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Dictionnaire de Théologie Catholique
PERES DE L’EGLISE. – On désigne par ce terme des écrivains ecclésiastiques de l’antiquité chrétienne, considérés par l’Eglise comme des témoins particulièrement autorisés de la foi. I. Notion. II. Autorité (col. 1198). III. Disciplines qui en traitent (col. 1199). IV. Histoire sommaire de ces disciplines (col. 1202). V. Renseignements d’ordre pratique (col. 1210).

I. NOTION. – 1° Le nom et son emploi. – Quoi qu’il en soit de l’emploi antérieur du nom pour désigner soit les évêques, en tant que tels, soit les maîtres de doctrine, on peut dire qu’à partir de la seconde moitié du IVe siècle l’expression « Pères » (au pluriel) a très sensiblement la signification que nous donnons aujourd’hui aux mots « Pères de l’Eglise ». Entendant par là un groupe plus ou moins nettement circonscrit de personnages ecclésiastiques appartenant au passé et dont l’autorité est décisive en matière de doctrine. Cette autorité ne leur vient pas seulement de leur âge, elle n’est pas simplement l’autorité particulière de tel ou tel, elle résulte de l’accord de ces personnages entre eux. « Ce que nous enseignons, écrit saint Basile, ce ne sont point les résultats de nos réflexions personnelles, mais ce que nous avons appris des saints Pères, ἅπερ παρὰ τῶν ἁγίων πατέρων δεδιδάγμεθα. » Cet enseignement, c’est celui des Pères réunis à Nicée. Epist., CXL, 2, P. G., t. XXXII, col. 588. Expression équivalente dans Grégoire de Nazianze, Orat., XXXIII, 15, P. G., t. XXXVI, col. 233 B.

Lors des grandes controverses christologiques du Ve siècle, on fait appel de part et d’autre à l’autorité des Pères. La sommation adressée à Nestorius par saint Cyrille d’Alexandrie, en novembre 430, appuie l’interprétation qu’elle donne du symbole de Nicée sur les affirmations des Pères. C’est pour rester fidèle à la foi proclamée par les membres du célèbre concile qu’il faut proclamer le Christ à la fois Dieu et homme : ἑπόμενοι δὲ πανταχοῦ ταῖς τῶν ἁγίων πατέρων ὁμολογίαις, αἱ πεποίηνται λαλοῦντος ἐν αὐτοῖς τοῦ ἁγίου Πνεύματος. Mansi, Concil., t. IV, col. 1072 D. A la première séance du concile d’Ephèse, 22 juin 431, Cyrille, pour attester sa propre orthodoxie et établir l’erreur de Nestorius, fait lire un dossier d’extraits patristiques : « Nous avons, dit Pierre, chef de la chancellerie alexandrine, préparé des extraits des livres de vénérables et saints Pères, d’évêques et de divers martyrs. Si le concile le juge bon, nous en donnerons lecture. » C’est ainsi que furent lus des textes empruntés à Pierre, évêque d’Alexandrie et martyr, à saint Athanase, à Jules et à Félix de Rome (en réalité, ces deux pièces sont des faux apollinaristes), à Théophile d’Alexandrie, à Cyprien, à Ambroise, à Grégoire de Nazianze, à Basile de Césarée, à Grégoire de Nysse, à Atticus de Constantinople, à Amphilochius d’Iconium. Voir Mansi, ibid., col. 1184 B-1196. De leur côté, c’est en s’appuyant sur les dits des anciens, autant que sur l’Ecriture, que les « Orientaux » réfutaient, comme entachés d’apollinarisme, les anathématismes cyrilliens. « L’union καθ᾽ ὑπόστασιν, écrivait Théodoret, nous la rejetons comme étrangère aux saintes Ecritures et aux Pères qui les ont interprétées. » P. G., t. LXXVI, col. 400 A. Aussi, dans la célèbre lettre Lætentur cæli, qui scelle l’accord de 433 entre Alexandrie et Antioche, Cyrille prend-il bien soin de marquer qu’il est en tout d’accord avec les Pères, et spécialement avec Athanase : ὅτι δὲ ταῖς τῶς ἁγίων Πατέρων δόξαις ἑπόμεθα πανταχοῦ, μάλιστα δὲ τοῦ μακαρίου καὶ πανευφήμου Πατρὸς ἡμῶν Ἀθανασίου ; il ne veut s’écarter en rien de la doctrine proclamée par les Pères de Nicée. Epist., XXXIX, P. G., t. LXXVII, col. 180 D. Dans ces divers textes, on remarquera que le mot « Pères »intervient avec deux sens légèrement différents. Ou bien il s’agit du bloc constitué par tous les évêques qui siégèrent à Nicée et dont la profession de foi, parce qu’elle a été émise avec une assistance toute particulière de l’Esprit-Saint, a une valeur capitale. Ou bien il s’agit d’évêques isolés, séparés les uns des autres dans le temps et dans l’espace, et dont l’accord donne à une doctrine de précieuses garanties.

Ces deux sens se retrouveraient dorénavant dans toutes les assemblées conciliaires. Etienne Wiest, O. S. B., a réuni un nombre assez considérable de ces textes emprunté aux conciles de Chalcédoine, de Constantinople (553 et 680), Quinisexte, Nicée (787), etc. Il n’y a pas d’utilité à les transcrire ici. On peut dire que, dès Chalcédoine, la terminologie est fixée. Voir Et. Wiest, Institutiones patrologiæ in usum academicum, Ingolstadt, 1795, p. 530-534, qui pourraient bien être la source d’où proviennent, directement ou non, les références que l’on retrouve ailleurs.

On aura remarqué, sans doute, que, dans les textes signalés, il s’agit exclusivement d’évêques, soit assemblés, soit isolés, et d’évêques qui ont quitté ce monde. A la vérité, plusieurs des garants qu’allègue saint Cyrille sont morts depuis peu : Atticus, par exemple, ou Théophile. Mais pourquoi serait-il interdit de faire appel à des témoins qui, sans être évêques, ne laisseraient pas de jouir d’une grande autorité ? Pourquoi serait-il interdit de faire appel à des vivants ?

Saint Augustin s’est avisé de le faire. Dans sa lutte contre Julien d’Éclane, il doit se défendre du reproche d’innover ; le voici amené à se chercher des garants. Il trouve Irénée de Lyon, Cyprien, Réticius d’Autun, Hilaire, Ambroise, d’autres Latins plus obscurs, quelques Grecs, dont l’illustre Jean de Constantinople (Chrysostome), tous les évêques morts depuis plus ou moins longtemps. Il leur adjoint d’ailleurs le groupe des évêques qui viennent, à Diospolis, de condamner la doctrine sinon la personne de Pélage. Julien pourra-t-il résister à cette armée d’évêques morts, ou vivants ? Et pourquoi ne pas y compter encore Jérôme. Il n’était que prêtre, sans doute, mais sa familiarité avec l’Occident et avec l’Orient, son immense érudition, qui l’a mis en rapport avec tout ce qui a été écrit avant lui, tout cela n’en fait-il pas un témoin admirablement informé ? Cont. Julian., I, VII, 34, P. L., t. XLIV, col. 665. Sans doute, à propos des garants qu’il cite, Augustin ne prononce pas le nom de « Pères ». Mais tous ces personnages sont bien allégués dans le même sens qu’allait faire Cyrille, à Ephèse, quelques années plus tard.

Trois ans après le concile, Vincent de Lérins écrit son fameux Commonitorium. Le milieu auquel il appartient attache une importance majeure à l’accord des doctrines avec celles qu’ont professées les Pères. C’était même l’un des griefs que l’on y faisait à certaines thèses d’Augustin qu’elles étaient contraires Patrum opinioni et ecclesiastico sensui (cf. Inter August., epist., CCXXV, P. L., t. XXXIII, col. 1002). Aussi, dans sa polémique contre l’hérésie nestorienne (et aussi contre les thèses augustiniennes), Vincent prend-il soin de préciser le moyen qui permet de faire éclater l’hétérodoxie ou l’orthodoxie d’une doctrine. L’appel à l’antiquité ne suffit pas toujours. Des écrivains du passé ont pu se tromper ; il faut s’attacher à ce qui, dans l’antiquité, a été cru universellement. Peut-être ne trouvera-t-on point sur la question en litige de « décrets » de l’Eglise universelle. Il faut alors, ayant rassemblé les textes des anciens, les comparer, les discuter. De tous les anciens ? Non ; de ceux-là seulement qui, bien que séparés dans l’espace et dans le temps, furent des « docteurs à approuver », parce qu’ils demeuraient dans la communion et la foi de l’unique Eglise catholique : Operam dabunt ut collatas inter se MAJORUM consulat interrogetque sententias, eorum dutaxat qui, diversis licet temporibus et locis, in unius tamen Ecclesiæ catholicæ communione et fide permanentes, MAGISTRI PROBABILES exstiterunt. Commonitorium, III, P. L., t. L, col. 641. Ces magistri probabiles, ce sont bien les beati Patres dont il est question ailleurs, c. XXVIII, col. 676 A, et dont l’accord fournit la plus forte garantie à une doctrine. Mais ce ne sont pas forcément des évêques.

Ainsi, dans le Commonitorium, se trouve l’explication la plus complète de ce que doit être un Père de l’Eglise. En même temps, l’on y distingue ces écrivains du passé, dont l’autorité est de premier ordre, d’autres auteurs, Origène ou Tertullien par exemple, dont certains ouvrages contiennent des renseignements précieux, mais dont l’œuvre, considérée dans son ensemble, ne laisse pas d’inspirer des inquiétudes. Voir les c. XVII et XVIII, où Vincent instruit le procès de ces deux écrivains, col. 660-665. En somme, dès le début du Ve siècle, est marquée la distinction entre « Pères de l’Eglise » et « écrivains ecclésiastiques ».

Un siècle plus tard, le pape Hormisdas marque avec plus de netteté encore que tout écrivain ecclésiastique n’est pas à ranger parmi les Pères. L’évêque Possessor lui a demandé son avis sur les écrits de Fauste de Riez. « Celui-ci, répond-il, n’est point reçu au nombre des Pères et, dès lors, il n’y a pas lieu de chercher dans ses ouvrages des prétextes à attaquer l’Eglise romaine, comme si elle le couvrait : Neque illum recipi, neque quemquam quos in auctoritate Patrum non recipit examen catholicæ fidei, aut ecclesiasticæ disciplinæ ambiguitatem posse gignere, aut religiosis præjudicium comparare. Epist., LXX (al. CXXIV), P. L., t. LXIII, col. 492 B.

Vers le même moment, le décret dit du pape Gélase De libris recipiendis et non recipiendis donne un premier essai de catalogue des auteurs approuvés ou désapprouvés. Après avoir établi le canon des deux Testaments, la liste des sièges apostoliques et celle des conciles, le texte entreprend l’énumération des « œuvres des saints Pères qui sont reçues dans l’Eglise catholique » : œuvres de Cyprien, de Grégoire de Nazianze, d’Athanase, de Jean de Constantinople (Chrysostome), de Théophile et de Cyrille d’Alexandrie, d’Hilaire de Poitiers, d’Ambroise, d’Augustin, de Jérôme, de Prosper « homme très religieux » (remarquer la présence de ce laïque) ; le tome de Léon à Flavien obtient une mention spéciale. Mais cette énumération n’a rien d’exhaustif, car le texte continue : « de même les œuvres et traités de tous les Pères orthodoxes qui n’ont jamais dévié de l’accord avec la sainte Eglise romaine, ne se sont point séparés de sa foi et de son enseignement, mais, par la grâce de Dieu, sont restés dans sa communion jusqu’au dernier jour de leur vie, ces écrits, nous déclarons qu’on peut les lire. » Les développements qui suivent sont consacrés aux documents hagiographiques, sur lesquels le texte s’exprime avec quelque précaution. Puis viennent des auteurs sur lesquels sont faites de formelles réserves : Rufin, Origène, Eusèbe de Césarée, dont la Chronique et l’Histoire ecclésiastique ne sont pas entièrement rejetées (usquequaque non dicimus renuendos). Les œuvres d’Orose, de Sédulius, de Juvencus obtiennent un témoignage d’estime, mais ne sont pas mises néanmoins sur le même pied que les Opuscula Patrum. Après quoi vient le premier Index des livres à rejeter : d’abord en bloc tous ceux qui ont été écrits par des hérétiques ou des schismatiques, puis un certain nombre dont il est fait une mention spéciale. Voir le texte dans P. L., t. LIX, col. 159 sq., et mieux dans l’édition de E. von Dobschütz des Texte und Untersuch., t. XXXVIII, fasc. 4, 1912. Sur le problème que pose la présence, dans la liste de ces apocrypha, d’auteurs vénérés, comme Cyprien ou Cassien, ou d’auteurs dont les œuvres avaient reçu antérieurement un transeat, voir E. von Dobschütz, loc. cit., p. 318.

Définition. – Cet emploi du nom, dont on peut dire que son sens est fixé ne varietur dès le Ve siècle, nous permet de poser la définition que nous avons inscrite ci-dessus. Les Pères de l’Eglise sont bien des écrivains ecclésiastiques de l’antiquité chrétienne qui doivent être considérés comme des témoins particulièrement autorisés de la foi. Chacun des mots de cette définition est justifié par les considérations qui précèdent.

Nous avons affaire avec des « écrivains ». Sans doute l’usage s’est gardé de donner aux évêques réunis en concile, soit particuliers, soit généraux, le nom de « Pères ». On dit encore les Pères de Trente, les Pères du Vatican. Les « Pères » s’opposent alors aux autres personnages, qui jouent dans l’assemblée un rôle secondaire et n’ont pas voix délibérative : théologiens et autres. Mais, quand l’on parle de « Pères de l’Eglise », l’usage actuel, conforme d’ailleurs à celui de Vincent de Lérins, entend des personnages dont l’écriture nous a gardé le témoignage.

Ces écrivains sont ceux de l’antiquité chrétienne. Nous aurons à déterminer tout à l’heure quand finit cette antiquité. Remarquons ici qu’en faisant intervenir dans l’idée de « Pères » le concept d’antiquité, nous nous montrons plus exigeants que les anciens. Cyrille d’Alexandrie n’hésitait pas à citer à Ephèse des Pères dont la mort remontait à quelques années ; Augustin invoquait le témoignage de Jérôme, qui venait à peine de fermer les yeux. Vincent de Lérins ne semble pas attacher d’importance spéciale à l’antiquité. C’est un peu plus tard, semble-t-il, que ce facteur a pris quelque relief. Major e longinquo reverentia. Il est certain que, sur un point du dogme qui est contesté par des adversaires et traité par eux de nouveauté, telle déposition d’un écrivain très ancien est d’une particulière gravité ; elle montre que la vérité mise en doute était admise dès le berceau de l’Eglise.

Ces écrivains anciens sont considérés comme des témoins de la croyance de l’Eglise. Si leurs affirmations sont ex professo, elles sont tout spécialement à retenir ; si ce sont des obiter dicta, elles ne laissent pas de devoir être prises en considération.

Ces témoins sont particulièrement autorisés. Cette autorité spéciale leur vient de ce que, dans l’ensemble de leurs œuvres, et quoi qu’il puisse en être de certains points de détail, ils sont d’accord avec l’Eglise. Celle-ci non seulement ne trouve rien à redire à l’ensemble de leurs écrits, mais elle y perçoit comme dans un miroir, le reflet de sa propre doctrine.

C’est par quoi les Pères se distinguent des simples « écrivains ecclésiastiques », à qui manque proprement cette autorité particulière. La distinction, nous l’avons vu, était déjà dans Vincent de Lérins ; elle est à la base des catégories faites par le Décret de Gélase. Que, dans la pratique, il ne soit pas toujours facile de dire si tel auteur doit être rangé parmi les Pères ou parmi les simples écrivains, c’est une autre question. En tout essai de classement, il y a des difficultés.

Notes auxquelles se reconnaît un Père de l’Eglise. – Les théologiens ont précisé les notes qui caractérisent un Père de l’Eglise, et ils les ont ramenées à quatre : l’orthodoxie de la doctrine, la sainteté de la vie, l’approbation de l’Eglise, enfin l’ancienneté. Un bref commentaire complétera l’explication de la définition ci-dessus.

1. Orthodoxie de la doctrine. – Cela ressort de ce qui a été dit : un écrivain ne peut être sans cela un témoin autorisé de la foi de l’Eglise. Mais il n’est pas absolument indispensable que cette orthodoxie se marque dans tous les détails. Il est, dans la doctrine chrétienne, plusieurs points qui n’ont été définitivement réglés qu’après un certain temps, souvent après des discussions assez vives. On ne fera pas grief à un Père de n’avoir pas observé toute l’exactitude voulue dans l’énoncé de doctrines qui n’ont été précisées qu’après lui, d’avoir adopté, dans une controverse, telle position qui s’est ultérieurement classée comme fausse. Saint Irénée était millénariste ; saint Augustin n’est pas arrivé à se faire une opinion sur l’origine de l’âme ; Saint Jérôme a rejeté les deutérocanoniques de l’Ancien Testament. Rien de tout cela n’empêche de considérer ces personnages comme des Pères de l’Eglise, et les deux derniers comme des docteurs, c’est-à-dire comme des Pères d’une autorité exceptionnelle. Voir l’art. DOCTEURS DE L’EGLISE.

2. Sainteté de la vie. – Ce que les Pères enseignent, ce n’est pas une doctrine quelconque, c’est la « science du salut ». Cette science ne s’acquiert pas seulement par la pure spéculation. Pour la pénétrer, il faut que l’âme, se dépouillant de ses préjugés, s’ouvre largement aux inspirations de la grâce. L’union à Dieu, la vie intérieure, la sainteté apparaissent ainsi comme la garantie d’une compréhension plus exacte des choses célestes. Mais il ne faut pas exagérer. Les exigences de l’antiquité chrétienne en cette matière étaient d’un autre ordre que celles qui se font jour dans nos modernes procès de canonisation. L’ « avocat du diable » aurait beau jeu à relever dans telle vie de Père de l’Eglise, d’un saint Jérôme, d’un saint Cyrille, des objections redoutables. L’Eglise ne laisse pas, pour autant, de les compter parmi ses docteurs.

3. Approbation de l’Eglise. – Cette approbation en certains cas s’est exprimée de manière expresse. Les réclamations des Massilienses contre saint Augustin amènent de la part du pape Célestin une intervention spéciale en faveur du docteur d’Hippone, qui venait à peine de mourir. « Augustin, dit le pape, a toujours été en notre communion, et, contre son orthodoxie, il n’est pas possible d’élever le moindre soupçon ; sa science est telle que, par nos prédécesseurs déjà, il était compté au nombre des meilleurs maîtres, inter magistros optimos etiam ante (et donc de son vivant) a meis semper decessoribus haberetur. » Voir Denz.-Bannw., n. 128. Comparer ce que dit le pape Hormisdas des livres d’Augustin sur le libre arbitre et la grâce : « c’est là que l’on pourra le mieux connaître la doctrine de l’Eglise romaine. » Epist., LXX, P. L., t. LXIII, col. 493. De telles approbations sont rares. On rangera tout à côté celle qui est fournie par le Décret de Gélase, ci-dessus, col. 1195.

Moins expresse est l’approbation que constitue le fait, pour un écrivain, d’être cité avec honneur par un concile œcuménique ou tel autre document officiel. Il serait intéressant de relever la liste des Pères qui furent ainsi allégués aux divers conciles ; le concile tenu au Latran, en 649, par le pape Martin Ier en fournirait une énumération fort longue, aussi bien que le IIIe concile de Constantinople, le IIe de Nicée, le IVe de Constantinople. C’est l’époque où la théologie se constitue surtout par les assertions des Pères. Une citation de ce genre couvre d’abord, cela va de soi, les affirmations contenues dans l’ouvrage auquel elle est empruntée. Mais elle est aussi une garantie, pour l’écrivain qui la fournit, d’orthodoxie générale.

Pour n’avoir pas été expressément approuvés par des papes ou cités par des conciles, nombre d’écrivains méritent néanmoins le nom de Pères, qui réunissent les autres conditions énoncées. De saints évêques, comme Zénon de Vérone, Pacien de Barcelone, Césaire d’Arles, Martin de Braga et tant d’autres, ont droit à figurer parmi les Pères. Nous dirons que leur approbation par l’Eglise est implicite ; en d’autres termes qu’il ne faut pas trop presser cette approbatio Ecclesiæ dont nous venons de parler.

4. Ancienneté. – C’est ici que se poserait la question des limites à assigner à l’antiquité chrétienne. Sur ce point, les idées ont beaucoup varié. Les gens du XVIe siècle appelaient couramment « Pères » les écrivains du Moyen Âge qui n’étaient pas des scolastiques. Les premières Patrologies (elles datent du XVIIe siècle) font place à des écrivains du XVIe siècle. On entend appeler, aujourd’hui encore, saint Bernard « le dernier des Pères ».

Toutefois, l’accord semble s’être fait, depuis la fin du XVIIIe siècle, pour réserver le nom de « Pères » aux écrivains de l’antiquité chrétienne, en tant que celle-ci s’oppose au Moyen Âge. Que si l’on entend par ce dernier terme l’époque où achèvent de disparaître les derniers vestiges de la culture gréco-romaine, on peut, sans trop d’hésitation, fixer au milieu du VIIe siècle la coupure en Occident. Grégoire le Grand († 604), Isidore de Séville († 636), compteront encore parmi les Pères. En Orient, où les transitions furent plus ménagées, on convient d’arrêter l’âge patristique à saint Jean Damascène († vers 749). Ces limites, de toute évidence, n’ont rien d’absolu.

On sait que, dans la détermination du concept de Docteur de l’Eglise, le facteur ancienneté ne joue plus, depuis un certain temps déjà, le même rôle. La liste des docteurs, au sens liturgique et théologique du mot, comprend aujourd’hui plusieurs noms des temps modernes. C’est peut-être un avertissement de ne pas trop insister, dans la définition du mot Père de l’Eglise, sur le fait de l’antiquité.

II. AUTORITE DOCTRINALE DES PERES. – Puisqu’ils sont les témoins de la foi de l’Eglise, les Pères ont été, dans le passé, invités à déposer au sujet de cette foi, quand il s’est agi de savoir si tel ou tel point de doctrine appartenait au domaine de l’enseignement ecclésiastique officiel. Bien que le nombre des questions non liquidées ait beaucoup diminué de nos jours, il reste encore des problèmes de dogme ou de morale à résoudre, sur lesquels on peut être appelé à demander l’avis des Pères. Quelle est donc l’autorité qui s’attache à telle ou telle assertion patristique ? La question ne peut être traitée dans son ensemble qu’au mot TRADITION ; l’on ne trouvera donc ici que des indications fort sommaires.

Autorité d’un Père pris isolément. – Un Père, en tant que tel, n’est pas infaillible. Un témoignage isolé, provenant de tel ou tel Père, quelle que soit par ailleurs son autorité générale, ne saurait être décisif. L’approbation globale de l’Eglise, qui couvre ses écrits, n’en garantit pas toutes les affirmations. Il peut se trouver, dans l’une ou l’autre de ses œuvres, telle assertion qui va contre l’opinion générale : elle doit alors être considérée comme non avenue. On invoquerait vainement, par exemple, dans la question de la validité du baptême des hérétiques, le témoignage de saint Cyprien. Saint Augustin, sur certains points fort délicats en matière de grâce ou de libre arbitre, a pu excéder. L’exagération des jansénistes, dans leur culte pour Augustin, a donc été justement réprouvée par le pape Alexandre VIII. Voir la prop. 30 parmi les propositions condamnées le 7 décembre 1690 : « Dès que l’on trouve qu’une doctrine est clairement affirmée dans Augustin, il est loisible de la tenir et de l’enseigner de manière absolue, sans s’occuper d’aucune bulle pontificale. » Denz.-Bannw., n. 1320.

Mais une assertion, même isolée, d’un Père, si elle ne va pas contre l’enseignement authentique ou contre le sentiment commun de l’Eglise, peut et doit être prise en considération. Ce n’est pas impunément que l’on rejette l’assertion d’un Père dont l’autorité est omni exceptione major. Il faut ajouter d’ailleurs qu’un docteur de cette taille est rarement un isolé ; son autorité lui a d’ordinaire rallié, de très bonne heure, des partisans.

Il va de soi que, si tel écrit d’un Père a reçu du magistère extraordinaire une approbation toute spéciale, cette pièce jouit de l’autorité qui s’attache aux actes de ce magistère. C’est le cas, par exemple, de la lettre de saint Cyrille à Nestorius, Καταφλυαροῦσι, expressément approuvée par le concile d’Ephèse, cf. art. NESTORIUS, col. 113, et que l’on peut considérer comme la définition de foi du concile.

Autorité d’un groupe de Pères, s’accordant sur une question de doctrine. – Il n’est pas rare que l’on voie, lors de la discussion de certains problèmes dogmatiques, se former, soit par accord tacite, soit même par entente expresse, des groupes de Pères qui prennent parti en sens opposé. Nous avons signalé plus haut la séparation qui s’est faite, lors des luttes christologiques, entre « Orientaux » et « Alexandrins ». Visiblement, le concile de Chalcédoine a été amené à reconnaître ce qu’il y avait d’exact dans la théologie des uns et celle des autres. Cette question n’a donc été liquidée que par la considération de la valeur que représentait l’un ou l’autre groupe. Il eût été contraire aux lois essentielles de l’Eglise de faire crédit uniquement à un parti sans s’inquiéter de ce que disait l’autre. On trouverait aisément d’autres exemples de questions ainsi résolues par une cote mal taillée.

Parmi les questions encore pendantes, on pourrait signaler celle qui est relative à la nature du péché originel. Consiste-t-il exclusivement dans une privation (pénale) de la grâce et des dons préternaturels ? Faut-il y ajouter en plus une blessure positive de la nature ? Il serait relativement facile de faire appel pour l’une et l’autre de ces solutions à des groupes plus ou moins importants de Pères. Il va de soi que le témoignage d’un de ces groupes ne saurait être absolument décisif, puisque l’on trouverait, en face des témoins en question, un nombre plus ou moins considérable d’opposants. Par où l’on voit combien il est facile de fausser, par le sophisme de « l’énumération incomplète », les résultats de la recherche, et quelle est l’importance d’une étude impartiale des témoins, de tous les témoins de la tradition.

Autorité qui s’attacha au consentement unanime des Pères. – Si les Pères sont unanimes à enseigner un point de doctrine, leur enseignement doit être considéré comme la doctrine même de l’Eglise. Un témoignage de cette nature doit être regardé comme infaillible, puisque c’est en définitive l’Eglise elle-même qui s’exprime par la voix de ses représentants les plus autorisés. D’ailleurs, les définitions expresses du magistère extraordinaire s’appuient d’ordinaire sur ce consensus unanimis Patrum, comme il est facile de le voir en étudiant les différentes questions conciliaires ou les textes dogmatiques émanés directement du Siège apostolique. Parmi les questions qui n’ont point encore été absolument définies par le magistère ecclésiastique, on peut signaler le dogme de la rédemption. Il y a toute opportunité à consulter sur lui les témoignages des Pères. Leur consensus unanime peut aider à déterminer ce qui s’impose à la créance ; tandis que la considération de leurs opinions diverses montre quel champ est encore laissé à la libre recherche.

Cette unanimité exclut évidemment une opposition provenant d’un groupe d’une certaine importance, mais elle n’exclut pas un nombre relativement faible de voix divergentes. Quand il s’est agi de la validité du baptême des hérétiques, on a pu en appeler au consensus unanimis Patrum, quoi qu’il en fût des résistances de saint Cyprien et de ceux que son autorité a entraînés à sa suite. L’étude attentive des circonstances où se sont produites telles ou telles oppositions enlève d’ordinaire à celles-ci l’importance que l’on pourrait être tenté de leur donner. En définitive, l’unanimité qui est requise n’est pas une question de mathématique, mais une question d’appréciation. C’est une unanimité morale.

Le concile de Trente a émis sur ce sujet une déclaration officielle, au moins en ce qui concerne l’interprétation de la sainte Ecriture. « Que nul, déclare-t-il, n’ait l’audace, en des questions touchant à la foi ou aux mœurs, d’interpréter l’Ecriture contrairement au sentiment de l’Eglise… et au consentement unanime des Pères. » Denz.-Bannw., n. 786. Sur ce décret et son renouvellement au concile du Vatican, voir article INTERPRETATION DE L’ECRITURE, col. 2294 sq.

III. DISCIPLINES QUI TRAITENT DES PERES DE L’EGLISE. – Les Pères peuvent être étudiés à divers points de vue. D’où les disciplines variées auxquelles leur étude ressortit. On peut se contenter d’étudier simplement leur doctrine, c’est alors la patristique ; ou bien essayer de faire revivre leurs physionomies, l’on fait alors de la patrologie ; et cette patrologie doit être considérée comme une partie de l’ancienne littérature chrétienne ou ecclésiastique. Des polémiques assez vives ont amené, en ces dernières années, un peu plus de clarté dans le concept qu’il faut se faire de chacune de ces disciplines.

Patristique. – Le mot a été pris longtemps, et surtout à la fin du XVIIIe siècle et au cours du XIXe, comme un synonyme de patrologie. Il n’y a pas d’intérêt à maintenir cette confusion.

L’étymologie du mot indique clairement de quoi il s’agit. On a dit « la patristique » comme on a dit « la scolastique », en sous-entendant le mot « théologie ». Le mot date du XVIIe siècle et a été surtout employé d’abord dans les milieux luthériens, où l’on répartissait assez ordinairement la théologie en theologia biblica, patristica, scholastica, symbolica, speculativa. La « patristique » interrogeait sur les divers points de l’enseignement commun les Pères de l’Eglise. Il s’agissait donc ici d’une discipline strictement théologique, où les notions d’histoire littéraire étaient réduites à leur plus simple expression. Le maître qui enseignait, concurremment avec d’autres branches, cette partie de la théologie n’était pas plus tenu à entrer dans le détail sur l’histoire littéraire des Pères que sur l’histoire complète des livres de l’Ancien et du Nouveau Testament.

Mais cette théologie patristique, en se développant, est devenue une partie de l’Histoire des dogmes. Celle-ci ayant pour tâche d’exposer les formes diverses sous lesquelles, aux époques successives, se sont exprimés les dogmes chrétiens, doit évidemment accorder une grande attention aux écrits des Pères, qui sont une des principales sources de nos connaissances sur la vie du dogme. Elle emprunte aussi des renseignements aux textes conciliaires, canoniques, liturgiques, épigraphiques même. Elle déborde donc très largement le domaine de l’ancienne patristique. Aussi bien cette dernière, absorbée par l’histoire des dogmes, n’a plus le droit de revendiquer une existence séparée. « Il n’y a plus de raison, écrivait dès 1902 O. Bardenhewer, de sauver le mot de patristique, ou de baptiser la patrologie proprement dite du nom de la patristique. » Altkirchl. Literatur, t. I, 1re édit., p. 21. On pourrait être tenté, néanmoins, d’incorporer à la patrologie des notions de patristique, et c’est bien ce que font un certain nombre d’auteurs relativement récents. L’excellent manuel de J. Nirschl s’intitule : Lehrbuch der Patrologie und Patristik ; il ne se contente pas de donner sur les Pères des notices d’histoire littéraire et même des études doctrinales, il y joint des extraits plus ou moins substantiels des auteurs étudiés, et croit par là, comme il est dit en la préface, combiner patrologie et patristique.

Patrologie. – Au sens étymologique du mot, c’est l’étude des Pères. Le terme, qui est, lui aussi, d’origine luthérienne (milieu du XVIIe siècle), s’est acclimaté rapidement chez les catholiques. Entendons que la patrologie s’occupe d’abord des personnages à qui on donne ce nom. Mais cette étude est avant tout une histoire littéraire ; la personne des Pères nous intéresse moins en elle-même qu’en ce qu’elle explique leurs œuvres. Ainsi la patrologie ne saurait se confondre ni avec l’histoire générale de l’Eglise, ni avec l’hagiographie, bien que plusieurs Pères aient joué dans l’Eglise un rôle considérable et que tous aient droit à être comptés au nombre des saints.

Ce sont donc les écrivains que considère avant tout la patrologie. Après avoir étudié leur vie, elle va droit à leurs œuvres, s’occupe d’en donner l’énumération complète, de faire le départ entre les ouvrages authentiques, les douteux et les apocryphes, d’analyser et de caractériser les productions de leur plume. Comme la grande masse de ces productions est d’ordre théologique, le patrologue se doit d’accorder une particulière attention aux doctrines qui y sont contenues ; le voici donc engagé dans les recherches qui constituaient l’objet de l’ancienne patristique. Mais il est facile de voir que le point de vue n’est pas absolument le même. L’ancienne patristique étudiait le témoignage théologique en tant que tel ; la patrologie y voit d’abord l’expression des personnalités dont elle se préoccupe. Comme le fait très justement remarquer O. Bardenhewer, loc. cit., « la patrologie ne peut se résigner à abandonner la considération du contenu des écrits dont elle traite. »

Mais la patrologie ne saurait consister en une série de notices sur chacun des Pères de l’Eglise. Comme toute étude historique, elle a le devoir de faire de ces notices dispersées un tout organique. Elle doit les grouper de telle sorte qu’apparaissent nettement les rapports plus ou moins étroits qui unissent les écrivains considérés. En combinant d’une manière judicieuse les données fournies par l’histoire générale et la chronologie, par la considération des langues, par l’étude des rapports des écrivains chrétiens avec leur milieu, elle se donne la faculté d’envisager les divers auteurs non plus comme des isolés, mais comme les acteurs d’un drame immense qui se joue dans le domaine spéculatif. Il est de toute nécessité qu’une histoire littéraire bien conduite aboutisse à fournir une histoire des idées. Et la patrologie finira donc par être une histoire littéraire des idées chrétiennes dans l’antiquité. Peut-être les préoccupations scolaires, qui ont inspiré le plus ordinairement la rédaction des manuels de patrologie, ont-elles fait reculer à l’arrière-plan cette considération. Elle n’en doit pas moins rester l’idée directrice de toute véritable patrologie.

Il va de soi qu’une histoire ainsi réalisée peut et doit rendre à la théologie les plus signalés services. Sous cet aspect, la patrologie nous apparaît, non comme une branche de la théologie (ce qu’était à coup sûr la theologia patristica), mais comme une science auxiliaire de celle-ci, ayant dès lors son objet propre et ses méthodes indépendantes. Ces méthodes sont en définitive les mêmes que celles de l’histoire en général et de l’histoire littéraire en particulier.

Ancienne littérature chrétienne. – Cette histoire littéraire du christianisme antique ne serait pas néanmoins complète si elle faisait exclusivement état de ceux qu’au sens défini ci-dessus l’on appelle des Pères de l’Eglise. De tout temps – et cela remonte jusqu’à l’époque de saint Jérôme – les savants qui ont étudié les Pères leur ont associé ces auteurs dont l’autorité est moindre au point de vue dogmatique, qui ne laissent pas néanmoins d’avoir leur intérêt pour l’histoire des idées et que nous avons appelés les « écrivains ecclésiastiques ». Nul n’a jamais songé à rédiger une patrologie d’où seraient absents les noms d’Origène, de Clément d’Alexandrie ou d’Eusèbe de Césarée, d’Arnobe ou de Lactance, que de multiples raisons empêchent de considérer comme des Pères, au sens technique du mot. Ainsi la patrologie a toujours été comprise comme l’histoire de l’ancienne littérature ecclésiastique, entendons l’histoire des productions littéraires en provenance de gens appartenant à l’Eglise et traitant, au moins dans l’ensemble, de questions ecclésiastiques.

Mais il faut aller plus loin encore et se mettre une fois de plus à l’école de saint Jérôme. Celui-ci, dans le De virus illustribus, n’a pas hésité à faire une place non seulement aux écrivains ecclésiastiques (et certains noms qu’il mentionne étaient plus ou moins suspects), mais aux hérétiques qualifiés eux-mêmes. On relève dans son catalogue un certain nombre de noms qui figurent avec la mention hæresiarches. Sans compter que Philon le Juif, d’une part, le païen Sénèque, de l’autre, obtiennent eux aussi une mention. Ne mettons pas seulement au compte de la pensée apologétique qui inspire à coup sûr le De viris cette manière de faire, d’abord un peu surprenante. Si, au lieu des 135 noms qu’il aligne, Jérôme n’en avait trouvé que 115 ou 120, il n’en aurait pas moins prouvé que l’Eglise chrétienne comptait des philosophes, des orateurs, des docteurs. Voir la préface du livre. Mais Jérôme, plus ou moins clairement, s’est rendu compte de ce fait qu’à négliger les écrivains sortis de l’Eglise ou ayant vécu en marge d’elle, l’historien se privait d’un élément d’information qui n’était pas sans importance.

S’il y a intérêt, en effet, à écrire l’histoire littéraire des idées chrétiennes, on ne le fera d’une manière adéquate que si l’on situe dans son milieu chacun des écrivains ecclésiastiques. Or, une bonne partie des ouvrages composés par ceux-ci visent des adversaires qui, tout en ayant rompu avec l’Eglise, ne laissent pas de se dire chrétiens. L’étude de la littérature hérétique (et à un degré moindre des attaques dirigées par les païens contre le christianisme) paraît indispensable pour donner toute sa portée à l’histoire littéraire ecclésiastique.

Or, l’on ne voit pas d’autre mot à utiliser pour désigner une étude qui englobe à la fois hérétiques et gens d’Eglise que celui d’histoire de l’ancienne littérature chrétienne. Et il n’est pas facile de comprendre les raisons pour lesquelles le doyen des études patrologiques dans l’Eglise catholique, O. Bardenhewer, a polémiqué naguère avec tant d’âpreté contre un vocable qui n’avait certes pas le mérite de la nouveauté. Moins encore comprend-on que, se résignant – il le fallait bien – à faire dans sa magistrale Histoire de l’ancienne littérature ecclésiastique, une place aux écrivains non catholiques, il la leur ait mesurée de manière si juste, que leur étude se ramène d’ordinaire à une sèche nomenclature de noms et de dates, sans presque rien sur les idées.

A la vérité, ce contre quoi s’élevait cet éminent patrologue, c’était surtout l’esprit dans lequel le protestantisme libéral entendait traiter le sujet, mettant sur le même pied les productions hétérodoxes et les catholiques comme étant toutes deux des manifestations d’égale valeur de l’idée chrétienne. Mais il ne tient qu’aux auteurs catholiques, qui écrivent l’histoire de l’ancienne littérature chrétienne, de réagir contre ce nihilisme théologique. L’esprit dans lequel on traite un sujet est une chose, la détermination du sujet en est une autre. On peut faire, dans une histoire littéraire du christianisme, une place considérable à l’étude de la gnose sans avoir aucune tendresse pour les manifestations de cette étrange philosophie. Nous pensons donc qu’il n’y a aucun inconvénient à utiliser le mot d’histoire de l’ancienne littérature chrétienne. « Quoique le concept de témoins patristiques, paterlichen Zeuge, ait été déterminé par la tradition ecclésiastique, c’est-à-dire par des points de vue théologico-dogmatiques et non par des considérations d’histoire littéraire, il est de fait que la patrologie et histoire de l’ancienne littérature chrétienne ont en définitive même matière et couvrent la même période. » Cette phrase de B. Altaner, qui vient de rééditer l’ancien Précis de patrologie de G. Rauschen, semble bien mettre le point final à des polémiques qui furent assez vives en Allemagne. Rauschen-Altaner, Patrologie, 10e-11e édit., Fribourg-en-B., 1931, p. 1.

Quant à la question de savoir si les écrits du Nouveau Testament doivent trouver place dans une histoire de l’ancienne littérature chrétienne, elle n’est pas de notre ressort. Jadis, P. Battifol commençait son histoire de la littérature grecque chrétienne par l’étude des écrits néo-testamentaires ; il ne croyait pas, à coup sûr, manquer par là à la considération spéciale que vaut à ces livres le fait de l’inspiration. Ici encore, saint Jérôme avait donné l’exemple, qui ouvre son De viris par les notices littéraires des auteurs inspirés, à commencer par saint Pierre.

IV. HISTOIRE SOMMAIRE DES DISCIPLINES PATRISTIQUES. – Une histoire sommaire de ces disciplines permettra d’en mieux saisir la signification.

Dans l’antiquité. – 1. Saint Jérôme. – Eusèbe, dans son Histoire ecclésiastique, avait fait une large place à l’histoire littéraire. Saint Jérôme, en 392, réalisa le premier une histoire indépendante de l’ancienne littérature chrétienne. Son De viris illustribus, rédigé sir le modèle de l’ouvrage de même titre de Suétone, se compose de 135 courtes notices, mises bout à bout. Dans un ordre qui est à peu près celui de la chronologie. La première est relative à saint Pierre, auteur des deux épîtres catholiques qui portent son nom, la dernière à Jérôme lui-même. Dans les notices, dont les éléments sont fournis par Eusèbe, Jérôme apporte peu de renseignements nouveaux et on lui a reproché, non sans raison, d’avoir parfois embrouillé les données de son garant. Les articles consacrés aux contemporains sont beaucoup meilleurs et d’infiniment plus de prix. Les lectures de Jérôme étaient immenses ; il en a fait profiter le lecteur. Ce précieux manuel d’histoire littéraire a été traduit d’assez bonne heure en grec (VIIe siècle ?). Texte latin et grec dans P. L., t. XXIII, col. 601-720.

2. Gennade. – La vogue dont ont joui bientôt les œuvres de saint Jérôme a suscité des imitateurs, qui, successivement, ont voulu mettre à jour le De viris illustribus. Le premier en date de ces continuateurs est le prêtre marseillais Gennade qui, entre 467 et 480, supplémente, à deux reprises, semble-t-il, l’œuvre hiéronymienne en y ajoutant 97 (100) notices. Reposant lui aussi sur de nombreuses lectures, ce petit ouvrage n’est pas indigne de figurer à la suite de celui de Jérôme : il est particulièrement précieux pour l’étude des auteurs occidentaux du Ve siècle. Texte dans P. L., t. LVIII, col. 1059-1120.

3. Isidore de Séville († 636) et Ildefonse de Tolède († 667). – Au moment ou achève de disparaître la culture antique, deux Espagnols veulent encore sauver de l’oubli quelques noms d’écrivains, surtout latins, dont ils ont eu connaissance, et qui manquent dans les recueils précédents. L’ordre suivi par Isidore, celui du moins dont témoigne l’édition d’Arevalo (reproduite dans P. L., t. LXXXIII, col. 1081-1106), se révèle bien capricieux. Aux 47 noms fournis par Isidore, son disciple Ildefonse croit opportun d’en rajouter 14 autres dont 12 sont des Espagnols, parmi lesquels 7 sont des évêques de Tolède. P. L., t. XCVI, col. 195-206.

4. Photius. – Ni dans l’ancienne littérature grecque, ni dans la littérature byzantine nous ne trouvons d’ouvrage comparable à ceux que nous venons de signaler. La traduction grecque du De viris hiéronymien, les diverses histoires ecclésiastiques qui se succèdent, et se complètent au cours des âges permettent néanmoins aux Grecs instruits de garder des notions d’histoire littéraire. Hésychius de Milet, vers le milieu du VIe siècle, avait rédigé une table des écrivains du monde hellénistique, où d’ailleurs les écrivains chrétiens n’avaient pas trouvé place. Plus tard, un auteur inconnu remania cette œuvre, mit les notices dans l’ordre alphabétique et ajouta quelques douzaines d’articles sur les écrivains catholiques. Edit. J. Flach, Hesychii Milesii onomatologi quæ supersunt, dans Bibliotheca Teubneriana, 1882. Une partie de ce butin passera dans le Lexique de Suidas au IXe siècle. D’un tout autre caractère est le Myriobiblon rédigé par Photius avant son élévation au siège de Constantinople (858). C’est le catalogue descriptif de la riche bibliothèque que Photius s’était constituée et qui comprenait 280 manuscrits, parmi lesquels un certain nombre d’ouvrages ecclésiastiques. La description des œuvres est assez fréquemment une occasion de donner sur les auteurs des renseignements biographiques. En tout cas, le livre de Photius, s’il ne constitue pas une véritable histoire littéraire, fournit pour celle-ci des matériaux importants. Texte dans P. G., t. CIII et CIV, col. 1-356.

Au Moyen Âge. – On se tromperait lourdement en pensant que le Moyen Âge n’a pas prêté attention aux Pères de l’Eglise. L’époque carolingienne, tout d’abord, a étudié avec zèle nombre de livres des anciens Pères latins, et l’on est surpris du sérieux des connaissances dont témoignent les grands auteurs du IXe siècle. La controverse prédestinatienne donna même lieu à soulever des questions d’authenticité. Mais le De viris de Jérôme suffisait en somme à tous les besoins, puisque aussi bien les auteurs que l’on étudiait étaient les classiques de la patrologie. Quand, après la nuit du Xe siècle, les études commencent à refleurir, on donne de nouveau plus d’attention aux textes anciens. Les connaissances en matière patristiques de la première scolastique, pour fragmentaires et dispersées qu’elles soient, ne lassent pas d’étonner. Le XIIe siècle a gardé, plus que ne le fera le XIIIe ou le XIVe, le contact avec l’ancienne littérature chrétienne. Il suffit d’ouvrir les Sentences de Pierre Lombard ou le Décret de Gratien, ces deux « trésors » du Moyen Âge, pour voir la place qu’y tient l’érudition patristique. On remarquera néanmoins que les citations interviennent avant tout, le P. de Ghellinck l’a fait remarquer avec insistance, comme des auctoritates dont la valeur est indépendante des contingences spatiales et temporelles. Des théologiens pour qui un texte a une sorte de valeur absolue n’éprouvent guère le besoin de compulser une histoire littéraire. On ne n’étonnera donc pas que les livres sur cette matière aient été si rares à une époque qui fut animée d’un si grand zèle pour toute science, et qui pratiqua aussi assidûment les Pères.

1. Sigebert de Gembloux († 1112) se donne expressément comme le continuateur de Jérôme et de Gennade. Des 171 notices que compte son Liber de scriptoribus ecclesiasticis, il n’en est qu’un tout petit nombre qui reproduisent celles de ses prédécesseurs. Il croit devoir compléter le catalogue hiéronymien en y ajoutant le pseudo-Marcellus, le pseudo-Linus, le pseudo-Aréopagite (dont il s’étonne que ni Jérôme, ni Gennade n’aient parlé). Mais surtout il ajoute de nombreuses notices sur les écrivains de l’époque carolingienne et des siècles qui ont suivi. Sa chronologie – c’est visiblement sur l’ordre chronologique qu’il se règle – est parfois déconcertante ; mais son recueil témoigne néanmoins de sérieuses connaissances. C’est à coup sûr l’œuvre la meilleure en ce genre du Moyen Âge. Texte dans P. L., t. CLX, col. 547-588.

2. Honorius d’Autun et l’Anonyme de Melk. – Bien plus médiocre que le travail de Sigebert de révèle le De luminaribus Ecclesiæ, rédigé, vers 1122, par Honorius Augustodunensis, qui donne, en trois petits livres, un abrégé (avec des fautes) de Jérôme, de Gennade et d’Isidore et y ajoute un libellus IV de variis collectus de 17 numéros. Les diverses notices sont extrêmement succinctes. Texte dans P. L., t. CLXXII, col. 197-234. – Du même genre est un catalogue anonyme De scriptoribus ecclesiasticis, ordinairement désigné comme l’Anonymus Mellicensis (du nom du couvent de Melk, en Basse-Autriche), et composé vraisemblablement vers 1135. L’auteur, préoccupé de questions liturgiques, commence d’abord par des renseignements sur les auteurs qui ont contribué à l’établissement définitif du texte de la messe, complète la notice littéraire d’Ambroise qu’il jugeait (avec beaucoup de raison) insuffisante dans le catalogue hiéronymien, ajoute une notice curieuse sur Jean Chrysostome que n’avaient mentionné ni Jérôme ni Gennade et, à partir du n. 14, donne son travail pour une continuation de Gennade. L’ordre suivi est bien fait pour dérouter le lecteur. Texte dans P. L., t. CCXIII, col. 961-984 ; édit. spéciale de E. Ettlinger, Der sog. Anonymus Mellicensis, Karlsruhe, 1896. – Du même genre enfin le De viris illustribus, faussement attribué à Henri de Gand († 1293) et publié à diverses reprises, en dernier lieu par Fabricius dans la Bibliotheca ecclesiastica, 2e part., p. 118-129. Voir B. Hauréau, dans Mémoires de l’Académie des inscriptions et belles-lettres, t. XXX b, Paris, 1883, p. 349-357.

La rénovation des études patristiques. – Une des caractéristiques de la Renaissance, c’est le retour à l’antiquité, classique ou chrétienne. Dès la fin du XVe siècle, l’imprimerie commence à éditer un certain nombre de textes patristiques. Il nous est impossible de donner ici un aperçu, même sommaire, de l’ordre dans lequel les traités des Pères vinrent au jour ; à chacune des notices (au moins parmi les plus récemment parues) de ce dictionnaire, on s’est efforcé de déterminer la date des editiones principes. Disons que ce sont d’abord les Pères latins qui sont imprimés, puis les grecs (en des traductions latines, souvent assez médiocres), enfin les auteurs grecs dans leur texte. Ceci est réalisé dès le début du XVIe siècle. Il est naturel que le besoin se soit fait sentir de joindre une histoire littéraire, si sommaire fût-elle, aux éditions des ouvrages. En dehors des notices qui figurent souvent en tête des éditions, quelques érudits auront l’idée de rédiger des catalogues d’auteurs, qui, poursuivant l’œuvre de Jérôme, de Gennade, d’Isidore et même de Sigebert, fourniront des répertoires plus ou moins complets de la littérature patristique. Comme nous l’avons fait remarquer, d’ailleurs, on ne se préoccupe nullement de marquer une séparation entre les Pères anciens et les écrivains ecclésiastiques plus récents.

1. Jean Trithème († 1516) peut être considéré comme un des bons représentants de la première renaissance. Son immense curiosité lui a fait rassembler des notices sur près d’un millier d’écrivains dont il donne le catalogue dans son De scriptoribus ecclesiasticis, œuvre très complète, qui ne manque pas de critique et à laquelle, aujourd’hui encore, on est obligé de se référer, pour nombre d’écrivains du Moyen Âge. On signalera à l’article TRITHÈME les principales éditions. Il est commode d’utiliser celle de J. A. Fabricius, dans sa Bibliotheca ecclesiastica, IIIe part., p. 1-240. On trouvera également dans ce même ouvrage, IVe part., le supplément et les notes ajoutées par Aubert le Mire, soit dans l’Auctarium de scriptoribus ecclesiasticis et a tempore quo destinit Trithemius de scriptoribus sæc., XVI et XVII libri duo, soit dans la Bibliotheca ecclesiastica cum scholiis. Voir ici l’article MIRE (Aubert Le), t. X, col. 1864.

2. Bellarmin († 1621) reste fidèle, dans son De scriptoribus ecclesiasticis, au type réalisé par Jérôme, Gennade et leurs continuateurs, et pousse jusqu’en 1500 la liste des auteurs étudiés. Voir art. BELLARMIN, t. II, col. 584. C’est dire que nous sommes assez loin encore d’une histoire littéraire au sens où nous l’avons définie ci-dessus.

L’âge d’or des travaux patristiques. – C’est à bon droit que l’on peut donner ce nom aux XVIIe et XVIIIe siècles, surtout si on les envisage chez les catholiques et tout spécialement en France.

1. Travaux d’édition. – D’une part la publication des textes fait de considérables progrès. Nombre d’ouvrages encore inédits sont publiés, beaucoup de ceux que le XVIe siècle avait édités avec un peu de hâtes et sans les précautions nécessaires sont revus soigneusement et donnés en des éditions plus correctes et plus lisibles. La critique d’authenticité s’exerce avec plus de rigueur. A ce travail si nécessaire de la publication des textes s’attellent des séculiers comme J.-B. Cotelier († 1686), Etienne Baluze († 1718), l’érudit le plus prodigieux d’une époque qui en compte tant, des dominicains comme Fr. Combéfis, († 1679), des jésuites comme Fronton du Duc († 1624), J. Sirmond († 1651), Denys Petau († 1652), Jean Garnier († 1681), Fr. Chifflet († 1682), pour ne parler que des plus grands. Mais ce sont les mauristes surtout, qui, d’une manière systématique, entreprennent leur gigantesque travail d’édition. Voir pour le détail l’art. MAURISTES, particulièrement col. 418 sq., 426 sq., etc. A la fin du XVIIIe siècle, quand la Révolution vient arrêter leur travail, les mauristes ont édité les plus importants Pères de l’Eglise, ceux que l’on peut appeler les classiques. Quelques-unes de leurs éditions sont de véritables chefs-d’œuvre.

En même temps que paraissent ces éditions originales, de grandes collections, dites ordinairement bibliothèques, mettent à la portée du public instruit les nombreux ouvrages dispersés, rendant plus aisée la comparaison entre les divers textes. Rien peut-être n’a contribué davantage au progrès des sciences patristiques que ces collections. En même temps, l’exploration par les Assemani du riche fonds oriental de la bibliothèque Vaticane aboutit à la publication par Joseph-Simon de la Bibliotheca orientalis, 1719-1728. Voir ici, t. I, col. 2121.

2. Etudes patrologiques et patristiques. – Les études sur les Pères et sur leur doctrine marchent de pair avec ces publications de textes.

La plupart des grandes éditions signalées consacrent, dans leurs introductions, des études approfondies à la vie, aux œuvres, à la doctrine des Pères dont elles publient le texte. Plusieurs de ces travaux, ceux, par exemple, relatifs à Augustin dans l’admirable édition des mauristes, restent aujourd’hui encore du plus vif intérêt. Les historiens ecclésiastiques consacrent, eux aussi, une attention soutenue à la personne des Pères. C’est le cas, par exemple, de l’honnête et consciencieux Tillemont († 1698), dont les Mémoires renferment une foule « d’articles » qui ne sont pas autre chose que le dépouillement et l’analyse suivie des textes patristiques.

Mais l’histoire littéraire comme telle prend à son tour conscience de son indépendance. En 1686, paraît le Ier volume de la Nouvelle bibliothèque des auteurs ecclésiastiques de Louis Ellies du Pin, qui, sous des titres vairés, poursuivra jusqu’à l’époque de l’auteur l’histoire littéraire du christianisme. Les attaques, pour une part méritées, dont cette œuvre considérable a été l’objet, et qui ont amené (mais en 1757 seulement) la mise à l’index de l’ensemble, ne doivent pas faire oublier ses considérables mérites. Huit ans plus tard (1694), dom le Nourry donnait, lui aussi, le Ier tome de son Apparatus ad bibliothecam… Patrum. Voir le détail à l’art. LE NOURRY, t. IX, col. 217. Enfin, en 1729, dom Ceillier faisait paraître le premier des vingt-trois grands in-4° qui, sous le titre d’Histoire générale des auteurs sacrés et ecclésiastiques, menait l’histoire littéraire du christianisme jusqu’au milieu du XIIIe siècle. Voir art. CEILLIER, t. III, col. 2050, où l’on trouvera les indications bibliographiques. Presque au même moment, en 1733, dom Rivet commençait la publication de l’Histoire littéraire de la France, qui, pour se borner aux écrivains des Gaules, ne laisse pas de fournir à la patrologie une importante contribution. Un peu plus tard, l’Allemagne catholique se mettait elle-même en branle. Le bénédictin D. Schram donnait en 1780, à Augsbourg, le Ier volume de son Analysis operum SS. Patrum dont le t. XVIII et dernier (consacré à saint Epiphane) paraîtrait en 1796 ; et presque au même moment un autre bénédictin, dom G. Lumper, faisait paraître son Historica theologico-critica… Patrum, Augsbourg, 1783-1799. Voir son article ici, t. IX, col. 1144.

S’ils ne marchaient point à une allure aussi rapide, les protestants ne laissaient pas de s’intéresser aux travaux patristiques. G. Cave († 1713) donne son Historia litteraria scriptorum ecclesiasticorum, 2 vol., Londres, 1688-1698, continuée par l’Appendix de H. Wharton, pour les écrivains ultérieurs de 1300 à 1517., Londres, 1689 ; Casimir Oudin, un ancien prémontré passé à la Réforme († 1717), son Commentarius de scriptoribus Ecclesiæ antiquis illorumque scriptis, 3 vol. in-fol., Leipzig, 1722. Voir ici, t. XI, col 1671. Restreint aux seuls écrivains latins, l’ouvrage de C. Traug. Gottlob Schœnemann, Bibliotheca hitorico-litteraria patrum latinorum, Leipzig, 2 vol. in-4°, 1792-1794, reste précieuse à cause de sa description exacte des anciennes éditions.

Des études de détail étaient publiées en même temps. Celle de J. Usher, archevêque anglican d’Armagh († 1656), dont il faut au moins retenir les travaux sur les premiers écrivains chrétiens : Dissertatio non de Ignatii solum et Polycarpi scriptis, sed etiam de apostolorum Constitutionibus et Canonibus Clementis attributis, Oxford, 1644 ; celles de J. Pearson, évêque de Chester († 1686), sur la chronologie de saint Ignace, Vindiciæ epistolarum S. Ignatii, Cambridge, 1672 ; celles de J. E. Grabe, un catholique passé à l’anglicanisme († 1706), sur les Pères des trois premiers siècles, Spicilegium SS. Patrum ut et hæreticorum sæc. Post Christum I, II, III, 2 vol., 1698-1699, Justini martyris Apologia Ia… notis illustrata, Oxford, 1700, Irenæi contra hæreses libri V cum tractatuum deperditorum fragmentis, Oxford, 1702 ; celles de H. Dodwell († 1711) sur Irénée et Cyprien, Dissert. in Cyprianum, Oxford, 1684, In Irenæum, 1689 ; les études variées de Jean Le Clerc († 1736), Lives of Clemens Al., Eusebius, Gregory Naz., and Prudentius, Londres, 1696, Unpartheiische Lebensbeschreibung einiger Kirchenväterund Ketzer, Halle, 1721, sans oublier les travaux de Jean Daillé († 1670), dont il faut au moins retenir la critique des écrits aréopagitiques : De scriptis quæ sub Dionysii Areopagitæ et S. Ignatii Antiocheni nominibus circumferentur, Genève, 1666.

Si les luthériens sont absents de la liste précédente (encore faut-il tenir compte des travaux d’érudition de J. A. Fabricius), ils ont néanmoins rendu service aux études patristiques en les introduisant définitivement dans l’enseignement de la théologie. Les très volumineux travaux des critiques catholiques n’avaient aucune chance de devenir des livres de classe et d’ailleurs les plans d’études, même au XVIIIe siècle, ne faisaient qu’une place extrêmement limitée à l’étude systématique des Pères. Les maîtres luthériens, eux, réalisent, dès le milieu du XVIIe siècle, le petit manuel de patrologie : Joh. Gerhard, Patrologia sive de primitivæ Ecclesiæ christianæ doctorum vita ac lucubrationibus, Iéna, 1653 ; J. Gotffr. Olearius, Abacus patrologicus (notices dans l’ordre alphabétique), Iéna, 1673 ; l’un et l’autre de ces petits ouvrages mènent l’étude des « Pères » jusqu’au XVIe siècle. Les catholiques allemands, au XVIIIe siècle, entreront finalement dans la même voie ; les bénédictins B. Schleichert et Ét. Wiest donnent, l’un et l’autre, des Institutiones patrologiæ, le premier à Prague, 1777, le second à Ingolstadt, 1795.

L’époque contemporaine. – Après la période de marasme, plus ou moins durable suivant les pays, qui suit les troubles politiques du début du XIXe siècle, l’étude des Pères de l’Eglise va reprendre avec une nouvelle ferveur. Toutefois, la supériorité incontestable que s’étaient assurée dans ce domaine les catholiques, surtout français, semble passer pendant un certain temps aux protestants d’Allemagne. Mais les catholiques, au-delà du Rhin d’abord, puis de ce côté-ci, finiront par regagner le temps perdu.

1. Travaux d’édition. – Deux noms sont à retenir pour le XIXe siècle, ceux du cardinal Maï († 1854) et du cardinal Pitra († 1889), incomparables découvreurs de textes, mais assez médiocres éditeurs. Voir leurs articles. – Mais ce n’est point à eux que sont dues les découvertes sensationnelles : Philosophoumena d’Hyppolite, Didache, Démonstration de la prédication apostolique d’Irénée, tout récemment la reconstitution du Commentaire de Pélage sur les épîtres pauliniennes. L’exploration plus ou moins systématique des littératures orientales réserve à coup sûr le plus de chances de découvertes : celle du Livre d’Héraclide, de Nestorius, en est un des plus remarquables exemples. Toutes ces trouvailles, grandes ou menues, n’ont pas laissé d’enrichir considérablement le trésor des textes de l’ancienne littérature chrétienne. Voir dans O. Bardenhewer, Altkirchl. Literatur, t. I, p. 14-15, une indication des travaux relatifs aux découvertes récentes ; voir aussi J. de Ghellinck, Les études patristiques depuis 1869, dans Nouvelle revue théologique, 1929, p. 840.

Ce qui distingue surtout le XIXe siècle, c’est le souci de donner, en ce qui concerne les textes patristiques, des éditions plus correctes. Le travail des mauristes a été, pour ainsi dire, repris en sous-œuvre. L’Académie des lettres de Vienne commence, en 1866, la publication d’un Corpus scriptorum ecclesiasticorum latinorum, qui aligne aujourd’hui une soixantaine de volumes. Sous la direction de Th. Mommsen, la Societas aperiendis fontibus rerum germanicarum donne dans les Mon. Germ. hist. treize volumes d’Auctores antiquissimi, 1877-1898. L’Académie des sciences de Berlin entreprend, en 1897, l’édition des Griechische christliche Schriftsteller der ersten drei Jahrunderte, qui a dépassé le cadre primitif qu’elle s’était assigné (Epiphane est du IVe siècle, Théodoret, Philostorge, Gélase du Ve, etc.). dès 1882, d’ailleurs, une collection de Texte und Untersuchungen donnait des travaux d’approche et de nombreux textes inédits. A cette collection s’apparente en Angleterre celle des Texts ans studies, publiée par J. Armitage Robinson, Cambridge, 1891 sq.

C’est, nous l’avons dit, du côté des littératures orientales que doivent se tourner les chercheurs d’inédit. Entrepris sous le patronage des universités catholiques de Washington et de Louvain, le Corpus scriptorum christianorum orientalium, 1903 sq., groupe en ses quatre sections : syriaque, éthiopienne, copte, arabe, un nombre respectable de textes demeurés jusqu’à présent inaccessibles. Par rapport à ce Corpus, la Patrologia orientalis de R. Graffin et F. Nau joue un peu le même rôle que les Texte und Untersuchungen par rapport aux « Pères » de Berlin, tandis que la Patrologia syriaca de R. Graffin commence, avec lenteur, l’édition systématique des écrivains syriaques. Pour la contribution fournie par les mékhitaristes à l’ancienne littérature arménienne (textes originaux arméniens ou traductions arméniennes d’autres ouvrages) voir leur article, t. X, col. 497. Bien qu’elle soi exclusivement un travail de réimpression, l’énorme entreprise de l’abbé Migne a puissamment contribué à faciliter et même à vulgariser les études patristiques.

Nous ne signalons ici que les grandes entreprises générales d’édition ; il va sans dire que nous n’ignorons pas les travaux de détail entrepris par des particuliers. De toutes manières, il est bien certain que nous lisons aujourd’hui les Pères de l’Eglise en des textes beaucoup plus corrects et souvent beaucoup plus intelligibles que ne le faisaient nos prédécesseurs.

2. Etudes de patrologie, de patristique, d’ancienne littérature chrétienne. – Ce travail d’édition s’est accompagné d’études approfondies qui, sur tout à partir de la seconde moitié du XIXe siècle, ont renouvelé bien des domaines de l’ancienne patrologie. Les monographies sont devenues légion et, si beaucoup d’entre elles sont des travaux hâtifs et destinés à tomber dans l’oubli, l’ensemble ne laisse pas d’apporter une contribution à la connaissance des Pères. Certaines de ces études émanent de maîtres incontestés. Citons seulement, sans vouloir établir aucun ordre de mérite, des Allemands : comme les protestants, E. von Dobschütz, F. Loofs, O. von Gebhardt, A. von Harnack, E. Preuschen, E. Schwartz, Th. Zahn, les catholiques F.-X. Funk ou Dekiamp ; des écrivains de langue française comme P. Batiffol, L. Duchesne, G. Morin, J. Tixeront, A. d’Alès, J. Lebreton, G. Bardy, P. Monceaux, et le protestant E. de Faye ; des anglais comme J. B. Lightfoot, Turner ou dom Conolly. L’Amérique elle-même s’est mise de la partie, et plusieurs savants appartenant aux Eglises orientales ont contribué aussi pour leur part à une meilleure connaissance des témoins de la tradition.

Les progrès que ces diverses études ont fait réaliser se marquent dans la rédaction des traités plus ou moins volumineux, consacrés à la patrologie, ou, comme l’on tend de plus en plus à dire, sans y voir malice, à l’ancienne littérature chrétienne.

Les catholiques, surtout ceux de langue allemande, ont fourni en ce domaine les manuels ou traités les plus utilisables et les mieux compris. On peut sans doute négliger les œuvres de la première moitié du XIXe siècle (Fr. W. Goldwitzer, J.-B. Busse, M. Permaneder), mais la Patrologie de J.-A. Möhler, œuvre posthume publiée par F. X. Reithmayr (1840), mérite encore une mention, tout comme les Institutiones patrologiæ, de J. Fessler (1850-1851), surtout dans la réédition de B. Jungmann (1890-1896). Les solides études de J. Alzog, Grundriss der Patrologie, 1866, 4e édit., 1888, de J. Nirschl, Lehrbuch der Patrologie und Patristik, de H. Kihn, Patrologie, 2 vol., 1904-1908, surtout de O. Bardenhewer, Patrologie, 1894, 3e éd., 1910, sont bien propres à faire progresser dans les milieux catholiques l’étude des Pères ; à plus forte raison, le monumental ouvrage de ce dernier auteur, Geschichte der altkirchlichen Literatur, dont le Ier volume a paru en 1902, le Ve et dernier en 1932, et qui est bien près de réaliser l’idéal du traité d’ancienne littérature chrétienne.

L’ouvrage classique du protestant A. von Harnack, Geschichte der altchristlichen Litteratur bis Eusebius, commencé en 1893 et dont la IIIe partie n’a pas vu le jour, est conçu, sur un plan très différent, le t. I ne contenant pas l’inventaire de tous les textes des trois premiers siècles, le t. II (en 2 volumes), un essai de chronologie de ces diverses pièces (le t. III devait contenir l’étude littéraire des écrits en question). La brève étude de G. Krüger, Geschichte der altchristlichen Litteratur in den ersten drei Jahrhunderlen, 1895, est un exposé rapide, qui prend un peu l’allure d’un manifeste. La Geschichte der alchristlichen Literatur de Hermann Jordan, 1911, qui s’étend à l’ensemble de la littérature patristique est un essai, assez malheureux, nous semble-t-il, de transformation des anciens cadres. L’auteur y étudie l’évolution des divers genres littéraires dans le passé chrétien, il s’ensuit que les écrivains disparaissent un peu derrière leurs œuvres. Une telle méthode convient assez peu aux nécessités de la recherche et de l’enseignement.

La France est restée, trop longtemps, dans le domaine de cette histoire littéraire à la remorque de l’Allemagne. Les manuels de patrologie de la fin du XIXe siècle sont des traductions de livres allemands, traduction de Möhler, par J. Cohen, Louvain, 1844, d’Alzog par Bélet, Paris, 1867, de la Patrologie de Bardenhewer par P. Godet et C. Verschaffel, 1898-1899. Mais la Bibliothèque de l’enseignement de l’histoire ecclésiastique a donné successivement, en 1898 et en 1899, deux volumes consacrés aux Anciennes littératures chrétiennes, I. La littérature grecque par P. Battifol, II. La littérature syriaque par Rubens Duval (la littérature latine qui était prévue n’a pas paru). P. Lejay a ajouté dans la Rev. d’hist. et litt. rel., de 1896 à 1906, sous le titre de Chronique de littérature chrétienne, puis d’Ancienne philologie chrétienne, des articles dont la réunion constituerait un excellent traité de l’ancienne littérature chrétienne telle qu’elle est en train de se faire. En 1917, J. Tixeront fait paraître son Précis de patrologie. En 1927 et 1930, F. Cayré donne un Précis de patrologie en 2 vol., qu’une nouvelle édition initiale plus justement Précis de patrologie et d’histoire de la théologie, t. I, 1931. L’Italie, qui avait vécu, elle aussi, des traductions d’ouvrages allemands, veut avoir ses livres à elle : P. G. Franceschini, Manuale di patrologia, 1919 ; Manucci, Istituzioni di patrologia, 2 vol., 1915 ; Sinapoli di Giunta, Storia letteraria delle Chiesa, 2 vol., 1920-1922. Un savant grec, G. J. Derbos, avait donné, à Athènes, en 1903 et sq., une Χριστιανικὴ Γραμματολογία, en plusieurs volumes ; il vient de paraître à Athènes en 1930, sous la signature de D. S. Balanos une brève Πατρολογία.

Pour en revenir à la France, la Collection d’études anciennes, publiée sous le patronage de l’Association Guillaume Budé, fait paraître, en 1920, sous la signature de P. de Labriolle, une volumineuse Histoire de la littérature latine chrétienne, qui est suivie, entre 1928 et 1930, par les trois volumes de l’Histoire de la littérature grecque chrétienne composée par A. Puech. Antérieurement, P. Monceaux a donné une magnifique Histoire littéraire de l’Afrique chrétienne, Paris, 1901 sq., actuellement 7 vol. in-8°. Ainsi, la préoccupation de l’ancienne littérature chrétienne s’impose dorénavant aux maîtres de l’enseignement universitaire. Ce phénomène se remarquait depuis quelques temps déjà en Allemagne où les grandes histoires des littératures grecques ou latines avaient fait une place de plus en plus grande aux écrivains chrétiens : littérature latine de Bähr (1836-1840), de Teuffel (rééditée par Schwabe) (1872-1890), mais surtout la monumentale Geschichte der römischen Litteratur de M. Schanz, qui, à partir du t. III, fournit sur la littérature chrétienne des renseignements nombreux et de la plus grande précision (la dernière partie Ve-VIIe siècle, rédigée par G. Krüger). La place modeste qui avait d’abord été accordée aux écrivains de langue grecque dans la Geschichte der griechischen Litteratur de W. von Christ (1re édit., 1888) est devenue considérable dans les dernières éditions, où l’histoire a été rédigée par Otto Stählin (5e édit., 1913). E. Norden, dans son beau livre Die antike Kunstprosa, 2 vol., 1918, accueille avec sympathie les Pères de L’Eglise.

Ainsi les débuts du XXe siècle sont pleins de promesses. Il faut saluer un véritable rajeunissement des études patristiques. Les vrais théologiens leur accordent une attention de plus en plus grande ; les spécialistes de la patrologie prennent une conscience de plus en plus nette des caractères spéciaux de la discipline qu’ils cultivent ; les gens du dehors, enfin, se voient obligés de tenir compte des résultats qu’établissent les historiens de l’ancienne littérature chrétienne.

V. RENSEIGNEMENTS D’ORDRE PRATIQUE. – Sous cette rubrique nous grouperons, sans prétendre être absolument complet, les renseignements qui permettent de lire aisément les bibliographies qui terminent les divers articles patristiques de ce dictionnaire.

Collection de textes patristiques. – 1. Les grandes collections. a) Marguarin de la Bigne (voir ici, t. IX, col 2044), Biblitoheca SS. Patrum, 8 vol. in-fol., Paris, 1575, avec un appendice, 1579 ; 2e édit., 1589, 8 vol. in-fol. ; 3e édit., 1609, 9 vol., plus un Auctarium en 2 vol., 1610 ; 4e édit., 1624, 10 vol., plus un Auctarium græco-latinorum, rédigé surtout par Fronton du Duc, en 2 vol., 1624, plus encore un Supplementum latinum de G. Morel, 2 vol., 1639 ; 5e édit., 1644, et 6e édit., 1654, chacune 17 vol.

Pendant que ces éditions successives paraissaient à Paris, la Bibliotheca subissait à Cologne, par les soins des professeurs de l’université, une transformation et devenait la MAGNA bibliotheca veterum Patrum… historica methodo per singula sæcula disposita, 14 vol. in-fol., Cologne, 1618, plus un vol. de supplément, 1622. – Enfin, elle devenait à Lyon, par une nouvelle transformation, la MAXIMA bibliotheca veterum Patrum… novis supra centum auctoribus et opusculis hactenus desideratis locuplelata, 27 vol. in-fol., Lyon, 1677.

b) Pendant que la Bibliotheca allait ainsi s’accroissant, d’autres érudits publiaient des collections plus modestes, mais contenant de nombreux textes inédits : Fr. Combéfis, O. P., Græco-latinæ Patrum bibliothecæ novum auctarium, 2 vol. in-fol., Paris, 1648 ; Bibliothecæ græcorum Patrum auctarium novissimum, 2 vol. in-fol., Paris, 1672 (comme le titre l’indique, ces 4 volumes sont conçus comme des suppléments de la Bibliotheca). – Luc d’Achery, Veterum aliquot scriptorum qui in Galliæ bibliothecis, maxime benedictinorum, quæ supersunt spicilegium (cité simplement spicilegium), éd. in-4°, 13 vol., 1655-1677, éd. in-fol., 3 vol. in-4°, Paris, 1677-1686 (les Analecta græca sive opuscula græca hactenus non edita de B. de Montfaucon, in-4°, Paris, 1688, portent, en quelques exemplaires, l’indication, t. IV, de la collection Cotelier). – Ét. Baluze, Miscellanorum libri VII, 7 vol. in-8°, Paris, 1678-1715 ; nouvelle éd. par Mansi, 4 vol. in-fol., Lucques, 1761-1764. – J. Sirmond, Opera varia (ouvrage posthume, contient de nombreux inédits), 5 vol. in-fol., Paris, 1696, nouv. éd. par J. de la Baune, 5 vol. in-fol., Venise, 1728. – B. de Montfaucon, Collectio nova Patrum et scriptorum græcorum. 2 vol. in-fol., Paris, 1706. – L. A. Muratori (voir son art., t. X, col. 2549), Anecdota latina, 4 vol. in-4°, les deux premiers, Milan, 1697 et 1698, les deux autres, Padoue, 1713 ; Anecdota græca, Padoue, 1709. – J. E. Grabe (ci-dessus, col. 1207), Spicilegium SS. Patrum et hæretiocorum, 2 vol. in-8°, Oxford, t. I, 1698-1700 ; t. II, 1699-1700 ; 2e édit. 1714.

c) La publication de tous ces textes rendait souhaitable la refonte de la vieille Bibliothèque de Marguarin de la Bigne ; cette refonte fut réalisée par l’oratorien André Galland (voir t. VI, col. 1095), Bibliotheca veterum Patrum antioquorumque scriptorum ecclesiasticorum, 14 vol. in-fol., Venise, 1765-1788. Cette bibliothèque diffère assez notablement de la précédente ; elle s’arrête à la fin du XIIe siècle, tandis que l’autre poussait jusqu’à 1600 ; elle accorde plus d’importance aux petits auteurs et aux ouvrages de minime étendue qu’aux grands écrivains qui viennent d’être édités par les érudits des XVIe et XVIIe siècles ; elle donne enfin, des auteurs grecs, le texte et la traduction latine. – Fr. Oberthür, SS. Patrum opera polemica, 21 vol. in-8°, Wurzbourg, 1777-1794 ; Opera omnia SS. Patrum latinorum, 13 vol. in-8°, Wurzbourg, 1780-1791.

d) Le XIXe siècle contribue à l’étude des textes par la publication d’inédits : M. J. Routh, Reliquiæ sacræ, 4 vol. in-8°, Oxford, 1814-1818 ; 2e éd. en 5 vol. 1846-1848. – A. Maï (voir son art. t. IX, col. 1650), Scriptorum veterum nova collectio, 10 vol. in-4°, Rome, 1825-1838 ; Spicilegium romanum, 10 vol. in-8°, Rome, 1839-1844 ; Nova Patrum bibliotheca, 7 vol. in-4°, Rome, 1844-1854 (sur la continuation par J. Cozza voir l’article cité). – J.-B. Pitra, Spiocilegium Solesmense, 4 vol. in-4°, Paris, 1852 ; Juris ecclesiastici Græcorum historia et monumenta, 2 vol. in-4°, Rome, 1846-1868 ; Analecta sacra Spicilegio Solesmensi parata, 4 vol. in-8°, Paris, 1876-1884 ; Analecta sacra et classica, in-4°, Paris, 1888. – En ces dernières années, dom G. Morin a continué ce travail d’exploration, en de nombreux articles dispersés surtout dans la Revue bénédictine ; une partie de ses trouvailles est rassemblée dans les Anecdota Maredsolana, et dans le volume : Etudes, textes, découvertes. Contributions à la littérature et à l’histoire des douze premiers siècles, Maredsous, Paris, 1913.

Une grande partie des textes ainsi publiés passe dans les deux collections de Migne, Patrologia latina, Patrologia græca, voir pour le détail l’article spécial, t. X, col. 1730 sq. ; il existe aussi (mais elle est beaucoup moins répandue) une Patrologia græco-latina ne contenant que la traduction latine des textes. – Les Patrologies de Migne ont fait complètement disparaître une collection antérieure de A. B. Caillau et M. N. S. Guillon, Collectio selecta SS. Ecclesiæ Patrum complectens exquisitissima opera tum dogmatica et moralia, tum apologetica et oratoria, 133 vol. in-8°, Paris, 1829-1842. – De cette dernière, il faut rapprocher les deux suivantes parues, l’une en Allemagne, l’autre en Angleterre, E. G. Gersdorf, Bibliotheca Patrum ecclesiasticorum selecta, 13 vol. in-8°, Leipzig, 1838-1847 ; et la Bibliotheca Patrum Ecclesiæ catholicæ… delectis presbyterorum quorundam Oxoniensium, in-8°, Oxford, 1835-1855. Voir ici art. OXFORD (Mouvement d’), t. XI, col. 1686 sq.

Nous avons signalé ci-dessus, col. 1208 les trois grandes entreprises d’édition de l’Académie de Vienne, Corpus scriptorum ecclesiasticorum latinorum, in-8°, Vienne, 1866 sq., actuellement 60 volumes (dont quelques-uns ont plusieurs tomes) ; de la Societas aperiendis fontibus rerum Germanicarum M. Æ., dans les Monumenta Germaniæ historica, section des Auctores antiquissimi, 13 vol. in-4°, Berlin, 1877-1898 ; de l’Académie de Berlin, Die griechischen christlichen Schrifsteller der esten drei Jahrhunderte, grand in-8°, Leipzig, 1897 sq., actuellement près de 40 vol. – Nous avons signalé également les séries de textes et d’études : les Texte und Untersuchungen zur Geschichte der altchristlichen Literatur, commencés en 1882 par O. von Gebhardt et A. Harnack, devenus depuis 1897 l’Archiv. de la commission chargée de l’édition des Pères, actuellement 46 volumes ; les Texts and studies, contributions to biblical and patristical litterature, publiés par J. Armitage Robinson, Cambridge, 1891 sq., actuellement 9 vol. On y ajoutera, bien que leur contenu soit beaucoup plus mêlé, les Studi et testi, publiés par la bibliothèque vaticane, Rome, 1900 sq. – Nous avons également signalé, col. 1208, les collections relatives à la littérature orientale.

2. Collections scolaires. – Des efforts ont été faits pour faire pénétrer dans les facultés de théologie et les séminaires l’étude directe des textes patristiques.

H. Hurter, SS. Patrum opuscula selecta, 54 vol. in-16, Inspruck, 1868 sq., les textes grecs ne sont représentés que par des traductions latines. – G. Krüger, Sammlung ausgewählter kirchen und dogmengeschichtlicher Quellenschriften, in-8°, Fribourg-en-B., 1891 sq., actuellement 21 vol. – A J. Mason, Cambridge patristical texts, in-12, Cambridge, 1899 sq., actuellement une dizaine de volumes, dont quelques-uns extrêmement remarquables. – H. Lietzmann, Kleine Texte für theologische Vorlesungen und Uebungen, in-12, Bonn, 1902 sq., actuellement 160 cahiers dont trente patristiques. – J. Vizzini, Bibliotheca SS. Patrum theologiæ tironibus et universo clero accomodata, in-8°, Rome, 1901 sq. – H. Hemmer et P. Lejay, Textes et documents pour l’étude historique du christianisme, in-12, Paris, 1904 sq., actuellement 18 vol., les textes grecs ou latins accompagnés d’une traduction française. – G Rauschen, Florilegium patristicum, in-8°, Bonn, 1904 sq., continué par J. Zellinger et B. Geger, une trentaine de cahiers. Sur le même type, Textus et documenta de l’université grégorienne, 1932 sq.

Traductions. – 1. Allemandes. – On peut négliger celles du XVIIIe siècle ; mais il faut citer, pour les services qu’elle peut rendre, la Bibliothek der Kircheväter, publiée à Kempten, depuis 1830, qui, sous des titres variés et des directions successives, se continue encore aujourd’hui.

2. Anglaises. – Il y en a trois importantes : a) Celle que Pusey et ses amis avaient lancée à Oxford au début du « mouvement », Library of Fathers of the holly catholic Church, anterior to the division of the East and West, Oxford, 1832 sq., 45 vol. in-8°. – b) Celle de A. Roberts et J. Donaldson publiée d’abord à Edimbourg, de 1866 à 1872, The Ante-Nicene library. Translations of the writting of the Fathers down to A. D. 325, 24 vol. et un vol. de complément (additional volume) de Menzies, 1897 ; reprise ensuite par A. Cl. Coxe à Buffalo (Etats-Unis), de 1884-1886, 8 vol. grand in-8° ; c’est à cette édition que se rattachent deux tables extrêmement précieuses : la Bibilographical synopsis de E. C. Richardson, qui donne pour la littérature patristique anténicéenne une admirable biographie, et le General Index de B. Pick. – c) Celle de Ph. Schaff., A select library of Nicene and Post-Nicene Fathers, New-York, 1886-1900, 28 vol. in-8°.

3. Françaises. – Nous n’avons pas en France de collections analogues. Il faut mentionner pourtant les Pères de l’Eglise, d’E. de Genoude, Paris, 1835 sq., puis les grandes traductions de saint Jean Chrysostome, de saint Augustin, de saint Jérôme. Les collections : La pensée chrétienne, Paris, 1904 sq., Les moralistes chrétiens donnent un certain nombre de textes traduits.

Lexicographie. – 1. Pères grecs. – Leur langue est le grec hellénistique, lequel s’efforce de revenir, au IVe siècle, à la pureté attique, en attendant qu’il dégénère en grec byzantin. Il y a donc lieu de recourir, à l’occasion, aux dictionnaires qui fournissent des renseignements sur ces diverses modifications du grec classique : H. Estienne (Henricus Stephanus), Thesaurus linguæ græcæ, à utiliser de préférence dans l’édition moderne de Paris, 1831-1865, 8 vol. in-fol. ; Du Cange, Glossarium ad scriptores mediæ et infimæ græcitatis, Lyon, 1688, 2 vol. in-fol., édit. nouvelle à Breslau, 1890-1891 ; E. A. Sophoclès, Greek lexicon of the roman and byzantin periods (de 146 av. J.-C. à 1100), Boston, 1870, 2e éd. (sans changement), New-York, 1888 ; St. Ath. Kumanudès, Συναγωγὴ λέξεων ἀθησαυρίστων ἐν τοῖς ἑλληνικοῖς, Athènes, 1883. L’édition récente par H. S. Jones du Greek-english Lexikon de Liddel et Scott, Oxford, 1925 sq., peut rendre également des services, comme aussi le Dictionnaire grec-français de M. A Bailly, Paris, 1894, et édit. successives.

2. Pères latins. – Sur la langue des Pères latins, on consultera le petit livre de H. P. V. Nunn, An introduction to ecclesiastical latin, Cambridge, 1922, qui renverra aux travaux antérieurs. – Comme dictionnaires : Forcellini, Totius latinitatis lexicon, 10 vol. in-4°, Prati, 1858, 1887 ; Thesaurus linguæ latinæ publié par les Académies de Berlin, Gœttingue, Leipzig, Munich et Vienne, en cours de publication depuis 1900 ; du Cange, Glossarium ad scriptores mediæ et infimæ latinatatis, Paris, 1678, éd. L. Favre, 10 vol. in-4°, Niort, 1883-1887.

traités, manuels, répertoires, encyclopédies. – Nous avons signalé ci-dessus, col. 1209, les principaux traités et manuels qui sont d’usage courant. Il faut y joindre le petit précis de G. Rauschen, Grundriss der Patrologie, paru d’abord en une mince plaquette, en 1903, et qui, depuis la mort de l’auteur, 1917, a été réédité et mis à jour par J. Wittig, en 1925, par B. Altaner en 1931. Bien que dépourvus de tout appareil scientifique, les deux petits volumes consacrés par G. Bardy à la Littérature grecque chrétienne et à la Littérature latine chrétienne, Paris, s. d. (1927 et 1928), sont de commodes introductions à l’étude des Pères. Pour la littérature syriaque, outre Rubens Duval, cité plus haut, voir A. Baumstark, Geschichte der syrischen Literatur, 1922. Pour retrouver soit les textes patristiques, soit les travaux, il faut s’adresser aux répertoires. Certains d’entre eux parlent à la fois des textes et des travaux ; c’est le cas de la Bibliographical synopsis de Richardson, signalée ci-dessus, col. 1213, mais limitée à la littérature anténicéenne, du Répertoire des sources historiques du M. A. d’Ul. Chevalier (Bio-bibliographie, 2 vol. et aussi Topo-bibliographie, 2 vol.), Paris, 1905-1907 et 1894-1909, qui fait place aux Pères de l’Eglise ; de la Bibliotheca Medii Ævi de A Potthast, 2e éd., 2 vol., Berlin, 1896, qui se cantonne dans le domaine de la latinité. – Antérieurement, Th. Ittig avait distingué les deux domaines : il donnait l’inventaire des textes dans le De bibliothecis et catenis Patrum, Leipzig, 1707, où l’on trouvera l’analyse méthodique des anciennes collections patristiques, et il analysait les travaux dans le Schediasma de auctoribus qui de scriptoribus ecclesiasticis egerunt, Leipzig, 1711 ; de même I. G. Dowling, dans sa Notitia scriptorum… quæ in collectionibus anecdotorum post annum MDCC in lucem editis continentur, Oxford, 1839, continuait le dépouillement des collections. Dans ce domaine, il faut signaler aujourd’hui M. Vatasso, Initia Patrum aliorumque scriptorum eccl. latinorum ex Mignei patrologia et ex compluribus aliis libris, Rome, 1906-1908 (collect. des Studi e testi, fasc. 16-17), qui rend de grands services pour l’identification des textes latins.

Quant à la « littérature qui se fait », il faut recourir aux travaux plus récents et aux revues. A. Ehrhard avait commencé une analyse fort utile des travaux récents entre 1800 et 1900 : Die alchristliche Literatur und ihre Erforschung, 2 vol., consacrés respectivement aux années 1880-1884 et 1884-1900 (dans les Strassburger theol. Studien, t. I, fasc. 4-5, et Supplemantband, Fribourg-en-B., 1894-1900). Ce travail n’a pas été poussé plus loin. On trouvera des renseignements sur la période ultérieure fournis par F. Drexl, Zehn Jahre griech. Patristik (1916-1925), dans le Jahresbericht über die Fortschrifte der klass. Altertumswissenschaft, 1929, p. 131-263 ; 1931, p. 163-273 ; par J. Martin, Christlich-lateinische Dichter (1900-1927), même recueil, 1929, p. 65-140 ; par W. Wildbrand, Die altchristlich. Latein. Literatur (1921-1924), même recueil, 1930, p. 157-206.

Il faut aussi consulter les revues et spécialement le Theologischer Jahresbericht, la Revue d’histoire ecclésiastique de Louvain, 1900 sq. ; la Revue des sciences philosophiques et théologiques des dominicains du Saulchoir, 1900 sq., la Revue bénédictine des bénédictins de Maredsous, 1890 sq. ; cette dernière publie comme annexe, depuis 1921, sous la direction de dom B. Capelle, un Bulletin d’ancienne littérature chrétienne latine, extrêmement précieux.

Les diverses encyclopédies théologiques consacrent des articles plus ou moins considérables aux Pères de l’Eglise. Ceux de la Realencyklopädie für protestantische Theologie und Kirche, 3e édit, sont souvent signés par des maîtres de premier ordre. Beaucoup plus sommaires ceux de l’encyclopédie protestante Die Religion in Geschichte und Gegenwart de H. Gunkel et L. Zscharnack, 2e édit., 1927-1932, 5 vol. plus les tables, et de l’encyclopédie catholique, Lexikon für Theologie und Kirche de M. Buchberger, 2e édit., 1930 sq., actuellement 4 vol. Mais il faut encore recourir souvent au Dictionary of christian biography de Smith et Wace, 4 vol. in-4°, Londres, 1877-1887, et à la Realencyklopädie der klass. Altertumswissenschaft de Pauly-Wissowa, 2e édit., 1893 sq.
 
 

Sur toutes ces questions, consulter les divers manuels de patrologie ou d’histoire de l’ancienne littérature chrétienne cités dans le texte. Pour la partie proprement théologique de l’article, se référer surtout à Fessler-Jungmann, Institutiones patrologiæ, Inspruck, 1890-1896 (le vieil ouvrage, assez difficile à trouver, du bénédictin Ét. Wiest, Institutiones patrologiæ, Ingolstadt, 1795, est le plus complet, sur ce sujet, que nous ayons rencontré).

Pour la question du concept de patrologie et d’ancienne littérature chrétienne, voir surtout O. Bardenhewer, Altkirchl. Literatur, t. I, 1902, p. 18-46, dont l’argumentation est reprise avec plus de force encore dans la 2e édit., 1913, p. 19-50, avec référence aux articles des contradicteurs. Voir aussi l’art. de G. Krüger, Patristik, dans Prot. Realencyklopädie, t. XV, 1904, p. 1-13.

Pour les questions d’érudition, le même ouvrage de Bardenhewer, à compléter par les indications de Rauschen-Altaner, Grundriss der Patrologie, Fribourg-en-B., 1931.

É. AMANN.
JesusMarie.com