Saint Thomas d’Aquin
- Somme Théologique
3a = Tertia
Pars = 3ème partie
Question
37 : Des prescriptions légales qui ont été observées à l’égard de Jésus enfant
Nous devons nous occuper ensuite de la circoncision du Christ. Et
parce que la circoncision est une profession que l’on faisait d’observer la
loi, d’après ces paroles de saint Paul (Gal.,
5, 3) : Je déclare à tout homme qui se
fait circoncire qu’il s’oblige à darder toute la loi ; nous devons
simultanément examiner les autres prescriptions légales observées à l’égard de
Jésus enfant. — A ce sujet il y a quatre choses à examiner : 1° sa circoncision
; — 2° le nom qui lui a été donné ; — 3° son offrande (Ce mystère paraît
l’accomplissement de ces paroles (Malach., 3, 1) : Aussitôt viendra dans son temple le
Dominateur que vous cherchez, et l’ange de l’alliance que vous désirez.) ;
— 4° la purification de sa mère.
Article 1 : Le
Christ a-t-il dû être circoncis ?
Objection N°1. Il
semble que le Christ n’ait pas dû être circoncis. Car la figure cesse quand la
vérité arrive. Or, la circoncision a été ordonnée à Abraham en signe de
l’alliance qui a été faite an sujet de sa postérité, comme on le voit (Gen., chap. 17). Ce pacte ayant été
accompli dans la naissance du Christ, il s’ensuit que la circoncision a dû
cesser immédiatement.
Réponse
à l’objection N°1 : La circoncision qui se fait par le retranchement du
prépuce signifiait l’affranchissement de la génération ancienne dont nous sommes
délivrés par la passion du Christ. C’est pourquoi la vérité de cette figure n’a
pas été pleinement accomplie dans la naissance du Christ, mais dans sa passion,
et auparavant la circoncision conservait toute sa vertu et toute son
importance. C’est pour cette raison qu’il a été convenable que le Christ fût
circoncis avant sa passion (Ce fut après la passion du Christ que toutes les
observances légales cessèrent, d’après ces paroles du concile de Florence : Quemcumque post passionem
in legalibus spem promerentem,
et illis velut necessariis
ad salutem se subdentem peccare mortaliter.),
comme étant le fils d’Abraham.
Objection
N°2. Toutes les actions du
Christ sont autant d’instructions pour nous, d’où il est dit (Jean, 13, 15) : Je
vous ai donné l’exemple pour que vous fassiez comme j’ai fait moi-même. Or,
nous ne devons pas être circoncis, puisque saint Paul dit (Gal., 5, 2) : Si vous vous faites circoncire, le Christ ne vous
servira de rien. Il semble donc que le Christ n’ait pas dû être
circoncis.
Réponse à l’objection
N°2 : Le Christ a été
circoncis dans le temps où la circoncision était encore de précepte. C’est
pourquoi nous devons imiter son action en observant ce qui est de précepte dans
le temps où nous vivons. Car, comme le dit le Sage (Ecclés., 8, 6) : Toutes les
affaires ont leur temps et leur opportunité. — De plus, selon la remarque
d’Origène (Hom. 14 in Luc., in princ.), comme nous sommes morts avec le Christ et
ressuscités avec lui, de même nous avons été circoncis par lui de la
circoncision spirituelle, et c’est pour cela que nous n’avons pas besoin de la
circoncision charnelle. C’est d’ailleurs la pensée de l’Apôtre (Col., 2, 11) : Vous avez
été circoncis dans le Christ, dit-il, non
d’une circoncision qui est faite de main d’homme, et qui consiste dans le
dépouillement de la chair, mais de la circoncision de Notre-Seigneur
Jésus-Christ.
Mais c’est le
contraire. L’Evangile dit (Luc, 2, 21) : Après que le huitième jour, auquel l’enfant
devait être circoncis, fut arrivé.
Conclusion Le Christ a dû être
circoncis comme fils d’Abraham, afin qu’en prenant sur lui le fardeau de la loi
il en délivrât les autres et qu’il prouvât la vérité de sa chair.
Il faut répondre que
le Christ a dû être circoncis pour plusieurs motifs : 1° Pour montrer la
vérité de sa chair, contre Manès qui a prétendu qu’il avait un corps
fantastique, contre Apollinaire qui a supposé que son corps était
consubstantiel avec la Divinité, et contre Valentin qui a avancé qu’il avait
apporté son corps du ciel. 2° Pour approuver la circoncision que Dieu avait
établie autrefois. 3° Pour démontrer qu’il était de la race d’Abraham qui avait
reçu l’ordre de circoncire les siens, en signe de la foi qu’il avait eue dans
le Christ lui-même. 4° Pour enlever aux Juifs toute excuse, afin que ceux qui
ne le recevraient pas ne pussent pas dire qu’il était incirconcis. 5° Pour nous
recommander par son exemple la vertu d’obéissance, et c’est pour cela qu’il a
été circoncis le huitième jour comme la loi l’ordonnait. 6° Pour qu’ayant pris
la ressemblance de notre chair (Il fallait, dit Bossuet, qu’il portât la marque
du péché, comme il en devait porter la peine (17e semaine, élévat. 1).), il ne dédaignât pas
le remède par lequel cette chair avait coutume d’être purifiée. 7° Pour qu’en
prenant sur lui le fardeau de la loi (Eu recevant la circoncision, on devenait débiteur de toute la loi,
d’après l’expression de saint Paul (Gal.,
chap. 5).), il en délivrât les autres, d’après ces paroles de saint Paul (Gal., 4, 4) : Dieu a
envoyé son Fils assujetti à la loi pour racheter ceux qui étaient sous la loi.
Article 2 : A-t-on
donné un nom convenable au Christ ?
Objection N°1. Il
semble qu’on n’ait pas donné un nom convenable au Christ. Car la vérité
évangélique doit répondre à ce que la prophétie a annoncé. Or, les prophètes
lui ont donné un autre nom. Isaïe dit (7, 14) : Voilà que la Vierge concevra et enfantera un fils, et on lui donnera le
nom d’Emmanuel. Et ailleurs (8, 3) : Appelez-le
: celui qui se hâte de prendre les dépouilles, qui prend vite le butin (9,
6). On l’appellera l’admirable, le
conseiller, le Dieu fort, le père du siècle futur, le prince de la paix.
Zacharie dit (6, 12) : Voilà l’homme, son
nom est l’Orient. C’est donc à tort qu’on lui a donné le nom de Jésus.
Réponse
à l’objection N°1 : Tous ces noms sont compris d’une certaine
manière dans le nom de Jésus qui
signifie le salut. Car le mot Emmanuel,
qui veut dire Dieu avec nous, désigne
la cause du salut qui est l’union de la nature divine et de la nature humaine
dans la personne du Fils de Dieu, qui a fait que Dieu était avec nous et pour
ainsi dire participant de notre nature. En disant : Appelez-le celui qui se hâte de prendre les dépouilles, on désigne
l’ennemi dont il nous a sauvés, car il nous a délivrés du démon, dont il a
arraché les dépouilles, d’après ces paroles de saint Paul (Col., 2, 15) : Ayant dépouillé les principautés et les puissances, il les a livrées en
spectacle avec confiance. Quand le prophète dit : On l’appellera l’admirable, etc., il marque la voie et le terme de
notre salut, selon que nous sommes conduits par le conseil admirable de la
divinité et par sa vertu à l’héritage du siècle futur dans lequel nous
trouverons la paix parfaite des enfants de Dieu sous le gouvernement de Dieu
lui-même. Enfin ces paroles : voilà
l’homme, son nom est l’Orient, se rapportent au même objet que le mot Emmanuel, c’est-à-dire au mystère de
l’Incarnation, en ce sens que la lumière
s’est levée dans les ténèbres pour ceux qui ont le cœur droit (Ps. 111, 4).
Objection
N°2. Isaïe dit encore (62,
2) : On vous appellera d’un nom nouveau
que le Seigneur vous donnera de sa propre bouche. Or, le nom de Jésus n’est pas un nom nouveau, mais il
a été donné à plusieurs dans l’Ancien Testament, comme on le voit d’après la
généalogie même du Christ (Luc, chap. 3).
Il semble donc que ce soit à tort qu’on l’ait nommé Jésus.
Réponse à l’objection N°2 :
Le nom de Jésus a pu convenir à ceux qui ont existé avant le Christ sous un
rapport, par exemple, parce qu’ils ont été la cause du salut temporel et
particulier de leur nation ; mais ce nom est propre au Christ par rapport au
salut spirituel et universel : et c’est en ce sens qu’il est dit que ce nom est
nouveau.
Objection N°3. Le mot
de Jésus signifie salut, comme on le
voit par ces paroles de l’ange (Matth., 1, 21) : Elle mettra au monde un fils à qui vous
donnerez le nom de Jésus, parce qu’il sauvera son peuple de ses péchés. Or,
le salut n’a pas seulement été produit par le Christ dans les circoncis, mais
il l’a encore été dans les incirconcis, comme le prouve saint Paul (Rom., chap. 4). C’est donc à tort que ce
nom a été donné au Christ dans sa circoncision.
Mais c’est le
contraire. L’autorité de l’Ecriture prouve que ce nom est convenable, puisqu’on
lit dans l’Evangile (Luc, 2, 21) : que le huitième jour, auquel l’enfant devait
être circoncis, étant arrivé, on lui donna le nom de Jésus.
Conclusion Le don de la grâce
divine ayant été accordé au Christ pour qu’il fût le Sauveur de tous les
hommes, c’est avec raison que le nom de Jésus lui a été donné.
Il faut répondre que
les noms doivent répondre aux propriétés des choses (Toutes les fois qu’ils
sont donnés avec intention. Il arrive souvent qu’un nom propre est donné à un
individu sans avoir égard aux considérations que fait ici saint Thomas, mais
dans ce cas ce nom est donné sans raison ; ce qui ne peut être quand il s’agit
d’un nom que Dieu donne lui- même.). Ce principe est évident pour les noms de
genres et d’espèces, parce que, comme le dit Aristote (Met. liv. 4, text. 28), la raison que le nom exprime est la
définition, qui désigne la nature propre de la chose. Les noms de tous les
hommes leur sont toujours donnés d’après quelque chose qui est propre à celui
qui les reçoit ; soit qu’on les emprunte au temps, comme on donne les noms de
quelques saints à ceux qui naissent le jour de leur fête ; soit qu’ils viennent
de la parenté, comme on donne au fils le nom de son père ou de quelqu’un de sa
famille. C’est ainsi que les parents de saint Jean Baptiste voulaient l’appeler
Zacharie du nom de son père, mais ils ne voulaient pas lui donner le nom de
Jean, parce qu’il n’y avait personne dans
sa famille qui s’appelât de ce nom, comme on le voit (Luc, 1, 61). Les noms viennent encore d’un événement ;
c’est ainsi que Joseph appela son aîné, Manassès,
c’est-à-dire, Dieu m’a fait oublier
toutes mes peines (Gen., 41, 51), ou bien ils sont suggérés
par une des qualités de celui auquel on les impose. Ainsi l’Ecriture dit en
parlant des enfants d’Isaac (Gen., 25, 25) : Parce que celui qui sortit le premier du
sein de sa mère était roux et tout velu comme un manteau chargé de poils, on
lui donna le nom d’Esaü, qui signifie rouge. Mais les noms que Dieu a
donnés à quelques-uns de ses serviteurs signifient toujours quelque don gratuit
que le ciel leur a accordé. Ainsi il a dit à Abraham (Gen., 17, 5) : Vous vous
appellerez Abraham parce que je vous ai établi pour être le père d’une foule de
nations. Et il a dit à saint Pierre (Matth., 16,
18) : Vous êtes Pierre et sur cette
pierre je bâtirai mon Eglise. — Par conséquent le don de la grâce ayant été
accordé au Christ pour qu’il fût le sauveur de tous les hommes, c’est avec
raison qu’on lui a donné le nom de Jésus, c’est-à-dire de Sauveur (En recevant ce nom au moment où le glaive de la
circoncision tranchait sa chair, il nous a appris que c’était par son sang
qu’il devait être notre sauveur. Il faut qu’il lui coule du sang pour en
recevoir le nom, dit Bossuet ; ce peu de sang qu’il répand oblige à Dieu tout
le reste, et c’est le commencement de la rédemption.) ; l’ange
ayant à l’avance fait connaître ce nom non seulement à sa mère, mais encore à
saint Joseph qui devait être son père nourricier.
Réponse à l’objection
N°3 : Comme on le voit (Gen., chap. 17), Abraham a reçu tout à la fois le nom que Dieu
lui a donné et l’ordre de se faire circoncire. C’est pour cela que les Juifs
avaient la coutume de donner des noms à leurs enfants le jour de la
circoncision, comme si auparavant leur être n’avait pas été parfait. C’est
ainsi que maintenant encore nous donnons aux enfants des noms à leur baptême.
Sur ces paroles des Proverbes (4, 3) : J’ai
été moi-même le fils d’un père qui m’a élevé et d’une mère qui m’a aimé comme
si j’eusse été son fils unique, la glose dit : Pourquoi Salomon dit-il
qu’il a été en quelque sorte le fils unique de sa mère, bien que l’Ecriture
atteste qu’il eut un frère utérin qui vint au monde avant lui, sinon parce que
cet enfant étant mort sans avoir reçu de nom, il le considère comme s’il n’eût
pas vécu ? C’est pourquoi le Christ a reçu le nom qui lui avait été donné,
au moment même où il a été circoncis.
Article 3 :
A-t-il été convenable que le Christ fut offert dans le temple ?
Objection N°1. Il
semble qu’il n’ait pas été convenable que le Christ fût offert dans le temple.
Car il est dit (Ex., 13, 2) : Consacrez-moi tous les premiers-nés qui
sortent du sein de leur mère parmi les enfants d’Israël. Or le Christ est
sorti du sein fermé de la Vierge ; et par conséquent il ne l’a pas ouvert.
D’après cette loi le Christ n’eût donc pas dû être offert dans le temple.
Réponse à l’objection N°1 : Comme le dit saint Grégoire de Nysse (hab. in Cat. D. Thomæ, sup. illud Lucæ, chap. 2 : Sanctum
Domino, etc.), le précepte de la loi paraît s’être accompli dans le Dieu
incarné d’une manière toute singulière et tout à fait différente des autres.
Car lui seul, dont la conception a été ineffable et la naissance incompréhensible,
a ouvert le sein virginal qui avait été fermé à l’union sexuelle, de telle
façon qu’après la naissance le sceau de la chasteté est resté
inviolé. Par conséquent les mots a ouvert
le sein impliquent que rien n’en était entré ou sorti jusqu’ici ; de
plus, pour une raison spéciale, il est écrit un homme, parce qu’il n’a rien contracté du péché de la
femme : et il est appelé saint d’une
manière singulière, parce qu’il n’a pas été souillé par la corruption
terrestre, lui dont la naissance était merveilleusement immaculé (Ambr., in hunc loc. Luc, chap.
2).
Réponse
à l’objection N°2 : Comme le Fils de Dieu ne s’est pas fait homme et n’a
pas été circoncis dans sa chair à cause de lui, mais pour nous déifier par sa
grâce et pour que nous soyons circoncis spirituellement ; de même il est
présenté au Seigneur à cause de nous, pour nous apprendre à nous présenter
nous-mêmes à Dieu ; et cela s’est fait après sa circoncision pour montrer que
si l’on n’est dépouillé de tous les vices, on n’est pas digne de paraître en la
présence de Dieu.
Réponse à l’objection N°3 : Il a voulu qu’on offrît des victimes légales pour lui qui était
la victime véritable, afin d’unir la figure à la vérité et d’approuver l’une
par l’autre, contre ceux qui nient que le Dieu de la loi ait été prêché par le
Christ dans l’Evangile. Car on ne doit pas penser, comme le dit Origène (Hom. 14 in Luc.), que le Dieu bon eût
assujetti son Fils à une loi ennemie qu’il n’avait pas donnée.
Objection
N°4. Parmi les victimes
légales la principale fut l’agneau qui était le sacrifice perpétuel, comme on
le voit (Nom., chap. 28) d’où
le Christ est appelé de ce nom (Jean, 1, 29) : Voici l’agneau de Dieu. Il eût donc été plus convenable d’offrir
pour le Christ un agneau qu’une paire de tourterelles ou deux petites colombes.
Réponse à l’objection
N°4 : La loi ordonne (Lév., chap. 12) que ceux qui en auraient le moyen offriraient
pour un fils ou une fille un agneau avec une tourterelle ou une colombe, et que
ceux qui ne pourraient offrir un agneau, offriraient seulement deux
tourterelles ou deux pigeonneaux. Par conséquent le Seigneur, qui tout riche qu’il était s’est fait pauvre
pour nous, afin que nous devenions riches par son indigence, selon
l’expression de saint Paul (2 Cor.,
8, 9), a voulu que l’on offrît pour lui l’offrande des pauvres. C’est ainsi que
dans sa naissance il a été enveloppé de langes et couché dans une crèche.
Néanmoins ces oiseaux étaient convenables comme figures. Car la tourterelle
étant un oiseau qui parle indique la prédication et la confession de la foi ;
parce qu’elle est chaste, elle est le symbole de la chasteté ; parce qu’elle
est solitaire, elle est celui de la contemplation. D’un autre côté la colombe
est un animal doux et simple qui signifie la mansuétude et la simplicité ; elle
va par bande, et par là elle est le symbole de la vie active. C’est pourquoi
cette victime signifiait la perfection du Christ et de ses membres. Ces deux
animaux à cause de l’habitude qu’ils ont de gémir désignent l’un et l’autre les afflictions des saints ici-bas ; la tourterelle qui est
solitaire indique les larmes secrètes de leurs prières ; la colombe qui va par
bande signifie les prières publiques de l’Eglise. On offre une paire de l’un et
de l’autre, pour que la sainteté n’existe pas seulement dans l’âme, mais encore
dans le corps (Voyez à ce sujet les Elévations de Bossuet (18e
semaine, elevat. 1, 2 et 3).).
Mais le contraire est
démontré par l’Ecriture qui atteste que le fait s’est passé (Luc, chap. 2).
Conclusion Puisque le Christ a
voulu s’assujettir à la loi et qu’il a été le premier-né de sa mère, il a été
convenable qu’il fût présenté dans le temple avec les offrandes prescrites par
la loi.
Il faut répondre que,
comme nous l’avons dit (art. 1 de cette question dans le corps et Réponse N°3),
le Christ a voulu être assujetti à la loi pour racheter ceux qui y étaient
assujettis, et pour que la justification de la loi s’accomplît spirituellement
dans ses membres. Or, à l’égard des enfants qui venaient au monde, il y avait
dans la loi deux sortes de préceptes. L’un général qui se rapportait à tout le
monde, c’est que les jours de la purification de la mère étant accomplis, on
offrît un sacrifice pour le fils ou la fille qu’on avait eu (Lév., chap. 12). Ce sacrifice avait pour objet l’expiation du
péché dans lequel l’enfant avait été conçu ou était né, et il avait aussi pour
but sa consécration, parce qu’alors on le présentait au temple pour la première
fois. C’est pourquoi on offrait quelque chose en holocauste et quelque chose pour
le péché. Il y avait un autre précepte particulier dans la loi à l’égard des
premiers-nés des hommes aussi bien que des animaux. Car le Seigneur s’était
réservé tous les premiers-nés des enfants d’Israël, parce qu’à la délivrance de
son peuple il avait frappé les premiers-nés de l’Egypte depuis l’homme
jusqu’aux animaux, à l’exception des premiers-nés des Israélites. Ce précepte
se trouve dans la loi (Ex., chap. 13),
et il figurait à l’avance le Christ qui est le premier-né entre tous ses
frères, selon l’expression de saint Paul (Rom.,
8, 29). Le Christ étant né de la femme en qualité de premier né et ayant voulu
s’assujettir à la loi, l’évangéliste saint Luc montre que ces deux choses ont
été observées à son égard. 1° On a observé ce qui regarde les premiers-nés,
puisqu’il dit (Luc, 2, 22) : Ils
portèrent Jésus à Jérusalem pour le présenter au Seigneur, selon qu’il est
écrit dans la loi du Seigneur, tout enfant male premier-né sera consacré au
Seigneur. 2° On a fait aussi ce qui concerne communément tout le monde,
puisque l’évangéliste ajoute : Pour
offrir en sacrifice, selon l’ordonnance de la loi, une paire de tourterelles ou
deux pigeonneaux.
Article 4 : A-t-il
été convenable que la mère de Dieu allât au temple pour y être purifiée ?
Objection N°1. Il
ne paraît pas convenable que la mère de Dieu soit allée au temple pour y être
purifiée. Car on ne se purifie que d’une souillure. Or, il n’y a point eu de
souillure dans la bienheureuse Vierge, comme on le voit d’après ce que nous
avons dit (art. préc., Réponse N°1, et quest. 27, art. 4 et 5, et quest. 28).
Elle n’eût donc pas dû aller au temple pour y être purifiée.
Réponse
à l’objection N°1 : Quoique la bienheureuse Vierge n’eût aucune souillure,
elle voulut néanmoins accomplir les observances de la purification, non parce
qu’elle en avait besoin, mais parce que la loi le commandait. C’est pour ce
motif que l’évangéliste dit expressément que les jours de la purification ayant été accomplis selon la loi ; car
elle n’avait pas besoin de la purification considérée en elle-même.
Objection
N°2. La loi dit (Lév., 12, 2) : Une femme qui a mis au monde un enfant mâle suscepto semine, sera
souillée pendant sept jours. C’est pourquoi il lui est ordonné de ne pas entrer
dans le sanctuaire, tant que les jours de sa purification ne seront pas
accomplis. Or, la bienheureuse Vierge a enfanté sine virili semine.
Elle n’eût donc pas dû venir dans le temple pour y être purifiée.
Réponse à l’objection N°2 : Moïse paraît s’être exprimé ainsi pour excepter positivement de
cette souillure la mère de Dieu qui n’a pas enfanté suscepto semine. C’est pourquoi il est évident
qu’elle n’était pas obligée d’accomplir ce précepte, et qu’elle s’est soumise à
cette observance volontairement, comme nous l’avons dit (dans le corps de cet article.).
Réponse à l’objection N°3 : Les sacrements de l’ancienne loi ne purifiaient pas
de la souillure du péché, ce qui se fait par la grâce, mais ils figuraient à
l’avance cette purification. Ils purifiaient cependant par une certaine
purification charnelle de la souillure de l’irrégularité, comme nous l’avons
dit (1a 2æ, quest. 102, art. 5, Réponse N°5 à 7). Or, la
bienheureuse Vierge n’avait contracté ni l’une ni l’autre de ces souillures
(Car la mère de Dieu n’avait contracté aucune des souillures ordinaires
puisqu’elle était restée vierge dans son enfantement.) ; et c’est pourquoi elle
n’avait pas besoin d’être purifiée.
Mais c’est le contraire,
d’après l’Ecriture qui dit (Luc, 2, 22) : Le temps de la purification marqué d’après
la loi de Moïse étant accompli…
Conclusion Quoique la
bienheureuse Vierge n’ait pas été souillée par le péché, cependant il a été
convenable, en raison de son humilité, qu’elle se présentât dans le temple
comme pour y être purifiée.
Copyleft. Traduction
de l’abbé Claude-Joseph Drioux et de JesusMarie.com qui autorise toute personne à copier et à rediffuser par
tous moyens cette traduction française. La Somme Théologique de Saint Thomas
latin-français en regard avec des notes théologiques, historiques et
philologiques, par l’abbé Drioux, chanoine honoraire de Langres, docteur en
théologie, à Paris, Librairie Ecclésiastique et Classique d’Eugène Belin, 52,
rue de Vaugirard. 1853-1856, 15 vol. in-8°. Ouvrage honoré des
encouragements du père Lacordaire o.p. Si par erreur, malgré nos vérifications,
il s’était glissé dans ce fichier des phrases non issues de la traduction de
l’abbé Drioux ou de la nouvelle traduction effectuée par JesusMarie.com, et
relevant du droit d’auteur, merci de nous en informer immédiatement, avec
l’email figurant sur la page d’accueil de JesusMarie.com, pour que nous
puissions les retirer. JesusMarie.com accorde la plus grande importance au
respect de la propriété littéraire et au respect de la loi en général. Aucune
évangélisation catholique ne peut être surnaturellement féconde sans respect de
la morale catholique et des lois justes.
JesusMarie.com