Saint Thomas d’Aquin
- Somme Théologique
3a = Tertia
Pars = 3ème partie
Question
72 : Du sacrement de confirmation
Après avoir parlé du baptême, nous devons nous occuper de la
confirmation. — A ce sujet douze questions se présentent : 1° La confirmation est-elle
un sacrement ? (Il est de foi que la confirmation est un véritable sacrement.
Le concile de Trente a ainsi anathématisé les novateurs du XVIe
siècle qui prétendaient le contraire : Si
quis dixerit confirmationem baptizatorum otiosam cœremoniam esse et non potius verum et proprium sacramentum, aut nihil aliud fuisse quàm catechesim quamdam quâ adolesccntia
proximi, fidei suæ&& rationem exponebant ; anathema sit.) — 2° De sa matière. (Il y a des auteurs qui font
consister la matière de la confirmation dans la seule imposition des mains,
tels sont : Auréolus, Sambovius,
Lherminier, Sirmond.
D’autres croient que l’onction seule du chrême est essentielle ; Bellarmin, Maldonat, Isambert, sont de ce sentiment. D’autres exigent
ces deux rites, mais le plus grand nombre font consister toute la matière du
sacrement dans l’onction du saint chrême et l’imposition des mains qui
accompagne naturellement l’onction. Saint Liguori regarde cette opinion comme
très certaine, certissima,
et c’est d’ailleurs la doctrine du catéchisme du concile de Trente.) — 3°
Est-il nécessaire pour ce sacrement que le chrême ait été auparavant consacré
par l’évêque ? (Il est certain qu’il est nécessaire de nécessité de précepte
que le chrême soit béni et qu’il le soit par l’évêque. Car les Pères, le
sacramentaire de saint Grégoire, les rituels des grecs et des latins, et le
concile de Florence, l’exigent positivement ; il est aussi très probable qu’il
doit être béni pour la validité du sacrement, quoique les scotistes soient d’un
avis différent et que quelques autres théologiens pensent de même.) — 4° De sa
forme. (Ceux qui croient que la matière de la confirmation est dans
l’imposition des mains que fait l’évêque, le visage tourné vers le peuple,
mettent la forme dans la prière : Omnipotens sempiterne Deus, que le pontife fait alors à Dieu, et
ils regardent les paroles que l’on prononce en confirmant comme purement
accidentelles ; ceux qui veulent pour la matière comprendre cette imposition
des mains et l’onction regardent cette prière comme une forme partielle, et ils
prétendent que la forme totale est produite par son union avec les paroles
qu’on prononce en faisant l’onction ; mais le sentiment de saint Thomas, qui
fait consister la forme uniquement dans ces paroles : Signo te signo crucis, etc., est le plus
commun et le plus probable.) — 5° Imprime-t-il caractère ? (Il est de foi que
la confirmation imprime caractère, d’après ces paroles du concile de Florence :
Tria sunt sacramenta : baptismus, confirmatio et ordo, quæ characterem, id est spirituale quoddam signum à cœteris distinctivum, imprimunt in anima indelebile,
et d’après cet anathème du concile de Trente : Si quis dixerit in
tribus sacramentis, baptismo
scilicet, confirmatione et ordine, non imprimi characterem in anima, hoc est signum
quoddam spirituale et indelebile, unde ea iterari non possunt ; anathema sit.) — 6° Le caractère de la confirmation
présuppose-t-il le caractère baptismal ? (Le caractère de la confirmation
présuppose celui du baptême, car le baptême est considéré universellement comme
le premier de tous les sacrements et comme la porte par laquelle on entre dans
la vie spirituelle : Primum omnium sacramentorum
locum tenet sanctum baptisma, quod vitæ spiritualis janua est ; per ipsum enim membra
Christi ac de corpora efficimur Ecdesiæ (Decret. in armen.).)
— 7° Confère-t-il la grâce ? (Effectus hujus sacramenti est, dit le
pape Eugène IV, quia in eo datur Spiritus
sanctus ad robur, sicut datus est apostolis in die Pentecostes ; ut videlicet christianus audacter Christi confiteatur nomen (Decret. in armen.).)
— 8° A qui convient-il de recevoir ce sacrement ? (Tous ceux qui sont baptisés,
enfants ou adultes, sont capables de recevoir le sacrement de confirmation.
Dans les douze premiers siècles on conférait la confirmation aux enfants
immédiatement après leur baptême. Mais la discipline de l’Eglise a changé sur
ce point, et maintenant on ne confirme pas les enfants avant l’âge de raison : Usque ad septimum annum, dit le catéchisme du concile de Trente, certè hoc sacramentum differre maximè convenit. Benoît XIV dit qu’un évêque pourrait encore
confirmer les enfants, s’il avait de graves raisons pour le faire.) — 9° En
quelle partie ? (Il est nécessaire à la validité du sacrement que l’onction
soit faite sur le front en forme de croix et avec la main du ministre. On ne
peut appliquer le saint chrême au moyen d’un instrument, parce que dans ce cas
l’imposition des mains n’aurait pas eu lieu, et cependant elle est
essentielle.) — 10° Faut-il quelqu’un qui réponde pour celui qui doit être
confirmé ? (Autrefois on donnait généralement des parrains et des marraines aux
confirmands, mais cet usage n’existe plus dans la plupart des diocèses.) — 11°
N’y a-t-il que les évêques qui confèrent ce sacrement ? (Le ministre ordinaire
du sacrement de confirmation est l’évêque, d’après le concile de Florence, qui
l’a ainsi expressément défini : Si quis dixerit sanctæ
confirmationis ordinarium ministrum non esse solum episcopum, sed quemvis simplicem sacerdotem, anathema sit. Mais, par une délégation spéciale du souverain
pontife, un simple prêtre peut être le ministre extraordinaire de ce sacrement.
Legitur tamen, dit le
pape Eugène IV, aliquando per apostolicæ sedis dispensationem ex rationabili et urgente admodùm
causa, simplicem sacerdotem
chrismate per episcopum confecto hoc administrasse confirmationis
sacramentum.) — 12° De son rite. (Le concile de
Trente a condamné d’une manière générale ceux qui ont attaqué les rites que
l’Eglise observe dans l’administration des sacrements .
Si quis dixerit receptos et approbatos Ecdesiæ catholicæ ritus, etc. (sess. 7,
can. 15).)
Article 1 : La
confirmation est-elle un sacrement ?
Objection N°1. Il semble que la confirmation ne soit pas
un sacrement. Car les sacrements tirent leur efficacité de l’institution
divine, comme nous l’avons dit (quest. 64, art. 2). Or, on ne voit pas que le
Christ ait institué la confirmation. Elle n’est donc pas un sacrement.
Réponse à l’objection N°1 : Sur l’institution
de ce sacrement il y a deux opinions. Les uns ont dit qu’il n’avait été
institué ni par le Christ, ni par les apôtres ; mais qu’il l’avait été
longtemps après dans un concile (Alexandre de Halès et
saint Bonaventure ont enseigné que la confirmation avait été instituée par
l’Eglise au concile de Meaux en l’année 845, quoique on ne trouve rien de
semblable dans les canons de ce concile.). Les autres ont pensé qu’il avait été
institué par les apôtres. Mais il ne peut en être ainsi, parce que, quand il
s’agit d’instituer un nouveau sacrement ceci appartient à la puissance
d’excellence qui ne convient qu’au Christ. C’est pourquoi il faut dire que le
Christ a établi ce sacrement (Le concile de Trente a décidé que ce sacrement
avait été institué, comme les autres sacrements de la nouvelle alliance, par
Jésus-Christ (Voyez ce que nous avons dit à ce sujet, quest
64, art. 2). Mais les théologiens sont partagés sur le moment où le Christ a
institué ce sacrement. Les uns disent qu’il l’a institué en imposant les mains
aux petits enfants (Matth., chap. 19), les autres veulent qu’il ait été institué dans la dernière cène ;
d’autres croient qu’il a été institué dans l’intervalle qui s’est écoulé entre
la résurrection et l’ascension.) non pas en donnant
l’Esprit-Saint, mais en le promettant (C’est-à-dire le Christ n’a pas
administré lui-même ce sacrement, mais il n’a été promulgué que par les apôtres
qui l’administraient eux-mêmes, comme on le voit (Actes, 8, 14 et suiv. ; 19, 6).), d’après ces paroles (Jean, 16, 7) : Si je
ne m’en vais le Paraclet ne viendra pas à vous, mais si je m’en vais je vous
l’enverrai. Et il en est ainsi parce que dans ce sacrement on confère la
plénitude de l’Esprit-Saint qui ne devait pas être accordée avant la
résurrection et l’ascension du Christ, d’après ces paroles (Jean, 7, 39) : L’Esprit
n’était pas encore donné, parce que Jésus n’était pas encore glorifié.
Objection N°2. Les sacrements de la loi nouvelle ont été figurés à
l’avance dans la loi ancienne. Car saint Paul dit (1 Cor., 10, 2) : que s’unissant à Moïse, ils ont tous été baptisés dans la nuée et dans
la mer, qu’ils ont tous mangé d’une même viande spirituelle et qu’ils ont tous
bu le même breuvage spirituel. Or, la confirmation n’a point été figurée à
l’avance dans l’Ancien Testament. Elle n’est donc pas un sacrement.
Réponse à
l’objection N°2 : La confirmation étant le sacrement de la
plénitude de la grâce, il n’a pas été possible qu’il y eût quelque chose sous
l’Ancien Testament qui lui répondît, parce que la loi n’a mené à rien de parfait, selon l’expression de saint Paul
(Héb., 7, 19).
Réponse à l’objection N°3 : Comme nous l’avons dit
(quest. 65, art. 4, Réponse N°3), tous les sacrements sont nécessaires au salut
de quelque manière ; mais il y en a sans lesquels on ne peut être sauvé, et il
y en a d’autres qui coopèrent à la perfection du salut. C’est de la sorte que
la confirmation est nécessaire au salut, quoique sans elle on puisse être sauvé
; pourvu cependant qu’on ne néglige pas de la recevoir par mépris pour ce
sacrement.
Réponse à l’objection N°4 : Ceux qui reçoivent la confirmation, qui
est le sacrement de la plénitude de la grâce, ressemblent au Christ en ce que
dès le premier instant de sa conception il a été plein de grâce et de vérité, comme on le voit (Jean, chap. 1). Cette plénitude a été manifestée dans le
baptême, quand l’Esprit-Saint est descendu sur lui sous une forme corporelle.
D’où il est dit (Luc, 4, 1) : que Jésus étant
plein du Saint-Esprit s’éloigna du Jourdain. Mais il ne convenait pas à la
dignité du Christ qui est l’auteur des sacrements qu’il reçût d’un sacrement la
plénitude de la grâce.
Mais
c’est le contraire. Le pape Melchiade écrit aux évêques d’Espagne
(hab., De consecrat.,
chap. 3, dist. 5) : A l’égard de ce que vous demandez, si le sacrement de la
confirmation est plus grand que le baptême, sachez qu’ils sont l’un et l’autre
de grands sacrements.
Conclusion Indépendamment du baptême il y a la
confirmation qui est un sacrement spécial par lequel l’homme reçoit la vie
spirituelle dans toute sa perfection et dans toute sa force.
Il
faut répondre que les sacrements de la loi nouvelle ont pour but des effets
particuliers de la grâce. C’est pourquoi partout où il se présente un effet
spécial de la grâce, il faut un sacrement particulier qui ait pour but de la
produire. Et comme les choses sensibles et corporelles portent sur elles une
image des choses spirituelles et intelligibles, nous pouvons d’après ce qui se
passe dans la vie corporelle nous faire une idée des choses particulières qui
se rencontrent dans la vie spirituelle de la grâce. Or, il est évident que dans
la vie corporelle il y a une perfection spéciale qui fait arriver l’homme à
l’âge parfait et qui lui permet de faire les actions d’un homme mûr. C’est ce
qui fait dire à l’Apôtre (1 Cor., 13, 11) : Quand je suis devenu homme, je me suis défait de ce qui appartenait à l’enfance.
D’où il suit qu’indépendamment du mouvement de la génération par lequel on
reçoit la vie corporelle, il y a un mouvement d’accroissement par lequel on est
amené à l’âge viril. Ainsi donc l’homme reçoit la vie spirituelle par le
baptême qui est la régénération spirituelle ; au lieu que dans la confirmation
il reçoit en quelque sorte l’âge parfait relativement à la vie spirituelle.
D’où le pape Melchiade dit (loc. cit.) : L’Esprit Saint qui est descendu sur les eaux du
baptême par un mouvement salutaire, leur a accordé dans toute sa plénitude la
vertu de nous purifier, au lieu que dans la confirmation il nous accorde
l’accroissement de la grâce. Ainsi dans le baptême nous sommes régénérés pour
vivre, et après le baptême nous sommes confirmés pour combattre ; dans le
baptême nous sommes lavés et après le baptême nous sommes fortifiés (C’est de
là qu’est venu à ce sacrement le nom de Confirmation. In eo datur Spiritus sanctus ad robur,
dit le pape Eugène IV, sicut datus est apostolis in die Pentecostes, ut videlicet christianus audacter Christi confiteatur nomen (Decretum ad armenos).). La confirmation est donc évidemment un
sacrement spécial.
Article 2 : Le
chrême est-il la matière convenable de ce sacrement ?
Objection N°1. Il semble que le chrême ne soit pas la
matière convenable de ce sacrement. Car ce sacrement, comme nous l’avons dit
(art. préc.,
Réponse N°1), a été institué par le Christ, lorsqu’il promit à ses disciples
l’Esprit-Saint. Or, il le leur envoya sans les oindre du saint chrême, et les
apôtres conféraient aussi ce sacrement par la seule imposition des mains sans
le chrême, puisqu’il est dit (Actes, chap. 8) que les apôtres imposaient les mains sur ceux qui étaient baptisés et
qu’ils recevaient l’Esprit-Saint. Le chrême n’est donc pas la matière de ce
sacrement, parce que la matière est nécessaire à un sacrement.
Réponse à
l’objection N°1 : Le Christ, par la puissance d’excellence qu’il a
dans les sacrements, a conféré aux apôtres la chose de ce sacrement,
c’est-à-dire la plénitude de l’Esprit-Saint sans le sacrement, parce qu’ils ont reçu les prémices de
l’Esprit-Saint, comme le dit saint Paul (Rom., chap. 8). Cependant il leur a manifesté
sensiblement quelque chose de conforme à la matière de ce sacrement, en leur
conférant l’Esprit-Saint. Car si l’Esprit-Saint est descendu sur eux d’une
manière sensible sous la forme du feu, c’était pour signifier la même chose que
l’huile, avec cette seule différence que le feu a une force active, au lieu que
l’huile a une force passive, en ce sens qu’elle est la matière du feu et son
aliment. Ce qui d’ailleurs convenait assez ; parce que la grâce de
l’Esprit-Saint devait découler par les apôtres sur les autres. L’Esprit-Saint
est aussi descendu sur les apôtres sous la forme d’une langue ; ce qui a la
même signification que le baume, avec cette différence que la langue communique
avec les autres par la parole, au lieu que le baume le fait par l’odeur ; parce
que les apôtres étaient remplis de l’Esprit-Saint comme les maîtres de la foi,
tandis que les autres fidèles en sont remplis pour travailler par leurs œuvres
à ce qui appartient à l’édification de l’Eglise. De même, lorsque les apôtres
imposaient les mains et qu’ils prêchaient, la plénitude de l’Esprit-Saint
descendait sur les fidèles sous des signes visibles, comme elle était descendue
dès le commencement sur les apôtres. D’où saint Pierre dit (Actes, 11, 15) : Quand j’eus commencé à leur parler, le Saint-Esprit descendit sur eux,
comme il était descendu sur nous au commencement. C’est pourquoi la matière
sensible du sacrement n’était pas nécessaire, du moment que Dieu faisait
paraître miraculeusement des signes visibles. Cependant les apôtres faisaient
communément usage du saint chrême, quand ces signes sensibles ne se
produisaient pas. Car saint Denis dit (De
cœlest. hier., chap. 4) qu’il y a une opération
perfective que les apôtres nos chefs appellent l’hostie du saint chrême (C’est
sans doute pour ce motif que les Pères appellent ce sacrement le sacrement du
chrême, le chrême du salut, le sceau de l’onction spirituelle. D’ailleurs les
grecs ne pratiquent que l’onction, lorsqu’ils confèrent ce sacrement.).
Réponse à l’objection N°2 : On reçoit le
baptême pour arriver tout simplement à la vie spirituelle ; c’est pourquoi il
est convenable que la matière de ce sacrement soit simple, au lieu que l’on
confirme pour qu’on ait la plénitude de l’Esprit-Saint, dont l’opération a
plusieurs formes, d’après ces paroles (Sag., 7, 22) : Il y a dans la
sagesse un esprit d’intelligence qui est saint, unique, multiple dans ses
effets ; et saint Paul dit (1 Cor., 12, 4) : que les grâces
sont divisées, mais que l’Esprit est le même. C’est pour ce motif qu’il est
convenable que la matière de ce sacrement soit composée.
Réponse à l’objection N°3 : Les propriétés de l’huile par
lesquelles on désigne l’Esprit-Saint se rencontrent plutôt dans l’huile d’olive
que dans toute autre ; ainsi l’olive ayant toujours les feuilles vertes
signifie mieux la vigueur et la miséricorde de l’Esprit-Saint. Cette huile
reçoit proprement le nom d’huile, et on en fait surtout usage partout où l’on
peut s’en procurer. Tout autre liquide ne reçoit le nom d’huile que par
analogie ; on n’en fait usage ordinairement que pour suppléer à l’huile d’olive
dans les pays où l’on n’en a pas. C’est pourquoi c’est la seule huile qu’on
emploie (L’huile est nécessaire à la validité du sacrement, mais il ne faut que
de l’huile d’olive. Le baume est probablement nécessaire aussi ; c’est du moins
le sentiment le plus commun, mais il importe peu de quelle contrée il vienne.
Cajétan, Soto, Estius, Juenin,
Witasse, Tournély, ne le
croient pas nécessaire d’une nécessité absolue.) pour
la confirmation et les autres sacrements.
Réponse à l’objection N°4 : Le baptême est un sacrement d’une
nécessité absolue ; c’est pour cela qu’on doit en trouver la matière partout.
Mais quand il s’agit delà matière d’un sacrement qui n’est pas absolument
nécessaire, il suffît qu’on puisse facilement la transporter dans tous les
lieux du monde.
Mais
c’est le contraire. Saint Grégoire dit (liv. 3, epist. 9) : Que les prêtres
n’aient pas la présomption de marquer du saint chrême le front des enfants qui
sont baptisés. Le chrême est donc la matière de ce sacrement.
Conclusion Puisqu’on désigne par l’huile la plénitude de
l’Esprit-Saint, qui est conférée dans la confirmation pour fortifier celui qui
reçoit ce sacrement, l’huile mêlée de baume pour répandre une bonne odeur est
la matière qui convient à ce sacrement.
Il
faut répondre que le chrême est la matière convenable de ce sacrement (C’est ce
que dit le pape Eugène IV : Secundum sacramentum est confirmatio ;
cujus materia est chrisma confectum ex oleo quod nitorem significat conscientiæ,
et balsamum quod odorem
significat bonæ famæt. (Décret. ad armenos).). Car, comme nous l’avons dit (art. préc.), ce sacrement confère la plénitude de l’Esprit-Saint
pour que l’on ait la force spéciale qui convient à l’âge viril. Or, l’homme,
quand il est parvenu à l’âge viril, commence à communiquer ses actions aux
autres, tandis qu’auparavant chacun vit en particulier pour soi. La grâce de
l’Esprit-Saint étant désignée par l’huile, il s’ensuit qu’on dit que le Christ a été oint de l’huile de la joie, à
cause de la plénitude de l’Esprit-Saint qu’il a eue ; c’est pour ce motif que
l’huile convient à la matière de ce sacrement. On y ajoute du baume à cause de
la bonne odeur qu’il répand sur les autres. D’où l’Apôtre dit (2 Cor., 2,1 5) : Nous sommes devant Dieu la bonne odeur du Christ. — Et quoiqu’il y
ait beaucoup d’autres substances odoriférantes, cependant on emploie surtout le
baume parce qu’il répand le plus d’odeur, et qu’il rend incorruptible (Le
catéchisme du concile de Trente attache la même signification à l’huile et au
baume (De confirmat.
sacram, § 7).). D’où il est dit (Ecclésiastique, 24, 21)
: L’odeur que je répands est comme le
baume le plus pur.
Objection N°1. Il semble qu’il ne soit pas nécessaire à
ce sacrement que le chrême qui en est la matière, ait été auparavant consacré
par l’évêque. Car le baptême qui remet pleinement les péchés n’est pas moins
efficace que ce sacrement. Or, quoique l’eau baptismale soit sanctifiée avant
le baptême, cependant elle n’est pas nécessaire au sacrement, puisqu’on peut
s’en passer à l’article de la mort. Il n’est donc pas nécessaire non plus pour
la confirmation que le chrême ait été auparavant consacré par l’évêque.
Réponse à l’objection N°2 : La double consécration du
chrême ne se rapporte pas au même but. Car comme un instrument acquiert sa
vertu instrumentale de deux manières, d’abord quand il reçoit sa forme
d’instrument, et ensuite quand il est mû par l’agent principal pour produire
son effet ; de même la matière du sacrement a besoin d’une double
sanctification : par l’une elle devient la matière propre d’un sacrement et par
l’autre elle est appliquée à son effet.
Réponse à l’objection N°3 : Une matière corporelle n’est pas capable
de la grâce, de manière à en être le sujet, mais elle en est seulement capable
comme instrument, ainsi que nous l’avons dit (quest. 62, art. 1 à 3). La
matière du sacrement est consacrée à cet effet, soit par le Christ lui-même,
soit par l’évêque qui représente la personne du Christ dans l’Eglise (Plusieurs
docteurs pensent cependant que le souverain pontife pourrait déléguer un simple
prêtre pour cette consécration.).
Mais
c’est le contraire. Le pape Innocent dit (hab., De consecrat., chap. 119, dist. 4, De
presbyteris) : Que les prêtres quand ils
baptisent oignent ceux qui reçoivent ce sacrement du chrême que l’évêque a
consacré, mais qu’ils ne les marquent pas au front avec cette huile ; ce qui
est réservé aux évêques, quand ils donnent l’Esprit-Saint ; ce qui a lieu en
effet dans la confirmation. Le chrême consacré par l’évêque est donc nécessaire
pour ce sacrement.
Conclusion Puisque le Christ ne s’est point du tout servi
d’onctions visibles, le chrême aussi bien que l’huile sainte des infirmes
doivent être bénis avant de les employer pour un sacrement.
Il
faut répondre que toute la sanctification des sacrements découle du Christ,
comme nous l’avons dit (quest. 64, art. 3). Or, il est à remarquer que le
Christ a fait usage lui-même des sacrements qui ont une matière corporelle,
comme le baptême et l’eucharistie. C’est pourquoi par là même que le Christ a
fait usage de la matière de ces sacrements, il l’a rendue apte à être employée
sacramentellement. C’est ce qui fait dire à saint Chrysostome (loc. cit. sup.) que jamais les eaux du
baptême ne pourraient purifier les péchés des fidèles, si elles n’avaient été
sanctifiées par le contact du corps du Seigneur. De même le Seigneur prit le
pain et le bénit ; et il en fit autant pour le calice, comme on le voit (Matth., chap. 26
et Luc, chap. 22).
C’est pour ce motif qu’il n’est pas nécessaire pour ces sacrements que leur
matière soit auparavant bénite, parce que la bénédiction du Christ suffit. Ou
bien si on les bénit, on le fait pour la solennité du sacrement, et non par
nécessité. — Quant aux onctions visibles le Christ n’en a pas fait usage, pour
ne pas porter injure à l’onction invisible dont il a été oint d’une manière plus excellente que ceux qui lui ont été
associés (Ps. 44, 8). C’est pour cela qu’on bénit le
chrême et l’huile sainte des infirmes, avant de les employer pour un sacrement.
Objection N°1. Il semble que cette forme : Je te marque du signe de la croix et je te
confirme par le chrême du salut, au nom du Père, et du Fils, et du
Saint-Esprit, ainsi soit-il, ne soit pas convenable. Car l’usage des
sacrements vient du Christ et des apôtres. Or, le Christ n’a pas établi cette
forme et on ne voit pas que les apôtres s’en soient servis. Cette forme du
sacrement de confirmation n’est donc pas convenable.
Réponse à l’objection N°1 : Comme nous
l’avons dit (art. 2, Réponse N°1), les apôtres conféraient quelquefois l’effet
de ce sacrement, c’est-à-dire la plénitude de l’Esprit-Saint, par des signes
visibles qui étaient miraculeusement produits par Dieu, qui peut conférer
l’effet du sacrement sans le sacrement ; et alors ni la matière, ni la forme du
sacrement n’étaient nécessaires. D’autres fois ils administraient ce sacrement,
comme ministres des sacrements, et dans ce cas ils faisaient usage de la
matière et de la forme d’après le précepte du Christ. Car en conférant les
sacrements, les apôtres observaient beaucoup de choses qui ne nous ont pas été
transmises dans les Ecritures qu’ils nous ont laissées. D’où saint Denis dit (De eccles. hier., chap. ult.) que pour les paroles par lesquelles les
sacrements se confèrent, il n’est pas juste de faire connaître de tout le monde
leur sens mystique, ni les vertus que Dieu opère secrètement par leur moyen,
mais il faut que notre tradition sainte les enseigne sans éclat, c’est-à-dire
en secret. C’est pourquoi l’Apôtre dit en parlant de la célébration de
l’eucharistie (1 Cor., 11, 34) : Je réglerai les
autres choses quand je serai arrivé.
Réponse à l’objection N°2 : La sainteté est la cause du
salut ; c’est pourquoi il revient au même de dire, le chrême du salut et le chrême de la sanctification.
Objection N°3. Ce sacrement doit être conforme au baptême, comme la
perfection à l’objet perfectible, ainsi que nous l’avons dit (quest. 65, art.
4, et art. 2, Réponse N°2). Or, dans la forme du baptême il n’est pas parlé de
la marque du caractère, ni de la croix du Christ (quoique cependant par le
baptême l’homme meure avec le Christ, selon l’expression de saint Paul (Rom., chap. 6)
; il n’est pas non plus fait mention de son effet salutaire, quoique le baptême
soit nécessaire pour être sauvé. Dans la forme de ce dernier sacrement on pose
seulement l’acte et on exprime la personne de celui qui baptise en disant : Je te baptise, et c’est le contraire
qu’on remarque dans la formule précédente. Elle n’est donc pas convenable.
Réponse
à l’objection N°3 : Le baptême
est la régénération de la vie spirituelle dont l’homme vit en lui-même. C’est
pourquoi on ne met dans la forme du baptême qu’un seul acte qui appartient à
l’homme qui doit être sanctifié. Or, le sacrement de confirmation n’a pas
seulement pour but de sanctifier l’homme en lui-même, mais de le mettre à même
de soutenir un combat extérieur. C’est pourquoi il n’est pas seulement fait
mention de la sanctification intérieure par ces paroles : Je te confirme par le chrême du salut ; mais l’homme est encore
enrôlé pour ainsi dire sous l’étendard de la croix (Il est très probable que le
signe de la croix est nécessaire pour la validité du sacrement, parce que sans
cela la vérité de la forme ne serait pas sauvée.) pour le combat spirituel ; ce
qui est désigné par ces paroles : Je te
marque du signe de la croix. D’ailleurs par le verbe baptiser, qui signifie l’ablution, on peut entendre la matière qui
est l’eau qui purifie et l’effet salutaire ; ce que l’on n’entend pas par le
verbe confirmer. C’est pourquoi il a
fallu mettre ces deux choses. D’ailleurs nous avons dit plus haut (quest. 66,
art. 5, Réponse N°1) que le mot ego
n’est pas nécessaire à la forme baptismale, parce qu’il est compris dans le
verbe mis à la première personne. Cependant on l’ajoute pour exprimer
l’intention, ce qui n’est pas aussi nécessaire dans la confirmation, qui n’est
conférée que par un ministre supérieur, comme nous le dirons (art. 11).
Mais c’est le contraire. Car cette forme a pour elle l’autorité de
l’Eglise, qui en fait usage communément (Le décret d’Eugène IV pour les
arméniens est très exprès : Secundum sacramentum est confirmatio,
cujus… forma est : Signo te signo crucis, et confirmo te chrismate salutis, in nomine Patris et Filii et Spiritûs sancti.).
Conclusion Ces paroles : Je te marque du signe de la croix et je te confirme par le chrême du
salut, au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit, exprimant la force
spirituelle et sa cause avec le signe qu’on donne au combattant, cette formule
convient au sacrement de confirmation.
Il
faut répondre que cette forme convient à ce sacrement. Car comme la forme d’une
chose naturelle lui donne son espèce, de même la forme d’un sacrement doit
contenir tout ce qui appartient à l’espèce de ce sacrement. Or, comme on le
voit d’après ce que nous avons dit (art. 1), ce sacrement nous confère
l’Esprit-Saint pour nous fortifier et nous rendre aptes à soutenir le combat
spirituel. C’est pourquoi il y a trois choses qui sont nécessaires à ce
sacrement, et qui sont renfermées dans la formule précédente. La première c’est
la cause qui confère la plénitude de la force spirituelle ; cette cause est la
sainte Trinité qu’on exprime en disant : Au
nom du Père, etc. La seconde est la force spirituelle qui est conférée à
l’homme pour le salut par la matière visible ; ce que l’on indique en disant : Je te confirme avec le chrême du salut.
La troisième est le signe qu’on donne au combattant ; car, comme dans un combat
corporel, les soldats sont revêtus des insignes de leurs chefs, on dit pour ce
motif : Je te marque du signe de la croix,
par lequel notre roi a triomphé (Le catéchisme du concile de Trente embrasse le
même sentiment que saint Thomas et reproduit littéralement les mêmes raisons (Voy. De confirmat. sacramento, § 9).), comme le dit saint Paul (Col., chap. 2).
Article 5 : Le
sacrement de confirmation imprime-t-il caractère ?
Objection N°1. Il semble que le sacrement de confirmation
n’imprime pas caractère. Car le caractère implique un signe distinctif. Or, le
sacrement de confirmation ne distingue pas des infidèles ceux qui le reçoivent,
puisque cet effet est produit par le baptême. Il ne le distingue pas non plus
des autres fidèles, parce que ce sacrement a pour but le combat spirituel qui
est soutenu par tous les chrétiens. Ce sacrement n’imprime donc aucun
caractère.
Réponse à l’objection N°1 : Le combat
spirituel contre les ennemis invisibles convient à tout le monde ; mais quand
il s’agit de combattre les ennemis visibles, c’est-à-dire les persécuteurs de
la foi, en confessant publiquement le nom du Christ, c’est le propre de ceux
qui ont été confirmés et qui sont arrivés spirituellement à l’âge viril,
d’après ces paroles de l’Apôtre (1 Jean, 2, 14) : Je
vous écris, jeunes gens, parce que vous êtes forts et que la parole de Dieu
reste en vous, et que vous avez vaincu le malin esprit. C’est pourquoi le
caractère de la confirmation est un signe distinctif qui ne discerne pas les
infidèles des fidèles, mais qui discerne ceux qui sont spirituellement arrivés
à l’âge parfait de ceux dont il est dit (1 Pierre, 2, 2) : Comme
des enfants nouveau-nés.
Réponse à l’objection N°2 : Tous les sacrements sont des
professions de foi. Ainsi donc, comme celui qui est baptisé reçoit la puissance
spirituelle de professer la foi en recevant les autres sacrements ; de même
celui qui est confirmé reçoit publiquement le pouvoir de professer la foi du
Christ par ses paroles, comme par devoir.
Réponse à l’objection N°3 : Les sacrements de l’ancienne loi sont
appelés des justices charnelles,
comme on le voit (Héb., chap. 9), parce qu’ils ne produisaient rien intérieurement. C’est
pourquoi la circoncision n’imprimait de caractère que sur le corps, et n’en
imprimait point dans l’âme ; au lieu que la confirmation imprime tout à la fois
un caractère corporel et un caractère spirituel, parce qu’elle est un sacrement
de la loi nouvelle.
Mais
c’est le contraire. Tout sacrement qui ne se réitère pas imprime caractère. Or,
le sacrement de confirmation ne se réitère pas. Car saint Grégoire dit (hab., De consecr., dist. 5, chap. 9) que pour l’homme qui a été confirmé de
nouveau par le pontife, on ne doit pas permettre la réitération de ce sacrement
(Dans le cas de doute, on peut confirmer un adulte sans qu’il soit nécessaire
d’exprimer la condition, mais il faut des raisons plus graves qu’à l’égard du
baptême, parce que ce dernier sacrement est de nécessité de moyen, tandis que
l’autre ne l’est pas.). La confirmation imprime donc caractère.
Conclusion Puisque par le sacrement de confirmation les
hommes reçoivent la puissance et la force de combattre spirituellement les
ennemis de la foi, il est nécessaire que quand on le reçoit, il imprime
caractère.
Il
faut répondre que, comme nous l’avons dit (quest. 63, art. 2), le caractère est
une puissance spirituelle qui se rapporte à des actions sacrées. Or, nous avons
dit (art. 1) que comme le baptême est une régénération spirituelle du chrétien
; de même la confirmation est un accroissement spirituel qui fait arriver
l’homme à l’âge parfait de la vie spirituelle. — Par analogie à la vie
corporelle, il est évident que l’action de l’homme immédiatement après sa
naissance est autre que celle qui lui convient quand il est parvenu à l’âge de
la virilité. C’est pourquoi le sacrement de confirmation donne la puissance
spirituelle à l’homme pour d’autres choses sacrées que celles auxquelles se
rapporte la puissance qu’il reçoit dans le baptême. En effet, dans le baptême,
l’homme reçoit le pouvoir de faire ce qui appartient à son propre salut,
c’est-à-dire selon qu’il vit pour lui-même ; au lieu que dans la confirmation
il reçoit le pouvoir de faire ce qui appartient au combat spirituel qu’il doit
soutenir contre les ennemis de la foi ; comme on le voit par l’exemple des
apôtres, qui, avant de recevoir la plénitude de l’Esprit-Saint, étaient
continuellement en prières dans le cénacle. Mais une fois qu’ils en furent
sortis, ils né craignirent plus de confesser publiquement leur foi, même en
présence des ennemis du christianisme. C’est pourquoi il est évident que le
sacrement de confirmation imprime caractère (A cet égard Cf. Const. apost., liv. 3, chap. 16 ; Tertull., De prœscript.,
chap. 40 ; Corn. pap., Epist, ad Fab.,
saint Cypr., Ep.
73 ad Jubaian. ; Innoc.
I, Ep. ad Decret. ; saint Ambros., De sacram.,
liv. 3, chap. 2 ; August., Cont. litt. Petit., liv. 3, chap. 8 ; Conc,
Tolet. an. 633.).
Article 6 : Le
caractère de la confirmation présuppose-t-il le caractère du baptême ?
Objection N°1. Il semble que le caractère de la
confirmation ne présuppose pas nécessairement le caractère baptismal. Car le
sacrement de confirmation a pour but de confesser publiquement la foi du Christ.
Or, il y en a beaucoup qui ont confessé publiquement la foi du Christ avant le
baptême et qui ont versé leur sang pour la foi. Le caractère de la confirmation
ne présuppose donc pas celui du baptême.
Réponse à l’objection N°1 : La vertu divine n’est pas
enchaînée aux sacrements. Ainsi, un homme peut recevoir la puissance
spirituelle nécessaire pour confesser publiquement la foi du Christ sans le
sacrement de confirmation, comme il peut aussi recevoir la rémission de ses
péchés sans le baptême. Cependant comme personne n’obtient l’effet du baptême
sans désirer recevoir ce sacrement ; de même personne ne reçoit l’effet de la
confirmation sans en avoir le désir. Et on peut avoir ce désir avant de
recevoir le baptême.
Objection N°2. On ne dit pas que les apôtres aient été baptisés, et on
voit même (Jean, chap. 4)
que le Christ ne baptisait pas, mais que ses disciples baptisaient. Cependant
ils ont été ensuite confirmés par l’arrivée de l’Esprit-Saint. Les autres
peuvent donc être de même confirmés, avant qu’ils soient baptisés.
Réponse
à l’objection N°2 : Comme le
dit saint Augustin (Ep. 255), ces paroles du Seigneur (Jean, 13, 10)
: Celui qui a été déjà lavé, n’a plus
besoin que de se laver les pieds, signifient que saint Pierre et les autres
disciples du Christ ont été baptisés, soit qu’ils aient reçu le baptême de
Jean, comme quelques-uns le pensent, ou ce qui est plus croyable, soit qu’ils
aient reçu le baptême du Christ. Car il ne se refusa pas de baptiser, quoiqu’il
ait eu des serviteurs baptisés par lesquels il baptisait les autres.
Objection
N°3. Il est dit (Actes, 10, 44)
: que quand saint Pierre parlait encore,
l’Esprit- Saint descendit sur ceux qui écoutaient sa parole et qui les
entendaient parler diverses langues. Et ensuite saint Pierre ordonna de les
baptiser. Pour la même raison on peut donc confirmer les autres avant de les
baptiser.
Mais c’est le contraire. Raban Maur dit (Lib. de instit. cler.,
liv. 1, chap. 30) : Que l’évêque donne le Paraclet par l’imposition des mains à
celui qui vient d’être baptisé, afin qu’il soit fortifié par l’Esprit-Saint
pour prêcher la foi.
Conclusion Comme on ne peut parvenir à l’âge viril si
l’on n’est né auparavant, de même on ne peut recevoir le sacrement de
confirmation si l’on n’a été auparavant baptisé.
Article 7 : Le
sacrement de confirmation confère-t-il la grâce sanctifiante ?
Objection N°1. Il semble que ce sacrement ne confère pas
la grâce sanctifiante. Car la grâce sanctifiante se rapporte à la faute ; au
lieu que le sacrement de confirmation, comme nous l’avons dit (art. préc.), ne se confère qu’à ceux qui sont baptisés et qui
n’ont plus de péché. Ce sacrement ne confère donc pas la grâce sanctifiante.
Réponse à l’objection N°1 : Le premier effet
de la grâce sanctifiante est la rémission de la faute ; cependant elle produit
aussi d’autres effets, parce qu’elle suffit pour faire passer l’homme par tous
les degrés jusqu’à la vie éternelle, d’après ces paroles (Rom., 6, 27) : La grâce de Dieu
est la vie éternelle. D’où il a été dit à saint Paul (2 Cor., 12, 9) : Ma grâce vous
suffit. Et il dit de lui-même (1 Cor., 15, 10) : Je suis par la
grâce de Dieu ce que je suis. C’est pourquoi la grâce sanctifiante n’est
pas seulement accordée pour la rémission des péchés, mais encore pour accroître
et affermir la justice. Par conséquent ce sacrement la confère.
Réponse à l’objection N°2 : Comme le nom de ce sacrement
l’indique, il est conféré pour confirmer ce qui existait préalablement ; c’est
pourquoi on ne doit pas l’administrer à ceux qui n’ont pas la grâce. C’est
aussi pour ce motif que comme on ne le confère pas à ceux qui ne sont pas
baptises, de même on ne doit pas non plus l’accorder aux pécheurs adultes, à
moins qu’ils n’aient réparé leurs fautes par la pénitence. D’où il est dit dans
un concile d’Orléans (hab., De consecr., chap. 6, distinct. 5) : Que ceux
qui se présentent à la confirmation soient à jeun, qu’on les avertisse de se
confesser auparavant, afin qu’étant purifiés ils puissent recevoir le don de
l’Esprit-Saint. Alors ce sacrement perfectionne l’effet de la pénitence, comme
celui de baptême ; parce que par la grâce qu’il reçoit dans la confirmation le
pénitent reçoit une rémission plus pleine de ses péchés. Et si un adulte est en
état de péché sans en avoir la conscience, ou bien s’il se présente sans être
parfaitement contrit (Ainsi, quoique le sacrement de confirmation ait pour
objet propre de produire la grâce d’accroissement et de développement,
cependant il lui arrive de produire quelquefois la première grâce sanctifiante,
qui efface le péché mortel. C’est ce qu’exprime positivement saint Liguori : Aliquando prima gratia sanctificans per hoc sacramentum confertur (liv. 6, n° 169).), il obtiendra la rémission
de ses péchés par la grâce qu’il aura reçue dans ce sacrement, pourvu qu’il ne
s’en approche pas avec dissimulation.
Réponse à l’objection N°3 : Comme nous l’avons dit (quest. 62, art.
2), la grâce sacramentelle ajoute à la grâce sanctifiante, prise en général,
quelque chose qui produit l’effet particulier auquel le sacrement se rapporte.
Par conséquent, si on considère la grâce conférée dans la confirmation par
rapport à ce qu’il y a de commun et de général, ce sacrement ne confère pas une
autre grâce que le baptême, mais il augmente celle qui existait auparavant. Si
on la considère par rapport à l’effet spécial qu’il surajoute, la grâce qu’il
confère n’est pas de la même espèce que celle du baptême.
Mais
c’est le contraire. Le pape Melchiade dit (Ep. ad Hispan., hab., chap. 2 De consecrat., dist. 5) : Dans le baptême l’Esprit-Saint accorde la
plénitude de l’innocence, et la confirmation donne l’accroissement de la grâce.
Conclusion Puisque la confirmation donne l’Esprit-Saint
pour fortifier, il est évident qu’il confère la grâce sanctifiante.
Il
faut répondre que ce sacrement (art. 4) confère à celui qui est baptisé
l’Esprit-Saint (Nous recevons ainsi par ce sacrement les sept dons de
l’Esprit-Saint, qui sont : les dons de sagesse, d’intelligence, de conseil, de
force, de science, de piété et de crainte.) pour le fortifier, comme les
apôtres l’ont reçu le jour de la Pentecôte (Actes, chap. 2), et comme le recevaient par
l’imposition des mains des apôtres ceux qui avaient été baptisés, ainsi qu’on
le voit (Actes, chap. 8). Or, nous avons montré (1a
pars, quest. 43, art. 3) que la mission ou le don de l’Esprit-Saint n’existe
qu’avec la grâce sanctifiante. D’où il est évident que la grâce sanctifiante
est conférée par ce sacrement.
Article 8 : Le
sacrement de confirmation doit-il être conféré à tous les fidèles ?
Objection N°1. Il semble qu’on ne doive pas conférer la
confirmation à tous les fidèles. Car ce sacrement a pour but de donner une
certaine supériorité, comme nous l’avons dit (art. 1 et art. 4). Or, ce qui
excelle ne convient pas à tout le monde. On ne doit donc pas donner la
confirmation à tous les fidèles.
Réponse à l’objection N°1 : La confirmation est donnée
pour qu’on acquière une certaine excellence, non celle d’un homme sur un autre,
comme le sacrement de l’ordre, mais celle de l’homme sur lui-même. C’est ainsi
que le même individu, quand il est homme parfait, l’emporte sur ce qu’il était
n’étant qu’enfant.
Réponse à l’objection N°2 : Comme nous l’avons dit (dans le corps de
l’article.), l’âge du corps ne fait rien à l’âme. Ainsi dans l’enfance l’homme
peut obtenir la perfection de la vie spirituelle. C’est ce qui fait dire au
Sage (Sag., 4, 8) que ce qui rend la
vieillesse vénérable, ce n’est pas la longueur de la vie et le nombre des
années. Ainsi on a vu beaucoup d’enfants qui, fortifiés par l’Esprit-Saint
qu’ils avaient reçu, ont combattu courageusement pour le Christ jusqu’à verser
leur sang.
Objection N°3. Selon l’expression du pape Melchiade (Epist. ad Hisp., hab., chap. 2 De consecrat.,
dist. 5), après le baptême nous sommes confirmés pour le combat. Or, il ne
convient pas aux femmes de combattre à cause de la fragilité de leur sexe. On
ne doit donc pas les confirmer.
Réponse à l’objection N°3 : Comme le dit saint
Chrysostome (Hom. de Machab.),
dans les combats de la terre on recherche la dignité de l’âge, de la beauté et
de la naissance, et c’est pour ce motif qu’on en interdit l’entrée aux
esclaves, aux femmes, aux vieillards et aux enfants ; mais pour les combats du
ciel la lice est indistinctement ouverte à toute personne, à tout âge et à tout
sexe. Et ailleurs le même auteur ajoutait (Hom. de militiâ spirit.) : Devant Dieu les
femmes combattent aussi. Car il y a beaucoup de femmes qui ont soutenu des
combats spirituels avec un courage viril. Il y en a qui par la vertu de l’homme
intérieur ont égalé les héros chrétiens dans la lutte du martyre, et il y en a
qui ont été plus courageuses que des hommes. C’est pourquoi on doit aussi
donner la confirmation aux femmes.
Réponse à l’objection N°4 : Comme nous l’avons dit (dans le corps de
l’article.), l’âme à laquelle appartient la vie spirituelle est immortelle.
C’est pour cette raison qu’on doit aussi confirmer ceux qui sont sur le point
de mourir (Cependant ce n’est pas l’usage, sans doute parce qu’il ne serait pas
facile qu’un évêque pût décemment aller de maison en maison pour conférer ce
sacrement.), afin qu’ils paraissent parfaits à la, résurrection, d’après ces
paroles de saint Paul (Eph., 4, 13) : afin que nous
parvenions tous à l’état d’un homme par fait, à la mesure de l’âge de la
plénitude du Christ. C’est ce qui fait dire à Hugues de Saint-Victor (De sacr., liv. 2, p. 7,
chap. 3), qu’il serait dangereux de sortir de cette vie sans la confirmation ;
non parce qu’on serait damné, à moins qu’on ne le fit par mépris ; mais parce
qu’on serait privé de la perfection qu’on aurait dû avoir. Ainsi les enfants
qui meurent après avoir été confirmés obtiennent une plus grande gloire, comme
ici-bas ils obtiennent une grâce plus grande. Le passage allégué signifie que
ceux qui sont sur le point de mourir n’ont pas besoin de la confirmation pour
résister au péril qu’on court dans les combats de la vie présente.
Mais
c’est le contraire. Il est dit (Actes, 2, 2) que l’Esprit-Saint arrivant remplit toute la maison (ce qui signifie
l’Eglise), puis l’écrivain sacré ajoute : qu’ils
furent tous remplis de l’Esprit-Saint. Or, le sacrement de confirmation est
conféré pour qu’on obtienne cette plénitude. On doit donc le conférer à tous
ceux qui sont dans l’Eglise.
Conclusion
Puisque Dieu à l’intention de tout amener à la perfection, on doit conférer à
tous les fidèles le sacrement de confirmation par lequel l’âme arrive à la
perfection de la vie spirituelle.
Il faut répondre que, comme nous l’avons dit (art. 1), le sacrement de
confirmation fait arriver spirituellement l’homme à l’âge parfait. Or, il est
dans l’intention de la nature que tout ce qui naît corporellement parvienne à
l’âge parfait ; mais quelquefois cet effet est empêché par la corruptibilité du
corps que la mort prévient A plus forte raison est-il dans l’intention de Dieu
de mener toutes choses à leur perfection, et c’est en l’imitant que la nature
participe à ce dessein. D’où il est dit (Deut., 32, 4) : Les œuvres de Dieu sont parfaites. Mais
l’âme, à laquelle appartient la naissance spirituelle
et la perfection de la vie spirituelle, est immortelle. Et comme elle peut
naître spirituellement dans le temps de la vieillesse, de même elle peut arriver
à l’âge parfait dans le temps de la jeunesse ou de l’enfance, parce que ces
périodes de la vie corporelle ne font rien à l’âme (On peut aussi confirmer
ceux qui sont idiots ou insensés et qui n’ont jamais eu l’usage de raison.
Comme le baptême produit son effet sur leur âme, de même aussi la confirmation.).
C’est pourquoi on doit conférer à tout le monde le sacrement de confirmation.
Article 9 : Doit-on
confirmer sur le front ?
Objection N°1. Il semble qu’on ne doive pas conférer ce
sacrement à l’homme sur le front. Car il est le perfectionnement du baptême,
comme nous l’avons dit (quest. 65, art. 4). Or, le sacrement de baptême est
conféré à l’homme dans tout son corps. On ne doit donc pas conférer la
confirmation seulement sur le front.
Réponse à l’objection N°1 : Par le baptême nous sommes
régénérés à la vie spirituelle qui appartient à l’homme tout entier ; au lieu
que la confirmation nous fortifie pour le combat, dont le signe doit être porté
sur le front, comme sur le lieu le plus évident.
Réponse à l’objection N°2 : Le principe de la force est dans le cœur,
mais on en voit le signe sur le front. D’où le Seigneur dit au prophète (Ez., 3, 8) : Voilà je vous ai
donné un front plus dur que leur front. C’est pourquoi le sacrement de
l’eucharistie par lequel l’homme est confirmé en lui-même appartient au cœur,
d’après ces paroles (Ps. 103, 14) : Que le pain affermisse le cœur de l’homme.
Mais pour le sacrement de confirmation il faut le signe de la force qui se
rapporte aux autres : c’est pour cela qu’on le place sur le front.
Mais
c’est le contraire. Raban Maur dit (Lib.
de institut. cleric., liv. 1, chap. 30) : Celui qui est baptisé est marqué du
chrême par le prêtre au sommet de la tête, mais il l’est par l’évêque sur le
front.
Conclusion Les confirmands sont marqués par le chrême du
signe de la croix au front, pour qu’ils montrent ouvertement qu’ils sont
chrétiens et qu’ils n’omettent pas de confesser le nom du Christ par crainte ou
par honte.
Il
faut répondre que, comme nous l’avons dit (art. 1), dans la confirmation le
chrétien reçoit l’Esprit-Saint pour le fortifier dans les combats spirituels
qu’il doit soutenir et afin qu’il confesse courageusement la foi du Christ au
milieu de ses ennemis. Ainsi il est convenable qu’il soit marqué par le chrême
du signe de la croix au front pour deux motifs : 1° parce que le chrétien est
marqué par le signe de la croix comme le soldat par le signe de son chef, ce
qui doit être évident et manifeste. Or, de toutes les parties du corps humain
le front est la plus visible et il n’est pour ainsi dire jamais couvert. C’est
pourquoi celui qui est confirmé est oint avec le chrême sur le front, pour
qu’il montre ouvertement qu’il est chrétien ; comme les apôtres, après avoir
reçu l’Esprit-Saint, sont sortis du cénacle où ils s’étaient cachés et se sont
manifestés à tout le monde. 2° Parce qu’on est empêché de confesser librement
le nom du Christ pour deux motifs, par crainte ou par honte. L’expression de
ces deux sentiments se remarque surtout sur le front pour deux causes : la
proximité de l’imagination et le mouvement des esprits qui montent directement
du cœur au front. C’est pour cela que ceux qui ont, de la honte rougissent et
ceux qui craignent pâlissent, selon la remarque d’Aristote (Eth., liv. 4, chap. ult.). C’est pour ce motif qu’on marque
avec le chrême les fidèles sur le front, afin qu’ils n’omettent pas de confesser
le nom du Christ, ni par crainte, ni par honte (Le concile de Florence
s’exprime ainsi : Ideòque in fronte, ubi verecundiæ sedes est, confirmandus inungitur, ne Christi nomen confiteri erubescat, et prœcipuè crucem ejus, quæ Judœis
quidem est scandalum, gentibus autem stultitia, secundùm Apostolum.).
Article 10 : Celui
qui est confirmé doit-il avoir un parrain ?
Objection N°1. Il semble que celui qui est confirmé ne
doive pas être tenu par un autre pour la confirmation. Car ce sacrement ne se
confère pas seulement aux enfants, mais encore aux adultes. Or, les adultes
peuvent se tenir par eux-mêmes. Il est donc ridicule qu’ils soient tenus par un
autre.
Réponse à l’objection N°1 : Quoique celui qui est
confirmé soit adulte corporellement, néanmoins il ne l’est pas encore
spirituellement.
Réponse à l’objection N°2 : Quoique celui qui est baptisé soit devenu membre de
l’Eglise, cependant il n’est pas encore enrôlé dans la milice du Christ. C’est
pour cela qu’il est présenté à l’évêque, comme au chef de l’armée, par un autre
qui fait déjà partie de cette milice : car celui qui n’est pas confirmé ne doit
pas en tenir un autre pour la confirmation.
Objection N°3. La confirmation est conférée pour fortifier
spirituellement ; ce qui se manifeste dans les hommes plus que dans les femmes,
d’après ces paroles du Sage (Prov., 31, 10) : Qui trouvera une femme forte ? Du moins
une femme ne doit donc pas tenir un homme pour la confirmation.
Réponse
à l’objection N°3 : Selon
l’expression de saint Paul (Col., 3, 11), en Jésus-Christ il n’y a pas de distinction entre l’homme et la femme.
C’est pourquoi il est indifférent que ce soit un homme ou une femme qui tienne
quelqu’un pour la confirmation (Généralement les hommes répondaient pour les
garçons et les femmes pour les filles, et le parrain devait être plus âgé que
le confirmand.).
Mais c’est le contraire. Le pape Innocent dit (Decr. 30, quest.
4, chap. 3) : Si quelqu’un a tenu le fils ou la fille d’un autre sur les fonts
sacrés ou au chrême, etc. Par conséquent comme on exige qu’il y ait quelqu’un
qui tienne sur les fonts sacrés celui qui est baptisé, de même il faut qu’on
soit tenu par un autre pour recevoir le sacrement de confirmation.
Conclusion Tous ceux qui se présentent au sacrement de
confirmation ont besoin de quelqu’un qui les soutienne et les élève, afin
qu’étant encore comme des enfants faibles par rapport au combat spirituel, ils
soient amenés à la perfection.
Il
faut répondre que, comme nous l’avons dit (art. préc.), la confirmation est
donnée à l’homme pour le fortifier pour le combat spirituel. Or, comme celui
qui vient de naître a besoin de quelqu’un qui le soigne relativement à ce qui
appartient à la conservation de sa vie, d’après ces paroles de saint Paul (Héb., 12, 9) : Nous avons eu nos pères selon la chair pour nous élever, et nous les
respections ; de même ceux que l’on emploie à la guerre ont besoin de
maîtres qui les instruisent de ce qui appartient au métier des armes. C’est
pourquoi dans les guerres matérielles les généraux et les centurions sont
nommés par ceux qui gouvernent les autres. — C’est aussi pour ce motif que
celui qui reçoit ce sacrement est tenu par un autre, comme si celui-ci devait
l’instruire à combattre spirituellement. De même aussi, parce que ce sacrement
confère à l’bomme la perfection de la vie spirituelle, ainsi que nous l’avons
dit (art. 2, 4 et 5), celui qui s’approche de ce sacrement est soutenu par un
autre, comme étant encore spirituellement un enfant et un chrétien très faible
(On ne doit admettre pour parrains et pour marraines que ceux qui en sont
dignes, et suivre à cet égard les mêmes règles pour la confirmation que pour le
baptême. Le parrain et la marraine contractent avec la personne confirmée et
avec son père et sa mère la même affinité que dans le baptême.).
Article 11 : N’y a-t-il que l’évêque qui puisse confirmer ?
Objection N°1. Il semble qu’il n’y ait pas que l’évêque
qui puisse confirmer. Car saint Grégoire écrivant à l’évêque Janvier (liv. 3, epist. 26) lui dit : Il nous est parvenu qu’il y en a qui
se sont scandalisés de ce que nous avons défendu aux prêtres de toucher avec le
chrême ceux qui sont baptisés. Cependant nous ne l’avons fait que d’après
l’ancien usage de notre Eglise. Mais s’il y en a qui en soient absolument
contristés, nous accordons aux prêtres, dans le cas où il n’y a pas d’évêques,
de marquer du chrême au front ceux qui ont reçu le baptême. Or, on ne doit pas
changer ce qui est nécessaire aux sacrements pour éviter un scandale. Il semble
donc qu’il ne soit pas nécessaire à la confirmation qu’elle soit conférée par
un évêque.
Réponse à l’objection N°1 : Le pape a dans l’Eglise la
plénitude de la puissance, et par elle il peut confier à des ordres inférieurs
des choses qui appartiennent aux ordres supérieurs. C’est ainsi qu’il accorde à
des prêtres de conférer des ordres mineurs, ce qui appartient à la puissance
épiscopale. C’est par cette plénitude de puissance que saint Grégoire (Les
concessions faites par saint Grégoire ont été aussi accordées par Nicolas IV,
Jean XXII, Urbain V, Léon X, Adrien VI, Sixte V, Benoît XIII, Clément XI,
Benoît XIV, de sorte que, d’après la pensée de ce dernier pontife, cette
question ne peut plus être controversée : Quare non videtur hodiè fas esse potestatem, de quâ olim disceptabantur, summo pontifici non adjudicare (De synod., liv. 7, chap. 7).) a accordé à de simples
prêtres de confirmer, jusqu’à ce que le scandale fût détruit (Il est à
remarquer que le pape seul peut accorder à un simple prêtre ce pouvoir,
puisqu’il agit dans ce cas d’après la plénitude de puissance qu’il a dans
l’Eglise, et le prêtre qui est délégué ne peut confirmer qu’avec le saint
chrême béni par l’évêque.).
Réponse à l’objection N°2 : Le sacrement de baptême est plus efficace que la
confirmation pour éloigner le mal, parce qu’il est un enfantement spirituel, et
qu’alors il y a changement du non-être à l’être. Mais la confirmation est plus
efficace que le baptême pour faire avancer dans le bien ; parce qu’elle est un
accroissement spirituel qui va de l’être imparfait à l’être parfait. C’est pour
cela qu’elle est confiée à un ministre plus élevé.
Réponse à l’objection N°3 : Comme le dit Raban Maur (Lib. de institut. cleric., liv. 1, chap. 30), celui qui est baptisé est marqué du
chrême sur le sommet de la tête par le prêtre, tandis qu’il l’est par le
pontife sur le front, afin que la première onction signifie que l’Esprit-Saint
descend sur lui pour consacrer à Dieu une demeure, et que la seconde indique
que la grâce septiforme du même Esprit vient dans l’homme avec toute sa
plénitude de sainteté, de science et de vertu. Cette onction n’est donc pas
réservée aux évêques, parce qu’on l’applique sur une partie du corps qui est
plus noble, mais parce qu’elle produit un effet plus excellent.
Mais
c’est le contraire. Le pape Eusèbe dit (Epist. 3, hab., De consecrat,. dist. 5, chap. 4)
: On doit tenir en grande vénération le sacrement de l’imposition des mains,
qui ne peut être conféré que par les pontifes, et qui du temps des apôtres,
d’après ce qu’on lit et ce qu’on sait, n’a jamais pu ou n’a jamais dû être
administré par d’autres que par les apôtres eux-mêmes ou ceux qui tenaient leur
place. Car, ajoute-t-il, si on avait la présomption de tenter qu’il en fût
autrement, il deviendrait nul et sans effet, et on ne
devrait jamais le compter parmi les sacrements de l’Eglise. Il est donc
nécessaire que la confirmation, qu’on appelle le sacrement de l’imposition des
mains, soit donnée par l’évêque.
Conclusion Puisque la consommation dernière de chaque œuvre
appartient à l’artisan le plus élevé, il est évident que le sacrement de
confirmation, qui est en quelque sorte la consommation dernière du baptême,
doit être conféré par les évêques qui ont dans l’Eglise une puissance
souveraine.
Il
faut répondre que dans toute œuvre la consommation dernière est réservée à
l’art ou à la vertu la plus élevée, comme la préparation de la matière
appartient aux ouvriers inférieurs, tandis que le chef donne la forme. Le plus
élevé est celui auquel appartient l’usage, qui est la fin des œuvres d’art.
Ainsi, l’épître que le notaire écrit est signée par le pape, son seigneur et
maître. Or, les fidèles du Christ sont l’œuvre divine, d’après ces paroles de
saint Paul (1 Cor., 3, 9) : Vous êtes l’édifice que Dieu élève. Ils sont aussi en quelque sorte
une épître écrite par l’esprit de Dieu,
suivant le même apôtre (2 Cor., 3, 3). Le sacrement de confirmation est,
pour ainsi dire, la consommation dernière du sacrement de baptême, de telle
sorte que par le baptême l’homme est édifié spirituellement, et il est écrit
comme une lettre spirituelle, au lieu que par la confirmation cet édifice
spirituel est dédié pour être le temple de l’Esprit-Saint, et cette lettre
écrite est signée du signe de la croix. C’est pour ce motif que le soin de
donner ce sacrement est réservé aux évêques, qui ont la puissance souveraine
dans l’Eglise. C’est ainsi que dans la primitive Eglise, par l’imposition des
mains des apôtres, dont les évêques tiennent la place,
les chrétiens recevaient la plénitude de l’Esprit-Saint, comme on le voit (Actes, chap. 8). D’où le pape Urbain dit
(Epist., hab., De consecrat, dist. 5, chap. 1 Omnes fideles) : Tous les fidèles doivent
recevoir l’Esprit-Saint après leur baptême par l’imposition des mains des
évêques, afin qu’ils soient pleinement chrétiens.
Article 12 : Le
rite de la confirmation est-il convenable ?
Objection N°1. Il semble que le rite de la confirmation
ne soit pas convenable. Car le sacrement de baptême est plus nécessaire que ce
sacrement, comme nous l’avons dit (art. 1, Réponse N°3, et quest. 65, art. 4).
Or, on assigne certains temps pour le baptême, comme Pâques et la Pentecôte. On
aurait donc dû aussi fixer un temps pour la confirmation.
Réponse à l’objection N°1 : Comme le dit le pape Melchiade (hab., chap. De
his, De consecrat., dist. 5), ces deux sacrements, le baptême et la
confirmation, sont tellement unis, qu’on ne peut les séparer l’un de l’autre, à
moins que la mort n’intervienne, et que d’après les rites l’un ne peut se conférer
sans l’autre. C’est pourquoi on a fixé les mêmes temps pour le baptême solennel
et pour la confirmation. Mais parce que la confirmation n’est donnée que par
les évêques, qui ne sont pas toujours là où les prêtres baptisent, il a fallu
que communément ce sacrement fût différé à d’autres temps (D’après l’usage
actuel on peut confirmer tous les jours et à toute heure, mais il vaut mieux le
faire le matin pour qu’on puisse plus facilement être à jeun.).
Objection N°2. Comme la confirmation demande de la dévotion dans celui
qui la reçoit et dans celui qui la donne, de même aussi le baptême. Or, pour le
baptême on n’exige pas qu’on le reçoive ou qu’on l’administre à jeun. Il semble
que ce soit à tort que le concile d’Orléans ait statué que les confirmands seraient
à jeun, et que le concile de Meaux (refer. hæc
De cons., dist. 5, chap. 7) ait voulu que
les évêques ne conférassent pas l’Esprit-Saint par l’imposition des mains sans
être à jeun.
Réponse à l’objection N°2 : Les infirmes et ceux qui sont en danger de mort sont
exceptés de cette défense, comme on le voit dans les statuts du concile de
Meaux. C’est pourquoi, à cause de la multitude des fidèles et aussi du péril
que l’on courrait, on tolère que la confirmation soit reçue ou donnée sans
qu’on soit à jeun ; parce qu’un seul évêque, surtout dans un grand diocèse, ne
suffirait pas pour confirmer tant d’hommes, si on resserrait le temps où l’on
peut les confirmer. Cependant, quand on peut le faire sans inconvénient, il est
plus convenable qu’on administre ce sacrement et qu’on le reçoive à jeun (C’est
le conseil que le pontifical renferme.).
Réponse à l’objection N°3 : D’après le pape Martin (hab., De consecrat., dist. 4, chap. Omni tempore), on peut préparer le chrême en tout temps (C
’est aussi ce qu’on voit clans le premier concile de Tolède (can. 20). Mais
actuellement on ne le consacre plus qu’une fois, le jour du jeudi saint.). Mais
parce que le baptême solennel pour lequel on fait usage du chrême se confère
solennellement la veille de Pâques, il a été convenable que l’évêque bénît le
chrême deux jours auparavant pour qu’on pût le porter dans le diocèse.
D’ailleurs c’est un jour qui convient assez pour bénir les matières des
sacrements que celui où a été établi le sacrement de l’eucharistie, auquel tous
les autres sacrements se rapportent d’une certaine manière, comme nous l’avons
dit (quest. 65, art. 3).
Mais
c’est le contraire. Car ce rite est suivi par l’Eglise qui est gouvernée par
l’Esprit-Saint.
Conclusion Puisque l’Eglise est dirigée par la sagesse du
Christ dans ce qu’elle fait, il est certain que les rites qu’elle observe dans
la confirmation sont convenables.
Il
faut répondre que le Seigneur a fait une promesse à ses disciples en leur
disant (Matth., 18, 20)
que partout où ils seront deux ou trois
réunis en son nom, il sera au milieu d’eux. C’est pourquoi on doit croire
fermement que l’Eglise est dirigée par la sagesse du Christ dans tout ce
qu’elle prescrit. Et c’est pour ce motif qu’il doit être certain que les rites
que l’Eglise observe dans la confirmation et dans les autres sacrements sont
convenables.
Copyleft. Traduction
de l’abbé Claude-Joseph Drioux et de JesusMarie.com qui autorise toute personne à copier et à rediffuser par
tous moyens cette traduction française. La Somme Théologique de Saint Thomas
latin-français en regard avec des notes théologiques, historiques et philologiques,
par l’abbé Drioux, chanoine honoraire de Langres, docteur en théologie, à
Paris, Librairie Ecclésiastique et Classique d’Eugène Belin, 52, rue de
Vaugirard. 1853-1856, 15 vol. in-8°. Ouvrage honoré des encouragements du
père Lacordaire o.p. Si par erreur, malgré nos vérifications, il s’était glissé
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