut en prédestinant de toute éternité qu’il s’accomplirait par Jésus- Christ. Car la prédestination éternelle embrasse non seulement ce qui doit être fait dans le temps, mais encore le mode et l’ordre d’après lequel il doit s’accomplir.

 

Copyleft. Traduction de l’abbé Claude-Joseph Drioux et de JesusMarie.com qui autorise toute personne à copier et à rediffuser par tous moyens cette traduction française. La Somme Théologique de Saint Thomas latin-français en regard avec des notes théologiques, historiques et philologiques, par l’abbé Drioux, chanoine honoraire de Langres, docteur en théologie, à Paris, Librairie Ecclésiastique et Classique d’Eugène Belin, 52, rue de Vaugirard. 1853-1856, 15 vol. in-8°. Ouvrage honoré des encouragements du père Lacordaire o.p. Si par erreur, malgré nos vérifications, il s’était glissé dans ce fichier des phrases non issues de la traduction de l’abbé Drioux ou de la nouvelle traduction effectuée par JesusMarie.com, et relevant du droit d’auteur, merci de nous en informer immédiatement, avec l’email figurant sur la page d’accueil de JesusMarie.com, pour que nous puissions les retirer. JesusMarie.com accorde la plus grande importance au respect de la propriété littéraire et au respect de la loi en général. Aucune évangélisation catholique ne peut être surnaturellement féconde sans respect de la morale catholique et des lois justes.

 

 

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