ALBERT LE GRAND. De son vrai nom A. de Bollstaedt. Appelé par ses contemporains Albertus Lauingensis (de Lauingen), A. Theutonicus, A. de Colonia, Dominus Albertus (après sa consécration épiscopale), et de bonne heure par la postérité : A. Magnus.
I. Biographie. II. Ecrits. III. Influence.
I. BIOGRAPHIE. – Albert naquit en 1206 (non en 1193, ainsi que le
croient universellement ses modernes historiens) dans la petite ville souabe
de Lauingen sur le Danube. Il était le fils aîné du comte de Bollstaedt,
une famille féodale puissante et riche dévouée à Frédéric II. Elevé
dans la société de jeunes seigneurs, il fut conduit, adolescent, à Padoue,
pour y faire ses études sous la surveillance d’un oncle, vraisemblablement
ecclésiastique, tandis que son père guerroyait en Lombardie, au service
de l’empereur. Le second maître général des frères prêcheurs, Jourdain
de Saxe, étant venu prêcher aux étudiants de Padoue pendant les premiers
mois de 1223, attira à l’ordre un grand nombre de jeunes gens, parmi
lesquels Albert, alors âgé de seize ans et demi. Malgré les résistances
de son oncle et de ses condisciples et une tentative d’enlèvement de
la part de son père, Albert entra dans l’ordre et fut conduit, pour
y continuer ses études, dans un ou plusieurs couvents qu’on ne peut
désigner avec sécurité, mais vraisemblablement à Cologne. C’est là
qu’il commença plus tard son enseignement en interprétant deux fois
le Maître des Sentences. Il fut successivement lecteur de théologie dans
les couvents de Hildesheim, Fribourg-en-Brisgau, Ratisbonne (pendant deux
ans) et Strasbourg.
En 1245, Albert fut envoyé à Paris pour y conquérir le titre de
maître en théologie et régenter une des deux écoles dominicaines du
couvent de Saint-Jacques, incorporées à l’université. C’est pendant
ce séjour à Paris qu’Albert commença, concurremment à l’enseignement
de la théologie, la publication de la vaste encyclopédie scientifique
qui lui valut son incomparable célébrité, et qu’il compléta jusque
vers la fin de sa vie, bien qu’elle fût déjà achevée en grande partie
en 1256. Le maître quitta vraisemblablement Paris à la fin de l’année
scolaire 1248. Au chapitre général de cette année, l’ordre des prêcheurs
ayant établi quatre studia generalia, en plus de celui de Paris, pour
étendre la formation intellectuelle supérieure de ses recrues, l’une
de ces études générales fut établie à Cologne et Albert en devint
le premier régent. Malgré les nombreuses absences du célèbre maître,
cette ville devait être, jusqu’à la fin de ses jours, sa résidence
ordinaire, ce qui lui valut d’être souvent nommé par ses contemporains
Albert de Cologne. Cette nouvelle période de la vie d’Albert est marquée
par l’intensité de son activité littéraire. Il compta alors Thomas
d’Aquin parmi ses disciples. Pendant son séjour à Cologne, Albert ne
cessa aussi d’intervenir comme arbitre de 1252 à 1272 dans les graves
différends qui éclatèrent entre la ville et ses évêques. En 1254,
le chapitre de la province d’Allemagne, tenu à Worms, confia à Albert
le gouvernement de la province dont il s’occupa très activement. Deux
ans plus tard, étant encore provincial, il se rendit à la cour romaine
pour prendre la défense des prêcheurs contre les attaques de Guillaume
de Saint-Amour, dont le célèbre pamphlet De novissimorum temporum periculis
fut condamné à Anagni par Alexandre IV le 5 octobre 1256. Pendant son
séjour à la curie, Albert remplit l’office de lecteur du sacré palais
et interpréta, à la demande du pape et de ses cardinaux, l’Evangile
de saint Jean et toutes les Epîtres canoniques. Ce fut encore pendant
ce séjour à la curie qu’Albert, sur la demande d’Alexandre IV, écrivit
contre la théorie averroïste de l’unité de l’intelligence son traité
De unitate intellectus. Ce voyage jusque dans le midi de l’Italie fournit
à Albert, comme tous ses autres déplacements, l’occasion de recherches
scientifiques, et c’est alors qu’il découvrit le De motibus animalium
d’Aristote dont il publia le commentaire. Albert rentra à Cologne en
1257. Il fut relevé de sa charge de provincial par le chapitre général
de Florence de cette même année, et reprit le cours de son enseignement.
Au printemps de 1259, Albert de rendit au chapitre général de Valenciennes,
où il élabora avec thomas d’Aquin et Pierre de Tarentaise, le futur
Innocent V, un important règlement pour les études dans l’ordre. Il
est très probable qu’Albert se rendit à Rome au cours de cette même
année, appelé par le souverain pontife. Le pape le désigna pour l’évêché
de Ratisbonne, le 5 janvier 1260, malgré les efforts du général de l’ordre,
Humbert de Romans, pour éviter cette nomination. Albert s’adonna avec
zèle aux devoirs de sa nouvelle charge. Mais la nécessité de se mêler
à de graves affaires temporelles, en un temps où les églises d’Allemagne
vivaient encore du régime féodal, poussa le nouvel évêque, plus amoureux
d’étude que de guerre, à résigner sa charge au printemps de 1262.
Le 13 février 1263, Urbain IV le préposa à la prédication de la croisade
pour l’Allemagne, la Bohême et autres lieus de langue teutonique. Cette
mission lui fit parcourir l’Allemagne pendant les années 1263 et 1264
dans toutes les directions, de Ratisbonne et Cologne jusqu’aux frontières
de la Pologne. De 1265 au commencement de 1267, Albert fit un long séjour
à Wurzbourg où il joua, comme à Cologne, le rôle de pacificateur, tout
en continuant d’étudier et d’écrire. Vers le milieu de 1267, l’évêque
démissionnaire, le seigneur Albert, dominus Albertus, ainsi qu’on l’appela
dès lors jusqu’à la fin de sa vie, offrit au général de l’ordre,
Jean de Verceil, de reprendre l’enseignement. Celui-ci accepta avec reconnaissance
et songea même un instant à le renvoyer professer à Paris. Ce fut l’étude
de Cologne qui le reçut encore une fois. Bien que résidant ordinairement
dans cette ville, Albert se déplaça fréquemment pendant une dizaine
d’années (1268-1277). On le trouve spécialement pendant cette période
en différents points de l’Allemagne, au nord comme au midi, consacrant
des églises nouvelles et des autels, ou faisant même des ordinations
sacerdotales. En 1270, au fort de la lutte soutenue, à Paris, par Thomas
d’Aquin contre Siger de Brabant et les autres averroïstes de la faculté
des arts, Albert intervint par l’envoi d’un mémoire qu’avait sollicité
Gilles de Lessines et dans lequel il réfute les théories fondamentales
du péripatétisme averroïste. L’année 1274 vit Albert se rendre au
second concile général de Lyon et y siéger parmi les Pères de cette
assemblée. Il quitta encore une fois Cologne, vraisemblablement pendant
le second trimestre de 1277, pour venir à Paris défendre les doctrines
de Thomas d’Aquin que l’évêque Etienne Tempier et les maîtres séculiers
de la faculté de théologie avaient tenté d’envelopper dans une commune
réprobation avec les erreurs averroïstes, le 7 mars précédent. Revenu
à Cologne, Albert y rédigea, en janvier 1278, son testament. Ce fut,
semble-t-il, le dernier acte important de sa vie lucide. Le cerveau de
l’homme qui avait absorbé la science de l’antiquité et de son siècle
céda sous le poids du travail et des années. Albert perdit la mémoire
et sa raison s’affaiblit. Il était pris de fréquentes crises de larmes,
surtout au souvenir de son disciple bien-aimé, Thomas d’Aquin, descendu
dans la tombe avant lui. Il mourut le 15 novembre 1280, âgé de soixante-quatorze
ans. Cologne lui fit de magnifiques funérailles. Il a été béatifié
par l’Eglise le 27 novembre 1622, et sa fête de célèbre le 16 novembre.
SOURCES BIOGRAPHIQUES. – Il n’existe pas de biographie d’Albert
le Grand écrite par un contemporain. On peut toutefois reconstituer les
faits principaux de sa vie, avec les données synchroniques tirées soit
de ses propres écrits, soit surtout d’auteurs du XIIIe siècle et des
actes officiels émanés d’Albert ou le concernant. La plupart de ces
sources, mais non toutes, sont utilisées dans les biographies modernes.
Comme elles sont très nombreuses, nous renonçons à les énumérer ici.
Nous faisons exception pour la suivante à raison de son importance, et
parce que les biographes d’Albert ne l’ont pas encore utilisée : H.
Finke, Ungedruckte Dominikanerbriefe des 13. Jahrhunderts, Paderborn, 1891,
Passim.
La première notice biographique d’Albert est celle tracée par Henri
de Hervordia († 1370) dans son Liber de rebus memorabilibus sive Chronicon,
édit. A. Potthast, Gœttingue, 1859, p. 201. Une vie anonyme du XIVe siècle
a été éditée par les bollandistes : Catalogus codicum hagiographicorum
bibliothecæ regiæ Bruxellensis. Codices latini, t. II, Bruxelles, 1889,
p. 95-104. Une autre vie est insérée dans la chronique anonyme publiée
par Martène et Durand : Amplissima collectio, t. VI, p. 358-362. L’auteur
[Alberto Castellani, O. P.] déclare (889) avoir emprunté le fond de sa
chronique à Jacques de Soest, O. P. († 1423). Louis de Valladolid, dans
sa Tabula quorumdam doctorum ordinis prædicatorum, utilisée par Echard
; Petrus de Prussia, Vita B. Alberti doctoris magni…, Cologne, 1486,
et Anvers, 1621, à la suite du De adhærendo Deo, p. 61-326 ; Petrus Noviomagensis,
Legenda venerabilis Dominis Alberti Magni…, Cologne, 1490. Le premier
travail critique important sur Albert est l’œuvre d’Echard : Scriptores
ordinis prædicatorum, Paris, 1719, t. I, p. 162-184, reproduit au tome
I de l’édition nouvelle des Opera omnia B. Alberti Magni ; G. de Ferrari,
Vita del beato Alberto Magno, Rome, 1847 ; J. Sighart, Albertus Magnus.
Sein Leben und seine Wissenschaft, Ratisbonne, 1857 ; traduction française
par un religieux dominicain : Albert le Grand, Paris, 1862 ; H. Iweins,
Le bienheureux Albert le Grand, 2e édit., Bruxelles, 1874 ; F. Ehrle,
Der selige Albert der Grosse, dans Stimmen aus Maria-Laach, t. XIX, 1880,
p. 241-258, 395-414 ; A. Gloria, Quot annos et in quibus Italiæ urbibus
Albertus Magnus moratus sit ? dans Atti del’Istituto Veneto, 1879-80,
p. 5, etc. ; [N. Thoemes], Albertus Magnus in Geschichte und Sage, Cologne,
1880, p. 1-18 ; A. van Weddingen, Albert le Grand, le maître de saint
Thomas d’Aquin d’après les plus récents travaux critiques, Paris-Bruxelles,
1881 ; H. Goblet, Der selige Albertus Magnus und die Geschichte seiner
Reliquien, Cologne, 1880 ; C. W. Kaiser, Festbericht über die Albertus-Magnus-Feier
in Lauingen am 12 september 1881, Donauwörth, 1881. On trouve des notices
sur Albert dans tous les grands ouvrages biographiques (voir spécialement
l’article de Jourdain dans le Dictionnaire des sciences philosophiques
et Hurter, Nomenclator literarius, t. IV, col. 297-302), dans les histoires
de la philosophie (B. Hauréau, Histoire de la philosophie scolastique,
IIe part., t. I, Paris, 1880, p. 214-333 ; A. Stöckl, Geschichte der Philosophie
der Mittelalters, Mayence, 1865, t. II, p. 352-421 ; K. Werner, Der heilige
Thomas von Aquino, Ratisbonne, 1858, p. 82-95 ; P. Feret, La faculté de
théologie de Paris, t. II, Paris, 1895, p. 421-441), et dans la plupart
des ouvrages cités à la fin de cet article. Voir Analecta bollandiana,
1900-1902.
II. ECRITS D’ALBERT LE GRAND. – L’activité littéraire d’Albert
le Grand paraît incontestablement la plus gigantesque du moyen âge. Elle
s’étend à presque toutes les sciences profanes et sacrées. Deux éditions
de ses écrits ont été publiées sous le titre d’Opera omnia. La première,
celle du dominicain Pierre Jammy, comprend 21 vol. in-fol., Lyon, 1651.
La seconde qui la reproduit quant au nombre de ses écrits, celle de l’abbé
Borgnet, est au terme de publication, commencée en 18901, et comprend
38 volumes in-4° (Paris, Vivès). Un grand nombre d’ouvrages d’Albert
le Grand ont été édités séparément ou par groupes. Quelques-uns ont
eu de nombreuses éditions, mais il serait ici hors de propos de chercher
à les énumérer ici. Un travail fondamental de critique n’ayant pas
été exécuté pour préparer une édition complète des œuvres d’Albert
le Grand, le texte de ses écrits laisse à désirer et la détermination
des œuvres authentiques est insuffisamment établie. De nombreux et même
d’importants ouvrages sont indubitablement restés inédits. Nous donnons
ici la liste de ceux qui font partie des deux éditions des œuvres dites
complètes, en renvoyant aux volumes qui les contiennent.
A. SCIENCES PROFANES, OU PHILOSOPHIE. – Les éditeurs n’ont pas
observé l’ordre naturel entre les traités d’Albert. Nous le rétablissons,
tel qu’il résulte des indications fournies par les données internes
de ces ouvrages, en indiquant, par la lettre L, les tomes de l’édition
de Lyon et, par la lettre P, les tomes de l’édition de Paris.
I. LOGIQUE (L., t. I ; P., t. I, II) : De prædicabilibus. De prædicamentis.
De sex principiis Gilberti Porretani. Super duos libros Aristotelis Perihermenias.
Super librum priorum Analyticorum primum. Super secundum. Super librum
posteriorum Analyticorum primum. Super secundum. Super libros octo Topicorum.
Super duos Elenchorum.
II. SCIENCES NATURELLES. – De physico auditu (L., t. II ; P., t.
III). De cælo et mundo (L., t. II ; P., t. IV). De natura locorum (L.,
t. V ; P., t. IX). De proprietabus elementorum (L., t. V ; P., t. IX).
De generatione et corruptione (L., t. II ; P., t. IV). Meteororum libri
IV (L., t. II ; P., t. IV). De passionibus aeris (L., t. V ; P., t. IV).
De mineralibus (L., t. II ; P., t. V). De anima (L., t. III ; P., t. V).
De natura et origine animæ (L., t. V ; P., t. IX). De nutrimento (L.,
t. V ; P., t. IX). De sensu et sensato (L., t. V ; P., t. IX). De memoria
et reminiscentia (L., t. V ; P., t. IX). De intellectu et intelligibili
(L., t. V ; P., t. IX). De somno et vigilia (L., t. V ; P., t. IX). De
spiritu et respiratione (L., t. V ; P., t. IX). De motibus animalium (L.,
t. V ; P., t. IX). De motibus progressivis animalium (L., t. V ; P., t.
X). De ætate, de juventute et senectute (L., t. V ; P., t. IX). De morte
et vita (L., t. V ; P., t. IX). De vegetabilibus (L., t. V ; P., t. X).
De animalibus (L., t. VI ; P., t. X-XI).
Dans l’exécution de ses traités de sciences naturelles Albert n’a
pas suivi rigoureusement l’ordre qu’il avait annoncé tout d’abord
Phys., l. I, tr. I, c. IV. Il a en outre ajouté, au cours de la composition,
le De ætate, et il a écrit plus tard trois traités destinés à être
intercalés dans l’ensemble de l’œuvre, à savoir : De passionibus
aeris, De natura et origine animæ, de motibus progressivis.
III. METAPHYSIQUE. – Metaphysicorum libri XIII (L., t. III ; P.,
t. VI). De causis et processu universalitatis (L., t. V ; P., t. X). Ce
dernier traité a été composé plus tard comme complément au Xie livre
de la métaphysique.
IV. SCIENCES MORALES. – Ethicorum libri X (L., t. IV ; P., t. VII).
Politicorum libri VIII (L., t. IV ; P., t. VIII).
Le traité qui porte en titre Philosophia seu Isagoge (L., t. XXI ;
P., t. V) est un abrégé de sciences naturelles. Le De unitate intellectus
contra Averroem (L., t. V ; P., t. IX) et les Quindecim problemata contra
Averroistas (édités par nous dans Siger de Brabant, p. 15-36) sont deux
écrits polémiques, le premier de 1256, le second de 1270. Les traités
De apprehensione et apprehensionis modis (L., t. XXI ; P., t. V), Speculum
astronomicum (L., t. V ; P., t. V), Libellus de alchimia (L., t. XXI ;
P., t. XXXVII), Scriptum super arborem Aristotelis (L., t. XXI ; P., t.
XXXVIII) sont apocryphes.
B. SCIENCES SACREES.
I. ECRITURE SAINTE. – Commentarii in Psalmos (L., t. VII ; P., t.
XV-XVII). In Threnos Jeremiæ (L., t. VIII ; P., t. XVIII). In librum Baruch
(L., t. VIII ; P., t. XVIII). In librum Danielis (L., t. VIII ; P., t.
XVIII). In duodecim Prophetas minores (L., t. VIII ; P., t. XIX). In Matthæum
(L., t. IX ; P., t. XX, XXI). In Marcum (L., t. IX ; P., t. XXI). In Lucam
(L., t. X ; P., t. XXII, XXIII). In Joannem (L., t. XI ; P., t. XXIV).
In Apocalypsim (L., t. XI ; P., t. XXXVIII). M. Weiss a édité : Comment.
in Job, 1904.
II. THEOLOGIE. – Commentarii in Dionysium Areopagitam. De cælesti
hierarchia (L., t. XIII ; P., t. XIV). De ecclesiastica hierarchia (L.,
t. XIII ; P., t. XIV). De mystica theologica (L., t. XIII ; P., t. XIV).
In undecim Epistolas Dionysii (L., t. XIII ; P., t. XIV). Commentarium
in quatuor libros Sententiarum (L., t. XIV-XVI ; P., t. XXV-XXX). Summa
theologiæ (L., t. XVII, XVIII ; P., t. XXXI-XXXIII). Summa de creaturis
(L., t. XIX ; P., t. XXXIV-XXXV). Compendium theologicæ veritatis (L.,
t. XIII ; P., t. XXXIV), n’est probablement pas d’Albert, mais de son
école (voir l’article HUGUES DE STRASBOURG). De sacrificio Missæ (L.,
t. XXI). De sacramento Eucharistiæ (L., t. XXXI ; P., t. XXXVIII). Super
evangelium missus est quæstiones CCXXX (L., t. XX ; P., t. XXXVII).
III. PARENETIQUE. – Sermones de tempore (L., t. XII ; P., t. XIII).
Sermones de sanctis (L., t. XII ; P., t. XIII). Sermones XXXII de sacramento
Eucharistiæ (L., t. XII ; P., t. XIII). Voir sur cet ouvrage les observations
faites dans un article spécial qui suit. De muliere forti (L., t. XII
; P., t. XVIII). Orationes super evangelia dominicalia totius anni (L.,
t. XII ; P., t. XIII).
Le Paradisus animæ (L., t. XXI ; P., t. XXXVII) et le Liber de adhærendo
Deo (L., t. XXI ; P., t. XXXVII) ne sont probablement pas d’Albert. Le
De laudibus B. Virginis libri duodecim (L., t. XX ; P., t. XXVI) et la
Biblia Mariana (L., t. XX ; P., t. XXXVII) ne sont pas de lui.
Les écrits d’Albert le Grand qui constituent, à peu de choses près,
son encyclopédie scientifique, c’est-à-dire les écrits sur la logique,
les sciences naturelles, la métaphysique et l’éthique proprement dite,
ont été composés avant 1256. Revue thomiste, t. V, p. 95-104.
Les plus anciens catalogues des ouvrages d’Albert le Grand sont ceux
de Bernard Guidonis (Denifle, Archiv für literatur-und Kirchengeschichte
des Mittelalters, Berlin, 1886, t. II, p. 236), de Henri de Hervordia,
voyez plus haut, loc. cit., p. 202, de la vie anonyme publiée par les
bollandistes, loc. cit., de la chronique anonyme éditée par Martène
et Durand, loc. cit., les catalogues de Louis de Valladolid et de Laurent
Pignon, utilisés par Echard, loc. cit., celui de Pierre de Prusse, dans
la vie d’Albert, loc. cit. Ces catalogues, qui fournissent de nombreuses
et importantes indications, ne sont pas toujours des guides sûrs dans
le détail. – On trouvera dans les ouvrages de bibliographie de Hain,
Brunet, Graesse, Pellechet et autres, l’indication de nombreuses éditions
des écrits divers d’Albert, surtout des plus anciennes et les plus rares.
Sur les éditions et les manuscrits en général, on devra surtout consulter
Echard, Script. ord. Præd., loc. cit., et Melchor Weiss, Primordia novæ
bibliographiæ B. Alberti Magni, Paris, L. Vivès, 1898. Du même, Uber
mariologische Schriften des seligen Albertus, Paris, 1898.
III. INFLUENCE D’ALBERT LE GRAND. – L’action intellectuelle exercée
par Albert sur le moyen âge a été probablement de toutes la plus puissante,
sans en excepter celle de Thomas d’Aquin, qui, étendue à un domaine
moins vaste, a été plus profonde et plus durable. Thomas fut un fleuve,
Albert un torrent. On doit examiner l’influence de ce dernier dans le
domaine des sciences profanes dont l’ensemble portait encore de son temps,
comme chez les Grecs, le nom de philosophie, et aussi son influence dans
la science sacrée, qui prit alors définitivement le nom de théologie.
I. INFLUENCE D’ALBERT SUR LES SCIENCES PROFANES. – L’action littéraire
et intellectuelle d’Albert est liée étroitement au travail d’assimilation
de la science antique qui s’opère spécialement dans l’Europe, au
XIIIe siècle. Albert a été le premier et le plus grand intermédiaire
qui ait porté à la connaissance des lettrés de son temps l’ensemble
de la science grecque, latine et arabe. Doué d’une activité et d’une
faculté d’assimilation surprenantes, membre d’un ordre religieux qui,
en se vouant le premier à l’étude, préparait un milieu spécial à
la culture scientifique, Albert joua un véritable rôle de révélateur
intellectuel, dans une époque où le progrès de l’esprit était entravé
par des difficultés que ne pouvaient surmonter la plupart des hommes d’étude.
L’œuvre encyclopédique d’Albert résolvait en effet les problèmes
les plus urgents qui arrêtaient alors le mouvement général de la pensée.
Sa vaste entreprise permettait d’entrer en contact avec tous les grands
résultats de science antique, ou étrangère, sans aller à des sources
à peine abordables, à cause de leur rareté, sous le régime des manuscrits.
Albert lui-même, malgré des conditions exceptionnellement favorables,
déclare qu’il a dû recueillir les écrits fragmentaires d’Aristote
avec difficulté et un peu partout : quæ diligenter quæsivi per diversas
mundi regiones. Mineral., l. III, tr. I, c. I. C’est ainsi que nous savons
qu’il découvrit au fond de l’Italie, en 1256, le De motibus progressivis
animalium, tr. I, c. I, ad finem. D’autre part les sources elles-mêmes
faisaient double et triple emploi, et elles étaient souvent si difficiles
à utiliser, à raison de l’obscurité des traductions, que des hommes
d’étude comme Robert Grossetête et Roger Bacon renoncèrent à s’en
servir. Enfin, en 1210 et 1215, des condamnations ecclésiastiques avaient
prohibé l’usage des écrits d’Aristote, autres que la logique, dans
l’enseignement des écoles de Paris, c’est-à-dire au centre même
de la vie intellectuelle d’alors. En 1231, Grégoire IX avait songé,
il est vrai, à une correction des livres d’Aristote, mais le projet
n’eut pas de suite. Albert, en incorporant les œuvres du Stagirite dans
les siennes, et en rectifiant ses théories opposées à la foi, résolvait
le problème de l’acceptation d’Aristote dans la société chrétienne.
Ce fut, en somme, l’utilité de premier ordre et l’à-propos de l’entreprise
d’Albert qui firent son extraordinaire succès.
Pour réaliser son dessein, Albert ne songea pas, comme Vincent de
Beauvais, à constituer une simple bibliothèque scientifique avec des
extraits et des abrégés d’une multitude d’écrits peu abordable aux
gens d’étude, il chercha à réaliser une encyclopédie formant un corps
organique et embrassant l’ensemble du savoir humain tel qu’il était
possible de l’exposer en ce temps. Pour cela, il adopta une classification
ou distribution des sciences empruntée, dans ses grandes lignes, à l’antiquité
et répartit le savoir humain en trois sections générales : les sciences
logiques, physiques et morales. La seconde division, qui est la principale,
porte aussi le nom de philosophie réelle et embrasse les sciences physiques
ou naturelles, les mathématiques et la métaphysique. Placé entre les
divisions classiques d’une part et la surabondance des matériaux littéraires
de l’autre, Albert n’arrive pas toujours à mettre un ordre bien formel
entre plusieurs de ses traités. Il cherche d’ordinaire à se maintenir
dans les cadres tracés par Aristote et les anciens péripatéticiens.
Mais en différents points, son œuvre les déborde de beaucoup. Albert
incorpore, en effet, à son encyclopédie, non seulement tout ce qui lui
vient d’Aristote, mais encore ce que lui apprennent ses commentateurs,
ce qu’il sait de Platon, les sources grecques, latines et arabes, auxquelles
il joint ses recherches et ses expériences personnelles, qui, dans certains
domaines, sont très importantes, si bien que son critique passionné,
Roger Bacon, a dû reconnaître l’étendue de ses observations : homo
studiossimus est, et vidit infinita, et habuit expensum ; et ideo multapotuit
colligere in pelago actorum infinito. Opera, édit. Brewer, p. 327. Quant
à sa méthode d’exposition, on l’a appelée avec assez de raison une
paraphrase, et rapprochée de celle d’Avicenne. Cela est exact quand
Albert interprète Aristote, mais en beaucoup d’endroits, il ne travaille
pas sur Aristote. Il s’est d’ailleurs expliqué lui-même clairement
sur son procédé au début même de ses travaux sur les sciences physiques
et naturelles : Erit autem modus noster in hoc opere, Aristotelis ordinem
et sententiam sequi, et dicere ad explanationem ejus et ad probatione ejus
quæcumque necessaria esse videbuntur, ita tamen quod textus ejus nulla
fiat mentio. Et præter hoc disgressiones faciemus, declarantes dubia subeuntia,
et supplentes quæcumque minus dicta in sententia philosophi obscuritatem
quibusdam attulerunt. Distinguemus autem totum hoc opus per titulos capitulorum,
et ubi titulus ostendit simpliciter materiam capituli, sciatur hoc capitulum
esse de serie librorum Arsitotelis. Ubicumque qutem in titulo præsignatur
quod disgressio fit, ibi additum est ex nobis ad suppletionem vel probationem
inductum. Taliter autem procedento libros perficiemus eodem numero et nominibus
quibus fecit libros suos Aristoteles. Et addemus eliam alicubi partes librorum
imperfectorum, et alicubi libros intermissos vel omissos, quos vel Aristoteles
non fecit, et forte si fecit, ad nos non pervenerunt. Physic., l. I, tr.
I, c. I.
La méthode adoptée par Albert avait l’avantage de fournir à ses
contemporains une somme énorme de connaissances positives. C’était
là d’ailleurs le but poursuivi par l’infatigable encyclopédiste.
Les inconvénients de son système se traduisaient par contre dans le développement
excessif de son œuvre, et le manque partiel de précision dans son interprétation
d’Aristote. Mais ces inconvénients étaient presque inhérents aux conditions
qui présidèrent à la création de l’œuvre d’Albert et en commandèrent
le mode d’exécution.
Les doctrines d’Albert représentent pour le fond les théories d’Aristote,
rectifié sur les points où il pouvait se trouver en conflit avec l’enseignement
chrétien. Dans le domaine des sciences naturelles surtout, c’est le
Stagirite qui est son docteur. Toutefois il déclare qu’Aristote n’est
pas pour lui un dieu, mais un homme qui a pu se tromper comme les autres,
et à l’occasion il n’hésite pas à le contredire. Albert a d’ailleurs
soin de répéter à maintes reprises qu’il a pour but d’exposer les
doctrines des péripatéticiens et non de les faire siennes, ce qui trahit
sa préoccupation de respecter la position encore hésitante de l’autorité
ecclésiastique à l’égard d’Aristote. Néanmoins, on doit reconnaître
que c’est par l’action d’Albert que le péripatétisme a surtout
accompli son entrée chez les lettrés chrétiens, et a conquis ses lettres
de naturalisation dans l’Eglise. Albert fait d’ailleurs, dans son exposé
philosophique, une part importante à Platon qu’il connaît par plusieurs
de ses écrits originaux et leurs dérivés alexandrins. On a souvent rapporté
sa parole qui déclare qu’on ne peut devenir philosophe que par Aristote
et Platon à la fois : Scias quod non perfecitur homo in philosophia, nisi
ex scientia duarum philosophiarum Aristotelis et Platonis. Metaph., l.
I, tr. V, c. XV. Cette formule représente assez son point de vue, surtout
dans les questions métaphysiques où, à l’exemple d’autres philosophes
antérieurs, il rectifie et complète Aristote par Platon. Les grandes
lignes de son système ne sont pas toujours très fermes et très nettes,
comme chez Thomas d’Aquin. Néanmoins il a des vues et des analyses quelquefois
très pénétrantes, qui supportent le parallèle avec la manière de son
disciple. Mais on doit le dire, la gloire et l’influence d’Albert consistent
moins dans la construction d’un système de philosophie originale, que
dans la sagacité et l’effort qu’il a déployés pour porter à la
connaissance de la société lettrée du moyen âge le résumé des connaissances
humaines déjà acquises, créer une nouvelle et vigoureuse poussée intellectuelle
dans son siècle, et gagner définitivement à Aristote les meilleurs esprits
du moyen âge.
L’action d’Albert et son succès furent énormes, de son vivant
même et après sa mort. Ulrich Engelbert, un de ses auditeurs, traduit
ainsi l’étonnement où l’œuvre d’Albert jeta ses contemporains,
quand il définit son maître : Vir in omni scientia adeo divinus, ut nostri
temporis stupor et miraculum congrue vocari possit. De summo bono, tr.
III, c. IV.
Le témoignage de ses principaux adversaires que trouva Albert de son
vivant est surtout à retenir, car plus que toute autre donnée, il est
significatif. Siger de Brabant, le chef de l’averroïsme parisien, ne
nomme, pour les combattre, que deux contemporains, Albert et Thomas, qu’il
qualifie ainsi : Præcipui viri in philosophia Albertus et Thomas. De anima
intellectiva, III, p. 94. Roger Bacon, le critique passionné et injuste
d’Albert, nous montre à quel degré d’influence et de renommée l’œuvre
du maître était parvenue quand, en 1266, il écrit ces paroles : " La
foule des gens d’étude, des hommes réputés auprès de beaucoup pour
très savants, et un très grand nombre de personnes judicieuses estiment,
bien qu’elles se trompent en cela, que les latins sont déjà en possession
de la philosophie, qu’elle est complète et écrite dans leur langue.
Elle a été, en effet, composée de mon temps et publiée à Paris. On
cite son auteur comme autorité, car de même que dans les écoles on allègue
Aristote, Avicenne et Averroès, ainsi fait-on avec lui. Et cet homme vit
encore, et il a eu, de son vivant, une autorité qu’aucun homme n’eut
jamais en matière de doctrine. " Opera, édit. Brewer, p. 30.
Cette influence d’Albert se constate en outre dans les écrits du
XIIIe siècle et des siècles suivants, où les productions de tout ordre
ne cessent de lui faire des emprunts. Cette persuasion de l’universalité
scientifique d’Albert alla même à lui faire attribuer un grand nombre
d’ouvrages à la composition desquels il est certainement étranger,
et spécialement les ouvrages d’alchimie, de magie et autres sciences
occultes pour lesquelles Albert n’eut jamais de goût. Le cycle de légendes,
toutes plus merveilleuses les unes que les autres, qui se forma autour
du nom d’Albert, est aussi la conséquence de la réputation sans pareille
qu’il s’était faite chez ses contemporains dans le domaine des sciences
physiques et naturelles.
II. INFLUENCE D’ALBERT SUR LA THEOLOGIE. – L’action d’Albert
dans le domaine de la théologie a été moins éclatante que dans celui
de la philosophie. C’est lui cependant quia inauguré le mouvement dont
saint Thomas d’Aquin est devenu le chef. Albert a le premier utilisé
les nouvelles connaissances philosophiques pour les mettre au service de
la constitution d’un corps de théologie. S’il n’a eu dans ses essais
ni la réserve ni la fermeté de Thomas d’Aquin, manquant de son génie
sobre et synthétique, il n’a pas hésité néanmoins sur le parti que
la science sacrée pouvait tirer de la science profane. Dans cette tentative,
il a substitué les conceptions philosophiques d’Aristote à celles de
Platon qui formaient en différents point la substruction du dogme augustinien,
et a préparé la voie à Thomas d’Aquin, le disciple dont la réputation
a surpassé et effacé la sienne.
Albert n’a pas constitué, à proprement parler, une école théologique
indépendante. Thomas, qui a repris et poussé à un degré bien autrement
supérieur la direction qu’il avait inaugurée, a donné son nom et son
cachet définitif à la nouvelle direction théologique que l’Eglise
catholique a considérée comme s’identifiant le mieux à son enseignement
officiel.
Il se forma à Cologne, dans le cours du XVe siècle, une école albertiste.
Elle était représentée spécialement par le collège Laurentien (bursa
Laurentii), tandis que le collège du Mont suivait saint Thomas. Heymeric
van de Velde (de Campo) écrivit trois traités sur la philosophie d’Albert
le Grand pour l’opposer à celle de saint Thomas. L’ordre des frères
prêcheurs fut étranger à cette tentative qui traduit l’état de décadence
où étaient tombées les sciences philosophiques et théologiques.
A. et Ch. Jourdain, Recherches critiques sur l’âge et l’origine
des traductions latines d’Aristote, Paris, 1843, p. 310-358 ; Fr. Rogeri
Bacon opera quædam hactenus inedita, édit. J. S. Brewer, Londres, 1859,
p. 30 sq., 327 et passim ; P. Mandonnet, Siger de Brabant et l’averroïsme
latin au XIIIe siècle, Fribourg (Suisse), 1899, passim, surtout les deux
premiers chapitres ; O. d’Assailly, Albert le Grand, l’ancien monde
devant le nouveau, Paris, 1870 ; Reinhard de Liechty, Albert le Grand et
saint Thomas d’Aquin, ou la science au moyen âge, Paris, 1880 ; G. von
Hertling, Albertus Magnus, Beiträge zu seiner Würdigung, Cologne, 1881
; J. Bach, Des Albertus Magnus Verhältniss zu der Erkenntnisslehre der
Griechen, Lateiner, Araber und Juden, Vienne, 1881 ; K. Zell, Albertus
Magnus als Erklärer der Aristoteles (Der Katholik, t. LXIX, p. 166-178)
; G. Endriss, Albertus Magnus als Interpret der Aristotelisohen Metaphysik,
Munich, 1886 ; M. Joël, Verhältniss Albert der Grossen zu Moses Maimonides,
Breslau, 1863 ; B. Haneberg, Zur Erkenntnisslehre von Ibn Sina und Albertus
Magnus (Abhandlungen Bayer-Akad. Wissensch., Munich, 1866-68, XI, I, 189-268)
; H. de Blainville, Histoire des sciences de l’organisation et de leurs
progrès, Paris, 1845, t. II, p. 1-95 ; F.-A. Pouchet, Histoire des sciences
naturelles au moyen âge, ou Albert le Grand et son époque considérés
comme point de départ de l’école expérimentale, Paris, 1853 ; L. Choulant,
Albertus Magnus in seiner Bedeutung für die Naturwissenschaften, historisch
und bibliographisch dargestelt (Janus, Zeitschrift für Geschichte und
Literatur der Medicin, 1846, p. 127-160, 687-690) ; Bormans, Mémoire sur
les livres d’histoire naturelle d’Albert le Grand (Bulletin de l’Académie
royale de Belgique, XIX, 1852) ; F. X. Pfeifer, Harmonische Beziehungen
zwischen Scholastik und moderner Naturwissenschaft mit spezieller Rücksicht
auf Albertus Magnus und Thomas von Aquino, Augsbourg, 1881 ; E. Meyer,
Albertus Magnus ein Beitrag zur Geschichte der Botanik im XIII Jahrhundert
(Linnäa, 1836, t. X, p. 641-741 ; 1837, t. XI, p. 545) ; J. Meyer, C.
Jessen, Alberti Magni De vegetabilibus libri septem, Berlin, 1867 ; S.
Fellner, Albertus Magnus als Botaniker, Vienne, 1881 ; Buhle, De fontibus
unde Albertus Magnus libris XXVI animalium materiam hauserit (Commentationes
Societ. regiæ scientiarum Gottingensis, 1773-1774, t. XII, p. 94-115)
; M. Glossner, Das objectiv Princip. De aristot. scholast. Philosophie,
besonders Albrecht des Gr. Lehre vom objectiven Ursprung, verglichen mit
dem subjectiv Princip der neueren Philosophie, Ratisbonne, 1880 ; W. Feiler,
Die Moral des Albertus Mag., Leipzig, 1891 ; A. Schneider, Die psychologie
Alberts des Gr., Munster, 1903.
Sur l’école albertine de Cologne. – Bianco, Die atte Universität
Köln, t. I, Cologne, 1855 ; Paquot, Mémoires pour servir à l’histoire
littéraire des dix-sept provinces, Louvain, 1770, t. I, p. 478 ; Goethals,
Histoire des lettres, des sciences et des arts en Belgique, Bruxelles,
1840, t. I, p. 47.
ALBERT LE GRAND. Les XXXII sermones de Eucharistia qui lui sont attribués.
Nous ne plaçons pas sans une expresse réserve les XXXII sermons sur l’eucharistie
parmi les œuvres authentiques d’Albert le Grand. Les plus anciens catalogues
des œuvres d’Albert, ceux de Bernard Guidonis et de Henri de Herfordia,
ne les mentionnent pas, et les manuscrits les attribuent, quoique à tort,
plus souvent à Thomas d’Aquin qu’à Albert le Grand. Weiss, Primordia
novæ bibliographiæ, p. 27. On les trouve même parmi les œuvres de saint
Bonaventure, Bassano, 1767, t. III, p. 756-951. C’est donc un ouvrage
vague. Pierre de Prusse déclare toutefois dans sa vie d’Albert, édit.
d’Anvers, 1621, p. 181, avoir vu l’original au couvent de Cologne,
écrit partiellement et corrigé de la main de l’auteur. Le Dr G. Jacob,
qui a donné une édition critique de ces sermons (Ratisbonne, 1893), admet
aussi l’authenticité.
Un passage de ces sermons, fréquemment imprimés à la fin du XVe
siècle, a fourni le prétexte aux protestants, depuis la confession de
foi d’Augsbourg (1530), d’accuser les catholiques d’enseigner une
doctrine erronée sur la satisfaction du Christ et les effets de l’eucharistie.
Les théologiens catholiques n’ont cessé d’opposer un démenti formel
à ces accusations sans fondement. L’origine de cette accusation est
dans le passage suivant tiré du premier des sermons attribués à Albert
: Secunda causa institutionis hujus sacramenti est sacrificium altaris,
contra quandam quotidianam delictorum nostrorum rapinam, ut, SICUT CORPUS
DOMINI SEMEL OBLATUM EST IN CRUCE PRO DEBITO ORIGINALI, SIC OFFERATUR JUGITER
PRO NOSTRIS QUOTIDIANIS DELICTIS. Cette formule est inexacte, mais il ne
semble pas que dans la pensée de son auteur elle ait le sens restrictif
qu’elle paraît comporter, puisque dans le même sermon il fait dire
à Jésus-Christ : Pro debitis omnium sufficiens sacrificium in cruce offerebam.
La doctrine d’ailleurs exposée ex professo par Albert dans ses autres
traités sur l’eucharistie et dans ses commentaires sur les Sentences
est correcte : Dico quod justificatio naturæ ad causam meritoriam relata,
quæ est meritoria secundum condignum, refertur ad passionem Christi, quia
meruit nobis solutionem a peccato, ad quam sequitur justificatio… Relata
autem ad causam sacramentalem… Secundum debitum originalis (peccati)
refertur ad baptismum, secundum debitum actualis refertur ad pœnitentiam,
si est post baptismum. IV Sent., l. III, dist. XIX, a. 1, solutio. Quant
à l’eucharistie, elle n’est pas ordonnée contre le péché, mais
bien contre les suites du péché qu’on peut appeler la faiblesse spirituelle
: Si considerentur reliquiæ (peccati) secundum defectum boni, cujus longus
defectus inediam inducit boni naturalis secundum destitutionem sui in seipso,
sicut longus defectus cibi inducit inediam et defectum boni corporis in
seipso, sic contra reliquias peccati ordinatur sacramentum Eucharistiæ
per modum medicinæ. De Eucharistia, dist. VI, tr. I, c. II, 3. Voir N.
Paulus, Une prétendue " doctrine monstrueuse " sur le sacrifice de la
messe, Revue anglo-romaine, Paris, 1896, t. I, p. 252-260.
Article rédigé par P. MANDONNET.