Saint Thomas d’Aquin - Somme Théologique

3a = Tertia Pars = 3ème partie

Question 72 : Du sacrement de confirmation

 

            Après avoir parlé du baptême, nous devons nous occuper de la confirmation. — A ce sujet douze questions se présentent : 1° La confirmation est-elle un sacrement ? (Il est de foi que la confirmation est un véritable sacrement. Le concile de Trente a ainsi anathématisé les novateurs du XVIe siècle qui prétendaient le contraire : Si quis dixerit confirmationem baptizatorum otiosam cœremoniam esse et non potius verum et proprium sacramentum, aut nihil aliud fuisse quàm catechesim quamdam quâ adolesccntia proximi, fidei suæ&& rationem exponebant ; anathema sit.) — 2° De sa matière. (Il y a des auteurs qui font consister la matière de la confirmation dans la seule imposition des mains, tels sont : Auréolus, Sambovius, Lherminier, Sirmond. D’autres croient que l’onction seule du chrême est essentielle ; Bellarmin, Maldonat, Isambert, sont de ce sentiment. D’autres exigent ces deux rites, mais le plus grand nombre font consister toute la matière du sacrement dans l’onction du saint chrême et l’imposition des mains qui accompagne naturellement l’onction. Saint Liguori regarde cette opinion comme très certaine, certissima, et c’est d’ailleurs la doctrine du catéchisme du concile de Trente.) — 3° Est-il nécessaire pour ce sacrement que le chrême ait été auparavant consacré par l’évêque ? (Il est certain qu’il est nécessaire de nécessité de précepte que le chrême soit béni et qu’il le soit par l’évêque. Car les Pères, le sacramentaire de saint Grégoire, les rituels des grecs et des latins, et le concile de Florence, l’exigent positivement ; il est aussi très probable qu’il doit être béni pour la validité du sacrement, quoique les scotistes soient d’un avis différent et que quelques autres théologiens pensent de même.) — 4° De sa forme. (Ceux qui croient que la matière de la confirmation est dans l’imposition des mains que fait l’évêque, le visage tourné vers le peuple, mettent la forme dans la prière : Omnipotens sempiterne Deus, que le pontife fait alors à Dieu, et ils regardent les paroles que l’on prononce en confirmant comme purement accidentelles ; ceux qui veulent pour la matière comprendre cette imposition des mains et l’onction regardent cette prière comme une forme partielle, et ils prétendent que la forme totale est produite par son union avec les paroles qu’on prononce en faisant l’onction ; mais le sentiment de saint Thomas, qui fait consister la forme uniquement dans ces paroles : Signo te signo crucis, etc., est le plus commun et le plus probable.) — 5° Imprime-t-il caractère ? (Il est de foi que la confirmation imprime caractère, d’après ces paroles du concile de Florence : Tria sunt sacramenta : baptismus, confirmatio et ordo, quæ characterem, id est spirituale quoddam signum à cœteris distinctivum, imprimunt in anima indelebile, et d’après cet anathème du concile de Trente : Si quis dixerit in tribus sacramentis, baptismo scilicet, confirmatione et ordine, non imprimi characterem in anima, hoc est signum quoddam spirituale et indelebile, unde ea iterari non possunt ; anathema sit.) — 6° Le caractère de la confirmation présuppose-t-il le caractère baptismal ? (Le caractère de la confirmation présuppose celui du baptême, car le baptême est considéré universellement comme le premier de tous les sacrements et comme la porte par laquelle on entre dans la vie spirituelle : Primum omnium sacramentorum locum tenet sanctum baptisma, quod vitæ spiritualis janua est ; per ipsum enim membra Christi ac de corpora efficimur Ecdesiæ (Decret. in armen.).) — 7° Confère-t-il la grâce ? (Effectus hujus sacramenti est, dit le pape Eugène IV, quia in eo datur Spiritus sanctus ad robur, sicut datus est apostolis in die Pentecostes ; ut videlicet christianus audacter Christi confiteatur nomen (Decret. in armen.).) — 8° A qui convient-il de recevoir ce sacrement ? (Tous ceux qui sont baptisés, enfants ou adultes, sont capables de recevoir le sacrement de confirmation. Dans les douze premiers siècles on conférait la confirmation aux enfants immédiatement après leur baptême. Mais la discipline de l’Eglise a changé sur ce point, et maintenant on ne confirme pas les enfants avant l’âge de raison : Usque ad septimum annum, dit le catéchisme du concile de Trente, certè hoc sacramentum differre maximè convenit. Benoît XIV dit qu’un évêque pourrait encore confirmer les enfants, s’il avait de graves raisons pour le faire.) — 9° En quelle partie ? (Il est nécessaire à la validité du sacrement que l’onction soit faite sur le front en forme de croix et avec la main du ministre. On ne peut appliquer le saint chrême au moyen d’un instrument, parce que dans ce cas l’imposition des mains n’aurait pas eu lieu, et cependant elle est essentielle.) — 10° Faut-il quelqu’un qui réponde pour celui qui doit être confirmé ? (Autrefois on donnait généralement des parrains et des marraines aux confirmands, mais cet usage n’existe plus dans la plupart des diocèses.) — 11° N’y a-t-il que les évêques qui confèrent ce sacrement ? (Le ministre ordinaire du sacrement de confirmation est l’évêque, d’après le concile de Florence, qui l’a ainsi expressément défini : Si quis dixerit sanctæ confirmationis ordinarium ministrum non esse solum episcopum, sed quemvis simplicem sacerdotem, anathema sit. Mais, par une délégation spéciale du souverain pontife, un simple prêtre peut être le ministre extraordinaire de ce sacrement. Legitur tamen, dit le pape Eugène IV, aliquando per apostolicæ sedis dispensationem ex rationabili et urgente admodùm causa, simplicem sacerdotem chrismate per episcopum confecto hoc administrasse confirmationis sacramentum.) — 12° De son rite. (Le concile de Trente a condamné d’une manière générale ceux qui ont attaqué les rites que l’Eglise observe dans l’administration des sacrements . Si quis dixerit receptos et approbatos Ecdesiæ catholicæ ritus, etc. (sess. 7, can. 15).)

 

Article 1 : La confirmation est-elle un sacrement ?

 

            Objection N°1. Il semble que la confirmation ne soit pas un sacrement. Car les sacrements tirent leur efficacité de l’institution divine, comme nous l’avons dit (quest. 64, art. 2). Or, on ne voit pas que le Christ ait institué la confirmation. Elle n’est donc pas un sacrement.

            Réponse à l’objection N°1 : Sur l’institution de ce sacrement il y a deux opinions. Les uns ont dit qu’il n’avait été institué ni par le Christ, ni par les apôtres ; mais qu’il l’avait été longtemps après dans un concile (Alexandre de Halès et saint Bonaventure ont enseigné que la confirmation avait été instituée par l’Eglise au concile de Meaux en l’année 845, quoique on ne trouve rien de semblable dans les canons de ce concile.). Les autres ont pensé qu’il avait été institué par les apôtres. Mais il ne peut en être ainsi, parce que, quand il s’agit d’instituer un nouveau sacrement ceci appartient à la puissance d’excellence qui ne convient qu’au Christ. C’est pourquoi il faut dire que le Christ a établi ce sacrement (Le concile de Trente a décidé que ce sacrement avait été institué, comme les autres sacrements de la nouvelle alliance, par Jésus-Christ (Voyez ce que nous avons dit à ce sujet, quest 64, art. 2). Mais les théologiens sont partagés sur le moment où le Christ a institué ce sacrement. Les uns disent qu’il l’a institué en imposant les mains aux petits enfants (Matth., chap. 19), les autres veulent qu’il ait été institué dans la dernière cène ; d’autres croient qu’il a été institué dans l’intervalle qui s’est écoulé entre la résurrection et l’ascension.) non pas en donnant l’Esprit-Saint, mais en le promettant (C’est-à-dire le Christ n’a pas administré lui-même ce sacrement, mais il n’a été promulgué que par les apôtres qui l’administraient eux-mêmes, comme on le voit (Actes, 8, 14 et suiv. ; 19, 6).), d’après ces paroles (Jean, 16, 7) : Si je ne m’en vais le Paraclet ne viendra pas à vous, mais si je m’en vais je vous l’enverrai. Et il en est ainsi parce que dans ce sacrement on confère la plénitude de l’Esprit-Saint qui ne devait pas être accordée avant la résurrection et l’ascension du Christ, d’après ces paroles (Jean, 7, 39) : L’Esprit n’était pas encore donné, parce que Jésus n’était pas encore glorifié.

 

            Objection N°2. Les sacrements de la loi nouvelle ont été figurés à l’avance dans la loi ancienne. Car saint Paul dit (1 Cor., 10, 2) : que s’unissant à Moïse, ils ont tous été baptisés dans la nuée et dans la mer, qu’ils ont tous mangé d’une même viande spirituelle et qu’ils ont tous bu le même breuvage spirituel. Or, la confirmation n’a point été figurée à l’avance dans l’Ancien Testament. Elle n’est donc pas un sacrement.

            Réponse à l’objection N°2 : La confirmation étant le sacrement de la plénitude de la grâce, il n’a pas été possible qu’il y eût quelque chose sous l’Ancien Testament qui lui répondît, parce que la loi n’a mené à rien de parfait, selon l’expression de saint Paul (Héb., 7, 19).

 

            Objection N°3. Les sacrements ont pour but le salut des hommes. Or, on peut être sauvé sans la confirmation. Car les enfants qui sont baptisés et qui meurent sans être confirmés sont sauvés. Elle n’est donc pas un sacrement.

            Réponse à l’objection N°3 : Comme nous l’avons dit (quest. 65, art. 4, Réponse N°3), tous les sacrements sont nécessaires au salut de quelque manière ; mais il y en a sans lesquels on ne peut être sauvé, et il y en a d’autres qui coopèrent à la perfection du salut. C’est de la sorte que la confirmation est nécessaire au salut, quoique sans elle on puisse être sauvé ; pourvu cependant qu’on ne néglige pas de la recevoir par mépris pour ce sacrement.

 

            Objection N°4. Par tous les sacrements de l’Eglise l’homme est rendu semblable au Christ qui en est l’auteur. Or, on ne voit pas que la confirmation nous rende semblable à lui, puisqu’il n’est pas dit qu’il ait été lui-même confirmé. La confirmation n’est donc pas un sacrement.

            Réponse à l’objection N°4 : Ceux qui reçoivent la confirmation, qui est le sacrement de la plénitude de la grâce, ressemblent au Christ en ce que dès le premier instant de sa conception il a été plein de grâce et de vérité, comme on le voit (Jean, chap. 1). Cette plénitude a été manifestée dans le baptême, quand l’Esprit-Saint est descendu sur lui sous une forme corporelle. D’où il est dit (Luc, 4, 1) : que Jésus étant plein du Saint-Esprit s’éloigna du Jourdain. Mais il ne convenait pas à la dignité du Christ qui est l’auteur des sacrements qu’il reçût d’un sacrement la plénitude de la grâce.

 

            Mais c’est le contraire. Le pape Melchiade écrit aux évêques d’Espagne (hab., De consecrat., chap. 3, dist. 5) : A l’égard de ce que vous demandez, si le sacrement de la confirmation est plus grand que le baptême, sachez qu’ils sont l’un et l’autre de grands sacrements.

 

            Conclusion Indépendamment du baptême il y a la confirmation qui est un sacrement spécial par lequel l’homme reçoit la vie spirituelle dans toute sa perfection et dans toute sa force.

            Il faut répondre que les sacrements de la loi nouvelle ont pour but des effets particuliers de la grâce. C’est pourquoi partout où il se présente un effet spécial de la grâce, il faut un sacrement particulier qui ait pour but de la produire. Et comme les choses sensibles et corporelles portent sur elles une image des choses spirituelles et intelligibles, nous pouvons d’après ce qui se passe dans la vie corporelle nous faire une idée des choses particulières qui se rencontrent dans la vie spirituelle de la grâce. Or, il est évident que dans la vie corporelle il y a une perfection spéciale qui fait arriver l’homme à l’âge parfait et qui lui permet de faire les actions d’un homme mûr. C’est ce qui fait dire à l’Apôtre (1 Cor., 13, 11) : Quand je suis devenu homme, je me suis défait de ce qui appartenait à l’enfance. D’où il suit qu’indépendamment du mouvement de la génération par lequel on reçoit la vie corporelle, il y a un mouvement d’accroissement par lequel on est amené à l’âge viril. Ainsi donc l’homme reçoit la vie spirituelle par le baptême qui est la régénération spirituelle ; au lieu que dans la confirmation il reçoit en quelque sorte l’âge parfait relativement à la vie spirituelle. D’où le pape Melchiade dit (loc. cit.) : L’Esprit Saint qui est descendu sur les eaux du baptême par un mouvement salutaire, leur a accordé dans toute sa plénitude la vertu de nous purifier, au lieu que dans la confirmation il nous accorde l’accroissement de la grâce. Ainsi dans le baptême nous sommes régénérés pour vivre, et après le baptême nous sommes confirmés pour combattre ; dans le baptême nous sommes lavés et après le baptême nous sommes fortifiés (C’est de là qu’est venu à ce sacrement le nom de Confirmation. In eo datur Spiritus sanctus ad robur, dit le pape Eugène IV, sicut datus est apostolis in die Pentecostes, ut videlicet christianus audacter Christi confiteatur nomen (Decretum ad armenos).). La confirmation est donc évidemment un sacrement spécial.

 

Article 2 : Le chrême est-il la matière convenable de ce sacrement ?

 

            Objection N°1. Il semble que le chrême ne soit pas la matière convenable de ce sacrement. Car ce sacrement, comme nous l’avons dit (art. préc., Réponse N°1), a été institué par le Christ, lorsqu’il promit à ses disciples l’Esprit-Saint. Or, il le leur envoya sans les oindre du saint chrême, et les apôtres conféraient aussi ce sacrement par la seule imposition des mains sans le chrême, puisqu’il est dit (Actes, chap. 8) que les apôtres imposaient les mains sur ceux qui étaient baptisés et qu’ils recevaient l’Esprit-Saint. Le chrême n’est donc pas la matière de ce sacrement, parce que la matière est nécessaire à un sacrement.

            Réponse à l’objection N°1 : Le Christ, par la puissance d’excellence qu’il a dans les sacrements, a conféré aux apôtres la chose de ce sacrement, c’est-à-dire la plénitude de l’Esprit-Saint sans le sacrement, parce qu’ils ont reçu les prémices de l’Esprit-Saint, comme le dit saint Paul (Rom., chap. 8). Cependant il leur a manifesté sensiblement quelque chose de conforme à la matière de ce sacrement, en leur conférant l’Esprit-Saint. Car si l’Esprit-Saint est descendu sur eux d’une manière sensible sous la forme du feu, c’était pour signifier la même chose que l’huile, avec cette seule différence que le feu a une force active, au lieu que l’huile a une force passive, en ce sens qu’elle est la matière du feu et son aliment. Ce qui d’ailleurs convenait assez ; parce que la grâce de l’Esprit-Saint devait découler par les apôtres sur les autres. L’Esprit-Saint est aussi descendu sur les apôtres sous la forme d’une langue ; ce qui a la même signification que le baume, avec cette différence que la langue communique avec les autres par la parole, au lieu que le baume le fait par l’odeur ; parce que les apôtres étaient remplis de l’Esprit-Saint comme les maîtres de la foi, tandis que les autres fidèles en sont remplis pour travailler par leurs œuvres à ce qui appartient à l’édification de l’Eglise. De même, lorsque les apôtres imposaient les mains et qu’ils prêchaient, la plénitude de l’Esprit-Saint descendait sur les fidèles sous des signes visibles, comme elle était descendue dès le commencement sur les apôtres. D’où saint Pierre dit (Actes, 11, 15) : Quand j’eus commencé à leur parler, le Saint-Esprit descendit sur eux, comme il était descendu sur nous au commencement. C’est pourquoi la matière sensible du sacrement n’était pas nécessaire, du moment que Dieu faisait paraître miraculeusement des signes visibles. Cependant les apôtres faisaient communément usage du saint chrême, quand ces signes sensibles ne se produisaient pas. Car saint Denis dit (De cœlest. hier., chap. 4) qu’il y a une opération perfective que les apôtres nos chefs appellent l’hostie du saint chrême (C’est sans doute pour ce motif que les Pères appellent ce sacrement le sacrement du chrême, le chrême du salut, le sceau de l’onction spirituelle. D’ailleurs les grecs ne pratiquent que l’onction, lorsqu’ils confèrent ce sacrement.).

 

            Objection N°2. La confirmation perfectionne d’une certaine manière le sacrement de baptême, comme nous l’avons dit (quest. 65, art. 3), et elle doit lui être conforme comme la perfection l’est à la chose perfectible. Or, dans le baptême la matière est un élément simple comme l’eau. Le chrême, qui est composé d’huile et de baume, n’est donc pas la matière convenable de ce sacrement.

            Réponse à l’objection N°2 : On reçoit le baptême pour arriver tout simplement à la vie spirituelle ; c’est pourquoi il est convenable que la matière de ce sacrement soit simple, au lieu que l’on confirme pour qu’on ait la plénitude de l’Esprit-Saint, dont l’opération a plusieurs formes, d’après ces paroles (Sag., 7, 22) : Il y a dans la sagesse un esprit d’intelligence qui est saint, unique, multiple dans ses effets ; et saint Paul dit (1 Cor., 12, 4) : que les grâces sont divisées, mais que l’Esprit est le même. C’est pour ce motif qu’il est convenable que la matière de ce sacrement soit composée.

 

            Objection N°3. Dans la matière de ce sacrement on emploie l’huile pour oindre. Or, on peut oindre avec toute espèce d’huile, comme celle qu’on fait avec des noix ou avec toute autre chose. On n’est donc pas obligé d’employer de l’huile d’olive pour ce sacrement.

            Réponse à l’objection N°3 : Les propriétés de l’huile par lesquelles on désigne l’Esprit-Saint se rencontrent plutôt dans l’huile d’olive que dans toute autre ; ainsi l’olive ayant toujours les feuilles vertes signifie mieux la vigueur et la miséricorde de l’Esprit-Saint. Cette huile reçoit proprement le nom d’huile, et on en fait surtout usage partout où l’on peut s’en procurer. Tout autre liquide ne reçoit le nom d’huile que par analogie ; on n’en fait usage ordinairement que pour suppléer à l’huile d’olive dans les pays où l’on n’en a pas. C’est pourquoi c’est la seule huile qu’on emploie (L’huile est nécessaire à la validité du sacrement, mais il ne faut que de l’huile d’olive. Le baume est probablement nécessaire aussi ; c’est du moins le sentiment le plus commun, mais il importe peu de quelle contrée il vienne. Cajétan, Soto, Estius, Juenin, Witasse, Tournély, ne le croient pas nécessaire d’une nécessité absolue.) pour la confirmation et les autres sacrements.

 

            Objection N°4. Nous avons dit (quest. 66, art. 3) que l’on emploie l’eau comme la matière du baptême, parce qu’on la trouve partout facilement. Or, ou ne trouve pas partout de l’huile d’olive et encore moins du baume. Le chrême qui en est composé n’est donc pas la matière convenable de ce sacrement.

            Réponse à l’objection N°4 : Le baptême est un sacrement d’une nécessité absolue ; c’est pour cela qu’on doit en trouver la matière partout. Mais quand il s’agit delà matière d’un sacrement qui n’est pas absolument nécessaire, il suffît qu’on puisse facilement la transporter dans tous les lieux du monde.

 

            Mais c’est le contraire. Saint Grégoire dit (liv. 3, epist. 9) : Que les prêtres n’aient pas la présomption de marquer du saint chrême le front des enfants qui sont baptisés. Le chrême est donc la matière de ce sacrement.

 

           Conclusion Puisqu’on désigne par l’huile la plénitude de l’Esprit-Saint, qui est conférée dans la confirmation pour fortifier celui qui reçoit ce sacrement, l’huile mêlée de baume pour répandre une bonne odeur est la matière qui convient à ce sacrement.

            Il faut répondre que le chrême est la matière convenable de ce sacrement (C’est ce que dit le pape Eugène IV : Secundum sacramentum est confirmatio ; cujus materia est chrisma confectum ex oleo quod nitorem significat conscientiæ, et balsamum quod odorem significat bonæ famæt. (Décret. ad armenos).). Car, comme nous l’avons dit (art. préc.), ce sacrement confère la plénitude de l’Esprit-Saint pour que l’on ait la force spéciale qui convient à l’âge viril. Or, l’homme, quand il est parvenu à l’âge viril, commence à communiquer ses actions aux autres, tandis qu’auparavant chacun vit en particulier pour soi. La grâce de l’Esprit-Saint étant désignée par l’huile, il s’ensuit qu’on dit que le Christ a été oint de l’huile de la joie, à cause de la plénitude de l’Esprit-Saint qu’il a eue ; c’est pour ce motif que l’huile convient à la matière de ce sacrement. On y ajoute du baume à cause de la bonne odeur qu’il répand sur les autres. D’où l’Apôtre dit (2 Cor., 2,1 5) : Nous sommes devant Dieu la bonne odeur du Christ. — Et quoiqu’il y ait beaucoup d’autres substances odoriférantes, cependant on emploie surtout le baume parce qu’il répand le plus d’odeur, et qu’il rend incorruptible (Le catéchisme du concile de Trente attache la même signification à l’huile et au baume (De confirmat. sacram, § 7).). D’où il est dit (Ecclésiastique, 24, 21) : L’odeur que je répands est comme le baume le plus pur.

 

Article 3 : Est-il nécessaire pour le sacrement de confirmation que le chrême ait été auparavant consacré par lévêque ?

 

            Objection N°1. Il semble qu’il ne soit pas nécessaire à ce sacrement que le chrême qui en est la matière, ait été auparavant consacré par l’évêque. Car le baptême qui remet pleinement les péchés n’est pas moins efficace que ce sacrement. Or, quoique l’eau baptismale soit sanctifiée avant le baptême, cependant elle n’est pas nécessaire au sacrement, puisqu’on peut s’en passer à l’article de la mort. Il n’est donc pas nécessaire non plus pour la confirmation que le chrême ait été auparavant consacré par l’évêque.

 

            Objection N°2. La même chose ne doit pas être consacrée deux fois. Or, la matière du sacrement est sanctifiée dans la collation même du sacrement par la forme des paroles au moyen de laquelle on le confère. D’où saint Augustin dit (Tract. 80 in Joan.) : La parole s’adjoint à l’élément et le sacrement est produit. Le chrême ne doit donc pas être consacré avant que le sacrement soit administré.

            Réponse à l’objection N°2 : La double consécration du chrême ne se rapporte pas au même but. Car comme un instrument acquiert sa vertu instrumentale de deux manières, d’abord quand il reçoit sa forme d’instrument, et ensuite quand il est mû par l’agent principal pour produire son effet ; de même la matière du sacrement a besoin d’une double sanctification : par l’une elle devient la matière propre d’un sacrement et par l’autre elle est appliquée à son effet.

 

            Objection N°3. Toute consécration qui est produite dans les sacrements a pour but de conférer la grâce. Or, la matière sensible faite d’huile et de baume n’est pas capable de recevoir la grâce. Elle ne doit donc pas être consacrée.

            Réponse à l’objection N°3 : Une matière corporelle n’est pas capable de la grâce, de manière à en être le sujet, mais elle en est seulement capable comme instrument, ainsi que nous l’avons dit (quest. 62, art. 1 à 3). La matière du sacrement est consacrée à cet effet, soit par le Christ lui-même, soit par l’évêque qui représente la personne du Christ dans l’Eglise (Plusieurs docteurs pensent cependant que le souverain pontife pourrait déléguer un simple prêtre pour cette consécration.).

 

            Mais c’est le contraire. Le pape Innocent dit (hab., De consecrat., chap. 119, dist. 4, De presbyteris) : Que les prêtres quand ils baptisent oignent ceux qui reçoivent ce sacrement du chrême que l’évêque a consacré, mais qu’ils ne les marquent pas au front avec cette huile ; ce qui est réservé aux évêques, quand ils donnent l’Esprit-Saint ; ce qui a lieu en effet dans la confirmation. Le chrême consacré par l’évêque est donc nécessaire pour ce sacrement.

 

            Conclusion Puisque le Christ ne s’est point du tout servi d’onctions visibles, le chrême aussi bien que l’huile sainte des infirmes doivent être bénis avant de les employer pour un sacrement.

            Il faut répondre que toute la sanctification des sacrements découle du Christ, comme nous l’avons dit (quest. 64, art. 3). Or, il est à remarquer que le Christ a fait usage lui-même des sacrements qui ont une matière corporelle, comme le baptême et l’eucharistie. C’est pourquoi par là même que le Christ a fait usage de la matière de ces sacrements, il l’a rendue apte à être employée sacramentellement. C’est ce qui fait dire à saint Chrysostome (loc. cit. sup.) que jamais les eaux du baptême ne pourraient purifier les péchés des fidèles, si elles n’avaient été sanctifiées par le contact du corps du Seigneur. De même le Seigneur prit le pain et le bénit ; et il en fit autant pour le calice, comme on le voit (Matth., chap. 26 et Luc, chap. 22). C’est pour ce motif qu’il n’est pas nécessaire pour ces sacrements que leur matière soit auparavant bénite, parce que la bénédiction du Christ suffit. Ou bien si on les bénit, on le fait pour la solennité du sacrement, et non par nécessité. — Quant aux onctions visibles le Christ n’en a pas fait usage, pour ne pas porter injure à l’onction invisible dont il a été oint d’une manière plus excellente que ceux qui lui ont été associés (Ps. 44, 8). C’est pour cela qu’on bénit le chrême et l’huile sainte des infirmes, avant de les employer pour un sacrement.

            La réponse à la première objection est évidente d’après ce que nous avons dit (dans le corps de l’article.).

 

Article 4 : Cette forme du sacrement de confirmation : Je te marque du signe de la croix, etc., est-elle convenable ?

 

            Objection N°1. Il semble que cette forme : Je te marque du signe de la croix et je te confirme par le chrême du salut, au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit, ainsi soit-il, ne soit pas convenable. Car l’usage des sacrements vient du Christ et des apôtres. Or, le Christ n’a pas établi cette forme et on ne voit pas que les apôtres s’en soient servis. Cette forme du sacrement de confirmation n’est donc pas convenable.

            Réponse à l’objection N°1 : Comme nous l’avons dit (art. 2, Réponse N°1), les apôtres conféraient quelquefois l’effet de ce sacrement, c’est-à-dire la plénitude de l’Esprit-Saint, par des signes visibles qui étaient miraculeusement produits par Dieu, qui peut conférer l’effet du sacrement sans le sacrement ; et alors ni la matière, ni la forme du sacrement n’étaient nécessaires. D’autres fois ils administraient ce sacrement, comme ministres des sacrements, et dans ce cas ils faisaient usage de la matière et de la forme d’après le précepte du Christ. Car en conférant les sacrements, les apôtres observaient beaucoup de choses qui ne nous ont pas été transmises dans les Ecritures qu’ils nous ont laissées. D’où saint Denis dit (De eccles. hier., chap. ult.) que pour les paroles par lesquelles les sacrements se confèrent, il n’est pas juste de faire connaître de tout le monde leur sens mystique, ni les vertus que Dieu opère secrètement par leur moyen, mais il faut que notre tradition sainte les enseigne sans éclat, c’est-à-dire en secret. C’est pourquoi l’Apôtre dit en parlant de la célébration de l’eucharistie (1 Cor., 11, 34) : Je réglerai les autres choses quand je serai arrivé.

 

            Objection N°2. Comme le sacrement est le même pour tous, la forme doit être aussi la même ; parce que toute chose tire son unité comme son être de sa forme. Or, tous ne se servent pas de cette même formule ; car il y en a qui disent : Je te confirme par le chrême de la sanctification. La forme de ce sacrement n’est donc pas convenable.

            Réponse à l’objection N°2 : La sainteté est la cause du salut ; c’est pourquoi il revient au même de dire, le chrême du salut et le chrême de la sanctification.

 

            Objection N°3. Ce sacrement doit être conforme au baptême, comme la perfection à l’objet perfectible, ainsi que nous l’avons dit (quest. 65, art. 4, et art. 2, Réponse N°2). Or, dans la forme du baptême il n’est pas parlé de la marque du caractère, ni de la croix du Christ (quoique cependant par le baptême l’homme meure avec le Christ, selon l’expression de saint Paul (Rom., chap. 6) ; il n’est pas non plus fait mention de son effet salutaire, quoique le baptême soit nécessaire pour être sauvé. Dans la forme de ce dernier sacrement on pose seulement l’acte et on exprime la personne de celui qui baptise en disant : Je te baptise, et c’est le contraire qu’on remarque dans la formule précédente. Elle n’est donc pas convenable.

            Réponse à l’objection N°3 : Le baptême est la régénération de la vie spirituelle dont l’homme vit en lui-même. C’est pourquoi on ne met dans la forme du baptême qu’un seul acte qui appartient à l’homme qui doit être sanctifié. Or, le sacrement de confirmation n’a pas seulement pour but de sanctifier l’homme en lui-même, mais de le mettre à même de soutenir un combat extérieur. C’est pourquoi il n’est pas seulement fait mention de la sanctification intérieure par ces paroles : Je te confirme par le chrême du salut ; mais l’homme est encore enrôlé pour ainsi dire sous l’étendard de la croix (Il est très probable que le signe de la croix est nécessaire pour la validité du sacrement, parce que sans cela la vérité de la forme ne serait pas sauvée.) pour le combat spirituel ; ce qui est désigné par ces paroles : Je te marque du signe de la croix. D’ailleurs par le verbe baptiser, qui signifie l’ablution, on peut entendre la matière qui est l’eau qui purifie et l’effet salutaire ; ce que l’on n’entend pas par le verbe confirmer. C’est pourquoi il a fallu mettre ces deux choses. D’ailleurs nous avons dit plus haut (quest. 66, art. 5, Réponse N°1) que le mot ego n’est pas nécessaire à la forme baptismale, parce qu’il est compris dans le verbe mis à la première personne. Cependant on l’ajoute pour exprimer l’intention, ce qui n’est pas aussi nécessaire dans la confirmation, qui n’est conférée que par un ministre supérieur, comme nous le dirons (art. 11).

 

            Mais c’est le contraire. Car cette forme a pour elle l’autorité de l’Eglise, qui en fait usage communément (Le décret d’Eugène IV pour les arméniens est très exprès : Secundum sacramentum est confirmatio, cujus… forma est : Signo te signo crucis, et confirmo te chrismate salutis, in nomine Patris et Filii et Spiritûs sancti.).

 

            Conclusion Ces paroles : Je te marque du signe de la croix et je te confirme par le chrême du salut, au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit, exprimant la force spirituelle et sa cause avec le signe qu’on donne au combattant, cette formule convient au sacrement de confirmation.

            Il faut répondre que cette forme convient à ce sacrement. Car comme la forme d’une chose naturelle lui donne son espèce, de même la forme d’un sacrement doit contenir tout ce qui appartient à l’espèce de ce sacrement. Or, comme on le voit d’après ce que nous avons dit (art. 1), ce sacrement nous confère l’Esprit-Saint pour nous fortifier et nous rendre aptes à soutenir le combat spirituel. C’est pourquoi il y a trois choses qui sont nécessaires à ce sacrement, et qui sont renfermées dans la formule précédente. La première c’est la cause qui confère la plénitude de la force spirituelle ; cette cause est la sainte Trinité qu’on exprime en disant : Au nom du Père, etc. La seconde est la force spirituelle qui est conférée à l’homme pour le salut par la matière visible ; ce que l’on indique en disant : Je te confirme avec le chrême du salut. La troisième est le signe qu’on donne au combattant ; car, comme dans un combat corporel, les soldats sont revêtus des insignes de leurs chefs, on dit pour ce motif : Je te marque du signe de la croix, par lequel notre roi a triomphé (Le catéchisme du concile de Trente embrasse le même sentiment que saint Thomas et reproduit littéralement les mêmes raisons (Voy. De confirmat. sacramento, § 9).), comme le dit saint Paul (Col., chap. 2).

 

Article 5 : Le sacrement de confirmation imprime-t-il caractère ?

 

            Objection N°1. Il semble que le sacrement de confirmation n’imprime pas caractère. Car le caractère implique un signe distinctif. Or, le sacrement de confirmation ne distingue pas des infidèles ceux qui le reçoivent, puisque cet effet est produit par le baptême. Il ne le distingue pas non plus des autres fidèles, parce que ce sacrement a pour but le combat spirituel qui est soutenu par tous les chrétiens. Ce sacrement n’imprime donc aucun caractère.

            Réponse à l’objection N°1 : Le combat spirituel contre les ennemis invisibles convient à tout le monde ; mais quand il s’agit de combattre les ennemis visibles, c’est-à-dire les persécuteurs de la foi, en confessant publiquement le nom du Christ, c’est le propre de ceux qui ont été confirmés et qui sont arrivés spirituellement à l’âge viril, d’après ces paroles de l’Apôtre (1 Jean, 2, 14) : Je vous écris, jeunes gens, parce que vous êtes forts et que la parole de Dieu reste en vous, et que vous avez vaincu le malin esprit. C’est pourquoi le caractère de la confirmation est un signe distinctif qui ne discerne pas les infidèles des fidèles, mais qui discerne ceux qui sont spirituellement arrivés à l’âge parfait de ceux dont il est dit (1 Pierre, 2, 2) : Comme des enfants nouveau-nés.

 

            Objection N°2. Nous avons dit (quest. 63, art. 2) que le caractère est une puissance spirituelle. Or, une puissance est ou active ou passive. La puissance active est conférée dans les sacrements par le sacrement de l’ordre, et la puissance passive ou de réceptivité l’est par le sacrement de baptême. Le sacrement de confirmation n’imprime donc aucun caractère.

            Réponse à l’objection N°2 : Tous les sacrements sont des professions de foi. Ainsi donc, comme celui qui est baptisé reçoit la puissance spirituelle de professer la foi en recevant les autres sacrements ; de même celui qui est confirmé reçoit publiquement le pouvoir de professer la foi du Christ par ses paroles, comme par devoir.

 

            Objection N°3. La circoncision, qui est un caractère corporel, n’imprime pas de caractère spirituel. Or, la confirmation imprime un caractère corporel, puisque l’homme est marqué par le chrême du signe de la croix au front. Elle n’imprime donc pas de caractère spirituel.

            Réponse à l’objection N°3 : Les sacrements de l’ancienne loi sont appelés des justices charnelles, comme on le voit (Héb., chap. 9), parce qu’ils ne produisaient rien intérieurement. C’est pourquoi la circoncision n’imprimait de caractère que sur le corps, et n’en imprimait point dans l’âme ; au lieu que la confirmation imprime tout à la fois un caractère corporel et un caractère spirituel, parce qu’elle est un sacrement de la loi nouvelle.

 

            Mais c’est le contraire. Tout sacrement qui ne se réitère pas imprime caractère. Or, le sacrement de confirmation ne se réitère pas. Car saint Grégoire dit (hab., De consecr., dist. 5, chap. 9) que pour l’homme qui a été confirmé de nouveau par le pontife, on ne doit pas permettre la réitération de ce sacrement (Dans le cas de doute, on peut confirmer un adulte sans qu’il soit nécessaire d’exprimer la condition, mais il faut des raisons plus graves qu’à l’égard du baptême, parce que ce dernier sacrement est de nécessité de moyen, tandis que l’autre ne l’est pas.). La confirmation imprime donc caractère.

 

            Conclusion Puisque par le sacrement de confirmation les hommes reçoivent la puissance et la force de combattre spirituellement les ennemis de la foi, il est nécessaire que quand on le reçoit, il imprime caractère.

            Il faut répondre que, comme nous l’avons dit (quest. 63, art. 2), le caractère est une puissance spirituelle qui se rapporte à des actions sacrées. Or, nous avons dit (art. 1) que comme le baptême est une régénération spirituelle du chrétien ; de même la confirmation est un accroissement spirituel qui fait arriver l’homme à l’âge parfait de la vie spirituelle. — Par analogie à la vie corporelle, il est évident que l’action de l’homme immédiatement après sa naissance est autre que celle qui lui convient quand il est parvenu à l’âge de la virilité. C’est pourquoi le sacrement de confirmation donne la puissance spirituelle à l’homme pour d’autres choses sacrées que celles auxquelles se rapporte la puissance qu’il reçoit dans le baptême. En effet, dans le baptême, l’homme reçoit le pouvoir de faire ce qui appartient à son propre salut, c’est-à-dire selon qu’il vit pour lui-même ; au lieu que dans la confirmation il reçoit le pouvoir de faire ce qui appartient au combat spirituel qu’il doit soutenir contre les ennemis de la foi ; comme on le voit par l’exemple des apôtres, qui, avant de recevoir la plénitude de l’Esprit-Saint, étaient continuellement en prières dans le cénacle. Mais une fois qu’ils en furent sortis, ils né craignirent plus de confesser publiquement leur foi, même en présence des ennemis du christianisme. C’est pourquoi il est évident que le sacrement de confirmation imprime caractère (A cet égard Cf. Const. apost., liv. 3, chap. 16 ; Tertull., De prœscript., chap. 40 ; Corn. pap., Epist, ad Fab., saint Cypr., Ep. 73 ad Jubaian. ; Innoc. I, Ep. ad Decret. ; saint Ambros., De sacram., liv. 3, chap. 2 ; August., Cont. litt. Petit., liv. 3, chap. 8 ; Conc, Tolet. an. 633.).

 

Article 6 : Le caractère de la confirmation présuppose-t-il le caractère du baptême ?

 

            Objection N°1. Il semble que le caractère de la confirmation ne présuppose pas nécessairement le caractère baptismal. Car le sacrement de confirmation a pour but de confesser publiquement la foi du Christ. Or, il y en a beaucoup qui ont confessé publiquement la foi du Christ avant le baptême et qui ont versé leur sang pour la foi. Le caractère de la confirmation ne présuppose donc pas celui du baptême.

            Réponse à l’objection N°1 : La vertu divine n’est pas enchaînée aux sacrements. Ainsi, un homme peut recevoir la puissance spirituelle nécessaire pour confesser publiquement la foi du Christ sans le sacrement de confirmation, comme il peut aussi recevoir la rémission de ses péchés sans le baptême. Cependant comme personne n’obtient l’effet du baptême sans désirer recevoir ce sacrement ; de même personne ne reçoit l’effet de la confirmation sans en avoir le désir. Et on peut avoir ce désir avant de recevoir le baptême.

 

            Objection N°2. On ne dit pas que les apôtres aient été baptisés, et on voit même (Jean, chap. 4) que le Christ ne baptisait pas, mais que ses disciples baptisaient. Cependant ils ont été ensuite confirmés par l’arrivée de l’Esprit-Saint. Les autres peuvent donc être de même confirmés, avant qu’ils soient baptisés.

            Réponse à l’objection N°2 : Comme le dit saint Augustin (Ep. 255), ces paroles du Seigneur (Jean, 13, 10) : Celui qui a été déjà lavé, n’a plus besoin que de se laver les pieds, signifient que saint Pierre et les autres disciples du Christ ont été baptisés, soit qu’ils aient reçu le baptême de Jean, comme quelques-uns le pensent, ou ce qui est plus croyable, soit qu’ils aient reçu le baptême du Christ. Car il ne se refusa pas de baptiser, quoiqu’il ait eu des serviteurs baptisés par lesquels il baptisait les autres.

 

            Objection N°3. Il est dit (Actes, 10, 44) : que quand saint Pierre parlait encore, l’Esprit- Saint descendit sur ceux qui écoutaient sa parole et qui les entendaient parler diverses langues. Et ensuite saint Pierre ordonna de les baptiser. Pour la même raison on peut donc confirmer les autres avant de les baptiser.

            Réponse à l’objection N°3 : Ceux qui ont entendu la prédication de saint Pierre ont reçu miraculeusement l’effet de la confirmation, mais ils n’en ont pas reçu le sacrement. Or, nous avons dit (art. 2, Réponse N°1, et art. 4, Réponse N°1) que l’effet de la confirmation peut être conféré à quelqu’un avant le baptême, mais qu’il n’en est pas de même du sacrement. Car comme l’effet de la confirmation, qui est la force spirituelle, présuppose l’effet du baptême, qui est la justification ; de même le sacrement de confirmation présuppose celui du baptême.

 

            Mais c’est le contraire. Raban Maur dit (Lib. de instit. cler., liv. 1, chap. 30) : Que l’évêque donne le Paraclet par l’imposition des mains à celui qui vient d’être baptisé, afin qu’il soit fortifié par l’Esprit-Saint pour prêcher la foi.

 

            Conclusion Comme on ne peut parvenir à l’âge viril si l’on n’est né auparavant, de même on ne peut recevoir le sacrement de confirmation si l’on n’a été auparavant baptisé.

            Il faut répondre que le caractère de la confirmation présuppose nécessairement le caractère baptismal ; de telle sorte que si quelqu’un était confirmé sans avoir été baptisé, il ne recevrait rien ; mais il faudrait qu’il fût confirmé de nouveau après le baptême. La raison en est que la confirmation est au baptême ce que l’accroissement est à la génération, comme on le voit d’après ce que nous avons dit (art. 1). Or, il est évident que personne ne peut arriver à l’âge parfait, s’il ne naît préalablement. De même, si on n’a pas d’abord été baptisé, on ne peut recevoir le sacrement de confirmation.

 

Article 7 : Le sacrement de confirmation confère-t-il la grâce sanctifiante ?

 

            Objection N°1. Il semble que ce sacrement ne confère pas la grâce sanctifiante. Car la grâce sanctifiante se rapporte à la faute ; au lieu que le sacrement de confirmation, comme nous l’avons dit (art. préc.), ne se confère qu’à ceux qui sont baptisés et qui n’ont plus de péché. Ce sacrement ne confère donc pas la grâce sanctifiante.

            Réponse à l’objection N°1 : Le premier effet de la grâce sanctifiante est la rémission de la faute ; cependant elle produit aussi d’autres effets, parce qu’elle suffit pour faire passer l’homme par tous les degrés jusqu’à la vie éternelle, d’après ces paroles (Rom., 6, 27) : La grâce de Dieu est la vie éternelle. D’où il a été dit à saint Paul (2 Cor., 12, 9) : Ma grâce vous suffit. Et il dit de lui-même (1 Cor., 15, 10) : Je suis par la grâce de Dieu ce que je suis. C’est pourquoi la grâce sanctifiante n’est pas seulement accordée pour la rémission des péchés, mais encore pour accroître et affermir la justice. Par conséquent ce sacrement la confère.

 

            Objection N°2. Les pécheurs ont surtout besoin de la grâce sanctifiante qui est la seule par laquelle on puisse être justifié. Si donc la confirmation confère la grâce sanctifiante, il semble qu’on devrait la conférer aux hommes qui sont dans le péché ; ce qui cependant n’est pas vrai.

            Réponse à l’objection N°2 : Comme le nom de ce sacrement l’indique, il est conféré pour confirmer ce qui existait préalablement ; c’est pourquoi on ne doit pas l’administrer à ceux qui n’ont pas la grâce. C’est aussi pour ce motif que comme on ne le confère pas à ceux qui ne sont pas baptises, de même on ne doit pas non plus l’accorder aux pécheurs adultes, à moins qu’ils n’aient réparé leurs fautes par la pénitence. D’où il est dit dans un concile d’Orléans (hab., De consecr., chap. 6, distinct. 5) : Que ceux qui se présentent à la confirmation soient à jeun, qu’on les avertisse de se confesser auparavant, afin qu’étant purifiés ils puissent recevoir le don de l’Esprit-Saint. Alors ce sacrement perfectionne l’effet de la pénitence, comme celui de baptême ; parce que par la grâce qu’il reçoit dans la confirmation le pénitent reçoit une rémission plus pleine de ses péchés. Et si un adulte est en état de péché sans en avoir la conscience, ou bien s’il se présente sans être parfaitement contrit (Ainsi, quoique le sacrement de confirmation ait pour objet propre de produire la grâce d’accroissement et de développement, cependant il lui arrive de produire quelquefois la première grâce sanctifiante, qui efface le péché mortel. C’est ce qu’exprime positivement saint Liguori : Aliquando prima gratia sanctificans per hoc sacramentum confertur (liv. 6, n° 169).), il obtiendra la rémission de ses péchés par la grâce qu’il aura reçue dans ce sacrement, pourvu qu’il ne s’en approche pas avec dissimulation.

 

            Objection N°3. La grâce sanctifiante ne diffère pas d’espèce, puisqu’elle ne se rapporte qu’à un seul effet. Or, il ne peut y avoir deux formes de la même espèce dans le même sujet. Par conséquent, puisque la grâce sanctifiante est conférée à l’homme par le baptême, il semble que le sacrement de confirmation qu’on ne confère qu’à celui qui est baptisé ne confère pas cette grâce.

           Réponse à l’objection N°3 : Comme nous l’avons dit (quest. 62, art. 2), la grâce sacramentelle ajoute à la grâce sanctifiante, prise en général, quelque chose qui produit l’effet particulier auquel le sacrement se rapporte. Par conséquent, si on considère la grâce conférée dans la confirmation par rapport à ce qu’il y a de commun et de général, ce sacrement ne confère pas une autre grâce que le baptême, mais il augmente celle qui existait auparavant. Si on la considère par rapport à l’effet spécial qu’il surajoute, la grâce qu’il confère n’est pas de la même espèce que celle du baptême.

 

            Mais c’est le contraire. Le pape Melchiade dit (Ep. ad Hispan., hab., chap. 2 De consecrat., dist. 5) : Dans le baptême l’Esprit-Saint accorde la plénitude de l’innocence, et la confirmation donne l’accroissement de la grâce.

 

            Conclusion Puisque la confirmation donne l’Esprit-Saint pour fortifier, il est évident qu’il confère la grâce sanctifiante.

            Il faut répondre que ce sacrement (art. 4) confère à celui qui est baptisé l’Esprit-Saint (Nous recevons ainsi par ce sacrement les sept dons de l’Esprit-Saint, qui sont : les dons de sagesse, d’intelligence, de conseil, de force, de science, de piété et de crainte.) pour le fortifier, comme les apôtres l’ont reçu le jour de la Pentecôte (Actes, chap. 2), et comme le recevaient par l’imposition des mains des apôtres ceux qui avaient été baptisés, ainsi qu’on le voit (Actes, chap. 8). Or, nous avons montré (1a pars, quest. 43, art. 3) que la mission ou le don de l’Esprit-Saint n’existe qu’avec la grâce sanctifiante. D’où il est évident que la grâce sanctifiante est conférée par ce sacrement.

 

Article 8 : Le sacrement de confirmation doit-il être conféré à tous les fidèles ?

 

            Objection N°1. Il semble qu’on ne doive pas conférer la confirmation à tous les fidèles. Car ce sacrement a pour but de donner une certaine supériorité, comme nous l’avons dit (art. 1 et art. 4). Or, ce qui excelle ne convient pas à tout le monde. On ne doit donc pas donner la confirmation à tous les fidèles.

            Réponse à l’objection N°1 : La confirmation est donnée pour qu’on acquière une certaine excellence, non celle d’un homme sur un autre, comme le sacrement de l’ordre, mais celle de l’homme sur lui-même. C’est ainsi que le même individu, quand il est homme parfait, l’emporte sur ce qu’il était n’étant qu’enfant.

 

            Objection N°2. Ce sacrement fait arriver celui qui le reçoit jusqu’à l’âge parfait de la vie spirituelle. Or, cet état répugne à l’enfance. On ne doit donc pas du moins conférer ce sacrement aux enfants.

            Réponse à l’objection N°2 : Comme nous l’avons dit (dans le corps de l’article.), l’âge du corps ne fait rien à l’âme. Ainsi dans l’enfance l’homme peut obtenir la perfection de la vie spirituelle. C’est ce qui fait dire au Sage (Sag., 4, 8) que ce qui rend la vieillesse vénérable, ce n’est pas la longueur de la vie et le nombre des années. Ainsi on a vu beaucoup d’enfants qui, fortifiés par l’Esprit-Saint qu’ils avaient reçu, ont combattu courageusement pour le Christ jusqu’à verser leur sang.

 

            Objection N°3. Selon l’expression du pape Melchiade (Epist. ad Hisp., hab., chap. 2 De consecrat., dist. 5), après le baptême nous sommes confirmés pour le combat. Or, il ne convient pas aux femmes de combattre à cause de la fragilité de leur sexe. On ne doit donc pas les confirmer.

            Réponse à l’objection N°3 : Comme le dit saint Chrysostome (Hom. de Machab.), dans les combats de la terre on recherche la dignité de l’âge, de la beauté et de la naissance, et c’est pour ce motif qu’on en interdit l’entrée aux esclaves, aux femmes, aux vieillards et aux enfants ; mais pour les combats du ciel la lice est indistinctement ouverte à toute personne, à tout âge et à tout sexe. Et ailleurs le même auteur ajoutait (Hom. de militiâ spirit.) : Devant Dieu les femmes combattent aussi. Car il y a beaucoup de femmes qui ont soutenu des combats spirituels avec un courage viril. Il y en a qui par la vertu de l’homme intérieur ont égalé les héros chrétiens dans la lutte du martyre, et il y en a qui ont été plus courageuses que des hommes. C’est pourquoi on doit aussi donner la confirmation aux femmes.

 

            Objection N°4. Le même pontife dit encore (loc. cit.) que quoique les bienfaits de la régénération suffisent à ceux qui ne font que passer, cependant les secours de la confirmation sont nécessaires à ceux qui doivent vaincre ; parce que la confirmation donne les armes et les instructions qu’il faut pour soutenir les luttes et les combats de ce monde : quant à celui qui après le baptême vient à mourir sans tache avec l’innocence qu’il a recouvrée, il est confirmé par la mort ; parce qu’il ne peut plus pécher après son trépas. On ne doit donc pas confirmer ceux qui sont sur le point de mourir, et par conséquent ce sacrement ne doit pas être administré à tout le monde.

            Réponse à l’objection N°4 : Comme nous l’avons dit (dans le corps de l’article.), l’âme à laquelle appartient la vie spirituelle est immortelle. C’est pour cette raison qu’on doit aussi confirmer ceux qui sont sur le point de mourir (Cependant ce n’est pas l’usage, sans doute parce qu’il ne serait pas facile qu’un évêque pût décemment aller de maison en maison pour conférer ce sacrement.), afin qu’ils paraissent parfaits à la, résurrection, d’après ces paroles de saint Paul (Eph., 4, 13) : afin que nous parvenions tous à l’état d’un homme par fait, à la mesure de l’âge de la plénitude du Christ. C’est ce qui fait dire à Hugues de Saint-Victor (De sacr., liv. 2, p. 7, chap. 3), qu’il serait dangereux de sortir de cette vie sans la confirmation ; non parce qu’on serait damné, à moins qu’on ne le fit par mépris ; mais parce qu’on serait privé de la perfection qu’on aurait dû avoir. Ainsi les enfants qui meurent après avoir été confirmés obtiennent une plus grande gloire, comme ici-bas ils obtiennent une grâce plus grande. Le passage allégué signifie que ceux qui sont sur le point de mourir n’ont pas besoin de la confirmation pour résister au péril qu’on court dans les combats de la vie présente.

 

            Mais c’est le contraire. Il est dit (Actes, 2, 2) que l’Esprit-Saint arrivant remplit toute la maison (ce qui signifie l’Eglise), puis l’écrivain sacré ajoute : qu’ils furent tous remplis de l’Esprit-Saint. Or, le sacrement de confirmation est conféré pour qu’on obtienne cette plénitude. On doit donc le conférer à tous ceux qui sont dans l’Eglise.

 

            Conclusion Puisque Dieu à l’intention de tout amener à la perfection, on doit conférer à tous les fidèles le sacrement de confirmation par lequel l’âme arrive à la perfection de la vie spirituelle.

            Il faut répondre que, comme nous l’avons dit (art. 1), le sacrement de confirmation fait arriver spirituellement l’homme à l’âge parfait. Or, il est dans l’intention de la nature que tout ce qui naît corporellement parvienne à l’âge parfait ; mais quelquefois cet effet est empêché par la corruptibilité du corps que la mort prévient A plus forte raison est-il dans l’intention de Dieu de mener toutes choses à leur perfection, et c’est en l’imitant que la nature participe à ce dessein. D’où il est dit (Deut., 32, 4) : Les œuvres de Dieu sont parfaites. Mais l’âme, à laquelle appartient la naissance spirituelle et la perfection de la vie spirituelle, est immortelle. Et comme elle peut naître spirituellement dans le temps de la vieillesse, de même elle peut arriver à l’âge parfait dans le temps de la jeunesse ou de l’enfance, parce que ces périodes de la vie corporelle ne font rien à l’âme (On peut aussi confirmer ceux qui sont idiots ou insensés et qui n’ont jamais eu l’usage de raison. Comme le baptême produit son effet sur leur âme, de même aussi la confirmation.). C’est pourquoi on doit conférer à tout le monde le sacrement de confirmation.

 

Article 9 : Doit-on confirmer sur le front ?

 

            Objection N°1. Il semble qu’on ne doive pas conférer ce sacrement à l’homme sur le front. Car il est le perfectionnement du baptême, comme nous l’avons dit (quest. 65, art. 4). Or, le sacrement de baptême est conféré à l’homme dans tout son corps. On ne doit donc pas conférer la confirmation seulement sur le front.

            Réponse à l’objection N°1 : Par le baptême nous sommes régénérés à la vie spirituelle qui appartient à l’homme tout entier ; au lieu que la confirmation nous fortifie pour le combat, dont le signe doit être porté sur le front, comme sur le lieu le plus évident.

 

            Objection N°2. Ce sacrement est donné pour fortifier spirituellement, comme nous l’avons dit (art. 1 et 2.). Or, la force spirituelle consiste surtout dans le cœur. On doit donc plutôt confirmer sur le cœur que sur le front.

            Réponse à l’objection N°2 : Le principe de la force est dans le cœur, mais on en voit le signe sur le front. D’où le Seigneur dit au prophète (Ez., 3, 8) : Voilà je vous ai donné un front plus dur que leur front. C’est pourquoi le sacrement de l’eucharistie par lequel l’homme est confirmé en lui-même appartient au cœur, d’après ces paroles (Ps. 103, 14) : Que le pain affermisse le cœur de l’homme. Mais pour le sacrement de confirmation il faut le signe de la force qui se rapporte aux autres : c’est pour cela qu’on le place sur le front.

 

            Objection N°3. Ce sacrement est conféré à l’homme pour qu’il confesse librement la foi du Christ. Or, on confesse la foi de bouche pour être sauvé, selon l’expression de saint Paul (Rom., 10, 10). On doit donc plutôt confirmer sur la bouche que sur le front.

            Réponse à l’objection N°3 : On donne la confirmation pour qu’on confesse librement la foi et non pour qu’on la confesse simplement, parce que ceci se fait aussi dans le baptême. C’est pourquoi on ne doit pas confirmer sur la bouche (Les grecs font une onction, non seulement sur le front, mais encore sur les yeux, sur les oreilles, sur la bouche, sur la poitrine ; cependant il n’y a que la première qui soit essentielle.), mais sur le front, où se manifestent les signes des passions qui empêchent de confesser librement la foi.

 

            Mais c’est le contraire. Raban Maur dit (Lib. de institut. cleric., liv. 1, chap. 30) : Celui qui est baptisé est marqué du chrême par le prêtre au sommet de la tête, mais il l’est par l’évêque sur le front.

 

            Conclusion Les confirmands sont marqués par le chrême du signe de la croix au front, pour qu’ils montrent ouvertement qu’ils sont chrétiens et qu’ils n’omettent pas de confesser le nom du Christ par crainte ou par honte.

            Il faut répondre que, comme nous l’avons dit (art. 1), dans la confirmation le chrétien reçoit l’Esprit-Saint pour le fortifier dans les combats spirituels qu’il doit soutenir et afin qu’il confesse courageusement la foi du Christ au milieu de ses ennemis. Ainsi il est convenable qu’il soit marqué par le chrême du signe de la croix au front pour deux motifs : 1° parce que le chrétien est marqué par le signe de la croix comme le soldat par le signe de son chef, ce qui doit être évident et manifeste. Or, de toutes les parties du corps humain le front est la plus visible et il n’est pour ainsi dire jamais couvert. C’est pourquoi celui qui est confirmé est oint avec le chrême sur le front, pour qu’il montre ouvertement qu’il est chrétien ; comme les apôtres, après avoir reçu l’Esprit-Saint, sont sortis du cénacle où ils s’étaient cachés et se sont manifestés à tout le monde. 2° Parce qu’on est empêché de confesser librement le nom du Christ pour deux motifs, par crainte ou par honte. L’expression de ces deux sentiments se remarque surtout sur le front pour deux causes : la proximité de l’imagination et le mouvement des esprits qui montent directement du cœur au front. C’est pour cela que ceux qui ont, de la honte rougissent et ceux qui craignent pâlissent, selon la remarque d’Aristote (Eth., liv. 4, chap. ult.). C’est pour ce motif qu’on marque avec le chrême les fidèles sur le front, afin qu’ils n’omettent pas de confesser le nom du Christ, ni par crainte, ni par honte (Le concile de Florence s’exprime ainsi : Ideòque in fronte, ubi verecundiæ sedes est, confirmandus inungitur, ne Christi nomen confiteri erubescat, et prœcipuè crucem ejus, quæ Judœis quidem est scandalum, gentibus autem stultitia, secundùm Apostolum.).

 

Article 10 : Celui qui est confirmé doit-il avoir un parrain ?

 

            Objection N°1. Il semble que celui qui est confirmé ne doive pas être tenu par un autre pour la confirmation. Car ce sacrement ne se confère pas seulement aux enfants, mais encore aux adultes. Or, les adultes peuvent se tenir par eux-mêmes. Il est donc ridicule qu’ils soient tenus par un autre.

            Réponse à l’objection N°1 : Quoique celui qui est confirmé soit adulte corporellement, néanmoins il ne l’est pas encore spirituellement.

 

            Objection N°2. Celui qui est déjà de l’Eglise a un libre accès près du prince de l’Eglise qui est l’évêque. Or, on ne confirme, comme nous l’avons dit (art. 6), que celui qui est baptisé et qui est déjà membre de l’Eglise. Il semble donc qu’on ne doive pas être présenté par un autre pour être confirmé.

            Réponse à l’objection N°2 : Quoique celui qui est baptisé soit devenu membre de l’Eglise, cependant il n’est pas encore enrôlé dans la milice du Christ. C’est pour cela qu’il est présenté à l’évêque, comme au chef de l’armée, par un autre qui fait déjà partie de cette milice : car celui qui n’est pas confirmé ne doit pas en tenir un autre pour la confirmation.

 

            Objection N°3. La confirmation est conférée pour fortifier spirituellement ; ce qui se manifeste dans les hommes plus que dans les femmes, d’après ces paroles du Sage (Prov., 31, 10) : Qui trouvera une femme forte ? Du moins une femme ne doit donc pas tenir un homme pour la confirmation.

            Réponse à l’objection N°3 : Selon l’expression de saint Paul (Col., 3, 11), en Jésus-Christ il n’y a pas de distinction entre l’homme et la femme. C’est pourquoi il est indifférent que ce soit un homme ou une femme qui tienne quelqu’un pour la confirmation (Généralement les hommes répondaient pour les garçons et les femmes pour les filles, et le parrain devait être plus âgé que le confirmand.).

 

            Mais c’est le contraire. Le pape Innocent dit (Decr. 30, quest. 4, chap. 3) : Si quelqu’un a tenu le fils ou la fille d’un autre sur les fonts sacrés ou au chrême, etc. Par conséquent comme on exige qu’il y ait quelqu’un qui tienne sur les fonts sacrés celui qui est baptisé, de même il faut qu’on soit tenu par un autre pour recevoir le sacrement de confirmation.

 

            Conclusion Tous ceux qui se présentent au sacrement de confirmation ont besoin de quelqu’un qui les soutienne et les élève, afin qu’étant encore comme des enfants faibles par rapport au combat spirituel, ils soient amenés à la perfection.

            Il faut répondre que, comme nous l’avons dit (art. préc.), la confirmation est donnée à l’homme pour le fortifier pour le combat spirituel. Or, comme celui qui vient de naître a besoin de quelqu’un qui le soigne relativement à ce qui appartient à la conservation de sa vie, d’après ces paroles de saint Paul (Héb., 12, 9) : Nous avons eu nos pères selon la chair pour nous élever, et nous les respections ; de même ceux que l’on emploie à la guerre ont besoin de maîtres qui les instruisent de ce qui appartient au métier des armes. C’est pourquoi dans les guerres matérielles les généraux et les centurions sont nommés par ceux qui gouvernent les autres. — C’est aussi pour ce motif que celui qui reçoit ce sacrement est tenu par un autre, comme si celui-ci devait l’instruire à combattre spirituellement. De même aussi, parce que ce sacrement confère à l’bomme la perfection de la vie spirituelle, ainsi que nous l’avons dit (art. 2, 4 et 5), celui qui s’approche de ce sacrement est soutenu par un autre, comme étant encore spirituellement un enfant et un chrétien très faible (On ne doit admettre pour parrains et pour marraines que ceux qui en sont dignes, et suivre à cet égard les mêmes règles pour la confirmation que pour le baptême. Le parrain et la marraine contractent avec la personne confirmée et avec son père et sa mère la même affinité que dans le baptême.).

 

Article 11 : Ny a-t-il que lévêque qui puisse confirmer ?

 

            Objection N°1. Il semble qu’il n’y ait pas que l’évêque qui puisse confirmer. Car saint Grégoire écrivant à l’évêque Janvier (liv. 3, epist. 26) lui dit : Il nous est parvenu qu’il y en a qui se sont scandalisés de ce que nous avons défendu aux prêtres de toucher avec le chrême ceux qui sont baptisés. Cependant nous ne l’avons fait que d’après l’ancien usage de notre Eglise. Mais s’il y en a qui en soient absolument contristés, nous accordons aux prêtres, dans le cas où il n’y a pas d’évêques, de marquer du chrême au front ceux qui ont reçu le baptême. Or, on ne doit pas changer ce qui est nécessaire aux sacrements pour éviter un scandale. Il semble donc qu’il ne soit pas nécessaire à la confirmation qu’elle soit conférée par un évêque.

            Réponse à l’objection N°1 : Le pape a dans l’Eglise la plénitude de la puissance, et par elle il peut confier à des ordres inférieurs des choses qui appartiennent aux ordres supérieurs. C’est ainsi qu’il accorde à des prêtres de conférer des ordres mineurs, ce qui appartient à la puissance épiscopale. C’est par cette plénitude de puissance que saint Grégoire (Les concessions faites par saint Grégoire ont été aussi accordées par Nicolas IV, Jean XXII, Urbain V, Léon X, Adrien VI, Sixte V, Benoît XIII, Clément XI, Benoît XIV, de sorte que, d’après la pensée de ce dernier pontife, cette question ne peut plus être controversée : Quare non videtur hodiè fas esse potestatem, de quâ olim disceptabantur, summo pontifici non adjudicare (De synod., liv. 7, chap. 7).) a accordé à de simples prêtres de confirmer, jusqu’à ce que le scandale fût détruit (Il est à remarquer que le pape seul peut accorder à un simple prêtre ce pouvoir, puisqu’il agit dans ce cas d’après la plénitude de puissance qu’il a dans l’Eglise, et le prêtre qui est délégué ne peut confirmer qu’avec le saint chrême béni par l’évêque.).

 

            Objection N°2. Le sacrement de baptême paraît avoir une efficacité plus grande que celui de confirmation. Car par le baptême nous obtenons la pleine rémission de nos péchés, quant à la faute et quant à la peine, ce qui n’a pas lieu dans la confirmation. Or, un simple prêtre peut, en vertu de son office, baptiser, et même, dans le cas de nécessité, tout individu qui n’a pas été ordonné le peut aussi. Il n’est donc pas nécessaire que la confirmation soit donnée par un évêque.

            Réponse à l’objection N°2 : Le sacrement de baptême est plus efficace que la confirmation pour éloigner le mal, parce qu’il est un enfantement spirituel, et qu’alors il y a changement du non-être à l’être. Mais la confirmation est plus efficace que le baptême pour faire avancer dans le bien ; parce qu’elle est un accroissement spirituel qui va de l’être imparfait à l’être parfait. C’est pour cela qu’elle est confiée à un ministre plus élevé.

 

            Objection N°3. Le sommet de la tête où se trouve, d’après les médecins, le siège de la raison, c’est-à-dire la faculté de penser, est plus noble que le front, où est le siège de l’imagination. Or, un simple prêtre peut oindre avec le chrême sur le sommet de la tête ceux qui sont baptisés. A plus forte raison peut-il les marquer ainsi au front, ce qui appartient à la confirmation.

            Réponse à l’objection N°3 : Comme le dit Raban Maur (Lib. de institut. cleric., liv. 1, chap. 30), celui qui est baptisé est marqué du chrême sur le sommet de la tête par le prêtre, tandis qu’il l’est par le pontife sur le front, afin que la première onction signifie que l’Esprit-Saint descend sur lui pour consacrer à Dieu une demeure, et que la seconde indique que la grâce septiforme du même Esprit vient dans l’homme avec toute sa plénitude de sainteté, de science et de vertu. Cette onction n’est donc pas réservée aux évêques, parce qu’on l’applique sur une partie du corps qui est plus noble, mais parce qu’elle produit un effet plus excellent.

 

            Mais c’est le contraire. Le pape Eusèbe dit (Epist. 3, hab., De consecrat,. dist. 5, chap. 4) : On doit tenir en grande vénération le sacrement de l’imposition des mains, qui ne peut être conféré que par les pontifes, et qui du temps des apôtres, d’après ce qu’on lit et ce qu’on sait, n’a jamais pu ou n’a jamais dû être administré par d’autres que par les apôtres eux-mêmes ou ceux qui tenaient leur place. Car, ajoute-t-il, si on avait la présomption de tenter qu’il en fût autrement, il deviendrait nul et sans effet, et on ne devrait jamais le compter parmi les sacrements de l’Eglise. Il est donc nécessaire que la confirmation, qu’on appelle le sacrement de l’imposition des mains, soit donnée par l’évêque.

 

            Conclusion Puisque la consommation dernière de chaque œuvre appartient à l’artisan le plus élevé, il est évident que le sacrement de confirmation, qui est en quelque sorte la consommation dernière du baptême, doit être conféré par les évêques qui ont dans l’Eglise une puissance souveraine.

            Il faut répondre que dans toute œuvre la consommation dernière est réservée à l’art ou à la vertu la plus élevée, comme la préparation de la matière appartient aux ouvriers inférieurs, tandis que le chef donne la forme. Le plus élevé est celui auquel appartient l’usage, qui est la fin des œuvres d’art. Ainsi, l’épître que le notaire écrit est signée par le pape, son seigneur et maître. Or, les fidèles du Christ sont l’œuvre divine, d’après ces paroles de saint Paul (1 Cor., 3, 9) : Vous êtes l’édifice que Dieu élève. Ils sont aussi en quelque sorte une épître écrite par l’esprit de Dieu, suivant le même apôtre (2 Cor., 3, 3). Le sacrement de confirmation est, pour ainsi dire, la consommation dernière du sacrement de baptême, de telle sorte que par le baptême l’homme est édifié spirituellement, et il est écrit comme une lettre spirituelle, au lieu que par la confirmation cet édifice spirituel est dédié pour être le temple de l’Esprit-Saint, et cette lettre écrite est signée du signe de la croix. C’est pour ce motif que le soin de donner ce sacrement est réservé aux évêques, qui ont la puissance souveraine dans l’Eglise. C’est ainsi que dans la primitive Eglise, par l’imposition des mains des apôtres, dont les évêques tiennent la place, les chrétiens recevaient la plénitude de l’Esprit-Saint, comme on le voit (Actes, chap. 8). D’où le pape Urbain dit (Epist., hab., De consecrat, dist. 5, chap. 1 Omnes fideles) : Tous les fidèles doivent recevoir l’Esprit-Saint après leur baptême par l’imposition des mains des évêques, afin qu’ils soient pleinement chrétiens.

 

Article 12 : Le rite de la confirmation est-il convenable ?

 

            Objection N°1. Il semble que le rite de la confirmation ne soit pas convenable. Car le sacrement de baptême est plus nécessaire que ce sacrement, comme nous l’avons dit (art. 1, Réponse N°3, et quest. 65, art. 4). Or, on assigne certains temps pour le baptême, comme Pâques et la Pentecôte. On aurait donc dû aussi fixer un temps pour la confirmation.

            Réponse à l’objection N°1 : Comme le dit le pape Melchiade (hab., chap. De his, De consecrat., dist. 5), ces deux sacrements, le baptême et la confirmation, sont tellement unis, qu’on ne peut les séparer l’un de l’autre, à moins que la mort n’intervienne, et que d’après les rites l’un ne peut se conférer sans l’autre. C’est pourquoi on a fixé les mêmes temps pour le baptême solennel et pour la confirmation. Mais parce que la confirmation n’est donnée que par les évêques, qui ne sont pas toujours là où les prêtres baptisent, il a fallu que communément ce sacrement fût différé à d’autres temps (D’après l’usage actuel on peut confirmer tous les jours et à toute heure, mais il vaut mieux le faire le matin pour qu’on puisse plus facilement être à jeun.).

 

            Objection N°2. Comme la confirmation demande de la dévotion dans celui qui la reçoit et dans celui qui la donne, de même aussi le baptême. Or, pour le baptême on n’exige pas qu’on le reçoive ou qu’on l’administre à jeun. Il semble que ce soit à tort que le concile d’Orléans ait statué que les confirmands seraient à jeun, et que le concile de Meaux (refer. hæc De cons., dist. 5, chap. 7) ait voulu que les évêques ne conférassent pas l’Esprit-Saint par l’imposition des mains sans être à jeun.

            Réponse à l’objection N°2 : Les infirmes et ceux qui sont en danger de mort sont exceptés de cette défense, comme on le voit dans les statuts du concile de Meaux. C’est pourquoi, à cause de la multitude des fidèles et aussi du péril que l’on courrait, on tolère que la confirmation soit reçue ou donnée sans qu’on soit à jeun ; parce qu’un seul évêque, surtout dans un grand diocèse, ne suffirait pas pour confirmer tant d’hommes, si on resserrait le temps où l’on peut les confirmer. Cependant, quand on peut le faire sans inconvénient, il est plus convenable qu’on administre ce sacrement et qu’on le reçoive à jeun (C’est le conseil que le pontifical renferme.).

 

           Objection N°3. Le chrême est le signe de la plénitude de l’Esprit-Saint, comme nous l’avons dit (art. 2). Or, les disciples du Christ ont reçu la plénitude de l’Esprit-Saint au jour de la Pentecôte, comme on le voit (Actes, chap. 2). On doit donc confectionner le chrême et le bénir le jour de la Pentecôte plutôt que le jour de la Cène.

            Réponse à l’objection N°3 : D’après le pape Martin (hab., De consecrat., dist. 4, chap. Omni tempore), on peut préparer le chrême en tout temps (C ’est aussi ce qu’on voit clans le premier concile de Tolède (can. 20). Mais actuellement on ne le consacre plus qu’une fois, le jour du jeudi saint.). Mais parce que le baptême solennel pour lequel on fait usage du chrême se confère solennellement la veille de Pâques, il a été convenable que l’évêque bénît le chrême deux jours auparavant pour qu’on pût le porter dans le diocèse. D’ailleurs c’est un jour qui convient assez pour bénir les matières des sacrements que celui où a été établi le sacrement de l’eucharistie, auquel tous les autres sacrements se rapportent d’une certaine manière, comme nous l’avons dit (quest. 65, art. 3).

 

            Mais c’est le contraire. Car ce rite est suivi par l’Eglise qui est gouvernée par l’Esprit-Saint.

 

            Conclusion Puisque l’Eglise est dirigée par la sagesse du Christ dans ce qu’elle fait, il est certain que les rites qu’elle observe dans la confirmation sont convenables.

            Il faut répondre que le Seigneur a fait une promesse à ses disciples en leur disant (Matth., 18, 20) que partout où ils seront deux ou trois réunis en son nom, il sera au milieu d’eux. C’est pourquoi on doit croire fermement que l’Eglise est dirigée par la sagesse du Christ dans tout ce qu’elle prescrit. Et c’est pour ce motif qu’il doit être certain que les rites que l’Eglise observe dans la confirmation et dans les autres sacrements sont convenables.

 

Copyleft. Traduction de l’abbé Claude-Joseph Drioux et de JesusMarie.com qui autorise toute personne à copier et à rediffuser par tous moyens cette traduction française. La Somme Théologique de Saint Thomas latin-français en regard avec des notes théologiques, historiques et philologiques, par l’abbé Drioux, chanoine honoraire de Langres, docteur en théologie, à Paris, Librairie Ecclésiastique et Classique d’Eugène Belin, 52, rue de Vaugirard. 1853-1856, 15 vol. in-8°. Ouvrage honoré des encouragements du père Lacordaire o.p. Si par erreur, malgré nos vérifications, il s’était glissé dans ce fichier des phrases non issues de la traduction de l’abbé Drioux ou de la nouvelle traduction effectuée par JesusMarie.com, et relevant du droit d’auteur, merci de nous en informer immédiatement, avec l’email figurant sur la page d’accueil de JesusMarie.com, pour que nous puissions les retirer. JesusMarie.com accorde la plus grande importance au respect de la propriété littéraire et au respect de la loi en général. Aucune évangélisation catholique ne peut être surnaturellement féconde sans respect de la morale catholique et des lois justes.

 

 

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