Saint Thomas d’Aquin - Somme Théologique

3a = Tertia Pars = 3ème partie

Question 37 : Des prescriptions légales qui ont été observées à l’égard de Jésus enfant

 

            Nous devons nous occuper ensuite de la circoncision du Christ. Et parce que la circoncision est une profession que l’on faisait d’observer la loi, d’après ces paroles de saint Paul (Gal., 5, 3) : Je déclare à tout homme qui se fait circoncire qu’il s’oblige à darder toute la loi ; nous devons simultanément examiner les autres prescriptions légales observées à l’égard de Jésus enfant. — A ce sujet il y a quatre choses à examiner : 1° sa circoncision ; — 2° le nom qui lui a été donné ; — 3° son offrande (Ce mystère paraît l’accomplissement de ces paroles (Malach., 3, 1) : Aussitôt viendra dans son temple le Dominateur que vous cherchez, et l’ange de l’alliance que vous désirez.) ; — 4° la purification de sa mère.

 

Article 1 : Le Christ a-t-il dû être circoncis ?

 

Objection N°1. Il semble que le Christ n’ait pas dû être circoncis. Car la figure cesse quand la vérité arrive. Or, la circoncision a été ordonnée à Abraham en signe de l’alliance qui a été faite an sujet de sa postérité, comme on le voit (Gen., chap. 17). Ce pacte ayant été accompli dans la naissance du Christ, il s’ensuit que la circoncision a dû cesser immédiatement.

Réponse à l’objection N°1 : La circoncision qui se fait par le retranchement du prépuce signifiait l’affranchissement de la génération ancienne dont nous sommes délivrés par la passion du Christ. C’est pourquoi la vérité de cette figure n’a pas été pleinement accomplie dans la naissance du Christ, mais dans sa passion, et auparavant la circoncision conservait toute sa vertu et toute son importance. C’est pour cette raison qu’il a été convenable que le Christ fût circoncis avant sa passion (Ce fut après la passion du Christ que toutes les observances légales cessèrent, d’après ces paroles du concile de Florence : Quemcumque post passionem in legalibus spem promerentem, et illis velut necessariis ad salutem se subdentem peccare mortaliter.), comme étant le fils d’Abraham.

 

Objection N°2. Toutes les actions du Christ sont autant d’instructions pour nous, d’où il est dit (Jean, 13, 15) : Je vous ai donné l’exemple pour que vous fassiez comme j’ai fait moi-même. Or, nous ne devons pas être circoncis, puisque saint Paul dit (Gal., 5, 2) : Si vous vous faites circoncire, le Christ ne vous servira de rien. Il semble donc que le Christ n’ait pas dû  être circoncis.

Réponse à l’objection N°2 : Le Christ a été circoncis dans le temps où la circoncision était encore de précepte. C’est pourquoi nous devons imiter son action en observant ce qui est de précepte dans le temps où nous vivons. Car, comme le dit le Sage (Ecclés., 8, 6) : Toutes les affaires ont leur temps et leur opportunité. — De plus, selon la remarque d’Origène (Hom. 14 in Luc., in princ.), comme nous sommes morts avec le Christ et ressuscités avec lui, de même nous avons été circoncis par lui de la circoncision spirituelle, et c’est pour cela que nous n’avons pas besoin de la circoncision charnelle. C’est d’ailleurs la pensée de l’Apôtre (Col., 2, 11) : Vous avez été circoncis dans le Christ, dit-il, non d’une circoncision qui est faite de main d’homme, et qui consiste dans le dépouillement de la chair, mais de la circoncision de Notre-Seigneur Jésus-Christ.

 

Objection N°3. La circoncision a été établie pour effacer le péché originel. Or, le Christ n’a pas contracté ce péché, comme on le voit d’après ce que nous avons dit (quest. 15, art. 1 et 2). Le Christ n’a donc pas dû être circoncis.

Réponse à l’objection N°3 : Comme le Christ s’est soumis par sa volonté propre à la mort qui est l’effet du péché, quoiqu’il ne fût coupable d’aucune faute, et comme il l’a fait pour nous délivrer de la mort et nous faire mourir spirituellement au péché ; de même il s’est soumis à la circoncision qui est le remède du péché originel, bien qu’il n’eût pas contracté cette tache ; et il l’a fait pour nous délivrer du joug de la loi et pour produire en nous la circoncision spirituelle, c’est-à-dire pour accomplir la vérité tout en recevant la figure.

 

Mais c’est le contraire. L’Evangile dit (Luc, 2, 21) : Après que le huitième jour, auquel l’enfant devait être circoncis, fut arrivé.

 

Conclusion Le Christ a dû être circoncis comme fils d’Abraham, afin qu’en prenant sur lui le fardeau de la loi il en délivrât les autres et qu’il prouvât la vérité de sa chair.

Il faut répondre que le Christ a dû être circoncis pour plusieurs motifs : 1° Pour montrer la vérité de sa chair, contre Manès qui a prétendu qu’il avait un corps fantastique, contre Apollinaire qui a supposé que son corps était consubstantiel avec la Divinité, et contre Valentin qui a avancé qu’il avait apporté son corps du ciel. 2° Pour approuver la circoncision que Dieu avait établie autrefois. 3° Pour démontrer qu’il était de la race d’Abraham qui avait reçu l’ordre de circoncire les siens, en signe de la foi qu’il avait eue dans le Christ lui-même. 4° Pour enlever aux Juifs toute excuse, afin que ceux qui ne le recevraient pas ne pussent pas dire qu’il était incirconcis. 5° Pour nous recommander par son exemple la vertu d’obéissance, et c’est pour cela qu’il a été circoncis le huitième jour comme la loi l’ordonnait. 6° Pour qu’ayant pris la ressemblance de notre chair (Il fallait, dit Bossuet, qu’il portât la marque du péché, comme il en devait porter la peine (17e semaine, élévat. 1).), il ne dédaignât pas le remède par lequel cette chair avait coutume d’être purifiée. 7° Pour qu’en prenant sur lui le fardeau de la loi (Eu recevant la circoncision, on devenait débiteur de toute la loi, d’après l’expression de saint Paul (Gal., chap. 5).), il en délivrât les autres, d’après ces paroles de saint Paul (Gal., 4, 4) : Dieu a envoyé son Fils assujetti à la loi pour racheter ceux qui étaient sous la loi.

 

Article 2 : A-t-on donné un nom convenable au Christ ?

 

Objection N°1. Il semble qu’on n’ait pas donné un nom convenable au Christ. Car la vérité évangélique doit répondre à ce que la prophétie a annoncé. Or, les prophètes lui ont donné un autre nom. Isaïe dit (7, 14) : Voilà que la Vierge concevra et enfantera un fils, et on lui donnera le nom d’Emmanuel. Et ailleurs (8, 3) : Appelez-le : celui qui se hâte de prendre les dépouilles, qui prend vite le butin (9, 6). On l’appellera l’admirable, le conseiller, le Dieu fort, le père du siècle futur, le prince de la paix. Zacharie dit (6, 12) : Voilà l’homme, son nom est l’Orient. C’est donc à tort qu’on lui a donné le nom de Jésus.

Réponse à l’objection N°1 : Tous ces noms sont compris d’une certaine manière dans le nom de Jésus qui signifie le salut. Car le mot Emmanuel, qui veut dire Dieu avec nous, désigne la cause du salut qui est l’union de la nature divine et de la nature humaine dans la personne du Fils de Dieu, qui a fait que Dieu était avec nous et pour ainsi dire participant de notre nature. En disant : Appelez-le celui qui se hâte de prendre les dépouilles, on désigne l’ennemi dont il nous a sauvés, car il nous a délivrés du démon, dont il a arraché les dépouilles, d’après ces paroles de saint Paul (Col., 2, 15) : Ayant dépouillé les principautés et les puissances, il les a livrées en spectacle avec confiance. Quand le prophète dit : On l’appellera l’admirable, etc., il marque la voie et le terme de notre salut, selon que nous sommes conduits par le conseil admirable de la divinité et par sa vertu à l’héritage du siècle futur dans lequel nous trouverons la paix parfaite des enfants de Dieu sous le gouvernement de Dieu lui-même. Enfin ces paroles : voilà l’homme, son nom est l’Orient, se rapportent au même objet que le mot Emmanuel, c’est-à-dire au mystère de l’Incarnation, en ce sens que la lumière s’est levée dans les ténèbres pour ceux qui ont le cœur droit (Ps. 111, 4).

 

Objection N°2. Isaïe dit encore (62, 2) : On vous appellera d’un nom nouveau que le Seigneur vous donnera de sa propre bouche. Or, le nom de Jésus n’est pas un nom nouveau, mais il a été donné à plusieurs dans l’Ancien Testament, comme on le voit d’après la généalogie même du Christ (Luc, chap. 3). Il semble donc que ce soit à tort qu’on l’ait nommé Jésus.

Réponse à l’objection N°2 : Le nom de Jésus a pu convenir à ceux qui ont existé avant le Christ sous un rapport, par exemple, parce qu’ils ont été la cause du salut temporel et particulier de leur nation ; mais ce nom est propre au Christ par rapport au salut spirituel et universel : et c’est en ce sens qu’il est dit que ce nom est nouveau.

 

Objection N°3. Le mot de Jésus signifie salut, comme on le voit par ces paroles de l’ange (Matth., 1, 21) : Elle mettra au monde un fils à qui vous donnerez le nom de Jésus, parce qu’il sauvera son peuple de ses péchés. Or, le salut n’a pas seulement été produit par le Christ dans les circoncis, mais il l’a encore été dans les incirconcis, comme le prouve saint Paul (Rom., chap. 4). C’est donc à tort que ce nom a été donné au Christ dans sa circoncision.

 

Mais c’est le contraire. L’autorité de l’Ecriture prouve que ce nom est convenable, puisqu’on lit dans l’Evangile (Luc, 2, 21) : que le huitième jour, auquel l’enfant devait être circoncis, étant arrivé, on lui donna le nom de Jésus.

 

Conclusion Le don de la grâce divine ayant été accordé au Christ pour qu’il fût le Sauveur de tous les hommes, c’est avec raison que le nom de Jésus lui a été donné.

Il faut répondre que les noms doivent répondre aux propriétés des choses (Toutes les fois qu’ils sont donnés avec intention. Il arrive souvent qu’un nom propre est donné à un individu sans avoir égard aux considérations que fait ici saint Thomas, mais dans ce cas ce nom est donné sans raison ; ce qui ne peut être quand il s’agit d’un nom que Dieu donne lui- même.). Ce principe est évident pour les noms de genres et d’espèces, parce que, comme le dit Aristote (Met. liv. 4, text. 28), la raison que le nom exprime est la définition, qui désigne la nature propre de la chose. Les noms de tous les hommes leur sont toujours donnés d’après quelque chose qui est propre à celui qui les reçoit ; soit qu’on les emprunte au temps, comme on donne les noms de quelques saints à ceux qui naissent le jour de leur fête ; soit qu’ils viennent de la parenté, comme on donne au fils le nom de son père ou de quelqu’un de sa famille. C’est ainsi que les parents de saint Jean Baptiste voulaient l’appeler Zacharie du nom de son père, mais ils ne voulaient pas lui donner le nom de Jean, parce qu’il n’y avait personne dans sa famille qui s’appelât de ce nom, comme on le voit (Luc, 1, 61). Les noms viennent encore d’un événement ; c’est ainsi que Joseph appela son aîné, Manassès, c’est-à-dire, Dieu m’a fait oublier toutes mes peines (Gen., 41, 51), ou bien ils sont suggérés par une des qualités de celui auquel on les impose. Ainsi l’Ecriture dit en parlant des enfants d’Isaac (Gen., 25, 25) : Parce que celui qui sortit le premier du sein de sa mère était roux et tout velu comme un manteau chargé de poils, on lui donna le nom d’Esaü, qui signifie rouge. Mais les noms que Dieu a donnés à quelques-uns de ses serviteurs signifient toujours quelque don gratuit que le ciel leur a accordé. Ainsi il a dit à Abraham (Gen., 17, 5) : Vous vous appellerez Abraham parce que je vous ai établi pour être le père d’une foule de nations. Et il a dit à saint Pierre (Matth., 16, 18) : Vous êtes Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise. — Par conséquent le don de la grâce ayant été accordé au Christ pour qu’il fût le sauveur de tous les hommes, c’est avec raison qu’on lui a donné le nom de Jésus, c’est-à-dire de Sauveur (En recevant ce nom au moment où le glaive de la circoncision tranchait sa chair, il nous a appris que c’était par son sang qu’il devait être notre sauveur. Il faut qu’il lui coule du sang pour en recevoir le nom, dit Bossuet ; ce peu de sang qu’il répand oblige à Dieu tout le reste, et c’est le commencement de la rédemption.) ; l’ange ayant à l’avance fait connaître ce nom non seulement à sa mère, mais encore à saint Joseph qui devait être son père nourricier.

Réponse à l’objection N°3 : Comme on le voit (Gen., chap. 17), Abraham a reçu tout à la fois le nom que Dieu lui a donné et l’ordre de se faire circoncire. C’est pour cela que les Juifs avaient la coutume de donner des noms à leurs enfants le jour de la circoncision, comme si auparavant leur être n’avait pas été parfait. C’est ainsi que maintenant encore nous donnons aux enfants des noms à leur baptême. Sur ces paroles des Proverbes (4, 3) : J’ai été moi-même le fils d’un père qui m’a élevé et d’une mère qui m’a aimé comme si j’eusse été son fils unique, la glose dit : Pourquoi Salomon dit-il qu’il a été en quelque sorte le fils unique de sa mère, bien que l’Ecriture atteste qu’il eut un frère utérin qui vint au monde avant lui, sinon parce que cet enfant étant mort sans avoir reçu de nom, il le considère comme s’il n’eût pas vécu ? C’est pourquoi le Christ a reçu le nom qui lui avait été donné, au moment même où il a été circoncis.

 

Article 3 : A-t-il été convenable que le Christ fut offert dans le temple ?

 

Objection N°1. Il semble qu’il n’ait pas été convenable que le Christ fût offert dans le temple. Car il est dit (Ex., 13, 2) : Consacrez-moi tous les premiers-nés qui sortent du sein de leur mère parmi les enfants d’Israël. Or le Christ est sorti du sein fermé de la Vierge ; et par conséquent il ne l’a pas ouvert. D’après cette loi le Christ n’eût donc pas dû être offert dans le temple.

Réponse à l’objection N°1 : Comme le dit saint Grégoire de Nysse (hab. in Cat. D. Thomæ, sup. illud Lucæ, chap. 2 : Sanctum Domino, etc.), le précepte de la loi paraît s’être accompli dans le Dieu incarné d’une manière toute singulière et tout à fait différente des autres. Car lui seul, dont la conception a été ineffable et la naissance incompréhensible, a ouvert le sein virginal qui avait été fermé à l’union sexuelle, de telle façon qu’après la naissance le sceau de la chasteté est resté inviolé. Par conséquent les mots a ouvert le sein impliquent que rien n’en était entré ou sorti jusqu’ici ; de plus, pour une raison spéciale, il est écrit un homme, parce qu’il n’a rien contracté du péché de la femme : et il est appelé saint d’une manière singulière, parce qu’il n’a pas été souillé par la corruption terrestre, lui dont la naissance était merveilleusement immaculé (Ambr., in hunc loc. Luc, chap. 2).

 

Objection N°2. Ce qui est toujours présent à quelqu’un ne peut pas lui être présenté. Or, l’humanité du Christ a toujours été présente à Dieu, puisqu’elle lui a toujours été unie dans l’unité de la personne. Il n’a donc pas fallu qu’elle fût présentée au Seigneur

Réponse à l’objection N°2 : Comme le Fils de Dieu ne s’est pas fait homme et n’a pas été circoncis dans sa chair à cause de lui, mais pour nous déifier par sa grâce et pour que nous soyons circoncis spirituellement ; de même il est présenté au Seigneur à cause de nous, pour nous apprendre à nous présenter nous-mêmes à Dieu ; et cela s’est fait après sa circoncision pour montrer que si l’on n’est dépouillé de tous les vices, on n’est pas digne de paraître en la présence de Dieu.

 

Objection N°3. Le Christ est l’hostie principale à laquelle toutes les hosties de l’ancienne loi se rapportent, comme la figure à la vérité. Or, une hostie ne doit pas être substituée à une autre. Il n’a donc pas été convenable d’offrir une autre hostie pour le Christ.

Réponse à l’objection N°3 : Il a voulu qu’on offrît des victimes légales pour lui qui était la victime véritable, afin d’unir la figure à la vérité et d’approuver l’une par l’autre, contre ceux qui nient que le Dieu de la loi ait été prêché par le Christ dans l’Evangile. Car on ne doit pas penser, comme le dit Origène (Hom. 14 in Luc.), que le Dieu bon eût assujetti son Fils à une loi ennemie qu’il n’avait pas donnée.

 

Objection N°4. Parmi les victimes légales la principale fut l’agneau qui était le sacrifice perpétuel, comme on le voit (Nom., chap. 28) d’où le Christ est appelé de ce nom (Jean, 1, 29) : Voici l’agneau de Dieu. Il eût donc été plus convenable d’offrir pour le Christ un agneau qu’une paire de tourterelles ou deux petites colombes.

Réponse à l’objection N°4 : La loi ordonne (Lév., chap. 12) que ceux qui en auraient le moyen offriraient pour un fils ou une fille un agneau avec une tourterelle ou une colombe, et que ceux qui ne pourraient offrir un agneau, offriraient seulement deux tourterelles ou deux pigeonneaux. Par conséquent le Seigneur, qui tout riche qu’il était s’est fait pauvre pour nous, afin que nous devenions riches par son indigence, selon l’expression de saint Paul (2 Cor., 8, 9), a voulu que l’on offrît pour lui l’offrande des pauvres. C’est ainsi que dans sa naissance il a été enveloppé de langes et couché dans une crèche. Néanmoins ces oiseaux étaient convenables comme figures. Car la tourterelle étant un oiseau qui parle indique la prédication et la confession de la foi ; parce qu’elle est chaste, elle est le symbole de la chasteté ; parce qu’elle est solitaire, elle est celui de la contemplation. D’un autre côté la colombe est un animal doux et simple qui signifie la mansuétude et la simplicité ; elle va par bande, et par là elle est le symbole de la vie active. C’est pourquoi cette victime signifiait la perfection du Christ et de ses membres. Ces deux animaux à cause de l’habitude qu’ils ont de gémir désignent l’un et l’autre les afflictions des saints ici-bas ; la tourterelle qui est solitaire indique les larmes secrètes de leurs prières ; la colombe qui va par bande signifie les prières publiques de l’Eglise. On offre une paire de l’un et de l’autre, pour que la sainteté n’existe pas seulement dans l’âme, mais encore dans le corps (Voyez à ce sujet les Elévations de Bossuet (18e semaine, elevat. 1, 2 et 3).).

 

Mais le contraire est démontré par l’Ecriture qui atteste que le fait s’est passé (Luc, chap. 2).

 

Conclusion Puisque le Christ a voulu s’assujettir à la loi et qu’il a été le premier-né de sa mère, il a été convenable qu’il fût présenté dans le temple avec les offrandes prescrites par la loi.

Il faut répondre que, comme nous l’avons dit (art. 1 de cette question dans le corps et Réponse N°3), le Christ a voulu être assujetti à la loi pour racheter ceux qui y étaient assujettis, et pour que la justification de la loi s’accomplît spirituellement dans ses membres. Or, à l’égard des enfants qui venaient au monde, il y avait dans la loi deux sortes de préceptes. L’un général qui se rapportait à tout le monde, c’est que les jours de la purification de la mère étant accomplis, on offrît un sacrifice pour le fils ou la fille qu’on avait eu (Lév., chap. 12). Ce sacrifice avait pour objet l’expiation du péché dans lequel l’enfant avait été conçu ou était né, et il avait aussi pour but sa consécration, parce qu’alors on le présentait au temple pour la première fois. C’est pourquoi on offrait quelque chose en holocauste et quelque chose pour le péché. Il y avait un autre précepte particulier dans la loi à l’égard des premiers-nés des hommes aussi bien que des animaux. Car le Seigneur s’était réservé tous les premiers-nés des enfants d’Israël, parce qu’à la délivrance de son peuple il avait frappé les premiers-nés de l’Egypte depuis l’homme jusqu’aux animaux, à l’exception des premiers-nés des Israélites. Ce précepte se trouve dans la loi (Ex., chap. 13), et il figurait à l’avance le Christ qui est le premier-né entre tous ses frères, selon l’expression de saint Paul (Rom., 8, 29). Le Christ étant né de la femme en qualité de premier né et ayant voulu s’assujettir à la loi, l’évangéliste saint Luc montre que ces deux choses ont été observées à son égard. 1° On a observé ce qui regarde les premiers-nés, puisqu’il dit (Luc, 2, 22) : Ils portèrent Jésus à Jérusalem pour le présenter au Seigneur, selon qu’il est écrit dans la loi du Seigneur, tout enfant male premier-né sera consacré au Seigneur. 2° On a fait aussi ce qui concerne communément tout le monde, puisque l’évangéliste ajoute : Pour offrir en sacrifice, selon l’ordonnance de la loi, une paire de tourterelles ou deux pigeonneaux.

 

Article 4 : A-t-il été convenable que la mère de Dieu allât au temple pour y être purifiée ?

 

Objection N°1. Il ne paraît pas convenable que la mère de Dieu soit allée au temple pour y être purifiée. Car on ne se purifie que d’une souillure. Or, il n’y a point eu de souillure dans la bienheureuse Vierge, comme on le voit d’après ce que nous avons dit (art. préc., Réponse N°1, et quest. 27, art. 4 et 5, et quest. 28). Elle n’eût donc pas dû aller au temple pour y être purifiée.

Réponse à l’objection N°1 : Quoique la bienheureuse Vierge n’eût aucune souillure, elle voulut néanmoins accomplir les observances de la purification, non parce qu’elle en avait besoin, mais parce que la loi le commandait. C’est pour ce motif que l’évangéliste dit expressément que les jours de la purification ayant été accomplis selon la loi ; car elle n’avait pas besoin de la purification considérée en elle-même.

 

Objection N°2. La loi dit (Lév., 12, 2) : Une femme qui a mis au monde un enfant mâle suscepto semine, sera souillée pendant sept jours. C’est pourquoi il lui est ordonné de ne pas entrer dans le sanctuaire, tant que les jours de sa purification ne seront pas accomplis. Or, la bienheureuse Vierge a enfanté sine virili semine. Elle n’eût donc pas dû venir dans le temple pour y être purifiée.

Réponse à l’objection N°2 : Moïse paraît s’être exprimé ainsi pour excepter positivement de cette souillure la mère de Dieu qui n’a pas enfanté suscepto semine. C’est pourquoi il est évident qu’elle n’était pas obligée d’accomplir ce précepte, et qu’elle s’est soumise à cette observance volontairement, comme nous l’avons dit (dans le corps de cet article.).

 

Objection N°3. On n’est purifié d’une souillure que par la grâce. Or, les sacrements de l’ancienne loi ne conféraient point la grâce, tandis que la bienheureuse Vierge avait plutôt avec elle l’auteur de la grâce. Il n’a donc pas été convenable qu’elle vînt dans le temple pour y être purifiée.

Réponse à l’objection N°3 : Les sacrements de l’ancienne loi ne purifiaient pas de la souillure du péché, ce qui se fait par la grâce, mais ils figuraient à l’avance cette purification. Ils purifiaient cependant par une certaine purification charnelle de la souillure de l’irrégularité, comme nous l’avons dit (1a 2æ, quest. 102, art. 5, Réponse N°5 à 7). Or, la bienheureuse Vierge n’avait contracté ni l’une ni l’autre de ces souillures (Car la mère de Dieu n’avait contracté aucune des souillures ordinaires puisqu’elle était restée vierge dans son enfantement.) ; et c’est pourquoi elle n’avait pas besoin d’être purifiée.

 

Mais c’est le contraire, d’après l’Ecriture qui dit (Luc, 2, 22) : Le temps de la purification marqué d’après la loi de Moïse étant accompli…

 

Conclusion Quoique la bienheureuse Vierge n’ait pas été souillée par le péché, cependant il a été convenable, en raison de son humilité, qu’elle se présentât dans le temple comme pour y être purifiée.

Il faut répondre que comme la plénitude de la grâce découle du Christ dans sa mère, de même il a été convenable que la mère se conformât à l’humilité de son Fils. Car Dieu donne sa grâce aux humbles, comme le dit saint Jacques (4, 6). C’est pourquoi, comme le Christ, quoiqu’il ne fût pas soumis à la loi, voulut cependant subir la circoncision et les autres charges légales, pour nous donner l’exemple de l’humilité et de l’obéissance, pour approuver la loi et enlever aux Juifs l’occasion de le calomnier ; de même il voulut aussi pour les mêmes raisons que sa mère remplit les observances de la loi, auxquelles elle n’était pas soumise.

 

Copyleft. Traduction de l’abbé Claude-Joseph Drioux et de JesusMarie.com qui autorise toute personne à copier et à rediffuser par tous moyens cette traduction française. La Somme Théologique de Saint Thomas latin-français en regard avec des notes théologiques, historiques et philologiques, par l’abbé Drioux, chanoine honoraire de Langres, docteur en théologie, à Paris, Librairie Ecclésiastique et Classique d’Eugène Belin, 52, rue de Vaugirard. 1853-1856, 15 vol. in-8°. Ouvrage honoré des encouragements du père Lacordaire o.p. Si par erreur, malgré nos vérifications, il s’était glissé dans ce fichier des phrases non issues de la traduction de l’abbé Drioux ou de la nouvelle traduction effectuée par JesusMarie.com, et relevant du droit d’auteur, merci de nous en informer immédiatement, avec l’email figurant sur la page d’accueil de JesusMarie.com, pour que nous puissions les retirer. JesusMarie.com accorde la plus grande importance au respect de la propriété littéraire et au respect de la loi en général. Aucune évangélisation catholique ne peut être surnaturellement féconde sans respect de la morale catholique et des lois justes.

 

 

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