Saint Thomas d’Aquin - Somme Théologique

3a = Tertia Pars = 3ème partie

Question 67 : Des ministres qui administrent le sacrement du baptême

 

            Nous devons ensuite considérer les ministres qui administrent le sacrement de baptême. — A ce sujet huit questions se présentent : 1° Appartient-il au diacre de baptiser ? (Dans le pontifical, l’évêque dit aux diacres qu’il ordonne : Cogitate magnoperè, ad quantum gradum Ecclesiæ ascenditis : Diaconum enim oportet ministrare ad altare, baptizare et prædicare. Ce qui signifie seulement que, par la force de son ordination, le diacre a le pouvoir d’être délégué pour baptiser solennellement.) — 2° Appartient-il au prêtre ou seulement à l’évêque de le faire ? (L’évêque et le prêtre sont les ministres ordinaires du sacrement de baptême, mais, de droit ecclésiastique, il a été établi qu’un prêtre ou qu’un évêque ne peuvent licitement baptiser, hors le cas de nécessité, s’ils n’ont la juridiction ordinaire ou déléguée, C’est ce qu’exprime le Rituel romain, quand il dit qu’il faut que le ministre du baptême soit le propre pasteur ou un autre prêtre délégué par le propre pasteur ou par l’ordinaire du lieu. Toutefois la juridiction ou la délégation n’est pas exigée pour la validité, mais pour la licité du sacrement. Et il n’y a pas d’irrégularité prononcée contre le prêtre qui serait dans ce cas.) — 3° Un laïque peut-il conférer le sacrement de baptême ? (Calvin a attaqué le baptême conféré par les laïques, mais la doctrine de l’Eglise est constante sur ce point : Sacramentum Baptismi, dit le concile de Latran, à quocumque ritu collatum, proficit ad salutem. Le concile de Florence n’est pas moins formel : In causâ necessitatis, non solùm sacerdos et diaconus, sed etiam laïcus vel mulier ; imò etiam parganus et hæreticus baptizare potest, dummodò formam Ecclesiæ servet et facere intendat quod facit Ecclesia.) — 4° Une femme peut-elle le faire ? — 5° Celui qui n’est pas baptisé peut-il baptiser ? (Cet article est une réfutation de l’erreur des arméniens, qui prétendaient qu’on devait rebaptiser ceux qui avaient été baptisés par des hérétiques, des juifs ou des païens. Ce que le concile de Trente a ainsi condamné (sess. 7, can. 4) : Si quis dixerit baptismum qui etiam datur ab hæreticis in nomine Patris, et Filii, et Spiritûs sancti, cum, intentione faciendi quod facit Ecclesia, non esse verum baptismum, anathema sit.) — 6° Plusieurs personnes peuvent-elles simultanément baptiser un seul et même individu ? — 7° Est-il nécessaire qu’il y ait quelqu’un qui tienne celui qui est baptisé sur les fonts sacrés ? (Cet article se rapporte aux parrains et aux marraines. Ces titres viennent des mots père et mère, parce qu’ils contractent une sorte de paternité ou de maternité par rapport à celui qu’ils présentent au baptême. On les appelle aussi fidejussores, sponsores, répondants ou cautions. Ici saint Thomas leur donne le nom de susceptores, parce qu’ils tiennent ceux que l’on baptise pendant l’administration du sacrement, ou qu’ils les reçoivent après.) — 8° Celui qui tient quelqu’un sur les fonts sacrés est-il obligé de l’instruire ? (A défaut des parents, le parrain et la marraine sont tenus d’apprendre à leur filleul ou filleule : l’Oraison dominicale, la Salutation angélique, le symbole des Apôtres, les commandements de Dieu et de l’Eglise, c’est-à-dire les choses principales que tout chrétien est tenu de savoir.)

 

Article 1 : Appartient-il à loffice du diacre de baptiser ?

 

            Objection N°1. Il semble qu’il appartienne à l’office du diacre de baptiser. Car le Seigneur donne tout à la fois l’ordre de prêcher l’Evangile et de baptiser, d’après ces paroles (Matth., 28, 19) : Allez, enseignez toutes les nations et baptisez-les, etc. Or, il appartient à l’office du diacre d’évangéliser. Il semble donc qu’il lui appartienne aussi de baptiser.

            Réponse à l’objection N°1 : Il appartient au diacre de réciter l’Evangile dans l’église, et de le prêcher à la manière de celui qui catéchise. C’est pour cela que saint Denis dit (De eccles. hier., chap. 5) que les diacres ont pouvoir sur ceux qui sont immondes ; parmi lesquels il met les catéchumènes. Mais l’enseignement ou l’explication de l’Evangile appartient en propre à l’évêque dont l’acte consiste à perfectionner, d’après le même Père (De eccles. hier., chap. 5), et perfectionner, c’est la même chose qu’enseigner. Il ne suit donc pas de là que l’office de baptiser appartienne aux diacres.

 

            Objection N°2. D’après saint Denis (De eccles. hier., chap. 5) il appartient à l’office du diacre de purifier. Or, on est principalement purifié de ses péchés par le baptême, d’après saint Paul qui dit (Eph., 5, 26) : Que le Christ purifie l’Eglise par l’eau où elle est lavée et par la, parole de vie. Il semble donc qu’il appartienne au diacre de baptiser.

            Réponse à l’objection N°2 : Comme le dit saint Denis (De eccles. hier., chap. 2), le baptême n’a pas seulement une vertu purgative, mais encore une vertu illuminative. C’est pourquoi il excède l’office du diacre auquel il appartient seulement de purger, soit en repoussant ceux qui sont impurs, soit en les disposant à recevoir le sacrement.

 

            Objection N°3. On lit à l’égard de saint Laurent que, quoiqu’il fût diacre, il baptisait beaucoup de personnes. Il semble donc qu’il appartienne au diacre de baptiser.

            Réponse à l’objection N°3 : Le baptême étant un sacrement nécessaire, il est permis au diacre, dans une nécessité pressante (On n’exige pas que cette nécessité soit extrême, mais il faut qu’il y ait une raison notable d’utilité pour l’Eglise ou le prochain. Si un diacre baptisait-ans délégation de la part de l’évêque ou d’un prêtre, d’après le sentiment le plus commun, il encourrait l’irrégularité, d’après ce canon (chap. Si quis 1, extrà liv. 5, chap. 26) : Si quis baptizaverit, aut aliquod divinum officium ejcercuerit, non ordinatus, propter temeritatem de Ecclesiâ abjiciatur et nunquam ordinetur.),de baptiser dans l’absence de ceux qui sont au-dessus de lui, comme on le voit d’après le passage du pape Gélase (loc. cit.). C’est ainsi que saint Laurent qui était diacre a baptisé.

 

            Mais c’est le contraire. Le pape Gélase dit (Epist. 9, chap. 7, et hab. in Decret., dist. 93, chap. 13) : Nous voulons que les diacres se tiennent dans leur propre rang ; et plus loin : Qu’ils n’aient pas la témérité de baptiser sans l’évêque et sans le prêtre, à moins que, dans l’absence de ces derniers, la nécessité extrême ne les y contraigne.

 

            Conclusion Selon la nature même du nom qu’il porte, il est évident qu’il n’appartient pas à un diacre de conférer le sacrement de baptême d’après son office propre, il doit seulement assister et aider ceux qui sont d’un ordre supérieur dans la collation de ce sacrement et des autres.

            Il faut répondre que, comme les propriétés des ordres célestes et leurs offices viennent de leurs noms, selon la remarque de saint Denis (De cœlest. hier., chap. 1), de même on peut conclure des noms des ordres ecclésiastiques ce qui appartient à chacun d’eux. Or, les diacres reçoivent en quelque sorte le nom de ministres, parce qu’il ne leur appartient pas principalement de conférer un sacrement et de le faire en vertu de leur office propre, mais ils doivent seulement aider ceux qui sont d’un ordre supérieur dans l’administration des sacrements. Par conséquent il n’appartient pas au diacre d’après son office propre de conférer le sacrement de baptême, mais il lui appartient d’assister et d’aider ceux qui sont d’un ordre supérieur, lorsqu’ils administrent ce sacrement ou les autres. D’où saint Isidore dit (Epist. ad Laudefred.) : Il appartient au diacre d’assister et de servir les prêtres dans tout ce qu’ils font pour les sacrements du Christ, c’est-à-dire pour le baptême, le chrême, la patène et le calice.

 

Article 2 : Appartient-il à loffice des prêtres de baptiser ?

 

            Objection N°1. Il semble qu’il n’appartienne pas à l’office des prêtres de baptiser, mais seulement à celui des évêques. Car, comme nous l’avons dit (quest. préc., art. 5, Objection N°1, et art. préc., Objection N°1), c’est le même précepte qui enjoint d’enseigner et de baptiser (Matth., chap. 28). Or, il appartient à l’office de l’évêque d’enseigner, ce qui est la même chose que perfectionner, comme on le voit dans saint Denis (De eccles. hier., chap. 5 et 6). Il n’appartient donc qu’à l’office de l’évêque de baptiser.

            Réponse à l’objection N°1 : Le Seigneur a enjoint aux apôtres, dont les évêques sont les successeurs, le double office d’enseigner et de baptiser, mais il ne leur a pas enjoint l’un et l’autre de la même manière. Car le Christ leur a confié l’office d’enseigner, pour qu’ils l’exerçassent par eux-mêmes, comme la chose principale. C’est pourquoi les apôtres ont dit (Actes, 6, 2) : Il n’est pas raisonnable que nous quittions la prédication de la parole de Dieu pour le service des tables, mais il leur a confié l’office de baptiser pour qu’ils l’exerçassent par les autres. D’où saint Paul dit (1 Cor., 1, 17) : Le Christ ne m’a pas envoyé baptiser, mais évangéliser. Et il en est ainsi parce que le mérite et la sagesse du ministre n’opèrent rien dans le baptême, tandis qu’il n’en est pas de même pour l’enseignement, comme on le voit d’après ce que nous avons dit (quest. 64, art. 5, 6 et 9). C’est aussi en signe de cela que le Seigneur n’a pas baptisé lui-même, mais que ses disciples baptisaient, comme on le voit (Jean, chap. 4). Toutefois cela n’empêche pas que les évêques puissent baptiser ; car ce que peut une puissance inférieure, la puissance supérieure le peut aussi. C’est pourquoi l’Apôtre dit lui-même (ibid.) qu’il en a baptisé quelques-uns.

 

            Objection N°2. Par le baptême on met quelqu’un au nombre des chrétiens ; ce qui parait n’appartenir qu’à l’office d’un prince. Or, les évêques tiennent le rang de prince dans l’Eglise, puisque, comme l’observe la glose (ord. Bedæ, sup. illud : Designavit Dominus, Luc, chap. 10), ils tiennent la place des apôtres dont il est dit (Ps. 44, 17) : Vous les établirez princes sur toute la terre. Il semble donc qu’il n’appartienne qu’à l’office de l’évêque de baptiser.

            Réponse à l’objection N°2 : Dans tout Etat les moindres charges appartiennent à ceux qui sont d’un rang inférieur, et les plus importantes sont réservées à ceux qui occupent le rang le plus élevé, d’après ces paroles de la loi (Ex., 18, 22) : Qu’ils vous rapportent toutes les grandes affaires, et qu’ils jugent par eux-mêmes toutes les petites. C’est pour ce motif qu’il appartient aux magistrats inférieurs de la cité de disposer du bas peuple, tandis que c’est aux princes à régler ce qui regarde les premiers personnages de l’Etat. Et, comme par le baptême on n’acquiert que le dernier rang dans le peuple chrétien, ii s’ensuit qu’il appartient aux princes inférieurs de le conférer, c’est-à-dire aux prêtres, qui tiennent la place des soixante-douze disciples du Christ, comme le dit la glose (Luc, chap. 10, cit. in arg.).

 

            Objection N°3. Saint Isidore dit (loc. cit., art. préc.) qu’il appartient à l’évêque de consacrer les basiliques, d’oindre l’autel, de faire le saint chrême, de conférer les ordres dans l’Eglise et de bénir les vierges consacrées à Dieu. Or, le sacrement de baptême l’emporte sur toutes ces choses. Il semble donc qu’à plus forte raison il n’appartienne qu’à l’office de l’évêque de baptiser.

            Réponse à l’objection N°3 : Comme nous l’avons dit (quest. 65, art. 3 dans le corps de l’article et Réponse N°4), le sacrement de baptême est le plus nécessaire, mais par rapport à la perfection il y en a d’autres qui l’emportent sur lui et qui sont réservés aux évêques.

 

            Mais c’est le contraire. Saint Isidore dit (De offic., liv. 2, chap. 24) : Il est constant que le droit de baptiser n’a été remis qu’aux prêtres.

 

            Conclusion Puisque par le baptême l’homme devient participant de l’unité de l’Eglise dont l’eucharistie est le sacrement, il est évident qu’il appartient proprement aux prêtres d’administrer le sacrement de baptême, comme il leur appartient aussi de consacrer l’eucharistie.

            Il faut répondre que les prêtres sont ordonnés pour consacrer le corps du Christ, comme nous l’avons dit (quest. 63, art. 2 et 6, et quest. 65, art. 3). Or, ce sacrement est celui de l’unité de l’Eglise, d’après ces paroles de saint Paul (1 Cor., 10, 17) : Parce que ce pain est unique, étant plusieurs, nous ne sommes qu’un seul corps, car nous participons au même pain et au même calice. — Par le baptême on devient participant de l’unité de l’Eglise, et, par conséquent, on reçoit le droit de s’approcher de la table du Seigneur. C’est pourquoi, comme il appartient au prêtre de consacrer l’eucharistie (ce qui est le but principal du sacerdoce), de même il appartient aussi à son office propre de baptiser. Car il semble que ce soit au même qu’il convienne d’opérer le tout, et de disposer les parties pour le tout.

 

Article 3 : Un laïque peut-il baptiser ?

 

            Objection N°1. Il semble qu’un laïque ne puisse pas baptiser. Car l’action de baptiser, comme nous l’avons dit (art. préc.), appartient en propre à l’ordre sacerdotal. Or, les choses qui appartiennent à l’ordre ne peuvent être confiées à celui qui n’est pas ordonné. Il semble donc qu’un laïque qui n’a pas reçu l’ordre ne puisse baptiser.

            Réponse à l’objection N°1 : Le baptême appartient à l’ordre sacerdotal, pour ce qui est de la convenance et de la solennité, mais il n’en est pas de même de la nécessité de ce sacrement. Par conséquent, quoiqu’un laïque pèche en baptisant hors le cas de nécessité, néanmoins il confère réellement le baptême, et on ne doit pas rebaptiser celui qu’il a ainsi baptisé.

 

            Objection N°2. C’est une plus grande chose de baptiser que de l’aire les autres choses sacramentelles qui se rapportent au baptême, comme catéchiser, exorciser, bénir l’eau baptismale. Or, les laïques ne peuvent faire ces choses, mais il n’y a que les prêtres. Il semble donc que les laïques puissent encore beaucoup moins baptiser.

            Réponse à l’objection N°2 : Ces actes sacramentels qui accompagnent le baptême appartiennent à la solennité du sacrement, mais ils ne sont pas nécessaires. C’est pourquoi un laïque ne doit pas et ne peut pas les faire ; il n’y a que le prêtre à qui il appartienne de baptiser solennellement.

 

            Objection N°3. Comme le baptême est un sacrement nécessaire, de même aussi la pénitence. Or, le laïque ne peut absoudre au for de la pénitence. Il ne peut donc pas non plus baptiser.

            Réponse à l’objection N°3 : Comme nous l’avons dit (quest. 65, art. 3 et 4), la pénitence n’est pas aussi nécessaire que le baptême. Car on peut suppléer par la contrition à l’absolution du prêtre, qui ne délivre pas de toute la peine due au péché, et qu’on n’applique pas aux enfants. C’est pourquoi il n’y a pas de parité avec le baptême dont l’effet ne peut être suppléé par aucun autre moyen.

 

            Mais c’est le contraire. Le pape Gélase Ier (Epist. 9, chap. 7) et saint Isidore (De offic., liv. 2, chap. 24), disent qu’ordinairement on accorde aux laïques qui sont chrétiens la faculté de baptiser dans le cas de nécessité.

 

            Conclusion De peur que l’homme ne manque son salut pour n’avoir pas été baptisé, on a établi avec raison que tout le monde était le ministre de ce sacrement, même ceux qui n’ont pas été ordonnés.

            Il faut répondre que la miséricorde de Dieu, qui veut que tous les hommes soient sauvés, demande qu’à l’égard des choses qui sont nécessaires au salut, l’homme trouve facilement un remède. Or, parmi tous les sacrements, le plus nécessaire est le baptême, qui est la régénération de l’homme à la vie spirituelle. Car on ne peut nullement venir en aide autrement aux enfants, et les adultes ne peuvent aussi obtenir que par le baptême la pleine rémission de leur faute et de leur peine. C’est pourquoi, pour que l’homme ne put pas être privé d’un remède qui lui est si nécessaire, il a été établi que la matière du baptême serait commune, on a ainsi choisi l’eau que tout le monde peut se procurer facilement, et on a voulu également que le ministre du baptême fût toute personne quelconque, même celle qui n’a point été ordonnée, dans la crainte que l’homme ne vînt à manquer son salut pour n’avoir pas reçu ce sacrement (Voyez, sur cet article et les précédents, le Catéchisme du concile de Trente, où la doctrine de l’Eglise est parfaitement exposée (part. 2, n° 18).).

 

Article 4 : Une femme peut-elle baptiser ?

 

            Objection N°1. Il semble qu’une femme ne puisse baptiser. Car on lit dans le concile de Cartilage (4, can. 99) : Qu’une femme, quoique instruite et sainte, n’ait pas la présomption d’enseigner les hommes publiquement et de conférer le baptême. Or, il n’est permis, d’aucune manière, à une femme, d’enseigner dans les assemblées des fidèles, d’après ces paroles de saint Paul (1 Cor., 14, 35) : Il est honteux aux femmes de parler dans l’église. Il semble donc qu’il ne soit pas permis non plus à la femme de baptiser d’aucune manière.

            Réponse à l’objection N°1 : Comme il n’est pas permis à une femme d’enseigner publiquement, mais qu’elle peut cependant le faire en particulier, ou en donnant des avis, de même il ne lui est pas permis de baptiser publiquement et avec solennité ; mais cependant elle peut le faire dans le cas de nécessité.

 

            Objection N°2. L’action de baptiser appartient à l’office du prélat ; par conséquent, le droit de baptiser doit appartenir aux prêtres qui ont charge d’âmes. Or, ce droit ne peut convenir à une femme, puisque saint Paul dit (1 Tim., 2, 12) : Je ne permets point aux femmes d’enseigner publiquement, ni de prendre autorité sur leur mari, mais de rester en silence. La femme ne peut donc pas baptiser.

            Réponse à l’objection N°2 : Quand le baptême est administré solennellement et selon le rite ordinaire, on doit le recevoir d’un prêtre qui a charge d’âmes ou de quelqu’un qui tient sa place. Mais cela n’est pas requis pour le cas de nécessité dans lequel une femme peut baptiser.

 

            Objection N°3. Dans la régénération spirituelle, il semble que l’eau remplace le sein de la mère, comme le dit saint Augustin (Tract. 11 in Joan.) sur ces paroles de saint Jean (Jean, 3, 4) : Un homme peut-il de nouveau entrer dans le sein de sa mère pour naître une seconde fois ? Mais celui qui baptise paraît plutôt remplir l’office du père. Or, ce rôle ne convient pas à une femme, et, par conséquent, il semble qu’elle ne puisse pas baptiser.

            Réponse à l’objection N°3 : Dans la génération charnelle l’homme et la femme opèrent selon la vertu de leur propre nature. C’est pour ce motif que la femme ne peut être le principe actif de la génération, mais seulement le principe passif ; au lieu que dans la génération spirituelle, ils n’opèrent ni l’un ni l’autre par leur vertu propre ; ils ne sont que des instruments qui agissent par la vertu du Christ. C’est pourquoi l’homme et la femme peuvent également baptiser dans le cas de nécessité. Si cependant une femme baptisait hors le cas de nécessité, on ne devrait pas rebaptiser l’enfant, comme nous l’avons dit au sujet des laïques (art.préc.), mais elle pécherait en le baptisant, et il en serait de même de ceux qui auraient coopéré à son action, soit en recevant d’elle le baptême, soit en lui offrant quelqu’un à baptiser.

 

            Mais c’est le contraire. Le pape Urbain dit (hab. in Decret. 30, quest. 3, chap. 4) : A l’égard des choses sur lesquelles vous nous avez consulté dans votre amour, nous croyons devoir vous répondre que le baptême est valide, si, dans le cas de nécessité, une femme baptise un enfant au nom delà sainte Trinité.

 

            Conclusion Les femmes ; peuvent baptiser dans le cas de nécessité, quand il n’y a pas d’homme là pour le faire, comme un laïque le peut, quand il n’y a là ni prêtre, ni clerc.

            Il faut répondre que c’est le Christ qui est l’auteur principal du baptême, d’après ces paroles (Jean, 1, 33) : Celui sur qui vous verrez l’Esprit-Saint descendre et s’arrêter, c’est celui-là qui baptise. Or, saint Paul dit (Col., chap. 3) que le Christ ne fait pas de distinction entre les hommes et les femmes. Par conséquent, comme un homme qui est laïque peut baptiser en qualité de ministre du Christ, de même aussi une femme. — Mais parce que l’homme est le chef de la femme, et le Christ le chef de l’homme, d’après le même apôtre (1 Cor., chap. 11), la femme ne doit pas baptiser, s’il v a là un homme qui puisse le faire (D’après le rituel romain, il y a deux exceptions à cette règle : Nisi, pudoris gratiâ, deceat fœminarn potiùs quam virum baptizare infantem, non omninò editum, vel nisi meliùs fœmina sciret formam et modum baptizandum.), comme un laïque ne doit pas le faire en présence d’un clerc, ni celui-ci en présence d’un prêtre (Mgr Gousset pense qu’il n’y aurait pas péché mortel, si l’on venait à intervertir cet ordre, à moins qu’un laïque ne se permît de baptiser un enfant qui aurait pu l’être par un prêtre.). Cependant le prêtre peut baptiser en présence de l’évêque, parce que cette action appartient à l’office sacerdotal.

 

Article 5 : Celui qui nest pas baptisé peut-il conférer le sacrement de baptême ?

 

            Objection N°1. Il semble que celui qui n’a pas été baptisé ne puisse conférer le sacrement de baptême. Car personne ne donne ce qu’il n’a pas. Or, celui qui n’est pas baptisé n’a pas le sacrement de baptême. Il ne peut donc le conférer.

            Réponse à l’objection N°1 : Celui qui baptise ne remplit qu’un ministère extérieur, mais c’est le Christ qui baptise intérieurement, et il peut se servir de tous les hommes pour tout ce qu’il veut. C’est pourquoi ceux qui ne sont pas baptisés peuvent conférer le baptême, parce que, comme le dit le pape Nicolas, le baptême n’est pas à ceux qui baptisent, mais au Christ (hoc hab. exprès. August., liv. 3 Cont. Cresc., chap. 6).

 

            Objection N°2. On confère le sacrement de baptême selon qu’on est ministre de l’Eglise. Or, celui qui n’a pas été baptisé n’appartient d’aucune manière à l’Eglise, ni par la chose, ni par le sacrement. Il ne peut donc pas conférer le sacrement de baptême.

            Réponse à l’objection N°2 : Celui qui n’a pas été baptisé, quoiqu’il n’appartienne à l’Eglise, ni par la chose, ni par le sacrement (Pour le sens de ces expressions, voyez quest. préc., art. 1), peut cependant lui appartenir par l’intention et la ressemblance de l’acte, dans le sens qu’il a l’intention de faire ce que l’Eglise fait, et qu’il observe en baptisant la forme de l’Eglise. Et ainsi il opère comme ministre du Christ, qui n’a pas enchaîné sa vertu à ceux qui sont baptisés, pas plus qu’il ne l’a enchaînée aux sacrements eux-mêmes.

 

            Objection N°3. C’est une plus grande chose de conférer un sacrement que de le recevoir. Or, celui qui n’est pas baptisé ne peut recevoir d’autres sacrements. Il peut donc encore beaucoup moins en conférer un.

            Réponse à l’objection N°3 : Les autres sacrements ne sont pas aussi nécessaires que le baptême. C’est pourquoi on accorde plutôt à celui qui n’est pas baptisé le pouvoir de baptiser les autres, qu’on ne lui accorde le pouvoir de recevoir d’autres sacrements.

 

            Mais c’est le contraire. Saint Isidore dit (hab., chap. Si quis per ignorantiam, 1, quest. 1) : Le pontife romain ne juge pas l’homme qui baptise, mais l’Esprit-Saint s’en sert pour conférer la grâce du baptême, quand même celui qui baptise serait un païen. Or on ne donne pas le nom de païen à celui qui est baptisé. Par conséquent, celui qui ne l’est pas peut conférer le baptême.

 

            Conclusion Celui qui n’est pas baptisé peut conférer le baptême dans le cas de nécessité, en faisant usage de la forme employée par l’Eglise ; s’il n’y avait pas nécessité il pécherait grièvement en le baptisant, mais le sacrement serait néanmoins valide.

            Il faut répondre que saint Augustin laisse cette question sans la résoudre. Car il dit (Cont. Epist. Parmen., liv. 2, chap. 13) : Il reste une autre question ; par exemple, si ceux qui n’ont jamais été chrétiens peuvent baptiser : on ne doit rien affirmer à ce sujet avec témérité, sans s’appuyer sur l’autorité d’un concile qui ait assez de poids pour résoudre une affaire de cette importance (Saint Augustin exprime plus pleinement sa pensée (De bapt. contrà Donatistas, liv. 7, chap. 53).). Mais l’Eglise a ensuite décidé que ceux qui ne sont pas baptisés, qu’ils soient juifs ou païens, peuvent conférer le sacrement de baptême, pourvu qu’ils fassent usage de la forme adoptée dans l’Eglise (Ce sont précisément les expressions du concile de Florence, qui dit : Primum omnium sacramentorum locum tenet sanctum baptisma, quod vitæ spiritualis janua est.). D’où le pape Nicolas Ier a fait cette réponse aux Bulgares (De consecrat., dist. 4, chap. 24, ad consulta Bulgar., chap. 104) : Vous m’apprenez que dans votre pays ii y en a beaucoup qui ont été baptisés par un juif, sans que vous sachiez s’il a été chrétien ou païen, et vous me demandez ce que l’on doit faire. On ne doit certainement pas les rebaptiser, s’ils l’ont été au nom de la sainte Trinité ; mais s’il n’a pas observé la forme de l’Eglise, le sacrement du baptême n’a pas été réellement conféré. C’est dans ce sens qu’il faut entendre ce que Grégoire III écrit à l’évêque Boniface (Epist. 1, can. 1, et hab., chap. 52 De consecrat., dist. 4) : Nous vous ordonnons de baptiser de nouveau au nom de la Trinité ceux que vous savez avoir été baptisés par les païens ; c’est-à-dire de telle sorte qu’on n’a pas observé la forme de l’Eglise. — La raison en est que comme du côté de la matière, par rapport à la nécessité du sacrement, toute eau quelle qu’elle soit salit ; de même du côté du ministre tout homme suffit aussi. C’est pourquoi celui qui n’est pas baptisé peut baptiser à l’article de la mort, de manière que si deux individus qui ne sont pas baptisés se baptisaient mutuellement, pourvu que l’un baptisât l’autre d’abord et qu’il fût ensuite baptisé par lui ; ils recevraient l’un et l’autre non seulement le sacrement, mais encore la chose du sacrement (Le caractère est la justification intérieure.). Mais s’ils le faisaient hors le cas de nécessité, ils pécheraient grièvement l’un et l’autre, celui qui baptise et celui qui est baptisé, et par là l’effet du baptême (La justification ne serait pas produite, mais le sacrement serait valide, et il imprimerait caractère.) serait empêché, quoique le sacrement lui-même fût valide.

 

Article 6 : Plusieurs ministres peuvent-ils simultanément baptiser une même personne ?

 

            Objection N°1. II semble que plusieurs ministres puissent simultanément baptiser une même personne. Car l’un est contenu dans le multiple, mais non réciproquement. Par conséquent, il semble que tout ce que peut faire un individu, plusieurs puissent le faire, et non réciproquement ; ainsi plusieurs traînent un navire qu’un seul ne pourrait traîner. Or, un seul homme ne peut en baptiser plusieurs simultanément. Donc plusieurs ne peuvent pas non plus en baptiser un seul simultanément. Il est plus difficile qu’un seul simultanément.

            Réponse à l’objection N°1 : Cette raison est applicable aux choses qui agissent d’après leur propre vertu. Or, les hommes ne baptisent pas d’après leur propre vertu, mais d’après la vertu du Christ, qui, par la même qu’il est un, accomplit son œuvre par un seul ministre.

 

            Objection N°2. Il est plus difficile qu’un seul agent agisse sur plusieurs choses que plusieurs agents agissent simultanément sur une seule. Or, un seul homme peut simultanément en baptiser plusieurs. A plus forte raison plusieurs peuvent-ils simultanément en baptiser un seul.

            Réponse à l’objection N°2 : Dans le cas de nécessité une seule personne pourrait baptiser plusieurs individus sous cette formule : Je vous baptise. Ainsi on pourrait le faire si on était menacé par un écroulement ou par le glaive, ou par toute autre chose qui ne souffrît point du tout de retard et qui ne permît pas de baptiser chaque personne les unes après les autres. La forme de l’Eglise ne serait pas par là changée, parce que le pluriel n’est qu’un singulier redoublé ; surtout puisque le Seigneur a dit au pluriel (Matth., 28, 19) : Les baptisant, etc. Il n’en est pas de même de celui qui baptise et de celui qui est baptisé ; parce que le Christ, qui est l’auteur principal du baptême, est un, et que ce sacrement rend un en Jésus-Christ la pluralité des individus.

 

            Objection N°3. Le baptême est le sacrement le plus nécessaire. Or, il paraît nécessaire, dans un cas, que plusieurs baptisent simultanément un seul individu ; par exemple, si un enfant était en danger de mort et qu’il n’y eût là que deux personnes, dont l’une serait muette et l’autre n’aurait ni bras, ni mains. Car alors il faudrait que l’estropié prononçât les paroles et que le muet fit l’acte du baptême. Il semble donc que plusieurs puissent simultanément baptiser un seul individu.

            Réponse à l’objection N°3 : Comme nous l’avons dit (quest. 66, art. 3 et 5), l’intégrité du baptême consiste dans la forme des paroles et l’usage de la matière. C’est pourquoi celui qui ne prononce que les paroles ne baptise pas, et il en est de même de celui qui ne fait que les immersions. C’est pour cette raison que si un individu prononce les paroles et qu’un autre fasse les immersions, aucune forme de paroles ne pourra être convenable. En effet il ne pourra dire : Je te baptise, puisqu’il ne fait pas les immersions, et que par conséquent il ne baptise pas ; et il ne pourrait pas dire non plus : Nous te baptisons, puisque ni l’un ni l’autre ne baptise. Car si de deux individus l’un écrit une partie d’un livre et l’autre une autre, ils ne pourraient pas dire dans le sens propre : Nous avons écrit ce livre ; mais ils le diraient seulement par synecdoche, en prenant le tout pour la partie.

 

            Mais c’est le contraire. L’unité d’action demande l’unité d’agent. Si donc plusieurs personnes baptisaient le même individu, il semble en résulter qu’il y aurait plusieurs baptêmes ; ce qui est opposé à ces paroles de saint Paul (Eph., 4, 5) : Il n’y a qu’une foi et qu’un baptême.

 

            Conclusion Plusieurs personnes peuvent ensemble validement conférer le baptême, pourvu qu’elles observent la forme obligée de l’Eglise et qu’elles disent l’une et l’autre en même temps : Je te baptise au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, quoique on doive les punir, puisqu’elles pèchent grièvement.

            Il faut répondre que le sacrement de baptême tire principalement sa vertu de sa forme, que l’Apôtre appelle la parole de vie (Eph., chap. 5). C’est pourquoi, dans le cas où plusieurs personnes baptiseraient ensemble un seul individu, il faut examiner de quelle forme elles se seraient servies. Car s’ils disaient : Nous te baptisons au nom du Père et du, Fils et du Saint-Esprit, le sacrement ne serait pas valide, parce qu’ils n’auraient pas observé la forme de l’Eglise, qui est ainsi conçue : Je te baptise au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. Mais il y en a qui disent que cette raison est rendue nulle par la forme baptismale dont se sert l’Eglise grecque. Car ils pourraient dire : Que le serviteur du Christ soit baptisé au nom du Père et du Fils et de l’Esprit-Saint (On ne peut pas davantage se servir de cette formule, car on sous-entend les mots par notre ou par mon acte.), ce qui est la forme sous laquelle les grecs reçoivent le baptême. Cependant cette forme diffère beaucoup plus (Sous le rapport des mots.) de la forme dont nous nous servons que si l’on disait : Nous te baptisons. Mais il est à remarquer que par cette forme : Nous vous baptisons (Si l’on prend ces paroles dans leur sens collectif, le sacrement n’existe pas, parce que la véritable formule du baptême se trouve changée. Si on les prend dans un sens divisé, de manière que toutes les personnes qui les prononcent aient l’intention de conférer totalement le baptême, d’une manière indépendante les unes des autres, dans ce cas le sacrement serait valide.), on exprime une intention telle que plusieurs se réunissent pour ne conférer qu’un seul baptême ; ce qui paraît contraire à la nature du ministère qu’on exerce alors. Car l’homme ne baptise que comme ministre du Christ et son lieutenant. Par conséquent, comme il n’y a qu’un Christ, de même il faut qu’il n’y ait qu’un ministre pour le représenter. C’est pour ce motif que l’Apôtre dit expressément (Eph.,  4, 5) qu’il n’y a qu’un Seigneur, qu’une foi et qu’un baptême. C’est pourquoi l’intention contraire paraît rendre nul le sacrement de baptême. — Mais si l’un et l’autre disaient : Je te baptise au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, chacun exprimerait son intention, comme s’il conférait à lui seul le baptême. C’est ce qui pourrait arriver dans le cas où, par rivalité, on s’efforcerait l’un et l’autre de baptiser quelqu’un. Alors il est évident que ce serait celui qui prononcerait le premier les paroles qui baptiserait ; tandis que l’autre, quel que soit le droit qu’il aurait, ne ferait rien ; et s’il avait la présomption de prononcer les paroles, il devrait être puni comme un rebaptisant. Mais s’ils prononçaient tous les deux en même temps les paroles et qu’ils lissent l’immersion ou l’aspersion de celui qu’ils voudraient baptiser, on devrait les punir parce qu’ils baptisent d’une manière contraire aux règles (L’acte est valide, mais il est illicite, puisqu’il est contraire à l’usage de l’Eglise et à l’institution du Christ.), mais non pour avoir réitéré le baptême ; parce que, dans ce cas, ils auraient eu l’un et l’autre l’intention de baptiser quelqu’un qui ne l’est pas, et ils l’auraient baptisé l’un et l’autre autant qu’il était en eux. Il n’y aurait pas deux sacrements, mais le Christ, qui est le seul qui baptise intérieurement, ne conférerait qu’un seul sacrement par l’intermédiaire de l’un et de l’autre.

 

Article 7 : Requiert-on dans le baptême quelquun qui tienne sur les fonts sacrés celui qui est baptisé ?

 

            Objection N°1. Il semble qu’on ne requiert pas dans le baptême quelqu’un qui tienne sur les fonts sacrés celui qui est baptisé. Car notre baptême est consacré par le baptême du Christ et lui est conforme. Or le Christ, dans son baptême, n’a pas été tenu par quelqu’un sur le Jourdain ; mais comme le dit l’Evangile (Matth., 3, 16) : Jésus ayant été baptisé sortit aussitôt hors de l’eau. Il semble donc que dans le baptême des autres on ne requiert pas quelqu’un qui tienne sur les fonts sacrés celui qui est baptisé.

            Réponse à l’objection N°1 : Le Christ n’a pas été baptisé pour être régénéré lui-même, mais pour régénérer les autres. C’est pourquoi, après son baptême, il n’a pas eu besoin de maître, comme un petit enfant.

 

            Objection N°2. Le baptême est la régénération spirituelle, comme nous l’avons dit (art. 3) Or, dans la génération charnelle on ne requiert que le principe actif, qui est le père, et le principe passif, qui est la mère. Par conséquent, puisque dans le baptême celui qui baptise tient la place du père et l’eau baptismale la place de la mère, comme le dit saint Augustin (in serm. Epiph. 1 Dom. inf. octav.), il semble qu’il ne faille pas une autre personne qui tienne celui qui est baptisé sur les fonts sacrés.

            Réponse à l’objection N°2 : Dans la génération charnelle on ne requiert nécessairement que le père et la mère ; mais pour rendre l’enfantement plus facile et pourvoir convenablement à l’éducation des enfants, il faut une sage-femme, une nourrice et un précepteur. Celui qui tient l’enfant sur les fonts sacrés remplace dans le baptême tous ces auxiliaires. Par conséquent il n’est pas nécessaire pour le sacrement ; mais dans le cas de nécessité un individu tout seul peut baptiser avec de l’eau.

 

            Objection N°3. Dans les sacrements de l’Eglise on ne doit rien faire de dérisoire. Or, il paraît dérisoire que les adultes qui peuvent se soutenir eux-mêmes et sortir du bain sacré soient tenus par un autre. Il semble donc qu’il ne soit pas nécessaire, surtout dans le baptême des adultes, qu’il y ait quelqu’un qui lève des fonts sacrés celui qui a été baptisé.

            Réponse  à l’objection N°3 : Celui qui est baptisé n’est pas reçu par le parrain sur les fonts sacrés à cause de sa faiblesse corporelle, mais à cause de sa faiblesse spirituelle, comme nous l’avons dit (dans le corps de l’article.).

 

            Mais c’est le contraire. Saint Denis dit (De cœlest. hier., chap. 2) : Que les prêtres livrent celui qui a été baptisé à celui qui l’a tenu sur les fonts de baptême, pour qu’il l’instruise et le dirige.

 

            Conclusion Comme les petits enfants qui viennent de naître corporellement sont confiés à des nourrices et à des maîtres pour les instruire ; de même dans la régénération spirituelle qui s’opère par le baptême on demande quelqu’un qui reçoive sur les fonts de baptême celui qui vient d’être baptisé, pour qu’il le protège et le forme en ce qui appartient au culte de Dieu.

            Il faut répondre que la régénération spirituelle qui est produite par le baptême ressemble d’une certaine manière à la génération charnelle ; d’où il est dit (1 Pierre, 2, 2) : Comme des enfants nouvellement nés, désirez ardemment et sans malice le lait spirituel. Or, dans la génération charnelle le petit enfant qui vient de naître a besoin d’une nourrice et d’un maître. Par conséquent dans la génération spirituelle du baptême, il faut quelqu’un qui remplisse les fonctions de nourrice et de maître, en le formant et en l’instruisant, comme étant un novice, de ce qui appartient à la foi et à la vie chrétienne. Les chefs de l’Eglise ne peuvent le faire, parce qu’ils sont assez occupés par le soin général de l’Eglise. Et comme les petits enfants et les néophytes ont besoin d’un soin tout spécial indépendamment de cette sollicitude générale, il s’ensuit qu’on demande que quelqu’un reçoive sur les fonts sacrés celui qui vient d’être baptisé, et qu’il se charge en quelque sorte de son instruction et de sa protection. C’est ce qui fait dire à saint Denis (De eccles. hier., chap. ult.) : Il est venu à l’esprit de nos divins chefs, c’est-à-dire des apôtres, et il leur a paru bon de recevoir les enfants conformément à cette sainte pratique qui consiste en ce que les parents naturels d’un enfant le livrent à un maître instruit dans les choses divines pour qu’il n’agisse que sous ses ordres, le considérant comme son père en Dieu et le garant de son salut (La coutume de choisir des parrains et des marraines est, comme on le voit, très ancienne. Le concile de Trente s’exprime ainsi à ce sujet (sess. 24, chap. 2) : Statuit ut unus tantùm, sive vir, sive mulier, vel ad summum, unus et una baptizatum de baptismo suscipiant. D’après le Rituel romain : Patrinus unus tantùm, sive vir, sive mulier, vel ad summum, unus et una adhibeantur ; sed simul non admittantur duo viri aut duæ mulieres.).

 

Article 8 : Celui qui tient quelquun sur les fonts sacrés est-il obligé de linstruire ?

 

            Objection N°1. Il semble que celui qui tient quelqu’un sur les fonts sacrés ne soit pas obligé de l’instruire. Car personne ne peut instruire qu’autant qu’il est instruit lui-même. Or, on admet pour parrains des gens qui ne sont pas instruits, mais simples. Celui qui répond pour quelqu’un qu’on baptise n’est donc pas obligé de l’instruire.

            Réponse à l’objection N°1 : Si le péril était imminent il faudrait que celui qui tient quelqu’un sur les fonts de baptême fût instruit dans les choses de Dieu, comme le dit saint Denis (De eccles. hier., chap. 7) : mais quand il n’y a pas de péril, parce que les enfants sont élevés parmi des catholiques, on admet à cette charge tout individu ; car ce qui regarde la vie chrétienne et la foi est publiquement connu de tout le monde. Cependant celui qui n’a pas été baptisé ne peut être parrain (Voyez l’énumération de tous ceux qui sont exclus des fonctions de parrain par les règles de l’Eglise, dans la Théologie morale de Mgr Gousset, tome 2, p. 67.), comme le déclare le concile de Mayence (hab., chap. De baptismate, de consecrat., dist. 4) : quoique celui qui n’est pas baptisé puisse conférer le baptême ; parce que la personne de celui qui baptise est nécessaire au sacrement, tandis qu’il n’en est pas de même de la personne du parrain, comme nous l’avons dit (art. préc. ad 2).

 

            Objection N°2. Le fils peut être instruit par son père plutôt que par un étranger ; car le fils tient du père l’existence, la nourriture et l’éducation, comme le dit Aristote (Eth., liv. 8, chap. 12). Si donc celui qui est parrain de quelqu’un était tenu de l’instruire, il serait plus convenable de donner cette charge au père charnel de l’enfant qu’à tout autre ; ce qui paraît être cependant défendu, comme on le voit (Decr. 30, quest. 1, chap. Pervenit et chap. Dictum est).

            Réponse à l’objection N°2 : Comme la génération spirituelle diffère de la génération charnelle, de même aussi l’éducation spirituelle doit être différente, d’après ces paroles de saint Paul (Héb., 12, 9) : Si nous avons eu du respect pour les pères de notre corps lorsqu’ils nous ont châtiés, combien plus devons-nous être soumis au Père des esprits, afin de jouir de la vie. C’est pourquoi le Père spirituel doit être autre que le père charnel, à moins que la nécessité n’exige le contraire (Si le père ou la mère de l’enfant avait la témérité de le baptiser hors le cas de nécessité, la plupart des canonistes pensent qu’ils contracteraient entre eux une alliance spirituelle, et qu’ils ne pourraient plus réclamer ce qu’ils se doivent comme époux.).

 

            Objection N°3. Plusieurs personnes peuvent mieux instruire qu’une seule. Si donc le parrain était tenu d’instruire son filleul, on devrait admettre plusieurs parrains plutôt que de n’en admettre qu’un. Et cependant le contraire est prescrit par le décret du pape Léon (hab., chap. 101 De consecrat., dist. 4) : Il ne faut pas, dit-il, qu’il se présente plus d’une personne, homme ou femme, pour tenir un enfant sur les fonts de baptême.

            Réponse à l’objection N°3 : L’éducation serait confuse, s’il n’y avait pas un seul maître principal. C’est pourquoi dans le baptême il faut qu’il n’y en ait qu’un qui réponde principalement pour l’enfant ; bien qu’on puisse en admettre d’autres à titre d’auxiliaires.

 

            Mais c’est le contraire. Saint Augustin dit (Serm. Pasch. 7 in Dom. in albis) : Pour vous, hommes et femmes, qui avez tenu des enfants sur les fonts de baptême, je vous avertis que vous êtes constitués près de Dieu leurs garants.

 

            Conclusion Quelquefois, dans le cas de nécessité, celui qui n tenu quelqu’un sur les fonts sacrés du baptême est obligé de l’élever, s’il remarque qu’on s’en acquitte mal.

            Il faut répondre que chacun est obligé de remplir la charge qu’il a acceptée. Or, nous avons dit (art. préc.) que celui qui tient quelqu’un sur les fonts sacrés, prend l’engagement d’être son précepteur. C’est pourquoi il est obligé d’en avoir soin, dans le cas de nécessité, par exemple dans le temps et le lieu où ceux qui sont baptisés vivent parmi les infidèles. Mais quand ils vivent parmi les catholiques, les parrains peuvent s’exempter de ce soin, en présumant que leurs parents les instruiront convenablement. Si cependant ils pensaient le contraire, ils devraient, autant qu’il est en eux, prendre soin du salut de leurs enfants spirituels (Ce qui était une exception du temps de saint Thomas, dit Mgr Gousset, est malheureusement devenu bien général de notre temps, du moins parmi nous.).

 

Copyleft. Traduction de l’abbé Claude-Joseph Drioux et de JesusMarie.com qui autorise toute personne à copier et à rediffuser par tous moyens cette traduction française. La Somme Théologique de Saint Thomas latin-français en regard avec des notes théologiques, historiques et philologiques, par l’abbé Drioux, chanoine honoraire de Langres, docteur en théologie, à Paris, Librairie Ecclésiastique et Classique d’Eugène Belin, 52, rue de Vaugirard. 1853-1856, 15 vol. in-8°. Ouvrage honoré des encouragements du père Lacordaire o.p. Si par erreur, malgré nos vérifications, il s’était glissé dans ce fichier des phrases non issues de la traduction de l’abbé Drioux ou de la nouvelle traduction effectuée par JesusMarie.com, et relevant du droit d’auteur, merci de nous en informer immédiatement, avec l’email figurant sur la page d’accueil de JesusMarie.com, pour que nous puissions les retirer. JesusMarie.com accorde la plus grande importance au respect de la propriété littéraire et au respect de la loi en général. Aucune évangélisation catholique ne peut être surnaturellement féconde sans respect de la morale catholique et des lois justes.

 

 

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