Saint Thomas d’Aquin - Somme Théologique

3a = Tertia Pars = 3ème partie

Question 83 : Du rite de l’eucharistie

 

            Nous devons nous occuper en dernier lieu du rite de l’eucharistie. — A ce sujet six questions se présentent : 1° Le Christ est-il immolé dans la célébration de ce mystère ? (Il est de foi que la messe est le sacrifice du corps et du sang de Jésus-Christ. Le concile de Trente a ainsi condamné tous les hérétiques qui ont attaqué cette vérité (sess. 22, can. 1) : Si quis dixerit in missa non offerri Deo verum et proprium sacrificium, aut quod offerri noti sit aliud quàm nobis Christum ad manducandum dari ; anathema sit.) — 2° Du temps de la célébration. — 3° Du lieu et des autres choses qui appartiennent à la préparation de ce sacrifice. — 4° De ce que l’on dit dans la célébration de ce mystère. — 5° De ce que l’on fait à l’égard de sa célébration. (Cet article a pour objet d’indiquer la raison de tous les actes du prêtre dans la célébration de la messe. On peut consulter à cet égard le petit traité d’Innocent III sur le saint sacrifice de la messe.) — 6° Des défauts qui se présentent dans la célébration de ce sacrement.

 

Article 1 : Le Christ est-il immolé dans leucharistie ?

 

            Objection N°1. Il semble que dans la célébration de l’eucharistie le Christ ne soit pas immolé. Car l’Apôtre dit (Héb., 10, 14) : Que le Christ par une seule oblation a rendu parfaits pour toujours ceux qu’il a sanctifiés. Or, cette oblation a été son immolation. Le Christ n’est donc pas immolé dans la célébration de ce sacrement.

            Réponse à l’objection N°1 : Comme le dit saint Ambroise (ibid.) : Il n’y a qu’une hostie, celle que le Christ a offerte et que nous offrons ; il n’y en a pas plusieurs, parce que le Christ n’a été offert qu’une fois. Ce sacrifice est le modèle de celui-ci. Car, comme ce qui est offert partout n’est qu’un seul corps et n’en forme pas plusieurs ; de même il n’y a qu’un seul sacrifice (In divino hoc sacrificio, dit encore le concile de Trente, quod in missa peragitur, idem ille Christus continetur et incruente immolatur, qui in ara crucis semel seipsum cruentum obtulit (sess. 22, chap. 2).).

 

            Objection N°2. L’immolation du Christ a eu lieu sur la croix, où le Christ s’est livré lui-même pour nous, en s’offrant à Dieu comme une oblation et une victime d’agréable odeur, selon l’expression de saint Paul (Eph., 5, 2). Or, dans la célébration de ce mystère le Christ n’est pas crucifié. Il n’est donc pas immolé.

            Réponse à l’objection N°2 : Comme la célébration de l’eucharistie est une image qui représente la passion du Christ, de même l’autel est la représentation de la croix sur laquelle le Christ a été immolé dans son espèce propre.

 

            Objection N°3. Comme le dit saint Augustin (De Trin., liv. 4, chap. 7 in princ. et chap. 14 in fin.), dans l’immolation du Christ, c’est le même qui est prêtre et victime. Or, dans la célébration du sacrement de l’autel, ce n’est pas le même qui est prêtre et victime. La célébration de ce sacrement n’est donc pas l’immolation du Christ.

            Réponse à l’objection N°3 : Par la même raison, le prêtre est aussi l’image du Christ, en la personne et la vertu duquel il prononce les paroles pour la consécration, comme on le voit d’après ce que nous avons dit (quest. 82, art. 1 et 3). Par conséquent c’est d’une certaine manière le même qui est prêtre et hostie.

 

            Mais c’est le contraire. Saint Augustin dit (Prosper in Lib. sent. Augustin. Voy. De consecr., chap. 52, dist. 2) : Le Christ n’a été immolé qu’une fois en lui-même, et cependant on l’immole tous les jours dans le sacrement.

 

            Conclusion La célébration de ce sacrement étant une image de la passion du Christ, et ce sacrement nous faisant participer à ses fruits, c’est avec raison qu’on l’appelle l’immolation du Christ.

            Il faut répondre qu’on appelle la célébration de l’eucharistie l’immolation du Christ pour deux raisons : 1° Parce que, comme le dit saint Augustin à Simplicius (liv. 2, quest. 3, ante med.), les images ont coutume d’être appelées du nom des choses qu’elles représentent ; comme lorsqu’en considérant un tableau ou une muraille peinte, nous disons : c’est Cicéron, c’est Salluste. Or, la célébration de l’eucharistie, comme nous l’avons dit (quest. 79, art. 1), est une image représentative de la passion du Christ, qui est sa véritable immolation. C’est pourquoi la célébration de ce sacrement est appelée l’immolation du Christ. D’où saint Ambroise dit (sup. Ep. ad Hebr., super illud chap. 10 : Umbram enim) : Dans le Christ, l’hostie qui est toute-puissante pour le salut éternel n’a été offerte qu’une fois ; que faisons-nous donc ? Ne l’offrons-nous pas tous les jours ? mais en mémoire de sa mort. — 2° Quant à l’effet de la passion du Christ. Car ce sacrement nous fait participer aux fruits de la passion du Seigneur. C’est pour cela qu’il est dit dans une oraison : que toutes les fois qu’on célèbre la mémoire de cette victime, on exerce l’œuvre de notre rédemption (Si quis dixerit missæ sacrificium tantùm esse laudis et gratiarum actionis, aut nudam commemorationem sacrificii in cruce peracti, non autem propitiatorium, vel soli prodesse sumenti, neque pro vivis et defunctis, pro peccatis, pænis, satisfactionibus et aliis necessitatibus offerri debere ; anathema sit (Concil. Trid., sess. 22, can. 3).). Dans le premier sens, on pouvait dire que le Christ était aussi immolé dans les figures de l’Ancien Testament. C’est pour ce motif que saint Jean dit (Apoc., 13, 8) : Leurs noms n’ont pas été écrits dans le livre de vie de l’agneau qui a été immolé dès l’origine du monde. Mais dans le second sens il est propre à l’eucharistie que le Christ soit immolé dans sa célébration.

 

Article 2 : Le temps de la célébration a-t-il été convenablement déterminé ?

 

            Objection N°1. Il semble que le temps de la célébration de ce mystère n’ait pas été convenablement déterminé. Car ce sacrement est représentatif de la passion du Seigneur, comme nous l’avons dit (art. préc.). Or, on fait mémoire de la passion du Seigneur dans l’Eglise, une fois l’an. Car saint Augustin dit (sup. Ps. 21, in præfat. ad exposit. 2 ejus Ps. circ. princ.) : Le Christ est-il mis à mort autant de fois qu’on célèbre la pâque ? Non, mais ce souvenir anniversaire nous représente ce qui a eu lieu autrefois, et il nous touche comme si nous voyions le Seigneur lui-même attaché sur la croix. On ne doit donc célébrer ce sacrement qu’une fois par an.

            Réponse à l’objection N°1 : Dans l’eucharistie on représente la passion du Christ, selon que ses effets se répandent sur les fidèles ; au lieu que dans le temps de la passion on rappelle la passion du Christ seulement, selon qu’elle a été consommée dans notre chef lui-même ; ce qui n’a eu lieu qu’une fois, tandis que les fidèles reçoivent tous les jours le fruit de la passion du Seigneur. C’est pourquoi cette commémoration n’a lieu qu’une fois par an ; au lieu que l’autre se fait tous les jours, pour que nous en recevions tous les jours le fruit et qu’on en renouvelle perpétuellement la mémoire.

 

            Objection N°2. On célèbre dans l’Eglise la mémoire de la passion du Christ le vendredi avant Pâques, mais on ne la célèbre pas dans la fête de Noël. Par conséquent, puisque l’eucharistie est le mémorial delà passion du Seigneur, il ne semble pas convenable que le jour de Noël on célèbre trois fois ce sacrement, et qu’on en interrompe totalement la célébration le vendredi saint.

           Réponse à l’objection N°2 : A l’avènement de la vérité, la figure cesse. Or, l’eucharistie est une figure et un exemple de la passion du Seigneur, comme nous l’avons dit (dans le corps de l’article.). C’est pour ce motif que dans le jour où on rappelle la passion elle-même du Seigneur, selon qu’elle s’est réellement accomplie, on ne célèbre pas la consécration de ce sacrement. Cependant, pour que dans ce jour l’Eglise ne soit pas sans le fruit de la passion que ce sacrement nous communique, on réserve le corps du Christ consacré le jour précédent, pour qu’on le prenne ce jour-là (On appelle cette messe la messe des présanctifiés, parce qu’on participe aux dons consacrés la veille.). Mais on ne réserve pas le sang, à cause du péril qu’il y aurait, et parce que le sang est plus spécialement l’image de la passion du Seigneur, comme nous l’avons dit (quest. 78, art. 3, Réponse N°2). Il n’est pas vrai, comme quelques-uns le disent, que par le mélange de la particule du corps du Christ avec le vin, celui-ci se change en sang. Car cette conversion ne peut être produite que par la consécration faite sous la forme des paroles qu’on doit employer. — Quant au jour de Noël, on célèbre plusieurs messes à cause de la triple naissance du Christ, dont l’une est éternelle et reste cachée par rapport à nous. C’est pour cela qu’on chante une messe pendant la nuit, dans l’introït de laquelle on dit : Le Seigneur m’a dit : Vous êtes mon fils, je vous ai engendré aujourd’hui. L’autre est temporelle, mais spirituelle ; c’est celle par laquelle le Christ naît, comme l’étoile du matin, dans nos cœurs, selon l’expression de saint Pierre (2 Pierre, chap. 1), et c’est pour ce motif qu’on chante la messe de l’aurore, dans l’introït de laquelle on dit : La lumière brillera aujourd’hui sur nous. La troisième est la naissance temporelle et corporelle du Christ, par laquelle il est sorti du sein de la Vierge, ayant revêtu notre chair et s’étant rendu visible pour nous. C’est pour cette raison que la troisième messe se chante en plein jour et qu’on dit dans l’introït : Un enfant nous est né. On pourrait dire aussi que la naissance éternelle existant en elle-même dans la pleine lumière, il en est fait mention pour ce motif dans l’évangile de la troisième messe ; tandis que, selon sa naissance corporelle, le Christ est né littéralement au milieu de la nuit, pour montrer qu’il venait pour éclairer les ténèbres de notre faiblesse. C’est pour cela que dans la messe de la nuit on dit l’évangile de la naissance corporelle du Christ (D’après la Rubrique ces trois messes ne doivent pas se dire la nuit ; la première messe doit se dire à minuit, la seconde à l’aurore et la troisième au jour. Mais dans plusieurs diocèses l’usage contraire a prévalu. On dit successivement ces trois messes sans quitter l’autel.). C’est ainsi que dans les autres jours où l’on doit se rappeler ou demander plusieurs bienfaits de Dieu, on célèbre plusieurs messes dans une même journée ; par exemple, l’une pour la fête, une autre pour le jeûne ou pour les morts.

 

            Objection N°3. Dans la célébration de l’eucharistie, l’Eglise doit imiter l’institution du Christ. Or, le Christ a consacré ce sacrement le soir. Il semble donc qu’on devrait le célébrer à la même heure.

           Réponse à l’objection N°3 : Comme nous l’avons dit (quest. 73, art. 5), le Christ a voulu donner ce sacrement à ses disciples en dernier lieu, pour l’imprimer plus fortement dans leur cœur. C’est pourquoi il l’a consacré après la cène sur la fin du jour et l’a donné à ses disciples. Néanmoins nous le célébrons à l’heure où la passion du Seigneur a eu lieu, c’est-à-dire les jours de fête à la troisième heure, quand il a été crucifié par les cris des Juifs, selon l’expression de l’Evangile (Marc, chap. 15), et quand l’Esprit-Saint est descendu sur les disciples ; ou bien les jours ordinaires à la sixième heure, quand il fut crucifié entre les mains des soldats, comme on le voit (Jean, chap. 19), ou bien les jours de jeûne à la neuvième heure, quand il rendit l’esprit après avoir poussé un grand cri (Ces usages n’existent plus.), comme on le voit (Matth., chap. 27). Cependant, on peut la dire plus tard, surtout quand on doit conférer les ordres, et principalement le samedi saint, soit à cause de la longueur de l’office, soit parce que les ordres appartiennent au jour du Seigneur, comme on le voit (in Decr., distinct. 75, chap. Quod à Patribus). On peut cependant célébrer la messe dans la première partie du jour, pour cause de nécessité, comme il est dit (De consecr., dist. 1, chap. Necesse est, etc.).

 

            Objection N°4. Comme on le voit (De consecrat., dist. 1, chap. 51), le pape saint Léon écrit à Dioscore, évêque d’Alexandrie (Epist. 81, sub fine), que dans la première partie du jour, il est permis de célébrer la messe. Or, le jour commence à minuit, comme nous l’avons dit (quest. 80, art. 8 ad 5). Il semble donc qu’immédiatement après minuit il soit permis de célébrer.

            Réponse à l’objection N°4 : Régulièrement on doit célébrer la messe le jour et non la nuit ; parce que c’est le Christ qui est présent dans l’eucharistie qui dit (Jean, 9, 4) : Il faut que je fasse les œuvres de celui qui m’a envoyé pendant qu’il est jour ; la nuit vient dans laquelle personne ne peut agir ; tant que je suis dans le monde, je suis la lumière du monde. Cependant le commencement du jour ne doit pas s’entendre dès minuit, ni depuis le lever du soleil, lorsque cet astre apparaît tout entier sur l’horizon, mais quand l’aurore commence à paraître. Car on dit alors que le soleil est levé en quelque sorte, dans le sens qu’on voit la clarté de ses rayons. Ainsi, il est dit (Marc, 16, 1) : que les femmes vinrent au tombeau au lever du soleil, tandis que, d’après saint Jean (20, 1), elles y vinrent lorsqu’on était encore dans les ténèbres. Car c’est ainsi que saint Augustin détruit cette contrariété apparente (De consensu Evang., liv. 3, chap. 24). Cependant on célèbre la messe spécialement dans la nuit de Noël, parce que le Seigneur est né dans cette nuit, comme on le dit (De consecrat., dist. 1, chap. Nocte, etc.). On la célèbre aussi le samedi saint au commencement de la nuit (Le jeudi saint et le samedi saint les messes privées sont défendues par la congrégation des rites, mais l’usage contraire existe dans plusieurs diocèses de France.), parce que le Seigneur est ressuscité dans la nuit, c’est-à-dire lorsque les ténèbres existaient encore, avant le lever éclatant du soleil.

 

            Objection N°5. Dans une oraison il est dit : Accordez-nous, Seigneur, nous vous en prions, de fréquenter ces mystères. Or, on les fréquenterait davantage si le prêtre célébrait à plusieurs heures dans le même jour. Il semble donc qu’on ne doive pas défendre au prêtre de célébrer plusieurs fois dans un jour.

            Réponse à l’objection N°5 : Comme on le voit (De consecrat., dist. 1, chap. 53) d’après un décret du pape Alexandre II (decret. 11), c’est assez pour un prêtre de célébrer une messe dans la même journée ; parce que le Christ n’a souffert qu’une fois et a racheté le monde entier ; et il est très heureux celui qui peut en célébrer une dignement. Cependant il y en a qui en disent une pour les morts, et une autre du jour, si cela est nécessaire. Mais ceux qui, pour de l’argent, ou pour flatter des séculiers, ont la présomption de célébrer plusieurs messes dans un jour, je ne pense pas qu’ils échappent à la damnation. Et Innocent III dit (extra, De celebr. Miss., chap. Consuluisti) : qu’à l’exception du jour de la Nativité du Seigneur, si la nécessité n’y invite, un prêtre doit se contenter de ne célébrer qu’une messe par jour (Aujourd’hui il n’y a guère d’exception à cette règle qu’à l’égard des prêtres qui sont chargés de plusieurs églises paroissiales ou annexes, pour les jours de dimanche et de fêtes d’obligation.)

 

            Mais c’est le contraire. La coutume que l’Eglise observe d’après les canons est opposée.

 

            Conclusion Comme nous avons besoin tous les jours du fruit de la passion du Seigneur, et que le Christ a souffert depuis la troisième heure jusqu’à la neuvième, il est convenable que dans l’Eglise de Dieu on célèbre solennellement tous les jours et à cette même heure.

            Il faut répondre que, comme nous l’avons dit (art. préc.), dans la célébration de ce mystère, on considère la représentation de la passion du Seigneur et la participation à ses fruits. Sous ces deux rapports, il a fallu déterminer le temps qui convient à la célébration de ce sacrement. En effet, comme nous avons besoin chaque jour du fruit de la passion du Seigneur à cause de nos défauts quotidiens, chaque jour on offre régulièrement ce sacrifice dans l’Eglise (Il est dans l’esprit de l’Eglise que les prêtres offrent le saint sacrifice, quoiqu’elle ne leur en fasse pas une obligation, comme nous l’avons vu (quest. 77, art. 5).). D’où le Seigneur nous apprend à faire cette demande (Luc, 11, 3) : Donnez-nous aujourd’hui notre pain quotidien ; ce que saint Augustin nous fait remarquer en disant (Lib. de verbis Dom., serm. 28 à med.) : Si c’est le pain de chaque jour, pourquoi le recevez-vous après un an, comme les Grecs ont coutume de le faire en Orient ? Recevez-le tous les jours, pour qu’il vous soit profitable tous les jours. — Et parce que la passion du Seigneur a eu lieu depuis la troisième heure jusqu’à la neuvième (C’est-à-dire depuis neuf heures du matin jusqu’à trois heures du soir. Cette loi est ensuite tombée en désuétude. Maintenant il n’est permis de dire la messe que depuis l’aurore jusqu’à midi ; par l’aurore on entend le moment du crépuscule et on prend moralement cette détermination, c’est-à-dire qu’il n’y a matière grave qu’autant qu’on commencerait environ une heure avant ou une heure après le temps fixé.), c’est pour ce motif que dans l’Eglise on célèbre régulièrement ce sacrement avec solennité dans cette partie du jour.

 

Article 3 : Faut-il que leucharistie soit consacrée dans une maison et dans des vases sacrés ?

 

            Objection N°1. Il semble qu’il ne faille pas que l’eucharistie soit célébrée dans une maison et dans des vases sacrés. Car ce sacrement est représentatif de la passion du Seigneur. Or, le Christ n’a pas souffert dans une maison, mais hors la porte de la ville, d’après saint Paul qui dit (Héb., 13, 12) : Qu’il a souffert hors la porte de la ville pour sanctifier le peuple par son sang. Il semble donc qu’on ne doive pas célébrer ce sacrement dans une maison, mais plutôt en plein air.

            Réponse à l’objection N°1 : Régulièrement on doit célébrer l’eucharistie dans une maison qui signifie l’Eglise, d’après ces paroles de saint Paul (1 Tim., 3, 15) : Pour que vous sachiez comment il faut vous conduire dans la maison de Dieu, qui est l’Eglise du Dieu vivant. Car hors de l’Eglise il n’y a pas de lieu pour le sacrifice véritable, comme le dit saint Augustin (Prosper in lib. Sent. August., chap. 15). Et parce que l’Eglise ne devait pas être renfermée dans les bornes de la nation juive, mais qu’elle devait se répandre dans tout le monde ; la passion du Christ n’a pas été pour ce motif célébrée dans l’enceinte de Jérusalem, mais en plein air ; afin que le monde entier fût, par rapport à la passion du Christ, comme une demeure. Cependant, comme il est dit (De consecrat., dist. 1, chap. Concedimus) :  En voyage, s’il n’y a pas d’église, il est permis de célébrer solennellement la messe en plein air ou sous une tente (Ainsi dans les camps on peut célébrer la messe les dimanches et les jours de fête en plein air ou sous une tente, et c’est aussi de cette manière que nos missionnaires la célèbrent dans les contrées où il n’y a pas d’église.), si l’on a une pierre d’autel consacrée et toutes les autres choses consacrées qui sont requises à cet office.

 

            Objection N°2. Dans la célébration de ce mystère, l’Eglise doit imiter la conduite du Christ et des apôtres. Or, la maison dans laquelle le Christ a confectionné ce sacrement pour la première fois est consacrée ; mais c’était une salle commune préparée par un père de famille, suivant le récit de saint Luc (Luc, chap. 22). On lit aussi (Actes, 2, 46) : que les apôtres continuaient d’aller tous les jours au temple dans l’union du même esprit ; et que rompant le pain dans leurs maisons, ils prenaient leur nourriture avec joie. Il ne faut donc pas non plus que les demeures dans lesquelles on célèbre ce sacrement soient consacrées.

            Réponse à l’objection N°2 : La maison dans laquelle on célèbre l’eucharistie signifie l’Eglise et en porte le nom. On la consacre néanmoins avec raison, soit pour représenter la sanctification que l’Eglise a reçue par la passion du Christ, soit aussi pour signifier la sainteté qui est requise dans ceux qui doivent recevoir ce sacrement. Quant à l’autel, il signifie le Christ lui-même dont l’Apôtre dit (Héb., 13, 15) : C’est par lui que nous offrons à Dieu la victime de louange. Par conséquent la consécration de l’autel signifie la sainteté du Christ dont il est dit (Luc, 1, 35) : Le saint qui naîtra de vous sera appelé le Fils de Dieu. C’est pour cela que le droit dit (De consecrat., dist. 1, chap. 32) : On a jugé bon de consacrer les autels (On distingue les autels fixes et les autels portatifs ou mobiles. L’autel portatif est ce qu’on désigne communément sous le nom de pierre d’autel ou de pierre sacrée.), non seulement par l’onction du chrême, mais encore par la bénédiction sacerdotale. C’est pourquoi régulièrement il n’est permis de célébrer ce sacrement que dans des maisons consacrées (Non patiantur episcopi, dit le concile de Trente, in privatis domibus atque omninò extra ecclesiam et ad divinum tantùm cultum dedicata oratoria ab eisdem ordinariis designanda et visitanda sanctum hoc sacrificium à sacerdotibus sæcularibus vel regularibus quibuscumque peragi (sess. 22, Decret, de observ. et evitandis in celebrat. Missæ).). Ainsi le droit porte (De consecr., dist. 1, chap. 15) : Qu’aucun prêtre n’ait la présomption de célébrer la messe ailleurs que dans des lieux consacrés par l’évêque. Parce que les païens ne sont pas de l’Eglise, ni les autres infidèles, on lit pour ce motif (ead. dist., chap. 28), qu’il n’est pas permis de sanctifier une église où sont ensevelis les corps des infidèles, mais que si elle paraît apte à être consacrée, il faut en retirer les cadavres et gratter les murailles et le bois et la rebâtir. Mais si elle a été consacrée auparavant, il est permis d’y célébrer la messe, pourvu que ceux qui ont été ensevelis dans son enceinte soient des fidèles. Cependant dans le cas de nécessité on peut célébrer la messe dans des maisons qui ne soient ni consacrées, ni profanées, mais il faut le consentement de l’évêque. D’où il est dit (ead. dist., chap. 12) : Nous pensons qu’on ne doit pas célébrer des messes solennelles partout, mais dans les lieux consacrés par l’évêque ou bien là où il le permet. Toutefois on ne peut le faire sans un autel portatif consacré par l’évêque. Ainsi on lit (ead. dist., chap. 30) : Dans le cas où les églises ont été incendiées ou détruites, nous accordons de célébrer la messe dans des chapelles avec la table consacrée. Car la sainteté du Christ étant la source de toute la sainteté de l’église, pour ce motif, dans le cas de nécessité il suffit d’un autel sanctifié pour consacrer. C’est aussi pour cela que l’église n’est jamais consacrée sans l’autel, tandis que quelquefois on consacre sans l’église l’autel avec les reliques des saints, dont la vie a été cachée avec le Christ en Dieu (Col., chap. 3). D’où il est dit (ead. dist., chap. 20) : Il a paru bon que les autels dans lesquels on ne voit aucun corps, ni aucunes reliques des martyrs, soient renversés, si cela est possible, par les évêques qui ont ces lieux sous leur juridiction.

 

            Objection N°3. Rien ne doit se faire en vain dans l’Eglise qui est gouvernée par l’Esprit-Saint. Or, il semble que ce soit en vain qu’on consacre une église ou un autel, et toutes les choses inanimées qui ne sont pas susceptibles de recevoir la grâce ou la vertu spirituelle. C’est donc à tort que ces consécrations se font dans l’Eglise.

            Réponse à l’objection N°3 : L’église, l’autel et les autres choses inanimées sont consacrées, non parce qu’elles peuvent recevoir la grâce, mais parce que par la consécration elles acquièrent une certaine vertu spirituelle qui les rend aptes au culte divin, de telle sorte qu’il en résulte pour les hommes une certaine dévotion qui les prépare mieux aux choses divines, à moins que cet effet ne soit empêché par l’irrévérence. D’où il est dit (2 Mach., 3, 38) : Il y a véritablement une vertu de Dieu dans ce lieu ; car celui qui a sa demeure dans les cieux est présent dans ce lieu et il en est le protecteur. C’est pour cela qu’avant la consécration de ces choses, on les purifie et on les exorcise pour en chasser la vertu du démon. Pour la même raison les églises qui auraient été polluées (Une église est polluée ou profanée par quatre causes : par un homicide coupable ; par une effusion considérable de sang qui aurait pour cause un péché mortel ; par la sépulture d’un païen, d’un infidèle, d’un excommunié publiquement dénoncé ; par une quelconque effusion de semence humaine faite volontairement.) par l’effusion du sang ou par des impuretés sont réconciliées ; parce que par le péché qui y a été commis on voit qu’il y a là une opération de l’ennemi des âmes. C’est ce qui fait qu’il est dit (ead. dist., chap. 21) : Partout où vous trouverez des églises des ariens redevenus catholiques, consacrez-les sans aucun retard par les prières divines. D’où il y a des auteurs qui disent avec probabilité qu’en entrant dans une église consacrée on obtient la rémission des péchés véniels, comme aussi par l’aspersion de l’eau bénite, s’appuyant sur ces paroles (Ps. 84, 1) : Vous avez béni, Seigneur, votre terre, vous avez remis l’iniquité de votre peuple. C’est aussi pour cela qu’à cause de la vertu acquise d’après la consécration d’une église, on ne réitère pas cette consécration. C’est ce qui fait dire d’après le concile de Nicée (ead. dist., chap. 20) : Les églises ayant été une fois consacrées à Dieu, on ne doit pas les consacrer de nouveau, à moins qu’elles n’aient été la proie des flammes (Une église ou un autel perd sa consécration quand il est tombé en ruine et qu’on a été obligé de le rétablir en entier ou dans la plus grande partie.), ou qu’elles n’aient été souillées par l’effusion du sang ou par des impuretés, parce que comme un enfant qui a été baptisé par un prêtre quel qu’il soit, au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, ne doit pas l’être de nouveau ; de même un lieu qui a été consacré à Dieu ne doit pas l’être de nouveau, sinon pour les causes que nous avons données plus haut ; pourvu toutefois que ceux qui l’ont consacrée aient eu la foi en la sainte Trinité. Autrement, ceux qui sont hors de l’Eglise ne peuvent consacrer ; mais, comme on le voit (ead. dist., chap. 18), on doit consacrer les églises ou les autels dont la consécration est incertaine. Et parce que ces choses obtiennent une certaine vertu spirituelle par la consécration, il a été décidé (ead. dist., chap. 38) que les bois consacrés d’une église ne doivent pas être employés à d’autre usage qu’à une autre église, ou qu’on les doit brûler, ou qu’ils doivent servir aux religieux qui vivent dans un monastère, mais qu’on ne doit pas les faire servir aux œuvres des laïques. Il est dit aussi (chap. 39) : Que la palle de l’autel, la chaire, les candélabres et le voile, s’ils tombent de vétusté, soient jetés au feu, et qu’on porte leurs cendres dans le baptistère ou qu’on les jette dans une muraille ou dans une fosse, pour qu’elles ne soient pas foulées aux pieds par ceux qui entrent.

 

            Objection N°4. Il n’y a que les œuvres divines dont on doive célébrer la mémoire avec une certaine solennité, d’après ces paroles du Psalmiste (Ps. 91, 5) : Je tressaillirai en chantant les œuvres de vos mains. Or, la consécration d’une église ou d’un autel est une œuvre humaine, ainsi que celle du calice, des ministres et des autres choses semblables. Or, on ne célèbre pas dans l’église la mémoire de ces consécrations. On ne doit donc pas non plus faire avec solennité la commémoration de la consécration d’une église ou d’un autel.

            Réponse à l’objection N°4 : La consécration de l’autel représentant la sainteté du Christ et celle du temple la sainteté de toute l’église, il s’ensuit qu’il est plus convenable qu’on rappelle avec solennité la consécration de l’église ou de l’autel que celle des autres choses consacrées. La fête de la Dédicace dure huit jours, pour signifier la résurrection bienheureuse du Christ et des membres de son Eglise. La consécration d’une église et d’un autel n’est pas l’œuvre de l’homme seul, puisqu’elle a une vertu spirituelle. D’où il est dit (ead. dist., chap. 16) : On doit célébrer solennellement chaque année la fête de la Dédicace des églises. Vous verrez qu’on doit célébrer cette fête pendant huit jours, en vous reportant à la dédicace parfaite du temple (3 Rois, chap. 8).

 

            Objection N°5. La vérité doit répondre à la figure. Or, dans l’Ancien Testament, qui était la figure du Nouveau, on ne faisait pas l’autel avec des pierres taillées. Car il est dit (Ex. 20, 24) : Vous me dresserez un autel de terreQue si vous me faites un autel de pierres, vous ne le ferez point de pierres taillées. Le Seigneur ordonne aussi (Ex., chap. 27) de lui faire un autel de bois de Séthim, recouvert d’airain ou d’or, comme on le voit (Ex., chap. 25). Il ne semble donc pas convenable que dans l’église on prescrive que l’autel ne soit fait que de pierre.

            Réponse à l’objection N°5 : Comme il est dit (De consecrat., dist. 1, chap. 31) : Que les autels, s’ils ne sont pas de pierre (Les pierres d’autel perdent leur consécration, du moment qu’elles sont rompues par le milieu, ou qu’elles sont tellement brisées qu’elles ne sont plus assez grandes pour contenir la sainte hostie avec le calice.), ne soient pas consacrés par l’onction du chrême ; ce qui convient en effet à la signification de ce sacrement, soit parce que l’autel signifie le Christ et qu’il est dit (1 Cor., 10, 3) : La pierre était le Christ, soit aussi parce que le corps du Christ fut mis dans un sépulcre de pierre. C’est aussi une chose convenable quant à l’usage du sacrement. Car la pierre est solide et peut se trouver partout, ce qui n’était pas nécessaire dans l’ancienne loi où l’on n’élevait un autel qu’en un seul lieu. Quant à l’ordre de faire un autel de terre ou de pierres non taillées, il eut pour objet d’éloigner l’idolâtrie.

 

            Objection N°6. Le calice avec la patène représente le tombeau du Christ qui a été taillé dans le roc, comme le disent les Evangiles. Le calice doit donc être de pierre, et non pas seulement d’argent, ou d’or, ou d’airain.

            Réponse à l’objection N°6 : Comme on le voit (ead. dist., chap. Vasa), autrefois les prêtres ne se servaient pas de calices d’or, mais de bois. Le pape Zéphyrin voulut qu’on célébrât la messe avec des patènes de verre, et le pape Urbain exigea que tout fût d’argent. On décida ensuite (chap. 45, ead. dist.) que le calice du Seigneur avec la patène serait ou tout à fait d’or ou d’argent, ou que le calice serait au moins d’étain ; qu’il ne serait ni d’airain, ni de cuivre, parce que ce métal produit une rouille par la force du vin et qu’il provoque des vomissements. Que personne, ajoutait-on, n’ait la présomption de chanter la messe avec un calice de bois, ou de verre, parce que le bois est poreux et que le sang consacré y resterait ; et parce que le verre est fragile et qu’il pourrait y avoir grand danger de le briser. On peut dire la même chose de la pierre. C’est pour cela que par respect pour le sacrement il a été décidé que le calice serait fait des matières que nous avons désignées (Aujourd’hui le calice et la patène doivent être d’or ou d’argent, ou du moins la coupe doit être de l’argent doré à l’intérieur, et la patène doit être aussi dorée, et il faut que le calice soit consacré avec la patène par un évêque.).

 

            Objection N°7. Comme l’or est la matière la plus précieuse qu’on emploie pour faire des vases ; de même, de tous les tissus, la soie est la matière qui a le plus de prix. Par conséquent, comme le calice est d’or, de même les palles de l’autel doivent être de soie et n’être pas seulement de toile de lin.

            Réponse à l’objection N°7 : Quand elle a pu le faire sans danger, l’Eglise a décidé à l’égard de ce sacrement ce qui représente plus expressément la passion du Christ. Or, il n’y avait pas autant de danger à l’égard du corps qu’on met sur le corporal qu’à l’égard du sang qui est contenu dans le calice. C’est pour cela que, quoiqu’on ne fasse pas de pierre le calice, cependant on fait le corporal de toile de lin (Il faut une toile de lin ou de chanvre, fine et unie, sans aucun ornement, ni broderie. Les laïques ne doivent toucher ni les vases sacrés, ni le corporal, ni la palle, ni le purificatoire, à moins qu’il n’y ait nécessité ou qu’ils n’en aient la permission.), parce que ce fut dans du lin que le corps du Christ fut enveloppé. D’où il est dit dans l’épître du pape Sylvestre (ead. dist., chap. 46) : Nous avons résolu de l’avis de tout le monde que personne n’ait la présomption de célébrer la messe avec de la soie ou une étoffe de couleur ; mais qu’on se serve d’un morceau de toile de lin consacré par l’évêque, comme le corps du Christ a été enseveli dans un linceul de lin et parfaitement pur. La toile de lin convient à cause de sa blancheur pour signifier la pureté de la conscience, et à cause des travaux multipliés que la préparation de cette toile demande elle convient pour signifier la passion du Christ.

 

            Objection N°8. Il appartient aux ministres de l’Eglise de dispenser les sacrements et d’en déterminer les règles, comme la dispensation des choses temporelles est soumise aux lois des princes séculiers. D’où l’Apôtre dit (1 Cor., 4, 1) : Qu’on nous considère comme les ministres du Christ et les dispensateurs des mystères de Dieu. Or, si à l’égard de la dispensation des choses temporelles, on fait quelque chose qui soit contraire aux statuts des princes, il devient nul. Par conséquent, si les choses dont nous avons parlé ont été convenablement établies par les prélats de l’Eglise, il semble qu’on ne puisse sans elles confectionner le corps du Christ, et il paraît en résulter que les paroles du Christ ne sont pas suffisantes pour consacrer ce sacrement ; ce qui répugne. Il ne semble donc pas convenable qu’on ait fait ces règlements à l’égard de la célébration de ce mystère.

            Réponse à l’objection N°8 : La dispensation des sacrements appartient aux ministres de l’Eglise ; au lieu que leur consécration vient de Dieu lui-même. C’est pourquoi les ministres de l’Eglise ne peuvent rien statuer à l’égard de la forme de la consécration, mais à l’égard de l’usage du sacrement et de la manière dont il doit être célébré. C’est pour ce motif que si le prêtre prononce les paroles de la consécration sur une matière légitime avec l’intention de consacrer sans toutes les choses dont nous venons de parler, sans un temple, un autel, un calice, et un corporal consacrés, et sans toutes les autres choses instituées par l’Eglise, il consacre véritablement le corps du Christ, mais il pèche grièvement en n’observant pas le rite de l’Eglise.

 

            Mais c’est le contraire. Ce que l’Eglise établit est ordonné par le Christ lui-même qui dit (Matth., 18, 20) : Partout où il y a deux ou trois personnes réunies en mon nom, je suis au milieu d’elles.

 

            Conclusion Pour inspirer un plus grand respect pour ce sacrement et représenter son effet qui est provenu de la passion du Christ, c’est avec raison que l’on fait la consécration des choses qui se rapportent à l’usage de ce sacrement.

            Il faut répondre que dans les circonstances qui accompagnent ce sacrement, on considère deux choses : l’une se rapporte à la représentation des choses qui se sont passées à l’égard de la passion du Seigneur ; l’autre a pour objet le respect dû à ce sacrement, qui renferme le Christ véritablement, et qui ne le contient pas seulement en figure. C’est pour ce motif qu’on consacre les choses que l’on emploie à l’usage de ce sacrement, soit à cause du respect qui lui est dû, soit pour représenter l’effet de la sanctification qui est provenue de la passion du Christ, d’après ces paroles de l’Apôtre (Héb., 13, 12) : Pour sanctifier le peuple par son sang, etc.

 

Article 4 : Les choses qui se disent dans la célébration de la messe sont-elles convenablement ordonnées ?

 

            Objection N°1. Il semble que les choses qui se disent dans la célébration de la messe ne soient pas convenablement ordonnées. Car l’eucharistie est consacrée par les paroles du Christ, comme le dit saint Ambroise (De sacr., liv. 4, chap. 4). On ne doit donc pas dire à la messe d’autres paroles que celles du Christ.

            Réponse à l’objection N°1 : La consécration n’est produite que par les paroles du Christ ; mais il est nécessaire d’en ajouter d’autres pour préparer le peuple qui reçoit ce sacrement, comme nous l’avons dit (dans le corps de l’article.).

 

            Objection N°2. L’Evangile nous fait connaître les paroles et les actes du Christ. Or, il y a des choses que l’on dit dans la consécration de l’eucharistie et qui ne se trouvent pas dans les Evangiles. Ainsi on ne lit pas dans l’Evangile que le Christ ait levé les yeux au ciel en consacrant ce sacrement. De même dans les Evangiles il est dit : Recevez et mangez, mais il n’y a pas le mot tous, et cependant dans la célébration de ce mystère on dit : Ayant levé les yeux au ciel, et ensuite : Recevez et mangez-en tous. C’est donc à tort qu’on se sert de ces paroles dans la célébration de ce sacrement.

            Réponse à l’objection N°2 : Comme le dit saint Jean (Jean, chap. 21), le Seigneur a dit et fait beaucoup de choses qui ne sont pas rapportées dans les Evangiles. De ce nombre est l’acte qu’il fit dans la cène en levant les yeux au ciel, ce que l’Eglise a su néanmoins d’après la tradition des apôtres. Car il paraît raisonnable que celui qui dans la résurrection de Lazare, comme on le voit (Jean, chap. 11), et dans la prière qu’il a faite pour ses disciples (Jean, chap. 17), a levé les yeux vers son Père, l’ait fait à plus forte raison dans l’institution de ce sacrement qui est une chose beaucoup plus importante. Quant aux mots : Manducate et comedite, ils ne diffèrent pas quant au sens, il importe peu que l’on prenne l’un plutôt que l’autre, surtout puisque ces paroles n’appartiennent pas à la forme, ainsi que nous l’avons dit (quest. 78, art. 1 et 2, et art. 4). Pour le mot tous il se trouve dans les paroles de l’Evangile, quoiqu’il n’y soit pas exprimé, parce que le Seigneur avait dit lui-même (Jean, 6, 54) : Si vous ne mangez la chair du Fils de l’homme, vous n’aurez pas la vie en vous.

 

            Objection N°3. Tous les sacrements ont pour but le salut des fidèles. Cependant dans la célébration des autres sacrements on ne fait pas une prière commune pour le salut des fidèles défunts. C’est donc à tort qu’on en fait une dans le sacrement de l’autel.

            Réponse à l’objection N°3 : L’eucharistie est le sacrement de l’unité de l’Eglise entière. C’est pourquoi on doit faire mention, dans ce sacrement plus que dans les autres, de tout ce qui appartient au salut de l’Eglise entière.

 

            Objection N°4. Le baptême est appelé tout particulièrement le sacrement de la foi. Les choses qui appartiennent à l’instruction de la foi doivent donc plutôt se rapporter au baptême qu’à l’eucharistie, comme la doctrine des apôtres et celle de l’Evangile.

            Réponse à l’objection N°4 : L’enseignement de la foi se fait de deux manières. L’un s’adresse aux novices, c’est-à-dire aux catéchumènes, et il a lieu pour le baptême. L’autre a pour objet d’instruire le peuple fidèle qui prend part à l’eucharistie, et cette instruction se fait à la messe. On n’interdit pas aux catéchumènes et aux infidèles d’entendre cette instruction. D’où il est dit (De consecr., liv. 1, chap. 77) : Que l’évêque n’empêche personne d’entrer dans l’église et d’entendre la parole, ni gentil, ni hérétique, ni juif, jusqu’à la messe des catéchumènes, c’est-à-dire la messe qui renferme l’enseignement de la foi.

 

            Objection N°5. Pour tout sacrement on exige la dévotion des fidèles. On ne doit donc pas l’exciter pour l’eucharistie plus que pour les autres sacrements par les louanges de Dieu et par des avertissements, comme quand on dit : Elevez vos cœurs en haut.

            Réponse à l’objection N°5 : On exige pour l’eucharistie une dévotion plus grande que pour les autres sacrements, parce que le Christ y est contenu tout entier, et on demande aussi une dévotion plus générale, parce qu’à l’égard de ce sacrement on requiert la dévotion du peuple chrétien tout entier pour lequel on offre le sacrifice, et on ne demande pas seulement la dévotion de ceux qui le reçoivent comme dans les autres sacrements. C’est pourquoi, selon l’expression de saint Cyprien (Lib. de orat. Dom., aliquant. ante fin.) : Par la préface, le prêtre prépare les esprits des fidèles en disant : Elevez vos cœurs en haut, afin qu’en répondant : Nous les avons vers le Seigneur, le peuple sache qu’il ne doit penser à autre chose qu’à Dieu lui-même.

 

            Objection N°6. Le ministre de ce sacrement est le prêtre, comme nous l’avons dit (quest. préc., art. 1). Toutes les choses que l’on dit à la messe, devraient donc être dites par le prêtre ; et il ne faudrait pas que le ministre et le chœur disent quelque chose.

            Réponse à l’objection N°6 : Dans l’eucharistie, comme nous l’avons dit (Réponse N°3), on touche à des choses qui appartiennent à l’Eglise entière. C’est pourquoi le chœur dit des choses qui appartiennent au peuple. Parmi ces choses il y en a que le chœur chante totalement, ce sont celles qui sont inspirées au peuple entier ; il y en a d’autres que le peuple poursuit, après qu’elles ont été commencées par le prêtre qui tient la place de Dieu, et cela pour marquer que ces choses sont arrivées au peuple par la révélation divine, comme la foi et la gloire céleste. C’est pour cela que le prêtre commence le Credo et le Gloria in excelsis. Il y a des choses qui sont dites par les ministres, comme les enseignements de l’Ancien et du Nouveau Testament, pour montrer que cette doctrine a été enseignée par Dieu aux peuples au moyen de ses ministres. Il y en a d’autres que le prêtre seul dit : ce sont celles qui appartiennent à son office propre, qui consiste en ce qu’il offre les dons et les prières pour le peuple, selon l’expression de saint Paul (Héb., chap. 5). Il y en a qu’il dit publiquement, ce sont celles qui appartiennent au prêtre et au peuple, telles que les prières communes. Mais il y en a qui n’appartiennent qu’au prêtre, comme l’oblation et la consécration, et c’est pour cela que le prêtre dit à voix basse (Les novateurs ayant condamné cet usage, le concile de Trente a ainsi anathématisé leur présomption : Si quis dixerit Ecclesiæ romanæ ritum quo submissâ voce pars canonis et verba consecrationis proferuntur, damnandum esse quod fit contra Christi institutionem ; anathema sit (ibid., can. 9).) les paroles qu’il doit prononcer alors. Dans l’un et l’autre cas il excite cependant l’attention du peuple en disant : Dominus vobiscum, et il attend son assentiment qu’on lui donne en disant : Amen. C’est pour ce motif que même avant les choses qui se disent à voix basse il dit : Dominus vobiscum, et qu’il ajoute : Per omnia sæcula sæculorum. — Ou bien il y a des choses que le prêtre dit en secret pour montrer que dans la passion du Christ ses disciples ne le confessaient que d’une manière occulte.

 

            Objection N°7. La vertu divine opère avec certitude ce sacrement. Il est donc superflu que le prêtre demande la perfection de ce sacrement, lorsqu’il dit : Quam oblationem tu Deus in omnibus, etc.

            Réponse à l’objection N°7 : L’efficacité des paroles sacramentelles peut être empêchée par l’intention du prêtre. Cependant il ne répugne pas que nous demandions de Dieu ce que nous savons qu’il fera très certainement, comme le Christ a demandé sa glorification (Jean, chap. 17). — Mais il ne semble pas qu’en cet endroit le prêtre demande que la consécration s’accomplisse ; il demande seulement qu’elle soit fructueuse pour nous. Ainsi il dit expressément : Pour qu’elle devienne pour nous le corps et le sang du Christ ; et c’est ce que signifient les paroles qui précèdent quand il dit : Nous vous prions de faire que cette oblation soit bénie, c’est-à-dire, d’après saint Augustin (hab. in Lib. de corp. et sang. Dom., Paschas. abb., chap. 12, circ. med.), que nous soyons bénis par elle, c’est-à-dire par la grâce ; approuvée, c’est-à-dire que par elle nous soyons admis au ciel ; rendue valable, c’est-à-dire que par elle nous soyons unis aux entrailles du Christ ; raisonnable, c’est-à-dire que nous soyons dépouillés par elle du sens de la bête ; agréable, afin que nous qui nous déplaisons à nous-mêmes, nous soyons par elle rendus agréables à son Fils unique.

 

            Objection N°8. Le sacrifice de la loi nouvelle est beaucoup plus excellent que le sacrifice des anciens patriarches. C’est donc à tort que le prêtre demande que ce sacrifice soit agréé comme le sacrifice d’Abel, d’Abraham et de Melchisédech.

            Réponse à l’objection N°8 : Quoique l’eucharistie soit par elle-même préférable à tous les sacrifices anciens : cependant les sacrifices des patriarches ont été très agréables à Dieu par suite de leur dévotion. Le prêtre demande donc que ce sacrifice soit reçu de Dieu d’après la dévotion de ceux qui l’offrent, comme ces sacrifices ont été agréés de lui.

 

            Objection N°9. Comme le corps du Christ ne commence pas à être dans l’eucharistie par un changement de lieu, ainsi que nous l’avons dit (quest. 75, art. 2), de même il ne cesse pas non plus d’y être de la sorte. C’est donc à tort que le prêtre dit : Commandez que ces dons soient portés par les mains de votre saint ange sur votre autel sublime.

            Réponse à l’objection N°9 : Le prêtre ne demande pas, pour les espèces sacramentelles qu’elles soient portées au ciel, ni pour le corps véritable du Christ qui ne cesse pas d’y être. Mais il le demande pour le corps mystique qui est signifié dans ce sacrement, afin que l’ange qui assiste aux mystères divins représente à Dieu les prières du prêtre et du peuple ; d’après ces paroles (Apoc., 8, 4) : La fumée des parfums composés des prières des saints, s’élevant de la main de l’ange, est montée vers Dieu. Par l’autel sublime de Dieu on désigne ou l’Eglise triomphante elle-même dans laquelle nous demandons à être élevé, ou Dieu lui-même auquel nous demandons à participer. Car c’est de cet autel qu’il est dit (Ex., 20, 26) : Vous ne monterez pas à mon autel par des degrés, c’est-à-dire, vous n’établirez pas de degrés dans la Trinité (glos. interl.). Ou bien par l’ange on comprend le Christ lui-même qui est l’ange du grand conseil, qui unit son corps mystique à Dieu son Père et à l’Eglise triomphante, et c’est pour cela qu’on donne à ce sacrifice le nom de messe (missa) (Littéralement le mot messe (missa) vient du verbe mittere, renvoyer, parce qu’on congédiait autrefois à deux reprises différentes : une fois après l’Evangile, et c’est ce qu’on appelait la messe des catéchumènes, et une autre fois après l’Ite missa est, et c’était la messe des fidèles. D’où est venu le nom de messe.) ; parce que le prêtre envoie (mittit) par les anges ses prières à Dieu, comme le peuple les envoie par le prêtre ; ou bien encore parce que le Christ est l’hostie qui nous a été envoyée (missa) par Dieu. C’est pour cela qu’à la fin de la messe le diacre congédie le peuple les jours de fête en disant : Ite missa est, c’est-à-dire l’hostie a été adressée à Dieu par l’ange, afin qu’elle lui soit agréable (Voyez pour l’explication de toutes les cérémonies de la messe le traité du P. Lebrun et les principaux auteurs liturgiques.).

 

            Mais c’est le contraire. Il est dit (De consecr., dist. 1, chap. 47) : Que saint Jacques, le frère du Seigneur selon la chair, et saint Basile, évêque de Césarée, ont réglé la célébration de la messe. Il est évident d’après leur autorité que chaque chose y est dite comme elle doit l’être.

 

            Conclusion Tout ce qui se fait à la messe à l’égard du sacrement de l’eucharistie a été établi avec une grande sagesse.

            Il faut répondre que tout le mystère de notre salut étant compris tout entier dans l’eucharistie, on célèbre pour ce motif ce sacrement avec plus de solennité que les autres. Et parce qu’il est écrit (Ecclésiaste, 4, 17) : Prenez garde que votre pied ne s’égare, quand vous irez en la maison de Dieu, et ailleurs (Ecclésiastique, 18, 23) : Préparez votre âme avant la prière ; on met d’abord avant la célébration de ce mystère une préparation pour que l’on fasse dignement ce qui doit suivre. La première partie de cette préparation est la louange de Dieu qui se fait dans l’introït, suivant ces paroles du Psalmiste (Ps. 49, 23) : Celui qui m’offre un sacrifice de louanges m’honore, et je ferai voir le salut qui vient de moi à celui qui marche dans une voie droite. Cet introït est le plus souvent tiré des psaumes, ou du moins on le chante avec un verset des psaumes, parce que, comme le dit saint Denis (De eccles. hier., chap. 3), les psaumes comprennent sous forme de louange tout ce que l’Ecriture contient. La seconde partie renferme un souvenir de la misère présente, et on demande miséricorde, en disant Kyrie eleison trois fois pour la personne du Père, Christe eleison trois fois pour la personne du Fils, et on ajoute trois fois Kyrie pour la personne de l’Esprit-Saint, contre la triple misère de l’ignorance, du péché et de la peine, ou pour signifier que toutes les personnes sont unies entre elles. La troisième partie rappelle la gloire céleste à laquelle nous tendons après la vie présente, et ses afflictions, en disant le Gloria in excelsis, qu’on chante dans les jours de fête où l’on fait mémoire de la gloire céleste. Mais on ne le chante pas dans les offices tristes qui ont pour but de nous rappeler notre misère. La quatrième partie contient la prière que le prêtre fait pour le peuple pour qu’il soit digne d’aussi grands mystères. 2° On adresse préalablement une instruction aux fidèles, parce que ce sacrement est un mystère de foi, comme nous l’avons dit (quest. 78, art. 3). Cette instruction préparatoire se fait par la doctrine des prophètes et des apôtres, que les lecteurs et les sous-diacres lisent dans l’église. Après cette lecture, le chœur chante le Graduel qui signifie le progrès de la vie spirituelle, et l’Alleluia qui indique l’allégresse spirituelle, ou le Trait qui, dans les offices tristes, signifie le gémissement spirituel. Car ces sentiments doivent naître dans le peuple des instructions précédentes. Le peuple est parfaitement instruit par la doctrine du Christ renfermée dans l’Evangile que lisent les ministres supérieurs, c’est-à-dire les diacres. Et parce que nous croyons au Christ comme à la vérité divine, d’après ces paroles (Jean, 8, 46) : Si je vous dis la vérité, pourquoi ne croyez-vous pas à moi ? Après la lecture de l’Evangile, on chante le symbole de la foi, dans lequel le peuple montre qu’il est attaché par sa croyance à la doctrine du Christ. Ce symbole se chante dans les fêtes de ceux dont il est fait mention dans le symbole, comme dans les fêtes du Christ, de la bienheureuse Vierge et des apôtres et des autres saints qui ont fondé la foi. — Ainsi donc, après que le peuple a été préparé et instruit, on arrive ensuite à la célébration du mystère que l’on offre comme sacrifice, et qu’on consacre et qu’on reçoit comme sacrement. De là il résulte qu’il y a d’abord l’oblation, en second lieu la consécration de la matière offerte et en troisième lieu sa réception. A l’égard de l’oblation on fait deux choses : la louange du peuple dans le chant de l’Offertoire qui indique la joie de ceux qui offrent, et la prière du prêtre qui demande que l’oblation du peuple soit reçue de Dieu. D’où David a dit (1 Paral., 29, 17) : Je vous ai offert toutes ces choses dans la simplicité de mon cœur et avec joie, et j’ai vu avec une grande allégresse tout ce peuple rassemblé en ce lieu vous offrir des présents. Puis il ajoute en priant : Seigneur, mon Dieu, gardez cette bonne volonté dans votre peuple. — Ensuite, à l’égard de la consécration (Cette seconde partie de la messe comprend le canon qui, de l’aveu de tous, est considéré comme la partie la plus ancienne de la messe, et qu’on ne pourrait accuser d’erreur sans être hérétique, d’après ce canon du concile de Trente : Si quis dixerit canonem missæ errores continere, ideoque abrogandum esse ; anathema sit (sess. 22, can. 6).) qui est produite par une vertu surnaturelle, le peuple est excité à la dévotion dans la préface. C’est pourquoi on l’engage d’élever son cœur vers le Seigneur. C’est aussi pour cela qu’après la préface, le peuple loue avec dévotion la divinité du Christ, en disant avec les anges : Sanctus, sanctus, sanctus, et qu’il loue son humanité en disant avec les enfants : Benedictus qui venit, etc. Le prêtre rappelle secrètement : 1° Ceux pour qui il offre ce sacrifice ; c’est-à-dire l’Eglise universelle, tous ceux qui sont élevés en dignité, d’après saint Paul (1 Tim., 2, 2) et particulièrement ceux qui offrent le sacrifice et ceux pour lesquels il est offert. 2° Il rappelle les saints dont il implore la protection pour les personnes dont nous venons de parler quand il dit : Communicantes et memoriam venerantes, etc. 3° Il conclut sa demande par ces paroles : Que cette oblation soit salutaire à tous ceux pour lesquels elle est offerte. Il arrive ensuite à la consécration elle-même, dans laquelle il demande d’abord l’effet de la consécration, quand il dit : Quam oblationem tu Deus, etc. En second lieu il fait la consécration au moyen des paroles du Sauveur, quand il dit : Qui pridiè, etc. En troisième lieu, il excuse sa présomption par son obéissance aux ordres du Christ, quand il dit : Unde et memores, etc. En quatrième lieu, il demande que le sacrifice qu’il a fait soit reçu de Dieu en ajoutant : Supra quæ propitio, etc. En cinquième lieu, il demande l’effet de ce sacrifice et de ce sacrement : 1° quant à ceux qui le reçoivent lorsqu’il dit : Supplices te rogamus ; 2° par rapport aux morts qui ne peuvent plus le recevoir, quand il dit : Memento etiam, Domine ; 3° en particulier par rapport aux prêtres eux-mêmes qui l’offrent, quand il dit : Nobis quoque peccatoribus, etc. — Il s’agit ensuite delà réception du sacrement. On prépare d’abord les fidèles à le recevoir : 1° Par la prière commune de tout le peuple qui est l’oraison dominicale, dans laquelle nous demandons à Dieu qu’il nous donne notre pain de chaque jour, et par la prière privée que le prêtre offre spécialement pour le peuple, quand il dit : Libera nos, quæsumus, etc. 2° Le peuple est préparé par la paix qu’il donne en disant : Agnus Dei. Car ce sacrement est le sacrement de l’unité et de la paix, comme nous l’avons dit (quest. 73, art. 4, et quest. 79, art. 1). Mais dans les messes de morts, où l’on offre le sacrifice non pour la paix présente, mais pour le repos des défunts, on omet la paix. Vient ensuite la réception du sacrement. Le prêtre le reçoit d’abord et le donne ensuite aux autres ; parce que, comme le dit saint Denis (De eccles. hier., chap. 3) : Celui qui donne aux autres les choses divines doit d’abord y participer lui-même. — Enfin, la célébration de la messe se termine tout entière par l’action de grâces, le peuple manifestant sa joie pour le sacrement qu’il a reçu (ce que désigne le chant après la communion), et le prêtre offrant l’action de grâces par la prière, comme fit le Christ lui-même, lorsqu’après avoir célébré la cène avec ses disciples, il dit une hymne, selon l’expression de saint Matthieu (chap. 26).

 

Article 5 : Les actes que lon fait dans la célébration de ce mystère sont-ils convenables ?

 

            Objection N°1. Il semble que les actions que l’on fait dans la célébration de la messe ne soient pas convenables. Car l’eucharistie appartient au Nouveau Testament, comme on le voit d’après sa forme. Or, sous le Nouveau Testament on ne doit pas observer les cérémonies de l’Ancien, auxquelles il appartenait d’obliger le prêtre et les ministres à se laver dans l’eau quand ils s’approchaient pour faire les offrandes. Car il est dit (Ex., 30, 19) : Aaron et ses fils se laveront les mains et les pieds, lorsqu’ils entreront dans le tabernacle de l’alliance et quand ils s’approcheront de l’autel. Il n’est donc pas convenable que le prêtre lave ses mains dans la célébration de la messe.

            Réponse à l’objection N°1 : L’ablution des mains se fait dans la célébration de la messe par respect pour l’eucharistie, et cela pour deux raisons : 1° Parce que nous n’avons coutume de manier des choses précieuses qu’après que nous avons lavé nos mains. Il paraît donc inconvenant qu’on s’approche d’un aussi grand sacrement quand on a les mains souillées matériellement. 2° A cause de la signification ; parce que, comme le dit saint Denis (De eccles. hier., chap. 3), l’ablution des extrémités indique la purification des moindres péchés, d’après ces paroles de saint Jean (Jean, 13, 10) : Celui qui a été lavé n’a plus besoin que de se laver les pieds. On exige cette purification de celui qui s’approche de l’eucharistie C’est aussi ce que signifie la confession que l’on fait avant l’introït de la messe. L’ablution des prêtres dans l’ancienne loi avait la même signification, comme le dit saint Denis (loc. cit.). Cependant on n’observe pas cette pratique comme étant un précepte cérémoniel de l’ancienne loi, mais comme étant une chose prescrite par l’Eglise et comme étant convenable par elle-même. C’est pour cela qu’on ne l’observe pas maintenant de la même manière qu’alors. Caron omet l’ablution des pieds et on conserve l’ablution des mains, que l’on peut faire plus facilement et qui suffit pour signifier la pureté parfaite. Car la main étant l’organe des organes, comme le dit Aristote (De anima, liv. 3, text. 38), on attribue aux mains toutes les opérations. D’où l’on dit (Ps. 25, 6) : Lavabo inter innocentes manus meas.

 

            Objection N°2. Le Seigneur a ordonné (ibid.) à Aaron de brûler de l’encens qui répandît une agréable odeur sur l’autel qui était devant le propitiatoire ; ce qui appartenait aussi aux cérémonies de l’Ancien Testament. C’est donc à tort que le prêtre fait usage de l’encens à la messe.

            Réponse à l’objection N°2 : Nous ne faisons pas usage de l’encens d’après un précepte cérémoniel de la loi, mais d’après les règles de l’Eglise. Par conséquent nous n’en usons pas de la manière que la loi ancienne prescrivait. Mais on s’en sert pour un double but : 1° Pour exciter le respect dû à ce sacrement, c’est-à-dire pour chasser par sa bonne odeur tout ce qu’il pourrait y avoir de mauvaise odeur dans ce lieu et qui pourrait inspirer de l’horreur. 2° Il a pour but de représenter l’effet de la grâce dont le Christ a été rempli, comme d’une bonne odeur, d’après ces paroles (Gen., 27, 27) : C’est là l’odeur de mon fils qui est comme l’odeur d’un champ rempli de fleurs. Elle découle du Christ sur les fidèles par l’office des ministres, d’après ces paroles de saint Paul (2 Cor., 2, 14) : Il répand par nous en tous lieux l’odeur de la connaissance de son nom. C’est pour cela qu’après avoir encensé de toutes parts l’autel qui désigne le Christ, on encense tous les ministres par ordre.

 

            Objection N°3. Les actes que l’on fait dans les sacrements ne doivent pas être réitérés. C’est donc à tort que le prêtre renouvelle une foule de fois les signes de croix sur le sacrement de l’autel.

            Réponse à l’objection N°3 : Le prêtre dans la célébration de la messe fait le signe de la croix pour exprimer la passion du Christ qui a eu la croix pour terme. Or, la passion du Christ a été produite par certaines actions comme par degrés. Il y a eu : 1° la tradition du Christ qui a été faite par Dieu, par Judas et par les Juifs, ce que signifie le triple signe de croix qu’il fait à ces paroles : Hæc dona, hæc munera, hæc sancta sacrificia illibata. 2° Il y eut la vente du Christ. Il fut vendu aux prêtres, aux scribes et aux pharisiens ; pour signifier ce mystère on fait encore un triple signe de croix à ces paroles : Benedictum, adscriptum, ratam, ou pour montrer le prix de la vente, c’est-à-dire les trente deniers. On ajoute une double croix à ces paroles : Ut nobis corpus et sanguis, etc., pour désigner la personne de Judas qui fut le vendeur et du Christ qui fut vendu. 3° La passion du Christ fut prédite dans la cène ; pour désigner cette circonstance on fait encore deux croix, l’une pour la consécration du corps et l’autre pour la consécration du sang, et on dit dans l’un et l’autre cas : Benedixit. 4° La passion elle-même du Christ a eu lieu. De là pour représenter les cinq plaies du Christ on fait cinq fois le signe de la croix à ces paroles : Hostiam puram, hostiam sanctam, hostiam immaculatam, panem sanctum vitæ æternæ et calicem salutis perpetuæ. 5° On représente l’acte par lequel le corps du Christ fut étendu sur la croix, et l’effusion de son sang, et le fruit de la passion par un triple signe de croix que l’on fait à ces mots : Corpus et sanguinem sumpserimus, omni benedictione, etc. 6° On représente la triple prière qu’il a faite sur la croix : la première pour ses persécuteurs quand il dit : Mon père, pardonnez-leur ; la seconde pour être délivré de la mort quand il s’est écrié : Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’avez-vous abandonné ? la troisième qui se rapporte à l’acquisition de la gloire quand il a ajouté : Mon père, je remets mon esprit entre vos mains. Pour signifier cette triple prière on fait un triple signe de croix à ces mots : Sanctificas, vivificas, benedicis, etc. 7° On représente les trois heures pendant lesquelles il a été attaché sur la croix, c’est-à-dire depuis la sixième jusqu’à la neuvième heure ; et c’est pour les représenter qu’on fait un triple signe de croix à ces mots : Per ipsum, et cum ipso et in ipso. 8° On représente la séparation de l’âme du corps par les deux croix que l’on fait ensuite hors du calice. 9° On représente la résurrection qui a eu lieu le troisième jour, par trois croix que l’on fait à ces mots : Pax Domini sit semper vobiscum. — On peut aussi répondre plus brièvement que la consécration de ce sacrement, l’acceptation de ce sacrifice et ses fruits proviennent de la vertu de la croix du Christ. C’est pour cela que partout où l’on fait mention de l’une de ces choses le prêtre fait le signe de la croix.

 

            Objection N°4. L’Apôtre dit (Héb., 7, 7) : Sans aucun doute, c’est à l’inférieur à recevoir la bénédiction de celui qui est au-dessus de lui. Or, le Christ qui est dans l’eucharistie après la consécration est beaucoup plus grand que le prêtre. C’est donc à tort que le prêtre, après la consécration, bénit ce sacrement en faisant le signe de la croix.

            Réponse à l’objection N°4 : Le prêtre après la consécration ne fait pas le signe de la croix pour bénir et pour consacrer, mais seulement pour rappeler la vertu de la croix et le mode de la passion du Christ, comme on le voit d’après ce que nous avons dit (Réponse N°4.).

 

            Objection N°5. On ne doit rien faire dans le sacrement de l’Eglise qui paraisse ridicule. Or, il paraît ridicule de faire des gestes semblables à ceux que fait le prêtre en étendant les bras, en joignant les mains, en repliant les doigts et en s’inclinant. On ne doit donc pas faire ces choses dans l’eucharistie.

            Réponse à l’objection N°5 : Les actions que le prêtre fait à la messe ne sont pas des gestes ridicules : car il les fait pour représenter quelque chose. En effet, le prêtre étend les bras après la consécration pour représenter que les bras du Christ ont été étendus sur la croix. Il lève les mains en priant, pour indiquer que sa prière est dirigée vers Dieu pour le peuple, d’après ces paroles de Jérémie (Lam., 3, 41) : Elevons nos cœurs et nos mains vers le Seigneur qui règne dans le ciel. Et il est dit (Ex., 17, 11) : Que pendant que Moïse levait les mains, Israël était victorieux. S’il joint quelquefois les mains et qu’il s’incline, c’est l’attitude du suppliant qui prie avec humilité, et il montre par là l’humilité et l’obéissance avec laquelle le Christ a souffert. Il joint les doigts après la consécration, c’est-à-dire il unit le pouce à l’index qui sont les deux doigts par lesquels il a touché le corps consacré du Christ, afin que si une parcelle s’est attachée aux doigts elle ne se perde pas ; ce qui appartient au respect dû à ce sacrement.

 

            Objection N°6. Il paraît ridicule que le prêtre se tourne une foule de fois vers le peuple et qu’il le salue aussi une foule de fois. On ne doit donc pas faire ces choses dans la célébration de l’eucharistie.

            Réponse à l’objection N°6 : Le prêtre se retourne cinq fois vers le peuple pour signifier que le Seigneur s’est manifesté cinq fois le jour de la résurrection, comme nous l’avons dit (quest. 55, art. 3, Objection N°3). Il salue sept fois le peuple, c’est-à-dire les cinq fois qu’il se tourne vers lui, et deux fois quand il ne se retourne pas : l’une avant la préface quand il dit : Dominus vobiscum, et l’autre en disant : Pax Domini sit semper vobiscum, pour désigner les sept dons de l’Esprit-Saint. L’évêque qui célèbre dans les fêtes dit la première fois qu’il salue : Pax vobis, parce que ce fut la parole que dit à ses disciples le Seigneur lui-même dont la personne est principalement représentée par l’évêque.

 

            Objection N°7. Saint Paul regarde (1 Cor., chap. 1) comme une chose inconvenante que le Christ soit divisé. Or, après la consécration le Christ existe dans ce sacrement. C’est donc à tort que le prêtre rompt l’hostie.

            Réponse à l’objection N°7 : La fraction de l’hostie signifie trois choses : 1° la division même du corps du Christ qui eut lieu dans la passion ; 2° la distinction du corps mystique selon les divers états ; 3° la distribution des grâces qui proviennent de la passion du Christ, comme le dit saint Denis (De cælest. hier., chap. 3). Par conséquent nous ne sommes pas autorisés par là à diviser le Christ lui-même.

 

            Objection N°8. Ce que l’on fait à la messe représente la passion du Christ. Or, dans la passion le corps du Christ a été percé de cinq plaies. On devrait donc rompre le corps du Christ en cinq parties plutôt qu’en trois.

            Réponse à l’objection N°8 : Comme le dit le pape Sergius (hab., De consecrat., dist. 2, chap. 22) : Le corps du Seigneur est divisé en trois parties : celle qu’on met dans le calice après l’avoir offerte montre le corps du Christ qui est ressuscité, c’est-à-dire le Christ lui-même et la bienheureuse Vierge, ou les autres saints s’il y en a qui soient dans le ciel avec leurs corps. La partie qui est mangée indique ceux qui sont encore voyageurs sur la terre, parce que ceux qui sont ici-bas font usage du sacrement et sont brisés par la souffrance, comme le pain qu’on mange est broyé par les dents. La partie qu’on laissait sur l’autel jusqu’à la fin de la messe indique le corps gisant dans le tombeau, parce que jusqu’à la fin des sièges les corps des saints seront dans leurs tombeaux, quoique leurs âmes soient dans le purgatoire ou dans le ciel. Mais ce rite n’est plus observé maintenant (Cette partie était réservée pour communier les ministres ou les infirmes. Maintenant on se sert des hosties que l’on conserve dans le tabernacle. Le concile de Trente s’exprime ainsi au sujet de cette coutume (sess. 13, chap. 6) : Consuetudo asservandi in sacrario sanctam eucharistiam adeò antiqua est, ut eam sæculum etiam Nicæni concilii agnoverit. Quare sancta hæc synodus retinendum omninò salutarem hanc, et necessarium morem statuit.), car on ne conserve pas jusqu’à la fin de la messe une partie de l’hostie, à cause du péril que cela présentait. Cependant la signification des parties reste la même, et on l’a exprimée dans ces vers :

 

Hostia dividitur in partes, tincta beatos

Plenè, sicca notât vivos, servata sepultos.

 

Il y en a d’autres qui disent que la partie qu’on met dans le calice signifie ceux qui vivent en ce monde ; la partie qu’on conserve hors du calice signifie ceux qui sont pleinement heureux quant à l’âme et au corps, et la partie qu’on mange signifie les autres.

 

            Objection N°9. Le corps entier du Christ est consacré à la messe indépendamment du sang. C’est donc à tort qu’on en mélange une partie avec son sang.

            Réponse à l’objection N°9 : Par le calice on peut signifier deux choses : 1° La passion elle-même du Christ qui est représentée dans l’eucharistie, et en ce sens la partie qu’on met dans le calice signifie ceux qui sont encore participants aux souffrances du Christ. 2° Il peut signifier la jouissance des bienheureux qui est aussi figurée à l’avance dans ce sacrement. C’est pour cela que ceux dont les corps sont déjà dans la pleine béatitude sept signifiés par la partie qu’on met dans le calice. Et il est à remarquer qu’on ne doit pas donner au peuple cette partie, comme supplément de la communion, parce que le Christ n’a donné qu’au traître Judas du pain trempé.

 

            Objection N°10. Comme le corps du Christ est offert dans l’eucharistie à titre de nourriture, de même le sang l’est à titre de breuvage. Or, dans la célébration de la messe on ne prend pas d’autre nourriture corporelle après qu’on a reçu le corps du Christ. C’est donc à tort que le prêtre, après avoir reçu le sang du Christ, prend du vin qui n’est pas consacré.

            Réponse à l’objection N°10 : Le vin en raison de son humidité lave ; c’est pourquoi, après avoir reçu l’eucharistie, on prend du vin pour se laver la bouche, dans la crainte qu’il n’en reste quelques parties, ce qui est une marque de respect envers le sacrement. D’où il est dit (extra, De celebrat. Miss., chap. Ex parte) : Le prêtre doit toujours se mettre du vin dans la bouche, après qu’il a reçu le sacrement de l’eucharistie tout entier, à moins qu’on ne doive dire une autre messe le même jour, dans la crainte que dans le cas où il viendrait à avaler du vin il ne pût en célébrer une autre (Celui qui a le droit de biner et qui a pris les ablutions, ne peut dire une seconde messe qu’autant qu’il résulterait de graves inconvénients s’il s’abstenait de le faire.). Pour la même raison il fait verser du vin sur les doigts avec lesquels il a touché le corps du Christ.

 

            Objection N°11. La vérité doit répondre à la figure. Or, à l’égard de l’agneau pascal, qui fut la figure de l’eucharistie, on ordonnait qu’il n’en restât rien jusqu’au matin. C’est donc à tort que les hosties consacrées sont réservées et qu’on ne les reçoit pas immédiatement.

            Réponse à l’objection N°11 : La vérité doit répondre à la figure sous un rapport ; c’est pour cela qu’on ne doit pas réserver pour le lendemain une partie de l’hostie consacrée dont le prêtre, les ministres ou même le peuple communie. C’est ce qui a fait décider (habet., De consecr., dist. 2, chap. Tribus gradibus, Clemens I papa, epist. 2) qu’on offrirait sur l’autel autant d’holocaustes qu’il en faudrait pour les besoins du peuple ; que s’il en reste, on ne doit pas les réserver pour le lendemain, mais les clercs doivent avoir soin de les consumer avec crainte et tremblement. Cependant comme on doit recevoir tous les jours ce sacrement, tandis qu’on ne mangeait pas tous les jours l’agneau pascal, il faut conserver d’autres hosties consacrées pour les malades. Ainsi on dit (in ead. dist., chap. 93) : Qu’un prêtre tienne toujours l’eucharistie prête, pour que, quand quelqu’un est malade, il le communie immédiatement dans la crainte qu’il ne meure sans la communion (Le concile de Trente a ainsi condamné ceux qui blâmaient cet usage (sess. 13, can. 7) : Si quis dixerit non licere sacram eucharistiam in sacrario reservari : sed statim post consecrationem adstantibus necessariò distribuendam ; aut non licere, ut illa ad infirmos honorificè deferatur ; anathema sit.).

 

            Objection N°12. Le prêtre parle au pluriel à ceux qui l’écoutent quand il dit : Dominus vobiscum et Gratias agamus. Or, il ne paraît pas convenable de parler au pluriel à une seule personne, et surtout à quelqu’un qui est moins que soi. Il semble donc inconvenant qu’un prêtre célèbre la messe en présence d’un seul ministre. Par conséquent il y a des choses que l’on fait d’une manière inconvenante dans la célébration de ce mystère.

            Réponse à l’objection N°12 : Dans la célébration solennelle de la messe il faut qu’il y ait plusieurs personnes. D’où le pape Soter dit (Décret. 3, ut hab. De consecr., dist. 1, chap. 61) : Il a été statué qu’aucun des prêtres n’ait la présomption de célébrer la messe solennelle à moins qu’il n’y ait là deux personnes pour lui répondre et qu’il ne fasse la troisième ; parce que, puisqu’il dit au pluriel : Dominus vobiscum, et que dans la secrète il dit : Orate pro me, il convient qu’on réponde à son salut. C’est pour cela que, pour plus de solennité, on lit au même endroit que l’évêque doit célébrer les messes solennelles avec plusieurs ministres. Cependant dans les messes privées il suffit d’avoir un saint ministre (Il est absolument nécessaire d’avoir au moins un répondant ou servant : Certum est apud omnes, dit saint Liguori, esse mortale celebrare sine ministro (liv. 6, n° 391). On excepte le cas où il s’agirait de dire la messe pour donner le saint viatique à un moribond, et celui où le sacrifice étant commencé, le servant se retirerait. On devrait continuer même quand on ne serait pas au canon. Une femme ne peut servir à l’autel ; dans le cas de nécessité il vaudrait mieux célébrer seul. On permet aux femmes de répondre de leur place on d’un lieu éloigné, mais elles ne peuvent présenter l’eau et le vin au prêtre.) qui représente le peuple catholique tout entier, au nom duquel il répond au pluriel au prêtre (Le concile de Trente a ainsi anathématisé ceux qui attaquent les cérémonies de la messe (sess. 22, can. 7) : Si quis dixerit cæremonias, vestes et externa signa, quibus in missarum celebratione Ecclesia catholica utitur, irritabula impietatis esse magis quàm officia pietatis ; anathema sit.).

 

            Mais c’est le contraire. Toutes ces actions sont autorisées par la coutume de l’Eglise qui ne peut errer, parce qu’elle est instruite par l’Esprit-Saint.

 

            Conclusion Toutes les cérémonies que l’on fait à l’égard de l’eucharistie ont été établies avec raison, soit pour représenter la passion du Christ, soit pour augmenter la dévotion et le respect envers ce sacrement.

            Il faut répondre que, comme nous l’avons dit (quest. 60, art. 5 et 6), dans les sacrements une chose est signifiée de deux manières : par les paroles et les actions, pour que sa signification soit plus parfaite. Les paroles que l’on prononce dans la célébration de ce sacrement signifient des choses qui appartiennent, les unes à la passion du Christ qui est représentée dans ce sacrement, ou à son corps mystique que ce sacrement signifie, et les autres à l’usage de ce sacrement qu’on doit recevoir avec dévotion et respect. C’est pour cela que dans la célébration de ce mystère on fait des choses pour représenter la passion du Christ, ou la disposition de son corps mystique, et on en fait d’autres qui ont pour but d’exciter la dévotion et le respect envers ce sacrement.

 

Article 6 : Peut-on obvier suffisamment à tous les inconvénients qui peuvent se présenter dans la célébration de la messe en observant les statuts de lEglise ?

 

            Objection N°1. Il semble qu’on ne puisse pas suffisamment obvier aux inconvénients qui se présentent à l’égard de la célébration du sacrement de l’autel en observant les statuts de l’Eglise. Car il arrive quelquefois qu’un prêtre, avant la consécration ou après, meurt ou devient aliéné, ou qu’il se trouve empêché par une autre infirmité de pouvoir recevoir le sacrement et d’achever sa messe. Il semble donc qu’il ne puisse remplir le statut qui ordonne au prêtre qui consacre de communier à son sacrifice.

            Réponse à l’objection N°1 : Si le prêtre vient à mourir ou à être frappé par une infirmité grave avant la consécration du corps et du sang du Seigneur, il n’est pas nécessaire qu’il soit remplacé par un autre. Mais si cela lui arrive lorsque la consécration est commencée, par exemple après la consécration du corps et avant la consécration du sang, ou encore après que l’un et l’autre sont consacrés, la célébration de la messe doit être achevée par un autre prêtre. C’est pourquoi il est dit (Decr. 7, quæst. 1, chap. Nihil, in Tolet. conc. 8, can. 2) : Nous avons pensé qu’il était convenable lorsque les prêtres ont consacré les mystères sacrés dans le temps de la messe, s’il leur arrive une infirmité qui ne leur permette pas d’achever le mystère, il soit libre à l’évêque ou à un autre prêtre (Le prêtre qui se trouve là est obligé, à défaut d’autre ministre, d’achever le saint sacrifice lors même qu’il ne serait plus à jeun, et qu’il serait excommunié et irrégulier. Etiam sacerdos excommunicatus atque irregularis supplere debet, si alii desint, et ipse possit sine gravissimo incommodo, dit saint Liguori (lib. 6, n° 535).) d’achever la consécration de l’office commencé. Car on ne peut donner aux mystères commencés d’autre supplément que la bénédiction complète du prêtre qui les commence ou qui les continue ; parce qu’ils ne peuvent être parfaits qu’autant qu’ils sont accomplis dans un ordre parfait. Car puisque nous sommes tous un dans le Christ, la diversité des personnes ne produit rien de contraire, là où l’unité de foi représente l’efficacité de l’action. Mais de peur que ce qu’on accorde à l’infirmité de la nature ne dégénère en abus, qu’aucun ministre ou qu’aucun prêtre, à moins d’une nécessité évidente, n’ait la présomption d’abandonner absolument les mystères, lorsqu’ils sont commencés et qu’ils ne sont pas achevés. Si quelqu’un a la témérité de le faire, il encourra la sentence de l’excommunication (Si quis extra casus necessitatis integra sacramenta non sumpserit, gravissimè peccat, disent les rubriques.).

 

            Objection N°2. Il arrive quelquefois qu’un prêtre, avant la consécration ou après, se rappelle qu’il a mangé ou bu quelque chose, ou qu’il est dans l’état de péché mortel, ou qu’il a encouru une excommunication dont il n’avait pas auparavant la mémoire. Il est donc nécessaire que celui qui en est là pèche mortellement en agissant contre un statut de l’Eglise, soit qu’il communie, soit qu’il ne communie pas.

            Réponse à l’objection N°2 : Dès qu’une difficulté se présente, on doit toujours prendre le parti qui offre le moins de péril. Or, ce qu’il y a de plus dangereux à l’égard de l’eucharistie, c’est de laisser ce sacrement imparfait, parce qui c’est un horrible sacrilège. Ce qui l’est moins, c’est ce qui se rapporte à la qualité de celui qui le reçoit. C’est pourquoi si un prêtre, après avoir commencé la consécration, se rappelle qu’il a mangé ou qu’il a bu, il doit néanmoins achever le sacrifice et prendre le sacrement. De même, s’il se rappelle qu’il a commis un péché, il doit s’en repentir, prendre la résolution de s’en confesser et de satisfaire, et alors il recevra le sacrement non d’une manière indigne, mais avec fruit. La même raison existe, s’il se souvient qu’il est sous une excommunication quelconque. Car il doit prendre la résolution de demander humblement l’absolution, et alors il l’obtiendra par Jésus-Christ, le pontife invisible, relativement à cet acte, pour qu’il achève les mystères divins. Mais si avant la consécration il se rappelle l’une ou l’autre de ces choses, je croirais plus sûr, principalement dans le cas où il aurait mangé, ou dans le cas d’excommunication, délaisser la messe sans l’achever, à moins qu’il n’eût à redouter un grave scandale (Les rubriques disent aussi : Ante consecrationem, si non timetur scandalum, debet missam incœptam deserere. Mais il nous semble qu’il y a toujours danger de scandaliser, ne serait-ce que le servant lui-même. Ainsi, comme le dit M. de la Luzerne, du principe généralement adopté par les théologiens, qu’il vaut mieux continuer la messe que de scandaliser les fidèles, résulte cette conséquence à laquelle se refusent quelques-uns d’entre eux, que lorsque la messe est commencée on ne doit jamais l’interrompre pour aller confesser le péché dont on se ressouvient (Instr. sur le rituel de Langres, ch. 6, art. 3).).

 

            Objection N°3. Il arrive quelquefois qu’une mouche, ou une araignée, ou un animal venimeux tombe dans le calice après la consécration ; ou bien le prêtre apprend qu’une personne malveillante a mis du poison dans le calice pour le faire périr. Dans ce cas, s’il prend le vin consacré, il paraît pécher mortellement en se tuant ou en tentant Dieu. De même, s’il ne le prend pas, il pèche en agissant contre un statut de l’Eglise. Il semble donc être perplexe et soumis à la nécessité de pécher, ce qui répugne.

            Réponse à l’objection N°3 : Si une mouche ou une araignée vient à tomber dans le calice avant la consécration, ou qu’on découvre qu’on y a jeté du poison, on doit verser le vin qui y est, purifier le calice et ensuite y mettre de l’autre vin pour le consacrer. Mais si l’un de ces accidents arrive après la consécration, on doit prendre l’animal avec précaution, le laver et le brûler avec soin, et on doit jeter l’ablution avec les cendres dans la piscine. Si on découvre qu’on y a mis du poison, on ne doit le prendre d’aucune manière ni le donner aux autres, dans la crainte que le calice de vie ne devienne mortel ; mais on doit le conserver avec soin dans un vase convenable pour cela ; et pour que le sacrement ne reste pas imparfait, on doit mettre de l’autre vin dans le calice et ensuite reprendre à la consécration du sang et achever le sacrifice.

 

            Objection N°4. Il arrive quelquefois que par la négligence du ministre on ne met pas d’eau dans le calice ou on ne met pas de vin, et que le prêtre s’en aperçoit. Dans ce cas il paraît donc encore être perplexe, soit qu’il reçoive le corps sans le sang, ce qui produit un sacrifice qui est en quelque sorte imparfait, soit qu’il ne prenne ni le corps, ni le sang.

            Réponse à l’objection N°4 : Si un prêtre, avant la consécration du sang et après la consécration du corps, s’aperçoit qu’il n’y a pas de vin ou qu’il n’y a pas d’eau dans le calice, il doit en mettre immédiatement et consacrer. Mais si après les paroles de la consécration il s’aperçoit qu’il n’y a pas d’eau, il doit néanmoins continuer, parce que l’eau, comme nous l’avons dit (quest. 74, art. 7), n’est pas nécessaire au sacrement. Cependant on doit punir celui qui fait cette faute par négligence (On croit communément qu’il y a péché mortel à négliger de mettre de l’eau dans le calice avec le vin pour la consécration.). Mais on ne doit d’aucune manière mêler de l’eau au vin qui est consacré, parce qu’il s’ensuivrait la corruption du sacrement pour une partie, comme nous l’avons dit (quest. 77, art. 8). Si on s’aperçoit, après les paroles de la consécration, qu’on n’a pas mis de vin dans le calice, et qu’on le voie avant de prendre le corps, on doit ôter l’eau qui est dans le calice, y mettre du vin avec de l’eau (On doit offrir le calice au moins mentalement, et consacrer en commençant à ces mots, simili modo, sans répéter ni les prières, ni les cérémonies qui ont été faites. D’après le missel romain on fait la même chose quand on a mis dans le calice la parcelle qu’on y met avant l’agnus Dei. Dans ce cas le célébrant doit prendre, immédiatement après la consécration sous les deux espèces, l’eau qui contient la parcelle de l’hostie qui est consacrée.), et reprendre aux paroles de la consécration du sang. Si on ne s’aperçoit de cette erreur qu’après avoir pris le corps, il faut prendre une nouvelle hostie et la consacrer de nouveau simultanément avec le sang. Je dis qu’on doit agir ainsi, parce que si l’on ne prononçait que les paroles de la consécration du sang, on n’observerait pas l’ordre de consécration qu’on doit observer, et, comme le dit le concile de Tolède (cit. in resp. ad 1), les sacrifices ne peuvent paraître parfaits qu’autant qu’ils sont accomplis dans un ordre parfait. D’ailleurs si on commençait à la consécration du sang, et qu’on ne répétât pas toutes les paroles qui suivent, ce ne serait pas convenable s’il n’y avait pas d’hostie consacrée, puisque dans ces paroles il y a des choses que l’on doit dire et que l’on doit faire non-seulement à l’égard du sang, mais encore à l’égard du corps (On peut cependant omettre la consécration sous l’espèce du pain, quand on ne peut la faire sans scandale. Alors, dit la rubrique, le célébrant se contentera d’offrir et de consacrer du vin avec de l’eau.). On doit à la fin prendre de nouveau l’hostie consacrée et le sang, quoiqu’on ait déjà pris auparavant l’eau qui était dans le calice : parce que le précepte qui ordonne de ne pas laisser le sacrement imparfait ou de le recevoir est d’un plus grand poids que le précepte qui oblige à le recevoir à jeun, comme nous l’avons dit (quest. 80, art. 8).

 

            Objection N°5. Il arrive quelquefois que le prêtre ne se rappelle pas avoir dit les paroles de la consécration, ou même d’autres que l’on prononce dans la célébration de ce mystère. Il semble donc pécher alors, soit qu’il réitère sur la même matière les paroles qu’il avait peut-être déjà dites, soit qu’il fasse usage du pain et du vin non consacrés, comme s’ils l’étaient.

            Réponse à l’objection N°5 : Quoique le prêtre ne se rappelle pas avoir dit quelques-unes des paroles qu’il a dû dire, il ne doit pas pour cela se troubler l’esprit. Car celui qui dit beaucoup de choses ne se rappelle pas tout ce qu’il a dit : à moins que par hasard en disant une chose, on la perçoive comme une chose dite, parce qu’alors elle devient l’objet de la mémoire. Par conséquent si on pense attentivement à ce que l’on dit, sans penser cependant qu’on le dit, on ne se rappelle pas beaucoup dans la suite qu’on l’a dit. Car une chose ne devient l’objet de la mémoire qu’autant qu’on la perçoit à titre de chose passée, comme le dit Aristote (De mem., liv. 1, chap. 1). Si cependant le prêtre croit qu’il est probable qu’il a omis quelque chose, dans le cas où ces choses ne sont pas nécessaires pour le sacrement, je ne pense pas qu’on doive pour cela les reprendre en changeant l’ordre du sacrifice, mais on doit passer outre. Dans le cas où il serait certain qu’il a omis quelques-unes des choses qui sont nécessaires pour le sacrement, telles que la forme de la consécration ; puisque la forme de la consécration est nécessaire au sacrement, comme la matière, il semble qu’on doive faire ce que nous avons dit (Réponse N°4) quand la matière fait défaut ; c’est-à-dire qu’on doive reprendre la forme de la consécration (Les rubriques du missel romain s’expriment presque dans les mêmes termes que saint Thomas : Si celebrans non recordatur se dixisse ea quæ in consecratione communiter dicuntur, non debet propterea turbari. Si tamen certò ei constat se omisisse aliquid eorum quæ sunt de necessitate sacramenti, id est formam consecrationis, seu partem, resumat ipsam formam, et cætera prosequatur per ordinem. Si verò valdè probabiliter dubitat se aliquid essentiale omisisse, iteret formam saltem sub tacita conditione. Si autem non sunt de necessitate sacramenti, non resumat, sed procedat alterius.), et répéter tout le reste par ordre, de manière que l’ordre du sacrifice ne soit pas changé.

 

            Objection N°6. Il arrive quelquefois qu’à cause du froid le prêtre laisse échapper l’hostie dans le calice, soit avant l’avoir rompue, soit après. Dans ce cas il ne peut donc remplir le rite de l’Eglise, soit au sujet du fractionnement de l’hostie, soit à l’égard de ce que la troisième partie doit être seule mise dans le calice.

            Réponse à l’objection N°6 : On rompt l’hostie consacrée et on en met une partie dans le calice pour signifier le corps mystique, comme on y mêle de l’eau pour signifier le peuple. C’est pourquoi l’omission de ces choses ne rend pas le sacrifice imparfait (Mais si cette omission a lieu par négligence, ou ne peut l’excuser de péché mortel.), et par conséquent il n’est pas nécessaire pour cela de réitérer quelque chose à l’égard de la célébration de ce sacrement.

 

            Objection N°7. Il arrive quelquefois que par la négligence du prêtre le sang du Christ est répandu, ou que le prêtre vomit le sacrement qu’il a reçu, ou encore que les hosties consacrées sont conservées si longtemps qu’elles pourrissent, ou qu’elles sont mangées par les rats, ou qu’elles se perdent d’une manière quelconque. Dans toutes ces circonstances il ne semble pas qu’on puisse témoigner à ce sacrement le respect qu’on lui doit d’après les statuts de l’Eglise. Il ne semble donc pas qu’on puisse obvier à ces inconvénients ou à ces périls en observant les statuts de l’Eglise.

            Réponse à l’objection N°7 : Comme il est dit (De consecrat., dist. 2, chap. 27, ex decret. 6 Pii 1 pap.) : Si par négligence on laisse tomber du sang sur la table qui adhère à la terre, on le léchera avec la langue, et on raclera la table. — Mais s’il n’y a pas de table, on raclera la terre et on la jettera au feu, et on cachera les cendres dans l’autel ; et le prêtre fera quarante jours de pénitence. S’il est tombé une goutte du calice sur l’autel, que le ministre lèche cette goutte et qu’il se repente trois jours. Si elle tombe sur le linge de l’autel et qu’elle parvienne à la seconde toile, qu’il fasse pénitence quatre jours. Si elle pénètre jusqu’à la troisième toile, que sa pénitence soit de neuf jours. Si elle pénètre jusqu’à la quatrième, qu’elle soit de vingt jours ; que le ministre lave trois fois les linges que la goutte a touchés, en mettant dessous le calice, et qu’il prenne l’eau dans laquelle on les a lavés et qu’on la mette auprès de l’autel. Le ministre pourrait aussi la boire, s’il n’avait pas trop de répugnance. Il y en a aussi qui coupent cette partie des linges (Il suffit de la laver, et on jette l’eau dans la piscine. Si l’hostie tombe à terre, on couvre l’endroit avec quelque chose de propre, et après la communion ou après la messe, on le racle légèrement, on le lave et on jette la poussière dans la piscine.), qui la brûlent et qui déposent les cendres dans l’autel ou la sacristie. On ajoute aussi (ibid., chap. 28), d’après le vénérable Bède (Lib. de remed. peccat., chap. De ebrietate) : Si par ivresse ou par gourmandise (C’est-à-dire si après la communion on commettait un tel excès dans le boire ou le manger qu’on vînt à vomir…) quelqu’un venait à vomir l’eucharistie, qu’il fasse pénitence pendant quarante jours, si c’est un laïc ; pendant soixante-dix jours, s’il est clerc, moine, diacre ou prêtre ; quatre-vingt-dix, si c’est un évêque, sept jours seulement si cet accident est arrivé par suite d’une infirmité. On lit encore d’après un concile d’Arles (ead. dist., chap. 95) : Si l’on ne garde pas bien le sacrement et qu’un rat ou un autre animal le mange, on fera pénitence quarante jours. Si on vient à le perdre dans l’église ou qu’on en laisse tomber une partie et qu’on ne la trouve pas, qu’on fasse pénitence trente jours. Le prêtre paraît mériter la même pénitence quand par sa négligence les hosties consacrées viennent à se corrompre. Pendant les jours que dure sa pénitence, il doit jeûner et s’abstenir de communier. Mais, selon les diverses circonstances de l’acte et de la personne, on peut diminuer cette pénitence ou y ajouter. Toutefois on doit observer que partout où les espèces se trouvent entières, on doit les conserver avec respect ou même les prendre ; parce que, tant que les espèces subsistent, le corps du Christ subsiste là, comme nous l’avons dit (quest. 77, art. 5). Mais les choses dans lesquelles on les trouve doivent être brûlées, si on peut le faire commodément, et on doit mettre les cendres dans la sacristie, comme nous l’avons dit à l’égard de ce qu’on enlève en raclant la table (hic sup.).

 

            Mais c’est le contraire. Comme Dieu, l’Eglise n’ordonne rien d’impossible.

 

            Conclusion On peut obvier à tous les inconvénients qui se présentent à l’égard de l’eucharistie, en prenant garde qu’ils ne se présentent, ou en les corrigeant, quand ils ont lieu, ou du moins en faisant pénitence.

            Il faut répondre qu’on peut obvier de deux manières aux périls ou aux inconvénients qui se présentent à l’égard de l’eucharistie : 1° en prenant des précautions pour que le péril n’arrive pas ; 2° en travaillant, si le péril se présente, à le corriger, soit en y apportant remède, soit du moins en faisant pénitence des négligences que l’on a pu commettre à l’égard de ce sacrement.

 

Copyleft. Traduction de l’abbé Claude-Joseph Drioux et de JesusMarie.com qui autorise toute personne à copier et à rediffuser par tous moyens cette traduction française. La Somme Théologique de Saint Thomas latin-français en regard avec des notes théologiques, historiques et philologiques, par l’abbé Drioux, chanoine honoraire de Langres, docteur en théologie, à Paris, Librairie Ecclésiastique et Classique d’Eugène Belin, 52, rue de Vaugirard. 1853-1856, 15 vol. in-8°. Ouvrage honoré des encouragements du père Lacordaire o.p. Si par erreur, malgré nos vérifications, il s’était glissé dans ce fichier des phrases non issues de la traduction de l’abbé Drioux ou de la nouvelle traduction effectuée par JesusMarie.com, et relevant du droit d’auteur, merci de nous en informer immédiatement, avec l’email figurant sur la page d’accueil de JesusMarie.com, pour que nous puissions les retirer. JesusMarie.com accorde la plus grande importance au respect de la propriété littéraire et au respect de la loi en général. Aucune évangélisation catholique ne peut être surnaturellement féconde sans respect de la morale catholique et des lois justes.

 

 

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