Saint Thomas d’Aquin
- Somme Théologique
3a = Tertia
Pars = 3ème partie
Question
51 : De la sépulture du Christ
Nous devons ensuite parler de la sépulture du Christ. — A ce sujet
quatre questions sont à examiner : 1° A-t-il été convenable que le Christ fût
enseveli ? — 2° Du mode de sa sépulture. — 3° Son corps s’est-il corrompu dans
le tombeau ? — 4° Du temps qu’il y est resté. (Les arméniens ont prétendu
que le Christ était ressuscité le jour du sabbat ; ce qui est contraire à la
croyance de l’Eglise, qui, dans tous ses symboles, dit qu’il est ressuscité le
troisième jour, conformément à ces paroles de l’Evangile (Matth.,
12, 40) : Le Fils de l’homme sera dans le
sein de la terre trois jours et trois nuits, et à celles du prophète (Osée,
6, 3) : Il nous rendra la vie après deux
jours ; le troisième jour il nous ressuscitera.)
Article 1 : A-t-il
été convenable que le Christ fût enseveli ?
Objection N°1. Il semble qu’il n’ait pas été convenable
que le Christ fût enseveli. Car il est dit du Christ (Ps. 87, 6) : Il est
devenu comme un homme sans secours, libre parmi les morts. Or, les corps
des morts sont enfermés dans un tombeau, ce qui paraît être contraire à la
liberté. Il ne semble donc pas qu’il ait été convenable que le corps du Christ
fût enseveli.
Réponse à
l'objection N°1 : Le Christ enseveli montre qu’il a été libre entre les morts,
en ce que le tombeau où il était renfermé n’a pas pu l’empêcher d’en sortir par
la résurrection.
Réponse à l'objection N°2 : Comme la mort du Christ a opéré notre salut à titre de
cause efficiente, de même aussi sa sépulture. D’où saint Jérôme dit (Sup. Matth., Sepulturâ Christi resurgimus, et super Is., chap. 53 : Dabit impios pro sepulturâ, glos. ord. Hier.)
: Il donnera à Dieu son Père des nations qui étaient sans piété, parce qu’il
les a conquises par sa mort et sa sépulture.
Réponse à l'objection N°3 : Comme on le voit dans un discours du
concile d’Ephèse (hab., part. 3, chap. 9) : Aucune des choses qui contribuent
au salut des hommes ne fait injure à Dieu ; elles ne montrent pas qu’il est
passible, mais clément. Et dans un autre discours (ibid., chap. 10) : Dieu ne considère pas comme injurieux pour lui
ce qui est une occasion de salut pour les hommes. D’ailleurs nous ne devons pas
avoir de la nature de Dieu une idée si basse, que nous la croyions susceptible de jamais recevoir une injure.
Mais
c’est le contraire. Le Seigneur dit de la femme qui l’avait couvert de
parfums (Math., 26, 10) : Elle a fait à
mon égard une bonne œuvre ; puis il ajoute : Lorsqu’elle a répandu ce
parfum sur mon corps, elle l’a fait en vue de ma sépulture.
Conclusion
Pour prouver que la mort du Christ était véritable, pour donner aux morts
l’espérance de la résurrection et pour servir d’exemple aux actes humains
relativement à leur mort spirituelle et à l’ensevelissement de leurs péchés, il
a été convenable, non seulement que le Christ mourût, mais encore qu’il fût
enseveli.
Il faut répondre qu’il a été convenable que le Christ fût enseveli :
1° pour prouver la vérité de sa mort ; car on ne met quelqu’un dans un tombeau
que quand il est constant qu’il est véritablement mort. D’où l’on voit (Marc,
chap. 15) que Pilate, avant de permettre d’ensevelir le Christ, a fait examiner
avec soin s’il était mort. 2° Parce que par là même que le Christ est
ressuscité du tombeau, il donne l’espérance de ressusciter par lui à ceux qui
sont aussi dans le tombeau, d’après ces paroles (Jean, 5, 28) : Tous ceux qui sont dans les tombeaux
entendront la voix du Fils de Dieu, et ceux qui l’auront entendue, vivront.
3° Il a été enseveli pour que sa mort servit d’exemple
à ceux qui meurent spirituellement au péché et qui s’éloignent du trouble des
hommes. C’est ce qui fait dire à saint Paul (Col., 3, 3) : Vous êtes mort
et votre vie a été cachée en Dieu avec le Christ. C’est pour cela que ceux
qui sont baptisés et qui meurent aux péchés par la mort du Christ sont en
quelque sorte ensevelis avec lui par l’immersion (Allusion à la coutume des
grecs, qui baptisent par immersion, tenant le catéchumène le visage tourné vers
l’Orient. On baptisait aussi le plus souvent par immersion du temps de saint
Thomas (Voyez plus loin, quest. 61, art. 7).), d’après ces paroles (Rom., 6, 4) : Nous avons été ensevelis avec le Christ par le baptême pour mourir au
péché.
Article 2 : Le Christ
a-t-il été enseveli de la manière convenable ?
Objection N°1. Il semble que le Christ n’ait pas été enseveli d’une manière
convenable. Car sa sépulture répond à sa mort. Or, le Christ a souffert la mort
la plus abjecte, d’après ces paroles (Sag., 2, 20) : Condamnons-le
à la mort la plus honteuse. Il ne paraît donc pas convenable qu’on lui ait
accordé une sépulture honorable, par exemple qu’il ait été enseveli par de
grands personnages, tels que Joseph d’Arimathie, qui était un noble décurion,
comme on le voit (Math., chap. 15), et tel que Nicodème, qui était prince des Juifs, d’après saint Jean (Jean,
chap. 3).
Réponse à
l'objection N°1 : A l’égard de la mort du Christ on loue d’autant plus la
patience et la constance de celui qui l’a soufferte, qu’elle a été plus
humiliante ; mais sa sépulture honorable montre la vertu qu’il avait après sa
mort, puisque, contre l’intention de ses persécuteurs, il a été enseveli avec
honneur, après qu’il eut rendu le dernier soupir, et elle figure à l’avance la
dévotion des fidèles, qui devait le servir après sa mort.
Objection
N°2. On n’a rien dû faire à l’égard du Christ qui pût être un
exemple de dépense inutile et superflue. Or, il semble que ce fut une dépense
superflue que fît Nicodème, lorsqu’il
vint avec cent livres d’une composition de myrrhe et d’aloès, pour
ensevelir le Christ (Jean, chap. 19), d’autant plus qu’auparavant une femme était venue par avance embaumer
son corps, pour lui rendre les devoirs de la sépulture (Marc, 14, 8).
Ce qui a été fait à l’égard du Christ n’a donc pas été convenable.
Réponse
à l'objection N°2 : A l’égard de ce que
rapporte l’évangéliste, ils l’ensevelirent selon la coutume des Juifs, pour
nous apprendre, d’après saint Augustin (Tract.
120 sup. Jud.), que pour les devoirs qu’on rend aux morts, on doit observer
les usages de chaque nation. Or, c’était la coutume des Juifs d’ensevelir les
corps des morts avec des aromates, pour qu’ils se conservassent intacts plus
longtemps. C’est ce qui fait dire au même Père (De doct. christ.,
liv. 3, chap. 12) que dans toutes ces choses, ce n’est pas l’usage qu’on en
fait, mais la passion avec laquelle on en use, qui est un mal, et que,
d’ailleurs, ce qui est ordinairement une faute dans les autres est le signe de
quelque grand mystère, quand il s’agit de Dieu ou d’un personnage prophétique.
Car la myrrhe et l’aloès, à cause de leur amertume, désignent la pénitence par
laquelle on conserve le Christ en soi sans la corruption du péché ; et l’odeur
des aromates signifie-la bonne renommée.
Objection
N°3. Il n’est pas convenable qu’une chose que l’on fait soit en
désaccord avec elle-même. Or, la sépulture du Christ a été simple sous un
rapport ; car il est dit (Math., 27, 59) que Joseph enveloppa son corps dans un linceul bien propre ; mais, selon
l’observation de saint Jérôme (ibid.),
il ne le couvrit pas d’or, de pierreries ou de soie. Sous un autre rapport, il
paraît cependant qu’elle a été recherchée, puisqu’on l’ensevelît avec des
aromates. Il semble donc que ce mode de sépulture du Christ n’ait pas été
convenable.
Réponse
à l'objection N°3 : La myrrhe et l’aloès
ont été employés à la sépulture du corps du Christ pour le mettre à l’abri de
la corruption, ce qui paraissait être nécessaire d’une certaine manière ; ce
qui nous apprend que nous pouvons licitement user, à titre de remèdes, de
certaines choses précieuses, si la conservation de notre santé l’exige. On a enveloppé
son corps, uniquement pour sauvegarder la décence, et dans ce cas nous devons
nous contenter de ce qu’il y a de plus simple. D’ailleurs ce linceul
signifiait, d’après saint Jérôme (in hunc loc.), que celui qui reçoit Jésus dans une âme
sans tache l’enveloppe ainsi. De là, comme le dit Bède (Sup. Marc., chap. 44), est venue dans l’Eglise la coutume de
célébrer le sacrifice de l’autel, non sur la soie ni sur une étoffe teinte,
mais sur le lin le plus pur, comme le corps du Seigneur a été enseveli dans un
linceul très propre.
Objection
N°4. Tout ce qui a été écrit,
surtout à l’égard du Christ, a été écrit
pour notre enseignement, d’après saint Paul (Rom., 15, 4). Or, on lit dans les Evangiles, à l’égard du tombeau
du Christ, des choses qui paraissent ne se rapporter en rien à notre
instruction. Ainsi il est dit qu’il fut enseveli dans un jardin, dans un
tombeau étranger, nouveau et taillé dans le roc. Ce mode de sépulture ne paraît
donc pas convenable.
Réponse
à l'objection N°4 : Le Christ
a été enseveli dans un jardin, pour signifier que nous sommes délivrés par sa
mort et sa sépulture de la mort que nous avions encourue par le péché d’Adam,
qui a été commis dans le jardin du paradis terrestre. Le Sauveur est mis dans
un sépulcre étranger, comme le dit saint Augustin (in quod. serm. De sepulc. Dom.), parce qu’il mourait
pour le salut des autres, et que le sépulcre est la demeure de la mort. Nous
pouvons aussi voir en cela l’extrémité de la pauvreté qu’il a prise pour nous.
Car celui qui n’a pas eu une demeure pendant sa vie a été déposé après sa mort
dans le sépulcre d’un autre, et il a été couvert par Joseph, qui l’avait trouvé
nu. On le met dans un sépulcre neuf, de peur, comme le dit saint Jérôme (in hunc loc. Matth.), qu’après sa résurrection, d’autres corps
restant dans le tombeau, on ne se figure qu’un autre est ressuscité. Ce
sépulcre nouveau peut aussi être la figure du sein virginal de Marie. On donne
encore par là à entendre que la sépulture du Christ nous a tous renouvelés, en
détruisant la mort et la corruption. Il a été mis dans un tombeau creusé dans
le roc (Cajétan ajoute qu’en choisissant ainsi un sépulcre immobile, c’était le
moyen de perpétuer le témoignage de la mort du Christ sur la terre, et aussi sa
vertu, puisque ce sépulcre reste glorieux, malgré les ennemis de la foi, qui
l’ont entre les mains.), parce que, selon la pensée de saint Jérôme (Sup. illud Matth, chap. 27 : Jube ergὸ custodiri, etc.), s’il eût été construit avec plusieurs
pierres, on aurait pu dire qu’on a creusé sous les fondements, et qu’on l’a
enlevé par fraude. La grande pierre qu’on avait mise à l’entrée montre que son
tombeau ne pouvait être ouvert sans le secours de plusieurs personnes. S’il eût
été enseveli dans la terre, on aurait pu dire, selon la remarque de saint
Augustin, qu’on avait creusé la terre, et qu’on l’avait volé. — Dans un sens
mystique, cela signifie, d’après saint Hilaire (can. ult. in Math.), que
l’enseignement des apôtres devait faire entrer le Christ dans le cœur de la
gentilité, après l’avoir façonné en quelque sorte par l’action de la doctrine,
comme une terre nouvelle et inculte, et qui, jusqu’à ce moment, n’avait été
accessible d’aucune manière à la crainte de Dieu. Et parce qu’il ne faut rien
laisser pénétrer autre chose que lui-même dans notre cœur, on roule une pierre
à l’entrée. Et, selon la remarque d’Origène (Tract. 35 in Math.), ce n’est pas en vain qu’il a été écrit que
Joseph enveloppa le corps du Christ d’un linceul très propre, qu’il le mît dans
un sépulcre nouveau, et qu’il en ferma l’entrée ; parce que toutes les choses
qui se rapportent au corps du Christ sont pures, nouvelles et très grandes
(Dans toute cette question, saint Thomas s’attache au sens spirituel ou
métaphorique, parce que le sens littéral est clair et n’a pas besoin d’explication.).
Mais c’est le contraire. Le prophète dit (Is., 11, 10) : Son tombeau sera glorieux.
Conclusion
D’après le récit évangélique, le Christ a été enseveli dans l’ordre et de la
manière qui convenaient.
Article 3 : Le
corps du Christ s’est-il corrompu dans le tombeau ?
Objection N°1. Il semble que le corps du Christ se soit corrompu dans
le tombeau. Car, comme la mort est la peine du péché de nos premiers parents,
de même aussi la corruption ; puisqu’il a été dit au premier homme après son
péché : Vous êtes poussière et vous
retournerez en poussière (Gen., 3, 19). Or, le Christ a supporté la mort pour nous en
délivrer. Son corps a donc dû aussi se corrompre pour nous délivrer de la
corruption.
Réponse à
l'objection N°1 : Le Christ n’étant pas soumis au péché, n’était
assujetti ni à la mort, ni à la dissolution ; cependant il a supporté la mort
volontairement à cause de notre salut, pour les raisons que nous avons données
(quest. préc., art. 1). Mais si son corps s’en était allé en
putréfaction ou en poussière, cet acte aurait plutôt tourné au détriment du
salut de l’homme, puisqu’on aurait cru que la vertu divine n’était pas en lui.
C’est pourquoi le Psalmiste fait dire au Christ (Ps. 29, 10) : De quelle
utilité sera mon sang si je descends dans la corruption ? Comme s’il eût
dit : Si mon corps s’en allait en putréfaction, tout le profit du sang que j’ai
répandu serait perdu (gloss. ord. August.
in istum Ps.).
Réponse à l'objection N°2 : Le corps du Christ a été
susceptible de se corrompre, si on considère la condition de sa nature,
quoiqu’il n’ait pas mérité d’être corrompu, puisqu’il a été sans péché ; mais
la vertu divine l’a préservé de la corruption, comme elle l’a ressuscité de la
mort.
Objection N°3. Comme nous l’avons dit (art. 1), le Christ
a voulu être enseveli pour donner aux hommes l’espérance de ressusciter de
leurs tombeaux. Il a donc dû aussi laisser son corps s’en aller en poussière,
pour donner à ceux qui sont dans cet état l’espoir de ressusciter après avoir
été ainsi pulvérisés.
Réponse à l'objection N°3 : Le Christ est ressuscité de son tombeau
par la vertu divine, qui n’est limitée d’aucune manière. C’est pourquoi, par là
même qu’il est ressuscité de son tombeau, il a suffisamment prouvé que les
hommes devaient être ressuscités par la vertu divine, non seulement de leurs
tombeaux, mais encore de leurs cendres, quelles qu’elles fussent.
Mais
c’est le contraire. Le Psalmiste dit (Ps. 15,
10) : Vous ne permettrez pas que votre
saint corps éprouve la corruption, ce que saint Jean Damascène entend (Orth. fid., liv. 3, chap.
18) de la corruption qui résulte de la dissolution des éléments.
Conclusion
De peur que la mort du Christ ne fût attribuée à l’infirmité de sa nature, il a
été nécessaire que son corps fût conservé intact et incorruptible dans son tombeau
par fa vertu de la divinité qui ne l’a jamais abandonné.
Il faut répondre qu’il n’a pas été convenable que le corps du Christ
tombât en putréfaction ou qu’il se corrompît de toute autre manière ; parce que
la putréfaction d’un corps provient de l’infirmité de sa nature, qui ne peut
plus le conserver dans son unité. Or, la mort du Christ, ainsi que nous l’avons
dit (quest. préc.,
art. 1, Réponse N°2), n’a pas dû résulter de l’infirmité de la nature, dans la
crainte qu’on ne crût qu’elle n’était pas volontaire ; c’est pourquoi il a
voulu mourir, non par suite d’une maladie, mais par suite de la passion à
laquelle il s’est offert de lui-même. C’est aussi pour ce motif que, dans la
crainte que sa mort ne fût attribuée à l’infirmité de sa nature, il n’a pas
voulu que son corps se putréfiât ou tombât en dissolution de quelque manière ;
mais qu’il a voulu, au contraire, qu’il restât incorruptible pour montrer sa
vertu divine. D’où saint Chrysostome dit (in demonst.
Quod Deus sit,
cont. Gent.) : que tant que les hommes vivent, les belles actions qu’ils font
ont de l’éclat ; mais une fois qu’ils ne sont plus, elles périssent avec eux.
Mais dans le Christ c’est tout le contraire ; car avant sa mort sur la croix,
en lui tout est triste et faible, mais dès qu’il a été crucifié toutes ses
actions deviennent plus brillantes, pour nous apprendre que ce n’est pas un
simple mortel qui a été crucifié.
Article 4 : Le Christ
n’a-t-il été dans le tombeau qu’un jour et deux nuits ?
Objection N°1. Il semble que le Christ n’ait pas été dans le tombeau
seulement un jour et deux nuits. Car il dit lui-même (Math., 12, 40) :
Comme Jonas a été dans le ventre de la
baleine trois jours et trois nuits, de même le Fils de l’homme sera dans le
sein de la terre trois jours et trois nuits. Or, il a été dans le
sein de la terre pendant qu’il était dans le tombeau. Il n’a donc pas été dans
le tombeau qu’un jour et deux nuits.
Réponse à
l'objection N°1 : Comme le dit saint Augustin (De consens. Evang., liv. 3,
chap. 24), il y a eu des auteurs qui, ne connaissant pas la manière ordinaire
de s’exprimer des saintes Ecritures, ont voulu compter pour une nuit les trois
heures qui se sont écoulées de sexte à none, pendant que le soleil a été
obscurci, et appeler jour les trois autres heures pendant lesquelles il a été
de nouveau rendu à la terre, c’est-à-dire depuis none jusqu’à son coucher.
Vient ensuite la nuit du sabbat qui comptée avec son jour donne deux nuits et
deux jours. Et après le sabbat est venu la nuit du premier sabbat, c’est-à-dire
du jour éclatant dans lequel le Seigneur est alors ressuscité. Dans ce système
on ne parvient pas encore à rendre compte de trois jours et de trois nuits. Il
nous reste donc à le faire en revenant à la manière ordinaire de s’exprimer des
saintes Ecritures, d’après laquelle on emploie la partie pour le tout ; de
telle sorte que nous prenons un jour et une nuit pour un seul jour naturel
(quod seq. hab., De
Trin., liv. 4, chap. 6). Ainsi le premier jour se compte d’après la
dernière partie du vendredi qui est le jour où le Christ est mort et a été
enseveli ; le second jour est complet et renferme vingt-quatre heures tant pour
le jour que pour la nuit ; mais la nuit suivante appartient au troisième jour
(Dans l’Ecriture, ces expressions : Post tres dies, post triduum, signifient
le troisième jour ; post dies octo, le
huitième jour (Jean, 20, 26) ; post
septem annos, la septième année (Deut., 31, 10)). Car, comme les premiers jours de la création sont
allés à cause de la chute future de l’homme de la lumière à la nuit, de même
ceux-ci à cause de sa régénération vont des ténèbres à la lumière.
Objection
N°2. Saint Grégoire dit (Hom. pasch. 21 in Ev.) que comme Samson
enleva les portes de Gaza au milieu de la nuit, de même le Christ est
ressuscité enlevant au milieu de la nuit les portes de l’enfer. Or, après sa
résurrection il n’a pas été dans le tombeau. Il n’y a donc pas passé deux nuits
entières.
Réponse à
l'objection N°2 : Comme le dit saint Augustin (De Trin., liv. 4, chap. 6), le Christ est ressuscité le matin au
moment où la lumière commence à paraître et où il reste encore quelque chose
des ténèbres de la nuit. C’est pourquoi il est dit des femmes (Jean, 20,
1i) que quand il faisait encore obscur,
elles vinrent au tombeau. C’est à cause de ces ténèbres que saint Grégoire
dit (Hom. 21 in Evang.)
que le Christ est ressuscité au milieu de la nuit, ne divisant pas la nuit en
deux parties égales, mais supposant plutôt que la nuit était déjà passée. Car on peut dire que le crépuscule appartient au
jour et qu’il appartient à la nuit à cause du rapport qu’il a avec l’un et
l’autre.
Réponse à l'objection N°3 : Dans la mort du
Christ la lumière qui est signifiée par un seul jour a tellement prévalu
qu’elle a écarté les ténèbres des deux nuits, c’est-à-dire de notre double
mort, comme nous l’avons dit (dans le corps de cet article.).
Conclusion Puisque par la seule mort du Christ qu’il a
subie, non pour ses péchés, mais par charité, nous avons été délivrés de la
double mort de l’âme et du corps, il a été convenable qu’il ne restât dans le
tombeau qu’un jour et deux nuits.
Il
faut répondre que le temps que le Christ a passé dans le tombeau représente
l’effet de sa mort. Ainsi nous avons dit (quest. préc., art. 6) que nous avons été délivrés par la mort du Christ
d’une double mort, de la mort de l’âme et de la mort du corps : ce qui est
représenté par les deux nuits que le Christ a passées dans le tombeau. Comme sa
mort n’est pas provenue du péché, mais de la charité, elle n’a pas eu la nature
de la nuit, mais du jour. C’est pour cela qu’elle est signifiée par le jour
complet qu’il est resté dans le sépulcre. Par conséquent il a été convenable
qu’il restât dans le tombeau un jour et deux nuits.
Copyleft. Traduction
de l’abbé Claude-Joseph Drioux et de JesusMarie.com qui autorise toute personne à copier et à rediffuser par
tous moyens cette traduction française. La Somme Théologique de Saint Thomas
latin-français en regard avec des notes théologiques, historiques et
philologiques, par l’abbé Drioux, chanoine honoraire de Langres, docteur en
théologie, à Paris, Librairie Ecclésiastique et Classique d’Eugène Belin, 52,
rue de Vaugirard. 1853-1856, 15 vol. in-8°. Ouvrage honoré des
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