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le droit civil français a évolué depuis la rédaction de l'article.

DIVORCE. – I. Définition. II. L’institution primitive. III. Le divorce dans l’Evangile. IV. le divorce dans les lois séculières, romaines et barbares. V. La pratique du divorce aux temps mérovingiens et carolingiens. VI. Le divorce dans le cas de matrimonium ratum non consummatum. VII. Le divorce en droit naturel. VIII. Le divorce civil spécialement en France.

I. DEFINITION. – En latin et dans le langage canonique, le mot divortium désigne à la fois et la rupture absolue du lien conjugal et une certaine rupture incomplète qui permet ou la simple séparation de corps ou la séparation de corps et de biens. On distingue donc en latin le divortium pur et simple ou divortium plenum et le divortium semiplenum ; le mot divortium sans épithète a été employé parfois indifféremment dans l’un et l’autre sens, ce qui ne facilite pas toujours à ceux qui ne sont pas initiés ou distraits la bonne intelligence des textes. Cette ambiguïté n’a même pas été le privilège du latin, on l’a connue aussi, quoique moins souvent, dans l’ancienne législation française où on trouve le même mot signifiant et le divorce quant à l’habitation et le divorce quant au lien. Aujourd’hui, l’usage a fait le départ entre ces divers sens, le mot divorce employé seul désigne uniquement le divorce quant au lien, le divortium plenum : il signifie la rupture entière et absolue du lien conjugal. Il ne faut donc pas le confondre avec la séparation de corps qui laisse intact le lien du mariage, ni avec la déclaration de nullité qui ne brise rien et se borne à déclarer que tel mariage apparent n’avait du mariage que l’apparence et non la réalité, que paraissant exister il n’existait pas. En effet, tout mariage crée un lien entre les époux, donnant naissance à tout un ensemble d’obligations qui résultent de cette union et des conséquences que Dieu créateur et Sauveur y annexe. Le divorce rompt ce lien. Alors que le divortium semiplenum permet la séparation, mais ne permet pas de créer une nouvelle union, un nouveau lien, le divorce brise le lien existant et permet de lui en substituer un autre, de remplacer le mariage rompu par un nouveau mariage.

Dans l’enseignement de l’Eglise, le lien matrimonial ne peut être brisé, l’union créée par le mariage est indissoluble. Au contraire un grand nombre de législations permettent, plus ou moins largement, la rupture du lien conjugal, en se réclamant, les unes de l’Evangile, d’autres des exigences de la nature humaine. Il sera utile d’étudier le divorce et dans l’institution primitive, et dans la loi juive, et dans la loi évangélique.

II. L’INSTITUTION PRIMITIVE. – Nous ne savons de l’institution primitive du mariage que ce que la Genèse nous raconte de nos premiers parents, Adam et Eve. Quand Dieu eut créé la première femme, Adam s’écria, « sous l’inspiration du Saint-Esprit, » concile de Trente, sess. XXIV, Doctrina de sacr. matr. : « Voici l’os de mes os, la chair de ma chair… ; l’homme quittera son père et sa mère, et s’attachera à sa femme, et les deux seront une seule chair. » Gen., II, 23, 24. C’était indiquer, semble-t-il, assez nettement l’indissolubilité du lien conjugal : les deux époux ne pouvant pas plus se séparer l’un de l’autre qu’un homme ne se sépare de sa chair. Mais il ne paraît pas que la tradition ancienne l’ait compris bien longtemps. Car nous trouvons le divorce en usage, aussi haut que l’histoire nous permet de remonter, soit chez les peuples païens, soit chez le peuple juif.

Le divorce chez les peuples païens. – La perpétuité du mariage est un bien de si grande valeur que les plus anciennes législations, tout en admettant le divorce, , n’ont pas abandonné la dissolution du mariage au gré de chacun, mais l’ont réglementée autant que possible et ont marqué assez clairement dans quels cas elles l’admettaient. La législation la plus ancienne que nous connaissions, la loi d’Hammourabi, s’exprime de manière à montrer que le divorce n’est pas permis universellement, qu’il n’est permis que dans certains cas déterminés ; mais dans ces cas, à l’inverse de tant d’autres lois, celle d’Hammourabi l’admet sur l’initiative de la femme aussi bien que sur celle du mari. Voici les motifs pour lesquels le divorce est admis : 1. sur la demande du mari : a) la stérilité de la femme ; l’homme lui restituera sa dot et pourra le renvoyer, art. 138-140 ; b) le fait de la femme qui a « provoqué la division, négligé son mari, dilapidé sa maison, » art. 141 ; la seule maladie de la femme n’est pas un motif suffisant de répudiation, art. 148, à moins que cette femme ne demande elle-même à sortir ; 2. la femme peut se prévaloir des motifs suivants : a) « si un homme a abandonné sa ville, s’est enfui, et si, après lui, sa femme est entrée dans une autre maison, si cet homme revient et veut reprendre sa femme…, la femme du fugitif ne retournera pas avec son mari, » art. 136 ; b) si un mari « néglige beaucoup » sa femme, quand celle-ci « est ménagère, sans reproche… », art. 142. La loi d’Hammourabi, trad. V. Scheil, in-12, Paris, 1904.Cette législation est peut-être la seule dans l’antiquité où l’on reconnaisse, tout en limitant assez étroitement le divorce, une certaine égalité de droits entre le mari et la femme. Ailleurs, tantôt le mari seul peut répudier sa femme, tantôt, si les droits de la femme ne sont pas niés, ils sont notablement plus limités. – En Assyrie, chez les Chaldéens, le mari ne peut être répudié que pour des fautes très graves, tandis qu’il peut aisément répudier sa femme, à condition de lui rendre sa dot ou une indemnité pécuniaire et de lui donner une patère comme symbole du divorce ; toutefois, si le motif de répudiation est l’adultère de la femme, celle-ci ne pourra faire aucune réclamation pécuniaire. De plus, afin de bien montrer qu’elle s’oppose en règle générale au divorce, la loi décide que l’époux dont la conduite a motivé la séparation subirait certaines pénalités. J. Cauvière, Le divorce avant l’ère chrétienne, dans la Revue de droit, de législ., t. XIII, p. 106 sq. – Dans l’Inde, le droit de répudiation est strictement réservé au mari, et les causes à invoquer sont les suivantes : la stérilité constatée durant huit ans, certains défauts physiques ou moraux énoncés dans les textes avec plus ou moins de précision, de même encore si la femme perd tous ses enfants ou si elle n’engendre que des filles. Ibid., p. 109. – On n’est pas moins accommodant en Perse : le mari peut répudier sa femme pour cause d’insubordination ou de vie scandaleuse, à raison de certaines conduites choquantes, et dans le cas où elle s’est adonnée à la magie. Ibid., p. 108. – Le Chinois peut répudier sa femme en sept cas différents : mésintelligence de la femme avec le beau-père ou la belle-mère ; stérilité, manquement à la pudeur, rapports troublant la paix de la famille, une infirmité repoussante, intempérance de langue, larcins domestiques ; on y met toutefois quelques exceptions : si la femme, orpheline, n’a pas de lieu où elle puisse se retirer, si elle est en deuil de ses père et mère depuis moins de trois ans, si elle a enrichi son mari qu’elle avait épousé pauvre. Ibid., p. 110 sq. – En Egypte, où la femme demeurant l’égale de son mari conserve l’administration de ses biens, le mari paraît cependant avoir seul le droit de répudiation ; mais ce droit fut très restreint dans la pratique : en répudiant, le mari devait restituer la dot, souvent fictive, que sa femme était censée lui avoir apportée ; de plus, certaines conventions d’usage courant décidaient que le mari usant du divorce serait dépossédé de ses biens dont l’administration passait au fils aîné ; enfin les femmes finirent par se réserver presque le monopole de la répudiation. « La femme dotée, dit M. Maspero, s’émancipait donc ou à peu près de par la vertu de son argent. Comme son départ appauvrissait la maison d’autant, et parfois de plus que son arrivée ne l’avait mise à l’aise, on se gardait bien de rien faire qui la décidât à se retirer, ou qui fournît à son père ou à sa mère un prétexte pour la rappeler près d’eux. » Hist. anc. des peuples de l’Orient, c. X, La civilisation chaldéenne, p. 738. Cf. J. Cauvière, loc. cit. ; Paturet, La condition juridique de la femme dans l’ancienne Egypte ; Eug. Révillout, La question du divorce chez les Egyptiens, dans la Revue égyptologique, 1880, n. 2 et 3. – Les Grecs demeurèrent plus longtemps fidèles à l’indissolubilité du lien conjugal, le divorce paraît à peu près inconnu chez eux à l’origine et même au temps d’Homère. Il devient au contraire très fréquent à l’époque classique. Il y avait, en particulier, un cas universellement reconnu : celui de la femme, unique héritière légitime de son père décédé qui, pour ce motif, était attribuée à l’agnat le plus proche. D’autre part, le père pouvait toujours reprendre sa fille, même pour la donner à un autre mari. Enfin, à Athènes, quand la femme avait commis l’adultère, le mari était contraint de lui imposer le divorce, et une peine déterminée sanctionnait cette obligation. En dehors de ces espèces, on en connaissait une foule d’autres, non seulement le divorce par consentement mutuel et, dans ce cas, en certaines régions, le mari n’avait de compte à rendre à personne, mais le divorce par la volonté d’un seul, surtout du mari, à condition, généralement, qu’il le fit par-devant témoins. On vit des maris donner leur femme à leurs amis, ou même à des personnes de rang inférieur, tel, Périclès, tel, Socrate, le banquier, qui la donne à Satyre, un de ses esclaves libéré. La femme elle-même peut répudier son mari, quand elle croit que sa vie, sa santé ou ses mœurs sont en péril ; dans ce cas elle va trouver l’archonte, qui prononce le divorce après qu’elle a justifié dans une requête écrite qu’elle avait de bonnes raisons pour divorcer. Cependant quelques limites sont mises par des circonstances extérieures à cette liberté extrême : c’était, d’une part, l’obligation de restituer la dot quand on répudiait sa femme sans motif suffisant, d’autre part, celui qui se refusait au divorce avait contre l’autre une action civile ; l’opinion publique se montrait sévère pour les femmes qui répudiaient leur mari, et des peines frappaient le mari qui renvoyait sa femme sans motif ou qui lui donnait motif de le répudier. J. Cauvière, loc. cit. ; E. Caillemer, art. Divortium, dans le Dictionn. des antiquités grecq. et rom., de Daremberg et Saglio.

Chez les Romains, le divorce paraît dès la plus haute antiquité. La loi attribuée à Romulus réservait au mari le droit de répudiation, droit qu’on lui abandonnait sans réserve quand la femme se rendait coupables des fautes suivantes : empoisonnement, adultère, supposition d’enfant, usage de fausses clefs pour pénétrer dans la cave. En dehors de ces cas, la répudiation est valable, mais elle expose à des pénalités comme la perte des biens. De plus, une loi particulière montre clairement en quelle estime on tient l’indissolubilité du mariage : l’union conjugale des flamines de Jupiter consacré par la cérémonie de la confarreatio est indissoluble. La loi des XII Tables admet aussi le divorce, tout en réservant au mari le droit de répudiation. Encore la répudiation était-elle soumise à quelques formalités, en particulier celle de soumettre l’affaire au tribunal domestique, et, d’après Valère Maxime, l. II, c. I, n. 4, ce fut pour avoir répudié sa femme sans soumettre préalablement la cause au tribunal du paterfamilias que Sp. Carvilius fut exclu du Sénat par les censeurs. Malheureusement les mœurs, puis la législation elle-même viendront briser les fragiles barrières qui s’opposent encore au divorce. Il y avait déjà obligation pour le mari de répudier sa femme, en cas d’adultère, sous peine d’être inculpe lui-même de lenocinium. Ce fut ensuite le mariage sine manu, qui laissant la femme même mariée sous la patria potestas de sa famille d’origine, permet à son pater familias de retirer cette femme à son gendre quand bon lui semble ; c’est la femme demeurée sui juris qui a le droit de répudiation et qui peut contraindre son mari à dissoudre la manus, c’est-à-dire à renoncer au pouvoir qu’il avait sur elle ; c’est le débordement d’immoralité qui nous montre Caton d’Utique cédant sa femme Martia à Hortensius, Paul-Emile répudiant sa femme Papyria, Scylla, Pompée, César, etc., changeant de femme au gré de leur caprice ; c’est l’exemple des plus grandes devenant si contagieux que la cession mutuelle des femmes passe pour chose courante, au témoignage de Strabon. Plus encore, est déclaré immoral le pacte par lequel les époux conviennent de ne pas divorcer, Loi 2, Cod. 8, 39 ; et le divorce par consentement mutuel n’est limité par aucune réglementation. On en est venu au degré de licence que flagellera Juvénal : « Tu te mouches trop souvent, dit le mari à sa femme ; prends tes hardes, et va-t-en. Une plus jeune la remplacera ! » Satir., VI, 146-148. Tout ce qu’Auguste osa exiger comme réforme, ce fut que la volonté de divorcer devait être manifestée devant sept témoins. On comprend que devant ces mœurs honteuses Tacite ait vanté spécialement la fidélité conjugale des Germains, bien que nous puissions craindre qu’il n’en ait fait un si brillant tableau que pour mieux faire honte aux Romains. De ces « barbares » et de leurs mœurs matrimoniales à cette époque nous ne dirons pas plus ; nous en savons si peu de choses précises !

C’est là, en vérité, que devait aboutir peu à peu la pratique du divorce : au mariage à l’essai, c’est-à-dire, souvent, à l’abolition du mariage. C’est ce que nous constatons chez certaines peuplades de l’Amérique du Nord par exemple, ainsi qu’en témoignent plusieurs consultations adressées par les missionnaires à la S. C. de la Propagande. Les sauvages de nos régions, écrivait l’évêque de Saint-Albert au Canada, se marient pour ainsi dire à l’essai, un essai en quelque manière perpétuel, car aucun des deux conjoints ne se croit lié à l’autre. L’homme achète sa femme sans lui demander à elle-même un consentement quelconque. Si elle est paresseuse, infirme, l’union dure tant que le mari n’a pas trouvé mieux. Si elle se montre laborieuse et d’aimable caractère, l’essai se continue, mais si elle demeure deux ou trois ans stérile, le mari la renvoie ou en prend une autre avec elle. La perpétuité de la cohabitation ne s’acquiert qu’au bout de sept ou huit ans, après la naissance de plusieurs enfants. Pourtant, même à cette date, ce n’est pas encore un vrai mariage, le seigneur et maître garde le droit de renvoyer sa femme et d’en changer comme on change de domestique. Collectanea de la Propagande, 2e édit., n. 1427. Cf. l’instruction du Saint-Office, 24 janvier 1877, à l’évêque de Nesqually, ibid., n. 1465.

Le divorce chez les Juifs. – Il s’en fallut de peu que chez les Juifs eux-mêmes on en vint à ce point de relâchement moral ; tant la morale naturelle et sociale est pratiquement infirme si on ne la rattache constamment à une révélation supérieure. – Toutefois, si la loi de la monogamie fut déjà violée, d’après le récit de la Genèse, par un des patriarches antérieurs au déluge, Lamech, Gen., IV, 19, celle de l’indissolubilité du mariage paraît avoir été observée plus longtemps ; les auteurs, cf. Perrone, De matrimonio christiano, l. III, sect. II, c. I, a. 2, mentionnent le fait d’Abraham répudiant Agar, Gen., XVI, XVII, comme le premier exemple d’un divorce. Le seul motif invoqué par Sara pour inviter Abraham à renvoyer Agar fut que la servante était orgueilleuse et qu’Ismaël paraissait se moquer d’Isaac. Ajoutons qu’Agar n’était qu’une épouse de second ordre. Abraham obéit : il renvoya Agar en lui donnant seulement des provisions de bouche nécessaires. Gen., XXI, 14. – Descendus en Egypte, les descendants d’Abraham virent le divorce établi partout autour d’eux, ils imitèrent sans doute les mœurs des Egyptiens au milieu desquels ils vivaient. Ce qui semble ressortir du texte du Deutéronome, c’est que le divorce existait lorsque Moïse le réglementa. Il est difficile de voir dans Deut., XXIV, 1, une permission proprement dite, l’autorisation de faire à l’avenir une répudiation inusitée jusque-là ; c’est bien plutôt la réglementation, la régularisation, la limitation d’une pratique établie. « Si un homme, dit le texte biblique, ayant pris une femme, vit avec elle, et qu’elle en vienne à ne pas trouver grâce à ses yeux, à cause de quelque chose de honteux, il écrira une lettre de divorce, la lui mettra en main et la renverra dans sa maison. » Si la femme renvoyée épouse un autre homme et lui déplaît aussi, celui-ci, pour la renvoyer, emploiera les mêmes rites, mais elle ne peut plus retourner alors à son premier mari, parce que, dit Moïse, « c’est une abomination devant le Seigneur. » Il n’est pas indiqué que la répudiation puisse être donnée par la femme, mais par le mari seulement ; encore est-il des cas où celui-ci ne peut user de son droit, par exemple quand il a porté à tort une accusation d’inconduite contre la jeune fille qu’il vient d’épouser, Deut., XXII, 13-19, ou qu’il lui a fait violence avant son mariage, 29. La répudiation ne pouvait se faire sans motif, ni pour un motif quelconque, mais seulement quand la femme vivant avec son mari lui déplaît « à cause de quelque chose de honteux. » Le texte suppose donc l’usage du divorce déjà établi chez le peuple juif ; il le régularise et le restreint en le limitant à certaines causes et en le soumettant à certaines formalités. La formalité principale, essentielle, c’est le libellus repudii, la lettre livrée à l’épouse renvoyée et qui la déclarait libre désormais. Voir la formule ordinairement employée d’après le Talmud, dans Perrone, op. cit., a. 2, ou dans le Dictionnaire de la Bible, art. Divorce, t. II, col. 1449. L’essentiel de la formule consistait en ce que, qui assurait son identité par l’indication de sa généalogie, livrait à sa femme qu’il désignait aussi par l’énoncé sommaire de sa généalogie, une lettre dans laquelle il lui rendait par la répudiation toute liberté. Les Juifs, peuple formaliste s’il en fut, demeurèrent fidèles à l’accomplissement de ces formalités, cf. Is., L, 1 ; Jér., III, 8 ; Matth., V, 31 ; XIX, 7 ; Marc, X, 4, qu’ils compliquèrent d’une foule de prescriptions minutieuses. – On eut plus de peine à s’entendre sur le sens des termes « à cause de quelque chose de honteux, propter aliquam fœditatem. » De quelle nature était cette ‘érvâh que Moïse considère comme motif légal de répudiation ? A lire le texte du Deutéronome, ce n’était certainement pas l’adultère, qui était puni de mort, XXII, 22, et tout porte à croire que ce devait être un défaut d’ordre physique plutôt que d’ordre moral, défaut qui eût été, ce dernier, d’une appréciation et d’une justification plus malaisée. H. Lesêtre, art. Divorce, du Dict. de la Bible. Ce qui paraît certain, c’est qu’il y eut dans la pratique de cette législation une sorte d’évolution. L’adultère, puni de mort dans le Deutéronome, apparaît simplement comme motif de divorce dans Jérémie, III, 8 ; de même en est-il dans la doctrine de Schammaï : On interpréta parfois de l’adultère le mot ‘érvâh. L’école de Hillel, au contraire, étendit outre mesure la signification de ce mot : on en vint à répudier sa femme pour des motifs futiles, pis encore, parce que le mari trouve une autre femme plus belle que celle qu’il a. – Quant à la qualification de l’homme, on a remarqué que si le Deutéronome donne au premier mari le nom de « maître », le second n’a que le nom d’« homme ». H. Lesêtre, loc. cit. – Quoi qu’il en soit, la femme était absolument libérée par le libellus : mais, note significative et qui marque bien le caractère peu noble du divorce, la femme divorcée ne pouvait épouser un prêtre, Lév., XXXI, 7, 14 ; Ezéch., XLIV, 22 ; tandis que celui-ci pouvait épouser la veuve d’un autre prêtre. Ezéch., ibid. De plus, le prophète Malachie, II, 14, dit que le Seigneur hait les offrandes de son peuple, parce que ce peuple est infidèle à la femme de sa jeunesse, et il ajoute, suivant le texte hébreu du verset 16 : « Je hais la répudiation. » Le peuple, trop fidèle aux leçons de l’école d’Hillel, n’en était pas moins venu à une pratique si étendue du divorce, que les femmes elles-mêmes prenaient l’initiative de la répudiation et que les Pharisiens osaient poser à Jésus de qui ils savaient les exigences touchant le mariage et contre lequel ils espéraient ainsi ameuter la foule : « Est-il permis à un homme de répudier sa femme pour quelque cause que ce soit ? » Matth., XIX, 3, et qu’après la réponse négative du maître, ses disciples lui disent : « Si telle est la condition de l’homme à l’égard de la femme, il n’est pas avantageux de se marier, » 10.

III. LE DIVORCE DANS L’EVANGILE. – Cette question des Pharisiens donna au Sauveur une nouvelle occasion de s’expliquer sur cet important sujet. Ce n’était pas, en effet, la première fois qu’il le faisait. Déjà dans le discours sur la montagne il avait proclamé en ces termes l’indissolubilité du mariage : « Il a été dit encore : « Que celui qui répudie sa femme lui donne un acte de répudiation. » Mais moi je vous dis que quiconque renvoie sa femme hors le cas d’infidélité la fait devenir adultère, et celui qui épouse la femme renvoyée commet un adultère. » Matth., V, 31. On savait donc, parmi les auditeurs de Jésus-Christ, quelle était sur ce point sa doctrine, et c’était à bon escient que les Pharisiens lui demandaient, « pour le tenter », d’après saint Marc, X, 4 : « Est-il permis à un homme de renvoyer sa femme ? » et, d’après saint Matthieu : « Est-il permis à un homme de répudier sa femme pour quelque cause que ce soit ? » XIX, 3. On sait la réponse immédiate du Maître, répons qui se terminait par ces mots : « Ainsi, ils ne sont plus deux, mais une seule chair. Ce que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare donc pas. » A cette sentence, les Pharisiens font une objection empruntée à leurs traditions et au texte de la loi. « Ils lui dirent : Pourquoi donc Moïse a-t-il prescrit de donner à la femme une lettre de divorce et de la renvoyer ? Il leur dit : C’est à cause de la dureté de votre cœur que Moïse vous a permis (il ne dit pas : vous a prescrit) de renvoyer vos femmes ; mais il n’en était pas ainsi au commencement. » Puis il continue par une nouvelle affirmation de l’indissolubilité. A cause des discussions qu’ont soulevées les différences de texte entre les trois synoptiques on donnera ici le triple texte parallèle.
 
 

Matth, XIX, 9.

Or, je vous dis que celui qui renvoie sa femme, si ce n’est pour infidélité, et en épouse une autre, commet un adultère (ou, selon une autre leçon, la fait devenir adultère), et celui qui épouse une femme renvoyée, commet un adultère.
 
 

Marc, X, 11, 12.

Celui qui renvoie sa femme et en épouse une autre, commet un adultère envers elle (à l’égard de celle-là) ; et si elle (ou une femme), ayant renvoyé son mari, en épouse un autre, elle commet un adultère.
 
 

Luc, XVI, 18.

Quiconque renvoie sa femme et en épouse une autre commet un adultère, et celui qui épouse une femme répudiée par son mari commet un adultère.
 
 

Ces trois textes parallèles, auxquels on peut joindre ceux de saint Paul, I Cor., VII, 10, 11, ont une partie commune et, quant au sens, entièrement identique : « Quiconque renvoie sa femme et en épouse une autre commet un adultère, » et « celui qui épouse une femme renvoyée par son mari commet un adultère. » Sur ce point aucune difficulté : la répudiation ne brise pas absolument le lien du mariage. La doctrine est extrêmement claire, et sous cette forme n’aurait donné lieu à aucune controverse. Le divorce est contraire à l’institution primitive : il laisse intact dans son principe le lien conjugal ; avant comme après la répudiation ni l’un ni l’autre époux ne peut contracter, l’autre vivant, un nouveau mariage. Mais il y a dans le texte de saint Matthieu une incise : « si ce n’est pour infidélité, » qui a une grande importance, puisque sur elle on a établi toute une discipline chrétienne, la discipline de l’Eglise grecque. Aussi a-t-elle donné lieu à des discussions infinies. D’aucuns ont prétendu y couper court en affirmant que l’incise : « si ce n’est pour infidélité » n’est pas historiquement authentique, mais une interpolation. Cf. la leçon de Westcott-Hort qui omet les mots παρεκτὸς λόγου πορνείας, dont on trouverait pas l’équivalent dans les plus anciens textes, et qui paraissent contraires non seulement à l’enseignement des autres synoptiques et de saint Paul, Rom., VII, 3 ; I Cor., VII, 10, 11, 39 ; mais à celui de l’ancienne tradition chrétienne, Hermas, Mand., IV, 1, 4-10 ; Tertullien, De monogamia ; saint Cyprien, Testimonia, III, 62, 90 ; De lapsis, 6. Cf. Perrone, op. cit., c. II, a. 1.

Pourtant l’incise n’en est pas moins très ancienne, car on la retrouve dans Théophile d’Antioche, Ad Autolyc., l. III, c. XIII ; Origène, Comment. in Matth., v, 32, et XIX, 9 ; Clément d’Alexandrie, etc. – Bien que la théorie de l’interpolation ait été reprise par M. Loisy, Les Evangiles synoptiques, t. I, p. 575-578, elle n’a pas obtenu un assentiment assez complet pour que nous puissions nous appuyer sur elle sans hésitation. En admettant donc l’authenticité de l’incise, il nous reste à examiner son vrai sens. Il ne faudra pas nous étonner que l’on en ait donné des interprétations très différentes, dont quelques-unes sont peut-être conditionnées par des faits extérieurs au texte lui-même. Les protestants ont admis assez communément que, d’après l’incise παρεκτὸς λόγου πορνείας, l’adultère est un motif de vrai divorce avec faculté de se remarier ; mais quelques-uns ont donné au mot πορνεία un sens tellement large qu’il s’étend à tout acte honteux de même genre ou de genre analogue. Les Grecs et autres Orientaux ont compris l’incise dans le sens qu’elle permettait non seulement le divorce, mais aussi un mariage subséquent ; toutefois ils se sont tenus plus strictement au sens de πορνεία = adultère, et c’est dans le cas d’adultère seulement qu’ils ont permis au conjoint innocent le divorce avec toutes ses conséquences. Voir ADULTERE, CAUSE DE DIVORCE DANS LES EGLISES ORIENTALES, t. I, col. 505. C’était également la discipline des Grecs-Unis lors du concile de Trente, et ce fut là un des motifs pour lesquels on donna au can. 7, De sacram. matrim., la forme singulière qu’il a. Voir ibid., col. 498 sq. Comme ce fut, dans l’Eglise, le seul cas où l’on admit la légitimité du divorce, nous n’avons qu’à renvoyer, pour son histoire, à l’art. ADULTERE, et en particulier III. ADULTERE (L’) ET LE LIEN DU MARIAGE D’APRES LES PERES DE L’EGLISE, col. 475, et IV. ADULTERE (L’) ET LE LIEN DU MARIAGE DANS L’EGLISE LATINE, col. 484 sq. Il est certain qu’en dehors de ce cas le divorce est absolument contraire à l’enseignement de l’Evangile touchant le mariage. Il s’agit ici du mariage complet, du mariage consommé. On traitera plus loin ce qui concerne le divorce du mariage non consommé, celui que les canonistes nomment ratum non consummatum, et que l’on nomme le privilegium paulinum. Ce que nous allons dire maintenant concerne le mariage consommé. – Pour celui-là, on s’en est tenu purement et simplement à l’enseignement de saint Paul : « Quant à ceux qui sont en l’état de mariage, j’ordonne, non pas moi, mais le Seigneur, que la femme ne se sépare pas de son mari, mais si elle s’en sépare, qu’elle demeure dans l’état de célibat, ou qu’elle se réconcilie avec son mari ; et que l’homme ne renvoie pas sa femme. » I Cor., VII, 10, 11. On y joignit cet autre passage de l’Epître aux Ephésiens qui, après avoir mis en parallèle l’union du Christ avec son Eglise et l’union des époux vivant en mariage, se termine par cette expression si malaisée à bien traduire : τὸ μυστήριον τοῦτο μέγα ἐστίν, ἐγὼ δὲ λέγω εἰς Χριστὸν καὶ εἰς τὴν Έκκλησίαν. « Je le dis, ce mystère est grand dans le Christ et dans l’Eglise. » De même que le Christ chef et tête de l’Eglise ne l’abandonne jamais, qu’il la nourrit, la protège, se livre pour elle ; ainsi l’union la plus intime doit toujours maintenir ensemble l’homme et la femme qu’il a épousée. La discipline, en tant qu’elle dépendait de l’Eglise, fut scrupuleusement conforme à la doctrine rappelée par saint Paul. Edg. Löning, que l’on ne suspectera pas de partialité en faveur de l’Eglise catholique, a pu écrire cette phrase : « On ne trouve dans les trois premiers siècles aucune attestation que l’Eglise ait tenu pour conforme à l’Ecriture le remariage, durant la vie de l’autre partie, d’époux séparés. » Geschichte des deutschen Kirchenrechts, t. II, p. 607. Conduite d’autant plus significative de la part de l’Eglise, si l’on se rappelle que la législation civile soit des Romains soit des Grecs, sous laquelle vivaient les chrétiens, admettait le divorce pour beaucoup d’autres causes que celle d’adultère ; si l’on se souvient que plusieurs, même parmi les meilleurs, succombaient à l’exemple courant ; que des évêques, dit Origène, permettaient à la femme de se remarier du vivant de son mari, In Matth., t. XIV, 23, P. G., t. XIII, col. 1246, que Fabiola, d’ailleurs si pieuse, qui s’était séparée d’un mari perdu de vices (S. Jérôme, Epist., LXXVII, ad Oceanum, c. III, P. L., t. XXII, col. 692)en avait épousé un autre, et le rude censeur qu’était saint Jérôme semble plaider pour les circonstances atténuantes. C’était d’ailleurs un cas fréquent, comme en témoigne sa lettre ad Amandum, LV, ibid., col. 563, où il résumait ainsi l’enseignement ecclésiastique : tant que l’autre époux est vivant, quelques crimes qu’il ait commis, de quelques souillures qu’il se soit couvert, si on peut le quitter, on ne peut cependant en épouser un autre.

IV. LE DIVORCE DANS LES LOIS SECULIERES ROMAINES ET BARBARES. – Pour bien comprendre la conduite de certaines autorités ecclésiastiques touchant le divorce, soit dans les pays soumis aux lois romaines soit chez les nations gouvernées par les lois barbares plus ou moins pénétrées de droit romain, il est nécessaire d’exposer en quelques mots cette législation. On a vu plus haut à quel degré de honteux relâchement en étaient venues la Grèce et Rome quant au divorce.

Il faut noter, en effet, que la loi séculière, même des empereurs chrétiens, n’avait pas aboli le divorce : il demeurait à peu près dans le même état qu’à l’époque d’Auguste. En plus de la réduction en esclavage qui devenait pour la partie restée libre un motif légitime de divorce, Constantin reconnaissait encore la légitimité du divorce dans un certain nombre de cas : en faveur de la femme quand le mari est homicida, medicamentarius, sepulcrorum violator ; en faveur du mari quand la femme est adultera, medicamentaria, conciliatrix (ou lena). Loi 1, Cod. théod., l. III, tit. XVI. Longtemps aussi on maintint le divorce par consentement mutuel ; et dans les autres cas où il se produisait avec les formes légales, il était frappé de peines, dont l’une pouvait être l’incapacité de se marier de nouveau ; mais ordinairement les peines étaient moins graves, des amendes, la perte des donations faites en vue du mariage ; les autres effets civils du divorce demeuraient, avec la dissolution du lien conjugal et la faculté de se remarier. Tout ce que crut pouvoir faire Justinien dans le cas où l’un des époux tombait en esclavage, fut d’exiger que le conjoint attendît au moins cinq ans avant de contracter une autre union. Novelles, XXII, c. VII.

De même en était-il dans la législation des peuples barbares qui province par province s’annexaient l’Empire. Ce que nous connaissons de leurs lois les plus anciennes nous montre le divorce légalement pratiqué. La Lex Romana Burgundionum admet le divorce non seulement par consentement mutuel, mais par la volonté d’un seul, dans les mêmes conditions où nous l’avons vu admis par Constantin et ses successeurs. La Lex Romana Visigothorum également ; de même la Lex Romana Curiensis, qui admet parmi les motifs de divorce la démence et d’autres défauts de ce genre, aliquæ tales his similia causæ ; de même encore la Lex Alamannorum, Pactus, III, 2 ; l’Edictum Theodorici, la Lex Bajuwariorum, le droit lombard ; bref, autant dire toutes les lois des peuples conquérants. Les formulaires mérovingiens et carolingiens prouvent que ces facilités légales étaient mises à profit. Cf. Formul. Turonen, 19 ; Formul. Andegaven, 57 ; Formul. Marculfi, l. II, 30 ; Formul. Senonen., 47, dans Zeumer, Formulæ Merovingici et Karolini ævi, Monumenta Germaniæ historica, Leges, t. V. Dans cet ensemble de documents on constate parmi les motifs de divorce non seulement le consentement mutuel, mais le consentement d’un seul, l’incompatibilité d’humeur, des fautes d’importance médiocre (morum vitia et mediocres culpæ), même la simple antipathie. Mais si le divorce fait pour des motifs légaux rendait aux parties toute leur liberté, le divorce fait pour des motifs non prévus par la loi exposait ceux qui en profitaient à des restrictions gênantes ; même, s’il était fondé simplement sur l’antipathie envers le conjoint, un autre mariage était interdit aux époux et la femme qui avait pris l’initiative de la séparation se voyait condamner à la déportation, le tout sans préjudice d’autres peines comme la perte des cadeaux reçus, de la donatio propter nuptias, etc. Nous n’avons pas à entrer dans le détail de chaque espèce où les lois barbares admettaient le divorce : il suffit d’avoir indiqué que le divorce persistait chez ces peuples, perpétuant leurs anciennes coutumes. Sans doute, il n’était pas aussi largement ouvert que dans le droit romain antérieur ; il n’en existait pas moins, jusque dans le code de Justinien, Novelles, XXII, CXVII, CXXXIV, et il fournit à l’Eglise l’occasion fréquente d’insister pour l’observance de sa doctrine. On n’a pas à revenir sur les textes des Pères et des conciles du IVe et du Ve siècles touchant cette matière. En ce qui concerne le mariage chrétien, le seul point discuté était celui de l’adultère, parce que seul il se réclamait d’un texte évangélique ; or, on a montré plus haut, art. ADULTERE, ce qu’en pensaient Orientaux et Occidentaux : des autres motifs invoqués par les peuples insuffisamment convertis, aucun ne pouvait se couvrir d’un tel patronage, tous étaient également et universellement condamnés : le catéchumène divorcé et remarié était refusé au baptême, le pénitent ne pouvait bénéficier de la réconciliation. S. Augustin, De conjug. adulterin., II, 16. Cf. Codex canon. Eccles. Afric., can. 102.

V. LA PRATIQUE DU DIVORCE AUX TEMPS MEROVINGIENS ET CAROLINGIENS. – On a dit, Löning, loc. cit., p. 624, qu’à l’époque mérovingienne, l’Eglise n’a fait aucun effort pour appliquer ses principes sévères d’autrefois relativement au divorce et au remariage ; et on ajoute, comme preuve, que parmi les canons des conciles francs un seul à peine s’occupe de cette question ; ce ne fut que lors de la grande réforme religieuse entreprise en France par les fils de Charles Martel que l’on parut se soucier vraiment de mettre en pratique l’interdiction absolue du divorce. Il y aurait beaucoup à dire en réponse à des affirmations générales. Quelques importants et considérables que fussent les pays occupés par les Mérovingiens, ils n’étaient pas toute l’Eglise, et on ne peut rendre l’Eglise universelle responsable des fautes ou des négligences qui purent échapper à la faiblesse des évêques francs.

Cette observation faite, reconnaissons que la discipline du mariage dans les Etats francs subit durant plusieurs siècles des atteintes regrettables. La preuve s’en trouve, non pas précisément en ce que le can. 11 du concile d’Orléans de 533 est le seul, comme le dit Löning, à s’occuper du divorce et à l’interdire, sous peine d’excommunication, même avec le prétexte d’infirmité ou de maladie survenant au mariage ; car trop peu de documents conciliaires de cette époque nous sont parvenus, et parfois en quel état ! Et nous connaissons moins encore par le détail les avis qu’évêques et prêtres donnaient à leurs ouailles ; la preuve s’en peut déduire et des pénitentiels et de certains textes synodaux. Rappelons en premier lieu qu’aucun texte de concile ou d’assemblée vraiment synodale, composée des seuls éléments ecclésiastiques, ne permet le divorce ou ne laisse même entrevoir qu’il ne soit permis. Les décisions qu’on nous objecte sont empruntées aux assemblées de Verberie et de Compiègne et appartiennent à l’époque carolingienne. Mais peu importe ce point de chronologie. Ce qui importe beaucoup plus, c’est de noter que, malgré les noms de concile et de synode, ni l’une ni l’autre de ces assemblées ne fut composée uniquement des représentants de l’Eglise. M. Esmein a observé que dans ces deux synodes « le pouvoir royal eut pour but d’atténuer autant que possible les divergences entre la discipline ecclésiastique et la législation civile ». Le mariage en droit canonique, t. II, p. 64. Atténuer, et non pas supprimer ; c’est donc reconnaître que les décisions à prendre seraient une sorte de conciliation ou l’Etat et l’Eglise se feraient des concessions mutuelles, l’Etat restreignant législativement la pratique du divorce, l’Eglise n’urgeant pas outre mesure sa doctrine de l’indissolubilité. Ce n’est pas là que nous trouverons la doctrine de l’Eglise dans toute sa pureté : si les évêques et dignitaires ecclésiastiques présents s’efforceront de maintenir la discipline de l’Eglise, les seigneurs laïcs plieront cette discipline à un compromis. L’Eglise ne sera donc pas entièrement responsables des dispositions prises.

Ces préliminaires établis, avouons très simplement que le synode de Compiègne a concédé le divorce en plusieurs cas : 1° Si un homme franc, qui a reçu un beneficium de son seigneur dans un pays éloigné, y emmène son vassallus, et y meurt, qu’un autre lui succède dans ce beneficium et, afin de s’attacher le vassallus, lui donne une femme du pays avec laquelle ce vassallus vit quelque temps ; au cas où ce vassallus renvoie sa femme, revient dans son pays auprès des parents de son premier maître et y prend femme, c’est celle-ci, et non la première, qu’il devra garder. Homo francus accepit beneficium de seniore suo, et duxit secum suum vassallum, et postea fuit ibi mortuus ipse senior et dimisit ibi ipsum vassallum ; et post hoc accepit alius homo ipsum beneficium, et, pro hoc ut melius potuisset habere illum vassallum, dedit ei mulierem de ipso beneficio, et habuit ipsam aliquo tempore ; et, dimissa ea, reversus est ad parentes senioris sui mortui, et accepit ibi uxorem, et modo habet eam. Definitum est quod illam quam postea accepit, ipsam habeat, c. IX. 2° Si un homme a renvoyé sa femme et lui a donné congé de se faire religieuse dans un monastère ou de prendre le voile dans le monde, afin de mieux servir Dieu, cet homme resté dans le monde pourra se remarier ; de même en faveur de la femme si c’est elle qui a donné à son mari la permission d’entrer en religion. Le texte note que l’évêque Georges (évêque d’Ostie, légat du pape) a consenti : Si quis vir dimiserit uxorem suam et dederit comiatum pro religionis causa infra monasterium Deo servire aut foras monasterium dederit licentiam velare sicut diximus propter Deum, vir illius accipiat mulierem legitimam. Similiter et mulier faciat. Georgius consensit, c. XVI. 3° Si le mari est lépreux et la femme saine et que le mari veuille bien donner congé à sa femme d’épouser un autre homme, la femme pourra le faire. De même pour l’homme dans le cas inverse : Si quis leprosus mulierem habeat sanam, si vult ei dare comiatum ut accipiat virum, ipsa femina, si vult, accipiat. Similiter et vir, c. XIX.

Le concile de Verberie, « plus sévère et plus correct au point de vue ecclésiastique, » dit M. Esmein, loc. cit., p. 65, permet aussi le divorce en certains cas, autres que celui de l’adultère. C’est : 1° Dans le cas où une femme a comploté avec d’autres hommes la mort de son mari : celui-ci en se défendant a tué un de ses agresseurs, et il peut faire la preuve du complot ; il peut renvoyer sa femme et en prendre une autre. Si quæ mulier mortem viri sui cum aliis hominibus conciliavit, et ipse vir ipsius hominem se defendendo occiderit, et hoc probare potest, ille vir potest ipsam uxorem dimittere, et, si voluerit, aliam accipiat, c. V. Cf. aussi c. VI, qui vise le cas où l’un des deux époux est tombé en esclavage. 2° Voici un autre cas plus complexe. Sous le coup d’une inévitable nécessité, un homme a fui dans un autre duché ou une autre province, ou suivi son seigneur à qui l’engageait sa foi ; sa femme, qui pourrait aisément le suivre, s’y refuse, retenue par l’amour de ses parents ou de son bien : elle ne pourra contracter un nouveau mariage du vivant de son mari ; lui, au contraire, pourra, qui n’a fui que sous la contrainte de la nécessité, pourra, s’il ne peut contenir ses sens, épouser une autre femme, mais en se soumettant à une pénitence publique. Si quis necessitate inevitabili cogente in alium ducatum seu provinciam jugerit, aut seniorem suum, cui fidem mentiri non poterit, seculus fuerit, et uxor ejus, cum valet et potest, amore parentum aut rebus suis, eum sequi noluerit, ipsa omni tempore, quamdiu vir ejus, quem secuta non fuerit, vivet, semper innupta permaneat. Nam ille vir ejus, qui, necessitate cogente, in alium locum fugit, si se abstinere non potest, aliam uxorem cum pænitentia potest accipere, c. IX. C’est là, aux yeux du synode, un cas de force majeure, car si le mari ne fuit que devant une vengeance privée, le concile avait décidé que ni l’un ni l’autre des époux ne pouvait, du fait de cette absence, contracter un nouveau mariage. On ne parlera pas du c. XVII : il ne vise qu’un simple cas de mariage non consommé suivi de divorce après que la preuve a été faite de la non-consommation ; c’est un exemple d’une discipline que nous retrouverons plus loin. Les autres cas de divorce permis à la suite de certaines fautes particulièrement graves se rattachent à la discipline de la pénitence publique ; il en a été brièvement question dans l’art. ADULTERE, t. I, col. 484, et le sujet relève de la conception ancienne des empêchements de mariage.

En face de ces textes, où l’on ne peut prouver l’approbation ecclésiastique que par le seul consentement donné par le légat du saint-siège au c. XIX de Compiègne (consentement qui n’engage l’Eglise que dans une mesure très restreinte comme on le verra), sont légion les textes authentiquement, officiellement ecclésiastiques qui interdisent le divorce ou tout à fait ou exception faite pour le cas d’adultère, les textes qui, même en admettant le divorce, interdisent aux époux séparés de contracter du vivant de l’autre un nouveau mariage. Il suffira de rappeler tout d’abord le c. XI du concile d’Orléans (533), de citer ceux d’Hereford (673), c. X ; Tolède (681), c. VIII ; Soissons (744), c. IX ; Leptines (745), c. VII ; le capitulaire d’Aix-la- Chapelle (789), c. XLIII ; le concile de Frioul (796), c. X, pour nous en tenir à cette époque ; et parmi les déclarations authentiques des papes, celles de Grégoire II (vers 721) à ses légats en Bavière : Alligatus es uxori, noli quærere solutionem, id est, superstite conjuge ad ulterius feminæ concubitum non velle transire, c. VI ; celle du pape Zacharie ad Pippinum… Et procers Francorum (747), resp. VII, qui renvoie au canon 48 des apôtres e punit d’excommunication le remariage du vivant d’un premier conjoint ; du pape Etienne III, le même que représentait le légat Georges à Compiègne, et qui, à cette question : Si uxor a viro repudiata fuerit, utrum liceat viro, illa vivente, aliam dulcere, répond en renvoyant à la lettre bien connue du pape Innocent Ier à Exupère de Toulouse, lettre qui interdit très nettement le divorce et traite d’adultère l’union qui serait alors contractée ; du même Etienne qui dit encore que « deux conjoints mariés et vivant ensemble, s’il arrive que l’un d’eux ne puisse plus rendre son devoir ou qu’il tombe malade, il ne leur est pas permis de se séparer (il ne parle même pas de divorcer) à moins que l’un d’eux ne devienne possédé du démon, ou lépreux : Si quis se in conjugio copulaverit et uni eorum conligerit ut debitum reddere non possit, non liceat eos separare, nec pro alia infirmitate, excepto si dæmonii infirmitas aut lepræ macula supervenerit. » Resp. II. Mentionnons enfin les statuts de saint Boniface, archevêque de Mayence, d’après lesquels chaque prêtre doit avertir son peuple que dans un mariage légitime aucune séparation – il s’agit de séparation et non de divorce – ne doit intervenir sinon en cas d’adultère ou bien pour le service de Dieu et alors avec mutuel consentement. Admoneat unusquique presbyterorum publice plebem… Legitimum conjugium nequaquam posse ulla occasione separari, excepta causa fornicationis, nisi cum consensu amborum et hoc propter servitium Dei. Statut XXXV. Du siècle suivant, où la discipline interdisant le divorce ne fait plus aucun doute, on citera seulement ce texte du concile romain tenu sous Eugène II (824-827) : Nulli liceat, excepta causa fornicationis, adhibitam uxorem relinquere et deinde aliam copulare, alioquin transgressorem priori convenit sociari conjugio. Si autem vir et uxor divertere pro sola religiosa inter se consenserint vita, nullatenus sine conscientia episcopi fiat, ut ab eo singulariter proviso constituantur loco. Nam uxore molente aut altero eorum, etiam pro tali re matrimonium non solvatur. Can. 36.

Il y a cependant un autre texte pontifical, que plusieurs qualifient de crux canonistarum, et dont l’explication a fait couler des flots d’encre. Il est du pape Grégoire II et est inséré dans le décret de Gratien, c. 18, caus. XXXII, q. VII. Voici le texte en son entier, afin qu’on le puisse mieux saisir : Quod posuisti, si mulier infirmitate correpta non valuerit viro debitum reddere, quid ejus faciat jugalis : bonum esset, si sic permaneret, ut abstinentiæ vacaret. Sed quia hoc magnorum est, ille, qui se non poterit continere, nubat magis ; non tamem ei subsidii opem subtrahat, quam infirmitas præpedit, non detestabilis culpa excludit : « Tu me demandes (la lettre est adressée à saint Boniface) : si une femme saisie par la maladie ne peut rendre le devoir à son mari, que doit faire son conjoint ? – Le meilleur serait qu’il demeurât ainsi et gardât la continence ; mais comme c’est là chose qui demande une haute vertu, que celui qui ne pourra pas garder la continence se marie plutôt ; cependant qu’il ne prive pas de ses secours celle que la maladie seule empêche, et qui n’est pas exclue de ses droits par une faute détestable. » – Quelle est cette infirmité au sujet de laquelle saint Boniface a consulté le pape ? Est-ce l’impotentia antecedens, ou l’impotentia superveniens, l’impuissance antérieure, ou l’impuissance postérieure au mariage ? La consultation ni la réponse, nous n’avons donc pas ici d’éléments qui nous permettent de dire à laquelle de ces deux s’applique exclusivement la réponse. Appliqué à l’impuissance antérieure au mariage, le texte ne crée aucune difficulté et n’aurait pas été allégué comme objection. Avouons qu’on l’a plutôt compris comme résolvant un cas d’impuissance postérieure au mariage. C’est le sentiment de Gratien dans son dictum : Illud Gregorii sacris canonibus, immo evangelicæ et apostolicæ doctrinæ penitus invenitur adversum. La Glose s’escrime à lui donner un sens acceptable, en parlant soit d’impuissance antérieure, soit de restitution de dot, pour en arriver enfin à cette conclusion : Vel intellige de juvene, qui continere non potest, cui permittitur contrahere cum una permissiva comparatione ne ad plures accedat, en ajoutant qu’une décision semblable est donnée par le c. Si quod, 9, caus. XXXIII, q. II, où saint Augustin parlant d’un mari, qui ne pouvant, suivant la loi chrétienne, épouser une autre femme du vivant de sa femme adultère, est tout disposer à se libérer par un meurtre, dit : Si enim facturus est quod non licet, jam faciat adulterium, et non faciat homicidium. C’est que la Glose s’exprimait à une époque où la doctrine tranchait clairement entre l’impuissance antécédente et l’impuissance subséquente. Inutile de remarquer que cette permission n’était qu’une explication désespérée. Peut-être la vraie solution sera-t-elle de reconnaître dans la réponse de Grégoire II non pas une dispense, mais une simple tolérance, analogue à tant d’autres nécessaires à cette époque, tolérance d’autant plus explicable que si l’on savait que l’impuissance est une cause de nullité de mariage, la théorie canonique n’avait pas encore poussé jusqu’à son terme la distinction entre impuissance antécédente et subséquente. Enfin, n’oublions pas, en rappelant ce texte, le commentaire indirect que lui donna saint Boniface dans le statut qu’on a cité plus haut, et qui montre bien que, vingt ans après la réponse de Grégoire, l’indissolubilité du mariage consommé ne faisait pour lui aucun doute ; n’oublions pas la réponse d’Etienne III que l’on a citée aussi et qui rend le même son.

Nous avons parlé plus haut des pénitentiels comme attestant que la discipline du mariage avait subi dans les états francs des atteintes regrettables. Il ne faudrait pas en conclure que tous les pénitentiels se sont rendus complices de ce relâchement. Freisen, Geschichte des canonischen Eherechts, p. 785 sq., a fait à ce point de vue une distinction entre pénitentiels romains et pénitentiels francs et anglais. On verra plus loin que cette distinction, qui repose sur les théories de Mgr Schmitz, a un fondement ruineux. Il n’est pas moins vrai que plusieurs textes de pénitentiels affirment très fermement l’indissolubilité du mariage et l’interdiction du divorce en toutes hypothèses. Qu’il suffise de citer du pénitentiel de Vinniaus les §§ 41, 42, 45, voir les textes dans Freisen, loc. cit. ; on en pourrait apporter beaucoup d’autres. Mais, à côté de ceux-là, nombreux sont les textes de pénitentiels qui reconnaissent pratiquement le divorce, en soumettant parfois à la pénitence l’époux qui aurait contracté du vivant de son conjoint un autre mariage. Et, ce qui est intéressant dans l’espèce, c’est que les décisions sont souvent très diverses suivant les pénitentiels. Ainsi le Penitentiale Theodori, II, 12, § 19 : Si mulier discesserit a viro suo discipiens eum nolens revertere et reconciliari viro, post V annos cum consensu episcopi aliam accipere licebit uxorem. Or ce même pénitentiel, en un autre endroit, donne la solution suivante : Si ab aliquo sua discesserit, I annum pæniteat ipsa, si impolluta revertatur ad eum, ceterum III annos, ipse unum si aliam duxerit, I, 14, § 13. Le même, II, 12, § 8 : Maritus, si se ipsum in furto aut fornicatione servum facit vel quocumque peccato, mulier, si prius non habuit conjugium, habet potestatem post annum alterum accipere virum, digamo autem non licet. De même au § 23 : Si cujus uxorem hostis abstulerit et ipse eam iterum adipisci non potest, licet alliam tolere : melius est quam fornicari. Et on pourrait citer d’autres textes dans les Capitula Theodori, les Canones Gregorii, le Pænitentiale Cummeani, le Confessionale Pseudo-Egberti. Mais ces textes n’impliquent pas la responsabilité officielle de l’Eglise. Il faut nous souvenir d’une part des protestations élevées contre les pénitentiels, par divers conciles comme celui de Chalon (813) précisément à propos des solutions de ce genre : repudiatis ac penitus eliminatis libellis, quos pænitentiales vocant, quorum sunt certi errores,… De quibus recte dici potest : « mortificabant animas quæ non moriebantur, et vivificabant animas quæ non vivebant ; » qui… Consu unt pulvillos secundum propheticum sermonem sub omni cubito manus et faciunt cervicalia sub capite universæ ætatis ad capiendas animas, c. XXXVIII ; ou comme celui de Paris (829) qui ordonnait aux évêques de rechercher ces livres et inventos igni tradat ; d’autre aprt, quoi qu’en ait affirmé Mgr Schmitz, Die Bussbücher und die Bussdisciplin der Kirche, M. Paul Fournier a prouvé qu’il fallait reléguer au rang des mythes « le pénitentiel romain qui aurait conservé, au VIIIe siècle, la tradition de la discipline canonique primitive, telle que l’appliquait l’Eglise universelle. » A ceux qui voulaient encore couvrir leurs débordements de la permission que leur donnaient les lois séculières ou de la tolérance que leur accordait la coutume, Hincmar répondait par ces paroles sévères : « Qu’ils se défendent tant qu’ils voudront,… S’ils sont chrétiens, qu’ils sachent bien qu’au jour du jugement ce n’est pas d’après la loi romaine, la loi salique ou la loi gombette qu’ils seront jugés, mais d’après les lois divines ou apostoliques : Defendant se quantum volunt, qui ejus modi sunt… Tamen si christiani sunt, sciant se in die judicii nec Romanis nec salicis nec Gundobadis, sed divinis et apostolicis legibus judicandos. » P. L., t. CXXV, col. 658. De fait, on réussit peu à peu à supprimer en pratique le divorce. « En principe, à la fin de l’époque carolingienne, dit M. Fahrner, Geschichte der Ehescheidung im kanonischen Recht, t. I, p. 92, la victoire était assurée dans l’empire franc à la doctrine orthodoxe de l’Eglise romaine sur le divorce, bien que l’on n’eût pas encore surmonté en pratique tous les courants contraires. » Cette victoire fut le fruit de luttes nombreuses et violentes contre les personnages les plus considérables, contre les princes, les rois et les empereurs dont quelques-uns étaient les bienfaiteurs de l’Eglise : contre Pépin le Bref qui répudiait Bertrade pour épouser Angla, contre Charlemagne qui renvoyait Ilmitrude pour épouser la fille de Didier, roi des Lombards, contre Lothaire qui renvoyait Theutberge sous divers prétextes et se servait à cette fin d’imputations calomnieuses contre elle pour épouser Waldrade. Cette démonstration pratique de l’indissolubilité du mariage était pour les peuples d’un plus frappant exemple que les déclarations de principe et contribua notablement au rétablissement de la vraie discipline. Désormais l’interdiction du divorce ne subit plus aucune défaillance, et les sévères leçons données par Alexandre II à l’empereur Henri IV, par Urbain II et Pascal II à Philippe-Auguste montrèrent que l’Eglise savait faire plier aux saintes lois du mariage les plus hauts potentats.

VI. LE DIVORCE DANS LE CAS DE MATRIMONIUM RATUM NON CONSOMMATUM. – Si l’on veut comprendre exactement la pratique actuelle de l’Eglise vis-à-vis de certaines formes de divorce en la comparant avec des déclarations incessamment répétées en faveur de l’indissolubilité, il est nécessaire de connaître les théories qui en forment la base.

Une question que l’on pose toujours en étudiant le mariage est celle-ci : Quand le mariage est-il vraiment constitué ? Et l’on répond : il est constitué quand les deux sponsi ont échangé leur mutuel consentement de præsenti. Le prêtre, témoin officiel requis par l’Eglise, pose successivement à chacun d’eux la question rituelle : Voulez-vous prendre un tel, ou une telle, pour votre légitime époux, ou épouse ?etc. Chacun répond en donnant son assentiment. Le mariage est constitué. Si le prêtre ne peut être présent, le mariage est constitué par l’échange du consentement des deux parties fait devant les témoins. Autrefois, la réponse n’était pas aussi nette. La cause de l’hésitation ou de l’imprécision provenait des circonstances dans lesquelles le mariage était contracté. En droit romain, à l’époque où le christianisme faisait ses premières conquêtes, le mariage était un contrat familial qui n’était soumis ni préalablement ni dans l’acte même à aucune publicité légale. L’Eglise, sans doute, conseillait très instamment dès l’origine à ses fidèles de ne pas se marier sans demander, pour inaugurer leur union, la bénédiction sacerdotale, voir BANS, t. II, col. 161 sq. ; mais comme elle n’en faisait pas une obligation stricte et juridique, que le consentement des époux n’était pas émis en sa présence, qu’elle n’était pas témoin nécessaire de ce consentement, il advint souvent que ces unions étaient consacrées sans qu’elle fût appelée à les bénir, sans qu’elle fût officiellement informée. D’autre part, ce qu’on pourrait nommer les alentours du mariage, les cérémonies qui en précédaient et accompagnaient la célébration se composaient d’éléments multiples : pourparlers avec le père de la jeune fille, remise de l’anneau, constitution de dot, deduction in donnum accompagnée de solennités, etc. Quand parmi tous ces éléments était émis un consentement actuel, tout était clair. Mais on décomposait ces éléments, on en supprimait une partie plus ou moins notable. Le droit romain disait bien : nuptias consensus, non concubitus, facit ; mais ce consentement était présumé de la fille quand le père avait donné le sien, on ne le lui demandait pas toujours. Elle était présumée consentir quand elle n’avait pas refusé et qu’elle se soumettait à la deductio in donnum. Or les cérémonies étaient parfois réduites à la seule cohabitation. Un homme prenait une femme libre, l’entraînait chez lui, vivait avec elle, sans faire précéder son acte d’aucune des cérémonies rituelles ; quoi donc distinguait cette cohabitation d’un simple concubinat ? Si après une cohabitation plus ou moins longue il se séparait de cette femme, comment prouver qu’il l’avait réellement épousée et qu’il était lié à elle indissolublement ? Sans doute, ils avaient dû échanger leur consentement. Peut-être s’étaient-ils auparavant promis, par devant témoins, de s’épouser ; mais cette promesse d’un fait futur les liait-elle au point de prouver que leur cohabitation était postérieure au mariage ? Qu’elle fût un indice précieux, sans doute, mais une preuve, pas complètement. Fallait-il donc restreindre toute cette question à la preuve, souvent impossible, qu’un consentement matrimonial avait été échangé entre eux, et rendre la liberté à tout conjoint qui prétendait après coup n’avoir voulu faire qu’un concubinage ? Traiter comme des enfants illégitimes ceux qui seraient nés de cette union ?Qu’en serait-il advenu dans ce cas de la moralité publique ?Et quelles facilités données aux basses passions ! Ne pouvant faire parfois la preuve du consensus, on attacha d’autant plus d’importance à l’autre élément, le concubitus. D’autre part, le consensus n’empêchait pas que l’un des deux conjoints ne fût parfois inapte aux devoirs fondamentaux du mariage et la discipline reconnaissait que, dans ce cas, on pouvait considérer ce mariage comme n’existant pas. On ne creusait pas plus profondément cette théorie, mais on en déduisait que le consensus n’était pas, sans le concubitus, une preuve assez certaine du mariage. Avec le consensus seul le mariage, disait-on, pouvait exister : avec le concubitus en plus on ne pouvait douter de son existence. Le fait de la cohabitation conjugale complétait la preuve restée jusque-là indécise. De là, à faire de la consommation le requisitum essentiel du mariage, il n’y avait qu’un pas ; il fut bientôt franchi. Le mot latin nubere signifia à la fois contracter mariage et accomplir l’acte conjugal. – D’autre part, l’union conjugale n’était dite indissoluble dans l’Ecriture que lorsque les époux étaient devenus una caro ; c’était après avoir appliqué à l’homme et à la femme l’erunt duo in carne una de l’Ecriture, que saint Paul, dans l’Epître aux Ephésiens, résumait le parallèle entre l’union du Christ et e l’Eglise et celle des deux époux par cette affirmation solennelle : « Je le dis, ce mystère est grand dans le Christ et dans l’Eglise, » que la Vulgate a traduite : Sacramentum hoc magnum est, ego autem dico, in Christo et in Ecclesia. C’était par l’union charnelle, disait-on, que les époux accomplissaient le symbole de l’union du Christ et de l’Eglise. Et Hincmar était l’écho d’une tradition déjà longue quand il écrivait : Sciat, ut traditione majorum docuimus…, non esse conjugium, quibus defuit conjunctio sexum. De nuptiis Stephani et filiæ Regim. com., P. L., t. CXXV, col. 652.

Dans cet état de chose, une discipline fermement établie ne tenait pour complètement indissoluble que le mariage consommé. Même après que le conflit de théories dont les principaux antagonistes furent, d’une part, Gratien et l’école de Bologne, et, de l’autre, Pierre Lombard et l’école de Paris, se fut apaisé, après avoir fait la distinction entre sponsalia de futuro et sponsalia de præsenti, les docteurs eussent convenu que l’union contractée par les sponsalia de præsenti était un vrai mariage, il resta de l’ancienne théorie un souvenir disciplinaire. Seul, le mariage non consommé était tout à fait indissoluble ; au mariage non consommé celui que les uns nommaient initiatum ou simplement ratum, on ne reconnaissait qu’une indissolubilité de second ordre. Toutefois, puisque même non consommé le mariage était un sacrement, était indissoluble, on ne pouvait abandonner au gré des époux la constatation ou l’affirmation qu’il n’était pas consommé, on ne pouvait leur permettre de se séparer comme si aucun lien n’existait entre eux. L’Eglise qu’on avait déjà fait intervenir pour examiner et décider des cas analogues, concile d’Agde, can. 25 ; Capitula Theodori, can. 70, 149 ; Pænitentiale pseudo-Theodori, c. IV, § 23, etc., interviendrait encore pour examiner et décider de la séparation et admettre le divorce. De là vient la procédure du divorce connu sous le nom de dispense de matrimonio rato non consummato, dispense que seul le pape peut accorder. On voit dans quel sens cette dispense est la reconnaissance du divorce. De là vient aussi le droit reconnu aux époux d’entrer en religion et de faire les vœux solennels, vœux qui dirimeront le mariage, tant qu’il n’a pas été consommé, et qui permettront à l’autre époux de contracter un nouveau mariage, c. 2, De convers. conjug.

VII. LE DIVORCE EN DROIT NATUREL. – 1° Le divorce des non-baptisés. – Ce que l’on a dit jusqu’ici s’applique spécialement au mariage chrétien, c’est-à-dire au mariage sacrement contracté par des chrétiens, et qui réalise en quelque sorte le modèle qu’il a dans l’union du Christ et de l’Eglise. Ce mariage, consommé, est complètement indissoluble : aucune raison, aucun motif ne permet jamais de briser le lien matrimonial au point de laisser possible un nouveau mariage de l’un des conjoints du vivant de l’autre. Mais qu’en est-il du mariage qui ne parfait pas cet admirable et fécond symbole d’union ? Qui n’est pas sanctifié par la grâce sacramentelle que représente l’union du Christ et de l’Eglise ? – Qu’il ne soit pas indissoluble au même degré que le mariage consommé des chrétiens, c’est pour ainsi dire une vérité évidente. Si, comme on l’a vu, le mariage non consommé des chrétiens, bien qu’il réalise de quelque manière, d’une manière spirituelle, le symbole du Christ et de l’Eglise, n’a qu’une indissolubilité de second ordre, à plus forte raison le devrons-nous dire du mariage des non-chrétiens, fût-il consommé, parce que, n’ayant pas reçu le baptême, ils sont incapables de représenter cette union, sinon grossièrement et d’une manière matérielle. Il n’y a donc dans le mariage des infidèles qu’une indissolubilité d’ordre inférieur, en soi, à l’indissolubilité secondaire du mariage chrétien non consommé. Cette fermeté d’ordre inférieur est-ce encore de l’indissolubilité ? Oui, certainement. Le mariage des infidèles est de même ordre que le mariage contracté par les patriarches et par les Juifs de l’ancienne loi. C’est celui que Dieu établit à l’origine du monde. Or de ce mariage Jésus-Christ a dit : « N’avez-vous pas lu que celui qui créa l’homme au commencement créa un homme et une femme et qu’il dit : Pour cela l’homme quittera son père et sa mère et s’attachera à sa femme, et ils seront les deux en une seule chair ? Ainsi ils ne sont plus deux mais une seule chair. Ce que Dieu a uni que l’homme ne le sépare donc pas. » Matth., XIX, 4-6. C’est de ce mariage que Jésus proclamait l’indissolubilité originelle et encore obligatoire devant les Juifs et les Pharisiens ; c’est ce mariage qu’il voulait ramener à son indissolubilité primitive. Moïse, leur affirme-t-il, Moïse ne vous a pas prescrit, imposé le divorce ; il vous l’a simplement permis. Mais à l’origine il n’en était pas ainsi. C’est la même doctrine que rappelle l’exposé doctrinal sur le mariage qui ouvre la session XXIV du concile de Trente, la Doctrina de sacramento matrimonii : Matrimonii perpetuum indissolubilemque necum primus humani generis parens divini Spiritus instinctu pronuntiavit, cum dixit : Hoc nunc os, etc. L’indissolubilité est à la base de tout mariage. Jésus-Christ, en faisant du mariage un sacrement, n’a pas créé cette indissolubilité, il l’a confirmée : gratiam vero, quæ… Indissolubilitatem, unitatem confirmaret. C’est la doctrine unanime des théologiens catholiques, et en particulier de saint Thomas : l’indissolubilité appartient à tout mariage. Mais puisque ce caractère ne lui vient pas du symbole sacramentel, pourquoi Dieu a-t-il voulu que le mariage fût de soi indissoluble ? Est-ce uniquement parce qu’il plaisait à sa volonté qu’il en fût ainsi ? Au milieu d’une foule d’autres raisons saint Thomas relève celle-ci : c’est que les parents sont tenus de faire l’éducation de leurs enfants et de les préparer à remplir leur fonction en cette vie. In IV Sent., l. IV, dist. XXXIII, q. II, a. 2, q. I. C’est l’enseignement de Benoît XIV, qui affirme que le mariage, au simple point de vue naturel, doit de toute convenance, soit pour l’éducation des enfants, soit pour conserver les autres biens, être perpétuel et indissoluble. Matrimonii fœdus a Deo institutum, quod et quatenus naturæ officium est, pro educandæ prolis studio, aliisque matrimonii bonis servandis, perpetuum et indissolubile esse convenit. Const. Dei miseratione, § 1. C’est l’enseignement de Pie VI : le mariage, qui avant Jésus-Christ était indissoluble, est devenu, après Jésus-Christ, l’un des sept sacrements. Dogma fidei est, ut matrimonium, quod ante adventum Christi nihil aliud erat nisi indissolubilis quidam contractus, illus post Christi adventum evaserit unum ex septem legis evangelicæ sacramentis. Epist. ad episc. Motulen., 16 septembre 1788. C’est celui de Pie IX qui insérait dans le Syllabus des propositions condamnées la proposition suivante : « De droit naturel le mariage n’est pas indissoluble, » n. 67. C’est celui que rappelait Léon XIII à toutes les pages de l’encyclique Arcanum. Et selon Benoît XIV, Quæst. canon., q DLXVI, § 33, l’indissolubilité appartient de droit naturel non seulement au mariage consommé, mais au mariage non-consommé des non-baptisés. C’est l’enseignement de la raison et de l’expérience. L’indissolubilité seule protège dans le mariage les droits de la femme aussi bien que ceux du mari ; seule, elle nourrit l’amour naturel des époux dont le bonheur, si nécessaire pour leur donner la force de remplir leur devoir quotidien, sera brisé par la perspective d’une séparation ; seule, elle resserre leur union en leur faisant consentir pour le bien de la paix les sacrifices sans lesquels il n’y a pas de grande œuvre ni de joie profonde ; seule, elle pourvoit au bonheur et à l’éducation des enfants en maintenant auprès d’eux des cœurs qui les aiment et une expérience affectueuse qui les éclaire ; seule, elle assure le bien de la société, en obligeant les passions basses à se contenir, en protégeant la pudeur dans les relations humaines, en formant comme un faisceau d’alliés et de parents qui s’entraident et se soutiennent les uns les autres, tandis que le divorce ferait des alliés de la veille d’implacables ennemis. Permettre la rupture du lien matrimonial, c’est, dut Léon XIII, donner l’inconstance comme règle dans les affections qui devraient durer toute la vie, changer le support mutuel en aigreur mutuelle, encourager les violations de la foi conjugale, rendre presque impossible l’éducation des enfants ; c’est la discorde semée à pleine main, la dignité et l’honneur de la femme foulés aux pieds, sa pudeur outragée, la moralité générale abaissée, tout frein enlevé aux passions honteuses, les nations affaiblies et bientôt épuisées, anéanties : tels sont les fruits naturels inséparables du divorce. Encyclique Arcanum, passim. Ces graves et sévères jugements reposent sur de longues et douloureuses expériences, non seulement celles de l’antiquité, mais celles plus récentes de la Révolution française et d’autres encore. Que ce soit en Allemagne, en France, en Amérique partout les effets sont uniformes : la pratique étendue du divorce tuera les nations modernes comme elle a tué les civilisations antiques. Ces conséquences inéluctables ne prouveraient-elles pas à elles seules que le divorce est contraire au droit naturel ?

Les théologiens se sont demandés s’il est contraire au droit naturel primaire ou au droit naturel secondaire. Mgr Rosset, dans son grand ouvrage, De sacram. matrimon., n. 554 sq., établit clairement en deux propositions : Indissolubilitas matrimonii non est absolute de jure naturali primario ; Indissolubilitas matrimonii est de jure secondario naturæ. On comprend donc que l’Eglise puisse admettre, en certains cas, le divorce du mariage des non baptisés comme elle admet, dans la mesure très restreinte que l’on sait, le divorce du mariage non consommé des chrétiens.

L’autorité civile, le Prince, comme on disait autrefois, a-t-elle le droit d’admettre pour les non baptisés la faculté de divorcer ? Qu’elle ne l’ait pas quand il s’agit du mariage chrétien consommé ou non consommé, c’est un point absolument hors de doute : ce mariage est un sacrement dont la discipline est entièrement réservée à l’Eglise. Quand il s’agit du mariage des non-chrétiens, la question n’est pas aussi claire. Sanchez, De sancto matrim. Sacram., l. VII, disp. III, n. 9, se demande devant quel juge les infidèles qui demandent le divorce doivent comparaître, et il répond que c’est devant le juge séculier qui est pour eux seul compétent. Faut-il en déduire qu’il reconnaît à ce juge le droit de porter une sentence de divorce ? Peut-être, quoiqu’il ne le dise pas ; ne fausserait-on pas sa pensée en l’admettant ? Plus près de nous, Carrière, De matrimonio, part. II, sect. III, c. I, a. 1, n. 227, après avoir refusé nettement aux parties le droit de divorcer de par leur seule volonté, n’ose pas refuser aussi nettement au pouvoir civil le droit de porter une sentence de divorce : il y a là, dit-il, plus de difficulté à se prononcer, parce que l’on peut concevoir que l’intervention et la limitation des cas par l’autorité civile supprime ou diminue quelques-uns des inconvénients du divorce. Major adest difficultas, quia concipitur per publicam aucloritatem ita posse restringi et ordinari divortii facultatem, ut tollantur aut minuantur quædam ex allatis incommodis : unde non ita aperte auderemus pronuntiare. De cette concession, Rosset, op. cit., n. 556, le gourmande sévèrement ; il lui objecte la proposition 67 du Syllabus, qui, toutefois, n’est peut-être pas très pertinente ad rem, car, d’une part, admettre que l’autorité civile puisse en certains cas permettre le divorce ne prouve pas qu’elle nie l’indissolubilité du mariage, pas plus que l’Eglise, en admettant le divorce d’un mariage non consommé entre chrétiens dans les deux cas que nous avons mentionnés, ne nie l’indissolubilité générale de ce mariage, et, d’autre part, l’allocution Acerbissinum du 27 septembre 1852, à laquelle on renvoie aussi comme à l’un des documents auxquels est empruntée cette proposition 67, paraît bien parler surtout du mariage chrétien. Il paraît donc malaisé d’englober cette théorie de Carrière parmi celles qui ont été condamnées dans la proposition 67 du Syllabus. Il n’en est pas moins vrai que l’opinion courante refuse ce droit à l’autorité civile. Cavagnis n’en parle pas quand il examine la question de savoir si l’autorité civile peut établir des empêchements dirimants de mariage pour les infidèles, question à laquelle il donne une réponse affirmative, Institut. juris publ. eccl., part. II, l. II, c. II, § 4 ; mais Gasparri dit très nettement que l’autorité civile ne peut le permettre même pour les infidèles : Principem civilem, etiam in casibus in quibus divortium proprie dictum non esset contra naturæ legem, non posse illud sancire nec pro subditis infidelibus. Tract. canon. de matrim., 1904, n. 1320. Cf. Lehmkuhl, Theol. mor., Paris, 1902, n. 701.

Le privilegium paulinum. – On a vu que l’Eglise autorise légitimement, en deux cas déterminés, le divorce du mariage chrétien non consommé. Puisque le mariage des non baptisés n’a qu’une indissolubilité inférieure à celle du mariage chrétien, il s’ensuivra logiquement que l’Eglise pourra dans une mesure plus large en autoriser et sanctionner la dissolution. Mais là encore une longue discipline a déterminé dans quel sens ou pour quel motif cette dissolution pourra être permise. C’est uniquement in fidei favorem, pour la conservation et l’extension de ce bien supérieur qu’est la pratique de la vraie religion. Le premier énoncé de ce droit et de cette discipline se lit dans la première épître de Paul aux Corinthiens : « Si un frère, écrit l’apôtre, a une femme non chrétienne et qu’elle consente à habiter avec lui, qu’il ne la renvoie pas. Et si une femme chrétienne a un mari non chrétien et qui consent à habiter avec elle, qu’elle ne le renvoie pas ; car le mari non chrétien est sanctifié dans la femme, et la femme non chrétienne est sanctifiée dans notre frère… Mais si le conjoint non chrétien se sépare, qu’il se sépare : le frère ni la sœur ne sont enchaînés dans ces cas. C’est dans la paix que Dieu nous a appelés. » I Cor., VII, 12-15. Le texte est assez clair par lui-même. Si donc après la conversion de l’un des époux l’autre refuse de cohabiter avec lui et se sépare, l’époux converti n’est pas tenu de le suivre ni de le rechercher. A ce cas on a joint celui où l’époux demeuré infidèle veut bien cohabiter avec le conjoint converti, mais veut lui imposer en cette cohabitation des actes contraires à la religion chrétienne ou aux devoirs essentiels du mariage ; et avec raison, car cette cohabitation matérielle est pire que la répudiation. La discipline qui s’ensuivit et qui est attestée dès les origines, cf. le commentaire de l’Ambrosiaster, In I Cor., VII ; l’homélie XIX de saint Jean Chrysostome, In I Cor., VII, mentionnée par les pénitentiels, cf. Pænitent. Theod., II, 12, § 17, 18 ; Pseudo-Egbert, etc., reconnue par Gratien et ses successeurs, fut enfin canonisée par Innocent III, c. Quanto, de divortiis, où il énonça définitivement jusqu’où s’étendait le privilège exprimé par saint Paul. Depuis lors les détails pratiques ont été précisés, soit en ce qui concerne l’interpellation à adresser à l’autre conjoint, soit en ce qui concerne la dispense de cette interpellation. Ce sont là questions pour lesquelles il n’y a pas lieu d’entrer pour notre sujet. On voulait simplement marquer dans quelle mesure l’Eglise, interprète du droit divin et du droit naturel, admet le divorce du mariage des non baptisés.

Cette décrétale d’Innocent III affirmait et restreignait à la fois une pratique un moment plus étendue. La question s’était en effet posée, si le privilège de l’apôtre ne visait que le mariage contracté dans l’infidélité de deux époux dont l’un s’était converti, ou s’il n’était pas applicable également au cas où de deux époux chrétiens, mariés dans l’Eglise, l’un des deux apostasiait ou tombait dans l’hérésie ; si l’époux perverti refusait de cohabiter, ou s’efforçait d’entraîner l’autre dans ses erreurs, celui-ci ne pouvait-il être délié du lien matrimonial et, s’il le désirait, contracter un autre mariage ? Deux décrétales, l’une d’Urbain III (1185-1187), can. 6, De divort., et l’autre de Célestin III, can. 1, De convers. infidel. (le texte se trouve dans les partes decisæ, Friedberg, in loc.) l’avaient admis, celui-ci dans le cas d’apostasie, celui-là dans le cas d’hérésie, à condition que le divorce eût été prononcé, cum assensu archidiaconi, ou bien judicio Ecclesiæ. Mais, dans son édition des Décrétales, saint Raymond de Pennafort laissa tomber le passage de Célestin III, et, à l’occasion de celui d’Urbain III, la glose remarquait : sed hoc, quod in fine dicitur, corrigitur per cap. sequens, c’est-à-dire le c. Quanto.

Enfin on ne s’étonnera pas que le mariage contracté entre deux infidèles puisse, après la conversion de l’un d’eux, être dissous par la profession religieuse solennelle du converti.

VIII. LE DIVORCE CIVIL SPECIALEMENT EN France. – Le divorce, qui avait disparu de la législation chrétienne sous les efforts incessants de l’Eglise, y reparut à l’éclosion du protestantisme. Toutes les écoles protestantes en admettaient la légitimité dans certaines limites. Les motifs pouvaient être, en premier lieu l’adultère du conjoint, les sévices et mauvais traitements, une absence longue et affectée, l’incompatibilité d’humeur. Le concile de Trente condamna leur doctrine spécialement dans les c. V et VII, De sacram. matrim., sess. XXIV. Non pas que l’on remit au gré de chacun l’appréciation des motifs et la liberté absolue ; mais la brèche était ouverte, on ne tardera pas à l’élargir.

D’autres théories empruntées plutôt à des arguments philosophiques firent introduire le divorce dans la législation française à l’époque de la Révolution. C’était au moment où, entraînée par sa lutte contre la religion catholique, l’Assemblée législative prétendait asseoir un ordre nouveau sur de nouvelles bases, en faisant abstraction de tous les principes chrétiens. En vertu du principe que la liberté est un droit naturel inaliénable, on décida que le mariage était un contrat ordinaire, dissoluble donc par le seul consentement des deux époux, puis, même par la volonté d’un seul plaidant l’incompatibilité d’humeur. Loi du 20 septembre 1792. Les conséquences furent telles qu’on dut, le 15 thermidor an III, suspendre l’exécution de loi du 4 floréal an II. Ce droit au divorce, qui n’avait été réclamé par aucun de cahiers de 1789, n’était pas populaire ; les rédacteurs du Code civil, sans toutefois le supprimer, purent le restreindre notablement. Ils ne retinrent comme cause que l’adultère, les excès, injures, sévices graves, la condamnation à une peine infamante, et le consentement mutuel subordonné à une foule de prescriptions sévères, art. 229-233. La loi du 8 mai 1816 le supprima, et les tentatives faites en 1830 et 1848 pour le rétablir n’aboutirent pas. En 1871, pendant la Commune, une proposition fut présentée dans le même sens.

Le 16 juin 1876, M. Naquet présentait à la Chambre des députés un projet de loi qui eut malheureusement plus de succès. Après de longues discussions, le projet notablement amendé et adouci aboutit à la loi du 27 juillet 1884 ; une nouvelle loi du 18 avril 1886 ne lui fit subir que des retouches concernant la procédure. Elle n’admet le divorce que pour « cause déterminée. » Les causes admises par le code civil de 1804, moins celle du consentement mutuel. Récemment, de nouvelles facilités ont été accordées, qui en rendent la pratique plus dangereuse et plus déplorable. Nous n’avons pas à entrer dans le détail de ces dispositions ; ce que nous venons d’exposer suffit au but qui nous est fixé.

Par suite de cette loi se posèrent un peu partout des cas de conscience douloureux. Il demeurait bien certain que le divorce ne pouvait être accepté par l’Eglise, que la loi était inopérante pour la conscience ; qu’un chrétien ne pouvait y recourir pour briser le lien conjugal, c’est-à-dire pour se libérer absolument de son conjoint et contracter un nouveau mariage. Mais pouvait-on recourir au divorce considéré uniquement comme une rupture du lien civil, des sanctions civiles que le mariage contracté devant l’autorité civile annexe au lien matrimonial ? Est-ce parce que, sans être intrinsèquement mauvais, il entraîne de telles conséquences qu’on ne le peut tolérer que dans des circonstances exceptionnelles, circonstances qu’on ne peut viser dans une loi générale ou une jurisprudence courante ? Il s’agit, bien entendu, ici, de la dissolution civile d’un mariage chrétien, valide, et qui ne peut bénéficier d’une dispense pontificale dans les conditions indiquées plus haut.

Les théologiens ne sont pas complètement d’accord dur ce point. Ils sont unanimes à considérer le divorce civil, considéré en simple rupture du lien civil, comme un mal ; ils sont unanimes à dire qu’il le faut éviter, mais ils se divisent sur la question de fond : les uns affirmant qu’il est intrinsèquement mauvais, les autres admettant qu’il se peut rencontrer des cas assez graves pour qu’on ait le droit de le demander. Aucune déclaration autorisée n’ayant tranché le différend, il ne reste qu’à demander à l’Eglise ce qu’elle tolère en pratique pour diverses personnes qui peuvent être intéressées dans une action en divorce : les époux, les juges, les avocats et avoués.

Les époux. – Il est certain qu’ils ne peuvent demander le divorce en vue d’un intérêt pécuniaire. Le cas fut posé à la Pénitencerie : une femme séparée de corps d’avec son mari demandait la jouissance d’un bureau de tabac, mais ne pouvait l’obtenir si elle n’obtenait préalablement le divorce. D’ailleurs, dans son intention le divorce n’eût été que la rupture du lien civil. La Pénitencerie interrogée répondit le 5 janvier 1887 : Mulieri pænitenti in casu nihil aliud esse consulendum, nisi ut a petendo divortio sub gravi se abstineat.

Le peuvent-ils pour un intérêt d’ordre supérieur ? Par exemple, une femme, épouse d’un mari indigne, pourrait-elle demander le divorce afin de se faire adjuger à elle seule la garde et l’éducation des enfants qui serait gravement compromise entre les mains du père ? Il n’y a pas, sur ce point, de décision officielle : celle que l’on cite, du 3 juin 1891, n’est pas ad rem et considère une hypothèse un peu différente.

Le peuvent-ils pour sauvegarder l’honneur d’une famille, désavouer la paternité d’enfants adultérins, préserver les intérêts d’enfants légitimes compromis par exemple par les débordements odieux d’une mère ? Sur ce point les deux thèses en présence se prévalent chacune d’une réponse. Dans les deux cas posés à la Pénitencerie les apparences étaient, semble-t-il, les mêmes. Pourtant la réponse fut différente. Le 7 janvier 1892, la Pénitencerie répondait : Non licere ; le 30 juin de la même année, elle disait : Orator consulat probatos auctores. Voici d’ailleurs la question à laquelle s’adressait la réponse : Eduardus ob adulterium mulieris notorium et scandalosum, ex quo etiam proles spuria exorta est, a judice ecclesiastico obtinuit sententiam pro separatione thori. – Ut vero talis sententia judicis ecclesiastici effectus civiles sortiri queat, præsertim quoad repudiationem paternitatis circa filios adulterinos, horumque exclusionem a parte et bonis prolis legitimæ, lex civilis non aliud suppeditat medium efficax quam divortium civile. – Unde Eduardus familiæ suæ decori et bono providere volens, ad actionem pro consequendo divortio civili recurrere cogitat. Nullo modo tamen vinculum sacramentale infrangere aut novarum nuptiarum libertatem pro se aut pro indigna muliere prætendere putat, paratus cæteroquin talem intentionem authentice coram parocho vel episcopo confirmare et declarare. Le reste de l’exposé n’est qu’une répétition plus détaillée de cette déclaration. A cette consultation la Pénitencerie n’a pas répondu : Non licere, mais : Orator consulat probatos auctores.

Enfin un époux contre lequel est intentée une action en divorce, peut-il agir reconventionnellement contre le demandeur, par exemple afin d’obtenir la garde des enfants qu’il n’obtiendrait pas en restant simplement défenseur ? Sur ce point encore, aucune décision officielle publiée jusqu’ici.

Le juge. – Laissons de côté, comme n’appartenant pas spécialement à notre sujet, le fait qu’en instruisant une action en divorce, le juge s’immisce dans une affaire ecclésiastique. Abstraction faite de ce point, le juge peut-il prononcer un divorce civil ? Nous avons ici plusieurs réponses officielles. Le 25 juin 1885, à une question conçue en ces termes : Utrum fas esset judicibus laicis in causis de separatione conjugum sive circa vinculum, sive circa habitationem tantumn jus dicere ? (ces mots jus dicere visent la loi de 1884 d’après laquelle le juge ne prononçait pas le divorce, mais se bornait à le déclarer : Il y a lieu de prononcer le divorce ; la loi du 18 avril 1886 a modifié ce point : c’est le juge maintenant qui prononce le divorce) A cette question, le Saint-Office répondait que, vu les circonstances, tolerari posse… Dummodo catholicam doctrinam de matrimonio deque causis matrimonialibus ad solos juices ecclesiasticos pertinentibus palam profiteantur, et dummodo ita animo comparati sint… Ut uunquam proferant sententiam… Divino aut ecclesiastico jurs repugnantem et in casibus dubiis vel difficilioribus suum quisque ordinarium adeat, ejusque judicio se dirigat… Ce n’était donc pas un refus absolu. Cette répons suscita de nouvelles questions auxquelles il fut répondu le 27 mai 1886 que n’était pas légitime interpretatio per Gallias diffusia acetiam typis data, justa quam satisfacit conditioni præcitatæ (celle qu’on citée ci-dessus) judex qui, licet matrimonium aliquod validum sit coram Ecclesia, ab illo matrimonio vero et constanti animo abstrahit, et applicans legem civilem pronuntiat locum esse divortio, modo solos effectus civiles solumque contractum civilem abrum pere mente intendat, eaque sola respiciant termini prolatæ sententiæ. Cette réponse, adressée à des évêques de France, ayant excité une certaine émotion en Belgique où le juge peut être appelé lui aussi à prononcer der sentences de divorce, le nonce en Belgique fut autorisé par le Saint-Siège à déclarer « que le décret du 27 mai ne concerne pas la Belgique, et que par conséquent, rien n’est modifié en ce pays en ce qui touche la matière du divorce. » Enfin l’évêque de Luçon ayant demandé si, dans un cas particulier, où les juges avaient déclaré : Il y a lieu à prononcer le divorce, bien que le mariage fût valide devant l’Eglise, le maire pouvait prononcer le divorce avant de procéder au mariage civil du divorcé, ce maire étant disposé à confesser publiquement la doctrine de l’Eglise sur le mariage et le divorce la Pénitencerie répondit, le 23 septembre 1887 : Episcop. Lucion. in hoc casu particulari, si inspectis omnibus ejus adjunctis ita in Domino expedire judicaverit, tolerare posse ut syndicus orator ad actum, de quo in precibus, procedat cum declarationibus ab ipso propositis, ita ut… Ponat : solumque civilem contractum spectare posse. Puis elle déclara, le 4 juin 1890, qu’il n’était pas licite de déduire de cette réponse à un cas particulier une solution générale. En pratique c’est l’opinion moins sévère qui l’a emporté. Gasparri le reconnaît : In locis ubi lex divortii a multo tempore sævit, judices catholici bona fide sententiam proferunt, tacentibus ordinariis et s. sede ; e. g. in Belgio… Etiam in Galliis, jam hæc bona fides, ob data ab ordinariis responsa, in pluribus introducta est. Op. cit., n. 1557. Et il ajoutait : Hinc in præsentibus circumstantiis minus probamus illos, qui hanc actus illiceitatem alte et in publicis euphemeridibus prædicant.

Les avocats. – Un avocat peut-il être pour son client demandeur en divorce ? Evidemment l’avocat peut être demandeur dans les cas où son client peut demander en conscience le divorce. – Le peut-il dans le cas où le client n’a pas le droit en conscience d’intenter l’action en divorce ? Pas plus que son client il ne peut agir en vue d’un avantage temporaire ou pécuniaire. Bref, il lui faut appliquer les solutions données pour les époux ; et ce que le décret du Saint-Office du 25 juin 1885 décidait pour les juges s’appliquait aussi aux avocats ; la question parlait des uns et des autres. La réponse les visait également. – L’avocat pourrait-il agir s’il était désigné d’office pour assister le demandeur ? (Notons que la nouvelle jurisprudence rend de plus en plus fréquentes ces désignations d’office.) Les motifs qu’invoquent les tenants de la réponse affirmative, c’est qu’en refusant son ministère l’avocat chrétien s’expose à ne plus pouvoir exercer sa profession, au grand dommage de l’ordre social tout entier. Mais nous ne connaissons pas de réponse autorisée du Saint-Siège sur ce sujet. – Par contre, nous savons par une réponse du Saint-Office à l’évêque de Southwark communiquée par le Saint-Office lui-même à l’évêque de Saint-Gall, le 3 avril 1877, qu’on peut tolérer que l’avocat assiste un défendeur en procès de divorce, dummodo episcopo constet de probitate advocati, et dummodo advocatus nihil agat, quod a principis juris naturalis et ecclesiastici deflectat.

Il ne semble pas qu’il y ait lieu de se montrer sévère en ce qui concerne le ministère de l’avoué, qui est plutôt subalterne et surtout matériel ; moins encore pour le ministère de l’huissier et du greffier.

Nous résumerons tout cet exposé pratique par la déclaration suivante du card. Gasparri, touchant l’opinion moins rigide : eam sive in theoria sive in praxi retinent, saltem ut probabilemnon pauci antistites, docti, pii, prudentes et sedi apostolicæ addictissimi in Germania, Anglia, America, Gallia… Ex divortio sequitur effectus contrarius juri divino, nempe quod matrimonium religiosum privetur suis effectibus civilibus, sed hic effectus sequitur indirecte. Op. cit., n. 1540.

La première partie de cette déclaration rappelle qu’en effet le divorce civil existe non seulement en France, mais en Allemagne, en Angleterre et en Amérique. Voici une brève indication des pays où règne cette plaie malheureuse des législations antichrétiennes.

En Europe : Allemagne, d’après le nouveau code civil entré en vigueur le 1er janvier 1900, § 1564-1587 ; Angleterre, surtout depuis la loi du 28 août 1857, complétée par des lois postérieures de 1868, 1898, etc. ; Autriche, sauf pour les catholiques, lois de 1820, 1870, 1874 ; Belgique, code civil de 1832 ; Hongrie, depuis la loi de 1894 ; Ecosse ; Irlande, où il faut, afin d’obtenir le divorce, une loi pour chaque cas ; Luxembourg, comme dans le code civil français de 1804 ; Hollande ; Suisse, spécialement depuis la loi fédérale du 24 décembre 1874 ; Danemark, Norvège, Suède ; Russie, Grèce, Monténégro, Roumanie, suivant les lois de l’Eglise orthodoxe ; en Pologne, pour les dissidents seulement, non pour les catholiques. En Amérique : celle du sud : Costa Rica, Saint-Dominique, Equateur, Guatemala, Haïti, San-Salvador ; Amérique du nord : Etats-Unis, où le divorce est une vraie plaie sociale malheureusement très étendue ; dans le Bas-Canada, il faut comme en Irlande une loi pour chaque cas.
 
 

La bibliographie de cette matière est extrêmement nombreuse. On en donnera seulement un exposé restreint. En plus des ouvrages indiqués dans les pages qui précèdent, on pourra consulter, en premier lieu, les moralistes et canonistes : Feije, Ballerini-Palmieri, Opus theologicum morale, les décrétalistes, sur les titres De divortiis, et De conversione infidelium ; puis les suivants, donnés un peu au hasard : Westermarck, Origine du mariage dans l’espèce humaine, trad. H. de Varigny, Paris, 1895 ; de Bonald, Du divorce, Paris, 1847 ; E. Glasson, Le mariage civil et le divorce dans l’antiquité et dans les principales législations modernes de l’Europe, Paris, 1880 ; Luckock, The history of marriage, Londres, 1894 ; Brenner, De divortiis apud Romanos, Berlin, 1862 ; Perrone, De matrimonio christiano, Liège, 1861 ; Palmieri, Tractatus de matrimonio christiano, Rome, 1880 ; Scaduto, Il divorzio e il Cristianesimo in Occidente, Florence, 1883 ; J. Freisen, Geschichte des canonischen Eherechts, 2e édit., Paderborn, 1893 ; Zhishmann, Das Eherecht der Orientalischen Kirche, Vienne, 1864 ; Launoy, Regia in matrimonium potestas, observationes, Paris, 1674, et In librum magistri Launoii theol. Parisien., qui inscribitur Regia in matrim. Potestas, observationes, par Jacques l’Huillier, 1678 ; A. Esmein, Le mariage en droit canonique, Paris, 1891 ; Roskovany, Matrimonium in Ecclesia catholica potestati ecclesiast. Subjectum, Pestini, 1870 ; P. Damas, Les origines du divorce en France, Bordeaux, 1897 ; Baudier, La loi du divorce et la conscience chrétienne, Paris, 1885 ; E. Lehr, Le mariage, le divorce, et la séparation de corps dans les principaux pays civilisés, Paris, 1899 ; Basdevant, Des rapports de l’Eglise et de l’Etat dans la législation du mariage, du concile de Trente au code civil, Paris, 1900 ; Quinquet de Monjour, Histoire de l’indissolubilité du mariage en France depuis le Ve siècle jusqu’au concile de Trente, Paris, 1901 ; R. Lemaire, Le mariage civil, Paris, 1905 ; A. Giobbio, Lezioni di diplomazia ecclesiastica, Rome, 1904, t. I ; enfin l’excellent livre de M. I. Fahrner, qui peut tenir lieu de beaucoup d’autres, Geschichte der Ehescheidung im kanonischen Recht, Fribourg-en-Brisgau, 1903, t. I (le seul paru jusqu’ici). Pour les décisions des congrégations romaines, voir les revues spéciales, comme Le canoniste contemporain de 1885 à 1892, ou bien Craisson, Manuale totius juris canonici, 8e édit., Paris, 1894, ou Lavialle, Décisions romaines sur le divorce civil, Périgueux, 1898.

A. VILLIEN.