Saint Thomas d’Aquin
- Somme Théologique
3a = Tertia
Pars = 3ème partie
Question
69 : Des effets du baptême
Nous devons ensuite nous occuper des effets du baptême. — A ce sujet
dix questions se présentent : 1° Tous les péchés sont-ils effacés par le baptême
? (Cet article est une réfutation de tous les hérétiques qui ont nié la
nécessité ou l’utilité du baptême, et principalement de Luther et de Calvin,
qui ont prétendu que le baptême n’effaçait pas véritablement les péchés, mais
qu’il les couvrait seulement ; ce que le concile de Trente a ainsi condamné
(sess. 5, can. 5) : Si quis per Jesu Christi Domini nostri gratiam quae in baptismate confertur, reatum peccati originalis remitti negat, aut etiam asserit non tolli totum id quod veram et propriam rationem peccati habet, sed dicit
tantum radi, aut non imputari, anathema sit.) — 2° Par le
baptême l’homme est-il délivré de toute la peine due à ses péchés ? (In renatis,
dit le concile de Trente, nihil odit Deus, quià nihil est damnationis iis qui verè consepulti sunt cum Christo per baptismum in
mortem… ità ut nihil prorsùs
eos ab ingressu cæli remoretur. Et le concile
de Florence, après avoir dit qu’on ne doit point imposer d’œuvres
satisfactoires à ceux qui sont baptisés, ajoute : Morientes, antequam culpam aliquam committant, statim ad regnum cælorum et Dei visionem perveniunt.) — 3° Le baptême enlève-t-il les peines de
cette vie ? — 4° Le baptême confère-t-il à l’homme la grâce et les vertus ? (Il
est de foi que le baptême confère la grâce sanctifiante avec les vertus
infuses, puisque nous avons vu (quest. 62) que les sacrements de la loi
nouvelle produisent la grâce ex opere operato.) — 5° Des
effets des vertus que le baptême confère. — 6° Les petits enfants reçoivent-ils
aussi dans le baptême les grâces et les vertus ? (Le concile de Trente a décidé
que le baptême conférait à tout le monde sans exception la grâce et les vertus,
et, par conséquent, aux enfants comme aux autres (sess. 7, can. 7) : Si quis dixerit non Dei gratiam per hujnsmodi sacramenta semper et
omnibus, quantùm est ex parte Dei, etiamsi ritè ea
suscipiant, sed aliquandò et aliquibus, anathema sit.) — 7° Le
baptême ouvre-t-il à ceux qui sont baptisés la porte du royaume céleste ? (Cet
article n’est qu’une conséquence de ce qui a été dit dans les deux premiers
articles de cette question.) — 8° Le baptême produit-il un effet égal dans tous
ceux qui sont baptisés ? — 9° La fiction empêche-t-elle l’effet du baptême ? (Par
fiction on entend ici celui qui s’approche du sacrement de baptême sans la foi
ou sans la pénitence, ou avec une certaine affection pour le péché. Ces
dispositions mauvaises n’empêchent pas de recevoir le sacrement et son
caractère, mais elles empêchent ses autres effets, qui sont la rémission des
péchés et de la peine qu’ils ont méritée.) — 10° Quand la fiction n’existe plus
le baptême produit-il son effet ? (Le sentiment exposé par saint Thomas dans
cet article est le plus communément suivi par les théologiens.)
Article 1 : Tous
les péchés sont-ils effacés par le baptême ?
Objection N°1. Il semble que tous les péchés ne soient
pas effacés par le baptême. Car le baptême est une régénération spirituelle qui
est diamétralement opposée à la génération charnelle. Or, l’homme ne contracte
que le péché originel par cette génération. Le baptême n’efface donc que ce
péché.
Réponse à l’objection N°1 : Comme le dit
l’Apôtre (Rom., 5, 16) : Le péché d’Adam n’a pas autant de puissance que le don
du Christ qu’on reçoit dans le baptême. Car
nous avons été condamnés par le jugement de Dieu pour un seul péché, au lieu
que nous sommes justifiés par la grâce après plusieurs péchés. D’où saint
Augustin dit (Lib. 1 de Bapt. parvul. seu
de peccat. merit. remiss., chap. 15) que par la génération
charnelle on ne contracte que le péché originel, tandis que par la régénération
du Saint-Esprit on obtient non seulement la rémission du péché originel, mais
encore des péchés volontaires.
Objection N°2. La pénitence est la cause suffisante de la rémission des
péchés actuels. Or, avant le baptême la pénitence est requise dans les adultes,
d’après ces paroles (Actes, 2,
38) : Faites pénitence et que chacun de vous soit
baptisé. Le baptême n’opère donc rien pour la rémission des péchés actuels.
Réponse à
l’objection N°2 : On ne peut obtenir la rémission d’aucun péché que
par la vertu de la passion du Christ. D’où l’Apôtre dit (Héb., 9, 22) :
Qu’il n’y a pas de péché remis sans qu’il
y ait du sang répandu. Ainsi le mouvement de la volonté humaine qui existe
dans celui qui est pénitent ne suffirait pas pour remettre la faute, si l’on
n’avait la foi dans la passion du Christ et la volonté d’y participer, soit en
recevant le baptême, soit en se soumettant aux clefs de l’Eglise. C’est
pourquoi quand un adulte pénitent s’approche du baptême, il obtient la
rémission de toutes ses fautes par suite du dessein qu’il a da recevoir ce
sacrement ; mais il l’obtient plus parfaitement encore en le recevant
réellement.
Objection
N°3. Pour des maladies différentes il faut des remèdes différents ;
parce que, comme le dit saint Jérôme (alius auctor, sup. illud Marc, chap. 9
: Hoc genus dæmoniorum), ce qui guérit le talon ne guérit pas l’œil.
Or, le péché originel qui est effacé par le baptême est un autre genre de péché
que le péché actuel. Tous les péchés ne sont donc pas remis par ce sacrement.
Réponse à l’objection N°3 : Cette raison est
bonne pour des remèdes particuliers. Mais le baptême opère en vertu de la
passion du Christ qui est le remède universel de tous les péchés. C’est
pourquoi il efface tous les péchés.
Mais
c’est le contraire. Le prophète dit (Ez., 36, 25) : Je répandrai sur vous de l’eau pure et vous
serez purifiés de toutes vos souillures.
Conclusion Puisque tout péché appartient à la vie
ancienne à laquelle l’homme meurt par le baptême, il est évident que ce
sacrement les efface tous.
Article 2 : L’homme est-il délivré par le baptême de toute la peine due au péché ?
Objection N°1. Il semble que le baptême ne délivre pas
l’homme de toute la peine due au péché. Car l’Apôtre dit (Rom., 13, 1) : Les choses qui viennent de
Dieu ont été mises dans leur ordre. Or, la faute n’est mise dans son ordre que
par la peine, comme le dit saint Augustin (Retract., liv. 1, chap. 9, et De lib. arb.,
liv. 3, chap. 18). Le baptême n’efface donc pas la peine due aux péchés
antérieurs.
Réponse à
l’objection N°1 : La peine de la passion du Christ étant communiquée à celui
qui est baptisé, selon qu’il devient membre du Christ, comme s’il l’avait lui-même
endurée, il s’ensuit que ses péchés demeurent dans leur ordre par la peine
(Cette peine acquitte largement la dette que nous pouvons avoir contractée par
nos péchés.) de la passion du Christ elle-même.
Objection
N°2. L’effet du sacrement a une ressemblance
avec le sacrement lui-même ; parce que les sacrements de la loi nouvelle
produisent ce qu’ils figurent, comme nous l’avons dit (quest. 62, art. 1,
Réponse N°1). Or, l’ablution baptismale a de la ressemblance avec l’ablution
qui efface une tache, tandis qu’elle ne paraît point en avoir avec la remise
d’une peine que l’on a méritée. La peine que l’on
mérite n’est donc pas effacée par le baptême.
Réponse à l’objection N°2 : L’eau ne purifie pas seulement, mais elle rafraîchit
encore. Ainsi par sa fraîcheur elle indique que la peine est remise, comme par
son ablution elle signifie que la faute est effacée.
Réponse à l’objection N°3 : Dans les châtiments que la justice
humaine inflige, on ne considère pas seulement de quelle peine le coupable est
digne devant Dieu, mais encore à quoi il est tenu envers les hommes qui ont été
blessés et scandalisés par la faute qu’il a commise. C’est pour ce motif que,
quoique un homicide soit délivré par le baptême de la peine due à sa faute
devant Dieu, néanmoins il reste encore obligé envers les hommes, et il est
juste qu’il les édifie par sa peine, comme il les a scandalisés par son crime.
Cependant le prince pourrait, par piété, faire grâce à ceux qui sont dans ce
cas.
Mais
c’est le contraire. Saint Ambroise dit (alius auctor
super illud Rom.,
chap. 11 : Sine pænitentiâ
sunt dona et vocatio Dei)
: La grâce de Dieu pardonne tout gratuitement dans le baptême.
Conclusion Puisque le baptême communique aux hommes le
mérite de la passion du Christ, comme s’ils eussent souffert et qu’ils fussent
morts, il s’ensuit qu’il les délivre de toute la peine due à leurs péchés.
Il
faut répondre que, comme nous l’avons dit (quest. 68, art. 5 dans le corps de
l’article et Réponse N°1), par le baptême on est incorporé à la passion et à la
mort du Christ, d’après ces paroles (Rom., 6, 8) : Si nous sommes morts avec le Christ, nous croyons que nous vivrons
aussi avec lui. D’où il est évident que la passion du Christ est
communiquée à tous ceux qui sont baptisés à titre de remède, comme s’ils
avaient souffert, et qu’ils fussent morts eux-mêmes. — La passion du Christ,
comme nous l’avons dit (quest. 68, art. 5), étant une satisfaction suffisante
pour tous les péchés de tous les hommes, il s’ensuit que celui qui est baptisé
est délivré de toute la peine qu’il avait méritée pour ses péchés, comme s’il
eût lui-même suffisamment satisfait pour toutes ses fautes.
Article 3 : Le
baptême doit-il enlever les peines de cette vie ?
Objection N°1. Il semble que le baptême doive détruire
les peines de cette vie. Car, comme le dit saint Paul (Rom., chap. 5), le don du Christ est plus puissant que le péché d’Adam. Or, par le
péché d’Adam la mort est entrée en ce
monde, d’après ce même apôtre, et, par conséquent, avec elle toutes les
autres peines de la vie présente. A plus forte raison, par le don du Christ,
que l’on reçoit dans le baptême, l’homme doit-il être délivré de ces peines.
Réponse à
l’objection N°1 : Comme le dit la glose (Pet.
Lombard., Rom., chap. 6, super illud : Ut ultrà non serviamus peccato), quand on prend un ennemi redoutable, on ne le
fait pas périr immédiatement, mais on le laisse vivre quelque temps dans la
honte et la douleur ; de même le Christ a d’abord enchaîné la peine, et il la
détruira ensuite dans le siècle futur.
Réponse à l’objection N°2 : Comme le dit la glose (ord. sup. illud : Homo noster crucifixus), il y a pour le
péché deux sortes de peines, la peine éternelle et la peine temporelle. Le
Christ a complètement effacé la peine éternelle, de telle sorte que ceux qui
sont baptisés et véritablement pénitents ne la ressentent pas. Mais pour la
peine temporelle il ne l’a pas encore absolument détruite
; car la faim, la soif et la mort subsistent. Cependant il a renversé son
royaume et sa domination, de manière que l’homme ne la redoute pas, et il
l’exterminera enfin complètement dans les derniers temps.
Réponse à l’objection N°3 : Comme nous l’avons dit (1a 2æ,
quest. 81, art. 1), le péché originel s’est répandu de manière que la personne
a souillé d’abord la nature et qu’ensuite la nature a souillé la personne. Mais
le Christ intervertissant cet ordre répare d’abord ce qui appartient à la
personne, et ensuite il réparera simultanément dans tout le monde ce qui
appartient à la nature. C’est pourquoi le baptême délivre immédiatement l’homme
de la faute du péché originel et de la peine de la privation de la vue de
l’essence divine, qui se rapportent à la personne, au lieu que les misères de
la vie présente, comme la mort, la faim, la soif et les autres peines
semblables, se rapportent à la nature dont les principes les produisent, selon
qu’elle a été privée de la justice originelle. C’est pourquoi ces défauts ne
seront détruits que dans la réparation dernière de la nature par la
résurrection glorieuse.
Mais
c’est le contraire. Sur ces paroles (Rom., chap. 6) : Destruatur corpus peccati, la glose dit (ord. Aug., Lib. 1 de peccat. merit, et rem., chap. ult.) :
Le baptême fait que le vieil homme est crucifié et le corps du péché détruit,
non de telle manière que la concupiscence de la chair, qui était en lui pendant
qu’il vivait et qui lui était innée, se trouve absolument détruite et n’existe
plus, mais de telle sorte que cette concupiscence qui était en nous à notre
naissance ne nous nuise pas à notre mort. Pour la même raison, les autres
peines ne sont donc pas détruites par le baptême.
Conclusion
Quoique le baptême ait la vertu d’enlever les peines de la vie présente,
cependant il ne les détruit pas avant la résurrection, de manière que les
membres incorporés au Christ soient semblables leur chef, et qu’ils remportent
la victoire dans le combat spirituel, et qu’on ne s’approche pas du baptême en
vue des avantages de la vie présente, mais plutôt pour les avantages de la vie
future.
Il faut répondre que le baptême a la puissance de détruire les misères
de la vie présente ; cependant il ne les détruit pas ici-bas, mais par sa vertu
il en délivrera les justes à la résurrection quand le corps mortel se revêtira
d’immortalité, selon l’expression de l’Apôtre (1 Cor.,
15, 53). Et c’est avec raison qu’il en est ainsi : 1° parce que
par le baptême l’homme est incorporé au Christ et devient un de ses membres,
comme nous l’avons dit (art. préc.). C’est pourquoi
il est convenable que ce qui s’est passé dans le chef se passe aussi dans les
membres qui lui ont été incorporés. Or, le Christ a été plein de grâce et de
vérité, dès le commencement de sa conception. Néanmoins il a eu un corps
passible, qui, après sa passion et sa mort, est ressuscité pour la vie
glorieuse. De là il résulte que le chrétien obtient la grâce dans le baptême,
quant à l’âme, et qu’il a cependant un corps passible, dans lequel il peut
souffrir pour le Christ, mais ce corps ressuscitera ensuite pour une vie
immortelle. D’où l’Apôtre dit (Rom., 8,
11) : Celui qui a ressuscité Jésus-Christ
d’entre les morts vivifiera vos corps mortels, à cause de son esprit qui habite
en vous. Et plus loin (8, 17) : Nous
sommes les héritiers de Dieu et les cohéritiers du Christ, pourvu toutefois que
nous souffrions avec lui, afin que nous soyons glorifiés avec lui. 2° C’est
convenable pour l’exercice de la vie spirituelle, c’est-à-dire afin que l’homme
combattant contre la concupiscence et les autres misères, il reçoive la
couronne de la victoire (Ces peines deviennent ainsi une occasion de mérite ;
elles sont un préservatif contre les fautes dans lesquelles nous pourrions
tomber, et elles font naître en nous des vertus que nous ne connaîtrions pas,
si nous n’avions pas à lutter contre la souffrance.). Ainsi, sur ces paroles (Rom., 6,
6) : Afin que le corps du péché soit
détruit, la glose dit (Aug., Lib. 1 de peccat. merit. et remiss., chap. ult.) :
Si l’homme vit après avoir été baptisé, il a dans sa chair la concupiscence,
contre laquelle il combat, et il la surmonte avec le secours de Dieu. C’est ce
que figurent ces paroles (Juges, 3, 1) : Voici les peuples que le Seigneur a laissé vivre, pour servir
d’exercice et d’instruction aux Israélites, afin que leurs enfants apprissent
après eux à combattre leurs ennemis, et qu’ils s’accoutumassent à ces sortes de
combats. 3° Cela a été convenable dans la crainte que les hommes s’approchassent
du baptême pour être délivrés des misères de la vie présente, et non pour
obtenir la gloire de la vie éternelle. C’est ce qui fait dire à saint Paul (1 Cor., 15, 19) : Si nous n’avons d’espérance dans le Christ que pour cette vie, nous
sommes les plus misérables des hommes.
Article 4 : Le
baptême confère-t-il à l’homme la grâce et les vertus ?
Objection N°1. Il semble que le baptême ne confère pas à
l’homme la grâce et les vertus. Car, comme nous l’avons dit (art. 2, Objection
N°2), les sacrements de la loi nouvelle font ce qu’ils figurent. Or, l’ablution
du baptême signifie que l’âme est purifiée de ses fautes et non qu’elle est
revêtue de la grâce et des vertus. Il semble donc que le baptême ne confère pas
à l’homme la grâce et les vertus.
Réponse à l’objection N°1 : Comme l’eau du baptême
signifie la purification de la faute par son ablution, et la délivrance de la
peine par son rafraîchissement ; de même elle signifie la splendeur de la grâce
et des vertus par sa clarté naturelle.
Objection N°2. Ce que l’on possède, on n’a pas besoin de le recevoir de
nouveau. Or, il v en a qui s’approchent du baptême et qui ont déjà la grâce et
les vertus. Ainsi il est dit (Actes, 10, 1) : Il y avait à Césarée un homme appelé Corneille, qui était centenier
d’une cohorte qu’on appelait l’italienne. C’était un homme religieux et
craignant Dieu. Néanmoins il fut ensuite baptisé par saint Pierre. La grâce
et les vertus ne sont donc pas conférées par le baptême.
Réponse
à l’objection N°2 : Comme nous
l’avons dit (quest. 68, art. 3), on obtient la rémission de ses péchés avant le
baptême, selon qu’on a la volonté implicite ou explicite de recevoir ce
sacrement. Cependant, quand on le reçoit réellement, la rémission est plus
complète quant à la délivrance de la peine entière. Ainsi avant leur baptême,
Corneille et ceux qui lui ressemblaient ont obtenu la grâce et les vertus par
la foi du Christ et le désir du baptême qu’ils avaient implicitement ou
explicitement ; mais en recevant ce sacrement ils ont eu une plus grande
abondance de grâce et de vertus. C’est pourquoi sur ces paroles (Ps. 22, 2) : Il m’a amené près d’une eau fortifiante, la glose dit (interl. et ord. implic.)
: Il nous a fortifiés dans le baptême par un accroissement de vertu et de
bonnes œuvres.
Mais
c’est le contraire. Saint Paul dit (Tite, 3, 5) : Il nous a sauvés par l’eau de la régénération, c’est-à-dire par le
baptême, et par le renouvellement de
l’Esprit-Saint qu’il a répandu sur nous abondamment ; c’est-à-dire pour la
rémission des péchés et l’abondance des vertus, comme le dit la glose (interl.). On
reçoit donc dans le baptême la grâce de l’Esprit-Saint et l’abondance des
vertus.
Conclusion
Puisque les hommes sont incorporés au Christ par le baptême, ils obtiennent, en
recevant ce sacrement, non seulement la grâce, mais encore les vertus.
Il faut répondre que, comme le dit saint Augustin (Lib. 1 de bapt. parvul. seu de peccator. merit. et remiss., chap. 26), le baptême a la
puissance d’incorporer au Christ ceux qui le reçoivent comme ses membres. Or,
la plénitude de la grâce et de la vertu découle du Christ, qui est le chef, sur
tous ses membres, d’après ces paroles (Jean, 1, 16) : Nous avons tous reçu de sa plénitude. D’où il est évident que par
le baptême on acquiert la grâce et les vertus.
Article 5 : Est-il
convenable d’attribuer au baptême certains actes
de vertus ?
Objection N°1. Il semble qu’on attribue à tort au
baptême, comme ses effets, certains actes de vertus, tels que l’incorporation
au Christ, l’illumination et la fécondité. Car on ne donne le baptême à un
adulte qu’autant qu’il a la foi, d’après ces paroles (Marc, 24, 16) : Celui qui aura cru et qui sera baptisé sera
sauvé. Or, on est incorporé au Christ par la foi, suivant la pensée de
saint Paul qui dit (Eph., 3, 17)
: que le Christ habite dans nos cœurs par
la foi. On n’est donc baptisé qu’autant qu’on est déjà incorporé au Christ,
et par conséquent cette incorporation n’est pas un effet du baptême.
Réponse à
l’objection N°1 : Les adultes qui croient d’abord dans le Christ lui sont
incorporés par la pensée ; mais ensuite une fois qu’ils sont baptisés ils lui
sont incorporés pour ainsi dire corporellement, c’est-à-dire par le sacrement
visible, et s’ils n’avaient pas eu l’intention de le recevoir, ils n’auraient
pas pu lui être incorporés mentalement.
Objection
N°2. L’illumination est produite par l’enseignement, d’après saint
Paul qui dit (Eph., 3, 8) : Moi qui suis le plus petit d’entre tous les saints, j’ai reçu la grâce
d’illuminer tous les hommes. Or, l’enseignement qui consiste dans le
catéchisme précède le baptême. Il n’en est donc pas l’effet.
Réponse
à l’objection N°2 : Le docteur
éclaire extérieurement par son ministère en catéchisant ; tandis que Dieu
éclaire intérieurement ceux qui ont été baptisés en préparant leurs cœurs à
recevoir la doctrine de vérité, d’après ces paroles (Jean, 6, 45)
: Il est écrit dans les prophètes : Ils
seront tous enseignés de Dieu.
Réponse à l’objection N°3 : On met parmi les
effets du baptême la fécondité par laquelle on produit les bonnes œuvres, mais
non la fécondité par laquelle on engendre d’autres hommes dans le Christ, selon
cette expression de saint Paul (1 Cor., 4,1 5) : Je vous ai
engendrés en Jésus-Christ par l’Evangile.
Mais
c’est le contraire. Saint Augustin dit (loc.
cit., art. préc.) que le baptême a la
vertu d’incorporer au Christ ceux qui le reçoivent. Saint Denis (De eccles. hier., chap. 2) attribue l’illumination
à ce sacrement ; et sur ces paroles (Ps.
2, 2) : Près d’une eau fortifiante,
la glose ajoute (interl.)
que l’âme que le péché a rendue aride et stérile devient féconde par le
baptême.
Conclusion Puisque les hommes sont incorporés au Christ
par le baptême, il est évident que ceux qui sont baptisés reçoivent du Christ,
leur chef, un sentiment spirituel et un mouvement ; l’un quand ils sont
éclairés à l’égard de la connaissance de la vérité, et l’autre quand ils sont
enrichis par l’infusion de la grâce de la fécondité des bonnes œuvres.
Il
faut répondre que par le baptême on est régénéré à la vie spirituelle, qui est
produite par la foi du Christ, selon ces paroles de l’Apôtre (Gal., 2, 20) : Si je vis maintenant dans la chair, j’y vis en la foi du Fils de Dieu. Or,
la vie n’appartient qu’aux membres qui sont unis au chef dont ils reçoivent le
sentiment et le mouvement. Et c’est pour cela qu’il est nécessaire que par le
baptême on soit incorporé au Christ, comme un de ses membres. — Mais comme dans
l’ordre naturel la tête communique aux membres le sentiment et le mouvement, de
même c’est du chef spirituel, qui est le Christ, que découle sur ses membres le
sentiment spirituel qui consiste dans la connaissance de la vérité et le
mouvement spirituel qui est produit par l’action de la grâce. D’où il est dit (Jean, 1,
14) : Nous l’avons vu plein de grâce et
de vérité. C’est pourquoi il s’ensuit que ceux qui sont baptisés sont
éclairés par le Christ à l’égard de la connaissance de la vérité, et fécondés
par lui de la fécondité des bonnes œuvres par l’infusion de la grâce (C’est
pour ce motif que parmi les effets du baptême on met l’incorporation, par laquelle nous sommes incorporés au Christ
comme ses membres ; l’illumination,
qui est l’effet de la foi dans l’intelligence ; la fécondation, qui nous fait multiplier les bonnes œuvres.).
Article 6 : Les
enfants reçoivent-ils la grâce et les vertus dans le baptême ?
Objection N°1. Il semble que les enfants ne reçoivent pas
dans le baptême la grâce et les vertus. Car on n’a pas la grâce et les vertus
sans la foi et la charité. Or, la foi, comme le dit saint Augustin (De Prœd., chap. 5), consiste dans la volonté de ceux qui
croient ; de même la charité consiste aussi dans la volonté de ceux qui aiment.
Les enfants n’ayant pas l’usage de cette faculté, il s’ensuit qu’ils n’ont ni
la foi, ni la charité. Ils ne reçoivent donc ni la grâce, ni les vertus dans le
baptême.
Réponse à l’objection N°1 : La foi et la charité
consistent dans la volonté des hommes, mais de telle sorte que les habitudes de
ces vertus, aussi bien que celles des autres, requièrent la puissance de la
volonté qui existe dans les enfants ; au lieu que les actes des vertus
demandent l’acte de cette faculté, ce qui n’existe pas en eux. C’est ce qui
fait dire à saint Augustin (loc. cit.)
que le sacrement de la foi, c’est-à-dire celui qui produit l’habitude de la
foi, fait un fidèle d’un petit enfant, quoiqu’il n’ait pas encore la foi qui
consiste dans l’acte de la volonté de ceux qui croient.
Objection N°2. Sur ces paroles (Jean, chap. 14,
Majora horum faciet), saint Augustin dit (Tract. 72 in Joan.) : Que pour faire d’un impie un juste le Christ
opère en lui, mais non sans lui. Or, l’enfant, quand il n’a pas l’usage du
libre arbitre, ne coopère pas avec le Christ pour sa justification, et même
quelquefois il résiste de tout son pouvoir. Il n’est donc pas justifié par la
grâce et les vertus.
Réponse
à l’objection N°2 : Comme le dit saint
Augustin (Lib. de char., tract. 3, sup. Epist. 1 Joan.), on ne renaît de l’eau et de
l’Esprit-Saint qu’autant qu’on le veut ; ce qui ne doit pas s’entendre des
petits enfants, mais des adultes. C’est aussi des adultes que l’on parle, quand
on dit que le Christ ne justifie pas l’homme sans lui. Quant aux enfants que
l’on baptise, s’ils s’y opposent de toutes leurs forces, on ne le leur impute
pas ; parce qu’ils ignorent tellement ce qu’ils font qu’ils ne semblent pas
agir, selon la pensée du même docteur (Lib.
de præsc. Dei ad Dardan.,
ep. 287).
Objection
N°3. Saint Paul dit (Rom., 4, 5) : Lorsqu’un homme, sans faire des œuvres, croit en celui qui justifie le
pécheur, sa foi lui est imputée à justice, suivant le décret de la grâce de
Dieu. Or, l’enfant ne croit pas en celui qui justifie l’impie. Il n’obtient
donc ni la grâce sanctifiante, ni les vertus.
Réponse
à l’objection N°3 : Comme le dit encore
saint Augustin (Serm. 10 de verb. apost., chap. 2) : L’Eglise, comme une bonne mère,
prête aux petits enfants les pieds des autres pour marcher, le cœur des autres
pour croire, la langue des autres pour confesser le Christ. Ainsi les enfants
ne croient pas par leur acte propre, mais par la foi de l’Eglise qui leur est
communiquée, et c’est en vertu de cette foi que la grâce et les vertus leur
sont conférées.
Réponse à l’objection N°4 : L’intention charnelle de ceux qui
présentent des enfants au baptême ne leur nuit pas ; comme la faute de l’un ne
nuit pas à l’autre, s’il n’y consent. D’où saint Augustin dit (Epist. 98 ad Bonifac.) : Ne soyez
pas inquiet, s’il y en a qui présentent leurs enfants au baptême, non dans un
sentiment de foi, en vue de les faire régénérer pour la vie éternelle par une
opération toute spirituelle de la grâce, mais uniquement parce qu’ils regardent
ce sacrement comme un moyen de rendre la santé à leurs enfants ou de la leur
conserver. Car les enfants n’en sont pas moins régénérés, bien que ce ne soit
pas dans cette intention qu’on les ait présentés au baptême.
Mais
c’est le contraire. Saint Augustin dit (Ench., chap. 52) : Les enfants meurent en renaissant au péché
qu’ils ont contracté en naissant, et par conséquent c’est à eux que se
rapportent ces paroles : Nous avons été
ensevelis avec lui par le baptême pour mourir au péché. Aussi l’Apôtre
ajoute : Afin que, comme Jésus-Christ est
ressuscité d’entre les morts par la gloire de son Père, nous marchions aussi
dans une vie nouvelle. Or, cette vie nouvelle est produite par la grâce et
les vertus. Les enfants reçoivent donc dans le baptême la grâce et les vertus.
Conclusion Puisque les enfants deviennent les membres du
Christ dans le baptême, il s’ensuit qu’ils reçoivent du Christ, leur chef, non seulement
son caractère, mais encore l’influence de la grâce et de la vertu.
Il
faut répondre qu’il y a des auteurs anciens qui ont supposé que les enfants ne
recevaient pas dans le baptême la grâce et les vertus ; mais que ce sacrement
leur imprimait le caractère du Christ, en vertu duquel, quand ils sont arrivés
à l’âge mûr, ils obtiennent la grâce et les vertus. Or, il est évident que ce
sentiment est faux pour une double raison : 1° Parce que les enfants, comme les
adultes, deviennent les membres du Christ dans le baptême ; par conséquent, il
est nécessaire qu’ils participent à l’influence de la grâce et de la vertu qui
découle de leur chef. 2° Parce que, d’après ce sentiment, les enfants qui
meurent après avoir reçu le baptême ne parviendraient pas à la vie éternelle ;
puisque, selon l’expression de l’Apôtre (Rom., 6, 23), la grâce de Dieu est la vie éternelle. Il n’aurait donc pas été
utile pour leur salut qu’ils fussent baptisés (Absit, dit le pape Innocent III, ut universi parvuli pereant, quorum quotidiè tanta multitudo moritur : quin et ipsis misericors
Deus, qui neminem vult perire, aliquod remedium procuraverit ad salutem. Extrav. de bapt. et ejus
effect., chap. Majores.). — Ce qui a été la cause de cette erreur, c’est qu’ils
n’ont pas su distinguer entre l’habitude et l’acte. Comme ils ont vu que les
enfants étaient incapables de produire des actes de vertus, ils ont cru qu’ils
ne possédaient la vertu d’aucune manière après leur baptême. Mais cette
impuissance d’action n’existe pas dans les enfants parce qu’ils manquent des
habitudes nécessaires, elle résulte seulement d’un empêchement corporel. C’est
ainsi que ceux qui dorment, quoiqu’ils aient les habitudes des vertus, sont
cependant empêchés par le sommeil d’en produire les actes.
Article 7 : Le
baptême a-t-il pour effet d’ouvrir la porte du
royaume céleste ?
Objection N°1. Il semble que le baptême n’ait pas pour
effet d’ouvrir la porte du royaume céleste. Car on n’a pas besoin d’ouvrir ce
qui est ouvert. Or, la porte du royaume du ciel a été ouverte par la passion du
Christ. C’est pourquoi il est dit (Apoc., 4, 1) : Après cela j’ai vu une grande porte ouverte dans le ciel. Le
baptême n’a donc pas pour effet d’ouvrir la porte du royaume céleste.
Réponse à
l’objection N°1 : Le baptême ouvre à celui qui est baptisé la porte du royaume
céleste, en tant qu’il l’incorpore à la passion du Christ en lui en appliquant
les mérites.
Objection
N°2. Le baptême a produit son effet en tout temps depuis qu’il a
été établi. Qu’il y en a qui ont reçu le baptême du Christ
avant sa passion, comme on le voit (Jean, chap. 3). Cependant, s’ils étaient
morts alors, ils n’auraient pas encore trouvé ouverte la porte du royaume
céleste, dans lequel personne n’est entré avant le Christ, d’après ces paroles
du prophète (Mich., 2, 13)
: Il est monté ouvrant le chemin devant
eux. Le baptême n’a donc pas eu pour effet d’ouvrir le royaume du ciel.
Réponse
à l’objection N°2 : Quand la passion du
Christ n’était pas encore parfaite en réalité, mais qu’elle ne l’était que dans
la foi de ceux qui croyaient, le baptême ouvrait proportionnellement la porte
du ciel, c’est-à-dire qu’il ne le faisait pas en réalité, mais en espérance.
Car ceux qui étaient baptisés attendaient énamourant avec une espérance assurée
leur entrée dans le royaume céleste.
Réponse à l’objection N°3 : Celui qui est baptisé n’est pas sujet à
la mort et aux misères de la vie présente, parce que la personne le mérite,
mais à cause de l’état de notre nature. C’est pourquoi cela n’empêche pas
d’entrer dans le royaume céleste, quand l’âme est séparée du corps par la mort,
comme ayant satisfait à ce qu’on devait à la nature.
Conclusion Puisque le baptême efface toutes les fautes et
toute la peine qu’elles méritent, on doit croire qu’il ouvre la porte du
royaume du ciel.
Article 8 : Le
baptême produit-il dans tous les hommes un effet égal ?
Objection N°1. Il semble que le baptême ne produise pas
dans tous les hommes un effet égal. Car il a pour effet d’effacer la faute. Or,
il efface plus de péchés dans certains individus que dans d’autres. Car il
n’efface que le péché originel dans les enfants, tandis qu’il efface encore les
péchés actuels dans les adultes, et parmi eux il y en a qui en ont plus et d’autres moins. Il ne produit donc pas le même
effet dans tous les hommes.
Réponse à l’objection N°1 : La moindre grâce baptismale
est suffisante pour effacer tous les péchés. Par conséquent si le baptême
efface plus de péchés dans les uns et qu’il en efface moins dans les autres,
ceci ne résulte pas de l’efficacité plus ou moins grande du sacrement, mais de
la condition du sujet ; parce qu’il efface dans chaque individu toutes les
fautes qu’il y trouve.
Objection N°2. Le baptême confère à l’homme la grâce et les vertus. Or,
il y en a qui après leur baptême paraissent avoir une grâce plus grande
et des vertus plus parfaites que d’autres qui ont été baptisés comme eux. Le
baptême ne produit donc pas le même effet dans tout le monde.
Réponse à l’objection N°2 : Si l’on voit se manifester une grâce plus grande ou
moindre dans ceux qui sont baptisés, cette différence peut résulter de deux
causes : 1° de ce que l’un reçoit dans le baptême une grâce plus grande qu’un
autre, parce qu’il s’en est approché avec plus de dévotion, comme nous l’avons
dit (dans le corps de l’article.) ; 2° de ce que, bien qu’ils aient reçu une
grâce égale, ils n’en ont pas usé également. L’un en a profité avec plus de
zèle, et l’autre a manqué d’y correspondre par négligence.
Réponse à l’objection N°3 : La différence des capacités naturelles dans les hommes
ne provient pas de la diversité de leur âme qui est renouvelée par le baptême
(puisque tous les hommes étant de La même espèce ont la même forme), mais elle
résulte de la diversité des dispositions de leur corps. Or, il en est autrement
pour les anges qui diffèrent d’espèce. C’est pourquoi les dons gratuits que les
anges reçoivent varient selon la diversité de leurs capacités naturelles,
tandis qu’il n’en est pas de même des hommes.
Objection N°4. Dans le baptême il y en a qui obtiennent non seulement le
salut de leur âme, mais encore celui de leur corps ; comme on le voit à l’égard
de Constantin (Ce fait se trouve emprunté aux actes de saint Sylvestre, que
Baronius regarde comme authentiques. D’après ces actes, le pape saint Sylvestre
aurait baptisé Constantin à Rome, l’an 324. Voyez les Annales de Baronius à
cette année. Mais la plupart des historiens modernes sont d’un sentiment
opposé. Ils croient qu’il a été baptisé à Nicomédie sur la fin de sa vie. Voyez
Papebroch, Acta
sanctorum, ad 21 maii ; Critica Pagi, ad an. 321 ; Noël Alexandre, Hist. Ecdes., sæc.
4, Dissertât., les Bénédictins de Saint-Maur dans leurs notes sur le discours
de saint Ambroise, à l’occasion de la mort de Théodose, Tillemont, Fleury, etc.),
qui fut guéri de la lèpre dans son baptême. Le baptême ne produit donc pas le
même effet dans tout le monde.
Réponse à l’objection N°4 : La santé du corps n’est pas par elle-même
un effet du baptême, mais elle est une opération miraculeuse de la providence
divine.
Mais
c’est le contraire. Saint Paul dit (Eph., 4, 5)
: Il n’y a qu’une foi, qu’un baptême. Or,
une cause uniforme produit un effet qui est uniforme aussi. Par conséquent le
baptême produit le même effet dans tout le monde.
Conclusion
Le baptême produit le même effet dans tous ceux qui le reçoivent de la même
manière par rapport au but pour lequel il a été établi, c’est-à-dire par
rapport au renouvellement de la vie spirituelle ; quant aux autres effets ils
ne sont pas les mêmes, ils sont plus grands dans les uns et moindres dans les
autres, selon l’ordre de la divine providence.
Il faut répondre que le baptême produit deux sortes d’effets, l’un par
lui-même, et l’autre par accident. L’effet qu’il produit par lui-même est celui
pour lequel il a été établi, c’est-à-dire la régénération des hommes à la vie
spirituelle. Il produit également cet effet dans tous ceux qui le reçoivent de
la même manière. Ainsi tous les enfants recevant le baptême de la même manière
(parce qu’ils ne sont pas baptisés dans leur propre foi, mais dans la foi de
l’Eglise), ils reçoivent tous également le même effet dans ce sacrement. Mais
les adultes qui s’approchent du baptême par leur propre foi ne le reçoivent pas
tous de la même manière. Car les uns le reçoivent avec plus et les autres avec
moins de dévotion ; c’est pourquoi la grâce de la régénération est plus vive
dans les uns et l’est moins dans les autres, comme le même feu donne plus de
chaleur à celui qui s’en approche davantage, quoique, considéré en lui-même, il
répande également sa chaleur vers tout le monde. — L’effet que le baptême
produit par accident est celui pour lequel ce sacrement n’a pas été établi,
mais que la vertu divine opère en lui miraculeusement. Comme le dit la glose (August., lib. 1 De peccat. merit. et rem., chap. 39) sur ces paroles de saint Paul (Rom., chap 6) : Ut ultra non serviamus
peccato : Le baptême ne fait pas que la loi du
péché qui est dans nos membres se trouve complètement éteinte, sinon par un
miracle ineffable du Créateur. Tous ceux qui sont baptisés ne reçoivent pas
également ces effets, quoiqu’ils s’approchent de ce sacrement avec une égale
dévotion ; mais ces faveurs sont dispensées selon l’ordre de la providence
divine.
Article 9 : La
fiction empêche-t-elle l’effet du baptême ?
Objection N°1. Il semble que la fiction n’empêche pas
l’effet du baptême. Car l’Apôtre dit (Gal., 3, 27) : Vous tous qui avez été baptisés dans le Christ, vous avez revêtu le
Christ. Or, tous ceux qui reçoivent le baptême du Christ sont baptisés dans
le Christ. Ils revêtent donc tous le Christ ; ce qui consiste à percevoir
l’effet de ce sacrement, et par conséquent la fiction ne le rend pas nul.
Réponse à
l’objection N°1 : On peut entendre que l’on est baptisé dans le Christ de deux
manières. 1° On peut être baptisé dans le Christ, c’est-à-dire lui ressembler.
Tous ceux qui sont ainsi baptisés en lui, lui ressemblent par la foi et la
charité et revêtent le Christ par la grâce. 2° On dit que l’on est baptisé dans
le Christ selon qu’on reçoit son sacrement. Tous ceux qui revêtent le Christ de
la sorte reçoivent le caractère, mais ils ne lui sont pas conformes par la
grâce.
Réponse à l’objection N°2 : Quand Dieu change la volonté de l’homme de mal en bien,
alors l’homme ne s’approche pas du sacrement par feinte, mais Dieu ne le fait
pas toujours. D’ailleurs le sacrement n’est pas établi pour que celui qui est
dissimulé ne le soit plus, mais pour que celui qui s’en approche franchement soit
justifié.
Réponse à l’objection N°3 : On dit que l’on use de fiction par là
même qu’on a l’air extérieurement de vouloir ce qu’on ne veut pas. Or,
quiconque se présente au baptême montre par là qu’il a la vraie foi du Christ,
qu’il est pénétré de respect pour ce sacrement, et qu’il veut se conformer au
Christ et s’éloigner du péché. Ainsi tout homme qui veut rester attaché au
péché et qui se présente au baptême, le fait avec dissimulation, parce qu’il
n’a pas la dévotion que ce sacrement exige. Mais ceci doit s’entendre du péché
mortel qui est contraire à la grâce et non du péché véniel. Par le mot de
fiction on comprend donc ici en quelque sorte tout péché (Tout péché mortel
auquel on ne veut pas renoncer.).
Mais
c’est le contraire. Le Sage dit (Sag., 1, 5) : L’Esprit-Saint, qui est le maître de la science, fuit le déguisement.
Or, l’effet du baptême vient de l’Esprit-Saint. Par conséquent le déguisement
l’empêche.
Conclusion
Puisque Dieu ne contraint pas les hommes à être justes, il est évident que ceux
qui s’approchent du baptême avec dissimulation n’en reçoivent pas l’effet.
Il faut répondre que, comme le dit saint Jean Damascène (Orth. fid., liv. 2, chap. 30), Dieu ne
contraint pas l’homme à être juste. C’est pourquoi, pour que quelqu’un soit
justifié par le baptême, il faut que la volonté de l’homme embrasse ce
sacrement et l’effet qu’il produit. Or, on dit que quelqu’un use de fiction par
là même que sa volonté est en contradiction avec le baptême ou avec son effet.
Car, d’après saint Augustin (Lib. 1 de Bapt. cont. Donat., chap. 4, liv. 7, cap. 53), on use
de fiction de quatre manières : 1° quand on ne croit pas, puisque le baptême
est le sacrement de la foi ; 2° parce qu’on méprise le sacrement lui-même ; 3°
parce qu’on l’administre d’une autre façon sans observer le rite de l’Eglise (Il
peut se faire alors que le sacrement soit invalide, si on manque à quelque
chose d’essentiel dans la matière ou la forme. Il en est de même pour la seconde
condition, si le mépris se traduit par des actes qui montrent qu’on agit
dérisoirement, mimicè,
en le conférant on en le recevant.) ; 4° parce qu’on s’en approche
indévotement. D’où il est évident que la fiction empêche l’effet du baptême.
Article 10 : Une
fois que la fiction a cessé, le baptême opère-t-il son effet ?
Objection N°1. Il semble que la fiction cessant, le
baptême n’opère pas son effet. Car une œuvre morte qui existe sans la charité
ne peut jamais être vivifiée. Or, celui qui s’approche du baptême avec feinte
reçoit ce sacrement sans la charité. Il ne peut donc jamais être vivifié au
point de conférer la grâce.
Réponse à l’objection N°1 : Le sacrement de baptême est
l’œuvre de Dieu et non de l’homme. C’est pourquoi ce n’est pas une œuvre morte
dans celui qui dissimule et qui reçoit ce sacrement sans la charité.
Réponse à l’objection N°2 : La fiction n’est pas détruite par le baptême, mais par
la pénitence que l’on fait ensuite. Dès qu’elle a cessé, le baptême efface tous
les péchés et la peine méritée par ceux qui ont précédé le baptême et qui
existaient simultanément avec lui. C’est ce qui fait dire à saint Augustin (loc. sup. cit.) : Le jour d’hier est
pardonné et tout ce qui précède, l’heure même et le moment avant le baptême et
pendant le baptême est aussi pardonné ; ensuite on commence à redevenir
coupable. Par conséquent le baptême et la pénitence concourent à produire
l’effet du baptême ; le baptême comme la cause qui agit par elle-même, et la
pénitence comme la cause par accident, c’est-à-dire qui écarte l’obstacle.
Mais
c’est le contraire. Saint Augustin dit (De
Bapt., liv. 1, chap. 12) :
Alors le baptême commence à être utile pour le salut, quand une confession
franche et vraie remplace cette fiction qui, tant que le cœur persévérait dans
sa malice ou son sacrilège, ne permettait pas que les péchés fussent effacés.
Conclusion Une fois que la pénitence a fait cesser la
fiction, le baptême obtient toujours son effet.
Copyleft. Traduction
de l’abbé Claude-Joseph Drioux et de JesusMarie.com qui autorise toute personne à copier et à rediffuser par
tous moyens cette traduction française. La Somme Théologique de Saint Thomas
latin-français en regard avec des notes théologiques, historiques et
philologiques, par l’abbé Drioux, chanoine honoraire de Langres, docteur en
théologie, à Paris, Librairie Ecclésiastique et Classique d’Eugène Belin, 52,
rue de Vaugirard. 1853-1856, 15 vol. in-8°. Ouvrage honoré des
encouragements du père Lacordaire o.p. Si par erreur, malgré nos vérifications,
il s’était glissé dans ce fichier des phrases non issues de la traduction de
l’abbé Drioux ou de la nouvelle traduction effectuée par JesusMarie.com, et
relevant du droit d’auteur, merci de nous en informer immédiatement, avec
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puissions les retirer. JesusMarie.com accorde la plus grande importance au
respect de la propriété littéraire et au respect de la loi en général. Aucune
évangélisation catholique ne peut être surnaturellement féconde sans respect de
la morale catholique et des lois justes.
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