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Bienheureuse Alexandrina Maria Da Costa

1904 - 1955
mystique
Ecrits Autobiographiques




Tome 1 : 1904 -1944
Tome 2 : 1945 - 1955
Traduction
Alphonse Charles Rocha (alexandrina.balasar.free.fr)
Reims 1995-1996

Et nous savons qu’avec ceux qui l’aiment, Dieu collabore en tout pour leur bien, avec ceux qu’il a appelés selon son dessein. Car ceux que d’avance il a discernés, il les a aussi prédestinés à reproduire l’image de son Fils, afin qu’il soit l’aîné d’une multitude de frères ; et ceux qu’il a prédestinés, il les a aussi appelés ; ceux qu’il a appelés, ils les a justifiés; ceux qu’il a justifiés, il les a aussi glorifiés.
— Lettre de St Paul aux Romains : 8 ; 28-30.

PRESENTATION
 Alexandrina Maria da Costa, auteur de ces “Écrits Autobiogra-phiques”, naquit, comme elle l’écrit elle-même “à Balasar, arrondis-sement de Póvoa de Varzim, district de Porto, le 30 mars 1904”; Mercredi Saint.
 Balasar est un petit village situé dans le nord du Portugal, où Dieu s’est plu à se manifester, au cours des deux derniers siècles. Tout d’abord, en 1832, faisant apparaître, devant l’église parois-siale de Balasar, une croix mystérieuse, que la piété des paroissiens a bien vite protégé par une chapelle dédiée à la Sainte Croix.
 Cent ans plus tard, vers 1932, il revint de nouveau “se rappeler au bon souvenir” des gens simples du village, en prenant, parmi eux, une confidente privilégiée en la personne d’Alexandrina Maria. Comme pour y apposer son blanc seing, d’une façon indélébile, il attendit que la jeune villageoise vienne habiter un lieu-dit du même village qui a pour nom Calvário ; entendez Calvaire.
 Il n’y pas lieu ici de retracer toute la biographie de la Vénérable âme-victime, c’est pourquoi, nous utiliserons plutôt la chronologie de sa vie. Elle est bien parlante et très explicite sur les événements qui ont dominé le cheminement de l’apôtre de la Consécration du monde au Cœur Immaculé de Marie.
1904
30 mars — Mercredi Saint — elle naquit à Gresufes, lieu-dit de la paroisse de Balasar, distant d'environ 50 kilomètres de Porto, et faisant partie de l'Archidiocèse de Braga.
2 avril — Samedi Saint — elle fut baptisée.
1911-1912
En janvier 1911, et jusqu’à fin juillet 1912, elle partit avec sa sœur Deolinda à Póvoa de Varzim habiter chez des amis afin de pouvoir fréquenter l'école, car à ce temps-là il n’existait à Balasar qu'une école de garçons.
Ce fut à Póvoa qu'elle fit la première Communion et à Vila do Conde — 3 kilomètres séparent les deux villes — qu’elle reçut, en 1911, la Confirmation, des mains de Monseigneur Antonio Barbosa Leão, évêque de Porto.
En juillet 1912 elles retournèrent toutes deux à la maison. Au mois de novembre elle alla habiter, avec toute la famille et toujours à Balasar, une maison qui se trouve située au lieu-dit du « Calvário ».
1913-1917
Vers l'âge de 9 ans, elle commença à travailler dans les champs et, plus tard elle dut travailler comme journalière pour gagner son pain.
Au travail elle adjoignit la prière.
Elle se vit nommée catéchiste et membre de la chorale: elle avait une belle voix et aimait beaucoup la musique.
Elle tomba d'un chêne. Gravement malade elle commença alors à consulter les médecins, cessant de travailler régulièrement.
À 12 ans sa maladie était si grave que les derniers sacrements lui furent administrés.
1918
Le Samedi Saint, elle sauta par la fenêtre dans le jardin, plutôt que de se laisser violenter par trois hommes qui étaient entrés dans la pièce où, avec sa sœur et une amie elle faisait de la couture.
Le commencement de sa myélite comprimée à l'épine dorsale, la-quelle fut reconnue plus tard par les médecins, date de cette chute. Il en résulta une paralysie progressive la retenant au lit pendant 30 ans.
1922
Elle partit à Póvoa pour une cure marine (plage et bains de soleil), mais son état empira.
Elle dut faire son premier voyage à Porto pour consulter le médecin spécialiste Abel Pacheco, lequel informa le médecin traitant, docteur Garcia, que sa patiente ne guérirait pas.
Pendant cinq mois consécutifs elle ne pût se lever.
1923
En avril elle commença à se lever et recommença à marcher s'ai-dant d'une chaise. Elle restera ainsi levée pendant environ un an, souffrant beaucoup non seulement physiquement mais aussi mora-lement à cause des moqueries de certains sur sa façon de marcher et de s'asseoir.
En cette année elle eut son premier grand chagrin : la mort de sa grand-mère. Malgré tous ses efforts, elle ne put visiter sa chapelle ardente.
1924
27 mars — elle dut retourner à Porto pour une nouvelle visite mé-dicale chez le spécialiste Jorge de Almeida.
14 avril — elle s’alite, pour ne plus jamais se relever, sauf, au mois de juin, où elle participa, au prix d'un grand effort, au Congrès Eucharistique National, à Braga.
1925
14 avril — elle se mit au lit pour ne plus jamais se relever. Sa sœur Deolinda devînt son infirmière et son assistante en tout : elle deviendra même sa secrétaire.
1928-1930
Elle envisage de partir à Fatima, pour demander à la Sainte Vierge, sa guérison, lors du pèlerinage organisé par la paroisse. Son méde-cin s’y oppose formellement, ainsi que le curé de Balasar.
Ne réussissant pas à obtenir la grâce de sa guérison, elle s'offrit comme victime pour le salut des âmes, « sentant toujours davan-tage le désir d'aimer la souffrance et de ne penser qu'à Jésus seul. »
1931-1932
Elle composa son hymne en l'honneur des Tabernacles — rapporté dans son Autobiographie.
Lors de la récitation de cette prière elle expérimenta souvent le phénomène de la lévitation (se soulever à l'encontre du centre de gravitation) sentant dans son cœur de fortes chaleurs, tout particu-lièrement après la Sainte Communion : ce furent là les premiers phénomènes mystiques.
En 1932, elle se sentit inspirée en ce qui concerne sa mission :
« Souffrir, aimer, réparer ».
1933
6 août — le Père Mariano Pinho sj vint à Balasar prêcher un tri-duum. A cette occasion Alexandrina obtint qu'il devienne son di-recteur spirituel.
18 octobre — elle s'inscrivit dans les rangs des “Filles de Marie”.
20 novembre —célébration de la première messe dans sa cham-bre.
Ce même mois de novembre elle commença à souffrir de la perte des biens matériels, suite à une hypothèque sur la maison et sur le terrain. En effet sa mère s'étant portée garante pour une personne et, celle-ci n'ayant pas payé la dette contractée, il fallut honorer la caution.
1934
Elle fit cette année le « vœu le plus parfait ».
6 septembre — après la Communion, elle entendit Jésus l'inviter à participer à sa Passion, mais d'une façon concrète, en se laissant transpercer les mains et les pieds par les clous; la tête, par la cou-ronne d'épines.
Cette invitation lui fût répétée le 7 et le 8 septembre.
Alexandrina accepta l'invitation, mais elle crut qu'il ne s'agissait là que d'une augmentation de ses souffrances physiques; elle ne pen-sa pas un seul instant qu'il s'agissait de choses surnaturelles.
À cette occasion elle se sentit fortement unie à Jésus: “Il me par-lait de jour comme de nuit... Il se confiait à moi...” Alexan-drina était convaincue que « souffrir, aimer, réparer » était une inspiration qui lui venait de Jésus.
Les invitations de Jésus à participer à sa Passion se répétèrent plu-sieurs fois pendant environ quatre ans, au cours desquels Il la pré-para progressivement au grand événement qui arrivera le 3 octo-bre 1938: Alexandrina vécut pour la première fois la Passion dans ses diverses phases.
14 octobre — elle écrivit de son sang, obtenu par la piqûre qu'elle se fit sur la poitrine, à l'aide d'une épingle, un serment d'amour à Jésus.
1935
Jésus continua de lui demander de L'aider dans la Rédemption, par ses souffrances.
Il lui demanda de se détacher du monde.
30 juillet — Jésus, pour la première fois, lui fit part de son désir de voir le monde consacré à Notre-Dame.
1936
7 juin — fête de la Très Sainte Trinité, eut lieu la mort mystique, laquelle extérieurement se présente tout à fait comme une mort naturelle.
1937
Fin avril elle arriva au seuil de la mort : pendant 17 jours elle ne put rien avaler, sauf l'Hostie consacrée.
31 mai — elle reçut la visite du Révérend .Père Antonio Durão, sj, frère du Provincial des Jésuites du Portugal, en sa qualité d'envoyé du Saint-Siège pour la questionner sur la consécration du monde à Notre-Dame.
De juillet à octobre, les assauts du démon s'intensifièrent. Dans son Autobiographie on peut lire :
« Ce fut en juillet 1937 que le “boiteux” (nom qu'elle utilisait pour désigner le démon), non content de tourmenter ma cons-cience et de me souffler des choses affreusement orduriè-res, commença à me mettre en bas du lit, aussi bien la nuit qu'à n'importe qu'elle heure de la journée... »
23 octobre — elle entendit Jésus lui expliquer que ce genre de lutte avec le démon était terminé. Il l'attaquera encore pour la faire horriblement souffrir, de telle façon que les personnes qui la visi-tent ne s'en rendent pas compte.
1938
5 avril — Jésus confirme les épousailles spirituelles avec l’âme d’Alexandrina Maria.
3 octobre — en extase, elle revécut la Passion pour la première fois, dès midi et jusqu'à 15 heures. Le Père Pinho était présent. Dans son livre « No Calvario de Balasar » (Sur le Calvaire de Bala-sar) il écrira : « nous les présents, nous voyions se dérouler devant nos yeux le drame de la Passion de la façon la plus concrète: Jardin des Oliviers, emprisonnement, tribunaux, flagellation, couronne-ment d'épines, chemin du Calvaire, crucifixion, mort. »
Ce jour-là, était le jour de la fête liturgique de sainte Thérèse de l’Enfant Jésus, qu’Alexandrina considérait comme sa sœur spiri-tuelle. Elle la vit à deux reprises, lors de sa montée au Calvaire, au cours de cette première “Passion”.
24 octobre — le Père Pinho, à la suite du phénomène de la Passion vécue par Alexandrina chaque vendredi, « écrivit directement à Pie XII pour demander la consécration du monde à Marie »  .
6 décembre — elle dut affronter un nouveau voyage à Porto pour des radiographies. Elle retourna chez elle le 11 du même mois.
26 décembre — elle reçut la visite du docteur Elísio de Moura, psychiatre fameux, qui la traita cruellement.
1939
5 janvier — elle reçut la première visite du chanoine Vilar, envoyé par le Saint-Siège pour enquêter sur la consécration du monde à la Vierge. Ce fût une « bonne rencontre ». En effet, s'établissant à Rome, le chanoine va s’intéresser à une telle consécration.
20 janvier — Jésus lui prédit la guerre comme châtiment pour les grands péchés.
20 mars — Jésus lui prédit, au sujet du nouveau Pape — Pie XII — que celui-ci fera la consécration du monde au Cœur Immaculé de Marie.
13 juin — Jésus lui prédit la guerre comme châtiment pour les grands péchés.
16 juin — elle demande une fois encore au Saint-Père — et ce sera la dernière — la consécration du Monde à Marie.
28 juin — comme déjà le 20 janvier et le 13 juin, elle entendit Jé-sus lui prédire la guerre comme châtiment pour les grands péchés.
Alexandrina s’offrit comme victime pour la paix.
Toute l'année durant elle fut tourmentée par de violentes fièvres. A certains moments elle crut perdre toutes ses facultés et resta sans pouvoir parler. D'autres fois elle eut des douleurs si violentes qu'elle ne put même pas s'alimenter. Le 8 décembre — fête de l'Immaculée Reine du Portugal dont l'église de Balasar possède une merveilleuse statue — après l'extase de la Passion, elle fut atteinte d'une colique qui dura une heure et demi.
Vers le mois de novembre, une bienfaitrice de Lisbonne, Fernanda dos Santos, offrit la somme dégageant la maison de l'hypothèque. Le terrain ne fut libéré qu'en 1941.
1940
Cette année aussi, à plusieurs reprises, Jésus insista sur la consé-cration du monde à sa Mère bénie.
En tant que victime expiatoire, Alexandrina souffrit elle même les peines des damnés.
4 juillet — elle s'offrit comme victime, avec d'autres âmes-victimes, pour obtenir qu'au moins le Portugal soit épargné de la guerre.
Jésus accepta et s'empressa de répondre : « Cherchez et vous recevrez; demandez avec foi. Le Portugal sera sauvé: c'est Jésus qui te le dit et Il ne trompe pas ».
Et c'est ce qui arriva.
15 septembre — elle écrivit deux lettres: une au Patriarche de Lisbonne, le Cardinal Cerejeira, et l'autre au chef du Gouverne-ment, Salazar, pour leur demander de faire ce qui était en leur pouvoir afin de freiner les débordements de l'immoralité.
Elle se décida à cette démarche parce que le 12 septembre, pen-dant l'extase, elle vit Jésus plus attristé que jamais, par l'état d'immoralité et de manque d'amour de l'humanité.
6 décembre — elle écouta Jésus lui assurer que le Pape serait physiquement épargné par la guerre : « le dragon orgueilleux et enragé qu'est le monde n'osera pas toucher à son corps ».
1941
29 Janvier — le docteur Manuel Augusto Dias de Azevedo, méde-cin au pays voisin : Ribeirão do Minho, vînt pour la première fois auprès d'Alexandrina
Après avoir assisté à plusieurs extases de la Passion, il comprit qu'il ne s'agissait pas là d'un cas relevant uniquement de l'humain, mais aussi du surnaturel. Il décida alors de l'étudier à fond. Il y mit toute sa science et aussi tout son cœur. Devenant son médecin traitant: il devînt ainsi en quelque sorte son Cyrennéen jusqu'à la fin.
1er mai — le docteur Azevedo appela au chevet d'Alexandrina le docteur Abel Pacheco. Étant donné que les deux médecins ne furent pas d'accord, la nécessité de recourir à un éminent spécialiste fut avancée. On fit appel au docteur neurologiste Gomes de Araujo.
Le docteur Azevedo voulut que toute lumière fut faite sur le cas afin de pouvoir défendre Alexandrina de l'accusation que celle-ci ne se-rait qu'une simulatrice. « Une paralysée qui peut se mouvoir toute seule lors des extases de la Passion! ».
15 juillet — elle dut supporter un 4e voyage à Porto.
29 août — le Père José Alves Terças assista à l'extase de la Passion et en rédigea le déroulement dans un article qu'il publia.
À la fin de l'extase, Alexandrina fut désolée de cette décision et eut le pressentiment de tout ce qui se dirait. En effet, la publication de cet article déclencha l'éloignement de son directeur, le Père Pinho, et mit le public au courant de choses si intimes.
1942
3 janvier — à l'approche de l'écartement de son directeur (ce qu'elle présenta plusieurs fois lors des dernières extases) elle en-tendit Jésus lui dire :
« L'heure de Me donner la plus grande preuve d'amour et d'héroïsme est arrivée : marche sans lumière, en complet abandon. Tout sera mort en toi... »
7 janvier — elle reçut la visite d'adieu du Père Pinho.
27 mars — elle revécut pour la dernière fois — de façon visible — la Passion : c'était le vendredi de Notre-Dame des Douleurs.
« Et par la suite, tous les vendredis, encore que sans les mouve-ments, elle continua de revivre la Passion de Jésus, pendant la-quelle elle souffrait bien souvent davantage qu'auparavant » — écrira le Père Pinho dans sa biographie “No Calvário de Balasar”.
3 avril — Vendredi-Saint. Commencement d’une nouvelle mort mystique, avec des caractéristiques différentes de la première : toute spirituelle. « Le Vendredi-Saint j’ai commencé à me sentir morte sur le Calvaire » — fit-elle écrire dans son Journal.
13 avril — À cette date commença le jeûne total accompagné d'une totale anurie, lequel durera jusqu'à sa mort.
Les conditions physiques s’aggravèrent au point que le curé lui ad-ministra les derniers sacrements ; il continue à lui donner chaque jour la sainte Hostie.
Alexandrina dicta ses dernières dispositions au sujet de ses funé-railles et de sa sépulture.
31 octobre — Finalement, à l'occasion du 25e anniversaire des ap-paritions de Fatima — le Pape Pie XII fit, en langue portugaise, la consécration du monde au Cœur Immaculé de Marie, consécration qui sera répétée solennellement à Saint-Pierre de Rome, le 8 dé-cembre de la même année.
Alexandrina reçut de Fatima, à cette occasion, un télégramme du Père Pinho lui annonçant la bonne nouvelle.
« J’ai récité le Magnificat et j’ai allumé un cierge en l'hon-neur de Notre-Dame », peut-on lire dans la lettre envoyée au Père Pinho le 7 novembre.
1943
Du 10 juin au 20 juillet elle resta internée à l’Hôpital de Foz do Douro (près de Porto) pour être examinée et contrôlée au sujet de son jeûne et de son anurie.
Le directeur de l'Institut, docteur Gomes de Araujo, après avoir constaté quarante jours durant sous la plus stricte surveillance, qu'il n'y avait aucune simulation, en la congédiant lui dit : “Je viendrai vous revoir à Balasar, non plus comme médecin ou espion mais comme ami qui vous admire”.
Et à l'automne de cette même année il se rendit à son chevet.
La conséquence de cette reconnaissance officielle du jeûne et de l'anurie fut que beaucoup de personnes, y compris des prêtres, s’intéressèrent au cas et vinrent lui rendre visite. Parmi ceux-ci le Révérend docteur Gigante (lequel fut nommé plus tard Président de la Commission pour le Procès Diocésain de béatification), lequel restera pour toujours son ami.
Vers la fin du mois d’octobre, elle souffrit, en tant que victime, les peines du Purgatoire.
10 octobre — elle entendit de la Bouche même de Jésus la confir-mation de la non participation du Portugal à la guerre.
31 octobre — elle commence à vivre les peines du Purgatoire.
1944
13 mai — elle est mystiquement ensevelie.
3 juin — Jésus lui confie son Cœur.
16 juin — tomba le verdict d'une Commission d'enquête composée de trois théologiens nommés par l'Archevêque de Braga afin d'étu-dier le cas d'Alexandrina: celle-ci ne trouva rien de surnaturel ni de miraculeux et, cela malgré la poursuite du jeûne et de la complète anurie !
21 juin — première rencontre avec son deuxième directeur spiri-tuel, le Père Umberto Pasquale, salésien italien. Celui-ci devînt, ef-fectivement, son deuxième Père spirituel à partir du 8 septembre.
25 juin — l'Archevêque de Braga publia une Circulaire dans la-quelle il invitait à garder le silence sur les présumés (!) faits extra-ordinaires attribués à Alexandrina et interdit les visites à celle-ci même à titre d'observation sur le point de vue religieux.
15 août — elle s'inscrivit parmi les Coopératrices Salésiennes.
Au mois de décembre Jésus, pendant une extase, l'appela “mère des pécheurs” et, avec Notre-Dame, lui mit dans le cœur l'humanité entière, la lui confiant.
8 septembre — Le Père Umberto Maria Pasquale, salésien, devient son Directeur spirituel, en remplacement du Père Mariano Pinho, sj.
24 octobre — elle commence à souffrir la Passion intime de Jésus, laquelle durera jusqu’à sa mort. Ce même jour elle se sent comme étant le Tabernacle de la très Sainte Trinité.
Pendant ce même mois d’octobre, Alexandrina soufre, par inter-mittences, les peines de l’enfer, avec des phases très intenses et poignantes.
4 novembre — le Saint-Esprit agit en elle, d’une façon toute parti-culière.
10 novembre — des flèches d’amour pénètrent son cœur.
16 novembre — elle se reconnaît sensiblement transformé en Christ.
27 novembre — Jésus l’appelle “Bénie de mon Père”.
29 décembre — mariage mystique.
1945
Son état de santé devînt de plus en plus préoccupant, y compris un malaise aux yeux: ceux-ci ne supportent plus la lumière.
Depuis le mois d'août et, ceci pendant environ trois mois, elle perdit quotidiennement du sang.
L'action du démon s'intensifia, ce que Jésus continua de permettre comme forme de réparation : l’une des plus douloureuses.
1946
Au mois de mai, comme nouvelle forme de réparation, elle vécut le tourment des odeurs nauséabondes, signe du péché.
Fin septembre les articulations se déboîtèrent tellement que le 3 octobre, anniversaire de la première crucifixion, le docteur Azevedo la fit mettre sur des planches et banda ses bras les plaçant sur deux reposoirs en forme de “S”, pour les attacher ensuite au chevet du lit.
Au mois de novembre elle dut subir de nouveaux examens médi-caux.
1947
20 juillet — se croyant proche de la mort, elle écrivit de sa propre main, avec beaucoup d'efforts, une lettre-testament adressée à tous les pécheurs.
Depuis cette année et jusqu'à sa mort elle ressentit même en de-hors des extases de la Passion, de jour comme de nuit, les douleurs de ses stigmates — lesquels, à sa demande, restèrent toujours invi-sibles.
1948
14 juillet — elle écrivit, toujours de sa propre main, le deuxième testament spirituel adressé aux pécheurs, choisi par la suite comme épitaphe pour sa tombe.
23 septembre — elle reçut la dernière visite de son deuxième di-recteur, obligé de retourner en Italie. Toutefois, elle lui envoya toujours son Journal, écrit par obéissance, jusqu'à la mort.
En décembre vînt la visiter le secrétaire de l'Archevêque de Braga, le docteur Sebastião Cruz, professeur de l’Université de Coimbra. Il en fût très favorablement impressionné : la réconforta et revînt di-verses autres fois la visiter.
1949
Son état physique continua d'empirer : elle fut souvent atteinte de fortes fièvres accompagnées de douleurs aiguës.
Son état spirituel, s'intensifia de plus en plus. Elle reçut de Jésus la confidence comme quoi sa mission était pour les âmes et qu'au ciel elle la continuerait.
1er octobre — la Vierge du Rosaire lui apparut. Elle lui apporta le Rosaire avec lequel elle doit attacher le monde.
Pendant les années qui suivront, des apparitions analogues se ré-péteront.
1950-1952
10 mars 1950 — Alexandrina a la vision de l’enfer : « J'ai vu l'enfer ouvert, d'où sortaient d'épouvantables flammes. J'ai entendu des rougissements et des cris impossibles à dé-crire. »
14 avril 1950 — elle fêta ses noces d'argent de grabataire: une messe fût célébrée dans sa chambre.
La souffrance acceptée avec amour, demandée avec la plus humble et amoureuse ferveur, l'élevèrent à une telle hauteur d'imitation du Christ qu'un jour elle reçut de Jésus cette confidence :
« Tu as la vie, tu as l'amour: tu vis comme Jésus et aimes comme Jésus: tu vis Ma vie, tu aimes avec Mon amour. »
Les gens qui venaient la visiter affluaient de plus en plus et, à leur encontre, l'Archevêque de Braga publia, en septembre 1952 une interdiction de ces visites.
Mais fin novembre de cette même année 1952 cette note fut an-nulée, sous l'insistance des prêtres.
Le nombre de visiteurs augmenta de nouveau: sa mission d'évan-gélisation était en plein essor: porter les âmes à Jésus.
Dans le même temps, en tant que victime dont la mission est avant tout la réparation, elle endura encore une autre souffrance, parmi les plus graves et douloureuses : elle sentit l'inutilité de toute sa vie, de toute son œuvre, de l'offrande de toute sa souffrance.
1953
Cette année fut une année exceptionnelle en ce qui concerne l'évi-dence surprenante de l'action divine sur Alexandrina: ce n'est que d'en-Haut, en effet, que pouvait lui venir une telle condition physi-que, une telle force pour supporter le poids de tant de fatigues ac-cumulées à la suite des milliers de visites qu'elle reçut en cette pé-riode. Ils passaient devant son lit par groupes. Le 25 mars plusieurs centaines, le 9 mai environ deux mille, le 5 juin cinq mille, le 6 juin six mille, le 29 juin environ quinze mille. Elle leur parla des choses du Ciel, les stimula au repentir, des heures durant. Le 9 mai pen-dant 9 heures et demi avec un arrêt de 45 minutes; le 6 juin pen-dant 12 heures avec un arrêt de 45 minutes également.
Pendant l'extase du 15 mai elle entendit Jésus lui dire :
« ...Tu vis la vie publique de Jésus. Courage, courage, épouse très chère ! ».
Et voici donc de quelle façon Alexandrina supporta cette marée, marée qui lui causait non seulement beaucoup de fatigue mais aus-si beaucoup de répugnance parce qu'elle se sentait indigne d'être l'objet de tant de visites et craignait d'être prise pour meilleure qu'elle n'était en réalité. Dans son Journal on peut lire :
« Le fait même de recevoir tant de milliers de baisers des personnes qui s'approchent de moi, je décidai de l'offrir à Jésus, comme si ceux-ci étaient déposés sur son Front, Lui demandant de bien vouloir les accepter comme autant d'actes d'amour pour les Tabernacles, pour l'honneur et la gloire de la Très Sainte Trinité et de la Maman, et de tout reverser sur les visiteurs ».
Dans cette période de sa vie beaucoup de personnes étaient admi-ses dans sa chambre, parmi lesquelles des prêtres, y compris pen-dant l'extase du vendredi; cela donnait un caractère public aux ex-tases. Cela causait une souffrance supplémentaire à Alexandrina Maria : « Les humiliations me couvraient les yeux: le fait de me sentir entourée de monde, me procurait, pour ainsi dire, la mort », dit-elle dans son Journal du 6 novembre.
À la suite de ces extases, quand Alexandrina finissait de revivre la Passion, elle sentait en elle Jésus ressuscité qui, à travers ses lèvres s'adressait à l'humanité, aux pécheurs, d'une façon attristée et so-lennelle. Alexandrina parlait longtemps avec chaleur, fréquemment elle chantait les beautés et les exhortations de Jésus. Elle chantait des hymnes de louange, d'action de grâces, de repentir, de suppli-que. D'autres fois elle chantait en colloque avec Jésus qui lui de-mandait son amour et elle Lui en offrait.
Certaines de ces extases sont enregistrées.
Lors de ces extases publiques on comprenais d'une façon très claire la volonté de Jésus à démontrer l'intervention du surnaturel: en dehors de ces moments-là, Alexandrina faisait un très grand sacri-fice pour parler : « à chaque mouvement des lèvres on dirait qu'un jet de sang s'échappe de mon cœur pour arriver à mes lèvres », dit-elle dans son journal du 30 janvier. D'autres ex-pressions analogues se trouvent à différentes autres pages de ses écrits.
25 décembre — elle eut sa dernière extase publique :
« Je suis descendu du ciel et me voici pour la dernière fois dans le cœur de mon épouse pour parler à travers ses lè-vres ».
Cette extase se termina par un chant d'adieu et d'au-revoir au Ciel.
1954
Son état physique continua d'empirer. Elle devint presque aveugle : « le corps ressemble à l'âme: il n'a pas de vie, pas de lu-mière », peut-on lire encore dans son Journal du 24 décembre.
Au mois d'avril de cette même année ce fut le 12e anniversaire du commencement de son jeûne. Elle entendit de Jésus ces paroles :
« Ma fille, Je t'ai placée dans le monde et Je fais en sorte que tu vives uniquement de Moi pour prouver au monde ce que peut l'Eucharistie, ce qu'est Ma vie dans les âmes: lu-mière et salut pour l’humanité » — elle ne vivait que de la Communion quotidienne
Le jeûne la faisait souffrir: la nostalgie de l'aliment solide. Mais Alexandrina souffrait bien davantage d'un autre genre de faim: la faim que le monde avait de ses souffrances de victime pour se sau-ver et la faim d'âmes dont souffrait Jésus.
Jésus lui ayant souvent dit que sa souffrance sauvait les âmes, les alimentaient et en même temps leurs donnaient vie, Alexandrina avait donc l'impression d'être avidement dévorée par les pécheurs.
C'est très impressionnant et en même temps très claire ce qui se lit dans une lettre écrite au Père Pinho le 12 décembre :
« Nouveau martyre pour mon âme. Elle est comme une tige effeuillée; à ses fibres sanguinolentes ils viennent sucer tout mon être, tout mon sang et s'accrochent à ces fibres: il s'agit pourtant d'un être qui a la taille du monde, mais ils arrivent en bandes, ils sont très nombreux. Mais ce quel-qu'un qui représente le monde et les autres qui se présen-tent en bandes ont des mains avec des griffes, des yeux ha-gards, des cheveux en désordre, ce sont des affamés, insa-tiables, ce sont de vrais squelettes.
Je n'ai plus de sang, je n'ai plus rien à leur donner. L'âme se fatigue et meurt de faiblesse.
Mais celle-ci aussi a une faim infinie, ce qui vient augmen-ter le tourment de mon corps. Cette faim de l'âme est cau-sée par la nostalgie de l'alimentation: j'ai la nostalgie de tous les aliments, de tous; et même quand je me sens ras-sasiée, je sens un vide que seul le monde pourrait remplir...
Jésus, lors d'une extase me dit que ce que je ressens dans mon âme c'est le monde, ce sont les âmes qui voient déjà les peines de l'enfer, qui s’agrippent aux fibres de mon âme afin de sucer tout mon sang pour éviter de se perdre. Et quelle faim infinie est la Sienne » (faim d'âmes).
1er octobre — premier vendredi du mois, après la Passion, Jésus lui apparut. De ses plaies sortaient des rayons de lumière, lesquels allaient frapper les plaies de ses pieds, des ses mains et de son cœur. Elle entends Jésus lui dire :
« Comme Je l'ai demandé à Marguerite-Marie [Alacoque], Je veux que toi, à ton tour, tu fasses se développer dans le monde cet amour éteint dans le cœur des hommes... Fais, ô mon épouse, fais que se propage dans le monde entier cet amour de nos Cœurs ». (de Jésus et Marie).
Pendant cette dernière période de sa vie, elle expia de façon parti-culièrement douloureuse les péchés contre la foi et contre l'espé-rance, bien qu'elle fût tourmentée par les doutes sur la foi jusqu'en 1939.
1955
7 janvier — Jésus lui fit comprendre qu'elle mourrait en cette an-née.
28 janvier — Jésus lui dit : « Tu es inscrite au nombre de mes saints. »
4 février — le Père éternel lui dit : « Tu es notre fille bien-aimée, sur laquelle étaient posés nos regards. »
6 mai — La Vierge Immaculée lui dit : « Bientôt, je vais venir te chercher ! »
Le secrétaire de l'Archevêque de Braga, le Père Sebastião Cruz qui la compris fort bien, la visita souvent en cette période, pour la ré-conforter.
La lutte pour la foi continua toujours intensément.
Dans son dernier Journal, le 2 septembre l'on peut lire :
« Dans une angoisse lancinante je répétais mes actes de foi : “Je crois, Jésus, je crois que c'est pour moi que vous êtes né, que c'est pour moi votre Jardin des Oliviers, votre Calvaire. Je crois, je crois, Jésus, je crois !”
Mon abîme était noir et si profond que seul Dieu pouvait y pénétrer: c'est que fit Jésus. Il est descendu jusqu'à mes profondeurs, ramena à la superficie mon pauvre être et l'illumina avec quelques rayons de Sa lumière.
“Viens ici, Ma fille, lumière et flambeau du monde ! Toi qui es ténèbre inégalable, tu es lumière qui brille, phare que tout illumine: la ténèbre est pour toi, la lumière, elle est pour les âmes.
Viens ici, lumière dont Je suis la source, phare dont Je suis le phare”. »
13 octobre — très doucement, le sourire aux lèvres, Alexandrina Maria remit son âme entre les mains de l’Époux tant aimé.
Elle avait demandé à Jésus, de mourir, si possible un jeudi, jour de l’Eucharistie ; mais elle aurait aimé mourir, pareillement en un jour consacré à la Sainte Vierge. Le Seigneur a comblé ses deux sou-haits. En effet, le 13 octobre 1955 était un jeudi et, en même temps, l’anniversaire de la dernière apparition de la Sainte Vierge à Fatima.
 

CHRONOLOGIE DU “PROCES DE BEATIFICATION”

1965
Le Père Umberto Pasquale, salésien, deuxième directeur spirituel d’Alexandrina, invité par l’archevêque de Braga, met en branle le procès diocésain, sur les vertus et la réputation de sainteté d’Alexandrina.
1966
Tous les écrits d’Alexandrina sont recueillis, envoyés par un grand nombre de destinataires.
1967
Ouverture du procès diocésain sur tous les écrits. Les témoins, au nombre de 48, commencent à être interrogés.
1973
En présence du Postulateur Salésien, on procède à la clôture du procès diocésain. — Le 21 mai, la Sacrée Congrégation pour la cause des Saints, procède à l’ouverture des deux caisses contenant tous les documents recueillis.
1974
26 mars, le premier théologien, chargé par le Saint-Siège, donne un avis favorable sur les écrits de la Servante de Dieu.
1976
30 novembre, avis favorable donné par le deuxième théologien.
1977
La Sacrée Congrégation pour la Doctrine de la Foi donne son “Nihil obstat” pour la suite de la cause.
1978
18 juillet, les restes mortels d’Alexandrina sont transférés du ci-metière et déposés dans une chapelle aménagée à cet effet, dans l’église paroissiale de Balasar.
La Sacrée Congrégation pour la cause des Saints, par un décret, approuve les écrits de la Servante de Dieu.
Au mois de septembre, la Postulation publie le “Summarium”, où sont consignés tous les récits des témoignages recueillis lors du procès diocésain.
1979
Des “Lettres Postulatoires” sont demandées aux Cardinaux et Évê-ques, à la Conférence Épiscopale du Portugal et à d’éminentes per-sonnalités de l’Église pour demander au Saint-Père la béatification Alexandrina Maria da Costa.
1983
31 janvier signature du décret d’introduction de la cause de béati-fication auprès de la Sacrée Congrégation pour la cause des Saints.
1991
8 janvier, présentation officiellement, à la Sacrée Congrégation pour la cause des Saints, par le Rapporteur, d’un gros volume ap-pelé “Positio super virtutibus”. Dans celui-ci, sont recueillis tous les documents afin que puisse être déclarée l’héroïcité des vertus de la Servante de Dieu.
1996
12 janvier, l’héroïcité de ses vertus est reconnue, d’où le titre de “Vénérable” accordé à Alexandrina Maria.
2004
25 avril, béatification à Saint-Pierre de Rome par le Pape Jean-Paul II.

Tome 1

AUTOBIOGRAPHIE
PREMIERES ANNEES

Premiers souvenirs
Après quelques moments de prière, implorant le secours du ciel et la lumière de l’Esprit Saint, afin de pouvoir faire ce que mon direc-teur spirituel m’a ordonné, je commence à écrire ma vie, telle que Notre Seigneur me la rappellera, bien que cela soit pour moi bien pénible.
Je m’appelle Alexandrina Maria da Costa. Je suis née à Balasar — arrondissement de Póvoa de Varzim, district de Porto — le 30 mars   1904.
J’ai été baptisée le samedi suivant,  2 avril. Mon oncle Joaquim da Costa et une dame prénommée Alexandrina, de Gondifelos,  ont été mes parrain et marraine.
Je trouve en moi, depuis ma plus tendre enfance, tant de défauts, tant et tant de méchancetés qui, comme celles d’aujourd’hui, me font trembler. J’aurais bien aimé que, depuis le début, ma vie ait été pleine de beauté et d’amour envers Notre Seigneur.
Avant l’âge de trois ans, je ne me souviens de rien, si ce n’est que quelques bribes racontées par les miens. À l’âge de trois ans, j’ai eu la première “caresse”  de Jésus.
Je devais rester tranquille auprès de ma mère qui se reposait, mais, bouillonnante comme j’étais, je ne voulais pas dormir, alors je me suis levée. Ensuite je me suis penchée vers un flacon de produit pour les cheveux, comme on utilisait alors: je voulais imiter les grands. À ce moment-là, ma mère s’est réveillée et m’ayant appe-lée angoissée, j’ai pris peur. Le flacon m’est tombé des mains et s’est fracassé par terre en mil morceaux; et moi, je suis tombée par-dessus, me blessant gravement au visage.  Immédiatement transportée chez le médecin, celui-ci a déclaré ne rien pouvoir faire pour moi. Ma mère m’a conduite alors à Viatodos,  chez un pharma-cien fameux qui m’a posé trois points de suture. J’ai beaucoup souffert: si seulement j’avais su à ce moment-là profiter de la dou-leur ! Mais non ! Au contraire, j’ai même été méchante envers le pharmacien, refusant les biscuits trempés dans le vin qu’il m’offrait pour me calmer. Voila mon premier acte de méchanceté.
Vers quatre ans, j’aimais m’attarder à contempler la voûte du ciel. Plus d’une fois j’ai demandé aux miens s’il n’était pas possible, en empilant les maisons et les auberges, les unes sur les autres d’arriver au ciel. À leur réponse négative, j’éprouvais une grande tristesse et une grande nostalgie. Je ne sais pas ce qui m’attirait là-haut.
À cette même époque, l’une de mes tantes qui est décédée par suite d’un cancer, habitait avec nous. Déjà malade, elle me deman-dait de surveiller son enfant, premier fruit de son mariage. Volon-tiers, je lui rendais ce service, de jour comme de nuit.
De la même façon, j’aimais me joindre à sa prière pour obtenir de Dieu sa guérison.
Espiègle
Lorsque, âgée de cinq ans, j’ai commencé à fréquenter le caté-chisme, un grand défaut est apparu : mon entêtement. Un jour je suis allée au catéchisme et le coadjuteur de monsieur l’Abbé, le Père António Matias m’a assigné une place parmi les enfants de mon âge, mais moi, je voulais aller parmi les plus grands, avec les-quels j’avais l’habitude de jouer. Malgré l’insistance et les promes-ses du Révérend, je n’ai pas cédé. Quelques jours plus tard, le Père finit par me convaincre et est devenu mon ami ; il m’abritait même de la pluie, de chez moi à l’église et de l’église à chez moi. Mais ce qui est certain c’est que j’était très têtue. .
À l’église, je restais volontiers à regarder les statues. Elles m’attiraient; tout particulièrement celles de Notre-Dame du Rosaire et de saint Joseph. Leur habillement somptueux éveillait en moi le désir d’être élégante comme eux, pour paraître bien. N’était-ce pas là une preuve de ma vanité ? Je voulais avoir, moi aussi, d’aussi beaux habits, pour paraître belle.
En même temps que ces défauts, j’exprimais, vers ce même âge, mon amour envers la Maman du ciel : je chantais avec enthou-siasme ses louanges et j’apportais des fleurs aux dames qui avaient la charge de fleurir son autel.
J’étais tellement vive, qu’on m’appelait « Marie-garçon ». Je domi-nais non seulement les filles de mon âge, mais aussi les plus âgées.
Je grimpais aux arbres et je marchais de préférence sur les murs que sur la route  .
J’aimais bien travailler : je faisais le ménage, je ramassais le bois et je faisais d’autres travaux domestiques ; j’aimais bien que le travail soit bien fait et j’aimais aussi être habillée proprement.
Un jour, alors que j’étais dans un pâturage, avec ma sœur Deolinda   et une cousine, un âne s’est sauvé dans un champ cultivé. J’ai couru le chercher, mais, avec un coup de tête, il m’a jetée par terre, et avec sa pâte il a commencé à me gratter la poitrine, comme s’il voulait jouer. Il a répété son jeu plusieurs fois, mais ne m’a fait aucun mal. Mes compagnes se sont mises à crier : très vite plusieurs personnes sont accourues et sont restées étonnées de me voir saine et sauve.
Quand je rencontrais certaines de mes cousines qui habitaient loin de là, je chantais avec elles, sur les chemins, l’Avé Maria. J’aimais aussi chanter des chants populaires et, je me souviens encore du premier que j’ai chanté et qui disait ceci :
O Marie, donne-moi du feu
Car je le vois d’ici briller
Laisse échapper ton amour
Je l’ai vu en toi rentrer.
Une autre fois, avec ma sœur Deolinda, nous sommes allées rendre visite à ma marraine. Pour arriver plus vite, nous avons décidé de traverser la rivière Este, en sautant sur les pierres qu’y avaient été mises à cet effet. Mais la force du courent était telle, que les pierres ont roulé sous nos pieds. Tombées à l’eau, nous ne nous sommes sauvées que par miracle.
J’aimais beaucoup visiter ma marraine, parce que, à chaque fois, elle me donnait de l’argent. Peu après elle est décédée et ce fut là mon premier chagrin. Je la regrettais, mais je regrettais aussi le gâteau de Pâque et les habits qu’elle m’avait promis pour mes sept ans. Ma grand-mère la suppléa et chaque année m’offrait un gâ-teau à Paque.
Agée de six ans, il m’arrivait de rester, la nuit, de longs moments, à voir tomber sur moi des milliers de pétales des fleurs multicolores : ont dirait une pluie fine. Ceci se répéta plusieurs fois. Je voyais tomber ces pétales, mais je ne comprenais pas ; peut-être étai-ce Jésus qui m’invitait à contempler ses grandeurs.
Première communion
En janvier 1911, avec ma sœur, nous avons été envoyées à Póvoa de Varzim,  afin de pouvoir fréquenter l’école  . La pensée de ce que cela m’a coûté de quitter ma famille me répugne. Pendant long-temps, j’ai beaucoup pleuré. Pour me distraire, on me comblait de caresses et on cédait à tous mes caprices. Après un certain temps, je me suis résignée. J’ai, toutefois, continué à être gamine : je m’agrippais derrière les tramways, pour de longs parcours; je tra-versais la route au moment où ceux-ci démarraient : les conduc-teurs ont été obligés de se plaindre à ma nourrice. Souvent je m’enfuyais de la maison pour aller sur la plage ramasser les algues: je pénétrais dans l’eau comme les pêcheurs. Ce qui affligeait le plus ma nourrice, c’était que je m’absentais en cachette.
À Póvoa de Varzim j’ai fait ma première communion. Le Père Alvaro Matos m’a examinée sur le catéchisme, m’a confessée et m’a donné la Communion pour la première fois. J’avais alors 7 ans. Comme prix j’ai reçu un beau chapelet et une image pieuse. J’ai communié à genoux et, malgré ma petite taille, j’ai pu fixer la sainte Hostie, de telle manière qu’elle s’est imprimée en mon âme. J’ai cru alors m’unir à Jésus pour ne plus être séparée de Lui. Il a pris possession de mon cœur, ce me semble. La joie que je ressentais était inex-primable. À tous j’annonçais la bonne nouvelle. Ma maîtresse, dé-sormais, me menait chaque jour à la communion.
Ce fut à Vila do Conde,  que j’ai reçu, des mains de Son Excellence l’Évêque de Porto,  le sacrement de Confirmation. Je me souviens, très bien, de cette cérémonie et de la joie qu’elle m’a procurée. Au moment où je recevais ce sacrement, je ne sais pas bien expliquer ce que j’ai ressenti: on dirait une grâce surnaturelle qui me trans-formait et qui m’unissait plus profondément à Notre-Seigneur. Je voudrais bien expliquer tout cela, mais je ne le sais pas.
Quelques souvenirs de Póvoa
Au four et à mesure que je grandissais, le désir de prier augmentait en moi. Je voulais tout apprendre. Encore aujourd’hui je garde le livret de prières et de dévotions de mon enfance: prières à la Sainte Vierge, offrande quotidienne au Seigneur de mes actes jour-naliers, prière à l’Ange gardien, à saint Joseph, et plusieurs prières jaculatoires.
Quand je sortais en promenade avec ma nourrice et avec d’autres enfants, je m’éloignais pour cueillir des fleurs que j’allais ensuite déposer dans la chapelle de Notre-Dame des Douleurs.
Au mois de mai, je me réjouissais à contempler les autels de la Vierge, ornés de fleurs et heureuse aussi, quand ma mère m’y conduisait dans ce but.
Le chapelain de l’église de Notre-Dame des Douleurs organisait des comités d’enfants pour le culte envers Marie. Dans le village, des voisines s’occupaient de recueillir des denrées alimentaires  . Je me souviens qu’un jour, à Aguçadoura, on nous a donné très peu. Nous avons eu alors la malheureuse idée d’entrer dans un champ de pommes de terre: nous y avons cueilli presque deux kilos.
J’aimais beaucoup ma nourrice. Quand je recevais quelque présent, je lui en rendais toujours compte, pour lui faire plaisir: je le faisais de tout cœur, malgré que je sois bien méchante.
Un jour, ma sœur lui a demandé d’aller faire ses devoirs chez une copine et moi, je me suis entêtée à la suivre. La dame s'y opposant formellement, j’ai pleuré de dépit et je l’ai gratifiée d’un sobriquet. Elle ne m’a pas punie, mais elle m’a prévenue que je ne pourrais pas aller me confesser sans lui avoir, auparavant, demandé pardon. Ma sœur aussi m’a dit la même chose. Lui demander pardon, me coûtait beaucoup, mais le désir de me confesser et de faire la Communion était si grand, qu’il a pris le dessus sur mon orgueil. Je me suis agenouillée devant elle et elle m’a pardonné, les larmes aux yeux. J’ai éprouvé une très grande joie du fait de pouvoir aller me confesser et de recevoir Jésus.
Pour cette même période, je me souviens aussi du respect que j’avais vis à vis des prêtres. Quand, étant assise sur le pas de la porte, seule ou accompagnée, je voyais passer l’un d’eux, je me le-vais pour lui demander sa bénédiction. Ayant remarqué que certai-nes personnes s’en étonnaient, ce qui me réjouissait, je m’asseyais exprès, afin de pouvoir me relever aussitôt qu’un ministre du Sei-gneur passait par là, lui montrant ainsi ma vénération envers eux.
Retour au village natal
Après 18 mois, ma sœur ayant obtenu son diplôme, nous avons quitté Póvoa. Ma mère voulait que je continue ma scolarité, mais je n’ai pas voulu rester toute seule. Je n’avais pas appris grand chose.
Nous sommes retournées, pour quatre mois encore, habiter Gresu-fes,  où je suis née. Ensuite, nous sommes venues habiter plus près de l’église, dans une maison appartenant à ma mère, au lieu-dit “Calvário”
Vers les neuf ans, quand je me levais de bonne heure pour les tra-vaux des champs et que je pouvais être seule, je m’extasiais à contempler la nature: l’aurore, le lever du soleil, le chant des oi-seaux, le gargouillement de l’eau me pénétraient et me transpor-taient à une si profonde contemplation qu’un peu plus j’oubliais que je vivais dans le monde. Je restais là, absorbée par cette pensée: combien grand est le pouvoir de Dieu !
Lorsque je me trouvais au bord de la mer, je m’extasiais devant cette grandeur infinie.
La nuit, en contemplant le ciel et les étoiles, je me perdais dans l’admiration des beautés du Créateur.
Combien de fois, dans mon petit jardin, j’admirais le ciel, j'écoutais le murmure de l’eau et je pénétrais chaque fois davantage dans l’abîme des grandeurs divines !
Quel dommage que je n’ai pas su profiter de ces moments-là pour m’adonner à la méditation.
Malgré mon espièglerie, j’avais une très grande peur de perdre mon innocence et de m’attirer la désapprobation de Dieu. Je me sou-viens d’avoir dit deux paroles que j’ai considérées comme étant un péché: j’en ai eu honte et, il m’a été très pénible de les confesser.
Je n’aimais pas les conversations malicieuses. Même si je n’en com-prenais pas le sens, je menaçais de ne plus accompagner ceux qui ne seraient pas corrects. De la même façon, je m’indignais quand je voyais quelque geste déplacé.
« En enfer, moi je n’irai pas !... »
À l’âge de neuf ans, j’ai fait ma première confession générale à frère Manuel das Santas Chagas qui prêchait à Gondifelos. Moi, Deolinda et ma cousine Olívia, ayant pris quelques victuailles, nous y sommes allées, et nous y sommes restées toute l’après-midi pour écouter le sermon. Je me souviens que nous ne sommes même pas sorties de l’église pour aller jouer. Nous avons pris place tout près de l'autel du Sacré-Cœur de Jésus, j'ai placé mes sabots à l'inté-rieur de la balustrade.
Le sermon avait pour sujet l’enfer.
J'ai écouté avec beaucoup d'attention le prédicateur qui, à un cer-tain moment, nous invita à nous transporter, par la pensée, en ce lieu. Incapable de comprendre le vrai sens de cette invitation et, persuadée que le Père était un saint, je suis restée convaincue, que d'un moment à l'autre, il nous y amènerait. Placée en face de cette conjecture, je me suis révoltée et me dis à moi-même: “en enfer, moi je n'irai pas ! Si le Père et tous les autres veulent y aller, moi, je prends mes jambes à mon coup et je m'échappe promptement”.
Et, sans plus attendre, j'ai ramassé mes sabots afin d'être prête à fuir à la première alerte. Quand j'ai remarqué que personne ne bougeait, alors je me suis un peu calmée... Mais, mes sabots, je ne les ait plus quitté des yeux...
« J’adorais faire des farces !... »
J’aimais beaucoup ma sœur, mais quand je me fâchais avec elle, je lui jetais tout ce qui se trouvait à portée de main. Je me souviens de l’avoir fait deux fois et je me suis senti un devoir de le confes-ser.
J’adorais lui faire des farces. Quelques fois, me levant avant elle, je mettais des pièges sur le pas de la porte, pour la faire tomber, comme pour lui dire qu’elle était paresseuse.
Je lui ai même fait de farces de mauvais goût. Un jour, ayant sou-levé le couvercle d’un bahut, je l’ai laissé tombé, avec un grand fra-cas et, ensuite, je me suis mise à crier, comme si je m’étais coincée les mains. Deolinda est venue aussitôt, effrayée et angoissée... Moi, je rigolais de bon cœur.
Dans le cocon familial, j’étais le boute-en-train. Ma mère avait l’habitude de dire, à ce sujet: “Les riches ont leurs bouffons; je ne suis pas riche, mais j’en ai un aussi”.
À l’âge de douze ans, Deolinda a commencé son cours de coutu-rière. La première pièce confectionnée, a été une chemise pour moi ; mais, par sa taille, ont dirait plutôt une chemise de garçon. Moi, malgré mes neuf ans, je me suis moquée d’elle. J’ai enfilé la che-mise sur mes habits et je me suis rendue à la maison. Ma sœur, riant à tout rompre, me suppliait :
— “Enlève cette chemise ! T’as pas honte de te donner en spectacle de cette manière ?”
Je n’en ai pas tenu compte et... riant, moi aussi, j’ai parcouru les quelques cinq cents mètres qui me séparaient de la maison.
Par un bel après-midi, je suis partie me promener, avec mes cousi-nes, sur une petite colline non loin de chez moi, où se trouvaient quelques ânes qui broutaient tranquillement. Ne sachant même pas monter à cheval, je me suis hasardée à sauter sur la croupe de l’un d’eux. Quelques instants après, je suis tombée sur un gros tas de ronces, mais heureusement ne m’étant pas blessée, nous avons toutes bien rigolé.
À l’âge de 16 ans, déjà malade, je suis allée à la maison où ma sœur faisait la couture. Ayant trouvé, suspendu, un habit d’homme, je l’ai enfilé et, dans cet accoutrement, je me suis présentée devant ma sœur et sa patronne. Elles ont rigolé de bon cœur. La patronne me suggéra de sortir dans le chemin — ou ses enfants et son mari se trouvaient, pour tailler la vigne — habillée de la sorte. Doutant qu’ils puissent me reconnaître, j’ai obéi. En passant tout près d’eux, je les ai salués, en leur tirant mon chapeau. Pendant quelques ins-tants, ils ont arrêté leur travail et m’ont observée un moment, se demandant: — “Mais qui est donc ce jeune homme ?” — Ma sœur et sa patronne, de la fenêtre, suivaient la scène, en riant aux éclats.
En me souvenant maintenant de ces pitreries, je regrette de les avoir commises. Il aurait mieux valut aimer davantage le bon Dieu.
Charité envers les nécessiteux
Quand j’apprenais que quelqu’un n’avais pas de quoi se couvrir suffisamment, je demandais à ma mère de m’en fournir le néces-saire à cet effet.
Souvent j’allais tenir compagnie à ceux qui souffraient.
J’ai assisté à la mort de certains, priant comme je le savais.
J’aidais à habiller les défunts, même si cela me coûtait beaucoup ; je le faisais par charité. Je n’avais pas le courage de laisser les pa-rents du défunt tout seuls. Je leur rendais volontiers ces services, les voyant si pauvres.
Je me souviens de quelques cas.
Je suis allée visiter un homme malade. Je l’ai trouvé recouvert de haillons. Aussitôt j’ai couru chez moi et j’ai demandé à ma mère deux couvertures. Elle me les prêta volontiers. Je les ai emportées et je suis restée pour tenir compagnie à la fille du malade, lequel a vécu encore douze jours.
Une fille est venue, un jour nous informer que l’une de ses voisines était sur le point de mourir. Ma sœur a pris son livre de prières, de l’eau bénite et s’en est allée rapidement chez la malade. Deux de ses élèves l’accompagnaient. Deolinda a commencé la prière pour obtenir une bonne mort. Elle était si émotionnée, qu’elle tremblait. Les prières terminées, la dame est décédée. Alors Deolinda nous a dit :
— J’ai fait ce que j’ai pu; je suis incapable d’en faire davantage. — Et elle est partie.
À ce moment-là, une parente arrivait. J’ai observé la fille de la dé-funte et je n’ai pas eu le courage de la laisser toute seule. Je suis restée pour l’aider à laver et à habiller la dépouille mortelle qui était couverte de plaies et exhalait une odeur répugnante. Je sentais que d’un moment à l’autre j’allais vomir. Une dame qui nous observait de la chambre voisine, a remarqué mon malaise et est sortie dans le jardin chercher quelques feuilles parfumées pour me les faire sentir. Je n’en suis repartie que quand la défunte a été bien instal-lée dans son lit.
Je devais avoir 11 ou 12 ans lorsque l’un de mes oncles, qui habi-tait le lieu-dit de Sainte-Eulalie,  a été atteint de la fièvre espa-gnole. Ma grand-mère, puis ma mère se sont relayées pour le se-courir, mais elles aussi ont été atteintes par la maladie. Alors, en-core que bien jeune, j’y suis allée avec ma sœur.
Une nuit, mon oncle est mort. Nous y sommes restées jusqu’à la Messe du septième jour.
Une fois, il a fallu aller chercher du riz, mais en traversant la cham-bre où se trouvait le corps de mon oncle. Arrivée au seuil de la porte, la peur m’a envahie; je n’ai pas eu le courage d’y entrer; il a fallu que ma grand-mère m’accompagne. L’autre soir j’ai été char-gée de fermer la fenêtre de cette même chambre. Arrivée dans la salle contiguë de celle-ci, je me suis encouragée moi-même, me di-sant : — “Je dois vaincre la peur.” — Et, ce disant, en marchand doucement, j’ai ouvert la porte et je me suis rendue dans la cham-bre où se trouvait la dépouille de mon oncle. Depuis lors, je n’ai plus jamais eu peur: j’avais vaincu de ma peur.
J’aimais beaucoup faire l’aumône aux pauvres. Combien de fois j’ai pleuré, parce que impuissante à les aider selon leurs besoins! Je me sentais heureuse de me priver de ma propre alimentation, pour eux.
Malgré ma jeunesse, il m’arrivait souvent de donner des conseils à de plus âgés que moi  . Je les réconfortaient comme je le savais, obtenant que certains ne commettent pas le mal  . Des confidences qui m’étaient faites, j’ai toujours gardé le plus rigoureux secret.
Je me sens pleine de reconnaissance envers le Seigneur. C’est à Lui que je dois ce comportement.
Dévotions à Jésus
Je ne passais pas un jour sans prier, que ce soit à l’église, à la mai-son ou sur la route.
Je faisais toujours ma communion spirituelle de la façon suivante :
— O mon Jésus, venez dans mon pauvre cœur ! Je Vous désire : ne tardez pas. Venez m’enrichir de Vos grâces, augmentez en moi vo-tre saint et divin amour. Unissez-moi à Vous ! Cachez-moi dans votre Côté sacré ! Je n’aime que Vous. Je n’aime que Vous, je ne veux que Vous, je ne désire que Vous. Je vous rends grâce, Père éternel, pour nous avoir donné Jésus au très Saint-Sacrement. Je vous remercie, mon Jésus, et, enfin, je Vous demande votre sainte bénédiction.
Loué soit à tout instant, Jésus au très Saint-Sacrement !
J’aimais beaucoup faire la méditation sur le très Saint-Sacrement et sur la Sainte Vierge. Quand je ne pouvais pas la faire de jour, je la faisais de nuit, à l’insu de tous, en allument une bougie que j’avais cachée à cet effet.
La vie des saints et les méditations très profondes ne me satisfai-saient pas, parce que je me rendais compte que je ne ressemblais en rien aux saints; au lieu de me faire du bien, elles me faisaient du mal.
En 1916 je suis tombée si gravement malade, que les derniers sa-crements m’ont été administrés. Je me suis préparée à la mort avec beaucoup de sérénité. Un jour où la fièvre était montée assez haut, j’ai déliré, mais je me souviens d’avoir demandé à ma mère que l’on me donne Jésus. Elle a pris le crucifix et me l’a présenté.
— “Ce n’est pas celui-ci que je veux: je veux Jésus Eucharistique !”
À l’âge de douze ans, j’ai été admise à l’école des catéchistes et à la chorale. Pour le chant j’avais une vraie passion. Mais, malgré ce-la, je travaillais avec beaucoup de satisfaction à l’école de caté-chisme  .
Quand je communiais et que je me trouvais au milieu de mes com-pagnes pour l’action de grâces, je me sentais toute petite et la plus indigne pour recevoir Jésus Eucharistique.
« J’étais assez forte... »
J’étais assez forte. Je me souviens qu’un jour, un homme se ventait devant quelques jeunes filles d’être très robuste. Je me suis lancée contre lui, qui ne s’y attendait pas, et je l’ai attrapé et mis par terre. Il s’est mis à crier pour que je le laisse. Je l’ai roulé par terre et je ne l’ai laissé que quand j’ai bien voulu: mon but était unique-ment celui d’obtenir que lui, étant un homme, puisse montrer la force dont il se ventait.
Vers les 13 ans j’ai du gifler lourdement un homme qui m’avait adressé des paroles indécentes.
De 12 à 14 ans, j’ai bénéficié d’une excellente santé. Je travaillais dans les champs et je gagnais autant que ma mère.
Une fois, en cueillant sur un arbre, des feuilles pour donner à man-ger aux bêtes, je suis tombée. Je suis restée quelques instants sans pouvoir respirer et sans pouvoir bouger; peu après, je me suis rele-vée et je me suis remise au travail.
Vers les 12 ou 13 ans, j’ai été placée par ma mère au service d’un voisin,  mais avec ces conditions : possibilité d’aller me confesser tous les mois; possibilité, les dimanches après-midi, de venir à la maison afin de pouvoir assister aux cérémonies religieuses; prohibi-tion absolue de me laisser sortir le soir. Le contrat était valable pour cinq mois, mais je ne l’ai pas terminé. Le patron était un geôlier : il me gratifiait de sobriquets péjoratifs, m’obligeait à un travail supé-rieur à mes forces. C’était un homme impatient, cruel avec les ani-maux. Il m’humiliait devant tout le monde. Cette triste vie sapait la joie de ma jeunesse.
Un certain après-midi, il m’a envoyée au moulin, où je suis arrivée en début de soirée; à mon retour, il faisait déjà noir, car il fallait une heure de route. Il m’a réprimandée durement, et m’a traitée de voleuse. Son père, déjà âgé, a pris ma défense. Comme chaque soir je revenais chez moi, cette fois-là, assez peinée parce que ma conscience ne me reprochait rien, je me suis plainte à ma mère. Elle s’en est informée et, voyant que le contrat n’était pas respecté, m’a retirée de son service, malgré l’insistance de mon patron.
Une fois, à Póvoa de Varzim, ce même patron m’avait laissée, de 22 heures jusqu’à 4 heures du matin, à surveiller quatre paires de bœufs, pendant que lui et l’un de ses amis étaient partis, je ne sais où. Remplie de peur, j’ai passé ainsi ces tristes heures de la nuit. J’ai eu pour compagnes les étoiles du ciel qui brillaient de tout leur éclat.
« Un rêve que je n’ai pas oublié »
Une nuit, une lampe à pétrole à la main, j’allais de la cuisine vers la chambre. Ma lampe s’est éteinte. Je l’ai rallumée plusieurs fois et autant de fois elle s’est éteinte, alors qu’il n’y avait aucun courant d’air. Quand j’ai voulu la rallumer, pour la dernière fois, en remuant le pétrole, elle m’a glissé des mains, en renversant le liquide qui m’a aspergé le visage et m’a laissé aux lèvres le mauvais goût du pétrole. J’ai pensé que quelque petit diable s’amusait ainsi et, alors j’ai dit :
— “Tu peux t’en aller, car avec moi tu n’as rien à faire”.
Je me suis couchée tranquillement, je me suis endormie et j’ai fait un rêve qui est resté imprimé dans mon âme :
Je suis montée au Paradis au moyen d’une échelle dont les bar-reaux, eux, étaient tellement étroits qu'il était très difficile d'y po-ser le pied. Je suis arrivée en haut avec beaucoup de difficulté, car je n’avais aucun point d'appui. Pendant que je montais, j’ai vu, à côté de cette échelle, quelques âmes qui m'encourageaient en si-lence.
Arrivée au sommet j’ai vu sur un trône le Seigneur, et, à côté de Lui, la Vierge Marie. Le ciel était rempli de saints. Après cette vi-sion, à contre cœur, je devais revenir sur la terre. Je suis descen-due facilement. Tout a disparu et je me suis réveillée.
JEUNESSE
Le saut par la fenêtre
Un jour,  alors qu'avec ma sœur et une autre fille plus âgée que nous, nous travaillions à la couture, nous avons aperçu trois indivi-dus venant dans notre direction. Deolinda, comme si elle pressen-tait quelque chose, m'a dit de fermer la porte du salon. Quelques instants après, nous avons entendu des pas dans les escaliers et ensuite quelqu'un frapper à la porte.
— Qui est là ? — a demandé ma sœur. Et l'un d’eux, qui avait été mon patron, nous a demandés d'ouvrir, sans plus.
— Il n'y a pas de travail pour vous ici, donc, pas question d'ouvrir, — a rétorqué Deolinda.
Après quelques instants de silence, nous avons entendu que le même individu montait par l'échelle qui de l'étable, par une trappe, donnait dans le salon. Effrayées, nous avons tiré la machine à cou-dre sur cette trappe.
Le voyou, se rendant compte que la trappe était fermée, a com-mencé à frapper de grands coups de marteau sur celle-ci, jusqu'à soulever quelques planches et à pratiquer un passage, par lequel il a pénétré dans le salon.
Deolinda, en voyant cela, a ouvert la porte et, est parvenue à s'enfuir, bien que les autres deux qui dehors l'attendait, aient es-sayé de la retenir, en tirant sur ses vêtements.
L'autre fille l'a suivie, mais ils l'ont attrapée.
Devant cette scène, je me suis vue perdue. J'ai regardé autour de moi et, désespérément je me suis accrochée à la fenêtre qui était ouverte et sans la moindre hésitation j'ai sauté   en bas, en tom-bant lourdement. J'ai voulu me relever aussitôt, mais je ne le pou-vais pas; une douleur lancinante traversait mon épine dorsale.
Nerveuse, dès que j'ai pu me relever, j'ai ramassé par terre un pi-quet et je suis partie, pour essayer de défendre ma sœur entouré par les deux plus âgés, tandis que notre amie, dans le couloir, lut-tait avec le troisième. Je n'ai plus pensé qu'à les défendre.
— Hors d'ici ! — a été mon premier cri.
Cela a été comme un éclair, le voyou qui se trouvait dans le couloir, a pris peur et a laissé immédiatement la jeune fille. C'est alors seulement, que je me suis rendu compte que j'avais perdu une ba-gue en or, lors de la chute.
— Chiens ! À cause de vous j'ai perdu ma bague...
Tout de suite l'un d'eux, enlevant une bague de son doigt, me l'a présentée, en disant :
— Tiens, prends celle-ci, ne te fâche pas contre moi...
— Je n'en veux pas ! — lui ai-je répondu, indignée — débarrasse le plancher tout de suite... immédiatement !
Ils se sont retirés. Et nous, excitées et allaitantes, nous sommes retournées à notre travail.
De tout ceci, moi et ma sœur, n'avons soufflé mot à personne, afin d'éviter une tragédie. Toutefois ma mère, par la suite, a fini par l'apprendre, de la bouche de notre amie.
Quelque temps après, j'ai commencé à souffrir de plus en plus. Tous disaient que c’était à cause du saut que j’ai fait en bas de la fenêtre. Même les médecins, plus tard, ont confirmé que ce saut a dû contribuer à aggraver mon infirmité.
Souffrances physiques et spirituelles
J’ai encore travaillé pendant quelques mois, même si avec beau-coup de difficulté. Par la suite, j’ai été obligée d’arrêter et, avec ré-pugnance, j’ai du me soumettre aux soins des médecins qui m’ont diagnostiqué diverses maladies. Tous avaient de la peine pour moi. J’ai souffert uniquement pour mes maux physiques, mais ceci dura peu de temps.
Mes plus grands amis, les familiers et même Monsieur le Curé   se sont retournés contre moi : plusieurs personnes se moquaient de mon allure, par la posture que, forcément, je prenais à l’église. Monsieur l’abbé m’accusait de ne pas manager suffisamment par caprice et menaçait que, si je mourrais, je serais damnée. Lorsque je me confessais, il me disait que c’était celui-là mon péché le plus grave. Combien j’en ai souffert! Je ne me confiais qu’au Seigneur.
Lors du trajet, de la maison à l’église, j’avais l’habitude de m’arrêter pour regarder les montagnes et j’étais quelques fois, tentée de fuir dans un lieu où personne ne puisse me voir. Ce n’est que par la grâce de Dieu que je ne l’ai pas fait. Combien j’ai pleuré.
Je ne me souviens pas très bien de la durée de cette période d’incompréhension; en tout cas, moins d’un an. Après, étant donné que mon état empirait, Monsieur l’abbé lui-même a conseillé à ma mère de m’accompagner chez un médecin de sa connaissance. Ce fut lui qui m’a libérée de mon martyre, en expliquant à ceux qui lui en posaient la question, que je ne mangeais pas parce que je ne le pouvais pas. Même s’il ne lui a pas été possible de se faire une idée exacte de toutes mes souffrances, il s’est montré très compréhensif.
J’ai été libérée de cette souffrance, mais le Seigneur m’en a donné une autre bien plus grande.   Seuls Jésus, et, quelque temps plus tard, mon directeur spirituel, en ont eu connaissance.
J’ai passé six ans entre le lit et la couchette. Une fois, cinq mois se sont passés sans que je puisse me lever, mais toujours dans cette souffrance spirituelle, que j’ai dû supporter pendant près de douze ans, sans jamais la révéler à personne.
Me trouvant seule, prisonnière de mon lit, je regardais en larmes, le tableau du Sacré-Cœur de Jésus: je le suppliais de me libérer de ce tourment et de me donner des lumières sur ce que je devais faire. Je me recommandais aussi à la Maman du ciel afin qu’elle intercède en ma faveur.
Prétendants
À l’âge de 16 ans, je suis allée à Póvoa, en compagnie de Deolinda, pour une cure marine. Un jour, alors que je me rendais à l’église, un militaire m’a abordée, m’adressant des galanteries. Je me suis vite esquivée, mais, comme il ne me lâchait pas, je lui ai dit d’attendre la fin de sa faction. Mon idée était de changer de chemin et de pouvoir m’en libérer. Sortant de l’église, très prudemment, et ne l’ayant pas vu, j’ai repris le même chemin. A un certain moment, je l’ai trouvé en face de moi, sans même savoir d’où il était venu.
— Mademoiselle, vous souvenez-vous de ce que vous m’avez pro-mis ?
Et, ce disant, il prétendait m’accompagner à la maison. Je me suis arrêtée et j’ai été très franche avec lui :
— Je suis malade et en plus... ma mère ne veut pas que j’aie un fiancé !
Il n’en a pas été convaincu. Par chance, Deolinda est arrivée. Croyant que je flirtais, elle m’a reprise sèchement. Je ne suis plus jamais passée par ce chemin et tout s’est ainsi terminé.
À un autre jeune qui me faisait allusion au mariage, j’ai répondu :
— Je ne renonce ni à ma mère ni à Deolinda, pour un homme.
Monsieur le Curé, ayant su que je plaisais à un jeune homme, m’a dit un jour :
— Si tu veux, je peux m’occuper de la chose...
Je lui ai répondu :
— Dans ma situation, vous parait-il que je puisse me permettre de penser à une pareille affaire ?
Pour dire vrai, je savais et je sentais que j’étais malade, mais en plus, l’envie de contracter le mariage me manquait, même si quel-ques fois je me disais que si j’étais mère, j’éduquerais mes enfants très chrétiennement.
Au lit pour toujours...
En avril 1925,  je suis allée au lit, pour toujours.   Plus personne ne me disait :
— Courage, tu te relèveras !
Le médecin João de Almeida, de Porto, a prévenu ma mère qu’il craignait une telle paralysie.
Ma sœur, qui faisait de la couture, est devenue en plus mon infir-mière, car maman travaillait dans les champs.
J’ai eu des moments de découragement, mais jamais de désespoir. Rien ne me retenait à ce monde. J’éprouvais, malgré tout, une certaine nostalgie de mon petit jardin, parce que les fleurs me plai-saient. Mais, je pourrais encore les voir, quelques fois, dans les bras de ma sœur.
J’avais un grand regret de ne plus pouvoir aller à l’église: pour la fête du Sacré-Cœur, ou quand il y avait une Messe chantée, je pleurais beaucoup. Ma sœur, qui faisait partie de la chorale, me voyant les larmes aux yeux, me disait :
— S’il t’était possible d’aller à la messe, je te chargerais volontiers sur mes épaules et je t’y emmènerais.
Et, elle aussi pleurait.
Mais, je m’étais accommodée à la volonté du Seigneur.
Petit à petit, je me suis habituée à mon lit et la nostalgie s’est dis-sipée. Pour me distraire, dans les premiers temps, je jouais aux cartes avec quelqu’un, ou toute seule. Je regrette de ne pas avoir, dès lors, les mêmes pensées que maintenant: vivre unie à mon Dieu par l’esprit.
J’ai même fait des promesses pour obtenir la guérison. Ma mère, ma sœur et mes cousines ont fait les mêmes promesses. J’ai fini par comprendre que le Seigneur me voulait malade, c’est pourquoi je ne lui ai plus demandé de guérir. Je suis arrivée, plusieurs fois, très résignée, aux portes de la mort. De la médecine, je n’ai d’autre soulagement que quelques piqûres de morphine.
« Ma Petite-Maman du ciel »
Chaque année je célébrais le mois de Marie. Je préférais le célébrer toute seule: je méditais, chantais, pleurais en demandant à la Ma-man du ciel de me délivrer de cette tribulation qui me faisait tant souffrir.
J’avais l’habitude de chanter le “Tantum ergo”, comme si j’étais à l’église. N’ayant pas Jésus   à la maison, ni prêtre pour me donner la bénédiction, je priais le Seigneur, que ce soit lui, du ciel et de ses tabernacles, qui me la donne. Moments de bonheur! J’avais l’impression que toutes les bénédictions et l’amour du Seigneur tombaient sur moi. Et alors, je recueillais dans mon cœur toute ma famille et les personnes chères.
Dans les premières années de ma maladie, de la maison de Mon-sieur le Curé, on m’apportait, au début du mois de mai, une sta-tuette du Cœur de Marie qui, à regret, je restituais à la fin du mois. C’est ainsi que j’ai pensé à en acquérir une, mais, comme je n’en avais pas les moyens, j’ai été aidée par diverses personnes. Une amie m’a même donné quelques poulettes que Deolinda éleva jus-qu’à ce qu’elles pondent et ensuite couvent; les poussins ayant été vendus ensuite, j’ai pu acheter la statuette ainsi que le globe de verre. Je ne sais pas exprimer la joie que j’ai ressentie à ce mo-ment-là: avoir une Sainte Vierge à moi toute seule... pouvoir la contempler nuit et jour !...
Demandes de guérison
J’ai été informée des miracles qui s’opéraient à Fatima. En 1928, plusieurs personnes de la paroisse sont parties en pèlerinage à la Cova da Iria. A cette occasion, même moi, j’ai souhaité partir. Le Médecin  et Monsieur le Curé  ne m’y ont pas autorisée, car le voyage était long et moi, je ne supportais même pas que l’on me touche, étant dans mon lit. Quelqu’un me conseilla de demander la guérison et d’aller ensuite à Fatima, en action de grâces pour celle-ci. Le Médecin me dit même que si le miracle s’accomplissait, il té-moignerait sans la moindre hésitation.
Cette même année, Monsieur l’Abbé, qui était allé, lui aussi à la Cova da Iria, m’a fait, au retour, cadeau d’un chapelet, d’une mé-daille et du “Manuel du Pèlerin”, tout en me conseillant de faire une neuvaine à Notre-Dame. J’en ai fait plusieurs, tout en chantant les louanges mariales imprimées dans le “Manuel” .
A ceux qui me visitaient, j’avais l’habitude de dire :
— Si un jour vous me revoyez dans les rues et m’entendez chanter, dites-le à tous: c’est Alexandrina qui remercie Notre-Dame.
C’était ma foi en Jésus et Marie que me faisait parler de la sorte.
D’autres fois, je pensais que si j’étais guérie, je me ferais reli-gieuse, car je n’avais aucun attrait pour le monde; que je ne re-tournerais plus revoir ma famille; que je me ferais missionnaire afin de pouvoir baptiser beaucoup de noirs et de ramener beaucoup d’âmes à Jésus.
N’ayant pas obtenu la guérison, j’ai compris que je me faisais des illusions, et mes désirs de guérison ont disparu pour toujours. J’ai commencé alors à ressentir de plus en plus le besoin d’aimer la souffrance et de ne penser qu’à Jésus.
Offrande...
Un jour, alors que j’étais seule et que je pensais à Jésus dans les tabernacles, je lui ai dit :
— Mon bon Jésus, Vous êtes emprisonné. Moi aussi, je le suis. Nous sommes tous deux incarcérés. Vous, pour mon bien et moi, enchaî-née par Vous. Vous êtes Roi et Seigneur de tout. Moi, je ne suis qu’un ver de terre. Je Vous ai négligé, ne pensant qu’aux choses du monde qui ne sont que perdition pour les âmes, mais, maintenant, le cœur contrit, je ne veux que ce que Vous voudrez, je veux souf-frir avec résignation. Ne me laissez pas sans votre protection.
À partir de ce temps-là, je demandais au Seigneur l’amour de la souffrance et, sans bien savoir comment, je me suis offerte à lui comme victime. Le Seigneur m’a accordé cette grâce dans une pro-portion si importante qu’aujourd’hui, je n’échangerais la souffrance contre tout ce qui peut exister dans le monde. Aimant la douleur, je me sentais heureuse d’offrir à Jésus mes peines. Consoler Jésus et lui sauver des âmes, voilà ce qui me préoccupait.
Les forces physiques m’ayant quittée, j’ai abandonné les distrac-tions et, à travers la prière qui me procurait un vrai réconfort, je me suis habituée à vivre dans une intime union avec le Seigneur. Quand les visiteurs me dissipaient un peu, je m’attristais de ne pas avoir pensé à Jésus.
Par amour pour Jésus et la Maman du ciel, je me suis habituée à faire de petits sacrifices: renoncer à me regarder dans la glace; ne pas parler, pour combattre ma volonté de parler et vice versa; veiller pendant la nuit pour tenir compagnie à Jésus; ne pas éloi-gner les mouches qui me tourmentaient, etc..
Unie à Jésus, par Marie
Je ne recevais pas la Communion fréquemment,   mais je vivais le plus possible unie à Jésus. Pour honorer Jésus et la Maman du ciel, j’ai écrit sur des morceaux de papier et sur des images pieuses, cette prière :
— Jésus, je vous aime de tout mon cœur. Ayez pitié de cette pau-vre malade. Prenez-la auprès de vous, quand vous voudrez. Mon bien aimé Jésus, souvenez-vous, je suis une grande pécheresse.
Mon cher Jésus, j’aimerais aller vous visiter dans vos tabernacles, mais je ne le peux pas; ma maladie me tient clouée à mon lit. Que votre volonté soit faite. Accordez-moi, au moins, que pas un seul instant ne passe sans que je vienne en esprit dans vos tabernacles, pour vous dire : “ mon Jésus, je veux vous aimer, je veux me brû-ler à la flamme de votre Amour, prier pour les pécheurs et pour les âmes du Purgatoire” .
Sur la couverture d’une brochure, j’ai écrit en mai 1930 :
— Ma chère Maman du ciel, venez dans les Tabernacles de votre et mon Jésus; présentez-Lui mes prières et rendez plus efficaces mes suppliques. O refuge des pécheurs, dites à Jésus que je veux être sainte. Dites-Lui aussi que je veux beaucoup de souffrances, mais qu’Il ne me laisse pas seule rien qu’une minute. Je dois toutefois m’humilier, car je ne suis rien, je ne possède rien et je ne vaux rien. Dites-Lui que je l’aime beaucoup et que je veux l’aimer encore davantage. Je veux mourir enflammée d’amour pour vous et pour Jésus. Oui, parlez-Lui beaucoup de moi, présente-Lui toutes mes demandes ! J’ai confiance, oui, j’ai confiance en vous ! O Marie, donnez-moi le ciel !
Prière du matin
Au petit matin je commençais mes prières par le signe de Croix. Ensuite, je m’unissais à Jésus au Saint-Sacrement et je faisais ma Communion spirituelle. Je continuais, en disant :
— Cœur Sacré de Jésus, je Vous consacre ma journée.
Je récitais cette prière jaculatoire trois fois. Et j’ajoutais:
— O Jésus, donnez-moi votre bénédiction! Je veux être sainte.
Ensuite je demandais la bénédiction de la très Sainte-Trinité, de Notre-Dame, de saint Joseph de tous anges, saints et saintes du ciel, en disant :
— Avec votre bénédiction, je ne craindrai rien ; je serai sainte, comme je le désire ardemment.
Ensuite je récitais trois Gloria et j’offrais les actions de la journée en récitant la prière : « Je vous offre, ô mon Jésus, en union, etc. ». Pater, Ave, Gloria. « Cœur sacré de Jésus qui nous aimez tant, fai-tes que je vous aime de plus en plus. » Je récitais aussi le Credo et, ensuite j’ajoutais :
— O mon Jésus, je m’unis spirituellement, maintenant et pour tou-jours, à toutes les saintes Messes qui, de jour comme de nuit, sont célébrées sur toute l’étendue de la terre. Jésus, immolez-moi avec vous au Père éternel pour les mêmes intentions que vous-même, vous offrez.
Me tournant ensuite vers Notre-Dame, je lui disais :
— Je vous salue, Marie, pleine de grâce !... Je vous salue, ô pleine de grâce, ma Petite-Maman du ciel, je veux être sainte; bénissez-moi et demandez à Jésus de me donner sa bénédiction !
Je me consacrais à Elle de cette façon :
— Petite-Maman chérie, je vous consacre mes yeux, mes oreilles, ma bouche, mon cœur, mon âme, ma virginité, ma pureté, ma chasteté. Acceptez-en tout, ma chère Petite-Maman ! Vous êtres le dépôt béni de toute notre richesse. Je vous consacre mon présent et mon avenir, ma vie et ma mort, tout ce que l’on me donnera, toutes les prières et les offrandes que l’on fera pour moi.
Ouvrez vos bras et enlacez-moi. Serrez-moi contre votre Cœur très saint, couvrez-moi de votre manteau; acceptez-moi comme votre fille très aimée et consacrez-moi toute à Jésus. Renfermez-moi pour toujours dans son divin Cœur et aidez-le vous-même à crucifier mon corps et mon âme: que rien, dans celui-ci ne subsiste qui ne soit crucifié. Ma Petite-Maman, rendez-moi humble, obéissante, pure, chaste d’âme et de corps. Transformez-moi en amour; consumez-moi dans les flammes de l’amour de Jésus...
Maman chérie, demandez pardon pour moi à Jésus; dites-Lui que c’est l’enfant prodigue qui retourne à la maison de son Père, dispo-sée à le suivre, à l’aimer, à l’adorer, à lui obéir, à l’imiter. Dites-lui que je ne veux plus l’offenser.
Ma Petite-Maman du ciel, inspirez-moi une douleur si grande de mes péchés; que mon repentir soit tel, que je devienne pure, que je devienne comme un ange, pure comme lors de mon baptême, afin que par ma pureté, je mérite la compassion de mon Jésus; que je puisse le recevoir sacramentellement chaque jour et le posséder toujours en moi, jusqu’à mon dernier soupir.
Maman chérie, venez avec moi dans tous les Tabernacles du monde, dans tout lieu où Jésus habite sacramentellement. Présen-tez-lui mon humble oblation. O comme Jésus sera content de l’offrande la plus pauvre, la plus misérable, la plus indigne, mais remise par vous, combien plus de valeur n’aura-t-elle pas auprès de votre et mon Jésus !...
Ma douce Petite-Maman, je veux aller de Tabernacle en Tabernacle demander des grâces à Jésus, comme l’abeille qui va de fleur en fleur pour cueillir le nectar !
Ma tendre Maman, je veux devenir comme un rocher d’amour de-vant sa demeure, afin que nul ne parvienne à blesser son Cœur et ne renouvelle ses Plaies et sa Passion.
Maman chérie, parlez à Jésus par mon cœur et par mes lèvres; rendez mes prières plus ferventes, mes demandes plus efficaces.
O mon Jésus, je me consacre toute à vous. Que votre Cœur me soit grand ouvert. Permettez que je rentre dans cette Fournaise ar-dente, dans ce Feu brûlant. Fermez-le sur moi, mon bon Jésus; que j’y demeure pour y rendre mon dernier soupir  enivrée de votre di-vin Amour. Ne souffrez pas que je me sépare de vous sur la terre, sinon pour m’unir à vous, éternellement, dans le ciel.
O mon cher Jésus, je m’unis, en esprit, à partir de ce moment et pour toujours, à toutes les Hosties contenues dans tous les ciboires de la terre, dans chaque lieu où vous habitez sacramentellement. C’est là que je veux passer tous les moments de ma vie, constam-ment, de jour comme de nuit, dans la joie ou la tristesse, seule ou accompagnée, à vous consoler, à vous adorer, à vous aimer, à vous louer, à vous glorifier. O mon Jésus, j’aimerais faire tomber, conti-nuellement, sur vous, de jour comme de nuit, autant d’actes d’amour que de gouttes de pluie fine tombent sur la terre. Je vou-drais que toutes les créatures de la terre en fissent de même, afin que vous soyez aimé de tous. Écoutez ces vœux de mon cœur et acceptez-les comme si déjà je vous aimais.
O Jésus, je voudrais qu’il n’y eût pas un seul Tabernacle dans le monde, en tout lieu où vous habitez au Saint-Sacrement, où je ne fus à vous redire, sans cesse, à chaque instant de ma vie: Jésus, je vous aime; Jésus, je suis toute à vous. Je suis votre victime, la vic-time de l’Eucharistie,  la petite lampe de vos prisons d’amour, la sentinelle de vos Tabernacles !
O Jésus, je veux être victime pour les prêtres, victime pour les pé-cheurs, victime de votre amour, de ma famille, de votre sainte Pas-sion, des Douleurs de la Petite-Maman, de votre Cœur, de votre sainte Volonté; victime du monde entier! Victime pour la paix, vic-time pour la consécration du monde à la Maman chérie...
O Jésus, maintenant, je vais inviter la Maman bénie. C’est Elle qui va vous parler pour moi et je reprendrai ensuite.
Je vous salue, Marie, pleine de grâce! Je vous salue, ô pleine de grâce! Ma Petite-Maman, venez avec moi dans tous les Taberna-cles. Venez couvrir Jésus d’amour. Offrez-Lui tout ce qui se passera en moi, tout ce que je lui offre habituellement, tout ce que l’on peut imaginer comme autant d’actes d’amour à Notre-Seigneur au très Saint-Sacrement !
Je disais trois fois :
— Grâces et louanges soient rendues, à tout moment, à Jésus au très Saint-Sacrement.
Je faisais ensuite la Communion spirituelle déjà décrite, puis je de-mandais à Notre-Dame de répéter, pour moi, à son Fils Bien-Aimé :
— O Jésus, voila la Petite-Maman chérie, écoutez-la; c'est Elle qui va vous parler pour moi. Et vous, Maman chérie, emportez mes bai-sers, d'innombrables baisers, d'innombrables caresses et marques de tendresse à tous les Tabernacles du monde.
 Tout pour Jésus-Hostie !
 Tout pour la très Sainte-Trinité, tout pour vous, douce et ten-dre Maman. Multipliez mes baisers, multipliez-les et, avec une ten-dresse et un amour pur et saint, avec un amour sans bornes, avec une immense nostalgie, offrez-les de la part de celle qui ne peut pas se déplacer jusqu'aux tabernacles.
HYMNE AUX TABERNACLES
O Jésus, je veux que chacune de mes douleurs, chaque battement de mon cœur, chacune de mes respirations, cha-que seconde de ma vie, chaque minute, soient autant d'ac-tes d'amour pour vos Tabernacles.
Je veux que chaque mouvement de mes pieds, de mes mains, de mes lèvres, de ma langue, chacune de mes lar-mes, chaque sourire, joie, tristesse, tribulation, distraction, contrariété ou ennui, soient autant d'actes d'amour pour vos Tabernacles.
O Jésus, je veux que chaque lettre des prières que je récite ou entends réciter, toutes les paroles que je prononce ou entends prononcer, que je lis ou entends lire, que j’écris ou vois écrire, que je chante ou entends chanter, soient autant d’actes d’amour pour vos Tabernacles.
Je veux que chaque baiser que je déposerai sur vos saintes images, celles de la votre et ma sainte Mère, celles de vos saints et saintes, soient autant d’actes d’amour pour vos Tabernacles.
O Jésus, je veux que chaque goutte de pluie qui tombe du ciel sur la terre, que toute l'eau des océans et tout ce qu'ils renferment, que toute l'eau des fleuves et des rivières, soient autant d'actes d'amour pour vos Tabernacles.
Je vous offre les feuilles de tous les arbres, et tous les fruits que sur eux mûrissent; chaque pétale de toutes les fleurs; toutes les graines que contient le monde; tout ce qu'il y a dans les jardins, dans les champs, dans les vallées, sur les montagnes: tout cela je veux vous l'offrir comme autant d'actes d'amour pour vos tabernacles.
O Jésus, je vous offre les plumes des oiseaux et leurs ga-zouillements, les poils des animaux et leurs cris, comme autant d'actes d'amour pour vos Tabernacles.
O Jésus, je vous offre le jour et la nuit, la chaleur et le froid, le vent, la neige, la lune, le clair de lune, le soleil, les étoiles du firmament, mon sommeil et mes rêves, comme autant d'actes d'amour pour vos Tabernacles.
Je veux que chaque fois que j'ouvre ou ferme les yeux, ce soit autant d'actes d'amour pour vos Tabernacles.
O Jésus, je vous offre toutes les grandeurs, richesses et trésors du monde, tout ce qui se passe en moi, tout ce que j'ai l'habitude de vous offrir, comme autant d'actes d'amour pour vos Tabernacles.
O Jésus, le ciel et la terre, l'océan et tout ce qu'ils contien-nent, je vous les offre comme s'ils m'appartenaient et si je pouvais en disposer; acceptez-les comme autant d'actes d'amour pour vos Tabernacles”.
Pendant que je faisais cette offrande à Jésus, je me sentais ravie, d’une façon que je ne sais pas expliquer, et en même temps je res-sentais une forte chaleur qui semblait m’embraser. Cela me parut étrange, car les journées étaient plutôt froides et, émerveillée, j’ai même regardé si mon corps ne transpirait pas. C’est comme si l’on m’embrassait intérieurement.   Cela me fatiguait assez.
L’appel
Je crois que c’est à l’une de ces occasions que j’ai senti cette inspi-ration du Seigneur : «Souffrir, aimer, réparer»
Je me souviens que bien souvent je demandais au Seigneur :
— O mon Jésus, que voulez-Vous que je fasse ?
Et à chaque fois je n’entendais que ces paroles : “souffrir, aimer, réparer”.
1933
LA MISSION
« Je vous déclare mes fautes... »
Je vous écris, mon Père, pour soulager mon âme,  vous déclarant mes fautes. Je commencerai par vous dire que mes prières ne sont pas abondantes et de surcroît, elles sont mal faites : je ne peux mieux faire. Ma pensée voyage partout ; si je pouvais l’apprivoiser, ce serait une excellente chose. Avec ma mère et ma sœur, j’ai tou-jours quelques impatiences, mais je fais de mon mieux pour m’en corriger. Toutefois, le démon, lui aussi, n’en finit pas de me faire des suggestions, dans l’espoir que je cède un jour ou l’autre. Vis-à-vis du prochain, je dois aussi dire quelque chose : je fais pourtant de mon mieux pour ne pas y manquer, mais parfois, je n’y réussis pas.
Enfin, je suis tellement faible et pécheresse, que je n’arrive pas à me corriger de mes péchés. Que Notre-Seigneur ait pitié de moi.
Le directeur spirituel
J’ignorais ce que c’était qu’un directeur spirituel:  c’était Monsieur le Curé qui guidait mon âme.
Ma sœur, lors d’une retraite des “Filles de Marie”  a demandé au prédicateur, le Père Mariano Pinho,  de devenir son directeur spiri-tuel. Celui-ci mis au courant de mon existence et de ma maladie, a sollicité mes prières, avec la promesse de réciprocité. De temps à autre il m’envoyait une image pieuse.
Deux ans plus tard, ayant appris qu’il était malade, mon émotion est allée jusqu’aux larmes; je ne sais pas pourquoi. Ma sœur, éton-née, m’a demandé pourquoi je pleurais alors même que je ne le connaissais pas. Je lui ai répondu :
— Je pleure parce qu’il est mon ami et que je le suis aussi de lui.
Le 16 août 1933, le Père Pinho est venu dans notre paroisse prê-cher un triduum en l’honneur du Sacré-Cœur de Jésus et, à cette occasion je l’ai obtenu comme directeur spirituel.
Je ne lui ai pas parlé de mon offrande pour les Tabernacles, de la chaleur que j’éprouvais, de la force qui me soulevait,  ni des paroles que j’interprétais comme de simples inspirations   de Jésus.
Ce ne fut que quelques mois plus tard que j’ai mis le Père au cou-rant des paroles de Jésus. Je n’ai rien dit d’autre, parce que je ne comprenais rien aux choses du Seigneur.
Le Père ne m’a pas confirmé s’il s’agissait bien de paroles de Dieu; toutefois, je continuais à vivre très unie au Seigneur: jour et nuit, les Tabernacles étaient ma demeure préférée.
Ce fut seulement au mois d’août 1934 que je me suis décidée à ou-vrir mon cœur à mon Père spirituel, venu à Balasar pour une série de sermons. J’ai eu peur, alors, qu’une fois au courant de ma vie, il ne veuille plus continuer de me diriger.
Alors même que je me débattais avec ce doute, Jésus m’a dit :
— Obéis en tout : ce n’est pas toi qui l’as choisi, mais moi qui te l’ai envoyé.
Quand le Père m’a demandé de quelle façon j’avais entendu lesdi-tes paroles, il ne m’a pas expliqué si elles étaient ou non de Jésus.
Quelques jours plus tard, ma sœur, ayant remarqué que je consa-crais beaucoup de temps à la prière, m’en a demandé l’explication. Je lui ai dit comment j’occupais mon temps et ce que je ressentais, ajoutant que c’était sûrement la foi et la ferveur avec laquelle je récitais mes prières qui m’absorbaient de la sorte. Deolinda a sem-blé d’accord et m’a demandé de lui dire tout, afin de pouvoir se remplir de ferveur, elle aussi.
« Un jour bien, un autre plus mal... »
Deux petits mots à peine, car mes forces ne me permettent pas da-vantage. J’ai passé une mauvaise nuit. Je ne trouvais pas de bonne position. Mes jours se passent ainsi: un jour bien, un autre plus mal, portant toujours cette croix que le Seigneur m’a donnée...
(...)
Dans votre lettre, vous me demandiez si j’aimerais entendre la sainte Messe. Cela fait déjà bien longtemps que je le désire. Quand vous êtes venu pour le triduum, j’en ai parlé à ma sœur, mais par timidité et pour ne pas vous obliger à rester à jeun, ce qui nous peine, nous n’avons pas osé vous le demander. Toutefois, si cela était possible, quelle joie, cela serait pour nous; vous ne pouvez pas vous l’imaginer.  Mais nous pensons au sacrifice que cela vous coûterait de venir à jeun et, avec tout ce froid...
Dans la nuit de samedi à dimanche, je ne sais pas ce qui m’a pris; je dormais et tout à coup je me suis réveillée, je croyais mourir.
Cet étrange phénomène ne dure pas longtemps, mais il se répète souvent. Je pense que c’est à cause de mon épine dorsale. Je ne voudrais, en aucun cas, perdre la raison. J’espère que Notre-Seigneur m’écoute, mais que sa très sainte volonté soit faite...
Quand vous êtes venu, j’ai pensé que ce serait la dernière fois; mais ce n’a pas été le cas, car Notre-Seigneur sait que j’ai besoin que quelqu’un m’aide à être sainte, comme je le désir ardemment, bien que j’en sois très loin de l’être... Bien souvent je demande:
— O mon Jésus, que voulez-vous que je fasse ?
Et à chaque fois je n’entends que cette réponse :
— Souffrir, aimer, réparer !
Nous verrons si à Noël, Monsieur l’abbé, viendra m’apporter la Sainte Communion, et alors je me confesserai...
Je ne vois pas comment, une fois de plus, je pourrai m’amender, mais je veux être sainte; c’est ce que je demande tous les jours au Seigneur.
La perte des biens
Le Seigneur a augmenté ses tendresses, mais aussi le poids de la croix. Qu’il soit éternellement béni pour sa grâce qui ne m’a jamais manqué.
A cette époque, nous avons commencé à beaucoup souffrir à cause de la perte de nos biens.  Il est vrai que je n‘ai plus ressenti aucun attrait pour les choses, mais je souffrais amèrement de voir que le peu que nous avions ne serait pas suffisant pour payer les dettes que ma mère avait contraint en se portant caution.
Nous préférerions rester sans un centime, mais que tout soit payé! Il me manquait souvent une alimentation suffisante : je me nour-rissais de ce qu’il y avait, au péril de ma santé. J’ai souffert en si-lence et les familiers pensaient que ces aliments me plaisaient; je ne demandais rien pour ne pas les attrister. Si l’on me donnait quelque bon morceau, je le donnais à ma sœur — assez mal en point — en me disant : — “Je suis incurable, alors qu’elle peut gué-rir.” Il nous arrivait de manger le potage sans condiments, car nous ne parlions à personne de notre gêne.
En secret, j’ai versé beaucoup de larmes, m’épanchant auprès de Jésus et de la Petite-Maman céleste ; ces larmes ont eu même pour effet de me rapprocher davantage de Jésus et de la chère Maman et ont renforcé ma foi en Eux.
Cette situation a duré six années, pendant lesquelles j’ai essayé de réconforter mes êtres chers. À ma mère, qui souvent sanglotait, je suggérais d’avoir foi en Jésus qui voulut être pauvre. Dans mon in-térieur, je me réjouissais de lui ressembler.
Je priais Jésus de nous aider et, lors de la Communion, je lui di-sais :
— Vous qui avez dit de demander, de frapper pour être entendu : je demande, je frappe et je serai entendue. Je ne Vous demande pas d’honneurs, pas de grandeurs ni de richesses, mais que vous nous laissiez au moins notre petite maison afin que maman et ma sœur vivent; de manière que Deolinda puisse cueillir les fleurs pour votre autel à l’église. O Jésus, toutes les fleurs sont pour vous. Jé-sus, venez à notre secours! Nous nous enfonçons... portez au loin cette requête, auprès de quelqu’un qui puisse venir à notre aide. Je ne choisis personne, parce que je n’en connais pas. J’ai confiance en vous !
Chez nous, la joie avait disparu et les choses indispensables nous manquaient.  Mais jamais la soumission à la volonté de Dieu n’a manqué; j’avais une confiance aveugle en lui.
Il est bien vrai: la foi n’est jamais trop grande...
Ma prière a été exhaussée. Ce fut de bien loin, même de très loin, qu’une dame est venue assainir notre situation.  Si elle ne l’a pas résolu entièrement, ce fut à causse de ma timidité: je ne lui ai pas dit la somme exacte de notre dette. Peut-être Jésus l’a permis pour prolonger ma souffrance.  Le nécessaire pour désengager notre mai-son qui devait être mise en vente, nous a été fourni. J’ai pleuré de confusion et de joie. Je n’arrive pas à décrire la joie des miens quand ils ont eu en main cette somme, après tant de grandes et graves afflictions.
Béni soit Jésus ! Ce n’était que sur Lui que l’on pouvait compter.
Béni soit le Seigneur qui m’a appelée en ce monde pour souffrir et pour supporter tant de chagrins ! Et moi, j’ai rajouté à cela tant de péchés ! Ce sont ceux-ci qui m’attristent particulièrement.
Tous les jours je demande des souffrances; et, pendant les heures où je souffre je ressens beaucoup de consolations, car j’ai davan-tage à offrir à mon Jésus. Il y a, toutefois, des choses qui me coû-tent beaucoup, mais que seule la volonté de Dieu soit faite, et non pas la mienne.
1934
“DONNE-MOI TES MAINS...”
Invocations...
O ma Petite-Maman du ciel, voici à vos pieds très saints une âme que désire beaucoup vous aimer. O mon adorable Dame, je veux vivre d’un amour aussi grand qu’il me permette de souffrir unique-ment pour vous et pour mon Jésus : oui, pour mon cher Jésus qui est le tout de mon âme. Il est la lumière qui m’éclaire, le pain qui me rassasie; il est mon chemin, le seul que je veux suivre...
O Jésus, quelle meilleure compagnie puis-je avoir dans ce lit de douleur que votre continuelle présence en moi, moi qui ne veut vi-vre que pour vous ? O Jésus, Vous savez bien quels sont mes dé-sirs: être toujours devant vos Tabernacles, ne jamais m’en éloigner, ne fusse qu’un moment ! Donnez-moi la force, o bon Jésus, afin que je sache le faire !
O mon Jésus, je suis ici, malade, et je ne peux vous visiter dans vos églises, mais j’accomplis la mission à laquelle vous m’avez des-tinée: que votre sainte Volonté soit faite !... Vu que je ne puis ve-nir, je Vous envoie mon cœur, mon intelligence pour apprendre toutes vos leçons, ma pensée afin que je ne pense qu’à vous; uni-quement à vous, mon Jésus, en tout et pour tout... Je vous envoie tout ce que j’ai et qui puisse vous faire plaisir dans vos Tabernacles d’amour...
J’aimerais être en votre présence jour et nuit, à toute heure, unie à vous, et ne plus jamais vous quitter, o Jésus abandonné dans les Tabernacles ! Pas un seul instant je ne voudrais m’en absenter; j’aimerais vous donner tout ce que je possède et qui vous appar-tient entièrement: mon cœur, mon corps, avec tout ce qu’il ressent. C’est là toute ma richesse.
« Ma souffrance a beaucoup augmenté... »
Quoique le Saint-Sacrement soit mon meilleur ami, je regrette de devoir le dire, je ne le reçois que rarement. Au début on me portait la Sainte Communion tous les premiers vendredis, samedis et di-manches; maintenant, il ne vient plus le dimanche.  Que dois-je faire? Souffrir pour l’amour de mon Bien-Aimé Jésus.
(...)
Ma souffrance a beaucoup augmentée. Maintenant je ne prends que des liquides, car je n’arrive pas à mâcher à cause d’un abcès dans la bouche. Peut-être que, de la même façon dont il est appa-ru, aussi il s’en aille. D’un autre côté, il me sera impossible de vi-vre, étant donné l’état de faiblesse dans lequel je me trouve... Je ressens le manque du peu que je mangeais. Ne prendre que des liquides, cela me cause de continuels vomissements. Mais, en tout cas, ce n’est pas cela qui m’attriste, car tous les jours je demande à Dieu de ne pas m’abandonner, sachant pertinemment que sans Lui, je ne supporterais rien.
« Il m’est impossible de tenir la plume... »
J’aurais voulu vous remercier en écrivant de ma propre main,  et je le fais en vous écrivant quelques lignes, qui seront certainement les dernières. Je vous prie de bien vouloir m’excuser, mais je ne peux pas continuer.  Ma souffrance a beaucoup augmenté. C’est pour cette raison que je dis que ce sont les dernières lignes que je vous écris. Il m’est impossible de tenir la plume, même pour à peine quelques instants... les douleurs sont atroces. On ne m’a jamais gratté les os, mais j’ai l’impression que cela doit produire le même effet...
J’ai reçu de Jésus un beau présent pour Pâques : en plus des souf-frances physiques, j’ai beaucoup souffert spirituellement.
« Je ne comprends pas... »
Quelques-unes de mes côtes se sont déplacées. Le médecin me di-sait que ce n’était rien... Je ne peux m’appuyer sur celles-ci qu’au prix d’un grand sacrifice, car je ne supporte même pas que les cou-vertures reposent sur mes côtes. Et le pire c’est que ce sont les côtes du côté droit, sur lequel j’avais l’habitude de me reposer...
(...)
Même sans être tombée, le bon Jésus a fait que mes côtes se dé-placent. Le médecin m’a dit qu’il les avait trouvés ainsi. Mon Père, je ne comprends pas, et je vous demande, par l’amour de Dieu, de m’expliquer si toutes les contrariétés viennent du Seigneur, ou si elles peuvent aussi venir du démon. En effet, dernièrement, des faits se sont produits qui semblent bien être son œuvre...
« Même parler m’est douloureux... »
(...)
J’ai l’impression que les os de ma poitrine touchent ceux de mon dos et me causent de telles angoisses que je ne sais plus comment me placer. Quand les douleurs sont plus fortes, je me place quel-ques minutes par moitié sur le lit et l’autre partie de mon corps sur les genoux de Deolinda. Ceci oblige ma sœur à passer les nuits en ma compagnie. Même parler m’est douloureux.
(...)
J’ai répété à Jésus: envoyez-moi, mon Jésus, ce que vous voudrez, afin que je puisse réparer  les offenses que vous recevez.
Je ne sais pas si c’est grâce aux prières que vous faites pour moi, que je me sens à chaque heure qui passe davantage forte dans mes souffrances ; mais je me sens le courage de souffrir de plus en plus, et j’espère que Notre-Seigneur, petit à petit, augmentera ma douleur jusqu’à ce que je meure embrasée par son divin Amour, clouée sur la Croix avec lui.
Lettre à Sãozinha
Ma bonne petite sœur ;
Je vous appelle ainsi, non seulement parce que vous traitez avec charité la plus indigne des enfants de Dieu, mais aussi parce que toutes deux, nous recevons du Seigneur la croix bénie de chaque jour. Celle-ci, portée avec amour et résignation, est un moyen effi-cace pour nous élever de plus en plus dans l’amour de Jésus; pour nous sanctifier et pour aider, par nos souffrances, les âmes qui, sourdes à la voix de Jésus et aveuglées devant sa lumière, s’abandonnent aux plaisirs du monde sans jamais penser à leur sa-lut.
Combien elle est belle notre mission !
En ce qui me concerne, j’avoue me considérer indigne d’un aussi heureux sort !...
Vous dites dans votre lettre que vous viendrez pour apprendre avec moi la science de la croix. Que dois-je vous enseigner ? Et à qui... alors que moi j’ai tant besoin d’apprendre ?... Vous êtes, Madame, plus instruite que moi pour enseigner; mais si c’est la volonté de Dieu, je suis prête à devenir votre maîtresse et élève à la fois.
J’ai souvent dit que j’étais venue en ce monde pour travailler, souffrir et offenser le Seigneur. Triste vérité... car, je l’ai déjà tant offensé ! C’est celle-ci la plus grande peine qui m’aiguillonne tou-jours. La souffrance est ma plus grande consolation, et je ne l’échangerais pas contre le monde entier.
Quelle ingrate je ferais, si je refusais de donner mon corps, qui ne vaut rien, à Celui qui, à cause de moi, a tant souffert !... À Celui qui désire se procurer beaucoup de victimes d’amour pour sauver les âmes !
Depuis seize années, la maladie, jour après jour, s’est propagée dans tout mon corps... et depuis dix années je suis prisonnière dans mon lit sans pouvoir me lever...
Combien j’ai été favorisée par le Seigneur ! Combien suave est le joug sous lequel il me tient !
Je reçois ceci comme une preuve d’amour de la part de Jésus pour mon âme.
Que soit béni Celui qui n’a pas dédaigné mon indignité !
« Donne-moi tes mains... »
Je sais que ce ne fut pas sans un gros sacrifice que vous êtes venu à Balasar, mais, je pense que, plus que la pluie, d’autres circons-tances vous ont davantage gêné... Soyons sûrs que plus grand est le sacrifice, plus grande sera aussi la récompense du Seigneur. Voila ma conviction.
Mon Père, je vais moi aussi faire un grand sacrifice. Notre-Seigneur le sait bien, et vous-même, vous pourrez vous faire une idée de ce que ceci me coûte. Mais avant de le faire, je l’ai offert au bon Jé-sus...
Jeudi 6, Monsieur le Curé est venu apporter la Communion à une voisine malade et, par la même occasion, il est venu me la donner. Après avoir communié, je me sentais froide et incapable de toute action de grâces; mais, loué soit mon Jésus, car il n’a regardé ni ma froideur ni mon indignité. Il m’a semblé entendre alors ces paroles :
— Donne-moi tes mains : je veux les clouer avec les mien-nes ; donne-moi tes pieds : je veux les clouer avec les miens ; donne-moi ta tête : je veux la couronner d’épines, comme ils me l’ont fait à moi ; donne-moi ton cœur : je veux le transpercer avec la lance, comme ils ont transpercé le mien ; consacre-moi tout ton corps ; offre-toi toute à moi ; je veux te posséder entièrement.
Ceci fut suffisant pour me tenir en haleine, très préoccupée. Je ne savais que faire : me taire et ne rien dire, me semblait ne pas correspondre à la volonté de Notre-Seigneur; il me semblait que mon bon Jésus ne voulait pas que j’occulte ses paroles...
Il faut encore que je vous dise que vendredi et aujourd’hui,  Notre-Seigneur a renouvelé ses demandes. Il m’a recommandé aussi l’obéissance en tout, comme je vous l’ai déjà expliqué.
S’agit-il d’une illusion de ma part ? O mon Jésus, pardonnez-moi si je vous offense, mais je ne veux pas vous offenser... je le fais par obéissance...
« Il m’a demandé ceci deux fois... »
Il m’a demandé ceci deux fois — le 6 et le 8 septembre.
Je ne sais pas expliquer mon tourment, parce que je ne peux pas écrire.  Je ne voulais rien dire à ma sœur, mais je ne voulais pas non plus le taire, car j’ai compris que je ne devais pas le faire, taire la parole de Dieu: je devais tout dire à mon directeur spirituel.
Je me suis décidée à faire le sacrifice et j’ai demandé à Deolinda d’écrire tout ce que je lui dicterais. Nous l’avons fait sans échanger le moindre regard. La lettre étant écrite, tout cela est resté entre nous et nous n’en avons plus parlé.
Si jusque là toutes les lettres de mon directeur spirituel me ren-daient joyeuse, à partir de ce moment, je n’en éprouvais plus la moindre consolation : je vivais dans la crainte qu’il me désapprouve et me dise que tout cela n’était qu’illusion.
J’avais cédé à l’invitation du Seigneur, mais je pensais que les sa-crifices qu’Il me demandait n’étaient que ceux résultant de ma maladie, même si majorés; il ne m’était pas venu à l’esprit qu’Il me ferait passer par des phénomènes singuliers.
Le directeur m’a exigé de tout écrire et, pendant deux ans et demi il ne m’a jamais dit qu’il s’agissait bien de choses de Dieu. Ce si-lence m’a fait beaucoup souffrir.
Visites de Jésus
À cette époque Jésus m'apparaissait, et me parlait souvent. La consolation spirituelle était grande et les souffrances plus faciles à supporter. En toute chose je sentais de l'amour pour mon Jésus et je sentais qu'Il m'aimait, étant donné que je recevais abondance de tendresses. Je cherchais le silence. O comme je me sentais bien dans le recueillement et bien unie à Lui !... Jésus se confiait à moi. Il me disait des choses tristes, mais le réconfort et l'amour qu'Il me procurait, rendaient plus douces ses lamentations. Je passais des nuits et des nuits sans dormir, à converser avec Lui, dans la contemplation de ce qu'Il me montrait.
Une certaine fois j'ai vu Jésus tel un jardinier qui soigne ses fleurs, les arrosant, etc..  Il se promenait au milieu de celles-ci, m'en montrait les variétés. D'autres fois il m'apparaissait pour me mon-trer les rayons éblouissants de son Cœur. Une fois j'ai vu la Petite-Maman avec l’Enfant Jésus dans ses bras et une autre fois je l'ai vue en Immaculée Conception  : O combien Elle était belle !... Comme j'aimerais n'aimer qu'Elle et Jésus !... Je ne serais vraiment bien qu'en leur compagnie.
(...)
Une nuit, Jésus m’est apparu, grandeur nature, dévêtu jusqu’à la ceinture. Sur ses divines mains, sur ses pieds et sur sa poitrine, de profondes plaies étaient ouvertes. Le sang coulait jusqu’à sa taille, et traversant le linge qui le ceignait, tombait à terre. Jésus s’est as-sis sur le bord de mon lit. J’ai embrassé avec amour les plaies de ses mains et je désirais ardemment embrasser celles de ses pieds. Comme j’étais couchée, je ne pouvais y parvenir, mais je n’ai rien dit au Seigneur. Mais Lui, qui connaît mes désirs, m’a présenté, l’un après l’autre ses pieds, afin que je puisse les embrasser. J’ai contemplé ensuite la plaie de son côté et le sang qui, abondam-ment, coulait de celle-ci. Grandement attendrie, je me suis jetée dans les bras de Jésus et je lui ai dit :
— O mon Jésus, combien avez-vous souffert par amour pour moi !
Je suis restée quelques instants la tête inclinée sur la poitrine de Jésus qui, ensuite a disparu.
Il est inutile de dire que plus jamais je ne pourrai l’oublier et, que toujours je m’en souviendrai comme quelque chose qui serait tou-jours présente.
Je sens mon cœur blessé rien qu’au souvenir de cette scène; l’obéissance seule et l’amour de Jésus m’obligent à en parler.
Je pense que Jésus, en se présentant à moi dans cet état, voulait me préparer à ce que je vais maintenant vous décrire. Qu’il m’en donne la force et sa grâce afin que je puisse bien le faire.
« Prie pour les prêtres... »
C’est avec regret et nostalgie que je vous informe que je n’ai plus communié. Ah, si je pouvais obtenir qu’on me portât la Sainte Communion, en payant avec de l’argent cette faveur, combien ne donnerais-je pas!... Mais je fais beaucoup de communions spiri-tuelles, avec le plus de ferveur qu’il m’est possible et Notre-Seigneur m’en récompense. Voyez comme mon bon Jésus m’aime: il m’a dit que lui-même sera mon Directeur !...
(...)
Jésus m’a dit de ne rien m’attribuer de tout cela, car — me dit-il — je ne suis que poussière et que je ne possède rien que je ne l’ai re-çu de Lui. Il m’a dit aussi que les faibles, il les rend dort; que c’est sous mes fautes qu’il cache son pouvoir, son amour et sa gloire.
(...)
Voulez-vous que je vous dise ce que me dit, quelquefois, Notre-Seigneur, quand il commence à me parler ?
— Ma fille, ma fille bien-aimée, mon aimée, mon épouse, ma préférée, me voici tout à l’intérieur de ton âme.
Mon Bien-Aimé Jésus m’a dit qu’il sera mon Directeur et mon Maî-tre, continuel, fréquent et habituel; que vous-même le serez de loin;  mais que je dois vous obéir jusqu’à préférer votre direction à la sienne.
Notre-Seigneur ne cesse pas de renouveler ses demandes dont je vous ai déjà parlé, et il me rappelle continuellement ses Taberna-cles.
— Viens, ma fille, viens t’attrister avec moi ; viens me tenir compagnie dans mes prisons d’amour ; viens réparer tant d’abandon et d’oubli !...
Il m’a demandé aussi de ne lui refuser ni souffrances ni sacrifices pour les pécheurs, sur lesquels la divine Justice menaçait de frap-per, si je n’allais pas à leur secours.
Il me demande d’oublier le monde et de me livrer tout entière à Lui :
— Abandonne-toi dans mes bras, je choisirai tes chemins...
Je ne sais pas quoi Lui donner d’autre, car je ne Lui refuse rien...
(...)
— Avise ton directeur spirituel que j’exige que l’on prêche et que l’on propage la dévotion aux Tabernacles, et d’avantage encore: qu’elle soit rallumée dans les âmes. Je ne suis pas resté sur les autels par amour uniquement de ceux qui m’aiment, mais pour l’amour de tous; même en travaillant on peut me consoler.
Prie pour les prêtres: ce sont les ouvriers de ma vigne; la récolte dépend d’eux...
Je choisis les faibles pour les rendre forts. Sous leur fai-blesse Je cache mon pouvoir, mon amour et ma gloire. Ou-blie le monde et offre-toi à moi. Abandonne-toi entre mes bras: Je choisirai tes sentiers.
« Avise ton directeur spirituel... »
Quelques fois, avant même qu’il me parle, je sens comme des em-brassements. D’autres fois je les sens à la fin. Je ressens, subite-ment une forte chaleur, une chaleur que je ne sais pas expliquer. Parfois encore, je me sens tellement caressée par Notre-Seigneur ! Et moi, je ne sais pas comment correspondre à tant de bienfaits...
(...)
Jésus m’a dit que de la même manière qu’il est fidèle à demeurer en moi pour me consoler, que moi aussi je devais être fidèle à de-meurer en esprit auprès de ses Tabernacles, pour le consoler et l’aimer; que je devais lui donner mon corps pour être victime; que des milliers de victimes ne seraient pas de trop pour réparer tant de péchés et les crimes du monde...
(...)
— Parlez, mon Jésus, parlez, car votre petite fille vous écoute... Je souhaite ardemment être instruite à votre école.
— Je souhaite aussi ardemment que tu apprennes toutes mes leçons. J’ai beaucoup à t’apprendre, afin que par toi, beaucoup viennent apprendre les mêmes leçons, qu’ils mar-chent sur les mêmes traces et qu’ils suivent les mêmes chemins.
(...)
— Avise ton directeur spirituel que J’exige que l’on prêche et que l’on propage la dévotion aux Tabernacles, et d’avantage encore : qu’elle soit rallumée dans les âmes. Je ne suis pas resté sur les autels par amour uniquement de ceux qui m’aiment, mais pour l’amour de tous; même en travaillant on peut me consoler.
(...)
— Veille sur mes tabernacles. J’y suis si seul dans un très grand nombre !... Des jours et des jours passent sans que quelqu’un me rende visite. On ne m’aime pas, on ne répare pas. Quand ils y viennent, ils le font soit par habitude ou par quelque obligation. Sais-tu ce qui ne cesse pas de tom-ber sur mes tabernacles ? C’est cette chaîne de péchés et de crimes. Ce sont là les actes d’amour qu’ils y déposent ; c’est ainsi qu’ils me consolent ; c’est ainsi qu’ils réparent; c’est ainsi encore qu’ils m’aiment !...
(...)
Ne me refuse pas les souffrances et les sacrifices pour les pécheurs ! La Justice de Dieu pèse sur eux. Toi, tu peux les secourir.
Prie pour les prêtres: ce sont les ouvriers de ma vigne; la récolte dépend d’eux...
Je choisis les faibles pour les rendre forts. Sous leur fai-blesse Je cache mon pouvoir, mon amour et ma gloire. Ou-blie le monde et offre-toi à moi. Abandonne-toi entre mes bras : Je choisirai tes sentiers.
(...)
— Console-moi et aime-moi et moi, je te consolerai dans toutes tes afflictions et dans tous tes besoins.
(...)
— J’ai établi en toi ma demeure... tu es un tabernacle cons-truit non pas par des mains d’homme, mais par des mains divines... J’habite en toi comme si dans le monde toi seule, tu existais, comme si dans le monde je n’avais que toi à combler.
(...)
Je ne t’abandonnerai jamais. Sais-tu quand je te laisserai ? Quand je t’appellerai en ma divine présence pour t’emmener au Ciel. Alors seulement j’abandonnerai ton corps... Me le donnes-tu librement afin que je le crucifie pour les pécheurs ?
« Je suis le prisonnier des prisonniers !... »
Peu avant de dicter cette lettre, Notre-Seigneur m’a demandé mon cœur pour le placer dans le sien, afin que je n’ai pas d’autre amour que lui et celui de ses œuvres. Il m’a dit que toutes les âmes y ont leur place, dans son divin Cœur, mais que j’y avais une place de choix. Il m’a encore dit :
— Ma fille, n’as-tu pas compassion de moi ?...
Je suis seul et abandonné, dans mes tabernacles, et telle-ment offensé ! Viens me consoler, viens réparer ; réparer pour tant d’abandon...
Visiter les prisonniers dans leurs cachots et les consoler est une œuvre de miséricorde. Moi, je suis prisonnier et pri-sonnier par amour ; je suis le Prisonnier des prisonniers !...
Notre-Seigneur m’a dit que je suis son temple. Temples de la très Sainte-Trinité sont toutes les âmes en état de grâce, mais que moi, par une grâce particulière, je suis un tabernacle qu’il s’est choisi pour y habiter et s’y reposer afin de davantage rassasier la soif que j’ai de son Sacrement d’Amour... Jésus me dit encore qu’il se sert de moi afin que par moi beaucoup d’âmes soient stimulées à l’aimer dans la sainte Eucharistie.
(...)
— Je t’ai choisie pour moi. Correspond à mon amour. Je veux être ton Époux, ton Bien-Aimé, ton tout. Je t’ai choisie aussi pour le bonheur de beaucoup d’âmes. Tu es mon tem-ple, temple de la très Sainte Trinité. Toutes les âmes en état de grâce le sont, mais tu l’es de façon spéciale. Tu es un tabernacle choisi par moi, afin que J’y habite et m’y re-pose. Je veux rassasier ta soif pour mon Sacrement d’amour.
Tu es comme le canal par où passeront les grâces que Je veux distribuer aux âmes et à travers lequel les âmes vien-dront à moi. Je me sers de toi afin que beaucoup d’âmes viennent à moi: par ton intermédiaire, beaucoup d’âmes se-ront stimulées à m’aimer dans la très Sainte Eucharistie.
Reçois, maintenant, ma fille, le Sang de mon divin Cœur : c'est la vie dont tu as besoin, c'est la vie que Je donne aux âmes.
Dis au monde entier qu'il écoute la voix de son pasteur, le Pape, laquelle est la voix de Jésus. Je veux de l'amour, de la pureté d'âme, changement de vie. Que la voix du Saint-Père soit pour le monde un aussi vibrant appel que celui de Noé...
Qu'il parle aux nations et à ses gouvernants, afin qu'un terme soit mis à tant d'immoralité...
J'ai renouvelé, à perpétuité, mon vœu de virginité et de pureté, suppliant la Sainte Vierge de me purifier de toute tache, de me consacrer toute à Jésus et de me renfermer dans son Sacré-Cœur. Je tressaillais de joie. Peu après, Notre-Seigneur m'a parlé ainsi :
— J'ai reçu ton offrande, par l'entremise de ma très Sainte Mère. Si tu savais combien tu as consolé ton Jésus et réjoui la Très Sainte Trinité !... Si tu pouvais comprendre la gloire que ton oblation t'a acquise pour le ciel, tu mourrais de bonheur !...
Désormais, Je te comblerai de bienfaits... tu arrêteras le bras de la Justice divine prête à foudroyer les pécheurs... tu seras un puissant secours à tant d'âmes enchaînées par le péché... tu es la victime de mes prisons eucharistiques.
(...)
J’ai eu un bon Maître. C’est vous le premier, ô mon Jésus, que de-puis toute petite, m’avez appris !
« Donne-moi ton cœur... »
— Donne-moi ton cœur, que je le place dans le mien, afin que tu n’aies pas d’autre amour que le mien et celui de mes affaires.
« Quelle sainte union est la nôtre !... »
— Veux-tu voir comment je t’embrase ?
J’ai alors commencé à sentir une union si grande et une chaleur et une force qui semblait me broyer. Mon Jésus m’a dit :
— Comme nous nous aimons ! Quelle sainte union est la nôtre !
(...)
— Écoute, ma fille, ton Jésus. Je suis avec toi pour t’enrichir de mes divins trésors. Combien je t’aime ! Je t’ai choisie pour ma demeure. Je te prépare selon mes désirs. Ne vis que pour moi. Aime-moi beaucoup. Ne pense qu’à moi. Et, parce que tu t’es généreusement offerte comme victime pour les pécheurs du monde, Je ferai de toi comme un canal pour distribuer les grâces aux âmes coupables de toutes sortes de crimes. Ainsi tu feras venir à moi un grand nom-bre...
En même temps je ne sais pas ce qui s’est passé en moi, je ne sais pas l’expliquer; je ressentais un très, très grand poids. J’avais l’impression que mon cœur devenait aussi grand que le monde...
« Je suis avec toi, ma fille... »
Cela faisait presque deux jours que Jésus ne me parlait plus. J’ai pleuré, de peur d’être dans l’illusion. Quand je me suis un peu ras-sérénée, j’ai fait la Communion spirituelle. Mon bon Jésus m’a, alors, parlé ainsi :
— Ma fille, ma fille très chère, ma bien-aimée, ne t’attriste pas à cause de moi. Je fais pénétrer en toi mon Amour. Ce fut une bonne préparation. C’était moi qui te provoquais, pour voir jusqu’où irait ta confiance. M’aimer dans les dou-ceurs et les tendresses, cela ne coûte pas. J’ai fait semblant de t’abandonner, de te laisser naviguer toute seule, sans que tu te sentes dans les bras de ton Époux, pour voir jus-qu’où irais-tu. Mais, je ne t’abandonne pas.
Combien Je t’aime ! Quand tu te sens froide, c’est moi qui, chaque fois d’avantage infuse en toi mon amour. Quand Je ne te parle pas, c’est pour t’inspirer beaucoup plus de foi en moi. Ne t’ai-je pas dit que je ne t’abandonnerais jamais et ne m’éloignerais jamais de toi ? Je t’aime tellement ! Viens à mon école; apprends de ton Jésus à aimer le silence, l’humilité, l’obéissance et l’abandon. Viens dans mes Ta-bernacles... Prosterne-toi devant moi et demande-moi par-don pour ton découragement et pour ton infidélité.
(...)
— Je suis avec toi, ma fille... et quand tu te sens froide, c’est que moi, je fais pénétrer davantage en toi mon amour.
(...)
Quels heureux moments, quelle grande union, quelle force à me contraindre, pendant que la chaleur me donnait l’impression que des langues de feu me transperçaient !
« Mon Cœur se fait violence... »
— Aie courage, ma fille. Cela coûte beaucoup d’être traitée de la sorte, je le sais bien. Mais, plus cela coûte, plus c’est agréable à ton Jésus. Mon Cœur se fait violence en te voyant souffrir autant. Je te veux dans mes bras très saints avec la même simplicité qu’un enfant dans les bras de sa mère. Je veux enlever tous les doutes que tu puisses en-core avoir.  Je te veux plus brillante que les anges. Oui, parce que les anges sont brillants par nature, et toi, tu l’es parce que tu t’es restée brillante, parce que tu as permis à Jésus de travailler en toi librement, et t’enrichir des plus belles vertus.
« Je suis toujours avec toi... »
— Ma fille, je suis toujours avec toi. Si tu savais combien je t’aime, tu mourrais de joie. Je te prépare afin de réaliser en toi mes desseins.
Jésus m’a dit que de la même manière qu’il est fidèle à demeurer en moi pour me consoler, que moi aussi je devais être fidèle à de-meurer en esprit auprès de ses Tabernacles, pour le consoler et l’aimer; que je devais lui donner mon corps pour être victime; que des milliers de victimes ne seraient pas de trop pour réparer tant de péchés et les crimes du monde...
(...)
Quelques fois, avant même qu’il me parle, je sens comme des em-brassements. D’autres fois je les sens à la fin. Je ressens, subite-ment une forte chaleur, une chaleur que je ne sais pas expliquer. Parfois encore, je me sens tellement caressée par Notre-Seigneur! Et moi, je ne sais pas comment correspondre à tant de bienfaits...
(...)
— Parlez, mon Jésus, parlez, car votre petite fille vous écoute... Je souhaite ardemment être instruite à votre école.
— Je souhaite aussi ardemment que tu apprennes toutes mes leçons. J’ai beaucoup à t’apprendre, afin que par toi, beaucoup viennent apprendre les mêmes leçons, qu’ils mar-chent sur les mêmes traces et qu’ils suivent les mêmes chemins.
(...)
— Veille sur mes tabernacles. J’y suis si seul dans un très grand nombre !... Des jours et des jours passent sans que quelqu’un me rende visite. On ne m’aime pas, on ne répare pas. Quand ils y viennent, ils le font soit par habitude ou par quelque obligation. Sais-tu ce qui ne cesse pas de tom-ber sur mes tabernacles ? C’est cette chaîne de péchés et de crimes. Ce sont là les actes d’amour qu’ils y déposent; c’est ainsi qu’ils me consolent; c’est ainsi qu’ils réparent; c’est ainsi encore qu’ils m’aiment !...
(...)
— Fais que je sois aimé par tous dans mon sacrement d’Amour, le plus grand de tous les sacrements, le plus grand miracle de ma divine Sagesse !
(...)
— Console-moi et aime-moi et moi, je te consolerai dans toutes tes afflictions et dans tous tes besoins.
 (...)
 — J’ai établi en toi ma demeure... tu es un tabernacle construit non pas par des mains d’homme, mais par des mains divines... J’habite en toi comme si dans le monde toi seule, tu existais, comme si dans le monde je n’avais que toi à combler.
(...)
Je ne t’abandonnerai jamais. Sais-tu quand je te laisserai ? Quand je t’appellerai en ma divine présence pour t’emmener au Ciel. Alors seulement j’abandonnerai ton corps... Me le donnes-tu librement afin que je le crucifie pour les pécheurs ?
« Tu as choisi la meilleure part... »
— Comme Madeleine, tu as choisi la meilleure part. Aimer mon Cœur ! M’aimer crucifié, c’est très bien. M’aimer dans mes tabernacles, où tu peux me contempler, non pas des yeux du corps mais de ceux de l’âme et de l’esprit ; où j’habite avec mon Corps, mon Âme et ma Divinité comme dans le Ciel, c’est choisir ce qu’il y a de plus sublime.
(...)
— Ils ne croient pas à mon existence. Ils ne croient pas que j’y habite.  Ils blasphèment contre moi. D’autres croient que j’y suis, mais ils ne m’aiment pas, ne me visitent pas: ils vi-vent comme si je n’y habitais... Viens dans mes tabernacles; elles sont à toi mes prisons; je t’ai choisie pour m’y tenir compagnie, dans ces abris qui sont très souvent, extérieu-rement, si pauvres ! Mais à l’intérieur, ô, quelle richesse ! C’est la richesse du Ciel et de la terre !
(...)
— Veux-tu me consoler ? Veux-tu consoler le sanctificateur de ton âme ? Va dans les tabernacles !... Consoler les at-tristé, c’est faire œuvre de miséricorde... Et moi je suis si triste ; je suis si offensé !...
Là tu peux servir de victime pour les péchés du monde, en cette période où le monde se révolte contre moi et contre mon Église.
(...)
— Fais que je sois aimé par tous dans mon sacrement d’Amour, le plus grand de tous les sacrements, le plus grand miracle de ma divine Sagesse !
« Ne cesse pas de prier... »
? Ne cesse pas de prier pour les pécheurs. Je te les confie, afin que tu me les rendes. Viens dans mes tabernacles.
Il m’a dit encore que “ou bien je réparais et la dévotion aux tabernacles était prêchée, ou le monde allait être puni avec beaucoup de sévérité”.
J’ai demandé à mon Jésus ce que je pouvais faire pour beaucoup l’aimer et il m’a dit :
— Viens dans mes tabernacles ; viens me consoler ; viens réparer. Ne cesse pas de réparer ; donne-moi ton corps pour que je le crucifie. J’ai besoin de beaucoup de victimes pour soutenir le bras de ma justice et j’en ai si peu ! Viens les remplacer... Fais que je sois aimé de tous dans mon Sa-crement d’Amour, le plus grand de mes Sacrements et le plus grand miracle de ma divine sagesse...
— O mon Jésus, Vous me caressez si tendrement en me disant des choses si magnifiques. Ne voyez-vous pas ma petitesse... ma mi-sère ?...
— Ma fille, c'est dans ta petitesse et dans ta misère que Je cache ma grandeur, ma gloire !...
« J’ai besoin de plusieurs victimes... »
— J'ai besoin de plusieurs victimes pour arrêter le bras de ma Justice et J'en ai si peu !... Remplace-les. Je veux que tu me fasses aimer dans mon sacrement d'amour, le plus grand des sacrements... le plus extraordinaire miracle de ma Sagesse...
(...)
Oh ma fille chérie, je veux que tu sois toute à moi, toute à moi et que tu ne vives que pour moi et n’aimes que moi et ne cherches que moi !...
« Veux-tu vraiment me consoler ?... »
J’ai commencé à goûter les effets de Notre-Seigneur avant même qu’il me parle : une grande chaleur, une force qui m’enlaçait telle-ment qu’elle semblait m’arracher de ce monde. Je ressentais l’impression que l’on a quand on reçoit des caresses et j’avais l’impression aussi de recevoir des baisers...
(...)
Mes souffrances continuent d’augmenter de plus en plus, mais je ne crains pas, parce que mon cher Jésus souffre avec moi. Bien au contraire, je me sens joyeuse et contente, car par l’augmentation de mes souffrances, je peux davantage aider les pauvres pécheurs et réparer les offenses dont Notre-Seigneur est victime de leur part.
(...)
? La mission que je t’ai confiée, ce sont les tabernacles et les pécheurs...
Par toi, beaucoup, beaucoup de pécheurs seront sauvés ; non par tes mérites, mais par les miens. Je cherche tous les moyens pour les sauver...
Veux-tu vraiment consoler et aimer ton Époux, l’Époux des âmes vierges que j’aime avec prédilection ?
Viens dans mes tabernacles, reste là, vis là, et donne-moi ton corps pour que je le crucifie, afin de satisfaire à mes desseins. Sois ma victime de réparation pour les pécheurs du monde entier ; c’est ainsi que tu me consoleras beau-coup...
Ta couronne est plus brillante que toutes les perles pré-cieuses du monde. Elle est embellie par toutes tes souffran-ces et par les âmes des pécheurs que tu as sauvés. Une très haute place est préparée pour toi [dans le Ciel].
« Combien de victimes j'ai choisies... »
— Combien de victimes j'ai choisies et qui se sont refu-sées !... Combien j'ai appelées et ne m'ont pas entendu !... Combien j'ai invitées à une grande élévation vers moi et Je n'ai rien obtenu !
En toi Je me suis consolé; de toi J'ai tout reçu !... Si tu voyais le nombre d'âmes qui se sont sauvées grâce à toi, et spécialement en ces dernières années par ton jeûne !
« Ma pensée était avec Jésus... »
— Ma petite fille, enfant de prédilection de Jésus, viens : Je suis la Mère du Rosaire, je suis la Mère du Carmel. Cachée dans mon sein, serrée contre mon Cœur, reçois dans tes mains le Rosaire qui pend des miennes. Sur le Rosaire je place le Scapulaire.
(...)
Notre-Seigneur m’a recommandé de ne pas me distraire pendant la journée avec les visites, aussi nombreuses qu’elles puissent être. Et en vérité, lors de la visite au Saint-Sacrement,  j’étais si unie à Jé-sus, qu’il me semblait que nul ne pouvait me distraire... Je les lais-sais tous parler, mais ma pensée était avec Jésus au Tabernacle.
1935
“AVEC MON SANG...”
À Jésus pour toujours...
Je voulais tout faire par amour pour Eux   et, pour leur prouver que je les aimaient. Quelques fois, je faisais des boulettes de cire que j’attachais au bout d’un fil et, avec celles-ci, je me flagellais, choi-sissant les endroits de mon corps les plus sensibles, ceux où je me faisais le plus de mal, comme les genoux, les os. Mon corps deve-nait bleuâtre sous les coups.   D’autres fois, je nouais les tresses de mes cheveux aux barreaux de mon lit et je tirais ensuite, de toutes mes forces, afin de pouvoir souffrir davantage.
Un dimanche après-midi, j’ai éprouvé une si grande aspiration d’amour pour Jésus, que je ne pouvais me contenir. Je ne désirais qu’une chose: être seule. Finalement, tous les miens ont décidé, même si hésitants, d’aller à l’église. À peine ils sont sortis, j’ai pu montrer à Jésus combien je l’aimais. Ayant pris l’épingle à laquelle étaient accrochées mes médailles, je l’ai enfoncée dans ma poitrine. Ne voyant point de sang couler, je l’ai enfoncée davantage dans la chair, jusqu’à ce que le sang coule. Je m’en suis servie comme d’une plume et j’ai écrit, au verso d’une image pieuse :
— Avec mon sang, je vous jure de beaucoup vous aimer, mon Jésus. Que mon amour soit tel, que je meure enlacée à la croix. Je vous aime et je meurs d’amour pour vous, mon cher Jésus. Je veux habiter dans vos tabernacles. (Balasar, 14.10.1934).
Aussitôt après, j’ai ressenti tellement de répugnance et d’affliction, que je voulais déchirer cette image. Je ne sais pas ce qui m’en a empêché. Cette preuve d’amour ne m’a procuré aucune consolation.
Quand ma sœur est rentrée, elle m'a trouvée plongée dans une grande inquiétude. Je ne lui ai pas dit ce que j’avais fait, mais je lui ai simplement montré l’image. Elle s’est exclamée :
— Petite folle que tu es! Que va dire le Père Pinho ?
Je me suis défendue en disant :
— Je ne lui dirai rien !...
Au contraire, je lui ai tout raconté ! Lui, il me dit :
— Qui t’en a donné l’autorisation ?
J’ai répondu alors que j’ignorais qu’une autorisation était néces-saire. Il m’a interdit de refaire des choses de ce genre.
La valeur de l’âme-victime...
— De la même manière qu’avant que je ne vienne dans le monde, des victimes étaient immolées dans le temple, ainsi aujourd’hui je veux immoler ton corps comme victime. Donne-moi ton sang pour les péchés du monde. Aide-moi dans le rachat. Sans moi tu ne peux rien; avec moi tu peux tout, pour aider les pécheurs et pour bien d’autres choses.
« Notre-Seigneur m’a parlé... »
Le 3 [janvier], vers vingt et une heures, après la visite au Saint-Sacrement que je n’avais pas pu faire dans la journée, à cause de mes grandes douleurs et d’une forte indisposition — et je ne l’aurais pas faite, car j’avais grand sommeil — je me suis rendu compte, tout d'un coup, de cette sensation que je ressens quand Notre-Seigneur vient me parler. Cette nuit il m’est venu une idée qui peut, peut-être vous aider à comprendre ce que je veux dire: j’ai la sensation qu’une ondée vient me couvrir.
Je me suis inclinée sur le côté gauche et à l’instant même, Notre-Seigneur m’a parlé.
Le singe de Dieu...
Voulez-vous savoir ce que m’a dit encore le maudit ?
— “O excommuniée, excommuniée et justement excommu-niée, si tu lui écris encore quelque chose !... Convertis-toi, malheureuse ! Convertis-toi pauvre fille ! C’est l’amour que j’ai pour toi qui me fait parler de la sorte. Je viens à peine de parler à ton Christ; il m’a dit de prendre soin de toi, car il n’a plus de salut possible pour toi. Combien il était en co-lère contre toi ! Il m’a dit qu’il ne peut plus te voir, et que c’est justement à cause de tout ce que tu écris. Si tu me promets de ne plus rien écrire, je crois pouvoir encore ar-ranger les choses.”
Il a ajouté qu’il était inutile que je prie, car il n’y a plus de salut possible, pour moi... que plus personne ne peut me secourir... que je serai condamnée...
Après les prières, pendant une nuit de lutte, alors que j’avais tant besoin de dormir, tout d’un coup, il s’est fait une telle obscurité dans ma chambre, que je n’arrivais même pas à voir un filet de lu-mière par la fenêtre qui donne sur le couloir... Ensuite, j’ai vu une ombre toute noire dont je vous ai déjà parlé à plusieurs reprises; je l’ai vu sauter vers moi et je l’ai entendu me dire :
— “Je viens de la part de ton Christ, te chercher, afin de te mener en enfer. Si tu t’endors, je te prendrai, toi et ton lit...”
J’embrassais le crucifix, et la voix continuait :
— “Embrasse ce scélérat !... Il m’a dit de te faire des choses que je n’ose même pas répéter. Je ne te les ferai pas, parce que je t’aime bien...”
Ce ne fut que quand j’ai pu m’emparer de l’eau bénite qu’il m’a laissée en paix...
Il y a huit jours, j’ai vu tomber contre la porte de ma chambre, une personne les bras en croix. Je ne sais pas expliquer ce que j’ai res-senti dans mon cœur : je me suis épouvantée, mais aussitôt après, le calme est revenu.
L’obscurité que j’ai décrite, se répète bien souvent.
De temps en temps, je vois une rapide lumière... mais elle n’est pas bien distincte...
Deux fois déjà, j’ai vu, posés sur ma poitrine, comme deux yeux très grands, écarquillés, qui me fixent, mais qui disparaissent aussi vite...
Dimanche, j’ai entendu une douce voix qui me disait :
— “Ma fille, je viens te dire de ne plus écrire de ce que tu vois: c’est une illusion de ta part ! Ne vois-tu pas comment tu es faible ? Tu me fais de la peine en l’écrivant. C’est ton Jésus qui te parle et non pas Satan ! ”
Méfiante, j’ai commencé à embrasser le crucifix, et alors la voix se transforma, elle est devenue méchante :
— “Si tu écris encore quelque chose, je te mets le corps en déconfiture. Crois-tu que je ne peux pas le faire ? ”
Le démon veut me prendre les objets sacrés que j’ai sur moi et le crucifix que j’ai dans les mains...  il me dit qu’il a des secrets à me confier, mais qu’il faut que je me débarrasse de ces objets qu’il haït.
(...)
Et moi, au milieu de tout cela, sans avoir un ministre de Notre-Seigneur à qui je puisse ouvrir ma conscience; avec qui je puisse m’épancher !... Comment ne devrais-je pas me sentir triste ? J’ai pleuré, mais grâce à mon bien-aimé Jésus, ce n’étaient que des larmes d’une grande résignation à sa très sainte Volonté.
« Consacrez le monde à Marie !... »
— Je ne peux pas être davantage offensé... La profanation du dimanche, le péché de la gourmandise, l'impureté... que de crimes affreux, qui entraînent les âmes en enfer !...
Si ce monde d'iniquités ne s'arrête pas, bientôt l'humanité sera punie.
J'ai fait avertir Sodome et Gomorrhe et l'on a méprisé mes avertissements. Malheur à ceux qui, maintenant, feront de même !
(...)
— Dis à ton directeur spirituel d'aviser le pape que s'il veut sauver le monde, il doit hâter l'heure de la consécration du monde à ma Mère. Qu'il La place à la tête de la bataille et la proclame Reine de la Victoire et Messagère de Paix. Le monde aura beaucoup à souffrir, parce que la malice hu-maine est arrivée à son comble avec tous ses crimes. Pau-vre monde, s'il n'a pas comme guide la Reine du ciel ! Pau-vre monde, si Elle n'intercède pas auprès de Dieu !
« Sois ma victime... »
— Si tu m’aimes, si tu es toute à moi, ne me refuse pas ce que je te demande. Sois ma victime.
(…)
Oh, c’est alors que je me suis sentie caressée par Notre-Seigneur !... Quelle intime union ! Quelle force qui m’enlaçait si fortement ! Quelle paix dans mon âme !
Savez-vous à quoi j’ai pensé ? Quelle folle j’ai été de ne pas avoir toujours aimé Notre-Seigneur, et que tous ceux qui ne l’aiment pas, sont aussi fous !
(…)
— Tout ce que les adorateurs me demanderont dans la Sainte Eucharistie, je leur accorderai. L’Eucharistie est la médecine pour tous les maux...
Que l’on prie pour les malheureux pécheurs, lesquels, es-claves de leurs passions, ne se souviennent plus qu’ils ont une âme à sauver et qu’une éternité les attend bientôt.
« Tes sentiers sont les sentiers du Christ... »
— Ma fille, tu ne vis pas la vie du monde: tu es détachée de tout ce qui lui appartient. Tu vis du ciel, tu vis de ce qui est divin. Tes sentiers sont les sentiers du Christ : c'est pour cela que tu n'es pas comprise. Ta mission est sublime, mon ange. C'est la plus riche des missions. Voici donc la raison de la haine et de la persécution de la part du démon à l'en-contre des âmes que tu lui arraches; persécution de la part du monde parce qu’il ne comprend pas la vie que tu vis, ce que c'est que ma vie dans les âmes.
C'est douloureux pour mon divin Cœur de voir ta douleur.
Il est nécessaire que les hommes étudient profondément pour comprendre la vie du Christ dans les âmes.
Quand Je t'ai créée, Je t'ai faite avec la perfection néces-saire pour accomplir la mission la plus sublime. C'est ainsi que J'ai choisi les âmes qui devaient te guider, des âmes qui comprennent, des âmes qui vivent seulement ma vie, la vie intime avec moi. Je souhaite que tous mes disciples (les prêtres) étudient cette science divine: ils ne l'étudient pas, ne la comprennent pas. Je leur donne les lumières néces-saires et ils cherchent à les éteindre, mais en vain.
Le mois de mai
Au mois de mai 1935, désireuse de consoler la Maman chérie et de souffrir pour elle, j’ai pensé écrire, sur des petits morceaux de pa-pier, des intentions, une pour chaque jour du mois. Chaque matin j’en tirais un au sort et m’efforçait, pendant la journée, de suivre ce qui était écrit. Ceci, uniquement, pour consoler Jésus, par l’intermédiaire de Marie.
“Fleurettes” de mai 1935
1  Un vrai amour de ma part envers la très sainte Ma-man et Jésus au Saint-Sacrement.
2  Par amour pour Jésus et Marie, je souffrirai pour tous les prêtres.
3  Par amour pour Marie et Jésus au Saint-Sacrement, je souffrirai pour quelques pécheurs qui m’ont été ar-demment recommandés.
4  Par amour de Marie et de Jésus au Saint-Sacrement, je souffrirai pour tous les pécheurs du monde.
5  Par amour pour Marie et Jésus au Saint-Sacrement, je souffrirai pour obtenir un amour fou envers la Maman du ciel.
6  Par amour pour Jésus au Saint-Sacrement, je souf-frirai pour les intentions de mon parrain et de ma fa-mille.
7  Par amour pour Marie et Jésus au Saint-Sacrement, je souffrirai pour toutes les intentions qui m’ont été confiées.
8  Par amour pour Marie et Jésus au Saint-Sacrement, je souffrirai pour mon directeur spirituel.
9  Par amour pour Marie et Jésus au Saint-Sacrement, je souffrirai pour obtenir l’amour des anges, des chéru-bins et des séraphins.
10  Par amour pour Marie et Jésus au Saint-Sacrement, je souffrirai pour obtenir un amour ardent pour mon Jé-sus au Saint-Sacrement et qu’il soit aimé par tous au Saint-Sacrement.
11  Par amour pour Marie et Jésus au Saint-Sacrement, je souffrirai sans me plaindre.
12  Par amour pour Marie et Jésus au Saint-Sacrement, je souffrirai tout ce qui est de la volonté de Dieu.
13  Par amour pour Marie et Jésus au Saint-Sacrement, je souffrirai tout à la mémoire de la Passion du Sei-gneur.
14  Par amour pour Marie et Jésus au Saint-Sacrement, je souffrirai tout pour ma mère.
15  Par amour pour Marie et Jésus au Saint-Sacrement, je mortifierai mon corps.
16  Par amour pour Marie et Jésus au Saint-Sacrement, je souffrirai tout pour le Saint-Père et pour les besoins de l’Église.
17  Par amour pour Marie et Jésus au Saint-Sacrement, je souffrirai tout en l’honneur des douleurs de la Maman céleste.
18  Par amour pour Marie et Jésus au Saint-Sacrement, je souffrirai pour ma chère Sãozinha.
19  Par amour pour Marie et Jésus au Saint-Sacrement, je leur donne mon corps comme victime et je renouvelle le vœu de virginité.
20  Par amour pour Marie et Jésus au Saint-Sacrement, je souffrirai tout pour obtenir de ne penser qu’au Jésus et Marie.
21  Par amour pour Marie et Jésus au Saint-Sacrement, je souffrirai tout pour obtenir de vivre dans une grande intimité avec mon Ange Gardien.
22  Par amour pour Marie et Jésus au Saint-Sacrement, j’observerai le silence.
23  Par amour pour Marie et Jésus au Saint-Sacrement, je souffrirai tout pour obtenir l’amour de la très Sainte-Trinité.
24  Par amour pour Marie et Jésus au Saint-Sacrement, je souffrirai afin de tout obtenir du Seigneur et pour être sainte.
25  Par amour pour Marie et Jésus au Saint-Sacrement, je renouvellerai le vœu de tout offrir pour les âmes du Purgatoire.
26  Par amour pour Marie et Jésus au Saint-Sacrement, je souffrirai tout, en premier lieu pour notre “Croisade Eucharistique”  et pour une autre qui m’a été recom-mandée, et pour le monde entier.
27  Par amour pour Marie et Jésus au Saint-Sacrement, je souffrirai pour la conversion et pour tous les besoins de ma famille.
28  Par amour pour Marie et Jésus au Saint-Sacrement, je souffrirai tout pour ma chère sœur.
29  Par amour pour Marie et Jésus au Saint-Sacrement, je souffrirai tout pour les pécheurs qui sont tout près d’être présentés devant Dieu.
30  Par amour pour Marie et Jésus au Saint-Sacrement, je souffrirai tout pour obtenir l’amour de tous les saints et saintes.
31  Par amour pour Marie et Jésus au Saint-Sacrement, je renoncerai aux fruits.
— Mère de Jésus et ma Mère, écoutez ma prière : je vous consacre mon corps et mon cœur. Purifiez-le, Mère très Sainte : remplissez-le de votre amour. Placez-le vous-même auprès des Tabernacles de Jésus, afin qu’ils servent de lampe jusqu’à la fin du monde.
Jésus demande la consécration...
Le 30 du courant mois,  après la Communion, j’ai entendu Jésus qui me disait :
— En raison de l’amour que tu as envers ma très Sainte Mère, communique à ton directeur spirituel la demande sui-vante: que chaque année un acte de consécration du monde à Elle soit fait, un jour fixé et que l’on demande à la Vierge sans tache de confondre les impurs, afin que ceux-ci chan-gent de vie et ne M’offensent plus davantage.
Comme Je l’ai demandé à Marguerite Marie la consécration du monde à mon divin Cœur, ainsi Je te demande à toi, qu’il soit consacré à Elle, avec une fête solennelle.
« Quelle paix je sens dans mon âme... »
(…)
Dans la journée, je redisais à Notre-Seigneur : O mon Jésus, je ne sais pas comment vous remercier pour tant de bienfaits. Moi, qui ne suis pas digne de lever les yeux au ciel, ni de vous appeler du très doux nom de Père, je reçois de vous tant de grâces ! Merci, merci beaucoup, mon Jésus !
(...)
— Ne tardez pas à faire connaître tout ce que Je vous com-munique au sujet de l’Eucharistie. vous n’avez que cette médecine. C’est de celle-ci que naissent les paratonnerres pour éloigner la divine Justice.
(...)
Quelle paix je sens dans ma pauvre âme ! Comme j’ai envie de l’aimer de plus en plus ! Aujourd’hui je l’ai reçu, avec peu de fer-veur; mais il y a déjà eu pire. Savez-vous ce que je crois voir ? De plus en plus de grandeur en Notre-Seigneur, et en moi, de plus en plus de petitesse: on dirait que je m’accroupissais, que je mettais à plat ventre. Pour cela même, je me sens de plus en plus indigne de recevoir Notre-Seigneur, la grandeur et la bonté infinies ! Mais, confions en sa miséricorde, n’est-ce pas ?
La “lampe” des tabernacles
O mon Jésus, je m’unis spirituellement à toutes les Hosties de la terre, dans tous les lieux où vous habitez au Saint-Sacrement; je veux y passer tous les moments de ma vie, constamment, de jour comme de nuit, joyeuse ou triste, seule ou accompagnée, à vous consoler toujours, à vous adorer, à vous aimer, à vous louer, à vous glorifier ! O mon Jésus, je voudrais que tant d’actes d’amour tom-bent sur vous, constamment, de jour comme de nuit, comme la pluie fine qui tombe du ciel pendant une journée d’hiver. Je ne voudrais pas ces actes d’amour uniquement de moi, mais de tous les cœurs, de toutes les créatures du monde entier. Oh ! Comme je voudrais aimer et vous voir aimé de tous ! Vous voyez, ô Jésus, mes désirs: acceptez-les comme si déjà je Vous aimais ! O Jésus, qu’il ne reste dans le monde un seul lieu où vous demeurez au Saint-Sacrement, sans qu’aujourd’hui et pour toujours, à chaque instant de ma vie, je n’y sois pour Vous dire : “Jésus, je vous aime ! Jésus, je n’appartiens qu’à vous ! Je suis votre victime, la victime de l’Eucharistie, la petite lampe de vos tabernacles ! ” O Jé-sus, je veux être victime pour les prêtes, les  pécheurs, ma famille ; victime par amour pour vous, pour votre très sainte Passion, pour les douleurs de la Maman chérie, pour votre Cœur, pour votre sainte Volonté ; victime pour le monde entier ! Victime pour la paix, victime pour la consécration du monde à la Maman du ciel !
« Il me semble avoir davantage de péchés... »
On dirait que tout ce qui s’est passé en moi est oublié, sauf les pé-chés ; ceux-là je me les rappelle. J’ai quelques fois des moments d’affliction dont j’ignore la cause. À ces moments-là, il me semble avoir davantage de péchés !
« Je suis votre victime !... »
La Toussaint a été pour moi un jour de grande tribulation: dès le matin, j’avais l’impression de comparaître devant Notre-Seigneur, sans rien, les mains vides. Cette situation me faisait penser à celle d’un mendiant qui n’a même pas un vieux chiffon pour se couvrir: moi non plus, je n’avais rien pour ma pauvre âme. Il me semblait ne pas avoir de cœur pour aimer Notre-Seigneur, et j’avais aussi l’impression qu’on l’éloignait de moi, mais je ne comprenais pas ce qui se passait...
Après la sainte Communion, il me semblait que je traitais Jésus comme un étranger.
Hier, j’ai de nouveau ressenti ce que je vous ai déjà expliqué il y a quelque temps: soudain il m’a semblé porter sur moi tous les pé-chés du monde, que tous les crimes étaient les miens. Je ne sais pas expliquer ce que j’éprouvais alors... Quand je me sens affligée, j’ai l’habitude de dire : “Mon Dieu, que votre très sainte Volonté soit faite. J’ai confiance en vous. Je vous aime beaucoup, mon Jé-sus, je suis votre victime !...
Si je pouvais, par mes souffrances, fermer les portes de l’enfer! C’est ce que je répète souvent à Notre-Seigneur : “ O mon Jésus, que chaque nouvelle douleur, que chaque nouvelle affliction, soient autant d’actes d’amour pour vos Tabernacles, autant de serrures pour les portes de l’enfer, afin que les forces du mal ne puissent plus les rouvrir.
Je regrette de ne pas savoir remercier Notre-Seigneur pour tant d’amour pour la souffrance et pour tant et tant de bienfaits que je reçois de Lui. Mon Père, je vous demande, par charité, de remercier et de louer Jésus pour moi. Notre-Seigneur m’a donné la perle la plus précieuse, la plus grande richesse que l’on puisse avoir en ce monde. Combien heureux est celui qui souffre pour Jésus ! Si je ne l’avais pas autant offensé, mon bonheur serait à son comble. Mais, malgré mes péchés, il me semble que nul au monde n’est plus heureux que moi...
Mon état d’âme n’a pas changé : toujours le même abandon dans lequel Notre-Seigneur m’a laissée... Que Notre-Seigneur daigne ac-cepter toutes les peines que je souffre pour la conversion des pé-cheurs. Les âmes de ces malheureux qui offense tant Jésus, me préoccupent beaucoup. J’ai tant de peine pour leurs petites âmes ! Penser qu’une fois perdues, elles le sont pour toujours ! Quelle dé-solation ! Je ne peux pas m’arrêter de tout endurer et d’offrir tous les sacrifices pour leur salut et soulager Jésus.
Quand je contemple Jésus crucifié et le vois si maltraité, alors mon chagrin redouble et mon cœur se remplit de douleur et de tristesse, me souvenant qu’à chaque instant il est si horriblement crucifié... J’en souffre beaucoup. Parfois, mon corps n’en peut plus résister et je crois mourir. Cependant, mon esprit vit encore, Dieu soit loué. Il vit dans le désir de souffrir davantage, pour pouvoir ainsi consoler et soulager Celui qui m’aime tant et qui est mort pour moi. C’est ainsi que je vis, sans aucun moment de consolation, au milieu des ténèbres et dans un complet abandon; mais toujours dans les bras de Jésus, tenant ma place de sentinelle auprès de ses Tabernacles, partout où il habite au Saint-Sacrement. Je lui dis alors:
“O mon Jésus, si je me distrais ou si je m’endors, rappelez-moi aus-sitôt, par des afflictions ou par des souffrances, afin que je prenne votre défense et que les péchés du monde ne tombent pas sur vos prisons d’amour. Je veux vivre et mourir dans vos bras, mais sans jamais arrêter de vous consoler et de vous aimer; sans jamais ces-ser de vous tenir compagnie et de vous soulager.”
« Il me semble que tout s’assombrit... »
Il me semble que, jour après jour, tout s’assombrit de plus en plus. Même le Soleil divin qui me réchauffait, m’éclairait et donnait la force à ma pauvre âme, semble s’être obscurci. Patience! Je veux tout souffrir pour mon Bien-Aimé Jésus, pour lui sauver beaucoup d’âmes: c’est la mission que Notre-Seigneur m’a confiée, en ce monde, n’est-ce pas ?
Combien elle est belle et consolante la prière du “Notre Père” ! “Que votre volonté soit faite sur la terre comme au ciel !” Que ma plus grande consolation soit celle de savoir que je fais la volonté de mon Bien-Aimé Jésus, qui a tant aimé cette misérable pécheresse...
Pour dicter ces quelques lignes, j’ai dû m’y prendre à plusieurs re-prises : il me fallait attendre de pouvoir parlé, car mes souffrances sont si grandes, qu’elles m’accablent et m’épuisent complètement.
1936
“OFFRE-TOI...”
« Jésus écoute bien mes demandes... »
Mon doux Jésus ne semble pas encore satisfait de ma crucifixion. Il écoute bien les demandes que je lui fais d’augmenter mes tour-ments. En plus des énormes douleurs qui me torturent, je me sens, maintenant, comme suspendue à une balançoire, poussée de droite à gauche et de bas en haut, ce qui me cause une très grande souf-france dans tout le corps. Les douleurs de mon bras gauche sont aussi plus aiguës. Béni soit Notre-Seigneur ! Que sa très sainte vo-lonté, qui est aussi la mienne, soit faite. Mais, que sont les maux corporels, comparés aux souffrances de l’âme ! Ce n’est qu’avec l’aide divine que je peux y résister. Ce complet abandon, dans le-quel mon Bien-Aimé Jésus a daigné me placer — être privée de lu-mière et de consolations — me coûte énormément.
« Endurer toutes les souffrances... »
S’il m’était possible d’endurer toutes les souffrances du monde, je ne les refuserais pas, pourvu que Jésus fût aimé de tous. Je dis souvent à Jésus :
— Mon Bien-Aimé Jésus, comme j’aimerais vous consoler et pouvoir vous dire : “Mon Jésus, vous ne serez plus offensé ! Il ne tombera désormais plus d’âmes en enfer ! Vous êtes aimé et connu de tous !” Oh oui, je veux beaucoup souffrir, afin que votre Sang n’ait pas été versé inutilement pour aucune âme !
« O douleur bénie !... »
O douleur, douleur bénie ! O croix, lit sacré !... Je veux que tu sois ma tombe d'où je ne puisse plus sortir !... Croix sainte, trésor im-mense dont Jésus a voulu m'enrichir, je te désire, je t'embrasse, je veux être clouée à toi, toute entourée d'épines ! Je veux être bles-sée et immolée pour Jésus, avec Jésus ! La croix fait mon bonheur sur la terre et me rendra heureuse au ciel !...
Mois de mai...
En mai 1936, déjà sans forces, ne pouvant plus écrire, mais dési-rant donner, à Jésus et Marie, la même preuve d’amour que l’année précédent, j’ai demandé à ma sœur d’écrire les intentions de prière suivantes, sur les bulletins à tirer au sort quotidiennement, souf-frant et aimant selon l’intention écrite.
Le 31 mai 1936, j’ai écrit ce qui suis :
— Petite-Maman du ciel, je viens humblement à vos pieds pour dé-poser les fleurs spirituelles recueillies pendant le mois. Je suis confuse : quelle pauvreté ! Dans quel état je vous les confie ! Elles sont si fanées et si effeuillées ! Mais vous, ô ma très chère Maman céleste, vous pouvez les transformer, les reverdir, les ravigoter, afin qu’avec elles, à ma place, vous puissiez apporter consolation et parfum à Jésus ! Parlez-Lui de mes peines et de mes afflictions.
(…)
Ma très chère Petite-Maman, en ce dernier jour de votre mois béni, en prenant congé, vu que je n’ai rien d’autre à vous offrir, je vous offre mon corps et je vous demande de le garder et de le serrer dans vos bras très saints comme votre fille la plus aimée.
La mort mystique
Le Seigneur m’a informée, courant 1935, que je mourrais  le jour de la fête de la très Sainte-Trinité   1936. Vu que je ne connaissais pas d’autre mort, je pensais quitter ce monde et partir vers l’éternité.
Pendant cette période j’ai eu beaucoup de consolations spirituelles. Plus le jour de la fête de la très Sainte-Trinité approchait, plus grande était ma joie : je serais partie célébrer au ciel la fête de mes trois amours, comme je les appelais: le Père, le Fils et le Saint-Esprit.
Les douleurs de mon corps allaient en augmentant et, tout portait à croire à ma prochaine disparition. Deux jours avant, le Seigneur m’a confirmé que je mourrais entre les 3 et 3 heures 30 du matin et m’a dit de faire appeler mon directeur spirituel. Cela fut fait.
l est arrivé vers le soir et est resté auprès de mon lit toute la nuit. Il m’a préparée à mourir; et a fait avec moi un acte de complète résignation et de conformité à la volonté de Dieu. J’ai demandé pardon à toute la famille et dans la joie, je chantais :
Heureuse, ô heu-reuse ! Heureuse qui, mille fois,
Et j’en ai tant en-vie, Dans sa longue agonie
De mourir en chantant Avec amour peut citer
Le saint nom de Marie ! Le saint nom de Marie !
Ensuite, j’ai été prise d’une affliction croissante. À l’heure fixée, je ne sais pas ce que j’ai ressenti ; j’ai cessé d’entendre tout ce qui se passait autour de moi. Mon Père spirituel et mes familiers ont récité les prières pour les agonisants; ils ont allumé un cierge béni qu’ils ont placé entre mes mains, mais déjà je n’avais connaissance de rien. Je suis restée ainsi un certain temps. Ils pensaient que j’étais morte et ils me pleuraient. Tout d’un coup, j’ai commencé à enten-dre leurs pleurs; j’ai recommencé à respirer et, petit à petit, j’ai re-pris mes esprits, tout en restant encore en état de dépression et je pensais : “Vous continuez à pleurer et moi, je continue de mourir !” J’attendais toujours de comparaître devant Dieu. Cela ne me faisait rien de quitter ce monde et ma chère famille.
À un certain moment, voyant que je m’en remettais et que les pa-roles de Jésus ne se réalisaient pas, une grande et inimaginable tristesse m’envahit; je me sentais comme oppressée par un poids écrasant.
Mon directeur spirituel a dû partir, sans m’adresser la moindre pa-role de réconfort. J’ai passé la fête de la très Sainte Trinité comme une moribonde ; à l’intérieur de moi, tout était mort. Mes larmes coulaient abondamment. Des doutes insupportables m’ont assaillie : je m’étais trompée, au sujet de la mort, ainsi que sur tout ce que Jésus m’avait dit jusqu’alors...
Pendant les deux jours qui ont suivi, il me semblait que tout était mort. Il n’y avait plus de soleil, plus de lune, plus de jour pour moi. Vivre m’était presque insupportable.
Deolinda et Sãozinha s’approchaient de moi et me demandaient :
— Pourquoi ne parles-tu pas ? Pourquoi ne nous souris-tu pas ?
Moi, je leur répondais :
— Laissez-moi seule ! Je ne suis plus la même. Vous ne me verrez plus sourire. Il n’y aura plus jamais de soleil capable de m’éclairer !
Et je pleurais.
Plongée dans la plus grande douleur, dans la plus grande amer-tume, je parlais de telle sorte qu’elles ne savaient plus quoi me dire. Elles parlaient même de faire appeler mon directeur spirituel. Mais, sans que personne en soit prévenue, le Père Oliveira Dias   est arrivé, envoyé par mon directeur spirituel, pour réconforter mon âme. Le bon Père m’a expliqué mon cas, me racontant des cas semblables au mien qui sont arrivés dans la vie de certains saints. C’est ainsi que j’ai appris qu’il s’agissait de la mort mystique et, de laquelle je n’avais jamais entendu parlé.
J’ai eu comme l’impression que ce fut comme un ange envoyé du ciel pour calmer la tempête de mon âme. J’ai toutefois continué de vivre dans l’épreuve. Il me semblait que Jésus, lui aussi, était mort, car pendant quelques mois, je n’ai plus entendu sa voix. Quand l’agonie de mon âme augmentait, je me remémorais les faits que le Père Oliveira Dias m’avait racontés et je reprenais un peu de cou-rage, aidée en cela par mon Père spirituel.
Encore la Consécration...
— Je vais te dire comment sera faite la consécration du monde à la Mère des hommes et ma très Sainte Mère, que j’aime tant ! Ce sera à Rome, par le Saint-Père, qu'il sera consacré, et ensuite par tous les prêtres dans toutes les églises du monde entier... Ne craignez pas, mes desseins s’accompliront.
« Écoute mes divins désirs... »
Un jour Jésus m’a dit :
— Écoute mes divins désirs : dis à ton Père spirituel de faire connaître partout que ce fléau   est un châtiment, c’est la colère de Dieu. Châtiment pour rappeler : Je veux le salut tous. Je suis mort pour tous. Je ne veux pas être offensé et je le suis grandement, en Espagne et partout dans le monde entier ! Il est grand, le danger, que ce fléau et que les actes de barbarie se répandent.
Maintenant, je vais te dire de quelle manière sera faite la consécration du monde à la Mère des hommes et ma très sainte Mère :
D’abord par le Saint-Père, à Rome; ensuite, par tous les prêtres dans toutes les églises. Elle sera invoquée comme Reine du ciel et de la terre ; Notre-Dame de la victoire.
Si le monde corrompu se convertit et change de chemin, Elle régnera et par son intermédiaire on obtiendra la vic-toire. N’aie pas peur, ma fille : mes désirs se réaliseront !...
Une vision
Vers la fin de 1936, une nuit, j’ai aperçu, à peu de distance, un pré très vert et très fleuri. Les fleurs étaient des lis. Combien ils étaient nombreux ! Combien ils étaient parfaits ! Au milieu de ce pré, pais-sait un troupeau d’une immensité de brebis. Le berger, c’était Jé-sus, grandeur nature, très beau, un bâton à la main.
Je me suis approchée du pré ; au moment où j’allais entrer, le tout se transforma dans une route aride. J’ai cheminé jusqu’à une pente très difficile à monter. Pour arriver au sommet de la montagne, je devais parcourir un sentier qui faisait peur: que des ronces et des épines. À ma gauche j’entendais bêler les brebis. J’aurais aimé m’approcher pour voir la cause de leurs lamentations, mais un pré-cipice profond et obscur m’empêchait enfin de les voir. Je percevais qu’elles souffraient beaucoup. J’ai continué de cheminer le long de ce sentier et puis, tout en haut, à droite, j’ai encore entendu des lamentations. Depuis la hauteur, j’ai pu voir la cause de tant de souffrance: il y avait une brebis à la laine très blanche, mais très sale, tombée et enchevêtrée entre de longues et aiguës épines. De suite j’ai compris que ses lamentations n’étaient pas de nostalgie de sa maman, parce qu’elle était déjà assez grande. J’ai eu telle-ment de peine, de la voir dans cet état, que je me suis approchée et, avec beaucoup d’amour, patiemment, je l’ai libérée de ses épi-nes. Aussitôt libérée, la vision cessa.
Je ne l’ai plus jamais oubliée. Elle resta gravée dans ma mémoire et dans mon âme.
« Malheureux celui qui est paralytique »
Lors des festivités du mois de mai dans la paroisse, je restais seule à la maison. Pour faire mes prières, j’allumais quelques bougies avec une canne. Un jour, un bout de bougie allumée est tombé ris-quant de faire prendre feu à la nappe de la table ou faire éclater le globe de verre. Je voulais l’étendre avec la canne, mais je n’y réus-sissais pas. Au moment ou je m’apprêtais à laisser tomber dessus le chandelier, tout s’est éteint.
Quelle affliction de ne pas pouvoir bouger et empêcher qu’une aussi petite flamme ne cause la destruction de notre maison !
Un autre jour où je devais aussi rester seule pour peu de temps, j’ai eu une grande peur.
Une voisine est entrée pour me demander si j’avais besoin de quel-que chose. Quand elle est partie, elle a laissé la porte de la véranda ouverte et, peu de temps après, notre chèvre en a profité pour en-trer. Elle a pris la direction de la salle où nous gardions les vases de fleurs destinés à l’ornementation de l’église, les jours de fête. Je l’ai appelée : elle m’a regardé, mais n’est pas venue. Je lui ai jeté un morceau de miel, mais elle ne l’a pas mangé, je lui ai encore mon-tré un autre bon morceau et j’ai continué de l’appeler; à la fin, elle a fini par s’approcher de moi. Alors, je l’ai saisie, je lui ai donné le miel et je l’ai ensuite tenue pendant deux heures: quelquefois la caressant, quelquefois aussi lui administrant quelques petites tapes.
Quand ma sœur est arrivée, elle s’est étonnée que j’ai pu faire un tel effort. J’ai remercié Jésus pour avoir pu éviter, malgré ma para-lysie, le désagrément de voir nos fleurs détruites.
Quelque temps après, j’ai eu une épreuve plus douloureuse.
Ma sœur s’était absenté du village et ma mère était partie au mar-ché. Je suis restée avec une jeune fille chargée par ma mère de m’aider, jusqu’à son retour. Malgré ses vingt ans, elle préféra s’en aller avant l’heure. Au moment où elle sortait, je lui ai dit :
— “Si vous voulez partir, faites-le. A leur retour, elles me retrou-veront ici, vivante ou morte”.
À peine la jeune fille était-elle sortie, que quelques chatons, après plusieurs tentatives, réussirent à monter sur mon lit. Comme je ne le voulais pas, je les ai obligés à descendre. Quelques minutes plus tard, j’ai entendu que l’un d’eux tombait dans une bassine d’eau. Il a beaucoup miaulé et, après avoir avalé beaucoup d’eau, il est mort. La mère a, elle aussi, beaucoup miaulé.
Je n’ai pas réussi à me dominer et j’ai commencé à pleurer, en di-sant :
— O Maman du ciel, faites que quelqu’un arrive et puisse le sau-ver !
J’ai invoqué plusieurs saints.
En même temps je pensais : — Malheureux, celui qui est paralyti-que !
Par hasard, deux personnes sont entrées et, me voyant pleurer ont été impressionnées. C’est que je ne pleurais pas d’impatience, mais parce que j’avais de la peine pour les animaux.
Le comportement de la jeune fille a déplu à ma mère et à ma sœur, mais elles lui ont pardonné, comme moi aussi, je lui ai pardonné.
Comme j’aimais la solitude, spécialement le dimanche, lorsque, à l’église se faisait l’adoration du Saint-Sacrement, je demandais aux miens de me laisser seule avec Jésus.
C'est ainsi, qu'un jour, aussitôt que je les avais entendues partir, je m'étais mise à réciter mon chapelet. Peu après, j'ai entendu ouvrir le portail qui donne dans le jardin et des pas légers arpenter les es-caliers, en même temps qu'une voix répétait avec insistance : — Ouvre-moi la porte !
D'immédiat j'ai reconnu cette voix  et, j'ai tremblé apeurée... Avec confiance, j'ai serré entre mes mains le chapelet, mais j'étais at-terrée, en pensant à ce qui pourrait m'arriver... J'entendais pousser fortement la porte et manœuvrer la serrure... Je tremblais, sans même oser respirer, car je savais que la porte n'était pas fermée à clef... Mais, je ne sais comment, la porte ne s'est jamais ou-verte !... Après de vains essais, le voyou a renoncé et est parti, me laissant en paix.
J'attribue à Jésus et à la Mère du Ciel d'avoir été épargnée de cette mauvaise rencontre.
À partir d'alors, jamais je n'ai voulu rester seule à la maison.
« Je me suis offerte à Notre-Seigneur !... »
Sans savoir comment, je me suis offerte à Notre-Seigneur, comme victime et j'ai demandé, maintes fois, l'amour de la souffrance. J'ai été bien exaucée; maintenant, je ne changerais pas la douleur contre tous les trésors du monde. Avec quel emportement j'offrais à Notre-Seigneur toutes mes souffrances. La consolation de Jésus et le salut des âmes, voilà ma seule aspiration...
(...)
Béni soit mon Bien-Aimé Jésus qui m’a donné la plus grande ri-chesse que l’on puisse avoir en cette vie: il m’a donné les souffran-ces, mon plus grand bonheur ! Je pense que toute l’éternité ne sera pas assez longue pour l’aimer, le louer et le remercier pour tant de grâces, tant de bienfaits, tant de richesses dont il m’a comblée !
Mon Père, c’est du plus profonde de mon cœur que je peux vous le dire: si l’on venait me déclarer, en ce moment même, que je pas-serais le reste de ma vie sans souffrir, mais, qu’au ciel, j’aurais le même degré de gloire que si je souffrais toujours, je répondrais, sans hésiter: non, mille fois non. C’est par la souffrance que les portes du ciel m’ont été ouvertes. Si je peux avoir le bonheur de ressembler à Jésus crucifié, devrais-je le mépriser ? Non, cela non; souffrir et souffrir toujours ! Ce n’est que l’amour qui récompense l’amour ! Jésus a souffert et est mort par amour pour moi; moi aus-si, je veux souffrir et mourir pour son amour.
Je vis dans une sorte de continuel délaissement spirituel, très an-goissant. Mais que seule la volonté de Notre-Seigneur soit faite.
« Offre-toi pour les âmes... »
En contemplant Jésus crucifié et me rappelant tout ce qu’il a souf-fert pour moi, je ne peux rien Lui refuser. Au contraire, je Lui dis: “Encore davantage, mon Jésus; toujours plus !” Et il daigne m’exaucer: il a toujours des souffrances à me faire partager.
Mon âme est dans un tel état de délabrement et de froideur, que je la compare à une maison qui, suite à un incendie, n’est plus que ruines. Pauvre de moi! C’est tout ce que j’y trouve: une vie de pé-chés et d’infidélités envers Notre-Seigneur, rien d’autre...
(...)
Jésus est venu m'aider à plusieurs reprises. Il m’encourageait... m'humiliait... me confondait... et me disait des choses si belles. Il agissait à mon égard, comme si je ne L'avais jamais offensé... comme si ma vie ne Lui était pas connue !... Que je suis misérable ! Que je suis ingrate envers Notre-Seigneur, si bon et si tendre pour moi !...
— Reçois, ma fille, le Sang qui engendre les vierges, donne la pureté, la grâce, l'amour. C'est la vie divine que Je donne à mes épouses les plus chères...    Offre-toi pour les âmes, pour les sauver. Je t'ai confié le monde, et il ne correspond pas... Les âmes qui m'aiment sont si peu nombreuses; sont si peu nombreuses celles qui savent bien souffrir, qui connaissent la valeur de la croix et qui l'aiment. Il est grand, par contre, le nombre de celles qui m'offensent !... Il y a tant de malice! La chasteté est en train de disparaître du monde.
1937
L’ENQUETE
« Ma médecine était Jésus »
Vers la fin du mois d’avril 1937, j’ai eu une grande crise [physique] que me mit aux portes de la mort: des vomissements à ne plus en finir; mon estomac n’acceptait aucun aliment. Les premiers jours je suis restée dans un profond abattement. Je ne reconnaissais per-sonne. Je n’avais ni faim ni soif. Monsieur le curé, par trois fois, me récita les prières pour les agonisants, mais je m’en souviens très peu. J’entendais que l’on priait, mais je ne pensais pas à la mort.
Depuis un an, je recevais régulièrement la Communion , alors qu’auparavant, malgré la peine que cela me causait, je ne la rece-vais que quelques fois par mois.
Je ne sais pas pourquoi, mais probablement parce le Seigneur l’inspira à l’abbé, celui-ci me portait Jésus chaque jour. J’avais de-mandé cette grâce qui fut pour moi une très grande joie.
Lors de cette période de vomissements, un jour j’ai vu entrer mon-sieur le Curé dans ma chambre. Le reconnaissant, je lui ai dit :
— J’aimerais recevoir Jésus.
Il m’a répondu :
— Oui, ma chère, je vais prendre une hostie non consacrée: si tu ne la rejettes pas, je te donnerai Jésus.
Et ce fut ainsi. Toutefois, à peine avalée, je l’ai rendue aussitôt. Le Père était d’avis de ne pas me donner la Communion, mais quel-qu’un lui dit :
— Monsieur le Curé, une hostie non consacrée n’est pas Jésus !
Alors il se décida à me donner la Communion et je ne l’ai pas ren-due. Je ne suis plus jamais restée sans la Communion.
Combien de fois le curé en entrant, me trouvait prise de crises de vomissements ! Mais, à peine avais-je reçu Jésus, que les crises et les nausées cessaient, pour ne revenir qu’une demi-heure après la Communion. C’est par cette raison que Monsieur le Curé ne crai-gnait plus de me donner Jésus.
La crise dura pas mal de temps et, pendant dix-sept jours je n’ai rien pu avaler: ma médecine était Jésus. Je disais : — “Je meurs de faim et de soif” — car après les premiers jours, je sentais une soif brûlante et un grand besoin de m’alimenter. Quand j’en fus guérie, ma plus grande peine me venait lorsque je pensais que, si j’étais morte pendant cette crise, je n’aurais pas eu une parfaite connais-sance de la mort.
La visite du Père Durão, sj
Le 21 mai 1937, j’ai eu la visite du révérend Père Durão. Il était envoyé par le Saint-Siège afin d’examiner la question de la consé-cration du monde à Notre-Dame. Je ne désirais pourtant que vivre cachée, sans que personne sache ce qui se passait en moi. Le ré-vérend remis à ma sœur un billet de mon directeur spirituel, lui demandant de me le lire. En entendant les mots du billet — qui étaient les suivants : “Je vous présente le révérend Père Durão; parlez-lui librement et répondez à tout ce qu’il vous demandera” —, je me suis affligée et j’ai demandé à ma sœur ce que je devais lui répondre, car je ne savais pas qu’un interrogatoire était nécessaire pour des cas comme le mien. Ma sœur m’a encouragée en me di-sant :
— “Dis-lui ce que Notre-Seigneur t’inspirera”.
J’ai été surprise, par la manière dont, sans hésitation, j’ai répondu aux questions au sujet des communications de Notre-Seigneur. Il m’a suggéré de ne lui dire que les choses principales, afin de ne pas me fatiguer. Je lui ai répondu que je ne savais pas quelles étaient les choses principales. Le révérend me dit alors :
— J’aime ça ! J’aime ça !
Et ce fut alors qu’il m’a parlé de la consécration du monde à Notre-Dame. Après quelques questions il m’a dit :
— Vous ne vous trompez pas ?
À ces paroles, je me suis souvenue de mon erreur au sujet de ma mort et, j’ai pensé :
— Une fois déjà, je me suis trompée...
Et je lui ai raconté ce qui s’était passé le jour de la fête de la très Sainte-Trinité, en 1936. Le révérend Père ne m’a plus dit si je ne me serais pas trompée, mais il a repris :
— Ces choses-là coûtent beaucoup, n’est-ce pas ?
Et je lui ai répondu :
— Oui, elles coûtent et me rendent triste.
Et j’ai commencé à pleurer.
À la fin, il s’est recommandé à mes prières et m’a assuré qu’il ne m’oublierait pas non plus, lors de la célébration de la sainte Messe. Il s’est agenouillé ensuite et a récité trois Ave et quelques prières jaculatoires. Celles-ci terminées, il a pris congé.
J’ai beaucoup pleuré, et je suis restée dans la tristesse et la tour-mente, car ce qui pendant longtemps était resté caché et gardé au sein de la famille, sortait ainsi à la lumière.
Tout de suite j’ai écrit à mon directeur spirituel pour tout lui ra-conter. Il m’a répondu rapidement en me rassurant, me disant que tout cela servait pour la plus grande gloire de Dieu.
« Le maudit me disait... »
Les horribles attaques que vous connaissez, mon Père, se sont ré-pétées; tout particulièrement celle survenue dans la nuit qui suivit votre départ. O mon Jésus, quelle chose effroyable ! Et le maudit me disait :
— “Toi qui commets tant de crimes, tu veux te faire passer par une bonne personne, par une innocente. C’est le prix de tout ce que tu racontes à cette espèce de baratineur.”
Il me disait d’autres choses semblables. Puis, il me précipita en bas du lit, mais mon cher Jésus ne m’a pas abandonné; il est venu à mon aide.
Avant même que je n’entende sa voix, je ressentais une très grande paix. Il m’a parlé ainsi :
— Qui pourrait te donner cette paix que je te fais ressen-tir ? Courage; la victoire t’appartient ! Rassure-toi, car je ne permettrai pas que tu m’offenses. Je ne veux pas te délivrer de ces horribles combats, car j’en retire beaucoup de répa-ration pour moi-même et des trésors de grâce pour les pau-vres pécheurs. Repose-toi dans mon Cœur. Les bons anges te défendront des mauvais. Reçois, mon ange, les caresses de ton Jésus...
Si je suis encore de ce monde, lorsque je vous rencontrerai de nou-veau, je vous expliquerai mieux tout cela. vers minuit, j’ai été li-bérée du maudit. Quelles heures terribles ! Mon cher Jésus me dit, et vous aussi, mon Père, en qui j’ai toute confiance, que je n’offense pas Notre-Seigneur, alors que j’étais convaincue du contraire. Je pensais que dans de telles circonstances il était impos-sible de ne pas l’offenser.
Le déchaînement des forces infernales
Ce fut au mois de juillet 1937 que le démon, non content de me tourmenter la conscience et de me dire des turpitudes, après quel-ques mois de menaces, a commencé de me battre et à me faire tomber du lit, de jour comme de nuit. Au début j’ai caché la chose y compris aux personnes de la maison, excepté Deolinda, leur di-sant qu’il s’agissait de crises du cœur. Mais, par la suite, ma mère et une jeune fille  qui vivait avec nous, ont été informées.
Une nuit, le malin m’a jetée sur le parquet, me faisant passer par-dessus ma sœur qui dormait sur un matelas étalé par terre à côté de mon lit. Deolinda s’est levée, m’a prise dans ses bras m’ordonnant :
— Va dans ton lit !
Remise à ma place, je me suis levée brusquement en émettant des sifflements. À peine me suis-je rendue compte de ce qui arrivait, j’ai commencé à pleurer. Deolinda m’a tranquillisée en disant :
— Ne t’affliges pas: ce n’était pas toi !
La nuit suivante la même chose est arrivée et, à ma sœur qui vou-lait me reposer sur mon lit je lui ai crié, en l’éloignant de moi :
— Non, non, au lit je n’irai pas !
À peine je me rendais compte du mal que je faisais, je pleurais.
Une nuit le démon a fait des choses que j’ignorais.   J’ai pleuré amèrement et je pensais ne pas pouvoir recevoir Jésus sans me confesser. Ce jour-là, Monsieur le Curé était absent, mais je sentais qu’il me serait bien difficile de lui parler de ces choses-là. Je sentais ne pas pouvoir m’ouvrir à lui. Ma sœur qui, voyant mes larmes, cherchait à me réconforter, mais n’y réussissait pas, s’est proposée d’aller chercher mon directeur spirituel qui prêchait dans un village voisin. Je lui ai dit que cela ne serait pas nécessaire, car je ne lui dirais pas ce qui se passait.
Je lui ai demandé une image de Notre-Dame et, avec beaucoup de sacrifice, j’ai écrit succinctement ce qui était nécessaire pour être comprise. Je l’ai cachée sous l’oreiller en attendant que l’heure ar-rive de la remettre. Mais, de façon imprévue, mon directeur spiri-tuel est arrivé avec Jésus-Hostie, accompagné par un séminariste. Il avait été informé de l’absence de Monsieur le Curé. Quand il m’a annoncé qu’il m’apportait Jésus, je lui ai dit :
— Je ne peux pas faire la Communion sans me confesser.
Les larmes et la honte ne me permettaient pas de parler. Je lui ai dit, toutefois, avoir écrit un billet. Il l’a pris, l’a lu et, pour me tran-quilliser, m’a assuré qu’étant donné les précédents, il avait prévu cette épreuve, même s’il n’avait jamais osé m’en prévenir.
Cette tribulation s’est répétée plusieurs fois, même deux fois par jour. Pendant ces assauts je ressentais en moi la rage et la fureur infernales. Je ne consentais pas que l’on me parle de Jésus et de Marie. Je crachais sur leurs images. J’insultais mon directeur, je le menaçais ainsi que quelques personnes de la maison. Mon corps devenait violet et sanguinolent à cause des morsures.
Oh ! combien j’aimerais que beaucoup aient pu le voir, afin qu’ils craignent l’enfer et arrêtent d’offenser Jésus !
À chaque fois que l’influence du démon cessait et, me souvenant de tout ce que je venais de faire et de dire, d’angoissants scrupules m’envahissaient; j’avais l’impression d’être la plus grande péche-resse. Ce furent des mois de douloureux martyre. J’aurais beaucoup à dire sur ce registre, mais je ne le peux pas: mon âme ne résiste-rait pas à l’évocation de telles souffrances. (...)
Jésus ne m’a pas manqué ; il est venu m’aider à plusieurs reprises. Il est certain que cela me redonne du courage, mais en même temps, il m’humilie et me confond. Combien de belles choses me dit-il ! Il me traite comme si je ne l’avais jamais offensé ; comme s’il ne connaissait pas ma triste vie ! Que je suis misérable ! Com-bien je suis ingrate envers Notre-Seigneur, alors qu’il est si bon et si aimable envers moi !
« Le démon te haï... »
Le 25 septembre, Jésus m’a dit :
— Ma fille, tu ne m’offenses pas du tout, ni ne m’offenseras pendant les assauts du démon. Offre-les en réparation des péchés que pendant cette nuit, seront commis dans ta pa-roisse et dans le monde. Quelle horrible chose ! Quelle douleur pour mon divin Cœur en voyant que tant d’âmes se perdent ! Le démon te haï, mais tu dois t’en réjouir, car tu connais la raison. Si je le permettais, il te tuerait : mais je n’y consens pas. Je suis le Seigneur de la vie et de la mort. Ta mort, en tout cas, ne sera qu’un envol de la terre vers le ciel.
Le 29, enfin, Jésus m’a dit :
— Le monde est pourri. Je veux que toutes mes demandes se réalisent. Je te fais souffrir afin que tu puisses me sau-ver beaucoup d’âmes. Tu es le paratonnerre de la justice divine. Par ton intermédiaire et par l’intermédiaire d’autres âmes que de terribles châtiments ne sont pas survenus. Pé-nitence ! Pénitence ! Il y a beaucoup d’âmes qui veulent m’aimer, mais elles sont loin de ce qu’elles devraient être et de ce que moi, Je voudrais. Réparez, vous du moins !...
Repose-toi dans mon très Saint Cœur et dans celui de ta Petite-Maman du Ciel qui, à côté de toi, regarde avec une tendre compassion ta souffrance, mais en même temps heureuse de voir la gloire que tu me procures, les pécheurs que tu me sauves et tout ce qui est préparé pour toi dans le Ciel.
(...)
Ma fille, ma bien-aimée, toi le foyer attrayant de mon Cœur, écoute, ton Jésus, ton Époux. Ne fais pas cas du démon, mon plus grand ennemi. Tu ne fais rien, tu ne dis rien ; c’est lui qui te livre ces attaques. Ne t’ai-je pas demandé, il y a quelques jours, d’avoir du courage pour les combats à venir ? Je ne t’abandonne pas; aie confiance en moi. Tu es mon épouse de prédilection. Je t’ai placée dans mon Cœur dès tes plus tendres années. C’est là que se déroule ta vie si extraordinaire et si prodigieuse. Tu es mon lys, mon lys blanc et pur. Je n’ai fait qu’enlever quelque poussière qui s’y était déposée. Repose-toi dans mes bras et dans ceux de ta Petite-Maman du ciel, dans nos Cœurs très saints, mais sans jamais cesser de me tenir compagnie dans l’ineffable Eucharistie !...
« Je t’ai choisie pour des choses sublimes... »
Jésus me dit encore :
— Ma fille, je t’ai choisie pour des choses sublimes. Je me suis servi de toi pour communiquer au Pape mon désir de voir le monde consacré à ma très Sainte Mère. Je veux qu’elle soit honorée comme moi, parce qu’elle est ma Mère. Je veux que le monde connaisse son pouvoir auprès du trône de Dieu...
Je t’ai choisie pour être ma crucifiée... C’est un don à moi... La souffrance de ton corps, de ton âme est douloureuse, lancinante. Mais au ciel, où je t’attends, tu auras la récom-pense.
Encore et toujours, la consécration...
— Je viendrai te chercher bientôt, mais pas avant que la consécration du monde à ma très Sainte Mère soit faite. Elle sera davantage glorifiée par ton intermédiaire; et ta glorifi-cation, elle aussi sera plus grande. Ta couronne sera plus glorieuse, davantage brillante, davantage resplendissante. Tu seras couronnée par Elle.
O mon Jésus, le Saint-Père ne semble pas nous écouter: il tarde tant !
— Reste calme ! Aie patience, ma fille ; il attend. Le jour de la glorification arrivera. Tout ce qui m’appartient sort tou-jours vainqueur, même si les difficultés semblent insur-montables.
« Je veux que tu sois connue... »
— Je veux qu’aussitôt après ta mort, ta vie soit connue, et elle le sera ; je ferai en sorte qu’elle le soit. Elle arrivera aux confins de la terre, de la même manière que la voix du Pape y arrivera, lors de la consécration du monde à ma Mère tant aimée. Je veux qu’on le sache afin que l’on voit de quelle manière je me communique aux âmes qui veulent m’aimer.
« Je viendrai te chercher... »
— Je viendrai te chercher, mais pas avant la consécration du monde à ma très Sainte Mère qui, par ton intermédiaire sera honorée... Le Pape temporise, mais le jour de la consé-cration viendra. Ce qui vient de moi, sort toujours vain-queur, aussi grandes que puissent être les difficultés.
Les plaies de Jésus...
Une nuit, Jésus m’est apparu: sur ses mains, sur ses pieds, sur son côté, il portait ses plaies ouvertes, très profondes, desquelles jaillis-sait, abondamment, du sang. De celle de son côté, le sang coulait jusqu’à la ceinture, traversait la bande de lin et coulait jusqu’à terre. J’ai baisé les plaies des mains avec beaucoup d’amour et je désirais ardemment embrasser celles des pieds, mais, étant dans mon lit, je ne le pouvais pas. Je n’ai rien dit, mais Il devina mon désir et m’accorda la possibilité de le faire. J’ai ensuite fixé la plaie du côté. Pleine de compassion, je me suis jetée dans les bras de Jésus, lui disant :
— O combien vous avez souffert par amour pour moi !
Je suis restée ainsi quelques instants, jusqu’au moment où Jésus a disparu.
Il est inutile de dire que plus jamais cette vision ne s’effacera de ma mémoire. Encore aujourd’hui je sens mon cœur blessé. Je n’en parle que par obéissance et par amour pour Jésus.
Je pense qu’il a agi ainsi pour me préparer à ce que maintenant je vais raconter : qu’Il m’en donne la force et la grâce !
« O mon Jésus, crucifiez mon âme !... »
Avez-vous fini votre retraite ? Avez-vous compris, maintenant, la menteuse que je suis ? Avez-vous compris combien je vous ai trompé jusqu’ici ? C’est ce que me dit le démon. Dieu soit loué, je n’ai jamais pensé à vous tromper, bien au contraire: je fais de mon mieux pour que vous ayez pleine connaissance de mes misères et de mes infidélités à mon Bien-Aimé Jésus...
Depuis quelques jours, Notre-Seigneur ne me parle plus; il m’a mise au vert... Que j’appelle ou que je me taise, c’est pareil; il ne me parle pas, il ne se fait pas sentir à mon âme.
Il y a quelques jours, alors que j’étais en butte à une grande afflic-tion, je lui ai dit :
“O mon Jésus, crucifié mon âme et mon corps. Agissez envers moi comme si vous ne m’aimiez pas. Faites semblant de m’abandonner, mais à condition que vous oubliiez les crimes des pécheurs et que vous vous souveniez, uniquement, de votre amour pour eux, et que vous les conduisiez sur le droit chemin.”
Je ne sais pas si Notre-Seigneur a accepté mon offrande, mais je le crois...
1938
“O CROIX BENIE...”
« L’amour que nous avons pour toi... »
? Ma file, ton bonheur éternel est très proche, car bientôt mes desseins seront réalisés. Ma fille, je viens te parler aujourd’hui pour te témoigner le grand amour que moi et ma Mère Immaculée, nous avons pour toi. Elle, en voyant l’honneur qui, par ton intermédiaire va lui être rendu, s’incline très tendrement vers toi, t’élevant au plus haut degré d’épouse fidèle, d’épouse bien-aimée, d’épouse toute consacrée à Jésus. Aie confiance en Jésus, car il ne trompe pas. Il est ta force et le sera toujours, jusqu’à la fin...
« Mon lys parfumé... »
— Mon lys parfumé d’un arôme angélique, ta générosité retarde la justice divine, prête à tomber sur les pécheurs, dans l’espérance de leur régénération !
« Je veux la consécration... »
— Dis-lui   d’écrire au Saint-Père. Je veux la consécration du monde au Cœur Immaculé de ma Mère, mais je veux que le monde entier connaisse la raison de cette consécration. Je veux que l’on fasse pénitence et que l’on prie. C’est toi qui soutiens la divine Justice; c’est pour cela que je te fais souffrir autant. Et tu dois encore souffrir cela  bien souvent, jusqu’à ce que le monde soit Lui consacré.
« Tu es le tout de mon Cœur... »
Le cinq mai 1938, après la Communion, Jésus m’a dit :
— Tu es le tout de mon Cœur et moi je suis le tout du tien. Veux-tu faire un pacte avec moi ?
Je lui ai dit :
— O mon Jésus, je veux bien, mais je me sens de plus en plus confuse. Vous voyez bien ma misère. Je ne suis qu’un néant !
— Qu’importe ? C’est moi qui t’ai choisie avec toute ta mi-sère. Tu m’as tout donné. En échange, je me donne tout à toi.   Je te donne les trésors de mon Cœur. Donne-les à qui tu voudras. Il transborde d’amour : distribue-le.
— O mon Jésus, pourrai-je confier vos divins trésors à mon direc-teur qui à son tour les donnera à qui il voudra ? Pourrai-je les don-ner aux personnes qui me sont chères et aux évêques, afin qu’ils les donnent à chacun de leurs prêtres et que ceux-ci les distribuent aux âmes ?
Jésus m’a répondu :
— Faites ce que vous voudrez. Je t’unis à moi et te serre contre mon Cœur très Saint !
« Je sentais mon cœur très agité... »
Hier, dimanche, Notre-Seigneur a changé mes souffrances. Oh ! mon Jésus !...
Après l’avoir reçu, une tristesse mortelle s’est emparée de moi. Puis j’ai vu les mauvais traitements qu’il reçoit dans son Corps et les in-gratitudes dont son Cœur est l’adorable victime ! J’ai pu contempler ce spectacle douloureux ! Oui, mon âme a vu tout cela !...
Je sentais mon cœur très agité et je ne pouvais pas respirer, étouffée que j’étais par l’angoisse.
J’ai prié Jésus de ne pas souffrir, mais Il continuait à être torturé de toutes les façons. Tout en larmes, je Lui ai dit :
— Cessez de souffrir, mon Jésus, je suis votre victime; faites que mon cœur soit mis en pièces... jeté aux bêtes féroces... écrasé sous le poids des crimes des pécheurs... Je veux tout supporter pour vous consoler et pour que les âmes soient sauvées.
« Je n’appartiens qu’à toi ! »
Jésus est ma force, mon amour, mon Époux.
— Accepte, ô Jésus, que ta toute petite fiancée te dise, non pas des lèvres, mais du cœur :
Je n’appartiens qu’à toi! je n’ai rien, rien qui ne soit à Jésus.
Cela coûte de parler ainsi, alors que l’on ressent le contraire et que l’on vit les heures les plus amères de sa vie, des journées de tant de luttes où le démon m’affirme le contraire, rien que le contraire.
— Maudit, je ne t’appartiens pas. Tu n’es digne que de mépris. Tu es menteur! Jésus est tout à moi, et moi, je suis toute à Jésus.
— Mon cœur, mon cœur, crie fort, très fort à ton Jésus et dis-lui que tu l’aimes, que tu l’aimes plus que toutes les choses du ciel et de la terre !
Je suis à Jésus dans les joies, dans les peines, dans les ténèbres, dans les terribles tribulations, dans la pauvreté, pour sauver les âmes.
— Envoie, ô Jésus, à ton Alexandrina, ta victime, tout ce que tu peux imaginer et qui peut s’appeler souffrance. Avec toi, avec ton aide divine et avec celle de ma tendre et douce Maman du ciel, je vaincrai toujours. Je ne crains rien.
— O Croix bénie de mon Jésus, je t’étreint et je t’embrasse !
« Pénitence, pénitence, pénitence !... »
Hier, après la Sainte Communion, je sentais une profonde tristesse sur moi. J’avais le cœur déchiré, car Jésus pleurait... Ses pleurs me bouleversaient suavement et douloureusement !
Il m’a dit :
— Hélas ! Hélas !...
Écoute ton Jésus :
Je viens à toi, non pas pour te consoler, mais pour verser mes larmes dans ton cœur.
Je ne peux plus supporter les abominations des pécheurs !
Pénitence !... Pénitence !... Pénitence !... dans le monde entier !... Qu’il se convertisse sans retard, autrement, il se-ra rapidement détruit !...
Toi, du moins, compatis à ma douleur, ô mon épouse !...
Dis à ton Père spirituel qu’il fasse savoir au monde que je veux :
Pénitence, pénitence, pénitence...
Bientôt viendra le jour de la catastrophe.
Je fais connaître ma volonté, mais on la méprise !
Courage! Ne doute pas que c’est ton Jésus qui te parle.
Je n’ai senti ni consolation ni délices de la part de Notre-Seigneur, mais seulement de la tristesse! Il me semblait que mon cœur écla-tait ou qu’on me l’arrachait et je ne pouvais pas respirer. Cepen-dant, les paroles de Jésus me donnaient paix et assurance.
J’ai renouvelé mon offrande :
Mon Dieu, je veux être écrasée par amour pour Vous.
Voici votre victime. Que je sois le paratonnerre de vos Tabernacles, pour recevoir les coups des pécheurs et vous en délivrer.
Mon Père, je voudrais consoler Jésus, mais je ne sais pas que faire de plus.
C’est surtout après la Sainte Communion que la tristesse m’accable ! Ah ! si je savais souffrir comme il faut, mais je suis si immortifiée !
Retraite spirituelle
Chaque fois que j’apprenais que certaines personnes faisaient leur retraite spirituelle, je disais :
— Tout le monde fait sa retraite, sauf moi! Je ne sais même pas ce que c’est.
J’ai osé dire ceci plusieurs fois en présence de mon directeur spiri-tuel. Il me promit que si le Père provincial le lui permettait, il serait venu pour me la faire.
Par une grande faveur, le Seigneur, dans ses desseins, le permit. Ce fut le 30 septembre 1938 que mon Père spirituel est venu la commencer.
À ce temps-là, mon âme se trouvait vivre dans de grandes agonies et, quelques fois, je me sentais sur le point de tomber dans des abîmes épouvantables. Pendant les jours de retraite, mes souffran-ces ont redoublé et ces abîmes sont devenus terrifiants. La justice du Père éternel tombait sur moi et souvent me criait: — Ven-geance, vengeance !... — pendant que les souffrances du corps et de l’âme augmentaient. Il est impossible de les décrire; il est né-cessaire de les avoir senties et vécues.
Au matin du 2 octobre 1938, Jésus m’a dit que je devrais souffrir toute sa sainte Passion, du Jardin des Oliviers au Calvaire, sans al-ler jusqu’au “Consummatum est”. Je devrais la souffrir le 3 et en-suite tous les vendredis de 12 heures à 15 heures, mais que pour la première fois Il resterait avec moi jusqu’à 18 heures pour me confier ses lamentations.
Je ne me suis pas refusée. J’ai informé mon directeur de tout ce que Jésus m’avait dit.
J’attendais le jour et l’heure, très affligée, car ni moi ni mon direc-teur, nous n’avions aucune idée de ce qui allait arriver.
Dans la nuit du 2 au 3 octobre, l’agonie de mon âme fut bien grande. La souffrance de mon corps, fut-elle aussi très grande: vo-missements de sang et douleurs terribles. Pendant plusieurs jours j’ai vomi et pendant cinq jours, je n’ai rien avalé. Ce fut donc avec cette souffrance que j’ai abordé ma première crucifixion. Quelle horreur je sentais en moi! Quelle peur et quelle terreur! Mon afflic-tion était indicible.
Première crucifixion
Midi sonné, Jésus est venu m’inviter :
— Voilà, ma fille, Le Jardin des Oliviers est prêt, ainsi que le Calvaire. Acceptes-tu ?
J’ai sentis que Jésus, pour quelque temps, m’accompagna sur le chemin du Calvaire. Ensuite, je me suis sentie seule. Je le voyais là haut, grandeur nature, cloué sur la Croix.
J’ai cheminé sans le perdre de vue: je devais arriver près de Lui.
J’ai vu deux fois sainte Thérèse  : la première fois à la porte du Carmel, dans sa tenue, entre deux autres sœurs, puis entourée de roses et recouverte d’un manteau céleste.
Examens théologiques et examens médicaux.
Premier voyage à Porto
En même temps que les grâces divines augmentaient, augmen-taient aussi les doutes et la peur de me tromper et de tromper mon directeur spirituel et ma famille. Mon martyre augmentait, lui aussi, de plus en plus: il me semblait que tout était faux et inventé par moi. Mon Dieu, quel coup pour mon cœur! Les ténèbres m’enveloppaient: je n’avais personne pour me montrer le chemin. Mon directeur faisait pourtant bien des efforts pour me redonner confiance, mais rien n'y réussissait.
Malgré cela, je me faisais violence pour m’abandonner dans les bras de Jésus, afin de ne pas être prise dans le tourbillon ! Je souffrais beaucoup à cause des larmes de ceux qui m’entouraient et, je pen-sais : — Mon Dieu, si le courage leur manque, comment n’en man-querai-je pas ?
Quelle humiliation je ressentais d’être observée par d’autres ! O, si seulement je pouvais souffrir seule et que ce fut Jésus le seul à sa-voir combien je souffrais pour Lui !
Aussitôt après la crucifixion, les examens des théologiens ont com-mencé. Quelle honte j’ai éprouvé, non pas pendant la Passion, mais avant et après.
J’ai commencé à comprendre que mon directeur spirituel souffrait beaucoup, intimement, à cause de moi, c’est-à-dire, en voyant tout ce qui arrivait.
Les examens des théologiens ont été suivis par ceux, très doulou-reux, des médecins,  lesquels laissaient mon corps en piteux état. J’avais l’impression de comparaître devant un tribunal, comme si j’avais commis les plus grands crimes.
Combien il m’était pénible de les voir entrer dans ma chambre, m’examiner et ensuite se réunir dans une salle pour discuter sur mon cas, me laissant sous le poids de la plus grande humiliation !
Pas même le plus grand criminel n’aurait pas été jugé par un tribu-nal avec autant de soin.
Si je pouvais ouvrir mon âme afin que l’on puisse voir ce qui se passe en elle et ce que j’ai vécu quotidiennement — car je revis ces jours ! — je le ferais pour le bien des âmes, en dévoilant combien je souffrais pour l’amour de Jésus et pour elles. Ce n’est que pour cela que je me suis soumise à de telles souffrances.
Quand mon directeur m’a proposé ces examens, ce fut pour moi un grand déchirement; une forte répulsion a jailli en moi ; mais l’obéissance l’ordonnais: je me suis réprimée et je les ai acceptés pour Jésus.
Il ne manquait plus que des médecins pour compléter mon cal-vaire !
Quelques-uns ont été pour moi de vrais bourreaux placés sur ma route.
Ceux-ci, après leurs consultations, ont décidé de m’envoyer à Porto. Ce fut très difficile pour moi de m’y soumettre. Je craignais le voyage, étant donné mon état de santé.
Quand mon médecin traitant,   m’a fait connaître leur décision, je lui ai répondu :
— Vous même, en 1928, vous ne m’avez pas autorisé à aller à Fa-tima, et maintenant, alors que je suis bien plus souffrante, vous voulez m’envoyer à Porto ?
— C’est vrai que je ne l’ai pas voulu, mais maintenant je le veux.
Je lui ai demandé si mon Père spirituel était au courant de cette dé-cision. M’ayant répondu par l’affirmative, j’ai cédé à sa requête.
Le 6 décembre 1938, vers onze heures, j'ai été transportée de mon lit à l’ambulance.
Dans la matinée, plusieurs personnes amies sont venues me rendre visite; presque toutes ont pleuré. En ce qui me concerne, j’avais cherché à toutes les égayer, faisant semblant de ne rien souffrir.
Le voyage fut douloureux. Il nous a pris presque trois heures et demie, car nous devions faire plusieurs pauses, à cause de mon état de santé.
À Porto, dans le cabinet du docteur Roberto de Carvalho on m’a fait passer une radio. Il m’a traitée avec beaucoup de délicatesse et, en me donnant congé, il m’a dit :
— Pauvre fille, combien tu souffres !
De là j'ai été envoyée au Collège des Filles de Marie Immaculée, où j'ai été très bien traitée. Par contre, à cause des chaos de la route, j’ai failli m’évanouir, plus d’une fois. J’ai été examinée par le doc-teur Pessegueiro; cela n’a servi qu’à augmenter ma souffrance.
Le voyage de retour a été très pénible, lui aussi.
À peine rentrée dans ma petite chambre, j’ai été entourée par des personnes amies.
« On parle de moi... »
Me voici de nouveau dans ma maisonnette. Je l’attendais avec an-xiété. Il paraît que bien des commentaires ont été faits. La popula-tion s’était insurgée contre ma mère, parce qu’elle avait autorisé mon transport à Porto. Elle se calmera de nouveau: en tout cas, que la volonté de Dieu soit faite. Je suis prête à tout. Je crois que le Seigneur me demande maintenant le plus grand sacrifice. On com-mence à en savoir quelque chose: par-ci, par-là, on raconte des choses sur moi.
On me rapporte que l’on parle de moi comme d’une sainte et, cela, je ne le voudrais pas. Quelle erreur ! Patience ! Quelques soient les choses qui adviennent ou que l’on dise, j’accepterai tout pour l’amour de Jésus. C’est Lui que demande de ne rien Lui refuser; et moi, je le veux. Mais, pauvre de moi, ce sont des moments très durs à passer. Et les doutes... les doutes, mon bon Père, combien ils me tourmentent. Si je ne vous avais pas pour me consoler, je ne sais pas ce qui serait de moi. Les médecins, jusqu’à ce jour, n’ont pas donné signe de vie.
Nous sommes repartis de Porto à 14,30 heures. Nous avons voyagé lentement et nous sommes arrivés à 18 heures: il faisait déjà nuit. Malgré cela, beaucoup de personnes se sont regroupées près de notre porte.
Je suis très malade ! Là, tout de suite, on est en train de bouillir de l’eau, parce que les couvertures n’arrivent pas à me réchauffer; j’ai de la fièvre et les douleurs sont terribles.
Je souffre tout pour l’amour de Jésus qui a tant souffert pour moi...
Odeurs nauséabondes...
J’ai commencé à sentir d’incroyables odeurs nauséabondes. Je ne supportais aucune personne à côté de moi, car toutes et tout avait pour moi l’odeur de chiens en putréfaction. On me faisait sentir des violettes, et même des parfums, mais j’écartais tout cela, car c’était toujours la même odeur nauséabonde que je sentais. Il m’est arrivé aussi d’avoir une très mauvaise allène, même les jours où je ne prenais aucun aliment et, dès que je mangeais quelque chose, je ressentais un vrai dégoût, car tout semblait avoir le goût de la mauvaise odeur que je sentais continuellement. Combien j’en au-rais à dire, si je pouvais écrire moi-même. Le courage m’en man-que, car même le souvenir m’est douloureux.
« Mademoiselle, ne vous évanouissez pas... »
Le 26 décembre 1938, j’ai reçu la visite du docteur Elísio de Moura   qui m’a traitée avec beaucoup de cruauté. Il a essayé, avec vio-lence, de m’asseoir sur une chaise; n’y réussissant pas, il m’a jetée sur le lit et a fait diverses expériences qui m’ont causé des souf-frances horribles. Il m’a fermé la bouche, m’a renversée contre le mur, me faisant taper, avec force, la tête contre celui-ci. Me voyant au bord de l’évanouissement, il m’a dit :
— Mademoiselle Jeannette, ne vous évanouissez pas !
Involontairement j’ai pleuré, mais j’ai offert à Jésus mes larmes et toutes mes douleurs qui ont été considérables.
Je lui ai tout pardonné, parce qu’il était venu en tant que spécia-liste pour étudier mon cas.
1939
LE SAINT-SIEGE
« Je ne mérite que l’oubli... »
Mon Père, combien je souffre ! Je voudrais me cacher pour de bon et que mon nom ne soit plus prononcé; ceci de mon vivant comme après ma mort ! Bien entendu, ce n’est pas moi qui le désire, mais la tribulation qui me consume.  Je ne mérite que l’oubli et le mépris. Je vis dans une nuit et une obscurité continuelle. Je ne vois que des ténèbres, des ténèbres et rien d’autre, aussi loin que je regarde. Qu’il est obscur et terrible, le chemin que je dois suivre ! Pas même la moindre lumière pour me guider! Parfois je crois éclater à la vue du fardeau qui pèse sur moi.
« Le monde est suspendu à un fil... »
— Le monde est suspendu à un fil très fin... Ou le Pape se décide à le consacrer ou le monde sera puni !...
« Ma vie est bien pénible... »
Ma vie est bien pénible ! Comment puis-je vivre ainsi ? Je me sens dans un incroyable abandon ! Personne n’a pitié de moi ! Ma misère est la plus grande des misères. Je suis dans une tristesse pro-fonde ! Je me sens toute craintive et confuse devant Notre-Seigneur. Cependant il est là, dans cette même misère, y opérant tant de merveilles et me disant des paroles si belles ! Mais qui suis-je pour que Jésus me parle ainsi ? Je ne suis que la plus indigne de ses filles. Toutes les choses de ma vie me tourmentent et me rem-plissent de doutes...
Je me demande si Notre-Seigneur n’a pas horreur d’être en moi ! Cela me semble presque impossible qu’il ne s’en aille pas, épou-vanté, pour ne plus revenir.
(...)
Je ne peux pas penser au ciel. Je ne sais pas ce qui vient de là-haut dans mon cœur et qui veut attraper mon cœur pour l’y transporter.
Intervention du Saint-Siège
Le 5 janvier 1939, Monsieur le Curé, accompagné du chanoine Vi-lar,  sont venus me visiter. Ce dernier est resté seul avec moi, pour me parler.
Nous avons parlé de plusieurs choses, pendant deux heures. En-suite, il m’a parlé du but de sa visite, en commençant ainsi :
— Ma visite vous paraîtra certainement étrange, car vous ne me connaissez pas.
Je lui ai dit :
— Je sais, certainement, pourquoi vous êtes venu.
Aussitôt il ajouta :
— Dites, dites, Alexandrina.
Je me suis expliquée :
— Vous êtes envoyé par le Saint-Siège.
C’était ce que je ressentais dans mon âme à ce moment-là.
— C’est exact.
Et il m’a présenté quelques documents de Rome, et ensuite m’a po-sé quelques questions auxquelles j’ai répondu rondement. Je ne lui ai pas parlé de la Passion, par contre, lui, il m’en a parlé.
— Il me semble que quelque chose vous arrive depuis quelques mois...
Il a manifesté le désir d’y assister. Et, en effet, il est venu y assis-ter le vendredi suivant.
J’ai parlé de cela à mon directeur, lequel m’a conseillé de m’ouvrir à lui avec franchise.
Le chanoine est revenu quatre fois, mais, pour sa mission, que deux fois.
Si je ne me trompe, dès la première fois, il me dit :
— J’aurais préféré vous connaître dans d’autres circonstances, avant que je ne vienne, chargé d’une mission.
 Il m’a confié le secret de son départ pour Rome, duquel, seul l’évêque était au courent.
Étant donné que je me sentais bien à l’aise pour parler avec lui et, ayant la permission de mon Père spirituel, nous avons beaucoup parlé de Jésus : je me suis sentie enveloppée dans une atmosphère de sainteté et de sagesse, comme bien peu de fois cela arrive, en conversant avec d’autres prêtres.
Je lui ai avoué que, par tempérament, je n’avais pas l’habitude de procéder de la même manière avec les autres, mais que lui, il m’inspirait confiance. Il m’a répondu :
— Vous faites bien de ne pas en parler : ils ne le comprendraient pas.
Quand il a pris congé de moi pour s’en retourner à Rome, j’ai pleu-ré. Il m’a promis de m’écrire et m’a demandé d’être son avocate.  J’ai, en effet, reçu de lui plusieurs lettres, auxquelles j’ai répondu: nous avons aidé les événements par notre prière.
Commentaires du petit peuple
Jésus me demandait de nouveau sacrifices. À cause des examens médicaux et de l’intervention du Saint-Siège, mon cas est devenu plus connu: pour moi, qui ne souhaitais que l’anonymat, cela fut un martyre.
Ma famille ne me rapportait pas les nouvelles qui circulaient, mais, malgré cela, j’ai appris les commentaires que l’on faisait sur ma vie.
Pauvres ignorants, combien de mensonges ils diffusaient !
Quelques-uns affirmaient que mon voyage à Porto avait pour but d’obtenir une pension du gouvernement de Salazar; ils parlaient même de chiffres absurdes et discordants; aucune tentative ne ré-ussissait pas à contredire de tels mensonges.
D’autres encore, disaient que j’y étais allée pour mesurer mon de-gré de sainteté sur une machine spéciale... Deolinda répliquait :
— Si cela était possible, j’irai moi aussi, pour contrôler à quel point j’en suis...
J’éprouvais de la peine en constatant l’ignorance qu’il y avait sur les choses du Seigneur.
D’autres encore propageaient que les prêtres qui me rendaient vi-site, recueillaient de l’argent dans les paroisses et me l’apportait et, que c’était pour cela que rien ne manquait jamais chez moi.
Autres, pour en finir, disaient que je faisais la «voyante»: en effet des personnes sont venues chez nous pour connaître leur avenir. Je les recevaient  avec beaucoup de sérénité, feignant ne pas com-prendre leur manège, mais quand elles insistaient, je leur répon-dais :
— Je ne suis pas voyante, personne peut deviner l’avenir; seul le Seigneur le connaît.
« Je tremble... »
Mon Jésus, quelle répugnance, en regardant l’abîme incomparable de mes misères ! Et vous demeurez dans un pareil fumier, me comblant de tendresses et me disant de si belles choses ? N’est-il pas normal que j’en doute, que cela me paraisse impossible ? Je tremble et mon cœur déborde d’affliction.
« Donnez-moi de l’eau... »
Je cherche un peu de soulagement dans ma souffrance. J’attends l’heure de ma crucifixion. Je ne peux pas parler. Mon cœur galope. Dans mon âme c’est la rébellion, l’émeute. Je me trouve dans un état d’abandon effrayant. Il me semble cheminer au milieu de la haine de tous, de tribunal en tribunal.
Pauvre de moi! Et je n’ai pas reçu Jésus! J’ai confiance qu’il sup-pléera dans la communion spirituelle, nonobstant la nausée que je sens de moi-même et l’horreur pour mon énorme misère.
Hier, la tempête s’est calmée. Au début je ressentais des choses horribles. Mon corps était tout transpercé comme par d’aiguës pointes. Moments terribles! Malgré un court soulagement, je suis  toujours restée dans une nuit très obscure, dans une profonde tristesse.
Je peux dire que je suis restée toute la nuit à tenir compagnie à Jé-sus au Saint-Sacrement, me concentrant un peu sur la tragédie de la nuit du jeudi saint. Il me semblait que Jésus m’invitait au Jardin des Oliviers. Que de mouvements de foule ! Ces choses je les res-sentais dans mon âme.
Mon Père, tout ce que je dicte me semble mensonger. Combien de doutes ! Que d’effroi à l’approche de la Passion ! J’ai déjà dit à Deolinda   que c’est un miracle que de pouvoir en résister: mon cœur ne bat presque plus. Que Jésus soit avec moi. Je n’ajoute rien, parce que je ne le peux pas...
 Ajout de Deolinda
« Mon Père, quel vendredi: ce fut vraiment un jour de Passion! Avant que celle-ci ne commence, combien son visage était empreint d’affliction! Elle craignait ce jour et disait: “Combien j’aimerais qu’il fut déjà passé !” Je la réconfortais comme je le pouvais, la cares-sant, malgré que moi aussi j’étais remplie de peur et d’affliction ?
Pendant la Passion, je n’ai pas pu m’empêcher de pleurer et j’ai remarqué que presque toutes les personnes présentes pleuraient. Quel spectacle émouvant ! L’agonie du Jardin des Oliviers, fut lon-gue et afflictive. On entendait des gémissements très profonds et à un certain moment, elle suait le sang. De la flagellation, je ne vous en parle même pas, et non plus du couronnent d’épines ! Les coups de la flagellation la mirent à genoux; ses mains semblaient atta-chées. J’ai voulu lui mettre un coussin sous les genoux, mais elle changea de place, elle n’en voulait pas. Elle a les genoux en piteux état. Les coups sont innombrables... elle les reçut pendant bien longtemps... Il fallait en arriver là. Les coups de canne sur la tête couronnée d’épines, furent aussi très nombreux. Pendant la Passion elle vomit deux fois : uniquement de l’eau, car elle n’avait rien à l’estomac. La sueur était si abondante que ses cheveux en étaient trempés. En passant la main sur ses vêtements, j’ai pu constater qu’ils étaient aussi tout trempés.
À la fin du couronnement d’épines elle ressemblait à un cadavre. Le chanoine Borlido — de Viana do Castelo — et deux autres person-nes, ainsi que le docteur Almiro de Vasconcelos — de Penafiel — son épouse et sa sœur Judith, étaient présents ».
Ma souffrance fut bien douloureuse, pendant quelques jours. Les vomissements de sang et une soif brûlante continuèrent. Aucune eau n’était capable de ma rassasier. Je ne pouvais pas boire... J’ai passé des jours ayant l’eau qui me coulait sur les lèvres, mais sans pouvoir l’avaler.   J’étais fatiguée et fatiguées aussi les personnes qui m’assistaient. Alors même qu’une grande quantité d’eau étais pas-sée sur mes lèvres, j’en demandais encore : — “Donnez-moi de l’eau, beaucoup d’eau, des sceaux d’eau!” — J’avais l’impression de brûler : aucune eau me rassasiait.
Je sentais des odeurs horribles. Je ne voulais pas que les personnes s’approchent de moi: elles sentais comme des chiens morts. On de donnait des violettes et des parfums à sentir, mais ils éloignaient tout: la même puanteur me tourmentait toujours.
Les jours où je pouvais prendre quelques aliments, ceux-ci avaient pour moi un si mauvais goût que j’avais des nausées: toutes ces choses exhalaient des odeurs répugnantes.
Combien de choses j’aurais à dire si je pouvais décrire tout ce que je ressens ! Il m’en manque le courage, car il est très pénible de remémorer toutes ces choses.
— Courage ! Tout le Paradis est avec toi et la Maman du Ciel te regarde avec compassion et joie de voir la réparation que tu m’offres.
« Le monde est sur un volcan... »
— O Justice, ô Justice divine ! Le monde est sur un volcan en feu, qui d’un moment à l’autre va faire éruption et l’incendier ! Vengeance, vengeance d’un Dieu qui ne peut plus le supporter ! Malheureux, n’entends-tu pas la voix qui t’appelle ? Maudite ! Maudite !
« En quel monceau de ruines... »
— En quel monceau de ruines restera le monde ! C’est à cause de la gravité de ta malice ! Convertis-toi ! Rebrousse chemin ! Je te le demande le jour de la fête de mon divin Cœur !... Convertis-toi !... Il faut que tu rendes compte de tout !...
(...)
Pendant la Passion je me suis sentie bien abandonnée. Trois fois seulement il m’a adressé la parole. La première fois, quand le poids de la divine Justice est tombé sur moi, il me dit :
— Là, tu tiens ma place. Sur toi aussi tout cela est tombé. Aie courage ! C’est l’œuvre divine qui te donne des forces.
La deuxième fois, encore au Jardin des Oliviers :
— Moi aussi, je voyais en moi un très grand abîme, tout rempli immondice ; je me voyais couvert de toutes sortes de misères, et c’étaient les miennes.
Et le Seigneur me disait :
— Tout comme moi, tu es caution.
La destruction du monde...
Cette nuit je l’ai passée sans fermer l’œil ; je n’ai eu que quelques minutes de repos. Je ne sens pas de consolation, mais il me plaît de ne par dormir, afin d’être toujours en veille, toujours veillant sur mon Jésus dans les Tabernacles.
Je n’en suis pas sûre, mais je crois qu’il devait être deux ou trois heures du matin : mon Dieu, quelle horreur ! Je ne savais pas ce que c’était, mais c’était la destruction du monde ; tout était rasé : les maisons, les arbres, les toitures ; tout n’était qu’un monceau de ruines ! Quelle chose épouvantable ! Mélangé à tout cela, je voyais une foule innombrable qui se débattait; et par-dessus tous ces gens, de terribles serpents,  si grands, si affreux ! Par contre, je n’ai pas vu une seule personne sortir de ces décombres. Un long mo-ment après, j’ai commencé à apercevoir la Bien-Aimée Mère du Ciel. Elle se déplaçait à une grande hauteur, la tête abaissée, l’air bien triste.
À mesure qu’elle avançait, les ruines disparaissaient ; tout est de-venu plat. Ce qui jusque-là n’était que décombres s’illuminait. Elle ne m’a rien dit: elle s’est arrêtée un moment, et ensuite elle a dis-paru.
Je me suis retrouvée en paix et, tout ce que j’avais ressenti comme affliction et peur a disparu également.
Quelque temps après, la destruction s’est répétée, ainsi que la vue des décombres, mais je n’ai pas revu la Petite-Maman.
Je n’ai pas su ce que cela signifiait; en tout cas, je n’ai pas eu l’impression qu’il s’agisse d’une illusion de ma part.
Au matin j’ai reçu mon Jésus avec une très grande froideur et une tristesse pareille à une nuit obscure. Et Notre-Seigneur m’a parlé, non pas d’un ton sévère, mais avec une profonde douleur :
— Je vais détruire le monde; je vais le précipiter en enfer, je vais le détruire ; je ne peux plus souffrir tant de malice, tant de méchanceté et de crimes. Dis-le à ton Directeur. Tu ne te trompes pas ; ce que tu as vu c’est sa destruction. C’est ce qu’il est sans le soutien de ma très Sainte Mère, et ce qu’il est avec Elle. Console-moi, soulage-moi... Laisse-moi t’accabler ; laisse-moi te faire souffrir.
Le temps des doutes...
La fin de l'après-midi d'hier, c'est-à-dire jusqu’à 21 heures, environ, tout s’est passé régulièrement: je me sentais en paix et joyeuse.
De temps à autre les doutes revenaient, mais ils n'avaient même pas le temps de m'affliger : ma Petite-Maman chérie, en un instant me les dissipait. Je ne La voyais pas mais, je ne sais pas pourquoi, je sentais que c'était Elle.
À peine les doutes commençaient leur approche, immédiatement Elle venait et m’enlaçait si tendrement que tout ce qui était la cause de ma souffrance disparaissait.
« Maudite !... »
— Tu ne me crains pas.  Tu n’éprouves pas de remords parce que le péché a endurci ta conscience : elle est morte ; le péché te l’a tuée. Maudite ! Tu cherches à te persuader que l’éternité n’existe pas. Pour la vie que tu mènes, il te plai-rait qu’elle n’existe pas. Malheureuse! Regarde comment tu vis ! Paie ! Rends-moi des comptes !
« Ton châtiment est si proche !... »
Jésus m’a visitée il y a peu ! C’est toujours pour me faire souffrir davantage, mais je ne peux pas vivre sans souffrance... Je sentais qu’il tremblait en moi et me disait :
— Quelle douleur ! Quelle douleur pour mon divin Cœur de voir le monde s’incendier dans les flammes brûlantes des passions et des vices ; de voir les individus, la société, tous les peuples engagés dans une guerre féroce. On dirait que l’enfer s’est transporté sur la terre. O monde, pauvre de toi, si tu ne te relèves pas ! O monde, pauvre de toi, si tu ne te convertis pas !... Ton châtiment est très proche !  C’est pour cela que je tremble de douleur, et non pas de froid !
Je sentais que, Notre-Seigneur, au-dedans de moi, levait les yeux et les bras vers le ciel, comme pour implorer le pardon pour la pau-vre humanité... et ceci m’obligeait à ressentir davantage de dou-leur, pour les tristesses de Notre-Seigneur... Quelle douleur pour l’âme ! C’était une agonie mortelle. Je me suis trouvée, et je me trouve encore dans d’horribles ténèbres.
« Elle t’accompagne pendant la Passion... »
— Ma fille, ma bien-aimée, à nous trois nous n'en faisons qu'un seul : moi, toi et ton Père spirituel ; que veux-tu d'autre ?
Elle t'accompagne toujours pendant ta Passion, comme Elle m’accompagna sur le chemin du Calvaire.
Avec de telles aides, je me suis sentie ravigotée.
« Le Cœur de ma Mère... »
— Le Cœur de ma Mère bénie est blessé par les outrages perpétrés contre lui. Tout ce qui blesse son Cœur, blesse aussi le mien; tout ce qui blesse le mien, blesse également le sien, tellement nos Cœurs sont unis. C’est pour cela que la consécration du monde lui donnera beaucoup d’honneur et de gloire : les langues maudites et impures qui pronon-cent des outrages contre Elle, seront ainsi vaincues et hu-miliées.
Dans les bras de Marie...
— Le sein maternel de ta Petite-Maman du ciel est le plus tendre et le plus doux : reposes-y.
Je me suis alors sentie entre les bras de la chère Maman qui me serait amoureusement. Ce furent des moments très doux qui me donnèrent la force nécessaire pour aller jusqu'au bout dans mon calvaire. Je sentais bien, que c'était Elle ! Et avec quelle bonté Elle m’enlaçait et me serrait contre son Cœur si saint !
1940
MARIE, COREDEMPTRICE
À Jésus par Marie...
Hier, puisque c'était le premier jour de l'année, je me suis consa-crée à Notre-Dame. Je lui ai demandé de me consacrer à Jésus et de me clouer à son divin Cœur.
Je Lui ai demandé d'être ma première protectrice parmi les saints que je choisis — comme protecteurs pendant la nouvelle année. Je Lui ai demandé des grâces pour mon âme et amour pour aimer Jé-sus. Je lui ai dit :
“Petite-Maman, je ne veux plus m'arrêter de vous demander de l'amour, pour ne jamais cesser d'aimer. Mais hélas, mon Jésus, j'avais l'impression que tout ce que je disais ne servait à rien. Mal-gré cela, la foi me permet de croire et d'être fidèle. Comment peut cheminer une aveugle qui ne connaît pas le chemin et qui a perdu toutes ses forces ?... Pauvre de moi : je suis cette aveugle! Je ne vous vois pas, je ne connais pas le chemin, je suis exténuée ! Mon Jésus, j'ai confiance! Petite-Maman, j'ai confiance! Aidez-moi, Vous. Conduisez-moi vers ma destinée: c'est au Ciel que je veux être conduite”.
Celui qui aime la Mère aime le Fils...
— Dis à ton directeur spirituel qu’il fasse connaître et aimer ma très Sainte Mère : celui qui aime la Mère aime le Fils... Dis-lui de prêcher que celui-là qui aimera ma très Sainte Mère ne se perdra pas ; en vain l’enfer tentera de le l’abattre.
Pendant que j’écoutais ces paroles, je me sentais serrée entre les Cœurs de Jésus et de la Maman du ciel. J’avais l’impression de me trouver sous une presse. J’avais tant de lumière, tant de paix, tant d’amour. Je peux dire que si Jésus ne m’avait pas aidée, je n’aurais pas continué de vivre: mon cœur ne pourrais pas résister...
La souffrance et la réparation
— En tous temps J'ai eu besoin d'âmes victimes, mais maintenant plus que jamais. Je t'ai destinée à être immolée en cette époque, pendant laquelle l’humanité est plongée dans un immense océan de boue, de vices. C'est de cela que Je t'ai enlevée du monde. C'est le vice le voleur de tout ce qui est à moi.
(...)
O vie combien amère ! J’ai l’impression de ne plus pouvoir vivre. Mon cœur est broyé. Les pierres qui servent à le triturer, ont la taille du monde. Le moulin ne cesse pas de moudre ; la douleur, elle non plus ne peut pas cesser; moi même, je ne le veux pas. O Jésus, c’est ma volonté d’être broyée, brisée par amour pour vous ! Étant donné que je ne sais pas vous prouver autrement mon amour, je veux, dans la douleur et dans l’amertume, que de mes lèvres ne sortent que ces paroles : tout pour votre amour ! La dou-leur est ma pierre précieuse, déjà, ici, sur la terre, elle est mon tré-sor. Je dépose tout entre vos mains, afin que vous en fassiez la distribution à qui vous voudrez...
— Dans la majorité des foyers, la crainte de Dieu est dispa-rue. Il n'y a plus de bons parents, il n'y a plus non plus de bons enfants... Quelle horreur sur les plages, dans les casi-nos et dans les maisons de vice. Ceux qui pourraient les se-courir, ne le font pas !... Toi, toi du moins, secours le monde, donne-Moi, dans la joie, la réparation que Je te de-mande, rends suave la douleur de mon divin Cœur.
« Incendiez le monde... »
(...)
Je ne peux pas regarder le ciel parce que le cœur s’élève plus vé-loce qu’une fusée et ne tient pas dans ma poitrine. Il ne peut se reposer qu’en Jésus.
— Petite Maman, venez et prenez votre petite fille dans vos bras ; je veux vous donner mon cœur ; ce n’est que vous qui pouvez le remplir de votre amour afin que je puisse aimer Jésus. Incendiez-le avec des flammes si fortes d’amour afin que je puise incendier le monde. Jésus n’est pas aimé! Avec ma douleur et votre amour, je ferai en sorte qu’il soit aimé. Ce n’est que comme ça, que moi même je l’aimerai.
Douce Maman, comme il sera beau de voir tous les cœurs brûler pour Jésus d’un seul amour ! Je ne veux pas cesser d’être victime sans que ce feu soit allumé dans le monde...
« Je crains la douleur mais je l’aime... »
Vous devez être déjà saturé d’entendre tant de lamentations et tant de discours sur la douleur, mais la douleur est mon aliment, jour et nuit, toujours. Auguste aliment! J’ai atteint l’heure de ma Passion dans un état d’affliction et d’abandon. Je sentais comme si tous étaient révoltés contre moi. Je disais au Seigneur :
— Je crains la douleur, mais je l’aime. Le corps s’y prête moins, mais la volonté est forte: je suis prête pour la croix et pour l’amour.
Le cœur semblait s’effriter tellement il était écrasé ; j’avais du mal à respirer. Jésus est venu à moi et il m’a dit :
— Ma fille, allons dans le Jardin des Oliviers. Viens préparer l’aliment dont Jésus a tant besoin pour les pécheurs: ali-ment précieux qui leur donne vie éternelle, aliment béni qui leur donne la vie de la grâce. Courage, tu ne seras pas abandonnée : Jésus et la Maman du ciel viennent avec toi.
Durant la Passion, Jésus m’a parlé deux fois ; le reste du temps, je me suis sentie toute seule, couverte de tous les maux,  remplie de honte devant Dieu, objet de sa divine Justice. Combien je me suis découragée! J’avais même l’impression que Jésus n’était pas avec moi. Il est venu, pourtant :
— Courage ! Les anges te survolent, et portent l’aliment aux pécheurs...
Alors, je me suis sentie un peu réconfortée, mais pour peu de temps. La deuxième fois, Jésus m’a dit :
— Courage, ma fille ! La colère de Dieu qui s’abat sur toi, ce n’est pas toi qui la provoques, mais ceux pour qui tu es l’expiatrice.
Ensuite j’ai cheminé toute seule. Quand tout a été fini, je suis res-tée comme endeuillée et triste. Jésus m’a transmis les souffrances et l’agonie de son divin Cœur ; moi, je les accueille parce que je veux le consoler.
Vive Jésus, vive la Maman du ciel ! Que règne la douleur, afin que règne l’amour !...
« Mon Jésus, je ne peux vivre sans vous!... »
Je suis abandonnée de tous; je ne reçois même pas mon Jésus. Ma croix devient plus pesante. Combien cela me coûte de ne pas rece-voir la Communion ! Si Jésus me manque, tout me manque. Encore aujourd’hui, me souvenant que je ne l’avais pas reçu, j’ai soupiré avec une profonde nostalgie et j’ai murmuré :
— “Deux jours déjà sans recevoir Jésus et combien d’autres encore, peut-être ! Quelle tristesse et quelle nostalgie ! Mon Jésus, je ne peux vivre sans vous. Venez! Faites de mon cœur votre demeure. Venez et régnez en moi ! Venez, mon tout ! Si cela ne vous déplaît pas, ô mon Jésus, choisissez pour moi d’autres souffrances, mais ne me privez pas de la Communion ! S’il était à moi, je vous donnerai le monde entier afin de pouvoir vous posséder, rien que pour avoir votre visite”.
Mon Père, combien douloureuse est ma souffrance et lourde ma croix! Je me sens épuisée. Oh, le vide que je sens par le manque de l’aliment eucharistique ! Quelle nostalgie. On dirait que mon cœur explose. Je ne sais pas comment tant d’âmes peuvent vivre des années, voire la vie entière, sans recevoir Jésus ! Malheureux, car ils ne le connaissent pas.
« Jésus, venez!... »
Jésus eucharistique, ma vie, ma joie, m’a manqué. La nostalgie que j’ai de Lui me consume.
— Jésus, venez ! Régnez dans mon cœur ! Vous seul êtes l’aliment de mon âme. Donnez-moi la vie de la grâce, donnez-moi votre amour. Venez décharger votre tristesse dans la mienne.
Par ma nostalgie infusez de la nostalgie que vous avez de prendre possession des cœurs qui ne vous aiment pas et vivent vous ou-bliant. Je veux par ma douleur rallumer votre amour sur la terre... Je veux me perdre en lui. Peu importe donner la vie. Souffrir reste toujours mon désir : c’est de la douleur que l’amour naît...
« O combien je veux le consoler !... »
Le jour s’est levé : j’avais un grand désir de recevoir la Commu-nion, mais je ne l’ai pas reçue. Quelle nostalgie ! J’ai demandé si monsieur le Curé ne pourrais venir m’apporter Jésus ; on me ré-pondit que non; je me suis résignée. J’ai offert à Jésus ce sacrifice afin de mériter l’amour de mes « quatre » : la très Sainte Trinité et la Maman du ciel. Je cherche en tout, même dans les plus petites choses, à Les consoler.
Et mon Jésus eucharistique ? O combien je veux le consoler et le couvrir d’amour ! Toutes les douleurs et tous les sacrifices sont oc-casion pour moi de consoler l’Abandonné, l’Oublié, le Prisonnier de l’Eucharistie...
O douleur bénie !...
O douleur, douleur bénie ! O croix, ô lit sacré, je veux que tu sois ma tombe, d’où je ne puisse plus sortir ! Tu es, ô croix bénie, l’immense trésor dont Jésus m’a enrichie ! Je te veux, je t’embrasse, je veux être clouée à toi, et être entourée d’épines ! C’est pour Jésus que je veux être blessée et avec Lui, sur l’autel, être immolée ! Heureuse fortune — celle de la croix — qui m’attend sur la terre ; elle me fera éternellement bienheureuse au ciel !...
« Mon âme est morte... »
Mon cœur est toujours oppressé, mais toujours au milieu de vives flammes; ma poitrine est brûlante du côté gauche; c’est un feu in-candescent. La douleur ne consent aucune suavité, elle me pénètre de tous côtés.
L’abîme dans lequel je me trouve est nauséabond et honteux. Pour m’appuyer, je n’ai que de l’immondice. J’y suis enchaînée par de grosses chaînes de fer qui ne se cassent pas. Quelques fois j’essaie de me libérer et de sortir de cet immense abîme, mais je ne le peux pas, je n’en ai pas la force. Je suis si étroitement enchaînée que je n’arrive même pas à bouger.
Au milieu des épines qui me blessent et pénètrent dans tout mon être, mon cœur se tourne vers Jésus, il veut s’envoler vers Lui, mais il ne le peut pas et bas de l’aile au ras du sol. Quelle horrible affliction! Quelle douleur poignante, que de salir des ailes blanches dans la fange !
Mon Père, que signifie tout cela ? Je n’y comprends rien. Cela ne me dérange pas d’être salie et couverte par les maux d’autrui. Ce que je veux, c’est que tous deviennent justes et s’envolent vers Jé-sus. Mais le pire c’est que je vois comme si le mal venait de moi ; mais moi, je ne veux pas pécher, je ne veux pas déplaire à Jésus. Mais je me trouve un monstre abominable, une effrontée, une in-grate à son égard. J’ai peur et je tremble pour mon néant. Je sens la colère de Dieu sur moi et je ne peux pas lever mes yeux vers le ciel. Je me sens indigne de pardon et de compassion.
Mon âme est morte:  elle expira dans l’obscurité; ni même Jésus, en y entrant, lui redonna la vie. Il m’a complètement oubliée, et moi, sans les yeux pour voir, je courre toujours, mais toujours disparate, dans une nuit très triste et obscure.
J’ai perdu toute énergie, je suis tombée dans le découragement. Mais je veux, avec tous les êtres de la terre, louer et aimer mon Jé-sus. Je voudrais rester toujours à genoux et les mains jointes, à entonner hymnes et louanges d’amour et d’action de grâces à mon Jésus, pour tout ce que je reçois de Lui...
« Ta passion ne s’arrêtera pas... »
— Je ne te parlerai plus, sauf en de rares exceptions.
Je ne viendrai plus, ni les vendredis, ni les premiers same-dis.
Ta passion ne s’arrêtera pas, elle continuera toujours, sans arrêt, et même plus douloureuse encore. Seulement ainsi elle sera complète. O combien elle sera grande ton agonie ! Toutes les merveilles et sciences divines, seront inscrites dans le livre de ta vie, un livre qui n’a jamais eu d’égal. Tous pourront venir dans le jardin que moi-même j’ai culti-vé, afin que tous puissent y cueillir des fleurs de vertu, des fleurs de pureté, des fleurs de grâce, des fleurs de charité, des fleurs d’héroïsme, des fleurs de toutes variétés.
Venez tous, cueillez, ce sont des fleurs célestes ! Après ce-la, vite viendra le Ciel. Combien belle sera ta mort : ce sera une mort entourée de la plus grande angoisse, mais aussi du plus grand amour !
Dis-moi, ma fille: pour qui offres-tu ces dernières souffran-ces de ta vie ?
— Pour ce qui sera de votre sainte Volonté, mon Jésus: c’est tout ce que je veux.
— Ma bien-aimée, ma fille, je veux que tu m’offres une par-tie de ces souffrances pour les prêtres, afin qu’ils possèdent la lumière divine et comprennent ma vie dans les âmes ; afin qu’ils la possèdent davantage et n’aient pas d’autre vie que la mienne. Tu l’offriras aussi pour ceux d’entre eux qui ne la comprennent pas, afin qu’ils l’étudient, pour que, ne l’étudiant pas et ne la comprenant pas, ils ne soient pas tentés de l’éteindre cette même vie dans les âmes. Tu prie-ras aussi pour tous les prêtres qui m’offensent gravement.
L’autre partie, ce sera pour le monde entier... car il t’appartient. Je te l’ai confié ! Tu peux me demander tout ce que tu voudras, pour tous. Ceux qui te connaissent, res-sentiront ton départ; mais tu poursuivras ta mission.
Va, ma petite fille, va écrire tout ceci: tu as les lumières de l’Esprit Saint.
« Si elle ne m’avait pas aidée... »
Pendant la journée, dans mon affliction, je lève les yeux vers le Sa-cré-Cœur de Jésus et vers ma chère Petite-Maman. Jamais je n'ai regardé vers Eux sans qu'il me semble les voir me sourire avec bonté. Il fait déjà nuit et il me semble que Leur sourire me reste empreint dans l'âme et dans le cœur.
— Ma Maman, ma Petite-Maman chérie, ô combien, combien je veux l'aimer ! A quoi auraient servi ces longues années de lit si Elle n'avait pas veillé sur moi, si Elle ne m'avait pas aidée ?...
« Quel grand mal est le péché !... »
Mon Dieu, quelle nuit terrible dans mon âme !
Jésus a commencé par me dire :
— Le péché essaie de broyer et d’anéantir mon divin Cœur ! Quel grand mal est le péché ! Regarde les mauvais traite-ments que je reçois ! Sais-tu de qui ? De ceux qui les pre-miers devraient m’aimer, desquels j’attendais tout. Répare, si tu veux qu’ils se convertissent. Laisse-toi immoler si tu veux qu’ils soient sauvés ! Tu es leur victime...
« Mon cœur n’a presque plus de vie... »
Mon cœur n’a presque plus de vie: il est broyé au maximum. Je suis dans les ténèbres et presque sans foi en Jésus: tout est perdu; personne ne réussit à me sauver.
Mon âme semble émettre des cris d’une extrême affliction. Sa nuit est devenue immense pour recevoir Jésus Eucharistique. Et Lui, d’un ton de jugement, comme quelqu’un qui demande des comp-tes, me disait :
— Quel grand mal est le péché ! T’es morte à Dieu au lieu d’être morte au monde ! Convertis-toi, viens dans mon divin Cœur. Tu me fais souffrir par chaque peine et cruauté ; Je pleure parce que Je t’aime ! Pourquoi veux-tu me fuir ? Je pleure parce que Je t’ai créée et préparée pour Moi.
Et mon Jésus pleurait amèrement. Et c’est cette douleur de Jésus que mon cœur ne supportait pas, à moins qu’il ne souffre à ma place. Mais en me sentant ainsi blessée, je peux dire avec Lui :
— Quel grand mal est le péché ! Combien il est horrible ! Combien il blesse le Cœur d’un Dieu !
Mon Jésus, je ne veux pas Vous fuir ! Je veux Vous suivre ! Je veux que tous Vous suivent, qu’aucun ne Vous fuie. Laissez-moi écrire sur la terre avec mon sang:
La douleur est le chemin tracé par Jésus. La douleur est amour ; la douleur est union avec Dieu. L’âme qui souffre avec Jésus se sent attirée par Lui; désire la solitude afin de se rencontrer plus facile-ment avec Lui ; désire vivre de Lui et en Lui. Combien précieuse est la douleur! Quel bonheur pour l’âme qui souffre ! Elle ne se préoc-cupe que de Jésus; elle ne veut d’autre vie que celle de Jésus. Elle cherche son amour, sa gloire, le salut des âmes...
« Avancer l’heure de la consécration... »
— Dis à ton directeur spirituel d’informer le Pape que s’il veut que monde soit sauvé, qu’il avance l’heure de la consécration à ma Mère. Qu’il la place à la tête de la ba-taille et la proclame Reine de la victoire et Messagère de la paix.
« Accompagnez-moi auprès de la Croix... »
La nuit est passée, le jour passe, et je ne m’alimente que de dou-leur...
Je lève mon regard vers la Maman du ciel et je lui dis :
— Maman chérie, accompagnez-moi auprès de la Croix du vôtre et mon cher Jésus ; laissez-moi souffrir avec Vous: je veux sentir Vos douleurs. Je veux aussi réparer tant de maux. Les âmes dorment dans le péché : par ma douleur , je veux les réveiller; par ma mort, je veux les ressusciter.
Maman chérie, faites que je reste comme Madeleine enlacée à la Croix de Jésus. Je veux verser des larmes de sang pour moi, pour les miens et pour les péchés de toute l’humanité. Petite Maman, je me sens surchargée de tous les crimes. Donnez-moi la douleur pour les pleurer et les détester. Demandez pardon pour moi à Jésus. Donnez-moi de l’amour afin que j’aime Jésus et qu’il puisse ainsi par cet amour oublier chaque méchanceté.
Mon Père, je suis tourmentée de mil façons : j’ai des doutes de toutes sortes. La pensée que je vous trompe et que je trompe beaucoup d’âmes me tourmente.
Mon cœur est une source ouverte : plus la douleur et l’agonie sont grandes, plus j’ai de sang à donner. Je sens qu’autour de moi y boivent, en grand nombre, je ne sais quoi. Ils boivent, boivent et semblent ne jamais se rassasier. Mais moi nom plus, je ne suis pas rassasiée du fait de ne pas pouvoir rassasier ; et je ne suis pas ras-sasiée parce que je n’ai pas d’amour pour aimer mon Jésus...
(...)
L’abandon dans lequel Jésus laisse mon âme, la manière dont Il descend dans mon cœur [dans la Communion], sans lumière ni flamme, sans me donner ni recevoir de l’amour, comme s’il y venait mort et que moi-même je sois morte, m’oblige presque à penser que j’ai une vie d’illusion et d’imposture.
Mais je dois croire que Jésus vit et règne en moi, qu’Il m’aime et ne m’abandonne pas, que je suis à Lui et que je ne vis que pour Lui. Ma vie a servi à Jésus...
— Jésus, pressez bien cette fine grappe et enlevez-en tout le jus... Je bénirai et j’aimerai la douleur : quand je serai au ciel, je ne souffrirai plus. La douleur m’a attachée à Vous, a créé en moi des liens d’un si grand amour...
J’aime la douleur, j’aime Jésus...
« Ma fille, viens sur mon Cœur... »
Dans l'après-midi j’ai récité les prières du mois de mai à ma chère Petite-Maman. Mon âme, pendant cette dévotion, se voyait libérée d'un poids qui l'écrasait et retrouvait la paix et la suavité.
À la fin j’ai cru entendre une voix très douce qui m'appelait :
— Ma fille, ma fille.
Mon âme se sentait encore plus soulevée.
Quelques instants plus tard, la même voix, de nouveau m'a appelée avec tendresse et douceur :
— Ma fille, ma fille, viens sur mon Cœur. Je t'invite à te re-poser entre mes bras très saints. Abandonne-toi sur mon Cœur de mère. Tu es la préférée de Marie. Oh ! combien tu es aimée par nos deux Cœurs !
Je me suis sentie entre les bras de la Maman, enlacée, caressée et couverte de tendresse.
Il n'est pas possible de comparer la douceur et la tendresse d'une mère de la terre avec celle de la Maman du ciel !...
Mon âme a été réconfortée: mon cœur en resta heureux pendant un peu près une heure.
« Compter pour rien... »
Je suis couverte de crimes et d’imperfections: j’ai honte de Jésus, je crains la justice du Père éternel.
Jésus, en descendant aujourd’hui dans mon cœur, a rendu plus suave ma douleur. Une petite flamme s’est allumée dans mon âme, mais elle s’est éteinte rapidement et je suis restée dans la plus grande obscurité... J’ai senti que la justice du Père éternel me dé-truisait, me réduisait en poussière.
— Mon Jésus, compter pour rien, par amour pour vous, c’est avoir la félicité sur la terre. Ma joie, même si vous ne permettez pas que je la ressente, c’est souffrir pour vous consoler et pour sauver les âmes. Avec vous je suis victorieuse.
Je veux vous prouver mon amour, mais je ne sais pas comment: je n’ai rien à vous donner.
Mon corps ? Cela fait bien longtemps qu’il vous appartient. Je vous l’ai donné afin qu’il soit martyrisé et crucifié.
Mon sang ? Même celui-là vous appartient. Qu’il serve au moins d’encre pour écrire sur toute la terre le mot « Amour » : amour pur et seulement pour Jésus.
Ma vie ? Elle ne m’appartient plus: elle aussi est à vous. vous êtes mort pour moi, pour me sauver et moi je meurs par amour pour vous et pour sauver les âmes.
O Jésus, que dois-je vous donner d’autre ?
Je veux que ma volonté soit votre, afin que la votre soit mienne. J’accepte, par amour pour vous, tout ce que Vous m’enverrez. Je ne veux que ce que vous voudrez ; même si pour cela je devais rester à plat ventre, enroulée dans la terre comme le verre le plus insigni-fiant...
« Mon Jésus, pressez bien cette faible grappe... »
L’abandon dans lequel Jésus laisse mon âme, la manière dont Il descend dans mon cœur,  sans lumière ni flamme, sans me donner ni recevoir de l’amour, comme s’il y venait mort et que moi-même je sois morte, m’oblige presque à penser que j’ai une vie d’illusion et d’imposture.
Mais je dois croire que Jésus vit et règne en moi, qu’il m’aime et ne m’abandonne pas, que je suis à Lui et que je ne vis que pour Lui. Ma vie a servi à Jésus...
— Jésus, pressez bien cette faible grappe et enlevez-en tout le jus… Je bénirai et j’aimerai la douleur: quand je serai au ciel, je ne souffrirai plus. La douleur m’a attachée à Vous, a créé en moi des liens d’un si grand amour...
J’aime la douleur, j’aime Jésus...
« Je suis un monde d’horreurs... »
Je suis un monde d'horreurs et d'épouvantables ténèbres. C'est ain-si que mon âme le ressent. Je rends grâces à mon Jésus de ne pas être moi-même ce que sent mon âme. Je serais bien tout cela si Lui, vu mon état de ténèbres, ne veillait pas sur moi, ne me soute-nait pas et, ma chère Petite-Maman, Elle, ne me portait toujours entre ses bras très saints, ne me protégeait pas de son divin man-teau.
Pauvre de moi, si Jésus et Marie n'avaient pas été là !
« Il me semble que Jésus soit parti... »
Je suis très malade. J’aimerais dire tant de choses, mais je ne peux pas... Je sens mon âme et mon corps comme sous une grille avec du feu au-dessous et par-dessus : je ne peux pas me retourner sans être brûlée... Même le cœur a sa douleur... combien il est op-primé...
Et il me semble que Jésus soit parti si loin, me laissant seule dans le monde, privée de tout confort. Je sens comme si l’on me privait de mon directeur. Serait-ce vrai ? Pouvez-vous au moins me dire, par charité, si en quelque chose, je suis pour vous cause de souf-france ?...
« Demandez et vous recevrez... »
Après une courte prière et l’offrande de moi-même, avec d’autres victimes, en union avec la Maman du Ciel, pour obtenir que le Por-tugal soit libéré du terrible mal de la guerre, j’ai été, tout à coup, écoutée; Jésus a bien voulu me répondre de suite :
— Demandez et vous recevrez. Demandez avec confiance. Le Portugal sera épargné. Mais, malheur à lui s’il ne corres-pond pas à une aussi grande grâce ! Aie confiance ; c’est Jésus qui te le dit, et il ne trompe jamais.
« Accrochons-nous à Jésus et à Marie... »
(...)
Je reste persuadée que vous, mon Père, vous m’informerez sur ce qui arrive, sans rien me cacher. Je vous le demande par charité; ne consentez pas que Sãozinha me trompe. Si l’on vous interdit de re-venir ici, je ne veux pas que vous en souffriez. Acceptons que Jésus presse sa grappe de raisin et réduise en poudre le grain de blé! Qu’il soit consolé et nous, souffrons. Cependant, accrochons-nous immédiatement à Jésus et à la Maman du ciel.
(...)
Combien je souffre à cause des doutes que ce soit moi, avec mon imagination, à faire toutes ces choses [Passion, extases, etc. ]. Quand viendrez-vous me tranquilliser, au moins pour quelques instants ? J’ai l’impression de mourir seule, abandonnée. Venez me secourir !
J’éprouve une très grande désolation parce que je crois que l’on me prive de mon Père spirituel. Je sais que vous avez été malade, mais personne ne m’en a rien dit. Malheureux celui qui est éloigné !...
« Sur la terre l’amour est presque disparu... »
Lundi, au commencement de la sainte Messe, disparaissait de mon âme cette nuit sans lumière qui ne me causait que la mort: les doutes ont disparu. Peu avant la Communion j’ai ressenti une force que je n’ai pas pu dominer: je me suis agenouillée et dans cette position j’ai reçu Jésus.   Je suis restée longtemps ravie, tellement unie à Jésus qu’il me semblait me trouver dans une autre région.
J’avais de très fortes impulsions pour aimer Jésus et Il m’a dit ses désirs :   — Sur la terre l’amour est presque disparu des cœurs. Voilà la raison des souffrances de Jésus: il n’y a pas d’amour pour réparer les péchés de l’humanité; on blesse son divin Cœur.
— O Jésus, que puis-je faire pour cela ?... J’accepte tout, je ne veux pas vous voir souffrir... J’écrirai à Salazar.   Lui, plus que tous les prêtres, peut mettre un terme à tant de péchés... J’en parlerai à mon Père spirituel et je ferai tout ce qu’il me permettra de faire... Voulez-vous que j’écrive à votre cher cardinal patriarche ?  Les deux, ensemble, seront l’instrument pour sauver le Portugal et faire que votre très saint Cœur ne soit plus offensé. Je le ferai, ô Jésus ;   mais j’aimerais que personne ne le sache, excepté eux et les per-sonnes que mon Père spirituel jugera opportun d’informer...
« Je crois mourir... »
Je crois mourir, rien que de penser à vendredi et aux souffrances qui m’attendent. Si Jésus ne prend pas ce pauvre corps pour souf-frir dans celui-ci et le soutenir, je ne résisterai pas: je mourrai. Je sens de continuels coups de marteau dans mon cœur. Une foule universelle lui donne l’assaut et le blesse. Toutes ces souffrances viennent sur moi, j’en suis dépositaire, mais elles sont destinées à Jésus: l’attaqué et le blessé, c’est le Cœur de Jésus.
Il me semble voir Jésus, les bras ouverts, me demandant compas-sion et de souffrir avec Lui... Le fait que Jésus se tourne vers une créature humaine et s’abaisse jusqu’à lui demander de souffrir avec Lui, m’anéantit : Lui qui est la force, la vie, tout, avoir besoin d’aide de cette pauvre qui n’est qu’un néant...
Je joins à cette lettre une lettre pour le Cardinal et une autre pour le Président Salazar. Ayez l'obligeance de la corriger et, si vous voyez que quelque chose n’est pas bien, faites-le moi savoir... J’ai écrit comme Jésus me l’a dit...
« La Maman contemplait l’humanité... »
Dimanche dernier, anniversaire de ma très chère Maman du ciel, une image, qui n’est toujours pas effacée, s’est imprimée dans mon âme.
Avec la venue de Jésus dans mon cœur, mes souffrances ce sont aggravées et ma nuit a augmenté. Je n’ai pas fait la fête à Jésus : je ne l’ai pas reçu avec joie, même si je le voulais et désirais brûler d’amour. Pauvre de moi !... À peine est-il descendu en moi, j’ai senti dans mon âme le portrait vivant de la très chère Petite-Maman qui, du haut du ciel, contemplait la pauvre humanité, son très saint Cœur souffrant d’une tristesse presque mortelle. La tête inclinée vers la terre, elle ne détournait pas son regard plein de tendresse et de compassion. Quelle douleur si forte et poignante !
Combien Elle souffre, la Maman chérie ! Nous sommes déjà mardi, et cette scène ne s’évanouit pas. C’est comme si elle était imprimée en moi pour toujours. Il y a à peine une heure, je l’ai vue de nou-veau inclinée vers la terre, impossible de lui faire détourner le re-gard : de ces yeux coulaient deux rivières de larmes, larmes de profonde douleur qui baignaient la terre. Moi aussi je voulais pleu-rer, essuyer ses pleurs et guérir la blessure du Cœur très aimant de Jésus. Je ne sais pas quoi faire pour Eux : par amour je fais sem-blant d’être joyeuse alors même que je suis toujours triste.
J’encourage et je console les malheureux et je n’ai pas qui me console. Mais je suis contente de la volonté de mon Seigneur. Je veux Le consoler dans ma détresse...
« Il faut que je souffre en silence... »
J’ai l’impression d’être infidèle à Jésus. Il veut et me fait compren-dre dans mon âme la grande nécessité que je souffre, mais que je souffre en silence, sans rien laisser apparaître. Je cherche à le faire du mieux que je peux, sans me confier à qui que ce soit, excepté Lui et la chère Petite-Maman. Quelquefois pourtant, involontaire-ment, une parole m’échappe. C’est pour cela que je dis être infidèle à mon Jésus: je ne suis pas encore constante dans ce qu’il veut, excepté de tout vous dire, mon Père, parce que Jésus me place dans l’âme la nécessité de me confier à vous...
« Votre cœur saignera toujours... »
Jésus m’a dit qu’il vous aime beaucoup et qu’il vous avait préparé des épines qui vous blesseront jusqu’à la mort ; que votre cœur saignera toujours ; mais vous ne devez pas craindre, car vous serez victorieux...
« J’accepte tout par amour pour vous... »
Combien terrible fut la tempête qui s’est déchaînée dans mon âme ! Il me semblait tout perdre: pour l’âme et pour le corps.
Lors de ces souffrances, pendant quelques instants, je suis arrivée jusqu’à me convaincre que l’on m’avait privé de mon directeur spi-rituel. Mon Dieu, je resterai sans lumière et sans vie !...
Je n’ai pas résisté et j’ai dû pleurer. J’ai offert mes larmes à Jésus et j’ai ouvert mes bras vers le ciel :
— Mon Jésus, j’accepte chaque sacrifice ; j’accepte tout par amour pour vous... Brisez-moi, mais donnez la paix au monde et sauvez les âmes. Je veux vous aimer ; et si par ma douleur je peux vous prouver mon amour, je suis prête à souffrir. Soutenez-moi, donnez-moi la force, mon Dieu !...
« Jésus veut ma souffrance silencieuse... »
Ma crucifixion s’est terminée il y a quelques heures... J’ai besoin de me confier et je ne peux le faire qu’avec vous. Jésus me veut silen-cieuse et tenace comme un rocher: Il veut que je souffre sans que l’on sache ce qui se passe en moi. Je sens que c’est lui qui place cette exigence dans mon âme. Il veut que ma douleur soit silen-cieuse comme la sienne: Il exige que je l’imite même en cela.
Ce matin, à mes souffrances et à mes peurs, se sont adjoint les souffrances et les larmes de Jésus : je n’en pouvais presque plus. Parmi le bruit, la curiosité et les blasphèmes autour de lui, Il m’a fait comprendre comment Il avait souffert tout cela en silence, comme s’il n’avait pas de lèvres pour parler. Ma détresse était si grande que quelquefois il m’est venu à l’esprit de dire à Jésus que je ne voulais pas la Passion, mais immédiatement je lui disais :
— Je veux, je l’accepte par amour pour vous. J’accepte chaque souffrance, même si, sur moi, devraient tomber, pour m’écraser, toutes les montagnes du monde...
« Je sens que vous souffrez... »
Je sens que vous souffrez. Je sens l’instrument avec lequel vous êtes blessé. Je sens clairement que cette douleur vous blessera jus-qu’à la fin.
Je ne sais pas de quel côté me tourner : tout est douleur, de vives douleurs dans l’âme et dans le corps. Je le veux et je l’accepte comme Jésus le veut...
« Le Saint-Père sera épargné... »
— La paix viendra, mais au prix de beaucoup de sang. Le Saint-Père sera épargné ; le dragon orgueilleux haineux qu’est le monde, n’osera pas le toucher dans son corps; mais son âme souffrira beaucoup.
1941
LE DOCTEUR AZEVEDO
« Tu n’es pas seule... »
? Courage, ma fille, courage, épouse si chère ! Offre-moi ta douleur, offre-moi ton martyre, ta croix sans pareille. Tu n'es pas seule sur celle-ci, comme je te le fais sentir : Je suis avec toi et veille sur toi, ainsi que ma Mère bien-aimée. Te souviens-tu comment Elle t'est apparue dans la nuit du 16 au 17 en Immaculée Conception, titre que toi tu aimes tout particulièrement ? Elle est venue te réconforter, sans que tu le voies, Elle est venue veiller sur toi, comme une mère empressée veille auprès de son enfant endormi. Elle est venue te câliner et te couvrir de son manteau. Et toi, tu n'en as pas parlé dans le Journal que tu as dicté: je ne veux pas que tu agisses ainsi.
Avec une grande tristesse je lui ai dit :
— Pardonnez-moi, mon Jésus : j’ai douté de moi-même, je crai-gnais qu'il ne s'agisse que d'un rêve. O combien j'en suis attristée ! Si vous me réprimandiez pour mes péchés, je ne serais pas davan-tage attristée.
— Je ne te réprimande pas pour tes manquements : ceux-ci sont permis par moi  mais je te réprimande parce que je veux que tu dises tout ce qui se passe en toi: c'est pour le bien des âmes.
« Ton Calvaire finira bientôt... »
— Ton Calvaire finira bientôt, mais pas avant que mes des-seins se soient réalisés. Courage ! Tu bénéficies de l’aide de ton Directeur, de ton Jésus et de ta Mère bénie !
Divines promesses...
— Je te promets, en ce samedi qui lui est consacré (à la Sainte Vierge), que ta vie sur terre ne durera pas bien long-temps. Je te promets aussi de t’accorder dans le ciel, par tes demandes et ton amour, ce que déjà maintenant je t’accorde sur la terre par ta douleur. Mais pour cela, ma fille, il faut que tu demandes au Saint-Père qu’il ait pitié de ton martyre et qu’il donne satisfaction aux sollicitations de Jésus, c’est-à-dire, consacrer le monde à ma Mère bénie.
« La Maman veillait sur moi !... »
(...)
Mon père, l’aurore de cette journée m’est apparue toute gaie et souriante.  Je sentais la douleur, mais celle-ci était rendue suave par la Maman qui veillait sur moi... De nouveau j’ai senti son Man-teau se déployer sur moi et sur beaucoup d'âmes qu'Elle étreignait et unissait comme en une seule : à toutes Elle dispensait sa ten-dresse, son amour. Mon cœur en reste encore tout enflammé.
« Jésus m’a préparée à la souffrance... »
Jésus m’a préparée à la souffrance de mardi dernier. Je n’en connais pas le motif. Sans doute parce que cette âme-là décidée à se réconcilier avec le Seigneur est partie d’ici pour Braga ? Jésus le sait pour qui j’ai offert mes souffrances et mes sacrifices afin que ce pécheur-là fasse une bonne confession. La souffrance fut telle que je n’en pouvais plus. Je n’ai pas ressenti de joie pour le retour de cette brebis. Mercredi, jour de saint Joseph, j’ai reçu les couronnes que vous m’avez envoyées par l’intermédiaire de cet homme.  Cer-taines personnes ont éprouvé une grande joie en le voyant faire la communion devant tous. A cette nouvelle, je suis encore restée dans la tristesse et dans la mort: je n’ai pas eu un seul moment de satisfaction...
(...)
J’ai passé la fête de saint Joseph dans les ténèbres, sans pouvoir voir le ciel mais toujours dans l’anxiété de donner des âmes à mon Jésus et de parcourir le pays entier à leur recherche...
« Mon pressentiment se réalise... »
Mon pressentiment au sujet de l’examen du docteur Abel Pacheco est en train de se concrétiser. J’ai parlé au docteur Azevedo et il m’a dit que celui-ci était presque indispensable, mais que je réflé-chisse à la chose devant le Seigneur. Si après cela je pensais ne pas devoir le faire, on ne le ferait pas. Mais le Seigneur m’a donné ces sentiments “de me remettre entre les mains des médecins comme Lui Il s’est remis jusqu’à la mort; ce ne serait que comme cela que mon sacrifice serait complet”.
— Que pouvez-vous me dire à ce sujet ?
« Quelle tempête terrible... »
La journée d’aujourd’hui ne s’est pas écoulée sans qu’il tombe sur moi une souffrance de l’âme et du cœur bien difficile à supporter. À la tombée de la nuit s’est déchaînée une des plus terribles tempê-tes. J’ai commencé à ressentir une révolte et un très fort désir de m’imposer car les médecins ne venaient pas pour leur examen, pour que je sois libérée de beaucoup d’humiliations et de désagré-ments. Je sentais en moi une forte résistance, je ne voulais pas me soumettre à la douleur ; je voulais tout souffrir à condition de ne rien ressentir. C’est alors qu’est tombée sur moi toute la rage infer-nale: j’ai compris que c’était là, l’œuvre du malin. Les démons étaient enragés, ils voulaient engloutir mon corps tout entier.
J’en voulais surtout au docteur Azevedo ; j’avais l’impression de ressentir contre lui une haine de mort et c’était moi-même à vouloir le mordre pour le mettre en morceaux et le broyer. Quelle tempête terrible ! Ce n’est que dans les bras de Jésus et de la Maman du ciel que je pouvais être sûre de ne pas offenser mon Dieu.
Si le monde connaissait les embûches du démon, les pièges qu’il prépare aux âmes pour les conduire au péché !... Je pense ne pas avoir causé de peine à Jésus, parce que je ne veux que ce qu’il veut et ne jamais l’offensé...
— Dis au Pape que Jésus, demande et ordonne de consacrer le monde à sa Mère. Qu’il le lui consacre rapidement, s’il veut que la guerre se termine, rapidement s’il veut que le monde ait la paix.
« Le médecin m’a écrit... »
(...)
Le médecin m’a écrit pour me dire qu’il était allé à Braga mais qu’il ne vous a pas trouvé; mais qu’il vous écrira pour vous informer sur ce qui se passe. Il a déjà parlé au docteur Abel Pacheco lequel est prêt à venir pour l’examen. Le médecin des maladies nerveuses ne vient pas et n’a pas assuré non plus de venir par la suite. Je ne connais pas encore le jour où je serai examinée. Me le communi-querez-vous ? Priez pour moi afin que Jésus me donne courage...
« Je voudrais fuir le monde... »
Mon Père, si seulement vous me donniez l’autorisation de demander à Jésus le paradis au plus vite !... Ce n’est pas pour fuir la douleur, mais parce que ma souffrance et ma crucifixion sont en train de de-venir trop connues. Je voudrais fuir le monde afin que personne d’autre ne me connaisse. Oh, combien de tourments ma crucifixion m'a apportée ! J’ai tant de nostalgie du temps où Jésus me parlait souvent et personne n’en savait rien de ma vie sinon celui qui en avait le droit...
« Je dois aller à Porto... »
Vers le soir pour combler ma souffrance, j’ai reçu du digne docteur Azevedo la nouvelle que jeudi, premier mai, le docteur Abel Pache-co, de Porto, allait venir pour pratiquer l’examen. Ce fut comme une lance qui m’aurait traversé le cœur et, cruellement le clouant sur la terre nue. Et c’était contre cette même terre que celui-ci sai-gnait de douleur. Le lundi est arrivé et je l’ai passé dans la même souffrance. Je voulais m’épancher de façon à chasser hors de moi la crainte et la honte qui me tourmentaient. Je me suis souvenue que c’était là une bonne occasion pour consoler et réparer pour mon Jé-sus, souffrant en silence avec Lui ; je Lui ai offert le sacrifice du si-lence et je Lui ai promis de ne pas en parler. Cela m’a été doulou-reux, mais avec Jésus j’ai vaincu... J’ai préparé avec soin et joie le petit autel de la Maman chérie... Je lui ai écrit une lettre et l’ai dé-posée à ses pieds pour le premier jour de son mois. Je suis confiante qu’elle me fera tout ce que je lui ai demandé...
Le jeudi est arrivé ; ce fut bien triste: j’attendais les médecins. Quel tourment ! J’ai dit trois fois : “Premier mai, comme tu es péni-ble! Qu’arrivera-t-il encore avant la fin ?”
À la Communion j’ai offert le sacrifice que je devais affronter ; je l’ai offert pour ces âmes qui s’en vont chez les médecins pour pê-cher et offenser Jésus. J’ai imploré la force du Ciel ; j’ai demandé la lumière et l’amour de l’Esprit Saint, le secours de la très Sainte Tri-nité, celle de Jésus Eucharistique, celle de la Petite-Maman, ainsi que celles de saint Joseph, de sainte Thérèse,  de sainte Gemma,  etc..
L’heure est arrivée et j’ai été examinée. Les souffrances du corps m'ont été douloureuses, mais celles de l’âme aussi. Quelle humilia-tion ! Aussitôt que les médecins sont partis, je voulais pleurer; ex-près, j’ai caché mes larmes. J’ai dit à Jésus que je ne pleurerais pas pour que Lui non plus, ne pleure pas les péchés du monde.
J’ai levé mon regard vers la Maman du ciel et je lui ai dit :
— Je suis prête pour un autre sacrifice... Dites-le à Jésus pour moi. Faites que je souffre ! Faites que j’aime ! Je veux mourir d’amour.
Pendant toute la journée, mon corps et mon âme étaient plongés dans une mer de douleur !...
Partie à Porto...
Il est triste que le monde ne connaisse pas l’amour de Jésus pour les âmes! Nous le verrions davantage aimé et moins offensé. À la fin, Jésus m’a éclairée. Nous sommes partis à Porto. C’est sa vo-lonté afin d’augmenter ma souffrance.   Que cela soit pour sa plus grande gloire. Combien j’ai de honte et de peur !...
« Unis ta douleur à la mienne... »
— Unis ta douleur à la mienne, ton amour au mien ; ce n’est que de cette manière le chemin de ton Calvaire pourra être plus suave ; ce n’est que de cette manière que les pécheurs pourront être sauvés ; ce n’est que de cette manière que la paix pourra venir dans le monde, et elle viendra vite. En-suite, le monde entier se réjouira d’être consacré au Cœur de la tienne et ma Mère bénie...
« Je me trouve dans une nuit obscure... »
Je me trouve dans une nuit obscure, sans la moindre goutte de ro-sée.   Il n’y a pas de baume pour les douleurs de mon âme. Je vois de loin les coups qui blessent mon cœur. J’ai du mal à respirer sous le poids des humiliations. À l’idée des souffrances que me procurera mon voyage à Porto, je dis à moi-même :
— Je vais en jugement.
Opprimée et anéantie par cette douleur, je pense :
— C’est pour Jésus et pour les âmes !
Et alors tout mon être se transforme en une seule pensée :
— Dieu en tout et avant tout.
Je passerai toute ma vie ne pensant qu’à Dieu seul. Tout passe : Dieu seul reste. La pensée de Dieu enveloppe ciel et terre. Je m’abîme en Lui. Je peux l’aimer et penser à Lui pendant toute l’éternité. Cette pensée me soulage ; cependant c’est ainsi que j’adoucis ma douleur et que je peux sourire au tableau triste et douloureux qui se présente à moi. Je fais semblant d’avoir une grande joie de mon voyage à Porto, afin de rasséréner les miens et qu’ils ne comprennent pas la douleur qui habite mon cœur...
Première rencontre avec le docteur Azevedo.
Nouveaux examens médicaux
Le 29 janvier 1941 j’ai eu la visite d’un prêtre connu et de diverses autres personnes de la paroisse. Après une longue conversation, j’ai appris que parmi eux il y avait un médecin. J’ai rougi, non pas que j'ai menti au sujet de mes douleurs, mais parce que je ne m’y at-tendais pas. Il m’a parlé et est resté souriant. Je ne sais pas ce que j’ai éprouvé à son égard. J’étais bien loin de penser que peu de temps après il serait devenu mon médecin traitant.
Il [le Dr Azevedo] a commencé [son œuvre] en m’examinant minu-tieusement, avec beaucoup de délicatesse et de charité. À la fin de son examen, il a jugé opportun d’inviter le docteur Abel Pacheco   et mon médecin traitant de l’époque.
Je suis restée très triste parce que j’étais saturée d’examens médi-caux, mais j’ai accepté la nouvelle épreuve comme étant la volonté de Dieu et pour le bien des âmes.
Le premier mai de la même année j’ai été examinée par le docteur Pacheco. L’examen a duré peu de minutes, mais il a été la cause de grandes souffrances pour le corps et pour l’âme : pour le corps parce que ses mains semblaient de fer ; pour l’âme parce que je ressentais déjà les humiliations et les résultats de cet examen.
Malgré tout cela, j’étais encore loin d’en voir le bout !
Retour à Porto
J’ai été informée par le docteur Azevedo qu’il serait mieux que je retourne à Porto afin de consulter le docteur Gomes de Araujo.
Pendant un mois j’ai prié pour savoir si c’était bien là la volonté de Dieu. Plus je demandais de la lumière et plus les ténèbres aug-mentaient et plus profonde devenait la souffrance de l’âme, car je ne savais pas quoi faire. Finalement, le Seigneur m’a dit qu’Il vou-lait que je parte.
Deuxième voyage à Porto
Mon état physique est assez grave. Ils craignaient de m’enlever de mon lit pour un aussi grand voyage. Moi même je craignais beau-coup: si rien que le fait de me toucher était cause de grandes souf-frances, comment pouvais-je aller aussi loin ?... Encouragée par les paroles du Seigneur, j’ai confié en lui et sous sa divine action, je me préparais pour partir à l’aube du 15 juillet 1941.
À quatre heures, j’avais déjà fait mes prières. Pour montrer que j’en étais contente, j’ai appelé ma sœur pour lui dire que “nous al-lions en ville”: rien que pour cacher ma douleur. Pendant que je lui disais cela, j’ai entendu la voiture qui arrivait chez nous.
Le docteur Azevedo et une personne amie   sont entrés dans ma chambre. Après une courte conversation, pendant que ma sœur s’habillait, nous nous sommes préparés pour partir. Nous sommes partis à 4,30 heures, afin de ne pas alarmer la population ; il faisait encore nuit. En effet, nous sommes sortis du pays sans rencontrer personne.
Mon âme était encore ans dans un plus grand silence ! Plongée dans un abîme de tristesse, sans interrompre mon intime union avec Jésus, je voyageais Lui demandant toujours davantage de courage pour les examens qui m’attendaient et en offrant mon sa-crifice afin d’avoir son divin Amour et pour les âmes. J’invoquais aussi la Maman du ciel et les saints qui m’étaient les plus chers.
Rien ne m’attirait et, tout ce que je voyais me causait une profonde tristesse. De temps à autre ils interrompaient mon silence pour me demander si j’allais bien ; je les en remerciais sans même sortir de l’abîme dans lequel j’étais plongée.
Il faisait jour quand nous sommes arrivés à Trofa, chez la personne qui nous accompagnait: là je devais me reposer et recevoir mon Jé-sus, en attendant de repartir pour Porto.
Avant de reprendre le voyage, j’ai été portée dans le jardin et, soutenue par l’action divine, je me suis approchée de quelques pe-tites fleurs que j’ai cueillies en pensant :
— Le Seigneur, quand Il les a créées, savait déjà qu’aujourd’hui je serais venue les cueillir.
J’ai été photographiée à deux endroits différents et, de l’un à l’autre, je me suis déplacée toute seule, ce qui n’était plus jamais arrivé depuis que j’avais pris le lit,  de la même façon que plus ja-mais je ne m’étais retournée dans mon lit sans aide de quelqu’un. Ce fut un miracle de Dieu, car sans Lui, je n’aurais pas pu le faire.
Nous avons repris le voyage: mon âme souffrait horriblement.
À quelques kilomètres de Porto, Jésus a retiré son action divine. J’ai commencé à ressentir les habituelles souffrances physiques qui m’ont tourmentée jusqu’à la fin du voyage. J’ai dit alors, non pas parce que je connaissais la distance, mais parce que mon état me l’a fait dire :
— Nous sommes déjà proches de Porto.
Quelqu’un a répondu :
— Nous y sommes, nous y sommes !
En effet, j’avais pu voir qu’il ne manquait plus que six kilomètres.
La sortie vers le cabinet a été douloureuse, autrement dit : martyre pour le corps, agonie pour l’âme; il me semblait que j’allais mourir.
Avant d’entrer dans la salle de visites, j’ai dit à celui qui me portait dans ses bras :
— Posez-moi, posez-moi, même si c’est sur le carrelage !
À ce même moment le médecin est arrivé et il me fit coucher sur un brancard, où je suis restée en attendant la visite. Quelques instants avant que je ne rentre dans le cabinet, Jésus m’a libérée de l’agonie de l’âme, ne me laissant que les souffrances physiques, afin que je puisse mieux résister.
La visite a été assez longue et douloureuse. Pendant que l’on me déshabillait, on m’encourageait et moi, me souvenant ce que l’on avait fait à Jésus, j’ai dit en moi-même :
— Même Jésus a été déshabillé.
Et je n’ai pensé à rien d’autre.
Le docteur Gomes de Araujo, même si un peu brusque, a été pru-dent et attentionné.
Pendant le retour à la maison, Jésus a exercé sur moi son action di-vine, afin que je résiste au voyage, mais il m’a laissée de nouveau l’âme angoissée.
Arrivés à Ribeirão on m’a fait reposer chez le docteur Azevedo afin d’attendre la nuit et de pouvoir rentrer au pays sans que personne s’en rende compte.
Que ce soit chez Monsieur Sampaio que chez le médecin j’ai été traitée avec beaucoup d’attentions, mais nul ne parvenait à me ré-conforter, alors même que je souriais pour cacher le plus possible ma douleur.
Il faisait déjà nuit quand nous avons repris le voyage. Tout m’invitait à un silence de plus en plus profond. J’étais indifférente à tout. Pendant le trajet, je n’ai rien vu d’autre que les fleurs du jar-din de Famalicão parce que quelqu’un me les avait signalées.
Nous sommes arrivés à la maison à minuit, obtenant ainsi, que per-sonne ne se soit rendu compte de notre absence.
Après ce voyage, mes souffrances physiques ont assez augmenté.
« Combien de choses me venaient à l’esprit !... »
Mon voyage à Porto et la publication de ma vie ont alarmé les su-périeurs de mon directeur spirituel à un tel point que peut-être il lui sera interdit de venir vers moi, de me porter assistance religieuse de laquelle j’ai besoin et enfin, de m’écrire et de recevoir de mes nouvelles !
Depuis lors, j’ai commencé à vivre d’illusions :
— Viendra-t-il aujourd’hui, viendra-t-il demain ?
Combien de choses me venaient à l’esprit ! La pensée de perdre le temps en divagations inutiles me tourmentait, mais je n’ai pas ré-ussi à détourner ma pensée de ce qui me faisait tant souffrir.
Ma vie est devenue un sacrifice total. Je peux même affirmer que je ne sais pas ce que c’est que d’être heureuse, cela aussi me peine. Je me sens à la fin de ma vie: j’attends l’éternité. Là seulement je pourrai remercier Jésus de m’avoir choisie pour cette vie de conti-nuel sacrifice, pour n’aimer que Lui, pour Lui sauver des âmes.
« Tes souffrances pour les prêtres... »
Préoccupée d’avoir Jésus sous les lèvres et dans le cœur, je suis ar-rivée dans ma pauvre maison et aussitôt j’ai été triturée par les douleurs qui me consumaient le corps, effet peut-être de l’examen et du voyage... Dans les heures de plus grande angoisse, Jésus me disait :
— Voici, ma fille, tes souffrances pour les prêtres. Souffre pour eux. La souffrance répare. Les ardeurs qui te brûlent, ce sont les ardeurs de leurs passions. Je me suis servi de l’examen médical pour te faire souffrir pour eux...
« Le poids des humiliations pèse sur moi... »
Mes douleurs, augmentées à cause de l’examen, continuent. Mais peu importe. Je peux ainsi en donner davantage à Jésus et Lui, Il peut les distribuer aux âmes. Je veux consoler son divin Cœur tel-lement blessé. Je veux que ma souffrance soit comme l’encens très fin qui s’envole continuellement vers le ciel.
Le poids des humiliations pèse sur moi et, savoir que j’ai pu être la cause d’humiliations pour vous et pour mon Père spirituel, m’afflige beaucoup. Veuillez me le pardonner. Je ne voudrais pas vous faire souffrir...
« Il trompe les gens... »
Hier je n’ai pas eu de forces pour décrire les sentiments de mon âme et tout ce que j’ai souffert... L’heure de la crucifixion est arri-vée. Jésus ne m’a pas manqué, comme habituellement, afin d'atté-nuer ma douleur et me donner courage pour monter au Calvaire.
— Viens, ma fille, monte au Calvaire avec douceur et amour. Ta souffrance a pour moi la douceur du miel ; ta souffrance me donne beaucoup de consolation et sauve beaucoup de pécheurs. Courage ! Appuie-toi à ton Directeur, à ton Jésus et à ta Petite-Maman.
Je suis alors partie au Jardin des Oliviers, remplie de paix et de courage. Cette jouissance a été de courte durée. Soudain, Jésus m’a appelée :
— Ma fille, il y a à Lisbonne un prêtre qui est tout près de tomber en enfer. Il m’offense très gravement. Appelle ton Père spirituel, et demande-lui l’autorisation pour que je fasse souffrir, pendant la passion, d’une façon bien plus atroce, pour ce prêtre.
C’est ce que j’ai fait.
Comme mon Père spirituel m’y a autorisée, je suis de nouveau tombée au Jardin des Oliviers, afin d’y souffrir bien atrocement. Je sentais avec quelle gravité ce prêtre offensait Notre-Seigneur. Je sentais pareillement l’indignation de Notre-Seigneur contre lui. Jé-sus me disait :
— L’enfer ! L’enfer !...
Et j’avais l’impression que ce prêtre allait vraiment y tomber. Alors, moi, je disais :
— Non, non, mon Jésus ! Pas en enfer ! Il pèche, mais je serai sa victime; non pas uniquement lorsqu’il commet le péché, mais pen-dant tout le temps que vous voudrez.
Notre-Seigneur m’a dit alors :
— Il trompe les gens. Tous pensent qu’il est bon, mais il m’offense beaucoup.
Et moi, je disais :
— Il trompe les gens, mais vous, il ne vous trompe pas ; oubliez, mon Jésus; ayez compassion de lui.
Jésus m’a dit son nom : c’est le Père X...
Pendant presque tout le temps qu’a duré la Passion, j’ai ressenti son péché. Et Jésus était toujours très en colère contre lui, et me disait :
— En enfer ! En enfer !...
— Pas en enfer, mon Jésus ; je souffre pour lui. Immolé mon corps, mais épargnez-le des peines éternelles.
Et pendant toute la Passion je sentais la blessure qu’il produisait dans Cœur de Jésus. Quelle blessure si douloureuse ! C’était comme des épées qui, continuellement, blessaient mon pauvre cœur.
Mon corps a été horriblement mal traité, mais le prêtre n’est pas tombé en enfer; bénies souffrances !
« Ma Petite-Maman m’a embrassée... »
Lors des premiers moments de mon épuisement,  j’ai senti que Jé-sus et la Maman me caressaient. Elle s’est placée à ma gauche et prenant ma tête, l’a posée sur son très saint Cœur et d'une voix très tendre m’a dit :
— Ma fille, aie courage : c'est pour mon amour, pour l’amour de mon Jésus...
La Petite-Maman m'a embrassée et m’a serrée très fort contre son Cœur, m’a fait voir la lumière qui pénétrait les âmes et son triom-phe à Elle...
Les visites de la Maman du Ciel   se sont répétées: Elle me cares-sait, me prenait dans ses bras, me couvrait de sa douce tendresse.
La Maman qui console...
Hier, jeudi, j'étais envahie par la douleur et par la peur, et aveu-glée par les ténèbres... Je voguais dans les airs, perdue comme l'oi-seau qui dans la tempête cherche une branche où se poser. Je n'ai pas trouvé où me reposer.
Je me suis lancée entre les bras de la Maman et je Lui ai dit que j'offrais ma douleur afin que la paix revienne dans le monde.
J’ai senti quelques moments de soulagement.
Pauvre de moi, si à ces moments-là la Petite-Maman ne m'avait pas secourue! Je n'en pouvais déjà plus !
Vers le couronnement d’épines...
Je suis alors partie vers le couronnement d'épines. Mes souffrances augmentèrent. Je suis restée pour quelque temps dans le refuge du Cœur de la chère Petite-Maman: j’ai reçu de ses lèvres célestes un tendre réconfort et beaucoup d'amour, comme s'il s'agissait de l'eau d'une source pure et cristalline.
« J’aime tous ceux qui t’aiment... »
— Je t'aime parce que tu m'aimes et aimes mon Fils Jésus. Je t'aime parce que je vois en toi la candeur du lys et de l'iris, et leur parfum t'embaume.
J'aime tous ceux qui t'aiment et qui te soutiennent. Ils re-cevront tout de moi et de Jésus.
Visite d’un prêtre “journaliste”: – Ses conséquences.
Le 27 août 1941 j’ai eu la visite de Monsieur le curé accompagné du Père Terças et d’un autre prêtre. Cette visite fut pour moi très aga-çante, parce que j’ai dû faire le sacrifice de répondre devant tous à une série de questions du Père Terças. J’ai répondu consciencieu-sement à toutes les questions, car j’ai pensé qu’il était venu pour faire une étude, comme d’autres l’avaient fait. Cependant, le Sei-gneur seul sait combien cela m’a coûté de devoir parler de la “Passion” ; et c’est surtout sur celle-ci qu’il m’interrogea.
Monsieur le Curé m’a dit que le Révérend désirait revenir vendredi, 29 août.   Je ne voulais pas y consentir sans consulter mon direc-teur mais, m’ayant dit qu’il devait repartir à Lisbonne ce jour-là,  j’ai cédé à sa demande, lui disant :
— Je pense que vous ne venez pas ici par curiosité, n’est-ce pas ?
Ayant été rassurée sur ce point, j’ai accepté, même si sa visite un vendredi me déplaisait assez.
Il est venu, mais accompagné de trois prêtres. J’étais bien loin de penser que cette visite me préparait un nouveau calvaire : peu après il publia tout ce qu’il avait vu et tout ce qu’il avait appris sur moi.
Que le Seigneur accepte les souffrances qui m’ont été causées par cette publication qui mis sur la place publique mes secrets cachés pendant de longues années.
De temps à autre, les commentaires qui étaient faits sur moi, me venaient aux oreilles : c’étaient comme des épines que les gens in-volontairement m’enfonçaient dans l’âme. Ceux qui lisaient cette revue là ou écoutaient ce qui se disait sur moi, en recevaient des sensations diverses.
(...)
Je sais que très peu personnes me comprendront, mais à moi, une seule chose me suffit: Jésus comprend tout.
J’ai su qu'hier déjà on s’informait sur une certaine Alexandrina de Balasar et que des gens du village réclamaient la revue dans la-quelle on parlait de moi. J’ai beaucoup pleuré. Tournée vers le Ta-bernacle de l’église j’ai dit à Jésus :
— Vous avez permis que j’arrive à ce stade et Vous ne venez pas me chercher pour aller au ciel !
Tout d’un coup il m'est venu à l’esprit que je pouvais faire plaisir à Jésus et je me suis dite :
— Je ne pleure plus, parce que Jésus ne le veut pas. Je veux tout souffrir pour le salut des âmes et par amour pour Jésus et la Ma-man du ciel.
En effet, j’ai toujours le sourire, même si dans mon intérieur je pleure, parce que dans mon cœur seule la souffrance règne. La pu-blication de ma vie est comme une épine qui ne cessera jamais de me blesser...
1942
SANS DIRECTEUR
Recours à la Vierge...
Lors de ma préparation pour recevoir mon Jésus [dans l’Eucharistie], j’ai demandé à la Maman de me remplir d'amour et de me revêtir de sa grâce et de sa pureté, de rendre mon cœur pur comme quand j’ai reçu mon baptême, parce que Jésus comprends tout je voulais renaître en ce premier jour de la nouvelle année pour aimer mon Jésus et ne jamais l'offenser.
Cheminer sans lumière...
Jésus est venu et a allumé dans mon cœur un peu de son divin feu ; il m’a donné quelques rayons de sa lumière :
— Ma fille, l’heure de me donner la plus grande preuve d’amour et d’héroïsme est arrivée : cheminer sans lumière dans un complet abandon...
« Mon âme semble se déchirer... »
Mon âme semble se déchirer en morceaux. Ce ne fut que le 7 jan-vier, jour où vous êtes venu me voir, Père, que ma souffrance, aus-si bien physique que morale, a connu une pause.   Il est vrai que Jésus me prive actuellement de tout, mais Il m’a donné encore quelques heures de soulagement et quelques moments de douceur et de suavité pour l’âme. Je m’en souviens avec peine et il me semble mentir, car maintenant je n’ai pas de lumière...
« Je veux vous donner des âmes... »
Vivre sans soutien me fait peur. J’ai tout perdu sur la terre et dans le ciel. Je veux savoir aveuglément que Jésus et la Maman du ciel ne m’ont pas abandonnée, mais je tombe dans le découragement, je reste abattue, plongée dans la détresse.
— Mon Dieu, mon Jésus, je crois en Vous, je crois en votre divin Amour pour moi. Je Vous aime et je veux vous donner des âmes.
Hier le médecin est resté ici presque deux heures. Jésus s’est servi de lui pour adoucir ma douleur... J’ai encore sur la terre quelqu’un qui a de la compassion pour moi. Cette pensée a redonné vie à ma fidélité...
Un journaliste de Lisbonne...
Hier, un journaliste de Lisbonne est venu ici ; je ne lui ai rien dit des choses de Jésus, mais le fait m’a fait souffrir. Presque tous les prêtes me cherchent: ils posent mil questions à Monsieur le Curé. Et tout cela à cause des écrits du Père Terças. Si seulement je pou-vais partir d’ici! Je ne voudrais pas être connue; j’aimerais me ca-cher...
Les feuilles du Père Terças...
Aujourd’hui Monsieur le Curé est venu me lire deux feuilles du Père Terças avec plusieurs demandes. Désirera-t-il continuer à parler de moi ? Je lui ai dit ne rien avoir révélé des choses du Seigneur et que je souffre du fait de lui avoir parlé. Ce n’est point la peur d’être prise en quelque mensonge: je pourrais être interrogée des milliers de fois que je dirais toujours la même chose, parce que la vérité n’a qu’un seul chemin. C’est la blessure que je ressens qui m’oblige à procéder de la sorte.
Vienne qui voudra: je ne parlerai cependant qu’avec l’autorisation de mon directeur...
« Combien douloureuse est ma souffrance... »
Combien douloureuse est ma souffrance !... Mon Dieu, Si du moins cette croix n’était destinée qu’à moi seule! Mais, malheureusement, ce n’est pas le cas. Il est inutile que vous, mon Père, que vous me disiez que vous ne souffrez pas  : je n’ai pas besoin d’autres témoi-gnages, les sentiments de mon âme me suffisent... Pour ma plus grande confusion je sens en être la cause de tant de souffrance; je le suis et le serai la vie entière.
Je serai aussi la cause de beaucoup d’humiliations et de souffrances pour le médecin. Quelle triste récompense pour tout ce que vous avez fait pour moi! C’est une chose bien involontaire ; je ne sou-haiterais être ingrate envers qui que ce soit.
Quand je reçois Jésus je m’en rappelle aussitôt et je reste seule dans ma douleur. Il me semble que si j’entendais Jésus, je ne l’écouterais pas et Lui tournerais le dos, même si je ne l’ai jamais fait...  Combien grande est la peur de me tromper ! J’ai beaucoup pleuré et je suis triste de mon comportement. Je ne voudrais pas recevoir la croix avec des larmes, mais je n’ai plus la force.
Je pleure, mais dans le cœur, la volonté de Le suivre, de Le conso-ler, de tout souffrir par amour pour Lui et de Lui donner des âmes, est toujours présente. Priez pour moi...
« Vous a-t-on interdit de venir ici ?... »
Vous a-t-on interdit de venir ici ? On ne cesse pas de vous faire souffrir ? On essaie de vous humilier et de vous déprimer davan-tage ? Jésus soit avec nous ! Que nous vienne en aide la Maman du ciel et qu’elle nous donne la force pour supporter autant de souf-france. Que tout ceci soit pour la plus grande gloire de Jésus et un avantage pour les âmes...
« J’ai érigé un calvaire... »
Je sens que vous souffrez presque tout seul... Mon Dieu, j’ai érigé un calvaire pour mon Père spirituel qui a tant fait pour amener mon âme à Jésus.
J’en ai élevé un autre pour le docteur, qui se sacrifie tant pour mon corps. O Jésus, ô Maman du ciel, appelez-moi à vous afin que je ne sois davantage la cause de tant d’humiliations et de souffrances !... Je préférerais souffrir toute seule. Si seulement j’avais pu souffrir cette marée de souffrances et que personne n’en ait eu connais-sance, excepté Jésus ! Je voudrais disparaître du monde, de sous le regard de tous et rester dans l’oubli...
Craintes de rester sans la Communion...
Je suis dans un état de révolte et je me sens seule, complètement seule... Quelle horrible tempête !... Je suis au comble de mon ago-nie. Je crains de devenir infidèle à mon Jésus : je n’ai pas de force pour en supporter d’avantage... Quand viendra-t-il le ciel ? Pauvre de moi s’il tarde !...
Dimanche après-midi [8 février], vers le soir, un grand tourment envahit mon esprit: la crainte de rester sans mon Jésus [eucharisti-que], que Monsieur le curé, interdit par Monseigneur, l’archevêque, ne viendrait plus me porter ; que tous les prêtres seraient défendus de venir me voir, aussi bine que toute autre personne, sous peine d’excommunication. Mon Dieu, sans avoir un prêtre pour me confesser, que dois-je faire ? Faire en sorte de ne pas pécher, de ne pas causer, dans la moindre chose de la tristesse à mon Jésus et Lui demander bien pardon. Mon Dieu, mon Dieu, quelle confusion de devoir mourir ainsi, sans un prêtre !...
O mon Père, une nouvelle souffrance vient de survenir: on m’interdit de prendre conseil auprès de mon Père spirituel... À qui dois-je recourir ?...
Les pressentiments se réalisent...
Les hommes essaient d’éloigner et d’arracher d’auprès de moi pour toujours celui qui m’aidait et pouvait me donner réconfort. Ils m’ont enlevé mon Père spirituel, m’interdisant enfin toute corres-pondance. Consentez-moi au moins, mon Jésus, de m’épancher avec Vous. Je me trouve seule au milieu de la tempête qui ne se calme pas. Je Vous ouvre mon cœur. Il n’y a que Vous qui puissiez lire tout ce qui s’y trouve écrit avec douleur et sang. Vous seul pou-vez évaluer mon sacrifice. Le monde l’ignore; les hommes ne le comprennent pas.
Laissez-moi Vous dire ce que Vous avez dit à votre Père : “Pardonnez-leur car ils ne savent ce qu’ils font”. Ils sont aveugles, il leur manque votre divine lumière. Éclairez-les ; donnez votre amour à tous.
O Jésus, mes pressentiments ce sont réalisés !
Pourront-ils m’interdire de Vous recevoir sacramentellement ? Pau-vre de moi ! Ils me tueraient si Vous, avec votre pouvoir divin ne me conserviez pas la vie. Qu’ils disent et qu’ils fassent ce qu’ils veulent. Ils ne réussiront jamais à me priver de l’union intime avec Vous.
Me voler Jésus eucharistique ! Cela ne m’étonnerait pas qu’ils le fassent. Mas arracher de mon cœur le Trésor si riche que j’adore et que j’aime plus que toutes choses, « le Père, le Fils et le Saint-Esprit », les hommes ne le pourront jamais. Pûssent-ils me faire vi-vre sans cœur et sans âme. Impossible !
Que vienne le monde entier avec toute sa force ; que tout s’oppose à moi : seul le péché pourrait me séparer de cette grandeur infinie, de cet amour sans fin.
Mais j’ai pleinement confiance en Vous, mon Jésus. J’attends tout de Vous, même si les sentiments de mon âme arrivent presque à me persuader que je me trompe moi-même.
(...)
Quel mal ai-je fait ? Quel crime ai-je commis ?... Mon Jésus, si ce n’était pas par amour pour Vous, si ce n’était le désir de Vous ra-mener des âmes, je me refuserais à tout...
« Je brûle du désir du ciel... »
Je brûle du désir du ciel, mais je ne voudrais pas mourir de la sorte. J’aimerai la mort que Jésus me donnera, mais pas celle que me donnent les hommes! Je n’aimerais pas les laisser avec les remords de me l’avoir donnée... Je ne sais pas comment je peux vivre ainsi.
Pour le moment je vous ai, vous qui me soutenez dans un si péni-ble calvaire. Pourront-ils dire aussi que les choses du Seigneur me viennent à la suite des visites du médecin ? Je n’en doute pas. Mais dans ce cas, il serait mieux de m’enfermer dans un cachot où per-sonne ne puisse me voir; ainsi je souffrirai toute seule et ne serai la cause des souffrances d’autrui.
Il ne manquerait plus qu’ils me prennent aussi mon médecin ! Grâ-ces à mon bon Jésus, je ne suis pas attachée aux choses de la terre, mais je ressens le besoin que l’on m’aide à parcourir mon cal-vaire: toute seule je ne le peux pas...
Le départ du Père Mariano Pinho...
Quelques heures après ma “Passion” mon médecin m’a dit que ces derniers jours l’état de mon cœur avait davantage empiré. Il m’inculqua courage et fidélité. Je me suis épanchée à lui parce que je sens que le Seigneur se sert de lui pour m’aider à poursuivre dans les chemins épineux et difficiles. Je me suis sentie bien plus forte.
Vers les six heures du, soir on m’apporta le courrier et immédiate-ment j’ai découvert votre lettre. Aussitôt que je l’ai eue en main, les bras me sont tombés et mon sang s’est glacé dans mes veines. Je n’avais pas la force de l’ouvrir. Je me suis dite à moi-même : “Quoi qu’il arrive, en avant ! Mon Jésus, j’accepte tout pour amour pour Vous et pour Vous donner des âmes”.
J’ai commencé à la lire, mais les larmes m’en empêchaient : c’étaient des larmes de parfaite résignation. On dirait que l’on me perçait le cœur avec une lance. Quelques jours se sont déjà écoulés et je me sens pourtant encore dans le même état. C’est comme si je n’avais plus de cœur et que la mort me guette. Dans mon fond intérieur, je disais : “Pardon pour tous ceux qui sont la cause de cette mort.
Il est vrai que Deolinda, plus d’une fois, goutte à goutte, m’avait administré le “poison” que la lettre contenait, mais maintenant c’est arrivé au comble : la dernière goutte de ce “fiel” si désagréable.
Mes larmes et ma prière à Jésus pour obtenir le pardon pour tous: voilà ma vengeance.
Dans cette triste lettre que je n’oublierai jamais, vous me dites que cela est conforme à ce que vous supérieurs ont décidé ; que vous devez obéir parce que le Seigneur le veut.
Je suis d’accord. Obéissance, sainte obéissance, combien je t’aime ! Vous ne voulez pas désobéir et moi-même, je veux que vous obéis-siez. Plutôt toutes les souffrances que la moindre offense envers Jésus. Celui qui obéi fait sa sainte Volonté, mais malheureux ceux qui ne commandent pas selon ses divins désirs! C’est pourtant qui arrive maintenant. Les hommes s’opposent à la volonté de Jésus. C’est ce que ressent mon âme remplie de douleur. Mon cœur vole comme un oiseau qui ne sait pas ou se poser; je me trouve dans le supplice le plus douloureux.
Je me suis confessée au Père Alberto Gomes   dans lequel j’ai en-tière confiance et en qui je vois toute la sainteté. Je sens qu’il me comprend bien, mais ce n’est pas lui cette lumière que Jésus m’a choisie, et non plus la source qui peut me rassasier. C’est pour cela que je dis : “Malheureux ceux qui ne commandent pas selon la vo-lonté de Jésus !”
Je continuerai de vous appeler mon Père spirituel sur la terre comme au ciel. Quoi que les hommes disent ou fassent, cela ne sert qu’à m’écraser de plus en plus et à m’ôter la vie...
Ne vous souvenez-vous pas qu’il y a quelque temps j’avais eu le pressentiment de ce qui arrive maintenant ? On vous interdit de venir ici ! De m’écrire ! Volonté divine de mon Dieu, je t’aime plus que tout...
« Les lettres de mon Père spirituel... »
O mon Jésus, donnez-moi votre divine force ! Je veux cacher ma douleur. Toute seule je n’y réussis pas. Que mon cœur pleure nuit et jour, si vous le voulez, mais que mon regard soit joyeux et mes lèvres souriantes. Que votre saint amour et les âmes soient le motif de ma souffrance !
Je suis comme la colombe qui, dans son envol, secoue les ailes nuit et jour, et ne trouve pas où se poser si vous ne venez pas à son se-cours. Les forces lui manquent, elle est incapable de poursuivre son vol: c’est moi qui navigue dans les airs, c’est moi qui suis tout près d’être anéantie par la tempête ; je suis la plus indigne de vos peti-tes filles, sans lumière et sans soutien.
O Jésus, je ne savais pas que j’avais encore tant à vous donner ! Combien grande est mon ignorance ! Je pensais vous avoir tout donné. Je me trompais : vous êtes venu faire la dernière moisson. Prenez tout, hâtez-vous de tout prendre : moissonnez pour vous. Le vingt, je vous ai donné mon Père spirituel jusqu’au jour on l’on voudra bien me le rendre ; je vous ai donné ses lettres qui m’ont servi de lumière et acheminée vers Vous.
Vous avez bien vu, ô Jésus, combien grand a été le sacrifice ! Non point pour l’attachement à celles-ci, mais parce qu’elles m’ont été demandées lors d’une journée remplie de tant de souffrances. Quand je les ai eues en main pour les ficeler ensemble, vous, ô mon Seigneur, vous avez entendu que je me répétais : “Jésus me les a données, Jésus me les reprend.”
Et même en les rendant, je n’ai fait que répéter : “Jésus ne mérite-t-il pas encore davantage ?... Tout cela est encore bien peu pour Lui sauver des âmes...” Ce qui me peinait c’était de devoir servir  d’instrument pour faire souffrir les autres !...
Obscures ténèbres...
O Jésus... mon calvaire ne s’arrête pas. Les obscures ténèbres de la nuit, ne finiront-elles jamais ?   Je n’aperçois même pas le chemin ; je ne puis ni avancer ni reculer ! Je n’ai pas de guide ; je n’ai pas de vie. Le cœur et l’âme s’en vont en morceaux. Par l’amour de qui j’accepte tout cela ? Pour Vous, ô Jésus, uniquement pour Vous et pour les âmes. Servez-vous de ma tristesse et de mon agonie, ser-vez-vous du sacrifice qui m’a amenée à l’extrême limite, pour don-ner la paix au monde et afin que Votre divin Cœur puisse avoir de moi toute la joie, consolation et amour possibles.
(...)
Si je ne vis pas pour sauver les âmes, si mes souffrances ne sont pas suffisantes pour leur éviter l’enfer, oh ! alors, mon Amour, pre-nez-moi avec Vous. Il n’est pas possible de vivre ainsi. Qu’il me reste au moins l’espérance que mon agonie console votre divin Cœur.
Hâtez-vous, Jésus, de me secourir. Faites que je sois ferme dans mes propos. Placez sur mes lèvres un sourire “trompeur”,  sous le-quel je puisse cacher toute la souffrance de mon âme. Il suffit que Vous seul connaissiez ma souffrance.
Examinez, ô Jésus, tout mon corps, tout mon cœur, toute mon âme: voyez si Vous y trouvez encore quelque chose qui puisse vous être utile ; je veux tout Vous donner.
La privation de mon directeur spirituel et tous les sacrifices qui sont venus par la suite m’ont portée à la plus grande souffrance. Et maintenant, mon Jésus, le fait de le savoir aussi proche   pendant que moi, comme un oiseau pendant les jours d’hiver, je reste là, affamée de ne pas pouvoir lui parler, de ne pas pouvoir recevoir de lui aliment et vie pour mon âme... il y a de quoi mourir de douleur !
Que seul votre amour règne: seul l’amour peut vaincre !
Je Vous ai promis, ô Jésus, de souffrir en silence, de ne pas me permettre un seul soupir afin que je puisse contenir toute la dou-leur de ma triste épreuve. Et pourtant, maintenant je n’en peux plus, mon Jésus : les humiliations, les mépris les abandons, m’écrasent...
Mon âme ne ressent que peur et détresse.
Mon triste cœur est angoissé de contenir le sang du monde entier afin de paver tous les sentiers du Calvaire avec ces paroles de sang : l’amour, l’amour de Jésus !
Malheureusement je n’ai rien et je n’arrive même pas, dans ma détresse, à Le consoler et à L’aimer.
Les lettres rendues...
Mon Jésus, les lettres de mon directeur m’ont été restituées. Pour-quoi tout cela ? Le sacrifice a été fait. Ce fut comme si on les plaçait sur un cadavre qui ne ressent plus rien. Mais l’obéissance le veut et, moi je l’accepte...
« Jésus, m’entendez-vous ?... »
Jésus, m’entendez-vous ? On dirait que mes paroles sont suffo-quées par le poids de la mort. Je veux vous dire une fois encore :
— “Je suis vôtre dans le temps et je serai vôtre dans l’éternité. Je me donne seulement à vous, je ne veux appartenir qu’à vous”.
C’est avec l’âme en agonie et le cœur écrasé par la douleur que mes lèvres balbutient ces paroles: “uniquement par amour”.
De noires ténèbres m’entourent : je marche au milieu de buissons épineux. Je suis tout entière blessée: je sens le sang couler tout le long de mon pauvre corps.
Je me sens seule: on m’a volé le réconfort, le soulagement de l’âme, mon soutien sur la terre. Quelquefois je ne supporte même pas la nostalgie que j’ai de la Messe dans ma chambre...
Pardonnez, mon Jésus, à qui a été la cause de tout cela. Pour tous, je vous demande compassion ; je Vous demande lumière pour leur cécité.
Sur cette mer de souffrance, dans cette lutte contre de noires ténè-bres, dans cette nuit très opaque, mon âme jouit de la plus grande paix ; je ne crains pas de comparaître en votre divine présence. Quelquefois il me vient à l’esprit si cela ne serait pas de l’orgueil. Que jamais je ne le connaisse. Serait-il né de mon ignorance ?
Vous m’avez accordé la grâce de connaître l’abîme de ma misère, mais en même temps je vois très bien je vois très clairement que l’abîme de votre amour et de votre miséricorde est infiniment plus grand. Je confie aveuglément en vous et j’espère en vous.
Nouvelle forme de crucifixion
(Moments de la Passion)
Le vendredi saint, 27 mars 1942, Jésus m’a dit :
— Ne crains pas, ma fille ; tu ne seras plus crucifiée ; la crucifixion que tu souffres est des plus douloureuses que l’histoire a pu enregistrer.
— Ne me dérobez pas vos forces, Jésus, afin que je puisse décrire de la meilleure manière possible ce que j’ai souffert pendant la sainte Passion. Que votre protection et votre amour ne me man-quent pas non plus à cette pauvre créature que je suis. Que tout soit pour votre plus grande gloire et pour le salut des âmes.
Mes yeux semblaient ne pas voir l’approximation de la passion. Mon abattement m’épouvantait ; l’abandon dans lequel je me trouvais semblait me conduire à la sépulture. Quel tourment ! Devoir lutter contre un monde sans vie! Votre Vie et votre Amour sont descendus sur moi, j’ai entendu votre Voix, douce et tendre :
— Ma fille, amour de Jésus, courage ! Ne crains pas. Le chemin du calvaire est presque terminé. Allons, viens, tra-verse les dernières épines : des blessures causées par ces épines sortiront des sources de salut. Les âmes ont besoin de tout.
Jésus est heureux de ta crucifixion ; Il trouve en toi toute la réparation que l’on peut trouver sur la terre. Courage ! Jésus, avec sa Mère bénie, nous ne t’abandonnerons ja-mais.
J’ai cheminé vers le Jardin des Oliviers. Dans un total abandon, je remémorais vos douces paroles, lesquelles, pendant un certain temps, sont restées gravées dans mon cœur. Ensuite, à cause des coups et des mauvais traitements de la part de l’humanité, tout a disparu. Et, dans le Jardin des Oliviers, toute seule, dans un pro-fond silence, dans la plus grande obscurité, moribonde, je cherchais à me cacher pour toujours, comme, si la terre aurait pu m’occulter à la justice du Père éternel.
Mon Dieu, mon Dieu... combien je me sens seule !
Pas la moindre brise ne soufflait. Même les feuilles des oliviers res-taient immobiles, bien que les branches se courbassent jusqu’à terre en signe d’adoration.
O douleur, ô agonie de Jésus, ô amour de Jésus pour les âmes !
Mes souffrances, ô Jésus, ne m’appartenaient point ! Elles n’étaient qu’à vous, rien qu’à vous, mon Jésus.
J’ai suivi les étapes de la Passion ; ici et là je tombais écrasée par la souffrance. Très souvent j’ai invoqué : “Jésus, Petite-Maman, don-nez-moi de vos forces afin que les miennes se ressourcent”.
Merci, Jésus ! Avec vous j’ai résisté.
Lors de la flagellation, protégée par votre divin Cœur, j’ai vu devant moi les bourreaux tenant en main des fouets pour châtier mon corps. À l’ombre de votre divin amour, je ne les craignais pas.
Au couronnement d’épines j’ai vu entrelacer d’aiguës épines et fa-briquer le casque, afin qu’il soit enfoncé sur ma tête.
Je me suis élancée sur le chemin du Calvaire, sans vitalité suffi-sante pour arriver jusqu’au bout. Je ne pouvais pas avancer da-vantage : les forces m’abandonnaient petit à petit.
J’ai été clouée sur la croix : à chaque coup de marteau je m’évanouissais.
Le Calvaire s’était obscurci. On n’entendait plus que les soupirs de la chère Maman, étouffés par les blasphèmes : je les ressentais plus que ces derniers dans mon cœur.
Une nouvelle vie...
Depuis le Vendredi Saint   j’ai commencé à me sentir morte sur le Calvaire, entourée de ténèbres et dans un grand abandon.
Tous les lions sont tombés sur moi.
Mon corps n’a pas reçu de sépulture. Des oiseaux de nuit, malgré les épaisses ténèbres, voyaient bien mon corps, pour le manger. Je suis restée ainsi dans cette souffrance. Maintenant je sens que ces oiseaux, de leur bec, pénètrent mes os, les réduisant en cendres.
La croix où j’ai été crucifiée est tombée à terre, mais, malgré cela, je sens qu’une partie de mon corps y reste fixé par les clous. Ces oiseaux-là ont encore beaucoup à dépouiller dans mon corps, qui n’a pas la vie terrestre ; seul mon cœur sent une vie qui n’est pas humaine; c’est une vie divine. Cette vie lui procure du sang, et l’humanité entière, comme une volée d’oiseaux, boit cette vie. Je sens que ce n’est qu’après que ces oiseaux de nuit auront réduit mes os en cendres, que je pourrai partir.
Je ne sens plus sur la croix, mais la souffrance est la même ; il n’est pas moins douloureux. Les lions profitent maintenant davantage de ma chair, qui est déjà en putréfaction et nauséabonde ; pendant que les oiseaux s’attaquent à mes os et les taraudent. Vous ne pouvez pas comprendre combien je soufre et, moi-même, je ne sais pas m’expliquer. Ils ont laissé mon âme en pleine montagne, en butte au plus grand tourbillon, noire, très triste, aride : ils m’ont abandonnée. Tous les lions sont tombés sur moi! Combien est amère l’ingratitude des hommes!
(...)
Hier, 20 avril, quand j’ai reçu l’ordre de l’archevêque de me laisser transporter à Coimbra pour être examinée par le docteur Elísio de Moura, cette pensée m’a assaillie : Combien la souffrance est in-comprise ! Je suis sûre que si l’on goûtait, pendant quelques mo-ments, ce qui arrive dans mon corps, personne au monde n’aurait plus le courage de faire une telle proposition.
Le regard fixé dans le ciel, je peux dire : Que tout soit pour l’amour de Jésus ! Lui, il est digne de tout. Les âmes méritent tout, parce qu’elles sont le prix de son Sang.
L’agonie de mon âme continue de s’aggraver de plus en plus. Tou-tefois le ciel peut mettre fin à tout cela.
Que le Seigneur soit avec moi, car ce n’est qu’avec son aide que je peux vaincre.
Je demande à Jésus avec beaucoup de foi de mourir le 1er vendredi de mai, afin de passer le 1er samedi au ciel.
« Quelle gloire pour le Portugal !... »
Jésus m’a dit le 2 mai (samedi) :
— Bienheureux les humbles et les persécutés pour l’amour de Jésus. Ce sont ceux-là les élus du Seigneur et les aimés de son divin Cœur. La mission de la crucifiée de Jésus sur la terre est presque terminée. Jésus lui donnera la mort la plus touchante, la plus remplie d’amour. Quelle gloire pour le Portugal et pour le monde entier ! Quelle fête et quel triomphe au Paradis !
Mais l’agonie indicible de mon âme augmentait en sachant toutes les avanies que l’on disait sur moi. Il me semblait que cela conti-nuerait après ma mort, causant ainsi de la peine à mes chers fami-liers. Mon désir serait que toutes ses vexations meurent avec moi.
« Mon cœur est tellement blessé... »
Mon cœur est tellement blessé que l’on dirait qu’il n’a même plus la forme d’un cœur humain. Toutefois, il est une source abondante de sang. C’est la vie divine qui le fait ruisseler. Je sens que toute l’humanité y boit avidement, de peur que le sang cesse de couler.
« Combien je suis triste... »
L’âme affligée, je répétais : Combien je suis triste et combien sont amères les derniers jours de ma vie ! De mon amertume tirez, o Jésus, douceur et joie pour vous et bénéfice pour les âmes...
« Gloire à Jésus; gloire à Marie !... »
(...)
Jésus est venu en disant :
— Gloire, gloire, gloire à Jésus ! Honneur et gloire à Marie ! Le cœur du Pape, cœur d’or, est décidé à consacrer le monde au Cœur de Marie ! Quel bonheur ! Quelle joie pour le monde d’être consacré, d’appartenir plus que jamais à la Mère de Jésus.  Le monde entier appartient déjà au Cœur de Jésus ; il va appartenir, désormais, tout entier au Cœur Immaculé de Marie.
« Je me sens abandonnée de tous... »
Mon cher Jésus, ma chère Petite-Maman, je suis privée de mon Père spirituel, justement en ces jours où j’en ai le plus besoin ! Je me sens abandonnée de tous, excepté si, miraculeusement, même si peu souvent, vous me donnez ce qui peut me réconforter.  Par-donnez à ceux qui m’ont blessée ; pardonnez toute leur cécité; car moi-même je leur pardonne.
Dans mon cœur il n’y a plus de place pour d’autres épées ; j’en ai souffert dans tous les sens ; j’ai même reçu des chagrins de qui je m’y attendais le moins.
O mon Jésus, accordez à tous votre pardon, votre amour, votre compassion. Purifiez, sanctifiez, brûlez dans votre divin amour et appelez vite auprès de Vous votre petite fille agonisante...
« Le Ciel est rempli de gloire !... »
— Le Ciel, le Ciel est comblé de gloire ! Le Ciel est comblé de triomphe !...
Une couronne merveilleuse, plus resplendissante que le soleil et que les étoiles, est préparée pour la petite folle de Jésus. Jésus est le tout de sa crucifiée. Jésus lui donne tout, afin de tout recevoir d’elle !...
« Le ciel est tout proche... »
(...)
Depuis le 24 mai — jour de Pentecôte — et journée pendant la-quelle j’ai demandé à l’Esprit-Saint toute la lumière et toute la flamme de son divin amour, amour sanctifiant — l’état de mon âme s’est modifié...
Le 25 mai [ceux qui fréquentaient la maison] se sont aperçus qu’il y avait en moi quelque chose de changée, mais ce changement n’était que la transformation de mon âme. Je ne ressentais que ra-rement, les grandes désolations, les ténèbres, les sécheresses et les épuisements, mais par contre, je ressentais de grandes envies de m’envoler vers le ciel ; ces désirs me donnaient des impulsions qui me faisaient lever comme si j’avais des ailes pour prendre mon en-vol.
Je ne peux pas rassasier mes aspirations et la nostalgie que j’ai des aliments de la terre ; je soupire et je brûle du désir d’aller me ras-sasier des aliments célestes...
Le fil divin qui retient mon cœur dans sa demeure va bientôt se rompre : je crois que sa solidité a été limitée. Ce qui lui a permis de ne pas se rompre c’est que la tempête ne lui a causé que de petits dégâts, de temps en temps.
Si, maintenant je peux dire :
— Le ciel est tout proche, je vais aller voir mon Jésus ! Je vais aller voir ma chère Petite-Maman ! Je vais aller voir le Paradis ! Je vais aimer éternellement mes amours: le Père, le Fils, le Saint-Esprit.
Je quitte le monde sans regrets: je ne lui appartiens pas.
Le 25 mai j’ai prié ainsi :
— Ave Maria, Mère de Jésus ! Honneur, gloire, triomphe pour votre Cœur immaculé ! Ave Maria, Mère de Jésus, Mère de tout l’univers ! Qui ne voudrait pas appartenir à la Mère de Jésus, à la Dame de la victoire ? Le monde va bientôt être consacré tout entier à votre Cœur maternel ! Accueillez, Vierge pure, accueillez, Vierge Mère, dans votre Cœur très saint tous vos enfants.
Il me semble que la détermination du Saint-Père à vouloir consacrer le monde fut ce qui m’oblige à rester encore sur la terre; triste exil que je ne peux plus supporter...
« Un corps pour souffrir.... »
Ma vie !... Qu’un tout petit souffle de vie ! Tout juste un corps pour souffrir et rien d’autre !... Des rayons divins m’ont entraînée tout près des portes du Paradis... Mais, un je ne sais quoi d’humain m’oblige à vivre sur terre, m’oblige à une continuelle immolation. Pauvre de moi ! Et je ne peux plus attendre ! Je m’inquiète et je regarde mon corps, pour voir s’il existe encore; ce qui se passe en lui, Dieu seul le sait. On dirait même que je ne peux pas m’unir à Jésus ni à l’amour qui me tuera. Voila ce que c’est que la vie de victime ! Malgré cela, je n’ai pas de regrets de m’être offerte à Jé-sus, pour les âmes !
« Je creuse ma sépulture... »
Je creuse ma sépulture. Le terrain où je la creuse n’est pas sûr ; il est même répugnant ; il est rempli de pourriture : c’est le terrain, c’est la sépulture mondiale. Quelle horreur !
Je sens comme, si à l’intérieur de moi, il y avait quelqu’un en lar-mes, poussant de grands soupirs, dans une tristesse sans égale. En observant toute cette putréfaction je sens toujours mon corps bles-sé, la tête couronnée d’épines, les plaies ouvertes et, celle de mon cœur toujours renouvelée par la lance.
« Seul le ciel sera ma vie... »
Sur la terre je n’ai pas de vie ni rien qui me satisfasse: seul le ciel ! Seul le Ciel ! Seul le ciel sera ma vie; ce n’est qu’au ciel que mes désirs seront comblés.
« Je me vois au bord d’un abîme... »
Je peux presque déjà entrer au ciel au prix de tant de douleur. La tempête semble s’apaiser. Mais quelle grosse averse ! Quelle fu-reur, quelle fureur qui a tant blessé mon pauvre cœur ! Mon Jésus, puis-je entrer ! Je ne sais pas quel est l’état de mon âme ! C’est comme si je me trouvais entre le Purgatoire et le Ciel : la plus part du temps, je ne ressens pas une très grande douleur, mais non plus une grande jouissance. Toutefois, par moments — pauvre de moi, ô Jésus ! — je me vois au bord d’un abîme, sans rien à quoi je puisse me soutenir. Vais-je y tomber ? Venez, mon Jésus, venez me libé-rer d’une pareille horreur; soutenez-moi, écartez-moi de lui !
« Mon état est grave... »
(...)
Mon état est grave; mes souffrances sont très douloureuses. Mais à l’intérieur de moi est né un désir irrésistible de dicter quelques pa-roles pour vous, mon Père. Les forces qui vous parlent ne sont pas les miennes : je n’en ai plus, car je suis exsangue. Mais c’est le cri de ma volonté ; c’est un léger souffle de vie qui vous parle. Mon corps ne sert à rien d’autre que pour souffrir; je n’éprouve rien d’autre. Je ne suis plus qu’une petite bulle d’écume qu’un rien fait disparaître.
Les sentiments de mon âme sont étranges. Je me trouve comme dans un endroit où l’on ne ressent ni joie ni peine. Je sens comme si les hommes m’avaient attachée à la terre, m’obligeant à suspen-dre mon voyage. Je vis arrêtée, voisine du ciel, mais sans pouvoir entrer. De temps à autre il me venait une très grande nostalgie de ma patrie céleste, capable de m’enlever mil vies; cette nostalgie est presque insupportable ; j’ai envie de pleurer, de beaucoup pleurer. Il me semble que la mission que Jésus m’a confiée soit accomplie. Je reste là, mais je ne fais rien. Je suis, toutefois convaincue que Jésus rompra ces liens qui empêchent mon envol vers le ciel...
Je continue le jeûne et je ne peux même pas rassasier avec goût la soif brûlante qui me consume. Je peux boire quelques gouttes qui ne me soulagent que très peu.  Je ne sais pas expliquer la nostalgie que j’ai des aliments. Je ressens le désir de tout porter à ma bou-che ; j’aimerais me nourrir des aliments qui me plaisent, mais je ne le peux point.
Grâce à Dieu, mon intelligence est très vive. J’offre à Jésus, par amour pour Lui, mon martyre et aussi pour obtenir la lumière pour ceux qui sont privés sur la terre, de lumière et de confort...
« Triomphe ! Triomphe !... »
— Triomphe ! Triomphe ! Gloire, gloire à Jésus et Marie ! Paix pour l’humanité ! Jésus se réjouit, Jésus est heureux. La Reine du ciel, la Reine du monde triomphe en lui !
La Mère de Jésus et les victimes apportent la paix dans le monde. C’est la Mère de Jésus, avec la petite folle de l’Eucharistie !
Pénitence ; faites pénitence et remerciez le Ciel ! Pénitence pour réparer, remerciements en reconnaissance des moyens utilisés par Jésus pour sauver ses enfants.
(...)
[La paix] ne tardera pas, oui, elle ne tardera pas, ma bien-aimée ! Mais, malheur au monde, s’il ne se convertit pas ! Pauvre de lui, s’il n’abandonne pas ses crimes qui ont tant déchiré le divin Cœur de Jésus !
L’annonce de la Consécration...
(...)
Quand, par télégramme, j’ai eu la nouvelle de la consécration du monde à la chère Maman du ciel,  Jésus m’accorda de cours instants de consolation. Au comble de ma joie, je ne savais comment remer-cier Jésus et Marie. Les mains levées vers le ciel, je me suis excla-mée :
— Béni soit Jésus ! Bénie soit la Petite-Maman !
J’avais envie, à ce moment-là d’introduire moi-même le Saint-Père dans les Cœurs de Jésus et Marie: quelle joie !
D’une façon imprévue, j’ai ressenti une très grande humiliation : je me suis sentie méprisée ; et le léger souffle de vie qui me restait commença d’être un néant qui peu à peu s’enfonçait dans la terre, jusqu’à disparaître. Toutefois, même dans cet état j’ai continué de remercier. J’ai récité le “Magnificat” et j’ai fait allumer une lampe en l’honneur de la Maman du ciel.
Mon Père, mon jeûne continue ; je n’ai pas faim, mais je ressens une très grande envie de tout porter à la bouche. Si vous saviez combien m’est coûteuse cette souffrance! Je l’offre à Jésus pour les âmes !...
En voyant la Vierge de Fatima...
Mon cœur semblait ne plus tenir dans ma poitrine, à cause de la violence de ses battements.
Je me sentais attirée par Elle:  j’ai eu l’impression de sortir de moi-même et d’être transportée dans une autre région : je ne vivais déjà plus sur la terre.
Je ne sais pas combien de temps j’y suis restée.
1943
LA GRANDE EPREUVE
« Mon cœur bat de moins en moins... »
Ma fin n’est pas encore pour tout de suite: c’est là un sacrifice sup-plémentaire. Que cela soit pour la gloire de Jésus et le salut des âmes.
Dois-je encore attendre longtemps avant que les hommes ne se soumettent à la volonté de Dieu ? Je suis impatiente et je dis à Jé-sus :
— Mon cœur bat de moins en moins. Je ne peux plus attendre. Je n’ai commis aucun délit, pour qu’il me soit appliqué un aussi grave châtiment.
Pauvre de moi, si je devais être jugée par les gens ! En vérité ils ont raison de mal me juger : sans le Seigneur je serais capable de faire ce qu’ils disent et encore pire.
D’après les paroles de Jésus, auxquelles je crois aveuglément, il me semble que ma vraie vie soit proche: le ciel, oh le ciel! Je vais être heureuse au ciel!
Le 13 décembre, de bon matin — ce ne fut pas un rêve, non plus une illusion — j’ai vu la Notre-Dame de Fatima élevée —  je ne sais pas sur quoi elle posait — à une grande hauteur. Autours d’Elle, en bas, une grande foule Qu’elle regardait avec tendresse. Je me suis trouvée hors de moi-même: il me semblait avoir été transportée dans une autre région.
(...)
Mon âme souffre beaucoup après la consécration du monde à la Maman chérie...
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Ma fièvre continue... mes sueurs ne s’expliquent pas ; je ne sais pas comment je peux vivre ; cela seulement devrait arriver à don-ner lumière...
« Rendez-moi mon Père spirituel... »
Révérend Père Provincial,
Cette nuit, vers deux heures et demie, j’ai demandé à ma sœur de bouger mon corps couver de sueur. La vie semblait me quitter, les forces me manquaient. Mon âme, toujours désireuse de s’envoler vers Dieu, était dans une douloureuse agonie. J’avais besoin de soutien: elle voulait de la lumière, cette lumière que peu de prêtres savent donner aux âmes. Toute seule avec Jésus, intérieurement, je Lui disais :
— Donnez-moi le Père spirituel, donnez-le-moi de nouveau, bien que vous l’ayez éloigné de moi, grâce à cette union qui n’est pas toute à fait, ou presque, comprise. Mais maintenant, mon Jésus, celle-ci ne suffit pas, je ne peux pas vivre ainsi.
La paix m’a envahie et l’idée de vous écrire m’est venue, pour vous demander, par l’amour de Jésus et des douleurs de Marie, de per-mettre au Père Mariano Pinho de venir et de reprendre la direction de mon âme, pendant le peu de jours qui me restent à vivre.
Très souvent j’ai eu l’idée de m’adresser à vous, mais aussitôt mon idée était étouffée par la crainte et par quelque chose d’autre qui ne me permettait de l’écrire. Mais, cette fois-ci elle a été durable et menée à bien.
Ce n’est pas moi qui l’ai choisi [comme directeur spirituel]. Il y a dix ans, j’étais seule, sans guide, et très éprouvée entre quatre murs depuis huit ans. Le Seigneur a eu pitié de moi, il me l’a choisi et me l’envoya. Ce fut alors, qu’en suivant ses saints conseils, que j’ai connu alors davantage le Seigneur. Depuis treize mois déjà il est interdit de venir ici. Jésus seul sait combien cela m’a coûté, aussi j’ai tout souffert par amour pour Lui. Maintenant, toutefois, j’ai be-soin de quelqu’un qui me soutienne ; je ne peux plus vivre dans un martyr pareil. Si vous pouviez voir, rien que quelques instants ce que je souffre dans mon corps et dans mon âme, et combien j’ai souffert pendant cette période, je suis sûre que vous auriez pitié de moi. Ma fièvre est montée à 40° et plus ; des douleurs horribles agitent et font trembler mon corps, comme une tempête qui vou-drait tout détruire.
Je me suis vengée et, ma vengeance continuera au ciel, à l’égard de ceux qui ont été la cause de ma souffrance. Savez-vous quelle sera ma vengeance ? Je prierai et je demanderai, pour eux, le par-don. J’implorerai pour eux la lumière afin qu’ils vivent de la vie in-térieure de Jésus et ne soient plus des obstacles pour d’autres âmes éprises de Dieu et ayant besoin des lumières et du soutien de saints directeurs.
Êtes-vous fâché contre moi ? Ne le soyez pas! Je sais que je suis méchante, et la créature la plus misérable, la fille la plus indigne de Jésus, mais pour cette raison même digne de compassion. Moi, sans la grâce de Dieu, je me crois capable de faire et d’être tout ce de quoi on m’accuse auprès de vous; toutefois, avec la grâce et toute la force du Seigneur, mon innocence sera reconnue.
Permettez-moi, Révérend Père Provincial, de vous demander, une fois encore, pour l’amour de ce qui vous est le plus cher au ciel et sur la terre: permettez à mon Père spirituel de venir m’assister pendant mes derniers jours; qu’il apporte les dernières lumières, les derniers conseils à cette pauvre qui espère aller bientôt au ciel.
Je fais confiance à Jésus et à la Maman du ciel pour que je ne sois plus un motif de honte pour votre Ordre.
Adieu, Révérend Père. Veuillez me pardonner. Je n’ai rien fait dans l’idée de vous offenser. Je ne veux offenser personne et encore moins les disciples de Jésus. Ayez l'obligeance de me pardonner. A nous revoir au ciel.
Préparation pour l’exil de 40 jours...
(...)
Après la Communion Jésus m’a parlé ainsi :
— Te voici à l’ombre de l’Eucharistie ; c’est l’aliment qui fait germer les vierges les plus pures, les plus chères, les plus aimées de mon divin Cœur. Combien tu me dois, ma fille, et combien me doit l’humanité entière pour l’institution de cet Aliment sacré !
Comme Je me sens bien à l’ombre de ton cœur ! Ici Je trouve toute la richesse, toute la pureté, tout l’amour. J’y trouve tout ce que J’attends d’une âme qui n’appartient qu’à Moi. Je Me donne à toi par amour...
« Jésus s’est épris d’Alexandrina !... »
(...)
Le premier mai, Jésus m’a encore parlé et Il m’a dit :
— Ma fille, combien belle est une âme en état de grâce ! Oh! la beauté et les charmes d’une épouse de Jésus ! Jésus s’est épris d’Alexandrina ; Il l’a préparée pour en faire son tabernacle sur la terre. Réjouis-toi, ma petite fiancée, ré-jouis-toi avec ton Jésus. Que le monde dise et fasse ce qu’il veut : Jésus est à toi, tout à toi; tu es à Lui, toute à Lui.
L’aveuglement de mes disciples et de ceux qui se disent mes amis me font davantage de peine que les délits des pé-cheurs. Jésus immole ses victimes pour les sauver. Et ceux qui devraient toujours posséder la lumière divine n’en veu-lent pas, ne la cherchent pas et essaient de détruire les causes les plus sublimes et les plus chères à Jésus, ce Qu’il a préparé de plus riche dans le monde, de plus grande gloire pour Lui et encore davantage pour les âmes.
Courage, petite fille ! Celui qui est avec Jésus ne craint rien. Celui qui Le possède a toute la force. Courage, mon aimée ! Ce sont les derniers combats... Après ce sera le Ciel.
« Jésus m’appelle... »
Si d’un côté les épines me blessent et la montagne escarpée de mon Calvaire me mène à un plus grand désarroi, me laissant par terre dans la nuit la plus obscure et les plus grandes et poignantes souffrances; d’un autre côté j’ai la voix douce et suave de Jésus qui me dit :
— Courage, ma fille, c’est pour moi que tu souffres ! Aie courage ! Je suis Jésus !
Cette voix m’oblige à me lever et à cheminer avec lassitude. Jésus m’appelle, il veut ses âmes. Et par où je chemine! Pauvre de moi ; quelle aveugle je suis ! Je ne vois rien ! Après m’être levée, je n’ai pas de lumière sur mon chemin; je n’entends pas la voix divine qui m’appelle. Mon Dieu, si vous me manquez, je n’ai plus personne. Ayez compassion de moi !... Combien ont de la haine envers moi; combien me méprisent; combien me calomnient! Quand je m’interroge, me disant : — “Quel mal leur ai-je fait ?” — aussitôt la pensée me vient : — “Quel mal nous a fait Jésus, sinon de nous ai-mer et de mourir pour nous ?”  Et aussitôt je me sens obligée de leur pardonner et de répéter bien souvent : “Pardonnez leur, mon Jésus, faites qu’ils se convertissent et ouvrent leurs cœurs à votre divin Amour. Mais vous seul, mon Amour, connaissez mon amer-tume !...”
Je me sens seule. Un incendie s’est allumé en moi, un incendie qui a tout enflammé et tout détruit.  J’ai tout perdu. Et vous même, mon Jésus, vous n’êtes plus descendu dans ma chambre par le saint sacrifice de la Messe... Quelle nostalgie, quelle douleur ; on m’a tout volé ! Ayez compassion, Jésus, de ce faible souffle de vie, qui n’est même plus comme l’agonisant qui par moments peut en-core respirer. Regardez, Jésus, je suis encore plus à plaindre que cet agonisant. Ma respiration est de plus en plus lente ; on dirait que je ne respire que par intermittences de plusieurs jours, ce qui fait que ma vie s’essouffle doucement. Je suis comme une lumière qui s’éteint, pour ne plus jamais s’allumer. Mes yeux semblent avoir perdu la lumière de la terre ; je ne peux plus vivre la vie humaine. Mais, malgré cela, j’ai confiance en vous.
Laissez que ma confiance puisse aller aussi loin qu’il lui soit permis ; laissez qu’elle augmente autant que possible. J’ai choisi de vivre entre vos très saints bras et dans votre très saint Cœur, que j’ai choisi pour demeure. Comme il est doux de vivre et de mourir avec vous, mon Jésus ! Que m’arrivera-t-il encore ? Arrive ce qui doit ar-river. Enchaînée par les liens de votre amour, que puis-je craindre ? La tempête ne s’arrête pas. J’entends le sifflement des vents fu-rieux et destructeurs. J’entends le roulement du tonnerre qui fait tout trembler. Laissez-moi, ô Jésus ! Ou plutôt, permettez que je fixe, d’une fois pour toutes, mon regard sur votre divin regard, afin de ne plus m’éloigner de vous, afin d’accepter le martyr que vous voudrez que je souffre; afin de ne plus vouloir que ce que vous voulez vous-même. Je veux vivre de vous et pour vous, ne rien craindre ; être forte avec vous ; ne craindre que le péché, en ayant devant les yeux toute l’étendue de ma misère. Que suis-je sans Jé-sus ?
Obéissance à l’Archevêque
Pour satisfaire aux désirs de Monseigneur l’Archevêque,   je me suis soumise à un autre examen médical qui a eu lieu le 27 mai 1943. Quand celui-ci m’a été annoncé,  une nouvelle souffrance s’empara de mon esprit. Mais voyant en tout cela la très sainte Volonté de Dieu, comme toujours, par obéissance, bien qu'un nouvel examen médical fût pour moi bien pénible, j’y ai consenti. Lors que j’ai ap-pris la date de celui-ci, j’ai ardemment prié la très Sainte Vierge de me donner la sérénité nécessaire pour tout supporter avec courage et résignation, pour Jésus et pour les âmes.
Le jour fixé, mon médecin traitant, le docteur Henrique Gomes de Araujo, et le professeur Carlos Lima,   sont venus chez nous. Je suis restée calme et sereine ; le Seigneur m'avait exaucée. L'un des médecins m'a demandé, tout à coup, si je souffrais beaucoup, pour qui j'offrais mes souffrances et si je souffrais volontairement. Il m'a demandé si je serais contente si le Seigneur, d'un moment à l'au-tre, me libérait de mes douleurs. Je lui ai répondu qu'en vérité je souffrais beaucoup, que j'endurais celles-ci pour l'amour de Dieu et pour la conversion des pécheurs. Ils m'ont demandé quel était mon désir le plus grand. J'ai répondu : — Le Ciel.
Alors l’un d’eux m’a demandé si je désirais être sainte, comme sainte Thérèse, comme sainte Claire, et bien d’autres, et être mise sur les autels, en laissant comme elles une grande renommée dans le monde. J'ai répondu :
— Célébrité ?... C'est ce qui m'intéresse le moins !
Pour éprouver ma foi en Dieu, il m'a posé encore cette question :
— Si pour sauver les pécheurs il était nécessaire de perdre ton âme, que ferais-tu ?
— J’ai pleinement confiance que la mienne serait sauvée, en sau-vant celles des autres ; mais si je devais la perdre, je dirais non au Seigneur ; Il ne me demanderait jamais une pareille chose. Je peux toutefois dire que j’ai offert au Seigneur mes yeux, qui sont ce que j’ai de plus cher dans mon corps, si cela était nécessaire pour la conversion d’Hitler, de Staline et de tous les autres fauteurs de guerre.
— Et pourquoi ne manges-tu pas ?
— Je ne mange pas parce que je ne le peux pas; je me sens rassa-siée, je n’en éprouve pas le besoin, par contre j’ai la nostalgie des aliments.
Après cela les médecins ont commencé l’examen que j’ai accepté dans une bonne disposition. Ce fut un examen rigoureux, mais en même temps je dois dire qu’ils ont usé de délicatesse envers mon pauvre corps. A la fin, étant donné que je n’étais pas en état de supporter un voyage, ils ont décidé de faire venir chez nous deux religieuses infirmières afin que celles-ci s’assurent de la véracité de mon jeûne.
Quand les médecins sont partis, le Seigneur m’a fait comprendre que leurs décisions ne se réaliseraient pas, et je suis restée alors dans l’attente de leurs nouvelles et de leurs instructions.
Le 4 juin le docteur Azevedo et le Père Alberto, mon confesseur, sont venus m’annoncer la décision des médecins, et me convaincre, moi et ma famille, de l’opportunité d’aller au “Refuge de la Paralysie Enfantine” de Foz.  Je devais être placée dans une chambre sous surveillance, pendant un mois, pour un contrôle plus direct de tout ce qui se passait en moi. Moi, sur le coup, j’ai dit non, mais aussitôt je me suis avisée, pensant à l’obéissance que je devais à l’Archevêque, et pour ne pas mettre dans une situation délicate mon directeur, le docteur Azevedo et tous ceux qui s’intéressent à moi. J’ai donc accepté la proposition, mais j’ai posé quelques condi-tions :
1 — pouvoir communier tous les jours ;
2 — d’être toujours accompagnée de ma sœur ;
3 — de ne plus être soumise à aucun autre examen, car je partais pour des observations et non point pour des examens.
Pendant les jours où je suis encore restée à la maison, j’ai demandé à Jésus et à la Maman du Ciel de me donner force et courage ainsi que force et courage pour les miens, qui étaient désolés. Combien de fois, pendant la nuit, le cœur oppressé et les larmes aux yeux, j’ai supplié Jésus de m’aider car j’avais l’impression que toutes mes forces m’abandonnaient et que je me voyais sans courage pour moi-même, et encore moins pour en insuffler aux autres !
« Jésus est venu me réconforter »
Le 27 mai jésus m’avait dit :
— Ma fille, ne craint pas. Tu n’as aucune raison de craindre. Tu as en toi la Force qui est du Ciel et de la terre. La Chair et le Sang de Jésus sont ton aliment. Imprime sur ton cœur Ma divine Image, et dans les moments d’affliction regarde et contemple le crucifix. Le courage viendra. Un raz-de-marée de délits s’abat sur le monde : aie compassion de Ma douleur, répare pour les pécheurs. Aie courage ! Ma divine Volonté s’accomplira.
Le 5 juin Jésus me dit encore :
— L’âme fidèle ne craint pas la croix ; elle la prend, l’embrasse, la caresse, la porte par amour. Les épines avec lesquelles Jésus pare ses victimes sur la terre, se transfor-ment, au Ciel, en pétales des plus belles roses.
(...)
Dis à ta sœur qu’elle t’accompagne dans tes douleurs, dis à tous ceux qui t’aident de t’accompagner dans ton doulou-reux calvaire, car les premières grâces et les premières bé-nédictions seront pour eux.
« Courage, ma fille, c’est pour ma cause... »
La veille [9 juin],  après avoir offert au Seigneur le sacrifice de mon départ, sans aucune lumière, du plus profond de mon cœur, j’ai dit :
— O mon Jésus, je ne veux faire que votre très sainte volonté !
Tour d’un coup, par son infinie bonté, je L’ai entendu :
— Courage, ma fille... C’est pour ma cause, c’est pour les brebis que mon divin Cœur aime tendrement.
À l’hôpital de Foz
Le 10 juin arriva et, tout était prêt pour le voyage vers l’hôpital de Foz do Douro. Un immense chagrin s’empara de moi, mais en même temps un grand courage m’est venu qui me permis de ca-cher tout ce qui se passait dans mon âme. Je déposais toute ma confiance en Jésus, et j’étais si certaine de son aide divine, que je pensais que s’il en était besoin, Il m’enverrait ses anges pour m’aider dans l’exil où me voulaient les hommes.
Quand le médecin — Dr Azevedo — est arrivé pour me prendre, il n’a pas eu le courage de me dire qu’il nous fallait partir ; c’est moi qui suis intervenue, lui disant :
— Allons, docteur, pour revenir il nous faut partir !
Nous avons pris congé. Jésus seul sait ce que m’a coûté la sépara-tion des miens qui, remplis de douleur, m’entouraient et m’embrassaient. Moi je ne faisais que fixer le Cœur de Jésus et de la Petite-Maman pour leur demander de la force.
En descendant les escaliers sur un brancard, j’ai dit aux miens, pour les encourager :
— Courage ! Que tout ceci soit pour Jésus et pour les âmes !
Mais je n’ai rien pu dire d’autre, tellement mon cœur était oppres-sé, et aussi pour retenir mes larmes. Il le fallait pour ne pas aug-menter davantage leur chagrin.
À peine déposée dans l’ambulance, j’ai été entourée par une cen-taine de personnes, qui avaient les larmes aux yeux. J’ai entendu aussi les sanglots de ma mère et des autres parents. La douleur qu’alors j’ai éprouvée est indicible. J’avais hâte de partir, et partir vite ; mon cœur battait si violemment que j’avais l’impression qu’il me cassait les côtes. J’ai dit alors à Jésus :
— Acceptez toutes les pulsations de mon cœur comme autant d’actes d’amour pour le salut des âmes.
Le voyage fut difficile. Je pensais que mon cœur n’y résisterait pas. De temps en temps je regardais ma sœur ; elle était si abattue ! Le médecin disait qu’il n’était pas difficile de voyager avec des mala-des comme moi parce qu’il me voyait toujours souriante. Mais Jésus seul sait combien grande était l’amertume de mon cœur et les tourments de mon pauvre corps. À cause des secousses de l’ambulance je me sentais déprimée, mais je répétais inlassable-ment :
— Tout pour votre amour, Jésus ! Que l’obscurité de mon âme puisse éclairer d’autres âmes !
Près des dernières maisons de Balasar, Monsieur Sampaio releva les rideaux de l’ambulance. J’ai remarqué que le médecin avait les lar-mes aux yeux. Je lui ai dit :
— Nous voilà bien !
Et je lui ai demandé ce qui se passait. Il m’expliqua alors que sur le bord de la route quelques enfants nous avaient jeté des fleurs. Je me suis sentie toute attendrie et c’est avec peine que j’ai pu retenir mes larmes.
Quand nous sommes arrivés à Matosinhos,  le médecin décrocha les rideaux afin que je puisse regarder la mer. Un énorme silence m’envahit et, en observant le continuel va-et-vient des vagues ve-nant mourir sur la plage, j’ai demandé à Jésus que mon amour, lui aussi, soit continuel et permanent.
Arrivés près du “Refuge”, le docteur Gomes de Araujo s’opposa à ce que l’ambulance s’avance jusqu’à la porte. Il chargea quelques hommes de prendre mon brancard et de m’emmener ainsi, après m’avoir recouvert le visage afin que personne ne me reconnaisse. Mon cœur s’est attristé davantage, me représentant ce que ce se-rait de passer de longs dans un tel établissement. Ainsi recouverte il me semblait être dans un cachot et je me demandais à moi-même :
— Quel crime ai-je commis ?
La montée des escaliers du “Refuge” m’a causé bien des peines car l’on me portait la tête en bas.
Ce ne fut qu’une fois dans ma chambre que mon visage fut décou-vert. Là j’ai été entourée par le docteur Araujo et par quelques da-mes qui devaient m’assister. Ensuite on m’a placée dans mon lit.
À ma sœur ils avaient attribué une autre chambre, contrairement à ce qui avait été convenu. Ce fut l’un des plus grands sacrifices que l’on pouvait exiger de moi : comment pouvais-je rester sans elle ; Elle qui savait comment me bouger quand c’était nécessaire et m’aider avec de bonnes paroles qui m’étaient d’un grand secours pour supporter mon douloureux calvaire.
À peine m’avait-on allongée sur le lit que Deolinda s’est présentée sur le seuil de la porte avec la valise contenant le linge. Le docteur Araujo, la voyant, hurla comme un forcené :
— Hors d’ici cette valise !
Ce fut là une autre épine parmi tant d’autres. Ensuite il commença à donner ses ordres :
— Mesdames les assistantes, la malade peut dire tout ce qu’elle voudra, mais vous n’êtes pas autorisées à lui poser des questions.
Ces ordres ayant été donnés, il se retira et je suis restée seule avec le médecin  et deux dames; celles-ci ayant été désignées pour res-ter en permanence auprès de moi pour surveiller tous mes mouve-ments.
Quand, déjà il faisait nuit, le docteur Azevedo se préparait pour partir, je n’ai pas pu retenir davantage les larmes. Lui alors, bien plus qu’avec du respect, avec tendresse pour ma douleur, il m’a dit :
— Ayez du courage ! Demain je reviendrai.
Oui, j’ai pleuré malgré moi, mais j’ai offert mes larmes si amères à mon Bien-Aimé Jésus. Me voyant ainsi désolée il fut admis que ma sœur reste dans ma chambre avec l’une des surveillantes, afin qu’elle lui apprenne la façon de me bouger. Mais il m’a été précisé de suite :
— Seulement cette nuit, jamais plus !
Étroitement surveillée...
Le lendemain, vendredi, commença pour moi, dans cette maison, un vrai calvaire. À l’heure de l’extase, comme il arrive tous les ven-dredis, ma sœur est entrée ; le docteur Azevedo, monsieur Sam-paio et une infirmière étaient déjà présents. Aux observateurs pré-sents, aucun détail n’a échappé, et tout a été divulgué et com-menté. Par exemple que monsieur Sampaio avait sorti sa montre, que ma sœur s’était agenouillée en entendant les paroles de l’extase ; que l’une des infirmières avait pleuré, etc.
Le docteur Azevedo, comme toujours, a écrit le colloque de l’extase pour le remettre aux médecins.
Deolinda, qui avait reçu l’ordre de ne plus revenir dans ma cham-bre, était attristée et elle dit :
— Ne pourrais-je voir ma sœur même si ce n’est que depuis le seuil de la porte de la chambre ? Pensez-vous que mon regard puisse l’alimenter ?
Inclinée sur mon lit elle pleurait, inconsolable. Ce fut alors que je lui ai dit :
— Ne t’affliges pas, le Seigneur est avec nous.
L’assistante qui avait pleuré pendant l’extase, lui tapant sur l’épaule lui dit :
— Ne pleurez pas. Le docteur Araujo est un homme d’une grande charité.
Il a suffi cette phrase à l’adresse de ma sœur pour que cette assis-tante soit démise de ma surveillance ; nous ne l’avons revue que dans les derniers jours, mais accompagnée, quand déjà ils avaient les preuves de la vérité. Ceci est arrivé à cause d’une assistante qui a été mon bourreau pendant toute la durée de mon séjour au “Refuge”. Elle ne peut pas s’imaginer ce qu’elle m’a fait souffrir. Que le Seigneur lui pardonne.
Dans la nuit du vendredi au samedi j’ai eu l’une de ces crises de vomissements qui me font tant souffrir. Cela m’a été d’autant plus pénible que je n’avais personne pour me soutenir.
Le samedi le docteur Araujo est revenu pour voir comment j’allais et pour se renseigner sur ce qui était arrivé. Ma prostration était telle que je ne me suis même pas rendue compte quand il a frappé à la porte, toujours fermée à clef. Je ne l’ai entendu que quand, tout près de moi, il susurrait à l’infirmière :
— Elle est condamnée ! Elle est condamnée !
A ces paroles j’ai ouvert les yeux et je lui ai dit :
— Docteur, même chez moi j’ai de pareilles crises.
Il m’a répondu immédiatement, d’un ton impérieux :
— Mademoiselle, ne croyez pas être venue ici pour jeûner !
J’ai compris ce qu’il voulait dire et je me suis sentie profondément blessée.
Informé sur ce qui était arrivé le vendredi, il a voulu lire le récit de l’extase et il commenta, furieux :
— Il paraît impossible que le docteur Azevedo, si intelligent, se laisse séduire par de semblables choses ! Il faut en finir avec tout ceci. En attendant, enlevons d’ici toutes les horloges afin que cette malade ignore jusqu’à l’heure qu’il est (Comme si le Seigneur avait besoin d’horloge !).
Me voyant si fatiguée, il aurait voulu me soulager à l’aide de médi-caments, mais je m’y suis opposée.
Combien de fois les infirmières se sont approchées de moi, me croyant morte !
Cinq jours d’une continuelle agonie — davantage dans l’âme que dans le corps — se sont passés. Pendant les crises de vomisse-ments, ils ne permettaient pas à Deolinda de venir à côté de moi, alors que chez nous, parfois, deux personnes n’étaient pas de trop pour me tenir.
Ils étaient tous persuadés que les crises étaient dues au manque d’alimentation et que, ainsi exilée et sans personnes qui ait pu me la procurer, j’aurais besoin de la demander, sinon je mourrais.
Comme ils se trompaient ! Ils ne savaient pas que l’aliment me ve-nait de la sainte Hostie que je recevais tous les jours.
En ces jours, le docteur Azevedo est venu me voir et ma sœur, sans que je le sache, l’a mis au courant de tout. Il est venu près de mon lit sans que je me réveille ; l’infirmière lui suggéra que j’avais be-soin de médecine. Ce fut à ce moment-là que j’ai ouvert les yeux et que j’ai entendu ce qu’il lui répondait :
— Cette malade est venue pour que l’on constate son jeûne et pour rien d’autre. J’espère que le docteur Araujo respecte ces conditions. Je ne permets pas qu’on lui fasse des piqûres ou n'importe quoi d’autre, à moins qu’elle ne le demande elle-même. Vous verrez, les crises passeront, les cernes autour des yeux disparaîtront, le teint et le pouls deviendront normaux, ou presque, car l’air marin ne les favorise pas. Je vous assure d’une chose, madame : vous mourrez, je mourrai, mais la malade ne mourra pas dans cet hôpital.
Ensuite, assis à côté de moi, il me prodigua un peu de ce réconfort dont j’avais tant besoin.
Par la volonté de Dieu, cinq jours plus tard, les vomissements ont cessé, le teint est redevenu normal, ainsi que la luminosité des yeux.
Pendant la visite suivante de mon médecin — le docteur Azevedo — l’assistante le salua par cette phrase :
— Regardez, docteur, regardez ce beau visage !
Et le docteur de lui répondre délicatement mais néanmoins ferme-ment :
— Ce sont les côtelettes et les piqûres !
Jésus a bien voulu montrer encore une fois son pouvoir sur cette humble créature.
Toutes les assistantes accomplissaient scrupuleusement les consi-gnes du docteur Araujo et elles ne m’ont jamais abandonnée un seul instant. Elles n’ouvraient la porte de la chambre que pour lais-ser entrer les médecins et les infirmières.
En dépit de ma transformation, ni le docteur Araujo ni l’infirmière voulaient se convaincre que je pouvais vivre sans manger. En effet, ils utilisaient parfois des arguments pour m’intimider: ils passaient ensuite aux phrases pleines de tendresse et d’intérêt pour ma per-sonne. Dans leurs discours je les ai entendues dire que mon cas relevait de l’hystérie ou à un quelconque phénomène inexplicable.
Un jour j’ai raconté au docteur Azevedo tout ce que j’avais dans mon âme si attristée et que pour guérir l’hystérie il n’était pas né-cessaire de rester dans un tel hôpital. Mais il m’a encouragée et m’a redonné confiance. Je lui ai obéi pour faire en tout, la volonté de Dieu.
Face à face avec le médecin
Le docteur Araujo venait me voir deux ou trois fois par jour, mais jamais à la même heure. Je pense qu’il le faisait ainsi pour voir s’il découvrait quelque chose. Une fois il est entré dans ma chambre la nuit, quand s’y trouvait l’assistante que certains ont appelé du so-briquet de « cardinal-diable ».
Même si je vivais jusqu’à la fin du monde, je ne pourrais oublier l’impression que j’éprouvais quand le docteur ouvrait et ensuite fermait immédiatement la porte : je restais comme suspendue à ce qu’il avait dit. J’éprouvais une telle impression que dans mon cœur et dans mon âme la tristesse augmentait. Combien de fois je répé-tais à Jésus : “Que cette nuit puisse contribuer à donner de la lu-mière à ceux qui m’entourent et à toutes les âmes qui vivent dans les ténèbres”.
Lors des conversations et des interrogatoires, le docteur Araujo uti-lisait tous les arguments possibles pour me convaincre de manger, me disant que Dieu n’était pas content de mon jeûne. Il est parve-nu à me faire avoir des scrupules. En outre, les infirmières ont es-sayé de me prendre par les sentiments.
Une fois, le docteur Araujo a voulu essayer de m’ôter la foi. Il s’est servi de tout ce que son intelligence avait de maille-leur, me sou-mettant à des interrogatoires interminables et torturants afin de me décourager, persuadé que tout ce qui se passait en moi était dû à une influence humaine et non pas divine.
Si à chaque fois que j’étais interrogé j’avais l’impression de me trouver en face d’un loup habillé en agneau, ce jour-là ce fut bien pire: il me semblait voir en lui Satan lui-même qui, avec art et des sourires malins, voulait m’ôter la foi et me convaincre que tout cela n’était qu’illusion.
Il me disait :
— Soyez convaincue, mademoiselle, que Dieu ne veut pas que vous souffriez ! S’il veut sauver les autres, qu’il les sauve Lui-même, il en a le pouvoir. S’il est vrai que Dieu récompense ceux qui souf-frent, il n’y a pas de récompense adéquate pour vous qui avez déjà trop souffert.
Mais, mon Dieu — me disais-je — je sais que vous êtes infini, infini en pouvoir, infini dans les récompenses. S’il en était comme il me dit, pourquoi je souffre ?
Le docteur Araujo accompagnait ses paroles d’un regard malicieux, démoniaque — c’était l’impression que j’avais. Je lui ai alors répon-du :
— Elles sont si grandes, si grandes les choses de Dieu ! Et nous, nous sommes si petits, moi en tout cas !
L’espace d’un instant il se tût, ensuite, indigné, il s’est exclamé :
— Vous avez raison, mais moi, je suis une personne bien plus grande !
Et il est sorti. Il était bien loin de connaître cette loi d’amour pour les âmes. S’il connaissait la valeur d’une âme, il verrait alors que tous ce que nous faisons n’est jamais de trop pour les sauver.
Les humiliations et les sacrifices affluaient constamment. Si du moins j’avais su bien les souffrir, j’aurais tant eu à offrir à Jésus. On me présentait toujours de nouvelles choses qui réclamaient de moi humiliations et sacrifices.
J’avais au pied de mon lit une photographie de Jacinta  de Fatima. Je la regardais avec amour et, sans craindre que les assistantes le répètent au docteur, je soupirais :
— Chère Jacinta, malgré ton jeune âge, tu as pu évaluer combien coûtent ces choses ! Du Ciel où tu demeures, aide-moi ! Seule l’aide du Ciel et les prières des âmes bonnes pourront me donner force pour cheminer dans un si douloureux calvaire, et supporter le poids de cette croix très pesante.
Toutes les fois que le docteur Araujo entrait, il me tenait le même discours et me laissait très épouvantée quand il me disait :
— Nous devons parler longuement.
Quand je le voyais sortir, je respirais profondément et je me disais : “Béni soit le Seigneur pour ton départ !” Mais la pensée qu’il re-viendrait bientôt, me procurait une très amère souffrance.
Un jour, assis à ma droite, il cherchait à me convaincre que j’étais dans l’illusion. Il a commencé par un discours très vague sur la mé-decine et sur l’un de ses professeurs de Porto, auquel il avait pré-senté un travail couvrant de beaucoup de pages, élaboré après de longs jours et de longues nuits d’études. Il était convaincu d’avoir bien profité des leçons. Le professeur, ayant lu cet écrit, lui avait demandé : “Êtes-vous sûr de ce que vous avez écrit ?” — “Oui, je suis sûr, pour telle et telle raison.”
La conversation se prolongeait et moi je fixais le docteur faisant semblant de ne pas comprendre où il voulait en venir, et je disais pour moi-même : “Plus on veut monter, plus haute est la chute !” Mais le docteur poursuivait :
— J’étais convaincu d’avoir fait un excellent travail ; le professeur m’a laissé parler et ensuite m’a démontré que j’avais tort. Je suis resté sans souffle: mon Dieu, tant d’heures de perdues ! Combien d’heures d’illusion ! Ma longue étude s’était écroulée en quelques minutes.
Moi qui savais où il voulait en venir, je lui ai dit, à ce moment-là, en souriant :
— Mais mon cas ne s’écroule pas, docteur ! J’ai été guidée par un directeur très saint et très sage, et qui m’a étudiée pendant de lon-gues années. Si l’œuvre est de Dieu, personne ne la faire s’écrouler !
Le docteur, un peu embarrassé, faisant semblant que ce n’était pas celui-là le but de ses paroles, a conclu :
— Ah non !...
Il s’est levé en hâte et sortit. Il en était temps ! Cependant, toute seule, je me confiais à Jésus, le seul avec qui je pouvais le faire et je lui offrais mes larmes, que je cherchais à dissimuler à l’assistante. Je chantais des louanges à Jésus et à la Maman du Ciel, cherchant à me montrer remplie de joie. Je chantais avec le plus grand enthousiasme, mais au-dedans de moi et dans mes yeux il semblait n’y avoir ni soleil ni jour.
Durant la nuit, quelques fois, je me demandais : “Que peut faire ma sœur, à cette heure-ci ? Pleure-t-elle ?” Pensant qu’elle souffrait à cause de moi, une fois je n’ai pas pu retenir mes larmes. Combien j’ai alors pleuré ! Je n’avais qu’une crainte: déplaire à Jésus. Mais Lui, Il savait que j’acceptais tout par amour pour Lui, avec un im-mense désir de Lui gagner des âmes. En effet, je Lui ai offert mes larmes comme autant d’actes d’amour pour les Tabernacles.
— “Plus la désolation est grande, plus grand est aussi l’amour”, n’est-ce pas ainsi, mon Jésus ? Acceptez tout cela.
Le seizième et le trentième jour de mon séjour, j’ai reçu la visite de maman. J’avais si grande envie de la voir ! Elle n’a pu rester que très peu de temps avec moi et toujours sous le regard inquisiteur des surveillantes. Elle pleurait et moi, je faisais semblant de ne pas avoir de chagrin : je lui souriais, je plaisantais avec elle, je la cajo-lais, et avec mon sourire trompeur,  je cachais la tristesse de mon âme, en retenant les larmes qui à tout prix voulaient couler. Je l’ai encouragée, m’épanchant intérieurement avec Jésus. C’était ma croix : ne devais-je pas la porter par amour de Jésus qui est mort pour moi ?
Non plus 30 mais 40 jours
Mes journées passaient ainsi, dans une continuelle lutte, entrecou-pée seulement par l’alternance des infirmières qui se succédaient selon la volonté du docteur Araujo. À cause de certaines d’entre el-les, j’ai beaucoup souffert, parce qu’elles outrepassaient les limites de leurs droits et de leurs devoirs.
Le jour est arrivé où le docteur, convaincu désormais de la vérité,  permis un plus relâchement, permettant pour quelque temps la ve-nue de ma sœur, même si toujours sous la surveillance de l’assistante. Il permit aussi à la Sœur franciscaine du “Refuge” de me rendre une très brève visite.
Nous avions déjà projeté de faire savoir à la maison la date de no-tre retour quand, inopportunément surgit un contretemps. L’une des infirmières avait parlé de mon cas au docteur Alvaro. Celui-ci qui ne me connaissait pas, et connaissait encore moins mes phé-nomènes, a fait naître des doutes. Il a commencé par affirmer que c’étaient des choses impossibles, que les assistantes s’étaient fait berner et qu’il ne croirait qu’un envoyant auprès de moi l’une de ses infirmières de confiance. Le docteur Araujo, indigné par la mé-fiance manifestée vis-à-vis de ses assistantes, lui imposa d’envoyer lui-même, auprès de moi, une personne plus âgée, en qui il aurait entièrement confiance : la propre sœur du docteur Alvaro a été choisie.
Quand nous pensions nous voir libérées de notre douleur, ce fut alors qu’une nouvelle éprouve, bien plus triste et douloureuse, nous a été imposée. Le docteur Araujo est venu me convaincre de la né-cessité de rester encore dix jours. Ma sœur n’était pas d’accord, mais je lui ai répondu :
— Quand on y a passé trente jours, on peut bien y passer qua-rante...
Le docteur Alvaro, en vérité, n’exigeait pas dix jours. Pour se convaincre il lui suffisait que je reste quarante-huit heures de plus, sans manger ni rejeter. Mais ce fut le docteur Araujo qui, délicate-ment, pour l’honneur de son nom, invita l’assistante à rester un jour de plus, puis un autre jour...
Cette dernière période fut un nouveau calvaire que j’ai offert à Jé-sus et à la Petite-Maman: dure épreuve, mon Dieu !
[Au cours de l’une de ces journées], le docteur Araujo, sans aucune explication, prit la bourse en caoutchouc que j’avais sur l’estomac et une carafe d’eau que les assistantes conservaient pour humidifier le mouchoir que je tenais sur le front, et versa dans les deux réci-pients je ne sais quoi : si j’avais sucé le mouchoir ou bu de l’eau de la bourse en caoutchouc, comme l’a dit par suite le docteur Alvaro, j’aurais eu des indispositions qui leur auraient permis de s’en ren-dre compte. Il ordonna ensuite aux assistantes de ne plus changer la glace de la bourse même si je le demandais. Ses ordres ont été respectés, bien que la nouvelle assistante ait essayé, à plusieurs reprises de changer la glace. Moi-même, je lui disais quelquefois :
— Enlevez-moi la bourse quelques instants afin qu’elle rafraîchisse, puis remettez-la-moi de nouveau. Il est nécessaire d’obéir aux or-dres du médecin.
Nous étions revenues au point de départ, sauf que bien plus strict. Il a finalement été interdit de parler de Jésus, car on pensait que de cette façon on pourrait découvrir ce qui se passait en nous.
Un jour, le docteur m’a dit :
— Je n’admettrai pas que vous appeliez votre sœur plus d’une fois la nuit.
L’assistante, plusieurs fois, comme pour me tenter, et avec une in-tention tortueuse — c’est l’impression qu’elle me donnait — me di-sait :
— Pauvre sainte, toujours dans cette même position ! Je vais ap-peler votre sœur !
À ce que je répondais :
— Je vous en remercie, madame, mais je ne le veux pas. Ce sont les ordres du médecin : ma sœur ne doit pas venir plus d’une fois par nuit !
Quand ma sœur toquait pour entrer — cette seule fois qui lui était permise par le docteur — pour me changer de position, la nouvelle assistante allumait la lampe, ouvrait la porte et se plaçait à côté de ma sœur. Aussitôt que celle-ci quittait la chambre, l’assistante, si-mulant de la compassion envers moi, pour le froid que j’aurais pu souffrir, et comme si elle raccommodait les draps et les couvertures, me découvrait complètement pour voir si Deolinda n’avait rien lais-sé dans le lit. Je comprenais très bien son intention, mais sous prétexte de commodité, je levais les bras au-dessus des coussins afin qu’elle puisse mieux faire son inspection.
— Mon Jésus, tout et uniquement pour votre gloire !
Les séductions pour me faire manger quelque chose de son repas n’ont pas manqué! Elle me présentait un morceau, sans mot dire, et moi, je lui souriais. Si l’invitation était verbale, je lui disais : “Merci”, mais toujours souriante, faisant semblant de ne pas com-prendre sa malice.
La nuit, particulièrement quand je ressentais davantage la solitude, le temps me paraissait bien long. Je sentais mon cœur, tel un arbre aux racines épaisses, bien plantées dans le sol, et que la furie d’une grosse tempête arrachait, le jetant à terre... Il me semblait que tout et tous me piétinaient. Même en l’expliquant de la sorte, je sens que je ne dis rien de comparable à ce que j’ai souffert. Encore aujourd’hui je revis dans ma mémoire ces choses-là et j’éprouve un vrai tourment. Seul l’amour pour Jésus et pour les âmes me permet de supporter une telle épreuve !
Quand je sentais s’approcher le docteur, je disais :
— Voilà qu'arrive le bourreau qui vient visiter la pauvre prisonnière par amour de Jésus et des âmes. Je n’ai offense personne d’autre que vous, ô mon Jésus, mais les hommes veulent, sans même s’en rendre compte, que de cette façon, je paie mes ingratitudes !
En voyant ma sœur épouvantée parce que quelqu’un lui avait dit que mon échéance était proche parce que je n’évacuais pas, j’ai cherché à lui redonner courage. Pauvres hommes ! Jésus sait faire les choses bien mieux qu’eux !
Enfin libérée !...
La veille du départ fut un jour de visites. Tous les enfants du “Refuge” sont passés devant moi. J’ai prié avec eux et je leur ai distribué des caramels. Ma sœur ne semblait plus la même: tous s’en sont rendu compte. En plus des enfants, environ mille cinq cents personnes sont venues me visiter... Les policiers ont dû inter-venir pour maintenir l’ordre. L’un d’eux s’est posté à côté de moi, se contentant de répéter inlassablement: “En avant! Allez, allez, avancez !” Quelle impression que ce mouvement de foule ! Ni les suppliques de ma sœur ni les policiers n’ont réussi à le contenir.
Le docteur Araujo lui-même, depuis la fenêtre, a dû intervenir pour que l’on arrête un tel mouvement sinon on allait me tuer. Moi, en effet, je me sentais humiliée, las et exténuée, ayant un sentiment de gêne pour les baisers que je recevais et les larmes que l’on lais-sait tomber sur mon visage, comme signe d’une estime que je ne mérite pas et que je ne veux pas.
Restée seule, j’ai d’abord demandé à ma sœur de me laver.
Dans la matinée du jour ne notre retour, le docteur Araujo, qui n’avait presque pas dormi vu sa responsabilité, est venu au “Refuge” où beaucoup de monde attendait pour me voir. Il est resté à côté de moi et a permis l’entrée de quelques personnes. Puis il nous a dit que nous étions libres, que leurs observations étaient terminées. Il autorisa ma sœur à manger dans ma chambre, puis ajouta :
— En octobre je viendrai vous visiter à Balasar, non plus comme médecin espion, mais comme un ami qui vous estime  .
Reconnaissante, j’ai baisé la main du docteur et je l’ai remercié pour son intérêt envers moi. Je l’ai fait avec sincérité, parce que, bien qu'il ait été sévère et rude envers moi, il montra une attention sérieuse envers mon cas.
Dans l’après-midi de cette journée du 20, les religieuses et les as-sistantes m’ont fait des cadeaux. Certaines sont même venues as-sister à mon départ. Alors que j’étais déjà installée dans l’ambulance, l’une d’elles m’a aspergée de parfum, alors qu’une autre dame m’a offert un bouquet d’œillets.
Au cours du voyage j’ai reçu quelques bouquets de fleurs. Je les ai acceptés par délicatesse, bien loin de penser qu’ils seraient par la suite un prétexte à certains pour me faire souffrir.
Ni le parfum, ni les fleurs n’ont été pour moi un motif de vanité. Quand, pendant le voyage, nous nous arrêtions pour reposer, si je voyais que des gens s’approchaient, par admiration pour moi, je disais au docteur Azevedo:
— Ne nous arrêtons pas, docteur, allons plus loin.
J’ai du être indélicate, mais lui, il s’est montré toujours d’une ex-trême patience.
Je vivais davantage à l’intérieur qu’à l’extérieur de moi. La mer était tout ce qui se présentait devant mes yeux, m’invitant au si-lence, au recueillement en Dieu.
Quand je me suis retrouvée dans ma petite chambre, je croyais rê-ver! j’ai pleuré, mais des larmes de joie.
Une fois déposée sur mon lit, pendant bien longtemps, je n’ai plus permis que l’on me touche; de continuels gémissements m’échappaient, à cause des douleurs de plus en plus fortes, dues, probablement au voyage.
Pourquoi me suis-je sacrifiée ? Par vanité, peut-être ? Pauvre monde ! Vanité ? Pourquoi ? Que sommes-nous sans Dieu ? Qui pourrait souffrir autant seulement par veine gloire ou par vanité ? Quarante jours à l’hôpital ! Combien d’humiliations ! Le docteur Azevedo avait raison quand, pendant le voyage aller, en me plaçant un mouchoir humide sur le front, il me disait :
— Vous avez quelques cheveux blancs, mais au voyage de retour, vous en aurez encore davantage.
Et c’est ce qui est arrivé: il prévoyait ce qui allait m’arriver. Cepen-dant, il est très beau de tout affronter pour Jésus, pour l’amour de Lui.
— (...) Ta souffrance a été bien grande, ma petite fille, dure la souffrance de ta sœur, dans cette prison-là.  En avant ! Ce fut pour Jésus, pour le salut de milliers et de milliers d’âmes pécheresses. Quel triomphe pour le Cœur de Jésus ! Le voici exalté, le voici glorifié dans ses chers humiliés...
Cela suffit ! Dorénavant tu ne sortiras plus de ta chambre... Dis, ma fille, dis à ton Père spirituel, dis à ton médecin que pour toutes leurs humiliations, ils seront exaltés. Jésus leur est reconnaissant pour le triomphe de sa cause. Les hom-mes tenteront de la faire tomber,  mais Jésus veillera, et ceux qui lui sont chers coopéreront. Tout ce qui est à Jésus ne tombe pas : reste solide au milieu de toutes les tempê-tes, brille, triomphe...
— O mon Jésus, j’ai surmonté l’épreuve pour votre plus grande gloire et pour le salut des âmes. Je veux être toujours petite aux yeux du monde, mais grande dans l’amour, grande à pouvoir sau-ver les âmes...
« Cœur de Jésus, j’ai confiance en vous !... »
(...)
J’ai dicté du mieux que j’ai pu les grandes souffrances vécues au “Refuge”, mais ce que j’ai pu dire n’est rien, comparé à ce que j’ai vécu, en réalité. J’ai su le ressentir, mais je ne sais que bien mal l’expliquer. Je suis toujours confiante d’avoir obéi. Jésus est digne de tout, n’est-ce pas ?
Mon corps a souffert une grande secousse; aujourd’hui encore les douleurs sont presque insupportables, et souvent il me semble ne plus pouvoir m’en sortir. Mais lors des moments de plus grande douleur, fixant le Cœur de Jésus, je lui dis avec toute la ferveur de mon cœur :
— Cœur très saint de Jésus, j’ai confiance en vous, j’ai confiance !
« Aie confiance, ma fille... »
Quand on me parle de la guerre et du danger dans lequel se trouve le Portugal de devoir y participer, je souris, et pendant que mon cœur redouble de confiance, je dis à Jésus :
— J’ai confiance en vous !
À ceux qui m’expriment leurs craintes je réponds :
— Il n’en sera rien; le Seigneur est miséricorde infinie !... Et pour-tant, nous ne le méritons pas davantage que les autres nations. Mais, les pères, n’ont-ils pas quelquefois une particulière prédilec-tion pour un enfant plus que pour un autre ? Le Seigneur, lui aussi agit parfois de la sorte.
Ces conversations sur la guerre me font toujours souffrir parce que, contrastant avec ce que j’entends de la part du Seigneur, lequel très souvent me répète :
— Aie confiance, ma fille !
J’étais fréquemment tentée d’estimer que de telles paroles puissent venir du démon, mais les effets que je ressentais dans mon âme étaient différents: en effet, en entendant “Aie confiance, ma fille !”, je sentais en moi une grande paix et une paix capables de vaincre la guerre.
À la fin, il m’est arrivé aux oreilles que le Saint-Père avait été fait prisonnier,  mais je ne l’ai pas cru, considérant une telle nouvelle comme une confusion du peuple...
J’ai toutefois ressenti dans mon âme un deuil semblable à celui que l’on éprouve pour la mort d’un père de famille qui laisse des enfants orphelins. Bien des jours se sont passés dans cette lutte continuelle ; je ne me lassais pas d’offrir toutes mes souffrances à Jésus afin d’obtenir la paix. je voulais soulager, réconforter, libérer le Pape de toutes ses souffrances, mais je ne savais pas comment.
Un jour, après la Communion, j’ai ressenti un grand désir d’écrire au Pape. Je ne pouvais pas contenir ce désir, et j’ai dit à ma sœur :
— Je veux écrire au Pape ; apporte-moi une plume et du papier.
Et, immédiatement je me suis mise au travail, demandant au Sei-gneur lumière et force, lui offrant le sacrifice même d’écrire.
Lettre au Pape
Très Saint-Père,
Je sais qu’en ces heures tragiques pour l’humanité, le cœur qui souffre davantage, après celui de Jésus, c’est celui de votre Sain-teté. Jésus souffre de voir le monde en guerre, rempli de haine, couvert de crimes...
Oh ! combien souffre aussi le cœur de la plus pauvre, de la plus mi-sérable et indigne de vos filles, de ne point pouvoir défendre le Cœur de Jésus contre les crimes de l’humanité, et empêcher qu’il soit blessé; mon cœur souffre de ne pouvoir alléger le vôtre de la douleur si cruelle et profonde qui transperce le cœur de mon Père spirituel et celui du monde entier !
Oh mon bien-aimé Saint-Père, je ne compte pour rien, je n’ai aucun pouvoir, je ne suis que pauvreté et misère, mais Jésus peut me rendre forte et puissante, et c’est avec Jésus et la Maman du Ciel que je me mets à côté de votre Sainteté pour vous aider, par mes souffrances, à porter votre croix si pesante !
J’aimerais embrasser la terre où votre Sainteté pose ses pieds ; j’aimerais marcher à plat ventre partout où vous êtes contraint de passer : ceci comme preuve de ma douleur de vous voir souffrir et de mon profond respect envers vous.
Courage, courage, très Saint-Père, Jésus ne manque jamais ! La force vient d’en-Haut, la guerre se termine; la paix régnera de nou-veau parmi les hommes, mais toujours au prix de la douleur et du sacrifice. Le règne de votre Sainteté continuera toujours entouré d’épines, mais la grâce et l’amour de Jésus ne vous feront pas dé-faut, afin que vous puissiez vous en sortir serein de votre si dou-loureux calvaire.
Ce fut lui qui se choisit un aussi aimable fils pour père de nous tous, pour répandre la sainte lumière du divin Esprit.
Votre pontificat sur la terre est triste, à cause de la malice des hommes, mais il sera heureux et glorieux au Ciel, comme prix de tant de souffrances et de tant d’amour pour Jésus.
Très Saint-Père, je suis l’une de vos filles, malade depuis 26 ans et paralysée depuis presque 19. Cette lettre me coûte un énorme sa-crifice, car je suis étendue sur mon lit, mon pauvre corps traversé par d’aiguës douleurs; mais c’est une preuve d’amour, d’un saint amour envers mon cher Saint-Père. Ah ! mon Saint-Père, s’il m’était possible de dire combien je souffre dans mon corps et dans mon âme ! Elle ne s’égaye que quand je fixe mes yeux en Jésus.
Père, mon Saint-Père, accordez-moi votre bénédiction apostolique afin que mes souffrances soient davantage supportables et pardon-nez mon hardiesse.
Je n’ai pas demandé l’autorisation de qui que ce soit, parce que de-puis deux ans, je n’ai plus mon directeur: commande qui peut, obéi qui doit! La bénédiction, la bénédiction, mon Saint-Père, et le par-don pour mon écrit, mais je ne sais pas mieux le faire. Je ne vous oublierai plus sur la terre, et encore moins au Ciel. Je ne sais pas trouver des paroles adéquates pour mon Saint-Père: pardon, par-don !
Je suis la pauvre Alexandrina Maria da Costa.
Une fois écrite [la lettre au Pape], je suis restée bien plus soulagée ; j’ai même ressenti finalement un certain contentement, mais de peu de durée.
Un jour après l’avoir expédiée, lors du recueillement après la Com-munion, j’ai éprouvé une énorme souffrance pour le Saint-Père. J’étais très préoccupée à cause des manœuvres militaires; malgré ma confiance, j’ai souffert à cause de tout ce que j’entendais. Sans m’attendre à une réponse, je disais à Jésus :
— O mon Jésus, sauvez le Saint-Père, donnez la paix au monde entier !
Et le Seigneur de me répondre :
— Oui, ma fille, bientôt j’accorderai la paix. Jésus ne trompe pas.
Et j’ai continué :
— O mon Jésus, épargnez le Portugal de la guerre. Nous ne le mé-ritons pas, mais ayez pitié de nous. Épargnez le Portugal !
— Oui, ma fille, le Portugal sera épargné ! Il n’entrera pas dans la guerre.  N’ai-je pas la crucifiée de ce Calvaire à côté de ma Mère bénie pour soutenir le bras du Père éternel ?
Environ une heure plus tard, j’ai entendu dire que nous serions tombés aux mains des français et que le Pape avait été tué. J’ai eu l’impression que mon cœur se brisait : j’avais du mal à respirer; je ne pouvais ni parler ni prier. Les yeux fixés sur le Cœur de Jésus, je disais mentalement : “Aidez-moi Jésus ! Petite-Maman, aidez-moi ! Ne me laissez pas tomber !”
J’offrais à Jésus toutes mes souffrances afin que le Saint-Père soit libéré, persuadée que j’étais qu’il n’était pas mort et que ce n’était pas vrai tout ce que l’on racontait au sujet du Portugal.
Ce fut un jour d’une effroyable lutte. Je demandais au Seigneur de m’envoyer quelqu’un qui puisse me réconforter, parce que je ne voulais pas l’offenser par mon découragement. Des heures d’une affreuse agonie se sont ainsi passées. Je me sentais comme au mi-lieu dune terrible tempête qui détruisait tout, sans que personne ne vienne à mon secours. Je gardais mon cœur fixé sur Jésus et sur la Maman du Ciel, demandant toute l’aide du Ciel.
Jésus est venu me réconforter :
— Le Saint-Père n’est pas mort ; il vit et il continue sa mis-sion.
Il me répéta plusieurs fois, au plus intime de mon cœur :
— Aie confiance ! Aie confiance ! Jésus ne trompe jamais !
Mais le démon, non content de ma souffrance, et enragé à cause de l’inutilité de ses efforts, me répétait fréquemment :
— Le Portugal en guerre ! Le Portugal en sang !
Sa rage était si grande qu’elle faisait peur...
Il me semblait entendre le tocsin pour le Saint-Père, entendre, au Portugal, le bruit et le fracas d’artillerie. Toutefois, j’ai gardé ma confiance à Jésus.
Tout ceci est arrivé le 14 octobre 1943, et déjà le 10 du même mois, le Seigneur m’avait dit plus ou mois la même chose...
Que le démon soit maudit, car il essayait de m’enlever la paix et de me faire perdre la confiance en celui qui ne trompe ni ne peut être trompé !
Mon confesseur étant venu, il a tout fait pour me tranquilliser et il y a réussi durant la confession.
Par la suite j’ai continué à prier pour le Saint-Père, et la souffrance que je ressentais à cause de lui s’est estompée jour après jour.
Les flammes du Cœur de Jésus...
Le jour du Christ-Roi,  j’ai senti comme si mon corps et mon esprit mouraient, comme si mon existence sur la terre cessait. Je ne peux pas exprimer la douleur qui en résulta. Au contraire: je me sentais encore davantage au purgatoire ! Quelle douleur, mon Dieu !  Cer-tains jours je me sentais traversée par des flammes. Je pensais que cela était dû à la soif ardente ; je me suis trompée. Ce n’étaient point des flammes de la terre : elles avaient une splendeur mer-veilleuse. Elles me pénétraient pendant des heures, tourmentant mon corps et tous mes sens ; tout mon être en était pénétré et je souffrais de douleurs indicibles. Malgré cela, je sentais la nécessité de plonger dans ces flammes pour me purifier.
Comme le papillon est attiré par les flammes, moi aussi, j’y suis at-tirée, et les bras ouverts, j’entrais dans ce feu  qui tourmentait mais ne consumait point, animée par un seul désir : libérée de ceci, je m’en vais à mon Jésus !
J’ignorais la signification de cette souffrance. Je ressentais et rien d’autre. J’ai su simplement la ressentir et rien d’autre. Jésus est venu me l’expliquer :
— ... Tu vis au Purgatoire. L’empêchement qui semble te sé-parer du monde, c’est moi qui l’ai permis. Maintenant, tu ne vis plus dans le monde, tu y es comme si tu n’y vivais plus. Ton tourment est inénarrable : je ne l’ai jamais donné à au-cune âme. Veux-tu me consoler de cette manière ? Veux-tu continuer cette souffrance ?
— Tout ce que vous voudrez, mon Jésus; tout ce que vous vou-drez !
— Si tu savais combien grand est le bien, que tu procureras aux âmes dès qu’elles apprendront de quelle manière tu as souffert ! Ton esprit est mort au monde ; ta vie est celle des âmes du Purgatoire. Mais tu ne souffres pas uniquement pour toi.
Vite, vite, il faut faire connaître au monde combien elles souffrent. Vite, vite, il faut libérer mes âmes, mes bien-aimées.
« Ta vie n’a rien d’humain... »
— (...) Ta vie n’a rien d’humain, elle est uniquement di-vine... Les ornements que je donne à mes épouses les plus chères ce sont des épines, et des plus aiguës. Mais toi, tu les transformes avec tant de douceur et amour qu’elles de-viennent toutes des pierres précieuses. Quelle merveille, quelle richesse est ton cœur, ô ma belle colombe! La pureté ne se tache pas; elle devient de plus en plus blanche et pure. Tu sens que ton esprit est mort ? C’est Moi qui le permets: il est mort pour le monde, mais il vit de plus en plus pour le Ciel. Le feu qui te tourmente signifie en réalité le feu du purgatoire. Je te purifie afin qu’après ta mort tu viennes directement à Moi. C’est ce que désire ma Mère bé-nie, afin que tu saches ce que souffrent les âmes qui y vont et qui nous sont chères. Souffre tout, offre tout pour elles.
1944
TRANSFORMATIONS MYSTIQUES
« Ou vous aimer ou mourir ! »
A l’aide de la lampe électrique, je contemple l’image du Sacré-Cœur, que j’ai dans ma chambre, ainsi que celle de ma chère Pe-tite-Maman. Je demande leurs bénédictions, ainsi que de l’amour pour moi et pour tous ceux qui me sont chers, ainsi que pour le monde entier. J’ai moins de courage; je n’ai pas d’amour ; et aimer qui ? Mes misères m’oppriment.
Quelle honte ! Quelle confusion ! Le poids des humiliations tombe sur moi. Ma lutte ressent les censures, les rumeurs de tempêtes lointaines. Je chemine péniblement, terrorisée. Des épines sans nombre; une pluie d’épines tombe sur moi. Mon âme, mon cœur et mon corps tout entier s’en trouvent déchirés et trempés dans le sang. Je regardant derrière moi, je n’ai pas vu le passé ; tous les chemins parcourus ont disparu. Mon Dieu, quelle destruction ! De-vant moi, une gigantesque montagne. C’est impossible, je ne peux pas l’escalader, mais je ne peux pas non plus reculer d’un pas.
Tout d’un coup, je me suis retrouvée à genoux, les mains jointes, regardant vers le haut, j’ai invoqué le nom de Jésus et celui de la Petite-Maman. J’ai crié, crié, à l’intérieur de mon âme. Mon cri ne montait pas ; il restait accroché aux rochers de la montagne ; il s’imbibait dans mon sang et dans mes chairs déchirées pour mourir avec moi. L’agonie de mon âme augmentait ; je ne pouvais plus crier ; je ne voyais pas venir le moindre soutien.
Dans cette angoisse, les battements de mon cœur étaient si forts, que je croyais perdre la vie. Oh ! combien il est doux, mon Jésus, de mourir pour vous ! Ou vous aimer ou mourir ! Souffrir pour vous procurer des âmes !
« J’ai senti mon âme se détacher... »
J’ai senti mon âme se détacher de la terre et s’élever vers les hau-teurs ; à maintenir le corps contraint ici-bas, il resta comme un courent électrique qui le reliait à l’âme. Un tel détachement a été assez pénible pour mon corps. Mes yeux fixaient Jésus crucifié comme soulagement de mes douleurs. En attendant, mon âme se sentait dans le sein de la Petite-Maman qui, avec moi, soutenait son divin Fils mort.
Ce qui a donné lumière à mon intelligence, me faisant comprendre que tout ce que Jésus m’avait promis ne se réaliserait pas de la manière que je croyais être plus naturelle, autrement dit en allant au Ciel pour toujours, mais que je serais allée au Ciel pour revenir.
Cette lumière n’a pas été une impression momentanée. Elle m’a fait comprendre qu’une nouvelle transformation s'opérait en moi, me faisant convaincre que, certainement, je ne mourrais pas, et que Jésus avait fait allusion, évidemment, à ce nouvel état de mon âme.
Je n’ai plus jamais pensé à une mort physique.
« Je suis morte pour le monde... »
Une nouvelle transformation s’est opérée dans mon âme. Ce léger souffle de vie est mort complètement; je ne sens plus cette respi-ration qui de temps à autre je sentais. La douleur vit en moi: elle est de toutes sortes et genres. Je suis morte pour le monde. Tout est descendu dans la tombe afin d’y rester pour toujours. Quelle horreur, mon Dieu ! Je ne vis plus ; c’est ma douleur bien-aimée qui vit, ce n’est que mon inexplicable martyr qui vit. Est-ce que ce-ci, sans ma vie, donnera vie aux âmes ? Est-ce que je pourrai en-core être utile à l’humanité ? Est-ce que je pourrai encore vous ai-mer, mon Jésus, et consoler votre très saint Cœur ?
Pauvre de moi ! Après la haine et l’abandon, après l’oubli et le mé-pris, je descends dans la tombe.
Je vis déjà dans l’éternité sans avoir récupéré mon Père spirituel et sans jamais plus avoir la sainte Messe...
Mon éternité est sans lumière, c’est une éternité qui ne vous aime pas, qui ne vous loue pas, qui ne vous voit pas, qui ne jouit pas de vous. Terrible éternité ! Ne pas voir Jésus est une éternité morte.  C’est ce que mon âme vit dans cette éternité, c’est ce que je res-sens. Quel que soit l’état de mon âme, hâtez-vous, Jésus, d’accomplir vos saintes promesses... Jésus, donnez vie aux âmes avec ma mort, avec mon éternité. Donnez-leur votre éternité, don-nez-leur le ciel, mon Jésus !
« Mon âme a été réconfortée... »
Dans l'après-midi j’ai récité les prières du mois de mai à ma chère Petite-Maman. Mon âme, pendant cette dévotion, se voyait libérée d'un poids qui l’écrasait et retrouvait la paix et la suavité.
À la fin j’ai cru entendre une voix très douce qui m'appelait :
— Ma fille, ma fille.
Mon âme se sentait plus soulevée.
Quelques instants plus tard, la même voix, de nouveau m'a appelée avec tendresse et douceur :
— Ma fille, ma fille, viens sur mon cœur. Je t'invite à te re-poser entre mes bras très saints. Abandonne-toi sur mon cœur de mère. Tu es la préférée de Marie. Oh ! combien tu es aimée par nos deux Cœurs !
Je me suis sentie entre les bras de la Maman, enlacée, caressée et couverte de tendresse.
Il n'est pas possible de comparer la douceur et la tendresse d'une mère de la terre avec celle de la Maman du Ciel !...
Mon âme a été réconfortée : mon cœur en resta heureux pendant un peu près une heure.
Une douloureuse ingratitude
J’étais dans une grande affliction et, après la Communion, je me suis confiée à Jésus, sans en attendre une réponse. Bon comme toujours, Il a daigné me soulager :
— Ma fille, dis à ta sœur que je suis en train de voir jus-qu’où va sa confiance en Moi. Près de ton calvaire, elle tient le rôle que tenait ma très sainte Mère auprès du mien. Dis-lui que je confie beaucoup en elle : s’il n’en était pas ainsi, je ne l’aurais pas attachée aussi étroitement à ton martyre.
Et se référant à celle qui nous faisait tant souffrir, Il dit :
— Allons, allons, courage ! Satan est enragé : il étend sur vous ses artifices infernaux, mais il ne vaincra pas ! Ayez confiance !
Elle est une insensée. Elle a été, envers vous, de la plus grande ingratitude ;  mais, pardonnez-lui de tout votre cœur, comme je lui pardonne Moi-même. Si tu savais com-bien je souffre ! On me reçoit froidement dans la Commu-nion, par habitude. Combien en souffre mon Cœur !
« Je continue de lui rappeler sa promesse... »
Jésus, à plusieurs reprises, m’avait confirmé tout ce qu’il m’avait dit et promis au début de ma crucifixion : comme prix de mon accep-tation à me laisser crucifier, les portes de l’enfer seraient fermées depuis midi de vendredi à minuit de dimanche. Quand il a plu à Jé-sus de ne plus me crucifier,  ou mieux, de changer la manière de me crucifier, je continue de lui rappeler sa promesse, parce que j’estimais avoir le même droit.
Le 16 juin 1944 Jésus est venu et Il m’a dit :
— Ma fille, viens te reposer et te réconforter dans les bras de ta Petite-Maman. Tu es tendrement cajolée par Jésus et Marie.
Pendant que je parlais, je sentais leurs caresses.
— Tu es bercée par les anges. Je viens te dire, ma fille, les jours supplémentaires pendants lesquels, par ton mérite, l’enfer est clos : je t’accorde l’après-midi du jeudi en l’honneur de mon Eucharistie, pour l’amour que tu as en-vers Celle-ci, et pour l’amour qui m’a amené à y rester pri-sonnier ; je te concède le mercredi matin en l’honneur de saint Joseph que tu aimes tant; combien je désire, ma fille, le voir aimé ! Je veux que tu fasses connaître que celui qui aura pour lui une vraie et constante dévotion, ne m’offensera pas gravement au point de se perdre...
Je te concède ceci pour l’amour avec lequel tu te laisses crucifier.
« J’ai soif, j’ai soif, ma fille... »
— Jésus souffle sur toi et t’embrase...
J’unis mon Cœur au tien. J’habite en toi et toi en moi. Re-çois, reçois, ma petite fille, l’amour de ton Jésus. Reçois-le, enrichis-toi en, afin que tu le donnes aux âmes. J’ai soif, j’ai soif, ma fille, j’ai soif d’amour. Les âmes ne connaissent pas ma folie pour elles. Les pécheurs sont ingrats envers mon divin Cœur. Tu vois, tu vois, ma belle colombe ? Je suis toujours près à les recevoir ; je leur offre, je leur donne mon Cœur et je veux les y accueillir ; je veux les posséder.
— Jésus, Jésus, je ressens vos ardents désirs. Je vois votre divin Cœur ouvert. Ce fut l’amour, Jésus, ce fut l’amour qui vous a dé-chiré la poitrine. Ce fut encore l’amour qui vous a laissé être blessé de la sorte. Quelle blessure, quelle plaie si profonde !... Je vois que de celui-ci sortent des rayons brillants, enchanteurs, des rayons dorés. Embrasez-moi, Jésus, embrasez-moi dans ce feu divin ; fai-tes que je puisse embraser tous les cœurs, tous vos enfants...
Vous avez soif, vous avez soif, mon Jésus, vous avez soif de possé-der les âmes. Regardez, mon Amour, voyez ma soif ; c’est une soif qui me conserve. Vous voyez pourtant que mon seul et ardent désir est de les livrer toutes à votre Amour, à votre divin Cœur. Vous connaissez mes tourments. Regardez la torture dont souffre mon pauvre cœur. Vous savez bien, que souvent, j’aimerais vous dire : “Jésus, je n’en peux plus; je ne peux plus résister !” Mais je ne le veux pas, mon Amour, je ne veux pas vous parler ainsi. Accordez-moi votre grâce, accordez-moi votre force, donnez-moi encore et encore des souffrances, ô mon Jésus, ô mon Amour ! Hâtez-vous, mon Jésus ! Si je peux souffrir davantage, envoyez-moi encore des souffrances ; donnez-moi les vite, mais donnez-moi aussi les âmes.
— O beauté, ô beauté, ô enchantement de mes yeux divins ! Tu ne peux pas souffrir davantage, mais garde ton courage : Je suis avec toi, je veuille, je suis vainqueur, je triomphe. Ne vacille pas, ne tombes pas au point de m’offenser, mon divin Cœur n’a pas le courage de t’abandonner. Tu es ma victime la plus aimée. Tu as la mission la plus riche, la plus belle pour moi. Je te fais souffrir autant afin que tu me sau-ves beaucoup d’âmes.
— O Jésus, si je vous aime, comme tant de fois vous me l’affirmez, si je vous aime vous et la Petite-Maman et je suis aimée d’Elle comme vous me le dites, et je le crois et j’ai confiance, que puis-je désirer d’autre, sinon vous aimer et vous sauver des pécheurs ? Crucifiez-moi, ô mon Jésus, ne m’épargnez pas, mon Amour, mes éloignez-les des peines de l’enfer! Ne manquez pas, mon Jésus, ne manquez pas à ce que vous m’avez promis. Gardez, Jésus, gardez, je vous en prie, les portes de l’enfer bien fermées. Placez-moi, mon Amour, placez-moi, devant elles. Emmenez-moi devant elles, comme je vous l’ai déjà dit, mon Amour, placez-moi là, devant leur seuil, comme une barrière ; jusqu’à ce que le monde soit monde, et qu’il y ait des pécheurs à sauver. Ou bien, mon Amour, laissez-moi dans le monde, tant qu’il existera ; appelez à vous tous les miens, tous ceux qui me sont chers ; laissez-moi seule ; vous me suffisez, mon Jésus...
— Combien elle est belle, combien belle est ta prière ! Quelle joie, quelle consolation pour moi ! O combien de bé-néfice pour les âmes ! Combien de grâces tu obtiens pour les ingrats de mon divin Cœur ! O monde, pourquoi ne connais-tu pas ma victime bien aimée ! Vite, vite, que la lumière soit faite ; que brille la lumière que Jésus désire. C’est à l’aide de cette lumière, ma fille bien-aimée, de cette lumière qui brille en toi, que les pécheurs vont voir le che-min, la vérité et la vie.
— O Jésus, Amour de mon cœur ! La Vérité c’est vous ; le vrai Chemin c’est vous ; l’unique Vie, c’est vous. Faites, ô Jésus, que tous vous suivent, que tous vous aiment ! Je ne veux que ce que vous voulez, je vous le demande de tout mon cœur, de toute mon âme. Donnez-moi le courage ; donnez-moi la force ; donnez-moi la grâce ; donnez-moi tout ce qui est à vous. Sans vous je ne peux rien ; sans vous je ne peux résister à tant de souffrance.
— Courage, ma petite fille, ne te décourage pas ! Tu le sais bien, tu demeures dans mon divin Cœur, à la place la plus élevée. Dans ma divine demeure, tu ne coures aucun ris-que. Repose-toi, repose-toi en moi ; repose, repose-toi pour toujours. Reçois, reçois la vie dont tu as besoin pour vivre. Vis uniquement de ma vie divine.
— Merci, merci, mon Jésus.
« Jésus, mon seul aliment... »
À la tombée du jour, alors que la lumière du soleil s’enfonçait dans l’obscurité de la nuit; pour moi il n’y avait plus ni soleil ni jour, mais seulement nuit. Le découragement, l’abattement, la constante lutte m’étaient presque insupportables...
— Jésus, Petite-Maman, aidez-moi, ne me laissez pas tomber !
O mon Dieu, il me semble que le Ciel n’existe pas !... La lutte est continuelle et le doute me tourmente. Mon cri vers les saints sem-ble ne servir à rien.
Jésus, j’ai confiance ! Petite-Maman, j’ai confiance !
Mais le temps passe et aucun secours ne me vient. Je sens l’abandon de la terre et du Ciel. Pauvre de moi ! Je ne veux pas me tromper ni tromper personne.
Une nouvelle preuve d’amour de la part de Jésus est venue me soulager dans l’abîme de ténèbres et de mort. De ses divins bras il m’a inclinée sur son divin Côté et m’a donné à boire du sang de son Cœur. Merveille ! Bonté divine ! Je sentais le Sang du Cœur de Jé-sus pénétrer abondamment en moi, pendant que Jésus, tout dou-cement me disait :
— Courage, ma fille ! Mon Sang et ma Chair son ton aliment et ta vie.
Jésus m’a rassasiée, m’a fait revivre : le jour s’est levé, le soleil me réchauffa de ses rayons. Maintenant le monde ne pouvait rien contre moi. Combien il est bon, Jésus !
« Transformez-moi... entrez chez moi ! »
Je ne sais pas si c’est à cause de ma grande souffrance, je suis restée très accablée, presque oublieuse d’avoir reçu Jésus Eucha-ristique. Oh ! l’état de mon âme !
À l’improviste j’ai vu Jésus devant moi, cloué sur la Croix, mais aus-sitôt tout a disparu. Si je me sentais comme morte, morte je suis restée : il me semblait que pour moi la vie n’existait pas.
Quelques instants après, mon Bien-Aimé est venu, mais maintenant il était merveilleux : son visage était si beau, tout resplendissant, rempli de lumière. Il s’est approché de moi, m’affirmant, en même temps, qu’il me confiait son divin Cœur, avec une grande plaie d’où il sortait une énorme flamme brillante qui serait capable d’enflammer et de brûler le monde entier.
— Ma fille, cache en toi mon divin Cœur afin que les pé-cheurs ne puissent m’offenser.
Je ne sais pas comment le Cœur de Jésus m’a pénétrée.  J’ai été plongée en Lui et Lui en moi. Combien grand est l’amour de Jésus !
Quelle transformation de mon âme ! Déjà j’avais vie, courage et force. Souffrance, combien tu es douce si supportée pour Jésus !
Mais, ô combien il est coûteux de vouloir consoler et de ne pas pouvoir le faire, garder son divin Cœur et ne savoir comment s’y prendre ! Pauvre Jésus, à qui avez-vous confié la garde de votre Cœur ! Où pourrai-je le cacher afin qu’il ne soit pas blessé ? Je ne suis que misère. Transformez-moi, purifiez-moi, et ensuite, entrez chez moi.
Le souvenir de Foz do Douro
— O Jésus, est-il possible que la morte puisse parler, que le cœur d’un cadavre puisse avoir la nostalgie du Ciel, ainsi que le désir de voler vers vous, désireux de se cacher pour se plonger dans l’immensité de votre divin Amour ! Jésus, Jésus, c’est ma douleur qui vous parle... c’est une douleur qui rassemble en elle toutes les douleurs.
Jésus, je sens que mon corps n’est plus un cadavre où les vers de terre n’ont pas encore pénétré, un cadavre qui, quelques jours après avoir été descendu dans la tombe, pourrait être reconnu. Non, mon Jésus, je n’en possède même plus les cendres, tout a disparu.
O mon Dieu, quelle mort la mienne, quelle perte éternelle ! Écou-tez, Jésus, ayez pitié de moi ! Tournez votre regard vers moi, lisez ma douleur: c’est pour vous, et pour les âmes... Soutenez le poids que m’a causé la mort, voyez que sans vous je ne résiste pas à tant de nostalgie du Ciel ; il m’est impossible de rester ici alors que je désire ardemment vous aimer... La nuit n’a plus d’étoiles ; il n’y a plus de jour; il n’y a plus de soleil. O douleur, ô douleur, toi seule vis en moi, il n’y a que toi qui restes, mais tu n’aimes pas Jésus, tu ne vis pas pour Jésus !  Écoutez, Seigneur, mon cri ! Que ma cla-meur arrive jusqu’à vous ! Qu’en sera-t-il de moi, mon Dieu, qu’en sera-t-il de moi sans Vous ? O lutte, ô terrible lutte !...
Faites que je vous aime et vous fasse aimer ; j’ai faim de vous donner le monde entier.
O mon Jésus, en ce qui concerne la nostalgie des aliments, ce n’est pas moi, c’est mon corps qui a faim et soif, parce que moi, je n’existe plus !... Mais, c’est un cœur, c’est une âme qui, comme s’ils étaient à moi, ont faim et soif.
(...)
Jésus, cela fait un an que mon martyre à Foz a été terminé. Pen-dant ces derniers quarante jours j’ai remémoré tout ce que j’y ai souffert. Acceptez-vous, mon Jésus, ce martyr si douloureux ? Je ne suis pas retournée à Foz, mais je peux dire que j’ai presque souf-fert autant que lors de mon séjour dans cette maison. Vous avez fait en sorte que tout se renouvelle : j’ai tout revécu, mon Jésus. Acceptez ma souffrance et, pour amour pour les âmes, fermez l’enfer. Faites que je vous aime et vous fasse aimer. J'ai faim de vous donner le monde entier. Pauvre de moi, mon Jésus ! J'ai la nostalgie des aliments, mais ce n’est pas moi qui la souffre ; ce n’est pas mon corps qui a faim et soif parce que je n’existe déjà plus ; mais c’est un cœur, c’est une âme qui, comme s’ils étaient à moi, souffrent cette faim et cette soif.
Vous avez entendu, mon Jésus, que cette dure souffrance m’a fait dire: “je donnerais tout, je donnerais le monde, je donnerais la vie, s’il était possible, pour un peu d’alimentation”. Quelle envie, quelle envie, mon Jésus, de tout posséder pour tout vous donner !
Je veux vous aimer, je veux vous donner des âmes !...
Tournez vers moi votre divin regard, car je veux fixer le mien sur le vôtre.
« Je vous sens à côté de moi... »
Ne pensez pas, mon bon Père Umberto, que mon silence soit un oubli. Je ne vous oublierai ni sur la terre ni au ciel. La cause de ce-lui-ci, ce sont les “cadeaux”  de Jésus. Si vous saviez combien je souffre... Mais la souffrance importe peu; ce qu’il faut c’est consoler Jésus. Il me suffit que sa grâce et sa force ne me fassent pas dé-faut pour résister à tout... Je n’ai pas oublié vos intentions de prière ni celles des novices de votre sainte maison Salésienne... Par cha-rité, pardonnez-moi mes manquements. Je vous remercie de tout mon cœur et de toute mon âme pour tout ce que vous avez fait pour moi. Que Jésus vous récompense, vous comble de ses bien-faits et de son amour, car Lui seul connaît et sais le réconfort que vous m’avez apporté.
Je vous sens à côté de moi, et cela me procure du courage pour soutenir ma souffrance. Que Dieu soit béni. Je ne suis pas encore haïe de tout le monde...
Sans la Communion ?...
Nuit ténébreuse, atrocités de la mort ! Le cri de la douleur continue : écoutez-le, Jésus, c’est lui qui pleure, c’est lui qui invoque votre secours !... Je n’aperçois aucune lumière... Mon cœur sent qu’il a été comme lacéré, traversé par une lance bien effilée, avoir reçu une nouvelle et grave blessure, il sent qu’il ne peut plus être bles-sé...
Je suis dans un état de grande inquiétude; je ne sais pas ce que cela présage.
Quelle horreur ! La tempête se déchaîne, j’entends le sifflement des vents, je vois les éclairs annonceurs du tonnerre effrayant, je sens des menaces de destruction.
Tous sont partis terrorisés et moi, seule, au milieu de la mer, sans gouvernail, sans bateau, sans lumière, je suis menacée de plonger pour toujours dans cet abîme. Quelle horreur ! Quelle peur !... Mon Dieu, qu’est-ce qui m’attend encore ? Je m’abandonne entre vos bras très saints...
« Me voici, prête à être immolée !... »
— Écoutez, mon Jésus, ma souffrance presque moribonde. Un coup très dur lui a été porté. O souffrance qui tue la douleur ! O souf-france qui ne peut être comprise que de vous ! Le regard fixé sur vous, ô Jésus, les calomnies, les humiliations, les mépris, les hai-nes, les oublis ont toute la douceur de votre Amour ! Qu’il m’arrive, ô Jésus, qu’il m’arrive tout ce qui vous fait plaisir ! Que mon nom meure, comme je sens qu’il arrivera à mon corps et à mon âme, afin que triomphe votre divin Amour dans les cœurs et votre Grâce dans les âmes. Me voici, mon Bien-Aimé, prête à être immolée. Mais comment résister à tout cela ? Regardez ce cœur qui éclate et se décompose dans la douleur : il ne peut pas supporter autant de tourments si vous ne lui venez pas en aide. Venez, mon Jésus, ai-dez-le, aidez-le ! Ils veulent me priver de tout: ils menacent même de me priver de la Communion, interdisant le curé de venir chez moi, sauf en cas de danger de mort, si je n’obéis pas.
J’obéis, j’obéis, ô mon Jésus, avec votre divine Grâce !
O sainte obéissance, je t’aime pour Jésus et pour les âmes !
On m’a mise sur la place publique sans mon consentement : je n’en savais rien. Et maintenant on voulait, au prix de ma souffrance, re-cueillir les plumes que le vent furieux a dispersées ! Comment le pourront-ils ? Ah mon Jésus, jamais plus, jamais plus ! Si seule-ment je pouvais vivre cachée, vous aimer comme je le désire tant, être toute à vous, sans limites, mais, sans avoir une vie  pareille. Combien sont devenus saints sans avoir ce genre de vie ! Et moi, je ne suis que misère ! Quelle nostalgie de mes années passées ! Combien de colloques j’ai eu avec vous sans que personne ne le sa-che ! Je donnerais des vies, je donnerais des mondes pour vivre ca-chée. Pardonnez, mon Jésus, je n’ai pas à vouloir ; je n’ai pas à avoir de volonté propre.
Mon Dieu, si je savais au moins que par ma souffrance votre consolation était satisfaite ! Si seulement je pouvais vivre cachée dans cette chambre, où Vous seul et ces murs avez été les témoins de mes souffrances ! Si les miens et tous ceux qui me sont chers pouvait oublier que je vis ici et que je vis avec eux, ô, alors je ne souffrirais pas !  Je vois toutefois que celui qui souffre c’est votre divin Cœur ; ceux qui me sont chers souffrent avec moi et ne peu-vent pas m’oublier : ce qui me peine énormément. Combien de fois je ne peux même pas contenir mes larmes, aveuglée par la dou-leur ! Puis cette pensée me vient : il vaut mieux ne pas pleurer, Jé-sus est davantage content. Je pose mes yeux sur la croix où Il est crucifié ; je reste un moment à le contempler ; alors les larmes, qui semblaient ne plus tarir, cessent: je ressens une nouvelle vie.
Mon Dieu, quelle terrible lutte ! Pauvre de moi sans Vous, Jésus et Petite-Maman ! Secourez-moi, je suis votre victime...
Jésus, ne permettez pas que je cède, ne consentez pas que mes lèvres s’arrêtent de répéter : “Jésus, je vous aime ! Je suis votre victime !
Que les hommes jugent comme ils veulent; peu importe. Donnez-moi votre certitude de me vaincre moi-même, de vous aimer et de vous donner des âmes.
Jésus, je ne vois ni mon passé ni mon présent, je ne vois que mon avenir: je vois mon sang couler parmi les épines; dans une nuit terrible et obscure ma souffrance avance et continue de vivre...
« Mon Dieu, quelle vie si mal comprise !... »
— Jésus, je regarde d’un côté et de l’autre et je ne vois personne ; je crains et je tremble ; quelle frayeur !...
Jésus, ne me laissez pas sans vous recevoir: que je perde tout, ab-solument tout, mais que je puisse avoir la Communion ; tout per-dre, mais vous posséder vous !...
Mon Dieu, quelle vie si mal comprise ! Si ce n’était par l’amour de vous et des âmes, je ne me serais pas soumise aux âpretés des hommes, je n’aurais pas à leur obéir.
Ces pensées défilaient rapides comme des éclairs. Je me suis sentie ensuite obligée toutes les joies avec l’amour de Jésus : Lui, Il est digne de tout. Les âmes, les âmes ! Cette pensée a vibré en moi, allumant des désirs plus fermes de marché parmi les épines...; il m’a mieux fait comprendre qui est Jésus et ce qu’est le monde...
Je sens la nostalgie de ma “Passion” du vendredi, mais j’ai peur des extases. Je crains le vendredi et le premier samedi, je crains n’importe quel jour ou n’importe quelle heure, mon Jésus, où vous daignez me parler. Serait-ce une imperfection ? Ayez compassion de moi, Jésus !...
Quelques heures après : la nuit était déjà bien avancée ; à la mai-son tout n’était que silence, seuls, ma douleur et ma lutte conti-nuaient.
À l’improviste, Jésus m’est apparu :
— Donne-moi la main, ma fille, ne t’ai-je pas promis de soulager ton accablement ? Allez, va dans les bras de la Petite-Maman, vas-y recevoir du réconfort.
Aussitôt je me suis retrouvée dans les bras de la Maman du Ciel et, comme une enfant, j’ai enroulé mes bras autour de son cou. Elle m’a enlacée doucement et m’a caressée, me couvrant de baisers. Je pleurais ; Elle m’essuyait les larmes à l’aide de son très saint Man-teau et me disait :
— Ne pleure pas. Console avec moi le mien et ton Jésus. Il est si offensé ! Allons, allons, prend courage !
Et Jésus :
— Ta douleur, ma fille, ton martyr arrache des artifices de Satan les âmes que lui, avec tant de rage m’avait prises. Courage... La tempête passe. Reçois Grâce, Amour et la Lu-mière de l’Esprit-Saint.
J’ai vu l’Esprit-Saint sous la forme d’une colombe qui laissait tomber d’en-Haut sur moi des rayons dorés et un déluge de lumière... J’en ai été fortifiée. Peu après, dans une douce paix, je me suis endor-mie.
« J’ai senti comme un assaut... »
Vers 14 heures, appuyée sur mes coussins et étendue sur ma croix dans un profond anéantissement, j’invoquais Jésus, seulement Jé-sus.
Quelques notes mélodieuses m’ont attirée. Tout d’abord j’ai pensé qu’il s’agissait de sons de la terre et je me suis mise à l’écoute pour découvrir d’où ils venaient. Ils m’arrivaient d’en-Haut. Je l’ai très bien compris et alors mon cœur a frémi avec tant de force qu’il n’en pouvait plus résister... Toute la tempête s’est estompée... Je me suis sentie toute remplie d’une grande douceur et suavité. L'har-monie était composée de beaucoup de sons, comme si émis par un très grand nombre d’instruments... Je les ai tous écoutés, mais l’un de ceux-ci parmi tant d’autres m’attirait plus particulièrement... Je ne sais combien de temps ce ravissement a duré... Peut-être bien une demie heure.
« J’ai ressenti comme un assaut... »
Après le soulagement qui m’a été accordé le 12, je suis retournée à mon état de tristesse. Le jour de l’Assomption de la Maman du Ciel est arrivé, et rien que de penser à la solennité... et à la jubilation du Ciel, il me semblait ne plus pouvoir résister davantage aux tourments de la terre.
Quelques minutes après la Communion, j’ai ressenti comme un as-saut au-dedans de moi. Il me semblait que c’était Jésus qui, comme un voleur, était entré et sorti de moi en un instant empor-tant avec lui le peu de vie qui était la vie de ma douleur.  Je me suis sentie morte, mais j’ai continué de souffrir davantage du fait de me sentir privée du peu de vie qui était la vie de ma douleur. Je sentais que tout me manquait et j’étais scindée en deux morceaux: mon cadavre resté ici-bas et, là-haut, au Ciel, le butin qui était une partie de moi-même. Cette partie était plongée dans la joie abso-lue, sauf la vision de Dieu, mais ne donnait pas à la partie restée sur la terre aucun soulagement; bien au contraire, la laissait pros-ternée dans un abîme de souffrance sans fin. J’ai passé toute la journée dans une attente douloureuse de posséder cette autre par-tie de moi-même qui m’appartenait et sans laquelle je n’étais qu’un cadavre.  Ce fut pour moi une journée interminable: je l’ai passée dans une continuelle plainte envers Jésus et la Maman du Ciel, alors que je me demandais :
— O mon Dieu, comment puis-je vivre sans vie ?
Vers le soir, j’ai de nouveau entendu l’harmonie du 12 de ce mois, et ceci a été pour moi comme un baume pour ma souffrance ; sans cela, je crois que je n’aurais pas résisté bien longtemps.
La nuit, je ne saurais dire à quelle heure, le butin m’a été restitué ; je m’en suis rendu compte parce que je me suis sentie revivre.
« Jésus m’a envoyé un prêtre... »
Je ne sais pas pourquoi je suis effrayée et pourquoi j’ai peur... Je me sens seule, complètement seule... La tempête continue... Vous seul, mon Dieu, pouvez m’aider; mais, pauvre de moi, il me semble que même vous m’avez abandonnée. Le cri de détresse n’arrive pas aux oreilles de personne. Que m’arrivera-t-il de plus, mon Dieu ? Je jette mon regard par la fenêtre de ma chambre : je n’y vois que des nuages ; je pose sur celles-ci mon regard admirant la grandeur du Créateur. Si les nuages s’évanouissent et que l’azur du Ciel ap-paraît, je ne puis résister à tant de nostalgie ! Je voudrais m’envoler vers lui, mais combien est grande la distance qui me sé-pare du firmament ! Je pleure, je pleure bien des larmes...
Les jours où je dois rester sans Communion approchent.
— Mon Dieu, comment ferai-je pour me priver de vous. Jésus, ma Petite-Maman chérie, venez à mon secours. Je ne puis vivre sans Jésus !
La Maman du Ciel a eu pitié de ma douleur. Jésus a veillé sur moi : il ne m’a pas laissé un seul jour sans le recevoir; il m’a envoyé le Père Umberto, salésien qui, pour quelques jours, s’est efforcé d’illuminer et de tranquilliser mon âme. J’ai senti qu’il me compre-nait: il m’insufflait du courage malgré ma grande souffrance.  Après qu’il m’ait écoutée en confession, j’ai ressenti dans mon âme joie et suavité et, forcée par je ne sais quoi, j’ai chanté des cantiques à Jésus et à la Maman du Ciel.
Ensuite je suis retournée dans mon habituel état d’affliction, de douleur et de martyre...
« Jésus et Maman du Ciel écoutez-moi ! »
Après avoir reçu Jésus [Eucharistique], la souffrance de mon âme est devenue plus suave: mon Bien-Aimé m’accorda en cette occa-sion une plus grande intensité d’union, que j’avais déjà ressentie hier, dans le regard des personnes que j’aime et qui en ces derniers jours me haïssent...
Mais je suis rapidement retournée dans les douloureuses souffran-ces du corps et de l’âme.
— O mon Dieu, la tempête ne s’apaise point. Ayez pitié de moi : regardez comme je suis blessée ! On essaie de m’enlever de vos divins bras. Attachez-moi, attachez-moi à Vous, mon Jésus ! Ne permettez pas que l’on me sépare de Vous. Que je perde tout ce qui appartient à la terre, mais que je Vous possède !
Je me sens abandonnée, seule, seule et sans personne à qui recou-rir : Jésus, Petite-Maman, écoutez mon cri de détresse ! Je veux aimer Vos Cœurs très saints, mais je ne sais pas ce que c’est que l’amour ; je ne le connais pas; il me semble que l’amour n’existe pas sur la terre. Ayez pitié de mon affliction. Donnez-moi l’amour que je désire, que j’espère de Vous. Laissez que je me perde en Vous; que je me brûle dans vos divines ardeurs...
« Mon Jésus, mon cher Amour !... »
Je sens que mon cri reste suffoqué sous le monceau de cendres de mon pauvre corps, qui n’est plus un cadavre, comme je le ressen-tais un instant avant, mais cendre, seulement cendre. Mon Jé-sus !... Mon cœur n’est plus dans ma poitrine, tellement grande est son envie de vous aimer et de monter vers vous. Je ne dis pas bien, mon Jésus, ce cœur n’est pas le mien, et je ne sais même pas à qui il appartient. Où est-il le mien, mon Jésus ? À qui appartient celui-ci ? Tout est mort. Jésus, ayez pitié de moi. Ma volonté c’est la vô-tre, vous le savez bien ; oui, vous le savez bien, mon Amour. Re-gardez, je ne suis que misère, je ne suis que néant ; je ne peux rien sans vous. Ne m’abandonnez pas, mon Jésus. J’espère en vous ; j’ai confiance en vous. La lutte est terrible ! Écouter votre voix qui m’encourage et me confirme que tout cela est pour votre gloire, que c’est pour vous consoler, ne me suffit plus. J’en veux davan-tage, mon Jésus, j’ai besoin de plus, de bien davantage...
(...)
Le démon m’est apparu en diverses occasions, de jour comme de nuit; tantôt sous la forme d’un homme attaché par la ceinture, tantôt sous la forme d’un lion attaché par le cou. Il a essayé plu-sieurs fois de m’attaquer, mais n’est jamais parvenu à me toucher.
À côté de lui je me sens comme une enfant terrorisée, mais qui ne pondère pas le danger. Sous la forme d’un homme, il crache par terre et m’insulte, faisant semblant d’être écœuré de moi; d’autres fois il frappe des mains et ricane des sentiments malicieux dont il me juge capable et veut me convaincre que je suis fautive; d’autres fois encore, il prend des attitudes provocantes pour le mal.
Depuis que ces persécutions ont commencé, je sens, comme si mon corps était réduit en miettes, et mon intérieur, et mon cœur, sor-taient violemment de moi.
Mon cri, mon unique cri contre mon ennemi c’est : “Mon Jésus, je suis votre victime !”
(...)
Après la Communion, je me sentais découragée, abattue, je ne sa-vais rien dire à Jésus. Je m’efforçais de répéter très souvent :
— Mon cher Jésus, mon Amour, je suis toute à Vous !
Je n’ai rien dit d’autre pendant quelques minutes.
Jésus est venu :
— Cela me plaît beaucoup, ma fille, me console beaucoup, ma colombe bien-aimée, ton affirmation : “Mon Jésus, mon cher Amour, je vous aime, je suis toute à Vous”. Répète-la très souvent. Courage, ô mon aimée ! Ne crains pas les as-sauts du démon. Ce n’est que par ce sacrifice que tu peux réparer des crimes aussi graves. Donne-moi tout ce que je te demande pour ma gloire et pour le salut des âmes. C’est pour [t’aider à les supporter] que je t’ai donné un médecin très cher à mon divin Cœur.
Dis à mon cher Dom Umberto qu’il a été choisi par moi pour venir près de toi. Je n’interviens pas avec la fréquence qu’il aimerait pour l’étude [sur ton cas]. Mais, ayant reçu mes divines lumières, je veux qu’il aille vers ton Père spirituel,  tant aimé de mon Cœur, à qui j’envoie tout mon amour : ensemble ils soutiendront et défendront ma divine cause, aidés par ceux qui sont de mes amis et qui ont soin de tout ce qui me regarde. Va, ma petite fille, donne l’abondance de mon divin amour à tous ceux qui sont autour de toi et qui t’aident: ils Me sont tous bien chers.
Dis à mon cher Père Umberto que le parfum est un parfum divin,  c’est le parfum de tes vertus. Je dis cela parce qu’il en a besoin pour son étude.
(...)
Je me suis sentie obligée de m’agenouiller et de lever les bras au Ciel pour plus dignement louer le Seigneur. Je ressentais une envie irrésistible de me transformer en feu divin et de plonger dans celui-ci les cœurs et les âmes...
« J’étais un ver, dans un vaste cimetière... »
Aujourd’hui j’ai senti le démon au-dedans et à côté de moi. J’ai éprouvé une insupportable envie d’aimer Jésus, de lui donner des âmes, de le consoler, de le faire connaître. Toute remplie d’amour je lui répétais :
— Jésus, Jésus, amour, amour !
Dans cet état, je n’ai pu contenir les larmes au vu de ma misère, la fange dans laquelle je vis et qui me cause de l’horreur.
Mes désirs d’aimer ne valaient rien, tout était perdu. Je me sentais comme dans un vaste cimetière, presque sans vie, comme si je ne bougeais déjà plus. À peine couverte de cendres, je ressemblais à l’un de ces vers qui dans les pinèdes font leur résidence sous des monticules de terre et de bois en décomposition. Malgré tout cela, mon offrande à Jésus comme victime, inséparable de la crainte de l’offenser, restent toujours présentes. Paradoxe terrible et presque permanent : je vis sans vivre ; je souffre sans souffrir ; j’aime sans aimer.
« Je suis restée dans les ténèbres... »
Ce matin Jésus est venu, et descendant dans ce cimetière, il s’est joint aux vers et s’est recouvert des mêmes cendres. Il n’y avait que mort à l’intérieur de moi; une mort qui semblait se fondre dans le gémissement de toute l’humanité. Jésus n’a pas donné signe de vie au-dedans de moi : je suis restée dans les plus épaisses ténè-bres et dans une souffrance amère ; les âmes et l’amour de Jésus m’obligent à tout endurer...
« Acceptez mes larmes... »
Pendant deux jours j’ai mieux pu respirer: Jésus a daigné, pour quelque temps, soulager mes souffrances.
Aujourd’hui il m’a surchargée en plus du poids très aimant de sa croix. Je me sens aux portes de l’éternité. Deux violentes luttes avec le démon m’y ont propulsée. Mon Dieu, quelle terrible souf-france! J’ai lutté, j’ai imploré le secours de Jésus et de la Maman du Ciel, de saint Joseph... J’étais un monstre à l’intérieur d’un autre encore plus grand. Les yeux fixés sur le crucifix, j’ai répété des di-zaines de fois :
— Jésus, je suis votre victime. Acceptez mes larmes. Que chacune d’elles soient une mer d’amour dans laquelle je puisse cacher vos Tabernacles, afin qu’ils ne soient pas attaqués ni profanés par vos enfants.
J’ai souffert la première fois pour un prêtre qui se trouvait en grave danger, et la seconde fois pour tous les prêtres.
La rage du démon était terrible : il me semblait être entourée par une nuée ténébreuse qui m’empêchait de voir.
O mon Dieu, et les doutes d’avoir péché !… Je ne pouvais pas me souvenir que j’étais en présence de Dieu, que je l’avais en moi...
Il faisait déjà nuit quand Jésus est venu :
— Ma fille, entre toi et le démon, il y a une grande distance: entre vous deux, je m’y trouve. Ce sont des astuces à lui, mais ce qu’il te montre est faux. Je l’ai Moi-même attaché et je ne permets pas qu’il s’approche de toi.  Courage, mon aimée. Tu es à moi, toute à moi !
Je me suis sentie revivre et je me suis tranquillisée pour quelque temps.
« J’ai pleuré des larmes de soulagement... »
Hier, sans que je m’y attende, Jésus, attendri par ma souffrance, a fait venir ici le Père Umberto,  que je n’avais pas osé appeler. Ce ne fut qu’avec une certaine réserve que j’ai pu lui ouvrir mon âme: j’ai fait un énorme sacrifice pour parler;  je l’ai offert à Jésus pour ceux qui, par malice, cachent leurs fautes. J’ai pleuré des larmes de soulagement et de pudeur; mais aussitôt, une grande paix est en-trée en moi, en même temps que de mon âme s’échappaient toutes les ténèbres, les doutes et tout ce qui causait ma souffrance... Je me sens aujourd’hui libérée des attaques du démon, mais je sens dans mon âme de terribles menaces: il est comme attaché et muet...
« Ce sont des merveilles... »
Ce matin j’avais à peine fait ma préparation pour recevoir Jésus, quand monsieur le curé est arrivé. L’Attendu de mon âme placé sur la petite table et les cierges allumés, le cure m’a dit :
— Voici que Jésus vient te rendre visite et te tenir en peu compa-gnie. Le Père Umberto viendra te le donner après.
À peine monsieur le curé était parti,  une force provenant je ne sais d’où m’a obligée de me lever. Je me suis mise à genoux devant Jé-sus et je me suis inclinée vers Lui. Mon visage et mon cœur n’avaient jamais été aussi près de Lui. Quelle félicité la mienne ! Je l’ai intensément prié pour moi, pour tous ceux qui me sont chers et pour le monde entier. Je me suis sentie brûler dans ces flammes divines.
En outre, Jésus m’a parlé :
— Aime, aime, ma fille, n’aie pas d’autre préoccupation que celle de m’aimer et de me donner des âmes. Là où est Dieu rien ne manque : victoire, triomphe !
Je demandé aux anges de venir chanter des louanges avec moi. J’ai beaucoup chanté jusqu’à ce que le Père Umberto me donne l’ordre de me remettre au lit.  Enflammée par l’amour divin, j’ai fait ma Communion.
Quelques instants après Jésus m’a dit :
— Ce sont des merveilles, ce sont des preuves que je donne. Dis, ma fille, à mon cher Dom Umberto que ce fut bien Moi qui le permit. Plus rien n’est nécessaire de ma part. Main-tenant il ne reste plus qu’à lutter, lutter, combattre le re-gard fixé sur Moi. La cause est mienne, elle est divine ! Pauvres hommes qui immolent de la sorte mes victimes ! Pauvres âmes qui blessent ainsi mon divin Cœur ! Je me console dans l’amour de cette colombe innocente, de cette victime tant aimée, maîtresse de mes trésors et de toute ma richesse. Que le monde entier vienne, qu’il vienne vite boire à cette source. C’est de l’eau qui lave et purifie, c’est un feu qui brûle et sanctifie.
— Mon Jésus, je vous aime, je suis toute à vous, je suis votre vic-time...
« Combien d’âmes reculent... »
— Combien d’âmes reculent !
Beaucoup, dès le début, beaucoup d’autres à moitié chemin. Elles veulent tout recevoir de moi, mais rien me donner ! Elles veulent réparer, mais sans immolation ni sacrifice.
Si tous les maîtres et sages de la sainte Église compre-naient sérieusement, profondément, ma vie divine dans les âmes, je serais bien plus aimé ; je recevrais bien plus de réparation.
« Attention, Portugal !... »
— Écris tout, et donne-le à ceux qui prennent soin de toi et de ma divine cause. Cela suffit; ils résolvent tout.
Ma bien-aimée, dis au monde qu’il écoute la voix de Jésus résonner sur la plus haute montagne, au milieu de la plus terrible tempête.
Qu’il y ait changement de vie, que l’on prie, que l’on fasse pénitence.
Ou bien feu, sang et condamnation, ou réconciliation: feu de l’amour divin, paix et pardon.
Attention, Portugal ! C’est Jésus qui te met en garde par les lèvres de sa victime. Attention, monde entier ! Écoute la voix de Jésus ! Lève-toi, amende-toi, réconcilie-toi ! Écoute le Père qui t’appelle, te met en garde, qui veut te sauver.
Une pluie de sang...
Je suis morte, morte au monde, morte à tout. L’infime souffle de vie qui, depuis déjà un certain temps agonisait, s’est éteint. Cette force qui traînait la vie le long d’un immense cimetière, a complè-tement disparu.
(...)
Depuis quelques jours déjà, une pluie de sang qui venait d’en-Haut, a commencé à tomber. Il pleut du sang, continuellement. Cette pluie a tout d’abord mouillé et imbibé les cendres; ensuite, elle les a lavées jusqu’à ce qu’elles disparaissent; il n’en reste plus rien. Et le sang continue de tomber d’en-Haut. Il tombe sur ce qui est propre; il n’y a plus rien à laver. O mon Dieu, comment puis-je parler d’une chose qui n’existe pas !
(...)
Je veux souffrir, je veux réparer pour tous ceux qui pèchent en ce moment. Des heures se sont ainsi passées et je rentrais en moi pour parler aux Personnes divines de mon âme. Combien de fois je sens en moi leur royale présence ! Je sens l’Esprit Saint sur son trône, le trône de mon cœur, entre le Père et le Fils, et, eux, sur-tout, battent de leurs ailes blanches comme pour me réveiller et me dire qu’ils sont présents. Il m’éclaire de son amour, me gratifie des effusions de son divin feu... O si toutes les âmes connaissaient et sentaient en elles la présence du Père, du Fils et du Saint-Esprit !
Visiteurs de toutes parts...
Jour après jour ma vie devient de plus en plus, à chaque moment, pénible et triste. L’ordre d’obéir m’oblige à vivre cachée, à ne rece-voir plus personne, devenant ainsi, petit à petit, oubliée. O mon Dieu, s’il ne tenait qu’à ma volonté, c’est cela même que je vou-drais, mais quel leurre ! Plus on me veut cachée, plus on me fait connaître. Des visiteurs arrivaient de toutes parts. La curiosité des médecins a été éveillée.
— Oh âmes, âmes, si vous saviez les souffrances qu’il faut endurer pour vous sauver !
— O mon Jésus, combien élevé est le prix pour la conquête de votre amour !
Ce matin, quand je me préparais pour la visite de mon Aimé, je me suis sentie triste et amère : mon Dieu, vous recevoir ainsi, si rem-plie de misère !
— Ayez pitié de moi, Jésus ! O Petite-Maman, purifiez mon cœur, mon corps et mon âme ! Préparez-moi pour la visite de Jésus !
Il est venu et m’a rassérénée : je le sentais dans mon âme. Il adoucit ma douleur en m'unissant toute à Lui.
Quelques instants après on m’a apporté la nouvelle que mes écrits, que nous croyions perdus et que le démon m’affirmait avoir dans sa main, étaient arrivés à destination.  J’ai éprouvé une très grande joie et, étant donné que je venais de recevoir Jésus, j’ai profité pour le remercier plus intimement.
Peu après les visites ont commencé : Jésus m’a donné la force pour affronter d’aussi grands sacrifices.
Vers 14,30 heures cinq hommes sont entrés dans ma chambre ; j’ai eu aussitôt le pressentiment que l’un d’eux était médecin. Ils m’ont interrogée. Je ne sais pas pourquoi mon regard se fixait plus parti-culièrement sur l’un d’eux. J’ai su ensuite que celui-ci était méde-cin. Habitée par mon pressentiment, je répondais à toutes les questions et cherchais à m’expliquer de la meilleure manière que je pouvais sur ma maladie. Ce n’est pas pour autant que j’étais se-reine. O Jésus, vous seul savez tout ce que cela m’a coûté ! Mon Dieu, quand tout cela sera-t-il fini ? Certainement seulement avec ma mort.
Je répondais aussi avec fermeté, car la vérité n’a qu’un seul che-min. Ensuite ils ont porté la conversation sur l’alimentation. Quel rude coup ! Si seulement tout le monde l’ignorait !
— Alors, pourquoi ne mangez-vous pas ?
Je ne savais pas si je parlais à des personnes religieuses ou pas, toutefois, sans respect humain, j’ai répondu :
— Je fais la Communion tous les jours.
Il s’en est suivi un long et profond silence : pas un geste, pas un sourire. Peu après ils ont pris congé avec respect et délicatesse.
— Jésus, ma Petite-Maman, divin Esprit-Saint, donnez votre lu-mière à ces âmes : qu’elles soient à vous et suivent votre chemin.
Que mes humiliations et mes sacrifices soient salut pour tous.
« J’étais sur la croix... »
Avant quinze heures, j’ai senti dans ma tête les épines si profon-dément, qu’il me semblait, parfois, que ma tête se couvrait tout entière de sang.
J’étais sur la croix ; j’étais sur le Calvaire, sans lumière, sans joie, sans vie.
Qui n’a pas de vie, comment peut-il sentir ?
O mon Dieu, combien grands sont vos mystères !
« Je me suis sentie un rien... »
Fête du Christ-Roi. Au petit matin, lors de la préparation à la Com-munion, je me suis engagée à consoler Jésus : j’ai demandé à la Maman du Ciel de lui offrir mes prières et tous mes actes pour sa plus grande gloire et afin qu’il règne sur le monde entier et dans tous les cœurs. Je me suis offerte à Jésus par Marie...
Beaucoup de personnes sont venues me rendre visite : des deman-des étranges et désagréables m’ont fait beaucoup souffrir. Que tout cela soit par amour de Jésus et Marie ! Ce sont Eux qui me donnent la force pour sourire à tous et cacher ainsi ma souffrance.
Je me suis sentie un rien : un rien qui n’existe plus ; je me suis sentie morte et, avec moi, morte aussi toute l’humanité ; mais il s’agissait d’une mort qui n’avait jamais eu de vie.  Qu’en sera-t-il de moi, mon Dieu ? Quel tourment ! Dans cette mort émergeaient des anxiétés presque insupportables d’aimer Jésus : aimer sans sentir, aimer sans connaître l’amour.
Je joins cette note : de terribles menaces du démon m’ont tour-mentée et m’ont remplie de peur et de terreur.
Mon Dieu, je ne veux que ce que vous voulez. Je suis prête à tout. Ne permettez pas que je vous offense.
Luttes indescriptibles
Le démon est menteur, mais cette fois-ci il ne l’a pas été. Hier, avec des paroles grossières, il m’ordonnait de me préparer pour la nuit. Il a été de parole. Je ne sais pas avec précision, mais proba-blement vers les 22 ou 23 heures, il est venu avec toute la fureur et la malice infernales. Je ne veux même pas y penser. Quelle hor-reur ! J’ai lutté pendant longtemps.
Ma peur était qu’il arrive à obtenir de moi que je dise :
— Je ne veux pas Jésus ; je ne veux pas Marie ; je ne veux pas le Ciel. Je les hais ! Je leur tourne le dos ! Je veux le plaisir, je veux jouir.
Je ne peux pas le jurer, mais je crois que je ne l’ai pas dit.
Ce n’était que de temps à autre que je pouvais appeler Jésus et la Petite-Maman, m’offrant comme victime.
Dans les moments pendant lesquels il me semblait pécher sans au-tre possibilité, j’étreignais, comme je le pouvais mon crucifix et la Maman  du Ciel, leur disant :
— Aimer, oui ! Pécher, non !
L’affliction de mon cœur a été si grande que pendant longtemps j’ai cru mourir.
Je me rappelais ensuite des promesses de Jésus et cela me ré-confortait.
Je veux le Ciel, mais je veux une mort d’amour. Je ne veux pas mourir entre les mains de Satan.
Je me voyais au bord d’un horrible précipice. Parmi les ténèbres de cet abîme on voyait de gros crochets, bien visibles. Très épouvan-tée parce qu’il me semblait que j’allais y tomber sans la moindre possibilité de m’en échapper, je me suis évanouie. Mon cœur bat-tait très fort: ma mort semblait éminente. Ce n’était que mentale-ment que j’arrivais à dire :
— O mon Jésus, si seulement je ne péchais pas, cette souffrance m’importerait peu !
Je suis ainsi restée dans cet accablement et cette triste agonie : le péché, le péché, quelle préoccupation !...
Mais Jésus est venu et m’a parlé :
— Tu ne pèches pas, tu ne pèches pas, ma fille ! Aie confiance, aie courage ! J’exige de toi cette réparation. As-tu vu cet abîme ? Par ta souffrance tu évites à un grand nombre d’âmes d’y tomber. Pendues à ces crochets elles restent prisonnières pour toujours...
« Jésus, je veux vous aimer !... »
Toussaint. — Très tôt, au petit matin, pendant que je me préparais à recevoir mon Jésus, j’ai chargé les Saints d'aimer pour moi Jésus, la Petite-Maman et la Très Sainte-Trinité. Dans le doute d'avoir of-fensé mon Jésus  je Lui ai demandé pardon à plusieurs reprises pour tous mes péchés et j’ai prié la Vierge de Lui demander, Elle aussi, pardon pour moi : je voulais faire une communion très fervente et sainte.
Jésus est venu, et a ravivé en moi le désir d’un amour toujours plus grand. Assez troublée par ma misère, je n’osais pas fixer sur Lui mon regard ni Lui parler... Je cherchais à me cacher sous toutes les montagnes ; et je l’ai fait: j’ai couru vers celles-ci et toutes, elles sont tombées sur moi. Alors j’ai pu m’écrier :
— Jésus, mon amour n’a d’autre fin que de vous aimer. Je veux vous aimer, mais non pas pour paraître ni pour plaire aux créatures.
J’ai continué de demander l’amour de Jésus, sous le poids écrasant des terribles montagnes.
Je voulais vivre la vie du Ciel, dans la pensée de tout ce que se passait là-haut, en ce jour. Je voulais fêter les saints et louer le Seigneur avec eux, mais je ne le pouvais point. Je criais seule-ment :
— Jésus, je veux vous aimer !
Mais mon cri n’était pas entendu, ne sortais pas, restait suffoqué par les rochers.
— Que faire, mon Dieu ? J’accepte avec joie tout ce qui m’arrive de vos mains bénies. Je suis à vous et tout cela est pour vous.
De temps à autre, parmi ces désirs d’amour, intervenaient les me-naces du démon, jusqu’au moment où, la nuit arrivant, il est deve-nu furieux. Il utilisa tous les moyens et tous les noms mauvais ; il a même trouvé le moyen de me faire sentir dans l’âme des désirs de pécher.
Ce sont des choses à lui, car moi, je ne veux pas pécher. Je préfère des millions d’enfers à la plus petite faute...
« Tu es la reine de la douleur... »
— Ma reine ! Tu es ma reine, parce que je suis ton Roi, je suis sur ton trône, je règne en toi, tu es donc ma reine...
Je te donne encore davantage : le titre de reine de la dou-leur, reine de l’amour, reine des pécheurs. Tu régneras, tu triompheras sur eux.
(...)
— Je suis ton Époux, je suis ton Roi, Seigneur de tout ton être. Je t’ai fait dépositaire de tout ; je t’ai donné toutes mes richesses... Je t’ai fait puissante sur la terre et dans le Ciel... Bienheureux les pécheurs qui, au moment de leur mort, auront quelqu’un qui te les recommande et te les confie... Tu régneras, tu triompheras sur eux.
« O ma fille, ô bien-aimée de mon Jésus !... »
Jésus m’a déposée entre les bras de la Maman du Ciel. Avec com-bien de douceur et si affectueusement Elle m'a embrassée ! Mon visage était tout contre le sien, couvert de tendresse et de ses ca-resses! Je peux le dire : plus jamais je ne me suis sentie de la sorte. J'ai eu un avant goût du Ciel. J'avais l'impression d'être en-veloppée par un nuage.
— Maman, ma Petite-Maman, quel bonheur le mien !... Qu'est-ce que ce sera alors de jouir de vous au Ciel et pour toute l'éterni-té !...
— O ma fille, ô bien-aimée de mon Jésus, aie confiance, confie ! Dans peu de temps, bien peu, pour toi ce sera le Ciel, la joie éternelle. Je te le confirme, ma fille, les paroles du tien et mon Jésus : tu ne l'offenses pas.  J'ai compassion de toi, de te voir au milieu d'aussi cruelles luttes, sachant combien tu aimes la pureté : c'est pour cela que je t'aime et que Jésus t’aime, Lui aussi. Il a besoin de ta réparation. Si seulement tu savais combien Il est offensé par les man-quements fréquents à la vertu de la sainte pureté !
Elle m’a caressée de nouveau et Elle-même m’a confiée à Jésus.
— Prends, mon Fils, prends ta fille. Donne-lui maintenant ton amour, comble-la de tes tendresses.
(...)
Prise dans les affres de l’amour, et la douleur amère de mes fautes, le divin Esprit Saint a agité ses ailes, dans la partie la plus intime de mon âme. Il a fait avec moi comme les oiseaux font avec leurs petits, dans leur nid. Avec son bec de feu divin, il a alimenté mon cœur et ensuite, l’introduisant entre mes lèvres, il a alimenté tout mon être. Je me suis senti une vie toute nouvelle. Je pouvais aimer et servir mon Jésus. Ces moments sont brefs ; je retourne presque aussitôt sur ma croix, presque aussitôt je me retrouve sans vie.
« Bergère de Jésus... »
— Ma fille, tu es mon palais, le richissime tabernacle où j’habite. Ma fille, reine du martyre, reine de l’immolation. Reine oui, parce que ton martyre est supérieur à tout autre martyre et immolation. C’est pour cela que tu es reine. Ma fille, ma belle colombe, étoile étincelante, c’est par ton éclat et ta pureté que tu attires les âmes et les conduis à mon divin Cœur...
Courage, ma petite bergère ! Quand tu seras au ciel, on t’invoquera sous le titre de Bergère de Jésus et sous tous les titres sous lesquels je t’ai appelée.
(...)
L’après midi, je me suis sentie plongée dans une nuit obscure. Il me semblait que mon corps et mon âme tremblaient, comme s’il s’agissait d’une branche souffle par le vent. Les yeux de mon âme, et non pas ceux de mon corps, fixaient le ciel, sans savoir com-ment. Mon esprit s’exclamait : “Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonnée ?” À cette exclamation, d’en-Haut, sont des-cendus sur moi, divers reflets, comme des reflets d’un soleil ra-dieux. Ces reflets venaient, comme des flèches, me pénétrer le cœur et l’âme; ils me donnaient la force de supporter ma grande frayeur.
« Mon âme vivait la tempête... »
(...)
Mes souffrances sont diverses. À certaines heures mon esprit vogue dans l'air, toujours plongé dans d’épouvantables ténèbres, sans trouver un endroit où il puisse se reposer un peu. Je veux sortir, je veux m’en aller, rejoindre le Ciel ; mais je ne le vois pas, je ne le trouve pas : pour le moment il n’existe pas. Jésus et la Petite-Maman n’y sont pas; ils n’entendent pas le cri qui les appelle, ne voient pas l’anxiété et le martyr de ce pauvre esprit. O mon Dieu, tout est perdu !
— O Jésus, pourquoi tant de souffrance ! Le Ciel n’existe-t-il pas ? N’y a-t-il plus d’âmes à sauver ? Tout a cessé d’exister.
O Jésus, je suis toujours votre victime, je crois en votre existence ! Je crois au Ciel où vous habitez et qui m’attend pour vous y aimer et vous y louer.
(...)
Tristes heures, tristes jours de mon existence... Heures terribles de grande confusion... Mon âme avait des fracas de tempête...
(...)
Mon Dieu, quelle destruction! Devant moi une épouvantable mon-tagne: je ne peux y monter, je ne peux pas non plus revenir sur mes pas.
Tout à coup je me suis retrouvée à genoux, les yeux tournés vers le Ciel et j’invoquais les noms de Jésus et Marie. J’ai crié fort du plus profond de mon âme mais mon cri n’est pas arrivé là-haut : il se dispersait contre les rochers de la montagne, il s’imbibait dans mon sang et dans mes chairs lacérées par les épines, pour mourir avec moi.
(...)
Le démon ne me tourmente pas de ses assauts, mais avec des arti-fices et des paroles scandaleuses. Il vient tout près de moi comme pour m’agresser, mais il ne me touche pas. Il me menace en me disant :
— Je dois détruire ton corps.
Et il ajoute beaucoup d’attitudes dégoûtantes.
— Pèche quand tu veux et comme tu veux !
Et faisant semblant d’être très content, il applaudit, danse et conti-nue ses ricanements.
— Regarde : Dom Umberto et le médecin ne reviendront plus ici ; ils t’ont abandonnée ; ils te croyaient une inno-cente alors que tu n’es qu’une...
Et il m’appela de tous les pires sobriquets. Avec d’autres ricane-ments il ajoute :
— Ils ont été interdits de venir ici.
— Mon Jésus, le père du mensonge ne me laisse pas. Il est mon ennemi, mais le votre aussi. J’ai besoin de quelqu’un qui me sou-tienne. Donnez-moi courage. Ne me laissez pas commettre le pé-ché. Je suis très pauvre, donnez-moi vos richesses; je suis dans l’obscurité, donnez-moi votre lumière. Je suis à vous, Jésus, je vis pour les âmes.
(...)
Mon agonie se transforme. O quelle horreur, quelle horreur, terrible horreur !
Mon Dieu, que m’arrive-t-il maintenant ? Mon âme est morte ; tout ce qui m’appartenait est mort. La mort de mon pauvre corps a été causée par les misères, la méchanceté, les crimes honteux. Sans âme, sans vie, sans rien, comment puis-je encore être là ? À qui appartiennent cette douleur et cette agonie ?
Jésus, je ne sais pas !... O, quelle triste confusion ! C’est presque du désespoir. O mon Jésus, ô Petite-Maman, qu’en sera-t-il de moi, si vous ne venez pas à mon aide ? Si vous, vous me manquez, qui pourra me soutenir. Sang de Jésus, douleurs de Marie, soyez ma force dans ce martyre, car si j’y suis, c’est par amour pour vous, pour l’amour des âmes. Je ne peut pas me complaire de la mort de mon âme ; j’ai envie de me révolter contre vous ! Je pense aux condamnés à l’enfer ! Combien plus pénible ne sera-t-il pas d’être condamnée pour toute l’éternité !
« Je détruirai ton corps... »
Nouveaux assauts du démon : cette nuit il est venu animé par une grande fureur...
— Je détruirai ton corps. Tu peux vivre aussi bien des plai-sirs, que d’amour. Il est bien plus agréable de pécher. Je t’entraînerai dans les plaisirs.
Ensuite, en ricanant :
— Tu vois ? Dom Umberto et le médecin ne reviendront plus ici: ils en ont été interdits.
Et il ajoutait des sobriquets indécents.
Le démon, quelquefois, a dit la vérité.  Depuis quelques jours j’avais le pressentiment que l’on avait interdit le Père Umberto de venir me voir...
La lutte contre le maudit s’est prolongée pendant longtemps... Je suis restée exténuée de tant lutter.
(...)
Le matin suivant, quelques heures après la Communion, en voyant les miens manger des mets qui me plaisaient, j’ai ressenti une grande nostalgie, presque insupportable, de m’alimenter.  Mais je suis restée silencieuse, offrant à Jésus le sacrifice et la nostalgie des aliments, pour ceux qui n’ont que du désir pour le péché et s’alimentent de choses qui offensent Jésus.
Un coup douloureux
Il était déjà tard quand j’ai eu des nouvelles qui confirmaient mes pressentiments. Mon Dieu, quelle profonde blessure dans mon cœur! On ne me le dit pas, mais j’ai été convaincue que le Père Umberto avait été interdit de venir jusqu’ici. Pour moi-même, j’ai dit : “Que la volonté du Seigneur soit faite! Bénie soit ma croix !”
J’ai pu lever mes mains et réciter le “Magnificat”, comme action de grâces.
— Acceptez, mon Jésus, encore cette offrande.
Une force inexplicable envahit mon cœur: je voulais chanter des hymnes de louange et d’actions de grâces. J’ai récité les prières du soir avec beaucoup d’enthousiasme et beaucoup d’énergie. Et puis ce furent des larmes, beaucoup de larmes autour de moi. J’ai adressé quelques paroles de réconfort, mais cela ne servit à rien. À côté de moi je voyais se creuser une sépulture pour ma sœur et c’était moi qui la creusait.
— C’est moi, mon Jésus, qui suis en train d’ensevelir Deolinda, mais involontairement.
Et mon cœur saignait au profondément.
— O Jésus, ô Petite-Maman, que tout cela soit par amour pour vous et pour les âmes ! Que je reste seule, que tous m’abandonnent; mais Vous, ne m’abandonnez pas ! J’ai confiance, j’ai confiance en Vous.
« J’ai tout confié à Jésus... »
(...)
Une crainte m’a envahie. Avec les pressentiments que j’avais eus et qui s’étaient réalisés, et qui me faisaient tant souffrir, j’ai attendu le curé avec anxiété, pour voir s’il me disait avoir reçu l’ordre de ne plus me donner Jésus. Il est venu ; il ne m’a rien dit, mais la crainte continue. N’y aura-t-il que cela ? On m’a tout enlevé, sauf Vous, ô Jésus ! Tenteront-ils de le faire ?
— O mon Dieu, je mérite tout cela à cause de mes méchancetés et de mes misères ! Je suis sûre, mon Jésus, que s’ils procèdent de la sorte, vous y suppléerez d’une autre façon: je le sais bien, je ne vis que pour Vous.
Un prêtre est arrivé de Mogofores   avec une famille. Cela me fut bien difficile ! De nouvelles épines m’ont blessée, car celui qui com-prenait si bien mon âme, n’est pas venu. J’ai cherché à cacher ma douleur par un sourire. J’ai expliqué mes pressentiments ; on m’a répondu en voilant le plus possible la vérité, mais j’ai tout compris. En prenant congé de lui, je ne sais pas expliquer la profonde dou-leur que j’ai ressentie. J’ai expérimenté une grande nostalgie de celui que la bêtise des hommes m’avait enlevé. J’ai tout confié à Jésus, pour tous j’ai demandé son pardon et son divin Amour.
Volonté de mon Dieu, combien je te désire et combien je t’aime !
Je me suis sentie plus forte, et ainsi j’ai pu couvrir, par mon sourire la douleur qui broyait mon âme...
« Que de leçons tu donnes au monde !... »
— Donne aux âmes ce que je te donne; donne aux âmes ta vie intime avec moi. Que de beautés, que de leçons tu don-nes au monde !
Bénie de mon Père, dépositaire de tout ce qui est divin ; puissante en tout, mais de tous les pouvoirs qui concernent les âmes...
O auxiliatrice des pécheurs, aide-les, lave-les dans le sang de ta douleur, purifie-les dans la plaie de ton cœur, plaie qui saigne uniquement pour eux et pour moi !...
« Mon nom parcourt le monde... »
Je dicterai ce qui se passe dans mon âme pour obéir, non pour sa-tisfaire mes désirs.
J’ai toujours devant moi l’énormité de mes misères passées et je crains toujours de nouvelles chutes.  Quelle horreur, de voir tou-jours ce que j’ai été ! Comment puis-je, moi qui ne suis que misère, dire quelque chose de bien ? Elles sont bien tristes ces pensées et ces craintes! Ma confusion augmente, me voyant les mains vides... Je me mets en présence de Jésus sans rien, rien. Mon Dieu... sans vie pour pratiquer le bien, et sans amour pour vous aimer ! Pour aimer et pratiquer le bien, la vie est trop courte, et je ne la sens pas, je ne l’ai pas. Au contraire, dans l’attente de venir à Vous, ô Jésus, pour vous aimer et vous louer éternellement, même une heure devient une éternité ! Comment puis-je rester ici ? Ma vie qui appartient à je ne sais qui s’est enfouie là-haut et de là contemple le lieu où elle a laissé ce pauvre corps... elle lutte et souffre d’une manière que je ne sais même pas exprimer.
De dedans sortent des ondées de feu, feu qui brûle même ma lan-gue. Souvent je demande un peu d’eau pour mes lèvres, pour  dire d’étancher ma soif. Impossible ! Les ardeurs ne cessent pas et je demande que l’on me donne de l’eau que je ne peux même pas avaler. Combien souffrent les damnés !...
Je continue d’entendre au loin les horreurs de la tempête. Je sens des cœurs révoltés contre moi: ils tentent d’effacer mon nom, ils tentent d’étouffer tout ce qui existe en moi, tandis que moi, entre ces quatre murs, je souffre l’indicible. Mon nom parcoure le monde comme une feuille que la tempête entraîne. Je suis poursuivie et calomniée.
— Par qui, mon Jésus ? Vous le savez ! C’est pour toi et pour les âmes.
Je sens mon corps comme une masse de sang; je le sens comme étant placé entre deux montagnes qui l’écrasent jusqu’à le faire disparaître, le réduisant à néant...
Mon Dieu, tout est mort, tout est perdu ! Et je suis seule, sans per-sonne ! Entre ces deux montagnes, lieu de supplice, il ne rentre pas un rayon de lumière. Qui pourra me secourir ? Il n’y en a aucun. S’il en était possible et que moi je l’ai pu, j’irais à genoux demander de l’aide, afin que l’on libère celui qui souffre tant et duquel je souffre l’absence. Combien je recevrais davantage de lumière et combien davantage d’amour recevrait Jésus ! Si je le pouvais, j’irais à ge-noux devant ceux qui me font souffrir, pour leur demander :
— En quoi vous ai-je offensé, pour que vous me traitiez de la sorte ?...
(...)
Cela s’est passé la nuit, je ne sais pas à quelle heure : j’ai vu à côté de moi la Vierge de Fatima. Elle ne s'est pas arrêtée, Elle ne m’a pas parlé. J’ai compris qu'Elle était venue pour me montrer que je ne me trouvais pas seule, qu'Elle était à côté de moi.
Libérée ainsi de la tristesse qui m'habitait, une douce suavité m'en-vahit et alors j’ai pu m'endormir.
« Ma fille, ta douleur est ma consolation... »
(...) Aujourd’hui, après la Communion je me suis épanchée avec mon Jésus pour soulager ma souffrance, mais sans en attendre une réponse. Jésus incendia d’abord mon cœur avec de vives flammes... Puis il a commencé à me parler :
— Ma fille, ta douleur est ma consolation ; tes larmes sont pour moi des sourires, par la réparation que tu me procu-res. Courage pour toutes les épreuves passées et celles qui peuvent encore venir. Tu as ton Jésus. Que peux-tu crain-dre ? Tu as la grâce et la force pour combattre et vaincre des milliers de mondes. La victoire est mienne, seulement mienne. La gloire est mienne et de ceux qui en ont le soin de mes affaires.
J’ai acquis une nouvelle force et mon âme a été réconfor-tée. Cela a peu duré et je suis retombée dans la souffrance habituelle...
« Restez, Jésus, cela me suffit... »
(...)
Hélas ! le vendredi et le premier samedi arrivent: deux jours pen-dant lesquels vous me parlez. O Jésus, il a tant d’âmes qui ne connaissent rien de tout cela et qui pourtant vous aiment et sont saintes ! Moi aussi je pourrais vous aimer sans toutes ces choses. Eussé-je ma volonté ! Mais je ne l’ai pas et je ne la veux pas.  C’est toujours pénible pour moi quand vous me donnez des consignes à transmettre à d’autres personnes. Quelques fois je l’ai fait, mais très peu. Je ne suis pas capable de le faire sinon par écrit et si par un quelconque motif j’y suis obligée; cela me coûte un énorme sa-crifice. Si cela n’est pas indispensable, je ne dis jamais : « Écoute ce que Jésus a dit... », même avec ma sœur, je ne prends jamais cette liberté ; je n’y arrive pas, j’ai honte.
Si le Seigneur se lamente de personnes en général, sans les nom-mer, quand je dicte, je me sens intimidé, j’aimerais l’occulter en disant le moins possible. Il en de même quand il parle de moi avec louange : Jésus seul sait combien cela me gêne et me fait souffrir.
Il était 14,30 heures quand j’ai entendu des pas. J’ai compris aus-sitôt qu’il s’agissait de monsieur le Curé. Quand je l’ai vu seul, sans que d’autres l’accompagnent, j’ai tout de suite compris que l’heure de nouvelles épreuves était arrivée.
Il est entré, s’est assit et, avant toute autre chose il m’a demandé qui était mon directeur spirituel, en ajoutant de suite :
— Je fais ceci, parce que j’y suis obligé. Cela me coûte beaucoup; mais aie patience : il est nécessaire que je procède ainsi car j’ai re-çu de nouvelles consignes, afin que certaines choses soient éclai-rées. Tu ne peux plus te confesser au Père Umberto. Moi-même je ne peux plus l’autoriser à célébrer la messe dans l’église paroissiale et non plus lui permettre de te porter la communion, sauf s’il me présente une autorisation écrite de l’archevêque.
Je Lui ai répondu :
— Nous obéirons, Monsieur le Curé. Béni et loué soit le Seigneur !
Il m’a demandé si je savais pourquoi il s’était rendu chez moi. J’ai répondu que je l’ignorais.
— Mais lui, est-il ton directeur spirituel ?
— Je me suis confessée à lui deux ou trois fois. Je ne suis pas la seule à le faire. Toutefois, j’avais remarqué qu’il comprenait bien mon âme. Mon confesseur c’est le Père Alberto Gomes et çà vous le savez.
— Mais est-il ton directeur ?
— Il m’a dirigée. Toutefois il m’a dit qu’il ne voulait en aucun cas s’ingérer ou se substituer à quelqu’un d’autre: c’est-à-dire le Père Pinho et le confesseur. Il ajouta même qu’il était convenable que le Père Alberto soit au courant que je m’étais confessée à lui.
Monsieur le Curé, avec beaucoup de charité m’a dit :
— Le Père Umberto peut venir ici te visiter, et peut aussi te conseiller par écrit.
L’interrogatoire terminé, il s’en alla.
À peine monsieur le curé était sorti, qu'une personne de la famille est entrée dans ma chambre, pour me demander s’il y avait du nouveau. En souriant je lui ai répondu :
— Ce sont les caresses de Jésus.
Et j’ai continué de sourire pendant toute la conversation. J’avais en moi une telle force que j’aurais été capable de tout accepter avec résignation et joie. Mais cette force devait durer peu de temps. J’ai pu encore dire à ma sœur quelques paroles de réconfort :
— Ne t’attristes pas ! Si Dieu est avec nous, qui pourra être contre nous ? Jésus est digne de tout notre amour. Que tout ceci soit en faveur des âmes.
Petit à petit je me suis écroulée sous le poids écrasant de la dou-leur: le cœur sembla s’arrêter par deux fois et il me semblait que j’allais perdre la vie. Quelques larmes me sont échappées : je les ai offerts à Jésus comme autant d’actes d’amour.
— Mon Dieu, par votre grâce, je n’ai aucun attachement au monde, non plus qu’aux créatures. Ce que je souhaite c’est vous recevoir, et peu m’importe que ce soit par un prêtre d’ici ou d’ailleurs. Vous êtes toujours le même, Jésus; vous êtes toujours le Désiré de mon âme. J’ai besoin de lumière et de quelqu’un qui me comprenne, et je suis privée de tout. Que votre volonté soit faite. Restez, Jésus, cela me suffit.
Mon médecin est arrivé et je me suis confiée à lui. Il m’a encoura-gée comme toujours. En prenant congé il ajouta :
— Alors, avez-vous du courage ?
— J’en ai, docteur, mais j’ai aussi un cœur pour souffrir ! Si seule-ment je ne l’avais que pour aimer !...
Le soir j’ai récité le “Magnificat” deux fois...
Je sens, mon Jésus, que mes épreuves ne s’arrêteront pas là. Arrive ce qui doit arriver : restez toujours avec moi. J’ai confiance, j’ai confiance et j’espère en vous.
« Je ne veux pas de vengeance... »
Un jour passe, passe une année, une autre encore, et moi, je me trouve toujours au milieu de souffrances de plus en plus grandes. Je ne sais pas comment peut-on souffrir de la sorte; comment peut-on résister à autant ? Je ne veux pas dire que je souffre, car ce n’est pas moi qui souffre: c’est Jésus qui souffre en moi. Mon âme a laissé la terre, mais continue de ressentir la douleur: elle se sent broyée, détruite...
Mon Dieu, combien coûte cette séparation de l’âme du corps ! Combien coûte de ne pas avoir de vie et de ressentir la douleur ! Tous s’éloignent de moi : je ne sens pas la présence de l’Esprit Saint ; je ne ressens pas de l’amour pour Jésus. De temps à autre j’ai envie de l’aimer : ce ne sont que des envies; c’est un amour qui naît pour mourir de suite, c’est un feu qui consume, mais qui est éteint; on ne voit aucun signe de flamme. O douleur qui tue l’amour ! O douleur, à qui appartiens-tu et pour qui souffres-tu !
— Jésus, je suis sur la cime du calvaire, clouée sur la croix. Ma peur et mon cri ne s’arrêtent pas. Pauvre de moi ! Mais il n’est pas en-tendu: il est étouffé par le souffle des vents, par la fureur de la tempête qui ne s’arrête pas, qui continue toujours. Il est étouffé par les hurlements de l’humanité révoltée contre moi.
Du haut de la croix je ne peux lever mes yeux vers Vous, ô Jésus ! J’ai honte, j’ai l’impression de ne pas être écoutée de vous...  Dans ma détresse, je suis allée jusqu’à demander au docteur si je pou-vais m’enfuir dans un endroit où personne d’autre ne me trouve.
— Mon Jésus, j’aimerais partir, non pas pour m’enfuir, mais pour être oubliée, pour ne pas être une entrave pour les âmes, pour ne pas causé des troubles, comme le dit quelqu’un. Je ne demande pas vengeance, pour celui qui me fait souffrir. Je souhaite pour eux ce que je souhaite pour moi: abondance de grâces et l’Amour su-prême. Ce ne sont pas des paroles sorties uniquement de mes lè-vres ; elles viennent du plus profond de mon cœur et de mon âme...
O Jésus, je n’ai jamais cherché à tromper quelqu’un ! Cela ne m’est jamais venu à l’esprit de faire du bien pour être agréable aux créatures et pour passer pour quelqu’un de bien. Mais j’ai eu la tentation de Vous tromper, mon Jésus. Je sais que cela aurait été impossible ; mais vous savez que je ne l’ai pas pensé, que je ne veux pas passer pour ce que je ne suis pas. Grâces à vous je connais ma misère ; je suis mauvaise par ma propre faute, rien que par ma faute. Et par votre grâce, je confesse humblement l’être. Jamais je n’ai pensé me servir de vous pour remédier à mes maux, ni à ceux des miens;  mais uniquement pour implorer votre secours et être toujours confiante dans vos moyens... Si seulement je pou-vais, Jésus, descendre de mon lit, passer la nuit sur le dur parquet pour faire pénitence et implorer vos divines grâces pour tous ceux qui souffrent à cause de moi ! Si seulement j’étais la seule à souf-frir ! Cela me fait beaucoup de peine que ceux qui me sont chers, et ceux à qui je dois tant, pour tout ce qu’ils ont fait pour moi, souffrent eux aussi...
Rappeler ce que le Christ a souffert
(Moments de la Passion)
(...)
À l’aube je me sentais en prison : triste, harassée, épouvantée et honteuse ?
Plus tard, les mains attachées et la tête douloureuse et sanguino-lente à cause des blessures de la couronne d’épines, j’avais l’impression d’être conduite par les chemins. Une multitude de curieux me regardait : les uns avec compassion, les autres avec dé-goût. J’entendais le tumulte du peuple : un énorme charivari ! Je me sentais seule. J’ai regardé vers Jésus crucifié : je me suis vue enlacée à la croix et j’ai dit à Jésus :
— Mon Jésus, qu’importe si tous m’abandonnent, si vous, vous ne m’abandonnez pas ? Si je vous possède et si vous êtes avec moi, je ne suis pas seule.
Dans l’après-midi, je me suis sentie sur la croix: l’âme clouée avec le corps, les deux dans une même douleur. L’âme élevait le regard vers le Ciel : elle n’y voyait que douleur et mort, elle ne pouvait rien dire à Jésus.
Il est venu, il est venu plein d’amour :
— Viens, ma fille, folle de douleur et d’amour, viens vers Moi. C’est douleur qui sauve, c’est folie d’amour pour Moi. Si le monde connaissait cette vie d’amour, cette union conjugale  de Jésus avec l’âme vierge, avec l’âme qu’Il se choisit pour épouse ! Le monde l’ignore et, comme il l’ignore, il la calomnie, la méprise, la poursuit.
O ma belle colombe, tu es épouse et mère ; mère qui ne cesse d’être vierge. Tu es mère des pécheurs : ils sont les enfants de ta douleur, les enfants de ton sang, sang que tu perds goutte à goutte, enfants de ton amour.  Du Ciel, ma fille, tu entendras très souvent les pécheurs t’appeler de-puis la terre et t’invoquer du doux nom de mère. T’invoqueront ainsi ceux qui ce verront libérés des mains du démon et reconnaîtront avoir été libérés par toi, s’approchant ainsi de mon divin cœur. Grande douleur, bienheureuse douleur !...
— Mon Jésus, combien je suis gênée et confuse ! Si je pouvais oc-culter tout cela ! Si seulement tout ceci pouvait rester entre Vous et moi ! Cela me rend confuse, en regardant ma misère !
— Tu sais déjà que j’ai besoin de ta misère pour cacher ma grandeur. Écris tout cela, écris, ma fille. Si ce que je dis restait dans le secret, cela ne servirait à rien, pour le monde. Mère des pécheurs, nouvelle co-rédemptrice, sauve-les. Jamais il n’y eut et jamais il n’y aura aucune autre vic-time immolée de cette manière, car jamais le besoin n’a été aussi grand qu’aujourd’hui, mais le monde a tant péché. Dix-neuf siècles se sont écoulés depuis que je suis venu sur la terre, et pourtant j’ai dû susciter une nouvelle âme coré-demptrice choisie par Moi pour rappeler au monde ce que le Christ a souffert, ce que c’est que la douleur, ce que c’est que l’amour et la folie pour les âmes. Tu es la nouvelle co-rédemptrice qui vient les sauver; tu es la nouvelle coré-demptrice qui rallume dans l’humanité l’amour de Jésus. Nouvelle corédemptrice qui sera rappelée jusqu’à ce que le monde existe.
Ma fille, tu es le livre sur lequel sont écrites, avec douleur et sang, en lettres d’or, toutes les sciences divines ! Cou-rage, mon aimée, ne crains pas la tempête, ne crains pas le bruit du tonnerre annonciateur des nuages qui font pleuvoir des grâces, de l’amour et de la manne céleste !
Rassasie-toi, ma fille: c’est d’amour et de manne que tu vis. Rassasie-toi afin que tu puisses en distribuer aux âmes.
— Merci, mon Jésus !
Je me suis sentie plongée dans l’amour de Jésus avec une telle in-tensité que, le colloque terminé, je pensais ne pas pouvoir suppor-ter le feu qui me dévorait le cœur...
« La douleur est fille de l’amour !... »
Nuit de douleur, nuit de ténèbres. Le démon est venu... Il m’est apparu sous la forme d’un serpent épouvantable. Il était aussi gros qu’une personne, recouvert d’écailles longues et dégoûtantes. Il s’enroulait de façon à paraître non pas un, mais une montagne de serpents. J’en suis restée troublée...
— Tu es condamnée à l’enfer ! Dis-moi que tu veux les plai-sirs; dis-moi que tu veux le péché ! Ou bien tu désistes de ton sacrifice comme victime ou je détruis ton corps et je t’engloutis.
Et en disant ceci, il faisait un mouvement comme pour m’avaler.
Dans les moments les plus désespérés, j’ai demandé l’aide du Ciel... Combien Jésus veille et défend celui qui ne veut pas l’offenser! J’ai été libérée. Bien que la nuit ait été lumineuse, je suis restée dans la plus grande obscurité et dans une tristesse de mort...
Au matin, après la Communion, Jésus m’a parlé avec son habituelle douceur :
— Ma fille, colombe aimée, lys blanc, viens et écoute-Moi. L’époux qui aime est fidèle, il confie à l’épouse ses douleurs et ses chagrins. Regarde comme je suis triste ! Mon Cœur est trop blessé. Les pécheurs n’arrêtent pas de le blesser. ils m’offensent toujours davantage par leur malhonnêteté et leur impudicité. Les plaisirs, la chair, la maudite chair ! Même par des prêtres je suis énormément offensé... Ils font désordre, scandalisent tant ! Courage ! Donne-Moi répara-tion par tes combats contre le démon...
La douleur est fille de l’amour. C’est par la douleur et l’amour que tu donnes vie à mes enfants. Cette douleur et cet amour ne pouvaient être partagés que par une victime à qui il a été donné d’accomplir sur la terre la mission la plus haute et la plus sublime.
Les amis de ma cause portent dans leurs mains l’étendard du triomphe et de la royauté divine.
Courage, ma fille. C’est Jésus qui te le demande: courage ! Je te rends semblable à Moi. Moi aussi j’ai été persécuté. En tous temps, mon Église et ce qui est à Moi ont été l’objet de persécutions. Comment ne devrait pas l’être, maintenant, ma cause la plus chère, la mission la plus difficile ? Cou-rage, mon aimée ! C’est la rage de Satan.
La Petite-Maman est venue ensuite se placer à ma droite. Elle m’a demandé d’être courageuse au nom de son divin Fils :
— Courage, courage, ma fille ! Je te demande, au nom de mon amour et au nom du tien et mon Jésus ! Accepte ; souffre tout. Console son Cœur blessé par les péchés du monde.
Et maintenant je viens confirmer les paroles de mon divin Fils. Tu es reine des pécheurs, tu es reine du monde. Ac-cepte mon très saint Manteau, il est à toi. Enveloppe-toi en lui, mets-le autours de tous ceux qui te sont chers et qui de plus près participent à ta souffrance. En prenant soin de la cause de mon Fils, ils sont chers à ton cœur, au mien et au Cœur de mon Fils Bien-Aimé. Ceux qui se sont associés à ta souffrance, ce sont ceux que nous voulons purifier et sanc-tifier. Place donc autour de toi tous les pécheurs. Tu peux couvrir le monde entier avec mon Manteau. Il est assez grand pour tous les couvrir. Accepte ma couronne. C’est moi-même qui la pose sur ta tête. Tu es reine !
Mon Dieu, que je suis gênée ! Comme j’étais petite, mesquine, de-vant la Petite-Maman !...
« Jésus m’a confié l’Humanité... »
(...)
Comme une colombe qui dans l’obscurité ne trouve pas son chemin, je bats, sur place les ailes liées, ne pouvant ni descendre ni partir, dans la crainte de tomber irrémédiablement. O mon Dieu, qu’en sera-t-il de moi ?...
Ce matin, assez tôt, la douleur que je ressentais en moi était assez grande : la répugnance et la gêne que me causait la vue de tout le peuple qui se préparait, dans l’attente de nouveaux événements, étaient assez fortes.  Il me semblait voir des groupes, ici - là, fai-sant des commentaires.
Mon Dieu, le vendredi m’attend ! Quelle peur ! Tout ce que je res-sens et vois, vous est arrivé, Jésus ! Ce sont vos souffrances, celles que vous avez souffertes par amour pour moi !
Mon regard semble pénétrer au plus profond de la multitude qui s’agglutine sur la route. Mon âme ressent tout cela.
Sur le flanc d’une colline, près de l’entrée de la cité, je vois le fi-guier maudit par Jésus. Plus bas, quelqu’un porte sur la tête une cruche d’eau. Il y a des rencontres et des chuchotements; ils se parlent et se préparent pour de nouveaux événements. Je vois tout, je ressens tout. Combien je souffre en silence ! Le figuier, je me souviens l’avoir vu bien vert; aujourd’hui il est desséché, comme du bois sec pour le feu.
Je ne pensais pas tout à fait à tout cela. Toutefois, sentant que je commençais à revivre ces scènes, je cherchais à me distraire et à faire comme si je ne sentais rien. Efforts inutiles. Ces sentiments se ravivaient de plus en plus dans mon âme. Je faisais des efforts pour ne pas les ressentir, non pas pour fuir la douleur ni la volonté de mon Jésus, mais par peur de me tromper et d’être dans l’illusion. Je me suis toutefois convaincue que je n’étais point dans l’illusion. Jé-sus, en voyant la peur que j’avais de me tromper, ne pouvait me laisser dans le doute. Personne mieux que Lui ne sait que je ne veux tromper personne...
« Ta douleur, est une douleur de salut !... »
(...)
Jésus est venu et il m’a réchauffée à la chaleur de son divin amour. Il m’a dit :
— Ta douleur, ma fille, est une douleur de salut. La mer immense de sang qui ruisselle de ton cœur est un lieu où sont immergés les pécheurs. C’est dans le sang de ta dou-leur qu’ils sont purifiés.
Tu es une deuxième arche de Noé. Je recueille en toi les pécheurs ; en toi, comme à l’intérieur de cette arche, je rassemble tout pour la vie du nouveau monde. Ta douleur, ton immolation ce sont des douleurs et des immolations da-vantage pour les âmes que pour les corps. Courage, ma pe-tite fille ! Ne crains rien. La pluie qui tombe sur la nouvelle arche n’est pas de condamnation, mais de salut : c’est une pluie d’humiliations, de mépris et de sacrifices. L’arche n’est pas en danger : elle vogue dans la haute mer. Une fois les flots de la persécution abaissés, le monde verra la ri-chesse du salut que l’arche contenait.
Ma petite fille, ma Mère bénie est avec moi, écoute ce qu’elle a à te dire.
— Ma fille, me voici avec mon divin Fils pour te confier l’Humanité et la renfermer dans ton cœur. La clef reste en-tre les mains de Jésus et dans celles de ta Petite-Maman. Je t’ai donné mon Manteau et ma couronne de reine : tu as été couronnée par moi. Sois la reine des pécheurs, du monde, choisie par Jésus et par Marie. Aujourd’hui, jour de ma conception Immaculée, nous te confirmons ton pouvoir royal. A partir de ce jour, il est entre tes main s; dirige-le, conserve-le. Conserve-le sur la terre comme tu les conser-veras et dirigeras ensuite au Ciel. J’ai choisi ce jour de fête en mon honneur, afin qu’en union avec moi soit fêté ce jour où je t’ai confié l’Humanité...
J’ai senti comme s’ils m’ouvraient le cœur. Après y avoir déposé quelque chose, ils l’ont fermé à clef. Ils l’ont réchauffé. Ensuite je me suis vue entre Jésus et Marie, comme sous une presse : telle-ment ils me seraient entre leurs divins Cœurs. J’avais l’impression de ne pas pouvoir résister à tant d’amour...
La Petite-Maman a poursuivi :
— Ma petite fille bien-aimée, reçois la vie de laquelle tu vis, reçois la vie du Ciel, reçois-la et donne-la aux âmes.
Puis, Jésus ajouta :
— Lys très pur, étoile scintillante qui brilleras nuit et jour, lumière qui guides les pécheurs, lumière et guide de tous ceux qui me suivront et m’aimeront d’un amour très pur et fort, courage, ne crains pas la guerre du monde...
— (...) O Conception pure, ô Mère de Jésus, conservez mon corps cloué sur la croix, enlacé à la croix !...
J’ai reçu de nouvelles consolations de Jésus et de la Maman du Ciel. Je leur ai fait l’offrande de moi-même, de ceux qui me sont chers et enfin du monde entier, en y incluant ceux qui me font souffrir da-vantage.
— Petite-Maman, je dépose l’Humanité entre vos mains... Sauvez-la. Vous seule le pouvez.
Je me sens si confuse et gênée pour cette offrande du monde. Que pourrais faire ma misère sans votre protection ? O Jésus, ô Petite-Maman, je me consacre à vous, comme le soldat qui veut combat-tre pour défendre votre royaume ! Je veux lutter et obéir : com-mandez ! Moi, avec votre grâce, je produirai des fruits, je serai forte. Avec la grâce et la force d’en-Haut, le monde sera sauvé...
Un petit rayon de lumière
Dans la matinée d’aujourd’hui, à cause de ma douleur, je n’ai pas pu faire mes prières, ni me préparer, comme je le dois, à recevoir la Communion.
L’âme se déchirait comme un chiffon usagé ; fil à fil, elle se pulvéri-sait, se dissolvait...
Même la venue de Jésus ne m’a procurée ni soulagement ni joie. Je suis restée dans le même état d’âme. Je l’ai remercié comme je l’ai pu.
Ensuite, je me mis à lire la correspondance que l’on m’avait confiée. La deuxième lettre que j’ai lue, a fait briller un  petit rayon de lu-mière dans mon âme. Un poids écrasant qui m’opprimait tout mon être a été soulagé : sans pour autant faillir à la sainte obéissance, le Père Umberto a pu m’écrire pour alléger un peu ma souffrance et me donner quelque lumière au milieu des ténèbres.
Je ne sais comment, dans une impulsion d’amour, j’ai pu me mettre à genoux, lever les mains, réciter le “Magnificat” : prière que je fais toujours quand je reçois de Jésus une attention, soit qu’elle vienne me blesser, soit qu’elle vienne adoucir ma souffrance... Avec ma sœur et mes cousines nous avons chanté des louanges à Jésus-Hostie et à la Maman du Ciel.
Après cela, je suis retombé dans mon lit et retournée sous ma croix bien-aimée. La joie est vite tombée. J’accepte tout comme Jésus le veut. Je ne suis pas habituée à m’abandonner à la joie, mais si je l’étais, je ne me sentirais soulagée que pour peu de temps: tout à coup elle arrive, tout d'un coup elle s’en va. Les mêmes extases meurent comme des choses qui ne me concernent pas.
J’ai passé le reste de la journée plongée dans la souffrance, res-sentant dans mon âme l’humiliation par laquelle sont passés les pères Salésiens par ma faute. Pour avoir fait du bien et soulagé une pauvre âme, ils en ont souffert. Mais, comme il est doux de souffrir pour l’amour de Jésus et des âmes !...
« Convertissez-vous, pécheurs !... »
(...)
Je suis fatiguée de tant de souffrances. Le corps s’y prête moins, mais la volonté est prête: elle désire ardemment et veut unique-ment la volonté divine.
Ces derniers jours j’ai commencé à ressentir, plus que jamais, et aujourd’hui d’une manière insupportable, le souci de sauver le monde...
Je veux tout le sacrifice, et de bonne volonté je me laisse immoler pour le sauver. Je désirerais avoir en main un poignard pour ouvrir dans mon cœur une plaie si profonde d’où coulerait assez de sang pour écrire sur toute la terre : “convertissez-vous, ô pécheurs, n’offensez plus Jésus ! Le Ciel est si beau ! Et Jésus nous a tous créés pour le Ciel”.
Je désirerais aller à genoux, par étapes, dans toutes les parties du monde, pour laisser bien visibles, sur chaque morceau de terre, écrites par mon sang ces paroles : “Pécheurs, convertissez-vous, convertissez-vous !”
Je ne sais pas ce que je dois faire de plus, mon Jésus, pour vous et pour les âmes.
Pendant la nuit j’ai subi les assauts du démon... J’ai vu des abîmes sans fin. Au milieu de nauséabonds détritus se trouvaient de gros serpents et d’énormes crocodiles qui tourmentaient et terrorisaient une multitude que je pense être des âmes qui y étaient tombées. Exténuée par la lutte, et craignant tomber là-dedans, je ne pouvais invoquer Jésus. Et le démon me disait :
— Invoque-moi, dis que tu veux de moi, que tu ne veux plus de Dieu, que tu veux le péché et les plaisirs.
(...)
Je vis les moments les plus terribles. Vers la fin de mon combat, j’ai pu invoquer le Ciel...
Dans le même endroit où se trouvaient les abîmes, j’ai vu apparaî-tre un beau jardin rempli de fleurs de diverses variétés. Elles étaient si belles ! Au milieu de celles-ci tombaient des rayons très brillants, plus brillants que l’or. J’ai contemplé tout cela sans en connaître la signification.
Au même moment, Jésus m’a dit :
— Les fleurs de ce beau jardin ce sont tes héroïques vertus. Leurs pétales sont fins, délicats ; leur parfum est attrayant ; les rayons ce sont ceux de mon divin Amour. Ne pleure pas, ma petite fille ; ta pureté ne se salit pas dans les combats livrés contre le démon ; tu en sors chaque fois bien plus pure, bien plus charmante. C’est la réparation que j’exige de toi. Si cette réparation n’avait pas lieu, ils tomberaient dans les abîmes où tu as vu tant et tant d’âmes, s’y tortil-lant éternellement...
« Je dois veiller et garder... »
Un nouveau tourment pour mon âme, qui me fait souffrir et qui ne me laisse jamais de repos : j’aimerais me cacher dans un coffre, que personne ne connaisse ni ne puisse ouvrir ; j’aimerais m’attacher les bras sur le cœur par un nœud tellement serré que nul ne puisse le desserrer, parce que je veux défendre je ne sais quoi qui m’a été confié et que je dois veiller et garder.
— Mon Dieu, je ne sais comment réussir à le défendre, à bien le garder, et à le conserver entièrement. Je me réfugie, ô Jésus, dans votre divin Cœur ; que celui-ci soit le coffre béni qui me garde pour toujours et garde aussi ce qui m’a été confié, et me cause autant de préoccupations ! En lui, je serai bien, je me sentirai sûre. Je ne courrai pas de risques, ni moi ni ce que je dois garder. Gardez-nous pour toujours.
« Celui qui souffre avec Moi est vainqueur avec Moi »
(Moments de la Passion)
C’est jeudi. Il fait déjà nuit. Le tourment est grand. Tout vendredi qui approche est pour moi une mort.
Je me sens comme si je me trouvais dans un grand banquet de joie, parlant avec celui qui parle et souriant avec celui qui sourit.
Et mon âme, dans une grande agonie, quitte la terre, monte vers le Ciel pour exclamer :
— O mon Dieu, qu’est-ce qui m’attend !
Pendant ce banquet de joie, le cœur est broyé, à l’extérieur, mal-traité, raillé et méprisé. Tous sourient avec sarcasme dans l’attente de nouveaux événements.
— Jésus, je suis votre victime et rien de plus.
« Ton nom sera prononcé avec respect... »
Avant l’aurore je me suis réveillée d’un léger sommeil. Mon Dieu, c’est vendredi. Sur moi tombe une nuit obscure. À chaque moment qui passait, il me semblait cheminer vers la mort; non point comme quelqu’un qui chemine avec amour et joie, mais comme quelqu’un qui va à la mort, et qui ressent la plus grande horreur et la plus grande répugnance.
Plongée dans cette souffrance, l’heure de la Communion arriva. J’ai fait mes demandes à Jésus. Il m’a parlé. J’ai reçu des forces pour pouvoir résister à la douleur et supporter les bousculades, les plai-santeries, les moqueries que je recevais. Je devais tout souffrir en silence, sans mot dire. Je ressentais la douleur de Quelqu’un qui pleurait en voyant tout ce que je souffrais. Et ce Quelqu’un avait un amour de Mère. En silence j’ai uni ma douleur à la sienne.
Jésus est venu et d’une voix douce et tendre, il m’a dit :
— Ma fille, uni ton cœur au mien, adoucis-le dans l’amour de mon divin Cœur ; Moi, je radoucis le mien dans le tien. Tu m’aimes ; Moi aussi je t’aime; tu es un écrin de richesse, dépositaire des dons divins. Ma fille, mon ange aimé, ta souffrance sert à embellir le manteau et la couronne que ta chère Petite-Maman t’a confiée... C’est une souffrance de gloire, c’est une souffrance de salut. C’est une mer de martyre ; c’est une mer d’immolation. Ma fille, céleste jar-din de divines fleurs, prairie verdoyante qui alimentes les pécheurs ; alimente-les de grâce, de pureté et d’amour ; garde-les, guide-les, bergère divine, bergère choisie par Jé-sus.  Ma fille, maîtresse de la science divine, garde ce qui, cela fait huit jours aujourd’hui, a été déposé dans ton cœur par Moi et par ma Mère bénie : c’est le monde, ce sont les pécheurs... Ma fille, en toi il est écrit tout ce qui est divin. Par toi ils apprendront à aimer ; par toi ils apprendront à souffrir ; par toi ils apprendront à connaître comment Moi, je me communique aux âmes. Ils ne le savent pas, ils ne l’étudient pas et font, de cette manière, souffrir beaucoup mon divin Cœur.
Courage ! Celui qui souffre avec Moi, avec Moi est vain-queur. Ils pleureront des larmes de repentir en voyant que ton nom, maintenant tant décrié, sera glorifié avec Moi et avec ma Mère bénie, sur la terre et dans le ciel...
Quand, il y a déjà quelques années, je te disais que c’était Moi ton directeur, je faisais allusion à ces temps-ci. Ce n’était pas pour mettre de côté ton directeur. Oui, j’avais besoin de lui, uni à Moi, pour te guider et te porter à la hauteur que mon divin amour exige. Je voyais déjà la cruauté et les persécutions des hommes. Courage ! Ton nom, que tu sens souillé, dans peu de temps sera prononcé avec respect et loué avec le Mien.
La garde du trésor caché...
(...)
Je ne sais pas comment vivre. Je suis exténuée par l’effort que je fais pour conserver dans mon cœur ce que Jésus et la Petite-Maman m’ont confié.  J’ai l’impression de vivre les bras croisés sur la poi-trine, très serrés, pour défendre et protéger [le précieux dépôt].
D’autres fois, je coure comme une folle, pour fouir un considérable assaut.
Il vient sur moi je ne sais quoi. Une multitude innombrable veut me voler ce que j’ai dans le cœur, et moi je fouis comme une folle pour tout cacher. Je veux enrouler autour de moi des chaînes robustes, de grosses chaînes, afin que rien ne me soit volé. Dur tourment pour mon âme : je n’obtiens rien.
Pendant ces heures de souffrance, le démon m’a livré un terrible assaut. J’ai cru qu’il m’avait tout volé; que j’étais restée sans cœur, sans rien. J’étais comme une simple coquille d’œuf qui n’a plus rien à l’intérieur. J’ai senti comme si ce butin avait été porté très loin.
Le démon voulait m’obliger à dire :
— Je ne veux rien garder en moi ; je veux pécher, je veux jouir !
Et il m’affirmait que je péchais...
Rarement j’ai réussi à implorer le secours du Ciel... J’étais dans un bain de sueur, dans une faiblesse indicible.
Enfin, j’ai réussi à clamer :
— Mon Jésus, je n’en peux plus !
L’assaut prit fin, mais je ne pouvais plus bouger. J’étais dans une grande peine en me voyant privée de l’immense trésor que j’avais possédé en moi, et dans la crainte d’avoir péché, je murmurais :
— Mon Dieu, mon Dieu ! Et moi je suis dans l’obscurité, sans guide, sans un prêtre à qui me confier ! O Ciel, ô Jésus, ô Petite-Maman !
Et Jésus est venu :
— Non, tu n’as pas péché ! Je suis avec toi !
Après quelques instants, j’ai commencé à m’apercevoir que j’avais toujours en moi le riche trésor que le démon affirmait m’avoir volé. Mon âme en ressentit une grande joie et je voulais à tout prix enla-cer et baiser cette richesse : j’éprouvais la joie d’une mère qui, ayant perdu son enfant, l’aurait retrouvé. Je ne peux pas expliquer la préoccupation que cela me procure ; étant toujours sur le qui-vive, de peur que quelqu’un me le vole...
« Tu es ma transformée... »
(...)
Le démon mène de terribles assauts contre mon cœur. Il veut y entrer pour me voler la fortune qui lui a été confiée... Je ressens une telle faiblesse que je reste effondrée.
— Jésus, c’est pour amour pour vous. Je n’ai pas de force pour res-pirer ; peu à peu j’ai perdu tout mon sang ; j’ai l’impression d’être moribonde.
J’ai commencé à sentir dans mon âme une paix douce et suave : c’était une paix céleste. C’était comme si je quittais le monde et si j’allais jouir dans le ciel. Je suis restée longtemps comme si je dor-mais tranquillement, réchauffée par une chaleur qui brûlait dans mon cœur et m’irradia tout entière.
Jésus a commencé à me parler :
— Ma fille, tu ne vis pas la vie du monde : tu es détachée de tout ce qui lui appartient. Tu vis du ciel, tu vis de ce qui est divin. Tes sentiers sont les sentiers du Christ : c’est pour cela que tu n’es pas comprise. Ta mission est sublime, mon ange ; c’est la plus riche des missions. Voilà le motif de la haine et de la persécution : haine de la part du démon à cause des âmes que tu lui enlèves; persécution de la part du monde parce qu’il ne comprend pas la vie que tu mènes, parce qu’il ne comprend pas ma Vie dans les âmes...
C’est douloureux pour mon Cœur de voir ta souffrance. Il est nécessaire que les hommes étudient profondément, pour qu’ils puissent comprendre la vie du Christ dans les âmes.
Quand je t’ai créée, je t’ai faite avec la perfection néces-saire pour accomplir la mission la plus sublime. Ainsi j’ai choisi les âmes qui devaient te guider, des âmes qui com-prennent, des âmes qui vivent uniquement ma vie, la vie intime avec Moi. Que l’on prenne soin de toi, que l’on prenne soin de Moi. J’aimerais que tous mes disciples étu-dient cette science divine. Mais ils ne l’étudient pas, ils ne la comprennent pas. Je leur donne les lumières nécessaires et eux, ils cherchent à les éteindre, mais en vain.
En tous temps j’ai eu besoin de victimes, mais maintenant, plus que jamais. Je t’ai choisie pour être immolée en cette époque pendant laquelle l’humanité est plongée dans un immense océan de boue et de vices. C’est ça que tu sens vouloir te voler: le monde. C’est le vice qui mène l’homme ; c’est le vice le voleur de tout ce qui m’appartient.
O bergère, reine du monde, c’est Moi, Jésus, qui t’ai choisie ; c’est Moi qui t’élève aussi haut...
J’ai tout écouté sans mot dire. Il parlait et moi je brûlais dans un feu vivifiant qui m’unissait de plus en plus à son divin Cœur.
— O mon Jésus, que pourrais-je vous dire ! Plus Vous me parlez, plus je me rends compte de ma petitesse. Je m’humilie, je m’humilie, Jésus ! J’ai honte pour ma misère et que malgré celle-ci vous veuillez Vous servir de moi pour des choses aussi grandes. C’est Vous qui travaillez, qui Vous faites connaître, c’est Vous qui parlez de votre puissance. Tout vous appartient.
— Violette aimée, asile très pur où j’habite ! J’habite en toi sur la terre comme au ciel tu habiteras avec mon Père éter-nel ; tu es mon Alexandrina transformée en Christ, unique-ment en Christ.
— Merci mon Jésus, mon Roi d’amour !
« Ma faiblesse est due à la souffrance... »
Avec une telle faiblesse, avec une telle souffrance, pourrai-je rester encore longtemps en cet exil ?
Mon Dieu, si vous le voulez, je résiste à tout.
Ma faiblesse est due à la souffrance, est due à mon vouloir embras-ser le monde, et l’embrasser d’un embrassement éternel.
J’aimerais le voir réuni dans une même hymne de louange à Jésus, dans un incendie d’amour divin. Je ne sais pas quoi désirer de plus ; je ne sais pas où me cacher avec lui. J’aimerais voler vers le ciel et emmener le monde avec moi, le monde entier, ne laisser ici au-cune créature. Je veux monter avec lui et, une force invincible, ce me semble, me retient ici-bas, cherchant à me le voler. Je ne sais pas ce que cela peut être...
Dans cette anxiété douloureuse de vouloir me purifier et purifier le monde, d’aimer Jésus et de tout faire pour que le monde l’aime aussi, et dans le fait de ne pas savoir comment y réussir pour moi et encore davantage pour l’humanité entière, j’ai commencé à pleurer d’amères larmes, des larmes que seul Jésus, du ciel, peut voir.
J’ai de nouveau offert mon cœur à Jésus et je lui ai demandé de venir y naître de nouveau...
La crèche...
Tous les jours de fête sont pour moi des jours de profonde tris-tesse. Je m’efforce toujours de consoler ceux qui m’entourent, de me montrer joyeuse : mais c’est une joie feinte. Je regarde Jésus et la Petite-Maman, j’élève ma pensée vers le ciel, et par amour j’accepte la souffrance. C’est par amour que la triste devient pour moi allégresse. Je ne regarde pas la terre, je fixe mon regard dans le ciel : ce n’est qu’ainsi que les épines deviennent des roses, et la souffrance douceur.
À minuit, le soir de Noël, autre était la nuit que j’avais dans mon âme. Des douleurs très aiguës traversaient tout mon corps. Je n’ai pas pleuré, mais j’ai gémi. Cependant, Jésus sait combien j’ai souffert.
J’ai entendu les pétards et le son des cloches.
J’ai demandé que l’on m’apporte la statuette de Jésus enfant. Je l’ai placée sur ma poitrine, je voulais la réchauffer. La chaleur que je lui ai procurée ne fut pas du tout celui que je voulais : j’aurais voulu l’enflammer par un feu d’amour. Je désirais lui dire beaucoup de choses, mais je ne savais pas. Je l’ai serré, doucement, contre ma poitrine, et j’ai continué de gémir. Je suis certaine que Jésus les a acceptés, et ne s’est pas attristé. Personne comme Lui ne voyait combien je souffrais; personne comme Lui ne sait que quand je gémis, c’est par amour; que je gémis, mais seulement quand je n’en peux plus.
Je ne sais pas combien de temps s’est ainsi écoulé. Je sais que je suis passée à une autre vie et que j’ai entendu Jésus dire dans mon cœur :
— Je suis né dans la crèche de ton cœur, ma fille. C’est l’Époux qui vient vers son épouse... Reine d’amour, comme je suis bien ici. La crèche que tu m’offres n’est pas gros-sière comme celle de Béthléem : il est doux de tes vertus. Dans ta crèche, je ne sens pas la rigueur du froid ; j’y suis réchauffé par l’amour le plus pur et le plus brûlant.
Tu es mon étoile, étoile qui guide le monde, comme l’étoile qui alors a guidé les Mages dans leur route vers Béthléem.
Dis à tous, ma fille, à ceux qui ont soin de toi, à ceux qui te sont chers, qui t’aiment et qui sont autours de toi, que je leur donne l’abondance de mes grâces, une ondée de mon amour divin, une place toute particulière dans mon divin Cœur, ainsi que la promesse du Ciel...
« Dans le monde je vois Jésus... »
(...)
O mon Dieu, je cours vers la mort et la mort court vers moi ! Ma tête est torturée ; mon corps est défait en morceaux par des terri-bles martyres: il est une plaie ouverte...
Par la grâce et la grande miséricorde du Seigneur, je ne désespère pas. Je sens l’effet du désespoir, mais je suis calme et sereine, prête à accepter une plus grande douleur, une plus grande purifi-cation, un plus grand amour. Ce n’est que par celui-ci que le monde sera sauvé ; ce n’est qu’à l’aide de ces fortes chaînes que je pourrai le capturer.
La vie s’en va. Elle s’en va pour donner la vie ; elle chemine tran-quillement pour sauver le monde.
— Jésus, donnez-moi la douleur que j’aime, donnez-moi la purifica-tion après laquelle j’attends ardemment. Accueillez-moi en vous et en la Petite-Maman.
Écoutez le cri continuel de mon âme; cri d’angoisse par la douleur qu’elle ressent et pour l’anxiété qu’elle a de vous confier le monde. Je souhaiterais le voir dans mes mains pour pouvoir vous l’offrir, comme le prêtre voit dans ses mains l’Hostie consacrée et l’offre au Père éternel.
Jésus, protégez-moi ! Gardez mes angoisses pressantes et immo-lez-moi comme il vous plaira, afin que je vous donne de l’amour, et avec l’amour, l’humanité. J’aimerais vous dire tant d’autres choses, mais, comme je ne sais pas le dire, je ne dis rien.
Pendant mes angoisses, Jésus est venu :
— Ma fille, ange de la terre, aimable fleur, candide fleur du paradis ! Viens, ma fille, viens recevoir une autre preuve de mes épousailles avec toi, de mon union conjugale.
Ce disant, Jésus prit ma main, m’embrassa, me caressa et me serra doucement contre Lui.
Je suis resté comme plongée dans une mer de délices, dans une mer d’amour. Jésus continua :
— Reçois une effusion de mon divin Amour. Reçois-la parce que c’est ta vie, et toi, tu es vie pour les âmes.
Courage, encore un peu: ton ciel est proche. Bientôt ton âme, détachée de la terre, s’envolera vers le ciel comme la blanche et pure colombe vers son nid. Ton nid c’est le ciel près du trône de la Majesté divine, à côté de ma Mère bé-nie...
Près de ma Mère, ma fille, tu continueras à veiller, gouver-ner ta possession royale de la terre...
Combien l’humanité t’est débitrice ! Combien te doit le Portugal ! Le monde devrait être détruit... Demande, de-mande encore prière et pénitence...
Jésus ajouta enfin :
— Ce sera en une extase d’amour, dégagée de la douleur, qui tu t’envoleras vers le ciel...
« O monde, je deviens folle à cause de toi !... »
En voulant embrasser toute l’humanité il m’arrive de m’exclamer :
— O monde, je deviens folle à cause de toi ! Combien je t’aime ! En toi je vois Jésus.
J’aimerais dire tant de choses sur ces angoisses qui me consom-ment. Comment cela peut-il arriver: aimer le monde, le haïr, vouloir le posséder, vouloir le quitter ?
— Mon Jésus, mon Dieu, fixez sur moi votre regard, protégez-moi: ainsi je vaincrai.
L’année allait finir et je n’avais rien à donner à Jésus...
À minuit je l’ai remercié pour tous les bienfaits de l’année et pour tout ce qu’il m’avait fait souffrir. J’ai demandé aux miens de réciter avec moi le “Te Deum”...
 
 
 

INDEX
PRÉSENTATION 1
CHRONOLOGIE DU “PROCÈS DE BÉATIFICATION” 12
AUTOBIOGRAPHIE 13
PREMIÈRES ANNÉES 13
Premiers souvenirs 13
Espiègle 14
Première communion 15
Quelques souvenirs de Póvoa 15
Retour au village natal 16
« En enfer, moi je n’irai pas !... » 17
« J’adorais faire des farces !... » 17
Charité envers les nécessiteux 18
Dévotions à Jésus 19
« J’étais assez forte... » 20
« Un rêve que je n’ai pas oublié » 21
JEUNESSE 21
Le saut par la fenêtre 21
Souffrances physiques et spirituelles 22
Prétendants 23
Au lit pour toujours... 24
« Ma Petite-Maman du ciel » 24
Demandes de guérison 25
Offrande... 26
Unie à Jésus, par Marie 26
Prière du matin 27
HYMNE AUX TABERNACLES 29
L’appel 30
1933 30
LA MISSION 30
« Je vous déclare mes fautes... » 30
Le directeur spirituel 30
« Un jour bien, un autre plus mal... » 32
La perte des biens 32
1934 34
“DONNE-MOI TES MAINS...” 34
Invocations... 34
« Ma souffrance a beaucoup augmenté... » 34
« Il m’est impossible de tenir la plume... » 35
« Même parler m’est douloureux... » 35
Lettre à Sãozinha 36
« Donne-moi tes mains... » 36
« Il m’a demandé ceci deux fois... » 37
Visites de Jésus 38
« Prie pour les prêtres... » 39
« Avise ton directeur spirituel... » 40
« Je suis le prisonnier des prisonniers !... » 41
« Donne-moi ton cœur... » 42
« Quelle sainte union est la nôtre !... » 42
« Je suis avec toi, ma fille... » 43
« Mon Cœur se fait violence... » 43
« Je suis toujours avec toi... » 44
« Tu as choisi la meilleure part... » 45
« Ne cesse pas de prier... » 45
« J’ai besoin de plusieurs victimes... » 46
« Veux-tu vraiment me consoler ?... » 46
« Combien de victimes j'ai choisies... » 46
« Ma pensée était avec Jésus... » 47
1935 47
“AVEC MON SANG...” 47
À Jésus pour toujours... 47
La valeur de l’âme-victime... 48
« Notre-Seigneur m’a parlé... » 48
Le singe de Dieu... 48
« Consacrez le monde à Marie !... » 49
« Sois ma victime... » 50
« Tes sentiers sont les sentiers du Christ... » 50
Le mois de mai 51
“Fleurettes” de mai 1935 51
Jésus demande la consécration... 52
« Quelle paix je sens dans mon âme... » 53
La “lampe” des tabernacles 53
« Il me semble avoir davantage de péchés... » 54
« Je suis votre victime !... » 54
1936 55
“OFFRE-TOI...” 55
« Jésus écoute bien mes demandes... » 55
« Endurer toutes les souffrances... » 55
« O douleur bénie !... » 56
Mois de mai... 56
La mort mystique 56
Encore la Consécration... 58
« Écoute mes divins désirs... » 58
Une vision 58
« Malheureux celui qui est paralytique » 59
« Je me suis offerte à Notre-Seigneur !... » 60
« Offre-toi pour les âmes... » 61
1937 61
L’ENQUÊTE 61
« Ma médecine était Jésus » 61
La visite du Père Durão, sj 62
« Le maudit me disait... » 63
Le déchaînement des forces infernales 63
« Le démon te haï... » 65
« Je t’ai choisie pour des choses sublimes... » 65
Encore et toujours, la consécration... 66
« Je veux que tu sois connue... » 66
« Je viendrai te chercher... » 66
Les plaies de Jésus... 66
« O mon Jésus, crucifiez mon âme !... » 67
1938 67
“O CROIX BÉNIE...” 67
« L’amour que nous avons pour toi... » 67
« Mon lys parfumé... » 67
« Je veux la consécration... » 67
« Tu es le tout de mon Cœur... » 68
« Je sentais mon cœur très agité... » 68
« Je n’appartiens qu’à toi ! » 68
« Pénitence, pénitence, pénitence !... » 69
Première crucifixion  70
Examens théologiques et examens médicaux.  Premier voyage à Porto 71
« On parle de moi... » 72
Odeurs nauséabondes... 73
« Mademoiselle, ne vous évanouissez pas... » 73
1939 74
LE SAINT-SIÈGE 74
« Je ne mérite que l’oubli... » 74
« Le monde est suspendu à un fil... » 74
« Ma vie est bien pénible... » 74
Intervention du Saint-Siège 74
Commentaires du petit peuple 75
« Je tremble... » 76
« Donnez-moi de l’eau... » 76
« Le monde est sur un volcan... » 77
« En quel monceau de ruines... » 78
La destruction du monde... 78
Le temps des doutes... 79
« Maudite !... » 79
« Ton châtiment est si proche !... » 79
« Elle t’accompagne pendant la Passion... » 79
« Le Cœur de ma Mère... » 80
Dans les bras de Marie... 80
1940 80
MARIE, CORÉDEMPTRICE 80
À Jésus par Marie... 80
Celui qui aime la Mère aime le Fils... 80
La souffrance et la réparation 81
« Incendiez le monde... » 81
« Je crains la douleur mais je l’aime... » 82
« Mon Jésus, je ne peux vivre sans vous!... » 82
« Jésus, venez!... » 83
« O combien je veux le consoler !... » 83
O douleur bénie !... 83
« Mon âme est morte... » 83
« Ta passion ne s’arrêtera pas... » 84
« Si elle ne m’avait pas aidée... » 85
« Quel grand mal est le péché !... » 85
« Mon cœur n’a presque plus de vie... » 85
« Avancer l’heure de la consécration... » 86
« Accompagnez-moi auprès de la Croix... » 86
« Ma fille, viens sur mon Cœur... » 86
« Compter pour rien... » 87
« Mon Jésus, pressez bien cette faible grappe... » 87
« Je suis un monde d’horreurs... » 88
« Il me semble que Jésus soit parti... » 88
« Demandez et vous recevrez... » 88
« Accrochons-nous à Jésus et à Marie... » 88
« Sur la terre l’amour est presque disparu... » 89
« Je crois mourir... » 89
« La Maman contemplait l’humanité... » 90
« Il faut que je souffre en silence... » 90
« Votre cœur saignera toujours... » 90
« J’accepte tout par amour pour vous... » 90
« Jésus veut ma souffrance silencieuse... » 91
« Je sens que vous souffrez... » 91
« Le Saint-Père sera épargné... » 91
1941 91
LE DOCTEUR AZEVEDO 91
« Tu n’es pas seule... » 91
« Ton Calvaire finira bientôt... » 92
Divines promesses... 92
« La Maman veillait sur moi !... » 92
« Jésus m’a préparée à la souffrance... » 92
« Mon pressentiment se réalise... » 93
« Quelle tempête terrible... » 93
« Le médecin m’a écrit... » 93
« Je voudrais fuir le monde... » 94
« Je dois aller à Porto... » 94
Partie à Porto... 95
« Unis ta douleur à la mienne... » 95
« Je me trouve dans une nuit obscure... » 95
Première rencontre avec le docteur Azevedo. Nouveaux examens médicaux 95
Retour à Porto 96
Deuxième voyage à Porto 96
« Combien de choses me venaient à l’esprit !... » 98
« Tes souffrances pour les prêtres... » 98
« Le poids des humiliations pèse sur moi... » 98
« Il trompe les gens... » 98
« Ma Petite-Maman m’a embrassée... » 100
La Maman qui console... 100
Vers le couronnement d’épines... 100
« J’aime tous ceux qui t’aiment... » 100
Visite d’un prêtre “journaliste”: – Ses conséquences. 100
1942 101
SANS DIRECTEUR 101
Recours à la Vierge... 101
Cheminer sans lumière... 102
« Mon âme semble se déchirer... » 102
« Je veux vous donner des âmes... » 102
Un journaliste de Lisbonne... 102
Les feuilles du Père Terças... 102
« Combien douloureuse est ma souffrance... » 103
« Vous a-t-on interdit de venir ici ?... » 103
« J’ai érigé un calvaire... » 103
Craintes de rester sans la Communion... 104
Les pressentiments se réalisent... 104
« Je brûle du désir du ciel... » 105
Le départ du Père Mariano Pinho... 105
« Les lettres de mon Père spirituel... » 106
Obscures ténèbres... 106
Les lettres rendues... 107
« Jésus, m’entendez-vous ?... » 107
Nouvelle forme de crucifixion 108
Une nouvelle vie... 109
« Quelle gloire pour le Portugal !... » 110
« Mon cœur est tellement blessé... » 111
« Combien je suis triste... » 111
« Gloire à Jésus; gloire à Marie !... » 111
« Je me sens abandonnée de tous... » 111
« Le Ciel est rempli de gloire !... » 111
« Le ciel est tout proche... » 112
« Un corps pour souffrir.... » 112
« Je creuse ma sépulture... » 113
« Seul le ciel sera ma vie... » 113
« Je me vois au bord d’un abîme... » 113
« Mon état est grave... » 113
« Triomphe ! Triomphe !... » 114
L’annonce de la Consécration... 114
En voyant la Vierge de Fatima... 115
1943 115
LA GRANDE ÉPREUVE 115
« Mon cœur bat de moins en moins... » 115
« Rendez-moi mon Père spirituel... » 115
Préparation pour l’exil de 40 jours... 116
« Jésus s’est épris d’Alexandrina !... » 117
« Jésus m’appelle... » 117
Obéissance à l’Archevêque 118
« Jésus est venu me réconforter » 120
« Courage, ma fille, c’est pour ma cause... » 120
À l’hôpital de Foz 120
Étroitement surveillée... 122
Face à face avec le médecin 124
Non plus 30 mais 40 jours 126
Enfin libérée !... 128
« Cœur de Jésus, j’ai confiance en vous !... » 130
« Aie confiance, ma fille... » 130
Lettre au Pape 131
Les flammes du Cœur de Jésus... 133
« Ta vie n’a rien d’humain... » 134
1944 134
TRANSFORMATIONS MYSTIQUES 134
« Ou vous aimer ou mourir ! » 134
« J’ai senti mon âme se détacher... » 134
« Je suis morte pour le monde... » 135
« Mon âme a été réconfortée... » 135
Une douloureuse ingratitude 136
« Je continue de lui rappeler sa promesse... » 137
« J’ai soif, j’ai soif, ma fille... » 137
« Jésus, mon seul aliment... » 138
« Transformez-moi... entrez chez moi ! » 139
Le souvenir de Foz do Douro 139
« Je vous sens à côté de moi... » 140
Sans la Communion ?... 141
« Me voici, prête à être immolée !... » 141
« Mon Dieu, quelle vie si mal comprise !... » 142
« J’ai senti comme un assaut... » 143
« J’ai ressenti comme un assaut... » 143
« Jésus m’a envoyé un prêtre... » 144
« Jésus et Maman du Ciel écoutez-moi ! » 145
« Mon Jésus, mon cher Amour !... » 145
« J’étais un ver, dans un vaste cimetière... » 147
« Je suis restée dans les ténèbres... » 147
« Acceptez mes larmes... » 147
« J’ai pleuré des larmes de soulagement... » 148
« Ce sont des merveilles... » 148
« Combien d’âmes reculent... » 149
« Attention, Portugal !... » 150
Une pluie de sang... 150
Visiteurs de toutes parts... 150
« J’étais sur la croix... » 151
« Je me suis sentie un rien... » 152
Luttes indescriptibles  152
« Jésus, je veux vous aimer !... » 153
« Tu es la reine de la douleur... » 154
« O ma fille, ô bien-aimée de mon Jésus !... » 154
« Bergère de Jésus... » 155
« Mon âme vivait la tempête... » 155
« Je détruirai ton corps... » 156
Un coup douloureux 157
« J’ai tout confié à Jésus... » 157
« Que de leçons tu donnes au monde !... » 158
« Mon nom parcourt le monde... » 158
« Ma fille, ta douleur est ma consolation... » 159
« Restez, Jésus, cela me suffit... » 160
« Je ne veux pas de vengeance... » 162
Rappeler ce que le Christ a souffert 163
« La douleur est fille de l’amour !... » 164
« Jésus m’a confié l’Humanité... » 165
« Ta douleur, est une douleur de salut !... » 166
Un petit rayon de lumière 167
« Convertissez-vous, pécheurs !... » 168
« Je dois veiller et garder... » 169
« Celui qui souffre avec Moi est vainqueur avec Moi » 169
« Ton nom sera prononcé avec respect... » 169
La garde du trésor caché... 170
« Tu es ma transformée... » 171
« Ma faiblesse est due à la souffrance... » 172
La crèche... 173
« Dans le monde je vois Jésus... » 173
« O monde, je deviens folle à cause de toi !... » 174
INDEX 176
 
 

Traduction et mise en page achevés
le 3 décembre 1996
fête de saint François-Xavier
 
 
 

Alexandrina Maria da Costa
ÉCRITS
AUTOBIOGRAPHIQUES

TOME 2 : 1945-1955

Traduction
Alphonse Charles Rocha
REIMS 1995-1996

1945
TENEBRES ET LUMIERE
« Ta vie est souffrance qui produit l’amour… »
Jésus, quelles caresses  recevrai-je de vous au cours cette nouvelle année ? Je suis remplie de crainte, et encore davantage d’angoisse. Qu’il arrive ce qui doit arriver. Pour tout ce par quoi je pourrai être blessée et humiliée, avec votre divine grâce, à tout je dirai :
— Bienvenu : que la volonté de Jésus soit faite !
J’aimerais naître maintenant, mais vous connaître déjà, à fin de ne pas tacher par quoi que ce soit mon corps ; j’aimerais que le monde entier aussi naisse avec moi, et que lui aussi vous connaisse déjà, afin de ne pas le laisser se corrompre...
« Je me donne à vous... »
(...)
Je sens que beaucoup de routes sont baignées par mon sang. Je vois tant de révoltes et d’indignations... Mon corps n’est qu’une plaie. Le sang de la tête, causé par les épines, baigne tout mon corps. Les bras ouverts je m’abandonne à la croix : je me laisse crucifier.
Un cri continuel :
— Père, mon Père, vous aussi, vous m’avez abandonnée ! Je suis votre victime, je me donne à vous pour les âmes.
Ô mon Dieu, si je pouvais disposer de ma volonté, je préférerais l’enfer à cette souffrance et aux instants de mes colloques avec vous !  Oui, parce que là, ne vous parlant pas et ne pas vous écoutant, je ne craindrais pas de me tromper ni de tromper les autres ; je ne serais pas persécutée par le monde. Pardonnez-moi cet épanchement : j’ai horreur de la tromperie et du mensonge. Je me crains moi-même et j’ai peur du vendredi : si seulement les vendredis disparaissaient et que moi-même je disparaisse dans votre amour infini !
Que vienne toute la souffrance, que vienne la croix, que vienne la mort. J’embrasse tout : je suis votre victime, Jésus.
De cette souffrance, je suis passée à un effluve de lumière, de paix et de douceur... Jésus m’a parlé :
— (…) Ce fut une année d’amour, une année pleine de salut. Ma fille, fleur angélique, benjamine de la divine Trinité, benjamine de Marie et de toute la Cours céleste, ta souffrance a enrichi le ciel et y est écrite en lettres d’or...
Une année d’amertume t’attend, mais aussi une année de joie. Tu la vivras comme un soleil qui naît et rapidement se cache à l’horizon, derrière les nuages. Mais ne crains pas : c’est cela ta vie. C’est une vie qui donne la vie ; c’est une souffrance que produit de l’amour...
La gratitude d’Alexandrina
Lettre au Père Umberto Pasquale
(...)
Avez-vous compris, d’après mes écrits, ce que Jésus avait enfermé dans mon cœur ? Quel tourment pour moi ! Je ne sais pas comment garder et défendre un trésor aussi précieux !
Mon âme est dans une continuelle agonie. Ma vie est continuellement remplie de craintes ; le démon est infatigable pour me tourmenter. De là, quelle torture, quelle amertume, et quelle misère. Ce qui appartient à Jésus n’arrive pas à vivre : aussitôt né aussitôt parti vers Lui.
O si seulement j’arrivais à me faire comprendre, si j’avais un peu de lumière, si j’aimais un peu Jésus et les âmes ! Alors je serais heureuse ; ma joie serait totale !
Mon bon Père, si vous me connaissiez, vous n’auriez pas autant de sainte considération pour moi.
L’heure arrivera-t-elle où vous pourrez venir jusqu’ici ? J’ai tellement besoin de lumière et d’un guide ! Comment résisterai-je à ces vols   dont j’ai été la victime ? Mon Dieu, pardon pour tous !
J’ai bien reçu tout ce que vous m’avez envoyé.  Je vous envoie mes remerciements et ma gratitude pour tant de sollicitude de votre part. Je suis certaine que Jésus en est content : il aime qu’on le remercie pour tout ce que nous recevons de Lui, et promets enfin de nouveaux dons et grâces. Qu’il daigne vous combler pour tout.
Je vous prie de remercier les Pères et tous ceux qui habitent cette Maison de prière, pour les vœux qu’ils m’ont envoyé...
Le docteur “bon Samaritain”
Lettre au Docteur Augusto de Azevedo
(...)
Cela me peine de ne pas avoir d’instruction : premièrement du fait de ne pas savoir parler à Jésus, l’aimer, le remercier, le louer comme il le mérite ; même restant à genoux pendant toute l’éternité je ne lui rétribuerai jamais dignement tout ce que j’ai reçu de lui. En second lieu, pour remercier mon cher docteur avec des paroles de louange et de reconnaissance, comme il le mérite.
Jésus, dans son infinie bonté, y remédie comme lui seul sait le faire. De ma part je ne sais dire que « merci » pour tout ce que vous faites à cette pauvre qui ne peut rien, ne sais rien, ne vaut rien.
Qu’en serait-il de moi si Jésus ne vous avait pas mis à mes côtés, en ces jours douloureux de ma vie, où tout est révolte, mépris, calomnie et humiliation ? Quelle mer de douleur !
Et moi si seule, sans lumière, sans guide dans mon horrible chemin !
Essaieront-ils aussi de me prendre mon bon médecin, qui tant de fois a été pour moi d’un grand réconfort par ses paroles et sa sainte attention  ? Arrivera-t-il comme avec ceux qui étaient lumière et soutient pour mon âme  ?
Que Dieu soit loué pour tout ; qu’en tout cela il soit aimé et soulagé ; que tout ceci puisse lui servir pour sauver le monde entier. Si l’on me laisse seule, Jésus restera avec moi ! Que je meure de douleur, d’abandon, de mépris, afin que dans mon cœur demeure toujours Jésus, que les hommes ne puisse pas me l’ôter ! En tout cas, seuls le péché et le démon peuvent me l’enlever.
Combien elle me coûte cette vie amère ! Ce n’est que par amour de Jésus et des âmes, le regard fixé sur le crucifix, que je peux la supporter...
La fureur de Satan
Si le monde savait combien sont terribles les pièges du démon ! O combien je souffre de ses assauts ! Si seulement le monde savait ce que c'est que l'enfer, ce que c'est que la perversité et la fureur de Satan, probablement qu'il ne pécherait pas autant !
Cette nuit il s'est déchaîné contre moi. On dirait qu'il voulait tout détruire. Méchancetés, paroles et gestes inconvenants. Mon corps paraissait déjà anéanti par tant de fatigue...
— Je ne veux pas commettre de péché, mon Jésus. L'enfer plutôt que le plaisir. Ce que je veux, mon Jésus, c'est ne pas perdre un seul instant de consolation et de réparation pour Vous et pour le salut des âmes...
Ces paroles ont suffi à faire enrager davantage le démon...
Toutefois, il est parti quand il a entendu la voix de Jésus qui me disait :
— Si tu pouvais voir, ma fille, combien je suis offensé à cette heure-ci contre la vertu de pureté, tu mourrais d'horreur et de douleur. Mais ta réparation me fait oublier bien des offenses. Cette consolation je ne peux l'avoir que d'une vierge à la pureté angélique !... (...)
— Me voici prête à tout, Seigneur !...
La pureté est la vertu que j’aime le plus et pour la défense de laquelle je souffre davantage : ce, est que par votre grâce et votre miséricorde que je ne vous offense pas gravement...
[Le démon dit un jour à Alexandrina] :
— Donne-toi à moi, comme tu t'es donnée à Dieu ; embrasse-moi avec amour comme tu as embrassé le crucifix. Remarque que moi je ne te fais pas souffrir, moi... et figure-toi que Dieu n'a pas de Ciel à te donner. Jouis avec moi, jouis des plaisirs de ce monde.
Il m’empêchait d'invoquer Jésus. Il se plaçait entre moi et Lui, afin que je ne L'entende pas et de surcroît, il dansait devant moi. Il me donnait ses ordres criminels et, vu que je ne cédais pas, il redoublait de fureur et je sentais comme s'il me tordait et me broyait complètement. Mon corps semblait être brisé par lui. Il ne s'agissait en fait que de sensations, étant donné qu'il ne s'approchait jamais de moi au point de me toucher. Les battements de mon cœur se chevauchaient, battaient la chamade.
Après la lutte, certaines fois, je sens comme une brise qui me rafraîchit et me remet en place tout à fait. Cette nuit il en a été de même. Tombée sur le côté, sur les coussins, et sans pouvoir me relever ni même faire le moindre mouvement, je ne résistais plus dans cette position.
Très triste, je répétais :
— Secourez-moi, secourez-moi, Jésus !
J’ai senti Jésus à côté de moi :
— Ma fille, amour de l’Amour, mon divin souffle suffit pour te relever et même à te remettre à ta place.
J’ai senti le souffle de Jésus et, au même moment, je me suis retrouvée sur les coussins.
Jésus a continué :
— Dis-moi, ma fille, que veux-tu de moi ?
— Votre amour !
— Que veux-tu que je fasse ?
— Votre divine volonté.
Jésus m’a serré doucement contre son divin Cœur et a ajouté :
— Ma volonté est que tu aies du courage dans les souffrances que je te demande et que tu répares de cette façon. Répare, répare, ma vierge pure, vierge remplie d’amour pour moi.
Peu après je me suis endormie pour un léger et bref sommeil.
“Douleur qui sauve, amour qui vainc tout”
(Moments de la Passion)
(...)
Quelle horreur je ressens pour les souffrances et les extases du vendredi, quelle horreur je ressens pour les assauts du démon ! Aujourd’hui j’ai eu des moments pendant lesquels il me semblait que j’allais presque dire non à Jésus pour tout.
Les mains attachées, les yeux clos par une indicible tristesse, les lèvres serrées, ne répondant à aucune question, je me suis retrouvée seule dans une prison. Je sentais mon corps lacéré par les coups de la flagellation et enchaîné. Dans cet état, la pensée m’est venue de la souffrance lorsque Jésus permettait ma crucifixion [physique]. Je sentais même mon sang couler et mon cœur foulé aux pieds. Dans mon âme j’avais des regards de tendre compassion envers ceux qui me faisaient souffrir. L’enfer et la perte irréparable des âmes me terrorisaient tellement que j’aimais ces atrocités au lieu de les détester. Je les aimais pour sauver les âmes, convaincue que seule la souffrance pouvait les sauver.
Le démon est venu pendant ces terribles souffrances. J’ai combattu jusqu’à baigner dans ma sueur. Quand il essayait de m’instruire sur le péché, il me demandait de lui donner mon cœur avec amour... Quelle horreur, quelle horreur ! C’était des moments de grand danger.
J’ai levé mes yeux vers le ciel et j’ai crié au secours, et la lutte prit fin... Je suis restée les yeux fixés dans le ciel disant à Jésus que je ne voulais pas commettre de péché...
— Mon Jésus, je suis votre victime, mais avec cet accroissement de douleur, d’horreur et de peur, je ne pourrai pas vaincre : je ne résiste pas à autant. Vous devez souffrir et résister vous-même, car vous savez bien, que de moi-même je ne peux rien !
Jésus est venu et m’a parlé affectueusement :
— Ma fille, fleur solitaire, joyau de l’humanité douleur qui sauve, amour qui sort toujours vainqueur, jardin de paradis, j’ai semé en toi et le monde vient à toi pour cueillir fleurs de vertu, fleurs d’amour. Ma fille, trésor caché, en toi sont renfermées des richesses divines. Trésor caché, parce que presque tout ce que j’ai déposé en toi reste méconnu. Ma fille, blanche colombe, colombe angélique, ta vie et un gazouillement de louange à Jésus, à la Trinité divine et à ma très sainte Mère. Je viens à toi, je suis en toi... Tu es un port d’asile, tu es un port de salut, tu es le refuge des pécheurs, salut de l’humanité.
Le combat est-il terrorisant ? Ne crains pas...
— Ô mon Jésus, je suis si petite, comment pouvez-vous me trouver ?
Je ne suis que misère, comment pouvez-vous poser sur moi votre divin regard ? Je suis gênée, je ne peux pas lever mes yeux pour vous regarder.
Ayez compassion ! Je suis fleur, je suis jardin, je suis tout ce que vous me dites parce que vous l’avez semé vous-même, vous l’avez cultivé. C’est vous le jardinier, c’est vous les fleurs, vous êtes tout, tout, mon Jésus ! Vous êtes le port de salut parce que le salut c’est vous.
Observez et regardez ma souffrance, ayez compassion de moi. Je veux vous aimer et je ne sais pas comment ; je veux souffrir pour sauver le monde mais je ne sais pas souffrir. Je crains de moins m’y prêter, je crains de tomber et de ne plus me relever...
— … Tu es la toute petite de Jésus, tu es la toute petite de Marie. Avec elle tu sauveras le monde qui t’a été confié, et que tu dois sauver. Je te l’ai donné ; il est à toi ;ne crains pas ; il ne te sera pas volé...
Reçois mon amour : distribue-le abondamment à toute l’humanité.
Bientôt ta souffrance sera connue partout. Ton amour inégalable sera connu partout...
« Il est attaché par une seule aile »
(...)
Le 13 [janvier], parmi les visiteurs que j’aime plus tendrement, il y avait celui que j’attendais déjà et qui avait laissé comme un vœu dans mon âme.  Je l’attendais, cependant je l’ai reçu froidement : tout m’était indifférent. Je le regardais et quelques fois il me semblait ne pas le voir, comme s’il ne s’agissait pas d’une réalité. C’était un prisonnier sorti de prison pour venir visiter un cadavre qui lui appartenait.
Ô souffrance, ô désolation, ô ténèbres épouvantables !
Il est déjà tard pour me procurer de la joie ; il est déjà tard pour que mon âme puisse recevoir consolation !
Mes yeux semblaient ne pas voir le deuxième prêtre que l’on m’avait volé. Qu’arrivera-t-il quand on me rendra le premier ?
— Jésus, je suis votre victime : votre amour et le salut des âmes, coûte que coûte, voilà ce qui importe. Et maintenant je souffre de ma froidure, de mon indifférence envers cette personne à qui je dois tant. Il me semble lui avoir déplu et l’avoir blessé : ô Jésus, que tout soit par amour pour vous !
Pendant la nuit, presque toujours réveillée et unie à Jésus, au milieu d’une mer de souffrances du corps et de l’âme, j’ai été cruellement assiégée par le démon : j’ai lutté pendant presque deux heures...
J’ai entendu que Jésus me disait :
— Courage, fille aimée !... Ta mort donne vie aux âmes. Je ne t’ai pas laissé éprouvé réconfort par la visite de mon Dom Umberto ni à lui de te voir consolée. ce fut au profit des âmes afin que les hommes constatent ce que c’est qu’une âme attachée à la croix et solide dans l’amour de Jésus ; de sorte qu’ils n’interprètent pas les choses du côté de l’enthousiasme.
Dis à mon Dom Umberto mon remerciement d’être venu donner vie à l’âme de mon épouse, de ma victime aimée... Promets-lui mes grâces, mes bénédictions et mon amour pour lui et pour toute la Congrégation. Il est attaché par une seule aile : il n’est qu’à moitié empêché de voler.  C’est pour cela que j’accorde des bénédictions et des grâces à toute la Congrégation... Je veux qu’il te soutienne, étant donné que celui qui le désire, ton Père Pinho, ne peut pas le faire. Il a été empêché de tout envol et, non satisfaits, ils l’attaquent de tous côtés. (...).
Le Christ crucifié en transparence
(Moments de la Passion)
Où suis-je conduite ? Ô Jésus, que deviendrai-je ? Tout me fait peur et me cause horreur ! Je marche en toute hâte par une route étroite et obscure. Je tombe exténuée : le poids des humiliations me broyait. Je suis entraînée par de rugueuses cordes. Je sens que ma face traîne par terre ; que mes joues sont très meurtries. La douleur d’aiguës épines me pénètre enfin le cœur. C’est une douleur qui semble me donner la mort. Je sens que mes genoux, mes épaules et tout mon corps ne sont qu’une douloureuse plaie.
Très gênée par tant de curiosité, remplie de la tristesse la plus profonde que l’on puisse imaginer, je marche avec peine, tombant plusieurs fois.
Pendant mon cheminement, une dame qui a compassion de ma souffrance, elle vient à ma rencontre. Avec tendresse et amour elle essuie mon visage couvert de sueur, de sang et de poussière ! Des liens de la plus étroite amitié unissent nos cœurs. Il est indicible ce que j’aimerais dire à son sujet, les louanges que j’aimerais dire sur elle. Comme j’aimerais que l’on parle de son acte héroïque !
Arrivée en haut de la montagne, quel découragement je sens en moi !
C’est un découragement d’amour.
Tout me cause horreur : la mort, l’abandon, ô mon Dieu ! À genoux, je lève mes yeux vers le Père éternel ; je lui fais mon signe de tout accepter. Je baisse les yeux, je me recueille en moi-même et j’étreins l’univers contre mon cœur.  Je m’offre à la mort. Les bourreaux continuent leur mission barbare : tableau terrifiant ! Quelle répugnance, quelle honte de moi-même ! Mon corps et mon âme se déchirent en lambeaux. J’attends mon heure.
Je suis passée de la souffrance à l’amour, du Calvaire au Thabor. J’ai commencé à ressentir fortement dans ma poitrine l’amour de Jésus et sa divine présence en moi. Tout à coup j’ai entendu sa voix douce et suave :
— C’était mon désir, ma colombe de prédilection, que le monde connaisse de quelle manière je me donne à mon épouse, à l’âme vierge, que le monde connaisse et comprenne cet amour : l’amour dont moi je t’aime, l’amour dont tu m’aimes, l’amour des âmes, l’amour de la croix. C’était mon désir, mon grand désir, que le monde connaisse ta vie, vie d’un amour très pur, vie d’héroïsme sans réserve. Ta vie est un tableau très riche où est reproduite la vie divine, la vie la plus complète du Christ crucifié.
Les hommes, ma fille, s’opposent par des méthodes peu édifiantes à cette vie que je voulais connue pour le bien des âmes.
— Ô mon Jésus, n’ayant pas de volonté propre, je veux ce que vous voulez ! S’il n’en était pas ainsi, je préférerais vivre cachée ; vivre comme si je ne vivais pas ; vivre comme si je n’avais jamais existé, à condition de vous aimer et de sauver les âmes. Mais si vous le voulez autrement, la solution est entre vos mains : faites que les hommes agissent autrement.
— Non, non, ma chère, ce n’est pas ainsi.
— Pardonnez-moi alors, mon Jésus, si je vous ai offensé.
— Sois en paix / tu ne m’as pas offensé.
Où sont-elles les grâces que je leur ai donné ? Ils ne s’en sont pas servis, ils m’ont méprisé en elles, en elles, ils m'ont foulé aux pieds. Ils ont préféré leur propre volonté, leur orgueil, leurs jugements et de fausses lumières. Quelle douleur pour mon divin Cœur !
Courage, petite fille, ma cause vaincra et avec elle tous ceux qui pour elle combattent.
Tu es un vrai chemin, tu es une route royale flanquée de chaque côté des merveilles du Seigneur. Heureuses les âmes, heureux les pécheurs qui y entrent et vont ainsi jusqu’au port de salut. Ton regard, ta douceur, ta grâce attirent les âmes à toi et par toi elles viennent à moi...
(...)
— Venez, ma Mère, ma Mère bénie : donnez de votre céleste vie, donnez de vos grâces et de vos richesses à cette enfant, ma fille et mon épouse, aussi bien que votre petite fille très chère.
La Vierge Marie a uni son très Saint Visage au mien : Elle m’enlaçait et me couvrait de ses caresses et planait sur moi avec une grande suavité. J’ai senti comme si je recevais beaucoup, beaucoup de vie. Je l'ai entendue me dire :
— Ma fille, épouse de mon Jésus, Tabernacles de mon Fils, sanctuaire de mon Jésus, où Il habite toujours !
J'ai entendu Jésus dire aussi :
— Donnez-lui, ma Mère, donnez-lui les richesses du Ciel, donnez-lui tout votre amour. Au moins vous et moi, montrons-lui notre amour et notre consolation, étant donné que de la part des créatures qu'elle aime et qui sont à ses côtés, elle ne peut en recevoir aucune, malgré le fait qu'elle sait que celles-ci l'aiment mais elle ne reçoit pas leur amour, ce qui lui fait peur.
Soif de sauver le monde
Je ne sais pas expliquer ce qui arrive dans mon âme, mais Jésus le sait, il sait que je ne mens pas...
Je sens être un comble de péché, de corruption ; un comble de froideur, d’ingratitude, de manquements dans les préceptes de Jésus ; j’ai l’impression d’être une mer de sang. Quelle douleur de constater que j’ai tout fait et que je ne peux faire rien d’autre pour le monde ! Mais, mon Dieu, qu’ai-je fait si tout ce que je souffre et fais ne m’appartient pas ? Comment puis-je sentir que j’ai tout fait pour le salut du monde. N’ai-je pas donné ma vie pour celui-ci ? Mais cette vie même, je l’ai offerte à Jésus.
Qu’est-ce que cette mer de sang que je sens être ? Vous le savez, Vous, Jésus : cela est suffisant. Il me semble que toute l’humanité se soit immergée. Oh, si je savais ce que je pourrais faire pour la sauver !
Et les pauvres enfants des limbes ? Je n’oublie pas mon offrande, ma demande à Jésus d’aller les baptiser. Si je pouvais, et Jésus le consentait, j’aimerais rester à genoux aussi longtemps que le mon durera, pour obtenir de Jésus cette grâce : baptiser ces petits enfants. Je me meurs de compassion pour eux.
Et les âmes qui sont en enfer !... Mon âme ressent une douleur indicible, non pas tant pour les souffrances qu’elles y endurent, mais plutôt parce qu’elles ne pourront jamais voir Dieu. Ô quelle ténébreuse souffrance !...
Je ne sais pas comment l’expliquer : j’aimerais souffrir pour remédier à tous ces maux.
— Ô Jésus, mon amour, vous voyez, vous savez la sincérité de mes paroles : elles ne sortent pas uniquement de mes lèvres, mais bien du plus profond de mon cœur, d’entre ma plus grande douleur et la plus grande agonie de mon âme. Oui, mon bon Jésus, ma vie n’est pas une vie d’illusion, comme le disent certains. Par votre grâce et votre miséricorde je n’ai jamais cherché à tromper. Trouvez-vous en moi quelque chose de bon et de louable ? Je ne le sens pas, je l’ignore. Mais si quelque chose il y a, elle vous appartient, ce n’est pas à moi.
Combien d’épines blessent ce cœur qui n’existe que pour souffrir ! Du plus profond de mon âme je vous demande pardon pour ceux qui si cruellement me font souffrir. Mon âme sent que beaucoup de ceux-ci veulent maintenant se laver en se servant de moi, mais ne le peuvent pas : je suis un chiffon immonde ; ils se saliraient davantage.
Ô, combien je suis endolorie ! Mais, plutôt souffrir des millions de fois, innocente, qu’une seule fois coupable.
Je ne veux pas perdre mon union avec Dieu un seul instant.
J’ai passé toute la nuit éveillée.   J’ai demandé beaucoup de choses à Jésus. J’ai renouvelé mon offrande comme victime. Je l’ai remercié du bienfait de ne pas dormir parce qu’ainsi je peux lui tenir davantage compagnie, vivre davantage sa vie et me confier à lui...
Pendant que je me confiais à Jésus, j’ai été assaillie par le démon. Il a utilisé son astuce, sa malice et des paroles honteuses que je ne puis répéter...
« J’aimerais que mon âme ait été un livre... »
Le soleil et la lumière du jour ont-ils cessé d’exister pour le monde ? Il me semble que la nuit la plus tourmentée et obscure ait tout envahi. Je n’ai pas de lumière, pas de joie, pas de vie. Je suis morte et je sens que tous ceux qui me sont chers, sont morts eux aussi.
Le médecin est venu. Il me semblait ne pas le voir : il était comme un cadavre voisinant un autre. Comme toujours, dans sa bonté et sainteté, il a cherché à soulager ma souffrance, en m’incitant au courage et à la confiance. Ô mon Dieu, quelle indifférence ! Tout ce qu’il disait semblait ne pas me concerner. À la fin, j’avais même peur de lui, très peur.
— Jésus, prenez-moi tout, et donnez-moi votre divin Amour en échange de tout ce que vous me prendrez. Donnez-moi une infinité d’âmes ; donnez-moi l’immensité de votre amour infini. Je veux vous aimer de cet amour et vous aimer pour ces âmes que je vous demande.
J’ai soif, Jésus, j’ai soif ; une soif qui me brûle et me consume ; une soif qui ne pourra jamais être rassasiée sur la terre ; j’ai soif de vous aimer et de vous voir aimé par cette infinité d’âmes que je vous demande ; j’ai soif de souffrir, souffrir toujours davantage pour conquérir et sauver ces âmes pour vous.
O monde, monde, sans vouloir t’appartenir, sans vouloir t’aimer, je t’aime follement, je te veux, coûte que coûte ; je ne peux pas te laisser, cher monde, sans te voir entièrement sauvé ! Ces anxiétés, ces désirs ne m’appartiennent pas ; ils ne sont pas nés de moi : je ne suis que mort, rien que mort. Ils sont à qui ils veulent, ils appartiennent à qui ils veulent, ils sont à Jésus ; ils servent à le consoler, ils servent à l’aimer.
— O mon Jésus, reliez mon cœur à votre Cœur ; que rien ne puisse nous séparer. Reliez aussi à vous tous les cœurs du monde entier. Je ne veux pas qu’en cette pauvre humanité existe autre chose en dehors de l’amour : amour pur à votre divin Cœur. Je veux que ma vie soit une vie uniquement de louange pour vous. Que puis-je désirer d’autre ? Comment souffrir davantage ? J’aimerais m’arracher le cœur et le confier aux flammes du plus ardent amour et pouvoir vous dire : “celui-ci est l’amour de toute l’humanité”...
« Je t’ai rendue semblable à Moi »
(Moments de la Passion)
(...)
Quel triste jeudi ! Combien de fausseté on me prépare ! Il fait déjà nuit. Je me trouve au milieu d’un rassemblement important, à une invitation d’une très grande intimité [la dernière cène] : les conversations sont orientées au réconfort.
Dans mon âme deux tableaux bien différents se présentent : une trahison sans égale et un amour sans pareil ; un amour, une douceur, une tendresse telle envers le traître qu’aucun cœur ne peut comprendre. Combien d’appels pleins de douceur à l’adresse du traître ! Mais celui-ci résiste, il ne se rend pas, il ne se trouve pas à l’aise à côté de l’Agneau, victime innocente.
Je ne sais pas exprimer, ni la bonté ni la tendresse de Jésus. J’aimerais que mon âme ait été un livre où tous puissent apprendre les manifestations de la bonté, de la tendresse, et de l’amour de Jésus.
Jésus me demande deux sacrifices…
Jésus me demande aujourd’hui deux sacrifices : un pour l’âme, l’autre pour le corps. Un sacrifice de l’âme parce que je dois dicter tout ce que je sens et tout ce que je souffre ; un sacrifice du corps parce que mon état est si grave que je ne peux même pas bouger mes lèvres pour parler. Il me semble, en effet, qu’à chaque parole que je prononce des morceaux de mon cœur et de mes entrailles s’en échappent  . J’ai confiance en Jésus et je suis sûre qu’il m’aidera à dicter au moins ses divines paroles [de l’extase]...
Vers la fin de la matinée j’avais cette impression : je courais vers la mort et la mort vers moi. Je courais parce que des impulsions d’amour m’obligeaient à courir. Seuls le sang et la mort auraient pu sauver le monde et moi, je voulais le sauver.
Combien de fois, pendant le trajet, je suis tombée épuisée, et croyant mourir ! Le fait de perdre la vie pour redonner vie me redonnait des forces, et je reprenais mon chemin.
Sur le Calvaire, déjà en croix, mon sang coulait à flots.
Calme et sereine, l’esprit tout en Dieu, j’attendais le moment du plus grand bonheur : le moment du salut  .
Jésus est ensuite venu. Il était tout amour et tendresse pour moi :
— Ma fille, tabernacle divin où j’habite, prison de douceur et d’amour ! J’ai relié mon Cœur au tien par des liens du plus saint amour. Les lacets enchanteurs de ton cœur m'ont attaché à toi... Rien ne peut nous séparer. Nul ne pourra couper les liens conjugaux qui nous unissent.
O ma colombe... par ton amour séraphique le monde m’aimera... Tu es et seras toujours le paratonnerre des pécheurs.
— Oh oui, Jésus, je veux les attirer vers vous, à n’importe quel prix ! Je vous demande la grande grâce de les recueillir tous dans votre divin Cœur. Qu’aucun d’eux ne se perde. Je ne vous refuse aucune peine, mais vous non plus, ne me refusez pas les âmes.
— Ma petite fille, héroïne du monde hors pair, dont la souffrance et l’amour sont aussi hors pair. Tu es riche et puissante. J’ai préparé en toi un armement très fort, un armement de guerre : non pas des armes ni du feu destructeur, mais un armement des vertus les plus héroïques... non seulement pour combattre pour le Portugal, mais aussi pour combattre pour le monde entier. Tu combattras et tu vaincras...
Mon épouse bien-aimée, nouvel évangile où est écrite, de façon indélébile, la vie du Christ crucifié : vie de douleur, vie d’amour, vie de folie pour les âmes, vie de charité, vie de science et de doctrine du Christ Rédempteur.
Je t’ai rendue semblable à moi, je t’ai modelée sur moi, victime chère, innocente salvatrice, éclose sur ce calvaire   prédestiné. Sauve-moi les âmes, mets-les à l’abri sous le manteau qui t’a été confié par ma Mère bénie...
Jésus m’a serrée entre ses bras pendant quelques heures : il me faisait penser à une mère qui n’abandonne jamais son petit enfant quand il est moribond.
J’ai beaucoup souffert, mais j’étais réconfortée par la tendresse de Jésus. Autant de bonté de sa part envers moi me confond, m’anéantit  .
« Plus je souffre, plus je désire souffrir... »
(...)
Plus je souffre, plus je désire souffrir, mais je souffre terriblement. J’aime la douleur, je la veux, et pourtant j’en ai la plus grande terreur. Je courre vers les souffrances avec une grande avidité de les saisir et en même temps il me semble qu’elles me fassent pleurer des larmes de sang que j’aimerais cacher. Ô horreur, épouvantable horreur ! Je veux souffrir et je veux fuir la douleur.
Pendant ces derniers jours où j’ai eu tant à offrir à Jésus, je n’ai pas pu avoir un moment de joie ni lui offrir mes souffrances. Je répétais sans cesse : “Tout pour vous, Jésus, et pour les âmes !” Mais ce tout que j’offrais à Jésus, n’était pas à moi, n’était rien. J’ai passé des jours et des nuits dans cet état : à donner, à offrir, sans rien avoir à donner, sans rien avoir à offrir...
J’ai dit à Jésus :
— Je ne souffre pas ? Acceptez le désir que j’ai de souffrir. Je n’aime pas ? Acceptez le désir que j’ai de votre amour. Je ne suis pas moi-même ? Je ne vis pas ? Je n’ai rien à offrir ? Acceptez tout comme si je vivais, comme si je souffrais, comme si tout m’appartenait...
Je sens dans mon âme tant de grands tourments. Je ressens même des remords, ou je ne sais quoi, pour tant de personnes qui m’ont fait souffrir. Qu’est-ce que cela, mon Jésus ? Les souffrances qu’elles m’ont causées ne sont-elles pas suffisantes, dois-je encore souffrir le dégoût qui entoure leurs âmes ? Jésus, je suis votre victime. Pécher je ne le veux pas, mais tout ce qui peut servir à vous aimer et à vous procurer gloire, je le veux, je l’accepte...
(...)
Les épines ne cessent de tomber sur moi ; et elles tombent avec tant de force ! Elles me blessent le corps, me blessent aussi l’âme.
Cela fait déjà deux jours que l’on ne me porte pas Jésus : où trouver la force pour supporter ceci.
Les si tristes tableaux que Jésus a imprimés en mon âme sont toujours présents devant moi : le monde, les limbes, l’enfer. Combien de fois le souffle me manque parce que je ne vois aucun remède, parce que je ne peux rien faire pour eux !
Depuis deux jours mon âme ressent une petite pluie fine, comme de la neige, mais c’est de la pluie de sang qui arrose l’humanité entière  . Je souffre énormément à cause de cela. Non pas de voir et de ressentir une telle pluie de sang qui est rosée d’amour, rosée qui donne tout, mais parce que ce sang qui jaillit sort de moi-même, sort de mon cœur, sort des veines de mon corps. Ô quelle douceur ! Ô après-midi de jeudi qui m’apporte tout ceci ! Quelle mer de souffrances de bien peu comprise !...
« Jésus s’est donné à moi... »
(Moments de la Passion)
(...)
Le vendredi est arrivé ; triste vendredi ! J’ai vu ma croix ; il était encore tôt. On la préparait avec soin : elle était nécessaire, quelle que soit la sentence que j'ai dû recevoir.
Dans mon âme je ressentais une mansuétude, une bonté inégalable. En même temps, contre cette mansuétude et cette bonté, je ressentais la haine, la rancœur, le mépris et une autorité orgueilleuse : un orgueil cynique.
Des bêtes féroces contre l’Agneau le plus petit et le plus innocent ! Quelle douleur pour lui, lui si débordant de bonté ! Avant même que la sentence ne soit prononcée contre l’Agneau innocent, j’ai senti que cette autorité là, avec une fureur diabolique se déchirait les habits de haut en bas...
J’ai monté avec peine la montagne du Calvaire, en ayant l’impression d’expirer. J’ai crié continuellement :
— Père, Père, toi aussi tu m’abandonnes ? Toi aussi tu m’abandonnes ?
Mon sang coulait.
Le soleil, honteux, s’est caché à la vue de tant de malice. Et moi, déshabillé, dans une grande confusion, je restais là, sur la croix, sous les regards de la canaille la plus vile ! Mes habits ont été tirés au sort et partagés...  Mon âme tremblait de douleur et de peur, comme le corps tremble à cause du froid.
À haute voix toujours j’appelais Jésus. Il est venu apportant un soleil radieux et ardent. Les tremblements de mon âme ont cessé, ainsi que la peur et toutes les douleurs : j’avais retrouvé la paix, je n’avais plus que lumière et amour. Le cœur a commencé à revivre une vie que je ne sais pas expliquer. La poitrine est devenue un vrai incendie. Quel bonheur j’ai pu vivre pendant longtemps !...
(...)
J’ai entendu des hymnes merveilleuses ; je ne comprenais pas très bien, mais je sais qu’elles étaient adressées à Jésus au très Saint-Sacrement.
J’ai entendu les paroles « Corpus Jesus Christi »   et je me suis aperçue que Jésus se donnait à moi et m’unissait toujours davantage à lui.
Les anges continuaient de chanter : de ce chœur d’anges sortait un canal qui arrivait jusqu’à moi, me communiquant des flammes de feu et bien d’autres choses.
Jésus m’a dit alors :
— Ce canal,  ma fille, descend du Cœur de la tienne et ma Mère bénie. De celui-ci tu reçois la très grande abondance de notre amour ; tu reçois nos grâces, vertus et dons : richesse divine et tout ce qui est du ciel. De son Cœur tu reçois la vie pour vivre, la vie pour la donner aux âmes. C’est cette rosée, le sang que tu sens tomber sur l’humanité ; c’est une fusion de mes richesses, de mes grâces et de ta souffrance. Tu es une nouvelle corédemptrice.
Je te communique tout à travers le canal de ma Mère bénie : c’est à vous qu’il appartient de sauver le monde.  (...)
« Tout souffrir sans rien dicter... »
(...)
J’ai une grande dette ! Combien je vous suis reconnaissante ! Prières, lettres remplies de réconfort, tant et tant de choses !... Comment pourrai-je vous rétribuer ? Je charge Jésus et la Maman du ciel de le faire pour moi.
Les vomissements ont cessé, mais je me sens bien malade : je n’ai pas de force, ni disposition pour la moindre chose.
Il m’aurait plu de vous faire parvenir quelques mots à votre retour de Lisbonne, mais je n’ai pas pu le faire. Merci pour les nouvelles que vous m’avez communiquées sur Alexandrina   et sur la personne trouvée à Fatima.
Que le Seigneur permette que sa cause triomphe, pour son honneur et sa gloire et le bien des âmes : c’est ce qui m’intéresse. En effet, il m’importe peu d’être humiliée.
Que Dieu daigne permettre que vous, après la prédication, vous puissiez venir ici, comme vous le laissez entendre dans votre dernière lettre. J’ai tellement besoin de vous parler : je crois suffoquer. Pauvre de mon âme, combien triste est ma vie !... Le démon, pendant que j’avais les crises de vomissements, n’a pas usé de ses malices,  il bavardait et m’affligeait, me disant que, après un peu de repos,  il m’entraînerait de nouveau à la vie de péché.
Je vous demande d’avoir l’obligeance de remercier Dom Previsano pour sa lettre. Pour lui et pour tous les autres prêtres salésiens nos respectueuses salutations et nos remerciements pour les prières. Je n’ai pas oublié de m’unir aux leur, le jour de la fête de Dom Bosco...
Salutations et saints souvenirs à tous les novices et à tous les confrères.
Vous pourriez, maintenant, me dispenser de dicter mon journal spirituel : je fais pour ce faire un très grand sacrifice !... Laissez-moi tout souffrir sans rien dicter...
« L’amour me pousse vers la souffrance »
(...)
Je sens que je ne peux pas résister à tout... Je ne peux plus rester sur cette terre... Je veux laisser le monde et l’emporter avec moi ; je n’en veux pas, mais je l’aime ; je ne lui appartiens pas mais il est à moi ; je déteste tout ce qui est du monde, mais je veux embrasser le monde au point de ne plus le laisser... Je veux entrer au ciel, mais avec toute l’humanité. Mon Jésus, que dois-je faire ?... Je ne sais pas quelles plus grandes souffrances je peux désirer pour mon corps...
Je continue de souffrir des remords, ceux qui entourent les âmes que certaines personnes... Je souffre pour le malheur de quelqu’un qui m’a tant blessée...
(...)
Je sens et je vois les tourments qui m’attendent. Je sens que je suis prise comme cible : les pierres me blessent le cœur. Je sens que je prends congé d’une assemblée.
Combien de larmes de chagrin et de honte en me voyant revêtue de toutes les immondices et de me trouver dans un tel état en présence du Père éternel !
L’amour me pousse vers la souffrance. Les lèvres clos, les yeux fermés, je me dis à moi-même : “Je vais vers la mort”.
Une pluie d’épines tombe sur moi : mon corps devient comme lépreux. Mais je reste les bras ouverts, un tendre sourire aux lèvres et une mansuétude inégalable. Je cache et je dissimule tout.
Ô mon Jésus, j’aimerais, uniquement pour votre gloire, savoir expliquer ce qui se passe en moi, ce que vous avez souffert pour nous ! Ô, quelle tendresse, quelle bonté, ô innocent, ô innocent Jésus !...
(...)
La Maman est venue me secourir. Elle m’a prise entre ses bras très saints et m’a dit :
— Me voici, ma fille, me voici pour te défendre. Viens dans mes bras, viens te reposer. C'est à la mère qu'il appartient de défendre sa petite fille, à la mère qu'il appartient de défendre et de consoler les épouses bien-aimées de Jésus. Toi, tu n’as pas péché, ma petite enfant : ceux-là, ce sont des moments d'une intense réparation, d'un grand amour à Jésus. Courage, souffre, souffre et réjouis-toi !...
« Toute seule dans une obscure prison... »
Si tous les jours, après mes légers sommeils, je me trouve submergée par une grande souffrance et une grande tristesse, cette même souffrance redouble le vendredi. Je n’ai pas de paroles ni le moyen de les expliquer. Aujourd’hui je me suis réveillée tout simplement exsangue. J’avais l’impression que mes cheveux étaient imbibés de sang, et que pareillement mes habits étaient collés à mon corps.
Je me trouvais toute seule dans une obscure prison. Je sentais la douleur de l’abandon dans lequel ceux qui m’étaient chers avaient été laissés. Que devenaient leurs protestations de ne pas m’abandonner ?
Tout ceci est comme un livre aux caractères bien clairs imprimés dans mon âme ; ce ne sont pas des inventions. Parfois j’essaie de me distraire pour voir si ces souffrances disparaissent. Je me trompe, car la blessure est bien profonde, c’est une douleur très vive que seuls Jésus et la Maman du ciel peuvent adoucir.
Ensuite le démon est arrivé sous l’apparence d’un loup ou d’un lion, développant devant mes yeux des scènes horribles... J’aimerais que les âmes connaissent ses astuces diaboliques afin qu’elles ne se laissent pas tromper !
Avec la venue de Jésus-Hostie, par la chaleur de son divin Amour qu’il m’a fait sentir intensément, j’ai repris un peu de vie.
Son réconfort m’a encouragée à parcourir le chemin du Calvaire. Combien j’ai été maltraitée ! Je suis tombée si souvent sous le poids de la croix, et traînée avec des cordes pendant de longs moments. Je tombais la face contre terre et des lambeaux de ma chair lacérée restaient collés aux pierres.
Toutes les souffrances qui m’attendaient anéantissaient mon cœur : c’était une oppression qui le suffoquait et lui enlevait la vie.
Sur la croix, abandonnée de tous, en écoutant les injures les plus infamantes, je sentais ruisseler, comme une sueur mortelle tout le long de mon corps. À celle-ci se joignaient les gouttes de sang qui abondamment tombaient de ma tête et des plaies de mon corps.
Dans la souffrance je sentais la grande douceur d’être comme la monnaie d’échange pour les âmes, mais je ne pouvais même pas esquisser un sourire.
Pendant cet abîme de douleur Jésus est venu :
— (...) Ma fille, tu es une mer immense de richesse, tu es un port de salut. Quand tu seras au ciel près du trône divin, et que là arriveront des suppliques en ton nom en faveur des pécheurs en danger, quand tu diras “Mon Père, je désire que tel pécheur se sauve”, au même moment il recevra la touche de la grâce. Tous, par toi, seront sauvés. Tu seras comme un fil d’or très fin qui les liera à moi pour toujours.
— Mon Jésus, je vous remercie pour votre bonté et pouvoir, infinis. Si vous me ferez si puissante au ciel, faites que déjà sur la terre, tous les pécheurs que je vous indiquerai se convertissent et soient sauvés.
— Demande, demande, ma petite fille, tu es puissante. Confie à mon Cœur tous ceux que tu voudras. Ta mission sur la terre est de faire le bien à la terre elle-même, c’est de défendre le bien... Écoute, ma fille bien-aimée, ceux-là (et il m’a cité les noms) sont en danger de se perdre : ils sont tellement obsédés par les passions ! Ils m’offensent très gravement, si scandaleusement !...
— O Jésus, je veux m’offrir à vous pour vous consoler et pour les sauver. Choisissez la réparation que vous voudrez ; donnez-moi votre grâce, votre force divine. Munie de celles-ci, je suis prête à n’importe quel sacrifice.  (…)
Efforts récompensés...
(…)
Hier j’ai passé plus de trois heures à parler de Jésus à une personne éloignée de lui depuis de longues années. Je ne me souviens pas qu’il ait jamais fréquenté l’église.
Je suis restée baignée de sueur et épuisée au point de ne plus pouvoir bouger mes lèvres pour prononcer la moindre parole. Mais mon effort n’a pas été sans récompense : Jésus a permis que, pendant un certain temps, je puisse éprouver quelque joie. Cette personne m’a donné des signes de repentir et m’a promis de changer de vie. Elle me semble prête, dans peu de temps, à pouvoir échapper à l’emprise du démon.
Ah, si je voyais dans de telles dispositions tous ceux qui sont éloignés de Jésus ! Je veux souffrir, je veux souffrir, je veux les sauver : je les aime ; ils sont tous à Jésus...
« Je sens être le monde... »
(Moments de la Passion)
(…)
Il est certain que Jésus souffre en moi, toutefois, la souffrance prédomine et je suis épuisée. Je sens que la mort chemine vers moi : la mort que je souhaite tant, que je veux appeler, qui m’introduit dans le bonheur céleste. Je ne pense plus alors à mes tristesses, à mes souffrances et amertumes, et je me mets à prier pour tous ceux que j’aime et pour le monde entier. Je n’oublie pas ceux qui sont la cause de tant de mes souffrances : je prie pour eux ; je veux que Jésus leur donne de l’amour, je veux qu’il leur donne le ciel.
Je sens être le monde : un monde fait de rochers très durs ; un monde fermé, et je sens que je suis à l’intérieur de celui-ci. Je dois transformer ces rochers de très dures pierres en pierres précieuses, en de l’or très fin. Quels efforts je fais, à l’intérieur de ces rochers afin de pouvoir me déplacer ! Je dois les déplacer, les concasser. Je dois en faire un monde beau, agréable à Jésus.
— Ô Jésus, regardez le martyre qui me consume. Que dois-je faire pour le monde ? Comment le transformer ? Comment pourrai-je consoler et procurer de la joie à votre divin Cœur ?
L’action de l’Esprit-Saint se fit sentir en moi. Mais il me semble ne pas bénéficier de ses grâces, de ses lumières. Je suis une pauvre qui n’a rien et ne pourra jamais rien avoir.
— Qu’en sera-t-il de moi, Jésus ? Je ne peux pas vivre sans vous ; sans vous je ne peux pas souffrir...
Le souvenir qu’aujourd’hui soit un jeudi me fait mal. Quelles souffrances m’apportent ces jours [jeudi et vendredi].
À la tombée de la nuit j’avais l’impression de parcourir des routes. Je poursuivais mon chemin et j’étais cernée et montrée comme accusée des toutes les fautes de tous ceux qui me voyaient.
La nuit tombée je me suis trouvée dans un banquet d’amis. Au milieu de cette amitié je sentais le traître qui, peu après, allait m’embrasser, et j’ai éprouvé la douleur que ce baiser allait me causer.
Je sentais être Jésus. Sur ma poitrine s’est posée une tête que j’aimais beaucoup. Mon cœur s’est attendri d’amour pour lui.
Que de conversations sur tant de mystères et sur tant de grandeurs !
Pendant ce banquet j’ai lavé les pieds à ceux qui m’entouraient. J’avais sur moi de l’eau, serviette et bassine. Parmi eux, un se sentait gêné que je lui lave les pieds. Un seul regard de moi et il était prêt à se déshabiller pour que je le lave tout entier, s’il en était nécessaire.
Si je pouvais rendre tout l’amour, la bonté et la tendresse de Jésus, combien cela ferait de bien aux âmes ! Mais je ne sais pas mieux l’expliquer.
— Suppléez, Jésus, mon incapacité.
« Nos cœurs sont unis... »
En fin de matinée j’ai senti mon cœur très maltraité. Les humiliations l’écrasaient : il n’avait plus de sang à donner à mon corps.
J’ai commencé mon chemin de calvaire. La Maman du ciel est venue à ma rencontre : ce fut un échange de profonds regards. Nous cœurs se sont unis dans une même souffrance. L’échange de nos regards fut bref ; en effet, je devais avancer, toujours maltraitée, poussée, traînée. Mais la douleur de nos cœurs ne s’est pas désunie, liée qu’elle était comme deux fils électriques.
Bien vite je suis arrivée au sommet du calvaire, où j’ai été clouée à la croix. Quelle longue agonie ! Le sang coulait ; les plaies s’agrandissaient chaque fois davantage. Les larmes de la Maman chérie coulaient sur mon cœur. Elle était comme un phare pour moi et moi pour elle : un phare dont la lumière mettait en évidence nos souffrances.
Avant d’expirer, j’ai senti que l’on me transperçait le cœur. Cette douleur m’a été anticipée, car une fois morte, je n’aurais pas pu la ressentir. Quand j’ai senti mon cœur transpercé, j’ai jeté mon regard sur le monde et je lui ai dit :
— C’est à cause de toi que je suis en cet état !
Alors, mon Jésus est venu :
— … Ma fille, comme moi, tu as la folie des âmes. J’ai fait ton calvaire semblable au mien. Ta vie est vie du Christ : le Christ vit voilé en toi...
Ma fille, tu es une source de salut pour toute l’humanité ; tu es une source qui ne s’épuise jamais ; tu es comme une eau qui rassasie le monde entier ; tous, dans cette eau, peuvent se purifier...
« Mon Dieu, combien les souffrances que vous m’avez envoyé sont variées !... »
À l’aube j’ai commencé à souffrir à cause du voyage de Deolinda.  Elle partait avec d’autres personnes que j’estime, afin de visiter d’autres personnes que j’aime. J’étais contente, mais j’aurais aimé y aller moi aussi. J’ai offert au Seigneur le sacrifice de ne pas manifester mes sentiments. Mais à la fin, je n’ai pas su me contenir et j’ai laissé transparaître ma pénible nostalgie.
Je suis restée sur ma croix devenue plus douloureuse encore à cause de la préoccupation de tout ce qui aurait pu arriver pendant le voyage, étant donné non seulement la faiblesse physique de ma sœur, mais aussi des dangers que pourraient encourir tous les autres et le fait même qu’ils ne puissent pas rencontrer mon bon Père Pinho, visite qui leur auraient procuré un très grand plaisir.
Je me suis sentie aussi toute petite en constatant que des personnes importantes et se débattaient pour nous. Cette pensée me poursuivait ces jours-ci chaque fois que je recevais la visite de quelqu’un.
Pendant la nuit j’ai beaucoup souffert des conséquences de cette journée. Sans le vouloir, je revivais tout ce qui s’était passé. Jésus ne m’a même pas accordé le réconfort de la confession,  et ce n’était pas là la première fois... Je demande toujours à corps et à cris la visite du confesseur afin de purifier chaque fois davantage mon âme. Mais après m’être confessée, quelle amertume ! Mais, je reste en paix, malgré cela. En effet, mon âme se tranquillise parce que je suis toujours sincère et ne cherche aucunement à tromper.
— Acceptez, mon Jésus, mon amertume. Je la veux et je l’aime parce que je vous aime et que j’aime les âmes.
Il y avait deux nuits simultanées : celle du dehors et celle de mon âme.
Le démon, pendant la journée, m’avait affirmé que pendant le voyage un désastreux accident était survenu aux personnes qui m’étaient si chères. Il est le père du mensonge. Ils sont arrivés peu après. Je n’ai pas ressenti de joie : Jésus ne l’a pas permis.
Je suis restée quelque temps avec le Père Umberto, venu m’apporter quelque lumière et faire disparaître mes doutes. J’avais du mal à croire qu’il soit là, à côté de moi : je le sentais si éloigné et de ne rien pouvoir faire pour le rejoindre. Son visage me semblait être seulement une coquille d’œuf.
Mon Dieu, combien les souffrances que vous m’avez envoyé sont variées !
(...)
— C’est pour cela que je ne procure pas de joie, ni de consolation, avec la présence de ceux qui pourraient te la procurer ; je les prive, eux aussi de la consolation et de la joie qu’ils auraient de te voir joyeuse et consolée.
(...)
Pendant la nuit le démon est venu et il a appelé ses acolytes : ils étaient nombreux. Très affligée, je craignais que l’on entende mes gémissements.  Le maudit me disait :
— Tais-toi ! Il ne faut pas qu’il vienne — et il ajoutait de vilains sobriquets à l’adresse du prêtre. — Quand j’aurai fait de toi ce que je veux, je le tuerai. Il mourra sous mes pieds.
Je restais dans un abîme épouvantable : mon Jésus, quelle obscurité ! Ce n’était que de temps à autre que des feuilles blanches tombaient, mettant ainsi en relief l’obscurité terrible où j me trouvait...
Les démons m’ont laissée...
Triste, très triste, j’ai invoqué Jésus.
— Allons, ma fille, en avant dans l’accomplissement de ta mission...
N’as-tu pas vu les pétales blancs qui tombaient sur cet abîme ? Ce sont les pétales de ta réparation : par leur candeur ils illuminent les âmes, qui se trouve dans cette horrible ténèbre...
Je n’ai pas vraiment craint que le démon mette en pratique ses menaces, mais dès le matin, n’entendant aucun bruit dans la chambre voisine, j’ai eu peur que le prêtre ne soit mort. Le Seigneur, toutefois, ne l’avait pas permis.
Quand Dom Umberto est revenu pour me parler des choses de mon âme, j’ai continué de me sentir comme éloignée, très abstraite, immergée dans une mer de souffrances en âme et dans mon corps.
À l’intérieur de moi je sentais, de temps en temps, des secousses terribles ; une grande répugnance pour raconter ce qui se passait dans mon âme. Je me sentais petite et misérable...
« Le monde vient se rassasier… »
(Moments de la Passion)
Je n’ai point de vie, je n’ai point de sang : j’ai tout donné, j’ai tout perdu. J’ai tout donné et mon don me semble inutile. Je sens une si grande défaite. Mon Dieu, il me semble ne pas exister. La souffrance existe, et c’est la mienne. Le monde existe et j’en ai besoin.
Mon âme ressent une très grande faim, mais cette faim est la faim du monde, c’est le monde qui vient se rassasier dans ma souffrance ; c’est un monde de bêtes qui profite le plus qu’il peut de ma souffrance. Ce n’est rien, je ne souffre rien en comparaison de tout ce dont a besoin la pauvre humanité.
Jésus, quelle souffrance, que celle-ci ! On dirait que l’on m’arrache le cœur de ma poitrine et qu’on le met en miettes pour le distribuer au monde, aux âmes.
J’aimerais passer ma vie à mendier des cœurs qui puissent être l’aliment, le salut des pécheurs. J’aimerais crier très fort, j’aimerais que ma voix soit entendue par toute l’humanité :
— Ô monde, monde ingrat, je suis à toi ! Je me donne à toi pour Jésus et pour la très chère Maman du ciel. C’est grâce à eux que mon sang arrive jusqu’à toi, que ma vie parvient jusqu’à toi. c’est grâce à eux que je t’aime, que je suis à toi. Je t’aime pour te sauver, pour te confier à Jésus et à la Petite-Maman !
Pauvre de moi, je n’ai rien à donner ; je ne sais plus quoi faire. Que d’horribles choses se passent en moi, causées par l’anxiété insupportable que j’ai d’aimer Jésus et de sauver l’humanité !...
« Pourvu que je sache correspondre... »
Deux petits mots seulement, pour vous remercier pour tant d’attentions et soins envers moi. Et pour vous dire aussi d’être tranquille à mon sujet, que vous ne souffriez pas autant à cause de moi.
Je veux bien des prières, mais pas autant de souffrances, car, malgré mon indicible douleur, mon âme est en paix.
Je ne sais pas comment résister à la douleur, mais c’est une douleur en pleine tranquillité d’esprit. Pendant que les yeux de mon corps pleurent les plus amères et tristes larmes, mon âme monte vers Dieu, lui renouvelle l’offrande de victime et lui dit : “Que votre volonté soit faite”.
Dieu merci, je n’ai pas eu des moments de révolte contre Lui, bien que je ne sache pas comment résister, parce grande, très grande est ma souffrance. Pourvu que je sache correspondre à l’amour de Jésus envers moi... Mes misères méritent toutes les épreuves auxquelles le Seigneur voudra me soumettre.
Je veux le bénir au milieu de tant de souffrances ; je veux le bénir toujours, dans le temps et dans l’éternité. Je veux mettre toute ma confiance en Lui jusqu’au dernier instant de ma vie, quoi qu’il arrive.
« Les pétales deviennent des flèches... »
(...)
Dans la nuit du 27 [février] j’ai eu une vision d’épines qui m’a causé une énorme souffrance. C’était un bois très serré d’épineux, rien que des épineux. Ils montaient à une très grande hauteur, s’entremêlant les uns dans les autres à tel point que l’on ne voyait pas la cime. Ils étaient tous très gros et très longs, et ils étaient près à tomber sur moi...
Et sur ces épineux, il tombait continuellement une rosée de sang.
Mon âme sent que de ces épines va éclore une nouvelle floraison de boutons blancs...
Ce matin, tôt, j’ai senti dans mon âme, j’ai entendu, de mes oreilles, de forts grands bruits, de grands coups par lesquels on ouvrait ma sépulture. Elle était si profonde ! C’est jeudi. La mort court vers moi. La sépulture est prête. Le poids de toutes les humiliations m’écrase. Aucune méchanceté ne m’a été épargnée.  Mon âme voit tout ce qui enlèvera la vie au corps. Ma sépulture est un puits, un abîme.
Rien n’existe en moi qui puisse me procurer de la joie : tout ce qui s’y trouve de beau et de puissant est pour moi une souffrance.
Depuis mon lit je peux admirer la grandeur du Créateur, en voyant, à travers la fenêtre, les arbres couvertes de fleurs. Quel prodige ! La candeur des fleurs se transforme en nuit pour mon âme ; tous leurs pétales deviennent des flèches qui pénètrent mon cœur. Que faire, mon Dieu ? Accepter tout ce qui vient de vous.
Je vais vers la mort les yeux fixés sur votre croix.
« Jésus, que pourrez-vous me demander que je ne vous le donne pas ?... »
(Moments de la Passion)
Je n’y pensais pas, mais mon âme m’a rappelé quel jour nous étions...
Je me suis sentie en prison, très triste et seule. J’ai souffert pour avoir les yeux bandés ; j’ai souffert à cause de tant d’ingratitudes...
Aux premières lueurs on est venu me chercher. Mon visage ressentait les gros crachats. Au dehors, une immense foule m’attendait : Combien de railleries j’ai entendu ! De rue en rue, de maison en maison, au milieu d’un grand tapage, objet de mauvais traitements, j’ai été interrogée par des magistrats hautains, remplis d’orgueil, convaincus de pouvoir tout faire... Devant autant de grandeur, combien j’étais petite ! J’ai été condamnée.
J’ai pris la croix. Courbée sous son poids je marchais par à-coups. Combien de fois j’ai été traînée ! Combien de larmes j’ai ressenti dans mon cœur ! Traitée si cruellement, je répétais souvent en moi-même :
— Je vous aime ! Je souffre pour amour pour vous !
Je portais la croix et je voyais, sur le Calvaire, celle de Jésus. Elle était comme un phare qui me pénétrait et m’illuminait tout entière. Je me suis sentie attirée par elle et je cheminais pour l’embrasser et la posséder. Arrivée auprès de celle-ci, on me coucha sur la croix. Pendant que l’on m’étirait les bras et les jambes pour les clouer et que je sentais que des plaies sortaient de ruisselets de sang, le démon est venu vers moi, redoubler ma souffrance... Moi, clouée, mains et pieds, sur la croix, je ne pouvais pas lutter. Combien j’ai souffert ! Je fixait mon Jésus crucifié...
Le démon est finalement parti, mais l’amère tristesse, l’abandon et les larmes non pas cessé. Les larmes et l’agonie de la Petite-Maman ne m’ont pas abandonné non plus, ainsi que ses regards endoloris, ses peines de compassion pour moi. Affligée et agonisante, j’ai crié vers le ciel jusqu’au dernier soupir :
— Père, mon Père, pourquoi m’avez-vous abandonné  ?
Ce n’était pas moi qui criais, c’était mon cœur. Ce n’étais pas moi à vouloir crier : la violence de la souffrance de l’agonie m’y obligeait.
À ce moment-là Jésus est venu :
— Ma fille, soleil de la terre, feu des cœurs, joie du ciel ! Soleil qui, de ses rayons lumineux éclaire l’humanité ; feu qui brûle et purifie les cœurs ; joie du ciel parce que mon Nom est loué par la victime immolée, par la vie qui donne vie... Je viens à toi pour te confier mes douleurs. Dis-moi, veux-tu me consoler ?...
— Jésus, que pourrez-vous me demander que je ne vous le donne pas ?...
— Étant donné qu’avec tant de bonne volonté et de joie tu me donnes tout, je te prive de ma joie, de ma consolation, comme je t’ai déjà privée de la consolation et de la joie de ceux qui te son chers. Tu ne recevras de moi que le réconfort nécessaire afin de pouvoir souffrir et vaincre..
Tu ne recevras que des épines [de la part du monde], des épines de toutes parts. Voilà le sens de la vison que je t’ai montrée ; tu vivras au milieu des épines et tu expireras au milieu de celles-ci. Ton âme pure en sortira pour s’envoler vers le ciel et y brûler d’amour...
Tes épines, ce ne sont pas des épines destinées à sécher. Ta souffrance prépare le terrain pour le bois que je t’ai montré, et ton sang l’arrosera. Ce sont des épines qui en sortiront, qui donneront des roses... Tu partiras vers le ciel, mais ta grâce et tes vertus resteront sur la terre... Je veux que ta vie soit bientôt, très bientôt connue : le monde en a besoin...
— Jésus, je veux souffrir toute seule, je veux pleurer toute seule : laissez-moi dans mon amertume, dans ma tristesse infinie, mais vous, restez dans la joie et dans la consolation complète.
« Je suis une mère qui pleure... »
Depuis dimanche je me sens la mère de l’humanité, une mère tendre. En même temps que cet amour, la souffrance aussi arrive ; une souffrance causée par les désordres de ceux de mes frères que je sens être mes enfants.
J’aimerais me présenter aux gouvernements de toutes les nations pour demander qu’ils se réconcilient les uns avec les autres ; mais j’aimerais une réconciliation faite d’un pardon durable pour que les mêmes désordres n’arrivent plus jamais.
L’envie de faire ceci est quelquefois si grande que j’ai l’impression de voler vers eux.
Pour obtenir cette paix, je soumettrais volontiers mon corps aux plus grands supplices et aux plus grands sacrifices, même si je devais être traînée de nation en nation et faire ce qui est le plus pénible.
J’aimerais prendre dans mes mains le Cœur de Jésus et leur dire :
— Regardez combien il est blessé ! Ce sont nos péchés qui le blessent ainsi.
(...)
Depuis samedi j’ai une très grande peur de Jésus. Depuis dimanche la peur de la Maman du ciel s’y rajoute, à telle enseigne que je n’ose plus me confier à elle. De la même manière, cette même peur existe envers les personnes qui me sont chères. Je désire que le Docteur Azevedo et le Père Umberto viennent ici, mais en même temps la crainte de leur présence me tourmente. Cette crainte disparaît ensuite pour laisser la place à l’indifférence, une indifférence qui me porte à croire que je ne leur parle pas et à me demander si vraiment j’existe ou non...
« Je sens en moi un feu brûlant... »
Je sens en moi un feu brûlant : il me brûle dans tous les sens. Tout mon corps est une fournaise. J’ai soif de Jésus, j’ai faim, très grande faim des âmes. J’aimerais pouvoir engloutir le monde. Je me sens toujours sa mère. Quelle folie la mienne, pour le monde qui n’est que tromperie, fange et immondice ! Je suis mère, mais une mère combien folle ! Je suis une mère qui pleure la perte de ses enfants ; je suis une mère qui ne peut pas les voir dans tant de désordres, dans tant de misères et d’atrocités. Je suis une mère qui pleure des larmes de sang, larmes qui baignent toute l’humanité. Je ne peux pas résister à tant de souffrances, mais je ne peux pas non plus m’accorder de trêve : je veux sauver le monde, je veux tout souffrir, je veux donner ma vie pour lui.
Au moment où les anxiétés étaient les plus insupportables, j’ai levé mon regard vers Jésus et je lui ai dit :
— Jésus, ce pauvre monde, je veux le sauver ! Laissez-moi entrer dans votre Cœur avec ceux qui me sont chers ; laissez-moi y entrer avec ceux qui m’appartiennent et se recommandent à mes prières ; laissez-moi y entrer avec tous les prêtres et les pécheurs endurcis ; laissez-moi y entrer avec ceux qui m’ont offensée ; laissez-moi y entrer avec toute l’humanité. Qu’aucun ne reste en dehors de votre Cœur, et qu’ainsi ils entrent dans notre Patrie, le Ciel que vous avez créé pour tous. Je veux vous aimer et vous louer avec eux tous, éternellement... (...)
Le nuit du plus grand miracle...
(Moments de la Passion)
(...)
Vers la fin de la matinée j’ai commencé à me rendre compte que Jésus pleurait à l’intérieur de moi. Moi, j’étais la ville de Jérusalem ; j’étais Jésus ; j’étais l’amour et l’ingratitude. De mon cœur partaient vers la cité les plus doux et tendres regards. C’étaient des regards de rappel, des regards de compassion. Mais de la ville, rien ne sortais vers moi ! Seule la révolte grondait contre moi.
En fin d’après-midi, je me suis sentie réunie avec des amis. Ô mon Dieu, que se passe-t-il ? Des scènes si contrastées ! J’étais Jésus et, sur mon cœur, je sentais quelqu’un poser sa tête sur ma poitrine, et moi j’étais ce quelqu’un. J’étais la table, j’étais le pain et le vin ; j’étais la coupe qui contenait le vin ; j’étais les plats où les viandes étaient servies. J’étais Judas ; j’étais tout. J’étais la douceur et la mansuétude de Jésus ; j’étais le désespoir et la trahison de Judas.
Quelle nuit ! Quelle sainte nuit ! La plus grande de toutes les nuits ! La nuit du plus grand miracle, du plus grand amour de Jésus !
Son divin Cœur était uni à ceux qui lui étaient si chers. Pour pouvoir partir, il lui fallait rester parmi eux ; pour monter au ciel, il lui fallait rester sur la terre ; son divin Amour l’y obligeait.
J’aimerais pouvoir éclaircir toutes ces choses, mais je ne le peux pas, je n’en suis pas capable.
Le regard halluciné du mauvais disciple est resté imprimé dans mon cœur, comme aussi le silence profond de nostalgique congé.
L’amertume de mon âme ne pouvait pas être plus grande.
« Le ciel paraissait se révolter... »
Chaque moment qui passe est une éternité. J’ai l’impression d’être toujours au même endroit. Le ciel ne vient pas.
Seule le vendredi, une fois passé, revient très vite. Je pourrais presque dire qu’il est toujours présent.
J’ai passé la nuit en agonie au Jardin des Oliviers. Quelle triste solitude ! Le ciel paraissait se révolter contre la terre ingrate. J’entendais le bruit de la foule et le résonner des armes.
À l’intérieur de moi j’ai entendu quelqu’un qui était tout proche dire :
— Mon ami, pourquoi es-tu venu  ?
Ô douces paroles ! Ô douceur, tendresse et amour de Jésus !
Quelques heures se sont passées et tout reste encore imprimé en moi. Mon corps est très épuisé à cause de l’agonie, de la prison, de la flagellation, des épines, des mauvais traitements et le chemin du Calvaire...
Arrivée en haut, je me suis transformé en la montagne même, en la croix, en Jésus. Combien de sentiments, combien de douleurs, combien d’amour ! Amour qui embrassait toute l’humanité, amour qui contraignait à tant de douleur, au versement de tout le sang.
Ah si je pouvais rendre clairement, comme clairement je l’ai vécu ce que Jésus et la Sainte Vierge ont souffert !
(...)
Jésus m’a dit :
— Tu es pleine de grâce, ma fille, parce que Jésus est avec toi. Tu es pleine de lumière, de pureté et d’amour, parce que le Saint-Esprit est descendu du ciel sur toi. Il habitait déjà en toi, mais maintenant, plus que jamais il s’est répandu en toi ; en toi comme jadis sur les apôtres. A partir de maintenant, tu auras des lumières pour comprendre pleinement l’étendue de mon amour, de ma puissance, de ma miséricorde et de la gravité de la faute contre mon divin Cœur...
Je désire vivement que ta vie soit connue ; mais elle ne pourra l’être sans une grande souffrance, immolation et sacrifice.
(...)
L’heure est arrivée : que la lumière soit, que la lumière se fasse. Le monde a faim de ma vie cachée en toi.
Demande prière, réparation, changement de vie. Demande-le ! Pour que cela se fasse, il faut le demander ; pour le demander il faut connaître mes désirs.
Hâtez-vous ! Hâtez-vous ! Faites pénitence ! Faites réparation pour le péché de chair. L’impureté est la fenêtre ouverte à tous les péchés graves. Que le monde se convertisse ! Pauvre monde s’il ne se convertit pas bientôt...
Tu recevras tout de moi, pour tout donner aux âmes. Tu appartiens à Jésus, tu vis de Jésus ! Donne aux âmes ce qui appartient à Jésus. (...).
« Cette lumière ne laisse rien occulte... »
Depuis vendredi   je sens dans ma tête une forte lumière qui se reflète dans mon cœur avec la même intensité. Je sens en même temps être comme une tour d’une hauteur inimaginable depuis laquelle, cette lumière illumine le monde entier.
Cette lumière nage dans une mer de souffrances, dans une mer obscure. La mer c’est moi, la souffrance est la mienne, et même la nuit est la mienne.
La lumière ne m’appartient pas: elle appartient au monde; elle est pour le monde.
Certaines fois je me fatigue et je reste broyée à cause des nombreuses choses que cette lumière me montre.
Mon Dieu, qu’elle horreur dans le monde ! Comme il coure vers la perdition ! Mais il est à moi, je me sens comme sa mère ! Je ne peux pas supporter qu’il se perde à cause de ses désordres. Mon âme le voit parcourant toutes les routes qui mènent à la perdition. Ah, mon Dieu, que dois-je faire ? J’ai déjà tout donné, et pourtant j’ai l’impression de ne pas avoir tout fait pour le sauver. J’ai tout donné et tout fait sans avoir le sentiment d’être sa mère, et maintenant [que je me sens sa mère], ma douleur est grande de n’avoir plus rien à donner à Jésus pour le monde.
Quelqu’un pourra-t-il comprendre cette souffrance ? Ce que j’en souffre, seul Jésus le sait. O cœurs, ô cœurs du monde entier, si vous compreniez combien Jésus vous aime !...
Lundi, avant même que je reçoive mon Jésus, Deolinda m’a prévenue que la jeune fille qui avait vécu avec nous désirait me visiter. Je désirais ardemment cette réconciliation, non pas que je me sente coupable, mais parce que j’étais d’avis qu’entre personnes pieuses il ne devait pas subsister de dissensions, des motifs de mauvais exemple qui déplaisent à Jésus.
Jusqu’à présent, à la pensée d’une rencontre avec quelqu’un qui m’avait tant fait souffrir, même involontairement et sans bien réfléchir, j’avais l’impression que j’en aurais reçu un coup au cœur. Je désirais une telle rencontre mais je craignais ne pas résister. Quand ma sœur m’en a parlé, Jésus a transformé mon âme : je n’ai plus eu cette impression à l’égard de cette personne ; je suis restée indifférente comme devant quelque chose qui ne m’aurait pas intéressée.
Lors de la Communion j’ai confié cette affaire à Jésus, lui demandant de la résoudre selon sa divine Volonté. J’ai passé la journée dans l’inquiétude de ne pas faire la volonté du Seigneur et avec un accroissement de souffrances.
Aujourd’hui il m’a été confirmé que peut-être, dans la matinée, après la Communion, j’aurais la visite annoncée. Je me suis alors tournée vers le Cœur de Jésus:
— Faites que je la reçoive avec la bonté et l’amour de votre divin Cœur. Donnez-moi votre humilité. Faites que j’oublie les souffrances causées, comme je désire aussi que vous oubliiez mon ingratitude envers vous.
— Petite-Maman, par votre agonie auprès de la Croix, par vos douleurs, faites que je me comporte de manière à procurer à Jésus toute consolation et que cela soit un grand profit pour les âmes.
J’ai reçu la jeune fille avec le sourire et avec la plus grande mansuétude possible, en me faisant une très grande violence. Le cœur en était suffoqué et des fois j’avais du mal à parler et à respirer.
Je lui ai fait comprendre son comportement méchant et, quand elle m’a demandé pardon je lui ai dit:
— Je ne demande pas au Seigneur qu’il te punisse, bien au contraire, je ne souhaite pas qu’il te punisse. Je veux tout oublier, comme je désire que Lui, il oublie mes ingratitudes et celles du monde entier.
Mon cœur a été rempli de compassion pour elle et je lui ai pardonné de toute mon âme. J’ai vu en elle le Seigneur.
Je n’ai pas eu un moment de joie, parce qu’il m’a semblé que l’affaire ne me concernait pas...
« La tour s’élève... »
(...)
Je sens que la tour qui s’élève à l’intérieur de moi est de plus en plus haute. L’artiste chargé de l’œuvre n’arrête pas de travailler. A quelle hauteur je suis montée, étant donné que je monte en haut de cette tour, ou mieux, je suis moi-même la tour !
La lumière monte avec moi. Je suis exténuée à force de monter.
La lumière est celle du monde et non la mienne. Elle sert à l’illuminer et à me permettre de le voir. Mais elle reste si bas ! J’évalue la distance du ciel à la terre. Oh, dans quel état je vois le monde ! Cette lumière ne laisse rien occulte; elle pénètre au plus intime et fait que moi-même j’y pénètre.
Quelle misère dans les âmes ! Quelle fange recouvre les corps et s’étend à toute l’humanité ! Quelle horreur !
O monde, dans quel état je te vois ! Plus la tour monte plus la lumière éclaire; plus le monde est dans la fange et plus mon cœur souffre...
La douleur de la Mère
(Moments de la Passion)
(...)
J’ai ressenti que Quelqu’un avec un amour fou, avec un amour de Mère, allait de rue en rue, aveuglée par la douleur, afin de voir où elle pouvait me rencontrer.
Le vacarme était épouvantable.
Revêtue d’habits royaux, mais par moquerie, on mit entre mes mains une canne. Quelle barbarie contre moi ! Ils étaient très nombreux ceux qui s’ingéniaient à inventer des tourments pour me maltraiter avec une plus grande cruauté. Le long du chemin du Calvaire ce n’étaient que hurlements et imprécations derrière moi. Ce n’étaient pas des cris de douleur mais de haine ; ce n’étaient qu’injures. Mais il y avait aussi Quelqu’un qui pleurait et qui s’affligeait à cause de moi ; Quelqu’un qui voulait me consoler, me procurer du soulagement et guérir mes plaies. Ce Quelqu’un me causait plus de souffrance : c’était une souffrance unie à la mienne, c’était une souffrance qui ne pouvait adoucir la mienne. La Petite-Maman... combien n’a-t-Elle pas souffert avec Jésus !
Sur le Calvaire et sur la Croix, Jésus et Marie n’avaient qu’un seul Cœur, une seule âme, une seule douleur, un seul amour. Jésus était abandonné et la Maman chérie se trouvait elle aussi abandonnée en regardant impuissante l’état de son Fils.
Si le monde connaissait et pouvait comprendre ceci, il ne pécherait pas.
Jésus était en croix, mais à l’intérieur de mon cœur.
Au cri de “Mon Père, pourquoi m’avez-vous abandonné ?” je disais dans mon cœur :
— “Regarde, monde, regarde dans quel état tu m’as réduit par ta méchanceté !”
Je l’ai entendu confier son Âme au Père éternel. Avec quelle joie elle quitta son très saint Corps et fut reçu au ciel !
Déjà en union avec mon Jésus,  je l’ai vu en croix, mais à l’intérieur de moi, verser ce qui lui restait de son précieux Sang dans son divin Cœur déjà ouvert, et verser enfin quelques gouttes d’eau.
Il m’a dit :
— Le pécheur endurci et affolé par les passions est éloigné de moi, très éloigné... Viens, ma fille, viens à ton Jésus pour recevoir la médecine, la vie et la lumière pour les conduire à moi...
— Ô Jésus, c’est seulement avec la lumière de votre divin Amour que je peux leur donner lumière. J’ai soif, une grande soif de vous donner des âmes, beaucoup d’âmes !
— Ta soif est la mienne : rassasie-moi... (...).
« Que l’on comprenne Ma vie dans les âmes... »
(...)
Jésus est venu me dire :
— Les hommes sont loin, très loin de comprendre ma vie divine dans les âmes, et ceci est cause d’une grande douleur pour mon divin Cœur. Voilà pourquoi le nombre des âmes réparatrices, le nombre de ceux qui arrivent à la sainteté dans sa perfection est très petit.
Le nombre des âmes appelées est grand, mais très petit le nombre de celles qui persévèrent et restent fidèles à l’invitation divine.  Sais-tu pourquoi ? Parce que le nombre de ceux de mes disciples qui comprennent cette vie divine dans les âmes est très restreint. Le nombre de ceux qui savent soutenir et guider les âmes vers moi est très petit.
À quelques-unes ils coupent les racines, les jettent par terre et souvent ont des chutes graves...
D’autres, par leur malice sont conduites par des voies erronées.
D’autres encore les condamnent, appelant faux ce qui est vrai, ou que c’est humain ce qui en réalité est divin.
(...)
Comment les pécheurs pourront-ils être sauvés  ? Comment l’humanité pourra-t-elle être sauvée ?
— Mon Jésus, vous seul le savez. Trouvez-en, vous même la solution et ayez compassion des uns et des autres.
— Ô victime des âmes, le grand remède, le plus grand remède est entre tes mains et non pas entre les miennes : acceptes-tu les souffrances que je vais t’envoyer ?...
— J’accepte tout, mais je désire entendre de vous la promesse que vous ne m’abandonnerez pas un seul instant et que vous ne permettrez pas que je vous offense, soit par faiblesse, soit par découragement... (...).
— Je ne viendrai pas te parler, ni le vendredi ni les premiers samedis. Ta passion ne s’arrêtera pas ; elle sera même davantage douloureuse ; elle sera même plus complète. Tu deviendras pire que les aveugles qui n’ont jamais connu la lumière : ils ne l’ont jamais vue, mais ils croient qu’elle existe. Toi, tu deviendras comme si tu ne croyais en rien. Tu auras besoin d’assistance et de quelqu’un qui t’affirme que la lumière existe, que tes chemins sont les miens... Moi, même si caché, ainsi que ma Mère bénie, nous ne t’abandonnerons jamais...
C’est ta dernière phase, et aussi la plus douloureuse. Oh, quelle agonie sera la tienne !...
Immédiatement après ceci, tu iras au ciel.
Combien ta mort sera merveilleuse ! Elle se déroulera dans la plus grande agonie, mais aussi remplie du plus grand amour...
Pour qui m’offres-tu les dernières souffrances ?
— Pour tout ce qui est de la divine Volonté : je ne veux que cela.
— Ô mon aimée, je veux que tu m’offres une partie de celles-ci pour les prêtres, afin qu’ils aient la divine lumière et comprennent ma Vie divine dans les âmes, qu’ils la possèdent toujours davantage, afin de mieux la communiquer toujours ; afin qu’ils n’aient pas d’autre vie que la mienne ! Je veux que tu m’offres une partie de tes souffrances pour ceux qui, n’ayant pas compris ni étudié ma vie dans les âmes, ils n’essaient pas d’éteindre la lumière en y anéantissant ma Vie.
Je veux encore que tu m’offres une partie de tes souffrances pour ceux qui m’offensent gravement.
L’autre partie de tes souffrances, offre-la pour le monde entier, afin qu’il t’appartienne : je te l’ai confié...
« Aujourd’hui fut un jour de grands souvenirs... »
(...)
Je sens la perte de Jésus et de toutes les créatures. Je suis seule, sans personne, personne pour moi...
Je ne peux pas me consoler que Jésus ait arrêté de me parler : je ne puis y résister. Le devoir d’écrire tout ce qui se passe en mon âme est un tourment pour mon âme. Les colloques avec Jésus, craignant que moi-même, je puisse y ajouter quelque chose de moi, sont aussi des tourments pour moi. Mais qu’en sera-t-il de moi quand Jésus se cachera pour de bon ? Si j’avais la possibilité de choisir, je préférerais les colloques et l devoir de tout écrire, même jour et nuit, sans aucune trêve, s’il en était possible. Je souffre de ce que Jésus vienne me parler et je souffre aussi horriblement du fait qu’il ne le fasse plus. Quand ne viendra-t-il plus ? Je l’ignore : voici l’esclave du Seigneur ! Mon Dieu, quand et de la façon que vous voudrez ! Soyez avec moi !
(...)
Aujourd’hui ce fut un jour de grands souvenirs, d’un triste anniversaire : trois ans de jeûne et sans ma bien-aimée crucifixion [physique]. J’ai pleuré de nostalgie pour les deux choses. Mon âme était en paix, contente des tendres dispositions et attentions de Jésus... Des larmes ont coulé le long de mes joues. Celles-ci ont augmenté ma peine, car je craignais par celles-ci avoir attristé mon Jésus.
— Mon Dieu, mes larmes ne sont pas des larmes de désespoir ; ce sont des larmes d’amour et de résignation. Je me conforme tout à fait à votre volonté. Par cette douleur et par cette nostalgie je peux comprendre et ressentir plus au vif ce que sont vos anxiétés, votre faim des âmes et la grande peine que vous cause leur perte...
« Quelle belle nuit !... »
Le monde me fuit ; je ne sais pas comment l’attirer. Je meurs de faim et de soif pour lui... J’aimerais expliquer et démontrer l’amour de Jésus pour ses enfants ; mais je ne sais pas, ni le démontrer ni l’expliquer, je sais par contre le ressentir et le comprendre... Le monde me fuit, le monde se perd et je ne peux pas l’empêcher. Le voyant courir vers l’abîme, vers la perdition, je tombe les bras en croix, je tombe épuisée.
J’ai tout donné et je n’ai pas pu éviter sa perte.
Je me sens en lutte contre la mort, mais l’heure n’est pas encore venue. Les souffrances auraient déjà du me faire mourir.
Il fait nuit et mon âme sent comme jamais que c’est une nuit d’amour : la sainte nuit. Jésus s’apprête à partir, mais il veut rester avec nous. Quels liens d’amour partent de son Cœur vers les cœurs de ceux qui lui sont chers ! Quelle anxiété de partir mais aussi de rester !
Mon cœur ressent tout cela : je suis le pain, je suis le vin, je suis l’hostie, je suis le tabernacle. Quelle nuit féconde, quelle belle nuit ! Les anges sont descendus pour adorer ce grand mystère...
« Je te loue pour ta fidélité… »
(...)
Mon âme et mon corps m’ont avertie que l’on me conduisait, attachée, et que certains, poussés par une foule composée de la lie la plus vile du peuple, se moquaient de moi et me condamnaient à mort.
Mes oreilles entendaient les paroles « qu’il meure, qu’il soit condamné ! », scandées à l’unisson. Quels hurlements !...
Je pris la croix, et je suis ensuite tombée bien souvent. À chaque moment il me semblait que j’allais expirer. Je tombais et la croix tombait sur moi.
Non point par compassion, mais par crainte ils voulaient que quelqu’un la porte à ma place. Quelqu’un l’a prise, non pas par amour, mais à la suite d’un ordre reçu.  Malgré cela, j’ai senti que mon cœur le rétribuait par beaucoup d’amour. Quelle grande récompense !
Mon corps était confié aux malfaiteurs, mais mon esprit était tout concentré en Dieu.
Sur le Calvaire le sang coulait de toutes les plaies de mon corps. Quelles heures de grande agonie. Je sentais dans mon âme tous les soupirs de Jésus. Tous les regards qu’il levait vers le ciel ont été imprimés dans mon âme. Juste avant d’expirer, ce n’était que de temps un temps qu’il soupirait, et dans l’intervalle, entre un soupir et un autre, il restait comme s’il n’avait plus de vie. Et mon âme ressentait tout ceci.
Combien c’était beau ! Quelle merveilleuse leçon Jésus nous a donné ; lui qui a été si maltraité alors qu’il était rempli de tant de tendresse et d’amour !
(...)
Jésus est venu. Il m’a fait oublier, pendant un court instant, la souffrance. Mon cœur s’est dilaté et s’est incendié.
— Je viens, ma fille, te féliciter pour ton anniversaire, pour ta vie pleine de merveilles, si riche de vertus et d’amour.
— Elles sont pour vous, mon Jésus, les félicitations et les louanges. Que puis-je faire sans mon Jésus ? Que suis-je sans vous ? La grandeur est pour vous, la misère pour moi.
— Je te loue pour ta fidélité et correspondance à mes grâces divines ; Je te loue pour ta réparation. Combien de victimes je me suis choisi et qui se sont refusées ! Combien j'en ai appelé et qui ne m’ont pas entendu ! Combien j’ai invitées à une grande élévation vers moi et desquelles je n’ai rien obtenu. En toi je me suis consolé, de toi j’ai tout reçu...
Ta vie est une vie de merveilles ! Si tu voyais les âmes qui par ton intermédiaire se sont sauvées, et particulièrement en ces trois dernières années de ton jeûne ! Quel grand moyen pour secourir les pécheurs ! Je manifeste en toi mon pouvoir, mes soucis et mon amour pour elles...
Ton martyre arrivera à son apogée et ton amour à la plus grande hauteur, par une réparation sans égale.
Reçois maintenant, ma fille, le Sang de mon divin Cœur : c’est la vie dont tu as besoin, c’est la vie que tu donnes aux âmes.
J’ai vu le Cœur de Jésus tout embrasé et débordant d’amour...
« Qu’est-ce que cela peut être de perdre Jésus éternellement ?... »
C’est avec un grand sacrifice, parce que privée de forces, que je vous écris pour vous remercier de la lettre qui si charitablement vous m’avez envoyée. Que le Seigneur vous en récompense.
Pour moi, ce n’est pas une consolation recevoir des lettres ou des nouvelles concernant des personnes que j’estime beaucoup et qui sont le soutien et le guide de mon âme ; c’est à peine un soulagement qui fait revivre ma vie plus que morte. Comme je ne veux que ce Jésus veut, ma volonté reste toujours soumise à la sienne. Je le remercie et le loue pour tout. Je m’abandonne à sa divine Providence et je reçois les épines comme des caresses délicieuses du ciel. Jésus le veut. Par amour pour lui et pour les âmes, je souris à tout.
La peur, lors des assauts du démon, continue, même si ce mois-ci j’en ai été un peu épargnée. Mais quand il vient... O combien de malice !
Que je le désire ou non, quelquefois je dois comparaître en la présence de Jésus. D’autres fois je ne le sens pas, j’éprouve sa perte. Si vous saviez, mon Père, l’horreur que tout ceci me cause ! Qu’est-ce que cela peut être de perdre Jésus éternellement ? J’éprouve sa souffrance pour la perte des âmes ; j’éprouve les sentiments et l’amour qu’il a pour elles : il n’existe pas, ni paroles ni intelligence humaine capable de l’expliquer.
L’image ci-jointe avec la phrase qui parle d’épines est pour vous. Sur l’autre [image], étant donné que je ne peux en envoyer pour chacun des novices et confrères de cette sainte Maison, j’ai écrit une pensée qui intéresse tous : c’est mon désir que tous le pratiquent.
Deolinda et toute la famille vous remercie pour vos salutations et vous les rétribuent avec les vœux d’une bonne fête de Pâques. De ma part, je vous souhaite, à vous et à toute la communauté les tendresses, les bénédictions et l’amour de Jésus ressuscité.
Et vous, quand reviendrez-vous ? En vérité, je vous ai préparé un grand calvaire. Pardonnez-moi, et par charité, ne m’oubliez pas dans vos prières. Je vous recommande tous à Jésus et à la Maman du ciel...
« Que ma mort soit vie pour le monde »
Je n’ai pas vécu, je ne suis pas ressuscitée avec Jésus. Mes yeux n'ont pas vu ; mes oreilles n'ont pas entendu ; mon cœur n’a pas aimé ; mon corps n’a ressenti que souffrance.
Le regard de mes yeux n’était pas le mien, ni l’ouï de mes oreilles était le mien, ni le sentir de mon corps, ni l’amour de mon cœur, ni le sourire qui couvrait tout ceci n’était le mien. A qui appartenais-je ? Jésus le sait, moi je ne sais rien en dire.
Les joies sont pour qui Jésus le veut, excepté pour moi. Mais je suis contente : je ne vis pas, mais que Jésus vive de sa vie divine dans les âmes. Je ne suis pas ressuscitée, que les âmes ressuscitent pour Jésus. Je n’ai pas d’amour, je n’ai rien pour offrir à mon Seigneur ; que l’amour de tous les cœurs, et l’offrande totale de toutes ses créatures lui soit agréable.
Je n’ai pas de langue pour le louer ; que lui soient agréables les louanges de la terre et du ciel. Toute la terre et le ciel le louent ; moi par contre, j’en suis exclue, je suis mise à part.
Je ne peux pas me joindre aux bienheureux du ciel ni aux justes de la terre. Toute la méchanceté et toute la misère du monde sont miennes ; quelle honte ! Quelle horreur !
J’ai perdu Jésus ! Quelle perte éternelle ! Jamais plus je ne pourrai le voir. Il n’y a pas de solution pour une telle perte. Je ne peux pas y penser. Mon âme ne résiste pas à une telle souffrance : perdre Jésus et le perdre pour toujours !
(...)
Jésus est venu :
— Ma fille, (...) je t’accompagne dans la souffrance, dans l’amour, dans les luttes contre le démon. Je suis avec toi dans cette mer immense de martyre dans laquelle tu es plongée. Souris de tes lèvres, cachant ainsi la souffrance et l’amertume dans lesquels tu es ensevelie...
— O mon Jésus, j’ai confiance que vous m’accompagnez, que vous vaincrez toujours en moi, mais pourquoi en même temps, je sens tant de souffrance en parlant avec vous ?
— Afin que ma consolation soit complète,  afin que ton martyre et ta réparation soient complets eux aussi...
— S’il en est ainsi, ô Jésus, réjouissez-vous dans ma douleur ! Je ne veux pas la mienne, mais votre joie ; je ne veux pas mon triomphe, mais celui des âmes.
Acceptez mon martyre et faites que ma mort soit vie pour le monde que ma cécité soit lumière pour les cœurs. Je veux que le pauvre monde vive uniquement pour vous, qu’il vous aime et qu’il vous bénisse...
Un édifice mondial d’amour et de pureté en construction...
(Moments de la Passion)
Je continue à ressentir deux choses en même temps : la perte de Jésus et celle des âmes. La première me cause une telle horreur et révolte que je ne sais pas expliquer : envie de maudire cette perte et de maudire la terre. On dirait que toutes les peines et horreurs de l’enfer me tourmentent. Je sens qu’il serait préférable de tout souffrir et de tout perdre, plutôt que de perdre Jésus. Cette pensée me suffit pour vivre le plus grand martyre dans mon corps et dans mon âme. Mon Jésus, vous perdre !
Et sur cette grande douleur, tombe le poids de la justice divine. Tourment et douleur sans pareille.
Et la perte des âmes, ô combien cela coûte ! Mon cœur les poursuit, leur dispense tendresse et amour. Mon âme en constate la fuite et agonise. Aucun amour ne les retient, aucune parole ne les émeut : elles courent, courent vers la perdition. Quelle douleur pour Jésus et pour moi qui ressens tout cela ! Je ne peux pas me résigner de la perte des âmes.
Ce matin, avec la venue de Jésus eucharistique, de nouvelles anxiétés sont apparues en moi. Ces anxiétés sont à l’origine de la formation d’un nouveau monde dans mon cœur. C’est un édifice mondial en construction. Les anxiétés sont de pureté et d’amour ; l’édifice doit être construit avec ceux-ci.
Quelles flammes ardentes, quel feu brûlant !
Cette pureté et cet amour ne sont pas les miens ; ils sont pour l’édifice, pour le monde. Mon Dieu, quelles anxiétés qui me consument ! J’aimerais parler au monde entier ; j’aimerais lui parler uniquement d’amour et de pureté ; j’aimerais que le monde ne vive que de ces richesses...
« Jésus l’artiste divin... »
L’édifice mondial, ainsi que les désirs et les anxiétés d’amour et de pureté, continuent de m’habiter. Je veux voir le monde brûler d’amour, de pureté de corps, d’âme et de cœur.
Je lève les yeux au ciel et je crie souvent :
— Que puis-je faire pour que le monde se purifie, s’incendie et ne vive que de votre amour ?
Animée de ces inquiétudes, je suis sortie de la prison ; j’ai parcouru beaucoup de routes serrant bien fort ma croix. J’aimais de tout mon amour les épines qui entouraient ma tête. Du casque   fait d’épines coulaient des filets de sang sur tout mon corps et tombaient à terre.
Je sentais que la Petite-Maman venait, folle de douleur, à ma rencontre, ou mieux, à la rencontre de son Jésus. Elle s’ouvrait un passage parmi la foule afin de pouvoir le rencontrer. Son très saint Cœur éclatait, se répandait en douleur et faisait éclater et se répandre celui de Jésus.
Pendant les moments de cette souffrance, le démon est venu l’augmenter davantage ; il m’a tourmentée à l’extrême...
Il me paraissait perdre la vie, mais Jésus est venu me la redonner :
— Courage, ma fille, tu n’as pas péché... Uni ta souffrance à la mienne et à celle de ma Mère bénie...
Sur le Calvaire j’ai senti la vie du bon larron expirer dans mon cœur. Avec quelle paix il remettait son âme à Jésus !
L’obscurité est descendue sur le Calvaire ; toute la terre a tremblé et a fait trembler la croix. Jésus confiait son Esprit au Père éternel, pendant qu’un très grand nombre de curieux atterrés, dévalaient, comme des fourmis, les pentes de la montagne.
Jésus est venu adoucir ma souffrance et faire disparaître la crainte que tout ceci me causait :
— Courage, ma fille, univers de souffrance, de pureté et d’amour !
Ce que j’opère en toi je l’ai destiné aux âmes ! Ta vie observée, lue et divulguée sera une manne céleste, féconde d’une immensité d’amour, de vie et de salut. C’est celui-ci l’édifice que j’ai élevé en toi...
C’est à ton imitation que le monde, à l’avenir, m’aimera ; c’est par ta pureté qu’il se purifiera.
Les hommes empêchent que soit dispensée aux âmes la médecine que je leur ai destinée. Ce qu’ils n’interdisent pas, parce qu’ils ne le peuvent pas, c’est que je continue mes merveilles en toi... Je suis l’artiste divin : je travaille en toi et j’opère les plus grands prodiges. Celui qui t’admire, admire Jésus ; celui qui t’aime, aime Jésus ; celui qui t’imite, imite Jésus.
J’ai reproduit mes traits en toi : tu es la copie la plus fidèle du Christ crucifié. Le monde exultera de joie quand il connaîtra ce qu’a été ta vie sur la terre.
— Ô Jésus, s’ils me parlaient ainsi ceux qui ne me connaissent pas et ne savent pas combien je vous ai offensé, (...) mais que ce soit vous-même, vous qui connaissez tout et à qui rien de ma vie n’est caché... Quelle honte, quelle confusion je sens ! Remédiez vous-même à tout mal, purifiez-moi, comblez-moi d’amour, couvrez-moi de votre grâce, afin que je puisse être pour les âmes la médecine que vous voulez... (...).
« L’heure de la paix est toute proche »
(…)
J’ai tant de nostalgie du Ciel ! Je fais un grand sacrifice en ne demandant pas à Jésus de m’y mener immédiatement. Combien de fois, entre autres choses j’ai envie de lui demander : “Après ceci, venez me chercher pour le ciel”, mais, me souvenant de ma promesse de ne pas le lui demander, je me fais violence et je lui dis : “Accomplissez en moi vos divins desseins.”
Il me semble que cela sera un soulagement pour moi si je pouvais demander à Jésus d’accélérer mon départ pour ma Patrie. Quoi qu’il en soit, je ne le demande pas, je ne veux pas manquer à ma promesse...
Après la Communion, la voix de Jésus s’est fait entendre, plus suave que la musique des anges :
— Ce sont un baume salutaire, ce sont la médecine de ton âme si sacrifiée pour moi et pour les âmes.
Pendant qu’il parlait, mon cœur se dilatait, il semblait sortir de ma poitrine et s’élever très haut : comme il était grand !
— Qu’est-ce que ceci, mon Jésus ? Quelle est cette grandeur que je sens en moi ?
— Ma fille aimée, c’est l’édifice de l’amour ; c’est la grandeur de ton amour pour mon divin Cœur et pour les âmes. C’est de cet amour que je veux être aimé ; c’est avec cet amour que le monde sera sauvé.
L’heure de la paix est toute proche.  Si le monde, je répète, et encore davantage le Portugal,  saura remercier pour la grâce qui lui aura été accordée, la paix sera de longue durée... Si [les hommes] ne me remercient pas, s’ils ne prient pas et ne font pas pénitence, s’ils ne se repentent pas de leurs grands crimes, bientôt tombera sur le monde non plus le feu des armes, mais le feu de la justice divine...
— O Jésus, je suis restée si triste quand je vous ai demandé de rester en vie jusqu’à la fin de la guerre, mais vous savez que je ne veux qu’accomplir votre divine volonté.
— Ce fut moi, ma fille, qui t’ai inspiré de me demander de prolonger ton existence sur la terre pour donner une preuve plus claire à ceux qui se sont opposés à ma divine volonté... (...).
« Ne penser qu’à Lui, ne parler que de Lui, tout souffrir pour Lui... »
J’aimerais vous tant de choses, mais je ne le peux pas. Jésus et la Petite-Maman vous le diront pour moi. Ils vous feront comprendre combien mon âme souffre, afin que vous ayez compassion de moi. Demandez et faites demander que du ciel me vienne toute la grâce et la force dont j’ai besoin.
Combien d’anxiétés, de tristesses, d’amertumes ; combien d’abattement dans ma pauvre âme ! Tout ce que je fais qui puisse déplaire à Jésus, je le fais involontairement. J’aimerais tout souffrir avec la plus grande perfection et avec le plus grand amour ; je n’aimerais pas blesser Jésus. Plutôt l’enfer, mille et mille fois.
Mais, mon Père, je vous le dis avec la plus grande franchise et vérité : je veux et je ne le peux pas ; je ne trouve rien de bien en moi, rien de vertueux, aucun amour pour Jésus ; je ne suis que misère, rien que misère.
Comme je serais contente si j’aimais mon Jésus et si je pouvais lui donner que de l’amour !
Dans toute cette misère que je sens en moi ne restent que le désir et une volonté très forte de ne vouloir vivre que pour Jésus, ne parler que de Lui, ne penser qu’à Lui, tout souffrir pour Lui.
Croyez, mon Père, que ceci est la réalité ; ne faites pas comme moi qui semble ne pas croire à ce que je dis.
Le démon m’en fait des bonnes !... Combien il me fait souffrir ! Combien il est méchant !
Je ne sais rien de vous, mais je sens que vous souffrez, et pas seulement pour l’interdiction de me confesser. Cette souffrance et toutes les autres dont je suis la cause, même si involontairement, forment le calvaire auquel vous avez fait allusion...
À toute la communauté mon remerciement et mes salutations. Merci pour la lettre écrite avec tant de bonté et pleine de paroles de réconfort pour me stimuler. Quand pourrez-vous venir à Balasar ? J’ai plusieurs lettres auxquelles je dois répondre, mais je ne le ferai pas sans un conseil de votre part...
« Combien de mains indignes distribuant ce pain et ce vin... »
(Moments de la Passion)
Quel feu dans mon cœur ! Il me brûle tellement qu’il semble le détruire. Combien je donnerais, combien j’aimerais souffrir pour obtenir que ce feu soit le mien et qu’il soit un feu d’amour pour Jésus. Je veux de l’amour, je veux de l’amour pour le donner au monde afin qu’il aime uniquement Jésus. Pauvre comme je le suis, je n’ai rien à lui donner ; je ne sais pas comment l’acquérir, je ne sais pas comment le confier à Jésus. Je le vois s’enfuir : il fuit vers un autre monde de perdition.
Je reste les bras ouverts et les yeux fixés au le ciel.
Comment remédier à ce mal ?
— Ô Jésus, veillez sur le monde que vous m’avez donné et confié, gardez-le, il est à vous, uniquement à vous ! Donnez-moi votre amour afin qu’ainsi je puisse le conquérir.
Des grandes, très grandes inquiétudes de la terre arrivent au ciel.
Mon Dieu, je vois les âmes pleines de lourdeur et les corps détruits par la lèpre : conséquences du péché. Quelle lumière, celle qui m’oblige à tout voir ! A quel extrême le monde est réduit ! Doux Jésus, votre divin Cœur n’en peut plus.
Je me sens entre le monde et Jésus afin d’éviter que la méchanceté des hommes ne blesse son Cœur si aimant.
Flagellation, épines et mauvais traitements me blessent. Je ne vois pas Jésus mais je le sens comme opprimé, rempli d’épouvante et qui attend les coups de cette chaîne de méchanceté.
(...)
Sans même avoir pensé à la Cène de Jésus avec ses disciples, je me suis sentie à table. Mon cœur était le calice, le vin et le pain. Tous venaient manger et boire à ce calice. À partir de cet instant cette Cène allait se répéter. Mais quelle horreur ce que j’ai vu ! Tant de Judas buvant et mangeant indignement !
Que de langues sales ! Pire encore : combien de mains indignes distribuant ce pain et ce vin ; des mains indignes et des cœurs démoniaques.
Quelle horreur mortelle ! J’en ai éprouvé tant de douleur et tant d’horreur au point de croire que mon âme allait fondre et le cœur se briser.
Je ne sais pas mieux exprimer ce que j’ai vu, ce que j’ai souffert. Et avant tout l’amour de Jésus, un amour indicible ; un amour que l’on ne peut évaluer qu’après l’avoir expérimenté...
« L’amour dépasse toutes les souffrances... »
Je me suis réveillé après un léger sommeil et aussitôt je me suis sentie attachée par la taille, traînée par les cheveux, flagellée, couronnée d’aiguës épines, lesquelles me causaient une telle douleur qu’il me semblait que ma tête brûlait dans un grand feu... Un amour irrésistible, sorti de mon cœur, m’attachait toujours davantage à la croix.
L’amour dépasse toutes les souffrances. Sur la croix j’ai éprouvé d’atroces souffrances car il a fallu que je garde ma tête collée au bois de la croix. Ceci avait pour conséquence que les épines pénétraient bien plus profondément ma tête et la souffrance était inénarrable.
Après une longue agonie et un horrible abandon, j’ai senti que la terre tremblait et se fissurait, et que les rochers se fendaient. Tout a tremblé... Je me suis sentie comme si mon âme me quittait, et comme si je n’avais plus de vie.
Mon cœur s’est ouvert et il laissa couler les dernières gouttes de sang et d’eau ; et je suis restée ainsi sans la vie de la terre et sans la vie du ciel...
(...)
— Mère, Mère, ma Mère bénie, venez avec Moi réconforter notre petite fille ; venez avec Moi mettre du baume sur les plaies de ce cœur et de cette âme, plaies causées par la douleur de ma divine Passion et par la méchanceté des hommes.
J’ai senti comme si la Petite-Maman approchait et qu’elle disait :
— Me voici, mon Fils, mon Fils Bien-Aimé !
J’ai ressenti en mon cœur comme que de fortes injections d'amour qui veinaient du Cœur de Jésus et de celui de la Petite-Maman du ciel. Toute ma poitrine est devenue un vrai foyer.
« L’amour transforme, le feu purifie... »
Ma poitrine brûle, mon cœur brûle : quel feu véhément !
L’édifice est toujours à l’intérieur de moi ; il est en flammes ; il brûle violemment.
Je sens de nouveau que sous cet édifice un rocher mondial a été placé.
Je le frappe, je tourne autour, je dois le secouer. Les flammes brûlent autours et sous l’édifice. Le feu ne s’éteint pas ; le rocher tout autour, çà et là, se brise par endroits, comme du bois. J’entends les morceaux de rocher se briser.  Mais, mon Dieu, que de peines ! Il reste encore tant à faire ! Ce feu ne peu pas s’éteindre : le rocher doit être complètement transformé, purifié par le feu divin. J’aimerais ne voir que du feu : du feu dans les corps, dans les cœurs, dans les âmes.
Mon pauvre cœur n’en peut plus de brûler, il n’en peut plus à cause des angoisses. Mais Jésus doit être aimé ; Jésus ne doit pas être offensé...
Je chemine rapidement vers des ténèbres épouvantables. Mon âme est exsangue, mais je dois me plonger dans un abîme où règne la plus grande obscurité. Mon âme le sent, elle la sent déjà venir vers moi, pendant que je chemine vers elle. Ô mon Dieu, qu’en sera-t-il de moi ? Ce sont des ténèbres jamais vues, à travers lesquelles je ne suis jamais passée...
« L’édifice brûle... »
Je sens de fortes secousses ; mon âme est dans de continuels soubresauts ; je ne sais pas ce que cela présage. Seraient-ce de nouvelles « caresses » de Jésus ? Je me plie devant la divine Majesté : c’est rôle de tout accepter. J’embrasse ma croix, aussi pénible quelle puisse être.
L’édifice brûle et les flammes arrivent à la cime du rocher qui se fend petit à petit. Comment le traverser entièrement ? Il n’est pas possible de le transformer totalement en flammes ; quelques morceaux restent sans que le feu les consume.
Je suis sur le rocher, mais ce n’est pas moi. Le rocher est complètement trempé par les larmes qui tombent de mes yeux : ce sont des larmes de douleur et d’amertume ; ce sont des larmes de compassion. Et, ces larmes ne sont pas à moi. Elles tombent de mes yeux, mais elles viennent d’en-Haut. Elles coulent sur mes joues, mais elles coulent des yeux de Jésus. Oh quel dommage ! Tant de souffrance et tant d’amour perdus !...
Le démon, furieux, est venu me tourmenter le corps et l’âme...
On dirait qu’il serrait mes lèvres pour m’empêcher d’invoquer les noms de Jésus et de la Maman du ciel...
Mon Dieu, après tout cela, comment est-il possible que je n’ai pas péché ? Pendant que je souffrais cette inquiétude, Jésus est venu :
— Ma fille, offre-Moi tes doutes et tes craintes... Je veux tes doutes pour les âmes qui n’ont pas de scrupules pour m’offenser gravement ; je veux tes craintes pour celles qui marchent toujours sur les chemins de l’impureté, sans crainte de m’offenser et de se perdre...
Aie confiance, tu ne m’as pas offensé.
— Mon Jésus, je crois en votre divine Parole et j’ai confiance en vous ; je ne crains que ma fragilité.
— Reste en paix : ce sont des railleries du démon ; c’est la réparation que j’exige de toi. Tu m’appartiens ; tu n’appartiens qu’à moi !
Peu après ce colloque, j’ai senti Jésus dans mon âme. Il avait un regard très triste et il pleurait à grosses larmes sur la cité de Jérusalem, qui elle aussi était à l’intérieur de moi. Il a pleuré longtemps : son regard était triste et accompagné de paroles d’invitation, mais aussi de menace.
Déjà pendant la nuit je sentais ma chemise de nuit collée à mon corps et trempée de sang, je sentais le déchirement de mes veines et une angoisse de mort.
Je voyais les oliviers du Jardin, la lune pâlie et la brillance triste, comme triste était aussi le divin Cœur de Jésus. Tout paraissait triste parmi les branches des oliviers et, une telle tristesse invitait au silence et au recueillement.
Comme déjà en d’autres occasions, mais bien plus au vif, j'ai senti le baiser de Judas, le bruit des pas des soldats, le retentir des épées. Si je pouvais décrire la tendresse, la douceur, l’amour de Jésus envers tous ceux qui l’offensaient ! Rien n’existe sur la terre qui puisse être comparable à Lui. Il a remédié au mal causé par Pierre avec tant de douceur.  Toujours avec autant de douceur il s’est laissé ligoter, se confiant aux malfaiteurs...
« Je te prépare à mon absence... »
En montant vers le Calvaire, je ne pouvais pas ouvrir les yeux à cause du sang qui coulait de ma tête. Je faisais un très grand effort pour marcher. Je sentais qu’il ne s’agissait pas de forces humaines qui portaient la croix, car les souffrances endurées m’auraient déjà, plusieurs fois, causé la mort !...
Clouée à la croix, j’ai senti que beaucoup de ceux qui m’entouraient, me crachaient au visage. Sur les crachats, les larmes de Jésus tombaient, et elles s’unissaient à celles de la Petite-Maman. Jésus, plein de tendresse et d’amour, demandait pardon pour tous au Père éternel.
L’agonie s’est terminée par la remise de l’âme au Père... Je suis restée ainsi pendant quelque temps, étonnée du retard de Jésus :  il ne venait pas, il tardait...
Quand il est venu, il m’a dit ceci :
— Je suis en retard, ma fille, parce que je te prépare à mon absence, ou mieux, à ma présence en toi, mais présence cachée. Le terrain est prêt, prépare-toi pour un nouveau martyre, un martyre sans égale. Le terrain préparé est solide ; j’ai pleine confiance en toi. Par un tel martyre tu montreras aux âmes l’intensité de ton amour, la plus grande intensité d’amour pour moi...
J’ai porté au loin les chaînes de ton amour... Combien de secousses j’ai provoqué, à l’aide de celles-ci, sur le cœur du président de l’Amérique.  Combien de fois je l’ai rappelé ! Il a été sauvé grâce à toi.  Quelle responsabilité la sienne ! Et combien d’âmes se sont sauvées en même temps ! J’ai utilisé l’offrande de tes yeux pour le salut des gouvernements : l’un d’eux est sauvé et je te promets d’en sauver d’autres. Je ne t’ai pas enlevé la lumière de tes yeux, mais la lumière de l’âme : voilà pourquoi tu vis dans les ténèbres les plus épouvantables. J’accepte tout ce que tu me donnes : tu es généreuse à donner et moi à accepter...
C’est à la chaleur de cet amour que le monde se réchauffera ; c’est par les flammes de cet édifice élevé en toi que le rocher se transformera : le rocher c’est le monde et il est sous l’édifice de l’amour. L’amour transforme, le feu purifie. S’il a de l’amour, s’il y a de la pureté, le monde sera sauvé...
Les morceaux que tu as sentis ne pas être transformés, ce sont les âmes qui ne se laissent pas pénétrer par le feu de mon amour divin, qui ne se purifient pas...
Les âmes qui, à travers les temps, ne prendront pas feu et ne se purifieront en cet édifice de pureté et d’amour, devront brûler au feu de la divine justice, elles seront damnées pour l’éternité...
« Mon cœur n’est que feu... »
(Moments de la Passion)
La joie existe-t-elle dans le monde ? Un seul jour dans ma vie l’ai-je, par hasard, connue ? Si une fois ou l’autre je l’ai expérimentée, maintenant elle est tellement morte pour moi, que c’est comme si je ne l’avais jamais connue.
La pensée d’accepter et d’accomplir d’âme et de cœur la volonté de Jésus, me donne un peu de courage. Mais aussitôt, cette autre pensée me tourmente : fais-je vraiment la volonté du Seigneur ? Cette pensée est cause d’une grande agonie et d’une grande tristesse pour mon âme.
Je suis écrasée entre le ciel et la terre ; je suis toute transformée et plongée dans les ténèbres. Quelle chose horrible, mon Jésus ! J’ai peur de moi-même. Qui sans Jésus pourrait supporter tant d’affliction ? Qui pourrait vivre et cheminer à travers une obscurité si noire sans garder les yeux fixés sur Jésus ?
Je meure, mon Dieu, je meure écrasée, broyée dans la terrible nuit. Mon cœur, ainsi opprimé par la douleur, lancent des faisceaux de lumière que je sens et je vois se répandre dans le monde : mon cœur n’est que feu. J’aimerais que tous les cœurs soient blessés par ces faisceaux et que tous les autres cœurs fussent incendiés par le feu qui sort du mien, afin que le monde ne fusse que feu d’amour pour Jésus...
(...)
Triste nuit de jeudi ! Oh, comme Jésus m’associe à ses douleurs et à sa divine Passion ! Je ressens l’angoisse de passer par-dessus toutes les épines et de partir à la rencontre de la croix, l’embrasser, et de continuer mon chemin, chargée de celle-ci jusqu’à la mort.
(...)
Je sens en moi le brasier et ceux qui se réchauffent tout autour. Je sens que l’un d’eux, qui se tient un peu à l’écart, atterré et timide s’approche et renie Jésus. Je sens ses larmes de repentir, tout comme je sens dans mon âme le coq qui ouvre son bec pour chanter.  mais je ressens surtout la souffrance infinie de Jésus, son amour et sa mansuétude envers lui...
« Le Roi habite dans son palais... »
Ce matin, quand je me suis réveillée d’un léger et bref sommeil, les ténèbres de mon âme étaient telles qu’il me semblait voir devant moi une haute et très noire muraille. Je me suis épouvantée et mon corps a tremblé. Ce n’étaient pas les yeux du corps qui la voyaient, mais ceux de l’âme : je me sentais atterrée. Petit à petit je me suis avancée, chaque fois davantage, dans ces épouvantables ténèbres.
Je me suis préparée à recevoir Jésus [Eucharistique] : il est entré dans mon obscurité et dans l’obscurité il est resté. Pauvre Jésus, où il est descendu !
Sans lumière, mais toujours unie à Lui, j’ai parcouru le chemin de mon Calvaire. Je tombais, et la croix tombait sur moi. J’étais traînée et traînée aussi était la croix.
Je sentais une soif brûlante et le plus grand abandon. J’ai entendu sortir de mon cœur ce cri : — “J’ai soif, j’ai soif !” J’ai compris que c’était Jésus, et je me suis souvenue qu’il avait soif d’âmes.
Au même moment j’ai passé sur mes lèvres, plusieurs fois, une éponge. La soif de mes lèvres n’a pas été éteinte et celle de mon cœur a augmenté.
Le cri continuait : ce n’est pas la soif des lèvres qui veut être rassasiée ; c’est la soif du cœur, soif d’âmes.
Je suis restée avec cette soif et dans cet abandon pendant longtemps, le regard tourné vers le ciel et le corps écrasé par le poids de l’humanité. Et Jésus ne venait pas ; il a tardé à venir, et moi, j’attendais, j’attendais !
Finalement il est venu et m’a dit :
— Le Roi habite dans son palais avec toute sa grandeur, tout son pouvoir et tout son amour, même quand la reine ne le voit pas ni ne le sent pas.
C’est pour l’époux une grande peine que de se séparer de l’épouse, mais la séparation n’est pas réelle : Je reste caché en toi ; je reste pour gouverner ton âme à travers la parole de celui que je me suis choisi pour te soutenir et te diriger ; je l’ai conduit moi-même à côté de toi. Courage, petite fille, viens dans mon Cœur recevoir vie (...), viens recevoir mon Sang ; tu as besoin de vie divine, car petit à petit, tu perds ta vie humaine. Tu vis miraculeusement, tu vis de mon Sang divin : c’est ton aliment.
Jésus a uni son Cœur au mien (...) ; il a fait pénétrer le Sang divin de son Cœur dans le mien, qui, pourtant si petit, a commencé à se dilater à tel point que je pensais que ma poitrine ne pourrait pas le contenir...
— Dans tes veines, ma fille, coule le Sang du Christ ! Comment ne serais-tu pas corédemptrice ? Dans tes veines, coule le Sang virginal du Christ : comment ne serais-tu pas vierge pure, angélique et victime sans égale ? Dans tes veines, coule le Sang du Christ tout-puissant : comment ne serais-tu pas puissante ? Toute puissante en tout.
Donne ton sang par amour pour Moi et Moi, par amour pour toi, je verserai le mien en toi. Donne ton pour donner la vie [aux âmes] et moi, je te donne le mien pour te donner vie. Demande ce que tu veux. Pour chaque prière que tu m’adresseras en faveur d’un pécheur, immédiatement le nom du sauvé sera écrit dans le livre de la science divine.
Quand tu seras au ciel, ton nom sera invoqué en faveur des pécheurs. À peine tu me demanderas pardon pour lui, tous les élus se joindront à ta prière et elle sera exaucée.
« Non pas le feu des armes... »
? C’est à cause du grand amour que tu as envers mon divin Cœur et envers les âmes, car c’est de cet amour que je veux être aimé ; c’est par cet amour que le monde sera sauvé. Le temps de la paix est tout proche.  Si le monde, je le répète, et plus encore le Portugal, saura remercier la grâce qui lui est accordée, la paix sera durable ; je régnerai parmi les hommes, et parmi eux, ma divine paix subsistera. S’ils ne me remercient pas, s’ils ne font pas pénitence et ne prient pas ; s’ils ne se lavent pas de leurs grands crimes, bientôt ils sentiront tomber sur eux, non pas le feu des armes, mais le feu de la divine justice ; non pas la destruction causée par le pouvoir des hommes, mais la destruction causée par le pouvoir de la divine Majesté.
Invitation à la prière et à la pénitence
Combien j’ai demandé de grâces, à la Petite-Maman, le premier mai ! Je me suis consacrée à Elle afin qu’Elle me consacre à Jésus. Entre autres choses, je lui ai demandé la force qu’il me faut pour savoir souffrir : combien j’ai besoin de l’aide du ciel et de la force de la Maman chérie, pour supporter le poids si écrasant de la croix !
Tout à coup, le deuxième jour, j’ai reçu une “caresse” du ciel, une épine qui me blessa et me déchira le cœur. J’en ai remercié la Petite-Maman : je l’ai acceptée et je la lui ai offerte comme preuve de mon amour envers Elle, afin qu’Elle l’offre Elle-même à Jésus.
En moi, tout n’est que douleur. Quelle horreur ! Mon cœur et mon âme sont dans un deuil pesant : j’ignore pourquoi. Je sens des coups violents comme si l’on m’arrachait, par la bouche, tout ce que contient mon corps.
Combien je désire ardemment, presque d’une façon accablante, entendre dire que la guerre est finie ! Jésus seul sait combien je souffre. Je Lui renouvelle mon offrande comme victime afin que la paix revienne. Je ressens une grande compassion pour ces gouvernants que l’on dit morts.  Je prie pour eux, et on dirait me mon cœur leur est attaché.
Mon corps est toujours dans une vive flamme et je sens comme si ma propre chambre brûlait en même temps que moi.
Je veux secourir le monde, le prendre, l’emprisonner, le placer tout entier dans cette vive flamme, dans ce fut qui ne me procure pas de lumière. Quelle désolation de vivre dans les ténèbres ! Ma chambre est comme un cachot,  où ni le soleil ni la lumière du jour n’entrent jamais : ténèbres dans l’âme et dans le corps ; ténèbres au ciel et sur la terre.
Il me semble que plus jamais je ne pourrai voir Jésus ; je sens comme s’il ne m’appartenait pas, comme si je l’avais perdu pour toujours. Malgré cela je ne désire autre chose que de l’aimer. Je sens un désire fou de l’aimer et, ce désir ne me semble pas mien, tout comme l’amour ne me semble pas mien, alors je dis à Jésus :
— Jésus, ces aspirations ne sont pas les miennes, mais les vôtres ; c’est votre amour, ce n’est pas le mien mais le vôtre. C’est vous qui aimez avec ce qui vous appartient, c’est vous qui souffrez et portez ma croix. Gardez cette pauvrette qui ne fait rien et qui n’a rien : je ne suis que nuit et misère. Je suis votre esclave, la vôtre et celle de la Petite-Maman...
« La prière est l’arme la plus puissante ! »
Comment dicter les choses horribles qui se passent dans mon âme, si je n’en ai pas la force ? O Jésus, cette force je l’attends du ciel, du moment que tout ceci c’est ton bon vouloir [que je dicte].
Je suis sortie de prison ce matin et, jusqu’à maintenant, j’ai parcouru de nombreuses routes, exténuée, tombant çà et là : je restais la face contre terre et la terre collait à mes lèvres, suffocant les plaintes de ma douleur. J’ai senti, venant de loin, les rigolades moqueuses et de satisfaction.
Combien j’étais déjà épuisée lors de mon départ vers le Calvaire ! Là haut on m’enleva les cordes que j’avais autour du cou et de la taille. Quels tourments ! Elles étaient enfoncées dans ma chair, imbibées de mon sang. Lorsqu’on me les a arrachées, elles ont laissé dans mon corps, auquel elles étaient collées, la trace d’immenses plaies.
Cela m’a beaucoup coûté d’être déshabillée devant la foule. Avec mes habits on m’a arraché des lambeaux de ma chair.
Non pas des yeux de mon corps, mais avec ceux de mon âme, je voyais qu’avec des épées ils tailladaient mes habits pour se les partager.  Mon âme sentait tout cela.
Les yeux au ciel, épouvantée par les ténèbres et l’abandon, j’ai bien souvent entendu sortir de mon cœur ce cri :
— Père, Père, ne me cachez pas votre Face ; n’éloignez pas de moi votre regard !
Mes yeux, plongés dans les ténèbres, ne pouvaient rien voir. Dans les miens, d’autres yeux voyaient tout ; ils voyaient, à travers les temps, la souffrance qui, jusqu’à la fin du monde, devaient blesser un Cœur qui était tout proche du mien. Ce Cœur-là éprouvait toute l’ingratitude du monde.
Les oreilles avaient un autre ouï pour entendre les insultes, les méchancetés, les délits de tous les temps.
Des vagues successives montaient dans une mer de souffrances.
Dans mon corps je sentais Jésus : c’était Lui le crucifié, c’était Lui qui, du haut de la Croix contemplant la Petite-Maman toute endolorie par le chagrin, murmurait :
— Mère, ma Mère, toi aussi tu es pour moi un martyre : ta douleur augmente la mienne ; même toi tu ne peux me procurer soulagement.
J’avais l’impression que mon cœur et mon âme étaient transpercés par des coups de poignard. Je peux dire que de moi-même je n’aurais pas pu supporter autant de souffrance : la nature humaine en serait incapable.
Jésus est venu :
— … Regarde, ma fille, comme je suis couronné avec tant et d’aiguës épines : ce sont les prêtres qui me blessent de la sorte ; ils m’offensent beaucoup.
Cette plaie que tu vois ouverte a été faite par l’ambition des nations et elle devient de plus en plus profonde à cause de tant de malice et de vices. L’impureté ! L’impureté ! Des pères qui ne respectent pas leurs filles ; des fils qui ne respectent pas leurs mères ; des maris qui sont infidèles à leurs épouses et les épouses à leurs maris. Les frères qui ne respectent pas non plus leurs sœurs, m’offensent aussi beaucoup. Il n’y a plus de modestie dans les familles ; la crainte de Dieu est disparue des foyers. Quelle souffrance, la mienne ! Répare ! Répare !
Je veux, ma fille bien-aimée, que la voix du Saint-Père se fasse entendre très souvent dans le monde entier : qu’il l’invite à la prière, à la pénitence, à l’amour.
La prière est l’arme la plus puissante ; la pénitence est le moyen puissant pour attirer les bénédictions, les grâces et la miséricorde du Seigneur.
L’amour purifie le monde. Je veux être aimé et je veux voir ma Mère bénie aimée elle aussi ; je veux que toute l’humanité voie et entende dans la voix du Saint-Père la voix même de Jésus : c’est lui qui invite le monde à entrer dans mon Cœur ; c’est moi qui à travers ses paroles appelle le monde à moi.
Ma fille, comme par tes lèvres a été faite la demande de la consécration du monde à ma très Sainte Mère, je veux maintenant, avant que tu ne partes pour le ciel, que le Pape, de sa douce voix de père, invite, avec insistance, la pauvre humanité à se réconcilier avec moi, à sortir de son aveuglement, à vivre de pureté, de prière et d’amour...
... Écris tout : n’aie pas de doutes ; l’Esprit-Saint est avec toi. Jamais je n’ai permis et jamais je ne permettrai que tu te trompes...
Les doutes sont un vrai martyre
(…)
O mon Dieu, qu’en sera-t-il de moi ! Quelle terrible confusion ! J’ai perdu tout réconfort du ciel et de la terre.
Le démon dansait radieux : il semblait avoir mon cœur entre ses mains...
Je meurs de douleur, épouvantée au milieu des ténèbres : ténèbres du ciel, ténèbres de la terre...
Pendant mon agonie Jésus est venu :
— ... Sois certaine que tu ne te trompes pas ; tu ne seras pas trompée par Satan : je veille sur toi...
Courage ! Pourquoi tant découragement ? N’aimes-tu pas ta croix ? Ne sais-tu pas que je suis avec toi ?...
— Pardonnez-moi, Jésus, mon découragement ! Pardonnez-moi tant de doutes ! Vous savez très bien que je ne doute que de moi-même : ma misère est sans mesure...
... Pour peu de temps je suis restée confiante, puis, de nouveau je me suis plongée dans les ténèbres afin de pouvoir m’y cacher à tous et pour toujours...
« Quelle grande confusion !... »
(...)
Samedi [5 mai], à la grande douleur et à la tristesse est venu s’ajouter le déplaisir de vous avoir fait souffrir à cause du manque de mes nouvelles. Encore hier j’ai dicté quelques lignes parce que le dimanche, ici dans le pays, on ne peux pas poster les lettres. Ce n’a pas été par oubli ni par manque de volonté, mais par manque de forces.
Je souffre et je prie toujours pour vous. Même si, aujourd’hui j’apprenais que vous seriez contre moi, que vous seriez d’une opinion contraire à la mienne, croyez-moi bien, je ne m’arrêterais pas pour autant de prier pour vous, comme preuve de ma gratitude pour tout ce que vous avez fait pour moi. Tout souffrir : oui ; ingrate, jamais !
J’ai été très malade, sans pouvoir parler, même à voix basse. Maintenant, après avoir pris quelques “côtelettes et quelques œufs”, je peux dorénavant dicter quelque chose.
Et mon âme, mon Père ? Ma souffrance est indicible. Je ne sais pas pourquoi, mais je fini par croire que je mens, que je trompe. Je souffre et je ne connais pas la souffrance. Je souffre mais ce n’est pas moi qui souffre. Quel monde, quel corps et quelle vie de ténèbres ! Je n’ai plus rien : que ténèbres et misère. Le mois de la Petite-Maman, que j’aime tant, passe comme s’il m’était indifférent ; il se déroule dans les ténèbres, dans la froideur. Le peu que je prie, ce n’est pas moi qui le prie ; de même le peu que j’aime se confond et disparaît dans les ténèbres. Les doutes sont un vrai martyre. Quelle grande confusion ! Sentir que je trompe et que je trompe !
Mon Dieu, perdre tout et tous, mais ne pas tromper ceux qui me sont si chers et se sacrifient beaucoup pour moi. Je ne veux pas être pour eux un motif d’humiliations.
Le démon continue sa partie infernale : en tout et avec tout il trouve matière pour me tourmenter.  Combien je crains d’offenser Jésus !...
« Tu sortiras toujours victorieuse de ton martyre. »
— Ma Mère, ma Mère bénie, vient donner à notre petite enfant réconfort et vie : elle en manque.
La Maman s'est approchée, Elle m’a prise dans ses bras, bien contre son cœur, me sera bien fort, me couvrit de tendresse. Elle le faisait si doucement, avec tant de précaution, comme quelqu'un qui soigne une personne gravement blessée. Le souffle me manquait : j'étais incapable de recevoir rapidement autant de vie.
Petit à petit j'ai acquis davantage de vie, à mesure que je récupérais des forces.
Ma Petite-Maman m’a dit :
— Toujours joyeuse, toujours contente, épouse de mon cher Jésus ! Tu me possèdes tout entière, tu Le possèdes tout entier. Tu sortiras toujours victorieuse de ton martyre.
Donne tout à ton Jésus, donne-lui ses enfants ; donne-les moi, parce qu'ils sont aussi à moi.
« Quelle richesse je sens en moi !... »
Jamais, en aucune année, je me suis sentie aussi présente à Fatima le 13 mai que cette année. Je ne sais pas pourquoi : mon cœur se fondait et se fonds encore en remerciements à la Petite-Maman. Il y resta bien longtemps. Je veux l’aimer la louer, la remercier toujours pour la paix tant désirée.  C’est peut-être pour cela que Jésus m’a unie si étroitement à la Cova da Iria et m’a fait partager l’enthousiasme et les prières ferventes de tant de cœurs reconnaissants. Que Dieu soit béni ! Et qu’Il continue à donner à la terre sa divine paix et qu’Il accorde celle-ci aux autres nations qui n’en bénéficient pas encore, afin que son règne s’étende à toute l’humanité : que Lui seul règne...
Je rends grâces sans bénéficier du moindre rayon de lumière ; je rends grâces, écrasée sous un ciel de ténèbres. Le ciel semble vouloir tomber sur la terre et moi, je traverse des mondes et des mondes remplis d’épouvantables ténèbres. Le poids de ce ciel de ténèbres m’oblige à pénétrer dans ces mondes : et j’en ai tant à traverser ! Ce sont des mondes posés sur d’autres mondes, et tout cela est pour moi. J’y vais comme quelqu’un qui vers le martyre ; je marche comme quelqu’un qui marche vers la mort. Mon martyre, ma mort, ce sont ces ténèbres qui me prennent la vie pour ne plus jamais me la rendre.
Petit à petit, je me sens de plus en plus écrasée et exsangue par tant d’obscurité.
Je me sens comme quelqu’un qui tombe dans un puits sans fond, puits qui est une rencontre avec la mort. Je sens que je mourrai seule et sans lumière. Mon cœur le craint et il saigne de douleur, mais il ne cesse pas pour autant de bénir le Seigneur. Seule la pauvre nature est épouvantée ; la volonté reste forte : elle est comme agrippée à Jésus et à la Croix, pour ne plus jamais s’en séparer.
Je ne vois pas, mais j’ai confiance, je ne sens pas, mais je crois : Jésus et la Maman chérie ne m’abandonnent pas et ils viendront à ma rencontre au dernier moment...
(...)
Depuis quelques jours, je sens dans mes yeux un regard qui n’est pas le mien. Ce n’est pas un regard malicieux, ce n’est pas non plus un regard du démon, comme certaines fois je l’ai senti dans mes luttes avec lui. La différence en est plus grande que celle entre le ciel et la terre.
Ce regard est tendre, il a de la douceur et du charme, il est rempli d’amour. Ce regard attire et pénètre partout, il procure de la lumière ; c’est comme un miroir dans lequel tout se reproduit, auquel on ne peut rien cacher.
Ce regard est comme un projectile qui atteint tout. Il voit l’intérieur et l’extérieur, il voit autant les yeux ouverts que les yeux fermés ; il voit tout et a, je ne sais quoi qui attire. Je sens que cette attraction investit mon cœur, l’ouvre avec beaucoup de douceur, afin qu’il accueille tout ce qu’il veut y déposer !
Ce regard a aussi des clefs qui ferment ; ce sont des clefs qui ne servent que pour le cœur ; elles ne mettent en sécurité que les seules choses que ce regard attire à lui.
Mon Dieu, je ne sais mieux exprimer mes sentiments, je ne sais pas rendre davantage éclaircir ce qui se passe en moi. Je me fonds dans l’amour, la bonté et la tendresse.
Quelle richesse je sens en moi ! Et rien ne m’appartient. Seule la souffrance générée par ces sentiments m’appartient. Je crains et je tremble. Mon Jésus, ne permettez pas que tout ceci naisse de moi, mais de vous seul...
« Je dois souffrir et agoniser... »
Quelquefois, le feu que je sens brûler en mon cœur semble ne plus jamais s’éteindre. Que puis-je, que dois-je faire ? Moi seule le sais. Je veux sauver le monde ; je veux que ce feu se propage sur la terre et atteigne tous les cœurs.
Il me semble aller, comme une folle, frapper à toutes les portes, pour inviter tout le monde à abandonner le pécher, à ne marcher qu’avec Jésus. Je dois voir, je dois construire un monde nouveau, un monde pur, un monde semblable au ciel.
Je dois souffrir et agoniser pour lui ; je dois mourir dans les ténèbres pour produire de la lumière. Et je chemine en hâte vers lui : l’amour me pousse, rien que l’amour.
Les regards qui ne m’appartiennent pas se maintiennent toujours en moi et, en plus de m’attirer, ils m’attachent fortement à eux-mêmes.
Quelle confusion pour moi ! Même le sourire de mes lèvres n’est pas le mien. Cela me semble un sourire qui a des bras pour enlacer éternellement et du baume pour guérir toutes les plaies.
Je ne sais pas ce qui arrive dans tout mon corps. Ce qui est certain c’est que ce qui se passe en lui ne m’appartient pas. Ces liens, ces tendresses, ces douceurs et cet amour ne me regardent pas, ce n’est pas quelque chose que je puisse m’attribuer. Ce corps n’est pas le mien, cette vie non plus.
Tout ce déroule dans mes ténèbres. Oh ! si je savais m’exprimer !... Si je savais montrer tout ce que j’éprouve pour le bien des âmes et pour la gloire de Jésus, je cesserais d’être victime...
Je vois tout ce qui m'attend. Je marche comme une brebis muette qui ne sait rien dire.  Je vois l’ingratitude, je vois le sang que je dois répandre, je vois le calvaire et la mort. Je sens les âmes qui doivent être lavées dans mon sang.
Je lève mes yeux au ciel : arrive ce qui arrivera, je dois donner au Ciel le monde ; je dois le payer avec la monnaie de mes souffrances.
Ce matin, lors de la Communion, me sentant plus unie à Jésus, j’ai osé lui demander :
— Si je ne vous offense pas, dites-moi ce que signifient ces secousses et ces sursauts que vous m’avez fait percevoir.
— Non, ma fille, tu ne m’as pas offensé, demande-moi tout ce que tu voudras. Les secousses ce sont celles des nations qui, actuellement, mettent un terme à la guerre des ambitions, pendant qu’elles agonisent dans leur mauvais comportement. Tu es et seras toujours leur victime. Par ton intermédiaire et celui de ma Mère bénie, elles ont eu la paix. Combien de secousses ont perçu leurs gouvernants ! Ils ont préféré la mort à l’humiliation.
Les sursauts concernent ma divine cause. Je te fais ressentir ce que ressentent ses défenseurs et ses ennemis. Les ennemis éprouvent en eux de la haine et des remords ; ils ne voulaient pas céder, ils ne savent pas quoi faire. Les amis souffraient de te voir souffrir sans pouvoir t’aider. Mais bienheureux ceux que j’ai associés à ta souffrance, à ton martyre, parce que moi, je les aime...
« J’ai soif de lumière... »
Je bénirai le Seigneur. En ce mois béni consacré à la Petite-Maman du ciel, j’ai reçu une autre épreuve : d’autres épines qui se sont enfoncées dans la plaie du cœur, toujours sanguinolente, l’empêchant de se cicatriser. De temps à autre ces épreuves arrivent violemment exacerbées.
Je bénirai Jésus et la Maman du ciel, mais j’avoue que, sans la vigueur que m’apporte le ciel, j’aurais désespéré et je serais déjà morte...
Avec cette aide, j’ai vaincu et je vaincrai toujours...
Je suis comme une colombe qui, le bec ouvert, bat ses ailes, tout près de se perdre, sans savoir où se poser.
J’ai soif de lumière, j’ai soif de réconfort. Vu que sur la terre, toutes les routes me sont interdites, ô Jésus, ô Maman chérie, laissez-moi entrer dans vos Cœurs très aimants. Même si je n’y ressens aucun réconfort, laissez-moi au moins avoir la certitude que j’y vis : là dans vos Cœurs, je serai libérée des haines et des persécutions ; je serai certaine de vous aimer et de ne pas vous offenser.
Oh ! si mon corps pouvait plonger dans les ténèbres afin de n’être plus ni vu ni remémoré, comme mon âme elle-même a été plongée dans les ténèbres ! Je mourrais ainsi, et on ne parlerait plus de moi, comme le désire mon archevêque.
C’est avec beaucoup d’amour que j’accepte ses ordres, auxquels j’obéis.  En moi il n’existe pas la moindre ombre de haine envers lui ou envers ses collaborateurs. Bien au contraire, j’ai toujours dit : “— Mon Jésus, ayez compassion d’eux, car ils ne connaissent ni ne comprennent la souffrance d’une âme. Puissé-je, ô Jésus, me prosterner devant vous, les mains levées, et savoir dignement vous remercier pour toutes ces épreuves !”
Le cœur rempli de douleur, je n’ai pas pu de mes lèvres réciter le “Magnificat”, je le fait intérieurement.
— Donnez-moi de forces pour souffrir, mon Jésus. Ne me condamnez pas : que la sentence des hommes ne serve à autre chose qu’à augmenter mon martyre. Les hommes m’ont préparé la souffrance d’aujourd’hui pour me rendre plus semblable à vous, afin que je sois plus unie à vous sur le chemin du calvaire...
Mes regards continuent à ne pas être les miens. Ils fixent avec tendresse or ce cœur-ci or ce cœur-là, celui qui se laisse le plus profondément pénétrer par tant de tendresse et par tant d’amour. Mais ils ne les fixent pas tous de la même manière : c’est la correspondance des cœurs qui fait mériter tout ce que ces regards contiennent. J’aurais tant à dire à ce sujet ! Ils sont bien nombreux ceux que j’aimerais attacher et attirer vers moi !
— Qu’est-ce que cela, mon Jésus ? C’est toujours la même croix...
— (...) Je t’aime beaucoup, ma fille ! Je t’ai rendue semblable à moi et ton calvaire est le mien. Aie courage !...
Tu es riche de Moi : c’est pour cela que ton regard attire, il a de la tendresse, de la douceur, de l’attraction, de l’amour. C’est pour cela que ton sourire a de la douceur, c’est pour cela qu’il a tout ce qui est du ciel. Ce n’est pas toi qui vis, c’est moi. Ce sont des moyens de salut et d’appel pour les âmes.
N’est-il pas vrai, ma fille, que pendant ma vie, sur mon Calvaire, j’avais deux vies, l’humaine et la divine ? Même en cela tu es semblable à moi : dans ton calvaire, tu as aussi la vie divine : c’est le Christ qui vit en toi. Ne crains pas...
Mes merveilles en toi ne resteront pas occultés, elles doivent briller : elles sont ma gloire, elles sont salut pour les âmes.
Tout sera écrit, ma maîtresse dans la divine science, tout sera connu dans le livre de ta vie. Tu es l’héroïne de l’amour, l’héroïne de la douleur...
Je suis retournée dans les ténèbres et dans ma douleur, mais toujours ardemment habitée par la soif de consoler mon Jésus et de sauver le monde. Il n’y a pas sur la terre une joie plus grande que de souffrir pour Lui.
« Je veux sauver les âmes... »
Le ciel était couvert de nuages noirs et il pleuvait abondamment ; dans mon âme les nuages étaient encore plus noirs et la pluie plus forte encore.
À travers la fenêtre, mes yeux voyaient les feuilles verdoyantes de la vigne, recouvertes par les gouttelettes de pluie fraîche que le ciel leur envoyait. Quelle leçon pour moi !
Une pensée a traversé mon esprit et je me suis demandée : “Que feront les petits oiseaux pour protéger leur petits de la pluie ?” Sûrement qu’ils les protègent de leur propre corps.
Le Seigneur prend soin d’eux, il ne les abandonne pas ; comment Jésus et la Petite-Maman ne s’occuperaient-ils pas moi, moi qui ai une âme ? Oh ! comme je dois me réjouir de tout ce que le ciel m’envoie !...
Alors, que viennent les humiliations et les mépris : je veux sauver les âmes...
« Mon Père, priez pour moi... »
Mon bon Père ;
Ne nous arrêtons pas de louer Jésus et la Maman du ciel pour tant de “caresses”. Je ne sais pas si je dois dicter pour vous ces paroles. Mais si les choses sont parvenues à un tel point que vous ne puissiez plus écrire, ni à moi ni à eux, je vous demande de brûler cette lettre, sans même finir de la lire.  Je ne veux pas déplaire à Jésus ni être la cause que d’autres lui déplaisent. Si je ne reçois plus de vos nouvelles, ne vous en faites pas. Je le sais d’avance : c’est parce que vous ne pouvez pas le faire... J’attends du ciel la force pour tout accepter. Il est certain, mon Père, que si Jésus ne m’avait pas soutenue de ses divines grâces, je serais déjà morte de chagrin. Prenons les choses comme venant de sa Main : Il sait que c’est pour Lui et pour les âmes.
J’aimerais beaucoup, si cela était possible, que mon nom soit effacé et que l’on ne parle plus de moi. Cela ne m’enchante pas pour vous, même si certains le désirent, mais pour d’autres raisons. Combien de luttes dans mon âme !
Priez pour moi, mon Père. Quant à moi, je ne vous oublie pas non plus. Et si jamais on ne vous autorise pas à me voir en ce monde, nous nous reverrons au ciel. Là, libres de toutes prohibitions, nous ne cesserons jamais d’aimer Jésus et la Petite-Maman, dans une même union, dans un même amour.
Ne pouvant pas faire autre chose, aidez-moi par votre prière, afin que je ne succombe pas sous cette croix si pesante... Pauvre de moi, méprisée et sans lumière...
« Oh ! monde, combien tu es ingrat !... »
(...)
Je suis perdue au milieu d’une mer démontée, dans une nuit de plus en plus noire et épouvantable.... J’entends le sifflement de la bourrasque : les ondes montent très haut, puis, tout redevient calme à nouveau. Et moi, je reste ainsi, seule, sans personne ! En sentant la tempêté si épouvantable, je la scrute, je l’écoute, mais avec sérénité : si je dois mourir au milieu de celle-ci, je meurs pour Jésus, je meurs pour les âmes. Je confie, j’espère : mon corps peut tout souffrir, il peut même disparaître, détruit par la fureur de la tempête, mais mon âme a son but : elle doit marcher o la rencontre de Jésus. Lui, il doit la recevoir, la soutenir et la prendre enfin avec Lui.
O monde, combien tu as été ingrat envers moi ! Et moi, je t’aime. Je t’aime non pas pour tes fausses attractions, mais parce que tu appartiens à Jésus.
Les ténèbres...
(Moments de la Passion)
En ces deux jours, j’ai eu tant à offrir à Jésus et à la Petite-Maman : j’ai beaucoup souffert dans le corps et dans l’âme. O douleur, ô douleur bénie ! Toi seule tu es ma joie sur cette terre : de toi seule je reçois quelque chose à offrir à Jésus et aux âmes.
Des océans et des mondes de ténèbres m’ont séparée à jamais de mon Jésus. Je suis comme aveuglée de corps et de l’âme.  Je suis plongée dans une mer d'obscurité et, je ne sais pas nager. Toujours immergée, je tends mes bras pour essayer de m'agripper à Quelqu’un : et ce Quelqu'un c'est la Petite-Maman.
Je veux aller de l'avant dans ces ténèbres, je veux y plonger autant que je le peux, autant que Jésus le souhaite. Mais je veux avoir la certitude que j'y plonge agrippée à la tendre Maman et recouverte de son manteau si saint, afin de ne pas avoir peur, afin de ne pas vaciller, afin de ne pas désespérer. Si j'y plonge seule, je risque de mourir de fatigue et d'offenser mon Jésus.
Je sens sur mes épaules une énorme croix ; son poids m’oblige à mourir au milieu des plus atroces horreurs. Cette croix embrasse le monde entier, elle pèse autant que l’humanité.
Jésus n’a pas attendu la matinée du vendredi pour me la faire sentir, avec une différence pourtant, aujourd’hui je ne suis pas clouée à celle-ci.
Mon âme pleure en silence, elle cache ses gémissements, elle voit les noires ténèbres de la mort, elle voit déjà comment tous se préparent pour me capturer et m’ôter la vie, coûte que coûte.
Jardin des Oliviers, Calvaire, mort, cruauté et détresse. Combien énorme est le rocher mondial qui cache le ciel ! Combien souffrent mon corps et mon âme ! Combien Jésus a souffert ! Ingratitude du monde...
La Vierge des Douleurs... et Jésus...
Pendant la nuit, je ne sais pas à quelle heure, mon corps n'en pouvait plus de douleur, et mon âme était dans l'angoisse, abîmée dans les ténèbres. Je n'avais personne pour m'aider et je devais lutter.
O mon Dieu, qui pourra résister à tant de douleur ?
Tout d'un coup, érigée devant moi, j'ai aperçu une grande croix. Au pied de celle-ci, la Vierge des Douleurs était assise. Combien Elle était belle ! Je l’ai fixée sans rien lui dire : je ne pouvais pas parler.
Son très Saint Cœur, rempli de flèches m’a fait oublier ma douleur.
Moi, je n’ai rien dit, mais Elle, Elle m’a parlé :
— Ma fille, aie courage ! Cette croix est la tienne. Je suis toujours à côté de toi pour t'aider, comme je l’ai fait pour la croix de mon Jésus.
Ayant dit cela, la belle apparition a rapidement disparu. Une aussi grande croix ne m’a pas fait peur, grâce à la vision de la Petite-Maman chérie.
La tempête de ma souffrance se rasséréna et je me suis endormie pendant quelques instants.
(...)
Jésus est venu avec toute la force de son divin amour. Mon cœur battait très fort : il était trop petit pour contenir un Cœur qui possède la grandeur et un amour sans égal. Jésus s’est arrêté un moment pour me parler, mais son amour me suffisait :
— Brûle, ma fille, brûle dans mon divin amour. Purifie le monde, vierge fidèle ! Je veux de l’amour, de la grâce, de la pureté. Par ton intermédiaire, messagère de Jésus, les âmes recevront des richesses et des trésors divins.
— Jésus, j’ai le cœur rempli.
— Rempli d’amour, ma petite fille.
— Rempli de posséder votre amour, votre grandeur, mais pas de vous aimer, car je ne vous aime pas comme il le faudrait. Vous savez très bien que de mien je n’ai que ma misère : c’est ce que je vois en moi.
— Non, tu aimes mon divin Cœur à n’en plus pouvoir. Tu es remplie d’amour : l’amour lui aussi consume. Et il doit en être ainsi, à cause de l’importante mission que je t’ai confiée.
— Merci, mon Jésus. Donnez à tous les cœurs donnez à toutes les âmes cet amour.
— Donne-le toi-même, ma petite fille. Je t’y autorise : tu es la maîtresse de mon divin Cœur, tu es la maîtresse de mon amour. Distribue-le comme tu voudras, tes désirs sont les miens.
« Ou souffrir ou mourir ! »
Le mois de la Petite Maman se termine. Je suis navrée qu’il se termine. Sera-ce le dernier mois de mai que je passe sur la terre ? Je suis peinée de ne pas avoir aimé beaucoup plus Jésus et la Maman du ciel. Tout passe, tout disparaît : seule ma misère apparaît et plus clairement encore dans les mondes de mes ténèbres. Je tends les bras au ciel pour enlacer mon martyre et avec lui Jésus et la Maman chérie.
J’ai une soif qui ne peut pas être rassasiée. J’ai faim, rien n’existe qui me satisfasse, même pas la souffrance. Je la crains mais je la veux pour donner vie aux âmes, pour consoler mon Jésus.
Ou souffrir ou mourir !   Quelle valeur peut avoir la vie si je ne souffre pas, si je n’aime pas ? Je ne supporte plus de voir le monde dans sa course folle et aveugle vers la perdition. Je le vois dans un incendie de passions. Je veux l’éteindre avec le feu d’amour que j’ai dans le cœur et par la tendresse qu’il renferme, mais je vois que le feu des passions et l’attraction du mal lui sont préférées.
Le feu et la tendresse ne m’appartiennent pas. C’est une tendresse qui sauve ; c’est un feu qui purifie... Je possède en moi ce qui n’est à moi. Je sens et je reconnais que cela appartient au Ciel.
Je suis las ; je veux enchaîner le monde à ce feu, à cette vie du ciel, et je ne le peux pas. Pendant que je sens les chaînes de l’amour de Jésus avec lesquelles il veut l’attacher, je sens celles du démon qui veut le conduire à la perdition. Le monde n’écoute pas la voix de Jésus, ne garde pas ses enseignements, n’accepte pas ses affectueuses sollicitations, ne se laisse pas apprivoiser par Lui...
Comme l’appel de Noé...
(Moments de la Passion)
Mes angoisses ont des élans qui me font m’envoler vers la mort. Je brûle du désir de donner la vie. Les routes restent imprégnées de mon sang ; je chemine dans le plus grand silence. J’ai soif de donner la vie pour posséder la vie.
Je vois le tombeau où reposera mon corps : c’est un tombeau qui enlève les âmes de la tombe, beaucoup d’âmes corrompues, déjà presque mortes.
Je grimpe l’abrupte montagne du Calvaire. Je tombe souvent, et à chaque fois je me retrouve comme si mon corps était déjà un cadavre : un cadavre méconnaissable à cause du sang qui coule le long de ma face ; c’est un corps dans une pire condition que celle d’un lépreux en putréfaction.
Le cœur est désireux d’aller de l’avant ; il doit vaincre pour les âmes, il doit mourir pour elles !
Alors que j’étais clouée à la croix, le sol bougeait au point de faire trembler ma croix et ceux qui se trouvaient à côté. Les tendresses du cœur se répandaient sur ceux qui, avec moi, étaient crucifiés : à droite elles étaient acceptées, à gauche refusées. Je sentais la révolte de celui qui les refusait et l’amour de celui qui les acceptait.
Mon âme sentait et voyait la Petite Maman qui, au pied de la Croix, essayait d’ouvrir les bras pour accueillir Jésus, encore vivant, ce qu’elle lui ferait aussitôt après sa mort : l’embrasser, le baigner de ses larmes. C’est indescriptible ce qu’on souffert les Cœurs de Jésus et de la tendre Maman. Quelle douleur aussi dans mon cœur !...
Jésus est venu :
— Ma fille, étoile brillante, ta splendeur illumine les âmes ; tu es la lumière qui les guide vers mon divin Cœur.
De son divin Cœur je recevais du Sang ; mon cœur se dilatait...
— Reçois, ma fille, le Sang qui engendre les vierges, qui procure la pureté, la grâce, l’amour. C’est la vie divine que Je donne à mes épouses les plus aimées... Donne-toi pour les âmes : pour les sauver je t’ai confié le monde, mais n’a pas répondu… Elles sont si peu nombreuses les âmes qui M’aiment ; elles sont si peu nombreuses celles qui pratiquent la piété comme il se doit ; elles sont si peu nombreuses celles qui savent bien souffrir, qui connaissent la valeur de leur croix et qui l’aiment. Par contre, le nombre de celles qui M’offensent est bien grand. Il y a tant de malice ; la chasteté est en train de disparaître sur la terre. Répare, Ma fille… ; souffre avec joie, souffre avec Moi.
— Souffrir oui, mon Jésus, mais pas avec Toi. Je veux souffrir, moi, mais je ne veux pas que tu souffres…
— … Dis au monde entier d’écouter la voix de leur berger (le Pape), qui est la voix de Jésus : je demande de l’amour, de la pureté, un changement de vie. Que la voix du Saint Père soit pour le monde comme celle de Noé…
Qu’il parle aux nations, à tous les chefs d’état, à fin qu’ils se consertent et mettent un terme à tant d’immoralité…
C’est le monde et c’est Jésus…
(…)
Souffrir par amour c’est doux, mais cela coûte beaucoup. Vouloir Jésus, l’aimer toujours, vivre uniquement pour Lui alors même que je sens n’aimer personne, que je ne fais rien pour le consoler !
Les jours passent et avec eux les heures et, avec celles-ci je passe moi-même sans progresser dans le chemin de la vertu
« Mon cœur souriait à la douleur... »
La nuit tombait à peine, mais au-dedans de moi elle était déjà ténébreuse et triste.
Je souriais pour me montrer joyeuse et cacher ma douleur, qui me tuait presque. Mais malgré cela, mon cœur souriait à la douleur, il souriait à Jésus et brûlait dans les flammes dévoratrices de son amour.
« La réparation la plus dure... »
J’ai senti et mon âme a remarqué des bras qui se tendaient vers moi pour me défendre et m’enlacer. À la fin de la deuxième réparation — deuxième assaut du démon — ces bras ont fait irruption au milieu de la fureur des démons qui s'enfuirent comme des lions terrorisés.
Il s'agissait de la Maman : c’est Elle qui m’a prise sur son sein et m'a embrassée, en même temps qu’elle me disait :
— Ma fille, celle-ci est la réparation la plus dure à supporter pour une victime, pour une épouse et vierge fidèle à mon Jésus. Viens ici. Tu ne mérites pas d’être au milieu des démons : tu es digne de vivre au milieu des anges et à l'ombre du manteau des vierges.
« O Jésus, l’enfer, l’enfer de suite... »
Aujourd’hui, quand la deuxième attaque du démon s’est terminée, j’ai crié, de toutes mes forces :
“O Jésus, l’enfer, l’enfer de suite, en ce moment même, si avec ceci je vous offense ! Je ne veux pas pécher, non, je ne veux pas !”
Cela ressemblait même à un défi à Jésus. Mais il sait bien, que ce n’en était pas un. Toutefois, cette phrase a été suffisante pour que je sois encore davantage surchargée de souffrances. Je n’ai plus le cœur à résister à tant de douleur.

1946
Doctoresse en sciences divines
Tu es maîtresse en toutes les sciences, doctoresse en sciences divines.
Combien le monda aura à apprendre de toi !
Je parle avec science et sagesse. Quand je t’ai parlé de la Patrie, je ne t’ai pas trompée, car, pour ceux qui obéissent, dans le monde ils n’ont pas de patrie, leur Patrie c’est le ciel.
Si tu savais, ma fille, combien il a coûté à mon divin Cœur, fou d’amour pour toi, de ne pas te dire tout ce qui allait arriver, quand j’ai souri et fait traîner ma réponse !
Je t’ai donné courage et confiance pendant tout ce temps, afin que tu puisses résister et que tu aies courage maintenant pour recevoir un aussi grand coup (le départ de son Père spirituel pour le Brésil).
Je ne t’ai pas trompée en disant que je ne te demandais pas le sacrifice du départ de ton Papa (c’est ainsi qu’Alexandrina parlait de son directeur spirituel, le Père jésuite Mariano Pinho). Je ne te l’ai pas demandé alors ; je viens maintenant te le demander. Et, regarde comment tu m’as tout donné !
 « Vous m’avez tout donné ; j’ai tout utilisé pour les âmes... »
(moments de la Passion)
Le Calvaire d’aujourd’hui a été encore plus intense et pénible par le fait d’avoir peut-être blessé Jésus ; je lui en ai demandé pardon bien des fois. J’ai même demandé à la Petite Maman de lui demander pardon pour moi. Je lui ai offert le tourment de l’avoir offensé, pour ceux qui l’offensent et ne ressentent aucun remords, après avoir péché mortellement.
Mais, quelle grande agonie ! C’était la mort qui appelait la vie, l’obscurité qui appelait la lumière.
J’avais en moi des yeux qui regardaient le monde et ne pouvaient supporter une aussi grande iniquité. Cependant j’avais des lèvres qui ne pouvaient lui adresser la moindre parole de lamentation ; j’avais un cœur qui l’aimait et sentait pour lui la plus grande compassion.
Je mourrais écrasée, je mourais remplie de peur, sans la moindre lumière.
Tout à coup, j’ai senti quelque chose, je ne sais quoi, sortir de moi, il me semblait s’agir d’un faisceau lumineux, qui est parti vers le Haut, vers la jubilation. Je suis restée dans l’obscurité, restée dans la mort.
Quelques minutes après, Jésus m’a parlé:
Ma fille (...), tu es comme une nuit sans étoiles, un jardin sans fleurs, un paradis sans amour. Mais non, ce n’est qu’une impression de l’âme. Pour moi en cette nuit, les étoiles brillent et scintillent : ce sont des étoiles qui donnent lumière au monde... Je vois dans ton jardin de si belles fleurs, des fleurs candides ; je les cueille pour moi, en aspergeant sur le monde leur parfum salutaire pour les âmes. Dans le paradis sans amour, je trouve tout l’amour... C’est avec cet amour que je te donne le pouvoir d’incendier les cœurs. Partage-le avec qui tu voudras, donne-le à travers tes paroles.
As-tu confiance en moi, ma fille ? As-tu confiance en mon amour et en mes paroles ?
Vous seul savez jusqu’où va ma foi en vous. J’ai foi, mais peut-être pas comme je le devrais ; et non plus, je ne souffre pas comme je le devrais. Pardonnez-moi, car je n’ai certes pas la force pour souffrir davantage.
Je vous ai beaucoup offensé... N’est-ce pas que je vous ai offensé ?
Tranquillise-toi. Je le permets pour ton humiliation... Reprends courage.
Il y a quatre ans, je t’ai prévenue de la lutte que t’aurais à soutenir, apparemment seule. Apparemment seulement, car je ne t’ai jamais abandonnée.
Aujourd’hui je ne t’annonce pas des luttes plus grandes, parce que les plus grandes sont passées ; mais je t’encourage à être forte à fin de supporter ton obscurité et la sensation que je sois séparé de toi... Aie confiance, mon absence ne sera qu’apparente...
Il y a un an je t’ai annoncé des afflictions. Elles sont venues et continuent, car les joies mêmes seront pour toi des afflictions.
Te sens-tu vidée, spoliée de tout, y compris de la souffrance ? Ne t’étonnes pas : celui qui a tout donné, n’as plus rien à soi. Tu m’as tout donné et j’ai tout utilisé pour les âmes...
« Ma fille, épouse de mon Jésus... »
(...)
Pendant la nuit j’ai eu une grande lutte avec le démon...
Aujourd’hui, en recevant la Communion, j’ai ressenti un très grand tourment à cause de ce qui s’était passé : je me sentais humiliée !
Jésus, dans sa bonté infinie, ne s’est pas refusé à entrer dans mon cœur et, en y entrant, il a tout calmé et ensuite m’a parlé :
Ma fille... rosée qui féconde et pénètre au plus profond de toutes les âmes... Ma petite fille aimée, me voici, avec ma Mère bénie, en ce premier samedi   de l’année pour te renouveler le dépôt de toute l’humanité...
(...)
La “Mãezinha” m’a dit :
Ma fille, épouse de mon Jésus, souffre tout, souffre avec satisfaction afin de sauver toutes les âmes de ce monde qui est à toi: Jésus et moi, nous te le confions.
Jésus et la Maman du ciel m’ont embrasée et comblée d’amour.
Ensuite, Jésus continua :
Nous renouvelons en ce jour l’offrande de notre amour: C’est pour toi, afin que tu le donnes aux âmes...
« J’extrais de ta souffrance un baume salutaire de salut. »
(moments de la Passion)
(...)
Pendant la nuit du 5 au 6 janvier je pensais :
Mon Jésus, si seulement, comme les Mages, j’avais, moi aussi, de l’or, de l’encens et de la myrrhe à vous offrir ! Mais je n’ai rien. Je ne peux pas venir à votre crèche avec toute ma misère.
Ma tristesse était profonde... À ce moment-là j’ai vu Jésus devant moi avec une grande croix sur les épaules, un genou à terre, sa divine Face tournée vers moi, il me regardait avec tristesse. Derrière lui il y avait beaucoup de monde qui le regardait avec haine, comme si tout ce monde voulait décharger sui lui toutes sortes de souffrances. Cette scène me rappelait la multitude des Juifs qui l’ont insulté tout le long du chemin du Calvaire. Je ne sais pas si je n’ai pas répété à Jésus : “Je suis votre victime” (...).
Cinq jours se sont déjà écoulés et je vois encore en moi cette divine Face au regard si triste, mais si plein de douceur. Combien Jésus devait souffrir, pour m’apparaître dans un tel état !
(...)
Aujourd’hui, arrivée au Calvaire, j’avais à l’intérieur de moi Celui qui peut fixer et scruter tous les chemins de ce parcours arrosé de sang. Ceci contribue à augmenter ma douleur : tant de sang répandu pour tant d’ingratitude ! Je voyais le monde s’éloigner de ce sang   et moi, je voulais le sauver : il n’y a pas d’autre moyen. Si seulement cette douleur pouvait être vue ! Si seulement cette agonie était comprise, combien d’âmes se sauveraient !
Le cœur se fondait en amour et Quelqu’un prenait cet amour et le diffusait sur le monde : un souffle, comme du vent, le portait partout ; même de mes yeux, de mes lèvres, de tout mon corps, ce Quelqu’un prenait, je ne sais quoi, et le diffusait.
Moi, sur la croix, broyée de douleur, j’agonisais dans l’abandon, dans l’obscurité et dans la mort.
Jésus est venu :
Ma fille, je vois dans ta mort la vie des âmes. Je prends dans ton cœur de l’amour pour toutes... Quelle valeur, celle du Calvaire ! La douleur est un sceau qui ne s’efface pas ; la croix est signe de rédemption. Aie courage ! La souffrance est salut pour le monde. J’extrais de ton cœur, de tes yeux, de tes lèvres, de toute la souffrance de ton corps un baume salutaire de salut. Je me réjouis de te voir tout supporter avec joie et le cœur fort...
Les âmes désirant m’accompagner au Thabor ne manquent pas, mais quand il s’agit de la souffrance, du Calvaire, toutes refusent la souffrance : elles fuient et je me retrouve seul. En toi je trouve la générosité ; tu m’es fidèle...
« Je t’accompagne toujours... »
(...)
Je prie et je souffre sans que rien de tout cela m’appartienne: je ne possède rien que je puisse donner à Jésus. Mes ténèbres sont comme des lions qui avalent tout...
J’étais si effondrée pendant mon Jardin des Oliviers et mon Calvaire !... Rarement j’ai senti comme aujourd’hui la tête aussi blessée par les épines: quelles douleurs aiguës et profondes ! Toute ma tête était une plaie ouverte...
Jésus est venu :
Ma fille, je veux ton obscurité, ton abandon, ta crucifixion semblable à la mienne. Je ne dis pas que, pendant ma Passion le Père éternel ait cessé de m’assister, que nous n’ayons pas continué de nous aimer d’un même amour et que j’eus perdu mon union avec Lui et avec l’Esprit-Saint, non ! La même chose se passe avec toi, ma chère crucifiée : tu bénéficies toujours de mon assistance ; je t’accompagne toujours pendant ton indicible crucifixion...
« Soyez vainqueur, Jésus !... »
Je n’ai personne à qui recourir : sur la terre je ne trouve pas de soulagement. Celui qui voudrait me secourir, ne le peut pas; celui qui pourrait, ne le veut pas. Mon Dieu, j’ai l’impression que ces lignes sont écrites avec mon sang, tellement ma souffrance est grande ; il m’est impossible de la décrire ; même le plus grand savant ne réussirait pas à la décrire telle qu’elle est. Je ne suis déjà plus qu’un torchon effiloché, je ne suis même plus un torchon, je ne suis rien: la souffrance a tout fait disparaître, les ténèbres ont tout immergé. Le nom de Jésus vaincra.
Soyez vainqueur, Jésus, soyez vainqueur, mon Amour ! Faites que ma foi arrive de la terre au ciel, qu’elle arrive de moi jusqu’à vous.
Voici les paroles que mes lèvres, souvent, ont balbutiées.
Mon Jésus, donnez-moi de la force afin de pouvoir tout dicter, si telle est votre Volonté; acceptez mon sacrifice !
Aujourd’hui, pendant la monté au Calvaire, le cœur semblait éclater dans l’affliction de découvrir de nouveaux mondes de pureté et d’amour à offrir à Jésus. Il me semblait que des dents de fer déchiquetaient mon corps. Je me suis sentie blessée par un très grand nombre de cœurs pétrifiés. Sous moi ruisselait le Sang de Jésus et les larmes de la Maman du ciel ; elles tombaient ensuite sur ces cœurs qui ne s’attendrissaient pas.
Alors Jésus est venu :
Ma fille, le Seigneur est avec toi, et avec toi ma paix. Tu es pleine de grâce car tu l’as reçue de moi et parce qu’en toi Jésus demeure et avec toi il est vainqueur...
« Quel bel exemple tu donnes, par ton amour pour la croix ! »
(...)
Je reste toujours surprise par tant d’obscurité... Je vois qu’en moi tout est perdu: Seigneur, Seigneur, ma souffrance est inutile !...
(...)
O mon Calvaire, toujours plus triste, toujours plus douloureux ! Oh, de quelle manière j’ai été flagellée ! Il me semble impossible que mon corps ne porte pas les marques des blessures et ne soit pas resté broyé...
J’ai reçu la visite de Jésus :
Ma fille... tu sais très bien que je suis toujours avec toi pour recueillir tes souffrances et les utiliser pour les âmes... Quelles grandeurs, quelles beautés, dans ton âme !...
Mon Jésus, si je ne vois rien et si je ne trouve rien en moi, que pouvez-vous recueillir pour l’utiliser avec les âmes ?
Écoute-moi : comment pourrais-tu voir de tes petits yeux ce que les flammes dévoratrices d’un grand feu on consumé ? Comment pourrais-tu voir une chose une chose que tu as offert et qui a été portée dans un endroit où tu ne peux aller ? Tu ce que tu souffres, tu ce que tu fais, tout ton amour est né, est consumé dans le mien.
Si tu pouvais voir la valeur de ta souffrance, ce que tu as fait pour moi et pour les âmes, l’amour avec lequel tu m’aimes, tu perdrais la vie, si cette vie était à toi et non la vie du Christ. Ce n’est qu’à la lumière de l’éternité que tu pourras voir, et l’humanité aussi, combien tu as fait et combien tu as souffert pour la sauver.
« La souffrance pour moi...l’amour pour vous ! »
On continue de parler du départ de mon Père spirituel.  Autour de moi, je sens continuellement une mer furieuse, le souffle du vent, la plus épouvantable tempête déclenchée contre moi, comme si j’étais un quai où le Père serait amarré...  Je souffre aussi pour la peine des miens, spécialement pour ma sœur. Il y a quelques jours, j’ai souffert ce qu’il a enduré à Fatima en prenant congé des personnes qui lui étaient chères.
Au même moment je voyais une main se poser sur ma tête: elle me redonnait de la force afin que je puisse continuer au milieu de toutes ces souffrances.
En esprit je m’enlaçais à la croix et je disais à Jésus :
Que la souffrance soit pour moi et l’amour pour vous. Que celui-ci soit un embrassement éternel !
Ce disant, je me suis sentie éclater par la souffrance.
À côté de la souffrance cheminait la foi. La souffrance semble même surpasser la foi; mais non pas le contraire. Celle-ci la dépasse comme le bœuf qui passe devant un autre plus lent. La souffrance chemine, aveugle, en ayant la certitude d’arriver au port de salut, mais non pas ici, sur la terre où elle est certaine de ne rien trouver.
(...)
Je sens de l’appréhension pour tout ce que le Seigneur me demandera encore, mais la volonté de tout lui donner reste: il me semble qu’il me l’apportera par l’intermédiaire de maman et, bien entendu, de ma sœur.
« Comme je me trompais !... »
Le 20 février — jour du départ de mon Père spirituel pour le Brésil — restera à jamais gravé dans ma mémoire...
Jamais Jésus ne m’a demandé autant ! Je ne m’y attendais pas !
Ce matin-là, juste après la communion, plusieurs fois j’ai demandé à Jésus si mon bon Père partirait ou non ; mais il ne m’a pas répondu. Malgré cela, je suis restée confiante, contre toute espérance. Le Seigneur m’envoya le Père Umberto pour me donner courage, me réconforter et me préparer à ce qui m’attendait.
Mon âme restait forte. Je me suis maintenue calme et sereine, mais ce que j’ai souffert, il est impossible de l’imaginer ou même de l’expliquer...
M’étant mise à prier, je ne savais plus si je devais demander à Jésus le miracle de ne pas laisser partir le Père ou le remercier pour une aussi grande grâce, ou bien implorer pour lui un bon voyage. Indécise sur ce que je devais faire, avec toute la force de ma foi, une foi que je ne savais même plus d’où elle pouvait me venir, je disais : “Non, il n’est pas parti, il ne partira pas !” Comme je me trompais !...
La douleur était lancinante. J’ai dit : je suis grillée comme saint Laurent ; mais le feu est bien pire : il me brûle l’esprit, me lasse l’âme...
Confiant, toutefois, dans le Seigneur et dans sa providence, je me suis souvenue de l’histoire d’Abraham et son fils Isaac...
Je ne savais pas qu’à cette heure-là, le bateau naviguait déjà en haute mer, amenant avec lui mon Père spirituel. Combien dois-je remercier le Seigneur de m’avoir aidée à vaincre tout cela avec sérénité et résignation !...
Combien j’ai promis au Seigneur que je ne manifesterais pas un seul mouvement de joie ou de satisfaction dans l’hypothèse où le Père ne partirait pas. De la même manière, et avec son aide, je Lui ai promis de ne rien dire contre ceux qui l’ont fait partir et qui m’ont tant fait souffrir.
Et maintenant, que faire ? Devais-je continuer à confier et à espérer dans le Seigneur, redoubler mes prières et, les yeux tournés vers le ciel et le cœur en haut, attendre sereinement et souffrir tout par amour.
Hier matin, après la Communion, j’ai dit à Jésus :
— Je me confie à vous en tout et je vous promets de faire tout mon possible pour de plus me préoccuper si ceci ou cela compromets votre divine cause : si elle est à vous, je ne dois pas m’en préoccuper, mais vous seul.  Je veux, mon Jésus, et je promets de faire tous les efforts pour tout accomplir dans la plus grande perfection possible et de vous aimer de tout de tout l’amour dont mon cœur est capable...
Dans l’après-midi j’ai appris l’heure et tous les détails du congé et du départ du Père. J’aurais voulu être forte, cacher mes larmes, mais je n’y ai réussi que bien peu de temps : j’ai réussi tout de même à étouffer les sanglots... Cela me semblait une douleur sans fin: je l’ai offerte à Jésus, le remerciant et le louant pour tout.
J’avais promis à Jésus que je ne prononcerais une seule parole ni de joie ni de contentement si le Père ne partait pas. De la même manière, je lui ai promis aussi, avec son aide, de ne rien dire non plus contre ceux qui l’ont fait partir et qui m’ont tant fait souffrir...
Après la Communion j’ai une brève action de grâces parce que mes forces ne m’en permettaient pas davantage. J’ai récité le “Te Deum”, le lisant sur un livre que j’avais emprunté. J’avais pensé le réciter en action de grâces au cas ou le Père ne serait pas parti; je l’ai récité pareillement, convaincue de procurer ainsi davantage de consolation à Jésus: le louer aussi bien dans la douleur que dans la joie...
(...)
Mon Jésus est venu :
— Ma fille, cœur d’or, cœur de feu, âme pure, candide, viens à moi, viens dans mon Cœur te restaurer de si amères douleurs ; viens reprendre courage, réconfort et confiance.
— Mon Jésus, vous savez bien que je ne confie qu’en vous, pas en moi, et vous savez comment vous avez permis que je me trompe et que le démon me trompe...
— Tranquillise-toi et écoute-moi. Je ne t’ai pas trompée, toi, tu ne t’es pas trompée et le démon non plus ne t’a pas trompée, car je ne l’ai pas permis. Tout ce que j’ai fait, ce n’était ni pour t’humilier ni pour humilier ceux que j’aime et qui prennent soin de ma divine cause, mais pour les rendre plus fermes et plus disponibles...
Ma fille, cela m’a coûté assez de ne pas te dire ce qui allait arriver: je t’ai donné courage et confiance, pendant tout ce temps, afin que tu puisses résister et aies la force pour recevoir cette blessure si douloureuse...
Je t’ai promis de le libérer: celui-ci fut le meilleur moyen de le faire.   Spirituellement il n’est pas parti, il est resté avec toi. Ce que j’ai uni, les hommes ne peuvent séparer.
Courage... Quelle grande lumière tu donnes au monde; quel grand exemple par ta disponibilité et par ton amour de la croix !
« Je veux et j’accepte l’immolation... »
Je suis entre les mains de Dieu pour tout ce qu’il veut: il connaît ma force.
(...)
La souffrance, la nostalgie de mon Père parti pour le Brésil, m’ont fait monter au sommet ; je ne peux aller au-delà...
Mais je le sens dans mon âme par une union plus forte que jamais... Le corps est parti, mais sur le Calvaire, la vie de mon âme est restée: c’est ce que je ressens...
Mes yeux ne peuvent freiner les larmes, mais ce sont des larmes de disponibilité, de paix, d’amour. Pendant que les yeux pleurent, l’âme s’élève, se prosterne devant Jésus et lui souri et, comme si elle avait des bras, elle les ouvre pour se laisser crucifier. Dans la plus grande tranquillité, avec la meilleure bonne volonté, j’ai dit à Jésus :
Je veux et j’accepte l’immolation, le sacrifice par amour pour vous...
(...).
Rien de mieux que la souffrance pour apprendre à aimer Jésus
(moments de la Passion)
(...)
Si je pouvais et savais parler, combien j’aurais à dire sur la douleur !
La souffrance est ce qu’il y a de plus sage, c’est l’école la plus sublime ; Rien de mieux n'existe que la souffrance pour nous apprendre à aimer Jésus. Celle ci nous achemine et nous guide vers Lui. La souffrance produit des racines en profondeur, des racines qui lie l’âme à Jésus. Combien de secrets cache celle-ci ! La souffrance unit l’âme à Jésus et fait que celle-ci ne vive uniquement que de Lui et pour Lui. Elle est le fondement le plus sûr à l’édifice de l’amour et à l’union avec Jésus...
« Elles méprisent mes grâces... »
J’aimerais pouvoir consoler et réconforter tout le monde ; j’aimerais pouvoir procurer de la joie à tous les cœurs. J’aimerais rassasier tous les affamés, j’aimerais vêtir tous les mal habillés. Combien de peine je ressens pour les pauvres ! Mais je la ressens spécialement pour Jésus. Je sens que c’est lui le pauvre le plus nécessiteux: il a besoin que nous le réjouissions, que nous le réconfortions. Puissé-je le consoler et l’aimer !... Je souffre beaucoup, mais mes souffrances ne réussissent pas à Lui procurer consolation et joie...
Pendant la nuit la souffrance consumait mon corps et mon âme; je vivais un vrai martyre. Les noms de Jésus et la Maman du ciel étaient toujours sur mes lèvres et dans ma pensée...
Après la Communion, Jésus n’a pas tardé à me réconforter :
— J’ai soif, ma fille, une soif qui consume mon divin Cœur. Tu sais, épouse aimée, quelle soif est celle-ci: c’est une soif d’âmes. Celles qui m’aiment sont bien peu nombreuses et, bien peu nombreuses de celles qui me procurent une vraie consolation, même parmi celles qui disent m’aimer et être mes épouses ! Elles ne font pas ce qu’elles devraient, dans un bout droit et pur. Combien parmi les choisies viennent de moins en moins dans mon Cœur ! Elles me veulent seulement quand elles voient des roses et des consolations; mais quand les épines les blessent et les croix pèsent, elles rebroussent chemin et méprisent mes grâces...
— Mon Jésus, si je peux encore faire quelque chose ou encore souffrir, je suis prête à tout. Je ne vous ai jamais abandonné; je suis toujours votre victime...
— Dis à ton Père spirituel   que j’ai recueilli vos souffrances, dis-lui que je l’ai choisi pour lumière et guide de ton âme et que je ne vous abandonne pas. J’ai uni vos deux âmes, je ne les séparerai pas, et je ne laisserai pas qu’on les sépare. J’ai reçu une grande consolation par son obéissance et par son humilité. Il sera toujours le maître de grandes âmes... (...).
« Donnez-moi, Jésus, le feu de votre Cœur... »
Le 13 j’ai reçu un cadeau du ciel.  Depuis bien longtemps que je n’en recevais pas ! Cela aurait dû être pour moi un motif de grande joie, mais ce ne fut pas le cas. Je suis restée indifférente, comme si ce n’était pas pour moi. Je l’ai beaucoup apprécié, mais l’appréciation n’était pas la mienne. J’en ai remercié Jésus et la Petite Maman, mais même les remerciements n’étaient pas les miens... Moi, je suis toujours restée sans rien...
Le malin présente à mon imagination tous les doutes. Il sourit en voyant que je me sens comme ne possédant rien, et continue de me présenter ma vie comme perdue.
Moi, tournant mon regard vers le ciel et vers Jésus crucifié, je Lui ai dit :
— Je suis votre victime, je ne veux rester sur la terre que pour souffrir et faire votre très sainte Volonté.
Et, me tournant vers le Sacré-Cœur, je Lui ai dit :
— Donnez-moi, Jésus, le feu de votre Cœur, soyez ma force; donnez-moi votre paix.
Et je reste ainsi sereine et rassurée. L’âme est satisfaite, et elle sourit à la souffrance et à la croix.
Je vois les souffrances ; je vois la mort venir à ma rencontre et je la crains; mais cette crainte ne m’empêche pas de la vouloir, de la désirer.
Ayant cette vision de la souffrance et de la mort, j’ai cheminé, ou mieux, c’est Jésus qui a cheminé en moi, résolument vers le Jardin des Oliviers. Quel grand silence ! Quelle grande leçon ! Combien je peux soulager Jésus en souffrant sereinement et en silence: souffrir en aimant !
J’ai bu jusqu’à la dernière goutte avec Lui le calice amer. Mon cœur a été pressé avec le Sien dans la même coupe, et ainsi uni il fut offert au Père éternel. Dans la même union j’ai souffert l’agonie et j’ai senti l’affaiblissement.
À un certain moment, comme pour me servir d’exemple, j’ai ressenti sa disponibilité, sa paix et le sourire de son âme, et son regard doux et serein vers le Père éternel. Puissé-je accepter et souffrir tout comme Jésus !
Ce matin j’ai senti sur mon corps tant de flagellations: il me semblait que les épaules, le dos et la poitrine resteraient déchiquetées...
Le long du chemin du Calvaire la furie avec laquelle j’étais traînée, que je tombais en cognant le visage or sur une pierre or sur une autre...
Du haut de la croix, prête à expirer, je sentais que mon cœur était accroché par des racines d’amour à tous les cœurs humains. Et le regard le plus tendre émanait de mes yeux moribonds, embrassant le monde entier. J’ai pu lui susurrer :
— Ton ingratitude peut-elle exiger davantage de moi ?
(...) Ce n’était pas moi, c’était Jésus, mais j’ai ressenti tout cela comme si c’était moi.
Jésus est alors venu :
— Ma fille, blanche et pure colombe, je t’ai placée sur ce calvaire, en cette continuelle immolation, lors des jours les plus tragiques pour l’humanité...
 Aie courage. Je suis avec toi; les hommes ne peuvent pas nous séparer, ne peuvent pas nous empêcher de sauver les âmes. Cela me déplaît que la plus grande partie de mes disciples ne comprenne pas ma vie dans les âmes ! Combien la détruise, en coupant les racines et, pire encore, les brûlant afin qu’elles ne repoussent plus. Courage, petite fille: cela ne t’arrivera pas....
Larmes de nostalgie...
Mon bon Père...
Cela ne me semble pas une réalité mais un rêve : recevoir une lettre de vous et pouvoir y répondre ! Pourrai-je le faire ? J’attends des ordres. En effet, je ne veux pas désobéir. J’écris, mais encore avec crainte. Le monde est si mauvais. Il est vrai que je n’ai commis aucun crime pour être traitée de la sorte. Mais il est vrai qu’il vaut mieux souffrir toute une vie innocente qu’un seul instant coupable. Combien belle est l’obéissance, et combien elle plaît à Jésus !
Votre lettre m’est arrivée le 13. Ce fut un cadeau de Jésus et de la Maman du ciel. Je l’ai beaucoup aimée, mais ce contentement ne m’appartenait pas, ce n’était pas le mien.
Involontairement j’ai versé des larmes : larmes de nostalgie, de paix et de résignation.
Cela fait aujourd’hui un mois que mon âme vous a vu partir et vous a accompagné avec une grande souffrance, sur la haute mer, lors de votre long et douloureux voyage. La vision était claire. Elle vous a accompagné jour et nuit. Jour après jour elle devenait plus faible ; entre le premier et le deux mars, elle a disparu. Mon âme cessa de vous voir, mais non point de vous sentir. Si seulement vous saviez comment il est ce sentiment ! Ou mieux, si je savais m’expliquer !...
La distance qui nous sépare nous a unis nos âmes plus fortement que jamais... De la même façon que je suis unie à Jésus et que je ne cesse pas de penser à Lui, de la même manière je suis unie à l’âme de mon Père spirituel et je me le rappelle toujours avec une profonde nostalgie : nostalgie qui de temps à autre me mène aux larmes ; et ce n’est qu’au prix d’un grand effort que je réussis à les cacher.
Quelquefois j’examine ma conscience : s’agit-il d’un attachement et d'une affection exagérée ? Non, ce ne l’est pas. Et je reste en paix. Jésus voit et Jésus le sait. Je n’échangerais pas l’amour de Jésus contre l’amour de mon Père et celui de toutes les créatures du monde entier. Jésus est le commencement et la fin de ma vie ; c’est sans doute Lui qui a ainsi uni nos âmes.
Quatre ans après notre dure et douloureuse séparation, quand je croyais ne plus pouvoir résister aux désirs et aux souhaits de vous voir revenir m’encourager et guider mon âme vers Jésus, un coup encore plus dur est arrivé. Un douloureux poignard a été enfoncé dans mon cœur : ce poignard ne sera plus enlevé, et la blessure de celui-ci ne se refermera pas avant que vous ne retourniez ici.
J’ai attendu jusqu’au dernier moment, convaincue que vous ne partiriez pas. Mais, que Jésus soit loué ! Toute la vie ne suffira pas, toute l’éternité ne suffira pas pour le remercier d’une aussi grande grâce : il est venu Lui-même me raffermir et m’apporter résignation. J’ai beaucoup pleuré, mais silencieuse, calme et sereine.
Le malin m’a tourmentée m’inspirant des doutes et en me montrant ma vie comme inutile, mais, avec la grâce de Dieu, j’ai tout vaincu et, ce me semble, sans offenser Jésus. Il sait très bien que s'il me manque, tout me manque. Il connaît l’abandon dans lequel je me trouve...
Le Père Umberto est bien mon ami et comprend très bien mon âme, mais très vite, lui aussi, a été interdit de venir.
Toutefois, bien qu'il me comprenne et m’ait soutenue dans des heures aussi tragiques, j’ai toujours senti que mon Père spirituel était la première et la dernière lumière de mon âme. Vous n’avez jamais cessé d’occuper dans mon cœur la même place ; Jésus ne vous a pas enlevé de là. Vous étiez et êtes toujours le premier pour qui je prie. Et le Père Umberto, le pauvre, me disait :
Je ne veux en aucun cas m’ingérer dans les affaires d’autrui. Je ne veux que soutenir votre âme. Votre vrai directeur c’est le Père [Pinho].
Pauvre de moi, et pauvre Deolinda, si le Seigneur, tout au long de ces années ne nous avait envoyé un médecin aussi bon et saint ! Personne ne voudrait se trouver dans sa situation. Il est notre ami, ami solide de la cause de Dieu ; il est aussi votre ami, mon Père, un ami sincère...
Le Père Alberto lui aussi m’aime bien, et sais très bien pardonner les péchés. Que beaucoup de grâces et louanges soient rendues au Seigneur !...
À quand l’heureuse nouvelle de votre retour, avec la liberté de pouvoir prendre soin de mon âme jusqu’à la fin des fins ?...
Petite grappe de raisin pressée au maximum
(Moments de la Passion)
Le Seigneur soit avec moi : je me sens tellement exténuée que seul Jésus peut me redonner de la force...
Mon lit est comme une grille à travers laquelle passe et m’atteint le feu le plus vif et le plus brûlant. Je me sens toute entourée de flammes qui me consument et me détruisent le corps ainsi que l’âme...
Combien je souffre, mais combien j’ai encore de soif d’une plus grande souffrance ! Je suis fatiguée du monde, j’ai honte de lui, je suis obligée de le quitter: quelles diversités de souffrances !
(...)
Hier j’ai senti que des chaînes de feu me tiraient vers le Jardin des Oliviers : c’était l’amour, rien que l’amour. Prosternée jusqu’à terre, je sentais des tels déchirements et de telles secousses dans tout mon corps, que j’avais l’impression que les os allaient bientôt se rompre. C’était l’épouvante, c’était le pressentiment des souffrances...
Et aujourd’hui, sur le Calvaire, pendant que l’on me crucifiait et que l’on me clouait les pieds et les mains, j’ai senti comme si dans mon cœur on m’enfonçait de plus grands et plus douloureux...
Malgré la peur que j’avais de Lui, Jésus est cependant venu :
— Ne me crains pas, ma fille: je suis ton époux et toi mon épouse... Je suis ton Père et toi ma fille bien-aimée... Sais-tu, ma fille ce que c’est que cette crainte de ton Jésus ? C’est la crainte que j’ai eue de mon Père éternel. Je me suis recouvert, je me suis revêtu de toute l’immondice de l’humanité, j’ai tout assumé et j’ai eu honte devant mon Père.
N’es-tu pas la victime du monde, non une victime de quelques heures ou de quelques jours mais de tant d’années ? Ne t’ai-je pas confié l’humanité ? Voilà la raison de ta crainte. Sauve-la pour moi. Je souffre intensément ! J’aimerais des âmes qui, comme toi, continuellement se laissent immoler avec une pareille générosité et amour...
« On a prolongé mon martyre »
On a prolongé mon martyre sur la terre. Il est vrai que je veux souffrir, mais je veux savoir souffrir comme Jésus le désire, avec la perfection qu’il veut.
Ces derniers temps ont été pour moi un douloureux calvaire. Combien j’ai souffert ! Il m’aurait été tout à fait impossible de fuir la souffrance même si je l’avais essayé. Toute la terre, toute la mer, tout l’espace étaient souffrance. Oh, combien coûte la souffrance ! Et plus elle coûte, plus on veut donner et moins on trouve à donner. Je n’avais rien à offrir à Jésus. Je me sentais tout à fait incapable de tout. De temps à autre seulement je pouvais m’offrir comme victime. À la fin, il me semblait même avoir complètement oublié Jésus; je sentais perdre sa divine union.
Enfin, lors de l’agonie au Jardin des Oliviers, je me suis sentie indifférente et étrangère à tout.
Aujourd’hui, seule la violence de la souffrance m’a forcée à cheminer vers le Calvaire, ou mieux, c’est la violence de la souffrance qui m’a porté jusqu’à la cime, me cognant contre les dalles de pierre, pendant que je marchais, traînée avec rage.
N’importe laquelle parole ou acte d’amour sortait de moi comme d’une mer glacée et morte... tant de souffrance pour rien, tant de ténèbres sans lumière ! J’avais l’impression qu’il ne pouvait plus exister des souffrances qui aient quelque valeur, qui puissent donner la vie à l’humanité qui était morte et perdue.
Et mon Jésus est venu :
— Ma fille, sais-tu qui t’appelle ? C’est Jésus, l’amour de ton cœur, Jésus duquel tu te sens abandonnée, Jésus qui en ces derniers temps a pressé au maximum sa petite grappe de raisin... Courage, je suis toujours avec toi !...
— Mon Jésus, j’ai tant souffert, mais je n’ai pas su souffrir; au lieu de m’unir davantage à Vous, je m’en suis sentie tout à fait séparée. J’ai beaucoup souffert et je n’ai rien vu que je puisse vous offrir. Ce ne fut que plus tard et avec peine que je me suis souvenue de vous demander davantage d’âmes. tout ceci me fait souffrir.
— Écoute, connais-tu la valeur de l’aumône ? Ne sais-tu pas de quelle manière je veux qu’il soit pratiqué ? Ce que tu aimerais voir, j’en ai déjà pris possession avant même qu’il en soit le temps.
— Vous voulez, Seigneur qu’une main ignore ce que fait l’autre, n’est-ce pas ? C’est bien, mon Jésus, mais moi, j’aimerais vous offrir mes souffrances afin de pouvoir sauver les âmes.
— Et tu en as sauvées. Ma fille, tu es en train de constituer un grenier si grand que pas même pendant bien des années de disette les âmes ne mourront [à la grâce] par manque d’aide.
Tu es l’aliment des âmes et j’ai tout préparé afin qu’elles ne meurent pas de faim.  (...)
« J'unis ton cœur à mon divin Cœur »
(...)
Combien il me coûte de dicter ! Si seulement je savais offrir à Jésus ce sacrifice !
Je me sens de plus en plus seule... On dirait même que Jésus n’existe pas ; qu’il n’est plus la lumière de mon âme. Je sens comme si j’avais perdu mon union avec lui.
Je ne sentais pas qu’il soit uni à moi, mais je sentais mon effort à vouloir m’unir à lui. Je ne voulais, à aucun moment, perdre un seul instant de sa douce compagnie. Bien au contraire, mon Dieu, tout semble mort, je ne sens même plus mon effort ni notre union. Quand je pense à Jésus et que je ressens cette dure séparation, la souffrance de mon âme est très douloureuse, elle est indicible...
La vie est longue: je ne comprends pas comment je peux rester ici. A la fin, même le gazouillement des oiseaux me blesse; et pour en finir, même les fleurettes que de ma fenêtre j’aperçois aux fenêtres ou balcons des maisons voisines, me font saigner le cœur.
Le démon s’obstine à vouloir me persuader que ma vie n’est que tromperie. O mon Dieu, quelle vie douloureuse ! Seule mon âme peut sourire et embrasser une aussi grande souffrance: le sourire de mes lèvres est trompeur...
Au Jardin des Oliviers je me suis épouvantée en découvrant la montée vers le Calvaire... Toutes les souffrances ont été anticipées; j’ai commencé à trembler...
Le corps déchiré je me suis engagée sur le chemin du Calvaire... Jésus est venu...:
— Mon enfant..., J'unis ton cœur à mon divin Cœur, il n'y a plus qu'un seul cœur, qu'une seule vie. Je te donne une goutte de mon sang, afin de continuer le miracle et que tu puisses vivre et résister à la douleur, à ton martyre... afin que tu donnes la vie aux âmes et les fasses triompher dans leur guerre contre le mal...
(...) Courage, ma colombe, tu ne m’as pas perdu, tu ne m’as pas quitté... Dans l’obscurité de ton esprit, obscurité qui ne pouvait augmenter davantage, tu n’as pas senti l’union avec moi et tu n’as pas vu non plus de quelle manière tu courais vers moi. Oh, s’il t’était donné de voir comme tu es en moi et moi en toi ! Rien ne peut nous séparer !...
« Ô mon Jésus, je ne fais rien... »
(...)
Dans la nuit du 14 au 15, le démon, après beaucoup de scènes laides, insultes et paroles malicieuses, m’a dit :
— Regarde, 21 ans de perdus !  A quoi t’ont servi tant de souffrances ? Tant d’années de perdues, des années de fausseté !...
(...)
Je sens ce que j’ai éprouvé il y a quatre ans: les bêtes et les oiseaux de rapine. Les premiers boivent mon sang qui baigne la terre; les autres, avec leur gros bec, mangent ma chair. D’autres encore rôdent autour de moi et mangent mes os. Combien peut-on souffrir dans ce silence !
Dans un pareil état, pressée au maximum, j’ai souffert mon Jardin des Oliviers... Je me suis retrouvée dans un lieu plus éloigné à prier toute seule; ensuite j’ai cherché la compagnie de ceux qui m’aimaient...
Aujourd’hui, tout le long du chemin du Calvaire, je sentais des instruments en fer enlever le peu de chair qui me restait. Ils me transperçaient les nerfs et arrivaient jusqu’aux os. À chaque pas je croyais mourir. Une vie venue d’en-Haut soutenait mon corps désormais épuisé. Quand je tombais, presque déjà morte, j’étais traînée par des cordes. Je sentais que cette vie venue d’en-Haut était le soutien de mon corps déjà moribond: ce n’était ni une vie ni une force humaine. Et au sommet, déjà sur la croix, cette même vie continuait à être la force qui me permettait de supporter tant de souffrance. Quand j’en ai éprouvé la séparation, déjà le cœur avait donné tout son sang, déjà mon cri semblait exécuté plusieurs fois le tour du monde entier. Alors cette vie est remontée vers le Haut, (...) le corps est resté mort...
Jésus est alors venu :
— Mon enfant,... Je suis ton Jésus, Je suis toujours près de toi. Sur toi se reproduit toute ma Passion: tu es la copie la plus fidèle du Christ Rédempteur. Je poursuis, avec toi, pas à pas, le chemin de ton calvaire... O combien elle est belle, ta mission !...
— O mon Jésus, je ne fais rien, je ne suis rien, je ne sais même pas souffrir... En moi il n'y a rien d'autre que néant, un immense néant. Sauf mon âme qui elle, elle sourit toujours à la douleur, à la croix, à votre amour...
— Et je ne veux rien d'autre ma douce enfant: le sourire de ton âme et c'est tout...
« J’ignore où je me trouve... »
J’ignore où je me trouve. Il me semble ne plus avoir le moindre souffle de vie.
Durant la fête de Pâques, je suis venue dans cet endroit, je ne sais d’où. Je ne comprends pas la vie que j’ai reçu.  Je me suis retrouvée dans un cachot, dans une noire prison afin de donner la liberté à tous ceux qui s’y trouvaient. Les portes se sont grand ouvertes et tous ceux qui s’y trouvaient se sont envolés vers le Haut...
Les animaux continuent de détruire et de dévorer mon corps. Une partie de ceux-ci est disparue. Et l’amour de Jésus semble ne pas habiter en moi: je n’ai rien pour lui, je n’ai rien pour les âmes. Je souffre horriblement à cause de sa perte. L’abandon dans lequel je me trouve, me fait peur: la séparation totale de ceux qui me sont chers... Mes yeux ne cessent de fixer Jésus et la Petite-Maman afin de leur demander de l’aide, afin de leur demander courage et amour.
— Mon Jésus, l’âme de cet homme qui est tombé dans la rivière, est-elle sauvée ?
— Oui, ma fille. Ce fut à onze heures et demie de la nuit qu’elle a comparu en ma divine présence. Comme il a été beau et attendrissante le moment où elle m’a vue devant elle, avant même que je ne lui demande des comptes !... Elle m’a dit: « Pardonnez-moi, pardonnez-moi, mon Jésus ! Vous êtes mon Seigneur. »
Je lui ai pardonné et il a été sauvé !
« Je n’ai pas assez de cœur... »
Je n’ai pas assez de cœur

« Pauvre monde !... »
Je cherche à me corriger, de faire un grand effort sur moi-même pour essayer de cacher ma souffrance. J’ai l’impression d’utiliser des phrases creuses vis-à-vis de ceux qui me sont chers quand je leur manifeste ma douleur. Ensuite, j’ai envie de me mettre à genoux à leurs pieds et de leur demander pardon. J’agit de la sorte uniquement avec ceux qui ont des pouvoirs et des droits sur moi, sur mon âme. Ceci augmente mon martyre.
O Jésus, pardonnez-moi et donnez-moi de m’améliorer et de corriger mes défauts. Et si cela vous plaît, faites que je sache cacher les luttes et les tristesses de mon âme.
Je me sens dans un coin du monde. Ceux qui me sont les plus chers se trouvent dans le coin opposé. Quelle distance nous sépare ! Je sens que ceux-ci, comme moi, subissent la même obscurité, subissent le même mépris, le même abandon et la même mort. D’eux je ne peux recevoir aucun réconfort, aucune vie.
(...)
Hier je sentais s’approcher l’agonie au Jardin des Oliviers: j’étais dans une détresse inénarrable. Cette souffrance a augmenté en sentant dans mon âme les roulements du tonnerre, accompagnés d’éclairs aveuglants qui incendiaient le monde.. Le ciel descendait sur la terre anéantie par le péché, morte à cause de tous les vices. Il semblait que tout le firmament se changeait en feu. Mon Dieu, quelle rébellion ! J’ai senti que les âmes ne craignaient pas Dieu.
Au Jardin des Oliviers, on dirait que ces arbres s’ingéniaient à me cacher entre leurs branches, afin de me priver de toute lumière et me terroriser davantage dans mon obscurité. Les branches et le tronc tremblaient comme moi-même, ainsi que le sol.
Le Père éternel s’était retiré: c’était comme s’il n’existait pas. Mais sa justice descendait comme de noirs nuages pour m’écraser. J’ai senti tout mon corps baigné de sang. Le doux regard de Jésus posait sur mon âme. Quelle sérénité la sienne, mais quelle souffrance aussi ! De la coupe amère coulaient des filets de sang: ce sang éloignait de la terre le poids de la divine justice et illuminait même la terre...
Aujourd’hui, le long du chemin du Calvaire, après être tombé avec la croix et avant d’être traînée par terre, j’ai reçu dans ma poitrine des coups de pied si forts qu’ils m’ont laissé l’impression d’avoir broyé celle-ci....
Jésus est venu :
— C’est un Cœur d’Époux qui t’invite, l’amour de l’Époux et du Père. C’est moi, ton Jésus, qui t’invite à entrer dans la plaie de ma poitrine, jusqu’à la source de mon divin Cœur ; non pas pour boire, car sans un miracle tu ne pourrais résister à mon amour, ni supporter la force de mon Sang divin. Entre, viens, approche tes lèvres à cette source ; viens étancher ta soif d’amour, la soif qui est la tienne de me gagner des âmes. Unis-toi à moi : c’est ce Sang qui engendre les vierges et qui donne vie et grâce, pureté et amour. Je n’entends pas, ma fille, te donner vie et adoucir ta souffrance, mais je veux te la donner afin que tu en donnes ; je veux t’en donner pour ensuite recevoir. Je suis l’agriculteur qui sème et cueille ; je suis le jardinier qui plante et cultive les fleurs. Je recueille tes souffrances dans des vases dorés pour les âmes. Ma fille, je suis comme un riche avare, jamais satisfait de sa récolte. Courage, donne-m’en davantage ; ne me refuse rien. Je continue de te demander ce dur martyre, cette douloureuse réparation. Le monde courre vers l’abîme : il est en danger de se précipiter et de rester à jamais enseveli. Je ne peux plus retenir la justice du Père éternel. Voici les sentiments que j’ai fait éprouver hier à ton âme. Je suis fatigué de demander un changement de vie et le retour des âmes vers moi. Pauvre monde s’il ne rebrousse pas chemin: le feu divin le réduira en cendres. C’est le feu que tu as vu venir du ciel avec les roulements des tonnerres. C’étaient des nuages de châtiment, les nuages noirs que tu as vus. Secoure, secoure le monde ! Donne-moi toutes tes souffrances.
— Mon Jésus, vous me parlez ainsi: alors tout ce que je soufre pour l’humanité, ne servira à rien ?
— Reste tranquille... Si ce n’étaient pas tes souffrances, oh, que serait-il devenu, le monde !...
Va dicter tout ceci, redouble dans ton effort; donne-moi encore ce sacrifice...
À l’imitation de ma Mère bénie, va à la rencontre de la souffrance et quitte la source de mon divin Cœur...  (...).
Communiée par son Ange gardien
(...)
Cette semaine je n’ai reçu Jésus Eucharistique qu’une seule fois. La faim que je sens de Lui devient presque désespoir... Sans son aliment divin je me suis tellement affaiblie que je ne peux même plus me lever... Toute tentative de réconfort de la part de ceux qui me sont chers, reste sans effet: elle est aussitôt ensevelie avec moi. Mon Dieu, tout se meurt, excepté le péché. O comme je sens mon corps corrompu et transformé en plaies nauséabondes ! Quel monstre abominable, fruit du péché ! Quelle dure pierre, quel monde d’iniquité !
Je sens comme des bombes tombées du ciel et qui explosent sur moi. Elles incendient et détruisent tout ce monde que je suis, ou de qui je suis la gardienne.
— Jésus, je n’en peux plus. Je sens que je n’en peux plus. Venez à mon aide, amenez avec vous la Petite-Maman. Puisque le réconfort de la terre ne m’apporte aucune joie, alors que j’en ai tant besoin, que celui-ci me vienne au moins du Ciel...
(...)
J’ai descendu un grand escalier pour aller au Jardin des Oliviers, ou plutôt j’ai vu Jésus le descendre en moi. Il faisait déjà nuit. Quelle douleur Jésus a éprouvé en prenant congé de la Petite-Maman ! Quelle triste séparation ! Il savait très bien, que peu de temps après elle voudra l’embrasser, le prendre dans ses bras, guérir ses blessures, et qu’elle ne pourra pas le réconforter de ses douces paroles de Mère.
Je suis montée ensuite par un autre escalier en ayant les mains liées, presque épuisée. J’y suis montée sous une pluie de bastonnades et de coups de pieds, le visage couvert de crachats.
J’ai été conduite en présence d’hommes sévères, d’un caractère méchant, assis comme dans un tribunal. J’ai senti la gifle et, plus d’une fois, résonna dans mon âme le chant du coq. Quelle nuit ! Quelle souffrance ! Quelle profonde tristesse ! Mais l’amour, l’envie de sauver le monde surmontait tout.
Aujourd’hui je n’ai commencé à ressentir la souffrance du Calvaire que lors que je suis arrivée à la cime: j’étais au bord de rendre mon dernier soupir.
Pendant que l’on me déshabillait, les ricanements étaient tels qu’ils résonnaient par tout le Calvaire. Pendant que l’on me clouait à la croix, les déchirements ont été tels que j’ai eu l’impression que l’on m’arrachait les bras et les jambes. Tout le corps paraissait démembré. La douleur a été si forte que sans un miracle j’aurais du mourir sur le coup.
L’amour bouillonnait dans mon cœur, pendant que continuaient l’agonie et l’invocation au Père. Quelle soif ardente ! C’était Jésus qui brûlait d’amour dans l’anxiété d’ouvrir le Ciel à la pauvre humanité; et celle-ci restait dans son état de haine, de péché et de froidure. Quelle différence entre Jésus et les hommes !
Je suis restée longtemps dans cette douloureuse agonie...
Jésus est venu et m’a protégée de ses divins bras. J’ai senti comme s’il me sortait d’un abîme de douleur, d’un sépulcre sans fond.
— Viens ici, ma fille... Repose-toi dans mon divin Cœur. Courage ! Reprends des forces en moi, relève-toi de ton affaiblissement... Va me recevoir dans la Communion: c’est ton ange gardien qui a l’honneur de me donner à toi... (...).
« Demande pénitence, beaucoup de pénitence... »
(...)
Hier, dans la nuit, à l’intérieur de moi, Jésus a atrocement souffert l’agonie au Jardin des Oliviers. Le sol était très dur; rien ne le ramollissait, même pas le Sang de Jésus. J’ai senti que Jésus pleurait... Au début ce n’étaient pas des larmes de sang, mais peu après oui. Ces larmes devançaient les gouttes de sang que peu de temps après couleraient des profondes blessures causées par les épines.
Pendant que je sentais ces larmes en même temps que les souffrances du (prochain) Calvaire, toutes les branches des oliviers tremblaient et s’agitaient comme secouées par un vent violent. Jésus lui aussi tremblait d’épouvante.
Passés quelques instants je me suis sentie comme extirpée d’une tombe. La pierre qui la couvrait était là, sur le côté, par terre. J’en suis sortie glorieuse pour triompher de toute souffrance. J’étais la tombe et j’étais Jésus.
Cette vision de gloire que j’ai sentie par anticipation ne m'a procuré aucun soulagement...
Aujourd’hui, toute la matinée, mon âme voyait Jésus en permanence. Il cheminait portant la croix sur ses épaules, et presque toujours il poursuivait son chemin le visage tourné, ainsi son regard vers sa Mère bénie qui le suivait...
Son agonie sur la croix (et moi avec lui) se déroulait dans la plus grande tristesse, dans l’obscurité de l’esprit et dans le plus complet abandon...
Nouveau sentiment, nouvelle vision de l’âme: j’ai vu Jésus triomphant sur toute la terre, le ciel qui s’ouvrait pour illuminer comme un grand soleil la terre entière.
Mais Jésus n’est pas sorti de sa souffrance et ses cris ont perduré jusqu’à ce qu’il expire...
Ensuite, il est venu :
— Ma fille, vie et lumière des âmes, lumière du monde entier, messagère de Jésus et de Marie ! Oui, messagère de Jésus et de Marie parce que nos Cœurs sont tellement unis que nous ressentons la même douleur, les mêmes anxiétés, les mêmes désirs et le même amour. Ce que tu demanderas en mon Nom, demande-le aussi en son Nom. demande, épouse aimée, prière, prière, pénitence, beaucoup de pénitence. Et à forte voix, fais en sorte qu’on le demande ! Dis que le Père éternel exige réparation, une grande réparation...  (...).
« Tu ne t’alimenteras plus sur la terre ! »
— O mon Jésus, je veux souffrir, mais savoir qu’en tout je fais votre divine volonté. Si l’on voulait m’alimenter au moyen d’injections, que dois-je faire ?
— Reste calme... Tu ne t’alimenteras plus sur la terre. Ton aliment c’est ma Chair ; ton sang est mon divin Sang... Je ne veux pas que tu utilises la médecine, à laquelle on puisse attribuer des effets alimentaires. Cet ordre est pour ton médecin : ce sera lui qui prendra ta défense.  Je veux qu’il continue de t’aider avec la plus grande vigilance. Il est grand le miracle de ta vie...
1947
« Courage, ma fille, je suis la Mère de Jésus »
? Venez, ma Mère bénie, venez couronner d'épines la tête de notre victime.
J’ai vu la Maman apportant dans ses saintes Mains une couronne d'épines. Je ne sais pas où Elle l’a prise : tout le temps qu’elle était restée auprès de Jésus, je ne l’ai pas vue dans ses mains. Elle l’a déposée sur ma tête : j’ai cru mourir.
? Courage, ma fille, je suis la Mère de Jésus, mais je suis aussi la tienne : c'est de ces épines qui ne te blessent pas encore que tu secourras les âmes.
Je veux être unie au Cœur de mon Jésus et au tien, je veux te transmettre mon amour, ma tendresse et ma douceur afin que tu puisses mieux encore attirer les âmes à Jésus.
Quelqu’un m’a demandé si j’aimais Jésus. Je ne sais pas si je l’aime, mais je sais que je veux l’aimer. Je ne sais pas lui parler, ni comment je lui parle : je sais que tout plonge dans les ténèbres et qu’au milieu de celles-ci tout disparaît et meurt. Combien grandes sont mes souffrances ; et combien grande est ma tristesse !...
Mon corps est comme le grain qui ne cesse jamais d’être moulu ; l’engrenage qui fait tourner le moulin, jamais ne s’arrête, jamais ne cesse de moudre.
Je vis tellement abandonnée, que je ne trouve sur la terre aucun confort.
Dans mes confessions — que je fais assez fréquemment afin de fortifier le plus possible mon âme par la grâce du Sacrement — je ne trouve ni soulagement ni réconfort. Que ce soit avec monsieur le Curé, ou avec mon confesseur ordinaire, je suis toujours timide, remplie de peur et je sens ne pas être comprise.
Mon Jésus, est-ce de ma faute ou est-ce vous qui le permettez ?...
Ce n’est que de vous et de la Maman chérie que j’attends : aide, réconfort et paix...
Je continue de m’apercevoir que mon corps se transforme en cendre, à cause de cette pluie ardente qui lui tombe dessus ; cela me fatigue énormément, me laisse sans vie...
Sur le Calvaire ce n’était que silence
(...)
Sur le Calvaire ce n’était que silence ; on n’entendait que les soupirs de Jésus ; seule la douleur y régnait, augmentée par la rage de beaucoup de cœurs qui, étouffés par je ne sais quoi, ne parlaient plus.
Dans mon cœur je sentais comme si le monde entier maltraitait et lapidait Jésus, rien que de le voir agoniser de cette façon là.
Je me suis étroitement unie aux douleurs de la Petite-Maman : avec elle je désirais avoir Jésus dans mes bras, afin de soigner son divin Corps très blessé. Quelle douleur et quelle compassion pour Jésus ! Quelle union d’amour et d’agonie !...
« Ma fille, la Croix est vie, est amour »
Mon Jésus est venu, et d’un seul coup transforma mon âme.
? Ma fille, la Croix est vie, est amour, est signe de rédemption. Je serai avec toi, je souffre et je suis victorieux en toi... Ta vie est amour.
Parce que les crimes du monde ne cessent, aussi, sur toi, ne cesse de tomber sur toi, qui es victime, la charge immolante du sacrifice et du martyre. Aie courage !... Répare... Vois-tu cette plaie ? Elle traverse mon Cœur de part en part... Avec quelle méchanceté elle a été creusée ! Sais-tu par qui ?
Mon Jésus, si ce que je vais vous dire ne vous déplaît pas, écoutez-moi.
? Parle, ma fille, dis-moi tout...
Demandez-moi la réparation que vous voudrez, mais sans que je sache de qui il s’agit (de quel pécheur). Ne puis-je pas réparer de cette façon ?
Jésus se remplit de joie et, aussitôt son divin Cœur se transforma en amour, avec d’intenses rayons. La blessure qui le transperçait d’un côté à l’autre disparût : ce n’était plus que de la lumière.
« Tu seras comme un paratonnerre... »
? Tu deviendras comme si tu n’avais pas d’intelligence pour comprendre la douleur, mais ce n’est pas pour autant que tu souffriras moins : tu souffriras amèrement. Tu te sentiras comme si jamais ou presque jamais tu m’avais possédée ; mais, ce n’est pas non plus pour autant que tu arrêteras de me posséder entièrement, autant qu’il est possible à une créature humaine. Je ferai en sorte que beaucoup d’âmes viennent vers moi par toi, avec toute ma richesse et les inépuisables trésors de mon divin Cœur. Tu es et seras après ta mort, pour beaucoup d’âmes en état de péché, un paratonnerre qui attirera sur lui le poids de la divine Justice ; et pour toutes les âmes en état de grâce, tu seras comme un aimant qui attire et qui répand l’amour que moi j’y ai déposé... Tu seras lumière pour l’humanité.
J’ai passé des nuits avec d'atroces souffrances. La Maman, la douce Maman du Ciel, venait près de moi, me montrait son Cœur, comme Mère du Perpétuel Secours ; d'autres fois encore Elle portait dans ses bras le petit Enfant Jésus.
Ces visions sont rapides mais elles me réconfortent : je me sens une autre pendant quelques instants.
Des fois réconfortée, d'autres fois découragée, je passe ainsi les heures et les jours.
« Elle me montrait son Cœur... »
J’ai passé des nuits avec d'atroces souffrances. La Maman, la douce Maman du Ciel, venait près de moi, me montrait son Cœur, comme Mère du Perpétuel Secours ; d'autres fois encore Elle portait dans ses bras le petit Enfant Jésus.
Ces visions sont rapides mais elles me réconfortent : je me sens une autre pendant quelques instants.
Des fois réconfortée, d'autres fois découragée, je passe ainsi les heures et les jours.
Courage, ma fille ! Au nom de mon divin Fils, je viens te raffermir : tu es dans la vérité, sois Lui fidèle. Il est très content de toi : tu Lui as tout donné. Aime Le de tout ton amour.
La visite d’un Carme...
Un Père Carme   est passé par ici. Celui-ci, depuis trois ans, vient au Portugal, en provenance de Rome, où il est professeur d’ascétique et de mystique, choses que j’ignore. Après une conversation de quatre heures et demi il repartit en me disant : “Rassurez-vous, vous pouvez être tranquille ; dans tout ce que vous m’avez dit je n’ai pas trouvé une seule parole contraire à l’Évangile ni contraire aux enseignements de sainte Thérèse ou de saint Jean de la Croix. Je connais l’ascétique et la mystique comme le pain de chaque jour. Je vais être franc avec vous : j’ai déjà été appelé à examiner des cas comme le votre et j’ai donné un avis contraire, mais pas en ce qui vous concerne : comme vous le voyez, je vous suis favorable. Vivez avec beaucoup d’humilité, vivez toujours comme vous avez vécut jusqu’ici. Vos souffrances sont comme des pierres précieuses pour la couronne qui vous attend. Dites bien au Père Umberto quelle est mon opinion”.
Il m’encouragea beaucoup. J’ai pleuré des larmes de réconfort. Au premier abord, il semblait une personne très austère. Ma vie est remplie d’humiliations et de contradictions. Toutefois, le nombre des amis ne baisse pas, au contraire, il semble augmenter. Néanmoins, je me sens de plus en plus seule : c’est bien ma chance ! Combien de fois je dis à Jésus : Enlève-moi tout, vide-moi de tout afin que je me remplisse uniquement de toi, éternellement de toi !...
Si j’étais la seule à souffrir, cela me coûterait moins ; ce qui me cause le plus de chagrin c’est de voir que ceux qui m’entourent souffrent eux aussi.
« Jésus est content de toi... »
– Courage, ma fille, courage ! Jésus est très content de toi...
Compte sur moi, compte sur Lui : nous ne t’abandonnerons pas.
Soyez heureux, soyez joyeux : le Ciel est pour bientôt. Beaucoup d'âmes t'y attendent déjà, sauvées grâces à toi. Du Ciel tu continueras ta resplendissante mission.
Courage, ma fille ; courage, épouse si chère à mon Jésus ! Ta vie est non seulement une vie d'immolation, mais aussi de salut : en effet, des âmes se sauvent à cause de ton martyre. En avant, courage ! Tu seras victorieuse parce que tu as en toi la force du Seigneur.
Mon aide ne te feras pas défaut et ma protection non plus.
Je t'aime, ma fille, parce que tu es toute à Jésus et à moi ; je t'aime parce que tu es ma fille et l'épouse de Jésus ; je t'aime parce que tu es sa victime ; je t'aime parce que souffrant avec Lui, tu viens en aide aux pécheurs ; je t'aime parce que Jésus t'aime ; je t'aime parce que tu es toute à Lui et à moi.
Ma fille, mon enfant, je suis ta Mère et la Mère de ton Jésus. Tous deux, Nous t'aimons d'un grand amour. Souffre dans la joie : continue de sauver les âmes.
Au Jardin des Oliviers...
(...)
Du Jardin des Oliviers je suis partie avec Jésus, les mains liées, au cachot. J’ai ramené de nouveau avec moi le même monde qui me traînait, m’écrasait.
Ce matin je ne pouvais pas respirer ; prise par la détresse, je ne pouvais vivre  Je sentais mes yeux collés par le sang qui coulait du grand casque   de lancinantes épines qui me ceignait la tête.
Dans cet état, j’ai parcouru les obscurs et étroits et étroits chemins vers le Calvaire...
Combien le trajet m’a été douloureux ! Combien il m’a été difficile d’arriver en haut ! Et combien il m’a été douloureux de voir des bêtes sauvages épouvantables et en grand nombre boire le Sang qui coulait de Jésus ! Il ne s’agissait probablement que de bêtes sauvages en apparence, parce que Jésus a murmuré et laissé gravé dans mon âme les paroles suivantes :
? Il aurait été mieux pour Moi, je n’aurais pas souffert autant, si mon Sang avait été bu par de vrais bêtes sauvages : celles-ci sont les pires des bêtes.
J’ai ressenti qu’en beaucoup de cœurs la haine augmentait, l’aversion contre Jésus, le désir violent de le voir disparaître à leurs regards vénéneux, n’importe de quelle manière, à n’importe quel prix. Jésus qui voyait et pénétrait au plus profond de tous, avec un accroissement de souffrance...
En tant qu’homme, Il ne pouvait plus vivre : il était mortel ; je Le sentais en moi émettre les derniers râles. Mais combien était suave et douce l’agonie de Son esprit !... J’ai expiré avec Lui. Oh ! si seulement, avec la même douceur, à Sa ressemblance, je pouvais expirer lors de ma mort : mort qui me donnera la vie éternelle !
« Ma fille, mon Alexandrina des douleurs »
Jésus est venu ; il illumina toute mon âme et me dit :
? Ma fille, mon Alexandrina des douleurs, consens que j’ajoute ce titre d’épouse : Alexandrina des douleurs. Aie courage !
Je peux comparer l’âme pure à l’eau transparente dans un verre en cristal, exposée aux rayons du soleil pour être observée. Combien de choses appuient et mettent en évidence ces rayons de soleil ! L’âme c’est toi ; le soleil c’est Moi qui découvre tout en toi : à mes divins yeux tout apparaît. Ce tout que Je vois et fais que tu vois c’est le moyen par lequel Je me sers pour purifier ton âme, afin que toi, dans ce calvaire, de ce lit de douleur, tu puisses passer au Ciel. Je fais que tu vois en toi toutes les tâches, afin que tu te purifies, ma chère colombe, et que cette pureté transparaisse en toi et que tu puisses la communiquer aux âmes.
Ce sont tes tâches qui apparaissent au soleil de Ma pureté et de Ma grandeur, mais écoute bien, ma fille, les iniquités, les crimes, ce monde d’horreur que tu ressens et découvres en toi, ne sont pas les tiens. O merveilles, choses peu connues et comprises ! L’âme-victime se voit couverte et responsable de tous les délits, mais en même temps elle possède Dieu dans toute Sa grandeur. Combien elle souffre lorsqu’elle doit supporter et affronter ce qui est immonde avec ce qu’il y a de plus pur et saint ! Confie, chère fille : tu es victime, mais ces crimes ne sont pas les tiens. Je t’ai confié le monde, mais sa malice n’est pas à toi.
Secours-le, secours-le !
? on Jésus, je ne peux pas le secourir ; je ne sais pas quoi faire, je n’ai rien à Vous donner pour le sauver. Sauvez-le Vous-même...
Je sens que ma souffrance n’a aucune valeur.
? Ma fille, tu es puissante, avec Moi tu as tout pouvoir...
Donne-moi des souffrances, mon épouse des douleurs...
? Mon Jésus, acceptez ma souffrance et celle du monde entier comme si je pouvais en disposer. Unissez-les aux souffrances et aux mérites de votre sainte Passion, à votre Amour, à l’amour du Ciel et de la Maman chérie : faites de tout cela une défense pour encercler la justice divine...
Miséricorde ! Miséricorde, mon amour !”
Une goutte du Sang très précieux de Jésus est tombée, entourée des flammes de feu, dans mon cœur qui, subitement s’est dilaté. Mais Jésus ne l’a pas laisser se dilater bien longtemps : Il est venu, tel un médecin, en guérit la blessure et me dit :
? Va, mon épouse aimée, va souffrir, va vers la croix, va vers la souffrance. Souffre, plongée au milieu de ces flammes, souffre brûlée dans cet amour ; va le défendre, va l’allumer dans l’humanité. Va, confiante : tu ne te trompes pas, Jésus ne te laisse pas tromper. Tu es à Jésus, va au nom de Jésus. Tu appartiens aux âmes. Courage, courage !
? Merci, mon Jésus. J’accepte toute la souffrance et je ne demande que votre Amour, votre grâce et votre force : toute seule je ne peux rien. J’ai peur, mon Jésus.
Quelle répugnance je ressens de devoir dicter tout ce que Jésus m’a dit !
Si le Ciel ne m’aide pas, je désiste, car je ne puis le faire. Si l’on me demandait de ne plus rien écrire, quel grand soulagement cela serait pour mon âme tourmentée, quelle consolation ! Il me semble que je ne souffrirais plus.
Mais je ne veux pas : je suis la victime de Jésus.
« Je ne suis pas moi-même... »
Je veux monter sur l’échelle de l’amour et je n’y réussis pas : je sens comme si j’étais descendue sur la dernière marche. Jésus ne peux rien s’attendre de moi : je ne sais pas l’aimer, je n’ai pas de force pour l’aimer. Je veux embrasser ma croix, la croix Qu’il me donne et je ne le peux pas : la manière dont je l’embrasse me fait tomber avec celle-ci, affaiblie, sans pouvoir me relever.
Je veux faire tout ce qui est bien et saint et, pauvre comme je suis, je ne fais rien. Je ne veux être qu’à Jésus, à la Maman chérie et aux âmes et je ne suis à aucun ni pour aucun.
Je ne suis pas moi-même, je ne vis pas, je n’existe pas. En moi vit un monde plein de malice, rempli de crimes, entièrement révolté contre le Seigneur : c’est une révolution mortelle. Je le sens crucifier Jésus.
En moi existe une autre vie qui affronte ce monde. Avec quelle souffrance, avec quelle compassion Il va à sa rencontre et le contemple ! Il est forcé de le châtier, mais Il ne le veut pas. Il s’entretient à ce propos, Il fait tout pour ne pas l’inculper, pour ne pas le punir.
Moi, qui n’existe pas, je me trouve au milieu de ces deux vies : la vie du monde que je veux régler, transformer afin qu’il devienne un autre ; la vie de Dieu vis à vis duquel je ne fais autre chose que d’implorer miséricorde, ouvrir les bras, lever les mains, m’incliner devant ce Pouvoir suprême qui reçoit tous les coups, afin d’être écrasée par toute Sa divine justice.
Mon Dieu, je ne vis pas et je suis l’humanité : je ne vis pas et je possède la vie de Dieu ; je n’existe pas et je vis pour le monde et je vis pour Jésus ; je ne suis rien et je dois supporter sur moi toute la méchanceté humaine et tout le pouvoir, tout l’amour, toute la justice de Dieu. O si je pouvais décrire ce drame douloureux que je sens maintenant et qui maintenant je vois dans mon âme !...
Les suggestions de Satan
Les doutes qui me sont suggérés par Satan sont, à certaines heures, comme des épines pointues : des rafales de pluie brûlante qui pénètre tout non être.
Sans savoir parler à Jésus, je Lui demande de lire en moi, de lire dans mon cœur. Et, cachée dans la divine plaie de son Cœur et à l'ombre du Manteau de ma chère Petite-Maman, je laisse passer la tempête : avec une telle protection je ne peux courir aucun risque.
La Vierge souffle sur les stigmates...
? Venez, ma Mère bénie, venez réconforter notre petite fille; venez vite afin qu’aussi vite vous puissiez repartir.
La Maman est vite venue. Elle m’a prise dans ses bras, m’a serré contre son très saint Cœur, m’a embrassée, m’a caressée et ensuite Elle a commencé à souffler sur mes mains, sur mon cœur, sur ma tête et ensuite sur tout le corps.
? C’est du baume pour tes plaies, pour tes blessures, ma fille.
Je viendrai de temps en temps soulager tes souffrances.
Accueille la demande de Jésus: laisse qu’il te fasse vivre blessée; souffre afin que le tien et mon Jésus ne souffre pas. Pleure afin qu’il ne pleure pas; va au secours des âmes, va les sauver !
Tu peux compter sur l’aide de ta Maman.
Emporte mes grâces, la tendresse et l’amour à ceux qui t’entourent et qui prennent soin de toi. Si seulement tu savais combien moi aussi je les aime ! »
« Soulage le divin Cœur de Jésus... »
? Courage, ma fille, souffre avec joie : soulage le divin Cœur de Jésus et le mien. Combien grande est la marée, combien grand est l'incendie des crimes qui les blessent ! Combien d'âmes perdent leur innocence ! Les plages, les cinémas : quel infernal déchaînement ! Ils sont pires que les démons : beaucoup d’âmes, avec leur vanité et leur malhonnêteté provocatrice incitent au mal tant et tant d'autres. Regarde comment ils maltraitent mon très saint Cœur !
La Petite-Maman, de Reine se transfigura en Vierge Douloureuse : le regard angoissé, le visage très attristé et le Cœur rempli de flèches.
O ma Petite-Maman, Petite-Maman chérie, versez sur moi votre douleur, vos flèches ! Je veux souffrir, moi, toutes les souffrances : celles de Jésus et les vôtres. Donnez-moi force, donnez-moi des grâces !
? Laisse-toi alors immoler, laisse que les flèches adressées au Cœur de mon Jésus blessent continuellement le tien. Souffre, afin que Lui, Il ne souffre pas ; accepte mes flèches afin que moi non plus je ne souffre pas.
La Petite-Maman chérie a été libérée de la souffrance : celle-ci retomba sur moi.
« Ma fille, tu n'est pas seule... »
? Ma fille, tu n'est pas seule : Je suis avec toi... Je t'ai créée pour les âmes ; tu n'appartiens pas au monde tout en vivant dans le monde, tu n'est pas au Ciel et pourtant tu vis du Ciel.
Depuis le premier instant de ton existence, quand Je t'ai créée, J'ai toujours vu en toi la mission que Je t'avait confiée : la mission la plus belle et la plus noble, la mission des missions, la mission des âmes. Je t'ai créée pour elles ; tu es leur victime et, tout comme Moi, victime du calvaire.
Comme preuve que tu l'est en vérité, Je t'ai attachée au pied de la montagne, et contre toi J'ai fait se briser la marée de l'iniquité. La montagne s'est élevée, la croix est disparue et avec celle-ci Je suis monté au Ciel, mais les crimes continuèrent. Je n'ai jamais cessé de donner des preuves de mon amour en répandant sur le monde mes grâces... Comme preuve de cet amour J'ai fait perpétuer l'œuvre de la Rédemption... Il a été nécessaire de continuer cette œuvre à travers mes âmes-victimes...
« Écris : Saint-Père... »
? Écris : Saint-Père, Saint-Père, mon cher représentant sur la terre, écoute la voix de Jésus ! Parle au monde, parle-lui, réunis les évêques et parle-leur afin que ceux-ci en parlent à leurs prêtres. Parce que très peux d'entre eux sont lumière du monde et sel de la terre ! Les prêtres séculiers qui accomplissent leurs devoirs sont aussi rares que les pétales que le vent a éparpillés : une ici l'autre là-bas, loin...
Saint-Père, parle au monde, que ta voix arrive d'un pôle à l'autre : que l'on prie, que l'on fasse pénitence : rebroussez chemin, vivez une vie nouvelle, une vie pure ! Ne tardez pas, mettez-vous à l'œuvre, que l'exemple vienne d’en-Haut.
Ma fille, que rien ne t'échappe de ce que Je viens de te dire. La lumière de l'Esprit-Saint viendra sur toi afin de dissiper toutes tes ténèbres, de manière que tu comprennes que tout cela est l'œuvre divine.
J'ai commencé à jouir d'une clarté resplendissante : j'ai expérimenté le bonheur de l'amour de Jésus, plongée que j'étais dans sa paix.
« J’ai envoyé la croix... »
? Tu est victime, victime à laquelle j'ai confié la plus haute mission. En voici la preuve de ce que Je te dis ; écoute bien, afin de pouvoir la faire connaître. Un peu plus d'un siècle est passé depuis que j'ai envoyé à cette paroisse privilégiée, la croix, comme pour annoncer ta crucifixion : non pas une croix de roses, parce que même celles-ci ont des épines ; non plus en or, afin que tu n'ai pas à l'embellir de tes précieuses vertus et par ton héroïsme ; mais une croix en terre, parce que ce fut la terre elle même qui la prépara. La terre était prête, mais il manquait la victime qui, dans les plans divins, était choisie : c'était toi...
1948
« Ma fille, accepte de vivre crucifiée ! »
? Ma fille, ma chère petite enfant, accepte, avec joie, de vivre crucifiée ! Unis tes douleurs à mes douleurs : avec moi, console Jésus, avec moi sauve les âmes. Le monde se trouve en grand danger. Souffre et moi, je t'aiderai.
« Elle me serait contre son Cœur »
Tôt, ce matin, si je ne me trompe pas, la Petite-Maman du Ciel est venue, en Immaculée Conception : Elle venait, couronnée, descendant sur un nuage. Elle était triste.
Le vent soufflait, la tempête essayait de m'arracher du refuge de ma Maman, mais je ne lâchait pas son Manteau. Alors j’ai senti Qu’elle me serait contre son Cœur, me tranquillisait : sa douce tendresse rassérénait ma douleur.
J’ai passé quelques instants me reposant tout contre Elle qui se trouvait à coté de moi, assise, je pense, mais je n'en suis pas certaine. Ils ont été bien rapides les instants de ce tendre et doux repos ; mais malgré cette rapidité, mon âme a été rassasiée, soulagée de sa souffrance, mieux encore, réconfortée. C'est ainsi qu'en dominant ma douleur, sans désespérer, j'ai obtenu quelques victoires...
« Ma Mère, Elle vient en mon Nom »
? Dans ton épuisement Je ne viens pas te réconforter, mais, Ma Mère, Elle vient en mon Nom : combien grande est sa sollicitude, son amour, sa tendresse de Mère envers toi !
Mon Jésus, je ne me suis donc pas trompée sur tout ce que j’ai dicté jusqu'ici ; je ne suis point victime d'une l'illusion ? C'est donc bien la Petite-Maman qui est venue ce matin ?
? Non, tu ne t'es point trompée, ma tendre enfant. C'est bien Elle qui est venue te réconforter, te faire bénéficier de sa tendresse maternelle afin qu'il te soit possible d'aller jusqu'au Calvaire comme moi.
J'ai souffert, souffert et gémit sans pouvoir cacher ma douleur.
J'invoquais les noms de Jésus et de Marie : je me réfugiais dans son Cœur à Lui et m'agrippais à son  Manteau à Elle».
« Que la volonté du Seigneur soit faite»
J’ai confié à Jésus et à la Maman ma vie incompréhensible : qu’ils daignent l'accepter et que dans leur divine sagesse, Ils la comprennent tout à fait.
A moi il m'appartient uniquement de souffrir et de les suivre, même si je n'y vois rien. Qu'en toute chose soit faite la volonté du Seigneur.
« Tu es à moi et à Jésus... »
La Petite-Maman est venue (invitée par Jésus), m'a enveloppée dans son manteau, et en me serrant entre ses bras très saints, son Visage bien contre le mien, de ses saintes lèvres Elle m’a dit :
? Ma fille, ma petite enfant, aie courage ! Tu es à moi et à Jésus. Souffre pour Lui, ne Lui refuse rien ; souffre pour les pécheurs, sauve des âmes : elles sont filles du sang de Jésus, elles sont les enfants de ma douleur.
Jésus s'est approché, m’a caressée avec la Maman du Ciel et ensuite Il m’a dit :
? Tu peux compter sur notre protection et sur notre soutien pendant ton chemin de croix : combien grande est la douleur, mais combien grand aussi est l'amour ! Laisse-toi blesser profondément par l’aiguillon des épines. Mes promesses se réaliseront, ma cause triomphera.
« J'ai eu la vision de la Maman »
Cette nuit et la précédente, j'ai eu à deux reprises, la vision de la Maman. Je ne lui parlai pas : je n’ai fais qu'admirer combien Elle était belle ; j'en étais fascinée. Elle était habillée de bleu et blanc. Je la voyais comme une mère empressée qui surveille le sommeil de son enfant. Elle me fixait avec tristesse, mais son regard était rempli de douceur.
Elle a disparu en laissant mon âme fortifiée.
« O combien Elle était belle !... »
La Petite-Maman ne m’a pas laissée toute seule au milieu de mon martyre : elle atténua ma douleur rien qu’avec sa présence. O combien Elle était belle !... Elle m'a adressé un si tendre sourire. Certains de ces instants donnent à l'âme la force et le courage pour supporter une plus grande douleur.
« Porte en toi mon amour... »
Jésus s'approcha et comme dans un étau, je me suis trouvée en Leur milieu, couverte de leurs caresses.
La Maman m’a dit :
? Va, ma fille, donne à Jésus tout ce qu’il te demande, donne-le avec joie. Porte en toi mon amour, propage-le.
1949
« Mon enfant,... fais que Je sois aimé... »
? Mon enfant,... fais que Je sois aimé, consolé et réparé dans mon Eucharistie. Dis, en mon Nom, qu'à tous ceux qui, remplis d'une sincère humilité et d'un fervent amour, feront, pendant les cinq premiers jeudis de cinq mois consécutifs, une bonne communion, et passeront une heure d'adoration devant mon Tabernacles, intimement unis à Moi, Je leur promets le Ciel.
Dis aussi à tous qu'à travers l'Eucharistie ils honorent mes saintes Plaies... Qu'au souvenir des mes Plaies, ils unissent celui des Douleurs de ma Très Sainte Mère. A tous ceux qui demanderont des grâces spirituelles ou corporelles, Je promets de les exaucer, à moins que celles-ci portent préjudice au salut de leurs âmes. Au moment de leur mort ma Très Sainte Mère viendra avec Moi, afin de les défendre...
« Courage, ma fille... »
Courage, ma fille, courage, épouse si chère ! Offre-moi ta douleur, offre-moi ton martyre, ta croix sans pareille. Tu n'est pas seule sur celle-ci, comme je te le fais sentir : je suis avec toi et veille sur toi, ainsi que ma Mère bien-aimée. Te souviens-tu comment Elle t'est apparue dans la nuit du 16 au 17 en Immaculée Conception, titre que toi tu aimes tout particulièrement ? Elle est venue te réconforter, sans que tu le voies, Elle est venue veiller sur toi, comme une mère empressée veille auprès de son enfant endormi. Elle est venue te câliner et te couvrir de son manteau. Et toi, tu n'en a pas parlé dans le Journal que tu as dicté : je ne veux pas que tu agisses ainsi.
Avec une grande tristesse je Lui ai dis :
? Pardonnez-moi, mon Jésus : j’ai douté de moi-même, je craignais qu'il ne s'agisse que d'un rêve. O combien j'en suis attristée ! Si Vous me réprimandiez pour mes péchés, je ne serais pas davantage attristée.
? Je ne te réprimande pas pour tes manquements : ceux-ci sont permis par moi ; mais je te réprimande parce que je veux que tu dises tout ce qui se passe en toi : c'est pour le bien des âmes.
Ne pas perdre mon union avec Jésus...
Tous les jours je me proposais de vous donner de mes nouvelles, mais ma croix est si lourde que je ne peux disposer de moi pour rien. Notre-Seigneur fait toujours le contraire de mes désirs. Pour le consoler, je me soumets aux siens, en tout ce qu‘il veut. J’aimerais rester toujours toute seule, dans la solitude et le silence, mais, hélas, le plus clair de mon temps je suis accompagnée. Les personnes qui me visitent sont nombreuses et mes souffrances bien grandes. Voilà pourquoi j’ai tardé à vous écrire. À certaines heures, les visiteurs ne me laissent pas ; à d’autres, ce sont les souffrances qui prennent possession de moi. Tout cela me cause une grande frayeur ! Si ce n’était le désir de ne pas refuser la croix, je me cacherais dans un petit trou, pour y vivre seule avec Jésus. Je sais qu’il veut ces souffrances et, confiante en ses divines promesses sur le salut des âmes, le sourire aux lèvres et le cœur en sang, je reçois et je conseille, malgré ma grande ignorance, tous ceux qui s’approchent de moi. Je ne suis pas là pour satisfaire mes désirs, mais ceux de mon Bien-Aimé Jésus. Je me préoccupe de ne pas perdre mon union, ni avec Lui, ni avec le très Saint-Sacrement ni avec mes trois amours, le Père, le Fils et le Saint-Esprit, que je veux aimer à la folie.
Si le martyre de mon corps est indicible, celui de mon âme est encore bien plus grand... J’ai tant à dire, mais jour après jour, mon ignorance augmente, de sorte que je ne sais et ne peux rien exprimer. Si mon âme et mon cœur pouvaient écrire, ils écriraient un monde de volumes.
« Le monde est rempli d'ordures... »
? Le monde est rempli d'ordures : combien en souffrent nos Cœurs ! — de Jésus et Marie.
O Maman, ma chère Petite-Maman, comment pouvez Vous, Vous qui souffrez tant, me parler avec autant de bonté, autant d'affection et me sourire si tendrement, même si de votre sourire transparaît votre grande tristesse ?
? Sais-tu pourquoi, ma fille ? C'est pour que toi aussi, tu deviennes, dans ta souffrance, semblable à moi : afin de te donner courage, afin que toi, tu souries toujours à la douleur et que tu regardes celle-ci comme un don, une preuve de l'amour de Jésus envers toi : une croix de salut.
Comme moi j'ai écrasé la tête du serpent, toi aussi tu dois écraser le péché par la force de ta douleur.
La Petite-Maman, pendant qu’elle me parlait ainsi, écrasait de ses pieds une grosse tête de serpent».
« Prie et souffre pour réparer »
La Maman m'a enveloppée dans son manteau très saint, m’a prise sur son sein, et en posant ma tête contre son Cœur, Elle m'a enlacée et m'a embrassée et, tout en me caressant, Elle m’a fait écouter les battements de son Cœur contre le mien.
? Je veux, ma fille, partager avec toi ma tendresse, ma douceur ainsi que les douleurs de mon Cœur très saint : ce sont les douleurs du tien et de mon Jésus...
Prie et souffre pour réparer la justice divine pour tant de malhonnêteté, tant de perversion, tant de vanité, tant de crimes ! Les plages, les plages , mon enfant, les casinos : que de marées, que d'incendies d'iniquité !
Va, annonce au monde combien en souffrent Jésus et Marie.
« Je veux t'associer à moi... »
La Maman m’a prise dans ses bras comme une petite enfant, m’a caressée et m'a embrassée très tendrement.
J’ai pu voir que son Cœur très saint était tout criblé de flèches. Et, pleine de compassion, pendant qu'elle m'embrassait, je les Lui enlevaient, avec beaucoup, beaucoup de précaution et les plantaient ensuite dans mon propre cœur.
O non, ma Maman chérie, l'enfant qui aime sa mère, s'il le peut, ne la laisse pas souffrir. Je veux, moi, endurer vos douleurs et celles de Jésus.
? Je veux, mon enfant, t'associer à moi et je veux que tu répares, par ta souffrance, pour le Cœur de mon Jésus : Il est si offensé !  Souffrons ensemble, unies dans la même douleur, comme un seul cœur.
Si seulement tu savais combien l'acte héroïque de ta bonté qui consista à m'enlever les flèches si aiguës qui me blessaient terriblement, réjouit mon Cœur et celui de Jésus ! Comme récompense je t'offre mon amour, je te donne tout ce que j'ai : distribue-le comme tu voudras ; donne-le comme prix à ceux que tu aimes et qui te défendent. Moi aussi je les aime et je leurs promets ma protection, ainsi que celle de Jésus...
« Le danger est imminent... »
La Maman chérie est arrivée : Elle a uni ses bras aux miens et Elle est restée ainsi quelque temps. O combien je me sentais heureuse ! Ma souffrance a disparu. La Maman m’a remplie de je ne sais quoi : cela fut pour moi comme un fort aliment.
? Ma fille, mon enfant, Jésus souffre et moi je souffre avec Lui : aie compassion de nous ; aime-nous, donne de la joie à nos Cœurs.
Le danger est imminent : la justice de Dieu va bientôt tomber sur la terre. Je suis désormais fatiguée de demander au Père Éternel miséricorde pour mes enfants si coupables.
Offre-nous ton cœur, répare pour nos Cœurs ! Le Ciel t'appartient et, grâce à toi, il appartient aussi à des millions d'autres âmes.
O Maman chérie, faites que je sois fidèle à vos grâces, donnez-moi votre amour, votre pureté et du courage pour accomplir en toute chose la volonté du Seigneur ! J'ai peur de moi-même, peur de moi-même, mais j'ai confiance en Vous.
De nouveau j’ai reçu les caresses de la Maman du Ciel.
Jésus s'est approché. Je me suis trouvée entre Eux, traversée de rayons, comme des flèches venues de leurs Cœurs très saints : elles me traversaient le cœur, traversaient tout mon être. Jésus m’a dit :
? Ma fille, l'amour de ton Jésus et de ta Petite-Maman traverse ton cœur comme des rayons lumineux.
1950
« Console Jésus, console Marie... »
La Petite-Maman est venue : c'était Notre-Dame des Douleurs...
? Ma fille, ma très chère enfant, Jésus et Marie ne peuvent pas cesser de souffrir : le Père et la mère qui aiment souffrent de voir dans leur foyer la désunion entre leurs enfants. Je souffre avec Jésus en voyant le monde, en voyant nos enfants plongés dans la haine, le vice, la discorde, la perdition.
Souffre, ma fille, souffre mon enfant, console Jésus, console Marie, viens-nous en aide : sauve le monde !
Et une fois encore j’ai reçu les caresses de la Maman et de Jésus.
« O amoureuse de l'Eucharistie !... »
Ma vie, ô mon Jésus, quelle tourmente, ma vie ! Acceptez-la, offrez-la au Père Éternel...
Jésus est venu :
? Viens, mon enfant, entre et prends place dans mon Cœur et repose-toi, réconforte-toi... Ton cœur a besoin d'une nouvelle vigueur...
Je savais que j'étais en Lui, mais je n'avais pas la plus petite étincelle, la moindre lumière : mon cœur souffrait terriblement la douleur.
Regardez comme je souffre, Jésus : c'est par amour pour Toi. Je vois bien que je n'ai rien à Te donner parce que la douleur ne m'appartient pas...
A cet instant il me semblait être accrochée au Cœur de mon Seigneur et je sentais comme qu'un feu dévorant qui m'enflammait tout entière : mon esprit s'illumina... Je me suis trouvée plongée dans l'Amour de Jésus. C'est alors que je Lui dit :
Maintenant je sais que Tu m'aimes et que je T'aime ; je sais que je souffre et que j'ai des souffrances à T'offrir...
? Ma fille, Je veux que dans ta souffrance tu restes dans la plus complète obscurité, une obscurité mortelle. Je veux que tu sois plongée dans un océan de souffrance et que tu navigues sans même connaître de port de salut. Seulement de cette manière tu ramèneras des âmes, des millions d'âmes, vers Moi. Cette souffrance qui fait que toi tu te sens sans vie, secoue les âmes endormies dans le péché et tout près de se perdre éternellement.
J'ai vu l'enfer ouvert, d'où sortaient d'épouvantables flammes. J'ai entendu des rougissements et des cris impossibles à décrire. Je me suis exclamée :
Mon Jésus, faites que plus une seule âme n'y tombe. Je souffrirai volontiers ce que vous voudrez et pendant tout le temps que vous voudrez. Et si vous acceptez mon offrande, je souffrirai dans la joie jusqu'à la fin du monde, tant que sur la terre il y aura des âmes à sauver.
Cette terrible vision s’arrêta et j'ai continué de rester auprès de Jésus.
? O héroïne, ô âme victorieuse, ô amoureuse de l'Eucharistie et des âmes ! Courage, en avant pour la conquête !...
Reçois une goutte de mon sang : il te donnera une nouvelle vie. Cette vie que tu vis, vie remplie de tant de merveilles, ne peut être comprise que par très peu d'âmes : les âmes qui vivent une vie profondément intérieure, âmes vraiment mystiques. O combien elles sont rares, celles-ci !... Combien souffre mon Cœur de cette carence !...
« Tu dois Me ressembler... »
Je suis arrivée sur le Calvaire, épuisée, sans vie. Je sentais dans mon cœur un poids immense. J'ai été crucifiée... Sur le Calvaire il faisait presque nuit, mais dans les âmes il y avait nuit obscure .
Près de la croix, presque agonisante — les mains jointes — la Petite-Maman pleurait.
On m'avait donné du fiel et du vinaigre, mais ma soif persistait : c'était une soif du cœur, une soif d'âmes, c'était une soif de donner la vie. Quand Jésus leva les yeux au Ciel, remettant au Père son Esprit, Il bougeait péniblement ses lèvres. Il expira et moi, j'expirai avec Lui.
Quelques instants plus tard Il me redonna vie et me dit :
? Mon enfant, la commémoration de ma Passion est de tristesse et de deuil : la joie étant pour bientôt. Toutes les dates importantes de ta vie ne peuvent cesser d'être douloureuses et remplies de tristesses et d’angoisses ; tu ne peut pas négliger de sentir de près la mort, afin que cette mort soit un alléluia, que ta crucifixion soit une résurrection continuelle. Tu dois Me ressembler ; Je veux que tu Me ressembles en tout.
Malheureux sont ceux qui ne tirent pas profit de mon sang ; malheureux est le monde que ne cueille pas le fruit de la vie de la victime de ce calvaire continu qui se renouvelle en toi. Courage, ma fille : c'est un Calvaire de salut, c'est une croix qui donne la victoire... Aie confiance, ne doute pas...
Ton âme ne jouira pas de l'alléluia de Ma résurrection , afin que les âmes ne souffrent pas la mort éternelle. Dis à tout le monde Ma peine et Ma tristesse, parle de mes demandes réitérées de prière, de pénitence, de changement de vie. Dis-le toi même et fais en sorte que le disent aussi ceux qui prennent soin de ta vie...
« Tout pour vous, ô Jésus !... »
Comme Jésus me l'avait dit, je n'ai pas eue la joie de la Résurrection. J'en ai souffert atrocement...
Malgré cela, la paix, la résignation et l'amour m'habitaient.
Fréquemment je répétais : Tout pour vous, ô Jésus, tout pour les âmes : je suis votre victime !...
« Je me sens abandonnée... »
Je me sens abandonnée malgré que je me sois confiée à Notre-Dame ; je me sens morte, sans lumière et sans guide.
Je me suis confiée, je me suis déposée entre les bras de la Petite-Maman. Et ainsi je vais, cheminant par les routes épineuses et difficiles que la Providence m'a tracées.
Ainsi confiée, dans un complet abandon, mon douloureux cheminement devient plus suave.
Quand je souffre de la mort que je sens en moi, je dis : la Maman est ma vie. Quand je n'ai ni lumière ni force, je répète : la Maman est lumière, la Maman est force. Quand je sens que toute ma vie est une tromperie et que je me mens à moi-même, je murmure : qu'importe, la Petite-Maman ne se trompe pas, Elle est vérité.
Et pour toute chose je répète toujours pour moi-même : je ne veux que ce que la Maman veut ; j'irai là où Elle ira...
1951
L’Immaculée est passée près de moi…
A une certaine heure de la nuit l'Immaculée Conception est passée tout près de moi, comme quand on croise quelqu'un sur la route. Elle ne s'est pas arrêtée et ne m’a pas parlé. Mais, combien Elle était belle ! Il me suffit d’admirer sa beauté pour être réconfortée.
Lors des moments les plus douloureux, le souvenir de cette beauté est pour moi un baume et un salutaire fortifiant.
« Je me sentais très humiliée... »
Ce matin la Messe fut célébrée dans ma chambre. Comme je l'ai déjà dit — par ailleurs — je n'ai pas réussi à y participer. En effet, je me trouvais sur deux mondes : sur l'un de ceux-ci je suivais la Messe, même si incapable de le faire ; sur l'autre je marchais vers le Calvaire.
Pendant la Messe, je me suis souvenue de tout et de tous et j'ai demandé à la Maman du Ciel ses propres sentiments pour nous assister et l’amour avec lequel Elle a accompagné Jésus. Je me sentais très humiliée et la plus indigne des personnes présentes, mais mon cœur brûlait dans de telles ardeurs que je pensait que celles-ci montaient jusqu'à mon visage.
Dans le monde qui me conduisait vers le Calvaire, je portais la “Petite-Maman”  : mon cœur était la chaise porteuse de la Maman des Douleurs.
J'avais la sensation que le Cœur de Jésus et celui de la Maman n'en faisaient qu'un seul Cœur, qu'un seul Amour, qu'une seule Douleur. Divine union ! Vous expliquer la nature grandiose de cet amour, de cette union, de cette douleur m'est impossible, je ne sais pas.
« O ma Petite-Maman, ne pleurez pas »
J'ai observé que beaucoup, beaucoup de larmes glissaient de ses yeux tout le long de ses très saintes joues : l'une n'attendait pas l'autre. O mon Dieu, quelle douleur j’ai ressentie. Je ne pouvais pas La voir pleurer : je voulais les essuyer moi-même, mais j'avais les mains attachées, je ne le pouvais donc pas.
O ma Petite-Maman, ne pleurez pas, ne pleurez pas ! Faites que moi, je pleure à votre place ; essuyez-les avec l'amour de mon cœur, prenez-le comme si c'était celui de Jésus et le votre.
Combien grande était mon anxiété de voir cesser ses larmes ! J'avais l'impression que tout l'amour de mon cœur s'en allait envelopper le Visage de la Maman. Les larmes cessèrent. Elles ont commencé alors à tomber abondamment dans mon cœur et dans mon âme. Bien des heures sont maintenant passées et les larmes continuent de tomber : comme si mon âme et mon cœur pleuraient.
? Mon enfant, épouse de mon Jésus, mes larmes sont causées par la vision du monde : sur lui, rien d'autre n'existe qu'iniquité et crime ! Gare à lui, s'il ne se convertit pas ! Reste donc avec mes larmes, avec ma douleur ; ce sont les miennes et celles de Jésus. Ma douleur est aussi la sienne, tout comme sa douleur est aussi la mienne. Aie courage, ne néglige rien !
Elle a alors renouvelé ses caresses. Jésus s'est approché et Lui aussi m’a caressée tendrement. Leur divins Cœurs me serraient comme une presse. Ils m'ont enflammée d'amour».
« Sois toujours héroïque !... »
? Je serai, ma fille, près de ton calvaire comme j’ai fais jadis près du Calvaire de mon Jésus, près de la croix.
Sois toujours héroïque et généreuse ! Ne refuse rien à Jésus : les âmes l'exigent ainsi.
Tu vis la vie de Jésus : Moi en toi, je Le vois, Lui.
Il est déjà bien tard, dans la nuit. Les souffrances de mon cœur et de mon âme sont très grandes : mon cœur et mon âme se sentent perdus. Mais la flamme que j’ai reçu de Jésus et de la Maman brûlait encore en moi.
« Le Portugal, ah ! le Portugal !... »
La Maman me prit dans ses bras et me serra contre Elle, puis me dit :
? Écoute, mon enfant, les battements précipités de mon Cœur très saint : il bat d'amour pour toi, il bat très affligé de voir la misère et l'agonie du monde. Le Portugal, ah ! le Portugal qui ne répondit pas correctement au message de Fatima. Le Portugal, ah ! le Portugal ! J’ai voulu le mettre sous la protection de mon manteau très saint, mais il ne l'accepta pas, ne répondit pas à mes désirs : en lui règne la fausseté, il est secrètement miné et corrompu. Prie pour lui, ma fille, souffre pour lui, souffre pour moi ; console ton Jésus, console ta Maman chérie, la Vierge du Carmel, la Reine du Ciel qui te tient entre ses bras.
1952

1953
« Je ne saurais vivre sans souffrir... »
Je languis dans mon calvaire. Quelquefois j’agonise et il me semble que mon heure soit arrivée. Combien de secrets garde à jamais la douleur ! Dans ces langueurs,... je répète, le regard fixé dans Ciel :
Mon Dieu, que Votre sainte volonté soit faite ! Je suis votre victime. Je me confie et m’abandonne à la divine Providence.
Pendant ces instants douloureux, j’agonise dans les bras de Jésus et de la Maman du Ciel sans ressentir un instant Leur soutient et Leur protection.
Cependant, l’espérance et la fidélité, sont le baume pour ma souffrance. Je ne sens pas avoir de la fidélité, mais je confie ; il ne peu pas en être autrement : ou souffrir ou mourir, mon Jésus ! Les désirs de souffrir sont si intenses qu’ils me portent à susurrer dans la plus profonde intimité avec Dieu :
Pauvre de moi, ô Jésus, si vous me retiriez la souffrance !
Je ne saurais vivre sans souffrir : la vie sans souffrance me paraîtrait insupportable...
Rien est aussi doux que la croix, quand nous l’acceptons et la portons par amour...
(...)
? Souffre, mon épouse bien-aimée, comme une mère dans les douleurs de l’enfantement. Tu es mère des pécheurs ; soufre pour eux. Donne-leur la vie. Donne-leur le salut. Ta douleur est infinie, parce qu’infini est ton amour. Ta vie est la vie de Jésus. Ton triomphe et ta victoire ce sont ceux de Jésus. Souffre avec joie. Appelle les pécheurs à mon Cœur...
« Je veux des âmes eucharistiques... »
(...)
J’ai entendu la Voix divine de Jésus :
? À l’ombre de la Croix, à l’ombre de ce calvaire les âmes trouvent refuge, trouvent un lieu de salut... Vis de Moi et pour Moi. Je veux que les âmes vivent de toi, afin qu’à travers toi elles viennent à Moi. Ce que les âmes reçoivent, le reçoivent de Moi : tu es le canal des grâces et de la vie de Jésus. Tu es le porte-voix des désirs de Jésus. Je veux que les âmes deviennent avides de l’Eucharistie. C’est par toi, par ce calvaire qu’elles viendront. Je veux des âmes, beaucoup d’âmes eucharistiques. Je veux que beaucoup d’âmes s’approchent des Tabernacles, qu’elles s’envolent vers Moi comme des bandes d’hirondelles autour de leur nid.
Vis, fleur Eucharistique, vis ma Vie, toi qui vis de mon Corps et de mon Sang,  toi qui continues mon œuvre rédemptrice, mon œuvre de salut. Mon Cœur souffre à cause de l’indifférence de tant de cœurs, à cause de l’insensibilité des hommes.
(...)
Je veux réparer, ô Jésus, pour tous les cœurs, pour toutes les âmes. Je veux qu’ils soient en Vous, qu’il aillent dans Vos Tabernacles ; je veux qu’ils Vous reçoivent ; je veux voir le monde brûler ce même feu dont Vous brûlez pour lui et dont Vous faites brûler mon cœur. Qu’ils ne croient pas en moi afin de croire en Vous, qu’ils me méprisent et s’approchent de Vous, qu’ils me détestent mais qu’ils s’approchent de Vous pour Vous aimer.
? Ma chère enfant, le feu dont je brûle et dont je te fais brûler est celui de l’Eucharistie. Ton désintéressement vis à vis de toi-même réjouit mon divin Cœur. Courage ! Les hommes ne font pas comme Je veux, mais ta vie arrivera aux confins de la terre et sera un aimant pour les âmes
Le Seigneur triomphe et triomphe sur ce calvaire .
« Son divin amour me pénétra »
Je passe mes jours morte, à l’ombre de la mort. Je suis morte et un ombre mondial me couvre. Je ne sais pas comment supporter, comment pouvoir résister à tant de souffrance.
Ce n’est que mon Jésus, le Seigneur omnipotent qui peut triompher, dans ce douloureux martyre.
Le cœur et l’âme pleurent des larmes de sang. L’inutilité vient les boire, les déguster a peine sont elles sorties des plaies ; ne les laisse même pas apparaître : je sens comme si pas même Jésus les voyait.
Je n’ai rien, absolument rien pour l’éternité. Je n’ai rien, rien qui me permette de racheter les âmes. Je n’ai rien, absolument rien avec quoi je puisse consoler Jésus et Lui prouver mon amour.
Toutefois, les ardeurs de me donner, de me liquéfier, de disparaître en Lui, sont indicibles : ardeurs infinies de me liquéfier dans le creuset de la souffrance, uniquement pour Jésus, uniquement pour les âmes...
Mon Jardin des Oliviers fut de mort et d’horreur, à cause de la souffrance. Il faisait nuit : j’étais immergée dans celle-ci et plus solide que le roc le plus dur. La nuit était déjà avancée, sur mon cœur, comme s’il était un terrain, se trouvait le calvaire avec la croix hissée. J’étais le monde, le calvaire, la croix et l’échelle par laquelle les âmes montaient vers Jésus.
Malgré que je sois morte, j’étais la vie, j’étais le Ciel.
Pour mon corps la nuit fut tourmentée ; mon âme, de temps à autre agonisait de douleur à l’approche du vendredi.
Ce matin, sans avoir dormi, il m’a semblé me réveiller d’un profond sommeil. Je me suis réveillée en sursaut : “la mort, la mort ! Je vais mourir !”.
Je mourais alors même que j’étais en vie.
J’ai pris le chemin du Calvaire : mon cœur y est allé, à la rencontre de la mort, afin de se donner entièrement et être vie. Moi, dans mon inutilité, j’ai suivi des chemins différents, des chemins erronés. J’ai beaucoup cheminé, j’ai parcouru toute la terre coupable.
Je ne sais pas comment, portée par une force et par un amour qui me faisait avancer, je suis arrivée au sommet du Calvaire ; je suis allée vers la Croix de Jésus ; je me suis accrochée à ses pieds ; je les ai baignés de mes larmes, j’ai pleuré mes fautes. Jésus me lavait dans son Sang. Plus Il me lavais, plus j’allais vers Lui : son divin Amour me pénétrait à un tel degré que je suis devenue Christ : la même souffrance, les mêmes plaies, la même agonie, la même mort. Ce n’était plus moi à me remettre au Père, c’était Lui en moi à me remettre...
(...)
Le Ciel et la terre se sont réconciliés...
Quelques instants après [la mort mystique en Croix], Jésus est venu... :
? Le Cœur divin de Jésus déborde d'amour. Il envoi sur la terre, à tous les cœurs et à toutes les âmes les mêmes rayons enflammés au même incendie d'amour. Il es Père, Il est un bon Père. Il veut s'offrir et faire en sorte que tous ses enfants brûlent dans les mêmes flammes, dans le même brasier de l'amour...
Je viens demander de l'amour. Je viens vous demander d'être assidus à l'Eucharistie. Je viens vous demander de réciter le Rosaire et d'avoir pour ma Très Sainte Mère une vrai et sainte dévotion...
Et toi, ma fille, parle aux âmes, achemine-les vers Moi. Parle-leur de ma miséricorde et de mon amour, mais n'oublie pas de leur parler aussi de ma Justice et de la Justice de mon Père.
Va en paix et donne-la ma Paix !...
« Marie Mère du monde... »
(...)
Sur le Calvaire d’aujourd’hui je suis restée morte dans les bras de je ne sais qui. L’inutilité et l’indifférence ont triomphé sur le sommet du Calvaire ; la Croix était levée et sur celle-ci Jésus était crucifié. Et moi, au pied de la Croix, j’étais dans les bras de la Maman chérie. J’étais morte, mais je sentais Sa douleur. J’étais Jésus et Elle était ma Mère ; j’étais le monde et elle était la Mère du monde. Dans mon cœur il n’y avait que souffrance et sang...
« Ô comme vous êtes belle !... »
? Ma Mère bénie, venez, venez vite : notre enfant a besoin de notre réconfort.
Petite-Maman, Notre-Dame de Lourdes, combien tu  es belle, ô comme vous êtes belle, ma douce Petite-Maman ! Rends-moi pure, pure ; rends-moi semblable à Toi, ma chère Petite-Maman ! Maman chérie, comme je me sens bien sur ton sein !...
Combien votre tendresse et votre réconfort ont rempli mon cœur : celui-ci ne tient plus dans ma poitrine.
Je ne suis pas digne de Vous embrasser, mais Vous, Vous en êtes digne, ô ma douce Petite-Maman ; que je corresponde à votre amour, à votre atteinte...
? Ma fille, ma fille bien-aimée, forte des dons célestes, va maintenant vers ta croix, va réparer pour le divin Cœur de Jésus et pour le mien, va faire que nous soyons aimés.
« O “Mãezinha”, veillez sur moi... »
— Viens ici, ma petite fille, viens dans les bras de ta Maman céleste. Reprend courage : tu n'as rien à craindre sous notre protection... Ne crains pas, ne crains rien : tout le Paradis est avec toi, tout le Ciel est avec vous (ceux qui défendent la cause d'Alexandrina). Quelle gloire, quelle gloire, quelle réparation ! Gloire pour Dieu, réparation pour les âmes. Ne refuse rien, ne dit pas non à Jésus, ma chère petite enfant.
O ma Petite-Maman, ô “Mãezinha”, veillez sur moi, veillez sur nous !
— Reçois, ma fille, reçois de nouvelles affections de Jésus et Marie.
Va, va de l'avant avec courage : marche joyeuse de la joie des saints. Sois en paix...
« Quand pourrai-je voir au Ciel ?... »
(...)
Quand pourrai-je voir au Ciel mon Seigneur et rester avec Lui ? Je sens ne plus pouvoir supporter cette douloureuse et terrible éternité... J’ai besoin de partir, de m’envoler vers Dieu. Je crains de trébucher ; j’ai peur de perdre pour toujours mon Seigneur... Mon Dieu, mon Dieu, pauvre de moi si je Vous perd, pauvre de moi si je Vous offense...
Je n’ai pas arrêté d’offrir au Seigneur le sacrifice de la séparation,  pour quelques jours, d’avec ma sœur. Je l’ai offert pour diverses intentions et je l’ai fait uniquement par amour et dans cette éternité...
« C’est toi qui console nos Cœurs... »
(...)
[Après le Communion], Jésus m’a dit :
? ... Supporte tout... Supporte cette terrible éternité, qui n’est que temporaire, afin que des milliers, des millions d’âmes ne doivent le supporter éternellement...
Venez, Ma Mère bénie, venez ô Mère des douleurs conforter la victime des douleurs...
? Accepte, mon enfant, mes tendresses de Mère. Aie courage : je viendrai bientôt te chercher pour te ramener au Ciel. Donne tout à Jésus. Plus longtemps tu Le sens, plus Il est présent en toi. Nos Cœurs sont tristes à cause de l’incendie des vices dans le monde. C’est toi qui console nos Cœurs. Reçois de Ceux-ci tout l’amour...
« Rebroussez chemin... »
Avant que tous ne partent, je veux vous dire à peine quelques paroles :
Que ces regards curieux, fixant tous un seul regard ; que toutes ces personnes qui m’écoutent, tirent de mon martyre quelque profit pour leurs âmes. C’est la raison qui me mène à m’immoler ; c’est la raison qui me mène à me sacrifier ; c’est la raison qui me mène à accepter de Jésus tout ce qu’il veut me donner — toute la souffrance que Notre-Seigneur veut m’envoyer — j’ai toujours tout accepté.
Je suis sûre, absolument certaine, moi qui sur cette terre n’ai jamais rien refusé à Notre-Seigneur, qu’il ne me refusera rien non plus au Ciel. Mais il faut absolument que vous en profitiez ; qu’il ne s’agisse pas uniquement de curiosité, votre venue ici, qu’il s’agisse, plutôt, du besoin de savoir ce que Notre-Seigneur attend de chacun de nous.
Il nous invite tous à rebrousser chemin, à faire pénitence pour nos péchés, à être meilleurs.
Vous voulez éloigner la justice de Notre-Seigneur ?
Oh ! alors dépêchez-vous, au plus tôt, rebroussez chemin, faites pénitence pour vos péchés et changez de vie. Moi, malheureusement, je ne suis pas sainte, mais j’ai pour obligation de l’être. Vous aussi, vous avez cette obligation, car Notre-Seigneur nous invite tous à la sainteté. Peu m’importe que l’on me traite de sorcière — et c’est vrai que quelqu’un m’appelle ainsi — peu m’importe que l’on me considère comme une hypocrite. Cela non plus, peu m’importe. Que n’a-t-il pas souffert, Notre-Seigneur ? Que n’a-t-on pas dit de Lui ? Et il s’est tût à tout cela, chrétiens, il s’est tût ! Moi, malheureusement, je ne me tais pas comme Notre-Seigneur se taisait ; je m’insurge toujours, mon ego se rebelle, de temps à autre, montrant ainsi ce que je suis en réalité. Mais, j’aimerais être une ensorceleuse, ensorceleuse pour Jésus. C’est cela que j’aimerais être.
Pour quoi faire ?
Mais pour vous ensorceler tous, pour vous donner tous à Jésus, car c’est à Jésus que je veux procurer toute joie ; c’est pour Jésus que j’aime toutes vos âmes. Beaucoup de ceux qui sont là, je ne les connaissais pas, mais déjà je les aimais, déjà je souffrais et priais pour eux.
Pourquoi cela, chrétiens ?
Je n’aimais pas vos corps, non, j’aimais vos âmes. Car je ne veux pas qu’une seule goutte du Sang de Notre-Seigneur ait été versée en vain. Non, Notre-Seigneur a donné sa vie sur le Calvaire par amour pour nous, mais il nous faut maintenant nous repentir. [Pilate] demandait si on voulait crucifier le Christ et libérer Barrabas, et nous tous, d’une seule voix, nous avons crié, en même temps : “Crucifie-le ! Crucifie-le !” Or, à ce moment-là, nous avons préféré un homme, qu’un homme soit libéré et que l’on crucifia le Christ. Maintenant, nous, en commettant le péché mortel, nous expulsons la très Sainte Trinité de nos cœurs ; nous donnons la préférence, non pas à un homme mais au démon, à l’enfer, plutôt qu’à Notre-Seigneur et au Paradis.
Toute âme qui vit en état de grâce possède en elle la très Sainte Trinité, elle possède le Ciel, car le Ciel c’est Dieu et Dieu c'est la très Sainte trinité ; donc cette âme a le Ciel en elle. Par contre, toute âme qui vit dans le péché mortel a en elle le démon.
Il y a peu, un homme me disait ici, après que je lui ai dit quelques paroles comme celles que je vous dis là, chrétiens ; des paroles simples, dénouées de tout artifice — car je n’ai aucune instruction — mes ressenties, dites du plus profond de mon âme ; cet homme, disais-je, en entendant ces paroles, s’est approché de moi et m’a dit : “Vous avez raison, petite sœur, vous avez raison, je n’ai pas fait le bonheur de mon foyer.” Car je disais à tous que nous avions l’obligation de procurer  la joie et le bonheur de nos foyers, même si pour cela nous devions souffrir beaucoup — ce n’est pas de la faute de nos familiers, si nous souffrons !
Nous devons, nous chrétiens, procurer la joie des autres, car cela plaît à Notre-Seigneur. Faites que les autres vivent heureux, même si votre cœur vit dans la douleur.
Je leur disais cela, et encore davantage !
Pourquoi ne rendez-vous pas vos foyers heureux ?
Pourquoi vivez-vous sans Dieu ?
Pourquoi blasphémez-vous ?
Pourquoi calomniez(vous ?
Pourquoi êtes-vous soupçonneux ?
Parce qu’il n’y a pas de fidélité ; parce que vous n’acceptez pas les enfants que le Seigneur veut vous donner : vous n’en voulez qu’un ou deux. D’autres n’en veulent pas du tout.
Terrible justice de Dieu qui viendra, déjà sur la terre, pour ces parents qui enlèvent la vie à ceux-là même qui n’ont point connu de vie ; qui volent la vie, qui ont privé de Paradis ceux-là même qui n’en ont jamais entendu parlé, et qui n’ont jamais connu Notre-Seigneur !...
Et, après avoir parlé de ces choses et de beaucoup d’autres, cet homme — dont j’ai parlé — s’est approché de moi pour me dire : “Vous avez raison, ma petite sœur, vous avez raison ; je n’ai pas fait, jusqu’à ce moment, le bonheur de mon foyer ; j’ai été bien malheureux ; je vis dans le péché ; et cela fait bien longtemps que je ne me suis pas confessé : je sens l’enfer à l’intérieur de moi !”
Et tout ceci, parce que je leur avais dit qu’ils marchaient dans le brouillard de l’enfer, enchaînés par le démon : il l’avoua lui-même, chrétiens, il l’avoua lui-même...
Et, tout bonnement parce que j’avais dit à tous : Profitez de ce que vous entendez, que mes paroles — dites avec tant de sacrifice — tombent sur vos cœurs et qu’elles y restent empreintes, en lettre de feu ; qu’elles ne disparaissent plus jamais.
Aimez Jésus et la Maman du Ciel ! Aimez Jésus et la Maman du Ciel ! Aimez Jésus et la Maman du Ciel !
Mon cœur en est plein et mes lèvres ne parlent que de ce dont mon cœur est plein ! Aimez Jésus ! Celui qui aime n’offense pas Dieu, et tout celui qui n’offense pas Dieu, n’offense pas non plus son prochain.
Priez votre Chapelet chaque jour, à la très Sainte Vierge.
Chrétiens, qui ne voudrait pas avoir notre Mère du Ciel, à l’heure de la mort, à intercéder pour nous ?
Donc, si tous, nous la voulons pour avocate, à l’heure de notre mort, il faut que nous soyons ses fidèles dévots, tout le long de notre vie.
Nous devons, chrétiens, nous devons penser sérieusement à l’Éternité qui approche, à l’amour que Notre-Seigneur a pour nous, et à ce que représente une offense faite à Dieu. L’offense est aussi grande que Dieu Lui-même, car elle blesse le Cœur même de Dieu.
Rebroussez chemin !...
Je vous le demande du plus profond de mon âme, du plus profond de mon cœur.
Aimez Jésus et la Maman du Ciel !...
Que l’on me traite de sorcière ; que l’on me traite de folle, d’hystérique ou de tout ce que l’on voudra — moi, grâce à Dieu je ne me sens pas atteinte ! Tout ce que je veux c’est pouvoir souffrir tout cela pour l’amour de Notre-Seigneur. Je voudrais, par contre, pouvoir à Notre-Seigneur : “Seigneur, tous ces cœurs vous aiment ; tous sont à vous, Seigneur ! Oh ! Jésus, qu’aucune de ces âmes ne se perde ; qu’aucune goutte de votre Sang ne se perde inutilement pour ces âmes.”
C’est cela que j’aimerais dire de vous et de l’Humanité entière.
Je ne suis motivée ni par le Ciel ni par la Gloire ; je sais que Notre-Seigneur me récompensera. Ce n’est pas cela qui me motive, ni la récompense du Ciel qui me fait agir. J’aimerais être votre tapis ; j’aimerais rester à l’entrée du Paradis et être le tapis de l’Humanité entière !...
Que m’importerait de rester là, à servir de tapis si, même en étant le tapis, je pouvais aimer Notre-Seigneur ; si, même étant le tapis, je rendais gloire à Dieu ; si même en étant le tapis, j’aurais contribué à ce que beaucoup d’âmes entrent au Paradis !...
C’est cela que j’aimerais, chrétiens ! Et je vous le demande : que ce jour soit le jour de nos bonnes résolutions.
Allez chez vous ; faites votre examen de conscience et regardez en quoi vous avez le plus offensé Notre-Seigneur.
Celui qui va dans les tavernes ; celui qui accompagne de faux amis — qui sont la ruine du corps et de l’âme ; celui qui va au casino, au cinéma, au théâtre, ou à tout autre endroit de divertissements, qui tachent son âme ; celui ou celle qui fréquente la femme de son prochain ou l’homme de son prochain — raison pour laquelle beaucoup de foyers sont défaits — que tous rebroussent chemin ; enfin, tous ceux qui vivent en état de péché mortel, qu’ils rebroussent chemin.
Combien de leur état de péché sont passés directement en enfer !
Combien après leur sommeil se sont réveillés en enfer !
Vous êtes sortis de chez vous. Rentrerez-vous tous chez vous ?
Dieu seul le sait.
Et si Notre Seigneur vous appelait en jugement, là, tout de suite, à vous et à moi ; serions-nous tous en état de pouvoir comparaître en sa divine présence ?
Un moment de réflexion...
Oh mes frères, ô que non !...
Parmi ceux qui sont là, tous n’iraient pas au Paradis. Tous n’entendraient pas de la bouche de Notre-Seigneur : “Viens, béni de mon Père !”
Et pourquoi ?
Parce que tous ne sont pas en état de grâce. Pour éviter cela, cherchez à vivre dans la grâce de Notre-Seigneur, et faites que beaucoup de cœurs vivent, eux aussi, en état de grâce. Soyez des apôtres du bien, soyez des apôtres du Christ : ensemble, vivons pour le Christ.
Il faudrait que nous vivions tous dans une ascension, ascension vers Notre-Seigneur, nous aidant les uns les autres ; et le prêtre vivant sa vie sacerdotale. O comme j’aimerais, comme je serais heureuse qu’il y eût beaucoup de prêtres et que tous vivent de la vie intérieure, de la vie de Dieu dans les âmes ! Qu'ils aient su vivre cette vie, et la comprennent ! Alors là, tous unis, remplis de bonne volonté, et avec l’aide de des prêtres, notre vie serait une ascension glorieuse : nous irions en nous élevant, nous élevant, battant de nos ailes, malgré les taches, et, petit à petit nous nous purifierions, nous nous blanchirions jusqu’à devenir blancs comme neige.
O chrétiens, mes frères, cela ne coûte rien d’être bons ; il est bien plus coûteux d’être méchants !...
Tournez-vous vers Notre-Seigneur ; soyez joyeux !...
La joie est le propre des saints !...
Regardez-moi, je ne suis pas sainte ! J’ai souffert de beaucoup de maladies, et j’en souffre encore, mais, voyez-vous, je n’ai jamais perdu ma joie. Je pleure de temps en temps, mais ce ne sont que mes yeux du corps qui pleurent, car ceux de l’âme, ils sourient à la volonté de Notre-Seigneur ; et je vis joyeuse.
Même pas mes vingt-cinq années de maladie me font perdre la joie. La persécution et les calomnies dont je suis l’objet — on a dit le pire sur mon compte ! — elles non plus, ne me font pas perdre ma joie. Mes yeux pleurent, en effet, souvent, mais je me dis en même temps : “Seigneur, je suis votre victime, que votre volonté soit faite.”
Je suis la victime de l’Humanité entière ; elle ne m’en remercie pas pour autant, mais, de toute manière, je n’ai pas besoin de son remerciement, car je ne veux pas d’honneurs, je ne veux pas de grandeurs, je ne veux pas de richesses ; je ne veux rien, rien qui vienne du monde ; je ne veux que l’amour de Jésus ; je veux vos âmes. Donnez-moi les, je les veux ; je veux les donner à Notre-Seigneur. Je ne désire rien d’autre ; je ne veux rien d’autre en ce monde.
Aujourd’hui le monde nous élève au plus haut ; demain il nous précipite dans l’abîme. Malheureux est celui qui fait tout les yeux fixés sur le monde ! Tout s’écroule, chrétiens, tout tombe en ruines.
J’aimerais l’honneur et la grandeur qui viennent de Notre-Seigneur : l’honneur d’appartenir au Roi du Ciel. Nous sommes tous des vassaux du Roi : voila l’honneur que j’aimerais, rien d’autre. J’aimerais que vous tous, vous apparteniez à Notre-Seigneur, et que tous, nous nous retrouvions au Paradis.
Allez dans la paix de Dieu et n’oubliez pas mes paroles simples, humbles paroles — je ne sais pas mieux les dire, mais ce n’est pas pour autant que j’ai peur ! Je ne crains pas de les dire, ni devant les prêtres, ni devant les docteurs, et non plus devant les professeurs. Je ne me gêne nullement pour les dire. Je les dis comme je le sais, mais du plus profond de mon cœur, donc sans la moindre gêne, je les exprime... c’est mon cœur qui me les dicte ! C’est lui qui parle ! Alors, je ne fais que répéter, d’une manière peut-être grossière, mais ceci importe peu — ce qui importe c’est la finesse de l’amour de Jésus, la grandeur de l’amour de Jésus... O celui oui, cela intéresse !...
Qu’un jour, nous tous qui sommes là, nous puissions aimer et bénir Notre-Seigneur pour l’éternité !...
Allez dans la paix de Dieu et moi, je ne vous oublierai pas, ni sur la terre ni au Ciel.
« Ne crains rien de la terre »
? Ne crains rien de la terre, ne crains rien de la part des hommes : laisse qu'ils te piétinent et t'humilient. Souffre tout cela comme réparation pour nos très saints Cœurs.
O ma Petite-Maman, je Vous remercie pour vos baisers, pour vos caresses et pour m'avoir serrée aussi tendrement entre vos bras».
1954
« Que le Pape réunisse ses évêques... »
L’immensité de la mère était démontée. Ce n’était pas seulement une mer de vagues; c’était aussi une mer de montagnes. Tout s’est mélangé, tout s’est entortillé, et à l’intérieur de moi, quelqu’un commandait aux montagnes de venir se jeter sur moi et de me cacher.
Celles-ci sont tombées, mon entourée, alors que les ondés m’ont emportée dans la profondeur de leur abîme. Quelle détresse, mon Dieu, quelle détresse ! J’ai invoqué le Nom de Jésus et celui de Marie et, toujours récitant mes actes de foi, je leur ai demandé de me venir en aide.
Ils sont venus me chercher dans cette profondeur sans fin. Jésus est venu avec la Petite-Maman et m’ont prise par la main: la Maman du ciel à gauche et Jésus à droite. Ensuite ils ont enroulé mes bras autour de leurs cous.
Arrivée à la superficie de l’eau, déjà calmée, la Petite-Maman s’est assise et m’a posée sur ses genoux et m’a recouverte de son manteau bleu.
Pendant qu’elle me caressait, Jésus me disait :
? Jésus et la Maman sont venus te chercher dans l’abîme de la mer démontée, sous les montagnes. Ma fille, ma fille, souffre, souffre ! Toi qui es victime répare ! Souffre afin que les âmes ne puissent dire: montagnes, tombez sur nous et cachez-nous aux regards de Dieu !
Terribles, épouvantables moments sont ceux de la justice de mon Père !
Puis la Maman du Ciel a parlé, toujours en me caressant.
Elle m’a montré son très saint Cœur: c’était le Cœur Immaculé entouré d’épines; et, les yeux tournés vers le Ciel, elle m’a dit:
Tu n’as pas perdu ton Jésus ni ta Maman céleste: nous sommes toujours avec toi; nous t’aimons d’un amour très grand.
(...)
O Jésus, ô ma Petite-Maman, je ne supporte pas de vous voir tristes !...
— Mon enfant nous sommes tous les trois atteints par la même douleur: le monde cours vers l'abîme. Prière et pénitence !...  Que l'on vive dans la pureté ! Attention ô l'Église !... Que le Pape réunisse ses évêques et ceux-ci leurs prêtres. Attention ô l'Église !... Que l'Église commence à se purifier afin de ne pas subir la justice du Père.
La Petite-Maman me remis une branche et me dit:
— Voici que la branche d'olivier, symbole de paix, est entre tes mains... Comme mon divin Fils t'a enrichie de tant de choses et de tant de titres, moi aussi, avec Lui, je te donne le titre de la paix. Le Ciel veut et donne au monde tous les moyens de paix.
Jésus ajouta:
— Ma fille, c'est par toi que l'humanité reçoit tout. Accueillera-t-elle cette invitation, ce suprême appel du Ciel ?
Dieu ou Satan ? A qui veut-elle servir ? Qui veut-elle aimer ? Parle aux âmes, mon enfant. Courage !...
« De son divin Cœur, sortit un éclair... »
Jésus est venu et, dans un mouvement d'amour, il me donna davantage de force, puis Il me dit :
— Viens, mon enfant ! Je suis avec toi. Le Ciel et toute sa majesté sont avec toi.
À ce moment-là, de la Plaie de son divin Cœur, sortit un grand éclair qui produisit beaucoup de rayons si lumineux que tout est devenu resplendissant. Peu après, de toutes ses divines Plaies sortirent des rayons qui me traversèrent les pieds et les mains. De sa Très Sainte Tête un seul rayon sortit et traversa mon cerveau.
En même temps que le premier rayon et les autres qui sortaient de son divin Cœur, Jésus me dit avec toute clarté :
— Ma fille, comme Marguerite-Marie, Je veux que toi, tu allumes dans le monde cet amour pour Moi, cet amour si oublié du cœur des hommes. Allume-le, allume-le ! Je veux donner mon amour aux hommes. Je veux être aimé d'eux. Toutefois ils ne l'acceptent pas et ne M'aiment pas. Par ton intermédiaire, Je veux que cet amour soit allumé dans toute l'humanité, comme par ton intermédiaire le monde fût consacré à Ma Mère bien-aimée. Fais, ô mon épouse, que dans le monde entier, l'amour à nos deux Cœurs soit répandu.
Mais, mon Jésus, comment faire. Si les hommes ne l'ont pas accepté de vous, comment le recevront-ils par moi ?...
— Par ta douleur, mon enfant !
« Viens, partons sauver le monde... »
La Maman du Rosaire est venue. Elle tenait entre ses mains la couronne du Rosaire qui se terminait par une grande croix dorée. Elle enroula le Rosaire autours de mes mains et posa la croix sur mon cœur...
— Viens, ma fille, partons sauver le monde ; allons convertir les pécheurs. Sur ton cœur j'ai placé la croix afin de te faire sentir qu'elle est croix de salut ; embrasse-la : douleur et croix. Autours de tes mains j'ai enroulé le  Rosaire ; parles-en, parles-en... Parle aux âmes de l'Eucharistie, parle aux âmes du Rosaire ; dis-leur qu'ils s'alimentent du Corps du Christ et de l'aliment de la prière du Rosaire quotidien...
« Le Rosaire autours de mes mains... »
O combien j'ai senti la croix que la Maman avait posée sur mon cœur. C'est la croix du cœur !... Je sens toujours aussi le Rosaire enroulé autours de mes mains : ce sont des chaînes qui m'emprisonnent.
Combien je suis peinée de ne pas pouvoir prier !...  Le peu de prières que je fais est tout rempli de distractions et sans foi .
« Dans le ciboire il y avait des Hosties »
— Repose-toi ici : parlons de Mes affaires et de Mon amour.
Un autel apparu. La porte du Tabernacles était ouverte. Dans le ciboire il y avait des Hosties blanches. Jésus s'est assit à côté de l'autel et me fit asseoir de l'autre côté. Je n'ai pas vu sur quoi nous nous étions assis. Jésus posa sa Main sur l'autel et sur celle-ci Sa Tête. Il me fit faire la même chose. Ma main droite resta unie à Sa Très Sainte Main gauche.
Du Tabernacles, de ces Hosties blanches, sortirent des rayons plus resplendissants que le soleil qui nous traversèrent.
Jésus, avec une grande douceur me dit :
— Mon enfant, joyau eucharistique,  Je suis là, dans le Tabernacles, dans ces Hosties pures, avec mon Corps, mon Âme, ma Divinité, comme Je suis ici, devant toi. Parle au monde de cet amour. Dis aux hommes qu'ils s'approchent davantage de Moi. Je veux Me donner à eux, très souvent, tous les jours, si possible. Qu'ils viennent le cœur pur, très pur et avide. S'ils venaient vers les Tabernacles avec de bonnes dispositions et s'ils récitaient le Rosaire, ou tout du moins le Chapelet, tous les jours, rien d'autre ne serait nécessaire pour éloigner la justice de Dieu.
Le Rosaire, le Tabernacles et mes âmes-victimes — la victime de ce calvaire —, sont suffisants pour qu'il soit donné au monde le pardon et la paix.
« Nouveau martyre pour mon âme... »
Nouveau martyre pour mon âme. Elle est comme une tige effeuillée; à ses fibres sanguinolentes ils viennent sucer tout mon être, tout mon sang et s’accrochent à ces fibres: il s'agit pourtant d'un être qui a la taille du monde, mais ils arrivent en bandes, ils sont très nombreux. Mais ce quelqu'un qui représente le monde et les autres qui se présentent en bandes ont des mains avec des griffes, des yeux hagards, des cheveux en désordre, ce sont des affamés, insatiables, ce sont de vrais squelettes.
Je n'ai plus de sang, je n'ai plus rien à leur donner. L'âme se fatigue et meurt de faiblesse.
Mais celle-ci aussi a une faim infinie, ce qui vient augmenter le tourment de mon corps. Cette faim de l'âme est causée par la nostalgie de l'alimentation: j'ai la nostalgie de tous les aliments, de tous; et même quand je me sens rassasiée, je sens un vide que seul le monde pourrait remplir...
Jésus, lors d'un extase me dit que ce que je ressens dans mon âme c'est le monde, ce sont les âmes qui voient déjà les peines de l'enfer, qui s’agrippent aux fibres de mon âme afin de sucer tout mon sang pour éviter de se perdre. Et quelle faim infinie est la Sienne (faim d'âmes).
1955
« Ma pauvre nature n'en peut plus... »
Ma pauvre nature n'en peut plus ; non, elle n'en peut plus. Mais la volonté, au plus profond de moi, ne regarde pas aux larmes et sourit toujours à la volonté du Seigneur...
« Je crois, Jésus, je crois... »
Mon Jésus, je serai courageuse et je ne vous direz jamais non, bien entendu avec l'aide de votre grâce. Je me sens seule et au comble de la douleur ! Je suis votre victime.
— Laisse, mon enfant, laisse que je crie à travers tes lèvres : “O mon Église, accueille la voix de ton Seigneur ! Veille, sois vigilante ! O Église, ma chère Église, veille, ô veille, ne dors pas, ne faibli pas !”
Jamais le monde n'a autant péché ; jamais la réparation n'a été aussi urgente. O âmes-victimes, grandissez dans l'immolation à votre Époux !
Reçois une goutte de mon Sang ; reçois cette vie qui est ta seule et unique vie.
Courage, en avant ! Ne m'as-tu pas dis si souvent que tu voulais te consommer et disparaître dans mon Amour ? J'ai pris à la lettre tout ce que tu m'as dit.
O mon Jésus, gardez mon âme, faites-en ce que vous voudrez. Recevez mes requêtes... Quant au monde, mon Jésus, pardonnez-lui parce qu'il vous appartient !.
Dans une angoisse lancinante je répétais mes actes de foi :
Je crois, Jésus, je crois que c'est pour moi que vous êtes né, que c'est pour moi votre Jardin des Oliviers, votre Calvaire. Je crois, je crois, Jésus, je crois !
Mon abîme était noir et si profond que seul Dieu pouvait y pénétrer : c'est que fit Jésus. Il est descendu jusqu'à mes profondeurs, ramena à la superficie mon pauvre être et l'illumina avec quelques rayons de Sa lumière.
— Viens ici, ma fille, lumière et flambeau du monde ! Toi qui es ténèbre inégalable, tu es lumière qui brille, phare que tout illumine : la ténèbre est pour toi, la lumière, elle, elle est pour les âmes.
Viens ici, lumière dont je suis la source, phare dont je suis le phare.
 

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