Saint Thomas d’Aquin - Somme Théologique

3a = Tertia Pars = 3ème partie

Question 66 : Des choses qui appartiennent au sacrement de baptême

 

            Après avoir parlé des sacrements en général, nous devons nous occuper de chaque sacrement en particulier. Nous nous occuperons : 1° du baptême ; 2° de la confirmation ; 3° de l’eucharistie ; 4° de la pénitence ; 5° de l’extrême-onction ; 6° de l’ordre ; 7° du mariage. — Sur le baptême deux sortes de considérations se présentent. Nous traiterons : 1° du baptême lui-même ; 2° de la préparation au baptême. — A l’égard du baptême lui-même il faut examiner quatre choses : 1° ce qui appartient au sacrement de baptême ; 2° le ministre de ce sacrement ; 3° ceux qui le reçoivent ; 4° ses effets. — Pour ce qui appartient au baptême douze questions se présentent : 1° Qu’est-ce que le baptême ? Est-ce l’ablution ? — 2° De l’institution de ce sacrement. (Il est de foi que le baptême a été institué par Jésus-Christ. Mais les théologiens une sont pas d’accord sur le temps où il a été institué. Les uns veulent qu’il ne l’ait été qu’après la résurrection du Christ, quand le Seigneur dit à ses apôtres (Matth., 28, 19) : Allez donc et enseignez toutes les nations, les baptisant. D’autres veulent que Jésus-Christ l’ait institué quand il dit à Nicodème : Si quelqu’un ne renaît (Jean, 3, 5). Il y en a qui croient qu’il l’a établi quand il a envoyé ses disciples baptiser ; enfin, d’autres pensent, avec saint Thomas, qu’il l’a institué quand Jean l’a baptisé dans le Jourdain.) — 3° L’eau est-elle la matière propre de ce sacrement ? (Les manichéens disaient que l’eau venait du mauvais principe, et que le baptême que l’on conférait par ce moyen était nuisible. Les pauliciens prétendaient qu’il suffisait pour baptiser de prononcer ces paroles : Ego sum aqua viva. Mais il est de foi que l’eau est la matière de ce sacrement. C’est ce qu’ont défini le concile de Florence et le concile de Trente : Materia hujus sacramenti est aqua vera et naturalis (Conc. Florent.). Si quis dixerit aquam veram et naturalem non esse de necessitate baptismianathema sit (Conc. Trid., sess. 7, can. 2).) — 4° Faut-il de l’eau pure et simple ? — 5° Est-il convenable de faire usage de cette forme : Je te baptise au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit ? (Paul de Samosate et les cataphrygiens ont prétendu que l’on ne devait pas baptiser au nom de la sainte Trinité. C’est pour ce motif que le concile de Nicée recommande de baptiser ceux qui passent de cette secte dans l’Eglise catholique : Si quis confugerit ad Ecclesiam catholicam de paulinistis et cataphrygis : statutum est rebaptisari eos omninò debere.) — 6° Pourrait-on baptiser sous cette forme : Je te baptise au nom du Christ ? (Les hérétiques modernes, tout en conservant la forme reçue dans l’Eglise catholique, prétendent qu’elle n’est pas nécessaire, mais il est de foi qu’elle est absolument essentielle pour la validité du sacrement.) — 7° L’immersion est-elle nécessaire pour le baptême ? (Le baptême peut être conféré par infusion, par immersion et par aspersion. On baptise par infusion quand on verse de l’eau sur la personne qu’on baptise ; par immersion, quand on plonge le corps dans l’eau baptismale ; par aspersion, lorsqu’on jette de l’eau sur le corps de celui qui reçoit le baptême.) — 8° Faut-il une triple immersion ? (Du temps de saint Thomas, cette triple immersion était de nécessité de précepte. Actuellement qu’on baptise par infusion, l’Eglise prescrit de verser trois fois l’eau, en formant chaque fois le signe de la croix, d’après cette formule du Rituel romain : N. ego te baptizo in nomine Patris + (fundat primo), et Filii + (fundat secundo), et Spiritûs sancti + (fundat tertio). Dans le cas de nécessité, lorsqu’on baptise sans les cérémonies de l’Eglise, on peut ne verser qu’une seule fois.) — 9° Le baptême peut-il être réitéré ? (Cet article est une réfutation de l’erreur des anabaptistes, qui prétendent qu’on doit rebaptiser ceux qui l’ont été dans leur enfance ou qui, après l’avoir été, se sont écartés de la vraie foi. Cette erreur a été condamnée par le concile de Florence et par le concile de Trente : Si quis dixerit, verum et ritè collatum Baptismum iterandum esse illi qui apud infideles fideli Christi negaverit, cum ad pœnitentiam convertitur ; anathema sit.) — 10° Du rite du baptême. (Calvin et les autres novateurs ayant osé attaquer les cérémonies avec lesquelles l’Eglise confère les sacrements, le concile de Trente les a ainsi condamnées (Sess. de sacr., can. 13) : Si quis dixerit receptos et approbatos Ecclesiæ catholicæ ritus in solemni sacramentorum administratione adhiberi consentos, aut contemni, aut sine peccato à ministris pro libito omitti, aut in novos alios per quemcumque Ecclesiarum pastorem mutari posse, anathema sit.) — 11° De la distinction des baptêmes. (Cette distinction ne se trouve pas seulement dans les scolastiques, mais on la rencontre encore dans les Pères, dans saint Ambroise (Ps. 118), saint Grégoire de Nazianze (Orat. 39), saint Jérôme (sup. Eph., chap. 4), saint Augustin (De Bapt., liv. 4, chap. 21), saint Bernard (Ep. 77).) — 12° De leur comparaison. (Le baptême de sang remplace le baptême d’eau, quant à la rémission de la faute et de la peine ; mais, par là même qu’il n’est pas un sacrement, il n’imprime pas de caractère comme le baptême d’eau, et il n’agit pas non plus, comme lui, d’une manière active et physique, ex opere operato, mais il agit seulement ainsi d’une manière passive et morale.)

 

Article 1 : Le baptême est-il lablution ?

 

            Objection N°1. Il semble que le baptême ne soit pas l’ablution elle-même. Car l’ablution du corps passe, tandis que le baptême reste. Le baptême n’est donc pas l’ablution, mais plutôt une régénération, un sceau, une garde, et une illumination, comme le dit saint Jean Damascène (Orth. fid., liv. 4, chap. 10).

            Réponse à l’objection N°1 : Ce qui n’est que sacrement dans le baptême passe ; mais ce qui est sacrement et chose, comme le caractère, reste, ainsi que ce qui est chose seulement, comme la justification intérieure. Le caractère reste d’une manière indélébile, comme nous l’avons dit (quest. 63, art. 5), tandis que la justification est amissible, toute permanente qu’elle est. Or, saint Jean Damascène a défini le baptême, non quant à l’acte extérieur qui est le sacrement seul, mais quant à ce qui est intérieur. Ainsi il a employé deux mots qui se rapportent au caractère : le mot sceau et le mot garde, parce que le caractère qu’on appelle un sceau considéré en lui-même garde l’âme dans le bien. Il a aussi désigné deux effets qui se rapportent à la chose dernière du sacrement : la régénération, qui consiste en ce que l’homme par le baptême commence la vie nouvelle du juste, et l’illumination, qui appartient spécialement à la foi par laquelle l’homme reçoit la vie spirituelle, d’après ces paroles du prophète (Hab., 2, 2) : Le juste vit de la foi. Le baptême est une profession de foi et c’est pour cela qu’on l’appelle le sacrement de la foi. De même saint Denis a défini le baptême par rapport aux autres sacrements en disant (De eccles. hier., chap. 2) qu’il est le principe de tous les autres sacrements, et qu’il forme dans l’âme des habitudes qui la rendent apte à les recevoir. Il l’a ensuite défini par rapport à la gloire céleste qui est la fin dernière des sacrements, quand il ajoute : qu’il nous ouvre le chemin pour nous élever vers le repos du ciel ; et enfin il le considère relativement au principe de la vie spirituelle en disant qu’il opère notre régénération la plus sacrée et la plus divine.

 

            Objection N°2. Hugues de Saint-Victor dit (De sacr., liv. 3, part. 6, chap. 2) que le baptême est l’eau sanctifiée par la parole de Dieu pour effacer les péchés. Or, l’eau n’est pas l’ablution elle-même, mais l’ablution est un des usages que l’on en fait. Donc, etc.

            Réponse à l’objection N°2 : Comme nous l’avons dit (dans le corps de l’article.), on ne doit pas suivre l’opinion de Hugues de Saint-Victor sur ce point. Cependant il peut être vrai qu’on dise que le baptême est l’eau ; parce que l’eau en est le principe matériel ; et alors on s’exprime ainsi par rapport à la cause du sacrement.

 

            Objection N°3. Saint Augustin dit (Tract. 80 sup. Joan.) que la parole s’ajoute à l’élément et que le sacrement est produit. Or, l’élément est l’eau même du baptême dans ce sacrement. Le baptême est donc l’eau et non l’ablution.

            Réponse à l’objection N°3 : La parole venant s’adjoindre à l’élément, le sacrement est produit, non dans l’élément lui-même, mais dans l’homme pour lequel l’élément est employé par l’usage de l’ablution (Le baptême, pris métaphysiquement, est ainsi défini par le catéchisme du concile de Trente : Instrumentum regenerationis per aquam in verbo.). Et c’est aussi ce que signifié la parole qui s’ajoute à l’élément, quand on dit : Je te baptise, etc.

 

            Mais c’est le contraire. L’Ecriture dit (Ecclésiastique, 34, 30) : Celui qui est baptisé après avoir touché un mort et qui le touche de nouveau, à quoi lui sert son ablution ? Il semble donc que le baptême soit l’ablution elle-même.

 

            Conclusion Dans le baptême le sacrement seul n’est que l’ablution corporelle extérieure, faite sous la forme verbale prescrite ; la chose seule est la justification même de l’homme, la chose et le sacrement est le caractère baptismal.

            Il faut répondre que dans le sacrement de baptême il y a trois choses à considérer : ce qui n’est que le sacrement, ce qui est la chose et le sacrement, et ce qui n’est que la chose. — Ce qui n’est que le sacrement est l’objet visible qui existe à l’extérieur ; c’est-à-dire c’est le signe de l’effet intérieur, car c’est là ce qui appartient à la nature du sacrement. Or, ce qui se présente extérieurement aux sens dans le baptême, c’est l’eau et l’usage qu’on en fait et qui consiste dans l’ablution. Il y a des auteurs qui ont pensé que l’eau elle-même est le sacrement. C’est ce que paraissent signifier les paroles de Hugues de Saint-Victor (cit. in arg. 2) ; car dans sa définition générale du sacrement (De sacr., liv. 1, p. 9, chap. 2) il dit que c’est un élément matériel, et dans la définition du baptême, il dit que c’est l’eau (Hugues de Saint-Victor définit le baptême : Aquæ abluendis criminibus sanctificatio. Saint Thomas combat avec raison cette définition et veut qu’on définisse physiquement ce sacrement : Ablutio corporis sub præscriptâ verborum formâ.). Mais il ne semble pas que cette définition soit exacte. En effet, les sacrements de la loi nouvelle, opérant une certaine sanctification, le sacrement n’est parfait qu’autant que la sanctification l’est elle-même. Or, l’eau seule ne rend pas la sanctification parfaite, mais il y a en elle une vertu instrumentale de sanctification qui n’est pas permanente, mais qui découle dans l’homme qui est le sujet véritable de la sanctification. C’est pourquoi le sacrement ne trouve pas sa perfection dans l’eau elle-même, mais dans l’application de l’eau à l’homme, qui est l’ablution. C’est pour ce motif que le Maître des sentences dit (liv. 4, dist. 3) que le baptême est l’ablution extérieure du corps faite en prononçant verbalement la forme prescrite. Ce qui est chose et sacrement, c’est le caractère baptismal qui est la chose signifiée par l’ablution extérieure, et le signe sacramentel de la justification intérieure ; ce qui est chose seulement c’est la justification intérieure elle-même ; car elle est signifiée sans être elle-même un signe (Ainsi le sacrement est le rite extérieur, qui signifie sans être signifié ; la chose est la grâce, qui est signifiée sans rien signifier ; la chose et le sacrement, c’est le caractère qui est signifié par le rite extérieur, et qui signifie la grâce intérieure.).

 

Article 2 : Le baptême a-t-il été institué après la passion du Christ ?

 

            1 Il semble que le baptême ait été institué après la passion du Christ. Car la cause précède l’effet. Or, la passion du Christ opère dans les sacrements de la loi nouvelle. Elle a donc précédé leur institution et surtout l’institution du baptême ; puisque l’Apôtre dit (Rom., 6, 3) : Nous tous qui avons été baptisés en Jésus-Christ, nous l’avons été dans sa mort, etc.

            Réponse à l’objection N°1 : Avant la passion du Christ le baptême tirait d’elle son efficacité dans le sens qu’il la figurait à l’avance, mais cependant d’une autre manière que les sacrements de la loi ancienne ; car ceux-ci n’étaient que des figures, tandis que le baptême recevait du Christ lui-même la vertu de justifier, et c’est aussi par sa vertu que sa passion a été salutaire.

 

            Objection N°2. Les sacrements de la loi nouvelle tirent leur efficacité de l’ordre du Christ. Or, le Christ a donné à ses disciples l’ordre de baptiser après sa passion et sa résurrection, en leur disant : Allez, enseignez toutes les nations, les baptisant au nom du Père, etc., comme on le voit (Matth., 28, 19). Il semble donc que le baptême du Christ ait été institué après sa passion.

            Réponse à l’objection N°2 : Les hommes ne devaient pas être restreints à un trop grand nombre de figures par le Christ, qui était venu par sa vérité détruire les figures qui étaient accomplies. C’est pourquoi avant sa passion il n’a pas voulu que le baptême qu’il avait institué fût de précepte ; mais il a voulu accoutumer les hommes à le pratiquer, surtout en ce qui concerne le peuple juif dont toutes les actions étaient figuratives, selon la remarque de saint Augustin (Cont. Faust., liv. 4, chap. 2). Mais après sa passion et sa résurrection il a fait une nécessité non seulement aux Juifs, mais encore aux gentils de le recevoir, en disant (Matth., 28, 19) : Allez, enseignez toutes les nations.

 

            Objection N°3. Le baptême est un sagement nécessaire, comme nous l’avons dit (quest. préc., art. 4), et par conséquent il semble que du moment que le baptême a été institué, les hommes étaient obligés de le recevoir. Or, avant la passion du Christ les hommes n’étaient pas obligés au baptême ; parce que la circoncision avait encore sa vertu et que le baptême l’a remplacée. Il semble donc que le baptême n’ait pas été institué avant la passion du Christ.

            Réponse à l’objection N°3 : Les sacrements ne sont obligatoires que quand ils sont de précepte : ce qui n’a pas eu lieu avant la passion, comme nous l’avons dit (dans le corps de l’article.). Car les paroles que le Seigneur a adressées à Nicodème, en lui disant (Jean, 3, 5) : Si on ne renaît pas de l’eau de l’Esprit-Saint, on ne peut entrer clans le royaume de Dieu, paraissent se rapporter à l’avenir plutôt qu’au présent.

 

            Mais c’est le contraire. Saint Augustin dit (Serm. 1 Dom. inf. oct. Epiph.) : L’eau a effacé les péchés de tout le monde du moment que le Christ a été baptisé. Or, ce fut avant sa passion. Il semble donc que le baptême ait été institué avant la passion du Christ.

 

            Conclusion Le baptême, comme sacrement, a été institué dans le baptême du Christ, mais il n’a été nécessaire pour les hommes qu’après sa passion.

            Il faut répondre que, comme nous l’avons dit (quest. 62, art. 1), les sacrements doivent à leur institution de conférer la grâce. Par conséquent, il semble qu’un sacrement soit institué au moment où il reçoit la vertu de produire son effet. Or, le baptême a reçu cette vertu quand le Christ a été baptisé. Il a donc été alors véritablement institué comme sacrement (Cette opinion de saint Thomas a été celle de saint Grégoire de Nazianze et de saint Augustin, et le catéchisme du concile de Trente l’a adoptée (De Bapt. sacramento, §. 2).). Mais la nécessité de faire usage de ce sacrement a été imposée aux hommes après la passion et la résurrection du Christ ; soit parce que sa passion a mis un terme aux sacrements figuratifs auxquels le baptême et les autres sacrements de la loi nouvelle ont succédé ; soit parce que par le baptême, l’homme est configuré à la passion et à la résurrection du Christ, dans le sens qu’il meurt au péché et commence une vie nouvelle de justice. C’est pourquoi il a fallu que le Christ souffrît et ressuscitât, avant de mettre les hommes dans la nécessité de se rendre conformes à sa mort et à sa résurrection (Les théologiens sont aussi très partagés sur l’époque à laquelle le baptême est devenu obligatoire. Les uns veulent qu’il l’ait été quand Jésus s’est adressé à Nicodème, d’autres pensent qu’il l’a été au jour de la Pentecôte. Mais il nous semble qu’il en est de cette loi comme de toutes les autres ; qu’elle n’a été obligatoire qu’après sa promulgation, et comme cette promulgation a été successive, elle a été obligatoire pour les uns plutôt que pour les autres.).

 

Article 3 : Leau est-elle la matière propre du baptême ?

 

            Objection N°1. Il semble que l’eau ne soit pas la matière propre du baptême. Car le baptême, d’après saint Denis (Hier. cœlest., chap. 2) et saint Jean Damascène (Orth. fid., liv. 4, chap. 10), a une puissance illuminative. Or, l’illumination convient surtout au feu. Le baptême doit donc être plutôt produit par le feu que par l’eau ; surtout puisque Jean Baptiste en annonçant à l’avance le baptême du Christ disait (Matth., 3, 11) : Il vous baptisera dans l’Esprit- Saint et le feu.

            Réponse à l’objection N°1 : L’illumination appartient activement au feu (Hermias prétendait que l’on ne devait pas baptiser dans l’eau, mais dans le feu.). Or, celui qui est baptisé ne devient pas un principe d’illumination, mais il est illuminé par la foi qui vient de l’ouïe, selon l’expression de saint Paul (Rom., chap. 10). C’est pourquoi l’eau convient mieux au baptême que le feu. Quant à ces paroles : Il vous baptisera dans l’Esprit-Saint et le feu, on peut entendre par là, d’après saint Jérôme (sup. hunc loc. Matth.), l’Esprit qui a apparu sur les disciples en langues de feu, comme on le voit (Actes, chap. 2). Ou bien par le feu on peut entendre la tribulation, comme le dit saint Chrysostome (alius auctor, hom. 3, in op. imperf.), parce que la tribulation efface les péchés et affaiblit la concupiscence. Ou bien parce que, d’après saint Hilaire (Sup. Matth., can. 2), ceux qui ont été baptisés dans l’Esprit-Saint doivent être ensuite consommés par le feu du jugement.

 

            Objection N°2. Le baptême signifie l’ablution des péchés. Or, il y a beaucoup d’autres choses que l’eau qui servent à faire des ablutions, comme le vin, l’huile et d’autres choses semblables. On peut donc baptiser avec toutes ces choses, et par conséquent l’eau n’est pas la matière propre du baptême.

            Réponse à l’objection N°2 : Le vin (Théodore de Bèze a osé avancer que dans le cas de nécessité, si l’on manquait d’eau, on pourrait baptiser avec toute espèce de liqueur.) et l’huile ne servent pas ordinairement à l’ablution comme l’eau ; ils ne purifient pas non plus aussi parfaitement, parce qu’après qu’on en a répandu sur soi il reste une odeur mauvaise, ce qui n’a pas lieu pour l’eau. D’ailleurs l’huile et le vin ne sont pas non plus des choses aussi communes et aussi abondantes que l’eau.

 

            Objection N°3. Les sacrements de l’Eglise sont sortis du côté du Christ attaché sur la croix, comme nous l’avons dit (quest. 62, art. 5). Or, il n’en est pas sorti que de l’eau, mais encore du sang. Il semble donc qu’on puisse aussi baptiser avec du sang, ce qui paraît mieux s’accorder avec la cause et l’effet du baptême, parce qu’il est dit (Apoc., 1, 5) : Il nous a lavés de nos péchés dans son sang.

            Réponse à l’objection N°3 : L’eau est sortie du côté du Christ pour nous laver et le sang pour nous racheter. C’est pourquoi le sang convient au sacrement de l’eucharistie et l’eau au sacrement de baptême, quoique ce dernier tire aussi sa puissance purificatrice de la vertu du sang du Christ.

 

            Objection N°4. Comme le disent saint Augustin (implic. serm. 36 de temp.) et Bède (loc. cit. quest. 62, art. 4, et hab. in Glossâ ord. sup. illud Luc, chap. 3 : Jesu baptizato, etc.), le Christ a donné aux eaux leur vertu régénératrice et purgative par le contact de sa chair très pure. Or, toute l’eau n’est pas continue avec l’eau du Jourdain que la chair du Christ a touchée. Il semble donc que toute eau ne puisse pas conférer le baptême, et que par conséquent l’eau, considérée comme telle, ne soit pas la matière propre du baptême.

            Réponse à l’objection N°4 : La vertu du Christ s’est répandue sur toute l’eau, non en raison de la continuité de lieu, mais à cause de la ressemblance d’espèce. D’où saint Augustin dit (Serm. Epiph. 36 de temp.) : Cette bénédiction a découlé du baptême du Sauveur, comme un fleuve spirituel, et elle a rempli tous les ruisseaux et toutes les sources qui alimentent toutes les mers.

 

            Objection N°5. Si l’eau était par elle-même la matière propre du baptême, il ne faudrait pas qu’on fit quelque autre chose à l’égard de l’eau pour qu’elle servît à baptiser. Or, on exorcise et l’on bénit dans le baptême solennel l’eau qu’on doit employer pour ce sacrement. Il semble donc que l’eau considérée en elle-même ne soit pas la matière propre du baptême.

            Réponse à l’objection N°5 : Cette bénédiction qu’on ajoute à l’eau n’est pas nécessaire pour le baptême, mais elle appartient à une solennité qui a pour but d’exciter la dévotion des fidèles et d’empêcher l’astuce du démon d’arrêter l’effet du baptême.

 

            Mais c’est le contraire. Le Seigneur dit (Jean, 3, 5) : Si on ne renaît de l’eau et de l’Esprit-Saint, on ne peut entrer dans le royaume de Dieu.

 

            Conclusion Puisque le baptême est la régénération de la vie spirituelle et que les propriétés de l’eau conviennent parfaitement à son effet, il est évident que l’eau est la matière propre de ce sacrement.

            Il faut répondre que, d’après l’institution divine, l’eau est la matière propre du baptême et avec raison : 1° Quant à la nature même du baptême qui est la régénération spirituelle des âmes ; ce qui convient surtout à l’eau. Ainsi les semences d’où naissent tous les êtres vivants, tels que les plantes et les animaux, sont humides et appartiennent à l’eau. C’est pour cela qu’il y a des philosophes (Ces philosophes avaient pour chef Thales de Milet.) qui ont dit que l’eau était le principe de toutes les choses. 2° Quant aux effets du baptême auxquels les propriétés de l’eau conviennent. Car, par son humidité elle lave, et par là elle est convenable pour signifier et produire l’ablution des péchés ; par sa fraîcheur elle tempère l’excès de la chaleur, et par là elle est convenable pour adoucir le foyer de la concupiscence ; par sa clarté elle reçoit la lumière, et par conséquent elle convient au baptême, selon qu’il est le sacrement de la foi. 3° Parce qu’elle convient pour représenter les mystères du Christ qui nous justifient. Car, selon la remarque de saint Chrysostome, sur ces paroles (Jean, 3, 5 : Si quelqu’un ne renaît, etc. hom. 24 in Joan.) : Lorsque nous nous plongeons la tête dans l’eau comme dans un sépulcre, le vieil homme est enseveli, il disparaît comme s’il avait été submergé, et ensuite le nouvel homme reparaît. 4° Parce qu’en raison de ce qu’elle est commune et abondante elle est la matière convenable pour un sacrement qui est nécessaire ; car on peut facilement s’en procurer partout.

 

Article 4 : Leau pure et simple est-elle nécessaire pour le baptême ?

 

            Objection N°1. Il semble que l’eau pure et simple ne soit pas nécessaire pour le baptême. Car l’eau que nous avons n’est pas de l’eau pure ; ce qui est évident surtout pour l’eau de la mer dans laquelle il se mélange beaucoup de choses terrestres, comme on le voit (Meteor., liv. 2, chap. 3). Cependant on peut baptiser avec celte eau. L’eau pure et simple n’est donc pas nécessaire pour le baptême.

            Réponse à l’objection N°1 : Le changement subi par les eaux de la mer (On peut baptiser avec de l’eau naturelle, quelle que soit sa qualité, bonne ou mauvaise, chaude ou froide, mais ou ne pourrait le faire avec de la neige ou de la glace avant qu’elle ne soit fondue. Par conséquent, si l’eau des fonts baptismaux était gelée, il faudrait faire fondre la glace avant d’administrer le sacrement.) et les autres eaux que nous possédons n’est pas si grand qu’il en détruise l’espèce. C’est pourquoi on peut baptiser avec ces différentes eaux.

 

            Objection N°2. Dans la célébration solennelle du baptême, on mêle le chrême à l’eau. Or, il semble que ce mélange empêche l’eau d’être pure et simple. L’eau pure et simple n’est donc pas nécessaire pour le baptême.

            Réponse à l’objection N°2 : Le mélange du chrême ne détruit pas l’espèce de l’eau, pas plus que la viande ou les autres choses qu’on fait cuire dans l’eau ; à moins que, par hasard, les corps que l’on a fait ainsi infuser ne viennent à se dissoudre en si grande quantité que le liquide renferme plus de substance étrangère qu’il ne contient d’eau ; ce qu’on pourrait remarquer à son épaisseur (Dans le cas de nécessité, à défaut d’une eau pure, on peut se servir d’une matière douteuse, mais alors on doit réitérer le baptême sous condition, le plus tôt possible.) Saint Thomas entend par là les eaux artificielles qu’on obtient par des procédés chimiques.). Si cependant de ce liquide on exprimait une eau limpide, on pourrait baptiser avec cette eau, comme on peut le faire avec de l’eau qui sort de la boue, quoiqu’on ne puisse pas se servir de la boue elle-même pour baptiser.

 

            Objection N°3. L’eau qui a coulé du côté du Christ sur la croix a été le signe du baptême, comme nous l’avons dit (art. préc., Réponse N°3). Or, cette eau ne paraît pas avoir été une eau pure, parce que dans un corps mixte, tel qu’a été celui du Christ, les éléments ne sont pas en acte. Il semble donc que l’eau pure ou simple ne soit pas nécessaire pour le baptême.

            Réponse à l’objection N°3 : L’eau qui est sortie du côté du Christ sur la croix n’a pas été une humeur phlegmatique, comme quelques-uns l’ont dit ; car on ne peut baptiser avec cette liqueur pas plus qu’on ne peut le faire avec le sang d’un animal, ou avec du vin, ou avec tout autre liquide extrait d’une plante. Mais ce fut de l’eau pure qui sortit miraculeusement de son corps mort, aussi bien que du sang, pour prouver la vérité de sa chair, contre l’erreur des manichéens ; afin que par l’eau qui est un des quatre éléments on montrât que le corps du Christ a été véritablement composé des quatre éléments et que par le sang on prouvât qu’il est aussi composé des quatre humeurs.

 

            Objection N°4. La lessive ne paraît pas être de l’eau pure ; car elle a des propriétés contraires à l’eau, comme celles d’échauffer et de dessécher. Cependant il semble qu’on puisse baptiser avec de la lessive, comme avec les eaux des bains qui passent à travers des mines de soufre, de la même manière que la lessive coule à travers les cendres. Il semble donc qu’on n’exige pas de l’eau simple pour le baptême.

            Réponse à l’objection N°4 : On peut baptiser avec de la lessive et des eaux sulfureuses, parce que ces eaux ne sont pas incorporées par l’art ou la nature à des corps mixtes, mais elles subissent seulement une altération en passant à travers certains corps.

 

            Objection N°5. L’eau de rose se fait en distillant les roses, comme les eaux alchimiques sont produites en distillant d’autres corps. Or, il semble qu’on puisse se servir de ces eaux pour baptiser, comme on se sert des eaux pluviales qui sont produites par la condensation des vapeurs. Par conséquent puisque ces eaux ne sont ni pures, ni simples, il semble que l’eau pure et simple ne soit pas requise pour le baptême.

            Réponse à l’objection N°5 : L’eau de rose est une dissolution de rose ; par conséquent on ne peut pas baptiser avec elle, et pour la même raison on ne le peut pas non plus ni avec des eaux alchimiques (Saint Thomas entend par là les eaux artificielles qu’on obtient par des procédés chimiques.), ni avec du vin. Il n’en est pas de même des eaux pluviales qui sont produites pour la plus grande partie par l’élévation des vapeurs d’eau ; il n’y a en elles que la moindre partie qui appartienne à des liqueurs provenant des corps mixtes, et encore sont-elles réduites par la vertu de la nature qui est plus forte que l’art en eau véritable ; ce que l’art ne peut faire. Par conséquent l’eau pluviale n’a donc aucune des propriétés du corps mixte, ce qui ne peut pas se dire de l’eau de rose, ni des eaux alchimiques.

 

            Mais c’est le contraire. La matière propre du baptême est l’eau, comme nous l’avons dit (art. préc.). Or, il n’y a que l’eau simple qui soit de l’eau spécifiquement. L’eau pure et simple est donc nécessairement requise pour le baptême.

 

            Conclusion On peut baptiser avec toute eau changée de quelque manière que ce soit, pourvu que l’espèce de l’eau ne soit pas détruite.

            Il faut répondre que l’eau peut perdre sa pureté et sa simplicité de deux manières : 1° par le mélange d’un autre corps ; 2° par l’altération. Ces deux effets peuvent être produits de deux façons : par l’art et par la nature. Mais l’art est inférieur à l’opération de la nature ; parce que la nature donne la forme substantielle, ce que l’art ne peut faire. Toutes les formes artificielles sont donc accidentelles, à moins que l’art n’agisse en appliquant l’agent propre à sa propre matière (Dans ce cas, il se sert de la nature elle-même, et c’est par elle qu’il agit.), comme le feu au combustible. C’est ainsi qu’il y en a qui engendrent des animaux par la putréfaction. — Ainsi tout changement que l’art produit à l’égard de l’eau, en la mêlant ou en l’altérant, n’en change pas l’espèce. On peut donc baptiser avec cette eau ; à moins que par l’art on ait mêlé de l’eau à un autre corps en si petite quantité que le composé soit plutôt autre chose que de l’eau ; comme la boue est plutôt de la terre que de l’eau, et du vin trempé d’eau est plutôt du vin que de l’eau. Mais le changement qui est produit par la nature détruit quelquefois l’espèce de l’eau. C’est ce qui arrive quand la nature fait sortir de l’eau de la substance d’un corps mixte. Ainsi l’eau changée en la liqueur du raisin devient du vin, et par conséquent elle n’a plus l’espèce de l’eau. D’autres fois cependant la nature change l’eau sans en détruire l’espèce. C’est ce qui résulte d’une altération, comme on le voit à l’égard de l’eau échauffée par le soleil, ou d’un mélange, comme on le remarque au sujet de l’eau trouble d’un fleuve où il y a un mélange de terre. On doit donc dire que l’on peut baptiser avec toute eau qui a subi un changement quelconque, pourvu que l’espèce de l’eau ne soit pas détruite. Mais si on en détruit l’espèce, on ne peut plus s’en servir pour baptiser.

 

Article 5 : Cette forme de baptême est-elle convenable : Je te baptise au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit ?

 

            Objection N°1. Il semble que cette forme du baptême ne soit pas convenable : Je te baptise au nom du Père, et du Fils et du Saint-Esprit. Car on doit plutôt attribuer l’acte à l’agent principal qu’au ministre. Or, dans le sacrement le ministre agit comme l’instrument, ainsi que nous l’avons dit (quest. 64, art. 1), tandis que l’agent principal dans le baptême, c’est le Christ, d’après ces paroles (Jean, 1, 33) : Celui sur lequel vous verrez l’Esprit-Saint descendre et rester, c’est celui-là qui baptise. C’est donc à tort que le ministre dit : Je te baptise, Ego te baptizo, surtout puisqu’en latin dans le mot baptizo on comprend le mot ego ; il était donc inutile de l’ajouter.

            Réponse à l’objection N°1 : L’action est attribuée à l’instrument, comme à ce qui agit immédiatement, et elle est attribuée à l’agent principal comme à celui en vertu duquel l’instrument agit. C’est pourquoi le ministre est convenablement désigné dans la forme du baptême comme exerçant l’acte de ce sacrement, par ces paroles : Je te baptise. C’est ainsi que le Seigneur lui-même attribue aux ministres l’action de baptiser, quand il dit (Matth., 28, 19) : Baptisez-les, etc. La cause principale est signifiée comme le principe en vertu duquel le sacrement est produit, par ces paroles : Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Car le Christ ne baptise pas sans le Père et l’Esprit-Saint. Les grecs n’attribuent pas l’acte du baptême aux ministres pour éviter l’erreur des anciens qui attribuaient la vertu du baptême à ceux qui le conféraient, en disant (1 Cor., 1, 12) : Pour moi je suis à Paul et moi je suis à Céphas. C’est pourquoi ils disent : Que le serviteur du Christ soit baptisé au nom du Père, etc. (Eugène IV reconnaît expressément la validité de cette formule. Car il ajoute : Non tamen negamus quin et per illa verba : Baptizatur talis servus Christi in nomine Patris, et Filii, et Spiritûs sancti, vel : Baptizatur manibus meis talis, in nomine Patris, et Filii, et Spiritûs sancti, verum perficiatur baptisma.). Et parce qu’on exprime l’acte exercé par le ministre avec l’invocation de la Trinité, le sacrement est véritablement produit. Quant à l’addition du mot ego qui se trouve dans notre formule, il ne fait pas partie de sa substance, mais il est là pour ajouter à l’expression de l’intention.

 

            Objection N°2. Il ne faut pas que celui qui exerce un acte fasse mention de l’acte qu’il exerce. Ainsi celui qui enseigne ne doit pas dire : Je vous enseigne. Or, le Seigneur a tout à la fois donné le précepte de baptiser et d’enseigner, d’après ces paroles (Matth., 28, 19) : Allez, enseignez toutes les nations. Il ne faut donc pas que dans la forme du baptême il soit fait mention de l’acte de ce sacrement.

            Réponse à l’objection N°2 : L’ablution de l’homme par l’eau peut être faite pour plusieurs motifs, et c’est pour cela qu’il faut qu’on détermine d’après les paroles dont se compose la forme pourquoi on la fait. Ainsi il ne suffit pas de dire : Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit ; parce que nous devons tout faire en ce nom, comme on le voit (Col., chap. 3). C’est pourquoi si l’on n’exprime pas l’acte du baptême soit à notre manière, soit à celle des grecs, le sacrement n’est pas valide, d’après cette décrétale d’Alexandre III (hab., chap. Si quis de Bapt. et ejus effect.) : Si quelqu’un a plongé trois fois un enfant dans l’eau au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit, ainsi soit-il, et qu’il n’ait pas dit : Je te baptise au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit, ainsi soit-il ; l’enfant n’a pas été baptisé.

 

            Objection N°3. Celui qui est baptisé, quelquefois ne comprend pas les paroles, par exemple si c’est un sourd ou un enfant : or, c’est en vain qu’on les lui adresse d’après cette réflexion du Sage (Ecclésiastique, 32, 6) : Ne multipliez pas vos discours quand personne ne vous écoute. C’est donc à tort qu’on dit : Je te baptise, en adressant directement la parole à celui qui est baptisé.

            Réponse à l’objection N°3 : Les paroles qu’on prononce dans les formes des sacrements ne sont pas seulement prononcées pour signifier cet effet, mais encore pour le produire, dans le sens qu’elles tirent leur efficacité du Verbe par lequel tout a été fait. C’est pourquoi il est convenable qu’elles soient adressées non seulement aux hommes qui ne les comprennent pas, mais encore aux créatures insensibles, comme quand on dit : Je t’exorcise, sel, toi qui es une créature.

 

            Objection N°4. Il arrive que plusieurs personnes sont baptisées ensemble et par plusieurs autres. Ainsi les apôtres en ont baptisé dans un jour trois mille et dans un autre jour cinq mille, comme on le voit (Actes, chap. 2 et 4). La forme ne doit donc pas être au singulier, et au lieu de dire : Je te baptise, on devrait dire : Nous vous baptisons.

            Réponse à l’objection N°4 : Plusieurs individus ne peuvent pas simultanément en baptiser un seul ; parce que l’acte se multiplie selon le nombre des agents, quand chacun d’eux l’accomplit parfaitement. Par conséquent si deux hommes se réunissaient, dont l’un fût muet et incapable de prononcer les paroles, et l’autre privé de l’usage de ses mains, de manière qu’il ne pût pas exercer l’acte du baptême, ils ne pourraient pas baptiser tous les deux en même temps ; l’un prononçant les paroles, et l’autre exécutant l’acte du sacrement. Mais si la nécessité l’exige, on peut baptiser plusieurs personnes ensemble, parce que chacune d’elles ne recevrait toujours qu’un seul sacrement. Mais alors il faudrait dire : Je vous baptise, ce qui ne change nullement la forme, parce que le mot vous n’est rien autre chose que toi et toi. Mais quand on dit nous ce n’est pas la même chose que de dire, moi et moi, mais c’est comme s’il y avait moi et vous, et par conséquent la forme serait changée. De même elle serait aussi changée, si l’on disait : Je me baptise. C’est pourquoi personne ne peut se baptiser soi-même. C’est pour cela que le Christ a voulu être baptisé par Jean, comme il est dit (extrà De baptismo et ejus effectu, chap. Debitum).

 

            Objection N°5. Le baptême tire sa vertu de la passion du Christ. Or, le baptême est sanctifié par la forme. Il semble donc qu’il doive être fait mention de la passion du Christ dans la forme de ce sacrement.

            Réponse à l’objection N°5 : La passion du Christ, quoiqu’elle soit cause principale par rapport au ministre, est cependant cause instrumentale par rapport à la sainte Trinité. C’est pourquoi on rappelle plutôt la Trinité que la passion du Christ.

 

            Objection N°6. Le nom désigne la propriété de la chose. Or, les propriétés personnelles des personnes divines sont au nombre de trois, comme nous l’avons dit (1a pars, quest. 32, art. 3). On ne doit donc pas dire : Au nom du Père et du Fils et de l’Esprit-Saint, mais aux noms.

            Réponse à l’objection N°6 : Quoiqu’il y ait trois noms personnels pour les trois personnes, il n’y a cependant qu’un nom essentiel. Et comme la vertu divine qui opère dans le baptême appartient à l’essence, on dit pour cela au nom et non pas aux noms.

 

            Objection N°7. La personne du Père n’est pas seulement signifiée par le nom de Père, mais encore par celui d’innascible, de générateur ; le Fils est désigné encore par le nom de Verbe, d’image et d’engendré ; l’Esprit-Saint peut être désigné par le nom de don, et d’amour qui procède. Il semble donc que le baptême soit valide en faisant aussi usage de ces noms.

            Réponse à l’objection N°7 : Comme l’eau est employée pour le baptême, parce que c’est la chose dont on se sert le plus communément pour purifier ; de même pour signifier les trois personnes on emploie dans la forme du baptême les noms-sous lesquels on a coutume de les désigner le plus souvent dans cette langue, et le sacrement ne serait pas valide si on en employait d’autres (Saint Thomas, et thomiste, Scot et les scotistes, Estius, Sylvius, Suarez et la plupart des théologiens pensent, contre Cajétan et quelques autres, que le baptême ne serait pas valide, s’il était conféré avec cette forme : In nomine Genitoris, et Geniti, et Procedentis ab utroque.).

 

            Mais c’est le contraire. Le Seigneur dit (Matth., 28, 19) : Allez, enseignez toutes les nations, les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit.

 

            Conclusion Cette forme du baptême est convenable : Je te baptise au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, puisqu’elle exprime convenablement la cause du baptême, sa cause principale aussi bien que l’instrumentale.

            Il faut répondre que le baptême est consacré par sa forme, d’après ces paroles de saint Paul (Eph., 5, 26) : Purifiant l’Eglise par l’eau où elle est lavée, et par la parole de vie. Saint Augustin dit (De bapt. cont. Donat., liv. 4, chap. 15, et liv. 6, chap. 25) que le baptême est consacré par les paroles de l’Evangile. C’est pourquoi il faut que la forme du baptême en exprime la cause. Or, le baptême a deux sortes de causes : l’une principale d’où il tire sa vertu, c’est la sainte Trinité, et l’autre instrumentale, c’est le ministre qui administre le sacrement extérieurement. C’est pourquoi il faut que dans la forme du baptême il soit fait mention de ces deux causes. On indique le ministre en disant : Je te baptise, et on désigne la cause principale, en ajoutant : Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Par conséquent cette forme du baptême est convenable : Je te baptise au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit (Cette formule est essentielle au sacrement : omninò necessaria est, dit le Rituel romain. Et Eugène IV, dans son décret pour les arméniens, définit que telle est la forme du baptême : Forma autem est : Ego te baptizo in nomine Patris, et Filii, et Spiritûs sancti.).

 

Article 6 : Peut-on conférer le baptême au nom du Christ ?

 

            Objection N°1. Il semble qu’on puisse baptiser au nom du Christ. Car, comme la foi est une, de même le baptême est un, d’après saint Paul (Eph., chap. 4). Or, il est dit (Actes, 8, 12) qu’on baptisait les hommes et les femmes au nom du Christ. On peut donc encore maintenant baptiser en son nom.

            Réponse à l’objection N°1 : D’après une révélation spéciale du Christ les apôtres baptisaient en son nom dans la primitive Eglise (Les théologiens sont partagés à ce sujet. Albert le Grand, Scot, Richard, Paludan, Durand, Sylvestre, Turrecremata, Lyran, Gonet et une foule d’autres, supposent, avec saint Thomas, que les apôtres ont fait usage de cette formule par une dispense spéciale de Dieu ; mais Estius, Suarez, Vasquez, Noël Alexandre, Jouvin, Tournély, Berti, et une foule d’autres, pensent le contraire.), de manière que le nom du Christ, qui était odieux aux Juifs et aux Gentils, fut rendu honorable, par là même qu’en l’invoquant on recevait l’Esprit-Saint dans le baptême.

 

            Objection N°2. Saint Ambroise dit (De Spir. sancto, liv. 1, chap. 3) : En nommant le Christ vous désignez le Père qui l’a oint, le Fils qui a été oint et le Saint-Esprit don il a été oint. Or, on peut baptiser au nom de la Trinité. On peut donc le faire aussi au nom du Christ.

            Réponse à l’objection N°2 : Saint Ambroise donne la raison pour laquelle cette dispense a pu être convenablement accordée dans l’Eglise primitive, et il dit que c’est parce que sous le nom du Christ on entend la Trinité tout entière. C’est pourquoi on observait au moins pour l’intégrité du sens la forme que le Christ a donnée dans l’Evangile.

 

            Objection N°3. Le pape Nicolas Ier, répondant à une consultation des Bulgares, dit (chap. 104 et hab., chap. A quodam, De consecrat., dist. 4) : Ceux qui ont été baptisés au nom de la sainte Trinité ou seulement au nom du Christ, comme on le lit dans les Actes des Apôtres, ne doivent être rebaptisés (car c’est une seule et même chose, comme le dit saint Ambroise). Or, on les baptiserait si ceux qui sont baptisés sous cette formes ne recevaient pas le sacrement. On peut donc conférer le baptême au nom du Christ sous cette forme. : Je te baptise au nom du Christ.

            Réponse à l’objection N°3 : Le pape Nicolas appuie sa réponse des deux raisons que nous venons de donner. C’est pourquoi sa réponse est évidente d’après la solution des deux premiers arguments.

 

            Mais c’est le contraire. Le pape Pélage écrivit à l’évêque Gaudence (ut hab., chap. Si reverà, De consecrat., dist. 4) : S’il y a des personnes habitant dans votre voisinage qui disent qu’elles n’ont été baptisées qu’au nom du Seigneur, il n’y a pas le moindre doute que quand elles viennent à la foi catholique vous devez les baptiser au nom de la sainte Trinité. Didyme dit aussi (De Spir. sanct., liv. 2) : Quoiqu’on puisse avoir le cœur assez dur et l’esprit assez profondément égaré pour vouloir baptiser en omettant l’un de ces noms (c’est-à-dire l’un des noms des trois personnes), néanmoins le baptême n’est pas valide.

 

            Conclusion Puisque le Christ a établi le sacrement du baptême au nom de la Trinité, il s’ensuit que l’intégrité de ce sacrement est détruite, s’il manque quelque chose qui appartienne à la pleine invocation de la Trinité.

            Il faut répondre que, comme nous l’avons dit (art. 2), les sacrements tirent leur efficacité de l’institution du Christ. C’est pourquoi si l’on omet quelques-unes des choses que le Christ a instituées à l’égard d’un sacrement, ce que l’on fait est sans efficacité, sinon par la dispense spéciale de celui qui n’a pas enchaîné sa puissance aux sacrements. Le Christ ayant établi que le sacrement de baptême s’administrerait au nom de la Trinité, il s’ensuit que s’il manque quelque chose à l’invocation pleine de la Trinité, l’intégrité du baptême est détruite. Peu importe d’ailleurs que dans le nom d’une personne on en comprenne une autre (comme on comprend le Fils dans le nom du Père), ou que celui qui ne nomme qu’une personne puisse avoir la foi véritable dans les trois. Car comme il faut pour le sacrement une matière sensible, de même il faut aussi une forme sensible. Par conséquent l’intelligence de la Trinité ou la foi en ce mystère ne suffit pas pour par la perfection du sacrement, à moins qu’on exprime la Trinité par des paroles sensibles. C’est pour cela que dans le baptême du Christ qui a été l’origine de la sanctification du nôtre, la Trinité s’est montré sous des signes sensibles : le Père dans la voix, le Fils dans la nature humaine, et l’Esprit-Saint dans la colombe.

 

Article 7 : L’immersion dans l’eau est-elle nécessaire au baptême ?

 

            Objection N°1. Il semble que l’immersion dans l’eau soit nécessaire au baptême. Car, comme le dit saint Paul (Eph., 4, 5) : Il n’y a qu’une foi, qu’un baptême. Or, il y a une foule de pays où l’on admet communément le baptême par immersion. Il semble donc qu’on ne puisse pas baptiser sans cela.

            Réponse à l’objection N°1 : Ce qui existe par accident ne change pas la substance de la chose. Or, le baptême exige absolument l’ablution corporelle au moyen de l’eau ; c’est pour cela qu’on appelle le baptême un bain d’après ces paroles de saint Paul (Eph., 5, 25) : la purifiant dans le bain où elle est lavée et par la parole de vie. Mais qu’on fasse l’ablution de telle ou telle manière, ce n’est pour le baptême qu’un accident, et c’est pour cela que cette diversité ne détruit pas l’unité du baptême.

 

            Objection N°2. Saint Paul dit (Rom., 6, 3) : Ne savez-vous pas que nous tous qui avons été baptisés en Jésus-Christ, nous avons été baptisés en sa mort ? Car nous avons été ensevelis avec lui par le baptême pour mourir au péché. Or, c’est ce qui se fait par l’immersion, car saint Chrysostome dit (Hom. 24, sup. illud Jean, chap. 3, Nisi quis renatus fuerit ex aquâ) que quand nous sommes plongés la tête dans l’eau, comme dans un sépulcre, alors le vieil homme est enseveli et se trouve en quelque sorte caché au fond de la piscine, puis l’homme nouveau reparaît. Il semble donc que l’immersion soit nécessaire au baptême.

            Réponse à l’objection N°2 : L’immersion figure plus expressément la sépulture du Christ ; c’est pourquoi cette manière de baptiser est plus commune et plus louable (Quand on baptise par aspersion, il faut que l’eau touche le corps même de celui qui est baptisé ; autrement il n’y aurait pas de sacrement.). On la représente aussi d’une certaine façon dans les autres manières de baptiser, quoiqu’on ne le fasse pas aussi vivement ; car de quelque façon que se fasse l’ablution, le corps de l’homme ou l’une de ses parties est couverte d’eau (Cependant, sous d’autres rapports, le baptême par infusion est préférable.), comme le corps du Christ a été couvert de terre.

 

            Objection N°3. Si l’on pouvait baptiser sans immerger le corps entier, il s’ensuivrait que pour la même raison il suffirait de répandre de l’eau sur une partie quelconque du corps. Or, ceci paraît répugner, parce que le péché originel contre lequel principalement le baptême est établi, n’existe pas que dans une partie du corps. Il semble donc qu’il faille l’immersion pour le baptême et que l’aspersion seule ne suffise pas.

            Réponse à l’objection N°3 : La partie principale du corps, surtout par rapport aux membres extérieurs, c’est la tête, où résident dans toute leur vigueur les sens intérieurs et extérieurs. C’est pourquoi si tout le corps ne peut pas être couvert d’eau, parce qu’on en a peu ou pour tout autre motif, il faut la répandre sur la tête (Si l’on n’a pas versé l’eau sur la tête, il y a quelque doute sur la validité du sacrement, et saint Liguori dit qu’on doit recommencer le baptême sous condition : Quisquis alibi quàm in capite baptizatus fuerit, rebaptizandus est sub conditione (liv. 6, n° 107).), où se manifeste le principe de la vie animale. Et quoique le péché originel soit transmis par les membres qui servent à la génération, cependant ces membres ne doivent pas être aspergés plutôt que la tête. Car le baptême n’efface pas la transmission originelle qui se fait dans l’enfant par l’acte de la génération, mais il délivre l’âme de la tâche et de la peine qu’elle a encourue par suite du péché. C’est pourquoi on doit principalement laver la partie du corps où se manifestent les opérations de l’âme. Sous la loi ancienne, le remède établi contre le péché originel portait sur le membre de la génération, parce que celui qui devait effacer ce péché devait naître du sang d’Abraham, dont la foi avait pour signe la circoncision, comme le dit saint Paul (Rom., chap. 4).

 

            Mais c’est le contraire. Saint Paul dit (Héb., 10, 22) : Approchons-nous de lui avec un cœur vraiment sincère et avec une pleine foi, ayant le cœur purifié des souillures de la mauvaise conscience par une aspersion intérieure, ayant lavé notre corps dans l’eau pure.

 

            Conclusion Puisque dans le baptême on emploie l’eau pour faire au corps une ablution, on peut conférer le baptême, non seulement par immersion, mais encore en aspergeant ou en répandant l’eau ; cependant il est plus sûr, puisque c’est l’usage le plus commun, de baptiser par immersion.

            Il faut répondre qu’on emploie l’eau dans le sacrement de baptême pour l’ablution du corps, qui signifie la purification intérieure des péchés. Or, l’ablution peut être produite par l’eau, non seulement par l’immersion, mais encore par l’aspersion ou l’infusion. C’est pour cette raison que quoiqu’il soit plus sûr de baptiser par immersion (parce que cet usage est plus commun) (Jusqu’au XIIe siècle, on baptisait le plus souvent par immersion. Ainsi saint Thomas, qui est mort en 1274, nous dit que de son temps cet usage était encore le plus suivi. Mais, après le XIIIe siècle, dans toute l’Eglise latine on a baptisé presque universellement par infusion.), cependant on peut baptiser par aspersion ou par infusion (Il est de foi que le baptême par infusion est valide, contrairement au sentiment des grecs, qui ont prétendu, après le concile de Florence, que l’Eglise romaine avait failli en abandonnant le baptême par immersion. Le concile de Trente a ainsi condamné tous ceux qui attaquent le baptême, tel qu’il est conféré par l’Eglise romaine : Si quis dixerit, in Ecclesiâ romanâ, quæ omnium Ecclesiarum mater est et magistra, non esse veram de Baptismi sacramento doctrinam ; anathema sit.), d’après ces paroles (Ez., 36, 25) : Je répandrai sur vous une eau pure. C’est ainsi que l’histoire nous apprend que saint Laurent a baptisé. On doit le faire surtout quand il y a nécessité, parce que la multitude de ceux qui doivent être baptisés est très grande, comme on le voit d’après les Actes des apôtres (Actes, chap. 2 et 4), où il est dit qu’il y en eut trois mille qui se convertirent dans un jour et cinq mille dans un autre. D’autres fois la nécessité peut être aussi imminente, parce qu’on n’a pas d’eau ou à cause de la faiblesse de celui qui doit être baptisé, et que l’immersion peut exposer au danger de mort. C’est pourquoi il faut dire que l’immersion n’est pas nécessaire au baptême.

 

Article 8 : La triple immersion est-elle nécessaire au baptême ?

 

            Objection N°1. Il semble que la triple immersion soit nécessaire au baptême. Car saint Augustin dit (Hom. 2 ad neophyt., ut refertur in Decr., dist. 4 De consecrat, chap. Postquam) : C’est avec raison qu’on vous a plongés dans l’eau trois fois, vous qui avez reçu le baptême au nom de la sainte Trinité ; c’est avec raison qu’on vous a plongés dans l’eau trois fois, vous qui avez reçu le baptême au nom de Jésus-Christ qui est ressuscité d’entre les morts le troisième jour ; car cette triple immersion est une image de la sépulture du Seigneur, et vous montre que vous avez été ensevelis avec lui dans le baptême. Or, il semble nécessaire au baptême qu’on représente dans ce sacrement la trinité des personnes et que l’on soit configuré à la sépulture du Christ. Il semble donc que la triple immersion soit nécessaire au baptême.

            Réponse à l’objection N°1 : La Trinité est comme l’agent principal dans le baptême. Or, la ressemblance de l’agent parvient à l’effet selon la forme et non selon la matière. C’est pourquoi les paroles de la forme signifient la Trinité dans le baptême (La trinité des personnes est désignée par leur nom qu’on prononce, et l’unité d’essence par le mot in nomine, qui est pour ce motif au singulier.), et il n’est pas nécessaire que l’usage qu’on fait de la matière la signifie encore ; seulement cela ajoute à son expression. De même la mort du Christ est suffisamment représentée par une immersion unique. Il n’est pas nécessaire au salut qu’on représente encore les trois jours qu’il est resté dans le sépulcre ; parce que quand même il n’aurait été enseveli ou mort que pendant un jour, c’eût été assez pour consommer notre rédemption. Les trois jours n’ont eu pour but que de manifester la vérité de sa mort, comme nous l’avons dit (quest. 51, art. 4, et quest. 53, art. 2). C’est pour cela qu’il est évident que la triple immersion n’est nécessaire au sacrement ni de la part de la Trinité, ni de la part de la passion du Christ.

 

            Objection N°2. Les sacrements tirent leur efficacité de l’ordre du Christ. Or, il a commandé la triple immersion ; car le pape Pélage écrit à l’évoque Gaudence (et hab., chap. Multi sunt, De consecrat., dist. 4) : Le précepte de l’Evangile que nous a transmis Jésus-Christ, notre Dieu et notre Sauveur, nous avertit d’administrer le baptême à chacun par une triple immersion au nom de la Trinité. Par conséquent, commode est nécessaire au baptême qu’on baptise au nom de la Trinité ; de même il paraît être également nécessaire qu’on baptise par une triple immersion.

            Réponse à l’objection N°2 : Le pape Pélage comprend que la triple immersion a été commandée par le Christ (Elle ne l’a pas été expressément, puisqu’on ne voit rien de semblable dans l’Ecriture, et que d’ailleurs, les trois manières de baptiser que nous avons déterminées paraissent avoir été de tout temps en usage dans l’Eglise ; seulement l’une l’a emporté sur les autres, suivant les différentes époques.) par analogie, c’est-à-dire parce que le Christ a ordonné le baptême au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit. Cependant on ne doit pas raisonner de même sur la forme et sur l’usage de la matière, comme nous l’avons dit (Réponse N°1).

 

            Objection N°3. Si la triple immersion n’est pas nécessaire au baptême, le baptême est donc conféré à la première. Par conséquent, en ajoutant la seconde ou la troisième, il semble qu’on baptise une seconde ou une troisième fois ; ce qui répugne. Une seule immersion ne suffit donc pas pour le sacrement de baptême ; mais il semble qu’il en faille nécessairement trois.

           Réponse à l’objection N°3 : Comme nous l’avons dit (quest. 64, art. 8), l’intention est requise pour le baptême. C’est pourquoi, d’après l’intention du ministre de l’Eglise qui se propose de ne donner qu’un baptême par une triple immersion, il n’y a qu’un baptême en réalité. C’est ce qui fait dire à saint Jérôme (Ep. ad Ephes., sup. illud chap. 4 : Unus Dominus, etc.) : Quoique on baptise trois fois, c’est-à-dire qu’on fasse une triple immersion, à cause du mystère de la Trinité, cependant on ne veut conférer qu’un baptême. Mais si l’on avait l’intention de conférer un baptême à chaque immersion et qu’on répétât à chaque fois les paroles de la forme, on pécherait, en baptisant ainsi plusieurs fois, autant qu’il est en soi.

 

            Mais c’est le contraire. Saint Grégoire, écrivant à l’évêque Léandre, dit (Regist., liv. 1, epist. 41) : Qu’il ne peut être blâmable d’aucune manière de plonger l’enfant, dans le baptême, trois fois ou une seule fois ; parce que par les trois immersions on désigne la trinité des personnes, et par une seule l’unité de l’essence divine.

 

            Conclusion On peut licitement conférer le baptême, quant à sa nature, par une seule ou une triple immersion ; l’Eglise a autrefois établi pour des causes différentes ces deux manières de baptiser ; mais maintenant, on ne baptiserait pas sans péché si l’on ne faisait les trois immersions.

            Il faut répondre que, comme nous l’avons dit (art. préc., Réponse N°1), le baptême requiert absolument l’ablution de l’eau qui est nécessaire au sacrement ; mais le mode de l’ablution n’est par rapport à lui qu’accidentel. C’est pourquoi, comme on le voit d’après l’autorité de saint Grégoire (loc. cit.), il est en soi permis de baptiser de ces deux manières. On peut ne faire qu’une seule immersion ou en faire trois ; parce qu’une seule immersion signifie l’unité de la mort du Christ et l’unité de la divinité, et la triple immersion montre les trois jours que le Christ est resté dans le tombeau et la trinité des personnes. — Mais pour des causes différentes l’Eglise a prescrit de baptiser tantôt d’une manière et tantôt de l’autre. Car dans le commencement de l’Eglise naissante, quelques hérétiques (Ces hérétiques étaient les eunoméens, qui étaient ariens.) ayant de mauvais sentiments à l’égard de la Trinité, et pensant que le Christ n’était qu’un homme, qu’on ne l’appelait Fils de Dieu et Dieu qu’à cause de ses mérites qui ont principalement existé dans sa mort, ils ne baptisaient pas pour ce motif au nom de la Trinité, mais ils le faisaient en mémoire de la mort du Christ et par une seule immersion ; ce qui a été condamné dans l’Eglise primitive. C’est pourquoi il est dit dans les canons des apôtres (can. 49, et hab., chap. 69 De consecrat., dist. 4) : Si un prêtre ou un évêque n’observe pas la triple immersion, mais qu’il ne plonge qu’une fois pour le baptême que quelques-uns confèrent dans la mort du Seigneur, qu’il soit déposé. Car le Seigneur ne nous a pas dit : Baptisez en ma mort, mais au nom du Père, du Fils et de l’Esprit-Saint. Plus tard est venue l’erreur des schismatiques et des hérétiques qui rebaptisaient, comme saint Augustin le raconte des donatistes (Sup. Joan., tract. 11, et Lib. de hæres., hæres. 69). C’est pourquoi, en signe de l’horreur qu’inspirait leur erreur, il a été décidé (Concil. Tolet., 4, can. 6, et hab., chap. 85 De consecr., dist. 4) qu’on ne ferait plus qu’une seule immersion (Les ariens qui se trouvaient eu Espagne croyaient que dans la Trinité il y avait trois natures distinctes, et en signe de cette erreur, ils baptisaient par une triple immersion.). Ainsi il est dit : Pour éviter le scandale du schisme ou pour ne pas suivre l’usage des hérétiques, bornons-nous à ne faire en baptisant qu’une seule immersion. Cette cause ayant cessé, on observe ordinairement dans le baptême les trois immersions. C’est pourquoi on pécherait grièvement en baptisant autrement, parce qu’on n’observerait pas le rite de l’Eglise, mais le baptême n’en serait pas moins valide.

 

Article 9 : Peut-on réitérer le baptême ?

 

            Objection N°1. Il semble qu’on puisse réitérer le baptême. Car le baptême paraît établi pour effacer les péchés. Or, on retombe dans le péché. A plus forte raison doit-on recommencer le baptême ; parce que la miséricorde du Christ surpasse les fautes de l’homme.

            Réponse à l’objection N°1 : Le baptême opère en vertu de la passion du Christ, comme nous l’avons dit (art. 2). C’est pourquoi comme les péchés subséquents ne détruisent pas la vertu de la passion du Christ, de même ils ne détruisent pas non plus le baptême de manière qu’il soit nécessaire de le réitérer. Mais la pénitence survenant, le péché qui empêchait l’effet du baptême est effacé.

 

            Objection N°2. Jean Baptiste a été loué par le Christ plus que tous les autres, puisqu’il a dit de lui (Matth., 11, 11) : Que parmi les enfants des hommes, il n’y en a pas eu de plus grand que Jean-Baptiste. Or, ceux que Jean a baptisés l’étaient de nouveau, comme on le voit (Actes, chap. 19), où il est dit que Paul baptisait ceux qui avaient reçu le baptême de Jean. A plus forte raison doit-on rebaptiser ceux qui ont été baptisés par les hérétiques ou les pécheurs.

            Réponse à l’objection N°2 : Comme le dit saint Augustin (super illud Jean, chap. 1 : Sed ego nesciebam eum, Tract. 5 in Joan.) : Après Jean on a baptisé, après un homicide on ne l’eût pas fait ; parce que Jean a conféré son baptême et qu’un homicide eût conféré le baptême du Christ. Ce sacrement est si saint que même quand un homicide l’administre il n’est pas souillé.

 

            Objection N°3. Le concile de Nicée a décidé (can. 19) que si des pauliens ou des cata- phrygiens reviennent à l’Eglise catholique, on doit les rebaptiser absolument. Or, il semble qu’il en soit de même des autres hérétiques. Par conséquent ceux que les hérétiques baptisent doivent être rebaptisés.

            Réponse à l’objection N°3 : Les pauliens et les cataphrygiens ne baptisaient pas au nom de la Trinité. D’où saint Grégoire dit dans la lettre qu’il écrivit à l’évêque Quirin (Regist., liv. 9, epist. 61) : Les hérétiques qui ne sont point baptisés au nom de la Trinité, comme les bonosiens et les cataphrygiens (qui étaient du même sentiment que les pauliens) parce qu’ils ne croient pas que le Christ est Dieu, le considérant comme un simple mortel, et parce qu’ils croient (et telle est l’opinion des cataphrygiens) que l’Esprit-Saint est un homme pervers, le confondant avec Montan ; on les baptise quand ils viennent dans le sein de la véritable Eglise, parce qu’ils n’ont pas reçu le baptême, l’erreur dans laquelle ils se trouvaient plongés les ayant empêchés de le recevoir au nom de la sainte Trinité. Mais, comme le dit Gennade (Lib. de ecclesiast. dogm., chap. 52) : Si parmi ces hérétiques il y en a qui aient été baptisés au nom de la sainte Trinité, quand ils reviennent à la foi catholique, on doit les recevoir comme ayant reçu véritablement le baptême.

 

            Objection N°4. Le baptême est nécessaire au salut. Or, quelquefois à l’égard de ceux qui ont reçu le baptême, on doute qu’il ait été valide. Il semble donc qu’on doive les baptiser de nouveau.

            Réponse à l’objection N°4 : Comme le dit le pape Alexandre III (Decret. quæ hab., chap. De quibus 2, De Bapt. et de ejus effect.), à l’égard de ceux dont le baptême est douteux, il faut qu’on les baptise, en employant préalablement ces paroles : Si tu es baptisé, je ne te baptise pas ; mais si tu ne l’as pas encore été, je te baptise, etc. Car il ne semble pas qu’on réitère une chose qu’on ne sait pas avoir été faite.

 

            Objection N°5. L’eucharistie est un sacrement plus parfait que le baptême, comme nous l’avons dit (quest. préc., art. 3). Or, le sacrement de l’eucharistie se réitère. Il semble donc qu’à plus forte raison on puisse réitérer le baptême.

            Réponse à l’objection N°5 : Ces deux sacrements, celui du baptême et celui de l’eucharistie, représentent la mort et la passion du Seigneur, mais d’une manière différente. Car, dans le baptême, on rappelle la mort du Christ, dans le sens que l’homme meurt avec lui, pour être régénéré dans une vie nouvelle, au lieu que dans le sacrement de l’eucharistie on rappelle la mort du Christ, selon que le Christ, qui a souffert, nous est présenté comme le festin de la Pâque, d’après ces paroles de saint Paul (1 Cor., 5, 7) : Le Christ, notre Pâque, a été immolé ; c’est pourquoi prenons part à ce festin. Et comme l’homme ne naît qu’une fois, tandis qu’il fait une foule de repas, de même J e baptême ne s’administre qu’une fois, tandis qu’on reçoit une multitude de fois l’eucharistie.

 

            Mais c’est le contraire. Saint Paul dit (Eph., 4, 5) : Il n’y a qu’une foi, qu’un baptême.

 

            Conclusion Puisque le baptême est une régénération spirituelle de l’âme par laquelle nous reproduisons en nous l’image de la mort du Christ et qui est employée pour nous guérir du péché originel, on ne peut le recommencer d’aucune manière.

            Il faut répondre que le baptême ne peut pas être réitéré : 1° Parce que le baptême est une régénération spirituelle, dans le sens qu’on meurt à la vie ancienne et qu’on commence à mener une vie nouvelle. C’est ce qui fait dire au Seigneur (Jean, 3, 5) : Si on ne renaît de l’Esprit-Saint, on ne peut entrer dans le royaume de Dieu. Or, il n’y a pour un individu qu’une seule génération. C’est pourquoi le baptême ne peut pas plus être renouvelé que la génération charnelle. C’est ce qui fait dire à saint Augustin sur ces paroles de saint Jean (Jean, chap. 5) : L’homme peut-il entrer de nouveau dans le sein de sa mère et renaître ? (Tract. 11 in Joan.) : Ainsi comprenez la naissance de l’esprit, comme Nicodème a compris la naissance de la chair ; car comme on ne peut rentrer dans le sein de sa mère, de même on ne peut être baptisé de nouveau. — 2° Parce que nous sommes baptisés dans la mort du Christ par laquelle nous mourons au péché et nous ressuscitons à une vie nouvelle. Le Christ n’étant mort qu’une fois, il s’ensuit que le baptême ne doit pas être réitéré. C’est pour cela que saint Paul dit à ceux qui voulaient se faire rebaptiser (Héb., 6, 6) : Qu’ils crucifient de nouveau le Fils de Dieu en eux-mêmes, ce qui fait dire à la glose (ord., sup. illud : Renovari rursus) : La mort unique du Christ n’a consacré qu’un seul baptême. — 3° Parce que le baptême imprime un caractère qui est indélébile et qu’il est accompagné d’une certaine consécration. C’est pourquoi comme on ne réitère pas dans l’Eglise les autres consécrations, de même on ne réitère pas non plus le baptême. C’est ce qui fait dire à saint Augustin (Cont. ep. Parmen., liv. 2, chap. 13) que le caractère militaire n’est pas réitéré, et que le sacrement du Christ n’est pas moins durable que ce signe corporel ; puisque nous voyons que les apostats ne perdent pas le caractère du baptême et qu’on n’est pas obligé de le leur conférer de nouveau quand ils reviennent par la pénitence. 4° Parce qu’on baptise principalement pour effacer le péché originel. C’est pourquoi, comme on ne retombe pas dans le péché originel, de même on ne réitère pas non plus le baptême. Car, selon la pensée de saint Paul (Rom., 5, 18) : Comme par le péché d’un seul tous les hommes sont tombés dans la condamnation, ainsi par la justice d’un seul tous les hommes reçoivent la justification que donne la vie (Il y a sacrilège à réitérer le baptême, quand on n’a point de raison de douter de sa validité, et on encourrait même dans ce cas l’irrégularité.).

 

Article 10 : Le rite dont lEglise se sert pour baptiser est-il convenable ?

 

            Objection N°1. Il semble que le rite dont l’Eglise se sert pour baptiser ne soit pas convenable. Car, comme le dit saint Chrysostome (hab. in Fragment. Chromatii in Biblioth. PP. et chap. 10, De consecrat., dist. 4), jamais l’eau du baptême ne pourrait effacer les péchés de ceux qui croient, si elle n’avait été sanctifiée par le contact du corps du Seigneur. Or, ce fait a eu lieu dans le baptême du Christ, qu’on célèbre dans la fête de l’Epiphanie. On devrait donc plutôt célébrer le baptême solennel dans la fête de l’Epiphanie, que la veille de Pâques et la veille de la Pentecôte.

            Réponse à l’objection N°1 : Le Christ a été baptisé dans l’Epiphanie du baptême de Jean, comme nous l’avons dit (quest. 39, art. 2). Les fidèles ne reçoivent pas ce baptême, mais ils reçoivent le baptême du Christ. Celui-ci tire son efficacité de la passion du Christ, d’après ces paroles de saint Paul (Rom., 6, 3) : Nous tous qui avons été baptisés en Jésus-Christ, nous avons été baptisés dans sa mort. Il la tire aussi de l’Esprit-Saint, puisqu’il est dit (Jean, 3, 5) : Si on ne renaît de l’eau et de l’Esprit-Saint, etc. C’est pour ce motif qu’on confère solennellement le baptême dans l’Eglise la veille de Pâques, quand on fait mémoire de la sépulture du Seigneur et de sa résurrection (et c’est aussi pour cette raison que le Seigneur, après sa résurrection, a ordonné à ses disciples de baptiser, comme on le voit Matth., chap. 28) ; c’est aussi pour cela qu’on le fait la veille de la Pentecôte (Actuellement, la veille de ces deux grandes fêtes, on fait la bénédiction solennelle des fonts baptismaux, et, pour conserver quelque vestige de l’antiquité, il convient, d’après le Rituel romain, qu’on baptise ces jours-là les adultes quand on le peut faire sans inconvénient (Rituale roman., De baptism. adultorum).), quand l’Eglise commence à célébrer la fête de l’Esprit-Saint. Aussi nous voyons que les apôtres ont baptisé trois mille hommes le jour même de la Pentecôte, où ils avaient reçu l’Esprit-Saint.

 

            Objection N°2. Il ne semble pas que, pour le même sacrement, on doive faire usage de différentes matières. Or, l’ablution de l’eau appartient au baptême. C’est donc à tort qu’on oint deux fois de l’huile sainte celui qui est baptisé, l’une sur la poitrine et l’autre entre les épaules, et qu’en troisième lieu on l’oint, avec le saint chrême, sur le sommet de la tête.

            Réponse à l’objection N°2 : On fait usage de l’eau dans le baptême, comme de la matière qui appartient à la substance même du sacrement, tandis qu’on fait usage de l’huile ou du saint chrême (Celui qui omettrait volontairement ces onctions pécherait mortellement, d’après saint Liguori (Theol. moral., liv. 6, n° 141).) pour ajouter à sa solennité. En effet, on oint d’abord de l’huile sainte celui qui doit être baptisé, sur la poitrine et entre les épaules, comme un athlète de Dieu, selon l’expression de saint Ambroise (De sacr., liv. 1, chap. 2) ; car c’est ainsi qu’on a coutume d’oindre ceux qui s’exercent à la lutte. C’est ce qui fait dire à Innocent III (in Decret. De sacrâ unctione, chap. Cùm venisset) : Celui qui doit être baptisé est oint sur la poitrine, pour que, par le don de l’Esprit-Saint, il quitte l’erreur et l’ignorance, et reçoive la vraie foi, parce que le juste vit de la foi. On l’oint entre les épaules, pour que, par la grâce de l’Esprit-Saint, il se dépouille de la négligence et de la torpeur, et qu’il fasse des bonnes œuvres, parce que la foi sans les œuvres est morte. On fait aussi ces deux choses pour que le sacrement de la foi rende pures les pensées du cœur, et que, par l’exercice des bonnes œuvres, on ait la force de porter sur ses épaules le fardeau qu’elles imposent. Après le baptême, selon la remarque de Raban-Maur (Lib. institut. cleric., chap. 28), on est immédiatement marqué par le prêtre sur le cerveau avec le saint chrême, et l’on fait en même temps une prière, pour que celui qui est baptisé devienne participant du royaume du Christ, et qu’il puisse recevoir de lui le nom de chrétien. Ou bien, suivant saint Ambroise (De sacram., liv. 3, chap. 1), le saint chrême est répandu sur la tête, parce que c’est dans la tête que réside le sens du sage, et Innocent III ajoute (loc. cit.) que c’est pour qu’on soit prêt à rendre raison de sa foi à quiconque le demande.

 

            Objection N°3. En Jésus-Christ il n’y a ni homme, ni femme, ni barbare, ni Scythe (Col., 3, 11), et pour la même raison il n’y a aucune autre distinction. La différence des habits est donc encore beaucoup moins importante quand il s’agit de la foi du Christ, et, par conséquent, c’est à tort qu’on met un vêtement blanc à ceux qu’on baptise.

            Réponse à l’objection N°3 : On met à celui qui est baptisé un vêtement blanc, non parce qu’il n’est pas permis d’en porter un autre, mais en signe, de la résurrection glorieuse pour laquelle les hommes sont régénérés par le baptême et aussi pour signifier la pureté de la vie qu’on doit observer après qu’on a été baptisé, d’après ces paroles de saint Paul (Rom., 6, 4) : Marchons dans une vie nouvelle.

 

            Objection N°4. On peut conférer le baptême sans observer ces choses. Toutes les paroles que l’on dit paraissent donc superflues, et, par conséquent, c’est à tort que l’Eglise les a instituées dans le rite du baptême.

            Réponse à l’objection N°4 : Les choses qui appartiennent à la solennité du sacrement, quoiqu’elles ne soient pas nécessaires, ne sont cependant pas superflues, parce qu’elles sont utiles et convenables, comme nous l’avons dit (dans le corps de l’article.).

 

            Mais c’est le contraire. Car l’Eglise est régie par l’Esprit-Saint, et par là même elle ne fait rien de déréglé.

 

            Conclusion Tout ce que l’Eglise observe dans le rite du baptême pour ajouter à sa solennité a été convenablement institué pour instruire les fidèles, exciter leur dévotion et comprimer la violence des démons.

            Il faut répondre que dans le sacrement de baptême on fait quelque chose qui est nécessaire au sacrement, et quelque chose qui appartient à sa solennité. Ce qui est nécessaire au sacrement, c’est d’abord la forme, qui en désigne la cause principale, et ensuite le ministre, qui en est la cause instrumentale, et enfin la matière qu’on emploie, qui consiste dans l’ablution, qui en désigne le principal effet. — Toutes les autres choses que l’Eglise observe dans le rite du baptême appartiennent plutôt à la solennité de ce sacrement. On les emploie quand on l’administre pour trois motifs : 1° Pour exciter la dévotion des fidèles et leur respect envers le sacrement. Car si l’ablution se faisait simplement, sans solennité, il y en a qui croiraient aisément que c’est une ablution commune. 2° Pour l’instruction des fidèles. Car les gens simples qui ne sont pas lettrés doivent être instruits par des signes sensibles, comme des peintures et toute autre manifestation extérieure. C’est ainsi que les choses que l’on fait dans les sacrements les instruisent, ou du moins les portent à s’enquérir de la signification de ces signes sensibles. C’est pourquoi, comme, indépendamment de l’effet principal du sacrement, il faut que l’on sache encore d’autres choses à l’égard du baptême, il a été convenable qu’elles fussent aussi représentées par des signes extérieurs. 3° Parce que par les prières, les bénédictions et les autres moyens semblables, on empêche la puissance du démon d’entraver l’effet du sacrement.

 

Article 11 : Est-il convenable de distinguer trois baptêmes ?

 

            Objection N°1. Il semble qu’il ne soit pas convenable de distinguer trois baptêmes, le baptême d’eau, le baptême de sang, et le baptême de feu (Baptismus flaminis ; ce baptême est ainsi appelé de l’Esprit-Saint (flamen), qui porte le cœur à aimer Dieu et à se repentir du péché.). Car l’Apôtre dit (Eph., 4, 5) : Il n’y a qu’une foi, qu’un baptême. Or, il n’y a qu’une foi, et par conséquent on ne doit pas dire qu’il y a trois baptêmes.

            Réponse à l’objection N°1 : Les deux autres baptêmes sont renfermés dans le baptême d’eau qui tire son efficacité de la passion du Christ et de l’Esprit-Saint. C’est pourquoi l’unité du baptême n’est pas par là détruite.

 

            Objection N°2. Le baptême est un sacrement, comme on le voit d’après ce que nous avons dit (quest. 65, art. 1). Or, il n’y a que le baptême d’eau qui soit un sacrement. On ne doit donc pas en reconnaître deux autres.

            Réponse à l’objection N°2 : Comme nous l’avons dit (quest. 60, art. 1 et 2), un sacrement est un signe. Or, les deux autres baptêmes ont de commun avec le baptême d’eau, non ce qui se rapporte à la nature du signe, mais ce qui regarde l’effet du baptême. C’est pourquoi ce ne sont pas des sacrements (On ne leur donne le nom de sacrements que d’une manière impropre et par analogie, parce qu’ils confèrent la grâce et remettent le péché.).

 

            Objection N°3. Saint Jean Damascène (Orth. fid., liv. 4, chap. 10) détermine plusieurs autres genres de baptêmes. On ne doit donc pas n’en reconnaître que trois.

            Réponse à l’objection N°3 : Saint Jean Damascène parle des baptêmes figuratifs ; comme le déluge qui fut le signe de notre baptême relativement au salut des fidèles dans l’Eglise, parce qu’il n’y eut que quelques âmes qui furent sauvées dans l’arche, selon la remarque de saint Pierre (1 Pierre, 3, 20). Il parle aussi du passage de la mer Rouge, qui signifie notre baptême relativement à la délivrance de la servitude du péché. D’où l’Apôtre dit (1 Cor., 10, 2) : qu’ils ont tous été baptisés dans la nue et la mer. Il parle aussi des oblations diverses qui se faisaient sous la loi ancienne, qui étaient aussi des figures de notre baptême, par rapport à la purification des péchés. Enfin il rappelle le baptême de Jean qui fut une préparation au nôtre.

 

            Mais c’est le contraire. Sur ces paroles de saint Paul (Héb., chap. 6) : Baptismatum doctrinæ, la glose dit (ord.) : Il parle au pluriel, parce qu’il y a le baptême d’eau, le baptême de pénitence et le baptême de sang.

 

            Conclusion Puisque l’homme peut être sanctifié, non seulement par le baptême d’eau, mais encore par le sang du Christ en se conformant à sa passion, en souffrant pour lui et par la vertu de l’Esprit-Saint qui opère intérieurement, il y a dans l’Ecriture trois baptêmes, le baptême d’eau, le baptême de sang et le baptême d’amour.

            Il faut répondre que, comme nous l’avons dit (art. 2 et quest. 62, art. 5), le baptême d’eau tire son efficacité de la passion du Christ dont il nous imprime la ressemblance, et ultérieurement il la tire de l’Esprit-Saint, comme de sa cause première. Or, quoique l’effet dépende de la cause première, cependant la cause le surpasse et n’en dépend pas. — C’est pourquoi indépendamment du baptême d’eau on peut obtenir l’effet du sacrement qui résulte de la passion du Christ, lorsqu’on se rend conforme à elle en souffrant pour le Christ. D’où il est dit (Apoc., 7, 14) : Ceux-ci sont venus ici après avoir passé par de grandes afflictions, et ils ont lavé leurs robes et les ont blanchies dans le sang de l’agneau. Pour la même raison on obtient aussi l’effet du baptême par la vertu de l’Esprit-Saint, non seulement sans le baptême d’eau, mais encore sans le baptême de sang, par exemple lorsque l’Esprit-Saint porte le cœur de quelqu’un à croire et à aimer Dieu, et à se repentir de ses péchés. C’est pour cela qu’on l’appelle aussi le baptême de la pénitence. C’est ce qui fait dire au prophète (Is., 4, 4) : Le Seigneur purifiera les souillures des filles de Sion et par un esprit de justice et par un esprit de feu, il lavera Jérusalem du sang impur qui est au milieu d’elle. — Chacun de ces baptêmes reçoit le nom de ce sacrement, parce qu’il supplée au baptême d’eau. D’où saint Augustin dit (De unio. bapt. parvulorum cont. Donatist., liv. 4, chap. 22) : Saint Cyprien nous apprend que le baptême peut être remplacé par la souffrance ; témoin le bon larron auquel il a été dit, sans qu’il fût baptisé : Vous serez avec moi aujourd’hui dans le paradis. Et en examinant la chose avec attention, je trouve, ajoute le même docteur, qu’on peut suppléer au baptême non seulement en souffrant pour le nom du Christ, mais encore en y croyant et en se convertissant de cœur, si l’on se trouve dans une extrémité telle qu’on ne puisse recevoir le baptême.

 

Article 12 : Le baptême de sang est-il le plus excellent de tous les baptêmes ?

 

            Objection N°1. Il semble que le baptême de sang ne soit pas le plus excellent des trois baptêmes. Car le baptême d’eau imprime le caractère ; ce que ne fait pas le baptême de sang. Le baptême de sang ne l’emporte donc pas sur le baptême d’eau.

            Réponse à l’objection N°1 : Le caractère est la chose et le sacrement. Or, nous ne disons pas que le baptême de sang l’emporte selon la nature du sacrement, mais quant à son effet.

 

            Objection N°2. Le baptême de sang ne vaut rien sans le baptême de feu qui est l’effet de la charité. Car saint Paul dit (1 Cor., 13, 3) : Quand je livrerais mon corps pour être brûlé, si je n’ai pas la charité, tout cela ne me sert de rien. Au contraire le baptême de feu est valide sans le baptême de sang, puisqu’il n’y a pas que les martyrs qui soient sauvés. Le baptême de sang n’est donc pas le plus excellent.

            Réponse à l’objection N°2 : L’effusion du sang n’est pas un baptême, si elle a lieu sans la charité. D’où il est évident que le baptême de sang implique le baptême de feu et non réciproquement. Ce qui prouve par là même qu’il est plus parfait.

 

            Objection N°3. Comme le baptême d’eau tire son efficacité de la passion du Christ, à laquelle répond le baptême de sang, d’après ce que nous avons dit (art. préc.), de même la passion du Christ tire son efficacité de l’Esprit-Saint, d’après ces paroles de saint Paul (Héb., 9, 14) : Le sang du Christ, qui par l’Esprit-Saint s’est lui-même offert pour nous, purifiera notre conscience des œuvres mortes, etc. Le baptême de feu l’emporte donc sur le baptême de sang, et par conséquent ce dernier n’est pas le plus excellent.

            Réponse à l’objection N°3 : Le baptême de sang l’emporte sur les autres, non seulement par rapport à la passion du Christ, mais encore par rapport à l’Esprit-Saint, comme nous l’avons dit (dans le corps de cet article.).

 

            Mais c’est le contraire. Saint Augustin s’adressant à Fortunat et comparant ensemble les baptêmes dit (Gennadius, in Lib. de eccles. dogm., chap. 74) : Celui qui est baptisé confesse sa foi devant le prêtre, le martyr devant le persécuteur ; l’un est aspergé d’eau après sa confession, l’autre l’est de son sang ; l’un reçoit l’Esprit-Saint par l’imposition des mains du pontife, l’autre devient le temple de l’Esprit-Saint.

 

            Conclusion Puisque dans le baptême de sang, la passion du Christ opère parce qu’on l’imite et la vertu de l’Esprit-Saint par la ferveur de l’amour, il est évident que des trois baptêmes le baptême de sang est le plus excellent, quant à l’effet du sacrement.

            Il faut répondre que, comme nous l’avons dit (art. préc.), l’effusion du sang pour le Christ et l’opération intérieure de l’Esprit-Saint reçoivent le nom de baptêmes parce qu’ils produisent l’effet du baptême d’eau. Or, le baptême d’eau tire son efficacité de la passion du Christ et de l’Esprit-Saint, comme nous l’avons dit (art. préc.). Ces deux causes obèrent à la vérité dans chacun de ces trois baptêmes, mais elles opèrent de la manière la plus excellente dans le baptême de sang. Car la passion du Christ opère dans le baptême d’eau parce qu’il en est la représentation figurative ; elle opère dans le baptême de feu ou de pénitence par l’affection, et elle opère dans le baptême de sang, parce qu’il en est une imitation. — De même la vertu de l’Esprit-Saint opère aussi dans le baptême d’eau par une vertu latente, dans le baptême de pénitence par les sentiments du cœur, mais dans le baptême de sang par une ferveur d’amour et d’affection qui est plus grande, d’après ces paroles (Jean, 15, 13) : Personne n’a un plus grand amour que celui qui donne sa vie pour ses amis.

 

Copyleft. Traduction de l’abbé Claude-Joseph Drioux et de JesusMarie.com qui autorise toute personne à copier et à rediffuser par tous moyens cette traduction française. La Somme Théologique de Saint Thomas latin-français en regard avec des notes théologiques, historiques et philologiques, par l’abbé Drioux, chanoine honoraire de Langres, docteur en théologie, à Paris, Librairie Ecclésiastique et Classique d’Eugène Belin, 52, rue de Vaugirard. 1853-1856, 15 vol. in-8°. Ouvrage honoré des encouragements du père Lacordaire o.p. Si par erreur, malgré nos vérifications, il s’était glissé dans ce fichier des phrases non issues de la traduction de l’abbé Drioux ou de la nouvelle traduction effectuée par JesusMarie.com, et relevant du droit d’auteur, merci de nous en informer immédiatement, avec l’email figurant sur la page d’accueil de JesusMarie.com, pour que nous puissions les retirer. JesusMarie.com accorde la plus grande importance au respect de la propriété littéraire et au respect de la loi en général. Aucune évangélisation catholique ne peut être surnaturellement féconde sans respect de la morale catholique et des lois justes.

 

 

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