Saint Thomas d’Aquin
- Somme Théologique
3a = Tertia
Pars = 3ème partie
Question
67 : Des ministres qui administrent le sacrement du baptême
Nous devons ensuite considérer les ministres qui administrent le
sacrement de baptême. — A ce sujet huit questions se présentent : 1°
Appartient-il au diacre de baptiser ? (Dans le pontifical, l’évêque dit aux
diacres qu’il ordonne : Cogitate magnoperè, ad quantum gradum Ecclesiæ ascenditis : Diaconum enim oportet
ministrare ad altare, baptizare et prædicare. Ce
qui signifie seulement que, par la force de son ordination, le diacre a le
pouvoir d’être délégué pour baptiser solennellement.) — 2° Appartient-il au
prêtre ou seulement à l’évêque de le faire ? (L’évêque et le prêtre sont les
ministres ordinaires du sacrement de baptême, mais, de droit ecclésiastique, il
a été établi qu’un prêtre ou qu’un évêque ne peuvent licitement baptiser, hors
le cas de nécessité, s’ils n’ont la juridiction ordinaire ou déléguée, C’est ce
qu’exprime le Rituel romain, quand il dit qu’il faut que le ministre du baptême
soit le propre pasteur ou un autre prêtre délégué par le propre pasteur ou par
l’ordinaire du lieu. Toutefois la juridiction ou la délégation n’est pas exigée
pour la validité, mais pour la licité du sacrement. Et
il n’y a pas d’irrégularité prononcée contre le prêtre qui serait dans ce cas.)
— 3° Un laïque peut-il conférer le sacrement de baptême ? (Calvin a attaqué le
baptême conféré par les laïques, mais la doctrine de l’Eglise est constante sur
ce point : Sacramentum Baptismi, dit
le concile de Latran, à quocumque ritu collatum, proficit ad salutem. Le concile de Florence n’est pas moins formel
: In causâ necessitatis, non solùm sacerdos et diaconus, sed etiam laïcus vel mulier ; imò
etiam parganus et hæreticus
baptizare potest, dummodò formam Ecclesiæ servet et facere intendat quod facit Ecclesia.) — 4° Une
femme peut-elle le faire ? — 5° Celui qui n’est pas baptisé peut-il baptiser ? (Cet
article est une réfutation de l’erreur des arméniens, qui prétendaient qu’on
devait rebaptiser ceux qui avaient été baptisés par des hérétiques, des juifs
ou des païens. Ce que le concile de Trente a ainsi condamné (sess. 7, can. 4) :
Si quis dixerit baptismum qui etiam datur ab hæreticis in nomine Patris, et Filii, et Spiritûs sancti, cum, intentione faciendi quod facit Ecclesia, non esse verum baptismum, anathema sit.) — 6° Plusieurs
personnes peuvent-elles simultanément baptiser un seul et même individu ? — 7°
Est-il nécessaire qu’il y ait quelqu’un qui tienne celui qui est baptisé sur les
fonts sacrés ? (Cet article se rapporte aux parrains
et aux marraines. Ces titres viennent
des mots père et mère, parce qu’ils contractent une sorte de paternité ou de
maternité par rapport à celui qu’ils présentent au baptême. On les appelle
aussi fidejussores,
sponsores,
répondants ou cautions. Ici saint Thomas leur donne le nom de susceptores,
parce qu’ils tiennent ceux que l’on baptise pendant l’administration du
sacrement, ou qu’ils les reçoivent après.) — 8° Celui qui tient quelqu’un sur
les fonts sacrés est-il obligé de l’instruire ? (A défaut des parents, le
parrain et la marraine sont tenus d’apprendre à leur filleul ou filleule :
l’Oraison dominicale, la Salutation angélique, le symbole des Apôtres, les
commandements de Dieu et de l’Eglise, c’est-à-dire les choses principales que
tout chrétien est tenu de savoir.)
Article 1 : Appartient-il
à l’office du diacre de baptiser ?
Objection N°1. Il semble qu’il appartienne à l’office du
diacre de baptiser. Car le Seigneur donne tout à la fois l’ordre de prêcher
l’Evangile et de baptiser, d’après ces paroles (Matth., 28, 19) : Allez, enseignez toutes les nations et
baptisez-les, etc. Or, il appartient à l’office du diacre d’évangéliser. Il
semble donc qu’il lui appartienne aussi de baptiser.
Réponse à
l’objection N°1 : Il appartient au diacre de réciter l’Evangile dans l’église,
et de le prêcher à la manière de celui qui catéchise. C’est pour cela que saint
Denis dit (De eccles. hier., chap. 5) que les diacres ont
pouvoir sur ceux qui sont immondes ; parmi lesquels il met les catéchumènes.
Mais l’enseignement ou l’explication de l’Evangile appartient en propre à
l’évêque dont l’acte consiste à perfectionner, d’après le même Père (De eccles. hier., chap. 5), et perfectionner, c’est
la même chose qu’enseigner. Il ne suit donc pas de là que l’office de baptiser
appartienne aux diacres.
Objection
N°2. D’après saint Denis (De
eccles. hier., chap. 5) il appartient à l’office du diacre de
purifier. Or, on est principalement purifié de ses péchés par le baptême,
d’après saint Paul qui dit (Eph., 5, 26)
: Que le Christ purifie l’Eglise par l’eau
où elle est lavée et par la, parole de vie. Il semble donc qu’il
appartienne au diacre de baptiser.
Réponse
à l’objection N°2 : Comme le dit saint
Denis (De eccles. hier., chap. 2), le baptême n’a pas
seulement une vertu purgative, mais encore une vertu illuminative. C’est
pourquoi il excède l’office du diacre auquel il appartient seulement de purger,
soit en repoussant ceux qui sont impurs, soit en les disposant à recevoir le
sacrement.
Réponse à l’objection N°3 : Le baptême étant un sacrement nécessaire,
il est permis au diacre, dans une nécessité pressante (On n’exige pas que cette
nécessité soit extrême, mais il faut qu’il y ait une raison notable d’utilité
pour l’Eglise ou le prochain. Si un diacre baptisait-ans délégation de la part
de l’évêque ou d’un prêtre, d’après le sentiment le plus commun, il encourrait
l’irrégularité, d’après ce canon (chap. Si
quis 1, extrà
liv. 5, chap. 26) : Si quis baptizaverit, aut aliquod divinum
officium ejcercuerit, non ordinatus, propter temeritatem de
Ecclesiâ abjiciatur et nunquam ordinetur.),de baptiser dans l’absence de ceux qui sont au-dessus de
lui, comme on le voit d’après le passage du pape Gélase (loc. cit.). C’est ainsi que saint Laurent qui était diacre a baptisé.
Mais
c’est le contraire. Le pape Gélase dit (Epist. 9, chap. 7, et hab. in Decret., dist. 93, chap. 13) : Nous voulons que les diacres se tiennent
dans leur propre rang ; et plus loin : Qu’ils n’aient pas la témérité de
baptiser sans l’évêque et sans le prêtre, à moins que, dans l’absence de ces
derniers, la nécessité extrême ne les y contraigne.
Conclusion Selon la nature même du nom qu’il porte, il
est évident qu’il n’appartient pas à un diacre de conférer le sacrement de
baptême d’après son office propre, il doit seulement assister et aider ceux qui
sont d’un ordre supérieur dans la collation de ce sacrement et des autres.
Il
faut répondre que, comme les propriétés des ordres célestes et leurs offices
viennent de leurs noms, selon la remarque de saint Denis (De cœlest. hier., chap. 1), de
même on peut conclure des noms des ordres ecclésiastiques ce qui appartient à
chacun d’eux. Or, les diacres reçoivent en quelque sorte le nom de ministres,
parce qu’il ne leur appartient pas principalement de conférer un sacrement et
de le faire en vertu de leur office propre, mais ils doivent seulement aider
ceux qui sont d’un ordre supérieur dans l’administration des sacrements. Par
conséquent il n’appartient pas au diacre d’après son office propre de conférer le
sacrement de baptême, mais il lui appartient d’assister et d’aider ceux qui
sont d’un ordre supérieur, lorsqu’ils administrent ce sacrement ou les autres.
D’où saint Isidore dit (Epist. ad Laudefred.)
: Il appartient au diacre d’assister et de servir les prêtres dans tout ce
qu’ils font pour les sacrements du Christ, c’est-à-dire pour le baptême, le
chrême, la patène et le calice.
Article 2 : Appartient-il
à l’office des prêtres de baptiser ?
Objection N°1. Il semble qu’il n’appartienne pas à
l’office des prêtres de baptiser, mais seulement à celui des évêques. Car,
comme nous l’avons dit (quest. préc., art. 5, Objection N°1, et art. préc.,
Objection N°1), c’est le même précepte qui enjoint d’enseigner et de baptiser (Matth., chap. 28).
Or, il appartient à l’office de l’évêque d’enseigner, ce qui est la même chose
que perfectionner, comme on le voit dans saint Denis (De eccles. hier.,
chap. 5 et 6). Il n’appartient donc qu’à l’office de l’évêque de baptiser.
Réponse à
l’objection N°1 : Le Seigneur a enjoint aux apôtres, dont les
évêques sont les successeurs, le double office d’enseigner et de baptiser, mais
il ne leur a pas enjoint l’un et l’autre de la même manière. Car le Christ leur
a confié l’office d’enseigner, pour qu’ils l’exerçassent par eux-mêmes, comme
la chose principale. C’est pourquoi les apôtres ont dit (Actes, 6, 2) : Il n’est pas raisonnable que nous quittions la prédication de la parole
de Dieu pour le service des tables, mais il leur a confié l’office de
baptiser pour qu’ils l’exerçassent par les autres. D’où saint Paul dit (1 Cor., 1, 17) : Le Christ ne m’a pas envoyé baptiser, mais évangéliser. Et il en
est ainsi parce que le mérite et la sagesse du ministre n’opèrent rien dans le
baptême, tandis qu’il n’en est pas de même pour l’enseignement, comme on le
voit d’après ce que nous avons dit (quest. 64, art. 5, 6 et 9). C’est aussi en
signe de cela que le Seigneur n’a pas baptisé lui-même, mais que ses disciples
baptisaient, comme on le voit (Jean, chap. 4).
Toutefois cela n’empêche pas que les évêques puissent baptiser ; car ce que
peut une puissance inférieure, la puissance supérieure le peut aussi. C’est
pourquoi l’Apôtre dit lui-même (ibid.)
qu’il en a baptisé quelques-uns.
Objection
N°2. Par le baptême on met quelqu’un au nombre des chrétiens ; ce
qui parait n’appartenir qu’à l’office d’un prince. Or, les évêques tiennent le
rang de prince dans l’Eglise, puisque, comme l’observe la glose (ord. Bedæ, sup. illud : Designavit Dominus, Luc, chap. 10),
ils tiennent la place des apôtres dont il est dit (Ps. 44, 17) : Vous les établirez princes sur toute la terre. Il semble donc qu’il
n’appartienne qu’à l’office de l’évêque de baptiser.
Réponse à
l’objection N°2 : Dans tout Etat les moindres charges appartiennent
à ceux qui sont d’un rang inférieur, et les plus importantes sont réservées à
ceux qui occupent le rang le plus élevé, d’après ces paroles de la loi (Ex., 18, 22) : Qu’ils vous rapportent toutes les grandes affaires, et qu’ils jugent
par eux-mêmes toutes les petites. C’est pour ce motif qu’il appartient aux
magistrats inférieurs de la cité de disposer du bas peuple, tandis que c’est
aux princes à régler ce qui regarde les premiers personnages de l’Etat. Et,
comme par le baptême on n’acquiert que le dernier rang dans le peuple chrétien,
ii s’ensuit qu’il appartient aux princes inférieurs de le conférer,
c’est-à-dire aux prêtres, qui tiennent la place des soixante-douze disciples du
Christ, comme le dit la glose (Luc, chap. 10,
cit. in arg.).
Objection
N°3. Saint Isidore dit (loc. cit., art. préc.) qu’il
appartient à l’évêque de consacrer les basiliques, d’oindre l’autel, de faire le
saint chrême, de conférer les ordres dans l’Eglise et de bénir les vierges
consacrées à Dieu. Or, le sacrement de baptême l’emporte sur toutes ces choses.
Il semble donc qu’à plus forte raison il n’appartienne qu’à l’office de
l’évêque de baptiser.
Mais
c’est le contraire. Saint Isidore dit (De
offic., liv. 2, chap. 24) : Il est constant que le droit de
baptiser n’a été remis qu’aux prêtres.
Conclusion Puisque par le baptême l’homme devient
participant de l’unité de l’Eglise dont l’eucharistie est le sacrement, il est
évident qu’il appartient proprement aux prêtres d’administrer le sacrement de
baptême, comme il leur appartient aussi de consacrer l’eucharistie.
Il
faut répondre que les prêtres sont ordonnés pour consacrer le corps du Christ,
comme nous l’avons dit (quest. 63, art. 2 et 6, et quest. 65, art. 3). Or, ce
sacrement est celui de l’unité de l’Eglise, d’après ces paroles de saint Paul (1 Cor., 10, 17) : Parce que ce pain est unique, étant plusieurs, nous ne sommes qu’un
seul corps, car nous participons au même pain et au même calice. — Par le
baptême on devient participant de l’unité de l’Eglise, et, par conséquent, on
reçoit le droit de s’approcher de la table du Seigneur. C’est pourquoi, comme
il appartient au prêtre de consacrer l’eucharistie (ce qui est le but principal
du sacerdoce), de même il appartient aussi à son office propre de baptiser. Car
il semble que ce soit au même qu’il convienne d’opérer le tout, et de disposer
les parties pour le tout.
Article 3 : Un
laïque peut-il baptiser ?
Objection N°1. Il semble qu’un laïque ne puisse pas
baptiser. Car l’action de baptiser, comme nous l’avons dit (art. préc.), appartient en propre à l’ordre sacerdotal. Or, les
choses qui appartiennent à l’ordre ne peuvent être confiées à celui qui n’est
pas ordonné. Il semble donc qu’un laïque qui n’a pas reçu l’ordre ne puisse
baptiser.
Réponse à l’objection N°1 : Le baptême appartient à
l’ordre sacerdotal, pour ce qui est de la convenance et de la solennité, mais
il n’en est pas de même de la nécessité de ce sacrement. Par conséquent,
quoiqu’un laïque pèche en baptisant hors le cas de nécessité, néanmoins il
confère réellement le baptême, et on ne doit pas
rebaptiser celui qu’il a ainsi baptisé.
Réponse à l’objection N°2 : Ces actes sacramentels qui accompagnent le baptême
appartiennent à la solennité du sacrement, mais ils ne sont pas nécessaires.
C’est pourquoi un laïque ne doit pas et ne peut pas les faire ; il n’y a que le
prêtre à qui il appartienne de baptiser solennellement.
Réponse à l’objection N°3 : Comme nous l’avons dit (quest. 65, art. 3
et 4), la pénitence n’est pas aussi nécessaire que le baptême. Car on peut
suppléer par la contrition à l’absolution du prêtre, qui ne délivre pas de
toute la peine due au péché, et qu’on n’applique pas aux enfants. C’est
pourquoi il n’y a pas de parité avec le baptême dont l’effet ne peut être
suppléé par aucun autre moyen.
Mais
c’est le contraire. Le pape Gélase Ier (Epist. 9, chap. 7) et saint Isidore (De offic., liv. 2, chap.
24), disent qu’ordinairement on accorde aux laïques qui sont chrétiens la faculté
de baptiser dans le cas de nécessité.
Conclusion De peur que l’homme ne manque son salut pour
n’avoir pas été baptisé, on a établi avec raison que tout le monde était le
ministre de ce sacrement, même ceux qui n’ont pas été ordonnés.
Article 4 : Une
femme peut-elle baptiser ?
Objection N°1. Il semble qu’une femme ne puisse baptiser.
Car on lit dans le concile de Cartilage (4, can. 99) : Qu’une femme, quoique
instruite et sainte, n’ait pas la présomption d’enseigner les hommes
publiquement et de conférer le baptême. Or, il n’est permis, d’aucune manière,
à une femme, d’enseigner dans les assemblées des fidèles, d’après ces paroles
de saint Paul (1 Cor., 14, 35) : Il est honteux aux femmes de parler dans l’église. Il semble donc
qu’il ne soit pas permis non plus à la femme de baptiser
d’aucune manière.
Réponse à
l’objection N°1 : Comme il n’est pas permis à une femme d’enseigner
publiquement, mais qu’elle peut cependant le faire en particulier, ou en
donnant des avis, de même il ne lui est pas permis de baptiser publiquement et
avec solennité ; mais cependant elle peut le faire dans le cas de nécessité.
Objection
N°2. L’action de baptiser appartient à l’office du prélat ; par
conséquent, le droit de baptiser doit appartenir aux prêtres qui ont charge
d’âmes. Or, ce droit ne peut convenir à une femme, puisque saint Paul dit (1 Tim., 2, 12) : Je ne permets point aux femmes d’enseigner publiquement, ni de prendre
autorité sur leur mari, mais de rester en silence. La femme ne peut donc
pas baptiser.
Réponse
à l’objection N°2 : Quand le baptême est
administré solennellement et selon le rite ordinaire, on doit le recevoir d’un
prêtre qui a charge d’âmes ou de quelqu’un qui tient sa place. Mais cela n’est
pas requis pour le cas de nécessité dans lequel une femme peut baptiser.
Réponse à l’objection N°3 : Dans la génération charnelle l’homme et
la femme opèrent selon la vertu de leur propre nature. C’est pour ce motif que
la femme ne peut être le principe actif de la génération, mais seulement le
principe passif ; au lieu que dans la génération spirituelle, ils n’opèrent ni
l’un ni l’autre par leur vertu propre ; ils ne sont que des instruments qui
agissent par la vertu du Christ. C’est pourquoi l’homme et la femme peuvent
également baptiser dans le cas de nécessité. Si cependant une femme baptisait
hors le cas de nécessité, on ne devrait pas rebaptiser l’enfant, comme nous
l’avons dit au sujet des laïques (art.préc.), mais elle pécherait en le
baptisant, et il en serait de même de ceux qui auraient coopéré à son action,
soit en recevant d’elle le baptême, soit en lui offrant quelqu’un à baptiser.
Mais
c’est le contraire. Le pape Urbain dit (hab. in Decret. 30, quest. 3, chap. 4) : A l’égard des choses sur lesquelles
vous nous avez consulté dans votre amour, nous croyons devoir vous répondre que
le baptême est valide, si, dans le cas de nécessité, une femme baptise un
enfant au nom delà sainte Trinité.
Conclusion Les femmes ; peuvent baptiser dans le cas de
nécessité, quand il n’y a pas d’homme là pour le faire, comme un laïque le
peut, quand il n’y a là ni prêtre, ni clerc.
Il
faut répondre que c’est le Christ qui est l’auteur principal du baptême,
d’après ces paroles (Jean, 1, 33)
: Celui sur qui vous verrez
l’Esprit-Saint descendre et s’arrêter, c’est celui-là qui baptise. Or,
saint Paul dit (Col., chap. 3) que le Christ ne fait pas de
distinction entre les hommes et les femmes. Par conséquent, comme un homme qui
est laïque peut baptiser en qualité de ministre du Christ, de même aussi une
femme. — Mais parce que l’homme est le
chef de la femme, et le Christ le chef de l’homme, d’après le même apôtre (1 Cor., chap. 11), la femme ne doit pas
baptiser, s’il v a là un homme qui puisse le faire (D’après le rituel romain,
il y a deux exceptions à cette règle : Nisi, pudoris gratiâ, deceat fœminarn potiùs quam virum baptizare infantem, non omninò editum, vel nisi meliùs
fœmina sciret formam et modum baptizandum.), comme un laïque ne doit pas le faire en
présence d’un clerc, ni celui-ci en présence d’un prêtre (Mgr Gousset pense
qu’il n’y aurait pas péché mortel, si l’on venait à intervertir cet ordre, à
moins qu’un laïque ne se permît de baptiser un enfant qui aurait pu l’être par
un prêtre.). Cependant le prêtre peut baptiser en présence de l’évêque, parce
que cette action appartient à l’office sacerdotal.
Article 5 : Celui qui
n’est pas baptisé peut-il conférer le sacrement de
baptême ?
Objection N°1. Il semble que celui qui n’a pas été
baptisé ne puisse conférer le sacrement de baptême. Car personne ne donne ce
qu’il n’a pas. Or, celui qui n’est pas baptisé n’a pas le sacrement de baptême.
Il ne peut donc le conférer.
Réponse à l’objection N°1 : Celui qui baptise ne remplit
qu’un ministère extérieur, mais c’est le Christ qui baptise intérieurement, et
il peut se servir de tous les hommes pour tout ce qu’il veut. C’est pourquoi
ceux qui ne sont pas baptisés peuvent conférer le baptême, parce que, comme le
dit le pape Nicolas, le baptême n’est pas à ceux qui baptisent, mais au Christ
(hoc hab. exprès. August., liv. 3 Cont.
Cresc., chap. 6).
Réponse à l’objection N°2 : Celui qui n’a pas été baptisé, quoiqu’il n’appartienne à
l’Eglise, ni par la chose, ni par le sacrement (Pour le sens de ces
expressions, voyez quest. préc., art. 1), peut cependant lui appartenir par l’intention et
la ressemblance de l’acte, dans le sens qu’il a l’intention de faire ce que
l’Eglise fait, et qu’il observe en baptisant la forme de l’Eglise. Et ainsi il
opère comme ministre du Christ, qui n’a pas enchaîné sa vertu à ceux qui sont
baptisés, pas plus qu’il ne l’a enchaînée aux sacrements eux-mêmes.
Réponse à l’objection N°3 : Les autres sacrements ne sont pas aussi
nécessaires que le baptême. C’est pourquoi on accorde plutôt à celui qui n’est
pas baptisé le pouvoir de baptiser les autres, qu’on ne lui accorde le pouvoir
de recevoir d’autres sacrements.
Mais
c’est le contraire. Saint Isidore dit (hab., chap. Si quis per ignorantiam, 1, quest. 1) : Le pontife romain ne juge pas l’homme qui
baptise, mais l’Esprit-Saint s’en sert pour conférer la grâce du baptême, quand
même celui qui baptise serait un païen. Or on ne donne pas le nom de païen à
celui qui est baptisé. Par conséquent, celui qui ne l’est pas peut conférer le
baptême.
Conclusion Celui qui n’est pas baptisé peut conférer le
baptême dans le cas de nécessité, en faisant usage de la forme employée par
l’Eglise ; s’il n’y avait pas nécessité il pécherait grièvement en le
baptisant, mais le sacrement serait néanmoins valide.
Il
faut répondre que saint Augustin laisse cette question sans la résoudre. Car il
dit (Cont. Epist. Parmen., liv. 2, chap.
13) : Il reste une autre question ; par exemple, si ceux qui n’ont jamais été
chrétiens peuvent baptiser : on ne doit rien affirmer à ce sujet avec témérité,
sans s’appuyer sur l’autorité d’un concile qui ait assez de poids pour résoudre
une affaire de cette importance (Saint Augustin exprime plus pleinement sa
pensée (De bapt.
contrà Donatistas, liv.
7, chap. 53).). Mais l’Eglise a ensuite décidé que ceux qui ne sont pas
baptisés, qu’ils soient juifs ou païens, peuvent conférer le sacrement de
baptême, pourvu qu’ils fassent usage de la forme adoptée dans l’Eglise (Ce sont
précisément les expressions du concile de Florence, qui dit : Primum omnium sacramentorum locum tenet sanctum baptisma,
quod vitæ spiritualis janua
est.). D’où le pape Nicolas Ier a fait cette réponse aux Bulgares (De consecrat., dist. 4, chap. 24, ad consulta Bulgar.,
chap. 104) : Vous m’apprenez que dans votre pays ii y en a beaucoup qui ont été
baptisés par un juif, sans que vous sachiez s’il a été chrétien ou païen, et
vous me demandez ce que l’on doit faire. On ne doit certainement pas les
rebaptiser, s’ils l’ont été au nom de la sainte Trinité ; mais s’il n’a pas
observé la forme de l’Eglise, le sacrement du baptême n’a pas été réellement
conféré. C’est dans ce sens qu’il faut entendre ce que Grégoire III écrit à
l’évêque Boniface (Epist. 1, can. 1, et hab., chap. 52 De consecrat., dist. 4) : Nous vous ordonnons de baptiser de nouveau au
nom de la Trinité ceux que vous savez avoir été baptisés par les païens ;
c’est-à-dire de telle sorte qu’on n’a pas observé la forme de l’Eglise. — La
raison en est que comme du côté de la matière, par rapport à la nécessité du sacrement, toute eau quelle qu’elle soit salit
; de même du côté du ministre tout homme suffit aussi. C’est pourquoi celui qui
n’est pas baptisé peut baptiser à l’article de la mort, de manière que si deux
individus qui ne sont pas baptisés se baptisaient mutuellement, pourvu que l’un
baptisât l’autre d’abord et qu’il fût ensuite baptisé par lui ; ils recevraient
l’un et l’autre non seulement le sacrement, mais encore la chose du sacrement (Le
caractère est la justification intérieure.). Mais s’ils le faisaient hors le
cas de nécessité, ils pécheraient grièvement l’un et l’autre, celui qui baptise
et celui qui est baptisé, et par là l’effet du baptême (La justification ne
serait pas produite, mais le sacrement serait valide, et il imprimerait
caractère.) serait empêché, quoique le sacrement lui-même fût valide.
Article 6 : Plusieurs
ministres peuvent-ils simultanément baptiser une même personne ?
Objection N°1. II semble que plusieurs ministres puissent
simultanément baptiser une même personne. Car l’un est contenu dans le
multiple, mais non réciproquement. Par conséquent, il semble que tout ce que
peut faire un individu, plusieurs puissent le faire, et non réciproquement ;
ainsi plusieurs traînent un navire qu’un seul ne pourrait traîner. Or, un seul
homme ne peut en baptiser plusieurs simultanément. Donc plusieurs ne peuvent
pas non plus en baptiser un seul simultanément. Il est plus difficile qu’un
seul simultanément.
Réponse à l’objection N°1 : Cette raison est applicable
aux choses qui agissent d’après leur propre vertu. Or, les hommes ne baptisent
pas d’après leur propre vertu, mais d’après la vertu du Christ, qui, par la
même qu’il est un, accomplit son œuvre par un seul ministre.
Réponse à l’objection N°2 : Dans le cas de nécessité une seule
personne pourrait baptiser plusieurs individus sous cette formule : Je vous baptise. Ainsi on pourrait le
faire si on était menacé par un écroulement ou par le glaive, ou par toute
autre chose qui ne souffrît point du tout de retard et qui ne permît pas de
baptiser chaque personne les unes après les autres. La forme de l’Eglise ne
serait pas par là changée, parce que le pluriel n’est qu’un singulier redoublé
; surtout puisque le Seigneur a dit au pluriel (Matth., 28, 19) : Les baptisant,
etc. Il n’en est pas de même de celui qui baptise et de celui qui est baptisé ;
parce que le Christ, qui est l’auteur principal du baptême, est un, et que ce
sacrement rend un en Jésus-Christ la pluralité des individus.
Objection N°3. Le baptême est le sacrement le plus nécessaire. Or, il
paraît nécessaire, dans un cas, que plusieurs baptisent simultanément un seul
individu ; par exemple, si un enfant était en danger de mort et qu’il n’y eût
là que deux personnes, dont l’une serait muette et l’autre n’aurait ni bras, ni
mains. Car alors il faudrait que l’estropié prononçât les paroles et que le
muet fit l’acte du baptême. Il semble donc que plusieurs puissent
simultanément baptiser un seul individu.
Mais
c’est le contraire. L’unité d’action demande l’unité d’agent. Si donc plusieurs
personnes baptisaient le même individu, il semble en résulter qu’il y aurait
plusieurs baptêmes ; ce qui est opposé à ces paroles de saint Paul (Eph., 4, 5) : Il n’y a qu’une foi et qu’un baptême.
Conclusion
Plusieurs personnes peuvent ensemble validement conférer le baptême, pourvu
qu’elles observent la forme obligée de l’Eglise et qu’elles disent l’une et
l’autre en même temps : Je te baptise au
nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, quoique on doive les punir,
puisqu’elles pèchent grièvement.
Il faut répondre que le sacrement de baptême tire principalement sa
vertu de sa forme, que l’Apôtre appelle la
parole de vie (Eph., chap. 5).
C’est pourquoi, dans le cas où plusieurs personnes baptiseraient ensemble un
seul individu, il faut examiner de quelle forme elles se seraient servies. Car
s’ils disaient : Nous te baptisons au nom
du Père et du, Fils et du Saint-Esprit, le sacrement ne serait pas valide,
parce qu’ils n’auraient pas observé la forme de l’Eglise, qui est ainsi conçue
: Je te baptise au nom du Père et du Fils
et du Saint-Esprit. Mais il y en a qui disent que
cette raison est rendue nulle par la forme baptismale dont se sert l’Eglise
grecque. Car ils pourraient dire : Que le
serviteur du Christ soit baptisé au nom du Père et du Fils et de l’Esprit-Saint
(On ne peut pas davantage se servir de cette formule, car on sous-entend
les mots par notre ou par mon acte.), ce qui est la forme sous
laquelle les grecs reçoivent le baptême. Cependant cette forme diffère beaucoup
plus (Sous le rapport des mots.) de la forme dont nous nous servons que si l’on
disait : Nous te baptisons. Mais il
est à remarquer que par cette forme : Nous
vous baptisons (Si l’on prend ces paroles dans leur sens collectif, le
sacrement n’existe pas, parce que la véritable formule du baptême se trouve
changée. Si on les prend dans un sens divisé, de manière que toutes les
personnes qui les prononcent aient l’intention de conférer totalement le
baptême, d’une manière indépendante les unes des autres, dans ce cas le
sacrement serait valide.), on exprime une intention telle que plusieurs se
réunissent pour ne conférer qu’un seul baptême ; ce qui paraît contraire à la
nature du ministère qu’on exerce alors. Car l’homme ne baptise que comme
ministre du Christ et son lieutenant. Par conséquent, comme il n’y a qu’un
Christ, de même il faut qu’il n’y ait qu’un ministre pour le représenter. C’est
pour ce motif que l’Apôtre dit expressément (Eph., 4,
5) qu’il n’y a qu’un Seigneur, qu’une foi
et qu’un baptême. C’est pourquoi l’intention contraire paraît rendre nul le
sacrement de baptême. — Mais si l’un et l’autre disaient : Je te baptise au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, chacun
exprimerait son intention, comme s’il conférait à lui seul le baptême. C’est ce
qui pourrait arriver dans le cas où, par rivalité, on s’efforcerait l’un et
l’autre de baptiser quelqu’un. Alors il est évident que ce serait celui qui
prononcerait le premier les paroles qui baptiserait ; tandis que l’autre, quel
que soit le droit qu’il aurait, ne ferait rien ; et s’il avait la présomption
de prononcer les paroles, il devrait être puni comme un rebaptisant. Mais s’ils
prononçaient tous les deux en même temps les paroles et qu’ils lissent
l’immersion ou l’aspersion de celui qu’ils voudraient baptiser, on devrait les
punir parce qu’ils baptisent d’une manière contraire aux règles (L’acte est valide,
mais il est illicite, puisqu’il est contraire à l’usage de l’Eglise et à
l’institution du Christ.), mais non pour avoir réitéré le baptême ; parce que,
dans ce cas, ils auraient eu l’un et l’autre l’intention de baptiser quelqu’un
qui ne l’est pas, et ils l’auraient baptisé l’un et l’autre autant qu’il était
en eux. Il n’y aurait pas deux sacrements, mais le Christ, qui est le seul qui
baptise intérieurement, ne conférerait qu’un seul sacrement par l’intermédiaire
de l’un et de l’autre.
Objection N°1. Il semble qu’on ne requiert pas dans le
baptême quelqu’un qui tienne sur les fonts sacrés celui qui est baptisé. Car
notre baptême est consacré par le baptême du Christ et lui est conforme. Or le
Christ, dans son baptême, n’a pas été tenu par quelqu’un sur le Jourdain ; mais
comme le dit l’Evangile (Matth., 3,
16) : Jésus ayant été baptisé sortit
aussitôt hors de l’eau. Il semble donc que dans le baptême des autres on ne
requiert pas quelqu’un qui tienne sur les fonts sacrés celui qui est baptisé.
Réponse à
l’objection N°1 : Le Christ n’a pas été baptisé pour être régénéré lui-même,
mais pour régénérer les autres. C’est pourquoi, après son baptême, il n’a pas
eu besoin de maître, comme un petit enfant.
Objection
N°2. Le baptême est la régénération spirituelle, comme nous l’avons
dit (art. 3) Or, dans la génération charnelle on ne requiert que le principe
actif, qui est le père, et le principe passif, qui est la mère. Par conséquent,
puisque dans le baptême celui qui baptise tient la place du père et l’eau
baptismale la place de la mère, comme le dit saint Augustin (in serm. Epiph. 1 Dom. inf. octav.), il semble qu’il ne faille pas une autre
personne qui tienne celui qui est baptisé sur les fonts sacrés.
Réponse à l’objection N°2 : Dans la génération charnelle on ne requiert
nécessairement que le père et la mère ; mais pour rendre l’enfantement plus
facile et pourvoir convenablement à l’éducation des enfants, il faut une
sage-femme, une nourrice et un précepteur. Celui qui tient l’enfant sur les
fonts sacrés remplace dans le baptême tous ces auxiliaires. Par conséquent il
n’est pas nécessaire pour le sacrement ; mais dans le cas de nécessité
un individu tout seul peut baptiser avec de l’eau.
Réponse à l’objection N°3 : Celui qui est baptisé n’est pas reçu par le parrain sur
les fonts sacrés à cause de sa faiblesse corporelle, mais à cause de sa
faiblesse spirituelle, comme nous l’avons dit (dans le corps de l’article.).
Mais
c’est le contraire. Saint Denis dit (De cœlest. hier., chap. 2) : Que les prêtres livrent celui qui a été baptisé
à celui qui l’a tenu sur les fonts de baptême, pour qu’il l’instruise et le
dirige.
Conclusion Comme les petits enfants qui viennent de
naître corporellement sont confiés à des nourrices et à des maîtres pour les
instruire ; de même dans la régénération spirituelle qui s’opère par le baptême
on demande quelqu’un qui reçoive sur les fonts de baptême celui qui vient
d’être baptisé, pour qu’il le protège et le forme en ce qui appartient au culte
de Dieu.
Il
faut répondre que la régénération spirituelle qui est produite par le baptême
ressemble d’une certaine manière à la génération charnelle ; d’où il est dit (1
Pierre, 2, 2) : Comme des enfants
nouvellement nés, désirez ardemment et sans malice le lait spirituel. Or,
dans la génération charnelle le petit enfant qui vient de naître a besoin d’une
nourrice et d’un maître. Par conséquent dans la génération spirituelle du
baptême, il faut quelqu’un qui remplisse les fonctions de nourrice et de
maître, en le formant et en l’instruisant, comme étant un novice, de ce qui
appartient à la foi et à la vie chrétienne. Les chefs de l’Eglise ne peuvent le
faire, parce qu’ils sont assez occupés par le soin général de l’Eglise. Et
comme les petits enfants et les néophytes ont besoin d’un soin tout spécial
indépendamment de cette sollicitude générale, il s’ensuit qu’on demande que
quelqu’un reçoive sur les fonts sacrés celui qui vient d’être baptisé, et qu’il
se charge en quelque sorte de son instruction et de sa protection. C’est ce qui
fait dire à saint Denis (De eccles. hier.,
chap. ult.) : Il est venu à l’esprit de nos divins chefs, c’est-à-dire des
apôtres, et il leur a paru bon de recevoir les enfants conformément à cette
sainte pratique qui consiste en ce que les parents naturels d’un enfant le
livrent à un maître instruit dans les choses divines pour qu’il n’agisse que
sous ses ordres, le considérant comme son père en Dieu et le garant de son
salut (La coutume de choisir des parrains et des marraines est, comme on le
voit, très ancienne. Le concile de Trente s’exprime ainsi à ce sujet (sess. 24,
chap. 2) : Statuit ut unus tantùm,
sive vir, sive mulier, vel
ad summum, unus et una baptizatum de baptismo suscipiant. D’après le
Rituel romain : Patrinus unus tantùm, sive vir,
sive mulier, vel ad summum, unus et una adhibeantur ; sed simul non admittantur
duo viri aut duæ mulieres.).
Article 8 : Celui
qui tient quelqu’un sur les fonts sacrés est-il obligé
de l’instruire ?
Objection N°1. Il semble que celui qui tient quelqu’un
sur les fonts sacrés ne soit pas obligé de l’instruire. Car personne ne peut
instruire qu’autant qu’il est instruit lui-même. Or, on admet pour parrains des
gens qui ne sont pas instruits, mais simples. Celui qui répond pour quelqu’un
qu’on baptise n’est donc pas obligé de l’instruire.
Réponse à l’objection N°1 : Si le péril était imminent il
faudrait que celui qui tient quelqu’un sur les fonts de baptême fût instruit
dans les choses de Dieu, comme le dit saint Denis (De eccles. hier.,
chap. 7) : mais quand il n’y a pas de péril, parce que les enfants sont élevés
parmi des catholiques, on admet à cette charge tout individu ; car ce qui
regarde la vie chrétienne et la foi est publiquement connu de tout le monde.
Cependant celui qui n’a pas été baptisé ne peut être parrain (Voyez
l’énumération de tous ceux qui sont exclus des fonctions de parrain par les
règles de l’Eglise, dans la Théologie
morale de Mgr Gousset, tome 2, p. 67.), comme le déclare le concile de
Mayence (hab., chap. De baptismate, de consecrat.,
dist. 4) : quoique celui qui n’est pas baptisé puisse conférer le baptême ;
parce que la personne de celui qui baptise est nécessaire au sacrement, tandis
qu’il n’en est pas de même de la personne du parrain, comme nous l’avons dit
(art. préc. ad 2).
Objection N°2. Le fils peut être instruit par son père plutôt que par un
étranger ; car le fils tient du père l’existence, la nourriture et l’éducation,
comme le dit Aristote (Eth., liv. 8, chap. 12).
Si donc celui qui est parrain de quelqu’un était tenu de l’instruire, il serait
plus convenable de donner cette charge au père charnel de l’enfant qu’à tout
autre ; ce qui paraît être cependant défendu, comme on le voit (Decr. 30, quest. 1, chap. Pervenit et chap.
Dictum est).
Réponse à l’objection N°2 : Comme la génération spirituelle diffère de la
génération charnelle, de même aussi l’éducation spirituelle doit être
différente, d’après ces paroles de saint Paul (Héb., 12, 9) : Si nous avons eu
du respect pour les pères de notre corps lorsqu’ils nous ont châtiés, combien
plus devons-nous être soumis au Père des esprits, afin de jouir de la vie.
C’est pourquoi le Père spirituel doit être autre que le père charnel, à moins
que la nécessité n’exige le contraire (Si le père ou la mère de l’enfant avait
la témérité de le baptiser hors le cas de nécessité, la plupart des canonistes
pensent qu’ils contracteraient entre eux une alliance spirituelle, et qu’ils ne
pourraient plus réclamer ce qu’ils se doivent comme époux.).
Objection N°3. Plusieurs personnes peuvent mieux instruire qu’une seule.
Si donc le parrain était tenu d’instruire son filleul, on devrait admettre
plusieurs parrains plutôt que de n’en admettre qu’un. Et cependant le contraire
est prescrit par le décret du pape Léon (hab., chap. 101 De consecrat., dist. 4) : Il ne faut pas, dit-il, qu’il se présente plus
d’une personne, homme ou femme, pour tenir un enfant sur les fonts de baptême.
Mais
c’est le contraire. Saint Augustin dit (Serm. Pasch. 7
in Dom. in albis) : Pour vous, hommes et femmes, qui avez tenu des enfants
sur les fonts de baptême, je vous avertis que vous êtes constitués près de Dieu
leurs garants.
Conclusion Quelquefois, dans le cas de nécessité, celui
qui n tenu quelqu’un sur les fonts sacrés du baptême est obligé de l’élever,
s’il remarque qu’on s’en acquitte mal.
Il
faut répondre que chacun est obligé de remplir la charge qu’il a acceptée. Or,
nous avons dit (art. préc.) que celui qui tient quelqu’un sur les fonts
sacrés, prend l’engagement d’être son précepteur. C’est pourquoi il est obligé
d’en avoir soin, dans le cas de nécessité, par exemple dans le temps et le lieu
où ceux qui sont baptisés vivent parmi les infidèles. Mais quand ils vivent
parmi les catholiques, les parrains peuvent s’exempter de ce soin, en présumant
que leurs parents les instruiront convenablement. Si cependant ils pensaient le
contraire, ils devraient, autant qu’il est en eux, prendre soin du salut de
leurs enfants spirituels (Ce qui était une exception du temps de saint Thomas,
dit Mgr Gousset, est malheureusement devenu bien général de notre temps, du
moins parmi nous.).
Copyleft. Traduction
de l’abbé Claude-Joseph Drioux et de JesusMarie.com qui autorise toute personne à copier et à rediffuser par
tous moyens cette traduction française. La Somme Théologique de Saint Thomas
latin-français en regard avec des notes théologiques, historiques et
philologiques, par l’abbé Drioux, chanoine honoraire de Langres, docteur en
théologie, à Paris, Librairie Ecclésiastique et Classique d’Eugène Belin, 52,
rue de Vaugirard. 1853-1856, 15 vol. in-8°. Ouvrage honoré des
encouragements du père Lacordaire o.p. Si par erreur, malgré nos vérifications,
il s’était glissé dans ce fichier des phrases non issues de la traduction de
l’abbé Drioux ou de la nouvelle traduction effectuée par JesusMarie.com, et
relevant du droit d’auteur, merci de nous en informer immédiatement, avec
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puissions les retirer. JesusMarie.com accorde la plus grande importance au
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