Saint Thomas d’Aquin - Somme Théologique

3a = Tertia Pars = 3ème partie

Question 34 : De la perfection de l’enfant qui a été conçu

 

            Nous devons ensuite considérer la perfection de l’enfant qui a été conçu. — A cet égard quatre questions se présentent : 1° Le Christ a-t-il été sanctifié par la grâce au premier instant de la conception ? — 2° A-t-il eu l’usage du libre arbitre dans le même instant ? — 3° A-t-il pu mériter au même instant ? — 4° A-t-il vu pleinement l’essence divine ?

 

Article 1 : Le Christ a-t-il été sanctifié par la grâce au premier instant de sa conception ?

 

Objection N°1. Il semble que le Christ n’ait pas été sanctifié dans le premier instant de sa conception. Car l’Apôtre dit (1 Cor., 15, 46) : Ce n’est pas le corps spirituel qui a été formé le premier, mais ça été le corps animal et ensuite le corps spirituel. Or, la sanctification de la grâce appartient à ce qui est spirituel. Le Christ n’a donc pas perçu immédiatement dès le commencement de sa conception la grâce sanctifiante, mais après un certain espace de temps.

Réponse à l’objection N°1 : Cet ordre que l’Apôtre établit en cet endroit se rapporte à ceux qui parviennent à l’état spirituel en progressant. Mais dans le mystère de l’Incarnation on considère plutôt la plénitude divine qui descend dans la nature humaine, que le progrès de la nature humaine qu’on envisagerait comme une chose préexistante qui s’élève vers Dieu. C’est pourquoi dans le Christ, considéré comme homme, la spiritualité a été parfaite dès le commencement.

 

Objection N°2. La sanctification paraît être la purification du péché, d’après ces paroles de saint Paul (1 Cor., 6, 2) : Vous avez été autrefois des pécheurs, mais vous avez été lavés, vous avez été sanctifiés. Or, le péché n’a jamais existé dans le Christ. Il ne lui a donc pas convenu d’être sanctifié par la grâce.

Réponse à l’objection N°2 : Etre sanctifié c’est devenir saint. Or, on devient une chose quelconque, non seulement en partant de son contraire, mais encore de ce qui lui est opposé négativement ou privativement. C’est ainsi qu’on devient blanc en partant du noir ou de ce qui n’est pas blanc. Pour nous, de pécheurs que nous sommes, nous devenons saints. Et ainsi notre sanctification consiste à nous délivrer du péché. Mais le Christ, comme homme, est devenu saint, parce qu’il n’a pas eu toujours cette sainteté de la grâce. Cependant il n’est pas devenu saint de pécheur qu’il était, parce que le péché n’a jamais été en lui ; mais il est devenu saint, après ne l’avoir pas été comme homme, non d’une manière privative, c’est-à-dire de telle sorte qu’il ait été homme un jour sans avoir été saint ; mais d’une manière négative, c’est-à-dire parce que quand il n’a pas été homme, il n’a pas eu la sainteté humaine. C’est pourquoi il s’est fait tout à la fois homme et saint. C’est ce qui fait dire à l’ange (Luc, chap. 1) : Le saint qui naîtra de vous ; ce que saint Grégoire explique en disant (Mor., liv. 18, chap. 27) : Il affirme que Jésus naitra saint pour distinguer sa sainteté de la nôtre ; car pour nous, si nous devenons saints, nous ne naissons cependant pas tels, parce que nous sommes astreints à la condition de notre nature corruptible. Il n’y a que celui qui n’a pas été conçu par l’union charnelle qui soit né véritablement saint.

 

Objection N°3. Comme par le Verbe de Dieu toutes les choses ont été faites, de même tous les hommes qui sont saints ont été sanctifiés par le Verbe incarné, d’après ces paroles de saint Paul (Héb., 2, 11) : C’est lui qui sanctifie, et ceux qui sont sanctifiés le sont tous par lui seul. Or, le Verbe de Dieu, par lequel toutes les choses ont été faites, n’a pas été fait, comme le dit saint Augustin (De Trin., liv. 1, chap. 6). Le Christ, par lequel tous les hommes sont sanctifiés, ne l’a donc pas été.

Réponse à l’objection N°3 : Le Père crée par le Fils d’une autre manière que la Trinité tout entière produit la sanctification des hommes par le Christ, comme homme. Car le Verbe de Dieu a la même vertu et la même opération que Dieu le Père. Par conséquent le Père n’opère pas par le Fils, comme par un instrument qui meut, parce qu’il est mû, au lieu que l’humanité du Christ est comme l’instrument de la divinité, ainsi que nous l’avons dit (quest. 13, art. 3). C’est pourquoi elle est sanctifiante et sanctifiée.

 

Mais c’est le contraire. L’Ecriture dit (Luc, 1, 35) : Le fruit saint qui naîtra de vous sera appelé le Fils de Dieu. Et ailleurs (Jean, 10, 36) : Le Père l’a sanctifié et l’a envoyé dans le monde.

 

Conclusion Puisque le corps du Christ a été animé et qu’il a été pris par le Verbe de Dieu au premier instant de sa conception, il a eu nécessairement au même instant la plénitude de toutes les grâces par laquelle son âme et sou corps ont été sanctifiés.

Il faut répondre que, comme nous l’avons dit (quest. 7, art. 1), l’abondance de la grâce qui sanctifie l’âme du Christ découle de l’union même du Verbe, d’après ces paroles de l’Evangile (Jean, 1, 14) : Nous avons vu sa gloire qui est comme la gloire du Fils unique du Père, plein de grâce et de vérité. Or, nous avons montré (quest. préc.) que dans le premier instant de sa conception le corps du Christ a été animé et pris par le Verbe de Dieu. D’où il suit que le Christ a eu dans le premier instant de sa conception la plénitude de la grâce qui sanctifie son âme et son corps.

 

Article 2 : Le Christ a-t-il eu l’usage du libre arbitre dès le premier instant de sa conception ?

 

Objection N°1. Il semble que le Christ comme homme n’ait pas eu l’usage de son libre arbitre dès le premier instant de sa conception. Car l’être d’une chose existe avant son action ou son opération. Or, l’usage du libre arbitre est une opération. Par conséquent, puisque l’âme du Christ a commencé d’être dans le premier instant de sa conception, comme on le voit d’après ce que nous avons dit (art. préc.), il semble impossible qu’il ait eu dès lors l’usage de son libre arbitre.

Réponse à l’objection N°1 : L’être existe naturellement avant l’action ; cependant il n’est pas avant d’une priorité de temps, mais quand l’agent a un être parfait, son action commence simultanément avec son être, à moins qu’il n’y ait quelque obstacle. Ainsi quand le feu est produit, il commence tout à la fois à échauffer et à éclairer. Mais l’échauffement n’est pas produit instantanément, il lui faut une succession de temps ; au lieu que l’illumination est parfaite instantanément. L’usage du libre arbitre est une opération de ce genre, comme nous l’avons dit (dans le corps de cet article.).

 

Objection N°2. L’usage du libre arbitre est l’élection. Or, l’élection présuppose la délibération du conseil. Car Aristote dit (Eth., liv. 3, chap. 3) que l’élection appartient à l’appétit conseillé à l’avance. Il semble donc impossible que dans le premier instant de sa conception le Christ ait eu l’usage de son libre arbitre.

Réponse à l’objection N°2 : Quand le conseil ou la délibération est terminée, l’élection peut avoir lieu simultanément. Mais ceux qui ont besoin de consulter et de délibérer, une fois leur délibération terminée, ils sont d’abord certains à l’égard des choses qu’ils doivent choisir. C’est pour cela qu’ils ne les choisissent pas immédiatement (Parce qu’il faut avant tout qu’ils acquièrent cette certitude.). D’où il est évident que la délibération du conseil n’est préalablement exigée pour l’élection que parce qu’on recherche ce dont on n’est pas certain. Mais, comme le Christ a eu dans le premier instant de sa conception la plénitude de la grâce sanctifiante, de même il a eu la plénitude de la connaissance de la vérité, d’après cette parole de saint Jean (Jean, 1, 14) : Il était plein de grâce et de vérité. Ainsi, parce qu’il était certain de toutes choses, il a donc pu choisir immédiatement et d’une manière instantanée.

 

Objection N°3. Le libre arbitre est la faculté de la volonté et de la raison, comme nous l’avons vu (1a pars, quest. 83, art. 3), et par conséquent l’usage du libre arbitre est l’acte de la volonté et de la raison ou de l’intellect. Or, l’acte de l’intellect présuppose l’acte des sens qui ne peut avoir lieu sans la disposition convenable d’organes qui ne paraissent pas avoir existe dans le premier instant de la conception du Christ. Il semble donc que le Christ n’ait pas pu avoir l’usage du libre arbitre dans le premier instant de sa conception.

Réponse à l’objection N°3 : L’intellect du Christ pouvait comprendre d’après la science infuse, même sans faire usage des images sensibles, comme nous l’avons vu (quest. 11, art. 1 ad 2, et art. 2). L’opération de la volonté et de l’intellect pouvait donc exister en lui sans l’opération des sens. Cependant il a pu avoir dès le premier instant de sa conception l’opération des sens, surtout pour ce qui regarde le sens du tact. Par ce sens l’enfant conçu sent dans la mère, avant d’avoir une âme raisonnable, comme le dit Aristote (De gen. anim., liv. 2, chap. 3 et chap. 4). Ainsi puisque le Christ a eu dans le premier instant de sa conception une âme raisonnable, son corps étant déjà formé et organisé, à plus forte raison dans le même instant pouvait-il opérer par le tact.

 

Mais c’est le contraire. Saint Augustin dit (Lib. Trin., id. hab. Greg. in Regist., liv. 9, ep. 61) : Dès que le Verbe est entré dans le sein de la Vierge, tout en conservant la vérité de sa propre nature, il s’est fait chair et homme parfait. Or, un homme parfait a l’usage de son libre arbitre. Le Christ a donc eu dès le premier instant de sa conception l’usage du libre arbitre.

 

Conclusion Puisque le Christ, au premier instant de sa conception, a eu une âme parfaite, ii a eu au même instant l’usage de son libre arbitre.

Il faut répondre que, comme nous l’avons dit (quest. 7, art. 12, et quest. 19, art. 3, et quest. 33, art. 3, Réponse N°3), la perfection spirituelle convient à la nature humaine que le Christ a prise ; il n’y a pas fait de progrès, mais il l’a eue immédiatement dès le commencement. Quant à la perfection dernière, elle ne consiste pas dans la puissance ou l’habitude, elle ne consiste que dans l’opération. D’où Aristote dit (De anima, liv. 2, text. 5) que l’opération est un acte second (Il ne répugne pas que l’âme du Christ ait passé d’un acte second à un autre ou d’une opération à une autre opération, mais il répugne qu’elle ait passé de l’acte premier à l’acte second successivement, c’est-à-dire de la puissance à l’acte, parce que cela supposerait qu’elle a été imparfaite pendant un temps.). C’est pourquoi il faut dire que le Christ dans le premier instant de sa conception a eu les opérations de l’âme qu’on peut avoir instantanément. Or, telle est l’opération de la volonté et de l’intellect dans laquelle consiste l’usage du libre arbitre. Car tout à coup et instantanément l’opération de l’intellect et de la volonté est rendue parfaite plutôt que la vision corporelle, parce que comprendre, vouloir et sentir n’est pas un mouvement qui soit l’acte d’un être imparfait (qui se perfectionne successivement), mais c’est l’acte d’un être déjà parfait (C’est un acte spirituel qui échappe par là même aux conditions de temps, plutôt que le mouvement corporel), qui est nécessairement successif.), comme on le voit (De anima, liv. 3, text. 28). C’est pourquoi il faut dire que le Christ au premier instant de sa conception a eu l’usage du libre arbitre.

 

Article 3 : Le Christ dans le premier instant de sa conception a-t-il pu mériter ?

 

Objection N°1. Il semble que le Christ dans le premier instant de sa conception n’ait pas pu mériter. Car, comme le libre arbitre se rapporte au mérite, de même il se rapporte au démérite. Or, le diable dans le premier instant de sa création n’a pas pu pécher, comme nous l’avons vu (1a pars, quest. 63, art. 5). L’âme du Christ n’a donc pas pu mériter dans le premier instant de sa création, qui a été le premier instant de sa conception.

Réponse à l’objection N°1 : Le libre arbitre ne se rapporte pas au bien et au mal de la même manière. Car il se rapporte au bien par lui-même et naturellement, au lieu qu’il se rapporte au mal par suite de son imperfection et en dehors de la nature. Or, comme le dit Aristote (De cælo, liv. 2, text. 18), ce qui est en dehors de la nature est postérieur à ce qui lui est conforme ; parce que ce qui est contre le dessein de la nature est une dépravation de ce qui lui est conforme. C’est pourquoi le libre arbitre de la créature peut au premier instant de sa création se porter vers le bien en méritant, mais non se porter vers le mal en péchant, pourvu toutefois que la nature soit intègre (Car quand la nature n’est pas intègre, c’est le contraire qui arrive, comme on le voit par notre nature déchue.).

 

Objection N°2. Ce que l’homme possède dans le premier instant de sa conception paraît lui être naturel, parce que c’est à cela que se termine sa génération naturelle. Or, nous ne méritons que par nos moyens naturels, comme on le voit d’après ce que nous avons dit (1a 2æ, quest. 24, art. 1, Réponse N°3, et 2a 2æ, quest. 158, art. 2, Réponse N°1). Il semble donc que l’usage du libre arbitre que le Christ a eu, comme homme, dans le premier instant de sa conception, n’ait pas été méritoire.

Réponse à l’objection N°2 : Ce que l’homme possède dès le commencement de sa création, selon le cours commun de la nature, lui est naturel. Cependant rien n’empêche qu’une créature au commencement de sa création ne reçoive de Dieu quelque bienfait de la grâce (C’est ainsi que la bienheureuse Vierge a été conçue sans péché.). Et c’est ainsi que l’âme du Christ a reçu au commencement de sa création la grâce par laquelle elle peut mériter, et c’est pour cette raison qu’on dit par analogie que cette grâce est naturelle au Christ, comme on le voit dans saint Augustin (Ench., chap. 40).

 

Objection N°3. Ce que l’on a une fois mérité, on l’a fait sien d’une certaine manière ; et par conséquent il ne semble pas qu’on puisse le mériter de nouveau, parce que personne ne mérite ce qui est à soi. Par conséquent, si le Christ a mérité dans le premier instant de sa conception, il s’ensuit qu’il n’a rien mérité ensuite : ce qui est évidemment faux. Il n’a donc pas mérité alors.

Réponse à l’objection N°3 : Rien n’empêche qu’une chose n’appartienne au même sujet pour des causes différentes. Ainsi le Christ a pu mériter par des actes postérieurs et par ses souffrances la gloire de l’immortalité qu’il a méritée dès le premier instant de sa conception, non pour qu’elle lui fût due davantage (Ainsi, d’après ces principes, le mérite est proportionné à la charité ; la charité du Christ ayant toujours été la même dès le commencement de sa conception jusqu’à sa mort, son mérite a été le même ; en nous, pour qu’il y ait progrès dans le mérite, il faut qu’il y ait progrès dans la charité.), mais pour qu’elle lui fût due à plusieurs titres.

 

Mais c’est le contraire. Saint Grégoire dit (Paterius, Sup. Exod., chap. 40) qu’il n’a pas été possible au Christ de progresser relativement au mérite de l’âme. Or, il aurait pu croître en mérite, s’il n’avait pas mérité dans le premier instant de sa conception. Il a donc alors mérité.

 

Conclusion Puisque le Christ a été sanctifié dans le premier instant de sa conception pour être le sanctificateur des autres, on doit dire qu’il a mérité dans le même instant.

Il faut répondre que, comme nous l’avons dit (art. 1), le Christ a été sanctifié par la grâce dès le premier instant de sa conception. Or, il y a deux sortes de sanctification : celle des adultes qui sont sanctifiés d’après leur acte propre ; et celle des enfants qui ne sont pas sanctifiés d’après leur propre acte de foi, mais d’après la foi de leurs parents ou de l’Eglise. La première sanctification est plus parfaite que la seconde, comme l’acte est plus parfait que l’habitude, et ce qui est par soi plus parfait que ce qui est par un autre. Ainsi la sanctification du Christ ayant été la plus parfaite (parce qu’il a été sanctifié de manière à être le sanctificateur des autres), il s’ensuit qu’il a été sanctifié selon le mouvement propre de son libre arbitre vers Dieu ; et comme ce mouvement du libre arbitre est méritoire, il s’ensuit que le Christ a mérité dès le premier instant de sa conception.

 

Article 4 : Le Christ a-t-il joui de la parfaite vision de Dieu dès le premier instant de sa conception ?

 

Objection N°1. Il semble que le Christ n’ait pas joui de la parfaite vision de Dieu dans le premier instant de sa conception. Car le mérite précède la récompense comme la faute la peine. Or, le Christ a mérité dans le premier instant de sa conception, comme nous l’avons dit (art. préc.). Par conséquent puisque la vision de l’essence divine est la récompense principale (La vision de Dieu est une récompense pour les autres hommes, mais pour le Christ elle n’en était pas une, parce qu’elle découlait de l’union hypostatique de sa nature humaine avec le Verbe de Dieu, et qu’elle n’était pas l’effet d’une de ses opérations, comme le mérite.), il semble que le Christ n’ait pas dû en jouir dans le premier instant de sa conception.

Réponse à l’objection N°1 : Comme nous l’avons dit (quest. 19, art. 3), le Christ n’a pas mérité la gloire de l’âme d’après laquelle on dit qu’il jouit de la béatitude, mais il a mérité la gloire du corps à laquelle il est parvenu par sa passion.

 

Objection N°2. Le Seigneur dit lui-même (Luc, 24, 26) : Il a fallu que le Christ souffrît ces choses et qu’il entrât ainsi dans la gloire. Or, la gloire appartient à l’état de celui qui voit l’essence divine. Le Christ n’a donc pas été dans cet état au premier instant de sa conception, quand il n’avait pas encore souffert sa passion.

 

Objection N°3. Ce qui ne convient ni à l’homme ni à l’ange paraît être propre à Dieu, et par conséquent il ne convient pas au Christ comme homme. Or, il ne convient ni à l’homme, ni à l’ange d’être toujours heureux ; car s’ils avaient été créés tels, ils n’auraient pas péché ensuite. Le Christ comme homme n’a donc pas été heureux au premier instant de sa conception.

Réponse à l’objection N°3 : Le Christ, par là même qu’il a été Dieu et homme, a eu dans son humanité quelque chose de plus que les autres créatures ; ainsi il a été heureux immédiatement dès le commencement.

 

Mais c’est le contraire. Le Psalmiste dit (Ps., 64, 5) : Heureux celui que vous avez choisi et que vous avez pris ; ce qui, d’après la glose (ord. Aug.), se rapporte à la nature humaine du Christ qui a été prise par le Verbe de Dieu pour ne faire qu’une personne avec lui. Or, dans le premier instant de sa conception la nature humaine a été prise par le Verbe de Dieu dans l’unité de la personne. Le Christ a donc joui comme homme de la béatitude dans le premier instant de sa conception.

 

Conclusion Puisque le Christ a reçu la grâce sans mesure dans le premier instant de sa conception, il a joui dès lors de la béatitude en voyant Dieu dans son essence plus clairement que tous les autres.

Il faut répondre que, comme on le voit d’après ce que nous avons dit (art. préc.), il n’a pas été convenable que le Christ reçût dans sa conception la grâce habituelle seule sans l’acte ; car il a reçu la grâce sans mesure, comme nous l’avons vu (quest. 7, art. 9, 10 et 12). Or, la grâce de voyageur étant inférieure à la grâce de celui qui est dans la béatitude, on la reçoit dans une mesure moindre que cette dernière. D’où il est évident que le Christ dès le premier instant de sa conception a reçu une grâce non seulement aussi grande que ceux qui jouissent de la vue de Dieu, mais il a reçu encore une grâce bien supérieure à eux. Et comme cette grâce n’a pas été sans l’acte, il s’ensuit qu’il a joui en acte de la béatitude, en voyant Dieu dans son essence plus clairement que toutes les autres créatures.

La réponse à la seconde objection est par là même évidente.

 

Copyleft. Traduction de l’abbé Claude-Joseph Drioux et de JesusMarie.com qui autorise toute personne à copier et à rediffuser par tous moyens cette traduction française. La Somme Théologique de Saint Thomas latin-français en regard avec des notes théologiques, historiques et philologiques, par l’abbé Drioux, chanoine honoraire de Langres, docteur en théologie, à Paris, Librairie Ecclésiastique et Classique d’Eugène Belin, 52, rue de Vaugirard. 1853-1856, 15 vol. in-8°. Ouvrage honoré des encouragements du père Lacordaire o.p. Si par erreur, malgré nos vérifications, il s’était glissé dans ce fichier des phrases non issues de la traduction de l’abbé Drioux ou de la nouvelle traduction effectuée par JesusMarie.com, et relevant du droit d’auteur, merci de nous en informer immédiatement, avec l’email figurant sur la page d’accueil de JesusMarie.com, pour que nous puissions les retirer. JesusMarie.com accorde la plus grande importance au respect de la propriété littéraire et au respect de la loi en général. Aucune évangélisation catholique ne peut être surnaturellement féconde sans respect de la morale catholique et des lois justes.

 

 

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