Saint Thomas d’Aquin
- Somme Théologique
3a = Tertia
Pars = 3ème partie
Question
68 : De ceux qui reçoivent le baptême
Nous avons maintenant à nous occuper de ceux qui reçoivent le baptême.
— A ce sujet douze questions se présentent : 1° Tout le monde est-il tenu de
recevoir le baptême ? (Indépendamment des manichéens et des autres hérétiques
qui ont attaqué le baptême d’eau, la nécessité du baptême a été encore niée par
les pélagiens, qui prétendaient qu’on pouvait sans ce sacrement arriver à la
vie éternelle ; par Wiclef, Zuingle et Bucer, qui
voulaient qu’il ne fût pas nécessaire aux enfants prédestinés ; par les
sociniens, qui disaient que le précepte du baptême n’était pas universel et
perpétuel. Toutes ces erreurs ont été ainsi condamnées par le concile de Trente
(sess. 7, can. 5) : Si quis dixerit baptismum
liberum esse, hoc est, non necessarium ad salutem : anathema sit.) — 2° Peut-on être sauvé sans le baptême ? (Le
concile de Trente est formel sur ce point (sess. 7, can. 4) : Si quis dixerit : sine eis sacramentis, aut eorum voto, per solam fidem homines
à Deo gratiam justificationis
adipisci ; anathema sit. Et ailleurs (sess. 7, chap. 7) : Sacramentum baptismi est sacramentum fidei, sine quâ nulli unquàm
contigit justificatio.)
— 3° Le baptême doit-il être différé ? (Cet article est une réfutation de
l’erreur des vaudois, des pétrobusiens et des
anabaptistes, qui prétendaient qu’on ne devait baptiser que ceux qui avaient
l’âge de raison.) — 4° Les pécheurs doivent-ils être baptisés ? — 5° Doit-on imposer
des œuvres satisfactoires aux pécheurs baptisés ? (Le concile de Florence
s’exprime ainsi sur cette question : Hujus sacramenti effectus est remissio omnis culpæ originalis et actualis ; omnis quoque pœna quæ
pro ipsâ culpâ debetur. Proptereà baptizatis nulla pro pereatis præteritis injungenda est satisfactio.) —
6° La confession des péchés est-elle requise ? (On ne peut recevoir aucun
sacrement avant le baptême. C’est ce qui fait dire au pape Eugène IV : Primum omnium sacramentorum
locum tenet sanctum baptisma, quod vitæ spiritualis janua est.) — 7°
L’intention est-elle requise de la part de celui qui est baptisé ? (Cet article
est une réfutation indirecte de l’erreur des cérinthiens,
des marcionites et dos cataphrygiens,
qui pensaient que l’on devait baptiser ceux qui étaient morts sans baptême, ou
que l’on pouvait baptiser pour eux d’autres personnes vivantes.) — 8° Faut-il
la foi ? (Le droit canon s’exprime ainsi de la manière la plus formelle (chap. Sicut in sacramentis,
De consecr., dist. 4) : Non interest, cum
de sacramenti integritate
et sanctitate tractatur,
quid credat et quali fide imbutus ille,
qui accipit sacramentum : interest quidem plurimùm ad salutis viam, sed ad sacramenti
quæstionem nihil interest.)
— 9° Les enfants doivent-ils être baptisés ? (Cet article est une réfutation de
l’erreur des vaudois, des pétrobusiens, des
anabaptistes, qui ont prétendu qu’on ne pouvait baptiser les enfants qui
n’avaient pas l’usage de raison ; ce qui est contraire à toute la tradition, et
ce que le concile de Trente a condamné en ces termes (sess. 7, can. 15) : Si quis dixerit parvulos, eò quod actum credendi
non habent, suscepto baptismo, inter fideles computandos
non esse, ac proptereà, cum
ad annos discretionis pervenerint, esse rebaptizandos, aut præstare omitti
eorum baptisma, quam eos, non actu proprio credentes baptizari in solâ fide Ecclesiæ, anathema sit.) — 10° Les
enfants des juifs doivent-ils être baptisés, malgré leurs parents ? (Saint
Thomas a traité déjà cette question 2a 2æ, quest. 10, art.
12.) — 11° Doit-on baptiser les enfants dans le sein de leur mère ? — 12°
Doit-on baptiser les furieux et les fous ? (Toutes les décisions données par
saint Thomas dans cet article sont sanctionnées par la pratique de toute
l’Eglise.)
Article 1 : Tous
les hommes sont-ils obligés de recevoir le baptême ?
Objection N°1. Il semble que tous les hommes ne soient
pas obligés de recevoir le baptême. Car le Christ n’a pas rétréci pour les
hommes la voie du salut. Or, avant l’arrivée du Christ les hommes pouvaient
être sauvés sans le baptême. Ils peuvent donc l’être aussi après son arrivée.
Réponse à l’objection N°1 : Les hommes n’ont
jamais pu être sauvés avant l’arrivée du Christ qu’autant qu’ils sont devenus
ses membres. Car, comme le dit saint Paul (Actes, 4, 12), il n’y
a point d’autre nom qui ait été donné aux hommes par lequel nous devions être
sauvés. Or, avant l’arrivée du Christ les hommes étaient
incorporés au Christ par la foi qu’ils avaient en son avènement futur. La
circoncision était le sceau de cette foi, d’après l’Apôtre (Rom., chap. 4), et avant qu’elle ne fût établie, les hommes étaient
incorporés au Christ par la foi seule, suivant saint Grégoire (Mor., liv. 4, chap. 3), avec l’oblation
des sacrifices par lesquels les anciens patriarches professaient leur foi.
Depuis l’arrivée du Christ les hommes lui sont encore incorporés par la foi,
d’après cette pensée de saint Paul, qui dit (Eph., 3, 17) : Que le Christ
habite par la foi dans nos cœurs. Mais la foi en une chose présente se
manifeste par d’autres signes que la foi dans cette même chose, quand elle
était à venir, comme on ne se sert pas des mêmes expressions pour rendre le
présent, le passé et le futur. C’est pour cela que quoique le sacrement de
baptême n’ait pas toujours été nécessaire au salut, cependant la foi dont le
baptême est le sacrement l’a toujours été.
Réponse à l’objection N°2 : Comme nous
l’avons dit (1a 2æ, quest. 81, art. 3 ad 2), ceux qui
sont baptisés sont renouvelés spirituellement par le baptême ; tandis que le
corps reste soumis à la loi ancienne du péché, d’après ce passage de l’Apôtre (Rom., 8, 10) : Le corps est mort
a cause du péché, mais l’esprit vit à cause de la justice. D’où saint
Augustin conclut (Lib. 6 cont. Jul., chap. 17) que l’on ne baptise pas dans l’homme
tout ce qu’il y a en lui. Or, il est évident que par la génération charnelle
l’homme n’engendre pas selon l’esprit, mais selon la chair. C’est pourquoi les
enfants de ceux qui sont baptisés naissent avec le péché originel, et par
conséquent ils ont besoin du baptême (C’est ce qu’a nié Calvin (Inst., liv. 4),
prétendant que les enfants des fidèles sont sanctifiés dans le sein de leur
mère, et que, par conséquent, le baptême ne leur est pas nécessaire pour
effacer le péché originel.).
Mais
c’est le contraire. Il est dit (Jean 3,5)
: que si on ne renaît de l’eau et de
l’Esprit-Saint, on ne peut entrer dans le royaume de Dieu. Et Gennade
ajoute (Lib. de eccles. dogmat., chap. 74) : Nous croyons que le
chemin du salut n’est ouvert qu’à ceux qui sont baptisés.
Conclusion
Puisque l’on ne peut faire son salut qu’autant qu’on est incorporé au Christ,
il est évident que tous les hommes sont obligés de recevoir le baptême par
lequel ils sont incorporés au Christ et deviennent ses membres.
Il faut répondre que les hommes sont tenus aux choses sans lesquelles
ils ne peuvent faire leur salut. Or, il est évident que personne ne peut faire
son salut que par le Christ. D’où l’Apôtre dit (Rom., 5, 18) : Comme par le péché d’un seul tous les hommes sont tombés dans la
condamnation, ainsi par la justice d’un seul tous les hommes reçoivent la
justification qui donne la vie. Le baptême étant conféré pour que celui
qu’il régénère soit incorporé au Christ et devienne un de ses membres (Per ipsum, dit
le concile de Florence, membra Christi, ac de corpore efficimur Ecclesiæ.), d’après ces paroles de saint Paul (Gal., 3, 27) : Vous tous qui avez- été baptisés dans le Christ, vous avez revêtu le
Christ, il s’ensuit évidemment que tout le monde est tenu à le recevoir et
que sans lui les hommes ne peuvent être sauvés.
Article 2 : Peut-on
être sauvé sans être baptisé ?
Objection N°1. Il semble qu’on ne puisse être sauvé sans
le baptême. Car le Seigneur dit (Jean, 3,
5) : Si on ne renaît de l’eau et de
l’Esprit-Saint, on ne peut entrer dans le royaume de Dieu. Or, il n’y a que
ceux qui sont sauvés qui entrent dans le royaume de Dieu. Personne ne peut donc
être sauvé sans le baptême qui fait renaître de l’eau et de l’Esprit-Saint.
Réponse à
l’objection N°1 : Comme le dit l’Ecriture (1 Rois, 16, 7) : L’homme voit les choses qui paraissent à l’extérieur, tandis que Dieu
voit le fond du cœur. Or, celui qui désire renaître dans l’eau et de
l’Esprit-Saint par le baptême, a été régénéré dans le cœur, quoiqu’il ne le
soit pas corporellement. C’est ainsi que l’Apôtre dit (Rom., 2, 29) que la
circoncision véritable est celle du cœur, qui se fait par l’esprit et non selon
la lettre, et qui tire sa louange non des hommes, mais de Dieu.
Objection
N°2. Gennade dit (Lib. de eccles.
dogm., chap. 74) : Nous ne croyons pas qu’un
catéchumène qui meurt après avoir fait de bonnes œuvres ait la vie éternelle, à
moins qu’il n’ait subi le martyre par lequel on accomplit tout ce qui
appartient au sacrement de baptême. Or, si quelqu’un pouvait être sauvé sans le
baptême, ce seraient surtout les catéchumènes qui font
des bonnes œuvres et qui paraissent avoir la foi qui opère par la charité. Il
semble donc qu’on ne puisse être sauvé sans le baptême.
Réponse à l’objection N°2 : Personne n’est parvenu
à la vie éternelle qu’autant qu’il a été absolument exempt du péché et de la
peine qui lui est due. Cet affranchissement universel est produit par le
baptême et par le martyre (Les théologiens croient que le martyre opère ex opere operato, dans les enfants, comme le baptême, et
l’Eglise honore comme saints tous ceux qui ont été mis à mort pour la cause de
Jésus-Christ, même quand ils auraient souffert avant d’avoir l’usage de la
raison.). C’est pour ce motif qu’il est dit que tous les sacrements du baptême
trouvent leur accomplissement dans le martyre, relativement à la pleine
délivrance de la faute et de la peine. Si donc un catéchumène a le désir du
martyre, parce qu’autrement il ne mourrait pas avec de bonnes œuvres,
puisqu’elles ne peuvent exister sans la foi qui opère par la charité ; il
n’arrive pas immédiatement à la vie éternelle, mais il souffre une peine pour
ses péchés passés, et il est sauvé pour
ainsi dire par le feu (1 Cor., 3, 5).
Objection N°3. Comme nous l’avons dit (quest. 65, art. 3 et 4), le
sacrement de baptême est nécessaire au salut. Or, on appelle nécessaire ce sans
quoi une chose ne peut exister, d’après Aristote (Met., liv. 5, text. 6). Il semble donc qu’on ne puisse être sauvé
sans le baptême.
Réponse à l’objection N°3 : On dit que le
sacrement de baptême est nécessaire au salut, parce que l’homme ne peut être
sauvé, s’il n’a au moins la volonté de le recevoir, ce qui devant Dieu est
réputé pour le fait.
Mais
c’est le contraire. Saint Augustin dit (Sup.
Levit., quest. 48) que la
sanctification invisible a été accordée à quelques-uns
et leur a été utile sans les sacrements visibles ; tandis que la sanctification
visible qui est produite par le sacrement peut être présente sans la
sanctification invisible, mais elle ne peut être utile. Par conséquent puisque
le sacrement de baptême appartient à la sanctification visible, il semble qu’on
puisse être sauvé par la sanctification invisible, sans le sacrement de
baptême.
Conclusion Ils ne peuvent pas être sauvés ceux qui n’ont
reçu le baptême ni de vœu, ni en réalité ; mais ceux qui ont reçu le baptême de
vœu peuvent l’être, quoiqu’ils n’aient pas été réellement baptisés.
Il
faut répondre que le sacrement de baptême peut manquer à quelqu’un de deux
manières : 1° On peut ne l’avoir reçu ni de vœu, ni réellement ; ce qui arrive
à ceux qui ne sont pas baptisés et qui ne veulent pas l’être ; ce qui suppose
évidemment un mépris du sacrement de la part de ceux qui ont l’usage du libre
arbitre. C’est pourquoi ceux qui n’ont pas reçu le baptême et qui sont dans cet
état ne peuvent pas être sauvés ; parce qu’ils ne sont ni sacramentellement, ni
mentalement incorporés au Christ par lequel seul on peut être sauvé. — 2° On peut n’avoir pas reçu le
sacrement de baptême réellement, mais le recevoir de vœu ; comme quand ou
désire être baptisé, mais que par hasard on est prévenu par la mort avant de
recevoir le baptême. Celui qui en est là peut être sauvé (Innocent III le décide
formellement (Decretal., liv. 4, tit.
42, chap. 4). D’après saint Liguori, il n’est pas nécessaire que ce vœu soit
explicite, il suffit qu’on soit en général dans la disposition de faire tout ce
que Dieu a prescrit.) ; sans le baptême actuel, à cause
du désir qu’il a de le recevoir. Ce désir vient de la foi qui opère par
l’amour, et par cette foi Dieu dont la puissance n’est pas liée aux sacrements
visibles, sanctifie l’homme intérieurement. C’est pourquoi saint Ambroise, en
parlant de Valentinien, qui était mort catéchumène, dit (Lib. de orth. Valentin.) : J’ai perdu
celui que je devais régénérer, mais il n’a pas perdu la grâce qu’il a demandée.
Article 3 : Le baptême doit-il être différé ?
Objection N°1. Il semble qu’on doive différer le baptême.
Car le pape saint Léon dit (Epist. 4, chap. 5)
qu’il y a deux temps, Pâques et la Pentecôte, que les souverains pontifes ont
désignés avec raison pour le baptême. Par conséquent, ajoute-t-il, nous vous
avertissons de ne choisir aucun autre jour pour l’administration de ce
sacrement. Il semble donc qu’on ne doive pas baptiser quelqu’un immédiatement,
mais qu’on doive différer de le faire jusqu’aux époques désignées.
Réponse à l’objection N°1 : Ce décret du pape saint Léon
sur les deux époques que l’on doit observer pour le baptême doit s’entendre des
adultes, et il faut excepter le danger de mort, qui est toujours à craindre
pour les enfants, comme nous l’avons dit (dans le corps de cet article.).
Objection N°2. On lit dans le concile d’Agde (can. 34, et hab., chap. 43
De consecrat., dist. 4) : que les juifs, dont la perfidie les fait
revenir souvent à leur vomissement, restent, quand ils veulent entrer dans la
religion catholique, huit mois à l’entrée de l’église parmi les catéchumènes,
et si l’on reconnaît qu’ils sont sincèrement convertis, qu’alors ils reçoivent
enfin la grâce du baptême. Les hommes ne doivent donc pas être baptisés
immédiatement ; mais on doit différer leur baptême jusqu’à un certain temps.
Réponse à l’objection N°2 : Ceci a été établi à l’égard des juifs pour la plus
grande sûreté de l’Eglise, dans la crainte qu’ils ne corrompissent la foi des
simples, s’ils n’étaient pleinement convertis ; et cependant, comme ce concile
l’ajoute lui-même, si pendant le temps prescrit l’un d’eux se trouvait
dangereusement malade, on devrait le baptiser.
Objection N°3. Comme le dit le prophète (Is., 27, 9)
: Le fruit de toutes choses c’est le
pardon des péchés. Or, il semble que le péché soit plutôt effacé ou
diminué, si le baptême est différé longtemps : 1° Parce que ceux qui pèchent
après le baptême le font plus grièvement, d’après ces paroles de saint Paul (Héb., 10,
29) : Ne croyez-vous pas qu’il méritera
un plus grand supplice celui qui aura souillé le sang de l’alliance, dans
lequel il a été sanctifié par le baptême
? 2° Parce que le baptême efface les péchés passés, mais non les péchés
futurs. Par conséquent plus le baptême est différé et plus il efface de péchés.
Il semble donc qu’on doive le différer longtemps.
Réponse
à l’objection N°3 : Le baptême
n’éloigne pas seulement les péchés passés par la grâce qu’il confère, mais il
empêche encore de tomber dans les péchés à venir. Or, on doit principalement
désirer que les hommes ne pèchent pas (Le concile de Trente a formellement
condamné ceux qui prétendaient qu’on ne devait être baptisé qu’à l’âge où l’a
été Notre-Seigneur, ou qui voulaient qu’on attendit à la fin de sa vie : Si quis dixerit neminem esse baptizandum, nisi ed ætate, quâ
Christus baptizatus est, vel
in ipso mortis articulo ; anathema sit.), en second lieu qu’ils pêchent plus légèrement, ou bien
que leurs péchés soient effacés, d’après ces paroles (1 Jean, 2, 1)
: Mes petits-enfants, je vous écris ceci
afin que vous ne péchiez point ; que si néanmoins quelqu’un pèche, nous avons
pour avocat auprès du Père, Jésus-Christ qui est juste, et c’est lui qui est la
victime de propitiation pour nous.
Mais c’est le contraire. Il est dit (Ecclésiastique, 5, 8) : Ne tardez pas de vous convertir au Seigneur
et ne différez pas de jour en jour. Or, ceux qui sont régénérés dans le
Christ par le baptême se convertissent parfaitement à Dieu. On ne doit donc pas
différer le baptême de jour en jour.
Conclusion
Les enfants doivent être baptisés immédiatement à cause du danger de mort ; les
adultes ne doivent pas l’être immédiatement, mais à une certaine époque, à
moins qu’ils ne soient parfaitement instruits dans la foi ou qu’ils ne soient
évidemment en danger de mort.
Il faut répondre qu’à cet égard il faut distinguer si ceux qui doivent
être baptisés sont des enfants ou des adultes. Car si ce sont des enfants on ne
doit pas différer le baptême (Il y a certainement péché mortel à différer le
baptême pendant un mois ; il suffit même de quinze jours, si on n’a pas de
raisons légitimes, et il y a même des docteurs qui prétendent que c’est une
faute grave d’attendre au delà de huit jours. Voyez saint Liguori, liv. 6, n°
118.) : 1° parce qu’on n’attend pas en eux une instruction plus grande ou une
conversion plus parfaite ; 2° à cause du danger de mort, parce qu’on ne peut
pas leur venir en aide par un autre remède que par le sacrement de baptême (Cajétan
avait prétendu, avec Gerson et quelques autres théologiens catholiques, que les
enfants pouvaient être sauvés, par là même que leurs parents avaient conçu le
désir qu’ils fussent baptisés. Mais saint Pie V a fait effacer cette opinion de
Cajétan de ses commentaires sur saint Thomas, comme étant peu conforme à la
foi.). Mais on peut subvenir aux adultes par le seul désir du baptême, comme
nous l’avons dit (art. préc.). C’est pourquoi on ne doit pas leur conférer le
sacrement de baptême aussitôt qu’ils sont convertis, mais il faut le différer jusqu’à
un certain temps (Un curé ne doit baptiser un adulte qu’après en avoir donné
avis à l’ordinaire pour se conformer ensuite à ce qui lui sera prescrit. Voyez
à cet égard ce que dit le Rituel romain.)
: 1° Pour que l’Eglise prenne ses précautions, afin qu’elle ne soit pas trompée
en conférant ce sacrement à des personnes qui s’en approcheraient avec
dissimulation, d’après ces paroles (1 Jean, 4, 1)
: Ne croyez pas à tout esprit, mais
éprouvez les esprits s’ils sont de Dieu. On soumet ceux qui s’approchent du
baptême à cette épreuve, quand on examine leur foi et leurs mœurs pendant un
certain temps. 2° Ce retard est nécessaire dans l’intérêt de ceux qui sont
baptisés ; parce qu’ils ont besoin d’un certain espace de temps, pour
s’instruire pleinement de la foi et s’exercer à l’égard de ce qui appartient à
la vie chrétienne. 3° C’est nécessaire par respect pour le sacrement, puisque
par là même qu’on ne baptise que dans les principales fêtes, à Pâques et à la
Pentecôte, on reçoit ce sacrement avec plus de dévotion. — Mais on ne doit pas
différer le baptême dans deux circonstances : 1° Quand ceux qui doivent être
baptisés se montrent parfaitement instruits dans la foi et aptes à recevoir ce
sacrement. C’est ainsi que Philippe baptisa immédiatement l’eunuque, comme on
le voit (Actes, chap. 8) et que saint Pierre baptisa
Corneille et ceux qui étaient avec lui (Actes, chap. 10). 2° Dans le cas d’infirmité ou
de danger de mort. D’où le pape saint Léon dit (ubi suprà, chap. 6) : Ceux que la nécessité
de la mort, d’une maladie, d’un siège, d’une persécution et d’un naufrage
presse, doivent être baptisés en tout temps. — Toutefois si quelqu’un est
prévenu par la mort sans avoir pu recevoir le sacrement, pendant qu’il attend
le temps déterminé par l’Eglise ; il est sauvé, quoiqu’il le soit par le feu,
comme nous l’avons dit (art. préc.). Mais il pèche, s’il diffère de recevoir le
baptême au-delà du temps fixé par l’Eglise, à moins que ce ne soit pour une
cause nécessaire et d’après la permission de ses supérieurs ecclésiastiques.
Mais cependant ce péché peut être effacé avec les autres par la contrition qui
vient après et qui tient lieu du baptême, comme nous l’avons dit (dans le corps
de l’article et art. préc.).
Article 4 : Les
pécheurs doivent-ils être baptisés ?
Objection N°1. Il semble que les pécheurs peuvent être
baptisés. Car il est dit (Zach., 13, 1)
: En ce jour-là il y aura une fontaine ouverte
à la maison de David et aux habitants de Jérusalem, pour y laver les souillures
du pécheur et de la femme impure ; ce qui s’entend des fonts baptismaux. Il
semble donc que le sacrement de baptême doive être aussi conféré aux pécheurs.
Réponse à
l’objection N°1 : Ce passage doit s’entendre des pécheurs qui ont la volonté de
quitter le péché.
Objection
N°2. Le Seigneur dit (Matth., 9, 12)
: Ceux qui se portent bien n’ont pas
besoin de médecin, il n’y a que ceux qui se portent mal. Or, ceux qui se
portent mal sont les pécheurs. Par conséquent, puisque le baptême est la
médecine qu’emploie le médecin spirituel qui est le Christ, il semble qu’on
doive conférer ce sacrement aux pécheurs.
Réponse
à l’objection N°2 : Le médecin spirituel,
c’est-à-dire le Christ, opère de deux manières : 1° intérieurement par lui-même
; de la sorte il prépare la volonté de l’homme à vouloir le bien et à haïr le
mal ; 2° il opère par ses ministres en appliquant les sacrements
extérieurement. Et il opère ainsi en perfectionnant extérieurement ce qu’il a
commencé (Intérieurement.). C’est pourquoi on ne doit administrer le sacrement
de baptême qu’à celui en qui l’on remarque un signe de conversion intérieure
(Quand il s’agit d’un adulte, indépendamment de la science suffisante et de la
volonté de recevoir le baptême, on exige encore la contrition de ses fautes,
avec un commencement d’amour de Dieu.) ; comme on n’administre à un malade une
médecine corporelle qu’autant qu’on voit en lui un mouvement vital de la
nature.
Réponse à l’objection N°3 : Le baptême est le sacrement de la foi.
Or, la foi informe ne suffit pas au salut et elle n’en est pas le fondement,
mais il n’y a que la foi formée qui opère par l’amour, comme le dit saint
Augustin (Lib. de fid. et oper.,
chap. 16). Ainsi le sacrement de baptême ne peut pas sauver celui qui a la
volonté de pécher, puisque cette volonté exclut la forme de la foi. On ne doit
pas non plus disposer quelqu’un à la grâce en imprimant sur lui le caractère
baptismal, tant qu’on voit en lui la volonté de pécher, parce que Dieu ne
contraint personne à être vertueux, comme le dit saint Jean Damascène (Orth. fid., liv.
2, chap. 30).
Mais
c’est le contraire. Saint Augustin dit (Tract.
72 in Joan., implic. a med. sed
expressè Serm. 15 de Verb. apost., chap. 11) : Celui qui vous a créé sans vous ne vous
justifiera pas sans vous. Or, quand le pécheur est mal disposé, il ne coopère
pas avec Dieu, et même il fait plutôt le contraire. C’est donc en vain qu’on
baptiserait quelqu’un qui serait mai disposé, car il ne serait pas pour cela
justifié.
Conclusion On ne doit pas baptiser les pécheurs qui ont
la volonté de pécher et le dessein de persévérer dans leurs fautes, puisqu’ils
ne peuvent être unis au Christ et purifiés de leur péché ; mais on doit le
conférer aux autres qui ont la tache du péché et qui sont passibles de la peine
qu’il mérite.
Il
faut répondre qu’on peut être appelé pécheur de deux manières : 1° A cause de la
tache et de la peine qu’on a méritée. Le sacrement de baptême doit être conféré
à ces pécheurs, puisque c’est pour eux spécialement qu’il a été établi afin
d’effacer les souillures du péché, d’après ces paroles de saint Paul qui dit (Eph., 5, 26) que le Christ purifie l’Eglise par l’eau où elle est lavée et par la parole
de vie. 2° On peut appeler pécheur celui qui a la volonté de pécher et qui
est résolu à rester dans son péché. On ne doit pas conférer le sacrement de
baptême à ces pécheurs : 1° Parce que par le baptême les hommes sont incorporés
au Christ, suivant ce passage de l’Apôtre (Gal., 3, 37) : Vous tous qui avez été baptisés dans le Christ, vous avez revêtu le
Christ. Or, tant qu’on a la volonté de pécher, on ne peut être uni au
Christ, car il est dit (2 Cor., 4, 14) : Qu’y a-t-il de commun entre la justice et l’iniquité ? C’est ce qui
fait observer à saint Augustin (Lib. de pænit.,
chap. 2) qu’aucun individu qui est l’arbitre de sa volonté ne peut commencer
une vie nouvelle, s’il ne se repent de sa vie ancienne. 2° Parce que dans les œuvres
du Christ et de l’Eglise, il ne doit rien y avoir qui soit fait en vain. Or, ce
qui n’arrive pas à la fin à laquelle on le destine est une chose vaine. Et
comme celui qui a la volonté de pécher ne peut être simultanément purifié du
péché ; ce qui est le but du baptême ; parce qu’alors ce serait supposer simultanément des choses contradictoires, il
s’ensuit qu’il est inutile de baptiser. 3° Parce que dans les signes
sacramentels il ne doit point y avoir de fausseté. Or, un signe auquel la chose
signifiée ne répond pas est un signe faux. Ainsi celui qui se présente au
baptême pour y être purifié indiquant par là qu’il se dispose à recevoir
l’ablution intérieure, et cette disposition n’existant pas dans celui qui a la
ferme résolution de persister dans son péché, il s’ensuit évidemment qu’on ne
doit pas lui conférer le baptême (Le concile de Trente enseigne expressément
que la pénitence est nécessaire aux pécheurs qui se présentent au baptême
(sess. 14, chap. 1) : Fuit quidem pœnitentia necessaria illis etiam qui baptismi sacramento ablui petivissent, ut, perversitate abjectâ et eliminatâ, tantam Dei offensionem cum peccati odio et pio animi
dolore detestarentur.).
Article 5 : Doit-on
imposer des œuvres satisfactoires aux pécheurs qui sont baptisés ?
Objection N°1. Il semble que l’on doive imposer des œuvres
satisfactoires aux pécheurs qui sont baptisés. Car il semble appartenir à la
justice de Dieu que l’on soit puni pour tout péché, d’après ces paroles (Ecclésiastique, 12, 14) : Toutes les actions que l’on fait, Dieu les
soumettra à son jugement. Or, les œuvres satisfactoires sont imposées aux
pécheurs en punition de leurs péchés passés. Il semble donc que des œuvres satisfactoires
doivent être imposées aux pécheurs qui sont baptisés.
Réponse à l’objection N°1 : Comme le dit
saint Augustin (Lib. 1 de Bapt. parvulor. seu de peccat. merit. et remiss., chap. 26), le baptême sert à
incorporer au Christ ceux qui sont baptisés comme ses membres. Par conséquent
la peine du Christ a été satisfactoire pour les péchés de ceux qui sont
baptisés, comme la peine d’un membre peut être satisfactoire pour le péché d’un
autre membre. C’est ce qui a fait dire au prophète (Is., 53, 4) : Il s’est
véritablement chargé de nos maladies, et il a porté nos douleurs.
Réponse à l’objection N°2 : Ceux qui viennent
d’être baptisés (Pendant le catéchuménat, on les exerce à des œuvres plus
pénibles, pour détruire en eux leurs vices, redresser leurs habitudes mauvaises
et leur en faire prendre de bonnes.) doivent s’exercer à la justice, non par
des œuvres pénales, mais par des œuvres faciles, afin qu’après avoir d’abord
été nourris de lait, ils s’élèvent à quelque chose de plus parfait, comme le
dit la glose (ord. implic.) sur ces
paroles du Psalmiste (Ps. 130, 2) : Comme l’enfant
que sa mère a sevré. Ainsi le Seigneur a exempté du jeûne ses disciples qui
venaient de se convertir, comme on le voit (Matth., chap. 9). C’est ce qu’exprime saint Pierre en cet
endroit (1 Pierre, 2, 2) : Comme des
enfants nouvellement nés, désirez ardemment le lait spirituel et pur, afin
qu’il vous fasse croître pour le salut.
Mais
c’est le contraire. Sur ces paroles (Rom., chap. 11) : Les dons et la vocation de Dieu sont sans repentir, saint Ambroise
dit : La grâce de Dieu dans le baptême ne demande ni gémissement, ni plainte,
ni aucune action semblable, mais elle ne demande que la foi et elle nous
pardonne tout gratuitement.
Conclusion
On ne doit en joindre aucune œuvre de satisfaction à celui qui est baptisé,
puisque la passion et la mort du Christ auquel l’homme est incorporé par le
baptême, ont pleinement satisfait pour les péchés de tout le monde.
Il faut répondre que, comme le dit l’Apôtre (Rom., 6, 3) : Nous tous qui avons été baptisés en Jésus-Christ, nous avons été
baptisés en sa mort ; car nous avons été ensevelis avec lui par le baptême pour
mourir au péché, de manière que l’homme est incorporé à la mort du Christ
par le baptême. Or, il a été évident d’après ce que nous avons dit (quest. 48
et 49) que la mort du Christ a suffisamment satisfait non seulement pour nos péchés, mais encore pour ceux du
monde entier, comme le dit saint Jean (1 Jean, 2,
5). C’est pourquoi il n’y a pas de satisfaction à enjoindre à celui qui est
baptisé pour ses péchés quels qu’ils soient. Car ce serait faire injure à la
passion et à la mort du Christ, comme si elles ne suffisaient pas pour
satisfaire pleinement pour les péchés de ceux qui sont baptisés.
Article 6 : Les
pécheurs qui s’approchent du baptême sont-ils tenus
de confesser leurs péchés ?
Objection N°1. Il semble que les pécheurs qui se
présentent au baptême soient tenus de confesser leurs péchés. Car il est dit (Matth., 3, 6)
: que Jean en baptisait beaucoup dans le
Jourdain et qu’ils confessaient leurs péchés. Or, le baptême du Christ est
plus parfait que celui de Jean. Il semble donc qu’à plus forte raison ceux qui
doivent recevoir le baptême du Christ soient tenus de confesser leurs péchés.
Réponse à
l’objection N°1 : Le baptême de Jean ne remettait pas les péchés, mais il était
un baptême de pénitence. C’est pourquoi ceux qui se présentaient à ce baptême
confessaient avec raison leurs péchés, pour qu’on leur déterminât une pénitence
selon la nature de leurs fautes. Mais le baptême du Christ existant sans la
pénitence extérieure, comme le dit saint Ambroise (loc. sup. cit.), il n’y a donc pas de parité.
Objection
N°2. Le Sage dit (Prov., 28, 13) : Celui qui cache ses crimes ne rentre pas dans la droite voie, mais
celui qui les confesse et qui les quitte obtient miséricorde. Or, il y en a
qu’on baptise pour qu’ils obtiennent miséricorde de leurs péchés. Par
conséquent il faut que ceux qui doivent être baptisés confessent leurs péchés.
Réponse
à l’objection N°2 : Il suffit pour ceux
que l’on baptise qu’ils se confessent intérieurement à Dieu, et qu’ils fassent
une confession générale extérieure pour qu’ils soient dirigés et qu’ils
obtiennent miséricorde ; mais une confession spéciale extérieure n’est pas
nécessaire, comme nous l’avons dit (dans le corps de l’article.).
Objection
N°3. La pénitence est requise avant le baptême, d’après ces paroles
(Actes, 2, 39) : Faites pénitence et que chacun de vous soit baptisé. Or, la
confession est une partie de la pénitence. Il semble donc que la confession des
péchés soit requise avant le baptême.
Réponse
à l’objection N°3 : La
confession est une partie de la pénitence sacramentelle, qui n’est pas requise
avant le baptême (Le sacrement de pénitence n’a été institué que pour remettre
les péchés commis après le baptême, d’après cette décision du concile de Trente
(sess. 14, can. 1) : Si quis dixerit, in catholicâ Ecclesiâ pœnitentiam non esse verè et propriè sacramentum pro fidelibus, quoties post baptismum in peccata labuntur, ipsi Deo reconciliandis à Christo
Domino institutum : anathema
sit.), comme
nous l’avons dit (dans le corps de l’article.), au lieu que la vertu de la
pénitence intérieure est nécessaire.
Mais c’est le contraire. La confession des fléchés doit se faire avec
larmes : car saint Augustin dit (alius auctor,
Lib. de verâ et
falsâ pœnitentia, chap.
14) : Toutes ces différentes circonstances doivent être confessées et pleurées.
Or, comme le dit saint Ambroise (alius auctor, sup. illud Rom., chap. 11, Sine pœnitentia sunt dona Dei), la grâce de Dieu ne demande dans le
baptême ni gémissements, ni larmes. On ne doit donc pas exiger la confession
des péchés de ceux qui doivent être baptisés.
Conclusion
Puisque la confession des péchés appartient au sacrement de pénitence, il ne
faut pas que ceux qui se présentent au baptême confessent leurs péchés à un
prêtre, mais ils ne doivent les confesser qu’à Dieu, en y pensant et en les
pleurant intérieurement.
Il faut répondre qu’il y a deux sortes de confession des péchés : 1°
l’une intérieure que l’on fait à Dieu. Cette confession est requise avant le
baptême ; c’est-à-dire, qu’il faut que l’homme pense à ses péchés et les
déplore ; car il ne peut commencer une vie nouvelle, s’il ne se repent de sa
vie ancienne, selon la remarque de saint Augustin (Lib. de pœnit., hom. ult. inter 50, chap. 2). 2° L’autre est la confession
extérieure des péchés que l’on fait à un prêtre. Cette confession n’est pas
exigée avant le baptême : 1° Parce que cette confession se rapportant à la
personne du ministre, appartient au sacrement de pénitence qui n’est pas exigé
avant le baptême, parce que le baptême est la porte de tous les sacrements. 2°
Parce que la confession extérieure que l’on fait à un prêtre a pour but que le
prêtre absolve de ses péchés celui qui se confesse et qu’il lui impose des œuvres
satisfactoires. Or, on ne doit pas imposer ces œuvres à ceux qui sont baptisés,
comme nous l’avons dit (art. préc.), et ceux qui sont
baptisés n’ont pas besoin non plus de la rémission des péchés que l’on obtient
par les clefs de l’Eglise, puisque tous leurs fautes leur sont remises par le
baptême. 3° Parce que cette confession particulière faite à un homme est une
chose pénible à cause de l’humiliation de celui qui la fait. Et comme on
n’impose à ceux qui sont baptisés aucune peine extérieure, il s’ensuit qu’on
n’exige pas d’eux une confession spéciale de leurs péchés. Mais il suffit de la
confession générale qu’ils font quand, selon le rite de l’Eglise, ils renoncent
à Satan et à toutes ses pompes. C’est ainsi, dit la glose (ord. sup. illud : Ut baptizarentur ab eo,
Matth. chap. 3), que le baptême de Jean
donnait l’exemple à ceux qui devaient être baptisés de confesser leurs péchés
et de promettre une vie meilleure. Cependant si ceux qui doivent être baptisés
voulaient confesser leurs péchés par dévotion, on devrait entendre leur
confession (Cette confession ne serait pas sacramentelle.), non pour leur
imposer une satisfaction, mais pour leur donner une règle de vie spirituelle
qui les empêchât de tomber dans leurs fautes accoutumées.
Objection N°1. Il semble que de la part de celui qui est
baptisé l’intention de recevoir le sacrement de baptême ne soit pas nécessaire.
Car celui qui est baptisé est passif dans le sacrement. Or, l’intention n’est
pas requise du côté du patient, mais du côté de l’agent. Il semble donc que par
rapport à celui qui est baptisé l’intention de recevoir le baptême ne soit pas
nécessaire.
Réponse à l’objection N°1 : Dans la justification qui est
produite par le baptême on n’est pas passif par contrainte, mais on l’est
volontairement. C’est pourquoi on exige de celui qui est baptisé l’intention de
recevoir ce qu’on lui donne.
Réponse à l’objection N°2 : Si un adulte n’avait pas eu l’intention de recevoir le
sacrement, on devrait le rebaptiser. Mais si la chose n’était pas certaine, on
devrait dire : Si tu n’es pas baptisé, je
te baptise.
Réponse à l’objection N°3 : Le baptême a pour but d’effacer non
seulement le péché originel, mais encore les péchés actuels qui sont produits
par la volonté et l’intention.
Conclusion Puisque par le baptême nous mourons à la vie
ancienne, et nous en commençons une nouvelle, il est nécessaire que celui qu’on
baptise ait l’intention de recevoir le baptême qui est le commencement d’une
vie nouvelle.
Il
faut répondre que par le baptême on meurt à la vie ancienne du péché et on
commence une vie nouvelle, d’après ces paroles de l’Apôtre (Rom., 6, 4) : Nous avons été ensevelis avec le Christ par le baptême pour mourir au
péché, afin que, comme Jésus-Christ est ressuscité d’entre les morts par la
gloire de son Père, nous marchions de même dans une vie nouvelle. C’est
pourquoi, d’après saint Augustin (hom. ult. inter 50,
cap. 2), comme il faut dans celui qui a le libre arbitre la volonté de se
repentir de son ancienne vie, pour qu’il meure à cette vie de péché ; de même
il faut qu’il ait la volonté de commencer une vie nouvelle, dont la réception
elle-même du sacrement est le commencement. C’est pourquoi de la part de celui
qui est baptisé la volonté ou l’intention de recevoir le sacrement est requise.
Article 8 : La foi
est-elle nécessaire de la part de celui qui est baptisé ?
Objection N°1. Il semble que la foi soit nécessaire de la
part de celui qui est baptisé. Car le sacrement de baptême a été établi par le
Christ. Or, le Christ en donnant la forme du baptême met la foi avant lui, car
il dit (Marc, 16,
19) : Celui qui aura cru et qui aura été baptisé
sera sauvé. Il semble donc que si l’on n’a pas la foi, on ne puisse
recevoir le sacrement de baptême.
Réponse à
l’objection N°1 : Le Seigneur parle en cet endroit du baptême selon qu’il
conduit les hommes au salut par la grâce sanctifiante ; ce qui ne peut avoir
lieu sans la vraie foi. C’est pourquoi il dit expressément : Celui qui aura cru et qui aura été baptisé
sera sauvé.
Objection
N°2. Dans les sacrements de l’Eglise on ne fait rien en vain. Or,
d’après le rite de l’Eglise, on interroge sur sa foi celui qui se présente pour
être baptisé, puisqu’on lui demande :
Croyez-vous en Dieu le Père ? etc. Il semble donc que la
foi soit requise pour le baptême.
Réponse à l’objection N°2 : L’Eglise a l’intention de baptiser les
hommes, pour les délivrer du péché, d’après la pensée du prophète qui dit (Is., 27, 9) : que tout le fruit
qu’on se propose, c’est d’effacer le péché. C’est pourquoi elle veut,
autant qu’il est en elle, ne baptiser que ceux qui ont la foi droite, sans
laquelle les péchés ne sont pas remis. C’est pour ce motif qu’elle demande à
ceux qui se présentent au baptême s’ils croient. Mais si quelqu’un reçoit le
baptême hors de l’Eglise sans avoir la vraie foi, il ne le reçoit pas pour son
salut. C’est ce qui fait dire à saint Augustin (Lib. 4 de bapt. cont. Donat.) : L’Eglise
comparée au paradis nous indique qu’on peut recevoir son baptême hors de son
sein, mais que hors d’elle personne ne peut arriver au salut de la béatitude
éternelle.
Objection N°3. On requiert pour le baptême l’intention de
recevoir ce sacrement. Or, on ne peut avoir cette intention, si l’on n’a une
foi droite ; puisque le baptême est le sacrement de la foi véritable. Car c’est
par lui qu’on est incorporé au Christ, comme le dit saint Augustin (Lib. 1 de Bapt. parv. seu de peccat.
merit. et remiss., chap. 26), et
on ne peut être incorporé au Christ sans la vraie foi, d’après l’Apôtre qui dit
(Eph., 3, 17) : que le Christ habite dans nos cœurs par la foi. Il semble donc que
celui qui n’a pas la vraie foi ne puisse recevoir le sacrement de baptême.
Réponse à
l’objection N°3 : Celui qui n’a pas la vraie foi sur d’autres articles peut
l’avoir à l’égard du sacrement de baptême, et par conséquent rien n’empêche
qu’il ne puisse avoir l’intention de recevoir ce sacrement. Si cependant à
l’égard de ce sacrement il n’a pas des idées saines, il suffit pour le recevoir
qu’il en ait l’intention générale, et qu’il se propose de recevoir le baptême,
tel que le Christ l’a établi et que l’Eglise le confère.
Réponse à l’objection N°4 : Comme on ne doit pas conférer le baptême
à celui qui ne veut pas renoncer à ses péchés ; de même on ne doit pas baptiser
non plus celui qui veut rester dans son infidélité. Cependant si on les
baptise, ils reçoivent l’un et l’autre Je sacrement, quoiqu’ils ne le reçoivent
pas pour leur salut (Ainsi on ne pourrait pas les rebaptiser de nouveau.).
Mais
c’est le contraire. Saint Grégoire écrivant à l’évêque Quirin dit (in Regist., liv. 9, epist. 61) : Les antiques
traditions de nos pères nous apprennent que ceux qui sont baptisés parmi les
hérétiques, au nom de la Trinité, quand ils reviennent à la sainte Eglise sont reçus
dans son sein par l’onction du saint chrême, ou l’imposition des mains, ou la
seule profession de foi. Or, il n’en serait pas ainsi, si la vraie foi était
nécessaire au baptême. Elle n’est donc pas requise nécessairement pour qu’on
reçoive ce sacrement.
Conclusion La foi est nécessaire dans celui qui reçoit le
baptême pour qu’il obtienne la grâce attachée à ce sacrement, mais elle n’est
pas nécessaire pour qu’il en ait le caractère.
Il
faut répondre que, comme on le voit d’après ce que nous avons dit (quest. 62,
art. 1), et quest. 66, art. 9), le baptême produit dans l’âme deux choses : le
caractère et la grâce. Par conséquent une chose est requise nécessairement pour
le baptême de deux manières : 1° On peut appeler nécessaire ce sans quoi on ne
peut avoir la grâce, qui est le dernier effet du sacrement. La vraie foi est
ainsi requise nécessairement pour le baptême (Pour que le baptême sait
fructueux, non seulement il faut l’intention de recevoir le sacrement et la
vraie foi, mais il faut encore, comme nous l’avons dit, la contrition avec un
commencement d’amour de Dieu quand il s’agit des adultes.), parce que, comme le
dit saint Paul (Rom., 3, 22) : La justice de Dieu est produite par la foi de Jésus-Christ. 2° On
regarde comme nécessairement requis pour le baptême ce sans quoi le caractère
baptismal ne peut être imprimé. En ce sens la vraie foi n’est requise
nécessairement pour le baptême, ni de la part de celui qui est baptisé, ni de
la part de celui qui baptise ; pourvu que du reste on fasse toutes les autres
choses qui sont nécessaires au sacrement. Car le sacrement n’est pas produit
par la justice de l’homme qui donne ou qui reçoit le baptême, mais par la vertu
de Dieu.
Article 9 : Les
enfants doivent-ils être baptisés ?
Objection N°1. Il semble que les enfants ne doivent pas
être baptisés. Car il faut dans celui qui est baptisé l’intention de recevoir
le sacrement, comme nous l’avons dit (art. 7). Or, les enfants ne peuvent avoir
cette intention, puisqu’ils n’ont pas l’usage de leur libre arbitre. Il semble
donc qu’ils ne puissent recevoir le sacrement de baptême.
Réponse à l’objection N°1 : La régénération spirituelle
qui est produite par le baptême ressemble d’une certaine manière à la naissance
charnelle, du moins en ceci : c’est que comme les enfants qui sont dans le sein
de leur mère ne se nourrissent pas par eux-mêmes, mais sont sustentés par la
nourriture de la mère ; de même les enfants qui n’ont pas encore l’usage de
raison, étant en quelque sorte dans le sein de l’Eglise, leur mère, ne
reçoivent pas le salut par eux-mêmes, mais par l’action de l’Eglise. C’est ce
qui fait dire à saint Augustin (De peccator. merit. et remiss., liv. 1, chap. 25) : L’Eglise
notre mère prête aux petits enfants sa bouche maternelle pour les pénétrer des
sacrés mystères ; parce qu’ils ne peuvent pas croire par leur propre cœur pour
être justifiés, et qu’ils ne peuvent confesser leur foi par leur propre bouche
pour être sauvés. Puis il ajoute (chap. 19) : Si on leur donne avec raison le
nom de fidèles, parce qu’ils professent la foi d’une certaine manière par
l’organe de ceux qui les enfantent au Christ, pourquoi ne leur donnerait-on pas
le nom de pénitents, puisqu’ils renoncent au démon et au siècle par la bouche
de ces mêmes personnes. Pour la même raison, on peut dire qu’ils ont
l’intention d’être baptisés, non par l’acte de leur propre volonté, puisque
quelquefois ils s’y opposent et qu’ils pleurent, mais par l’acte de ceux qui
les présentent au baptême.
Objection N°2. Le baptême est le sacrement de la foi, comme nous l’avons
dit (quest. 65, art. 1). Or, les enfants n’ont pas la foi qui consiste dans la
volonté de ceux qui croient, comme le dit saint Augustin (Sup. Joan., tract. 26, et Lib.
de prædest. sanct., chap. 5). On ne peut pas dire non plus qu’ils soient
sauvés dans la foi de leurs parents-, puisque ceux-ci sont quelquefois des
infidèles, et que par conséquent ils les damneraient plutôt par leur
infidélité. Il semble donc que les enfants ne puissent pas être baptisés.
Réponse à l’objection N°2 : Comme le dit saint Augustin écrivant à
l’évêque Boniface (Cont. duas. epist. Pelag., liv. 1, chap. 22), dans l’Eglise du Sauveur les petits
enfants croient par les autres, comme ils ont contracté d’après les autres les
péchés qui sont remis dans le baptême (C’est la double application de la grande
loi de la solidarité.). Ils n’en sont pas moins sauvés quoique leurs parents
soient des infidèles, parce que, comme l’observe le même docteur dans une de
ses lettres au même évêque (Epist. 98) : Les
enfants sont présentés pour recevoir la grâce spirituelle, moins par ceux qui
les portent entre leurs bras (quoiqu’ils le soient aussi par ceux-là mêmes
lorsqu’ils sont de véritables chrétiens) que par toute la société des saints et
des fidèles. Car il faut comprendre qu’ils sont présentés par tous ceux qui
sont contents qu’ils le soient, et dont la charité contribue à les mettre en
union avec l’Esprit-Saint. Mais l’infidélité des parents ne nuit point aux
enfants, quand même ils s’efforceraient de les faire participer aux sacrifices
des démons après le baptême ; parce que, comme le dit saint Augustin (ibid.), un enfant, après avoir été
engendré par la volonté charnelle des autres, et après avoir été une fois
régénéré par une volonté étrangère et spirituelle, ne peut plus contracter
aucun péché par la volonté d’autrui, si la sienne n’y consent. Car l’âme du père est à moi ainsi que l’âme du
fils, dit Dieu par le prophète (Ez., 18, 4), et celle qui aura
péché mourra. Ce qui fait que l’âme a reçu d’Adam une tache qui ne peut
être effacée que par la grâce du sacrement, c’est qu’elle n’était point encore
vivante séparée de lui, quand il a commis son péché. Ainsi la foi d’une
personne, et même de toute l’Eglise, sert aux petits enfants par l’opération de
l’Esprit-Saint, qui unit l’Eglise et qui communique les biens de l’un à un
autre.
Objection N°3. Saint Pierre dit (1 Pierre, 3, 21)
: que le baptême sauve les hommes, non en
purifiant la chair de ses souillures, mais en engageant l’homme à conserver sa
conscience pure pour Dieu. Or, les enfants n’ont la conscience ni bonne, ni
mauvaise, puisqu’ils n’ont pas l’usage de la raison ; et il n’est pas non plus
convenable de les interroger, puisqu’ils ne comprennent pas. Ils ne doivent
donc pas être baptisés.
Mais c’est le contraire. Saint Denis dit (chap. ult. De hier. ecclesiast.) : Nos chefs divins, c’est-à-dire les apôtres, ont
approuvé qu’on baptisât les enfants.
Conclusion On doit baptiser les enfants puisqu’ils sont
souillés du péché originel, et pour qu’étant nourris dès leur enfance dans la
religion chrétienne, ils y persévèrent plus sûrement.
Il
faut répondre que, comme le dit l’Apôtre (Rom., 5, 17) : Si à cause du péché d’un seul la mort a régné par ce seul homme,
c’est-à-dire par Adam, à bien plus et des
dons et de la justice, régneront-ils dans la vie par un seul forte raison ceux
qui reçoivent l’abondance de la grâce, et des dons de la justice, régneront-ils
dans la vie par la vie d’un seul homme, qui est Jésus-Christ. Or, les
enfants contractent le péché originel par suite du péché d’Adam : ce qui est
évident par là même qu’ils sont soumis à la mort, qui a passé par le péché du
premier homme dans tous les autres, comme le dit saint Paul (ibid.). A plus forte raison les enfants
peuvent-ils recevoir la grâce par le Christ pour régner dans la vie éternelle.
Et comme le Seigneur dit lui-même (Jean, 3, 5)
: Que si l’on ne renaît de l’eau et de
l’Esprit-Saint, on ne peut entrer dans le royaume de Dieu ; il s’ensuit
qu’il a été nécessaire que les enfants fussent baptisés, afin que comme ils ont
la damnation par Adam en naissant, de même ils arrivent au salut en renaissant
par le Christ. — Il a encore été convenable qu’on baptisât les enfants, afin
qu’étant nourris dès leur enfance dans les choses qui appartiennent à la vie
chrétienne, ils y persévérassent plus fermement, d’après cette maxime (Prov., 22, 6) : Formez l’enfant à l’entrée de la vie, car il ne s’en éloignera point
même dans sa vieillesse. Saint Denis donne cette raison (ult. chap. Eccles. hier., vers. fin.).
Article 10 : Doit-on
baptiser les enfants des juifs ou des autres infidèles malgré leurs parents ?
Objection N°1. Il semble qu’on doive baptiser les enfants
des juifs ou des autres infidèles malgré leurs parents. Car on doit plutôt
venir en aide à l’homme contre le danger de la mort éternelle que contre celui
de la mort temporelle. Or, on doit venir en aide à un enfant qui serait exposé
au péril de la mort temporelle, quand même ses parents s’y opposeraient par
malice. A plus forte raison doit-on venir en aide aux enfants des infidèles, en
les délivrant par le baptême du danger de la mort éternelle, même malgré leurs
parents.
Réponse à l’objection N°1 : On ne doit pas délivrer
quelqu’un de la mort corporelle contre le droit civil ; par exemple, si
quelqu’un est condamné à mort par son juge, personne ne doit l’arracher à la
mort violemment. On ne doit donc pas non plus aller contre le droit naturel,
par lequel le fils est placé sous la tutelle du père, dans le but de le
délivrer du danger de la mort éternelle.
Objection N°2. Les enfants des serfs sont serfs et sous la puissance de
leurs seigneurs. Or, les juifs sont les serfs des rois et des princes, et il en
est de même de tous les autres infidèles. Les princes peuvent donc
sans injustice faire baptiser les enfants des juifs et des autres serfs qui
sont infidèles.
Réponse à l’objection N°2 : Les juifs sont les serfs des princes d’après la
servitude civile qui n’exclut pas l’ordre du droit naturel ou divin.
Réponse à l’objection N°3 : L’homme se rapporte à Dieu par la raison,
au moyen de laquelle il peut le connaître. Ainsi l’enfant, avant d’avoir
l’usage de raison, est, d’après l’ordre naturel, mis en rapport avec la raison
de ses parents, sous la tutelle desquels la nature le place, et c’est d’après
leur disposition qu’on doit le traiter relativement aux choses divines.
Mais
c’est le contraire. Ainsi il est dit (Decret., dist. 45, chap. 5, et Conc. Tolet. 4, can. 57) : A l’égard des juifs, le saint concile
ordonne qu’on ne fasse violence à personne pour l’obliger à croire ; car on ne
doit pas sauver ces hommes malgré eux, mais il faut qu’ils le soient
volontairement pour que la forme de la justice soit entière.
Conclusion Les enfants des infidèles étant confiés aux
soins de leurs parents avant qu’ils n’aient l’usage du libre arbitre, on ne
doit pas alors les baptiser malgré ces derniers ; mais quand ils ont l’usage du
libre arbitre et qu’ils sont maîtres d’eux- mêmes pour les choses divines, on
peut avec raison les engager et les exciter à recevoir le baptême.
Article 11 : Les
enfants qui sont dans le sein de leur mère doivent-ils être baptisés ?
Objection N°1. Il semble que les enfants qui sont dans le
sein de leur mère puissent être baptisés. Car le don du Christ est plus
efficace pour le salut que le péché d’Adam pour la damnation, comme le dit
l’Apôtre (Rom., chap. 5). Or, les enfants sont damnés
dans le sein de leur mère à cause du péché d’Adam. A plus forte raison
peuvent-ils être sauvés par le don du Christ, qui est produit par le baptême.
Les enfants qui sont dans le sein de leur mère peuvent donc être baptisés.
Réponse à
l’objection N°1 : Les enfants qui sont dans le sein de leur mère n’ont pas
encore vu le jour de manière à vivre avec les autres hommes. Ainsi ils ne
peuvent pas être soumis à l’action des hommes de telle sorte qu’ils reçoivent
les sacrements par leur ministère pour être sauvés. Mais ils peuvent être
soumis à l’opération de Dieu en qui ils vivent, de manière à obtenir ainsi leur
sanctification par un privilège de la grâce, comme on le voit à l’égard de ceux
qui ont été sanctifiés dans le sein de leur mère.
Réponse à l’objection N°2 : Un membre intérieur de la mère est quelque chose d’elle
par continuité et par l’union naturelle de la partie avec le tout ; tandis que
l’enfant qui est dans son sein est quelque chose d’elle par suite du lien qui unit
l’un à l’autre deux corps bien distincts. Il n’y a donc pas de parité.
Réponse à l’objection N°3 : On ne
doit pas faire le mal pour que le bien arrive, selon la pensée de saint
Paul (Rom., 3, 8). C’est pourquoi on ne doit pas tuer la mère pour baptiser
l’enfant. Si cependant la mère mourait et que l’enfant fût vivant dans son
sein, on devrait l’ouvrir pour baptiser l’enfant (Cette opération ne peut être
faite que par un médecin ; si on trouve l’enfant encore vivant, on le baptise
absolument ; si on doute de sa mort on le baptise conditionnellement.).
Objection N°4. Il arrive quelquefois qu’il n’y a qu’une partie de l’enfant
qui sort d’abord. Ainsi il est dit (Gen., 38, 27)
: que Thamar étant en couche, l’un des
deux enfants passa la main, et que la sage-femme la prit et y lia un ruban
d’écarlate, en disant : celui-ci sort le premier. Mais cet enfant ayant retiré
sa main, ce fut son frère qui sortit. Or, quelquefois dans ce cas il y a
danger de mort. Il semble donc que cette partie doive être baptisée, l’enfant
étant encore dans le sein de sa mère.
Réponse à
l’objection N°4 : On doit attendre que l’enfant soit totalement
sorti du sein de la mère pour le baptiser, si la mort n’est pas imminente. Mais
si la tête sort la première, comme elle est la partie où tous les sens ont leur
siège, on doit le baptiser dans le cas de nécessité, et on ne doit pas le
rebaptiser ensuite, s’il lui arrive de naître parfaitement. Il semble qu’on
doive faire de même, quelle que soit la partie du corps qui se présente, si le
danger est imminent. Mais, parce que la vie ne réside tout entière dans aucune
des parties du corps comme dans la tête, il y en a qui pensent que, quelle que
soit la partie du corps que l’eau ait touchée, en raison du doute, l’enfant,
après qu’il est né complètement, doit être baptisé de nouveau sous cette forme
: Si tu n’es pas baptisé, je te baptise
(Le Rituel romain s’exprime ainsi à ce sujet : Si infans caput emiserit et periculum mortis immineat, baptizatur in capite, nec posteà, si rivus evaseriâ, erit iterùm baptizandus
; at si aliud membrum emiserit quod vitalem motum indicet in illo, in periculum impendeat, baptizetur ; et tunc, si natus vixerit, erit sub
conditione baptizandus.).
Mais c’est le contraire. Saint Augustin dit (Epist. 287 ad Dardan.) : On ne renaît pas, si on ne naît d’abord. Or,
le baptême est une régénération spirituelle. On ne doit donc pas être baptisé
avant qu’on ne soit né.
Conclusion Puisque le corps de l’enfant qui est dans le
sein de sa mère ne peut recevoir l’ablution de l’eau, il est évident que
l’enfant ne peut pas être ainsi baptisé.
Il
faut répondre qu’il est nécessaire pour le baptême que le corps de celui qui
doit être baptisé soit lavé par l’eau de quelque manière, puisque le baptême
est une ablution, comme nous l’avons dit (quest. 66, art. 1). Or, le corps de
l’enfant, avant qu’il soit sorti du sein de sa mère, ne peut recevoir
l’ablution de l’eau d’aucune manière ; à moins que par hasard on ne dise que
l’ablution baptismale qui lave le corps de la mère n’arrive à l’enfant qui est
dans son sein. Mais cela est impossible, soit parce que l’âme de l’enfant que
le baptême doit sanctifier est distincte de l’âme de la mère ; soit parce que
son corps qui est animé est déjà formé et par conséquent distinct aussi de celui
de sa mère ; et c’est pour cela que le baptême que la mère reçoit ne rejaillit
pas sur l’enfant qui existe dans son sein. C’est ce qui fait dire à saint
Augustin contre Julien (liv. 4, chap. 44) : Si ce qui est conçu dans la mère
appartient à son corps de telle sorte qu’on le considère comme une de ses
parties, on ne baptiserait pas un enfant, dont la mère l’aurait été dans un
danger de mort pressant, lorsqu’elle le portait dans son sein. Mais puisqu’on
baptise néanmoins l’enfant, il est donc manifeste qu’il n’appartenait pas au
corps de sa mère, lorsqu’il était dans son sein. Par conséquent il s’ensuit que
les enfants qui sont dans le sein de leur mère ne peuvent être baptisés
d’aucune manière (Le Rituel romain dit : Nemo in utero matris clausus baptizari debet. Cependant,
ajoute Mgr Gousset, dans les accouchements laborieux, si on craint que l’enfant
ne meure dans le sein maternel, la sage-femme ou le chirurgien doit, si on juge
la chose possible, le baptiser, en faisant parvenir l’eau quo meliori modo, sauf à faire réitérer
le baptême sous condition, si l’enfant vient à naître.).
Article 12 : Les
furieux et les fous doivent-ils être baptisés ?
Objection N°1. Il semble que les furieux et les fous ne
doivent pas être baptisés. Car pour recevoir le baptême on requiert l’intention
dans celui qui est baptisé, comme nous l’avons dit (art. 7). Or, les furieux et
les fous ne peuvent avoir qu’une intention déréglée, puisqu’ils n’ont pas
l’usage de raison. On ne doit donc pas les baptiser.
Réponse à l’objection N°1 : Les fous qui n’ont jamais eu
et qui n’ont pas l’usage de raison sont baptisés d’après l’intention de
l’Eglise, comme ils croient et se repentent d’après son action, ainsi que nous
l’avons dit au sujet des enfants (art. 9). Mais ceux qui ont eu dans un temps
ou qui ont l’usage de raison, on les baptise d’après l’intention propre qu’ils
ont ou qu’ils ont eue dans le temps où leur esprit était sain.
Réponse à l’objection N°2 : Les furieux ou les fous sont privés de l’usage de la
raison par accident, c’est-à-dire par suite de l’empêchement d’un organe
corporel, mais non à cause de ce qui manque à l’âme raisonnable, comme les
animaux. Il n’y a donc pas de parité à établir.
Réponse à l’objection N°3 : Ceux qui dorment ne doivent pas être
baptisés, à moins qu’ils ne soient en danger de mort. Dans ce cas on doit les
baptiser s’ils ont auparavant manifesté la volonté de recevoir le baptême, comme
nous l’avons dit au sujet des fous (dans le corps de l’article.) et comme saint
Augustin le raconte de son ami (Confess., liv. 4) qui fut baptisé sans le savoir, parce qu’il était
en danger de mort.
Mais
c’est le contraire. Saint Augustin dit de l’un de ses amis (Conf., liv. 4, chap. 4), que, quand il fut dans un état
désespéré, on le baptisa sans qu’il le sût. Le baptême n’en fut pas moins
efficace. On doit donc quelquefois conférer le baptême à ceux qui sont privés
de l’usage de la raison.
Conclusion Ceux qui sont fous de naissance étant
semblables à des enfants, on doit les baptiser ; mais on doit baptiser aussi
ceux qui ont été raisonnables auparavant, s’ils ont eu l’intention de recevoir
le baptême ou s’ils ont des intervalles lucides et qu’ils le demandent, pendant
qu’ils ont l’usage de leur raison.
Il
faut répondre qu’à l’égard des fous et des furieux il faut faire une
distinction. Car il y en a qui le sont de naissance, sans avoir
aucun intervalle lucide, de manière qu’on ne voit jamais en eux aucune lueur de
raison. Pour ceux-là il semble que relativement au baptême on doive porter sur
eux le même jugement que sur les enfants que l’on baptise dans la foi de
l’Eglise (C’est aussi ce que dit formellement le Rituel romain : Si tales à nativitate
fuerint, de iis idem iudicium faciendum est quod de infantibus ; atque in fide Ecclesiæ baptizari
possunt.), comme nous l’avons dit (art. 9). — Il
y en a d’autres qui, après avoir eu l’esprit sain d’abord, sont devenus fous.
On doit juger ceux-ci d’après les intentions qu’ils ont eues, lorsqu’ils
avaient l’esprit sain. C’est pourquoi si l’on a vu qu’ils aient eu alors la
volonté de recevoir le baptême, on doit le leur conférer dans leur fureur et
leur démence, quand même ils feraient dans ce cas de l’opposition. Autrement,
si l’on n’a pas remarqué en eux la volonté d’être baptisés, lorsqu’ils avaient
l’esprit sain, on ne doit pas les baptiser. — Il y en a d’autres qui,
quoiqu’ils soient furieux ou fous de naissance, ont néanmoins des intervalles
lucides dans lesquels ils peuvent faire un usage convenable de leur raison. Si
dans ce cas ils veulent être baptisés on peut le faire, même quand ils sont
dans leur démence. On doit même leur conférer ce sacrement si l’on craint qu’il
n’y ait danger. Autrement il vaut mieux attendre le temps où ils ont leur
raison, pour qu’ils reçoivent le sacrement avec plus de dévotion. Mais si dans
les instants lucides, on ne voit pas en eux la volonté de recevoir le baptême,
on ne doit pas les baptiser quand ils sont dans leur folie. — Il y en a
d’autres enfin qui, quoiqu’ils n’aient pas l’esprit absolument sain, ont
cependant assez de raison pour pouvoir penser à leur salut et comprendre la
vertu du sacrement. On doit raisonner à l’égard de ces derniers comme à l’égard
de ceux qui ont l’esprit sain : on les baptise quand ils le veulent, mais on ne
les baptise pas malgré eux.
Copyleft. Traduction
de l’abbé Claude-Joseph Drioux et de JesusMarie.com qui autorise toute personne à copier et à rediffuser par
tous moyens cette traduction française. La Somme Théologique de Saint Thomas
latin-français en regard avec des notes théologiques, historiques et
philologiques, par l’abbé Drioux, chanoine honoraire de Langres, docteur en
théologie, à Paris, Librairie Ecclésiastique et Classique d’Eugène Belin, 52,
rue de Vaugirard. 1853-1856, 15 vol. in-8°. Ouvrage honoré des
encouragements du père Lacordaire o.p. Si par erreur, malgré nos vérifications,
il s’était glissé dans ce fichier des phrases non issues de la traduction de
l’abbé Drioux ou de la nouvelle traduction effectuée par JesusMarie.com, et
relevant du droit d’auteur, merci de nous en informer immédiatement, avec
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puissions les retirer. JesusMarie.com accorde la plus grande importance au
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