Saint Thomas d’Aquin
- Somme Théologique
3a = Tertia
Pars = 3ème partie
Question
65 : Du nombre des sacrements
Il
nous reste enfin à considérer le nombre des sacrements, et à cet égard il y a
quatre questions à examiner : 1° Y a-t-il sept sacrements ? (Il est de foi
qu’il y a sept sacrements, contre les luthériens et les calvinistes, qui n’en
reconnaissent que deux ou trois. C’est ce que le conciti de Trente a ainsi délini (sess. 12, can. 1) : Si quis dixerit sacramenta novæ legis… aut esse plura vel pauciora quam septem, videlicet : Baptismum, Confirmationem, Eucharistiam, Pœnitentiam, Extremam-Unctionem, Ordinem et Matrimonium, aut etiam aliquod horum septem
non esse verò et propriè sacramentum, anathema sit.) — 2° De leur ordre respectif. — 3° De leur comparaison.
(Cet article est une réfutation de l’erreur de ceux qui considèrent tous les
sacrements comme égaux ; ce que le concile de Trente a condamné en ces termes
(sess. 7, can. 5) : Si quis dixerit hæc
septem sacramenta ità esse inter se paria, ut nullâ
ratione aliud sit alio dignius,
anathema sit.) — 4°
Sont-ils tous nécessaires au salut ?
Article 1 : Doit-il
y avoir sept sacrements dans l’Eglise ?
Objection N°1. Il semble qu’il ne doive pas y avoir sept
sacrements. Car les sacrements tirent leur efficacité de la vertu divine, et de
la vertu de la passion du Christ. Or, la vertu divine est une et la passion du
Christ aussi ; puisque par une seule
oblation il a rendu parfaits pour toujours ceux qu’il a sanctifiés, selon
l’expression de saint Paul (Héb., 10, 14).
Il n’a donc dû y avoir qu’un seul sacrement.
Réponse à
l’objection N°1 : Le même agent principal se sert d’instruments différents pour
des effets divers, selon la convenance des œuvres. C’est ainsi que la vertu
divine et la passion du Christ opèrent en nous par des
sacrements différents, comme par des instruments divers.
Réponse à l’objection N°2 : La faute et la peine différent entre elles, selon
l’espèce, en ce sens qu’il y a différentes espèces de fautes et de peines, et
selon les divers états des hommes et leurs différentes habitudes. C’est pour
cela qu’il a fallu qu’il y eût plusieurs sacrements, comme on le voit d’après
ce que nous avons dit (dans le corps de l’article.).
Objection N°3. Les sacrements appartiennent aux actions de la hiérarchie
ecclésiastique, comme le prouve saint Denis (De eccles. hier., chap. 2 et 5). Or, d’après ce même Père, il y a trois
actions qui sont propres à la hiérarchie : la purgation, l’illumination et la
perfection. Il ne doit donc y avoir que trois sacrements.
Réponse à l’objection N°3 : Dans les actions hiérarchiques on considère ceux qui
agissent, ceux qui reçoivent et les actions. Ceux qui agissent sont les
ministres de l’Eglise, auxquels le sacrement de l’ordre appartient ; ceux qui
reçoivent sont ceux qui s’approchent des sacrements et que le mariage produit ;
les actions sont la purgation, l’illumination et la perfection. La purgation
seule ne peut pas être un sacrement de la loi nouvelle qui confère la grâce,
mais elle appartient à certains sacramentaux, tels que le catéchisme et
l’exorcisme. La purgation et l’illumination, prises ensemble, d’après saint
Denis (De eccles. hier., chap. 3), appartiennent au
baptême, et à cause de la rechute elles appartiennent secondairement à la
pénitence et à l’extrême-onction. La perfection, quant à la vertu qui est en
quelque sorte la perfection formelle, appartient à la confirmation ; mais quant
à l’obtention de la fin, elle appartient à l’eucharistie.
Réponse à l’objection N°4 : Dans le sacrement de confirmation la plénitude de
l’Esprit-Saint est donnée pour fortifier ; et dans l’extrême-onction, l’homme
est préparé à recevoir immédiatement la gloire. Aucune de ces deux choses ne
convient à l’Ancien Testament. C’est pourquoi il n’y a rien eu sous la loi qui
pût répondre à ces sacrements. Cependant les sacrements, sous l’ancienne loi,
furent plus nombreux à cause de la diversité des sacrifices et des cérémonies.
Réponse à l’objection N°5 : Il a fallu spécialement remédier, par un sacrement, à la
concupiscence charnelle ; d’abord parce que cette concupiscence corrompt non
seulement la personne, mais encore la nature ; ensuite à cause de sa violence
qui absorbe la raison.
Réponse à l’objection N°6 : L’eau bénite et les autres consécrations ne sont pas
appelées des sacrements, parce qu’elles ne conduisent pas à l’effet du
sacrement, qui est l’obtention de la grâce ; mais elles disposent aux
sacrements, soit en écartant ce qui empêche de les recevoir, comme l’eau
bénite, qui est un préservatif contre les embûches des démons et contre les
péchés véniels ; soit en produisant une certaine aptitude pour que le sacrement
existe et qu’on le reçoive, comme on consacre un autel et des vases par respect
pour l’eucharistie.
Objection N°7. Hugues de Saint-Victor dit (liv. 1 De sacram., part, 12, chap. 10) que les sacrements de l’ancienne loi
ont été des oblations, des dîmes et des sacrifices. Or, le sacrifice de
l’Eglise est un sacrement qui est appelé Eucharistie.
On doit donc dire aussi que les oblations et les dîmes sont des sacrements.
Réponse à l’objection N°7 : Les oblations et les dîmes avaient été établies sous la
loi de nature aussi bien que sous la loi de Moïse, non seulement pour venir en
aide aux ministres et aux pauvres, mais encore d’une manière figurative. C’est
pour cela qu’elles étaient des sacrements. Mais maintenant qu’elles ne
subsistent plus comme choses figuratives, elles ne sont plus des sacrements.
Objection N°8. Il y a trois genres de péchés : le péché
originel, le péché mortel, le péché véniel. Or, le baptême a pour but d’effacer
le péché originel et la pénitence le péché mortel. Indépendamment des sept
sacrements, il devrait donc y en avoir un autre qui eût pour but d’effacer le
péché véniel.
Réponse à l’objection N°8 : L’infusion de la grâce n’est pas
nécessaire pour effacer le péché véniel. Par conséquent puisque dans tout
sacrement de la loi nouvelle la grâce nous est infuse, il n’y a pas de
sacrement qui soit directement institué contre le péché véniel qui est effacé
par les sacramentaux ; comme l’eau bénite et les autres sacramentaux
semblables. Cependant il y en a qui disent que l’extrême-onction a été établie
contre le péché véniel. Mais nous en parlerons en son lieu (Suppl., quest. 30, art. 1).
Conclusion C’est avec raison qu’il y a dans l’Eglise sept
sacrements : le baptême, la confirmation, l’eucharistie, la pénitence, l’ordre,
le mariage et l’extrême-onction, par lesquels l’homme est suffisamment
perfectionné en ce qui appartient au culte divin et en ce qui regarde communément
le défaut du péché.
Il
faut répondre que, comme nous l’avons dit (quest. 62, art. 3, et quest. 63,
art. 3), les sacrements de l’Eglise sont établis pour deux choses, c’est-à-dire
pour perfectionner l’homme en ce qui appartient au culte de Dieu selon la
religion de la vie chrétienne, et pour remédier au défaut du péché. C’est avec
raison qu’à ce double point de vue on reconnaît sept sacrements. Car la vie
spirituelle a une certaine ressemblance avec la vie corporelle, comme toutes
les choses corporelles ont de l’analogie avec les choses spirituelles. Or, à
l’égard de la vie corporelle, un individu est rendu parfait de deux manières :
1° quant à sa propre personne ; 2° par rapport à la société entière dans
laquelle il vit ; parce que l’homme est naturellement un animal social.
Relativement à lui-même, l’individu jouit parfaitement de la vie corporelle de
deux manières : 1° absolument, en acquérant la perfection de la vie elle-même ;
2° par accident, en écartant ce qui fait obstacle à la vie, comme les maladies
ou toute autre chose semblable. Absolument la vie corporelle est perfectionnée
de trois manières. 1° Par la génération, par laquelle l’homme commence à
exister et à vivre. Elle est remplacée pour la vie spirituelle par le baptême,
qui est la régénération de l’âme, d’après saint Paul, qui l’appelle (Tite, 3, 5)
l’eau de la régénération. 2° Par
l’accroissement, qui fait qu’on arrive au développement et à la vertu de
l’homme fait. Ce qui en tient lieu dans la vie spirituelle, c’est la
confirmation, qui nous confère l’Esprit-Saint pour nous fortifier. C’est
pourquoi il est dit aux disciples qui ont reçu le baptême (Luc, 24,
49) : Demeurez dans la ville jusqu’à ce que vous
soyez revêtus de la force d’en haut. 3° Par la nutrition, qui conserve dans
l’homme la vie et la force ; elle est remplacée dans la vie spirituelle par
l’eucharistie. D’où il est dit (Jean, 6, 54)
: Si vous ne mangez la chair du Fils de
l’homme et si vous ne buvez son sang, vous n’aurez pas la vie en vous. Ces
choses suffiraient à l’homme, s’il avait corporellement et spirituellement une
vie impassible. Mais parce qu’il est soumis quelquefois à des infirmités
corporelles et spirituelles, c’est-à-dire au péché, il s’ensuit qu’il est
nécessaire qu’il soit guéri de ses infirmités. Or, ces guérisons sont de deux
sortes : l’une a pour objet de rétablir la santé ; ce qui la remplace dans la
vie spirituelle, c’est la pénitence, d’après ces paroles du Psalmiste (Ps. 40, 5) : Guérissez mon âme, parce que j’ai péché contre vous. L’autre a pour
objet de rendre la santé qu’on avait auparavant par une diète convenable et
l’exercice. Ce qui en tient lieu dans la vie spirituelle, c’est l’extrême-onction,
qui écarte ce qui reste du péché et rend l’homme prêt à la gloire finale. C’est
ce qui fait dire à saint Jacques (5, 15) : S’il
est dans le péché, il lui sera pardonné. — L’homme est perfectionné,
relativement à la société tout entière, de deux manières : 1° Par ce qui lui
donne le pouvoir de régir la multitude et d’exercer des actes publics ; ce qui
a lieu dans la vie spirituelle par le sacrement de l’ordre, d’après saint Paul,
qui dit (Héb., chap. 7) que les prêtres offrent des victimes, non seulement pour eux, mais encore
pour le peuple. 2° Relativement à la propagation naturelle ; ce qui se fait
par le mariage, dans la vie corporelle aussi bien que dans la vie spirituelle,
parce que le mariage n’est pas seulement un sacrement, mais encore un devoir de
la nature. — On reconnaît encore évidemment la nécessité du même nombre de
sacrements, selon qu’ils ont pour but de remédier au péché. Car le baptême est
établi contre la privation de la vie spirituelle ; la confirmation contre la
faiblesse de l’âme qui se trouve dans ceux qui viennent de naître ;
l’eucharistie contre la facilité qu’ils ont à pécher ; la pénitence contre le
péché actuel commis après le baptême ; l’extrême-onction contre les restes du
péché qui n’auraient pas été suffisamment effacés par la pénitence, soit par
négligence, soit par ignorance ; l’ordre contre la dissolution de la société ;
le mariage pour remédier à la concupiscence personnelle et empêcher la société
de s’éteindre par la mort. — D’autres expliquent le nombre des sacrements selon
qu’ils correspondent aux vertus et aux défauts qui résultent du péché et de la
peine, en disant : que le baptême répond à la foi, et qu’il est établi contre
le péché originel ; l’extrême-onction à l’espérance, et elle est établie contre
le péché véniel ; l’eucharistie à la charité, et elle est instituée contre la
pénalité de la malice ; l’ordre à la prudence, et il a pour but de combattre
l’ignorance ; la pénitence à la justice, et elle est le remède contre le péché
mortel ; le mariage à la tempérance, et il est opposé à la concupiscence ; la
confirmation à la force, et elle remédie à la faiblesse.
Article 2 : Les
sacrements sont-ils convenablement ordonnés selon le mode prescrit
antérieurement ?
Objection N°1. Il semble que les sacrements ne soient pas
convenablement ordonnés selon le mode prescrit antérieurement (art. préc.). Car, comme le dit l’Apôtre (1 Cor., 15, 46) : Ce qui est animal existe d’abord, ensuite ce qui est spirituel. Or,
l’homme est engendré par le mariage de la première génération qui est la
génération animale, et il est régénéré par le baptême de la seconde génération
qui est la génération spirituelle. Le mariage doit donc précéder le baptême.
Réponse à
l’objection N°1 : Le mariage selon qu’il a pour but la vie animale est un
devoir de la nature ; mais selon qu’il se rapporte à la vie spirituelle, c’est
un sacrement. Et parce que c’est de tous les sacrements celui qui est le moins
spirituel, on le place en dernier lieu.
Réponse à l’objection N°2 : Pour qu’une chose soit un agent, on présuppose qu’elle
est parfaite en elle-même. C’est pourquoi les sacrements qui perfectionnent
l’individu en lui-même sont antérieurs au sacrement de l’ordre qui rend une
personne apte à perfectionner les autres.
Réponse à l’objection N°3 : La nourriture précède l’accroissement, comme sa cause,
et elle le suit selon qu’elle conserve l’homme dans une corpulence et une force
parfaite. C’est pour cela que l’eucharistie peut être mise avant la
confirmation, comme le fait saint Denis (Lib.
de eccles. hier.,
chap. 3 et 4), et elle peut être mise après, comme le fait le Maître des sentences
(Cet ordre, qui a été suivi par saint Thomas et tous les scolastiques, a été
adopté par le concile de Florence et par le concile de Trente.) (4, Sent., dist. 7 et 8).
Réponse à l’objection N°4 : Cette raison serait concluante si la pénitence était
nécessairement requise comme une préparation à l’eucharistie. Mais il n’en est
pas ainsi. Car si quelqu’un était sans péché mortel, il n’aurait pas besoin de
la pénitence pour recevoir l’eucharistie. Et par conséquent il est évident que
la pénitence prépare par accident à l’eucharistie, c’est-à-dire dans la
supposition que le péché existe. D’où il est dit (2 Par., chap. 36) (?) : Pour
vous, Seigneur, vous n’avez pas imposé de pénitence aux justes.
Objection N°5. Ce qui est plus près de la fin dernière vient en dernier
lieu. Or. l’extrême-onction est de tous les sacrements
celui qui est le plus rapproché de la fin dernière de la béatitude. Elle doit
donc tenir le dernier rang parmi les sacrements.
Réponse à l’objection N°5 : L’extrême-onction pour la raison que nous
avons donnée est le dernier des sacrements qui se rapportent à la perfection de
l’individu.
Conclusion Parmi les sacrements on met en dernier lieu
l’ordre et le mariage ; la pénitence et l’extrême onction sont après le
baptême, la confirmation et l’eucharistie ; mais l’extrême-onction est après la
pénitence ; par rapport aux trois autres, le baptême précède la confirmation et
l’eucharistie.
Il
faut répondre que l’on voit la raison de l’ordre des sacrements d’après ce que
nous avons dit (art. préc.). Car comme l’unité est avant la multiplicité,
de même les sacrements qui sont établis pour la perfection de l’individu seul
précèdent naturellement ceux qui sont établis pour la perfection de la société.
C’est pourquoi parmi les sacrements on met en dernier lieu l’ordre et le
mariage qui sont établis pour la perfection de la société. Cependant on met le
mariage après l’ordre, parce qu’il participe moins à la nature de la vie
spirituelle qui est le but des sacrements. Mais parmi ceux qui regardent la
perfection de l’individu, ceux qui ont pour but par eux-mêmes la perfection de
la vie spirituelle sont naturellement antérieurs à ceux qui ne s’y rapportent
que par accident ; comme ceux qui ont pour fin d’écarter l’accident nuisible
qui survient, tels que la pénitence et l’extrême onction. Mais
l’extrême-onction qui consomme la guérison est naturellement postérieure à la
pénitence qui la commence. Quant aux trois autres, il est évident que le
baptême qui est la régénération spirituelle est le premier ; vient ensuite la
confirmation qui a pour but la perfection formelle de la vertu ; et enfin
l’eucharistie qui se rapporte à la perfection finale.
Article 3 : Le
sacrement de l’eucharistie est-il le plus excellent
des sacrements ?
Objection N°1. Il semble que le sacrement de
l’eucharistie ne soit pas le plus excellent des sacrements ; car le bien commun
l’emporte sur le bien de l’individu, comme nous l’avons dit (Eth., liv. 1, chap. 2). Or, le mariage est
établi pour produire le bien commun de l’espèce humaine par voie de génération
; tandis que le sacrement de l’eucharistie a pour but le bien propre de celui
qui le reçoit. Il n’est donc pas le plus excellent des sacrements.
Réponse à l’objection N°1 : Le mariage a pour but le bien
commun corporellement, tandis que le bien commun spirituel de l’Eglise entière
est substantiellement contenu dans le sacrement même de l’eucharistie.
Réponse à l’objection N°2 : Par l’ordre et la confirmation les fidèles du Christ
sont consacrés à des offices spéciaux qui appartiennent à la charge du prince ;
c’est pourquoi il n’appartient qu’à l’évêque qui est comme un prince dans
l’Eglise de conférer ces sacrements. Mais par le sacrement de l’eucharistie on
n’est pas voué à un office, ce sacrement est plutôt la fin de tous les offices
quels qu’ils soient, comme nous l’avons dit (dans le corps de l’article.).
Réponse à l’objection N°3 : Le caractère sacramentel, comme nous l’avons dit (quest.
63, art. 3), est une participation du sacerdoce du Christ. Par conséquent le
sacrement qui unit le Christ lui-même à l’homme est plus noble que le sacrement
qui en imprime le caractère.
Réponse à l’objection N°4 : Cette raison s’appuie sur la nécessité ;
car, comme le baptême est le plus excellent des sacrements, dans le sens qu’il
est le plus nécessaire, de même l’ordre et la confirmation ont une certaine
excellence en raison de leur ministère, et le mariage en raison de sa
signification. D’ailleurs rien n’empêche qu’une chose soit plus noble sous un
rapport, sans l’être davantage absolument.
Mais
c’est le contraire. Saint Denis dit (De cœlest. hier., chap. 3) qu’il n’arrive pas que quelqu’un soit
perfectionné de la perfection hiérarchique, sinon par la divine eucharistie. Ce
sacrement l’emporte donc sur tous les autres.
Conclusion Puisque le Christ est véritablement contenu
selon sa substance dans le sacrement de l’eucharistie et que tous les autres
sacrements se rapportent à celui-là comme à leur fin, il est évident qu’il est
le plus excellent de tous les sacrements.
Il
faut répondre qu’absolument parlant le sacrement de l’eucharistie est le plus
excellent de tous les sacrements. Ce qu’on peut rendre évident de trois
manières : 1° Par ce qu’il renferme, car le Christ est substantiellement
contenu dans le sacrement de l’eucharistie, tandis que les autres sacrements
renferment une vertu instrumentale qui est une participation du Christ, comme
on le voit d’après ce que nous avons dit (quest. 62, art. 4, Réponse N°3). Or,
ce qui existe par essence l’emporte toujours sur ce qui existe par
participation. 2° Par le rapport que les sacrements ont entre eux. Car tons les
autres sacrements paraissent se rapporter à celui-là comme à leur fin. En
effet, il est évident que le sacrement de l’ordre se rapporte à la consécration
de l’eucharistie, et le sacrement du baptême à sa réception. On est fortifié par
la confirmation pour qu’on ne soit pas excité par la crainte à s’éloigner de ce
sacrement ; la pénitence et l’extrême-onction préparent l’homme à recevoir
dignement le corps du Christ ; enfin le mariage se rapporte du moins par sa
signification à ce sacrement, en ce sens qu’il signifie l’union du Christ et de
l’Eglise, dont l’unité est figurée par le sacrement de l’eucharistie. D’où
l’Apôtre dit (Eph., 5, 31) : Ce sacrement est grand, je dis en
Jésus-Christ et dans l’Eglise (C’est ainsi que tout dans le culte se
rapporte au sacrifice.). 3° Par le rit des sacrements. Car presque tous les
sacrements sont consommés dans l’eucharistie, comme le dit saint Denis (De eccles. hier., chap. 3). Ainsi ceux qui ont reçu
les ordres communient, aussi bien que ceux qui ont reçu le baptême, s’ils sont
adultes. — La comparaison des autres sacrements entre eux peut être faite à
divers points de vue. Sous le rapport de la nécessité
le baptême est le plus important des sacrements ; sous le rapport de la
perfection c’est l’ordre ; le sacrement de confirmation tient le milieu ; le
sacrement de pénitence et celui d’extrême-onction sont d’un rang inférieur aux
autres. Car, comme nous l’avons dit (art. 1), ils se rapportent à la vie
chrétienne non par eux-mêmes, mais comme par accident, c’est-à-dire pour
remédier à un défaut qui survient. L’extrême-onction est à la pénitence ce que
la confirmation est au baptême ; de telle sorte que la pénitence est plus
nécessaire, mais l’extrême-onction plus parfaite (Le concile de Trente a sanctionné,
de son autorité, ce sentiment sess. 13, chap. 3).).
Article 4 : Tous
les sacrements sont-ils nécessaires au salut ?
Objection N°1. Il semble que tous les sacrements soient nécessaires
au salut. Car ce qui n’est pas nécessaire paraît être superflu. Or, aucun
sacrement n’est superflu ; parce que Dieu ne fait rien en vain. Tous les
sacrements sont donc nécessaires au salut.
Réponse à l’objection N°1 : Pour qu’une chose ne soit pas
superflue, il suffit qu’elle soit nécessaire de la première ou de la seconde
manière ; et de la sorte tous les sacrements sont nécessaires, comme nous
l’avons dit (dans le corps de l’article.).
Objection N°2. Comme il est dit du baptême (Jean, 3, 5)
: Si on ne renaît de l’eau et de l’Esprit-Saint
on ne peut entrer dans le royaume de Dieu, de même il est dit de
l’eucharistie (Jean, 6, 54)
: Si vous ne mangez la chair du Fils de
l’homme et si vous ne buvez son sang, vous n’aurez pas la vie en vous. Par
conséquent, comme le baptême est un sacrement nécessaire, de même aussi
l’eucharistie.
Réponse
à l’objection N°2 : Cette parole du
Seigneur doit s’entendre de la manducation spirituelle et non de la manducation
sacramentelle exclusivement (Si quis dixerit parvulis,
antequam ad annos discretionis pervenerint, necessariam esse Eucharistiæ communionem : anathema sit (Conc. Trid., sess. 21, can. 4).), comme le dit saint Augustin
(Tract. 26 sup. Joan.).
Réponse à l’objection N°3 : Quoique le mépris de tous les sacrements
soit contraire au salut, cependant il n’y a pas mépris d’un sacrement quand
quelqu’un ne prend pas soin de s’en approcher, lorsqu’il n’est pas nécessaire
au salut. Autrement tous ceux qui ne reçoivent pas l’ordre et qui ne se marient
pas feraient mépris de ces sacrements,
Mais
c’est le contraire. Car les enfants sont sauvés par le baptême seul sans les
autres sacrements.
Conclusion Il y a trois sacrements nécessaires au salut :
le baptême l’est absolument ; la pénitence pour celui qui est dans le péché
mortel, l’ordre par rapport à l’Eglise ; tous les autres sacrements sont
nécessaires dans le sens que par leur moyen on opère plus aisément son salut.
Il
faut répondre qu’on dit qu’une chose est nécessaire de deux manières par rapport
à la fin dont nous parlons maintenant : 1° Elle est nécessaire quand on ne peut
sans elle arriver à cette fin. C’est ainsi que la nourriture est nécessaire à
la vie de l’homme. Ce qui est ainsi nécessaire pour une fin, l’est absolument.
2° On dit qu’une chose est nécessaire, quand on ne peut sans elle arriver
convenablement à sa fin. C’est ainsi qu’un cheval est nécessaire pour voyager.
Dans ce cas la nécessité n’est pas absolue. Il y a trois sacrements qui sont
nécessaires de la première manière ; deux se rapportent à l’individu : le
baptême qui est simplement et absolument nécessaire (Si quis dixerit baptismum
liberum esse, hoc est, non necessarium ad salutem ; anathema sit (Conc. Trid., sess.
7, can. 5).), et la pénitence qui l’est dans le cas où l’on vient à pécher
mortellement après le baptême (Si quis negaverit confeisionem sacramentalem, vel institutam, vel ad salutem necessariam esse, jure divino, anathema
sit (Conc. Trid., sess. 14, can. 6).). Le sacrement de l’ordre est
nécessaire à l’Eglise, parce que, selon la pensée du Sage (Prov., 11, 14) : Où il n’y a personne pour gouverner, le peuple périt. Les autres
sacrements sont nécessaires de la seconde manière. Car la confirmation est dans
un sens le perfectionnement du baptême, l’extrême-onction celui de la
pénitence, et le mariage conserve la société de l’Eglise en la propageant.
Copyleft. Traduction
de l’abbé Claude-Joseph Drioux et de JesusMarie.com qui autorise toute personne à copier et à rediffuser par
tous moyens cette traduction française. La Somme Théologique de Saint Thomas
latin-français en regard avec des notes théologiques, historiques et
philologiques, par l’abbé Drioux, chanoine honoraire de Langres, docteur en
théologie, à Paris, Librairie Ecclésiastique et Classique d’Eugène Belin, 52,
rue de Vaugirard. 1853-1856, 15 vol. in-8°. Ouvrage honoré des
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l’abbé Drioux ou de la nouvelle traduction effectuée par JesusMarie.com, et
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