Tome 1 : 1904 -1944
Tome 2 : 1945 - 1955
Traduction
Alphonse Charles Rocha (alexandrina.balasar.free.fr)
Reims 1995-1996
Et nous savons qu’avec ceux qui l’aiment, Dieu collabore en tout pour
leur bien, avec ceux qu’il a appelés selon son dessein. Car ceux
que d’avance il a discernés, il les a aussi prédestinés
à reproduire l’image de son Fils, afin qu’il soit l’aîné
d’une multitude de frères ; et ceux qu’il a prédestinés,
il les a aussi appelés ; ceux qu’il a appelés, ils les a
justifiés; ceux qu’il a justifiés, il les a aussi glorifiés.
— Lettre de St Paul aux Romains : 8 ; 28-30.
PRESENTATION
Alexandrina Maria da Costa, auteur de ces “Écrits Autobiogra-phiques”,
naquit, comme elle l’écrit elle-même “à Balasar, arrondis-sement
de Póvoa de Varzim, district de Porto, le 30 mars 1904”; Mercredi
Saint.
Balasar est un petit village situé dans le nord du Portugal,
où Dieu s’est plu à se manifester, au cours des deux derniers
siècles. Tout d’abord, en 1832, faisant apparaître, devant
l’église parois-siale de Balasar, une croix mystérieuse,
que la piété des paroissiens a bien vite protégé
par une chapelle dédiée à la Sainte Croix.
Cent ans plus tard, vers 1932, il revint de nouveau “se rappeler
au bon souvenir” des gens simples du village, en prenant, parmi eux, une
confidente privilégiée en la personne d’Alexandrina Maria.
Comme pour y apposer son blanc seing, d’une façon indélébile,
il attendit que la jeune villageoise vienne habiter un lieu-dit du même
village qui a pour nom Calvário ; entendez Calvaire.
Il n’y pas lieu ici de retracer toute la biographie de la Vénérable
âme-victime, c’est pourquoi, nous utiliserons plutôt la chronologie
de sa vie. Elle est bien parlante et très explicite sur les événements
qui ont dominé le cheminement de l’apôtre de la Consécration
du monde au Cœur Immaculé de Marie.
1904
30 mars — Mercredi Saint — elle naquit à Gresufes, lieu-dit
de la paroisse de Balasar, distant d'environ 50 kilomètres de Porto,
et faisant partie de l'Archidiocèse de Braga.
2 avril — Samedi Saint — elle fut baptisée.
1911-1912
En janvier 1911, et jusqu’à fin juillet 1912, elle partit avec
sa sœur Deolinda à Póvoa de Varzim habiter chez des amis
afin de pouvoir fréquenter l'école, car à ce temps-là
il n’existait à Balasar qu'une école de garçons.
Ce fut à Póvoa qu'elle fit la première Communion
et à Vila do Conde — 3 kilomètres séparent les deux
villes — qu’elle reçut, en 1911, la Confirmation, des mains de Monseigneur
Antonio Barbosa Leão, évêque de Porto.
En juillet 1912 elles retournèrent toutes deux à la maison.
Au mois de novembre elle alla habiter, avec toute la famille et toujours
à Balasar, une maison qui se trouve située au lieu-dit du
« Calvário ».
1913-1917
Vers l'âge de 9 ans, elle commença à travailler
dans les champs et, plus tard elle dut travailler comme journalière
pour gagner son pain.
Au travail elle adjoignit la prière.
Elle se vit nommée catéchiste et membre de la chorale:
elle avait une belle voix et aimait beaucoup la musique.
Elle tomba d'un chêne. Gravement malade elle commença
alors à consulter les médecins, cessant de travailler régulièrement.
À 12 ans sa maladie était si grave que les derniers sacrements
lui furent administrés.
1918
Le Samedi Saint, elle sauta par la fenêtre dans le jardin, plutôt
que de se laisser violenter par trois hommes qui étaient entrés
dans la pièce où, avec sa sœur et une amie elle faisait de
la couture.
Le commencement de sa myélite comprimée à l'épine
dorsale, la-quelle fut reconnue plus tard par les médecins, date
de cette chute. Il en résulta une paralysie progressive la retenant
au lit pendant 30 ans.
1922
Elle partit à Póvoa pour une cure marine (plage et bains
de soleil), mais son état empira.
Elle dut faire son premier voyage à Porto pour consulter le
médecin spécialiste Abel Pacheco, lequel informa le médecin
traitant, docteur Garcia, que sa patiente ne guérirait pas.
Pendant cinq mois consécutifs elle ne pût se lever.
1923
En avril elle commença à se lever et recommença
à marcher s'ai-dant d'une chaise. Elle restera ainsi levée
pendant environ un an, souffrant beaucoup non seulement physiquement mais
aussi mora-lement à cause des moqueries de certains sur sa façon
de marcher et de s'asseoir.
En cette année elle eut son premier grand chagrin : la mort
de sa grand-mère. Malgré tous ses efforts, elle ne put visiter
sa chapelle ardente.
1924
27 mars — elle dut retourner à Porto pour une nouvelle visite
mé-dicale chez le spécialiste Jorge de Almeida.
14 avril — elle s’alite, pour ne plus jamais se relever, sauf, au mois
de juin, où elle participa, au prix d'un grand effort, au Congrès
Eucharistique National, à Braga.
1925
14 avril — elle se mit au lit pour ne plus jamais se relever. Sa sœur
Deolinda devînt son infirmière et son assistante en tout :
elle deviendra même sa secrétaire.
1928-1930
Elle envisage de partir à Fatima, pour demander à la
Sainte Vierge, sa guérison, lors du pèlerinage organisé
par la paroisse. Son méde-cin s’y oppose formellement, ainsi que
le curé de Balasar.
Ne réussissant pas à obtenir la grâce de sa guérison,
elle s'offrit comme victime pour le salut des âmes, « sentant
toujours davan-tage le désir d'aimer la souffrance et de ne penser
qu'à Jésus seul. »
1931-1932
Elle composa son hymne en l'honneur des Tabernacles — rapporté
dans son Autobiographie.
Lors de la récitation de cette prière elle expérimenta
souvent le phénomène de la lévitation (se soulever
à l'encontre du centre de gravitation) sentant dans son cœur de
fortes chaleurs, tout particu-lièrement après la Sainte Communion
: ce furent là les premiers phénomènes mystiques.
En 1932, elle se sentit inspirée en ce qui concerne sa mission
:
« Souffrir, aimer, réparer ».
1933
6 août — le Père Mariano Pinho sj vint à Balasar
prêcher un tri-duum. A cette occasion Alexandrina obtint qu'il devienne
son di-recteur spirituel.
18 octobre — elle s'inscrivit dans les rangs des “Filles de Marie”.
20 novembre —célébration de la première messe
dans sa cham-bre.
Ce même mois de novembre elle commença à souffrir
de la perte des biens matériels, suite à une hypothèque
sur la maison et sur le terrain. En effet sa mère s'étant
portée garante pour une personne et, celle-ci n'ayant pas payé
la dette contractée, il fallut honorer la caution.
1934
Elle fit cette année le « vœu le plus parfait ».
6 septembre — après la Communion, elle entendit Jésus
l'inviter à participer à sa Passion, mais d'une façon
concrète, en se laissant transpercer les mains et les pieds par
les clous; la tête, par la cou-ronne d'épines.
Cette invitation lui fût répétée le 7 et
le 8 septembre.
Alexandrina accepta l'invitation, mais elle crut qu'il ne s'agissait
là que d'une augmentation de ses souffrances physiques; elle ne
pen-sa pas un seul instant qu'il s'agissait de choses surnaturelles.
À cette occasion elle se sentit fortement unie à Jésus:
“Il me par-lait de jour comme de nuit... Il se confiait à moi...”
Alexan-drina était convaincue que « souffrir, aimer, réparer
» était une inspiration qui lui venait de Jésus.
Les invitations de Jésus à participer à sa Passion
se répétèrent plu-sieurs fois pendant environ quatre
ans, au cours desquels Il la pré-para progressivement au grand événement
qui arrivera le 3 octo-bre 1938: Alexandrina vécut pour la première
fois la Passion dans ses diverses phases.
14 octobre — elle écrivit de son sang, obtenu par la piqûre
qu'elle se fit sur la poitrine, à l'aide d'une épingle, un
serment d'amour à Jésus.
1935
Jésus continua de lui demander de L'aider dans la Rédemption,
par ses souffrances.
Il lui demanda de se détacher du monde.
30 juillet — Jésus, pour la première fois, lui fit part
de son désir de voir le monde consacré à Notre-Dame.
1936
7 juin — fête de la Très Sainte Trinité, eut lieu
la mort mystique, laquelle extérieurement se présente tout
à fait comme une mort naturelle.
1937
Fin avril elle arriva au seuil de la mort : pendant 17 jours elle ne
put rien avaler, sauf l'Hostie consacrée.
31 mai — elle reçut la visite du Révérend .Père
Antonio Durão, sj, frère du Provincial des Jésuites
du Portugal, en sa qualité d'envoyé du Saint-Siège
pour la questionner sur la consécration du monde à Notre-Dame.
De juillet à octobre, les assauts du démon s'intensifièrent.
Dans son Autobiographie on peut lire :
« Ce fut en juillet 1937 que le “boiteux” (nom qu'elle utilisait
pour désigner le démon), non content de tourmenter ma cons-cience
et de me souffler des choses affreusement orduriè-res, commença
à me mettre en bas du lit, aussi bien la nuit qu'à n'importe
qu'elle heure de la journée... »
23 octobre — elle entendit Jésus lui expliquer que ce genre
de lutte avec le démon était terminé. Il l'attaquera
encore pour la faire horriblement souffrir, de telle façon que les
personnes qui la visi-tent ne s'en rendent pas compte.
1938
5 avril — Jésus confirme les épousailles spirituelles
avec l’âme d’Alexandrina Maria.
3 octobre — en extase, elle revécut la Passion pour la première
fois, dès midi et jusqu'à 15 heures. Le Père Pinho
était présent. Dans son livre « No Calvario de Balasar
» (Sur le Calvaire de Bala-sar) il écrira : « nous les
présents, nous voyions se dérouler devant nos yeux le drame
de la Passion de la façon la plus concrète: Jardin des Oliviers,
emprisonnement, tribunaux, flagellation, couronne-ment d'épines,
chemin du Calvaire, crucifixion, mort. »
Ce jour-là, était le jour de la fête liturgique
de sainte Thérèse de l’Enfant Jésus, qu’Alexandrina
considérait comme sa sœur spiri-tuelle. Elle la vit à deux
reprises, lors de sa montée au Calvaire, au cours de cette première
“Passion”.
24 octobre — le Père Pinho, à la suite du phénomène
de la Passion vécue par Alexandrina chaque vendredi, « écrivit
directement à Pie XII pour demander la consécration du monde
à Marie » .
6 décembre — elle dut affronter un nouveau voyage à Porto
pour des radiographies. Elle retourna chez elle le 11 du même mois.
26 décembre — elle reçut la visite du docteur Elísio
de Moura, psychiatre fameux, qui la traita cruellement.
1939
5 janvier — elle reçut la première visite du chanoine
Vilar, envoyé par le Saint-Siège pour enquêter sur
la consécration du monde à la Vierge. Ce fût une «
bonne rencontre ». En effet, s'établissant à Rome,
le chanoine va s’intéresser à une telle consécration.
20 janvier — Jésus lui prédit la guerre comme châtiment
pour les grands péchés.
20 mars — Jésus lui prédit, au sujet du nouveau Pape
— Pie XII — que celui-ci fera la consécration du monde au Cœur Immaculé
de Marie.
13 juin — Jésus lui prédit la guerre comme châtiment
pour les grands péchés.
16 juin — elle demande une fois encore au Saint-Père — et ce
sera la dernière — la consécration du Monde à Marie.
28 juin — comme déjà le 20 janvier et le 13 juin, elle
entendit Jé-sus lui prédire la guerre comme châtiment
pour les grands péchés.
Alexandrina s’offrit comme victime pour la paix.
Toute l'année durant elle fut tourmentée par de violentes
fièvres. A certains moments elle crut perdre toutes ses facultés
et resta sans pouvoir parler. D'autres fois elle eut des douleurs si violentes
qu'elle ne put même pas s'alimenter. Le 8 décembre — fête
de l'Immaculée Reine du Portugal dont l'église de Balasar
possède une merveilleuse statue — après l'extase de la Passion,
elle fut atteinte d'une colique qui dura une heure et demi.
Vers le mois de novembre, une bienfaitrice de Lisbonne, Fernanda dos
Santos, offrit la somme dégageant la maison de l'hypothèque.
Le terrain ne fut libéré qu'en 1941.
1940
Cette année aussi, à plusieurs reprises, Jésus
insista sur la consé-cration du monde à sa Mère bénie.
En tant que victime expiatoire, Alexandrina souffrit elle même
les peines des damnés.
4 juillet — elle s'offrit comme victime, avec d'autres âmes-victimes,
pour obtenir qu'au moins le Portugal soit épargné de la guerre.
Jésus accepta et s'empressa de répondre : « Cherchez
et vous recevrez; demandez avec foi. Le Portugal sera sauvé: c'est
Jésus qui te le dit et Il ne trompe pas ».
Et c'est ce qui arriva.
15 septembre — elle écrivit deux lettres: une au Patriarche
de Lisbonne, le Cardinal Cerejeira, et l'autre au chef du Gouverne-ment,
Salazar, pour leur demander de faire ce qui était en leur pouvoir
afin de freiner les débordements de l'immoralité.
Elle se décida à cette démarche parce que le 12
septembre, pen-dant l'extase, elle vit Jésus plus attristé
que jamais, par l'état d'immoralité et de manque d'amour
de l'humanité.
6 décembre — elle écouta Jésus lui assurer que
le Pape serait physiquement épargné par la guerre : «
le dragon orgueilleux et enragé qu'est le monde n'osera pas toucher
à son corps ».
1941
29 Janvier — le docteur Manuel Augusto Dias de Azevedo, méde-cin
au pays voisin : Ribeirão do Minho, vînt pour la première
fois auprès d'Alexandrina
Après avoir assisté à plusieurs extases de la
Passion, il comprit qu'il ne s'agissait pas là d'un cas relevant
uniquement de l'humain, mais aussi du surnaturel. Il décida alors
de l'étudier à fond. Il y mit toute sa science et aussi tout
son cœur. Devenant son médecin traitant: il devînt ainsi en
quelque sorte son Cyrennéen jusqu'à la fin.
1er mai — le docteur Azevedo appela au chevet d'Alexandrina le docteur
Abel Pacheco. Étant donné que les deux médecins ne
furent pas d'accord, la nécessité de recourir à un
éminent spécialiste fut avancée. On fit appel au docteur
neurologiste Gomes de Araujo.
Le docteur Azevedo voulut que toute lumière fut faite sur le
cas afin de pouvoir défendre Alexandrina de l'accusation que celle-ci
ne se-rait qu'une simulatrice. « Une paralysée qui peut se
mouvoir toute seule lors des extases de la Passion! ».
15 juillet — elle dut supporter un 4e voyage à Porto.
29 août — le Père José Alves Terças assista
à l'extase de la Passion et en rédigea le déroulement
dans un article qu'il publia.
À la fin de l'extase, Alexandrina fut désolée
de cette décision et eut le pressentiment de tout ce qui se dirait.
En effet, la publication de cet article déclencha l'éloignement
de son directeur, le Père Pinho, et mit le public au courant de
choses si intimes.
1942
3 janvier — à l'approche de l'écartement de son directeur
(ce qu'elle présenta plusieurs fois lors des dernières extases)
elle en-tendit Jésus lui dire :
« L'heure de Me donner la plus grande preuve d'amour et d'héroïsme
est arrivée : marche sans lumière, en complet abandon. Tout
sera mort en toi... »
7 janvier — elle reçut la visite d'adieu du Père Pinho.
27 mars — elle revécut pour la dernière fois — de façon
visible — la Passion : c'était le vendredi de Notre-Dame des Douleurs.
« Et par la suite, tous les vendredis, encore que sans les mouve-ments,
elle continua de revivre la Passion de Jésus, pendant la-quelle
elle souffrait bien souvent davantage qu'auparavant » — écrira
le Père Pinho dans sa biographie “No Calvário de Balasar”.
3 avril — Vendredi-Saint. Commencement d’une nouvelle mort mystique,
avec des caractéristiques différentes de la première
: toute spirituelle. « Le Vendredi-Saint j’ai commencé à
me sentir morte sur le Calvaire » — fit-elle écrire dans son
Journal.
13 avril — À cette date commença le jeûne total
accompagné d'une totale anurie, lequel durera jusqu'à sa
mort.
Les conditions physiques s’aggravèrent au point que le curé
lui ad-ministra les derniers sacrements ; il continue à lui donner
chaque jour la sainte Hostie.
Alexandrina dicta ses dernières dispositions au sujet de ses
funé-railles et de sa sépulture.
31 octobre — Finalement, à l'occasion du 25e anniversaire des
ap-paritions de Fatima — le Pape Pie XII fit, en langue portugaise, la
consécration du monde au Cœur Immaculé de Marie, consécration
qui sera répétée solennellement à Saint-Pierre
de Rome, le 8 dé-cembre de la même année.
Alexandrina reçut de Fatima, à cette occasion, un télégramme
du Père Pinho lui annonçant la bonne nouvelle.
« J’ai récité le Magnificat et j’ai allumé
un cierge en l'hon-neur de Notre-Dame », peut-on lire dans la lettre
envoyée au Père Pinho le 7 novembre.
1943
Du 10 juin au 20 juillet elle resta internée à l’Hôpital
de Foz do Douro (près de Porto) pour être examinée
et contrôlée au sujet de son jeûne et de son anurie.
Le directeur de l'Institut, docteur Gomes de Araujo, après avoir
constaté quarante jours durant sous la plus stricte surveillance,
qu'il n'y avait aucune simulation, en la congédiant lui dit : “Je
viendrai vous revoir à Balasar, non plus comme médecin ou
espion mais comme ami qui vous admire”.
Et à l'automne de cette même année il se rendit
à son chevet.
La conséquence de cette reconnaissance officielle du jeûne
et de l'anurie fut que beaucoup de personnes, y compris des prêtres,
s’intéressèrent au cas et vinrent lui rendre visite. Parmi
ceux-ci le Révérend docteur Gigante (lequel fut nommé
plus tard Président de la Commission pour le Procès Diocésain
de béatification), lequel restera pour toujours son ami.
Vers la fin du mois d’octobre, elle souffrit, en tant que victime,
les peines du Purgatoire.
10 octobre — elle entendit de la Bouche même de Jésus
la confir-mation de la non participation du Portugal à la guerre.
31 octobre — elle commence à vivre les peines du Purgatoire.
1944
13 mai — elle est mystiquement ensevelie.
3 juin — Jésus lui confie son Cœur.
16 juin — tomba le verdict d'une Commission d'enquête composée
de trois théologiens nommés par l'Archevêque de Braga
afin d'étu-dier le cas d'Alexandrina: celle-ci ne trouva rien de
surnaturel ni de miraculeux et, cela malgré la poursuite du jeûne
et de la complète anurie !
21 juin — première rencontre avec son deuxième directeur
spiri-tuel, le Père Umberto Pasquale, salésien italien. Celui-ci
devînt, ef-fectivement, son deuxième Père spirituel
à partir du 8 septembre.
25 juin — l'Archevêque de Braga publia une Circulaire dans la-quelle
il invitait à garder le silence sur les présumés (!)
faits extra-ordinaires attribués à Alexandrina et interdit
les visites à celle-ci même à titre d'observation sur
le point de vue religieux.
15 août — elle s'inscrivit parmi les Coopératrices Salésiennes.
Au mois de décembre Jésus, pendant une extase, l'appela
“mère des pécheurs” et, avec Notre-Dame, lui mit dans le
cœur l'humanité entière, la lui confiant.
8 septembre — Le Père Umberto Maria Pasquale, salésien,
devient son Directeur spirituel, en remplacement du Père Mariano
Pinho, sj.
24 octobre — elle commence à souffrir la Passion intime de Jésus,
laquelle durera jusqu’à sa mort. Ce même jour elle se sent
comme étant le Tabernacle de la très Sainte Trinité.
Pendant ce même mois d’octobre, Alexandrina soufre, par inter-mittences,
les peines de l’enfer, avec des phases très intenses et poignantes.
4 novembre — le Saint-Esprit agit en elle, d’une façon toute
parti-culière.
10 novembre — des flèches d’amour pénètrent son
cœur.
16 novembre — elle se reconnaît sensiblement transformé
en Christ.
27 novembre — Jésus l’appelle “Bénie de mon Père”.
29 décembre — mariage mystique.
1945
Son état de santé devînt de plus en plus préoccupant,
y compris un malaise aux yeux: ceux-ci ne supportent plus la lumière.
Depuis le mois d'août et, ceci pendant environ trois mois, elle
perdit quotidiennement du sang.
L'action du démon s'intensifia, ce que Jésus continua
de permettre comme forme de réparation : l’une des plus douloureuses.
1946
Au mois de mai, comme nouvelle forme de réparation, elle vécut
le tourment des odeurs nauséabondes, signe du péché.
Fin septembre les articulations se déboîtèrent
tellement que le 3 octobre, anniversaire de la première crucifixion,
le docteur Azevedo la fit mettre sur des planches et banda ses bras les
plaçant sur deux reposoirs en forme de “S”, pour les attacher ensuite
au chevet du lit.
Au mois de novembre elle dut subir de nouveaux examens médi-caux.
1947
20 juillet — se croyant proche de la mort, elle écrivit de sa
propre main, avec beaucoup d'efforts, une lettre-testament adressée
à tous les pécheurs.
Depuis cette année et jusqu'à sa mort elle ressentit
même en de-hors des extases de la Passion, de jour comme de nuit,
les douleurs de ses stigmates — lesquels, à sa demande, restèrent
toujours invi-sibles.
1948
14 juillet — elle écrivit, toujours de sa propre main, le deuxième
testament spirituel adressé aux pécheurs, choisi par la suite
comme épitaphe pour sa tombe.
23 septembre — elle reçut la dernière visite de son deuxième
di-recteur, obligé de retourner en Italie. Toutefois, elle lui envoya
toujours son Journal, écrit par obéissance, jusqu'à
la mort.
En décembre vînt la visiter le secrétaire de l'Archevêque
de Braga, le docteur Sebastião Cruz, professeur de l’Université
de Coimbra. Il en fût très favorablement impressionné
: la réconforta et revînt di-verses autres fois la visiter.
1949
Son état physique continua d'empirer : elle fut souvent atteinte
de fortes fièvres accompagnées de douleurs aiguës.
Son état spirituel, s'intensifia de plus en plus. Elle reçut
de Jésus la confidence comme quoi sa mission était pour les
âmes et qu'au ciel elle la continuerait.
1er octobre — la Vierge du Rosaire lui apparut. Elle lui apporta le
Rosaire avec lequel elle doit attacher le monde.
Pendant les années qui suivront, des apparitions analogues se
ré-péteront.
1950-1952
10 mars 1950 — Alexandrina a la vision de l’enfer : « J'ai vu
l'enfer ouvert, d'où sortaient d'épouvantables flammes. J'ai
entendu des rougissements et des cris impossibles à dé-crire.
»
14 avril 1950 — elle fêta ses noces d'argent de grabataire: une
messe fût célébrée dans sa chambre.
La souffrance acceptée avec amour, demandée avec la plus
humble et amoureuse ferveur, l'élevèrent à une telle
hauteur d'imitation du Christ qu'un jour elle reçut de Jésus
cette confidence :
« Tu as la vie, tu as l'amour: tu vis comme Jésus et aimes
comme Jésus: tu vis Ma vie, tu aimes avec Mon amour. »
Les gens qui venaient la visiter affluaient de plus en plus et, à
leur encontre, l'Archevêque de Braga publia, en septembre 1952 une
interdiction de ces visites.
Mais fin novembre de cette même année 1952 cette note
fut an-nulée, sous l'insistance des prêtres.
Le nombre de visiteurs augmenta de nouveau: sa mission d'évan-gélisation
était en plein essor: porter les âmes à Jésus.
Dans le même temps, en tant que victime dont la mission est avant
tout la réparation, elle endura encore une autre souffrance, parmi
les plus graves et douloureuses : elle sentit l'inutilité de toute
sa vie, de toute son œuvre, de l'offrande de toute sa souffrance.
1953
Cette année fut une année exceptionnelle en ce qui concerne
l'évi-dence surprenante de l'action divine sur Alexandrina: ce n'est
que d'en-Haut, en effet, que pouvait lui venir une telle condition physi-que,
une telle force pour supporter le poids de tant de fatigues ac-cumulées
à la suite des milliers de visites qu'elle reçut en cette
pé-riode. Ils passaient devant son lit par groupes. Le 25 mars plusieurs
centaines, le 9 mai environ deux mille, le 5 juin cinq mille, le 6 juin
six mille, le 29 juin environ quinze mille. Elle leur parla des choses
du Ciel, les stimula au repentir, des heures durant. Le 9 mai pen-dant
9 heures et demi avec un arrêt de 45 minutes; le 6 juin pen-dant
12 heures avec un arrêt de 45 minutes également.
Pendant l'extase du 15 mai elle entendit Jésus lui dire :
« ...Tu vis la vie publique de Jésus. Courage, courage,
épouse très chère ! ».
Et voici donc de quelle façon Alexandrina supporta cette marée,
marée qui lui causait non seulement beaucoup de fatigue mais aus-si
beaucoup de répugnance parce qu'elle se sentait indigne d'être
l'objet de tant de visites et craignait d'être prise pour meilleure
qu'elle n'était en réalité. Dans son Journal on peut
lire :
« Le fait même de recevoir tant de milliers de baisers
des personnes qui s'approchent de moi, je décidai de l'offrir à
Jésus, comme si ceux-ci étaient déposés sur
son Front, Lui demandant de bien vouloir les accepter comme autant d'actes
d'amour pour les Tabernacles, pour l'honneur et la gloire de la Très
Sainte Trinité et de la Maman, et de tout reverser sur les visiteurs
».
Dans cette période de sa vie beaucoup de personnes étaient
admi-ses dans sa chambre, parmi lesquelles des prêtres, y compris
pen-dant l'extase du vendredi; cela donnait un caractère public
aux ex-tases. Cela causait une souffrance supplémentaire à
Alexandrina Maria : « Les humiliations me couvraient les yeux: le
fait de me sentir entourée de monde, me procurait, pour ainsi dire,
la mort », dit-elle dans son Journal du 6 novembre.
À la suite de ces extases, quand Alexandrina finissait de revivre
la Passion, elle sentait en elle Jésus ressuscité qui, à
travers ses lèvres s'adressait à l'humanité, aux pécheurs,
d'une façon attristée et so-lennelle. Alexandrina parlait
longtemps avec chaleur, fréquemment elle chantait les beautés
et les exhortations de Jésus. Elle chantait des hymnes de louange,
d'action de grâces, de repentir, de suppli-que. D'autres fois elle
chantait en colloque avec Jésus qui lui de-mandait son amour et
elle Lui en offrait.
Certaines de ces extases sont enregistrées.
Lors de ces extases publiques on comprenais d'une façon très
claire la volonté de Jésus à démontrer l'intervention
du surnaturel: en dehors de ces moments-là, Alexandrina faisait
un très grand sacri-fice pour parler : « à chaque mouvement
des lèvres on dirait qu'un jet de sang s'échappe de mon cœur
pour arriver à mes lèvres », dit-elle dans son journal
du 30 janvier. D'autres ex-pressions analogues se trouvent à différentes
autres pages de ses écrits.
25 décembre — elle eut sa dernière extase publique :
« Je suis descendu du ciel et me voici pour la dernière
fois dans le cœur de mon épouse pour parler à travers ses
lè-vres ».
Cette extase se termina par un chant d'adieu et d'au-revoir au Ciel.
1954
Son état physique continua d'empirer. Elle devint presque aveugle
: « le corps ressemble à l'âme: il n'a pas de vie, pas
de lu-mière », peut-on lire encore dans son Journal du 24
décembre.
Au mois d'avril de cette même année ce fut le 12e anniversaire
du commencement de son jeûne. Elle entendit de Jésus ces paroles
:
« Ma fille, Je t'ai placée dans le monde et Je fais en
sorte que tu vives uniquement de Moi pour prouver au monde ce que peut
l'Eucharistie, ce qu'est Ma vie dans les âmes: lu-mière et
salut pour l’humanité » — elle ne vivait que de la Communion
quotidienne
Le jeûne la faisait souffrir: la nostalgie de l'aliment solide.
Mais Alexandrina souffrait bien davantage d'un autre genre de faim: la
faim que le monde avait de ses souffrances de victime pour se sau-ver et
la faim d'âmes dont souffrait Jésus.
Jésus lui ayant souvent dit que sa souffrance sauvait les âmes,
les alimentaient et en même temps leurs donnaient vie, Alexandrina
avait donc l'impression d'être avidement dévorée par
les pécheurs.
C'est très impressionnant et en même temps très
claire ce qui se lit dans une lettre écrite au Père Pinho
le 12 décembre :
« Nouveau martyre pour mon âme. Elle est comme une tige
effeuillée; à ses fibres sanguinolentes ils viennent sucer
tout mon être, tout mon sang et s'accrochent à ces fibres:
il s'agit pourtant d'un être qui a la taille du monde, mais ils arrivent
en bandes, ils sont très nombreux. Mais ce quel-qu'un qui représente
le monde et les autres qui se présen-tent en bandes ont des mains
avec des griffes, des yeux ha-gards, des cheveux en désordre, ce
sont des affamés, insa-tiables, ce sont de vrais squelettes.
Je n'ai plus de sang, je n'ai plus rien à leur donner. L'âme
se fatigue et meurt de faiblesse.
Mais celle-ci aussi a une faim infinie, ce qui vient augmen-ter le
tourment de mon corps. Cette faim de l'âme est cau-sée par
la nostalgie de l'alimentation: j'ai la nostalgie de tous les aliments,
de tous; et même quand je me sens ras-sasiée, je sens un vide
que seul le monde pourrait remplir...
Jésus, lors d'une extase me dit que ce que je ressens dans mon
âme c'est le monde, ce sont les âmes qui voient déjà
les peines de l'enfer, qui s’agrippent aux fibres de mon âme afin
de sucer tout mon sang pour éviter de se perdre. Et quelle faim
infinie est la Sienne » (faim d'âmes).
1er octobre — premier vendredi du mois, après la Passion, Jésus
lui apparut. De ses plaies sortaient des rayons de lumière, lesquels
allaient frapper les plaies de ses pieds, des ses mains et de son cœur.
Elle entends Jésus lui dire :
« Comme Je l'ai demandé à Marguerite-Marie [Alacoque],
Je veux que toi, à ton tour, tu fasses se développer dans
le monde cet amour éteint dans le cœur des hommes... Fais, ô
mon épouse, fais que se propage dans le monde entier cet amour de
nos Cœurs ». (de Jésus et Marie).
Pendant cette dernière période de sa vie, elle expia
de façon parti-culièrement douloureuse les péchés
contre la foi et contre l'espé-rance, bien qu'elle fût tourmentée
par les doutes sur la foi jusqu'en 1939.
1955
7 janvier — Jésus lui fit comprendre qu'elle mourrait en cette
an-née.
28 janvier — Jésus lui dit : « Tu es inscrite au nombre
de mes saints. »
4 février — le Père éternel lui dit : «
Tu es notre fille bien-aimée, sur laquelle étaient posés
nos regards. »
6 mai — La Vierge Immaculée lui dit : « Bientôt,
je vais venir te chercher ! »
Le secrétaire de l'Archevêque de Braga, le Père
Sebastião Cruz qui la compris fort bien, la visita souvent en cette
période, pour la ré-conforter.
La lutte pour la foi continua toujours intensément.
Dans son dernier Journal, le 2 septembre l'on peut lire :
« Dans une angoisse lancinante je répétais mes
actes de foi : “Je crois, Jésus, je crois que c'est pour moi que
vous êtes né, que c'est pour moi votre Jardin des Oliviers,
votre Calvaire. Je crois, je crois, Jésus, je crois !”
Mon abîme était noir et si profond que seul Dieu pouvait
y pénétrer: c'est que fit Jésus. Il est descendu jusqu'à
mes profondeurs, ramena à la superficie mon pauvre être et
l'illumina avec quelques rayons de Sa lumière.
“Viens ici, Ma fille, lumière et flambeau du monde ! Toi qui
es ténèbre inégalable, tu es lumière qui brille,
phare que tout illumine: la ténèbre est pour toi, la lumière,
elle est pour les âmes.
Viens ici, lumière dont Je suis la source, phare dont Je suis
le phare”. »
13 octobre — très doucement, le sourire aux lèvres, Alexandrina
Maria remit son âme entre les mains de l’Époux tant aimé.
Elle avait demandé à Jésus, de mourir, si possible
un jeudi, jour de l’Eucharistie ; mais elle aurait aimé mourir,
pareillement en un jour consacré à la Sainte Vierge. Le Seigneur
a comblé ses deux sou-haits. En effet, le 13 octobre 1955 était
un jeudi et, en même temps, l’anniversaire de la dernière
apparition de la Sainte Vierge à Fatima.
CHRONOLOGIE DU “PROCES DE BEATIFICATION”
1965
Le Père Umberto Pasquale, salésien, deuxième directeur
spirituel d’Alexandrina, invité par l’archevêque de Braga,
met en branle le procès diocésain, sur les vertus et la réputation
de sainteté d’Alexandrina.
1966
Tous les écrits d’Alexandrina sont recueillis, envoyés
par un grand nombre de destinataires.
1967
Ouverture du procès diocésain sur tous les écrits.
Les témoins, au nombre de 48, commencent à être interrogés.
1973
En présence du Postulateur Salésien, on procède
à la clôture du procès diocésain. — Le 21 mai,
la Sacrée Congrégation pour la cause des Saints, procède
à l’ouverture des deux caisses contenant tous les documents recueillis.
1974
26 mars, le premier théologien, chargé par le Saint-Siège,
donne un avis favorable sur les écrits de la Servante de Dieu.
1976
30 novembre, avis favorable donné par le deuxième théologien.
1977
La Sacrée Congrégation pour la Doctrine de la Foi donne
son “Nihil obstat” pour la suite de la cause.
1978
18 juillet, les restes mortels d’Alexandrina sont transférés
du ci-metière et déposés dans une chapelle aménagée
à cet effet, dans l’église paroissiale de Balasar.
La Sacrée Congrégation pour la cause des Saints, par
un décret, approuve les écrits de la Servante de Dieu.
Au mois de septembre, la Postulation publie le “Summarium”, où
sont consignés tous les récits des témoignages recueillis
lors du procès diocésain.
1979
Des “Lettres Postulatoires” sont demandées aux Cardinaux et
Évê-ques, à la Conférence Épiscopale
du Portugal et à d’éminentes per-sonnalités de l’Église
pour demander au Saint-Père la béatification Alexandrina
Maria da Costa.
1983
31 janvier signature du décret d’introduction de la cause de
béati-fication auprès de la Sacrée Congrégation
pour la cause des Saints.
1991
8 janvier, présentation officiellement, à la Sacrée
Congrégation pour la cause des Saints, par le Rapporteur, d’un gros
volume ap-pelé “Positio super virtutibus”. Dans celui-ci, sont recueillis
tous les documents afin que puisse être déclarée l’héroïcité
des vertus de la Servante de Dieu.
1996
12 janvier, l’héroïcité de ses vertus est reconnue,
d’où le titre de “Vénérable” accordé à
Alexandrina Maria.
2004
25 avril, béatification à Saint-Pierre de Rome par le
Pape Jean-Paul II.
Tome 1
Premiers souvenirs
Après quelques moments de prière, implorant le secours
du ciel et la lumière de l’Esprit Saint, afin de pouvoir faire ce
que mon direc-teur spirituel m’a ordonné, je commence à écrire
ma vie, telle que Notre Seigneur me la rappellera, bien que cela soit pour
moi bien pénible.
Je m’appelle Alexandrina Maria da Costa. Je suis née à
Balasar — arrondissement de Póvoa de Varzim, district de Porto —
le 30 mars 1904.
J’ai été baptisée le samedi suivant, 2 avril.
Mon oncle Joaquim da Costa et une dame prénommée Alexandrina,
de Gondifelos, ont été mes parrain et marraine.
Je trouve en moi, depuis ma plus tendre enfance, tant de défauts,
tant et tant de méchancetés qui, comme celles d’aujourd’hui,
me font trembler. J’aurais bien aimé que, depuis le début,
ma vie ait été pleine de beauté et d’amour envers
Notre Seigneur.
Avant l’âge de trois ans, je ne me souviens de rien, si ce n’est
que quelques bribes racontées par les miens. À l’âge
de trois ans, j’ai eu la première “caresse” de Jésus.
Je devais rester tranquille auprès de ma mère qui se
reposait, mais, bouillonnante comme j’étais, je ne voulais pas dormir,
alors je me suis levée. Ensuite je me suis penchée vers un
flacon de produit pour les cheveux, comme on utilisait alors: je voulais
imiter les grands. À ce moment-là, ma mère s’est réveillée
et m’ayant appe-lée angoissée, j’ai pris peur. Le flacon
m’est tombé des mains et s’est fracassé par terre en mil
morceaux; et moi, je suis tombée par-dessus, me blessant gravement
au visage. Immédiatement transportée chez le médecin,
celui-ci a déclaré ne rien pouvoir faire pour moi. Ma mère
m’a conduite alors à Viatodos, chez un pharma-cien fameux
qui m’a posé trois points de suture. J’ai beaucoup souffert: si
seulement j’avais su à ce moment-là profiter de la dou-leur
! Mais non ! Au contraire, j’ai même été méchante
envers le pharmacien, refusant les biscuits trempés dans le vin
qu’il m’offrait pour me calmer. Voila mon premier acte de méchanceté.
Vers quatre ans, j’aimais m’attarder à contempler la voûte
du ciel. Plus d’une fois j’ai demandé aux miens s’il n’était
pas possible, en empilant les maisons et les auberges, les unes sur les
autres d’arriver au ciel. À leur réponse négative,
j’éprouvais une grande tristesse et une grande nostalgie. Je ne
sais pas ce qui m’attirait là-haut.
À cette même époque, l’une de mes tantes qui est
décédée par suite d’un cancer, habitait avec nous.
Déjà malade, elle me deman-dait de surveiller son enfant,
premier fruit de son mariage. Volon-tiers, je lui rendais ce service, de
jour comme de nuit.
De la même façon, j’aimais me joindre à sa prière
pour obtenir de Dieu sa guérison.
Espiègle
Lorsque, âgée de cinq ans, j’ai commencé à
fréquenter le caté-chisme, un grand défaut est apparu
: mon entêtement. Un jour je suis allée au catéchisme
et le coadjuteur de monsieur l’Abbé, le Père António
Matias m’a assigné une place parmi les enfants de mon âge,
mais moi, je voulais aller parmi les plus grands, avec les-quels j’avais
l’habitude de jouer. Malgré l’insistance et les promes-ses du Révérend,
je n’ai pas cédé. Quelques jours plus tard, le Père
finit par me convaincre et est devenu mon ami ; il m’abritait même
de la pluie, de chez moi à l’église et de l’église
à chez moi. Mais ce qui est certain c’est que j’était très
têtue. .
À l’église, je restais volontiers à regarder les
statues. Elles m’attiraient; tout particulièrement celles de Notre-Dame
du Rosaire et de saint Joseph. Leur habillement somptueux éveillait
en moi le désir d’être élégante comme eux, pour
paraître bien. N’était-ce pas là une preuve de ma vanité
? Je voulais avoir, moi aussi, d’aussi beaux habits, pour paraître
belle.
En même temps que ces défauts, j’exprimais, vers ce même
âge, mon amour envers la Maman du ciel : je chantais avec enthou-siasme
ses louanges et j’apportais des fleurs aux dames qui avaient la charge
de fleurir son autel.
J’étais tellement vive, qu’on m’appelait « Marie-garçon
». Je domi-nais non seulement les filles de mon âge, mais aussi
les plus âgées.
Je grimpais aux arbres et je marchais de préférence sur
les murs que sur la route .
J’aimais bien travailler : je faisais le ménage, je ramassais
le bois et je faisais d’autres travaux domestiques ; j’aimais bien que
le travail soit bien fait et j’aimais aussi être habillée
proprement.
Un jour, alors que j’étais dans un pâturage, avec ma sœur
Deolinda et une cousine, un âne s’est sauvé dans
un champ cultivé. J’ai couru le chercher, mais, avec un coup de
tête, il m’a jetée par terre, et avec sa pâte il a commencé
à me gratter la poitrine, comme s’il voulait jouer. Il a répété
son jeu plusieurs fois, mais ne m’a fait aucun mal. Mes compagnes se sont
mises à crier : très vite plusieurs personnes sont accourues
et sont restées étonnées de me voir saine et sauve.
Quand je rencontrais certaines de mes cousines qui habitaient loin
de là, je chantais avec elles, sur les chemins, l’Avé Maria.
J’aimais aussi chanter des chants populaires et, je me souviens encore
du premier que j’ai chanté et qui disait ceci :
O Marie, donne-moi du feu
Car je le vois d’ici briller
Laisse échapper ton amour
Je l’ai vu en toi rentrer.
Une autre fois, avec ma sœur Deolinda, nous sommes allées rendre
visite à ma marraine. Pour arriver plus vite, nous avons décidé
de traverser la rivière Este, en sautant sur les pierres qu’y avaient
été mises à cet effet. Mais la force du courent était
telle, que les pierres ont roulé sous nos pieds. Tombées
à l’eau, nous ne nous sommes sauvées que par miracle.
J’aimais beaucoup visiter ma marraine, parce que, à chaque fois,
elle me donnait de l’argent. Peu après elle est décédée
et ce fut là mon premier chagrin. Je la regrettais, mais je regrettais
aussi le gâteau de Pâque et les habits qu’elle m’avait promis
pour mes sept ans. Ma grand-mère la suppléa et chaque année
m’offrait un gâ-teau à Paque.
Agée de six ans, il m’arrivait de rester, la nuit, de longs
moments, à voir tomber sur moi des milliers de pétales des
fleurs multicolores : ont dirait une pluie fine. Ceci se répéta
plusieurs fois. Je voyais tomber ces pétales, mais je ne comprenais
pas ; peut-être étai-ce Jésus qui m’invitait à
contempler ses grandeurs.
Première communion
En janvier 1911, avec ma sœur, nous avons été envoyées
à Póvoa de Varzim, afin de pouvoir fréquenter
l’école . La pensée de ce que cela m’a coûté
de quitter ma famille me répugne. Pendant long-temps, j’ai beaucoup
pleuré. Pour me distraire, on me comblait de caresses et on cédait
à tous mes caprices. Après un certain temps, je me suis résignée.
J’ai, toutefois, continué à être gamine : je m’agrippais
derrière les tramways, pour de longs parcours; je tra-versais la
route au moment où ceux-ci démarraient : les conduc-teurs
ont été obligés de se plaindre à ma nourrice.
Souvent je m’enfuyais de la maison pour aller sur la plage ramasser les
algues: je pénétrais dans l’eau comme les pêcheurs.
Ce qui affligeait le plus ma nourrice, c’était que je m’absentais
en cachette.
À Póvoa de Varzim j’ai fait ma première communion.
Le Père Alvaro Matos m’a examinée sur le catéchisme,
m’a confessée et m’a donné la Communion pour la première
fois. J’avais alors 7 ans. Comme prix j’ai reçu un beau chapelet
et une image pieuse. J’ai communié à genoux et, malgré
ma petite taille, j’ai pu fixer la sainte Hostie, de telle manière
qu’elle s’est imprimée en mon âme. J’ai cru alors m’unir à
Jésus pour ne plus être séparée de Lui. Il a
pris possession de mon cœur, ce me semble. La joie que je ressentais était
inex-primable. À tous j’annonçais la bonne nouvelle. Ma maîtresse,
dé-sormais, me menait chaque jour à la communion.
Ce fut à Vila do Conde, que j’ai reçu, des mains
de Son Excellence l’Évêque de Porto, le sacrement de
Confirmation. Je me souviens, très bien, de cette cérémonie
et de la joie qu’elle m’a procurée. Au moment où je recevais
ce sacrement, je ne sais pas bien expliquer ce que j’ai ressenti: on dirait
une grâce surnaturelle qui me trans-formait et qui m’unissait plus
profondément à Notre-Seigneur. Je voudrais bien expliquer
tout cela, mais je ne le sais pas.
Quelques souvenirs de Póvoa
Au four et à mesure que je grandissais, le désir de prier
augmentait en moi. Je voulais tout apprendre. Encore aujourd’hui je garde
le livret de prières et de dévotions de mon enfance: prières
à la Sainte Vierge, offrande quotidienne au Seigneur de mes actes
jour-naliers, prière à l’Ange gardien, à saint Joseph,
et plusieurs prières jaculatoires.
Quand je sortais en promenade avec ma nourrice et avec d’autres enfants,
je m’éloignais pour cueillir des fleurs que j’allais ensuite déposer
dans la chapelle de Notre-Dame des Douleurs.
Au mois de mai, je me réjouissais à contempler les autels
de la Vierge, ornés de fleurs et heureuse aussi, quand ma mère
m’y conduisait dans ce but.
Le chapelain de l’église de Notre-Dame des Douleurs organisait
des comités d’enfants pour le culte envers Marie. Dans le village,
des voisines s’occupaient de recueillir des denrées alimentaires
. Je me souviens qu’un jour, à Aguçadoura, on nous a donné
très peu. Nous avons eu alors la malheureuse idée d’entrer
dans un champ de pommes de terre: nous y avons cueilli presque deux kilos.
J’aimais beaucoup ma nourrice. Quand je recevais quelque présent,
je lui en rendais toujours compte, pour lui faire plaisir: je le faisais
de tout cœur, malgré que je sois bien méchante.
Un jour, ma sœur lui a demandé d’aller faire ses devoirs chez
une copine et moi, je me suis entêtée à la suivre.
La dame s'y opposant formellement, j’ai pleuré de dépit et
je l’ai gratifiée d’un sobriquet. Elle ne m’a pas punie, mais elle
m’a prévenue que je ne pourrais pas aller me confesser sans lui
avoir, auparavant, demandé pardon. Ma sœur aussi m’a dit la même
chose. Lui demander pardon, me coûtait beaucoup, mais le désir
de me confesser et de faire la Communion était si grand, qu’il a
pris le dessus sur mon orgueil. Je me suis agenouillée devant elle
et elle m’a pardonné, les larmes aux yeux. J’ai éprouvé
une très grande joie du fait de pouvoir aller me confesser et de
recevoir Jésus.
Pour cette même période, je me souviens aussi du respect
que j’avais vis à vis des prêtres. Quand, étant assise
sur le pas de la porte, seule ou accompagnée, je voyais passer l’un
d’eux, je me le-vais pour lui demander sa bénédiction. Ayant
remarqué que certai-nes personnes s’en étonnaient, ce qui
me réjouissait, je m’asseyais exprès, afin de pouvoir me
relever aussitôt qu’un ministre du Sei-gneur passait par là,
lui montrant ainsi ma vénération envers eux.
Retour au village natal
Après 18 mois, ma sœur ayant obtenu son diplôme, nous
avons quitté Póvoa. Ma mère voulait que je continue
ma scolarité, mais je n’ai pas voulu rester toute seule. Je n’avais
pas appris grand chose.
Nous sommes retournées, pour quatre mois encore, habiter Gresu-fes,
où je suis née. Ensuite, nous sommes venues habiter plus
près de l’église, dans une maison appartenant à ma
mère, au lieu-dit “Calvário”
Vers les neuf ans, quand je me levais de bonne heure pour les tra-vaux
des champs et que je pouvais être seule, je m’extasiais à
contempler la nature: l’aurore, le lever du soleil, le chant des oi-seaux,
le gargouillement de l’eau me pénétraient et me transpor-taient
à une si profonde contemplation qu’un peu plus j’oubliais que je
vivais dans le monde. Je restais là, absorbée par cette pensée:
combien grand est le pouvoir de Dieu !
Lorsque je me trouvais au bord de la mer, je m’extasiais devant cette
grandeur infinie.
La nuit, en contemplant le ciel et les étoiles, je me perdais
dans l’admiration des beautés du Créateur.
Combien de fois, dans mon petit jardin, j’admirais le ciel, j'écoutais
le murmure de l’eau et je pénétrais chaque fois davantage
dans l’abîme des grandeurs divines !
Quel dommage que je n’ai pas su profiter de ces moments-là pour
m’adonner à la méditation.
Malgré mon espièglerie, j’avais une très grande
peur de perdre mon innocence et de m’attirer la désapprobation de
Dieu. Je me sou-viens d’avoir dit deux paroles que j’ai considérées
comme étant un péché: j’en ai eu honte et, il m’a
été très pénible de les confesser.
Je n’aimais pas les conversations malicieuses. Même si je n’en
com-prenais pas le sens, je menaçais de ne plus accompagner ceux
qui ne seraient pas corrects. De la même façon, je m’indignais
quand je voyais quelque geste déplacé.
« En enfer, moi je n’irai pas !... »
À l’âge de neuf ans, j’ai fait ma première confession
générale à frère Manuel das Santas Chagas qui
prêchait à Gondifelos. Moi, Deolinda et ma cousine Olívia,
ayant pris quelques victuailles, nous y sommes allées, et nous y
sommes restées toute l’après-midi pour écouter le
sermon. Je me souviens que nous ne sommes même pas sorties de l’église
pour aller jouer. Nous avons pris place tout près de l'autel du
Sacré-Cœur de Jésus, j'ai placé mes sabots à
l'inté-rieur de la balustrade.
Le sermon avait pour sujet l’enfer.
J'ai écouté avec beaucoup d'attention le prédicateur
qui, à un cer-tain moment, nous invita à nous transporter,
par la pensée, en ce lieu. Incapable de comprendre le vrai sens
de cette invitation et, persuadée que le Père était
un saint, je suis restée convaincue, que d'un moment à l'autre,
il nous y amènerait. Placée en face de cette conjecture,
je me suis révoltée et me dis à moi-même: “en
enfer, moi je n'irai pas ! Si le Père et tous les autres veulent
y aller, moi, je prends mes jambes à mon coup et je m'échappe
promptement”.
Et, sans plus attendre, j'ai ramassé mes sabots afin d'être
prête à fuir à la première alerte. Quand j'ai
remarqué que personne ne bougeait, alors je me suis un peu calmée...
Mais, mes sabots, je ne les ait plus quitté des yeux...
« J’adorais faire des farces !... »
J’aimais beaucoup ma sœur, mais quand je me fâchais avec elle,
je lui jetais tout ce qui se trouvait à portée de main. Je
me souviens de l’avoir fait deux fois et je me suis senti un devoir de
le confes-ser.
J’adorais lui faire des farces. Quelques fois, me levant avant elle,
je mettais des pièges sur le pas de la porte, pour la faire tomber,
comme pour lui dire qu’elle était paresseuse.
Je lui ai même fait de farces de mauvais goût. Un jour,
ayant sou-levé le couvercle d’un bahut, je l’ai laissé tombé,
avec un grand fra-cas et, ensuite, je me suis mise à crier, comme
si je m’étais coincée les mains. Deolinda est venue aussitôt,
effrayée et angoissée... Moi, je rigolais de bon cœur.
Dans le cocon familial, j’étais le boute-en-train. Ma mère
avait l’habitude de dire, à ce sujet: “Les riches ont leurs bouffons;
je ne suis pas riche, mais j’en ai un aussi”.
À l’âge de douze ans, Deolinda a commencé son cours
de coutu-rière. La première pièce confectionnée,
a été une chemise pour moi ; mais, par sa taille, ont dirait
plutôt une chemise de garçon. Moi, malgré mes neuf
ans, je me suis moquée d’elle. J’ai enfilé la che-mise sur
mes habits et je me suis rendue à la maison. Ma sœur, riant à
tout rompre, me suppliait :
— “Enlève cette chemise ! T’as pas honte de te donner en spectacle
de cette manière ?”
Je n’en ai pas tenu compte et... riant, moi aussi, j’ai parcouru les
quelques cinq cents mètres qui me séparaient de la maison.
Par un bel après-midi, je suis partie me promener, avec mes
cousi-nes, sur une petite colline non loin de chez moi, où se trouvaient
quelques ânes qui broutaient tranquillement. Ne sachant même
pas monter à cheval, je me suis hasardée à sauter
sur la croupe de l’un d’eux. Quelques instants après, je suis tombée
sur un gros tas de ronces, mais heureusement ne m’étant pas blessée,
nous avons toutes bien rigolé.
À l’âge de 16 ans, déjà malade, je suis
allée à la maison où ma sœur faisait la couture. Ayant
trouvé, suspendu, un habit d’homme, je l’ai enfilé et, dans
cet accoutrement, je me suis présentée devant ma sœur et
sa patronne. Elles ont rigolé de bon cœur. La patronne me suggéra
de sortir dans le chemin — ou ses enfants et son mari se trouvaient, pour
tailler la vigne — habillée de la sorte. Doutant qu’ils puissent
me reconnaître, j’ai obéi. En passant tout près d’eux,
je les ai salués, en leur tirant mon chapeau. Pendant quelques ins-tants,
ils ont arrêté leur travail et m’ont observée un moment,
se demandant: — “Mais qui est donc ce jeune homme ?” — Ma sœur et sa patronne,
de la fenêtre, suivaient la scène, en riant aux éclats.
En me souvenant maintenant de ces pitreries, je regrette de les avoir
commises. Il aurait mieux valut aimer davantage le bon Dieu.
Charité envers les nécessiteux
Quand j’apprenais que quelqu’un n’avais pas de quoi se couvrir suffisamment,
je demandais à ma mère de m’en fournir le néces-saire
à cet effet.
Souvent j’allais tenir compagnie à ceux qui souffraient.
J’ai assisté à la mort de certains, priant comme je le
savais.
J’aidais à habiller les défunts, même si cela me
coûtait beaucoup ; je le faisais par charité. Je n’avais pas
le courage de laisser les pa-rents du défunt tout seuls. Je leur
rendais volontiers ces services, les voyant si pauvres.
Je me souviens de quelques cas.
Je suis allée visiter un homme malade. Je l’ai trouvé
recouvert de haillons. Aussitôt j’ai couru chez moi et j’ai demandé
à ma mère deux couvertures. Elle me les prêta volontiers.
Je les ai emportées et je suis restée pour tenir compagnie
à la fille du malade, lequel a vécu encore douze jours.
Une fille est venue, un jour nous informer que l’une de ses voisines
était sur le point de mourir. Ma sœur a pris son livre de prières,
de l’eau bénite et s’en est allée rapidement chez la malade.
Deux de ses élèves l’accompagnaient. Deolinda a commencé
la prière pour obtenir une bonne mort. Elle était si émotionnée,
qu’elle tremblait. Les prières terminées, la dame est décédée.
Alors Deolinda nous a dit :
— J’ai fait ce que j’ai pu; je suis incapable d’en faire davantage.
— Et elle est partie.
À ce moment-là, une parente arrivait. J’ai observé
la fille de la dé-funte et je n’ai pas eu le courage de la laisser
toute seule. Je suis restée pour l’aider à laver et à
habiller la dépouille mortelle qui était couverte de plaies
et exhalait une odeur répugnante. Je sentais que d’un moment à
l’autre j’allais vomir. Une dame qui nous observait de la chambre voisine,
a remarqué mon malaise et est sortie dans le jardin chercher quelques
feuilles parfumées pour me les faire sentir. Je n’en suis repartie
que quand la défunte a été bien instal-lée
dans son lit.
Je devais avoir 11 ou 12 ans lorsque l’un de mes oncles, qui habi-tait
le lieu-dit de Sainte-Eulalie, a été atteint de la
fièvre espa-gnole. Ma grand-mère, puis ma mère se
sont relayées pour le se-courir, mais elles aussi ont été
atteintes par la maladie. Alors, en-core que bien jeune, j’y suis allée
avec ma sœur.
Une nuit, mon oncle est mort. Nous y sommes restées jusqu’à
la Messe du septième jour.
Une fois, il a fallu aller chercher du riz, mais en traversant la cham-bre
où se trouvait le corps de mon oncle. Arrivée au seuil de
la porte, la peur m’a envahie; je n’ai pas eu le courage d’y entrer; il
a fallu que ma grand-mère m’accompagne. L’autre soir j’ai été
char-gée de fermer la fenêtre de cette même chambre.
Arrivée dans la salle contiguë de celle-ci, je me suis encouragée
moi-même, me di-sant : — “Je dois vaincre la peur.” — Et, ce disant,
en marchand doucement, j’ai ouvert la porte et je me suis rendue dans la
cham-bre où se trouvait la dépouille de mon oncle. Depuis
lors, je n’ai plus jamais eu peur: j’avais vaincu de ma peur.
J’aimais beaucoup faire l’aumône aux pauvres. Combien de fois
j’ai pleuré, parce que impuissante à les aider selon leurs
besoins! Je me sentais heureuse de me priver de ma propre alimentation,
pour eux.
Malgré ma jeunesse, il m’arrivait souvent de donner des conseils
à de plus âgés que moi . Je les réconfortaient
comme je le savais, obtenant que certains ne commettent pas le mal
. Des confidences qui m’étaient faites, j’ai toujours gardé
le plus rigoureux secret.
Je me sens pleine de reconnaissance envers le Seigneur. C’est à
Lui que je dois ce comportement.
Dévotions à Jésus
Je ne passais pas un jour sans prier, que ce soit à l’église,
à la mai-son ou sur la route.
Je faisais toujours ma communion spirituelle de la façon suivante
:
— O mon Jésus, venez dans mon pauvre cœur ! Je Vous désire
: ne tardez pas. Venez m’enrichir de Vos grâces, augmentez en moi
vo-tre saint et divin amour. Unissez-moi à Vous ! Cachez-moi dans
votre Côté sacré ! Je n’aime que Vous. Je n’aime que
Vous, je ne veux que Vous, je ne désire que Vous. Je vous rends
grâce, Père éternel, pour nous avoir donné Jésus
au très Saint-Sacrement. Je vous remercie, mon Jésus, et,
enfin, je Vous demande votre sainte bénédiction.
Loué soit à tout instant, Jésus au très
Saint-Sacrement !
J’aimais beaucoup faire la méditation sur le très Saint-Sacrement
et sur la Sainte Vierge. Quand je ne pouvais pas la faire de jour, je la
faisais de nuit, à l’insu de tous, en allument une bougie que j’avais
cachée à cet effet.
La vie des saints et les méditations très profondes ne
me satisfai-saient pas, parce que je me rendais compte que je ne ressemblais
en rien aux saints; au lieu de me faire du bien, elles me faisaient du
mal.
En 1916 je suis tombée si gravement malade, que les derniers
sa-crements m’ont été administrés. Je me suis préparée
à la mort avec beaucoup de sérénité. Un jour
où la fièvre était montée assez haut, j’ai
déliré, mais je me souviens d’avoir demandé à
ma mère que l’on me donne Jésus. Elle a pris le crucifix
et me l’a présenté.
— “Ce n’est pas celui-ci que je veux: je veux Jésus Eucharistique
!”
À l’âge de douze ans, j’ai été admise à
l’école des catéchistes et à la chorale. Pour le chant
j’avais une vraie passion. Mais, malgré ce-la, je travaillais avec
beaucoup de satisfaction à l’école de caté-chisme
.
Quand je communiais et que je me trouvais au milieu de mes com-pagnes
pour l’action de grâces, je me sentais toute petite et la plus indigne
pour recevoir Jésus Eucharistique.
« J’étais assez forte... »
J’étais assez forte. Je me souviens qu’un jour, un homme se
ventait devant quelques jeunes filles d’être très robuste.
Je me suis lancée contre lui, qui ne s’y attendait pas, et je l’ai
attrapé et mis par terre. Il s’est mis à crier pour que je
le laisse. Je l’ai roulé par terre et je ne l’ai laissé que
quand j’ai bien voulu: mon but était unique-ment celui d’obtenir
que lui, étant un homme, puisse montrer la force dont il se ventait.
Vers les 13 ans j’ai du gifler lourdement un homme qui m’avait adressé
des paroles indécentes.
De 12 à 14 ans, j’ai bénéficié d’une excellente
santé. Je travaillais dans les champs et je gagnais autant que ma
mère.
Une fois, en cueillant sur un arbre, des feuilles pour donner à
man-ger aux bêtes, je suis tombée. Je suis restée quelques
instants sans pouvoir respirer et sans pouvoir bouger; peu après,
je me suis rele-vée et je me suis remise au travail.
Vers les 12 ou 13 ans, j’ai été placée par ma
mère au service d’un voisin, mais avec ces conditions : possibilité
d’aller me confesser tous les mois; possibilité, les dimanches après-midi,
de venir à la maison afin de pouvoir assister aux cérémonies
religieuses; prohibi-tion absolue de me laisser sortir le soir. Le contrat
était valable pour cinq mois, mais je ne l’ai pas terminé.
Le patron était un geôlier : il me gratifiait de sobriquets
péjoratifs, m’obligeait à un travail supé-rieur à
mes forces. C’était un homme impatient, cruel avec les ani-maux.
Il m’humiliait devant tout le monde. Cette triste vie sapait la joie de
ma jeunesse.
Un certain après-midi, il m’a envoyée au moulin, où
je suis arrivée en début de soirée; à mon retour,
il faisait déjà noir, car il fallait une heure de route.
Il m’a réprimandée durement, et m’a traitée de voleuse.
Son père, déjà âgé, a pris ma défense.
Comme chaque soir je revenais chez moi, cette fois-là, assez peinée
parce que ma conscience ne me reprochait rien, je me suis plainte à
ma mère. Elle s’en est informée et, voyant que le contrat
n’était pas respecté, m’a retirée de son service,
malgré l’insistance de mon patron.
Une fois, à Póvoa de Varzim, ce même patron m’avait
laissée, de 22 heures jusqu’à 4 heures du matin, à
surveiller quatre paires de bœufs, pendant que lui et l’un de ses amis
étaient partis, je ne sais où. Remplie de peur, j’ai passé
ainsi ces tristes heures de la nuit. J’ai eu pour compagnes les étoiles
du ciel qui brillaient de tout leur éclat.
« Un rêve que je n’ai pas oublié »
Une nuit, une lampe à pétrole à la main, j’allais
de la cuisine vers la chambre. Ma lampe s’est éteinte. Je l’ai rallumée
plusieurs fois et autant de fois elle s’est éteinte, alors qu’il
n’y avait aucun courant d’air. Quand j’ai voulu la rallumer, pour la dernière
fois, en remuant le pétrole, elle m’a glissé des mains, en
renversant le liquide qui m’a aspergé le visage et m’a laissé
aux lèvres le mauvais goût du pétrole. J’ai pensé
que quelque petit diable s’amusait ainsi et, alors j’ai dit :
— “Tu peux t’en aller, car avec moi tu n’as rien à faire”.
Je me suis couchée tranquillement, je me suis endormie et j’ai
fait un rêve qui est resté imprimé dans mon âme
:
Je suis montée au Paradis au moyen d’une échelle dont
les bar-reaux, eux, étaient tellement étroits qu'il était
très difficile d'y po-ser le pied. Je suis arrivée en haut
avec beaucoup de difficulté, car je n’avais aucun point d'appui.
Pendant que je montais, j’ai vu, à côté de cette échelle,
quelques âmes qui m'encourageaient en si-lence.
Arrivée au sommet j’ai vu sur un trône le Seigneur, et,
à côté de Lui, la Vierge Marie. Le ciel était
rempli de saints. Après cette vi-sion, à contre cœur, je
devais revenir sur la terre. Je suis descen-due facilement. Tout a disparu
et je me suis réveillée.
JEUNESSE
Le saut par la fenêtre
Un jour, alors qu'avec ma sœur et une autre fille plus âgée
que nous, nous travaillions à la couture, nous avons aperçu
trois indivi-dus venant dans notre direction. Deolinda, comme si elle pressen-tait
quelque chose, m'a dit de fermer la porte du salon. Quelques instants après,
nous avons entendu des pas dans les escaliers et ensuite quelqu'un frapper
à la porte.
— Qui est là ? — a demandé ma sœur. Et l'un d’eux, qui
avait été mon patron, nous a demandés d'ouvrir, sans
plus.
— Il n'y a pas de travail pour vous ici, donc, pas question d'ouvrir,
— a rétorqué Deolinda.
Après quelques instants de silence, nous avons entendu que le
même individu montait par l'échelle qui de l'étable,
par une trappe, donnait dans le salon. Effrayées, nous avons tiré
la machine à cou-dre sur cette trappe.
Le voyou, se rendant compte que la trappe était fermée,
a com-mencé à frapper de grands coups de marteau sur celle-ci,
jusqu'à soulever quelques planches et à pratiquer un passage,
par lequel il a pénétré dans le salon.
Deolinda, en voyant cela, a ouvert la porte et, est parvenue à
s'enfuir, bien que les autres deux qui dehors l'attendait, aient es-sayé
de la retenir, en tirant sur ses vêtements.
L'autre fille l'a suivie, mais ils l'ont attrapée.
Devant cette scène, je me suis vue perdue. J'ai regardé
autour de moi et, désespérément je me suis accrochée
à la fenêtre qui était ouverte et sans la moindre hésitation
j'ai sauté en bas, en tom-bant lourdement. J'ai voulu
me relever aussitôt, mais je ne le pou-vais pas; une douleur lancinante
traversait mon épine dorsale.
Nerveuse, dès que j'ai pu me relever, j'ai ramassé par
terre un pi-quet et je suis partie, pour essayer de défendre ma
sœur entouré par les deux plus âgés, tandis que notre
amie, dans le couloir, lut-tait avec le troisième. Je n'ai plus
pensé qu'à les défendre.
— Hors d'ici ! — a été mon premier cri.
Cela a été comme un éclair, le voyou qui se trouvait
dans le couloir, a pris peur et a laissé immédiatement la
jeune fille. C'est alors seulement, que je me suis rendu compte que j'avais
perdu une ba-gue en or, lors de la chute.
— Chiens ! À cause de vous j'ai perdu ma bague...
Tout de suite l'un d'eux, enlevant une bague de son doigt, me l'a présentée,
en disant :
— Tiens, prends celle-ci, ne te fâche pas contre moi...
— Je n'en veux pas ! — lui ai-je répondu, indignée —
débarrasse le plancher tout de suite... immédiatement !
Ils se sont retirés. Et nous, excitées et allaitantes,
nous sommes retournées à notre travail.
De tout ceci, moi et ma sœur, n'avons soufflé mot à personne,
afin d'éviter une tragédie. Toutefois ma mère, par
la suite, a fini par l'apprendre, de la bouche de notre amie.
Quelque temps après, j'ai commencé à souffrir
de plus en plus. Tous disaient que c’était à cause du saut
que j’ai fait en bas de la fenêtre. Même les médecins,
plus tard, ont confirmé que ce saut a dû contribuer à
aggraver mon infirmité.
Souffrances physiques et spirituelles
J’ai encore travaillé pendant quelques mois, même si avec
beau-coup de difficulté. Par la suite, j’ai été obligée
d’arrêter et, avec ré-pugnance, j’ai du me soumettre aux soins
des médecins qui m’ont diagnostiqué diverses maladies. Tous
avaient de la peine pour moi. J’ai souffert uniquement pour mes maux physiques,
mais ceci dura peu de temps.
Mes plus grands amis, les familiers et même Monsieur le Curé
se sont retournés contre moi : plusieurs personnes se moquaient
de mon allure, par la posture que, forcément, je prenais à
l’église. Monsieur l’abbé m’accusait de ne pas manager suffisamment
par caprice et menaçait que, si je mourrais, je serais damnée.
Lorsque je me confessais, il me disait que c’était celui-là
mon péché le plus grave. Combien j’en ai souffert! Je ne
me confiais qu’au Seigneur.
Lors du trajet, de la maison à l’église, j’avais l’habitude
de m’arrêter pour regarder les montagnes et j’étais quelques
fois, tentée de fuir dans un lieu où personne ne puisse me
voir. Ce n’est que par la grâce de Dieu que je ne l’ai pas fait.
Combien j’ai pleuré.
Je ne me souviens pas très bien de la durée de cette
période d’incompréhension; en tout cas, moins d’un an. Après,
étant donné que mon état empirait, Monsieur l’abbé
lui-même a conseillé à ma mère de m’accompagner
chez un médecin de sa connaissance. Ce fut lui qui m’a libérée
de mon martyre, en expliquant à ceux qui lui en posaient la question,
que je ne mangeais pas parce que je ne le pouvais pas. Même s’il
ne lui a pas été possible de se faire une idée exacte
de toutes mes souffrances, il s’est montré très compréhensif.
J’ai été libérée de cette souffrance, mais
le Seigneur m’en a donné une autre bien plus grande.
Seuls Jésus, et, quelque temps plus tard, mon directeur spirituel,
en ont eu connaissance.
J’ai passé six ans entre le lit et la couchette. Une fois, cinq
mois se sont passés sans que je puisse me lever, mais toujours dans
cette souffrance spirituelle, que j’ai dû supporter pendant près
de douze ans, sans jamais la révéler à personne.
Me trouvant seule, prisonnière de mon lit, je regardais en larmes,
le tableau du Sacré-Cœur de Jésus: je le suppliais de me
libérer de ce tourment et de me donner des lumières sur ce
que je devais faire. Je me recommandais aussi à la Maman du ciel
afin qu’elle intercède en ma faveur.
Prétendants
À l’âge de 16 ans, je suis allée à Póvoa,
en compagnie de Deolinda, pour une cure marine. Un jour, alors que je me
rendais à l’église, un militaire m’a abordée, m’adressant
des galanteries. Je me suis vite esquivée, mais, comme il ne me
lâchait pas, je lui ai dit d’attendre la fin de sa faction. Mon idée
était de changer de chemin et de pouvoir m’en libérer. Sortant
de l’église, très prudemment, et ne l’ayant pas vu, j’ai
repris le même chemin. A un certain moment, je l’ai trouvé
en face de moi, sans même savoir d’où il était venu.
— Mademoiselle, vous souvenez-vous de ce que vous m’avez pro-mis ?
Et, ce disant, il prétendait m’accompagner à la maison.
Je me suis arrêtée et j’ai été très franche
avec lui :
— Je suis malade et en plus... ma mère ne veut pas que j’aie
un fiancé !
Il n’en a pas été convaincu. Par chance, Deolinda est
arrivée. Croyant que je flirtais, elle m’a reprise sèchement.
Je ne suis plus jamais passée par ce chemin et tout s’est ainsi
terminé.
À un autre jeune qui me faisait allusion au mariage, j’ai répondu
:
— Je ne renonce ni à ma mère ni à Deolinda, pour
un homme.
Monsieur le Curé, ayant su que je plaisais à un jeune
homme, m’a dit un jour :
— Si tu veux, je peux m’occuper de la chose...
Je lui ai répondu :
— Dans ma situation, vous parait-il que je puisse me permettre de penser
à une pareille affaire ?
Pour dire vrai, je savais et je sentais que j’étais malade,
mais en plus, l’envie de contracter le mariage me manquait, même
si quel-ques fois je me disais que si j’étais mère, j’éduquerais
mes enfants très chrétiennement.
Au lit pour toujours...
En avril 1925, je suis allée au lit, pour toujours.
Plus personne ne me disait :
— Courage, tu te relèveras !
Le médecin João de Almeida, de Porto, a prévenu
ma mère qu’il craignait une telle paralysie.
Ma sœur, qui faisait de la couture, est devenue en plus mon infir-mière,
car maman travaillait dans les champs.
J’ai eu des moments de découragement, mais jamais de désespoir.
Rien ne me retenait à ce monde. J’éprouvais, malgré
tout, une certaine nostalgie de mon petit jardin, parce que les fleurs
me plai-saient. Mais, je pourrais encore les voir, quelques fois, dans
les bras de ma sœur.
J’avais un grand regret de ne plus pouvoir aller à l’église:
pour la fête du Sacré-Cœur, ou quand il y avait une Messe
chantée, je pleurais beaucoup. Ma sœur, qui faisait partie de la
chorale, me voyant les larmes aux yeux, me disait :
— S’il t’était possible d’aller à la messe, je te chargerais
volontiers sur mes épaules et je t’y emmènerais.
Et, elle aussi pleurait.
Mais, je m’étais accommodée à la volonté
du Seigneur.
Petit à petit, je me suis habituée à mon lit et
la nostalgie s’est dis-sipée. Pour me distraire, dans les premiers
temps, je jouais aux cartes avec quelqu’un, ou toute seule. Je regrette
de ne pas avoir, dès lors, les mêmes pensées que maintenant:
vivre unie à mon Dieu par l’esprit.
J’ai même fait des promesses pour obtenir la guérison.
Ma mère, ma sœur et mes cousines ont fait les mêmes promesses.
J’ai fini par comprendre que le Seigneur me voulait malade, c’est pourquoi
je ne lui ai plus demandé de guérir. Je suis arrivée,
plusieurs fois, très résignée, aux portes de la mort.
De la médecine, je n’ai d’autre soulagement que quelques piqûres
de morphine.
« Ma Petite-Maman du ciel »
Chaque année je célébrais le mois de Marie. Je
préférais le célébrer toute seule: je méditais,
chantais, pleurais en demandant à la Ma-man du ciel de me délivrer
de cette tribulation qui me faisait tant souffrir.
J’avais l’habitude de chanter le “Tantum ergo”, comme si j’étais
à l’église. N’ayant pas Jésus à
la maison, ni prêtre pour me donner la bénédiction,
je priais le Seigneur, que ce soit lui, du ciel et de ses tabernacles,
qui me la donne. Moments de bonheur! J’avais l’impression que toutes les
bénédictions et l’amour du Seigneur tombaient sur moi. Et
alors, je recueillais dans mon cœur toute ma famille et les personnes chères.
Dans les premières années de ma maladie, de la maison
de Mon-sieur le Curé, on m’apportait, au début du mois de
mai, une sta-tuette du Cœur de Marie qui, à regret, je restituais
à la fin du mois. C’est ainsi que j’ai pensé à en
acquérir une, mais, comme je n’en avais pas les moyens, j’ai été
aidée par diverses personnes. Une amie m’a même donné
quelques poulettes que Deolinda éleva jus-qu’à ce qu’elles
pondent et ensuite couvent; les poussins ayant été vendus
ensuite, j’ai pu acheter la statuette ainsi que le globe de verre. Je ne
sais pas exprimer la joie que j’ai ressentie à ce mo-ment-là:
avoir une Sainte Vierge à moi toute seule... pouvoir la contempler
nuit et jour !...
Demandes de guérison
J’ai été informée des miracles qui s’opéraient
à Fatima. En 1928, plusieurs personnes de la paroisse sont parties
en pèlerinage à la Cova da Iria. A cette occasion, même
moi, j’ai souhaité partir. Le Médecin et Monsieur le
Curé ne m’y ont pas autorisée, car le voyage était
long et moi, je ne supportais même pas que l’on me touche, étant
dans mon lit. Quelqu’un me conseilla de demander la guérison et
d’aller ensuite à Fatima, en action de grâces pour celle-ci.
Le Médecin me dit même que si le miracle s’accomplissait,
il té-moignerait sans la moindre hésitation.
Cette même année, Monsieur l’Abbé, qui était
allé, lui aussi à la Cova da Iria, m’a fait, au retour, cadeau
d’un chapelet, d’une mé-daille et du “Manuel du Pèlerin”,
tout en me conseillant de faire une neuvaine à Notre-Dame. J’en
ai fait plusieurs, tout en chantant les louanges mariales imprimées
dans le “Manuel” .
A ceux qui me visitaient, j’avais l’habitude de dire :
— Si un jour vous me revoyez dans les rues et m’entendez chanter, dites-le
à tous: c’est Alexandrina qui remercie Notre-Dame.
C’était ma foi en Jésus et Marie que me faisait parler
de la sorte.
D’autres fois, je pensais que si j’étais guérie, je me
ferais reli-gieuse, car je n’avais aucun attrait pour le monde; que je
ne re-tournerais plus revoir ma famille; que je me ferais missionnaire
afin de pouvoir baptiser beaucoup de noirs et de ramener beaucoup d’âmes
à Jésus.
N’ayant pas obtenu la guérison, j’ai compris que je me faisais
des illusions, et mes désirs de guérison ont disparu pour
toujours. J’ai commencé alors à ressentir de plus en plus
le besoin d’aimer la souffrance et de ne penser qu’à Jésus.
Offrande...
Un jour, alors que j’étais seule et que je pensais à
Jésus dans les tabernacles, je lui ai dit :
— Mon bon Jésus, Vous êtes emprisonné. Moi aussi,
je le suis. Nous sommes tous deux incarcérés. Vous, pour
mon bien et moi, enchaî-née par Vous. Vous êtes Roi
et Seigneur de tout. Moi, je ne suis qu’un ver de terre. Je Vous ai négligé,
ne pensant qu’aux choses du monde qui ne sont que perdition pour les âmes,
mais, maintenant, le cœur contrit, je ne veux que ce que Vous voudrez,
je veux souf-frir avec résignation. Ne me laissez pas sans votre
protection.
À partir de ce temps-là, je demandais au Seigneur l’amour
de la souffrance et, sans bien savoir comment, je me suis offerte à
lui comme victime. Le Seigneur m’a accordé cette grâce dans
une pro-portion si importante qu’aujourd’hui, je n’échangerais la
souffrance contre tout ce qui peut exister dans le monde. Aimant la douleur,
je me sentais heureuse d’offrir à Jésus mes peines. Consoler
Jésus et lui sauver des âmes, voilà ce qui me préoccupait.
Les forces physiques m’ayant quittée, j’ai abandonné
les distrac-tions et, à travers la prière qui me procurait
un vrai réconfort, je me suis habituée à vivre dans
une intime union avec le Seigneur. Quand les visiteurs me dissipaient un
peu, je m’attristais de ne pas avoir pensé à Jésus.
Par amour pour Jésus et la Maman du ciel, je me suis habituée
à faire de petits sacrifices: renoncer à me regarder dans
la glace; ne pas parler, pour combattre ma volonté de parler et
vice versa; veiller pendant la nuit pour tenir compagnie à Jésus;
ne pas éloi-gner les mouches qui me tourmentaient, etc..
Unie à Jésus, par Marie
Je ne recevais pas la Communion fréquemment, mais
je vivais le plus possible unie à Jésus. Pour honorer Jésus
et la Maman du ciel, j’ai écrit sur des morceaux de papier et sur
des images pieuses, cette prière :
— Jésus, je vous aime de tout mon cœur. Ayez pitié de
cette pau-vre malade. Prenez-la auprès de vous, quand vous voudrez.
Mon bien aimé Jésus, souvenez-vous, je suis une grande pécheresse.
Mon cher Jésus, j’aimerais aller vous visiter dans vos tabernacles,
mais je ne le peux pas; ma maladie me tient clouée à mon
lit. Que votre volonté soit faite. Accordez-moi, au moins, que pas
un seul instant ne passe sans que je vienne en esprit dans vos tabernacles,
pour vous dire : “ mon Jésus, je veux vous aimer, je veux me brû-ler
à la flamme de votre Amour, prier pour les pécheurs et pour
les âmes du Purgatoire” .
Sur la couverture d’une brochure, j’ai écrit en mai 1930 :
— Ma chère Maman du ciel, venez dans les Tabernacles de votre
et mon Jésus; présentez-Lui mes prières et rendez
plus efficaces mes suppliques. O refuge des pécheurs, dites à
Jésus que je veux être sainte. Dites-Lui aussi que je veux
beaucoup de souffrances, mais qu’Il ne me laisse pas seule rien qu’une
minute. Je dois toutefois m’humilier, car je ne suis rien, je ne possède
rien et je ne vaux rien. Dites-Lui que je l’aime beaucoup et que je veux
l’aimer encore davantage. Je veux mourir enflammée d’amour pour
vous et pour Jésus. Oui, parlez-Lui beaucoup de moi, présente-Lui
toutes mes demandes ! J’ai confiance, oui, j’ai confiance en vous ! O Marie,
donnez-moi le ciel !
Prière du matin
Au petit matin je commençais mes prières par le signe
de Croix. Ensuite, je m’unissais à Jésus au Saint-Sacrement
et je faisais ma Communion spirituelle. Je continuais, en disant :
— Cœur Sacré de Jésus, je Vous consacre ma journée.
Je récitais cette prière jaculatoire trois fois. Et j’ajoutais:
— O Jésus, donnez-moi votre bénédiction! Je veux
être sainte.
Ensuite je demandais la bénédiction de la très
Sainte-Trinité, de Notre-Dame, de saint Joseph de tous anges, saints
et saintes du ciel, en disant :
— Avec votre bénédiction, je ne craindrai rien ; je serai
sainte, comme je le désire ardemment.
Ensuite je récitais trois Gloria et j’offrais les actions de
la journée en récitant la prière : « Je vous
offre, ô mon Jésus, en union, etc. ». Pater, Ave, Gloria.
« Cœur sacré de Jésus qui nous aimez tant, fai-tes
que je vous aime de plus en plus. » Je récitais aussi le Credo
et, ensuite j’ajoutais :
— O mon Jésus, je m’unis spirituellement, maintenant et pour
tou-jours, à toutes les saintes Messes qui, de jour comme de nuit,
sont célébrées sur toute l’étendue de la terre.
Jésus, immolez-moi avec vous au Père éternel pour
les mêmes intentions que vous-même, vous offrez.
Me tournant ensuite vers Notre-Dame, je lui disais :
— Je vous salue, Marie, pleine de grâce !... Je vous salue, ô
pleine de grâce, ma Petite-Maman du ciel, je veux être sainte;
bénissez-moi et demandez à Jésus de me donner sa bénédiction
!
Je me consacrais à Elle de cette façon :
— Petite-Maman chérie, je vous consacre mes yeux, mes oreilles,
ma bouche, mon cœur, mon âme, ma virginité, ma pureté,
ma chasteté. Acceptez-en tout, ma chère Petite-Maman ! Vous
êtres le dépôt béni de toute notre richesse.
Je vous consacre mon présent et mon avenir, ma vie et ma mort, tout
ce que l’on me donnera, toutes les prières et les offrandes que
l’on fera pour moi.
Ouvrez vos bras et enlacez-moi. Serrez-moi contre votre Cœur très
saint, couvrez-moi de votre manteau; acceptez-moi comme votre fille très
aimée et consacrez-moi toute à Jésus. Renfermez-moi
pour toujours dans son divin Cœur et aidez-le vous-même à
crucifier mon corps et mon âme: que rien, dans celui-ci ne subsiste
qui ne soit crucifié. Ma Petite-Maman, rendez-moi humble, obéissante,
pure, chaste d’âme et de corps. Transformez-moi en amour; consumez-moi
dans les flammes de l’amour de Jésus...
Maman chérie, demandez pardon pour moi à Jésus;
dites-Lui que c’est l’enfant prodigue qui retourne à la maison de
son Père, dispo-sée à le suivre, à l’aimer,
à l’adorer, à lui obéir, à l’imiter. Dites-lui
que je ne veux plus l’offenser.
Ma Petite-Maman du ciel, inspirez-moi une douleur si grande de mes
péchés; que mon repentir soit tel, que je devienne pure,
que je devienne comme un ange, pure comme lors de mon baptême, afin
que par ma pureté, je mérite la compassion de mon Jésus;
que je puisse le recevoir sacramentellement chaque jour et le posséder
toujours en moi, jusqu’à mon dernier soupir.
Maman chérie, venez avec moi dans tous les Tabernacles du monde,
dans tout lieu où Jésus habite sacramentellement. Présen-tez-lui
mon humble oblation. O comme Jésus sera content de l’offrande la
plus pauvre, la plus misérable, la plus indigne, mais remise par
vous, combien plus de valeur n’aura-t-elle pas auprès de votre et
mon Jésus !...
Ma douce Petite-Maman, je veux aller de Tabernacle en Tabernacle demander
des grâces à Jésus, comme l’abeille qui va de fleur
en fleur pour cueillir le nectar !
Ma tendre Maman, je veux devenir comme un rocher d’amour de-vant sa
demeure, afin que nul ne parvienne à blesser son Cœur et ne renouvelle
ses Plaies et sa Passion.
Maman chérie, parlez à Jésus par mon cœur et par
mes lèvres; rendez mes prières plus ferventes, mes demandes
plus efficaces.
O mon Jésus, je me consacre toute à vous. Que votre Cœur
me soit grand ouvert. Permettez que je rentre dans cette Fournaise ar-dente,
dans ce Feu brûlant. Fermez-le sur moi, mon bon Jésus; que
j’y demeure pour y rendre mon dernier soupir enivrée de votre
di-vin Amour. Ne souffrez pas que je me sépare de vous sur la terre,
sinon pour m’unir à vous, éternellement, dans le ciel.
O mon cher Jésus, je m’unis, en esprit, à partir de ce
moment et pour toujours, à toutes les Hosties contenues dans tous
les ciboires de la terre, dans chaque lieu où vous habitez sacramentellement.
C’est là que je veux passer tous les moments de ma vie, constam-ment,
de jour comme de nuit, dans la joie ou la tristesse, seule ou accompagnée,
à vous consoler, à vous adorer, à vous aimer, à
vous louer, à vous glorifier. O mon Jésus, j’aimerais faire
tomber, conti-nuellement, sur vous, de jour comme de nuit, autant d’actes
d’amour que de gouttes de pluie fine tombent sur la terre. Je vou-drais
que toutes les créatures de la terre en fissent de même, afin
que vous soyez aimé de tous. Écoutez ces vœux de mon cœur
et acceptez-les comme si déjà je vous aimais.
O Jésus, je voudrais qu’il n’y eût pas un seul Tabernacle
dans le monde, en tout lieu où vous habitez au Saint-Sacrement,
où je ne fus à vous redire, sans cesse, à chaque instant
de ma vie: Jésus, je vous aime; Jésus, je suis toute à
vous. Je suis votre victime, la vic-time de l’Eucharistie, la petite
lampe de vos prisons d’amour, la sentinelle de vos Tabernacles !
O Jésus, je veux être victime pour les prêtres,
victime pour les pé-cheurs, victime de votre amour, de ma famille,
de votre sainte Pas-sion, des Douleurs de la Petite-Maman, de votre Cœur,
de votre sainte Volonté; victime du monde entier! Victime pour la
paix, vic-time pour la consécration du monde à la Maman chérie...
O Jésus, maintenant, je vais inviter la Maman bénie.
C’est Elle qui va vous parler pour moi et je reprendrai ensuite.
Je vous salue, Marie, pleine de grâce! Je vous salue, ô
pleine de grâce! Ma Petite-Maman, venez avec moi dans tous les Taberna-cles.
Venez couvrir Jésus d’amour. Offrez-Lui tout ce qui se passera en
moi, tout ce que je lui offre habituellement, tout ce que l’on peut imaginer
comme autant d’actes d’amour à Notre-Seigneur au très Saint-Sacrement
!
Je disais trois fois :
— Grâces et louanges soient rendues, à tout moment, à
Jésus au très Saint-Sacrement.
Je faisais ensuite la Communion spirituelle déjà décrite,
puis je de-mandais à Notre-Dame de répéter, pour moi,
à son Fils Bien-Aimé :
— O Jésus, voila la Petite-Maman chérie, écoutez-la;
c'est Elle qui va vous parler pour moi. Et vous, Maman chérie, emportez
mes bai-sers, d'innombrables baisers, d'innombrables caresses et marques
de tendresse à tous les Tabernacles du monde.
Tout pour Jésus-Hostie !
Tout pour la très Sainte-Trinité, tout pour vous,
douce et ten-dre Maman. Multipliez mes baisers, multipliez-les et, avec
une ten-dresse et un amour pur et saint, avec un amour sans bornes, avec
une immense nostalgie, offrez-les de la part de celle qui ne peut pas se
déplacer jusqu'aux tabernacles.
HYMNE AUX TABERNACLES
O Jésus, je veux que chacune de mes douleurs, chaque battement
de mon cœur, chacune de mes respirations, cha-que seconde de ma vie, chaque
minute, soient autant d'ac-tes d'amour pour vos Tabernacles.
Je veux que chaque mouvement de mes pieds, de mes mains, de mes lèvres,
de ma langue, chacune de mes lar-mes, chaque sourire, joie, tristesse,
tribulation, distraction, contrariété ou ennui, soient autant
d'actes d'amour pour vos Tabernacles.
O Jésus, je veux que chaque lettre des prières que je
récite ou entends réciter, toutes les paroles que je prononce
ou entends prononcer, que je lis ou entends lire, que j’écris ou
vois écrire, que je chante ou entends chanter, soient autant d’actes
d’amour pour vos Tabernacles.
Je veux que chaque baiser que je déposerai sur vos saintes images,
celles de la votre et ma sainte Mère, celles de vos saints et saintes,
soient autant d’actes d’amour pour vos Tabernacles.
O Jésus, je veux que chaque goutte de pluie qui tombe du ciel
sur la terre, que toute l'eau des océans et tout ce qu'ils renferment,
que toute l'eau des fleuves et des rivières, soient autant d'actes
d'amour pour vos Tabernacles.
Je vous offre les feuilles de tous les arbres, et tous les fruits que
sur eux mûrissent; chaque pétale de toutes les fleurs; toutes
les graines que contient le monde; tout ce qu'il y a dans les jardins,
dans les champs, dans les vallées, sur les montagnes: tout cela
je veux vous l'offrir comme autant d'actes d'amour pour vos tabernacles.
O Jésus, je vous offre les plumes des oiseaux et leurs ga-zouillements,
les poils des animaux et leurs cris, comme autant d'actes d'amour pour
vos Tabernacles.
O Jésus, je vous offre le jour et la nuit, la chaleur et le
froid, le vent, la neige, la lune, le clair de lune, le soleil, les étoiles
du firmament, mon sommeil et mes rêves, comme autant d'actes d'amour
pour vos Tabernacles.
Je veux que chaque fois que j'ouvre ou ferme les yeux, ce soit autant
d'actes d'amour pour vos Tabernacles.
O Jésus, je vous offre toutes les grandeurs, richesses et trésors
du monde, tout ce qui se passe en moi, tout ce que j'ai l'habitude de vous
offrir, comme autant d'actes d'amour pour vos Tabernacles.
O Jésus, le ciel et la terre, l'océan et tout ce qu'ils
contien-nent, je vous les offre comme s'ils m'appartenaient et si je pouvais
en disposer; acceptez-les comme autant d'actes d'amour pour vos Tabernacles”.
Pendant que je faisais cette offrande à Jésus, je me
sentais ravie, d’une façon que je ne sais pas expliquer, et en même
temps je res-sentais une forte chaleur qui semblait m’embraser. Cela me
parut étrange, car les journées étaient plutôt
froides et, émerveillée, j’ai même regardé si
mon corps ne transpirait pas. C’est comme si l’on m’embrassait intérieurement.
Cela me fatiguait assez.
L’appel
Je crois que c’est à l’une de ces occasions que j’ai senti cette
inspi-ration du Seigneur : «Souffrir, aimer, réparer»
Je me souviens que bien souvent je demandais au Seigneur :
— O mon Jésus, que voulez-Vous que je fasse ?
Et à chaque fois je n’entendais que ces paroles : “souffrir,
aimer, réparer”.
1933
LA MISSION
« Je vous déclare mes fautes... »
Je vous écris, mon Père, pour soulager mon âme,
vous déclarant mes fautes. Je commencerai par vous dire que mes
prières ne sont pas abondantes et de surcroît, elles sont
mal faites : je ne peux mieux faire. Ma pensée voyage partout ;
si je pouvais l’apprivoiser, ce serait une excellente chose. Avec ma mère
et ma sœur, j’ai tou-jours quelques impatiences, mais je fais de mon mieux
pour m’en corriger. Toutefois, le démon, lui aussi, n’en finit pas
de me faire des suggestions, dans l’espoir que je cède un jour ou
l’autre. Vis-à-vis du prochain, je dois aussi dire quelque chose
: je fais pourtant de mon mieux pour ne pas y manquer, mais parfois, je
n’y réussis pas.
Enfin, je suis tellement faible et pécheresse, que je n’arrive
pas à me corriger de mes péchés. Que Notre-Seigneur
ait pitié de moi.
Le directeur spirituel
J’ignorais ce que c’était qu’un directeur spirituel: c’était
Monsieur le Curé qui guidait mon âme.
Ma sœur, lors d’une retraite des “Filles de Marie” a demandé
au prédicateur, le Père Mariano Pinho, de devenir son
directeur spiri-tuel. Celui-ci mis au courant de mon existence et de ma
maladie, a sollicité mes prières, avec la promesse de réciprocité.
De temps à autre il m’envoyait une image pieuse.
Deux ans plus tard, ayant appris qu’il était malade, mon émotion
est allée jusqu’aux larmes; je ne sais pas pourquoi. Ma sœur, éton-née,
m’a demandé pourquoi je pleurais alors même que je ne le connaissais
pas. Je lui ai répondu :
— Je pleure parce qu’il est mon ami et que je le suis aussi de lui.
Le 16 août 1933, le Père Pinho est venu dans notre paroisse
prê-cher un triduum en l’honneur du Sacré-Cœur de Jésus
et, à cette occasion je l’ai obtenu comme directeur spirituel.
Je ne lui ai pas parlé de mon offrande pour les Tabernacles,
de la chaleur que j’éprouvais, de la force qui me soulevait,
ni des paroles que j’interprétais comme de simples inspirations
de Jésus.
Ce ne fut que quelques mois plus tard que j’ai mis le Père au
cou-rant des paroles de Jésus. Je n’ai rien dit d’autre, parce que
je ne comprenais rien aux choses du Seigneur.
Le Père ne m’a pas confirmé s’il s’agissait bien de paroles
de Dieu; toutefois, je continuais à vivre très unie au Seigneur:
jour et nuit, les Tabernacles étaient ma demeure préférée.
Ce fut seulement au mois d’août 1934 que je me suis décidée
à ou-vrir mon cœur à mon Père spirituel, venu à
Balasar pour une série de sermons. J’ai eu peur, alors, qu’une fois
au courant de ma vie, il ne veuille plus continuer de me diriger.
Alors même que je me débattais avec ce doute, Jésus
m’a dit :
— Obéis en tout : ce n’est pas toi qui l’as choisi, mais moi
qui te l’ai envoyé.
Quand le Père m’a demandé de quelle façon j’avais
entendu lesdi-tes paroles, il ne m’a pas expliqué si elles étaient
ou non de Jésus.
Quelques jours plus tard, ma sœur, ayant remarqué que je consa-crais
beaucoup de temps à la prière, m’en a demandé l’explication.
Je lui ai dit comment j’occupais mon temps et ce que je ressentais, ajoutant
que c’était sûrement la foi et la ferveur avec laquelle je
récitais mes prières qui m’absorbaient de la sorte. Deolinda
a sem-blé d’accord et m’a demandé de lui dire tout, afin
de pouvoir se remplir de ferveur, elle aussi.
« Un jour bien, un autre plus mal... »
Deux petits mots à peine, car mes forces ne me permettent pas
da-vantage. J’ai passé une mauvaise nuit. Je ne trouvais pas de
bonne position. Mes jours se passent ainsi: un jour bien, un autre plus
mal, portant toujours cette croix que le Seigneur m’a donnée...
(...)
Dans votre lettre, vous me demandiez si j’aimerais entendre la sainte
Messe. Cela fait déjà bien longtemps que je le désire.
Quand vous êtes venu pour le triduum, j’en ai parlé à
ma sœur, mais par timidité et pour ne pas vous obliger à
rester à jeun, ce qui nous peine, nous n’avons pas osé vous
le demander. Toutefois, si cela était possible, quelle joie, cela
serait pour nous; vous ne pouvez pas vous l’imaginer. Mais nous pensons
au sacrifice que cela vous coûterait de venir à jeun et, avec
tout ce froid...
Dans la nuit de samedi à dimanche, je ne sais pas ce qui m’a
pris; je dormais et tout à coup je me suis réveillée,
je croyais mourir.
Cet étrange phénomène ne dure pas longtemps, mais
il se répète souvent. Je pense que c’est à cause de
mon épine dorsale. Je ne voudrais, en aucun cas, perdre la raison.
J’espère que Notre-Seigneur m’écoute, mais que sa très
sainte volonté soit faite...
Quand vous êtes venu, j’ai pensé que ce serait la dernière
fois; mais ce n’a pas été le cas, car Notre-Seigneur sait
que j’ai besoin que quelqu’un m’aide à être sainte, comme
je le désir ardemment, bien que j’en sois très loin de l’être...
Bien souvent je demande:
— O mon Jésus, que voulez-vous que je fasse ?
Et à chaque fois je n’entends que cette réponse :
— Souffrir, aimer, réparer !
Nous verrons si à Noël, Monsieur l’abbé, viendra
m’apporter la Sainte Communion, et alors je me confesserai...
Je ne vois pas comment, une fois de plus, je pourrai m’amender, mais
je veux être sainte; c’est ce que je demande tous les jours au Seigneur.
La perte des biens
Le Seigneur a augmenté ses tendresses, mais aussi le poids de
la croix. Qu’il soit éternellement béni pour sa grâce
qui ne m’a jamais manqué.
A cette époque, nous avons commencé à beaucoup
souffrir à cause de la perte de nos biens. Il est vrai que
je n‘ai plus ressenti aucun attrait pour les choses, mais je souffrais
amèrement de voir que le peu que nous avions ne serait pas suffisant
pour payer les dettes que ma mère avait contraint en se portant
caution.
Nous préférerions rester sans un centime, mais que tout
soit payé! Il me manquait souvent une alimentation suffisante :
je me nour-rissais de ce qu’il y avait, au péril de ma santé.
J’ai souffert en si-lence et les familiers pensaient que ces aliments me
plaisaient; je ne demandais rien pour ne pas les attrister. Si l’on me
donnait quelque bon morceau, je le donnais à ma sœur — assez mal
en point — en me disant : — “Je suis incurable, alors qu’elle peut gué-rir.”
Il nous arrivait de manger le potage sans condiments, car nous ne parlions
à personne de notre gêne.
En secret, j’ai versé beaucoup de larmes, m’épanchant
auprès de Jésus et de la Petite-Maman céleste ; ces
larmes ont eu même pour effet de me rapprocher davantage de Jésus
et de la chère Maman et ont renforcé ma foi en Eux.
Cette situation a duré six années, pendant lesquelles
j’ai essayé de réconforter mes êtres chers. À
ma mère, qui souvent sanglotait, je suggérais d’avoir foi
en Jésus qui voulut être pauvre. Dans mon in-térieur,
je me réjouissais de lui ressembler.
Je priais Jésus de nous aider et, lors de la Communion, je lui
di-sais :
— Vous qui avez dit de demander, de frapper pour être entendu
: je demande, je frappe et je serai entendue. Je ne Vous demande pas d’honneurs,
pas de grandeurs ni de richesses, mais que vous nous laissiez au moins
notre petite maison afin que maman et ma sœur vivent; de manière
que Deolinda puisse cueillir les fleurs pour votre autel à l’église.
O Jésus, toutes les fleurs sont pour vous. Jé-sus, venez
à notre secours! Nous nous enfonçons... portez au loin cette
requête, auprès de quelqu’un qui puisse venir à notre
aide. Je ne choisis personne, parce que je n’en connais pas. J’ai confiance
en vous !
Chez nous, la joie avait disparu et les choses indispensables nous
manquaient. Mais jamais la soumission à la volonté
de Dieu n’a manqué; j’avais une confiance aveugle en lui.
Il est bien vrai: la foi n’est jamais trop grande...
Ma prière a été exhaussée. Ce fut de bien
loin, même de très loin, qu’une dame est venue assainir notre
situation. Si elle ne l’a pas résolu entièrement, ce
fut à causse de ma timidité: je ne lui ai pas dit la somme
exacte de notre dette. Peut-être Jésus l’a permis pour prolonger
ma souffrance. Le nécessaire pour désengager notre
mai-son qui devait être mise en vente, nous a été fourni.
J’ai pleuré de confusion et de joie. Je n’arrive pas à décrire
la joie des miens quand ils ont eu en main cette somme, après tant
de grandes et graves afflictions.
Béni soit Jésus ! Ce n’était que sur Lui que l’on
pouvait compter.
Béni soit le Seigneur qui m’a appelée en ce monde pour
souffrir et pour supporter tant de chagrins ! Et moi, j’ai rajouté
à cela tant de péchés ! Ce sont ceux-ci qui m’attristent
particulièrement.
Tous les jours je demande des souffrances; et, pendant les heures où
je souffre je ressens beaucoup de consolations, car j’ai davan-tage à
offrir à mon Jésus. Il y a, toutefois, des choses qui me
coû-tent beaucoup, mais que seule la volonté de Dieu soit
faite, et non pas la mienne.
1934
“DONNE-MOI TES MAINS...”
Invocations...
O ma Petite-Maman du ciel, voici à vos pieds très saints
une âme que désire beaucoup vous aimer. O mon adorable Dame,
je veux vivre d’un amour aussi grand qu’il me permette de souffrir unique-ment
pour vous et pour mon Jésus : oui, pour mon cher Jésus qui
est le tout de mon âme. Il est la lumière qui m’éclaire,
le pain qui me rassasie; il est mon chemin, le seul que je veux suivre...
O Jésus, quelle meilleure compagnie puis-je avoir dans ce lit
de douleur que votre continuelle présence en moi, moi qui ne veut
vi-vre que pour vous ? O Jésus, Vous savez bien quels sont mes dé-sirs:
être toujours devant vos Tabernacles, ne jamais m’en éloigner,
ne fusse qu’un moment ! Donnez-moi la force, o bon Jésus, afin que
je sache le faire !
O mon Jésus, je suis ici, malade, et je ne peux vous visiter
dans vos églises, mais j’accomplis la mission à laquelle
vous m’avez des-tinée: que votre sainte Volonté soit faite
!... Vu que je ne puis ve-nir, je Vous envoie mon cœur, mon intelligence
pour apprendre toutes vos leçons, ma pensée afin que je ne
pense qu’à vous; uni-quement à vous, mon Jésus, en
tout et pour tout... Je vous envoie tout ce que j’ai et qui puisse vous
faire plaisir dans vos Tabernacles d’amour...
J’aimerais être en votre présence jour et nuit, à
toute heure, unie à vous, et ne plus jamais vous quitter, o Jésus
abandonné dans les Tabernacles ! Pas un seul instant je ne voudrais
m’en absenter; j’aimerais vous donner tout ce que je possède et
qui vous appar-tient entièrement: mon cœur, mon corps, avec tout
ce qu’il ressent. C’est là toute ma richesse.
« Ma souffrance a beaucoup augmenté... »
Quoique le Saint-Sacrement soit mon meilleur ami, je regrette de devoir
le dire, je ne le reçois que rarement. Au début on me portait
la Sainte Communion tous les premiers vendredis, samedis et di-manches;
maintenant, il ne vient plus le dimanche. Que dois-je faire? Souffrir
pour l’amour de mon Bien-Aimé Jésus.
(...)
Ma souffrance a beaucoup augmentée. Maintenant je ne prends
que des liquides, car je n’arrive pas à mâcher à cause
d’un abcès dans la bouche. Peut-être que, de la même
façon dont il est appa-ru, aussi il s’en aille. D’un autre côté,
il me sera impossible de vi-vre, étant donné l’état
de faiblesse dans lequel je me trouve... Je ressens le manque du peu que
je mangeais. Ne prendre que des liquides, cela me cause de continuels vomissements.
Mais, en tout cas, ce n’est pas cela qui m’attriste, car tous les jours
je demande à Dieu de ne pas m’abandonner, sachant pertinemment que
sans Lui, je ne supporterais rien.
« Il m’est impossible de tenir la plume... »
J’aurais voulu vous remercier en écrivant de ma propre main,
et je le fais en vous écrivant quelques lignes, qui seront certainement
les dernières. Je vous prie de bien vouloir m’excuser, mais je ne
peux pas continuer. Ma souffrance a beaucoup augmenté. C’est
pour cette raison que je dis que ce sont les dernières lignes que
je vous écris. Il m’est impossible de tenir la plume, même
pour à peine quelques instants... les douleurs sont atroces. On
ne m’a jamais gratté les os, mais j’ai l’impression que cela doit
produire le même effet...
J’ai reçu de Jésus un beau présent pour Pâques
: en plus des souf-frances physiques, j’ai beaucoup souffert spirituellement.
« Je ne comprends pas... »
Quelques-unes de mes côtes se sont déplacées. Le
médecin me di-sait que ce n’était rien... Je ne peux m’appuyer
sur celles-ci qu’au prix d’un grand sacrifice, car je ne supporte même
pas que les cou-vertures reposent sur mes côtes. Et le pire c’est
que ce sont les côtes du côté droit, sur lequel j’avais
l’habitude de me reposer...
(...)
Même sans être tombée, le bon Jésus a fait
que mes côtes se dé-placent. Le médecin m’a dit qu’il
les avait trouvés ainsi. Mon Père, je ne comprends pas, et
je vous demande, par l’amour de Dieu, de m’expliquer si toutes les contrariétés
viennent du Seigneur, ou si elles peuvent aussi venir du démon.
En effet, dernièrement, des faits se sont produits qui semblent
bien être son œuvre...
« Même parler m’est douloureux... »
(...)
J’ai l’impression que les os de ma poitrine touchent ceux de mon dos
et me causent de telles angoisses que je ne sais plus comment me placer.
Quand les douleurs sont plus fortes, je me place quel-ques minutes par
moitié sur le lit et l’autre partie de mon corps sur les genoux
de Deolinda. Ceci oblige ma sœur à passer les nuits en ma compagnie.
Même parler m’est douloureux.
(...)
J’ai répété à Jésus: envoyez-moi,
mon Jésus, ce que vous voudrez, afin que je puisse réparer
les offenses que vous recevez.
Je ne sais pas si c’est grâce aux prières que vous faites
pour moi, que je me sens à chaque heure qui passe davantage forte
dans mes souffrances ; mais je me sens le courage de souffrir de plus en
plus, et j’espère que Notre-Seigneur, petit à petit, augmentera
ma douleur jusqu’à ce que je meure embrasée par son divin
Amour, clouée sur la Croix avec lui.
Lettre à Sãozinha
Ma bonne petite sœur ;
Je vous appelle ainsi, non seulement parce que vous traitez avec charité
la plus indigne des enfants de Dieu, mais aussi parce que toutes deux,
nous recevons du Seigneur la croix bénie de chaque jour. Celle-ci,
portée avec amour et résignation, est un moyen effi-cace
pour nous élever de plus en plus dans l’amour de Jésus; pour
nous sanctifier et pour aider, par nos souffrances, les âmes qui,
sourdes à la voix de Jésus et aveuglées devant sa
lumière, s’abandonnent aux plaisirs du monde sans jamais penser
à leur sa-lut.
Combien elle est belle notre mission !
En ce qui me concerne, j’avoue me considérer indigne d’un aussi
heureux sort !...
Vous dites dans votre lettre que vous viendrez pour apprendre avec
moi la science de la croix. Que dois-je vous enseigner ? Et à qui...
alors que moi j’ai tant besoin d’apprendre ?... Vous êtes, Madame,
plus instruite que moi pour enseigner; mais si c’est la volonté
de Dieu, je suis prête à devenir votre maîtresse et
élève à la fois.
J’ai souvent dit que j’étais venue en ce monde pour travailler,
souffrir et offenser le Seigneur. Triste vérité... car, je
l’ai déjà tant offensé ! C’est celle-ci la plus grande
peine qui m’aiguillonne tou-jours. La souffrance est ma plus grande consolation,
et je ne l’échangerais pas contre le monde entier.
Quelle ingrate je ferais, si je refusais de donner mon corps, qui ne
vaut rien, à Celui qui, à cause de moi, a tant souffert !...
À Celui qui désire se procurer beaucoup de victimes d’amour
pour sauver les âmes !
Depuis seize années, la maladie, jour après jour, s’est
propagée dans tout mon corps... et depuis dix années je suis
prisonnière dans mon lit sans pouvoir me lever...
Combien j’ai été favorisée par le Seigneur ! Combien
suave est le joug sous lequel il me tient !
Je reçois ceci comme une preuve d’amour de la part de Jésus
pour mon âme.
Que soit béni Celui qui n’a pas dédaigné mon indignité
!
« Donne-moi tes mains... »
Je sais que ce ne fut pas sans un gros sacrifice que vous êtes
venu à Balasar, mais, je pense que, plus que la pluie, d’autres
circons-tances vous ont davantage gêné... Soyons sûrs
que plus grand est le sacrifice, plus grande sera aussi la récompense
du Seigneur. Voila ma conviction.
Mon Père, je vais moi aussi faire un grand sacrifice. Notre-Seigneur
le sait bien, et vous-même, vous pourrez vous faire une idée
de ce que ceci me coûte. Mais avant de le faire, je l’ai offert au
bon Jé-sus...
Jeudi 6, Monsieur le Curé est venu apporter la Communion à
une voisine malade et, par la même occasion, il est venu me la donner.
Après avoir communié, je me sentais froide et incapable de
toute action de grâces; mais, loué soit mon Jésus,
car il n’a regardé ni ma froideur ni mon indignité. Il m’a
semblé entendre alors ces paroles :
— Donne-moi tes mains : je veux les clouer avec les mien-nes ; donne-moi
tes pieds : je veux les clouer avec les miens ; donne-moi ta tête
: je veux la couronner d’épines, comme ils me l’ont fait à
moi ; donne-moi ton cœur : je veux le transpercer avec la lance, comme
ils ont transpercé le mien ; consacre-moi tout ton corps ; offre-toi
toute à moi ; je veux te posséder entièrement.
Ceci fut suffisant pour me tenir en haleine, très préoccupée.
Je ne savais que faire : me taire et ne rien dire, me semblait ne pas correspondre
à la volonté de Notre-Seigneur; il me semblait que mon bon
Jésus ne voulait pas que j’occulte ses paroles...
Il faut encore que je vous dise que vendredi et aujourd’hui,
Notre-Seigneur a renouvelé ses demandes. Il m’a recommandé
aussi l’obéissance en tout, comme je vous l’ai déjà
expliqué.
S’agit-il d’une illusion de ma part ? O mon Jésus, pardonnez-moi
si je vous offense, mais je ne veux pas vous offenser... je le fais par
obéissance...
« Il m’a demandé ceci deux fois... »
Il m’a demandé ceci deux fois — le 6 et le 8 septembre.
Je ne sais pas expliquer mon tourment, parce que je ne peux pas écrire.
Je ne voulais rien dire à ma sœur, mais je ne voulais pas non plus
le taire, car j’ai compris que je ne devais pas le faire, taire la parole
de Dieu: je devais tout dire à mon directeur spirituel.
Je me suis décidée à faire le sacrifice et j’ai
demandé à Deolinda d’écrire tout ce que je lui dicterais.
Nous l’avons fait sans échanger le moindre regard. La lettre étant
écrite, tout cela est resté entre nous et nous n’en avons
plus parlé.
Si jusque là toutes les lettres de mon directeur spirituel me
ren-daient joyeuse, à partir de ce moment, je n’en éprouvais
plus la moindre consolation : je vivais dans la crainte qu’il me désapprouve
et me dise que tout cela n’était qu’illusion.
J’avais cédé à l’invitation du Seigneur, mais
je pensais que les sa-crifices qu’Il me demandait n’étaient que
ceux résultant de ma maladie, même si majorés; il ne
m’était pas venu à l’esprit qu’Il me ferait passer par des
phénomènes singuliers.
Le directeur m’a exigé de tout écrire et, pendant deux
ans et demi il ne m’a jamais dit qu’il s’agissait bien de choses de Dieu.
Ce si-lence m’a fait beaucoup souffrir.
Visites de Jésus
À cette époque Jésus m'apparaissait, et me parlait
souvent. La consolation spirituelle était grande et les souffrances
plus faciles à supporter. En toute chose je sentais de l'amour pour
mon Jésus et je sentais qu'Il m'aimait, étant donné
que je recevais abondance de tendresses. Je cherchais le silence. O comme
je me sentais bien dans le recueillement et bien unie à Lui !...
Jésus se confiait à moi. Il me disait des choses tristes,
mais le réconfort et l'amour qu'Il me procurait, rendaient plus
douces ses lamentations. Je passais des nuits et des nuits sans dormir,
à converser avec Lui, dans la contemplation de ce qu'Il me montrait.
Une certaine fois j'ai vu Jésus tel un jardinier qui soigne
ses fleurs, les arrosant, etc.. Il se promenait au milieu de celles-ci,
m'en montrait les variétés. D'autres fois il m'apparaissait
pour me mon-trer les rayons éblouissants de son Cœur. Une fois j'ai
vu la Petite-Maman avec l’Enfant Jésus dans ses bras et une autre
fois je l'ai vue en Immaculée Conception : O combien Elle
était belle !... Comme j'aimerais n'aimer qu'Elle et Jésus
!... Je ne serais vraiment bien qu'en leur compagnie.
(...)
Une nuit, Jésus m’est apparu, grandeur nature, dévêtu
jusqu’à la ceinture. Sur ses divines mains, sur ses pieds et sur
sa poitrine, de profondes plaies étaient ouvertes. Le sang coulait
jusqu’à sa taille, et traversant le linge qui le ceignait, tombait
à terre. Jésus s’est as-sis sur le bord de mon lit. J’ai
embrassé avec amour les plaies de ses mains et je désirais
ardemment embrasser celles de ses pieds. Comme j’étais couchée,
je ne pouvais y parvenir, mais je n’ai rien dit au Seigneur. Mais Lui,
qui connaît mes désirs, m’a présenté, l’un après
l’autre ses pieds, afin que je puisse les embrasser. J’ai contemplé
ensuite la plaie de son côté et le sang qui, abondam-ment,
coulait de celle-ci. Grandement attendrie, je me suis jetée dans
les bras de Jésus et je lui ai dit :
— O mon Jésus, combien avez-vous souffert par amour pour moi
!
Je suis restée quelques instants la tête inclinée
sur la poitrine de Jésus qui, ensuite a disparu.
Il est inutile de dire que plus jamais je ne pourrai l’oublier et,
que toujours je m’en souviendrai comme quelque chose qui serait tou-jours
présente.
Je sens mon cœur blessé rien qu’au souvenir de cette scène;
l’obéissance seule et l’amour de Jésus m’obligent à
en parler.
Je pense que Jésus, en se présentant à moi dans
cet état, voulait me préparer à ce que je vais maintenant
vous décrire. Qu’il m’en donne la force et sa grâce afin que
je puisse bien le faire.
« Prie pour les prêtres... »
C’est avec regret et nostalgie que je vous informe que je n’ai plus
communié. Ah, si je pouvais obtenir qu’on me portât la Sainte
Communion, en payant avec de l’argent cette faveur, combien ne donnerais-je
pas!... Mais je fais beaucoup de communions spiri-tuelles, avec le plus
de ferveur qu’il m’est possible et Notre-Seigneur m’en récompense.
Voyez comme mon bon Jésus m’aime: il m’a dit que lui-même
sera mon Directeur !...
(...)
Jésus m’a dit de ne rien m’attribuer de tout cela, car — me
dit-il — je ne suis que poussière et que je ne possède rien
que je ne l’ai re-çu de Lui. Il m’a dit aussi que les faibles, il
les rend dort; que c’est sous mes fautes qu’il cache son pouvoir, son amour
et sa gloire.
(...)
Voulez-vous que je vous dise ce que me dit, quelquefois, Notre-Seigneur,
quand il commence à me parler ?
— Ma fille, ma fille bien-aimée, mon aimée, mon épouse,
ma préférée, me voici tout à l’intérieur
de ton âme.
Mon Bien-Aimé Jésus m’a dit qu’il sera mon Directeur
et mon Maî-tre, continuel, fréquent et habituel; que vous-même
le serez de loin; mais que je dois vous obéir jusqu’à
préférer votre direction à la sienne.
Notre-Seigneur ne cesse pas de renouveler ses demandes dont je vous
ai déjà parlé, et il me rappelle continuellement ses
Taberna-cles.
— Viens, ma fille, viens t’attrister avec moi ; viens me tenir compagnie
dans mes prisons d’amour ; viens réparer tant d’abandon et d’oubli
!...
Il m’a demandé aussi de ne lui refuser ni souffrances ni sacrifices
pour les pécheurs, sur lesquels la divine Justice menaçait
de frap-per, si je n’allais pas à leur secours.
Il me demande d’oublier le monde et de me livrer tout entière
à Lui :
— Abandonne-toi dans mes bras, je choisirai tes chemins...
Je ne sais pas quoi Lui donner d’autre, car je ne Lui refuse rien...
(...)
— Avise ton directeur spirituel que j’exige que l’on prêche et
que l’on propage la dévotion aux Tabernacles, et d’avantage encore:
qu’elle soit rallumée dans les âmes. Je ne suis pas resté
sur les autels par amour uniquement de ceux qui m’aiment, mais pour l’amour
de tous; même en travaillant on peut me consoler.
Prie pour les prêtres: ce sont les ouvriers de ma vigne; la récolte
dépend d’eux...
Je choisis les faibles pour les rendre forts. Sous leur fai-blesse
Je cache mon pouvoir, mon amour et ma gloire. Ou-blie le monde et offre-toi
à moi. Abandonne-toi entre mes bras: Je choisirai tes sentiers.
« Avise ton directeur spirituel... »
Quelques fois, avant même qu’il me parle, je sens comme des em-brassements.
D’autres fois je les sens à la fin. Je ressens, subite-ment une
forte chaleur, une chaleur que je ne sais pas expliquer. Parfois encore,
je me sens tellement caressée par Notre-Seigneur ! Et moi, je ne
sais pas comment correspondre à tant de bienfaits...
(...)
Jésus m’a dit que de la même manière qu’il est
fidèle à demeurer en moi pour me consoler, que moi aussi
je devais être fidèle à de-meurer en esprit auprès
de ses Tabernacles, pour le consoler et l’aimer; que je devais lui donner
mon corps pour être victime; que des milliers de victimes ne seraient
pas de trop pour réparer tant de péchés et les crimes
du monde...
(...)
— Parlez, mon Jésus, parlez, car votre petite fille vous écoute...
Je souhaite ardemment être instruite à votre école.
— Je souhaite aussi ardemment que tu apprennes toutes mes leçons.
J’ai beaucoup à t’apprendre, afin que par toi, beaucoup viennent
apprendre les mêmes leçons, qu’ils mar-chent sur les mêmes
traces et qu’ils suivent les mêmes chemins.
(...)
— Avise ton directeur spirituel que J’exige que l’on prêche et
que l’on propage la dévotion aux Tabernacles, et d’avantage encore
: qu’elle soit rallumée dans les âmes. Je ne suis pas resté
sur les autels par amour uniquement de ceux qui m’aiment, mais pour l’amour
de tous; même en travaillant on peut me consoler.
(...)
— Veille sur mes tabernacles. J’y suis si seul dans un très
grand nombre !... Des jours et des jours passent sans que quelqu’un me
rende visite. On ne m’aime pas, on ne répare pas. Quand ils y viennent,
ils le font soit par habitude ou par quelque obligation. Sais-tu ce qui
ne cesse pas de tom-ber sur mes tabernacles ? C’est cette chaîne
de péchés et de crimes. Ce sont là les actes d’amour
qu’ils y déposent ; c’est ainsi qu’ils me consolent ; c’est ainsi
qu’ils réparent; c’est ainsi encore qu’ils m’aiment !...
(...)
Ne me refuse pas les souffrances et les sacrifices pour les pécheurs
! La Justice de Dieu pèse sur eux. Toi, tu peux les secourir.
Prie pour les prêtres: ce sont les ouvriers de ma vigne; la récolte
dépend d’eux...
Je choisis les faibles pour les rendre forts. Sous leur fai-blesse
Je cache mon pouvoir, mon amour et ma gloire. Ou-blie le monde et offre-toi
à moi. Abandonne-toi entre mes bras : Je choisirai tes sentiers.
(...)
— Console-moi et aime-moi et moi, je te consolerai dans toutes tes
afflictions et dans tous tes besoins.
(...)
— J’ai établi en toi ma demeure... tu es un tabernacle cons-truit
non pas par des mains d’homme, mais par des mains divines... J’habite en
toi comme si dans le monde toi seule, tu existais, comme si dans le monde
je n’avais que toi à combler.
(...)
Je ne t’abandonnerai jamais. Sais-tu quand je te laisserai ? Quand
je t’appellerai en ma divine présence pour t’emmener au Ciel. Alors
seulement j’abandonnerai ton corps... Me le donnes-tu librement afin que
je le crucifie pour les pécheurs ?
« Je suis le prisonnier des prisonniers !... »
Peu avant de dicter cette lettre, Notre-Seigneur m’a demandé
mon cœur pour le placer dans le sien, afin que je n’ai pas d’autre amour
que lui et celui de ses œuvres. Il m’a dit que toutes les âmes y
ont leur place, dans son divin Cœur, mais que j’y avais une place de choix.
Il m’a encore dit :
— Ma fille, n’as-tu pas compassion de moi ?...
Je suis seul et abandonné, dans mes tabernacles, et telle-ment
offensé ! Viens me consoler, viens réparer ; réparer
pour tant d’abandon...
Visiter les prisonniers dans leurs cachots et les consoler est une
œuvre de miséricorde. Moi, je suis prisonnier et pri-sonnier par
amour ; je suis le Prisonnier des prisonniers !...
Notre-Seigneur m’a dit que je suis son temple. Temples de la très
Sainte-Trinité sont toutes les âmes en état de grâce,
mais que moi, par une grâce particulière, je suis un tabernacle
qu’il s’est choisi pour y habiter et s’y reposer afin de davantage rassasier
la soif que j’ai de son Sacrement d’Amour... Jésus me dit encore
qu’il se sert de moi afin que par moi beaucoup d’âmes soient stimulées
à l’aimer dans la sainte Eucharistie.
(...)
— Je t’ai choisie pour moi. Correspond à mon amour. Je veux
être ton Époux, ton Bien-Aimé, ton tout. Je t’ai choisie
aussi pour le bonheur de beaucoup d’âmes. Tu es mon tem-ple, temple
de la très Sainte Trinité. Toutes les âmes en état
de grâce le sont, mais tu l’es de façon spéciale. Tu
es un tabernacle choisi par moi, afin que J’y habite et m’y re-pose. Je
veux rassasier ta soif pour mon Sacrement d’amour.
Tu es comme le canal par où passeront les grâces que Je
veux distribuer aux âmes et à travers lequel les âmes
vien-dront à moi. Je me sers de toi afin que beaucoup d’âmes
viennent à moi: par ton intermédiaire, beaucoup d’âmes
se-ront stimulées à m’aimer dans la très Sainte Eucharistie.
Reçois, maintenant, ma fille, le Sang de mon divin Cœur : c'est
la vie dont tu as besoin, c'est la vie que Je donne aux âmes.
Dis au monde entier qu'il écoute la voix de son pasteur, le
Pape, laquelle est la voix de Jésus. Je veux de l'amour, de la pureté
d'âme, changement de vie. Que la voix du Saint-Père soit pour
le monde un aussi vibrant appel que celui de Noé...
Qu'il parle aux nations et à ses gouvernants, afin qu'un terme
soit mis à tant d'immoralité...
J'ai renouvelé, à perpétuité, mon vœu de
virginité et de pureté, suppliant la Sainte Vierge de me
purifier de toute tache, de me consacrer toute à Jésus et
de me renfermer dans son Sacré-Cœur. Je tressaillais de joie. Peu
après, Notre-Seigneur m'a parlé ainsi :
— J'ai reçu ton offrande, par l'entremise de ma très
Sainte Mère. Si tu savais combien tu as consolé ton Jésus
et réjoui la Très Sainte Trinité !... Si tu pouvais
comprendre la gloire que ton oblation t'a acquise pour le ciel, tu mourrais
de bonheur !...
Désormais, Je te comblerai de bienfaits... tu arrêteras
le bras de la Justice divine prête à foudroyer les pécheurs...
tu seras un puissant secours à tant d'âmes enchaînées
par le péché... tu es la victime de mes prisons eucharistiques.
(...)
J’ai eu un bon Maître. C’est vous le premier, ô mon Jésus,
que de-puis toute petite, m’avez appris !
« Donne-moi ton cœur... »
— Donne-moi ton cœur, que je le place dans le mien, afin que tu n’aies
pas d’autre amour que le mien et celui de mes affaires.
« Quelle sainte union est la nôtre !... »
— Veux-tu voir comment je t’embrase ?
J’ai alors commencé à sentir une union si grande et une
chaleur et une force qui semblait me broyer. Mon Jésus m’a dit :
— Comme nous nous aimons ! Quelle sainte union est la nôtre !
(...)
— Écoute, ma fille, ton Jésus. Je suis avec toi pour
t’enrichir de mes divins trésors. Combien je t’aime ! Je t’ai choisie
pour ma demeure. Je te prépare selon mes désirs. Ne vis que
pour moi. Aime-moi beaucoup. Ne pense qu’à moi. Et, parce que tu
t’es généreusement offerte comme victime pour les pécheurs
du monde, Je ferai de toi comme un canal pour distribuer les grâces
aux âmes coupables de toutes sortes de crimes. Ainsi tu feras venir
à moi un grand nom-bre...
En même temps je ne sais pas ce qui s’est passé en moi,
je ne sais pas l’expliquer; je ressentais un très, très grand
poids. J’avais l’impression que mon cœur devenait aussi grand que le monde...
« Je suis avec toi, ma fille... »
Cela faisait presque deux jours que Jésus ne me parlait plus.
J’ai pleuré, de peur d’être dans l’illusion. Quand je me suis
un peu ras-sérénée, j’ai fait la Communion spirituelle.
Mon bon Jésus m’a, alors, parlé ainsi :
— Ma fille, ma fille très chère, ma bien-aimée,
ne t’attriste pas à cause de moi. Je fais pénétrer
en toi mon Amour. Ce fut une bonne préparation. C’était moi
qui te provoquais, pour voir jusqu’où irait ta confiance. M’aimer
dans les dou-ceurs et les tendresses, cela ne coûte pas. J’ai fait
semblant de t’abandonner, de te laisser naviguer toute seule, sans que
tu te sentes dans les bras de ton Époux, pour voir jus-qu’où
irais-tu. Mais, je ne t’abandonne pas.
Combien Je t’aime ! Quand tu te sens froide, c’est moi qui, chaque
fois d’avantage infuse en toi mon amour. Quand Je ne te parle pas, c’est
pour t’inspirer beaucoup plus de foi en moi. Ne t’ai-je pas dit que je
ne t’abandonnerais jamais et ne m’éloignerais jamais de toi ? Je
t’aime tellement ! Viens à mon école; apprends de ton Jésus
à aimer le silence, l’humilité, l’obéissance et l’abandon.
Viens dans mes Ta-bernacles... Prosterne-toi devant moi et demande-moi
par-don pour ton découragement et pour ton infidélité.
(...)
— Je suis avec toi, ma fille... et quand tu te sens froide, c’est que
moi, je fais pénétrer davantage en toi mon amour.
(...)
Quels heureux moments, quelle grande union, quelle force à me
contraindre, pendant que la chaleur me donnait l’impression que des langues
de feu me transperçaient !
« Mon Cœur se fait violence... »
— Aie courage, ma fille. Cela coûte beaucoup d’être traitée
de la sorte, je le sais bien. Mais, plus cela coûte, plus c’est agréable
à ton Jésus. Mon Cœur se fait violence en te voyant souffrir
autant. Je te veux dans mes bras très saints avec la même
simplicité qu’un enfant dans les bras de sa mère. Je veux
enlever tous les doutes que tu puisses en-core avoir. Je te veux
plus brillante que les anges. Oui, parce que les anges sont brillants par
nature, et toi, tu l’es parce que tu t’es restée brillante, parce
que tu as permis à Jésus de travailler en toi librement,
et t’enrichir des plus belles vertus.
« Je suis toujours avec toi... »
— Ma fille, je suis toujours avec toi. Si tu savais combien je t’aime,
tu mourrais de joie. Je te prépare afin de réaliser en toi
mes desseins.
Jésus m’a dit que de la même manière qu’il est
fidèle à demeurer en moi pour me consoler, que moi aussi
je devais être fidèle à de-meurer en esprit auprès
de ses Tabernacles, pour le consoler et l’aimer; que je devais lui donner
mon corps pour être victime; que des milliers de victimes ne seraient
pas de trop pour réparer tant de péchés et les crimes
du monde...
(...)
Quelques fois, avant même qu’il me parle, je sens comme des em-brassements.
D’autres fois je les sens à la fin. Je ressens, subite-ment une
forte chaleur, une chaleur que je ne sais pas expliquer. Parfois encore,
je me sens tellement caressée par Notre-Seigneur! Et moi, je ne
sais pas comment correspondre à tant de bienfaits...
(...)
— Parlez, mon Jésus, parlez, car votre petite fille vous écoute...
Je souhaite ardemment être instruite à votre école.
— Je souhaite aussi ardemment que tu apprennes toutes mes leçons.
J’ai beaucoup à t’apprendre, afin que par toi, beaucoup viennent
apprendre les mêmes leçons, qu’ils mar-chent sur les mêmes
traces et qu’ils suivent les mêmes chemins.
(...)
— Veille sur mes tabernacles. J’y suis si seul dans un très
grand nombre !... Des jours et des jours passent sans que quelqu’un me
rende visite. On ne m’aime pas, on ne répare pas. Quand ils y viennent,
ils le font soit par habitude ou par quelque obligation. Sais-tu ce qui
ne cesse pas de tom-ber sur mes tabernacles ? C’est cette chaîne
de péchés et de crimes. Ce sont là les actes d’amour
qu’ils y déposent; c’est ainsi qu’ils me consolent; c’est ainsi
qu’ils réparent; c’est ainsi encore qu’ils m’aiment !...
(...)
— Fais que je sois aimé par tous dans mon sacrement d’Amour,
le plus grand de tous les sacrements, le plus grand miracle de ma divine
Sagesse !
(...)
— Console-moi et aime-moi et moi, je te consolerai dans toutes tes
afflictions et dans tous tes besoins.
(...)
— J’ai établi en toi ma demeure... tu es un tabernacle
construit non pas par des mains d’homme, mais par des mains divines...
J’habite en toi comme si dans le monde toi seule, tu existais, comme si
dans le monde je n’avais que toi à combler.
(...)
Je ne t’abandonnerai jamais. Sais-tu quand je te laisserai ? Quand
je t’appellerai en ma divine présence pour t’emmener au Ciel. Alors
seulement j’abandonnerai ton corps... Me le donnes-tu librement afin que
je le crucifie pour les pécheurs ?
« Tu as choisi la meilleure part... »
— Comme Madeleine, tu as choisi la meilleure part. Aimer mon Cœur !
M’aimer crucifié, c’est très bien. M’aimer dans mes tabernacles,
où tu peux me contempler, non pas des yeux du corps mais de ceux
de l’âme et de l’esprit ; où j’habite avec mon Corps, mon
Âme et ma Divinité comme dans le Ciel, c’est choisir ce qu’il
y a de plus sublime.
(...)
— Ils ne croient pas à mon existence. Ils ne croient pas que
j’y habite. Ils blasphèment contre moi. D’autres croient que
j’y suis, mais ils ne m’aiment pas, ne me visitent pas: ils vi-vent comme
si je n’y habitais... Viens dans mes tabernacles; elles sont à toi
mes prisons; je t’ai choisie pour m’y tenir compagnie, dans ces abris qui
sont très souvent, extérieu-rement, si pauvres ! Mais à
l’intérieur, ô, quelle richesse ! C’est la richesse du Ciel
et de la terre !
(...)
— Veux-tu me consoler ? Veux-tu consoler le sanctificateur de ton âme
? Va dans les tabernacles !... Consoler les at-tristé, c’est faire
œuvre de miséricorde... Et moi je suis si triste ; je suis si offensé
!...
Là tu peux servir de victime pour les péchés du
monde, en cette période où le monde se révolte contre
moi et contre mon Église.
(...)
— Fais que je sois aimé par tous dans mon sacrement d’Amour,
le plus grand de tous les sacrements, le plus grand miracle de ma divine
Sagesse !
« Ne cesse pas de prier... »
? Ne cesse pas de prier pour les pécheurs. Je te les confie,
afin que tu me les rendes. Viens dans mes tabernacles.
Il m’a dit encore que “ou bien je réparais et la dévotion
aux tabernacles était prêchée, ou le monde allait être
puni avec beaucoup de sévérité”.
J’ai demandé à mon Jésus ce que je pouvais faire
pour beaucoup l’aimer et il m’a dit :
— Viens dans mes tabernacles ; viens me consoler ; viens réparer.
Ne cesse pas de réparer ; donne-moi ton corps pour que je le crucifie.
J’ai besoin de beaucoup de victimes pour soutenir le bras de ma justice
et j’en ai si peu ! Viens les remplacer... Fais que je sois aimé
de tous dans mon Sa-crement d’Amour, le plus grand de mes Sacrements et
le plus grand miracle de ma divine sagesse...
— O mon Jésus, Vous me caressez si tendrement en me disant des
choses si magnifiques. Ne voyez-vous pas ma petitesse... ma mi-sère
?...
— Ma fille, c'est dans ta petitesse et dans ta misère que Je
cache ma grandeur, ma gloire !...
« J’ai besoin de plusieurs victimes... »
— J'ai besoin de plusieurs victimes pour arrêter le bras de ma
Justice et J'en ai si peu !... Remplace-les. Je veux que tu me fasses aimer
dans mon sacrement d'amour, le plus grand des sacrements... le plus extraordinaire
miracle de ma Sagesse...
(...)
Oh ma fille chérie, je veux que tu sois toute à moi,
toute à moi et que tu ne vives que pour moi et n’aimes que moi et
ne cherches que moi !...
« Veux-tu vraiment me consoler ?... »
J’ai commencé à goûter les effets de Notre-Seigneur
avant même qu’il me parle : une grande chaleur, une force qui m’enlaçait
telle-ment qu’elle semblait m’arracher de ce monde. Je ressentais l’impression
que l’on a quand on reçoit des caresses et j’avais l’impression
aussi de recevoir des baisers...
(...)
Mes souffrances continuent d’augmenter de plus en plus, mais je ne
crains pas, parce que mon cher Jésus souffre avec moi. Bien au contraire,
je me sens joyeuse et contente, car par l’augmentation de mes souffrances,
je peux davantage aider les pauvres pécheurs et réparer les
offenses dont Notre-Seigneur est victime de leur part.
(...)
? La mission que je t’ai confiée, ce sont les tabernacles et
les pécheurs...
Par toi, beaucoup, beaucoup de pécheurs seront sauvés
; non par tes mérites, mais par les miens. Je cherche tous les moyens
pour les sauver...
Veux-tu vraiment consoler et aimer ton Époux, l’Époux
des âmes vierges que j’aime avec prédilection ?
Viens dans mes tabernacles, reste là, vis là, et donne-moi
ton corps pour que je le crucifie, afin de satisfaire à mes desseins.
Sois ma victime de réparation pour les pécheurs du monde
entier ; c’est ainsi que tu me consoleras beau-coup...
Ta couronne est plus brillante que toutes les perles pré-cieuses
du monde. Elle est embellie par toutes tes souffran-ces et par les âmes
des pécheurs que tu as sauvés. Une très haute place
est préparée pour toi [dans le Ciel].
« Combien de victimes j'ai choisies... »
— Combien de victimes j'ai choisies et qui se sont refu-sées
!... Combien j'ai appelées et ne m'ont pas entendu !... Combien
j'ai invitées à une grande élévation vers moi
et Je n'ai rien obtenu !
En toi Je me suis consolé; de toi J'ai tout reçu !...
Si tu voyais le nombre d'âmes qui se sont sauvées grâce
à toi, et spécialement en ces dernières années
par ton jeûne !
« Ma pensée était avec Jésus... »
— Ma petite fille, enfant de prédilection de Jésus, viens
: Je suis la Mère du Rosaire, je suis la Mère du Carmel.
Cachée dans mon sein, serrée contre mon Cœur, reçois
dans tes mains le Rosaire qui pend des miennes. Sur le Rosaire je place
le Scapulaire.
(...)
Notre-Seigneur m’a recommandé de ne pas me distraire pendant
la journée avec les visites, aussi nombreuses qu’elles puissent
être. Et en vérité, lors de la visite au Saint-Sacrement,
j’étais si unie à Jé-sus, qu’il me semblait que nul
ne pouvait me distraire... Je les lais-sais tous parler, mais ma pensée
était avec Jésus au Tabernacle.
1935
“AVEC MON SANG...”
À Jésus pour toujours...
Je voulais tout faire par amour pour Eux et, pour leur
prouver que je les aimaient. Quelques fois, je faisais des boulettes de
cire que j’attachais au bout d’un fil et, avec celles-ci, je me flagellais,
choi-sissant les endroits de mon corps les plus sensibles, ceux où
je me faisais le plus de mal, comme les genoux, les os. Mon corps deve-nait
bleuâtre sous les coups. D’autres fois, je nouais les
tresses de mes cheveux aux barreaux de mon lit et je tirais ensuite, de
toutes mes forces, afin de pouvoir souffrir davantage.
Un dimanche après-midi, j’ai éprouvé une si grande
aspiration d’amour pour Jésus, que je ne pouvais me contenir. Je
ne désirais qu’une chose: être seule. Finalement, tous les
miens ont décidé, même si hésitants, d’aller
à l’église. À peine ils sont sortis, j’ai pu montrer
à Jésus combien je l’aimais. Ayant pris l’épingle
à laquelle étaient accrochées mes médailles,
je l’ai enfoncée dans ma poitrine. Ne voyant point de sang couler,
je l’ai enfoncée davantage dans la chair, jusqu’à ce que
le sang coule. Je m’en suis servie comme d’une plume et j’ai écrit,
au verso d’une image pieuse :
— Avec mon sang, je vous jure de beaucoup vous aimer, mon Jésus.
Que mon amour soit tel, que je meure enlacée à la croix.
Je vous aime et je meurs d’amour pour vous, mon cher Jésus. Je veux
habiter dans vos tabernacles. (Balasar, 14.10.1934).
Aussitôt après, j’ai ressenti tellement de répugnance
et d’affliction, que je voulais déchirer cette image. Je ne sais
pas ce qui m’en a empêché. Cette preuve d’amour ne m’a procuré
aucune consolation.
Quand ma sœur est rentrée, elle m'a trouvée plongée
dans une grande inquiétude. Je ne lui ai pas dit ce que j’avais
fait, mais je lui ai simplement montré l’image. Elle s’est exclamée
:
— Petite folle que tu es! Que va dire le Père Pinho ?
Je me suis défendue en disant :
— Je ne lui dirai rien !...
Au contraire, je lui ai tout raconté ! Lui, il me dit :
— Qui t’en a donné l’autorisation ?
J’ai répondu alors que j’ignorais qu’une autorisation était
néces-saire. Il m’a interdit de refaire des choses de ce genre.
La valeur de l’âme-victime...
— De la même manière qu’avant que je ne vienne dans le
monde, des victimes étaient immolées dans le temple, ainsi
aujourd’hui je veux immoler ton corps comme victime. Donne-moi ton sang
pour les péchés du monde. Aide-moi dans le rachat. Sans moi
tu ne peux rien; avec moi tu peux tout, pour aider les pécheurs
et pour bien d’autres choses.
« Notre-Seigneur m’a parlé... »
Le 3 [janvier], vers vingt et une heures, après la visite au
Saint-Sacrement que je n’avais pas pu faire dans la journée, à
cause de mes grandes douleurs et d’une forte indisposition — et je ne l’aurais
pas faite, car j’avais grand sommeil — je me suis rendu compte, tout d'un
coup, de cette sensation que je ressens quand Notre-Seigneur vient me parler.
Cette nuit il m’est venu une idée qui peut, peut-être vous
aider à comprendre ce que je veux dire: j’ai la sensation qu’une
ondée vient me couvrir.
Je me suis inclinée sur le côté gauche et à
l’instant même, Notre-Seigneur m’a parlé.
Le singe de Dieu...
Voulez-vous savoir ce que m’a dit encore le maudit ?
— “O excommuniée, excommuniée et justement excommu-niée,
si tu lui écris encore quelque chose !... Convertis-toi, malheureuse
! Convertis-toi pauvre fille ! C’est l’amour que j’ai pour toi qui me fait
parler de la sorte. Je viens à peine de parler à ton Christ;
il m’a dit de prendre soin de toi, car il n’a plus de salut possible pour
toi. Combien il était en co-lère contre toi ! Il m’a dit
qu’il ne peut plus te voir, et que c’est justement à cause de tout
ce que tu écris. Si tu me promets de ne plus rien écrire,
je crois pouvoir encore ar-ranger les choses.”
Il a ajouté qu’il était inutile que je prie, car il n’y
a plus de salut possible, pour moi... que plus personne ne peut me secourir...
que je serai condamnée...
Après les prières, pendant une nuit de lutte, alors que
j’avais tant besoin de dormir, tout d’un coup, il s’est fait une telle
obscurité dans ma chambre, que je n’arrivais même pas à
voir un filet de lu-mière par la fenêtre qui donne sur le
couloir... Ensuite, j’ai vu une ombre toute noire dont je vous ai déjà
parlé à plusieurs reprises; je l’ai vu sauter vers moi et
je l’ai entendu me dire :
— “Je viens de la part de ton Christ, te chercher, afin de te mener
en enfer. Si tu t’endors, je te prendrai, toi et ton lit...”
J’embrassais le crucifix, et la voix continuait :
— “Embrasse ce scélérat !... Il m’a dit de te faire des
choses que je n’ose même pas répéter. Je ne te les
ferai pas, parce que je t’aime bien...”
Ce ne fut que quand j’ai pu m’emparer de l’eau bénite qu’il
m’a laissée en paix...
Il y a huit jours, j’ai vu tomber contre la porte de ma chambre, une
personne les bras en croix. Je ne sais pas expliquer ce que j’ai res-senti
dans mon cœur : je me suis épouvantée, mais aussitôt
après, le calme est revenu.
L’obscurité que j’ai décrite, se répète
bien souvent.
De temps en temps, je vois une rapide lumière... mais elle n’est
pas bien distincte...
Deux fois déjà, j’ai vu, posés sur ma poitrine,
comme deux yeux très grands, écarquillés, qui me fixent,
mais qui disparaissent aussi vite...
Dimanche, j’ai entendu une douce voix qui me disait :
— “Ma fille, je viens te dire de ne plus écrire de ce que tu
vois: c’est une illusion de ta part ! Ne vois-tu pas comment tu es faible
? Tu me fais de la peine en l’écrivant. C’est ton Jésus qui
te parle et non pas Satan ! ”
Méfiante, j’ai commencé à embrasser le crucifix,
et alors la voix se transforma, elle est devenue méchante :
— “Si tu écris encore quelque chose, je te mets le corps en
déconfiture. Crois-tu que je ne peux pas le faire ? ”
Le démon veut me prendre les objets sacrés que j’ai sur
moi et le crucifix que j’ai dans les mains... il me dit qu’il a des
secrets à me confier, mais qu’il faut que je me débarrasse
de ces objets qu’il haït.
(...)
Et moi, au milieu de tout cela, sans avoir un ministre de Notre-Seigneur
à qui je puisse ouvrir ma conscience; avec qui je puisse m’épancher
!... Comment ne devrais-je pas me sentir triste ? J’ai pleuré, mais
grâce à mon bien-aimé Jésus, ce n’étaient
que des larmes d’une grande résignation à sa très
sainte Volonté.
« Consacrez le monde à Marie !... »
— Je ne peux pas être davantage offensé... La profanation
du dimanche, le péché de la gourmandise, l'impureté...
que de crimes affreux, qui entraînent les âmes en enfer !...
Si ce monde d'iniquités ne s'arrête pas, bientôt
l'humanité sera punie.
J'ai fait avertir Sodome et Gomorrhe et l'on a méprisé
mes avertissements. Malheur à ceux qui, maintenant, feront de même
!
(...)
— Dis à ton directeur spirituel d'aviser le pape que s'il veut
sauver le monde, il doit hâter l'heure de la consécration
du monde à ma Mère. Qu'il La place à la tête
de la bataille et la proclame Reine de la Victoire et Messagère
de Paix. Le monde aura beaucoup à souffrir, parce que la malice
hu-maine est arrivée à son comble avec tous ses crimes. Pau-vre
monde, s'il n'a pas comme guide la Reine du ciel ! Pau-vre monde, si Elle
n'intercède pas auprès de Dieu !
« Sois ma victime... »
— Si tu m’aimes, si tu es toute à moi, ne me refuse pas ce que
je te demande. Sois ma victime.
(…)
Oh, c’est alors que je me suis sentie caressée par Notre-Seigneur
!... Quelle intime union ! Quelle force qui m’enlaçait si fortement
! Quelle paix dans mon âme !
Savez-vous à quoi j’ai pensé ? Quelle folle j’ai été
de ne pas avoir toujours aimé Notre-Seigneur, et que tous ceux qui
ne l’aiment pas, sont aussi fous !
(…)
— Tout ce que les adorateurs me demanderont dans la Sainte Eucharistie,
je leur accorderai. L’Eucharistie est la médecine pour tous les
maux...
Que l’on prie pour les malheureux pécheurs, lesquels, es-claves
de leurs passions, ne se souviennent plus qu’ils ont une âme à
sauver et qu’une éternité les attend bientôt.
« Tes sentiers sont les sentiers du Christ... »
— Ma fille, tu ne vis pas la vie du monde: tu es détachée
de tout ce qui lui appartient. Tu vis du ciel, tu vis de ce qui est divin.
Tes sentiers sont les sentiers du Christ : c'est pour cela que tu n'es
pas comprise. Ta mission est sublime, mon ange. C'est la plus riche des
missions. Voici donc la raison de la haine et de la persécution
de la part du démon à l'en-contre des âmes que tu lui
arraches; persécution de la part du monde parce qu’il ne comprend
pas la vie que tu vis, ce que c'est que ma vie dans les âmes.
C'est douloureux pour mon divin Cœur de voir ta douleur.
Il est nécessaire que les hommes étudient profondément
pour comprendre la vie du Christ dans les âmes.
Quand Je t'ai créée, Je t'ai faite avec la perfection
néces-saire pour accomplir la mission la plus sublime. C'est ainsi
que J'ai choisi les âmes qui devaient te guider, des âmes qui
comprennent, des âmes qui vivent seulement ma vie, la vie intime
avec moi. Je souhaite que tous mes disciples (les prêtres) étudient
cette science divine: ils ne l'étudient pas, ne la comprennent pas.
Je leur donne les lumières néces-saires et ils cherchent
à les éteindre, mais en vain.
Le mois de mai
Au mois de mai 1935, désireuse de consoler la Maman chérie
et de souffrir pour elle, j’ai pensé écrire, sur des petits
morceaux de pa-pier, des intentions, une pour chaque jour du mois. Chaque
matin j’en tirais un au sort et m’efforçait, pendant la journée,
de suivre ce qui était écrit. Ceci, uniquement, pour consoler
Jésus, par l’intermédiaire de Marie.
“Fleurettes” de mai 1935
1 Un vrai amour de ma part envers la très sainte Ma-man
et Jésus au Saint-Sacrement.
2 Par amour pour Jésus et Marie, je souffrirai pour tous
les prêtres.
3 Par amour pour Marie et Jésus au Saint-Sacrement, je
souffrirai pour quelques pécheurs qui m’ont été ar-demment
recommandés.
4 Par amour de Marie et de Jésus au Saint-Sacrement, je
souffrirai pour tous les pécheurs du monde.
5 Par amour pour Marie et Jésus au Saint-Sacrement, je
souffrirai pour obtenir un amour fou envers la Maman du ciel.
6 Par amour pour Jésus au Saint-Sacrement, je souf-frirai
pour les intentions de mon parrain et de ma fa-mille.
7 Par amour pour Marie et Jésus au Saint-Sacrement, je
souffrirai pour toutes les intentions qui m’ont été confiées.
8 Par amour pour Marie et Jésus au Saint-Sacrement, je
souffrirai pour mon directeur spirituel.
9 Par amour pour Marie et Jésus au Saint-Sacrement, je
souffrirai pour obtenir l’amour des anges, des chéru-bins et des
séraphins.
10 Par amour pour Marie et Jésus au Saint-Sacrement, je
souffrirai pour obtenir un amour ardent pour mon Jé-sus au Saint-Sacrement
et qu’il soit aimé par tous au Saint-Sacrement.
11 Par amour pour Marie et Jésus au Saint-Sacrement, je
souffrirai sans me plaindre.
12 Par amour pour Marie et Jésus au Saint-Sacrement, je
souffrirai tout ce qui est de la volonté de Dieu.
13 Par amour pour Marie et Jésus au Saint-Sacrement, je
souffrirai tout à la mémoire de la Passion du Sei-gneur.
14 Par amour pour Marie et Jésus au Saint-Sacrement, je
souffrirai tout pour ma mère.
15 Par amour pour Marie et Jésus au Saint-Sacrement, je
mortifierai mon corps.
16 Par amour pour Marie et Jésus au Saint-Sacrement, je
souffrirai tout pour le Saint-Père et pour les besoins de l’Église.
17 Par amour pour Marie et Jésus au Saint-Sacrement, je
souffrirai tout en l’honneur des douleurs de la Maman céleste.
18 Par amour pour Marie et Jésus au Saint-Sacrement, je
souffrirai pour ma chère Sãozinha.
19 Par amour pour Marie et Jésus au Saint-Sacrement, je
leur donne mon corps comme victime et je renouvelle le vœu de virginité.
20 Par amour pour Marie et Jésus au Saint-Sacrement, je
souffrirai tout pour obtenir de ne penser qu’au Jésus et Marie.
21 Par amour pour Marie et Jésus au Saint-Sacrement, je
souffrirai tout pour obtenir de vivre dans une grande intimité avec
mon Ange Gardien.
22 Par amour pour Marie et Jésus au Saint-Sacrement, j’observerai
le silence.
23 Par amour pour Marie et Jésus au Saint-Sacrement, je
souffrirai tout pour obtenir l’amour de la très Sainte-Trinité.
24 Par amour pour Marie et Jésus au Saint-Sacrement, je
souffrirai afin de tout obtenir du Seigneur et pour être sainte.
25 Par amour pour Marie et Jésus au Saint-Sacrement, je
renouvellerai le vœu de tout offrir pour les âmes du Purgatoire.
26 Par amour pour Marie et Jésus au Saint-Sacrement, je
souffrirai tout, en premier lieu pour notre “Croisade Eucharistique”
et pour une autre qui m’a été recom-mandée, et pour
le monde entier.
27 Par amour pour Marie et Jésus au Saint-Sacrement, je
souffrirai pour la conversion et pour tous les besoins de ma famille.
28 Par amour pour Marie et Jésus au Saint-Sacrement, je
souffrirai tout pour ma chère sœur.
29 Par amour pour Marie et Jésus au Saint-Sacrement, je
souffrirai tout pour les pécheurs qui sont tout près d’être
présentés devant Dieu.
30 Par amour pour Marie et Jésus au Saint-Sacrement, je
souffrirai tout pour obtenir l’amour de tous les saints et saintes.
31 Par amour pour Marie et Jésus au Saint-Sacrement, je
renoncerai aux fruits.
— Mère de Jésus et ma Mère, écoutez ma
prière : je vous consacre mon corps et mon cœur. Purifiez-le, Mère
très Sainte : remplissez-le de votre amour. Placez-le vous-même
auprès des Tabernacles de Jésus, afin qu’ils servent de lampe
jusqu’à la fin du monde.
Jésus demande la consécration...
Le 30 du courant mois, après la Communion, j’ai entendu
Jésus qui me disait :
— En raison de l’amour que tu as envers ma très Sainte Mère,
communique à ton directeur spirituel la demande sui-vante: que chaque
année un acte de consécration du monde à Elle soit
fait, un jour fixé et que l’on demande à la Vierge sans tache
de confondre les impurs, afin que ceux-ci chan-gent de vie et ne M’offensent
plus davantage.
Comme Je l’ai demandé à Marguerite Marie la consécration
du monde à mon divin Cœur, ainsi Je te demande à toi, qu’il
soit consacré à Elle, avec une fête solennelle.
« Quelle paix je sens dans mon âme... »
(…)
Dans la journée, je redisais à Notre-Seigneur : O mon
Jésus, je ne sais pas comment vous remercier pour tant de bienfaits.
Moi, qui ne suis pas digne de lever les yeux au ciel, ni de vous appeler
du très doux nom de Père, je reçois de vous tant de
grâces ! Merci, merci beaucoup, mon Jésus !
(...)
— Ne tardez pas à faire connaître tout ce que Je vous
com-munique au sujet de l’Eucharistie. vous n’avez que cette médecine.
C’est de celle-ci que naissent les paratonnerres pour éloigner la
divine Justice.
(...)
Quelle paix je sens dans ma pauvre âme ! Comme j’ai envie de
l’aimer de plus en plus ! Aujourd’hui je l’ai reçu, avec peu de
fer-veur; mais il y a déjà eu pire. Savez-vous ce que je
crois voir ? De plus en plus de grandeur en Notre-Seigneur, et en moi,
de plus en plus de petitesse: on dirait que je m’accroupissais, que je
mettais à plat ventre. Pour cela même, je me sens de plus
en plus indigne de recevoir Notre-Seigneur, la grandeur et la bonté
infinies ! Mais, confions en sa miséricorde, n’est-ce pas ?
La “lampe” des tabernacles
O mon Jésus, je m’unis spirituellement à toutes les Hosties
de la terre, dans tous les lieux où vous habitez au Saint-Sacrement;
je veux y passer tous les moments de ma vie, constamment, de jour comme
de nuit, joyeuse ou triste, seule ou accompagnée, à vous
consoler toujours, à vous adorer, à vous aimer, à
vous louer, à vous glorifier ! O mon Jésus, je voudrais que
tant d’actes d’amour tom-bent sur vous, constamment, de jour comme de nuit,
comme la pluie fine qui tombe du ciel pendant une journée d’hiver.
Je ne voudrais pas ces actes d’amour uniquement de moi, mais de tous les
cœurs, de toutes les créatures du monde entier. Oh ! Comme je voudrais
aimer et vous voir aimé de tous ! Vous voyez, ô Jésus,
mes désirs: acceptez-les comme si déjà je Vous aimais
! O Jésus, qu’il ne reste dans le monde un seul lieu où vous
demeurez au Saint-Sacrement, sans qu’aujourd’hui et pour toujours, à
chaque instant de ma vie, je n’y sois pour Vous dire : “Jésus, je
vous aime ! Jésus, je n’appartiens qu’à vous ! Je suis votre
victime, la victime de l’Eucharistie, la petite lampe de vos tabernacles
! ” O Jé-sus, je veux être victime pour les prêtes,
les pécheurs, ma famille ; victime par amour pour vous, pour
votre très sainte Passion, pour les douleurs de la Maman chérie,
pour votre Cœur, pour votre sainte Volonté ; victime pour le monde
entier ! Victime pour la paix, victime pour la consécration du monde
à la Maman du ciel !
« Il me semble avoir davantage de péchés... »
On dirait que tout ce qui s’est passé en moi est oublié,
sauf les pé-chés ; ceux-là je me les rappelle. J’ai
quelques fois des moments d’affliction dont j’ignore la cause. À
ces moments-là, il me semble avoir davantage de péchés
!
« Je suis votre victime !... »
La Toussaint a été pour moi un jour de grande tribulation:
dès le matin, j’avais l’impression de comparaître devant Notre-Seigneur,
sans rien, les mains vides. Cette situation me faisait penser à
celle d’un mendiant qui n’a même pas un vieux chiffon pour se couvrir:
moi non plus, je n’avais rien pour ma pauvre âme. Il me semblait
ne pas avoir de cœur pour aimer Notre-Seigneur, et j’avais aussi l’impression
qu’on l’éloignait de moi, mais je ne comprenais pas ce qui se passait...
Après la sainte Communion, il me semblait que je traitais Jésus
comme un étranger.
Hier, j’ai de nouveau ressenti ce que je vous ai déjà
expliqué il y a quelque temps: soudain il m’a semblé porter
sur moi tous les pé-chés du monde, que tous les crimes étaient
les miens. Je ne sais pas expliquer ce que j’éprouvais alors...
Quand je me sens affligée, j’ai l’habitude de dire : “Mon Dieu,
que votre très sainte Volonté soit faite. J’ai confiance
en vous. Je vous aime beaucoup, mon Jé-sus, je suis votre victime
!...
Si je pouvais, par mes souffrances, fermer les portes de l’enfer! C’est
ce que je répète souvent à Notre-Seigneur : “ O mon
Jésus, que chaque nouvelle douleur, que chaque nouvelle affliction,
soient autant d’actes d’amour pour vos Tabernacles, autant de serrures
pour les portes de l’enfer, afin que les forces du mal ne puissent plus
les rouvrir.
Je regrette de ne pas savoir remercier Notre-Seigneur pour tant d’amour
pour la souffrance et pour tant et tant de bienfaits que je reçois
de Lui. Mon Père, je vous demande, par charité, de remercier
et de louer Jésus pour moi. Notre-Seigneur m’a donné la perle
la plus précieuse, la plus grande richesse que l’on puisse avoir
en ce monde. Combien heureux est celui qui souffre pour Jésus !
Si je ne l’avais pas autant offensé, mon bonheur serait à
son comble. Mais, malgré mes péchés, il me semble
que nul au monde n’est plus heureux que moi...
Mon état d’âme n’a pas changé : toujours le même
abandon dans lequel Notre-Seigneur m’a laissée... Que Notre-Seigneur
daigne ac-cepter toutes les peines que je souffre pour la conversion des
pé-cheurs. Les âmes de ces malheureux qui offense tant Jésus,
me préoccupent beaucoup. J’ai tant de peine pour leurs petites âmes
! Penser qu’une fois perdues, elles le sont pour toujours ! Quelle dé-solation
! Je ne peux pas m’arrêter de tout endurer et d’offrir tous les sacrifices
pour leur salut et soulager Jésus.
Quand je contemple Jésus crucifié et le vois si maltraité,
alors mon chagrin redouble et mon cœur se remplit de douleur et de tristesse,
me souvenant qu’à chaque instant il est si horriblement crucifié...
J’en souffre beaucoup. Parfois, mon corps n’en peut plus résister
et je crois mourir. Cependant, mon esprit vit encore, Dieu soit loué.
Il vit dans le désir de souffrir davantage, pour pouvoir ainsi consoler
et soulager Celui qui m’aime tant et qui est mort pour moi. C’est ainsi
que je vis, sans aucun moment de consolation, au milieu des ténèbres
et dans un complet abandon; mais toujours dans les bras de Jésus,
tenant ma place de sentinelle auprès de ses Tabernacles, partout
où il habite au Saint-Sacrement. Je lui dis alors:
“O mon Jésus, si je me distrais ou si je m’endors, rappelez-moi
aus-sitôt, par des afflictions ou par des souffrances, afin que je
prenne votre défense et que les péchés du monde ne
tombent pas sur vos prisons d’amour. Je veux vivre et mourir dans vos bras,
mais sans jamais arrêter de vous consoler et de vous aimer; sans
jamais ces-ser de vous tenir compagnie et de vous soulager.”
« Il me semble que tout s’assombrit... »
Il me semble que, jour après jour, tout s’assombrit de plus
en plus. Même le Soleil divin qui me réchauffait, m’éclairait
et donnait la force à ma pauvre âme, semble s’être obscurci.
Patience!
Je veux tout souffrir pour mon Bien-Aimé Jésus, pour lui
sauver beaucoup d’âmes: c’est la mission que Notre-Seigneur m’a confiée,
en ce monde, n’est-ce pas ?
Combien elle est belle et consolante la prière du “Notre Père”
! “Que votre volonté soit faite sur la terre comme au ciel !” Que
ma plus grande consolation soit celle de savoir que je fais la volonté
de mon Bien-Aimé Jésus, qui a tant aimé cette misérable
pécheresse...
Pour dicter ces quelques lignes, j’ai dû m’y prendre à
plusieurs re-prises : il me fallait attendre de pouvoir parlé, car
mes souffrances sont si grandes, qu’elles m’accablent et m’épuisent
complètement.
1936
“OFFRE-TOI...”
« Jésus écoute bien mes demandes... »
Mon doux Jésus ne semble pas encore satisfait de ma crucifixion.
Il écoute bien les demandes que je lui fais d’augmenter mes tour-ments.
En plus des énormes douleurs qui me torturent, je me sens, maintenant,
comme suspendue à une balançoire, poussée de droite
à gauche et de bas en haut, ce qui me cause une très grande
souf-france dans tout le corps. Les douleurs de mon bras gauche sont aussi
plus aiguës. Béni soit Notre-Seigneur ! Que sa très
sainte vo-lonté, qui est aussi la mienne, soit faite. Mais, que
sont les maux corporels, comparés aux souffrances de l’âme
! Ce n’est qu’avec l’aide divine que je peux y résister. Ce complet
abandon, dans le-quel mon Bien-Aimé Jésus a daigné
me placer — être privée de lu-mière et de consolations
— me coûte énormément.
« Endurer toutes les souffrances... »
S’il m’était possible d’endurer toutes les souffrances du monde,
je ne les refuserais pas, pourvu que Jésus fût aimé
de tous. Je dis souvent à Jésus :
— Mon Bien-Aimé Jésus, comme j’aimerais vous consoler
et pouvoir vous dire : “Mon Jésus, vous ne serez plus offensé
! Il ne tombera désormais plus d’âmes en enfer ! Vous êtes
aimé et connu de tous !” Oh oui, je veux beaucoup souffrir, afin
que votre Sang n’ait pas été versé inutilement pour
aucune âme !
« O douleur bénie !... »
O douleur, douleur bénie ! O croix, lit sacré !... Je
veux que tu sois ma tombe d'où je ne puisse plus sortir !... Croix
sainte, trésor im-mense dont Jésus a voulu m'enrichir, je
te désire, je t'embrasse, je veux être clouée à
toi, toute entourée d'épines ! Je veux être bles-sée
et immolée pour Jésus, avec Jésus ! La croix fait
mon bonheur sur la terre et me rendra heureuse au ciel !...
Mois de mai...
En mai 1936, déjà sans forces, ne pouvant plus écrire,
mais dési-rant donner, à Jésus et Marie, la même
preuve d’amour que l’année précédent, j’ai demandé
à ma sœur d’écrire les intentions de prière suivantes,
sur les bulletins à tirer au sort quotidiennement, souf-frant et
aimant selon l’intention écrite.
Le 31 mai 1936, j’ai écrit ce qui suis :
— Petite-Maman du ciel, je viens humblement à vos pieds pour
dé-poser les fleurs spirituelles recueillies pendant le mois. Je
suis confuse : quelle pauvreté ! Dans quel état je vous les
confie ! Elles sont si fanées et si effeuillées ! Mais vous,
ô ma très chère Maman céleste, vous pouvez les
transformer, les reverdir, les ravigoter, afin qu’avec elles, à
ma place, vous puissiez apporter consolation et parfum à Jésus
! Parlez-Lui de mes peines et de mes afflictions.
(…)
Ma très chère Petite-Maman, en ce dernier jour de votre
mois béni, en prenant congé, vu que je n’ai rien d’autre
à vous offrir, je vous offre mon corps et je vous demande de le
garder et de le serrer dans vos bras très saints comme votre fille
la plus aimée.
La mort mystique
Le Seigneur m’a informée, courant 1935, que je mourrais
le jour de la fête de la très Sainte-Trinité
1936. Vu que je ne connaissais pas d’autre mort, je pensais quitter ce
monde et partir vers l’éternité.
Pendant cette période j’ai eu beaucoup de consolations spirituelles.
Plus le jour de la fête de la très Sainte-Trinité approchait,
plus grande était ma joie : je serais partie célébrer
au ciel la fête de mes trois amours, comme je les appelais: le Père,
le Fils et le Saint-Esprit.
Les douleurs de mon corps allaient en augmentant et, tout portait à
croire à ma prochaine disparition. Deux jours avant, le Seigneur
m’a confirmé que je mourrais entre les 3 et 3 heures 30 du matin
et m’a dit de faire appeler mon directeur spirituel. Cela fut fait.
l est arrivé vers le soir et est resté auprès
de mon lit toute la nuit. Il m’a préparée à mourir;
et a fait avec moi un acte de complète résignation et de
conformité à la volonté de Dieu. J’ai demandé
pardon à toute la famille et dans la joie, je chantais :
Heureuse, ô heu-reuse ! Heureuse qui, mille fois,
Et j’en ai tant en-vie, Dans sa longue agonie
De mourir en chantant Avec amour peut citer
Le saint nom de Marie ! Le saint nom de Marie !
Ensuite, j’ai été prise d’une affliction croissante.
À l’heure fixée, je ne sais pas ce que j’ai ressenti ; j’ai
cessé d’entendre tout ce qui se passait autour de moi. Mon Père
spirituel et mes familiers ont récité les prières
pour les agonisants; ils ont allumé un cierge béni qu’ils
ont placé entre mes mains, mais déjà je n’avais connaissance
de rien. Je suis restée ainsi un certain temps. Ils pensaient que
j’étais morte et ils me pleuraient. Tout d’un coup, j’ai commencé
à enten-dre leurs pleurs; j’ai recommencé à respirer
et, petit à petit, j’ai re-pris mes esprits, tout en restant encore
en état de dépression et je pensais : “Vous continuez à
pleurer et moi, je continue de mourir !” J’attendais toujours de comparaître
devant Dieu. Cela ne me faisait rien de quitter ce monde et ma chère
famille.
À un certain moment, voyant que je m’en remettais et que les
pa-roles de Jésus ne se réalisaient pas, une grande et inimaginable
tristesse m’envahit; je me sentais comme oppressée par un poids
écrasant.
Mon directeur spirituel a dû partir, sans m’adresser la moindre
pa-role de réconfort. J’ai passé la fête de la très
Sainte Trinité comme une moribonde ; à l’intérieur
de moi, tout était mort. Mes larmes coulaient abondamment. Des doutes
insupportables m’ont assaillie : je m’étais trompée, au sujet
de la mort, ainsi que sur tout ce que Jésus m’avait dit jusqu’alors...
Pendant les deux jours qui ont suivi, il me semblait que tout était
mort. Il n’y avait plus de soleil, plus de lune, plus de jour pour moi.
Vivre m’était presque insupportable.
Deolinda et Sãozinha s’approchaient de moi et me demandaient
:
— Pourquoi ne parles-tu pas ? Pourquoi ne nous souris-tu pas ?
Moi, je leur répondais :
— Laissez-moi seule ! Je ne suis plus la même. Vous ne me verrez
plus sourire. Il n’y aura plus jamais de soleil capable de m’éclairer
!
Et je pleurais.
Plongée dans la plus grande douleur, dans la plus grande amer-tume,
je parlais de telle sorte qu’elles ne savaient plus quoi me dire. Elles
parlaient même de faire appeler mon directeur spirituel. Mais, sans
que personne en soit prévenue, le Père Oliveira Dias
est arrivé, envoyé par mon directeur spirituel, pour réconforter
mon âme. Le bon Père m’a expliqué mon cas, me racontant
des cas semblables au mien qui sont arrivés dans la vie de certains
saints. C’est ainsi que j’ai appris qu’il s’agissait de la mort mystique
et, de laquelle je n’avais jamais entendu parlé.
J’ai eu comme l’impression que ce fut comme un ange envoyé du
ciel pour calmer la tempête de mon âme. J’ai toutefois continué
de vivre dans l’épreuve. Il me semblait que Jésus, lui aussi,
était mort, car pendant quelques mois, je n’ai plus entendu sa voix.
Quand l’agonie de mon âme augmentait, je me remémorais les
faits que le Père Oliveira Dias m’avait racontés et je reprenais
un peu de cou-rage, aidée en cela par mon Père spirituel.
Encore la Consécration...
— Je vais te dire comment sera faite la consécration du monde
à la Mère des hommes et ma très Sainte Mère,
que j’aime tant ! Ce sera à Rome, par le Saint-Père, qu'il
sera consacré, et ensuite par tous les prêtres dans toutes
les églises du monde entier... Ne craignez pas, mes desseins s’accompliront.
« Écoute mes divins désirs... »
Un jour Jésus m’a dit :
— Écoute mes divins désirs : dis à ton Père
spirituel de faire connaître partout que ce fléau
est un châtiment, c’est la colère de Dieu. Châtiment
pour rappeler : Je veux le salut tous. Je suis mort pour tous. Je ne veux
pas être offensé et je le suis grandement, en Espagne et partout
dans le monde entier ! Il est grand, le danger, que ce fléau et
que les actes de barbarie se répandent.
Maintenant, je vais te dire de quelle manière sera faite la
consécration du monde à la Mère des hommes et ma très
sainte Mère :
D’abord par le Saint-Père, à Rome; ensuite, par tous
les prêtres dans toutes les églises. Elle sera invoquée
comme Reine du ciel et de la terre ; Notre-Dame de la victoire.
Si le monde corrompu se convertit et change de chemin, Elle régnera
et par son intermédiaire on obtiendra la vic-toire. N’aie pas peur,
ma fille : mes désirs se réaliseront !...
Une vision
Vers la fin de 1936, une nuit, j’ai aperçu, à peu de
distance, un pré très vert et très fleuri. Les fleurs
étaient des lis. Combien ils étaient nombreux ! Combien ils
étaient parfaits ! Au milieu de ce pré, pais-sait un troupeau
d’une immensité de brebis. Le berger, c’était Jé-sus,
grandeur nature, très beau, un bâton à la main.
Je me suis approchée du pré ; au moment où j’allais
entrer, le tout se transforma dans une route aride. J’ai cheminé
jusqu’à une pente très difficile à monter. Pour arriver
au sommet de la montagne, je devais parcourir un sentier qui faisait peur:
que des ronces et des épines. À ma gauche j’entendais bêler
les brebis. J’aurais aimé m’approcher pour voir la cause de leurs
lamentations, mais un pré-cipice profond et obscur m’empêchait
enfin de les voir. Je percevais qu’elles souffraient beaucoup. J’ai continué
de cheminer le long de ce sentier et puis, tout en haut, à droite,
j’ai encore entendu des lamentations. Depuis la hauteur, j’ai pu voir la
cause de tant de souffrance: il y avait une brebis à la laine très
blanche, mais très sale, tombée et enchevêtrée
entre de longues et aiguës épines. De suite j’ai compris que
ses lamentations n’étaient pas de nostalgie de sa maman, parce qu’elle
était déjà assez grande. J’ai eu telle-ment de peine,
de la voir dans cet état, que je me suis approchée et, avec
beaucoup d’amour, patiemment, je l’ai libérée de ses épi-nes.
Aussitôt libérée, la vision cessa.
Je ne l’ai plus jamais oubliée. Elle resta gravée dans
ma mémoire et dans mon âme.
« Malheureux celui qui est paralytique »
Lors des festivités du mois de mai dans la paroisse, je restais
seule à la maison. Pour faire mes prières, j’allumais quelques
bougies avec une canne. Un jour, un bout de bougie allumée est tombé
ris-quant de faire prendre feu à la nappe de la table ou faire éclater
le globe de verre. Je voulais l’étendre avec la canne, mais je n’y
réus-sissais pas. Au moment ou je m’apprêtais à laisser
tomber dessus le chandelier, tout s’est éteint.
Quelle affliction de ne pas pouvoir bouger et empêcher qu’une
aussi petite flamme ne cause la destruction de notre maison !
Un autre jour où je devais aussi rester seule pour peu de temps,
j’ai eu une grande peur.
Une voisine est entrée pour me demander si j’avais besoin de
quel-que chose. Quand elle est partie, elle a laissé la porte de
la véranda ouverte et, peu de temps après, notre chèvre
en a profité pour en-trer. Elle a pris la direction de la salle
où nous gardions les vases de fleurs destinés à l’ornementation
de l’église, les jours de fête. Je l’ai appelée : elle
m’a regardé, mais n’est pas venue. Je lui ai jeté un morceau
de miel, mais elle ne l’a pas mangé, je lui ai encore mon-tré
un autre bon morceau et j’ai continué de l’appeler; à la
fin, elle a fini par s’approcher de moi. Alors, je l’ai saisie, je lui
ai donné le miel et je l’ai ensuite tenue pendant deux heures: quelquefois
la caressant, quelquefois aussi lui administrant quelques petites tapes.
Quand ma sœur est arrivée, elle s’est étonnée
que j’ai pu faire un tel effort. J’ai remercié Jésus pour
avoir pu éviter, malgré ma para-lysie, le désagrément
de voir nos fleurs détruites.
Quelque temps après, j’ai eu une épreuve plus douloureuse.
Ma sœur s’était absenté du village et ma mère
était partie au mar-ché. Je suis restée avec une jeune
fille chargée par ma mère de m’aider, jusqu’à son
retour. Malgré ses vingt ans, elle préféra s’en aller
avant l’heure. Au moment où elle sortait, je lui ai dit :
— “Si vous voulez partir, faites-le. A leur retour, elles me retrou-veront
ici, vivante ou morte”.
À peine la jeune fille était-elle sortie, que quelques
chatons, après plusieurs tentatives, réussirent à
monter sur mon lit. Comme je ne le voulais pas, je les ai obligés
à descendre. Quelques minutes plus tard, j’ai entendu que l’un d’eux
tombait dans une bassine d’eau. Il a beaucoup miaulé et, après
avoir avalé beaucoup d’eau, il est mort. La mère a, elle
aussi, beaucoup miaulé.
Je n’ai pas réussi à me dominer et j’ai commencé
à pleurer, en di-sant :
— O Maman du ciel, faites que quelqu’un arrive et puisse le sau-ver
!
J’ai invoqué plusieurs saints.
En même temps je pensais : — Malheureux, celui qui est paralyti-que
!
Par hasard, deux personnes sont entrées et, me voyant pleurer
ont été impressionnées. C’est que je ne pleurais pas
d’impatience, mais parce que j’avais de la peine pour les animaux.
Le comportement de la jeune fille a déplu à ma mère
et à ma sœur, mais elles lui ont pardonné, comme moi aussi,
je lui ai pardonné.
Comme j’aimais la solitude, spécialement le dimanche, lorsque,
à l’église se faisait l’adoration du Saint-Sacrement, je
demandais aux miens de me laisser seule avec Jésus.
C'est ainsi, qu'un jour, aussitôt que je les avais entendues
partir, je m'étais mise à réciter mon chapelet. Peu
après, j'ai entendu ouvrir le portail qui donne dans le jardin et
des pas légers arpenter les es-caliers, en même temps qu'une
voix répétait avec insistance : — Ouvre-moi la porte !
D'immédiat j'ai reconnu cette voix et, j'ai tremblé
apeurée... Avec confiance, j'ai serré entre mes mains le
chapelet, mais j'étais at-terrée, en pensant à ce
qui pourrait m'arriver... J'entendais pousser fortement la porte et manœuvrer
la serrure... Je tremblais, sans même oser respirer, car je savais
que la porte n'était pas fermée à clef... Mais, je
ne sais comment, la porte ne s'est jamais ou-verte !... Après de
vains essais, le voyou a renoncé et est parti, me laissant en paix.
J'attribue à Jésus et à la Mère du Ciel
d'avoir été épargnée de cette mauvaise rencontre.
À partir d'alors, jamais je n'ai voulu rester seule à
la maison.
« Je me suis offerte à Notre-Seigneur !... »
Sans savoir comment, je me suis offerte à Notre-Seigneur, comme
victime et j'ai demandé, maintes fois, l'amour de la souffrance.
J'ai été bien exaucée; maintenant, je ne changerais
pas la douleur contre tous les trésors du monde. Avec quel emportement
j'offrais à Notre-Seigneur toutes mes souffrances. La consolation
de Jésus et le salut des âmes, voilà ma seule aspiration...
(...)
Béni soit mon Bien-Aimé Jésus qui m’a donné
la plus grande ri-chesse que l’on puisse avoir en cette vie: il m’a donné
les souffran-ces, mon plus grand bonheur ! Je pense que toute l’éternité
ne sera pas assez longue pour l’aimer, le louer et le remercier pour tant
de grâces, tant de bienfaits, tant de richesses dont il m’a comblée
!
Mon Père, c’est du plus profonde de mon cœur que je peux vous
le dire: si l’on venait me déclarer, en ce moment même, que
je pas-serais le reste de ma vie sans souffrir, mais, qu’au ciel, j’aurais
le même degré de gloire que si je souffrais toujours, je répondrais,
sans hésiter: non, mille fois non. C’est par la souffrance que les
portes du ciel m’ont été ouvertes. Si je peux avoir le bonheur
de ressembler à Jésus crucifié, devrais-je le mépriser
? Non, cela non; souffrir et souffrir toujours ! Ce n’est que l’amour qui
récompense l’amour ! Jésus a souffert et est mort par amour
pour moi; moi aus-si, je veux souffrir et mourir pour son amour.
Je vis dans une sorte de continuel délaissement spirituel, très
an-goissant. Mais que seule la volonté de Notre-Seigneur soit faite.
« Offre-toi pour les âmes... »
En contemplant Jésus crucifié et me rappelant tout ce
qu’il a souf-fert pour moi, je ne peux rien Lui refuser. Au contraire,
je Lui dis: “Encore davantage, mon Jésus; toujours plus !” Et il
daigne m’exaucer: il a toujours des souffrances à me faire partager.
Mon âme est dans un tel état de délabrement et
de froideur, que je la compare à une maison qui, suite à
un incendie, n’est plus que ruines. Pauvre de moi! C’est tout ce que j’y
trouve: une vie de pé-chés et d’infidélités
envers Notre-Seigneur, rien d’autre...
(...)
Jésus est venu m'aider à plusieurs reprises. Il m’encourageait...
m'humiliait... me confondait... et me disait des choses si belles. Il agissait
à mon égard, comme si je ne L'avais jamais offensé...
comme si ma vie ne Lui était pas connue !... Que je suis misérable
! Que je suis ingrate envers Notre-Seigneur, si bon et si tendre pour moi
!...
— Reçois, ma fille, le Sang qui engendre les vierges, donne
la pureté, la grâce, l'amour. C'est la vie divine que Je donne
à mes épouses les plus chères...
Offre-toi pour les âmes, pour les sauver. Je t'ai confié le
monde, et il ne correspond pas... Les âmes qui m'aiment sont si peu
nombreuses; sont si peu nombreuses celles qui savent bien souffrir, qui
connaissent la valeur de la croix et qui l'aiment. Il est grand, par contre,
le nombre de celles qui m'offensent !... Il y a tant de malice! La chasteté
est en train de disparaître du monde.
1937
L’ENQUETE
« Ma médecine était Jésus »
Vers la fin du mois d’avril 1937, j’ai eu une grande crise [physique]
que me mit aux portes de la mort: des vomissements à ne plus en
finir; mon estomac n’acceptait aucun aliment. Les premiers jours je suis
restée dans un profond abattement. Je ne reconnaissais per-sonne.
Je n’avais ni faim ni soif. Monsieur le curé, par trois fois, me
récita les prières pour les agonisants, mais je m’en souviens
très peu. J’entendais que l’on priait, mais je ne pensais pas à
la mort.
Depuis un an, je recevais régulièrement la Communion
, alors qu’auparavant, malgré la peine que cela me causait, je ne
la rece-vais que quelques fois par mois.
Je ne sais pas pourquoi, mais probablement parce le Seigneur l’inspira
à l’abbé, celui-ci me portait Jésus chaque jour. J’avais
de-mandé cette grâce qui fut pour moi une très grande
joie.
Lors de cette période de vomissements, un jour j’ai vu entrer
mon-sieur le Curé dans ma chambre. Le reconnaissant, je lui ai dit
:
— J’aimerais recevoir Jésus.
Il m’a répondu :
— Oui, ma chère, je vais prendre une hostie non consacrée:
si tu ne la rejettes pas, je te donnerai Jésus.
Et ce fut ainsi. Toutefois, à peine avalée, je l’ai rendue
aussitôt. Le Père était d’avis de ne pas me donner
la Communion, mais quel-qu’un lui dit :
— Monsieur le Curé, une hostie non consacrée n’est pas
Jésus !
Alors il se décida à me donner la Communion et je ne
l’ai pas ren-due. Je ne suis plus jamais restée sans la Communion.
Combien de fois le curé en entrant, me trouvait prise de crises
de vomissements ! Mais, à peine avais-je reçu Jésus,
que les crises et les nausées cessaient, pour ne revenir qu’une
demi-heure après la Communion. C’est par cette raison que Monsieur
le Curé ne crai-gnait plus de me donner Jésus.
La crise dura pas mal de temps et, pendant dix-sept jours je n’ai rien
pu avaler: ma médecine était Jésus. Je disais : —
“Je meurs de faim et de soif” — car après les premiers jours, je
sentais une soif brûlante et un grand besoin de m’alimenter. Quand
j’en fus guérie, ma plus grande peine me venait lorsque je pensais
que, si j’étais morte pendant cette crise, je n’aurais pas eu une
parfaite connais-sance de la mort.
La visite du Père Durão, sj
Le 21 mai 1937, j’ai eu la visite du révérend Père
Durão. Il était envoyé par le Saint-Siège afin
d’examiner la question de la consé-cration du monde à Notre-Dame.
Je ne désirais pourtant que vivre cachée, sans que personne
sache ce qui se passait en moi. Le ré-vérend remis à
ma sœur un billet de mon directeur spirituel, lui demandant de me le lire.
En entendant les mots du billet — qui étaient les suivants : “Je
vous présente le révérend Père Durão;
parlez-lui librement et répondez à tout ce qu’il vous demandera”
—, je me suis affligée et j’ai demandé à ma sœur ce
que je devais lui répondre, car je ne savais pas qu’un interrogatoire
était nécessaire pour des cas comme le mien. Ma sœur m’a
encouragée en me di-sant :
— “Dis-lui ce que Notre-Seigneur t’inspirera”.
J’ai été surprise, par la manière dont, sans hésitation,
j’ai répondu aux questions au sujet des communications de Notre-Seigneur.
Il m’a suggéré de ne lui dire que les choses principales,
afin de ne pas me fatiguer. Je lui ai répondu que je ne savais pas
quelles étaient les choses principales. Le révérend
me dit alors :
— J’aime ça ! J’aime ça !
Et ce fut alors qu’il m’a parlé de la consécration du
monde à Notre-Dame. Après quelques questions il m’a dit :
— Vous ne vous trompez pas ?
À ces paroles, je me suis souvenue de mon erreur au sujet de
ma mort et, j’ai pensé :
— Une fois déjà, je me suis trompée...
Et je lui ai raconté ce qui s’était passé le jour
de la fête de la très Sainte-Trinité, en 1936. Le révérend
Père ne m’a plus dit si je ne me serais pas trompée, mais
il a repris :
— Ces choses-là coûtent beaucoup, n’est-ce pas ?
Et je lui ai répondu :
— Oui, elles coûtent et me rendent triste.
Et j’ai commencé à pleurer.
À la fin, il s’est recommandé à mes prières
et m’a assuré qu’il ne m’oublierait pas non plus, lors de la célébration
de la sainte Messe. Il s’est agenouillé ensuite et a récité
trois Ave et quelques prières jaculatoires. Celles-ci terminées,
il a pris congé.
J’ai beaucoup pleuré, et je suis restée dans la tristesse
et la tour-mente, car ce qui pendant longtemps était resté
caché et gardé au sein de la famille, sortait ainsi à
la lumière.
Tout de suite j’ai écrit à mon directeur spirituel pour
tout lui ra-conter. Il m’a répondu rapidement en me rassurant, me
disant que tout cela servait pour la plus grande gloire de Dieu.
« Le maudit me disait... »
Les horribles attaques que vous connaissez, mon Père, se sont
ré-pétées; tout particulièrement celle survenue
dans la nuit qui suivit votre départ. O mon Jésus, quelle
chose effroyable ! Et le maudit me disait :
— “Toi qui commets tant de crimes, tu veux te faire passer par une
bonne personne, par une innocente. C’est le prix de tout ce que tu racontes
à cette espèce de baratineur.”
Il me disait d’autres choses semblables. Puis, il me précipita
en bas du lit, mais mon cher Jésus ne m’a pas abandonné;
il est venu à mon aide.
Avant même que je n’entende sa voix, je ressentais une très
grande paix. Il m’a parlé ainsi :
— Qui pourrait te donner cette paix que je te fais ressen-tir ? Courage;
la victoire t’appartient ! Rassure-toi, car je ne permettrai pas que tu
m’offenses. Je ne veux pas te délivrer de ces horribles combats,
car j’en retire beaucoup de répa-ration pour moi-même et des
trésors de grâce pour les pau-vres pécheurs. Repose-toi
dans mon Cœur. Les bons anges te défendront des mauvais. Reçois,
mon ange, les caresses de ton Jésus...
Si je suis encore de ce monde, lorsque je vous rencontrerai de nou-veau,
je vous expliquerai mieux tout cela. vers minuit, j’ai été
li-bérée du maudit. Quelles heures terribles ! Mon cher Jésus
me dit, et vous aussi, mon Père, en qui j’ai toute confiance, que
je n’offense pas Notre-Seigneur, alors que j’étais convaincue du
contraire. Je pensais que dans de telles circonstances il était
impos-sible de ne pas l’offenser.
Le déchaînement des forces infernales
Ce fut au mois de juillet 1937 que le démon, non content de
me tourmenter la conscience et de me dire des turpitudes, après
quel-ques mois de menaces, a commencé de me battre et à me
faire tomber du lit, de jour comme de nuit. Au début j’ai caché
la chose y compris aux personnes de la maison, excepté Deolinda,
leur di-sant qu’il s’agissait de crises du cœur. Mais, par la suite, ma
mère et une jeune fille qui vivait avec nous, ont été
informées.
Une nuit, le malin m’a jetée sur le parquet, me faisant passer
par-dessus ma sœur qui dormait sur un matelas étalé par terre
à côté de mon lit. Deolinda s’est levée, m’a
prise dans ses bras m’ordonnant :
— Va dans ton lit !
Remise à ma place, je me suis levée brusquement en émettant
des sifflements. À peine me suis-je rendue compte de ce qui arrivait,
j’ai commencé à pleurer. Deolinda m’a tranquillisée
en disant :
— Ne t’affliges pas: ce n’était pas toi !
La nuit suivante la même chose est arrivée et, à
ma sœur qui vou-lait me reposer sur mon lit je lui ai crié, en l’éloignant
de moi :
— Non, non, au lit je n’irai pas !
À peine je me rendais compte du mal que je faisais, je pleurais.
Une nuit le démon a fait des choses que j’ignorais.
J’ai pleuré amèrement et je pensais ne pas pouvoir recevoir
Jésus sans me confesser. Ce jour-là, Monsieur le Curé
était absent, mais je sentais qu’il me serait bien difficile de
lui parler de ces choses-là. Je sentais ne pas pouvoir m’ouvrir
à lui. Ma sœur qui, voyant mes larmes, cherchait à me réconforter,
mais n’y réussissait pas, s’est proposée d’aller chercher
mon directeur spirituel qui prêchait dans un village voisin. Je lui
ai dit que cela ne serait pas nécessaire, car je ne lui dirais pas
ce qui se passait.
Je lui ai demandé une image de Notre-Dame et, avec beaucoup
de sacrifice, j’ai écrit succinctement ce qui était nécessaire
pour être comprise. Je l’ai cachée sous l’oreiller en attendant
que l’heure ar-rive de la remettre. Mais, de façon imprévue,
mon directeur spiri-tuel est arrivé avec Jésus-Hostie, accompagné
par un séminariste. Il avait été informé de
l’absence de Monsieur le Curé. Quand il m’a annoncé qu’il
m’apportait Jésus, je lui ai dit :
— Je ne peux pas faire la Communion sans me confesser.
Les larmes et la honte ne me permettaient pas de parler. Je lui ai
dit, toutefois, avoir écrit un billet. Il l’a pris, l’a lu et, pour
me tran-quilliser, m’a assuré qu’étant donné les précédents,
il avait prévu cette épreuve, même s’il n’avait jamais
osé m’en prévenir.
Cette tribulation s’est répétée plusieurs fois,
même deux fois par jour. Pendant ces assauts je ressentais en moi
la rage et la fureur infernales. Je ne consentais pas que l’on me parle
de Jésus et de Marie. Je crachais sur leurs images. J’insultais
mon directeur, je le menaçais ainsi que quelques personnes de la
maison. Mon corps devenait violet et sanguinolent à cause des morsures.
Oh ! combien j’aimerais que beaucoup aient pu le voir, afin qu’ils
craignent l’enfer et arrêtent d’offenser Jésus !
À chaque fois que l’influence du démon cessait et, me
souvenant de tout ce que je venais de faire et de dire, d’angoissants scrupules
m’envahissaient; j’avais l’impression d’être la plus grande péche-resse.
Ce furent des mois de douloureux martyre. J’aurais beaucoup à dire
sur ce registre, mais je ne le peux pas: mon âme ne résiste-rait
pas à l’évocation de telles souffrances. (...)
Jésus ne m’a pas manqué ; il est venu m’aider à
plusieurs reprises. Il est certain que cela me redonne du courage, mais
en même temps, il m’humilie et me confond. Combien de belles choses
me dit-il ! Il me traite comme si je ne l’avais jamais offensé ;
comme s’il ne connaissait pas ma triste vie ! Que je suis misérable
! Com-bien je suis ingrate envers Notre-Seigneur, alors qu’il est si bon
et si aimable envers moi !
« Le démon te haï... »
Le 25 septembre, Jésus m’a dit :
— Ma fille, tu ne m’offenses pas du tout, ni ne m’offenseras pendant
les assauts du démon. Offre-les en réparation des péchés
que pendant cette nuit, seront commis dans ta pa-roisse et dans le monde.
Quelle horrible chose ! Quelle douleur pour mon divin Cœur en voyant que
tant d’âmes se perdent ! Le démon te haï, mais tu dois
t’en réjouir, car tu connais la raison. Si je le permettais, il
te tuerait : mais je n’y consens pas. Je suis le Seigneur de la vie et
de la mort. Ta mort, en tout cas, ne sera qu’un envol de la terre vers
le ciel.
Le 29, enfin, Jésus m’a dit :
— Le monde est pourri. Je veux que toutes mes demandes se réalisent.
Je te fais souffrir afin que tu puisses me sau-ver beaucoup d’âmes.
Tu es le paratonnerre de la justice divine. Par ton intermédiaire
et par l’intermédiaire d’autres âmes que de terribles châtiments
ne sont pas survenus. Pé-nitence ! Pénitence ! Il y a beaucoup
d’âmes qui veulent m’aimer, mais elles sont loin de ce qu’elles devraient
être et de ce que moi, Je voudrais. Réparez, vous du moins
!...
Repose-toi dans mon très Saint Cœur et dans celui de ta Petite-Maman
du Ciel qui, à côté de toi, regarde avec une tendre
compassion ta souffrance, mais en même temps heureuse de voir la
gloire que tu me procures, les pécheurs que tu me sauves et tout
ce qui est préparé pour toi dans le Ciel.
(...)
Ma fille, ma bien-aimée, toi le foyer attrayant de mon Cœur,
écoute, ton Jésus, ton Époux. Ne fais pas cas du démon,
mon plus grand ennemi. Tu ne fais rien, tu ne dis rien ; c’est lui qui
te livre ces attaques. Ne t’ai-je pas demandé, il y a quelques jours,
d’avoir du courage pour les combats à venir ? Je ne t’abandonne
pas; aie confiance en moi. Tu es mon épouse de prédilection.
Je t’ai placée dans mon Cœur dès tes plus tendres années.
C’est là que se déroule ta vie si extraordinaire et si prodigieuse.
Tu es mon lys, mon lys blanc et pur. Je n’ai fait qu’enlever quelque poussière
qui s’y était déposée. Repose-toi dans mes bras et
dans ceux de ta Petite-Maman du ciel, dans nos Cœurs très saints,
mais sans jamais cesser de me tenir compagnie dans l’ineffable Eucharistie
!...
« Je t’ai choisie pour des choses sublimes... »
Jésus me dit encore :
— Ma fille, je t’ai choisie pour des choses sublimes. Je me suis servi
de toi pour communiquer au Pape mon désir de voir le monde consacré
à ma très Sainte Mère. Je veux qu’elle soit honorée
comme moi, parce qu’elle est ma Mère. Je veux que le monde connaisse
son pouvoir auprès du trône de Dieu...
Je t’ai choisie pour être ma crucifiée... C’est un don
à moi... La souffrance de ton corps, de ton âme est douloureuse,
lancinante. Mais au ciel, où je t’attends, tu auras la récom-pense.
Encore et toujours, la consécration...
— Je viendrai te chercher bientôt, mais pas avant que la consécration
du monde à ma très Sainte Mère soit faite. Elle sera
davantage glorifiée par ton intermédiaire; et ta glorifi-cation,
elle aussi sera plus grande. Ta couronne sera plus glorieuse, davantage
brillante, davantage resplendissante. Tu seras couronnée par Elle.
O mon Jésus, le Saint-Père ne semble pas nous écouter:
il tarde tant !
— Reste calme ! Aie patience, ma fille ; il attend. Le jour de la glorification
arrivera. Tout ce qui m’appartient sort tou-jours vainqueur, même
si les difficultés semblent insur-montables.
« Je veux que tu sois connue... »
— Je veux qu’aussitôt après ta mort, ta vie soit connue,
et elle le sera ; je ferai en sorte qu’elle le soit. Elle arrivera aux
confins de la terre, de la même manière que la voix du Pape
y arrivera, lors de la consécration du monde à ma Mère
tant aimée. Je veux qu’on le sache afin que l’on voit de quelle
manière je me communique aux âmes qui veulent m’aimer.
« Je viendrai te chercher... »
— Je viendrai te chercher, mais pas avant la consécration du
monde à ma très Sainte Mère qui, par ton intermédiaire
sera honorée... Le Pape temporise, mais le jour de la consé-cration
viendra. Ce qui vient de moi, sort toujours vain-queur, aussi grandes que
puissent être les difficultés.
Les plaies de Jésus...
Une nuit, Jésus m’est apparu: sur ses mains, sur ses pieds,
sur son côté, il portait ses plaies ouvertes, très
profondes, desquelles jaillis-sait, abondamment, du sang. De celle de son
côté, le sang coulait jusqu’à la ceinture, traversait
la bande de lin et coulait jusqu’à terre. J’ai baisé les
plaies des mains avec beaucoup d’amour et je désirais ardemment
embrasser celles des pieds, mais, étant dans mon lit, je ne le pouvais
pas. Je n’ai rien dit, mais Il devina mon désir et m’accorda la
possibilité de le faire. J’ai ensuite fixé la plaie du côté.
Pleine de compassion, je me suis jetée dans les bras de Jésus,
lui disant :
— O combien vous avez souffert par amour pour moi !
Je suis restée ainsi quelques instants, jusqu’au moment où
Jésus a disparu.
Il est inutile de dire que plus jamais cette vision ne s’effacera de
ma mémoire. Encore aujourd’hui je sens mon cœur blessé. Je
n’en parle que par obéissance et par amour pour Jésus.
Je pense qu’il a agi ainsi pour me préparer à ce que
maintenant je vais raconter : qu’Il m’en donne la force et la grâce
!
« O mon Jésus, crucifiez mon âme !... »
Avez-vous fini votre retraite ? Avez-vous compris, maintenant, la menteuse
que je suis ? Avez-vous compris combien je vous ai trompé jusqu’ici
? C’est ce que me dit le démon. Dieu soit loué, je n’ai jamais
pensé à vous tromper, bien au contraire: je fais de mon mieux
pour que vous ayez pleine connaissance de mes misères et de mes
infidélités à mon Bien-Aimé Jésus...
Depuis quelques jours, Notre-Seigneur ne me parle plus; il m’a mise
au vert... Que j’appelle ou que je me taise, c’est pareil; il ne me parle
pas, il ne se fait pas sentir à mon âme.
Il y a quelques jours, alors que j’étais en butte à une
grande afflic-tion, je lui ai dit :
“O mon Jésus, crucifié mon âme et mon corps. Agissez
envers moi comme si vous ne m’aimiez pas. Faites semblant de m’abandonner,
mais à condition que vous oubliiez les crimes des pécheurs
et que vous vous souveniez, uniquement, de votre amour pour eux, et que
vous les conduisiez sur le droit chemin.”
Je ne sais pas si Notre-Seigneur a accepté mon offrande, mais
je le crois...
1938
“O CROIX BENIE...”
« L’amour que nous avons pour toi... »
? Ma file, ton bonheur éternel est très proche, car bientôt
mes desseins seront réalisés. Ma fille, je viens te parler
aujourd’hui pour te témoigner le grand amour que moi et ma Mère
Immaculée, nous avons pour toi. Elle, en voyant l’honneur qui, par
ton intermédiaire va lui être rendu, s’incline très
tendrement vers toi, t’élevant au plus haut degré d’épouse
fidèle, d’épouse bien-aimée, d’épouse toute
consacrée à Jésus. Aie confiance en Jésus,
car il ne trompe pas. Il est ta force et le sera toujours, jusqu’à
la fin...
« Mon lys parfumé... »
— Mon lys parfumé d’un arôme angélique, ta générosité
retarde la justice divine, prête à tomber sur les pécheurs,
dans l’espérance de leur régénération !
« Je veux la consécration... »
— Dis-lui d’écrire au Saint-Père. Je veux
la consécration du monde au Cœur Immaculé de ma Mère,
mais je veux que le monde entier connaisse la raison de cette consécration.
Je veux que l’on fasse pénitence et que l’on prie. C’est toi qui
soutiens la divine Justice; c’est pour cela que je te fais souffrir autant.
Et tu dois encore souffrir cela bien souvent, jusqu’à ce que
le monde soit Lui consacré.
« Tu es le tout de mon Cœur... »
Le cinq mai 1938, après la Communion, Jésus m’a dit :
— Tu es le tout de mon Cœur et moi je suis le tout du tien. Veux-tu
faire un pacte avec moi ?
Je lui ai dit :
— O mon Jésus, je veux bien, mais je me sens de plus en plus
confuse. Vous voyez bien ma misère. Je ne suis qu’un néant
!
— Qu’importe ? C’est moi qui t’ai choisie avec toute ta mi-sère.
Tu m’as tout donné. En échange, je me donne tout à
toi. Je te donne les trésors de mon Cœur. Donne-les
à qui tu voudras. Il transborde d’amour : distribue-le.
— O mon Jésus, pourrai-je confier vos divins trésors
à mon direc-teur qui à son tour les donnera à qui
il voudra ? Pourrai-je les don-ner aux personnes qui me sont chères
et aux évêques, afin qu’ils les donnent à chacun de
leurs prêtres et que ceux-ci les distribuent aux âmes ?
Jésus m’a répondu :
— Faites ce que vous voudrez. Je t’unis à moi et te serre contre
mon Cœur très Saint !
« Je sentais mon cœur très agité... »
Hier, dimanche, Notre-Seigneur a changé mes souffrances. Oh
! mon Jésus !...
Après l’avoir reçu, une tristesse mortelle s’est emparée
de moi. Puis j’ai vu les mauvais traitements qu’il reçoit dans son
Corps et les in-gratitudes dont son Cœur est l’adorable victime ! J’ai
pu contempler ce spectacle douloureux ! Oui, mon âme a vu tout cela
!...
Je sentais mon cœur très agité et je ne pouvais pas respirer,
étouffée que j’étais par l’angoisse.
J’ai prié Jésus de ne pas souffrir, mais Il continuait
à être torturé de toutes les façons. Tout en
larmes, je Lui ai dit :
— Cessez de souffrir, mon Jésus, je suis votre victime; faites
que mon cœur soit mis en pièces... jeté aux bêtes féroces...
écrasé sous le poids des crimes des pécheurs... Je
veux tout supporter pour vous consoler et pour que les âmes soient
sauvées.
« Je n’appartiens qu’à toi ! »
Jésus est ma force, mon amour, mon Époux.
— Accepte, ô Jésus, que ta toute petite fiancée
te dise, non pas des lèvres, mais du cœur :
Je n’appartiens qu’à toi! je n’ai rien, rien qui ne soit à
Jésus.
Cela coûte de parler ainsi, alors que l’on ressent le contraire
et que l’on vit les heures les plus amères de sa vie, des journées
de tant de luttes où le démon m’affirme le contraire, rien
que le contraire.
— Maudit, je ne t’appartiens pas. Tu n’es digne que de mépris.
Tu es menteur! Jésus est tout à moi, et moi, je suis toute
à Jésus.
— Mon cœur, mon cœur, crie fort, très fort à ton Jésus
et dis-lui que tu l’aimes, que tu l’aimes plus que toutes les choses du
ciel et de la terre !
Je suis à Jésus dans les joies, dans les peines, dans
les ténèbres, dans les terribles tribulations, dans la pauvreté,
pour sauver les âmes.
— Envoie, ô Jésus, à ton Alexandrina, ta victime,
tout ce que tu peux imaginer et qui peut s’appeler souffrance. Avec toi,
avec ton aide divine et avec celle de ma tendre et douce Maman du ciel,
je vaincrai toujours. Je ne crains rien.
— O Croix bénie de mon Jésus, je t’étreint et
je t’embrasse !
« Pénitence, pénitence, pénitence !... »
Hier, après la Sainte Communion, je sentais une profonde tristesse
sur moi. J’avais le cœur déchiré, car Jésus pleurait...
Ses pleurs me bouleversaient suavement et douloureusement !
Il m’a dit :
— Hélas ! Hélas !...
Écoute ton Jésus :
Je viens à toi, non pas pour te consoler, mais pour verser mes
larmes dans ton cœur.
Je ne peux plus supporter les abominations des pécheurs !
Pénitence !... Pénitence !... Pénitence !... dans
le monde entier !... Qu’il se convertisse sans retard, autrement, il se-ra
rapidement détruit !...
Toi, du moins, compatis à ma douleur, ô mon épouse
!...
Dis à ton Père spirituel qu’il fasse savoir au monde
que je veux :
Pénitence, pénitence, pénitence...
Bientôt viendra le jour de la catastrophe.
Je fais connaître ma volonté, mais on la méprise
!
Courage! Ne doute pas que c’est ton Jésus qui te parle.
Je n’ai senti ni consolation ni délices de la part de Notre-Seigneur,
mais seulement de la tristesse! Il me semblait que mon cœur écla-tait
ou qu’on me l’arrachait et je ne pouvais pas respirer. Cepen-dant, les
paroles de Jésus me donnaient paix et assurance.
J’ai renouvelé mon offrande :
Mon Dieu, je veux être écrasée par amour pour Vous.
Voici votre victime. Que je sois le paratonnerre de vos Tabernacles,
pour recevoir les coups des pécheurs et vous en délivrer.
Mon Père, je voudrais consoler Jésus, mais je ne sais
pas que faire de plus.
C’est surtout après la Sainte Communion que la tristesse m’accable
! Ah ! si je savais souffrir comme il faut, mais je suis si immortifiée
!
Retraite spirituelle
Chaque fois que j’apprenais que certaines personnes faisaient leur
retraite spirituelle, je disais :
— Tout le monde fait sa retraite, sauf moi! Je ne sais même pas
ce que c’est.
J’ai osé dire ceci plusieurs fois en présence de mon
directeur spiri-tuel. Il me promit que si le Père provincial le
lui permettait, il serait venu pour me la faire.
Par une grande faveur, le Seigneur, dans ses desseins, le permit. Ce
fut le 30 septembre 1938 que mon Père spirituel est venu la commencer.
À ce temps-là, mon âme se trouvait vivre dans de
grandes agonies et, quelques fois, je me sentais sur le point de tomber
dans des abîmes épouvantables. Pendant les jours de retraite,
mes souffran-ces ont redoublé et ces abîmes sont devenus terrifiants.
La justice du Père éternel tombait sur moi et souvent me
criait: — Ven-geance, vengeance !... — pendant que les souffrances du corps
et de l’âme augmentaient. Il est impossible de les décrire;
il est né-cessaire de les avoir senties et vécues.
Au matin du 2 octobre 1938, Jésus m’a dit que je devrais souffrir
toute sa sainte Passion, du Jardin des Oliviers au Calvaire, sans al-ler
jusqu’au “Consummatum est”. Je devrais la souffrir le 3 et en-suite tous
les vendredis de 12 heures à 15 heures, mais que pour la première
fois Il resterait avec moi jusqu’à 18 heures pour me confier ses
lamentations.
Je ne me suis pas refusée. J’ai informé mon directeur
de tout ce que Jésus m’avait dit.
J’attendais le jour et l’heure, très affligée, car ni
moi ni mon direc-teur, nous n’avions aucune idée de ce qui allait
arriver.
Dans la nuit du 2 au 3 octobre, l’agonie de mon âme fut bien
grande. La souffrance de mon corps, fut-elle aussi très grande:
vo-missements de sang et douleurs terribles. Pendant plusieurs jours j’ai
vomi et pendant cinq jours, je n’ai rien avalé. Ce fut donc avec
cette souffrance que j’ai abordé ma première crucifixion.
Quelle horreur je sentais en moi! Quelle peur et quelle terreur! Mon afflic-tion
était indicible.
Première crucifixion
Midi sonné, Jésus est venu m’inviter :
— Voilà, ma fille, Le Jardin des Oliviers est prêt, ainsi
que le Calvaire. Acceptes-tu ?
J’ai sentis que Jésus, pour quelque temps, m’accompagna sur
le chemin du Calvaire. Ensuite, je me suis sentie seule. Je le voyais là
haut, grandeur nature, cloué sur la Croix.
J’ai cheminé sans le perdre de vue: je devais arriver près
de Lui.
J’ai vu deux fois sainte Thérèse : la première
fois à la porte du Carmel, dans sa tenue, entre deux autres sœurs,
puis entourée de roses et recouverte d’un manteau céleste.
Examens théologiques et examens médicaux.
Premier voyage à Porto
En même temps que les grâces divines augmentaient, augmen-taient
aussi les doutes et la peur de me tromper et de tromper mon directeur spirituel
et ma famille. Mon martyre augmentait, lui aussi, de plus en plus: il me
semblait que tout était faux et inventé par moi. Mon Dieu,
quel coup pour mon cœur! Les ténèbres m’enveloppaient: je
n’avais personne pour me montrer le chemin. Mon directeur faisait pourtant
bien des efforts pour me redonner confiance, mais rien n'y réussissait.
Malgré cela, je me faisais violence pour m’abandonner dans les
bras de Jésus, afin de ne pas être prise dans le tourbillon
! Je souffrais beaucoup à cause des larmes de ceux qui m’entouraient
et, je pen-sais : — Mon Dieu, si le courage leur manque, comment n’en man-querai-je
pas ?
Quelle humiliation je ressentais d’être observée par d’autres
! O, si seulement je pouvais souffrir seule et que ce fut Jésus
le seul à sa-voir combien je souffrais pour Lui !
Aussitôt après la crucifixion, les examens des théologiens
ont com-mencé. Quelle honte j’ai éprouvé, non pas
pendant la Passion, mais avant et après.
J’ai commencé à comprendre que mon directeur spirituel
souffrait beaucoup, intimement, à cause de moi, c’est-à-dire,
en voyant tout ce qui arrivait.
Les examens des théologiens ont été suivis par
ceux, très doulou-reux, des médecins, lesquels laissaient
mon corps en piteux état. J’avais l’impression de comparaître
devant un tribunal, comme si j’avais commis les plus grands crimes.
Combien il m’était pénible de les voir entrer dans ma
chambre, m’examiner et ensuite se réunir dans une salle pour discuter
sur mon cas, me laissant sous le poids de la plus grande humiliation !
Pas même le plus grand criminel n’aurait pas été
jugé par un tribu-nal avec autant de soin.
Si je pouvais ouvrir mon âme afin que l’on puisse voir ce qui
se passe en elle et ce que j’ai vécu quotidiennement — car je revis
ces jours ! — je le ferais pour le bien des âmes, en dévoilant
combien je souffrais pour l’amour de Jésus et pour elles. Ce n’est
que pour cela que je me suis soumise à de telles souffrances.
Quand mon directeur m’a proposé ces examens, ce fut pour moi
un grand déchirement; une forte répulsion a jailli en moi
; mais l’obéissance l’ordonnais: je me suis réprimée
et je les ai acceptés pour Jésus.
Il ne manquait plus que des médecins pour compléter mon
cal-vaire !
Quelques-uns ont été pour moi de vrais bourreaux placés
sur ma route.
Ceux-ci, après leurs consultations, ont décidé
de m’envoyer à Porto. Ce fut très difficile pour moi de m’y
soumettre. Je craignais le voyage, étant donné mon état
de santé.
Quand mon médecin traitant, m’a fait connaître
leur décision, je lui ai répondu :
— Vous même, en 1928, vous ne m’avez pas autorisé à
aller à Fa-tima, et maintenant, alors que je suis bien plus souffrante,
vous voulez m’envoyer à Porto ?
— C’est vrai que je ne l’ai pas voulu, mais maintenant je le veux.
Je lui ai demandé si mon Père spirituel était
au courant de cette dé-cision. M’ayant répondu par l’affirmative,
j’ai cédé à sa requête.
Le 6 décembre 1938, vers onze heures, j'ai été
transportée de mon lit à l’ambulance.
Dans la matinée, plusieurs personnes amies sont venues me rendre
visite; presque toutes ont pleuré. En ce qui me concerne, j’avais
cherché à toutes les égayer, faisant semblant de ne
rien souffrir.
Le voyage fut douloureux. Il nous a pris presque trois heures et demie,
car nous devions faire plusieurs pauses, à cause de mon état
de santé.
À Porto, dans le cabinet du docteur Roberto de Carvalho on m’a
fait passer une radio. Il m’a traitée avec beaucoup de délicatesse
et, en me donnant congé, il m’a dit :
— Pauvre fille, combien tu souffres !
De là j'ai été envoyée au Collège
des Filles de Marie Immaculée, où j'ai été
très bien traitée. Par contre, à cause des chaos de
la route, j’ai failli m’évanouir, plus d’une fois. J’ai été
examinée par le doc-teur Pessegueiro; cela n’a servi qu’à
augmenter ma souffrance.
Le voyage de retour a été très pénible,
lui aussi.
À peine rentrée dans ma petite chambre, j’ai été
entourée par des personnes amies.
« On parle de moi... »
Me voici de nouveau dans ma maisonnette. Je l’attendais avec an-xiété.
Il paraît que bien des commentaires ont été faits.
La popula-tion s’était insurgée contre ma mère, parce
qu’elle avait autorisé mon transport à Porto. Elle se calmera
de nouveau: en tout cas, que la volonté de Dieu soit faite. Je suis
prête à tout. Je crois que le Seigneur me demande maintenant
le plus grand sacrifice. On com-mence à en savoir quelque chose:
par-ci, par-là, on raconte des choses sur moi.
On me rapporte que l’on parle de moi comme d’une sainte et, cela, je
ne le voudrais pas. Quelle erreur ! Patience ! Quelques soient les choses
qui adviennent ou que l’on dise, j’accepterai tout pour l’amour de Jésus.
C’est Lui que demande de ne rien Lui refuser; et moi, je le veux. Mais,
pauvre de moi, ce sont des moments très durs à passer. Et
les doutes... les doutes, mon bon Père, combien ils me tourmentent.
Si je ne vous avais pas pour me consoler, je ne sais pas ce qui serait
de moi. Les médecins, jusqu’à ce jour, n’ont pas donné
signe de vie.
Nous sommes repartis de Porto à 14,30 heures. Nous avons voyagé
lentement et nous sommes arrivés à 18 heures: il faisait
déjà nuit. Malgré cela, beaucoup de personnes se sont
regroupées près de notre porte.
Je suis très malade ! Là, tout de suite, on est en train
de bouillir de l’eau, parce que les couvertures n’arrivent pas à
me réchauffer; j’ai de la fièvre et les douleurs sont terribles.
Je souffre tout pour l’amour de Jésus qui a tant souffert pour
moi...
Odeurs nauséabondes...
J’ai commencé à sentir d’incroyables odeurs nauséabondes.
Je ne supportais aucune personne à côté de moi, car
toutes et tout avait pour moi l’odeur de chiens en putréfaction.
On me faisait sentir des violettes, et même des parfums, mais j’écartais
tout cela, car c’était toujours la même odeur nauséabonde
que je sentais. Il m’est arrivé aussi d’avoir une très mauvaise
allène, même les jours où je ne prenais aucun aliment
et, dès que je mangeais quelque chose, je ressentais un vrai dégoût,
car tout semblait avoir le goût de la mauvaise odeur que je sentais
continuellement. Combien j’en au-rais à dire, si je pouvais écrire
moi-même. Le courage m’en man-que, car même le souvenir m’est
douloureux.
« Mademoiselle, ne vous évanouissez pas... »
Le 26 décembre 1938, j’ai reçu la visite du docteur Elísio
de Moura qui m’a traitée avec beaucoup de cruauté.
Il a essayé, avec vio-lence, de m’asseoir sur une chaise; n’y réussissant
pas, il m’a jetée sur le lit et a fait diverses expériences
qui m’ont causé des souf-frances horribles. Il m’a fermé
la bouche, m’a renversée contre le mur, me faisant taper, avec force,
la tête contre celui-ci. Me voyant au bord de l’évanouissement,
il m’a dit :
— Mademoiselle Jeannette, ne vous évanouissez pas !
Involontairement j’ai pleuré, mais j’ai offert à Jésus
mes larmes et toutes mes douleurs qui ont été considérables.
Je lui ai tout pardonné, parce qu’il était venu en tant
que spécia-liste pour étudier mon cas.
1939
LE SAINT-SIEGE
« Je ne mérite que l’oubli... »
Mon Père, combien je souffre ! Je voudrais me cacher pour de
bon et que mon nom ne soit plus prononcé; ceci de mon vivant comme
après ma mort ! Bien entendu, ce n’est pas moi qui le désire,
mais la tribulation qui me consume. Je ne mérite que l’oubli
et le mépris. Je vis dans une nuit et une obscurité continuelle.
Je ne vois que des ténèbres, des ténèbres et
rien d’autre, aussi loin que je regarde. Qu’il est obscur et terrible,
le chemin que je dois suivre ! Pas même la moindre lumière
pour me guider! Parfois je crois éclater à la vue du fardeau
qui pèse sur moi.
« Le monde est suspendu à un fil... »
— Le monde est suspendu à un fil très fin... Ou le Pape
se décide à le consacrer ou le monde sera puni !...
« Ma vie est bien pénible... »
Ma vie est bien pénible ! Comment puis-je vivre ainsi ? Je me
sens dans un incroyable abandon ! Personne n’a pitié de moi ! Ma
misère est la plus grande des misères. Je suis dans une tristesse
pro-fonde ! Je me sens toute craintive et confuse devant Notre-Seigneur.
Cependant il est là, dans cette même misère, y opérant
tant de merveilles et me disant des paroles si belles ! Mais qui suis-je
pour que Jésus me parle ainsi ? Je ne suis que la plus indigne de
ses filles. Toutes les choses de ma vie me tourmentent et me rem-plissent
de doutes...
Je me demande si Notre-Seigneur n’a pas horreur d’être en moi
! Cela me semble presque impossible qu’il ne s’en aille pas, épou-vanté,
pour ne plus revenir.
(...)
Je ne peux pas penser au ciel. Je ne sais pas ce qui vient de là-haut
dans mon cœur et qui veut attraper mon cœur pour l’y transporter.
Intervention du Saint-Siège
Le 5 janvier 1939, Monsieur le Curé, accompagné du chanoine
Vi-lar, sont venus me visiter. Ce dernier est resté seul avec
moi, pour me parler.
Nous avons parlé de plusieurs choses, pendant deux heures. En-suite,
il m’a parlé du but de sa visite, en commençant ainsi :
— Ma visite vous paraîtra certainement étrange, car vous
ne me connaissez pas.
Je lui ai dit :
— Je sais, certainement, pourquoi vous êtes venu.
Aussitôt il ajouta :
— Dites, dites, Alexandrina.
Je me suis expliquée :
— Vous êtes envoyé par le Saint-Siège.
C’était ce que je ressentais dans mon âme à ce
moment-là.
— C’est exact.
Et il m’a présenté quelques documents de Rome, et ensuite
m’a po-sé quelques questions auxquelles j’ai répondu rondement.
Je ne lui ai pas parlé de la Passion, par contre, lui, il m’en a
parlé.
— Il me semble que quelque chose vous arrive depuis quelques mois...
Il a manifesté le désir d’y assister. Et, en effet, il
est venu y assis-ter le vendredi suivant.
J’ai parlé de cela à mon directeur, lequel m’a conseillé
de m’ouvrir à lui avec franchise.
Le chanoine est revenu quatre fois, mais, pour sa mission, que deux
fois.
Si je ne me trompe, dès la première fois, il me dit :
— J’aurais préféré vous connaître dans d’autres
circonstances, avant que je ne vienne, chargé d’une mission.
Il m’a confié le secret de son départ pour Rome,
duquel, seul l’évêque était au courent.
Étant donné que je me sentais bien à l’aise pour
parler avec lui et, ayant la permission de mon Père spirituel, nous
avons beaucoup parlé de Jésus : je me suis sentie enveloppée
dans une atmosphère de sainteté et de sagesse, comme bien
peu de fois cela arrive, en conversant avec d’autres prêtres.
Je lui ai avoué que, par tempérament, je n’avais pas
l’habitude de procéder de la même manière avec les
autres, mais que lui, il m’inspirait confiance. Il m’a répondu :
— Vous faites bien de ne pas en parler : ils ne le comprendraient pas.
Quand il a pris congé de moi pour s’en retourner à Rome,
j’ai pleu-ré. Il m’a promis de m’écrire et m’a demandé
d’être son avocate. J’ai, en effet, reçu de lui plusieurs
lettres, auxquelles j’ai répondu: nous avons aidé les événements
par notre prière.
Commentaires du petit peuple
Jésus me demandait de nouveau sacrifices. À cause des
examens médicaux et de l’intervention du Saint-Siège, mon
cas est devenu plus connu: pour moi, qui ne souhaitais que l’anonymat,
cela fut un martyre.
Ma famille ne me rapportait pas les nouvelles qui circulaient, mais,
malgré cela, j’ai appris les commentaires que l’on faisait sur ma
vie.
Pauvres ignorants, combien de mensonges ils diffusaient !
Quelques-uns affirmaient que mon voyage à Porto avait pour but
d’obtenir une pension du gouvernement de Salazar; ils parlaient même
de chiffres absurdes et discordants; aucune tentative ne ré-ussissait
pas à contredire de tels mensonges.
D’autres encore, disaient que j’y étais allée pour mesurer
mon de-gré de sainteté sur une machine spéciale...
Deolinda répliquait :
— Si cela était possible, j’irai moi aussi, pour contrôler
à quel point j’en suis...
J’éprouvais de la peine en constatant l’ignorance qu’il y avait
sur les choses du Seigneur.
D’autres encore propageaient que les prêtres qui me rendaient
vi-site, recueillaient de l’argent dans les paroisses et me l’apportait
et, que c’était pour cela que rien ne manquait jamais chez moi.
Autres, pour en finir, disaient que je faisais la «voyante»:
en effet des personnes sont venues chez nous pour connaître leur
avenir. Je les recevaient avec beaucoup de sérénité,
feignant ne pas com-prendre leur manège, mais quand elles insistaient,
je leur répon-dais :
— Je ne suis pas voyante, personne peut deviner l’avenir; seul le Seigneur
le connaît.
« Je tremble... »
Mon Jésus, quelle répugnance, en regardant l’abîme
incomparable de mes misères ! Et vous demeurez dans un pareil fumier,
me comblant de tendresses et me disant de si belles choses ? N’est-il pas
normal que j’en doute, que cela me paraisse impossible ? Je tremble et
mon cœur déborde d’affliction.
« Donnez-moi de l’eau... »
Je cherche un peu de soulagement dans ma souffrance. J’attends l’heure
de ma crucifixion. Je ne peux pas parler. Mon cœur galope. Dans mon âme
c’est la rébellion, l’émeute. Je me trouve dans un état
d’abandon effrayant. Il me semble cheminer au milieu de la haine de tous,
de tribunal en tribunal.
Pauvre de moi! Et je n’ai pas reçu Jésus! J’ai confiance
qu’il sup-pléera dans la communion spirituelle, nonobstant la nausée
que je sens de moi-même et l’horreur pour mon énorme misère.
Hier, la tempête s’est calmée. Au début je ressentais
des choses horribles. Mon corps était tout transpercé comme
par d’aiguës pointes. Moments terribles! Malgré un court soulagement,
je suis toujours restée dans une nuit très obscure,
dans une profonde tristesse.
Je peux dire que je suis restée toute la nuit à tenir
compagnie à Jé-sus au Saint-Sacrement, me concentrant un
peu sur la tragédie de la nuit du jeudi saint. Il me semblait que
Jésus m’invitait au Jardin des Oliviers. Que de mouvements de foule
! Ces choses je les res-sentais dans mon âme.
Mon Père, tout ce que je dicte me semble mensonger. Combien
de doutes ! Que d’effroi à l’approche de la Passion ! J’ai déjà
dit à Deolinda que c’est un miracle que de pouvoir en
résister: mon cœur ne bat presque plus. Que Jésus soit avec
moi. Je n’ajoute rien, parce que je ne le peux pas...
Ajout de Deolinda
« Mon Père, quel vendredi: ce fut vraiment un jour de
Passion! Avant que celle-ci ne commence, combien son visage était
empreint d’affliction! Elle craignait ce jour et disait: “Combien j’aimerais
qu’il fut déjà passé !” Je la réconfortais
comme je le pouvais, la cares-sant, malgré que moi aussi j’étais
remplie de peur et d’affliction ?
Pendant la Passion, je n’ai pas pu m’empêcher de pleurer et j’ai
remarqué que presque toutes les personnes présentes pleuraient.
Quel spectacle émouvant ! L’agonie du Jardin des Oliviers, fut lon-gue
et afflictive. On entendait des gémissements très profonds
et à un certain moment, elle suait le sang. De la flagellation,
je ne vous en parle même pas, et non plus du couronnent d’épines
! Les coups de la flagellation la mirent à genoux; ses mains semblaient
atta-chées. J’ai voulu lui mettre un coussin sous les genoux, mais
elle changea de place, elle n’en voulait pas. Elle a les genoux en piteux
état. Les coups sont innombrables... elle les reçut pendant
bien longtemps... Il fallait en arriver là. Les coups de canne sur
la tête couronnée d’épines, furent aussi très
nombreux. Pendant la Passion elle vomit deux fois : uniquement de l’eau,
car elle n’avait rien à l’estomac. La sueur était si abondante
que ses cheveux en étaient trempés. En passant la main sur
ses vêtements, j’ai pu constater qu’ils étaient aussi tout
trempés.
À la fin du couronnement d’épines elle ressemblait à
un cadavre. Le chanoine Borlido — de Viana do Castelo — et deux autres
person-nes, ainsi que le docteur Almiro de Vasconcelos — de Penafiel —
son épouse et sa sœur Judith, étaient présents ».
Ma souffrance fut bien douloureuse, pendant quelques jours. Les vomissements
de sang et une soif brûlante continuèrent. Aucune eau n’était
capable de ma rassasier. Je ne pouvais pas boire... J’ai passé des
jours ayant l’eau qui me coulait sur les lèvres, mais sans pouvoir
l’avaler. J’étais fatiguée et fatiguées
aussi les personnes qui m’assistaient. Alors même qu’une grande quantité
d’eau étais pas-sée sur mes lèvres, j’en demandais
encore : — “Donnez-moi de l’eau, beaucoup d’eau, des sceaux d’eau!” — J’avais
l’impression de brûler : aucune eau me rassasiait.
Je sentais des odeurs horribles. Je ne voulais pas que les personnes
s’approchent de moi: elles sentais comme des chiens morts. On de donnait
des violettes et des parfums à sentir, mais ils éloignaient
tout: la même puanteur me tourmentait toujours.
Les jours où je pouvais prendre quelques aliments, ceux-ci avaient
pour moi un si mauvais goût que j’avais des nausées: toutes
ces choses exhalaient des odeurs répugnantes.
Combien de choses j’aurais à dire si je pouvais décrire
tout ce que je ressens ! Il m’en manque le courage, car il est très
pénible de remémorer toutes ces choses.
— Courage ! Tout le Paradis est avec toi et la Maman du Ciel te regarde
avec compassion et joie de voir la réparation que tu m’offres.
« Le monde est sur un volcan... »
— O Justice, ô Justice divine ! Le monde est sur un volcan en
feu, qui d’un moment à l’autre va faire éruption et l’incendier
! Vengeance, vengeance d’un Dieu qui ne peut plus le supporter ! Malheureux,
n’entends-tu pas la voix qui t’appelle ? Maudite ! Maudite !
« En quel monceau de ruines... »
— En quel monceau de ruines restera le monde ! C’est à cause
de la gravité de ta malice ! Convertis-toi ! Rebrousse chemin !
Je te le demande le jour de la fête de mon divin Cœur !... Convertis-toi
!... Il faut que tu rendes compte de tout !...
(...)
Pendant la Passion je me suis sentie bien abandonnée. Trois
fois seulement il m’a adressé la parole. La première fois,
quand le poids de la divine Justice est tombé sur moi, il me dit
:
— Là, tu tiens ma place. Sur toi aussi tout cela est tombé.
Aie courage ! C’est l’œuvre divine qui te donne des forces.
La deuxième fois, encore au Jardin des Oliviers :
— Moi aussi, je voyais en moi un très grand abîme, tout
rempli immondice ; je me voyais couvert de toutes sortes de misères,
et c’étaient les miennes.
Et le Seigneur me disait :
— Tout comme moi, tu es caution.
La destruction du monde...
Cette nuit je l’ai passée sans fermer l’œil ; je n’ai eu que
quelques minutes de repos. Je ne sens pas de consolation, mais il me plaît
de ne par dormir, afin d’être toujours en veille, toujours veillant
sur mon Jésus dans les Tabernacles.
Je n’en suis pas sûre, mais je crois qu’il devait être
deux ou trois heures du matin : mon Dieu, quelle horreur ! Je ne savais
pas ce que c’était, mais c’était la destruction du monde
; tout était rasé : les maisons, les arbres, les toitures
; tout n’était qu’un monceau de ruines ! Quelle chose épouvantable
! Mélangé à tout cela, je voyais une foule innombrable
qui se débattait; et par-dessus tous ces gens, de terribles serpents,
si grands, si affreux ! Par contre, je n’ai pas vu une seule personne sortir
de ces décombres. Un long mo-ment après, j’ai commencé
à apercevoir la Bien-Aimée Mère du Ciel. Elle se déplaçait
à une grande hauteur, la tête abaissée, l’air bien
triste.
À mesure qu’elle avançait, les ruines disparaissaient
; tout est de-venu plat. Ce qui jusque-là n’était que décombres
s’illuminait. Elle ne m’a rien dit: elle s’est arrêtée un
moment, et ensuite elle a dis-paru.
Je me suis retrouvée en paix et, tout ce que j’avais ressenti
comme affliction et peur a disparu également.
Quelque temps après, la destruction s’est répétée,
ainsi que la vue des décombres, mais je n’ai pas revu la Petite-Maman.
Je n’ai pas su ce que cela signifiait; en tout cas, je n’ai pas eu
l’impression qu’il s’agisse d’une illusion de ma part.
Au matin j’ai reçu mon Jésus avec une très grande
froideur et une tristesse pareille à une nuit obscure. Et Notre-Seigneur
m’a parlé, non pas d’un ton sévère, mais avec une
profonde douleur :
— Je vais détruire le monde; je vais le précipiter en
enfer, je vais le détruire ; je ne peux plus souffrir tant de malice,
tant de méchanceté et de crimes. Dis-le à ton Directeur.
Tu ne te trompes pas ; ce que tu as vu c’est sa destruction. C’est ce qu’il
est sans le soutien de ma très Sainte Mère, et ce qu’il est
avec Elle. Console-moi, soulage-moi... Laisse-moi t’accabler ; laisse-moi
te faire souffrir.
Le temps des doutes...
La fin de l'après-midi d'hier, c'est-à-dire jusqu’à
21 heures, environ, tout s’est passé régulièrement:
je me sentais en paix et joyeuse.
De temps à autre les doutes revenaient, mais ils n'avaient même
pas le temps de m'affliger : ma Petite-Maman chérie, en un instant
me les dissipait. Je ne La voyais pas mais, je ne sais pas pourquoi, je
sentais que c'était Elle.
À peine les doutes commençaient leur approche, immédiatement
Elle venait et m’enlaçait si tendrement que tout ce qui était
la cause de ma souffrance disparaissait.
« Maudite !... »
— Tu ne me crains pas. Tu n’éprouves pas de remords parce
que le péché a endurci ta conscience : elle est morte ; le
péché te l’a tuée. Maudite ! Tu cherches à
te persuader que l’éternité n’existe pas. Pour la vie que
tu mènes, il te plai-rait qu’elle n’existe pas. Malheureuse! Regarde
comment tu vis ! Paie ! Rends-moi des comptes !
« Ton châtiment est si proche !... »
Jésus m’a visitée il y a peu ! C’est toujours pour me
faire souffrir davantage, mais je ne peux pas vivre sans souffrance...
Je sentais qu’il tremblait en moi et me disait :
— Quelle douleur ! Quelle douleur pour mon divin Cœur de voir le monde
s’incendier dans les flammes brûlantes des passions et des vices
; de voir les individus, la société, tous les peuples engagés
dans une guerre féroce. On dirait que l’enfer s’est transporté
sur la terre. O monde, pauvre de toi, si tu ne te relèves pas !
O monde, pauvre de toi, si tu ne te convertis pas !... Ton châtiment
est très proche ! C’est pour cela que je tremble de douleur,
et non pas de froid !
Je sentais que, Notre-Seigneur, au-dedans de moi, levait les yeux et
les bras vers le ciel, comme pour implorer le pardon pour la pau-vre humanité...
et ceci m’obligeait à ressentir davantage de dou-leur, pour les
tristesses de Notre-Seigneur... Quelle douleur pour l’âme ! C’était
une agonie mortelle. Je me suis trouvée, et je me trouve encore
dans d’horribles ténèbres.
« Elle t’accompagne pendant la Passion... »
— Ma fille, ma bien-aimée, à nous trois nous n'en faisons
qu'un seul : moi, toi et ton Père spirituel ; que veux-tu d'autre
?
Elle t'accompagne toujours pendant ta Passion, comme Elle m’accompagna
sur le chemin du Calvaire.
Avec de telles aides, je me suis sentie ravigotée.
« Le Cœur de ma Mère... »
— Le Cœur de ma Mère bénie est blessé par les
outrages perpétrés contre lui. Tout ce qui blesse son Cœur,
blesse aussi le mien; tout ce qui blesse le mien, blesse également
le sien, tellement nos Cœurs sont unis. C’est pour cela que la consécration
du monde lui donnera beaucoup d’honneur et de gloire : les langues maudites
et impures qui pronon-cent des outrages contre Elle, seront ainsi vaincues
et hu-miliées.
Dans les bras de Marie...
— Le sein maternel de ta Petite-Maman du ciel est le plus tendre et
le plus doux : reposes-y.
Je me suis alors sentie entre les bras de la chère Maman qui
me serait amoureusement. Ce furent des moments très doux qui me
donnèrent la force nécessaire pour aller jusqu'au bout dans
mon calvaire. Je sentais bien, que c'était Elle ! Et avec quelle
bonté Elle m’enlaçait et me serrait contre son Cœur si saint
!
1940
MARIE, COREDEMPTRICE
À Jésus par Marie...
Hier, puisque c'était le premier jour de l'année, je
me suis consa-crée à Notre-Dame. Je lui ai demandé
de me consacrer à Jésus et de me clouer à son divin
Cœur.
Je Lui ai demandé d'être ma première protectrice
parmi les saints que je choisis — comme protecteurs pendant la nouvelle
année. Je Lui ai demandé des grâces pour mon âme
et amour pour aimer Jé-sus. Je lui ai dit :
“Petite-Maman, je ne veux plus m'arrêter de vous demander de
l'amour, pour ne jamais cesser d'aimer. Mais hélas, mon Jésus,
j'avais l'impression que tout ce que je disais ne servait à rien.
Mal-gré cela, la foi me permet de croire et d'être fidèle.
Comment peut cheminer une aveugle qui ne connaît pas le chemin et
qui a perdu toutes ses forces ?... Pauvre de moi : je suis cette aveugle!
Je ne vous vois pas, je ne connais pas le chemin, je suis exténuée
! Mon Jésus, j'ai confiance! Petite-Maman, j'ai confiance! Aidez-moi,
Vous. Conduisez-moi vers ma destinée: c'est au Ciel que je veux
être conduite”.
Celui qui aime la Mère aime le Fils...
— Dis à ton directeur spirituel qu’il fasse connaître
et aimer ma très Sainte Mère : celui qui aime la Mère
aime le Fils... Dis-lui de prêcher que celui-là qui aimera
ma très Sainte Mère ne se perdra pas ; en vain l’enfer tentera
de le l’abattre.
Pendant que j’écoutais ces paroles, je me sentais serrée
entre les Cœurs de Jésus et de la Maman du ciel. J’avais l’impression
de me trouver sous une presse. J’avais tant de lumière, tant de
paix, tant d’amour. Je peux dire que si Jésus ne m’avait pas aidée,
je n’aurais pas continué de vivre: mon cœur ne pourrais pas résister...
La souffrance et la réparation
— En tous temps J'ai eu besoin d'âmes victimes, mais maintenant
plus que jamais. Je t'ai destinée à être immolée
en cette époque, pendant laquelle l’humanité est plongée
dans un immense océan de boue, de vices. C'est de cela que Je t'ai
enlevée du monde. C'est le vice le voleur de tout ce qui est à
moi.
(...)
O vie combien amère ! J’ai l’impression de ne plus pouvoir vivre.
Mon cœur est broyé. Les pierres qui servent à le triturer,
ont la taille du monde. Le moulin ne cesse pas de moudre ; la douleur,
elle non plus ne peut pas cesser; moi même, je ne le veux pas. O
Jésus, c’est ma volonté d’être broyée, brisée
par amour pour vous ! Étant donné que je ne sais pas vous
prouver autrement mon amour, je veux, dans la douleur et dans l’amertume,
que de mes lèvres ne sortent que ces paroles : tout pour votre amour
! La dou-leur est ma pierre précieuse, déjà, ici,
sur la terre, elle est mon tré-sor. Je dépose tout entre
vos mains, afin que vous en fassiez la distribution à qui vous voudrez...
— Dans la majorité des foyers, la crainte de Dieu est dispa-rue.
Il n'y a plus de bons parents, il n'y a plus non plus de bons enfants...
Quelle horreur sur les plages, dans les casi-nos et dans les maisons de
vice. Ceux qui pourraient les se-courir, ne le font pas !... Toi, toi du
moins, secours le monde, donne-Moi, dans la joie, la réparation
que Je te de-mande, rends suave la douleur de mon divin Cœur.
« Incendiez le monde... »
(...)
Je ne peux pas regarder le ciel parce que le cœur s’élève
plus vé-loce qu’une fusée et ne tient pas dans ma poitrine.
Il ne peut se reposer qu’en Jésus.
— Petite Maman, venez et prenez votre petite fille dans vos bras ;
je veux vous donner mon cœur ; ce n’est que vous qui pouvez le remplir
de votre amour afin que je puisse aimer Jésus. Incendiez-le avec
des flammes si fortes d’amour afin que je puise incendier le monde. Jésus
n’est pas aimé! Avec ma douleur et votre amour, je ferai en sorte
qu’il soit aimé. Ce n’est que comme ça, que moi même
je l’aimerai.
Douce Maman, comme il sera beau de voir tous les cœurs brûler
pour Jésus d’un seul amour ! Je ne veux pas cesser d’être
victime sans que ce feu soit allumé dans le monde...
« Je crains la douleur mais je l’aime... »
Vous devez être déjà saturé d’entendre tant
de lamentations et tant de discours sur la douleur, mais la douleur est
mon aliment, jour et nuit, toujours. Auguste aliment! J’ai atteint l’heure
de ma Passion dans un état d’affliction et d’abandon. Je sentais
comme si tous étaient révoltés contre moi. Je disais
au Seigneur :
— Je crains la douleur, mais je l’aime. Le corps s’y prête moins,
mais la volonté est forte: je suis prête pour la croix et
pour l’amour.
Le cœur semblait s’effriter tellement il était écrasé
; j’avais du mal à respirer. Jésus est venu à moi
et il m’a dit :
— Ma fille, allons dans le Jardin des Oliviers. Viens préparer
l’aliment dont Jésus a tant besoin pour les pécheurs: ali-ment
précieux qui leur donne vie éternelle, aliment béni
qui leur donne la vie de la grâce. Courage, tu ne seras pas abandonnée
: Jésus et la Maman du ciel viennent avec toi.
Durant la Passion, Jésus m’a parlé deux fois ; le reste
du temps, je me suis sentie toute seule, couverte de tous les maux,
remplie de honte devant Dieu, objet de sa divine Justice. Combien je me
suis découragée! J’avais même l’impression que Jésus
n’était pas avec moi. Il est venu, pourtant :
— Courage ! Les anges te survolent, et portent l’aliment aux pécheurs...
Alors, je me suis sentie un peu réconfortée, mais pour
peu de temps. La deuxième fois, Jésus m’a dit :
— Courage, ma fille ! La colère de Dieu qui s’abat sur toi,
ce n’est pas toi qui la provoques, mais ceux pour qui tu es l’expiatrice.
Ensuite j’ai cheminé toute seule. Quand tout a été
fini, je suis res-tée comme endeuillée et triste. Jésus
m’a transmis les souffrances et l’agonie de son divin Cœur ; moi, je les
accueille parce que je veux le consoler.
Vive Jésus, vive la Maman du ciel ! Que règne la douleur,
afin que règne l’amour !...
« Mon Jésus, je ne peux vivre sans vous!... »
Je suis abandonnée de tous; je ne reçois même pas
mon Jésus. Ma croix devient plus pesante. Combien cela me coûte
de ne pas rece-voir la Communion ! Si Jésus me manque, tout me manque.
Encore aujourd’hui, me souvenant que je ne l’avais pas reçu, j’ai
soupiré avec une profonde nostalgie et j’ai murmuré :
— “Deux jours déjà sans recevoir Jésus et combien
d’autres encore, peut-être ! Quelle tristesse et quelle nostalgie
! Mon Jésus, je ne peux vivre sans vous. Venez! Faites de mon cœur
votre demeure. Venez et régnez en moi ! Venez, mon tout ! Si cela
ne vous déplaît pas, ô mon Jésus, choisissez
pour moi d’autres souffrances, mais ne me privez pas de la Communion !
S’il était à moi, je vous donnerai le monde entier afin de
pouvoir vous posséder, rien que pour avoir votre visite”.
Mon Père, combien douloureuse est ma souffrance et lourde ma
croix! Je me sens épuisée. Oh, le vide que je sens par le
manque de l’aliment eucharistique ! Quelle nostalgie. On dirait que mon
cœur explose. Je ne sais pas comment tant d’âmes peuvent vivre des
années, voire la vie entière, sans recevoir Jésus
! Malheureux, car ils ne le connaissent pas.
« Jésus, venez!... »
Jésus eucharistique, ma vie, ma joie, m’a manqué. La
nostalgie que j’ai de Lui me consume.
— Jésus, venez ! Régnez dans mon cœur ! Vous seul êtes
l’aliment de mon âme. Donnez-moi la vie de la grâce, donnez-moi
votre amour. Venez décharger votre tristesse dans la mienne.
Par ma nostalgie infusez de la nostalgie que vous avez de prendre possession
des cœurs qui ne vous aiment pas et vivent vous ou-bliant. Je veux par
ma douleur rallumer votre amour sur la terre... Je veux me perdre en lui.
Peu importe donner la vie. Souffrir reste toujours mon désir : c’est
de la douleur que l’amour naît...
« O combien je veux le consoler !... »
Le jour s’est levé : j’avais un grand désir de recevoir
la Commu-nion, mais je ne l’ai pas reçue. Quelle nostalgie ! J’ai
demandé si monsieur le Curé ne pourrais venir m’apporter
Jésus ; on me ré-pondit que non; je me suis résignée.
J’ai offert à Jésus ce sacrifice afin de mériter l’amour
de mes « quatre » : la très Sainte Trinité et
la Maman du ciel. Je cherche en tout, même dans les plus petites
choses, à Les consoler.
Et mon Jésus eucharistique ? O combien je veux le consoler et
le couvrir d’amour ! Toutes les douleurs et tous les sacrifices sont oc-casion
pour moi de consoler l’Abandonné, l’Oublié, le Prisonnier
de l’Eucharistie...
O douleur bénie !...
O douleur, douleur bénie ! O croix, ô lit sacré,
je veux que tu sois ma tombe, d’où je ne puisse plus sortir ! Tu
es, ô croix bénie, l’immense trésor dont Jésus
m’a enrichie ! Je te veux, je t’embrasse, je veux être clouée
à toi, et être entourée d’épines ! C’est pour
Jésus que je veux être blessée et avec Lui, sur l’autel,
être immolée ! Heureuse fortune — celle de la croix — qui
m’attend sur la terre ; elle me fera éternellement bienheureuse
au ciel !...
« Mon âme est morte... »
Mon cœur est toujours oppressé, mais toujours au milieu de vives
flammes; ma poitrine est brûlante du côté gauche; c’est
un feu in-candescent. La douleur ne consent aucune suavité, elle
me pénètre de tous côtés.
L’abîme dans lequel je me trouve est nauséabond et honteux.
Pour m’appuyer, je n’ai que de l’immondice. J’y suis enchaînée
par de grosses chaînes de fer qui ne se cassent pas. Quelques fois
j’essaie de me libérer et de sortir de cet immense abîme,
mais je ne le peux pas, je n’en ai pas la force. Je suis si étroitement
enchaînée que je n’arrive même pas à bouger.
Au milieu des épines qui me blessent et pénètrent
dans tout mon être, mon cœur se tourne vers Jésus, il veut
s’envoler vers Lui, mais il ne le peut pas et bas de l’aile au ras du sol.
Quelle horrible affliction! Quelle douleur poignante, que de salir des
ailes blanches dans la fange !
Mon Père, que signifie tout cela ? Je n’y comprends rien. Cela
ne me dérange pas d’être salie et couverte par les maux d’autrui.
Ce que je veux, c’est que tous deviennent justes et s’envolent vers Jé-sus.
Mais le pire c’est que je vois comme si le mal venait de moi ; mais moi,
je ne veux pas pécher, je ne veux pas déplaire à Jésus.
Mais je me trouve un monstre abominable, une effrontée, une in-grate
à son égard. J’ai peur et je tremble pour mon néant.
Je sens la colère de Dieu sur moi et je ne peux pas lever mes yeux
vers le ciel. Je me sens indigne de pardon et de compassion.
Mon âme est morte: elle expira dans l’obscurité;
ni même Jésus, en y entrant, lui redonna la vie. Il m’a complètement
oubliée, et moi, sans les yeux pour voir, je courre toujours, mais
toujours disparate, dans une nuit très triste et obscure.
J’ai perdu toute énergie, je suis tombée dans le découragement.
Mais je veux, avec tous les êtres de la terre, louer et aimer mon
Jé-sus. Je voudrais rester toujours à genoux et les mains
jointes, à entonner hymnes et louanges d’amour et d’action de grâces
à mon Jésus, pour tout ce que je reçois de Lui...
« Ta passion ne s’arrêtera pas... »
— Je ne te parlerai plus, sauf en de rares exceptions.
Je ne viendrai plus, ni les vendredis, ni les premiers same-dis.
Ta passion ne s’arrêtera pas, elle continuera toujours, sans
arrêt, et même plus douloureuse encore. Seulement ainsi elle
sera complète. O combien elle sera grande ton agonie ! Toutes les
merveilles et sciences divines, seront inscrites dans le livre de ta vie,
un livre qui n’a jamais eu d’égal. Tous pourront venir dans le jardin
que moi-même j’ai culti-vé, afin que tous puissent y cueillir
des fleurs de vertu, des fleurs de pureté, des fleurs de grâce,
des fleurs de charité, des fleurs d’héroïsme, des fleurs
de toutes variétés.
Venez tous, cueillez, ce sont des fleurs célestes ! Après
ce-la, vite viendra le Ciel. Combien belle sera ta mort : ce sera une mort
entourée de la plus grande angoisse, mais aussi du plus grand amour
!
Dis-moi, ma fille: pour qui offres-tu ces dernières souffran-ces
de ta vie ?
— Pour ce qui sera de votre sainte Volonté, mon Jésus:
c’est tout ce que je veux.
— Ma bien-aimée, ma fille, je veux que tu m’offres une par-tie
de ces souffrances pour les prêtres, afin qu’ils possèdent
la lumière divine et comprennent ma vie dans les âmes ; afin
qu’ils la possèdent davantage et n’aient pas d’autre vie que la
mienne. Tu l’offriras aussi pour ceux d’entre eux qui ne la comprennent
pas, afin qu’ils l’étudient, pour que, ne l’étudiant pas
et ne la comprenant pas, ils ne soient pas tentés de l’éteindre
cette même vie dans les âmes. Tu prie-ras aussi pour tous les
prêtres qui m’offensent gravement.
L’autre partie, ce sera pour le monde entier... car il t’appartient.
Je te l’ai confié ! Tu peux me demander tout ce que tu voudras,
pour tous. Ceux qui te connaissent, res-sentiront ton départ; mais
tu poursuivras ta mission.
Va, ma petite fille, va écrire tout ceci: tu as les lumières
de l’Esprit Saint.
« Si elle ne m’avait pas aidée... »
Pendant la journée, dans mon affliction, je lève les
yeux vers le Sa-cré-Cœur de Jésus et vers ma chère
Petite-Maman. Jamais je n'ai regardé vers Eux sans qu'il me semble
les voir me sourire avec bonté. Il fait déjà nuit
et il me semble que Leur sourire me reste empreint dans l'âme et
dans le cœur.
— Ma Maman, ma Petite-Maman chérie, ô combien, combien
je veux l'aimer ! A quoi auraient servi ces longues années de lit
si Elle n'avait pas veillé sur moi, si Elle ne m'avait pas aidée
?...
« Quel grand mal est le péché !... »
Mon Dieu, quelle nuit terrible dans mon âme !
Jésus a commencé par me dire :
— Le péché essaie de broyer et d’anéantir mon
divin Cœur ! Quel grand mal est le péché ! Regarde les mauvais
traite-ments que je reçois ! Sais-tu de qui ? De ceux qui les pre-miers
devraient m’aimer, desquels j’attendais tout. Répare, si tu veux
qu’ils se convertissent. Laisse-toi immoler si tu veux qu’ils soient sauvés
! Tu es leur victime...
« Mon cœur n’a presque plus de vie... »
Mon cœur n’a presque plus de vie: il est broyé au maximum. Je
suis dans les ténèbres et presque sans foi en Jésus:
tout est perdu; personne ne réussit à me sauver.
Mon âme semble émettre des cris d’une extrême affliction.
Sa nuit est devenue immense pour recevoir Jésus Eucharistique. Et
Lui, d’un ton de jugement, comme quelqu’un qui demande des comp-tes, me
disait :
— Quel grand mal est le péché ! T’es morte à Dieu
au lieu d’être morte au monde ! Convertis-toi, viens dans mon divin
Cœur. Tu me fais souffrir par chaque peine et cruauté ; Je pleure
parce que Je t’aime ! Pourquoi veux-tu me fuir ? Je pleure parce que Je
t’ai créée et préparée pour Moi.
Et mon Jésus pleurait amèrement. Et c’est cette douleur
de Jésus que mon cœur ne supportait pas, à moins qu’il ne
souffre à ma place. Mais en me sentant ainsi blessée, je
peux dire avec Lui :
— Quel grand mal est le péché ! Combien il est horrible
! Combien il blesse le Cœur d’un Dieu !
Mon Jésus, je ne veux pas Vous fuir ! Je veux Vous suivre !
Je veux que tous Vous suivent, qu’aucun ne Vous fuie. Laissez-moi écrire
sur la terre avec mon sang:
La douleur est le chemin tracé par Jésus. La douleur
est amour ; la douleur est union avec Dieu. L’âme qui souffre avec
Jésus se sent attirée par Lui; désire la solitude
afin de se rencontrer plus facile-ment avec Lui ; désire vivre de
Lui et en Lui. Combien précieuse est la douleur! Quel bonheur pour
l’âme qui souffre ! Elle ne se préoc-cupe que de Jésus;
elle ne veut d’autre vie que celle de Jésus. Elle cherche son amour,
sa gloire, le salut des âmes...
« Avancer l’heure de la consécration... »
— Dis à ton directeur spirituel d’informer le Pape que s’il
veut que monde soit sauvé, qu’il avance l’heure de la consécration
à ma Mère. Qu’il la place à la tête de la ba-taille
et la proclame Reine de la victoire et Messagère de la paix.
« Accompagnez-moi auprès de la Croix... »
La nuit est passée, le jour passe, et je ne m’alimente que de
dou-leur...
Je lève mon regard vers la Maman du ciel et je lui dis :
— Maman chérie, accompagnez-moi auprès de la Croix du
vôtre et mon cher Jésus ; laissez-moi souffrir avec Vous:
je veux sentir Vos douleurs. Je veux aussi réparer tant de maux.
Les âmes dorment dans le péché : par ma douleur , je
veux les réveiller; par ma mort, je veux les ressusciter.
Maman chérie, faites que je reste comme Madeleine enlacée
à la Croix de Jésus. Je veux verser des larmes de sang pour
moi, pour les miens et pour les péchés de toute l’humanité.
Petite Maman, je me sens surchargée de tous les crimes. Donnez-moi
la douleur pour les pleurer et les détester. Demandez pardon pour
moi à Jésus. Donnez-moi de l’amour afin que j’aime Jésus
et qu’il puisse ainsi par cet amour oublier chaque méchanceté.
Mon Père, je suis tourmentée de mil façons : j’ai
des doutes de toutes sortes. La pensée que je vous trompe et que
je trompe beaucoup d’âmes me tourmente.
Mon cœur est une source ouverte : plus la douleur et l’agonie sont
grandes, plus j’ai de sang à donner. Je sens qu’autour de moi y
boivent, en grand nombre, je ne sais quoi. Ils boivent, boivent et semblent
ne jamais se rassasier. Mais moi nom plus, je ne suis pas rassasiée
du fait de ne pas pouvoir rassasier ; et je ne suis pas ras-sasiée
parce que je n’ai pas d’amour pour aimer mon Jésus...
(...)
L’abandon dans lequel Jésus laisse mon âme, la manière
dont Il descend dans mon cœur [dans la Communion], sans lumière
ni flamme, sans me donner ni recevoir de l’amour, comme s’il y venait mort
et que moi-même je sois morte, m’oblige presque à penser que
j’ai une vie d’illusion et d’imposture.
Mais je dois croire que Jésus vit et règne en moi, qu’Il
m’aime et ne m’abandonne pas, que je suis à Lui et que je ne vis
que pour Lui. Ma vie a servi à Jésus...
— Jésus, pressez bien cette fine grappe et enlevez-en tout le
jus... Je bénirai et j’aimerai la douleur : quand je serai au ciel,
je ne souffrirai plus. La douleur m’a attachée à Vous, a
créé en moi des liens d’un si grand amour...
J’aime la douleur, j’aime Jésus...
« Ma fille, viens sur mon Cœur... »
Dans l'après-midi j’ai récité les prières
du mois de mai à ma chère Petite-Maman. Mon âme, pendant
cette dévotion, se voyait libérée d'un poids qui l'écrasait
et retrouvait la paix et la suavité.
À la fin j’ai cru entendre une voix très douce qui m'appelait
:
— Ma fille, ma fille.
Mon âme se sentait encore plus soulevée.
Quelques instants plus tard, la même voix, de nouveau m'a appelée
avec tendresse et douceur :
— Ma fille, ma fille, viens sur mon Cœur. Je t'invite à te re-poser
entre mes bras très saints. Abandonne-toi sur mon Cœur de mère.
Tu es la préférée de Marie. Oh ! combien tu es aimée
par nos deux Cœurs !
Je me suis sentie entre les bras de la Maman, enlacée, caressée
et couverte de tendresse.
Il n'est pas possible de comparer la douceur et la tendresse d'une
mère de la terre avec celle de la Maman du ciel !...
Mon âme a été réconfortée: mon cœur
en resta heureux pendant un peu près une heure.
« Compter pour rien... »
Je suis couverte de crimes et d’imperfections: j’ai honte de Jésus,
je crains la justice du Père éternel.
Jésus, en descendant aujourd’hui dans mon cœur, a rendu plus
suave ma douleur. Une petite flamme s’est allumée dans mon âme,
mais elle s’est éteinte rapidement et je suis restée dans
la plus grande obscurité... J’ai senti que la justice du Père
éternel me dé-truisait, me réduisait en poussière.
— Mon Jésus, compter pour rien, par amour pour vous, c’est avoir
la félicité sur la terre. Ma joie, même si vous ne
permettez pas que je la ressente, c’est souffrir pour vous consoler et
pour sauver les âmes. Avec vous je suis victorieuse.
Je veux vous prouver mon amour, mais je ne sais pas comment: je n’ai
rien à vous donner.
Mon corps ? Cela fait bien longtemps qu’il vous appartient. Je vous
l’ai donné afin qu’il soit martyrisé et crucifié.
Mon sang ? Même celui-là vous appartient. Qu’il serve
au moins d’encre pour écrire sur toute la terre le mot « Amour
» : amour pur et seulement pour Jésus.
Ma vie ? Elle ne m’appartient plus: elle aussi est à vous. vous
êtes mort pour moi, pour me sauver et moi je meurs par amour pour
vous et pour sauver les âmes.
O Jésus, que dois-je vous donner d’autre ?
Je veux que ma volonté soit votre, afin que la votre soit mienne.
J’accepte, par amour pour vous, tout ce que Vous m’enverrez. Je ne veux
que ce que vous voudrez ; même si pour cela je devais rester à
plat ventre, enroulée dans la terre comme le verre le plus insigni-fiant...
« Mon Jésus, pressez bien cette faible grappe... »
L’abandon dans lequel Jésus laisse mon âme, la manière
dont Il descend dans mon cœur, sans lumière ni flamme, sans
me donner ni recevoir de l’amour, comme s’il y venait mort et que moi-même
je sois morte, m’oblige presque à penser que j’ai une vie d’illusion
et d’imposture.
Mais je dois croire que Jésus vit et règne en moi, qu’il
m’aime et ne m’abandonne pas, que je suis à Lui et que je ne vis
que pour Lui. Ma vie a servi à Jésus...
— Jésus, pressez bien cette faible grappe et enlevez-en tout
le jus… Je bénirai et j’aimerai la douleur: quand je serai au ciel,
je ne souffrirai plus. La douleur m’a attachée à Vous, a
créé en moi des liens d’un si grand amour...
J’aime la douleur, j’aime Jésus...
« Je suis un monde d’horreurs... »
Je suis un monde d'horreurs et d'épouvantables ténèbres.
C'est ain-si que mon âme le ressent. Je rends grâces à
mon Jésus de ne pas être moi-même ce que sent mon âme.
Je serais bien tout cela si Lui, vu mon état de ténèbres,
ne veillait pas sur moi, ne me soute-nait pas et, ma chère Petite-Maman,
Elle, ne me portait toujours entre ses bras très saints, ne me protégeait
pas de son divin man-teau.
Pauvre de moi, si Jésus et Marie n'avaient pas été
là !
« Il me semble que Jésus soit parti... »
Je suis très malade. J’aimerais dire tant de choses, mais je
ne peux pas... Je sens mon âme et mon corps comme sous une grille
avec du feu au-dessous et par-dessus : je ne peux pas me retourner sans
être brûlée... Même le cœur a sa douleur... combien
il est op-primé...
Et il me semble que Jésus soit parti si loin, me laissant seule
dans le monde, privée de tout confort. Je sens comme si l’on me
privait de mon directeur. Serait-ce vrai ? Pouvez-vous au moins me dire,
par charité, si en quelque chose, je suis pour vous cause de souf-france
?...
« Demandez et vous recevrez... »
Après une courte prière et l’offrande de moi-même,
avec d’autres victimes, en union avec la Maman du Ciel, pour obtenir que
le Por-tugal soit libéré du terrible mal de la guerre, j’ai
été, tout à coup, écoutée; Jésus
a bien voulu me répondre de suite :
— Demandez et vous recevrez. Demandez avec confiance. Le Portugal sera
épargné. Mais, malheur à lui s’il ne corres-pond pas
à une aussi grande grâce ! Aie confiance ; c’est Jésus
qui te le dit, et il ne trompe jamais.
« Accrochons-nous à Jésus et à Marie...
»
(...)
Je reste persuadée que vous, mon Père, vous m’informerez
sur ce qui arrive, sans rien me cacher. Je vous le demande par charité;
ne consentez pas que Sãozinha me trompe. Si l’on vous interdit de
re-venir ici, je ne veux pas que vous en souffriez. Acceptons que Jésus
presse sa grappe de raisin et réduise en poudre le grain de blé!
Qu’il soit consolé et nous, souffrons. Cependant, accrochons-nous
immédiatement à Jésus et à la Maman du ciel.
(...)
Combien je souffre à cause des doutes que ce soit moi, avec
mon imagination, à faire toutes ces choses [Passion, extases, etc.
]. Quand viendrez-vous me tranquilliser, au moins pour quelques instants
? J’ai l’impression de mourir seule, abandonnée. Venez me secourir
!
J’éprouve une très grande désolation parce que
je crois que l’on me prive de mon Père spirituel. Je sais que vous
avez été malade, mais personne ne m’en a rien dit. Malheureux
celui qui est éloigné !...
« Sur la terre l’amour est presque disparu... »
Lundi, au commencement de la sainte Messe, disparaissait de mon âme
cette nuit sans lumière qui ne me causait que la mort: les doutes
ont disparu. Peu avant la Communion j’ai ressenti une force que je n’ai
pas pu dominer: je me suis agenouillée et dans cette position j’ai
reçu Jésus. Je suis restée longtemps ravie,
tellement unie à Jésus qu’il me semblait me trouver dans
une autre région.
J’avais de très fortes impulsions pour aimer Jésus et
Il m’a dit ses désirs : — Sur la terre l’amour est presque
disparu des cœurs. Voilà la raison des souffrances de Jésus:
il n’y a pas d’amour pour réparer les péchés de l’humanité;
on blesse son divin Cœur.
— O Jésus, que puis-je faire pour cela ?... J’accepte tout,
je ne veux pas vous voir souffrir... J’écrirai à Salazar.
Lui, plus que tous les prêtres, peut mettre un terme à tant
de péchés... J’en parlerai à mon Père spirituel
et je ferai tout ce qu’il me permettra de faire... Voulez-vous que j’écrive
à votre cher cardinal patriarche ? Les deux, ensemble, seront
l’instrument pour sauver le Portugal et faire que votre très saint
Cœur ne soit plus offensé. Je le ferai, ô Jésus ;
mais j’aimerais que personne ne le sache, excepté eux et les per-sonnes
que mon Père spirituel jugera opportun d’informer...
« Je crois mourir... »
Je crois mourir, rien que de penser à vendredi et aux souffrances
qui m’attendent. Si Jésus ne prend pas ce pauvre corps pour souf-frir
dans celui-ci et le soutenir, je ne résisterai pas: je mourrai.
Je sens de continuels coups de marteau dans mon cœur. Une foule universelle
lui donne l’assaut et le blesse. Toutes ces souffrances viennent sur moi,
j’en suis dépositaire, mais elles sont destinées à
Jésus: l’attaqué et le blessé, c’est le Cœur de Jésus.
Il me semble voir Jésus, les bras ouverts, me demandant compas-sion
et de souffrir avec Lui... Le fait que Jésus se tourne vers une
créature humaine et s’abaisse jusqu’à lui demander de souffrir
avec Lui, m’anéantit : Lui qui est la force, la vie, tout, avoir
besoin d’aide de cette pauvre qui n’est qu’un néant...
Je joins à cette lettre une lettre pour le Cardinal et une autre
pour le Président Salazar. Ayez l'obligeance de la corriger et,
si vous voyez que quelque chose n’est pas bien, faites-le moi savoir...
J’ai écrit comme Jésus me l’a dit...
« La Maman contemplait l’humanité... »
Dimanche dernier, anniversaire de ma très chère Maman
du ciel, une image, qui n’est toujours pas effacée, s’est imprimée
dans mon âme.
Avec la venue de Jésus dans mon cœur, mes souffrances ce sont
aggravées et ma nuit a augmenté. Je n’ai pas fait la fête
à Jésus : je ne l’ai pas reçu avec joie, même
si je le voulais et désirais brûler d’amour. Pauvre de moi
!... À peine est-il descendu en moi, j’ai senti dans mon âme
le portrait vivant de la très chère Petite-Maman qui, du
haut du ciel, contemplait la pauvre humanité, son très saint
Cœur souffrant d’une tristesse presque mortelle. La tête inclinée
vers la terre, elle ne détournait pas son regard plein de tendresse
et de compassion. Quelle douleur si forte et poignante !
Combien Elle souffre, la Maman chérie ! Nous sommes déjà
mardi, et cette scène ne s’évanouit pas. C’est comme si elle
était imprimée en moi pour toujours. Il y a à peine
une heure, je l’ai vue de nou-veau inclinée vers la terre, impossible
de lui faire détourner le re-gard : de ces yeux coulaient deux rivières
de larmes, larmes de profonde douleur qui baignaient la terre. Moi aussi
je voulais pleu-rer, essuyer ses pleurs et guérir la blessure du
Cœur très aimant de Jésus. Je ne sais pas quoi faire pour
Eux : par amour je fais sem-blant d’être joyeuse alors même
que je suis toujours triste.
J’encourage et je console les malheureux et je n’ai pas qui me console.
Mais je suis contente de la volonté de mon Seigneur. Je veux Le
consoler dans ma détresse...
« Il faut que je souffre en silence... »
J’ai l’impression d’être infidèle à Jésus.
Il veut et me fait compren-dre dans mon âme la grande nécessité
que je souffre, mais que je souffre en silence, sans rien laisser apparaître.
Je cherche à le faire du mieux que je peux, sans me confier à
qui que ce soit, excepté Lui et la chère Petite-Maman. Quelquefois
pourtant, involontaire-ment, une parole m’échappe. C’est pour cela
que je dis être infidèle à mon Jésus: je ne
suis pas encore constante dans ce qu’il veut, excepté de tout vous
dire, mon Père, parce que Jésus me place dans l’âme
la nécessité de me confier à vous...
« Votre cœur saignera toujours... »
Jésus m’a dit qu’il vous aime beaucoup et qu’il vous avait préparé
des épines qui vous blesseront jusqu’à la mort ; que votre
cœur saignera toujours ; mais vous ne devez pas craindre, car vous serez
victorieux...
« J’accepte tout par amour pour vous... »
Combien terrible fut la tempête qui s’est déchaînée
dans mon âme ! Il me semblait tout perdre: pour l’âme et pour
le corps.
Lors de ces souffrances, pendant quelques instants, je suis arrivée
jusqu’à me convaincre que l’on m’avait privé de mon directeur
spi-rituel. Mon Dieu, je resterai sans lumière et sans vie !...
Je n’ai pas résisté et j’ai dû pleurer. J’ai offert
mes larmes à Jésus et j’ai ouvert mes bras vers le ciel :
— Mon Jésus, j’accepte chaque sacrifice ; j’accepte tout par
amour pour vous... Brisez-moi, mais donnez la paix au monde et sauvez les
âmes. Je veux vous aimer ; et si par ma douleur je peux vous prouver
mon amour, je suis prête à souffrir. Soutenez-moi, donnez-moi
la force, mon Dieu !...
« Jésus veut ma souffrance silencieuse... »
Ma crucifixion s’est terminée il y a quelques heures... J’ai
besoin de me confier et je ne peux le faire qu’avec vous. Jésus
me veut silen-cieuse et tenace comme un rocher: Il veut que je souffre
sans que l’on sache ce qui se passe en moi. Je sens que c’est lui qui place
cette exigence dans mon âme. Il veut que ma douleur soit silen-cieuse
comme la sienne: Il exige que je l’imite même en cela.
Ce matin, à mes souffrances et à mes peurs, se sont adjoint
les souffrances et les larmes de Jésus : je n’en pouvais presque
plus. Parmi le bruit, la curiosité et les blasphèmes autour
de lui, Il m’a fait comprendre comment Il avait souffert tout cela en silence,
comme s’il n’avait pas de lèvres pour parler. Ma détresse
était si grande que quelquefois il m’est venu à l’esprit
de dire à Jésus que je ne voulais pas la Passion, mais immédiatement
je lui disais :
— Je veux, je l’accepte par amour pour vous. J’accepte chaque souffrance,
même si, sur moi, devraient tomber, pour m’écraser, toutes
les montagnes du monde...
« Je sens que vous souffrez... »
Je sens que vous souffrez. Je sens l’instrument avec lequel vous êtes
blessé. Je sens clairement que cette douleur vous blessera jus-qu’à
la fin.
Je ne sais pas de quel côté me tourner : tout est douleur,
de vives douleurs dans l’âme et dans le corps. Je le veux et je l’accepte
comme Jésus le veut...
« Le Saint-Père sera épargné... »
— La paix viendra, mais au prix de beaucoup de sang. Le Saint-Père
sera épargné ; le dragon orgueilleux haineux qu’est le monde,
n’osera pas le toucher dans son corps; mais son âme souffrira beaucoup.
1941
LE DOCTEUR AZEVEDO
« Tu n’es pas seule... »
? Courage, ma fille, courage, épouse si chère ! Offre-moi
ta douleur, offre-moi ton martyre, ta croix sans pareille. Tu n'es pas
seule sur celle-ci, comme je te le fais sentir : Je suis avec toi et veille
sur toi, ainsi que ma Mère bien-aimée. Te souviens-tu comment
Elle t'est apparue dans la nuit du 16 au 17 en Immaculée Conception,
titre que toi tu aimes tout particulièrement ? Elle est venue te
réconforter, sans que tu le voies, Elle est venue veiller sur toi,
comme une mère empressée veille auprès de son enfant
endormi. Elle est venue te câliner et te couvrir de son manteau.
Et toi, tu n'en as pas parlé dans le Journal que tu as dicté:
je ne veux pas que tu agisses ainsi.
Avec une grande tristesse je lui ai dit :
— Pardonnez-moi, mon Jésus : j’ai douté de moi-même,
je crai-gnais qu'il ne s'agisse que d'un rêve. O combien j'en suis
attristée ! Si vous me réprimandiez pour mes péchés,
je ne serais pas davan-tage attristée.
— Je ne te réprimande pas pour tes manquements : ceux-ci sont
permis par moi mais je te réprimande parce que je veux que
tu dises tout ce qui se passe en toi: c'est pour le bien des âmes.
« Ton Calvaire finira bientôt... »
— Ton Calvaire finira bientôt, mais pas avant que mes des-seins
se soient réalisés. Courage ! Tu bénéficies
de l’aide de ton Directeur, de ton Jésus et de ta Mère bénie
!
Divines promesses...
— Je te promets, en ce samedi qui lui est consacré (à
la Sainte Vierge), que ta vie sur terre ne durera pas bien long-temps.
Je te promets aussi de t’accorder dans le ciel, par tes demandes et ton
amour, ce que déjà maintenant je t’accorde sur la terre par
ta douleur. Mais pour cela, ma fille, il faut que tu demandes au Saint-Père
qu’il ait pitié de ton martyre et qu’il donne satisfaction aux sollicitations
de Jésus, c’est-à-dire, consacrer le monde à ma Mère
bénie.
« La Maman veillait sur moi !... »
(...)
Mon père, l’aurore de cette journée m’est apparue toute
gaie et souriante. Je sentais la douleur, mais celle-ci était
rendue suave par la Maman qui veillait sur moi... De nouveau j’ai senti
son Man-teau se déployer sur moi et sur beaucoup d'âmes qu'Elle
étreignait et unissait comme en une seule : à toutes Elle
dispensait sa ten-dresse, son amour. Mon cœur en reste encore tout enflammé.
« Jésus m’a préparée à la souffrance...
»
Jésus m’a préparée à la souffrance de mardi
dernier. Je n’en connais pas le motif. Sans doute parce que cette âme-là
décidée à se réconcilier avec le Seigneur est
partie d’ici pour Braga ? Jésus le sait pour qui j’ai offert mes
souffrances et mes sacrifices afin que ce pécheur-là fasse
une bonne confession. La souffrance fut telle que je n’en pouvais plus.
Je n’ai pas ressenti de joie pour le retour de cette brebis. Mercredi,
jour de saint Joseph, j’ai reçu les couronnes que vous m’avez envoyées
par l’intermédiaire de cet homme. Cer-taines personnes ont
éprouvé une grande joie en le voyant faire la communion devant
tous. A cette nouvelle, je suis encore restée dans la tristesse
et dans la mort: je n’ai pas eu un seul moment de satisfaction...
(...)
J’ai passé la fête de saint Joseph dans les ténèbres,
sans pouvoir voir le ciel mais toujours dans l’anxiété de
donner des âmes à mon Jésus et de parcourir le pays
entier à leur recherche...
« Mon pressentiment se réalise... »
Mon pressentiment au sujet de l’examen du docteur Abel Pacheco est
en train de se concrétiser. J’ai parlé au docteur Azevedo
et il m’a dit que celui-ci était presque indispensable, mais que
je réflé-chisse à la chose devant le Seigneur. Si
après cela je pensais ne pas devoir le faire, on ne le ferait pas.
Mais le Seigneur m’a donné ces sentiments “de me remettre entre
les mains des médecins comme Lui Il s’est remis jusqu’à la
mort; ce ne serait que comme cela que mon sacrifice serait complet”.
— Que pouvez-vous me dire à ce sujet ?
« Quelle tempête terrible... »
La journée d’aujourd’hui ne s’est pas écoulée
sans qu’il tombe sur moi une souffrance de l’âme et du cœur bien
difficile à supporter. À la tombée de la nuit s’est
déchaînée une des plus terribles tempê-tes. J’ai
commencé à ressentir une révolte et un très
fort désir de m’imposer car les médecins ne venaient pas
pour leur examen, pour que je sois libérée de beaucoup d’humiliations
et de désagré-ments. Je sentais en moi une forte résistance,
je ne voulais pas me soumettre à la douleur ; je voulais tout souffrir
à condition de ne rien ressentir. C’est alors qu’est tombée
sur moi toute la rage infer-nale: j’ai compris que c’était là,
l’œuvre du malin. Les démons étaient enragés, ils
voulaient engloutir mon corps tout entier.
J’en voulais surtout au docteur Azevedo ; j’avais l’impression de ressentir
contre lui une haine de mort et c’était moi-même à
vouloir le mordre pour le mettre en morceaux et le broyer. Quelle tempête
terrible ! Ce n’est que dans les bras de Jésus et de la Maman du
ciel que je pouvais être sûre de ne pas offenser mon Dieu.
Si le monde connaissait les embûches du démon, les pièges
qu’il prépare aux âmes pour les conduire au péché
!... Je pense ne pas avoir causé de peine à Jésus,
parce que je ne veux que ce qu’il veut et ne jamais l’offensé...
— Dis au Pape que Jésus, demande et ordonne de consacrer le
monde à sa Mère. Qu’il le lui consacre rapidement, s’il veut
que la guerre se termine, rapidement s’il veut que le monde ait la paix.
« Le médecin m’a écrit... »
(...)
Le médecin m’a écrit pour me dire qu’il était
allé à Braga mais qu’il ne vous a pas trouvé; mais
qu’il vous écrira pour vous informer sur ce qui se passe. Il a déjà
parlé au docteur Abel Pacheco lequel est prêt à venir
pour l’examen. Le médecin des maladies nerveuses ne vient pas et
n’a pas assuré non plus de venir par la suite. Je ne connais pas
encore le jour où je serai examinée. Me le communi-querez-vous
? Priez pour moi afin que Jésus me donne courage...
« Je voudrais fuir le monde... »
Mon Père, si seulement vous me donniez l’autorisation de demander
à Jésus le paradis au plus vite !... Ce n’est pas pour fuir
la douleur, mais parce que ma souffrance et ma crucifixion sont en train
de de-venir trop connues. Je voudrais fuir le monde afin que personne d’autre
ne me connaisse. Oh, combien de tourments ma crucifixion m'a apportée
! J’ai tant de nostalgie du temps où Jésus me parlait souvent
et personne n’en savait rien de ma vie sinon celui qui en avait le droit...
« Je dois aller à Porto... »
Vers le soir pour combler ma souffrance, j’ai reçu du digne
docteur Azevedo la nouvelle que jeudi, premier mai, le docteur Abel Pache-co,
de Porto, allait venir pour pratiquer l’examen. Ce fut comme une lance
qui m’aurait traversé le cœur et, cruellement le clouant sur la
terre nue. Et c’était contre cette même terre que celui-ci
sai-gnait de douleur. Le lundi est arrivé et je l’ai passé
dans la même souffrance. Je voulais m’épancher de façon
à chasser hors de moi la crainte et la honte qui me tourmentaient.
Je me suis souvenue que c’était là une bonne occasion pour
consoler et réparer pour mon Jé-sus, souffrant en silence
avec Lui ; je Lui ai offert le sacrifice du si-lence et je Lui ai promis
de ne pas en parler. Cela m’a été doulou-reux, mais avec
Jésus j’ai vaincu... J’ai préparé avec soin et joie
le petit autel de la Maman chérie... Je lui ai écrit une
lettre et l’ai dé-posée à ses pieds pour le premier
jour de son mois. Je suis confiante qu’elle me fera tout ce que je lui
ai demandé...
Le jeudi est arrivé ; ce fut bien triste: j’attendais les médecins.
Quel tourment ! J’ai dit trois fois : “Premier mai, comme tu es péni-ble!
Qu’arrivera-t-il encore avant la fin ?”
À la Communion j’ai offert le sacrifice que je devais affronter
; je l’ai offert pour ces âmes qui s’en vont chez les médecins
pour pê-cher et offenser Jésus. J’ai imploré la force
du Ciel ; j’ai demandé la lumière et l’amour de l’Esprit
Saint, le secours de la très Sainte Tri-nité, celle de Jésus
Eucharistique, celle de la Petite-Maman, ainsi que celles de saint Joseph,
de sainte Thérèse, de sainte Gemma, etc..
L’heure est arrivée et j’ai été examinée.
Les souffrances du corps m'ont été douloureuses, mais celles
de l’âme aussi. Quelle humilia-tion ! Aussitôt que les médecins
sont partis, je voulais pleurer; ex-près, j’ai caché mes
larmes. J’ai dit à Jésus que je ne pleurerais pas pour que
Lui non plus, ne pleure pas les péchés du monde.
J’ai levé mon regard vers la Maman du ciel et je lui ai dit
:
— Je suis prête pour un autre sacrifice... Dites-le à
Jésus pour moi. Faites que je souffre ! Faites que j’aime ! Je veux
mourir d’amour.
Pendant toute la journée, mon corps et mon âme étaient
plongés dans une mer de douleur !...
Partie à Porto...
Il est triste que le monde ne connaisse pas l’amour de Jésus
pour les âmes! Nous le verrions davantage aimé et moins offensé.
À la fin, Jésus m’a éclairée. Nous sommes partis
à Porto. C’est sa vo-lonté afin d’augmenter ma souffrance.
Que cela soit pour sa plus grande gloire. Combien j’ai de honte et de peur
!...
« Unis ta douleur à la mienne... »
— Unis ta douleur à la mienne, ton amour au mien ; ce n’est
que de cette manière le chemin de ton Calvaire pourra être
plus suave ; ce n’est que de cette manière que les pécheurs
pourront être sauvés ; ce n’est que de cette manière
que la paix pourra venir dans le monde, et elle viendra vite. En-suite,
le monde entier se réjouira d’être consacré au Cœur
de la tienne et ma Mère bénie...
« Je me trouve dans une nuit obscure... »
Je me trouve dans une nuit obscure, sans la moindre goutte de ro-sée.
Il n’y a pas de baume pour les douleurs de mon âme. Je vois de loin
les coups qui blessent mon cœur. J’ai du mal à respirer sous le
poids des humiliations. À l’idée des souffrances que me procurera
mon voyage à Porto, je dis à moi-même :
— Je vais en jugement.
Opprimée et anéantie par cette douleur, je pense :
— C’est pour Jésus et pour les âmes !
Et alors tout mon être se transforme en une seule pensée
:
— Dieu en tout et avant tout.
Je passerai toute ma vie ne pensant qu’à Dieu seul. Tout passe
: Dieu seul reste. La pensée de Dieu enveloppe ciel et terre. Je
m’abîme en Lui. Je peux l’aimer et penser à Lui pendant toute
l’éternité. Cette pensée me soulage ; cependant c’est
ainsi que j’adoucis ma douleur et que je peux sourire au tableau triste
et douloureux qui se présente à moi. Je fais semblant d’avoir
une grande joie de mon voyage à Porto, afin de rasséréner
les miens et qu’ils ne comprennent pas la douleur qui habite mon cœur...
Première rencontre avec le docteur Azevedo.
Nouveaux examens médicaux
Le 29 janvier 1941 j’ai eu la visite d’un prêtre connu et de
diverses autres personnes de la paroisse. Après une longue conversation,
j’ai appris que parmi eux il y avait un médecin. J’ai rougi, non
pas que j'ai menti au sujet de mes douleurs, mais parce que je ne m’y at-tendais
pas. Il m’a parlé et est resté souriant. Je ne sais pas ce
que j’ai éprouvé à son égard. J’étais
bien loin de penser que peu de temps après il serait devenu mon
médecin traitant.
Il [le Dr Azevedo] a commencé [son œuvre] en m’examinant minu-tieusement,
avec beaucoup de délicatesse et de charité. À la fin
de son examen, il a jugé opportun d’inviter le docteur Abel Pacheco
et mon médecin traitant de l’époque.
Je suis restée très triste parce que j’étais saturée
d’examens médi-caux, mais j’ai accepté la nouvelle épreuve
comme étant la volonté de Dieu et pour le bien des âmes.
Le premier mai de la même année j’ai été
examinée par le docteur Pacheco. L’examen a duré peu de minutes,
mais il a été la cause de grandes souffrances pour le corps
et pour l’âme : pour le corps parce que ses mains semblaient de fer
; pour l’âme parce que je ressentais déjà les humiliations
et les résultats de cet examen.
Malgré tout cela, j’étais encore loin d’en voir le bout
!
Retour à Porto
J’ai été informée par le docteur Azevedo qu’il
serait mieux que je retourne à Porto afin de consulter le docteur
Gomes de Araujo.
Pendant un mois j’ai prié pour savoir si c’était bien
là la volonté de Dieu. Plus je demandais de la lumière
et plus les ténèbres aug-mentaient et plus profonde devenait
la souffrance de l’âme, car je ne savais pas quoi faire. Finalement,
le Seigneur m’a dit qu’Il vou-lait que je parte.
Deuxième voyage à Porto
Mon état physique est assez grave. Ils craignaient de m’enlever
de mon lit pour un aussi grand voyage. Moi même je craignais beau-coup:
si rien que le fait de me toucher était cause de grandes souf-frances,
comment pouvais-je aller aussi loin ?... Encouragée par les paroles
du Seigneur, j’ai confié en lui et sous sa divine action, je me
préparais pour partir à l’aube du 15 juillet 1941.
À quatre heures, j’avais déjà fait mes prières.
Pour montrer que j’en étais contente, j’ai appelé ma sœur
pour lui dire que “nous al-lions en ville”: rien que pour cacher ma douleur.
Pendant que je lui disais cela, j’ai entendu la voiture qui arrivait chez
nous.
Le docteur Azevedo et une personne amie sont entrés
dans ma chambre. Après une courte conversation, pendant que ma sœur
s’habillait, nous nous sommes préparés pour partir. Nous
sommes partis à 4,30 heures, afin de ne pas alarmer la population
; il faisait encore nuit. En effet, nous sommes sortis du pays sans rencontrer
personne.
Mon âme était encore ans dans un plus grand silence !
Plongée dans un abîme de tristesse, sans interrompre mon intime
union avec Jésus, je voyageais Lui demandant toujours davantage
de courage pour les examens qui m’attendaient et en offrant mon sa-crifice
afin d’avoir son divin Amour et pour les âmes. J’invoquais aussi
la Maman du ciel et les saints qui m’étaient les plus chers.
Rien ne m’attirait et, tout ce que je voyais me causait une profonde
tristesse. De temps à autre ils interrompaient mon silence pour
me demander si j’allais bien ; je les en remerciais sans même sortir
de l’abîme dans lequel j’étais plongée.
Il faisait jour quand nous sommes arrivés à Trofa, chez
la personne qui nous accompagnait: là je devais me reposer et recevoir
mon Jé-sus, en attendant de repartir pour Porto.
Avant de reprendre le voyage, j’ai été portée
dans le jardin et, soutenue par l’action divine, je me suis approchée
de quelques pe-tites fleurs que j’ai cueillies en pensant :
— Le Seigneur, quand Il les a créées, savait déjà
qu’aujourd’hui je serais venue les cueillir.
J’ai été photographiée à deux endroits
différents et, de l’un à l’autre, je me suis déplacée
toute seule, ce qui n’était plus jamais arrivé depuis que
j’avais pris le lit, de la même façon que plus ja-mais
je ne m’étais retournée dans mon lit sans aide de quelqu’un.
Ce fut un miracle de Dieu, car sans Lui, je n’aurais pas pu le faire.
Nous avons repris le voyage: mon âme souffrait horriblement.
À quelques kilomètres de Porto, Jésus a retiré
son action divine. J’ai commencé à ressentir les habituelles
souffrances physiques qui m’ont tourmentée jusqu’à la fin
du voyage. J’ai dit alors, non pas parce que je connaissais la distance,
mais parce que mon état me l’a fait dire :
— Nous sommes déjà proches de Porto.
Quelqu’un a répondu :
— Nous y sommes, nous y sommes !
En effet, j’avais pu voir qu’il ne manquait plus que six kilomètres.
La sortie vers le cabinet a été douloureuse, autrement
dit : martyre pour le corps, agonie pour l’âme; il me semblait que
j’allais mourir.
Avant d’entrer dans la salle de visites, j’ai dit à celui qui
me portait dans ses bras :
— Posez-moi, posez-moi, même si c’est sur le carrelage !
À ce même moment le médecin est arrivé et
il me fit coucher sur un brancard, où je suis restée en attendant
la visite. Quelques instants avant que je ne rentre dans le cabinet, Jésus
m’a libérée de l’agonie de l’âme, ne me laissant que
les souffrances physiques, afin que je puisse mieux résister.
La visite a été assez longue et douloureuse. Pendant
que l’on me déshabillait, on m’encourageait et moi, me souvenant
ce que l’on avait fait à Jésus, j’ai dit en moi-même
:
— Même Jésus a été déshabillé.
Et je n’ai pensé à rien d’autre.
Le docteur Gomes de Araujo, même si un peu brusque, a été
pru-dent et attentionné.
Pendant le retour à la maison, Jésus a exercé
sur moi son action di-vine, afin que je résiste au voyage, mais
il m’a laissée de nouveau l’âme angoissée.
Arrivés à Ribeirão on m’a fait reposer chez le
docteur Azevedo afin d’attendre la nuit et de pouvoir rentrer au pays sans
que personne s’en rende compte.
Que ce soit chez Monsieur Sampaio que chez le médecin j’ai été
traitée avec beaucoup d’attentions, mais nul ne parvenait à
me ré-conforter, alors même que je souriais pour cacher le
plus possible ma douleur.
Il faisait déjà nuit quand nous avons repris le voyage.
Tout m’invitait à un silence de plus en plus profond. J’étais
indifférente à tout. Pendant le trajet, je n’ai rien vu d’autre
que les fleurs du jar-din de Famalicão parce que quelqu’un me les
avait signalées.
Nous sommes arrivés à la maison à minuit, obtenant
ainsi, que per-sonne ne se soit rendu compte de notre absence.
Après ce voyage, mes souffrances physiques ont assez augmenté.
« Combien de choses me venaient à l’esprit !... »
Mon voyage à Porto et la publication de ma vie ont alarmé
les su-périeurs de mon directeur spirituel à un tel point
que peut-être il lui sera interdit de venir vers moi, de me porter
assistance religieuse de laquelle j’ai besoin et enfin, de m’écrire
et de recevoir de mes nouvelles !
Depuis lors, j’ai commencé à vivre d’illusions :
— Viendra-t-il aujourd’hui, viendra-t-il demain ?
Combien de choses me venaient à l’esprit ! La pensée
de perdre le temps en divagations inutiles me tourmentait, mais je n’ai
pas ré-ussi à détourner ma pensée de ce qui
me faisait tant souffrir.
Ma vie est devenue un sacrifice total. Je peux même affirmer
que je ne sais pas ce que c’est que d’être heureuse, cela aussi me
peine. Je me sens à la fin de ma vie: j’attends l’éternité.
Là seulement je pourrai remercier Jésus de m’avoir choisie
pour cette vie de conti-nuel sacrifice, pour n’aimer que Lui, pour Lui
sauver des âmes.
« Tes souffrances pour les prêtres... »
Préoccupée d’avoir Jésus sous les lèvres
et dans le cœur, je suis ar-rivée dans ma pauvre maison et aussitôt
j’ai été triturée par les douleurs qui me consumaient
le corps, effet peut-être de l’examen et du voyage... Dans les heures
de plus grande angoisse, Jésus me disait :
— Voici, ma fille, tes souffrances pour les prêtres. Souffre
pour eux. La souffrance répare. Les ardeurs qui te brûlent,
ce sont les ardeurs de leurs passions. Je me suis servi de l’examen médical
pour te faire souffrir pour eux...
« Le poids des humiliations pèse sur moi... »
Mes douleurs, augmentées à cause de l’examen, continuent.
Mais peu importe. Je peux ainsi en donner davantage à Jésus
et Lui, Il peut les distribuer aux âmes. Je veux consoler son divin
Cœur tel-lement blessé. Je veux que ma souffrance soit comme l’encens
très fin qui s’envole continuellement vers le ciel.
Le poids des humiliations pèse sur moi et, savoir que j’ai pu
être la cause d’humiliations pour vous et pour mon Père spirituel,
m’afflige beaucoup. Veuillez me le pardonner. Je ne voudrais pas vous faire
souffrir...
« Il trompe les gens... »
Hier je n’ai pas eu de forces pour décrire les sentiments de
mon âme et tout ce que j’ai souffert... L’heure de la crucifixion
est arri-vée. Jésus ne m’a pas manqué, comme habituellement,
afin d'atté-nuer ma douleur et me donner courage pour monter au
Calvaire.
— Viens, ma fille, monte au Calvaire avec douceur et amour. Ta souffrance
a pour moi la douceur du miel ; ta souffrance me donne beaucoup de consolation
et sauve beaucoup de pécheurs. Courage ! Appuie-toi à ton
Directeur, à ton Jésus et à ta Petite-Maman.
Je suis alors partie au Jardin des Oliviers, remplie de paix et de
courage. Cette jouissance a été de courte durée. Soudain,
Jésus m’a appelée :
— Ma fille, il y a à Lisbonne un prêtre qui est tout près
de tomber en enfer. Il m’offense très gravement. Appelle ton Père
spirituel, et demande-lui l’autorisation pour que je fasse souffrir, pendant
la passion, d’une façon bien plus atroce, pour ce prêtre.
C’est ce que j’ai fait.
Comme mon Père spirituel m’y a autorisée, je suis de
nouveau tombée au Jardin des Oliviers, afin d’y souffrir bien atrocement.
Je sentais avec quelle gravité ce prêtre offensait Notre-Seigneur.
Je sentais pareillement l’indignation de Notre-Seigneur contre lui. Jé-sus
me disait :
— L’enfer ! L’enfer !...
Et j’avais l’impression que ce prêtre allait vraiment y tomber.
Alors, moi, je disais :
— Non, non, mon Jésus ! Pas en enfer ! Il pèche, mais
je serai sa victime; non pas uniquement lorsqu’il commet le péché,
mais pen-dant tout le temps que vous voudrez.
Notre-Seigneur m’a dit alors :
— Il trompe les gens. Tous pensent qu’il est bon, mais il m’offense
beaucoup.
Et moi, je disais :
— Il trompe les gens, mais vous, il ne vous trompe pas ; oubliez, mon
Jésus; ayez compassion de lui.
Jésus m’a dit son nom : c’est le Père X...
Pendant presque tout le temps qu’a duré la Passion, j’ai ressenti
son péché. Et Jésus était toujours très
en colère contre lui, et me disait :
— En enfer ! En enfer !...
— Pas en enfer, mon Jésus ; je souffre pour lui. Immolé
mon corps, mais épargnez-le des peines éternelles.
Et pendant toute la Passion je sentais la blessure qu’il produisait
dans Cœur de Jésus. Quelle blessure si douloureuse ! C’était
comme des épées qui, continuellement, blessaient mon pauvre
cœur.
Mon corps a été horriblement mal traité, mais
le prêtre n’est pas tombé en enfer; bénies souffrances
!
« Ma Petite-Maman m’a embrassée... »
Lors des premiers moments de mon épuisement, j’ai senti
que Jé-sus et la Maman me caressaient. Elle s’est placée
à ma gauche et prenant ma tête, l’a posée sur son très
saint Cœur et d'une voix très tendre m’a dit :
— Ma fille, aie courage : c'est pour mon amour, pour l’amour de mon
Jésus...
La Petite-Maman m'a embrassée et m’a serrée très
fort contre son Cœur, m’a fait voir la lumière qui pénétrait
les âmes et son triom-phe à Elle...
Les visites de la Maman du Ciel se sont répétées:
Elle me cares-sait, me prenait dans ses bras, me couvrait de sa douce tendresse.
La Maman qui console...
Hier, jeudi, j'étais envahie par la douleur et par la peur,
et aveu-glée par les ténèbres... Je voguais dans les
airs, perdue comme l'oi-seau qui dans la tempête cherche une branche
où se poser. Je n'ai pas trouvé où me reposer.
Je me suis lancée entre les bras de la Maman et je Lui ai dit
que j'offrais ma douleur afin que la paix revienne dans le monde.
J’ai senti quelques moments de soulagement.
Pauvre de moi, si à ces moments-là la Petite-Maman ne
m'avait pas secourue! Je n'en pouvais déjà plus !
Vers le couronnement d’épines...
Je suis alors partie vers le couronnement d'épines. Mes souffrances
augmentèrent. Je suis restée pour quelque temps dans le refuge
du Cœur de la chère Petite-Maman: j’ai reçu de ses lèvres
célestes un tendre réconfort et beaucoup d'amour, comme s'il
s'agissait de l'eau d'une source pure et cristalline.
« J’aime tous ceux qui t’aiment... »
— Je t'aime parce que tu m'aimes et aimes mon Fils Jésus. Je
t'aime parce que je vois en toi la candeur du lys et de l'iris, et leur
parfum t'embaume.
J'aime tous ceux qui t'aiment et qui te soutiennent. Ils re-cevront
tout de moi et de Jésus.
Visite d’un prêtre “journaliste”: – Ses conséquences.
Le 27 août 1941 j’ai eu la visite de Monsieur le curé
accompagné du Père Terças et d’un autre prêtre.
Cette visite fut pour moi très aga-çante, parce que j’ai
dû faire le sacrifice de répondre devant tous à une
série de questions du Père Terças. J’ai répondu
consciencieu-sement à toutes les questions, car j’ai pensé
qu’il était venu pour faire une étude, comme d’autres l’avaient
fait. Cependant, le Sei-gneur seul sait combien cela m’a coûté
de devoir parler de la “Passion” ; et c’est surtout sur celle-ci qu’il
m’interrogea.
Monsieur le Curé m’a dit que le Révérend désirait
revenir vendredi, 29 août. Je ne voulais pas y consentir
sans consulter mon direc-teur mais, m’ayant dit qu’il devait repartir à
Lisbonne ce jour-là, j’ai cédé à sa demande,
lui disant :
— Je pense que vous ne venez pas ici par curiosité, n’est-ce
pas ?
Ayant été rassurée sur ce point, j’ai accepté,
même si sa visite un vendredi me déplaisait assez.
Il est venu, mais accompagné de trois prêtres. J’étais
bien loin de penser que cette visite me préparait un nouveau calvaire
: peu après il publia tout ce qu’il avait vu et tout ce qu’il avait
appris sur moi.
Que le Seigneur accepte les souffrances qui m’ont été
causées par cette publication qui mis sur la place publique mes
secrets cachés pendant de longues années.
De temps à autre, les commentaires qui étaient faits
sur moi, me venaient aux oreilles : c’étaient comme des épines
que les gens in-volontairement m’enfonçaient dans l’âme. Ceux
qui lisaient cette revue là ou écoutaient ce qui se disait
sur moi, en recevaient des sensations diverses.
(...)
Je sais que très peu personnes me comprendront, mais à
moi, une seule chose me suffit: Jésus comprend tout.
J’ai su qu'hier déjà on s’informait sur une certaine
Alexandrina de Balasar et que des gens du village réclamaient la
revue dans la-quelle on parlait de moi. J’ai beaucoup pleuré. Tournée
vers le Ta-bernacle de l’église j’ai dit à Jésus :
— Vous avez permis que j’arrive à ce stade et Vous ne venez
pas me chercher pour aller au ciel !
Tout d’un coup il m'est venu à l’esprit que je pouvais faire
plaisir à Jésus et je me suis dite :
— Je ne pleure plus, parce que Jésus ne le veut pas. Je veux
tout souffrir pour le salut des âmes et par amour pour Jésus
et la Ma-man du ciel.
En effet, j’ai toujours le sourire, même si dans mon intérieur
je pleure, parce que dans mon cœur seule la souffrance règne. La
pu-blication de ma vie est comme une épine qui ne cessera jamais
de me blesser...
1942
SANS DIRECTEUR
Recours à la Vierge...
Lors de ma préparation pour recevoir mon Jésus [dans
l’Eucharistie], j’ai demandé à la Maman de me remplir d'amour
et de me revêtir de sa grâce et de sa pureté, de rendre
mon cœur pur comme quand j’ai reçu mon baptême, parce que
Jésus comprends tout je voulais renaître en ce premier jour
de la nouvelle année pour aimer mon Jésus et ne jamais l'offenser.
Cheminer sans lumière...
Jésus est venu et a allumé dans mon cœur un peu de son
divin feu ; il m’a donné quelques rayons de sa lumière :
— Ma fille, l’heure de me donner la plus grande preuve d’amour et d’héroïsme
est arrivée : cheminer sans lumière dans un complet abandon...
« Mon âme semble se déchirer... »
Mon âme semble se déchirer en morceaux. Ce ne fut que
le 7 jan-vier, jour où vous êtes venu me voir, Père,
que ma souffrance, aus-si bien physique que morale, a connu une pause.
Il est vrai que Jésus me prive actuellement de tout, mais Il m’a
donné encore quelques heures de soulagement et quelques moments
de douceur et de suavité pour l’âme. Je m’en souviens avec
peine et il me semble mentir, car maintenant je n’ai pas de lumière...
« Je veux vous donner des âmes... »
Vivre sans soutien me fait peur. J’ai tout perdu sur la terre et dans
le ciel. Je veux savoir aveuglément que Jésus et la Maman
du ciel ne m’ont pas abandonnée, mais je tombe dans le découragement,
je reste abattue, plongée dans la détresse.
— Mon Dieu, mon Jésus, je crois en Vous, je crois en votre divin
Amour pour moi. Je Vous aime et je veux vous donner des âmes.
Hier le médecin est resté ici presque deux heures. Jésus
s’est servi de lui pour adoucir ma douleur... J’ai encore sur la terre
quelqu’un qui a de la compassion pour moi. Cette pensée a redonné
vie à ma fidélité...
Un journaliste de Lisbonne...
Hier, un journaliste de Lisbonne est venu ici ; je ne lui ai rien dit
des choses de Jésus, mais le fait m’a fait souffrir. Presque tous
les prêtes me cherchent: ils posent mil questions à Monsieur
le Curé. Et tout cela à cause des écrits du Père
Terças. Si seulement je pou-vais partir d’ici! Je ne voudrais pas
être connue; j’aimerais me ca-cher...
Les feuilles du Père Terças...
Aujourd’hui Monsieur le Curé est venu me lire deux feuilles
du Père Terças avec plusieurs demandes. Désirera-t-il
continuer à parler de moi ? Je lui ai dit ne rien avoir révélé
des choses du Seigneur et que je souffre du fait de lui avoir parlé.
Ce n’est point la peur d’être prise en quelque mensonge: je pourrais
être interrogée des milliers de fois que je dirais toujours
la même chose, parce que la vérité n’a qu’un seul chemin.
C’est la blessure que je ressens qui m’oblige à procéder
de la sorte.
Vienne qui voudra: je ne parlerai cependant qu’avec l’autorisation
de mon directeur...
« Combien douloureuse est ma souffrance... »
Combien douloureuse est ma souffrance !... Mon Dieu, Si du moins cette
croix n’était destinée qu’à moi seule! Mais, malheureusement,
ce n’est pas le cas. Il est inutile que vous, mon Père, que vous
me disiez que vous ne souffrez pas : je n’ai pas besoin d’autres
témoi-gnages, les sentiments de mon âme me suffisent... Pour
ma plus grande confusion je sens en être la cause de tant de souffrance;
je le suis et le serai la vie entière.
Je serai aussi la cause de beaucoup d’humiliations et de souffrances
pour le médecin. Quelle triste récompense pour tout ce que
vous avez fait pour moi! C’est une chose bien involontaire ; je ne sou-haiterais
être ingrate envers qui que ce soit.
Quand je reçois Jésus je m’en rappelle aussitôt
et je reste seule dans ma douleur. Il me semble que si j’entendais Jésus,
je ne l’écouterais pas et Lui tournerais le dos, même si je
ne l’ai jamais fait... Combien grande est la peur de me tromper !
J’ai beaucoup pleuré et je suis triste de mon comportement. Je ne
voudrais pas recevoir la croix avec des larmes, mais je n’ai plus la force.
Je pleure, mais dans le cœur, la volonté de Le suivre, de Le
conso-ler, de tout souffrir par amour pour Lui et de Lui donner des âmes,
est toujours présente. Priez pour moi...
« Vous a-t-on interdit de venir ici ?... »
Vous a-t-on interdit de venir ici ? On ne cesse pas de vous faire souffrir
? On essaie de vous humilier et de vous déprimer davan-tage ? Jésus
soit avec nous ! Que nous vienne en aide la Maman du ciel et qu’elle nous
donne la force pour supporter autant de souf-france. Que tout ceci soit
pour la plus grande gloire de Jésus et un avantage pour les âmes...
« J’ai érigé un calvaire... »
Je sens que vous souffrez presque tout seul... Mon Dieu, j’ai érigé
un calvaire pour mon Père spirituel qui a tant fait pour amener
mon âme à Jésus.
J’en ai élevé un autre pour le docteur, qui se sacrifie
tant pour mon corps. O Jésus, ô Maman du ciel, appelez-moi
à vous afin que je ne sois davantage la cause de tant d’humiliations
et de souffrances !... Je préférerais souffrir toute seule.
Si seulement j’avais pu souffrir cette marée de souffrances et que
personne n’en ait eu connais-sance, excepté Jésus ! Je voudrais
disparaître du monde, de sous le regard de tous et rester dans l’oubli...
Craintes de rester sans la Communion...
Je suis dans un état de révolte et je me sens seule,
complètement seule... Quelle horrible tempête !... Je suis
au comble de mon ago-nie. Je crains de devenir infidèle à
mon Jésus : je n’ai pas de force pour en supporter d’avantage...
Quand viendra-t-il le ciel ? Pauvre de moi s’il tarde !...
Dimanche après-midi [8 février], vers le soir, un grand
tourment envahit mon esprit: la crainte de rester sans mon Jésus
[eucharisti-que], que Monsieur le curé, interdit par Monseigneur,
l’archevêque, ne viendrait plus me porter ; que tous les prêtres
seraient défendus de venir me voir, aussi bine que toute autre personne,
sous peine d’excommunication. Mon Dieu, sans avoir un prêtre pour
me confesser, que dois-je faire ? Faire en sorte de ne pas pécher,
de ne pas causer, dans la moindre chose de la tristesse à mon Jésus
et Lui demander bien pardon. Mon Dieu, mon Dieu, quelle confusion de devoir
mourir ainsi, sans un prêtre !...
O mon Père, une nouvelle souffrance vient de survenir: on m’interdit
de prendre conseil auprès de mon Père spirituel... À
qui dois-je recourir ?...
Les pressentiments se réalisent...
Les hommes essaient d’éloigner et d’arracher d’auprès
de moi pour toujours celui qui m’aidait et pouvait me donner réconfort.
Ils m’ont enlevé mon Père spirituel, m’interdisant enfin
toute corres-pondance. Consentez-moi au moins, mon Jésus, de m’épancher
avec Vous. Je me trouve seule au milieu de la tempête qui ne se calme
pas. Je Vous ouvre mon cœur. Il n’y a que Vous qui puissiez lire tout ce
qui s’y trouve écrit avec douleur et sang. Vous seul pou-vez évaluer
mon sacrifice. Le monde l’ignore; les hommes ne le comprennent pas.
Laissez-moi Vous dire ce que Vous avez dit à votre Père
: “Pardonnez-leur car ils ne savent ce qu’ils font”. Ils sont aveugles,
il leur manque votre divine lumière. Éclairez-les ; donnez
votre amour à tous.
O Jésus, mes pressentiments ce sont réalisés !
Pourront-ils m’interdire de Vous recevoir sacramentellement ? Pau-vre
de moi ! Ils me tueraient si Vous, avec votre pouvoir divin ne me conserviez
pas la vie. Qu’ils disent et qu’ils fassent ce qu’ils veulent. Ils ne réussiront
jamais à me priver de l’union intime avec Vous.
Me voler Jésus eucharistique ! Cela ne m’étonnerait pas
qu’ils le fassent. Mas arracher de mon cœur le Trésor si riche que
j’adore et que j’aime plus que toutes choses, « le Père, le
Fils et le Saint-Esprit », les hommes ne le pourront jamais. Pûssent-ils
me faire vi-vre sans cœur et sans âme. Impossible !
Que vienne le monde entier avec toute sa force ; que tout s’oppose
à moi : seul le péché pourrait me séparer de
cette grandeur infinie, de cet amour sans fin.
Mais j’ai pleinement confiance en Vous, mon Jésus. J’attends
tout de Vous, même si les sentiments de mon âme arrivent presque
à me persuader que je me trompe moi-même.
(...)
Quel mal ai-je fait ? Quel crime ai-je commis ?... Mon Jésus,
si ce n’était pas par amour pour Vous, si ce n’était le désir
de Vous ra-mener des âmes, je me refuserais à tout...
« Je brûle du désir du ciel... »
Je brûle du désir du ciel, mais je ne voudrais pas mourir
de la sorte. J’aimerai la mort que Jésus me donnera, mais pas celle
que me donnent les hommes! Je n’aimerais pas les laisser avec les remords
de me l’avoir donnée... Je ne sais pas comment je peux vivre ainsi.
Pour le moment je vous ai, vous qui me soutenez dans un si péni-ble
calvaire. Pourront-ils dire aussi que les choses du Seigneur me viennent
à la suite des visites du médecin ? Je n’en doute pas. Mais
dans ce cas, il serait mieux de m’enfermer dans un cachot où per-sonne
ne puisse me voir; ainsi je souffrirai toute seule et ne serai la cause
des souffrances d’autrui.
Il ne manquerait plus qu’ils me prennent aussi mon médecin !
Grâ-ces à mon bon Jésus, je ne suis pas attachée
aux choses de la terre, mais je ressens le besoin que l’on m’aide à
parcourir mon cal-vaire: toute seule je ne le peux pas...
Le départ du Père Mariano Pinho...
Quelques heures après ma “Passion” mon médecin m’a dit
que ces derniers jours l’état de mon cœur avait davantage empiré.
Il m’inculqua courage et fidélité. Je me suis épanchée
à lui parce que je sens que le Seigneur se sert de lui pour m’aider
à poursuivre dans les chemins épineux et difficiles. Je me
suis sentie bien plus forte.
Vers les six heures du, soir on m’apporta le courrier et immédiate-ment
j’ai découvert votre lettre. Aussitôt que je l’ai eue en main,
les bras me sont tombés et mon sang s’est glacé dans mes
veines. Je n’avais pas la force de l’ouvrir. Je me suis dite à moi-même
: “Quoi qu’il arrive, en avant ! Mon Jésus, j’accepte tout pour
amour pour Vous et pour Vous donner des âmes”.
J’ai commencé à la lire, mais les larmes m’en empêchaient
: c’étaient des larmes de parfaite résignation. On dirait
que l’on me perçait le cœur avec une lance. Quelques jours se sont
déjà écoulés et je me sens pourtant encore
dans le même état. C’est comme si je n’avais plus de cœur
et que la mort me guette. Dans mon fond intérieur, je disais : “Pardon
pour tous ceux qui sont la cause de cette mort.
Il est vrai que Deolinda, plus d’une fois, goutte à goutte,
m’avait administré le “poison” que la lettre contenait, mais maintenant
c’est arrivé au comble : la dernière goutte de ce “fiel”
si désagréable.
Mes larmes et ma prière à Jésus pour obtenir le
pardon pour tous: voilà ma vengeance.
Dans cette triste lettre que je n’oublierai jamais, vous me dites que
cela est conforme à ce que vous supérieurs ont décidé
; que vous devez obéir parce que le Seigneur le veut.
Je suis d’accord. Obéissance, sainte obéissance, combien
je t’aime ! Vous ne voulez pas désobéir et moi-même,
je veux que vous obéis-siez. Plutôt toutes les souffrances
que la moindre offense envers Jésus. Celui qui obéi fait
sa sainte Volonté, mais malheureux ceux qui ne commandent pas selon
ses divins désirs! C’est pourtant qui arrive maintenant. Les hommes
s’opposent à la volonté de Jésus. C’est ce que ressent
mon âme remplie de douleur. Mon cœur vole comme un oiseau qui ne
sait pas ou se poser; je me trouve dans le supplice le plus douloureux.
Je me suis confessée au Père Alberto Gomes
dans lequel j’ai en-tière confiance et en qui je vois toute la sainteté.
Je sens qu’il me comprend bien, mais ce n’est pas lui cette lumière
que Jésus m’a choisie, et non plus la source qui peut me rassasier.
C’est pour cela que je dis : “Malheureux ceux qui ne commandent pas selon
la vo-lonté de Jésus !”
Je continuerai de vous appeler mon Père spirituel sur la terre
comme au ciel. Quoi que les hommes disent ou fassent, cela ne sert qu’à
m’écraser de plus en plus et à m’ôter la vie...
Ne vous souvenez-vous pas qu’il y a quelque temps j’avais eu le pressentiment
de ce qui arrive maintenant ? On vous interdit de venir ici ! De m’écrire
! Volonté divine de mon Dieu, je t’aime plus que tout...
« Les lettres de mon Père spirituel... »
O mon Jésus, donnez-moi votre divine force ! Je veux cacher
ma douleur. Toute seule je n’y réussis pas. Que mon cœur pleure
nuit et jour, si vous le voulez, mais que mon regard soit joyeux et mes
lèvres souriantes. Que votre saint amour et les âmes soient
le motif de ma souffrance !
Je suis comme la colombe qui, dans son envol, secoue les ailes nuit
et jour, et ne trouve pas où se poser si vous ne venez pas à
son se-cours. Les forces lui manquent, elle est incapable de poursuivre
son vol: c’est moi qui navigue dans les airs, c’est moi qui suis tout près
d’être anéantie par la tempête ; je suis la plus indigne
de vos peti-tes filles, sans lumière et sans soutien.
O Jésus, je ne savais pas que j’avais encore tant à vous
donner ! Combien grande est mon ignorance ! Je pensais vous avoir tout
donné. Je me trompais : vous êtes venu faire la dernière
moisson. Prenez tout, hâtez-vous de tout prendre : moissonnez pour
vous. Le vingt, je vous ai donné mon Père spirituel jusqu’au
jour on l’on voudra bien me le rendre ; je vous ai donné ses lettres
qui m’ont servi de lumière et acheminée vers Vous.
Vous avez bien vu, ô Jésus, combien grand a été
le sacrifice ! Non point pour l’attachement à celles-ci, mais parce
qu’elles m’ont été demandées lors d’une journée
remplie de tant de souffrances. Quand je les ai eues en main pour les ficeler
ensemble, vous, ô mon Seigneur, vous avez entendu que je me répétais
: “Jésus me les a données, Jésus me les reprend.”
Et même en les rendant, je n’ai fait que répéter
: “Jésus ne mérite-t-il pas encore davantage ?... Tout cela
est encore bien peu pour Lui sauver des âmes...” Ce qui me peinait
c’était de devoir servir d’instrument pour faire souffrir
les autres !...
Obscures ténèbres...
O Jésus... mon calvaire ne s’arrête pas. Les obscures
ténèbres de la nuit, ne finiront-elles jamais ?
Je n’aperçois même pas le chemin ; je ne puis ni avancer ni
reculer ! Je n’ai pas de guide ; je n’ai pas de vie. Le cœur et l’âme
s’en vont en morceaux. Par l’amour de qui j’accepte tout cela ? Pour Vous,
ô Jésus, uniquement pour Vous et pour les âmes. Servez-vous
de ma tristesse et de mon agonie, ser-vez-vous du sacrifice qui m’a amenée
à l’extrême limite, pour don-ner la paix au monde et afin
que Votre divin Cœur puisse avoir de moi toute la joie, consolation et
amour possibles.
(...)
Si je ne vis pas pour sauver les âmes, si mes souffrances ne
sont pas suffisantes pour leur éviter l’enfer, oh ! alors, mon Amour,
pre-nez-moi avec Vous. Il n’est pas possible de vivre ainsi. Qu’il me reste
au moins l’espérance que mon agonie console votre divin Cœur.
Hâtez-vous, Jésus, de me secourir. Faites que je sois
ferme dans mes propos. Placez sur mes lèvres un sourire “trompeur”,
sous le-quel je puisse cacher toute la souffrance de mon âme. Il
suffit que Vous seul connaissiez ma souffrance.
Examinez, ô Jésus, tout mon corps, tout mon cœur, toute
mon âme: voyez si Vous y trouvez encore quelque chose qui puisse
vous être utile ; je veux tout Vous donner.
La privation de mon directeur spirituel et tous les sacrifices qui
sont venus par la suite m’ont portée à la plus grande souffrance.
Et maintenant, mon Jésus, le fait de le savoir aussi proche
pendant que moi, comme un oiseau pendant les jours d’hiver, je reste là,
affamée de ne pas pouvoir lui parler, de ne pas pouvoir recevoir
de lui aliment et vie pour mon âme... il y a de quoi mourir de douleur
!
Que seul votre amour règne: seul l’amour peut vaincre !
Je Vous ai promis, ô Jésus, de souffrir en silence, de
ne pas me permettre un seul soupir afin que je puisse contenir toute la
dou-leur de ma triste épreuve. Et pourtant, maintenant je n’en peux
plus, mon Jésus : les humiliations, les mépris les abandons,
m’écrasent...
Mon âme ne ressent que peur et détresse.
Mon triste cœur est angoissé de contenir le sang du monde entier
afin de paver tous les sentiers du Calvaire avec ces paroles de sang :
l’amour, l’amour de Jésus !
Malheureusement je n’ai rien et je n’arrive même pas, dans ma
détresse, à Le consoler et à L’aimer.
Les lettres rendues...
Mon Jésus, les lettres de mon directeur m’ont été
restituées. Pour-quoi tout cela ? Le sacrifice a été
fait. Ce fut comme si on les plaçait sur un cadavre qui ne ressent
plus rien. Mais l’obéissance le veut et, moi je l’accepte...
« Jésus, m’entendez-vous ?... »
Jésus, m’entendez-vous ? On dirait que mes paroles sont suffo-quées
par le poids de la mort. Je veux vous dire une fois encore :
— “Je suis vôtre dans le temps et je serai vôtre dans l’éternité.
Je me donne seulement à vous, je ne veux appartenir qu’à
vous”.
C’est avec l’âme en agonie et le cœur écrasé par
la douleur que mes lèvres balbutient ces paroles: “uniquement par
amour”.
De noires ténèbres m’entourent : je marche au milieu
de buissons épineux. Je suis tout entière blessée:
je sens le sang couler tout le long de mon pauvre corps.
Je me sens seule: on m’a volé le réconfort, le soulagement
de l’âme, mon soutien sur la terre. Quelquefois je ne supporte même
pas la nostalgie que j’ai de la Messe dans ma chambre...
Pardonnez, mon Jésus, à qui a été la cause
de tout cela. Pour tous, je vous demande compassion ; je Vous demande lumière
pour leur cécité.
Sur cette mer de souffrance, dans cette lutte contre de noires ténè-bres,
dans cette nuit très opaque, mon âme jouit de la plus grande
paix ; je ne crains pas de comparaître en votre divine présence.
Quelquefois il me vient à l’esprit si cela ne serait pas de l’orgueil.
Que jamais je ne le connaisse. Serait-il né de mon ignorance ?
Vous m’avez accordé la grâce de connaître l’abîme
de ma misère, mais en même temps je vois très bien
je vois très clairement que l’abîme de votre amour et de votre
miséricorde est infiniment plus grand. Je confie aveuglément
en vous et j’espère en vous.
Nouvelle forme de crucifixion
(Moments de la Passion)
Le vendredi saint, 27 mars 1942, Jésus m’a dit :
— Ne crains pas, ma fille ; tu ne seras plus crucifiée ; la
crucifixion que tu souffres est des plus douloureuses que l’histoire a
pu enregistrer.
— Ne me dérobez pas vos forces, Jésus, afin que je puisse
décrire de la meilleure manière possible ce que j’ai souffert
pendant la sainte Passion. Que votre protection et votre amour ne me man-quent
pas non plus à cette pauvre créature que je suis. Que tout
soit pour votre plus grande gloire et pour le salut des âmes.
Mes yeux semblaient ne pas voir l’approximation de la passion. Mon
abattement m’épouvantait ; l’abandon dans lequel je me trouvais
semblait me conduire à la sépulture. Quel tourment ! Devoir
lutter contre un monde sans vie! Votre Vie et votre Amour sont descendus
sur moi, j’ai entendu votre Voix, douce et tendre :
— Ma fille, amour de Jésus, courage ! Ne crains pas. Le chemin
du calvaire est presque terminé. Allons, viens, tra-verse les dernières
épines : des blessures causées par ces épines sortiront
des sources de salut. Les âmes ont besoin de tout.
Jésus est heureux de ta crucifixion ; Il trouve en toi toute
la réparation que l’on peut trouver sur la terre. Courage ! Jésus,
avec sa Mère bénie, nous ne t’abandonnerons ja-mais.
J’ai cheminé vers le Jardin des Oliviers. Dans un total abandon,
je remémorais vos douces paroles, lesquelles, pendant un certain
temps, sont restées gravées dans mon cœur. Ensuite, à
cause des coups et des mauvais traitements de la part de l’humanité,
tout a disparu. Et, dans le Jardin des Oliviers, toute seule, dans un pro-fond
silence, dans la plus grande obscurité, moribonde, je cherchais
à me cacher pour toujours, comme, si la terre aurait pu m’occulter
à la justice du Père éternel.
Mon Dieu, mon Dieu... combien je me sens seule !
Pas la moindre brise ne soufflait. Même les feuilles des oliviers
res-taient immobiles, bien que les branches se courbassent jusqu’à
terre en signe d’adoration.
O douleur, ô agonie de Jésus, ô amour de Jésus
pour les âmes !
Mes souffrances, ô Jésus, ne m’appartenaient point ! Elles
n’étaient qu’à vous, rien qu’à vous, mon Jésus.
J’ai suivi les étapes de la Passion ; ici et là je tombais
écrasée par la souffrance. Très souvent j’ai invoqué
: “Jésus, Petite-Maman, don-nez-moi de vos forces afin que les miennes
se ressourcent”.
Merci, Jésus ! Avec vous j’ai résisté.
Lors de la flagellation, protégée par votre divin Cœur,
j’ai vu devant moi les bourreaux tenant en main des fouets pour châtier
mon corps. À l’ombre de votre divin amour, je ne les craignais pas.
Au couronnement d’épines j’ai vu entrelacer d’aiguës épines
et fa-briquer le casque, afin qu’il soit enfoncé sur ma tête.
Je me suis élancée sur le chemin du Calvaire, sans vitalité
suffi-sante pour arriver jusqu’au bout. Je ne pouvais pas avancer da-vantage
: les forces m’abandonnaient petit à petit.
J’ai été clouée sur la croix : à chaque
coup de marteau je m’évanouissais.
Le Calvaire s’était obscurci. On n’entendait plus que les soupirs
de la chère Maman, étouffés par les blasphèmes
: je les ressentais plus que ces derniers dans mon cœur.
Une nouvelle vie...
Depuis le Vendredi Saint j’ai commencé à
me sentir morte sur le Calvaire, entourée de ténèbres
et dans un grand abandon.
Tous les lions sont tombés sur moi.
Mon corps n’a pas reçu de sépulture. Des oiseaux de nuit,
malgré les épaisses ténèbres, voyaient bien
mon corps, pour le manger. Je suis restée ainsi dans cette souffrance.
Maintenant je sens que ces oiseaux, de leur bec, pénètrent
mes os, les réduisant en cendres.
La croix où j’ai été crucifiée est tombée
à terre, mais, malgré cela, je sens qu’une partie de mon
corps y reste fixé par les clous. Ces oiseaux-là ont encore
beaucoup à dépouiller dans mon corps, qui n’a pas la vie
terrestre ; seul mon cœur sent une vie qui n’est pas humaine; c’est une
vie divine. Cette vie lui procure du sang, et l’humanité entière,
comme une volée d’oiseaux, boit cette vie. Je sens que ce n’est
qu’après que ces oiseaux de nuit auront réduit mes os en
cendres, que je pourrai partir.
Je ne sens plus sur la croix, mais la souffrance est la même
; il n’est pas moins douloureux. Les lions profitent maintenant davantage
de ma chair, qui est déjà en putréfaction et nauséabonde
; pendant que les oiseaux s’attaquent à mes os et les taraudent.
Vous ne pouvez pas comprendre combien je soufre et, moi-même, je
ne sais pas m’expliquer. Ils ont laissé mon âme en pleine
montagne, en butte au plus grand tourbillon, noire, très triste,
aride : ils m’ont abandonnée. Tous les lions sont tombés
sur moi! Combien est amère l’ingratitude des hommes!
(...)
Hier, 20 avril, quand j’ai reçu l’ordre de l’archevêque
de me laisser transporter à Coimbra pour être examinée
par le docteur Elísio de Moura, cette pensée m’a assaillie
: Combien la souffrance est in-comprise ! Je suis sûre que si l’on
goûtait, pendant quelques mo-ments, ce qui arrive dans mon corps,
personne au monde n’aurait plus le courage de faire une telle proposition.
Le regard fixé dans le ciel, je peux dire : Que tout soit pour
l’amour de Jésus ! Lui, il est digne de tout. Les âmes méritent
tout, parce qu’elles sont le prix de son Sang.
L’agonie de mon âme continue de s’aggraver de plus en plus. Tou-tefois
le ciel peut mettre fin à tout cela.
Que le Seigneur soit avec moi, car ce n’est qu’avec son aide que je
peux vaincre.
Je demande à Jésus avec beaucoup de foi de mourir le
1er vendredi de mai, afin de passer le 1er samedi au ciel.
« Quelle gloire pour le Portugal !... »
Jésus m’a dit le 2 mai (samedi) :
— Bienheureux les humbles et les persécutés pour l’amour
de Jésus. Ce sont ceux-là les élus du Seigneur et
les aimés de son divin Cœur. La mission de la crucifiée de
Jésus sur la terre est presque terminée. Jésus lui
donnera la mort la plus touchante, la plus remplie d’amour. Quelle gloire
pour le Portugal et pour le monde entier ! Quelle fête et quel triomphe
au Paradis !
Mais l’agonie indicible de mon âme augmentait en sachant toutes
les avanies que l’on disait sur moi. Il me semblait que cela conti-nuerait
après ma mort, causant ainsi de la peine à mes chers fami-liers.
Mon désir serait que toutes ses vexations meurent avec moi.
« Mon cœur est tellement blessé... »
Mon cœur est tellement blessé que l’on dirait qu’il n’a même
plus la forme d’un cœur humain. Toutefois, il est une source abondante
de sang. C’est la vie divine qui le fait ruisseler. Je sens que toute l’humanité
y boit avidement, de peur que le sang cesse de couler.
« Combien je suis triste... »
L’âme affligée, je répétais : Combien je
suis triste et combien sont amères les derniers jours de ma vie
! De mon amertume tirez, o Jésus, douceur et joie pour vous et bénéfice
pour les âmes...
« Gloire à Jésus; gloire à Marie !... »
(...)
Jésus est venu en disant :
— Gloire, gloire, gloire à Jésus ! Honneur et gloire
à Marie ! Le cœur du Pape, cœur d’or, est décidé à
consacrer le monde au Cœur de Marie ! Quel bonheur ! Quelle joie pour le
monde d’être consacré, d’appartenir plus que jamais à
la Mère de Jésus. Le monde entier appartient déjà
au Cœur de Jésus ; il va appartenir, désormais, tout entier
au Cœur Immaculé de Marie.
« Je me sens abandonnée de tous... »
Mon cher Jésus, ma chère Petite-Maman, je suis privée
de mon Père spirituel, justement en ces jours où j’en ai
le plus besoin ! Je me sens abandonnée de tous, excepté si,
miraculeusement, même si peu souvent, vous me donnez ce qui peut
me réconforter. Par-donnez à ceux qui m’ont blessée
; pardonnez toute leur cécité; car moi-même je leur
pardonne.
Dans mon cœur il n’y a plus de place pour d’autres épées
; j’en ai souffert dans tous les sens ; j’ai même reçu des
chagrins de qui je m’y attendais le moins.
O mon Jésus, accordez à tous votre pardon, votre amour,
votre compassion. Purifiez, sanctifiez, brûlez dans votre divin amour
et appelez vite auprès de Vous votre petite fille agonisante...
« Le Ciel est rempli de gloire !... »
— Le Ciel, le Ciel est comblé de gloire ! Le Ciel est comblé
de triomphe !...
Une couronne merveilleuse, plus resplendissante que le soleil et que
les étoiles, est préparée pour la petite folle de
Jésus. Jésus est le tout de sa crucifiée. Jésus
lui donne tout, afin de tout recevoir d’elle !...
« Le ciel est tout proche... »
(...)
Depuis le 24 mai — jour de Pentecôte — et journée pendant
la-quelle j’ai demandé à l’Esprit-Saint toute la lumière
et toute la flamme de son divin amour, amour sanctifiant — l’état
de mon âme s’est modifié...
Le 25 mai [ceux qui fréquentaient la maison] se sont aperçus
qu’il y avait en moi quelque chose de changée, mais ce changement
n’était que la transformation de mon âme. Je ne ressentais
que ra-rement, les grandes désolations, les ténèbres,
les sécheresses et les épuisements, mais par contre, je ressentais
de grandes envies de m’envoler vers le ciel ; ces désirs me donnaient
des impulsions qui me faisaient lever comme si j’avais des ailes pour prendre
mon en-vol.
Je ne peux pas rassasier mes aspirations et la nostalgie que j’ai des
aliments de la terre ; je soupire et je brûle du désir d’aller
me ras-sasier des aliments célestes...
Le fil divin qui retient mon cœur dans sa demeure va bientôt
se rompre : je crois que sa solidité a été limitée.
Ce qui lui a permis de ne pas se rompre c’est que la tempête ne lui
a causé que de petits dégâts, de temps en temps.
Si, maintenant je peux dire :
— Le ciel est tout proche, je vais aller voir mon Jésus ! Je
vais aller voir ma chère Petite-Maman ! Je vais aller voir le Paradis
! Je vais aimer éternellement mes amours: le Père, le Fils,
le Saint-Esprit.
Je quitte le monde sans regrets: je ne lui appartiens pas.
Le 25 mai j’ai prié ainsi :
— Ave Maria, Mère de Jésus ! Honneur, gloire, triomphe
pour votre Cœur immaculé ! Ave Maria, Mère de Jésus,
Mère de tout l’univers ! Qui ne voudrait pas appartenir à
la Mère de Jésus, à la Dame de la victoire ? Le monde
va bientôt être consacré tout entier à votre
Cœur maternel ! Accueillez, Vierge pure, accueillez, Vierge Mère,
dans votre Cœur très saint tous vos enfants.
Il me semble que la détermination du Saint-Père à
vouloir consacrer le monde fut ce qui m’oblige à rester encore sur
la terre; triste exil que je ne peux plus supporter...
« Un corps pour souffrir.... »
Ma vie !... Qu’un tout petit souffle de vie ! Tout juste un corps pour
souffrir et rien d’autre !... Des rayons divins m’ont entraînée
tout près des portes du Paradis... Mais, un je ne sais quoi d’humain
m’oblige à vivre sur terre, m’oblige à une continuelle immolation.
Pauvre de moi ! Et je ne peux plus attendre ! Je m’inquiète et je
regarde mon corps, pour voir s’il existe encore; ce qui se passe en lui,
Dieu seul le sait. On dirait même que je ne peux pas m’unir à
Jésus ni à l’amour qui me tuera. Voila ce que c’est que la
vie de victime ! Malgré cela, je n’ai pas de regrets de m’être
offerte à Jé-sus, pour les âmes !
« Je creuse ma sépulture... »
Je creuse ma sépulture. Le terrain où je la creuse n’est
pas sûr ; il est même répugnant ; il est rempli de pourriture
: c’est le terrain, c’est la sépulture mondiale. Quelle horreur
!
Je sens comme, si à l’intérieur de moi, il y avait quelqu’un
en lar-mes, poussant de grands soupirs, dans une tristesse sans égale.
En observant toute cette putréfaction je sens toujours mon corps
bles-sé, la tête couronnée d’épines, les plaies
ouvertes et, celle de mon cœur toujours renouvelée par la lance.
« Seul le ciel sera ma vie... »
Sur la terre je n’ai pas de vie ni rien qui me satisfasse: seul le
ciel ! Seul le Ciel ! Seul le ciel sera ma vie; ce n’est qu’au ciel que
mes désirs seront comblés.
« Je me vois au bord d’un abîme... »
Je peux presque déjà entrer au ciel au prix de tant de
douleur. La tempête semble s’apaiser. Mais quelle grosse averse !
Quelle fu-reur, quelle fureur qui a tant blessé mon pauvre cœur
! Mon Jésus, puis-je entrer ! Je ne sais pas quel est l’état
de mon âme ! C’est comme si je me trouvais entre le Purgatoire et
le Ciel : la plus part du temps, je ne ressens pas une très grande
douleur, mais non plus une grande jouissance. Toutefois, par moments —
pauvre de moi, ô Jésus ! — je me vois au bord d’un abîme,
sans rien à quoi je puisse me soutenir. Vais-je y tomber ? Venez,
mon Jésus, venez me libé-rer d’une pareille horreur; soutenez-moi,
écartez-moi de lui !
« Mon état est grave... »
(...)
Mon état est grave; mes souffrances sont très douloureuses.
Mais à l’intérieur de moi est né un désir irrésistible
de dicter quelques pa-roles pour vous, mon Père. Les forces qui
vous parlent ne sont pas les miennes : je n’en ai plus, car je suis exsangue.
Mais c’est le cri de ma volonté ; c’est un léger souffle
de vie qui vous parle. Mon corps ne sert à rien d’autre que pour
souffrir; je n’éprouve rien d’autre. Je ne suis plus qu’une petite
bulle d’écume qu’un rien fait disparaître.
Les sentiments de mon âme sont étranges. Je me trouve
comme dans un endroit où l’on ne ressent ni joie ni peine. Je sens
comme si les hommes m’avaient attachée à la terre, m’obligeant
à suspen-dre mon voyage. Je vis arrêtée, voisine du
ciel, mais sans pouvoir entrer. De temps à autre il me venait une
très grande nostalgie de ma patrie céleste, capable de m’enlever
mil vies; cette nostalgie est presque insupportable ; j’ai envie de pleurer,
de beaucoup pleurer. Il me semble que la mission que Jésus m’a confiée
soit accomplie. Je reste là, mais je ne fais rien. Je suis, toutefois
convaincue que Jésus rompra ces liens qui empêchent mon envol
vers le ciel...
Je continue le jeûne et je ne peux même pas rassasier avec
goût la soif brûlante qui me consume. Je peux boire quelques
gouttes qui ne me soulagent que très peu. Je ne sais pas expliquer
la nostalgie que j’ai des aliments. Je ressens le désir de tout
porter à ma bou-che ; j’aimerais me nourrir des aliments qui me
plaisent, mais je ne le peux point.
Grâce à Dieu, mon intelligence est très vive. J’offre
à Jésus, par amour pour Lui, mon martyre et aussi pour obtenir
la lumière pour ceux qui sont privés sur la terre, de lumière
et de confort...
« Triomphe ! Triomphe !... »
— Triomphe ! Triomphe ! Gloire, gloire à Jésus et Marie
! Paix pour l’humanité ! Jésus se réjouit, Jésus
est heureux. La Reine du ciel, la Reine du monde triomphe en lui !
La Mère de Jésus et les victimes apportent la paix dans
le monde. C’est la Mère de Jésus, avec la petite folle de
l’Eucharistie !
Pénitence ; faites pénitence et remerciez le Ciel ! Pénitence
pour réparer, remerciements en reconnaissance des moyens utilisés
par Jésus pour sauver ses enfants.
(...)
[La paix] ne tardera pas, oui, elle ne tardera pas, ma bien-aimée
! Mais, malheur au monde, s’il ne se convertit pas ! Pauvre de lui, s’il
n’abandonne pas ses crimes qui ont tant déchiré le divin
Cœur de Jésus !
L’annonce de la Consécration...
(...)
Quand, par télégramme, j’ai eu la nouvelle de la consécration
du monde à la chère Maman du ciel, Jésus m’accorda
de cours instants de consolation. Au comble de ma joie, je ne savais comment
remer-cier Jésus et Marie. Les mains levées vers le ciel,
je me suis excla-mée :
— Béni soit Jésus ! Bénie soit la Petite-Maman
!
J’avais envie, à ce moment-là d’introduire moi-même
le Saint-Père dans les Cœurs de Jésus et Marie: quelle joie
!
D’une façon imprévue, j’ai ressenti une très grande
humiliation : je me suis sentie méprisée ; et le léger
souffle de vie qui me restait commença d’être un néant
qui peu à peu s’enfonçait dans la terre, jusqu’à disparaître.
Toutefois, même dans cet état j’ai continué de remercier.
J’ai récité le “Magnificat” et j’ai fait allumer une lampe
en l’honneur de la Maman du ciel.
Mon Père, mon jeûne continue ; je n’ai pas faim, mais
je ressens une très grande envie de tout porter à la bouche.
Si vous saviez combien m’est coûteuse cette souffrance! Je l’offre
à Jésus pour les âmes !...
En voyant la Vierge de Fatima...
Mon cœur semblait ne plus tenir dans ma poitrine, à cause de
la violence de ses battements.
Je me sentais attirée par Elle: j’ai eu l’impression de
sortir de moi-même et d’être transportée dans une autre
région : je ne vivais déjà plus sur la terre.
Je ne sais pas combien de temps j’y suis restée.
1943
LA GRANDE EPREUVE
« Mon cœur bat de moins en moins... »
Ma fin n’est pas encore pour tout de suite: c’est là un sacrifice
sup-plémentaire. Que cela soit pour la gloire de Jésus et
le salut des âmes.
Dois-je encore attendre longtemps avant que les hommes ne se soumettent
à la volonté de Dieu ? Je suis impatiente et je dis à
Jé-sus :
— Mon cœur bat de moins en moins. Je ne peux plus attendre. Je n’ai
commis aucun délit, pour qu’il me soit appliqué un aussi
grave châtiment.
Pauvre de moi, si je devais être jugée par les gens !
En vérité ils ont raison de mal me juger : sans le Seigneur
je serais capable de faire ce qu’ils disent et encore pire.
D’après les paroles de Jésus, auxquelles je crois aveuglément,
il me semble que ma vraie vie soit proche: le ciel, oh le ciel! Je vais
être heureuse au ciel!
Le 13 décembre, de bon matin — ce ne fut pas un rêve,
non plus une illusion — j’ai vu la Notre-Dame de Fatima élevée
— je ne sais pas sur quoi elle posait — à une grande hauteur.
Autours d’Elle, en bas, une grande foule Qu’elle regardait avec tendresse.
Je me suis trouvée hors de moi-même: il me semblait avoir
été transportée dans une autre région.
(...)
Mon âme souffre beaucoup après la consécration
du monde à la Maman chérie...
(...)
Ma fièvre continue... mes sueurs ne s’expliquent pas ; je ne
sais pas comment je peux vivre ; cela seulement devrait arriver à
don-ner lumière...
« Rendez-moi mon Père spirituel... »
Révérend Père Provincial,
Cette nuit, vers deux heures et demie, j’ai demandé à
ma sœur de bouger mon corps couver de sueur. La vie semblait me quitter,
les forces me manquaient. Mon âme, toujours désireuse de s’envoler
vers Dieu, était dans une douloureuse agonie. J’avais besoin de
soutien: elle voulait de la lumière, cette lumière que peu
de prêtres savent donner aux âmes. Toute seule avec Jésus,
intérieurement, je Lui disais :
— Donnez-moi le Père spirituel, donnez-le-moi de nouveau, bien
que vous l’ayez éloigné de moi, grâce à cette
union qui n’est pas toute à fait, ou presque, comprise. Mais maintenant,
mon Jésus, celle-ci ne suffit pas, je ne peux pas vivre ainsi.
La paix m’a envahie et l’idée de vous écrire m’est venue,
pour vous demander, par l’amour de Jésus et des douleurs de Marie,
de per-mettre au Père Mariano Pinho de venir et de reprendre la
direction de mon âme, pendant le peu de jours qui me restent à
vivre.
Très souvent j’ai eu l’idée de m’adresser à vous,
mais aussitôt mon idée était étouffée
par la crainte et par quelque chose d’autre qui ne me permettait de l’écrire.
Mais, cette fois-ci elle a été durable et menée à
bien.
Ce n’est pas moi qui l’ai choisi [comme directeur spirituel]. Il y
a dix ans, j’étais seule, sans guide, et très éprouvée
entre quatre murs depuis huit ans. Le Seigneur a eu pitié de moi,
il me l’a choisi et me l’envoya. Ce fut alors, qu’en suivant ses saints
conseils, que j’ai connu alors davantage le Seigneur. Depuis treize mois
déjà il est interdit de venir ici. Jésus seul sait
combien cela m’a coûté, aussi j’ai tout souffert par amour
pour Lui. Maintenant, toutefois, j’ai be-soin de quelqu’un qui me soutienne
; je ne peux plus vivre dans un martyr pareil. Si vous pouviez voir, rien
que quelques instants ce que je souffre dans mon corps et dans mon âme,
et combien j’ai souffert pendant cette période, je suis sûre
que vous auriez pitié de moi. Ma fièvre est montée
à 40° et plus ; des douleurs horribles agitent et font trembler
mon corps, comme une tempête qui vou-drait tout détruire.
Je me suis vengée et, ma vengeance continuera au ciel, à
l’égard de ceux qui ont été la cause de ma souffrance.
Savez-vous quelle sera ma vengeance ? Je prierai et je demanderai, pour
eux, le par-don. J’implorerai pour eux la lumière afin qu’ils vivent
de la vie in-térieure de Jésus et ne soient plus des obstacles
pour d’autres âmes éprises de Dieu et ayant besoin des lumières
et du soutien de saints directeurs.
Êtes-vous fâché contre moi ? Ne le soyez pas! Je
sais que je suis méchante, et la créature la plus misérable,
la fille la plus indigne de Jésus, mais pour cette raison même
digne de compassion. Moi, sans la grâce de Dieu, je me crois capable
de faire et d’être tout ce de quoi on m’accuse auprès de vous;
toutefois, avec la grâce et toute la force du Seigneur, mon innocence
sera reconnue.
Permettez-moi, Révérend Père Provincial, de vous
demander, une fois encore, pour l’amour de ce qui vous est le plus cher
au ciel et sur la terre: permettez à mon Père spirituel de
venir m’assister pendant mes derniers jours; qu’il apporte les dernières
lumières, les derniers conseils à cette pauvre qui espère
aller bientôt au ciel.
Je fais confiance à Jésus et à la Maman du ciel
pour que je ne sois plus un motif de honte pour votre Ordre.
Adieu, Révérend Père. Veuillez me pardonner. Je
n’ai rien fait dans l’idée de vous offenser. Je ne veux offenser
personne et encore moins les disciples de Jésus. Ayez l'obligeance
de me pardonner. A nous revoir au ciel.
Préparation pour l’exil de 40 jours...
(...)
Après la Communion Jésus m’a parlé ainsi :
— Te voici à l’ombre de l’Eucharistie ; c’est l’aliment qui
fait germer les vierges les plus pures, les plus chères, les plus
aimées de mon divin Cœur. Combien tu me dois, ma fille, et combien
me doit l’humanité entière pour l’institution de cet Aliment
sacré !
Comme Je me sens bien à l’ombre de ton cœur ! Ici Je trouve
toute la richesse, toute la pureté, tout l’amour. J’y trouve tout
ce que J’attends d’une âme qui n’appartient qu’à Moi. Je Me
donne à toi par amour...
« Jésus s’est épris d’Alexandrina !... »
(...)
Le premier mai, Jésus m’a encore parlé et Il m’a dit
:
— Ma fille, combien belle est une âme en état de grâce
! Oh! la beauté et les charmes d’une épouse de Jésus
! Jésus s’est épris d’Alexandrina ; Il l’a préparée
pour en faire son tabernacle sur la terre. Réjouis-toi, ma petite
fiancée, ré-jouis-toi avec ton Jésus. Que le monde
dise et fasse ce qu’il veut : Jésus est à toi, tout à
toi; tu es à Lui, toute à Lui.
L’aveuglement de mes disciples et de ceux qui se disent mes amis me
font davantage de peine que les délits des pé-cheurs. Jésus
immole ses victimes pour les sauver. Et ceux qui devraient toujours posséder
la lumière divine n’en veu-lent pas, ne la cherchent pas et essaient
de détruire les causes les plus sublimes et les plus chères
à Jésus, ce Qu’il a préparé de plus riche dans
le monde, de plus grande gloire pour Lui et encore davantage pour les âmes.
Courage, petite fille ! Celui qui est avec Jésus ne craint rien.
Celui qui Le possède a toute la force. Courage, mon aimée
! Ce sont les derniers combats... Après ce sera le Ciel.
« Jésus m’appelle... »
Si d’un côté les épines me blessent et la montagne
escarpée de mon Calvaire me mène à un plus grand désarroi,
me laissant par terre dans la nuit la plus obscure et les plus grandes
et poignantes souffrances; d’un autre côté j’ai la voix douce
et suave de Jésus qui me dit :
— Courage, ma fille, c’est pour moi que tu souffres ! Aie courage !
Je suis Jésus !
Cette voix m’oblige à me lever et à cheminer avec lassitude.
Jésus m’appelle, il veut ses âmes. Et par où je chemine!
Pauvre de moi ; quelle aveugle je suis ! Je ne vois rien ! Après
m’être levée, je n’ai pas de lumière sur mon chemin;
je n’entends pas la voix divine qui m’appelle. Mon Dieu, si vous me manquez,
je n’ai plus personne. Ayez compassion de moi !... Combien ont de la haine
envers moi; combien me méprisent; combien me calomnient! Quand je
m’interroge, me disant : — “Quel mal leur ai-je fait ?” — aussitôt
la pensée me vient : — “Quel mal nous a fait Jésus, sinon
de nous ai-mer et de mourir pour nous ?” Et aussitôt je me
sens obligée de leur pardonner et de répéter bien
souvent : “Pardonnez leur, mon Jésus, faites qu’ils se convertissent
et ouvrent leurs cœurs à votre divin Amour. Mais vous seul, mon
Amour, connaissez mon amer-tume !...”
Je me sens seule. Un incendie s’est allumé en moi, un incendie
qui a tout enflammé et tout détruit. J’ai tout perdu.
Et vous même, mon Jésus, vous n’êtes plus descendu dans
ma chambre par le saint sacrifice de la Messe... Quelle nostalgie, quelle
douleur ; on m’a tout volé ! Ayez compassion, Jésus, de ce
faible souffle de vie, qui n’est même plus comme l’agonisant qui
par moments peut en-core respirer. Regardez, Jésus, je suis encore
plus à plaindre que cet agonisant. Ma respiration est de plus en
plus lente ; on dirait que je ne respire que par intermittences de plusieurs
jours, ce qui fait que ma vie s’essouffle doucement. Je suis comme une
lumière qui s’éteint, pour ne plus jamais s’allumer. Mes
yeux semblent avoir perdu la lumière de la terre ; je ne peux plus
vivre la vie humaine. Mais, malgré cela, j’ai confiance en vous.
Laissez que ma confiance puisse aller aussi loin qu’il lui soit permis
; laissez qu’elle augmente autant que possible. J’ai choisi de vivre entre
vos très saints bras et dans votre très saint Cœur, que j’ai
choisi pour demeure. Comme il est doux de vivre et de mourir avec vous,
mon Jésus ! Que m’arrivera-t-il encore ? Arrive ce qui doit ar-river.
Enchaînée par les liens de votre amour, que puis-je craindre
? La tempête ne s’arrête pas. J’entends le sifflement des vents
fu-rieux et destructeurs. J’entends le roulement du tonnerre qui fait tout
trembler. Laissez-moi, ô Jésus ! Ou plutôt, permettez
que je fixe, d’une fois pour toutes, mon regard sur votre divin regard,
afin de ne plus m’éloigner de vous, afin d’accepter le martyr que
vous voudrez que je souffre; afin de ne plus vouloir que ce que vous voulez
vous-même. Je veux vivre de vous et pour vous, ne rien craindre ;
être forte avec vous ; ne craindre que le péché, en
ayant devant les yeux toute l’étendue de ma misère. Que suis-je
sans Jé-sus ?
Obéissance à l’Archevêque
Pour satisfaire aux désirs de Monseigneur l’Archevêque,
je me suis soumise à un autre examen médical qui a eu lieu
le 27 mai 1943. Quand celui-ci m’a été annoncé,
une nouvelle souffrance s’empara de mon esprit. Mais voyant en tout cela
la très sainte Volonté de Dieu, comme toujours, par obéissance,
bien qu'un nouvel examen médical fût pour moi bien pénible,
j’y ai consenti. Lors que j’ai ap-pris la date de celui-ci, j’ai ardemment
prié la très Sainte Vierge de me donner la sérénité
nécessaire pour tout supporter avec courage et résignation,
pour Jésus et pour les âmes.
Le jour fixé, mon médecin traitant, le docteur Henrique
Gomes de Araujo, et le professeur Carlos Lima, sont venus chez
nous. Je suis restée calme et sereine ; le Seigneur m'avait exaucée.
L'un des médecins m'a demandé, tout à coup, si je
souffrais beaucoup, pour qui j'offrais mes souffrances et si je souffrais
volontairement. Il m'a demandé si je serais contente si le Seigneur,
d'un moment à l'au-tre, me libérait de mes douleurs. Je lui
ai répondu qu'en vérité je souffrais beaucoup, que
j'endurais celles-ci pour l'amour de Dieu et pour la conversion des pécheurs.
Ils m'ont demandé quel était mon désir le plus grand.
J'ai répondu : — Le Ciel.
Alors l’un d’eux m’a demandé si je désirais être
sainte, comme sainte Thérèse, comme sainte Claire, et bien
d’autres, et être mise sur les autels, en laissant comme elles une
grande renommée dans le monde. J'ai répondu :
— Célébrité ?... C'est ce qui m'intéresse
le moins !
Pour éprouver ma foi en Dieu, il m'a posé encore cette
question :
— Si pour sauver les pécheurs il était nécessaire
de perdre ton âme, que ferais-tu ?
— J’ai pleinement confiance que la mienne serait sauvée, en
sau-vant celles des autres ; mais si je devais la perdre, je dirais non
au Seigneur ; Il ne me demanderait jamais une pareille chose. Je peux toutefois
dire que j’ai offert au Seigneur mes yeux, qui sont ce que j’ai de plus
cher dans mon corps, si cela était nécessaire pour la conversion
d’Hitler, de Staline et de tous les autres fauteurs de guerre.
— Et pourquoi ne manges-tu pas ?
— Je ne mange pas parce que je ne le peux pas; je me sens rassa-siée,
je n’en éprouve pas le besoin, par contre j’ai la nostalgie des
aliments.
Après cela les médecins ont commencé l’examen
que j’ai accepté dans une bonne disposition. Ce fut un examen rigoureux,
mais en même temps je dois dire qu’ils ont usé de délicatesse
envers mon pauvre corps. A la fin, étant donné que je n’étais
pas en état de supporter un voyage, ils ont décidé
de faire venir chez nous deux religieuses infirmières afin que celles-ci
s’assurent de la véracité de mon jeûne.
Quand les médecins sont partis, le Seigneur m’a fait comprendre
que leurs décisions ne se réaliseraient pas, et je suis restée
alors dans l’attente de leurs nouvelles et de leurs instructions.
Le 4 juin le docteur Azevedo et le Père Alberto, mon confesseur,
sont venus m’annoncer la décision des médecins, et me convaincre,
moi et ma famille, de l’opportunité d’aller au “Refuge de la Paralysie
Enfantine” de Foz. Je devais être placée dans une chambre
sous surveillance, pendant un mois, pour un contrôle plus direct
de tout ce qui se passait en moi. Moi, sur le coup, j’ai dit non, mais
aussitôt je me suis avisée, pensant à l’obéissance
que je devais à l’Archevêque, et pour ne pas mettre dans une
situation délicate mon directeur, le docteur Azevedo et tous ceux
qui s’intéressent à moi. J’ai donc accepté la proposition,
mais j’ai posé quelques condi-tions :
1 — pouvoir communier tous les jours ;
2 — d’être toujours accompagnée de ma sœur ;
3 — de ne plus être soumise à aucun autre examen, car
je partais pour des observations et non point pour des examens.
Pendant les jours où je suis encore restée à la
maison, j’ai demandé à Jésus et à la Maman
du Ciel de me donner force et courage ainsi que force et courage pour les
miens, qui étaient désolés. Combien de fois, pendant
la nuit, le cœur oppressé et les larmes aux yeux, j’ai supplié
Jésus de m’aider car j’avais l’impression que toutes mes forces
m’abandonnaient et que je me voyais sans courage pour moi-même, et
encore moins pour en insuffler aux autres !
« Jésus est venu me réconforter »
Le 27 mai jésus m’avait dit :
— Ma fille, ne craint pas. Tu n’as aucune raison de craindre. Tu as
en toi la Force qui est du Ciel et de la terre. La Chair et le Sang de
Jésus sont ton aliment. Imprime sur ton cœur Ma divine Image, et
dans les moments d’affliction regarde et contemple le crucifix. Le courage
viendra. Un raz-de-marée de délits s’abat sur le monde :
aie compassion de Ma douleur, répare pour les pécheurs. Aie
courage ! Ma divine Volonté s’accomplira.
Le 5 juin Jésus me dit encore :
— L’âme fidèle ne craint pas la croix ; elle la prend,
l’embrasse, la caresse, la porte par amour. Les épines avec lesquelles
Jésus pare ses victimes sur la terre, se transfor-ment, au Ciel,
en pétales des plus belles roses.
(...)
Dis à ta sœur qu’elle t’accompagne dans tes douleurs, dis à
tous ceux qui t’aident de t’accompagner dans ton doulou-reux calvaire,
car les premières grâces et les premières bé-nédictions
seront pour eux.
« Courage, ma fille, c’est pour ma cause... »
La veille [9 juin], après avoir offert au Seigneur le
sacrifice de mon départ, sans aucune lumière, du plus profond
de mon cœur, j’ai dit :
— O mon Jésus, je ne veux faire que votre très sainte
volonté !
Tour d’un coup, par son infinie bonté, je L’ai entendu :
— Courage, ma fille... C’est pour ma cause, c’est pour les brebis que
mon divin Cœur aime tendrement.
À l’hôpital de Foz
Le 10 juin arriva et, tout était prêt pour le voyage vers
l’hôpital de Foz do Douro. Un immense chagrin s’empara de moi, mais
en même temps un grand courage m’est venu qui me permis de ca-cher
tout ce qui se passait dans mon âme. Je déposais toute ma
confiance en Jésus, et j’étais si certaine de son aide divine,
que je pensais que s’il en était besoin, Il m’enverrait ses anges
pour m’aider dans l’exil où me voulaient les hommes.
Quand le médecin — Dr Azevedo — est arrivé pour me prendre,
il n’a pas eu le courage de me dire qu’il nous fallait partir ; c’est moi
qui suis intervenue, lui disant :
— Allons, docteur, pour revenir il nous faut partir !
Nous avons pris congé. Jésus seul sait ce que m’a coûté
la sépara-tion des miens qui, remplis de douleur, m’entouraient
et m’embrassaient. Moi je ne faisais que fixer le Cœur de Jésus
et de la Petite-Maman pour leur demander de la force.
En descendant les escaliers sur un brancard, j’ai dit aux miens, pour
les encourager :
— Courage ! Que tout ceci soit pour Jésus et pour les âmes
!
Mais je n’ai rien pu dire d’autre, tellement mon cœur était
oppres-sé, et aussi pour retenir mes larmes. Il le fallait pour
ne pas aug-menter davantage leur chagrin.
À peine déposée dans l’ambulance, j’ai été
entourée par une cen-taine de personnes, qui avaient les larmes
aux yeux. J’ai entendu aussi les sanglots de ma mère et des autres
parents. La douleur qu’alors j’ai éprouvée est indicible.
J’avais hâte de partir, et partir vite ; mon cœur battait si violemment
que j’avais l’impression qu’il me cassait les côtes. J’ai dit alors
à Jésus :
— Acceptez toutes les pulsations de mon cœur comme autant d’actes d’amour
pour le salut des âmes.
Le voyage fut difficile. Je pensais que mon cœur n’y résisterait
pas. De temps en temps je regardais ma sœur ; elle était si abattue
! Le médecin disait qu’il n’était pas difficile de voyager
avec des mala-des comme moi parce qu’il me voyait toujours souriante. Mais
Jésus seul sait combien grande était l’amertume de mon cœur
et les tourments de mon pauvre corps. À cause des secousses de l’ambulance
je me sentais déprimée, mais je répétais inlassable-ment
:
— Tout pour votre amour, Jésus ! Que l’obscurité de mon
âme puisse éclairer d’autres âmes !
Près des dernières maisons de Balasar, Monsieur Sampaio
releva les rideaux de l’ambulance. J’ai remarqué que le médecin
avait les lar-mes aux yeux. Je lui ai dit :
— Nous voilà bien !
Et je lui ai demandé ce qui se passait. Il m’expliqua alors
que sur le bord de la route quelques enfants nous avaient jeté des
fleurs. Je me suis sentie toute attendrie et c’est avec peine que j’ai
pu retenir mes larmes.
Quand nous sommes arrivés à Matosinhos, le médecin
décrocha les rideaux afin que je puisse regarder la mer. Un énorme
silence m’envahit et, en observant le continuel va-et-vient des vagues
ve-nant mourir sur la plage, j’ai demandé à Jésus
que mon amour, lui aussi, soit continuel et permanent.
Arrivés près du “Refuge”, le docteur Gomes de Araujo
s’opposa à ce que l’ambulance s’avance jusqu’à la porte.
Il chargea quelques hommes de prendre mon brancard et de m’emmener ainsi,
après m’avoir recouvert le visage afin que personne ne me reconnaisse.
Mon cœur s’est attristé davantage, me représentant ce que
ce se-rait de passer de longs dans un tel établissement. Ainsi recouverte
il me semblait être dans un cachot et je me demandais à moi-même
:
— Quel crime ai-je commis ?
La montée des escaliers du “Refuge” m’a causé bien des
peines car l’on me portait la tête en bas.
Ce ne fut qu’une fois dans ma chambre que mon visage fut décou-vert.
Là j’ai été entourée par le docteur Araujo
et par quelques da-mes qui devaient m’assister. Ensuite on m’a placée
dans mon lit.
À ma sœur ils avaient attribué une autre chambre, contrairement
à ce qui avait été convenu. Ce fut l’un des plus grands
sacrifices que l’on pouvait exiger de moi : comment pouvais-je rester sans
elle ; Elle qui savait comment me bouger quand c’était nécessaire
et m’aider avec de bonnes paroles qui m’étaient d’un grand secours
pour supporter mon douloureux calvaire.
À peine m’avait-on allongée sur le lit que Deolinda s’est
présentée sur le seuil de la porte avec la valise contenant
le linge. Le docteur Araujo, la voyant, hurla comme un forcené :
— Hors d’ici cette valise !
Ce fut là une autre épine parmi tant d’autres. Ensuite
il commença à donner ses ordres :
— Mesdames les assistantes, la malade peut dire tout ce qu’elle voudra,
mais vous n’êtes pas autorisées à lui poser des questions.
Ces ordres ayant été donnés, il se retira et je
suis restée seule avec le médecin et deux dames; celles-ci
ayant été désignées pour res-ter en permanence
auprès de moi pour surveiller tous mes mouve-ments.
Quand, déjà il faisait nuit, le docteur Azevedo se préparait
pour partir, je n’ai pas pu retenir davantage les larmes. Lui alors, bien
plus qu’avec du respect, avec tendresse pour ma douleur, il m’a dit :
— Ayez du courage ! Demain je reviendrai.
Oui, j’ai pleuré malgré moi, mais j’ai offert mes larmes
si amères à mon Bien-Aimé Jésus. Me voyant
ainsi désolée il fut admis que ma sœur reste dans ma chambre
avec l’une des surveillantes, afin qu’elle lui apprenne la façon
de me bouger. Mais il m’a été précisé de suite
:
— Seulement cette nuit, jamais plus !
Étroitement surveillée...
Le lendemain, vendredi, commença pour moi, dans cette maison,
un vrai calvaire. À l’heure de l’extase, comme il arrive tous les
ven-dredis, ma sœur est entrée ; le docteur Azevedo, monsieur Sam-paio
et une infirmière étaient déjà présents.
Aux observateurs pré-sents, aucun détail n’a échappé,
et tout a été divulgué et com-menté. Par exemple
que monsieur Sampaio avait sorti sa montre, que ma sœur s’était
agenouillée en entendant les paroles de l’extase ; que l’une des
infirmières avait pleuré, etc.
Le docteur Azevedo, comme toujours, a écrit le colloque de l’extase
pour le remettre aux médecins.
Deolinda, qui avait reçu l’ordre de ne plus revenir dans ma
cham-bre, était attristée et elle dit :
— Ne pourrais-je voir ma sœur même si ce n’est que depuis le
seuil de la porte de la chambre ? Pensez-vous que mon regard puisse l’alimenter
?
Inclinée sur mon lit elle pleurait, inconsolable. Ce fut alors
que je lui ai dit :
— Ne t’affliges pas, le Seigneur est avec nous.
L’assistante qui avait pleuré pendant l’extase, lui tapant sur
l’épaule lui dit :
— Ne pleurez pas. Le docteur Araujo est un homme d’une grande charité.
Il a suffi cette phrase à l’adresse de ma sœur pour que cette
assis-tante soit démise de ma surveillance ; nous ne l’avons revue
que dans les derniers jours, mais accompagnée, quand déjà
ils avaient les preuves de la vérité. Ceci est arrivé
à cause d’une assistante qui a été mon bourreau pendant
toute la durée de mon séjour au “Refuge”. Elle ne peut pas
s’imaginer ce qu’elle m’a fait souffrir. Que le Seigneur lui pardonne.
Dans la nuit du vendredi au samedi j’ai eu l’une de ces crises de vomissements
qui me font tant souffrir. Cela m’a été d’autant plus pénible
que je n’avais personne pour me soutenir.
Le samedi le docteur Araujo est revenu pour voir comment j’allais et
pour se renseigner sur ce qui était arrivé. Ma prostration
était telle que je ne me suis même pas rendue compte quand
il a frappé à la porte, toujours fermée à clef.
Je ne l’ai entendu que quand, tout près de moi, il susurrait à
l’infirmière :
— Elle est condamnée ! Elle est condamnée !
A ces paroles j’ai ouvert les yeux et je lui ai dit :
— Docteur, même chez moi j’ai de pareilles crises.
Il m’a répondu immédiatement, d’un ton impérieux
:
— Mademoiselle, ne croyez pas être venue ici pour jeûner
!
J’ai compris ce qu’il voulait dire et je me suis sentie profondément
blessée.
Informé sur ce qui était arrivé le vendredi, il
a voulu lire le récit de l’extase et il commenta, furieux :
— Il paraît impossible que le docteur Azevedo, si intelligent,
se laisse séduire par de semblables choses ! Il faut en finir avec
tout ceci. En attendant, enlevons d’ici toutes les horloges afin que cette
malade ignore jusqu’à l’heure qu’il est (Comme si le Seigneur avait
besoin d’horloge !).
Me voyant si fatiguée, il aurait voulu me soulager à
l’aide de médi-caments, mais je m’y suis opposée.
Combien de fois les infirmières se sont approchées de
moi, me croyant morte !
Cinq jours d’une continuelle agonie — davantage dans l’âme que
dans le corps — se sont passés. Pendant les crises de vomisse-ments,
ils ne permettaient pas à Deolinda de venir à côté
de moi, alors que chez nous, parfois, deux personnes n’étaient pas
de trop pour me tenir.
Ils étaient tous persuadés que les crises étaient
dues au manque d’alimentation et que, ainsi exilée et sans personnes
qui ait pu me la procurer, j’aurais besoin de la demander, sinon je mourrais.
Comme ils se trompaient ! Ils ne savaient pas que l’aliment me ve-nait
de la sainte Hostie que je recevais tous les jours.
En ces jours, le docteur Azevedo est venu me voir et ma sœur, sans
que je le sache, l’a mis au courant de tout. Il est venu près de
mon lit sans que je me réveille ; l’infirmière lui suggéra
que j’avais be-soin de médecine. Ce fut à ce moment-là
que j’ai ouvert les yeux et que j’ai entendu ce qu’il lui répondait
:
— Cette malade est venue pour que l’on constate son jeûne et
pour rien d’autre. J’espère que le docteur Araujo respecte ces conditions.
Je ne permets pas qu’on lui fasse des piqûres ou n'importe quoi d’autre,
à moins qu’elle ne le demande elle-même. Vous verrez, les
crises passeront, les cernes autour des yeux disparaîtront, le teint
et le pouls deviendront normaux, ou presque, car l’air marin ne les favorise
pas. Je vous assure d’une chose, madame : vous mourrez, je mourrai, mais
la malade ne mourra pas dans cet hôpital.
Ensuite, assis à côté de moi, il me prodigua un
peu de ce réconfort dont j’avais tant besoin.
Par la volonté de Dieu, cinq jours plus tard, les vomissements
ont cessé, le teint est redevenu normal, ainsi que la luminosité
des yeux.
Pendant la visite suivante de mon médecin — le docteur Azevedo
— l’assistante le salua par cette phrase :
— Regardez, docteur, regardez ce beau visage !
Et le docteur de lui répondre délicatement mais néanmoins
ferme-ment :
— Ce sont les côtelettes et les piqûres !
Jésus a bien voulu montrer encore une fois son pouvoir sur cette
humble créature.
Toutes les assistantes accomplissaient scrupuleusement les consi-gnes
du docteur Araujo et elles ne m’ont jamais abandonnée un seul instant.
Elles n’ouvraient la porte de la chambre que pour lais-ser entrer les médecins
et les infirmières.
En dépit de ma transformation, ni le docteur Araujo ni l’infirmière
voulaient se convaincre que je pouvais vivre sans manger. En effet, ils
utilisaient parfois des arguments pour m’intimider: ils passaient ensuite
aux phrases pleines de tendresse et d’intérêt pour ma per-sonne.
Dans leurs discours je les ai entendues dire que mon cas relevait de l’hystérie
ou à un quelconque phénomène inexplicable.
Un jour j’ai raconté au docteur Azevedo tout ce que j’avais
dans mon âme si attristée et que pour guérir l’hystérie
il n’était pas né-cessaire de rester dans un tel hôpital.
Mais il m’a encouragée et m’a redonné confiance. Je lui ai
obéi pour faire en tout, la volonté de Dieu.
Face à face avec le médecin
Le docteur Araujo venait me voir deux ou trois fois par jour, mais
jamais à la même heure. Je pense qu’il le faisait ainsi pour
voir s’il découvrait quelque chose. Une fois il est entré
dans ma chambre la nuit, quand s’y trouvait l’assistante que certains ont
appelé du so-briquet de « cardinal-diable ».
Même si je vivais jusqu’à la fin du monde, je ne pourrais
oublier l’impression que j’éprouvais quand le docteur ouvrait et
ensuite fermait immédiatement la porte : je restais comme suspendue
à ce qu’il avait dit. J’éprouvais une telle impression que
dans mon cœur et dans mon âme la tristesse augmentait. Combien de
fois je répé-tais à Jésus : “Que cette nuit
puisse contribuer à donner de la lu-mière à ceux qui
m’entourent et à toutes les âmes qui vivent dans les ténèbres”.
Lors des conversations et des interrogatoires, le docteur Araujo uti-lisait
tous les arguments possibles pour me convaincre de manger, me disant que
Dieu n’était pas content de mon jeûne. Il est parve-nu à
me faire avoir des scrupules. En outre, les infirmières ont es-sayé
de me prendre par les sentiments.
Une fois, le docteur Araujo a voulu essayer de m’ôter la foi.
Il s’est servi de tout ce que son intelligence avait de maille-leur, me
sou-mettant à des interrogatoires interminables et torturants afin
de me décourager, persuadé que tout ce qui se passait en
moi était dû à une influence humaine et non pas divine.
Si à chaque fois que j’étais interrogé j’avais
l’impression de me trouver en face d’un loup habillé en agneau,
ce jour-là ce fut bien pire: il me semblait voir en lui Satan lui-même
qui, avec art et des sourires malins, voulait m’ôter la foi et me
convaincre que tout cela n’était qu’illusion.
Il me disait :
— Soyez convaincue, mademoiselle, que Dieu ne veut pas que vous souffriez
! S’il veut sauver les autres, qu’il les sauve Lui-même, il en a
le pouvoir. S’il est vrai que Dieu récompense ceux qui souf-frent,
il n’y a pas de récompense adéquate pour vous qui avez déjà
trop souffert.
Mais, mon Dieu — me disais-je — je sais que vous êtes infini,
infini en pouvoir, infini dans les récompenses. S’il en était
comme il me dit, pourquoi je souffre ?
Le docteur Araujo accompagnait ses paroles d’un regard malicieux, démoniaque
— c’était l’impression que j’avais. Je lui ai alors répon-du
:
— Elles sont si grandes, si grandes les choses de Dieu ! Et nous, nous
sommes si petits, moi en tout cas !
L’espace d’un instant il se tût, ensuite, indigné, il
s’est exclamé :
— Vous avez raison, mais moi, je suis une personne bien plus grande
!
Et il est sorti. Il était bien loin de connaître cette
loi d’amour pour les âmes. S’il connaissait la valeur d’une âme,
il verrait alors que tous ce que nous faisons n’est jamais de trop pour
les sauver.
Les humiliations et les sacrifices affluaient constamment. Si du moins
j’avais su bien les souffrir, j’aurais tant eu à offrir à
Jésus. On me présentait toujours de nouvelles choses qui
réclamaient de moi humiliations et sacrifices.
J’avais au pied de mon lit une photographie de Jacinta de Fatima.
Je la regardais avec amour et, sans craindre que les assistantes le répètent
au docteur, je soupirais :
— Chère Jacinta, malgré ton jeune âge, tu as pu
évaluer combien coûtent ces choses ! Du Ciel où tu
demeures, aide-moi ! Seule l’aide du Ciel et les prières des âmes
bonnes pourront me donner force pour cheminer dans un si douloureux calvaire,
et supporter le poids de cette croix très pesante.
Toutes les fois que le docteur Araujo entrait, il me tenait le même
discours et me laissait très épouvantée quand il me
disait :
— Nous devons parler longuement.
Quand je le voyais sortir, je respirais profondément et je me
disais : “Béni soit le Seigneur pour ton départ !” Mais la
pensée qu’il re-viendrait bientôt, me procurait une très
amère souffrance.
Un jour, assis à ma droite, il cherchait à me convaincre
que j’étais dans l’illusion. Il a commencé par un discours
très vague sur la mé-decine et sur l’un de ses professeurs
de Porto, auquel il avait pré-senté un travail couvrant de
beaucoup de pages, élaboré après de longs jours et
de longues nuits d’études. Il était convaincu d’avoir bien
profité des leçons. Le professeur, ayant lu cet écrit,
lui avait demandé : “Êtes-vous sûr de ce que vous avez
écrit ?” — “Oui, je suis sûr, pour telle et telle raison.”
La conversation se prolongeait et moi je fixais le docteur faisant
semblant de ne pas comprendre où il voulait en venir, et je disais
pour moi-même : “Plus on veut monter, plus haute est la chute !”
Mais le docteur poursuivait :
— J’étais convaincu d’avoir fait un excellent travail ; le professeur
m’a laissé parler et ensuite m’a démontré que j’avais
tort. Je suis resté sans souffle: mon Dieu, tant d’heures de perdues
! Combien d’heures d’illusion ! Ma longue étude s’était écroulée
en quelques minutes.
Moi qui savais où il voulait en venir, je lui ai dit, à
ce moment-là, en souriant :
— Mais mon cas ne s’écroule pas, docteur ! J’ai été
guidée par un directeur très saint et très sage, et
qui m’a étudiée pendant de lon-gues années. Si l’œuvre
est de Dieu, personne ne la faire s’écrouler !
Le docteur, un peu embarrassé, faisant semblant que ce n’était
pas celui-là le but de ses paroles, a conclu :
— Ah non !...
Il s’est levé en hâte et sortit. Il en était temps
! Cependant, toute seule, je me confiais à Jésus, le seul
avec qui je pouvais le faire et je lui offrais mes larmes, que je cherchais
à dissimuler à l’assistante. Je chantais des louanges à
Jésus et à la Maman du Ciel, cherchant à me montrer
remplie de joie. Je chantais avec le plus grand enthousiasme, mais au-dedans
de moi et dans mes yeux il semblait n’y avoir ni soleil ni jour.
Durant la nuit, quelques fois, je me demandais : “Que peut faire ma
sœur, à cette heure-ci ? Pleure-t-elle ?” Pensant qu’elle souffrait
à cause de moi, une fois je n’ai pas pu retenir mes larmes. Combien
j’ai alors pleuré ! Je n’avais qu’une crainte: déplaire à
Jésus. Mais Lui, Il savait que j’acceptais tout par amour pour Lui,
avec un im-mense désir de Lui gagner des âmes. En effet, je
Lui ai offert mes larmes comme autant d’actes d’amour pour les Tabernacles.
— “Plus la désolation est grande, plus grand est aussi l’amour”,
n’est-ce pas ainsi, mon Jésus ? Acceptez tout cela.
Le seizième et le trentième jour de mon séjour,
j’ai reçu la visite de maman. J’avais si grande envie de la voir
! Elle n’a pu rester que très peu de temps avec moi et toujours
sous le regard inquisiteur des surveillantes. Elle pleurait et moi, je
faisais semblant de ne pas avoir de chagrin : je lui souriais, je plaisantais
avec elle, je la cajo-lais, et avec mon sourire trompeur, je cachais
la tristesse de mon âme, en retenant les larmes qui à tout
prix voulaient couler. Je l’ai encouragée, m’épanchant intérieurement
avec Jésus. C’était ma croix : ne devais-je pas la porter
par amour de Jésus qui est mort pour moi ?
Non plus 30 mais 40 jours
Mes journées passaient ainsi, dans une continuelle lutte, entrecou-pée
seulement par l’alternance des infirmières qui se succédaient
selon la volonté du docteur Araujo. À cause de certaines
d’entre el-les, j’ai beaucoup souffert, parce qu’elles outrepassaient les
limites de leurs droits et de leurs devoirs.
Le jour est arrivé où le docteur, convaincu désormais
de la vérité, permis un plus relâchement, permettant
pour quelque temps la ve-nue de ma sœur, même si toujours sous la
surveillance de l’assistante. Il permit aussi à la Sœur franciscaine
du “Refuge” de me rendre une très brève visite.
Nous avions déjà projeté de faire savoir à
la maison la date de no-tre retour quand, inopportunément surgit
un contretemps. L’une des infirmières avait parlé de mon
cas au docteur Alvaro. Celui-ci qui ne me connaissait pas, et connaissait
encore moins mes phé-nomènes, a fait naître des doutes.
Il a commencé par affirmer que c’étaient des choses impossibles,
que les assistantes s’étaient fait berner et qu’il ne croirait qu’un
envoyant auprès de moi l’une de ses infirmières de confiance.
Le docteur Araujo, indigné par la mé-fiance manifestée
vis-à-vis de ses assistantes, lui imposa d’envoyer lui-même,
auprès de moi, une personne plus âgée, en qui il aurait
entièrement confiance : la propre sœur du docteur Alvaro a été
choisie.
Quand nous pensions nous voir libérées de notre douleur,
ce fut alors qu’une nouvelle éprouve, bien plus triste et douloureuse,
nous a été imposée. Le docteur Araujo est venu me
convaincre de la né-cessité de rester encore dix jours. Ma
sœur n’était pas d’accord, mais je lui ai répondu :
— Quand on y a passé trente jours, on peut bien y passer qua-rante...
Le docteur Alvaro, en vérité, n’exigeait pas dix jours.
Pour se convaincre il lui suffisait que je reste quarante-huit heures de
plus, sans manger ni rejeter. Mais ce fut le docteur Araujo qui, délicate-ment,
pour l’honneur de son nom, invita l’assistante à rester un jour
de plus, puis un autre jour...
Cette dernière période fut un nouveau calvaire que j’ai
offert à Jé-sus et à la Petite-Maman: dure épreuve,
mon Dieu !
[Au cours de l’une de ces journées], le docteur Araujo, sans
aucune explication, prit la bourse en caoutchouc que j’avais sur l’estomac
et une carafe d’eau que les assistantes conservaient pour humidifier le
mouchoir que je tenais sur le front, et versa dans les deux réci-pients
je ne sais quoi : si j’avais sucé le mouchoir ou bu de l’eau de
la bourse en caoutchouc, comme l’a dit par suite le docteur Alvaro, j’aurais
eu des indispositions qui leur auraient permis de s’en ren-dre compte.
Il ordonna ensuite aux assistantes de ne plus changer la glace de la bourse
même si je le demandais. Ses ordres ont été respectés,
bien que la nouvelle assistante ait essayé, à plusieurs reprises
de changer la glace. Moi-même, je lui disais quelquefois :
— Enlevez-moi la bourse quelques instants afin qu’elle rafraîchisse,
puis remettez-la-moi de nouveau. Il est nécessaire d’obéir
aux or-dres du médecin.
Nous étions revenues au point de départ, sauf que bien
plus strict. Il a finalement été interdit de parler de Jésus,
car on pensait que de cette façon on pourrait découvrir ce
qui se passait en nous.
Un jour, le docteur m’a dit :
— Je n’admettrai pas que vous appeliez votre sœur plus d’une fois la
nuit.
L’assistante, plusieurs fois, comme pour me tenter, et avec une in-tention
tortueuse — c’est l’impression qu’elle me donnait — me di-sait :
— Pauvre sainte, toujours dans cette même position ! Je vais
ap-peler votre sœur !
À ce que je répondais :
— Je vous en remercie, madame, mais je ne le veux pas. Ce sont les
ordres du médecin : ma sœur ne doit pas venir plus d’une fois par
nuit !
Quand ma sœur toquait pour entrer — cette seule fois qui lui était
permise par le docteur — pour me changer de position, la nouvelle assistante
allumait la lampe, ouvrait la porte et se plaçait à côté
de ma sœur. Aussitôt que celle-ci quittait la chambre, l’assistante,
si-mulant de la compassion envers moi, pour le froid que j’aurais pu souffrir,
et comme si elle raccommodait les draps et les couvertures, me découvrait
complètement pour voir si Deolinda n’avait rien lais-sé dans
le lit. Je comprenais très bien son intention, mais sous prétexte
de commodité, je levais les bras au-dessus des coussins afin qu’elle
puisse mieux faire son inspection.
— Mon Jésus, tout et uniquement pour votre gloire !
Les séductions pour me faire manger quelque chose de son repas
n’ont pas manqué! Elle me présentait un morceau, sans mot
dire, et moi, je lui souriais. Si l’invitation était verbale, je
lui disais : “Merci”, mais toujours souriante, faisant semblant de ne pas
com-prendre sa malice.
La nuit, particulièrement quand je ressentais davantage la solitude,
le temps me paraissait bien long. Je sentais mon cœur, tel un arbre aux
racines épaisses, bien plantées dans le sol, et que la furie
d’une grosse tempête arrachait, le jetant à terre... Il me
semblait que tout et tous me piétinaient. Même en l’expliquant
de la sorte, je sens que je ne dis rien de comparable à ce que j’ai
souffert. Encore aujourd’hui je revis dans ma mémoire ces choses-là
et j’éprouve un vrai tourment. Seul l’amour pour Jésus et
pour les âmes me permet de supporter une telle épreuve !
Quand je sentais s’approcher le docteur, je disais :
— Voilà qu'arrive le bourreau qui vient visiter la pauvre prisonnière
par amour de Jésus et des âmes. Je n’ai offense personne d’autre
que vous, ô mon Jésus, mais les hommes veulent, sans même
s’en rendre compte, que de cette façon, je paie mes ingratitudes
!
En voyant ma sœur épouvantée parce que quelqu’un lui
avait dit que mon échéance était proche parce que
je n’évacuais pas, j’ai cherché à lui redonner courage.
Pauvres hommes ! Jésus sait faire les choses bien mieux qu’eux !
Enfin libérée !...
La veille du départ fut un jour de visites. Tous les enfants
du “Refuge” sont passés devant moi. J’ai prié avec eux et
je leur ai distribué des caramels. Ma sœur ne semblait plus la même:
tous s’en sont rendu compte. En plus des enfants, environ mille cinq cents
personnes sont venues me visiter... Les policiers ont dû inter-venir
pour maintenir l’ordre. L’un d’eux s’est posté à côté
de moi, se contentant de répéter inlassablement: “En avant!
Allez, allez, avancez !” Quelle impression que ce mouvement de foule !
Ni les suppliques de ma sœur ni les policiers n’ont réussi à
le contenir.
Le docteur Araujo lui-même, depuis la fenêtre, a dû
intervenir pour que l’on arrête un tel mouvement sinon on allait
me tuer. Moi, en effet, je me sentais humiliée, las et exténuée,
ayant un sentiment de gêne pour les baisers que je recevais et les
larmes que l’on lais-sait tomber sur mon visage, comme signe d’une estime
que je ne mérite pas et que je ne veux pas.
Restée seule, j’ai d’abord demandé à ma sœur de
me laver.
Dans la matinée du jour ne notre retour, le docteur Araujo,
qui n’avait presque pas dormi vu sa responsabilité, est venu au
“Refuge” où beaucoup de monde attendait pour me voir. Il est resté
à côté de moi et a permis l’entrée de quelques
personnes. Puis il nous a dit que nous étions libres, que leurs
observations étaient terminées. Il autorisa ma sœur à
manger dans ma chambre, puis ajouta :
— En octobre je viendrai vous visiter à Balasar, non plus comme
médecin espion, mais comme un ami qui vous estime .
Reconnaissante, j’ai baisé la main du docteur et je l’ai remercié
pour son intérêt envers moi. Je l’ai fait avec sincérité,
parce que, bien qu'il ait été sévère et rude
envers moi, il montra une attention sérieuse envers mon cas.
Dans l’après-midi de cette journée du 20, les religieuses
et les as-sistantes m’ont fait des cadeaux. Certaines sont même venues
as-sister à mon départ. Alors que j’étais déjà
installée dans l’ambulance, l’une d’elles m’a aspergée de
parfum, alors qu’une autre dame m’a offert un bouquet d’œillets.
Au cours du voyage j’ai reçu quelques bouquets de fleurs. Je
les ai acceptés par délicatesse, bien loin de penser qu’ils
seraient par la suite un prétexte à certains pour me faire
souffrir.
Ni le parfum, ni les fleurs n’ont été pour moi un motif
de vanité. Quand, pendant le voyage, nous nous arrêtions pour
reposer, si je voyais que des gens s’approchaient, par admiration pour
moi, je disais au docteur Azevedo:
— Ne nous arrêtons pas, docteur, allons plus loin.
J’ai du être indélicate, mais lui, il s’est montré
toujours d’une ex-trême patience.
Je vivais davantage à l’intérieur qu’à l’extérieur
de moi. La mer était tout ce qui se présentait devant mes
yeux, m’invitant au si-lence, au recueillement en Dieu.
Quand je me suis retrouvée dans ma petite chambre, je croyais
rê-ver! j’ai pleuré, mais des larmes de joie.
Une fois déposée sur mon lit, pendant bien longtemps,
je n’ai plus permis que l’on me touche; de continuels gémissements
m’échappaient, à cause des douleurs de plus en plus fortes,
dues, probablement au voyage.
Pourquoi me suis-je sacrifiée ? Par vanité, peut-être
? Pauvre monde ! Vanité ? Pourquoi ? Que sommes-nous sans Dieu ?
Qui pourrait souffrir autant seulement par veine gloire ou par vanité
? Quarante jours à l’hôpital ! Combien d’humiliations ! Le
docteur Azevedo avait raison quand, pendant le voyage aller, en me plaçant
un mouchoir humide sur le front, il me disait :
— Vous avez quelques cheveux blancs, mais au voyage de retour, vous
en aurez encore davantage.
Et c’est ce qui est arrivé: il prévoyait ce qui allait
m’arriver. Cepen-dant, il est très beau de tout affronter pour Jésus,
pour l’amour de Lui.
— (...) Ta souffrance a été bien grande, ma petite fille,
dure la souffrance de ta sœur, dans cette prison-là. En avant
! Ce fut pour Jésus, pour le salut de milliers et de milliers d’âmes
pécheresses. Quel triomphe pour le Cœur de Jésus ! Le voici
exalté, le voici glorifié dans ses chers humiliés...
Cela suffit ! Dorénavant tu ne sortiras plus de ta chambre...
Dis, ma fille, dis à ton Père spirituel, dis à ton
médecin que pour toutes leurs humiliations, ils seront exaltés.
Jésus leur est reconnaissant pour le triomphe de sa cause. Les hom-mes
tenteront de la faire tomber, mais Jésus veillera, et ceux
qui lui sont chers coopéreront. Tout ce qui est à Jésus
ne tombe pas : reste solide au milieu de toutes les tempê-tes, brille,
triomphe...
— O mon Jésus, j’ai surmonté l’épreuve pour votre
plus grande gloire et pour le salut des âmes. Je veux être
toujours petite aux yeux du monde, mais grande dans l’amour, grande à
pouvoir sau-ver les âmes...
« Cœur de Jésus, j’ai confiance en vous !... »
(...)
J’ai dicté du mieux que j’ai pu les grandes souffrances vécues
au “Refuge”, mais ce que j’ai pu dire n’est rien, comparé à
ce que j’ai vécu, en réalité. J’ai su le ressentir,
mais je ne sais que bien mal l’expliquer. Je suis toujours confiante d’avoir
obéi. Jésus est digne de tout, n’est-ce pas ?
Mon corps a souffert une grande secousse; aujourd’hui encore les douleurs
sont presque insupportables, et souvent il me semble ne plus pouvoir m’en
sortir. Mais lors des moments de plus grande douleur, fixant le Cœur de
Jésus, je lui dis avec toute la ferveur de mon cœur :
— Cœur très saint de Jésus, j’ai confiance en vous, j’ai
confiance !
« Aie confiance, ma fille... »
Quand on me parle de la guerre et du danger dans lequel se trouve le
Portugal de devoir y participer, je souris, et pendant que mon cœur redouble
de confiance, je dis à Jésus :
— J’ai confiance en vous !
À ceux qui m’expriment leurs craintes je réponds :
— Il n’en sera rien; le Seigneur est miséricorde infinie !...
Et pour-tant, nous ne le méritons pas davantage que les autres nations.
Mais, les pères, n’ont-ils pas quelquefois une particulière
prédilec-tion pour un enfant plus que pour un autre ? Le Seigneur,
lui aussi agit parfois de la sorte.
Ces conversations sur la guerre me font toujours souffrir parce que,
contrastant avec ce que j’entends de la part du Seigneur, lequel très
souvent me répète :
— Aie confiance, ma fille !
J’étais fréquemment tentée d’estimer que de telles
paroles puissent venir du démon, mais les effets que je ressentais
dans mon âme étaient différents: en effet, en entendant
“Aie confiance, ma fille !”, je sentais en moi une grande paix et une paix
capables de vaincre la guerre.
À la fin, il m’est arrivé aux oreilles que le Saint-Père
avait été fait prisonnier, mais je ne l’ai pas cru,
considérant une telle nouvelle comme une confusion du peuple...
J’ai toutefois ressenti dans mon âme un deuil semblable à
celui que l’on éprouve pour la mort d’un père de famille
qui laisse des enfants orphelins. Bien des jours se sont passés
dans cette lutte continuelle ; je ne me lassais pas d’offrir toutes mes
souffrances à Jésus afin d’obtenir la paix. je voulais soulager,
réconforter, libérer le Pape de toutes ses souffrances, mais
je ne savais pas comment.
Un jour, après la Communion, j’ai ressenti un grand désir
d’écrire au Pape. Je ne pouvais pas contenir ce désir, et
j’ai dit à ma sœur :
— Je veux écrire au Pape ; apporte-moi une plume et du papier.
Et, immédiatement je me suis mise au travail, demandant au Sei-gneur
lumière et force, lui offrant le sacrifice même d’écrire.
Lettre au Pape
Très Saint-Père,
Je sais qu’en ces heures tragiques pour l’humanité, le cœur
qui souffre davantage, après celui de Jésus, c’est celui
de votre Sain-teté. Jésus souffre de voir le monde en guerre,
rempli de haine, couvert de crimes...
Oh ! combien souffre aussi le cœur de la plus pauvre, de la plus mi-sérable
et indigne de vos filles, de ne point pouvoir défendre le Cœur de
Jésus contre les crimes de l’humanité, et empêcher
qu’il soit blessé; mon cœur souffre de ne pouvoir alléger
le vôtre de la douleur si cruelle et profonde qui transperce le cœur
de mon Père spirituel et celui du monde entier !
Oh mon bien-aimé Saint-Père, je ne compte pour rien,
je n’ai aucun pouvoir, je ne suis que pauvreté et misère,
mais Jésus peut me rendre forte et puissante, et c’est avec Jésus
et la Maman du Ciel que je me mets à côté de votre
Sainteté pour vous aider, par mes souffrances, à porter votre
croix si pesante !
J’aimerais embrasser la terre où votre Sainteté pose
ses pieds ; j’aimerais marcher à plat ventre partout où vous
êtes contraint de passer : ceci comme preuve de ma douleur de vous
voir souffrir et de mon profond respect envers vous.
Courage, courage, très Saint-Père, Jésus ne manque
jamais ! La force vient d’en-Haut, la guerre se termine; la paix régnera
de nou-veau parmi les hommes, mais toujours au prix de la douleur et du
sacrifice. Le règne de votre Sainteté continuera toujours
entouré d’épines, mais la grâce et l’amour de Jésus
ne vous feront pas dé-faut, afin que vous puissiez vous en sortir
serein de votre si dou-loureux calvaire.
Ce fut lui qui se choisit un aussi aimable fils pour père de
nous tous, pour répandre la sainte lumière du divin Esprit.
Votre pontificat sur la terre est triste, à cause de la malice
des hommes, mais il sera heureux et glorieux au Ciel, comme prix de tant
de souffrances et de tant d’amour pour Jésus.
Très Saint-Père, je suis l’une de vos filles, malade
depuis 26 ans et paralysée depuis presque 19. Cette lettre me coûte
un énorme sa-crifice, car je suis étendue sur mon lit, mon
pauvre corps traversé par d’aiguës douleurs; mais c’est une
preuve d’amour, d’un saint amour envers mon cher Saint-Père. Ah
! mon Saint-Père, s’il m’était possible de dire combien je
souffre dans mon corps et dans mon âme ! Elle ne s’égaye que
quand je fixe mes yeux en Jésus.
Père, mon Saint-Père, accordez-moi votre bénédiction
apostolique afin que mes souffrances soient davantage supportables et pardon-nez
mon hardiesse.
Je n’ai pas demandé l’autorisation de qui que ce soit, parce
que de-puis deux ans, je n’ai plus mon directeur: commande qui peut, obéi
qui doit! La bénédiction, la bénédiction, mon
Saint-Père, et le par-don pour mon écrit, mais je ne sais
pas mieux le faire. Je ne vous oublierai plus sur la terre, et encore moins
au Ciel. Je ne sais pas trouver des paroles adéquates pour mon Saint-Père:
pardon, par-don !
Je suis la pauvre Alexandrina Maria da Costa.
Une fois écrite [la lettre au Pape], je suis restée bien
plus soulagée ; j’ai même ressenti finalement un certain contentement,
mais de peu de durée.
Un jour après l’avoir expédiée, lors du recueillement
après la Com-munion, j’ai éprouvé une énorme
souffrance pour le Saint-Père. J’étais très préoccupée
à cause des manœuvres militaires; malgré ma confiance, j’ai
souffert à cause de tout ce que j’entendais. Sans m’attendre à
une réponse, je disais à Jésus :
— O mon Jésus, sauvez le Saint-Père, donnez la paix au
monde entier !
Et le Seigneur de me répondre :
— Oui, ma fille, bientôt j’accorderai la paix. Jésus ne
trompe pas.
Et j’ai continué :
— O mon Jésus, épargnez le Portugal de la guerre. Nous
ne le mé-ritons pas, mais ayez pitié de nous. Épargnez
le Portugal !
— Oui, ma fille, le Portugal sera épargné ! Il n’entrera
pas dans la guerre. N’ai-je pas la crucifiée de ce Calvaire
à côté de ma Mère bénie pour soutenir
le bras du Père éternel ?
Environ une heure plus tard, j’ai entendu dire que nous serions tombés
aux mains des français et que le Pape avait été tué.
J’ai eu l’impression que mon cœur se brisait : j’avais du mal à
respirer; je ne pouvais ni parler ni prier. Les yeux fixés sur le
Cœur de Jésus, je disais mentalement : “Aidez-moi Jésus !
Petite-Maman, aidez-moi ! Ne me laissez pas tomber !”
J’offrais à Jésus toutes mes souffrances afin que le
Saint-Père soit libéré, persuadée que j’étais
qu’il n’était pas mort et que ce n’était pas vrai tout ce
que l’on racontait au sujet du Portugal.
Ce fut un jour d’une effroyable lutte. Je demandais au Seigneur de
m’envoyer quelqu’un qui puisse me réconforter, parce que je ne voulais
pas l’offenser par mon découragement. Des heures d’une affreuse
agonie se sont ainsi passées. Je me sentais comme au mi-lieu dune
terrible tempête qui détruisait tout, sans que personne ne
vienne à mon secours. Je gardais mon cœur fixé sur Jésus
et sur la Maman du Ciel, demandant toute l’aide du Ciel.
Jésus est venu me réconforter :
— Le Saint-Père n’est pas mort ; il vit et il continue sa mis-sion.
Il me répéta plusieurs fois, au plus intime de mon cœur
:
— Aie confiance ! Aie confiance ! Jésus ne trompe jamais !
Mais le démon, non content de ma souffrance, et enragé
à cause de l’inutilité de ses efforts, me répétait
fréquemment :
— Le Portugal en guerre ! Le Portugal en sang !
Sa rage était si grande qu’elle faisait peur...
Il me semblait entendre le tocsin pour le Saint-Père, entendre,
au Portugal, le bruit et le fracas d’artillerie. Toutefois, j’ai gardé
ma confiance à Jésus.
Tout ceci est arrivé le 14 octobre 1943, et déjà
le 10 du même mois, le Seigneur m’avait dit plus ou mois la même
chose...
Que le démon soit maudit, car il essayait de m’enlever la paix
et de me faire perdre la confiance en celui qui ne trompe ni ne peut être
trompé !
Mon confesseur étant venu, il a tout fait pour me tranquilliser
et il y a réussi durant la confession.
Par la suite j’ai continué à prier pour le Saint-Père,
et la souffrance que je ressentais à cause de lui s’est estompée
jour après jour.
Les flammes du Cœur de Jésus...
Le jour du Christ-Roi, j’ai senti comme si mon corps et mon esprit
mouraient, comme si mon existence sur la terre cessait. Je ne peux pas
exprimer la douleur qui en résulta. Au contraire: je me sentais
encore davantage au purgatoire ! Quelle douleur, mon Dieu ! Cer-tains
jours je me sentais traversée par des flammes. Je pensais que cela
était dû à la soif ardente ; je me suis trompée.
Ce n’étaient point des flammes de la terre : elles avaient une splendeur
mer-veilleuse. Elles me pénétraient pendant des heures, tourmentant
mon corps et tous mes sens ; tout mon être en était pénétré
et je souffrais de douleurs indicibles. Malgré cela, je sentais
la nécessité de plonger dans ces flammes pour me purifier.
Comme le papillon est attiré par les flammes, moi aussi, j’y
suis at-tirée, et les bras ouverts, j’entrais dans ce feu
qui tourmentait mais ne consumait point, animée par un seul désir
: libérée de ceci, je m’en vais à mon Jésus
!
J’ignorais la signification de cette souffrance. Je ressentais et rien
d’autre. J’ai su simplement la ressentir et rien d’autre. Jésus
est venu me l’expliquer :
— ... Tu vis au Purgatoire. L’empêchement qui semble te sé-parer
du monde, c’est moi qui l’ai permis. Maintenant, tu ne vis plus dans le
monde, tu y es comme si tu n’y vivais plus. Ton tourment est inénarrable
: je ne l’ai jamais donné à au-cune âme. Veux-tu me
consoler de cette manière ? Veux-tu continuer cette souffrance ?
— Tout ce que vous voudrez, mon Jésus; tout ce que vous vou-drez
!
— Si tu savais combien grand est le bien, que tu procureras aux âmes
dès qu’elles apprendront de quelle manière tu as souffert
! Ton esprit est mort au monde ; ta vie est celle des âmes du Purgatoire.
Mais tu ne souffres pas uniquement pour toi.
Vite, vite, il faut faire connaître au monde combien elles souffrent.
Vite, vite, il faut libérer mes âmes, mes bien-aimées.
« Ta vie n’a rien d’humain... »
— (...) Ta vie n’a rien d’humain, elle est uniquement di-vine... Les
ornements que je donne à mes épouses les plus chères
ce sont des épines, et des plus aiguës. Mais toi, tu les transformes
avec tant de douceur et amour qu’elles de-viennent toutes des pierres précieuses.
Quelle merveille, quelle richesse est ton cœur, ô ma belle colombe!
La pureté ne se tache pas; elle devient de plus en plus blanche
et pure. Tu sens que ton esprit est mort ? C’est Moi qui le permets: il
est mort pour le monde, mais il vit de plus en plus pour le Ciel. Le feu
qui te tourmente signifie en réalité le feu du purgatoire.
Je te purifie afin qu’après ta mort tu viennes directement à
Moi. C’est ce que désire ma Mère bé-nie, afin que
tu saches ce que souffrent les âmes qui y vont et qui nous sont chères.
Souffre tout, offre tout pour elles.
1944
TRANSFORMATIONS MYSTIQUES
« Ou vous aimer ou mourir ! »
A l’aide de la lampe électrique, je contemple l’image du Sacré-Cœur,
que j’ai dans ma chambre, ainsi que celle de ma chère Pe-tite-Maman.
Je demande leurs bénédictions, ainsi que de l’amour pour
moi et pour tous ceux qui me sont chers, ainsi que pour le monde entier.
J’ai moins de courage; je n’ai pas d’amour ; et aimer qui ? Mes misères
m’oppriment.
Quelle honte ! Quelle confusion ! Le poids des humiliations tombe sur
moi. Ma lutte ressent les censures, les rumeurs de tempêtes lointaines.
Je chemine péniblement, terrorisée. Des épines sans
nombre; une pluie d’épines tombe sur moi. Mon âme, mon cœur
et mon corps tout entier s’en trouvent déchirés et trempés
dans le sang. Je regardant derrière moi, je n’ai pas vu le passé
; tous les chemins parcourus ont disparu. Mon Dieu, quelle destruction
! De-vant moi, une gigantesque montagne. C’est impossible, je ne peux pas
l’escalader, mais je ne peux pas non plus reculer d’un pas.
Tout d’un coup, je me suis retrouvée à genoux, les mains
jointes, regardant vers le haut, j’ai invoqué le nom de Jésus
et celui de la Petite-Maman. J’ai crié, crié, à l’intérieur
de mon âme. Mon cri ne montait pas ; il restait accroché aux
rochers de la montagne ; il s’imbibait dans mon sang et dans mes chairs
déchirées pour mourir avec moi. L’agonie de mon âme
augmentait ; je ne pouvais plus crier ; je ne voyais pas venir le moindre
soutien.
Dans cette angoisse, les battements de mon cœur étaient si forts,
que je croyais perdre la vie. Oh ! combien il est doux, mon Jésus,
de mourir pour vous ! Ou vous aimer ou mourir ! Souffrir pour vous procurer
des âmes !
« J’ai senti mon âme se détacher... »
J’ai senti mon âme se détacher de la terre et s’élever
vers les hau-teurs ; à maintenir le corps contraint ici-bas, il
resta comme un courent électrique qui le reliait à l’âme.
Un tel détachement a été assez pénible pour
mon corps. Mes yeux fixaient Jésus crucifié comme soulagement
de mes douleurs. En attendant, mon âme se sentait dans le sein de
la Petite-Maman qui, avec moi, soutenait son divin Fils mort.
Ce qui a donné lumière à mon intelligence, me
faisant comprendre que tout ce que Jésus m’avait promis ne se réaliserait
pas de la manière que je croyais être plus naturelle, autrement
dit en allant au Ciel pour toujours, mais que je serais allée au
Ciel pour revenir.
Cette lumière n’a pas été une impression momentanée.
Elle m’a fait comprendre qu’une nouvelle transformation s'opérait
en moi, me faisant convaincre que, certainement, je ne mourrais pas, et
que Jésus avait fait allusion, évidemment, à ce nouvel
état de mon âme.
Je n’ai plus jamais pensé à une mort physique.
« Je suis morte pour le monde... »
Une nouvelle transformation s’est opérée dans mon âme.
Ce léger souffle de vie est mort complètement; je ne sens
plus cette respi-ration qui de temps à autre je sentais. La douleur
vit en moi: elle est de toutes sortes et genres. Je suis morte pour le
monde. Tout est descendu dans la tombe afin d’y rester pour toujours. Quelle
horreur, mon Dieu ! Je ne vis plus ; c’est ma douleur bien-aimée
qui vit, ce n’est que mon inexplicable martyr qui vit. Est-ce que ce-ci,
sans ma vie, donnera vie aux âmes ? Est-ce que je pourrai en-core
être utile à l’humanité ? Est-ce que je pourrai encore
vous ai-mer, mon Jésus, et consoler votre très saint Cœur
?
Pauvre de moi ! Après la haine et l’abandon, après l’oubli
et le mé-pris, je descends dans la tombe.
Je vis déjà dans l’éternité sans avoir
récupéré mon Père spirituel et sans jamais
plus avoir la sainte Messe...
Mon éternité est sans lumière, c’est une éternité
qui ne vous aime pas, qui ne vous loue pas, qui ne vous voit pas, qui ne
jouit pas de vous. Terrible éternité ! Ne pas voir Jésus
est une éternité morte. C’est ce que mon âme
vit dans cette éternité, c’est ce que je res-sens. Quel que
soit l’état de mon âme, hâtez-vous, Jésus, d’accomplir
vos saintes promesses... Jésus, donnez vie aux âmes avec ma
mort, avec mon éternité. Donnez-leur votre éternité,
don-nez-leur le ciel, mon Jésus !
« Mon âme a été réconfortée...
»
Dans l'après-midi j’ai récité les prières
du mois de mai à ma chère Petite-Maman. Mon âme, pendant
cette dévotion, se voyait libérée d'un poids qui l’écrasait
et retrouvait la paix et la suavité.
À la fin j’ai cru entendre une voix très douce qui m'appelait
:
— Ma fille, ma fille.
Mon âme se sentait plus soulevée.
Quelques instants plus tard, la même voix, de nouveau m'a appelée
avec tendresse et douceur :
— Ma fille, ma fille, viens sur mon cœur. Je t'invite à te re-poser
entre mes bras très saints. Abandonne-toi sur mon cœur de mère.
Tu es la préférée de Marie. Oh ! combien tu es aimée
par nos deux Cœurs !
Je me suis sentie entre les bras de la Maman, enlacée, caressée
et couverte de tendresse.
Il n'est pas possible de comparer la douceur et la tendresse d'une
mère de la terre avec celle de la Maman du Ciel !...
Mon âme a été réconfortée : mon cœur
en resta heureux pendant un peu près une heure.
Une douloureuse ingratitude
J’étais dans une grande affliction et, après la Communion,
je me suis confiée à Jésus, sans en attendre une réponse.
Bon comme toujours, Il a daigné me soulager :
— Ma fille, dis à ta sœur que je suis en train de voir jus-qu’où
va sa confiance en Moi. Près de ton calvaire, elle tient le rôle
que tenait ma très sainte Mère auprès du mien. Dis-lui
que je confie beaucoup en elle : s’il n’en était pas ainsi, je ne
l’aurais pas attachée aussi étroitement à ton martyre.
Et se référant à celle qui nous faisait tant souffrir,
Il dit :
— Allons, allons, courage ! Satan est enragé : il étend
sur vous ses artifices infernaux, mais il ne vaincra pas ! Ayez confiance
!
Elle est une insensée. Elle a été, envers vous,
de la plus grande ingratitude ; mais, pardonnez-lui de tout votre
cœur, comme je lui pardonne Moi-même. Si tu savais com-bien je souffre
! On me reçoit froidement dans la Commu-nion, par habitude. Combien
en souffre mon Cœur !
« Je continue de lui rappeler sa promesse... »
Jésus, à plusieurs reprises, m’avait confirmé
tout ce qu’il m’avait dit et promis au début de ma crucifixion :
comme prix de mon accep-tation à me laisser crucifier, les portes
de l’enfer seraient fermées depuis midi de vendredi à minuit
de dimanche. Quand il a plu à Jé-sus de ne plus me crucifier,
ou mieux, de changer la manière de me crucifier, je continue de
lui rappeler sa promesse, parce que j’estimais avoir le même droit.
Le 16 juin 1944 Jésus est venu et Il m’a dit :
— Ma fille, viens te reposer et te réconforter dans les bras
de ta Petite-Maman. Tu es tendrement cajolée par Jésus et
Marie.
Pendant que je parlais, je sentais leurs caresses.
— Tu es bercée par les anges. Je viens te dire, ma fille, les
jours supplémentaires pendants lesquels, par ton mérite,
l’enfer est clos : je t’accorde l’après-midi du jeudi en l’honneur
de mon Eucharistie, pour l’amour que tu as en-vers Celle-ci, et pour l’amour
qui m’a amené à y rester pri-sonnier ; je te concède
le mercredi matin en l’honneur de saint Joseph que tu aimes tant; combien
je désire, ma fille, le voir aimé ! Je veux que tu fasses
connaître que celui qui aura pour lui une vraie et constante dévotion,
ne m’offensera pas gravement au point de se perdre...
Je te concède ceci pour l’amour avec lequel tu te laisses crucifier.
« J’ai soif, j’ai soif, ma fille... »
— Jésus souffle sur toi et t’embrase...
J’unis mon Cœur au tien. J’habite en toi et toi en moi. Re-çois,
reçois, ma petite fille, l’amour de ton Jésus. Reçois-le,
enrichis-toi en, afin que tu le donnes aux âmes. J’ai soif, j’ai
soif, ma fille, j’ai soif d’amour. Les âmes ne connaissent pas ma
folie pour elles. Les pécheurs sont ingrats envers mon divin Cœur.
Tu vois, tu vois, ma belle colombe ? Je suis toujours près à
les recevoir ; je leur offre, je leur donne mon Cœur et je veux les y accueillir
; je veux les posséder.
— Jésus, Jésus, je ressens vos ardents désirs.
Je vois votre divin Cœur ouvert. Ce fut l’amour, Jésus, ce fut l’amour
qui vous a dé-chiré la poitrine. Ce fut encore l’amour qui
vous a laissé être blessé de la sorte. Quelle blessure,
quelle plaie si profonde !... Je vois que de celui-ci sortent des rayons
brillants, enchanteurs, des rayons dorés. Embrasez-moi, Jésus,
embrasez-moi dans ce feu divin ; fai-tes que je puisse embraser tous les
cœurs,
tous vos enfants...
Vous avez soif, vous avez soif, mon Jésus, vous avez soif de
possé-der les âmes. Regardez, mon Amour, voyez ma soif ; c’est
une soif qui me conserve. Vous voyez pourtant que mon seul et ardent désir
est de les livrer toutes à votre Amour, à votre divin Cœur.
Vous connaissez mes tourments. Regardez la torture dont souffre mon pauvre
cœur. Vous savez bien, que souvent, j’aimerais vous dire : “Jésus,
je n’en peux plus; je ne peux plus résister !” Mais je ne le veux
pas, mon Amour, je ne veux pas vous parler ainsi. Accordez-moi votre grâce,
accordez-moi votre force, donnez-moi encore et encore des souffrances,
ô mon Jésus, ô mon Amour ! Hâtez-vous, mon Jésus
! Si je peux souffrir davantage, envoyez-moi encore des souffrances ; donnez-moi
les vite, mais donnez-moi aussi les âmes.
— O beauté, ô beauté, ô enchantement de mes
yeux divins ! Tu ne peux pas souffrir davantage, mais garde ton courage
: Je suis avec toi, je veuille, je suis vainqueur, je triomphe. Ne vacille
pas, ne tombes pas au point de m’offenser, mon divin Cœur n’a pas le courage
de t’abandonner. Tu es ma victime la plus aimée. Tu as la mission
la plus riche, la plus belle pour moi. Je te fais souffrir autant afin
que tu me sau-ves beaucoup d’âmes.
— O Jésus, si je vous aime, comme tant de fois vous me l’affirmez,
si je vous aime vous et la Petite-Maman et je suis aimée d’Elle
comme vous me le dites, et je le crois et j’ai confiance, que puis-je désirer
d’autre, sinon vous aimer et vous sauver des pécheurs ? Crucifiez-moi,
ô mon Jésus, ne m’épargnez pas, mon Amour, mes éloignez-les
des peines de l’enfer! Ne manquez pas, mon Jésus, ne manquez pas
à ce que vous m’avez promis. Gardez, Jésus, gardez, je vous
en prie, les portes de l’enfer bien fermées. Placez-moi, mon Amour,
placez-moi, devant elles. Emmenez-moi devant elles, comme je vous l’ai
déjà dit, mon Amour, placez-moi là, devant leur seuil,
comme une barrière ; jusqu’à ce que le monde soit monde,
et qu’il y ait des pécheurs à sauver. Ou bien, mon Amour,
laissez-moi dans le monde, tant qu’il existera ; appelez à vous
tous les miens, tous ceux qui me sont chers ; laissez-moi seule ; vous
me suffisez, mon Jésus...
— Combien elle est belle, combien belle est ta prière ! Quelle
joie, quelle consolation pour moi ! O combien de bé-néfice
pour les âmes ! Combien de grâces tu obtiens pour les ingrats
de mon divin Cœur ! O monde, pourquoi ne connais-tu pas ma victime bien
aimée ! Vite, vite, que la lumière soit faite ; que brille
la lumière que Jésus désire. C’est à l’aide
de cette lumière, ma fille bien-aimée, de cette lumière
qui brille en toi, que les pécheurs vont voir le che-min, la vérité
et la vie.
— O Jésus, Amour de mon cœur ! La Vérité c’est
vous ; le vrai Chemin c’est vous ; l’unique Vie, c’est vous. Faites, ô
Jésus, que tous vous suivent, que tous vous aiment ! Je ne veux
que ce que vous voulez, je vous le demande de tout mon cœur, de toute mon
âme. Donnez-moi le courage ; donnez-moi la force ; donnez-moi la
grâce ; donnez-moi tout ce qui est à vous. Sans vous je ne
peux rien ; sans vous je ne peux résister à tant de souffrance.
— Courage, ma petite fille, ne te décourage pas ! Tu le sais
bien, tu demeures dans mon divin Cœur, à la place la plus élevée.
Dans ma divine demeure, tu ne coures aucun ris-que. Repose-toi, repose-toi
en moi ; repose, repose-toi pour toujours. Reçois, reçois
la vie dont tu as besoin pour vivre. Vis uniquement de ma vie divine.
— Merci, merci, mon Jésus.
« Jésus, mon seul aliment... »
À la tombée du jour, alors que la lumière du soleil
s’enfonçait dans l’obscurité de la nuit; pour moi il n’y
avait plus ni soleil ni jour, mais seulement nuit. Le découragement,
l’abattement, la constante lutte m’étaient presque insupportables...
— Jésus, Petite-Maman, aidez-moi, ne me laissez pas tomber !
O mon Dieu, il me semble que le Ciel n’existe pas !... La lutte est
continuelle et le doute me tourmente. Mon cri vers les saints sem-ble ne
servir à rien.
Jésus, j’ai confiance ! Petite-Maman, j’ai confiance !
Mais le temps passe et aucun secours ne me vient. Je sens l’abandon
de la terre et du Ciel. Pauvre de moi ! Je ne veux pas me tromper ni tromper
personne.
Une nouvelle preuve d’amour de la part de Jésus est venue me
soulager dans l’abîme de ténèbres et de mort. De ses
divins bras il m’a inclinée sur son divin Côté et m’a
donné à boire du sang de son Cœur. Merveille ! Bonté
divine ! Je sentais le Sang du Cœur de Jé-sus pénétrer
abondamment en moi, pendant que Jésus, tout dou-cement me disait
:
— Courage, ma fille ! Mon Sang et ma Chair son ton aliment et ta vie.
Jésus m’a rassasiée, m’a fait revivre : le jour s’est
levé, le soleil me réchauffa de ses rayons. Maintenant le
monde ne pouvait rien contre moi. Combien il est bon, Jésus !
« Transformez-moi... entrez chez moi ! »
Je ne sais pas si c’est à cause de ma grande souffrance, je
suis restée très accablée, presque oublieuse d’avoir
reçu Jésus Eucha-ristique. Oh ! l’état de mon âme
!
À l’improviste j’ai vu Jésus devant moi, cloué
sur la Croix, mais aus-sitôt tout a disparu. Si je me sentais comme
morte, morte je suis restée : il me semblait que pour moi la vie
n’existait pas.
Quelques instants après, mon Bien-Aimé est venu, mais
maintenant il était merveilleux : son visage était si beau,
tout resplendissant, rempli de lumière. Il s’est approché
de moi, m’affirmant, en même temps, qu’il me confiait son divin Cœur,
avec une grande plaie d’où il sortait une énorme flamme brillante
qui serait capable d’enflammer et de brûler le monde entier.
— Ma fille, cache en toi mon divin Cœur afin que les pé-cheurs
ne puissent m’offenser.
Je ne sais pas comment le Cœur de Jésus m’a pénétrée.
J’ai été plongée en Lui et Lui en moi. Combien grand
est l’amour de Jésus !
Quelle transformation de mon âme ! Déjà j’avais
vie, courage et force. Souffrance, combien tu es douce si supportée
pour Jésus !
Mais, ô combien il est coûteux de vouloir consoler et de
ne pas pouvoir le faire, garder son divin Cœur et ne savoir comment s’y
prendre ! Pauvre Jésus, à qui avez-vous confié la
garde de votre Cœur ! Où pourrai-je le cacher afin qu’il ne soit
pas blessé ? Je ne suis que misère. Transformez-moi, purifiez-moi,
et ensuite, entrez chez moi.
Le souvenir de Foz do Douro
— O Jésus, est-il possible que la morte puisse parler, que le
cœur d’un cadavre puisse avoir la nostalgie du Ciel, ainsi que le désir
de voler vers vous, désireux de se cacher pour se plonger dans l’immensité
de votre divin Amour ! Jésus, Jésus, c’est ma douleur qui
vous parle... c’est une douleur qui rassemble en elle toutes les douleurs.
Jésus, je sens que mon corps n’est plus un cadavre où
les vers de terre n’ont pas encore pénétré, un cadavre
qui, quelques jours après avoir été descendu dans
la tombe, pourrait être reconnu. Non, mon Jésus, je n’en possède
même plus les cendres, tout a disparu.
O mon Dieu, quelle mort la mienne, quelle perte éternelle !
Écou-tez, Jésus, ayez pitié de moi ! Tournez votre
regard vers moi, lisez ma douleur: c’est pour vous, et pour les âmes...
Soutenez le poids que m’a causé la mort, voyez que sans vous je
ne résiste pas à tant de nostalgie du Ciel ; il m’est impossible
de rester ici alors que je désire ardemment vous aimer... La nuit
n’a plus d’étoiles ; il n’y a plus de jour; il n’y a plus de soleil.
O douleur, ô douleur, toi seule vis en moi, il n’y a que toi qui
restes, mais tu n’aimes pas Jésus, tu ne vis pas pour Jésus
! Écoutez, Seigneur, mon cri ! Que ma cla-meur arrive jusqu’à
vous ! Qu’en sera-t-il de moi, mon Dieu, qu’en sera-t-il de moi sans Vous
? O lutte, ô terrible lutte !...
Faites que je vous aime et vous fasse aimer ; j’ai faim de vous donner
le monde entier.
O mon Jésus, en ce qui concerne la nostalgie des aliments, ce
n’est pas moi, c’est mon corps qui a faim et soif, parce que moi, je n’existe
plus !... Mais, c’est un cœur, c’est une âme qui, comme s’ils étaient
à moi, ont faim et soif.
(...)
Jésus, cela fait un an que mon martyre à Foz a été
terminé. Pen-dant ces derniers quarante jours j’ai remémoré
tout ce que j’y ai souffert. Acceptez-vous, mon Jésus, ce martyr
si douloureux ? Je ne suis pas retournée à Foz, mais je peux
dire que j’ai presque souf-fert autant que lors de mon séjour dans
cette maison. Vous avez fait en sorte que tout se renouvelle : j’ai tout
revécu, mon Jésus. Acceptez ma souffrance et, pour amour
pour les âmes, fermez l’enfer. Faites que je vous aime et vous fasse
aimer. J'ai faim de vous donner le monde entier. Pauvre de moi, mon Jésus
! J'ai la nostalgie des aliments, mais ce n’est pas moi qui la souffre
; ce n’est pas mon corps qui a faim et soif parce que je n’existe déjà
plus ; mais c’est un cœur, c’est une âme qui, comme s’ils étaient
à moi, souffrent cette faim et cette soif.
Vous avez entendu, mon Jésus, que cette dure souffrance m’a
fait dire: “je donnerais tout, je donnerais le monde, je donnerais la vie,
s’il était possible, pour un peu d’alimentation”. Quelle envie,
quelle envie, mon Jésus, de tout posséder pour tout vous
donner !
Je veux vous aimer, je veux vous donner des âmes !...
Tournez vers moi votre divin regard, car je veux fixer le mien sur
le vôtre.
« Je vous sens à côté de moi... »
Ne pensez pas, mon bon Père Umberto, que mon silence soit un
oubli. Je ne vous oublierai ni sur la terre ni au ciel. La cause de ce-lui-ci,
ce sont les “cadeaux” de Jésus. Si vous saviez combien je
souffre... Mais la souffrance importe peu; ce qu’il faut c’est consoler
Jésus. Il me suffit que sa grâce et sa force ne me fassent
pas dé-faut pour résister à tout... Je n’ai pas oublié
vos intentions de prière ni celles des novices de votre sainte maison
Salésienne... Par cha-rité, pardonnez-moi mes manquements.
Je vous remercie de tout mon cœur et de toute mon âme pour tout ce
que vous avez fait pour moi. Que Jésus vous récompense, vous
comble de ses bien-faits et de son amour, car Lui seul connaît et
sais le réconfort que vous m’avez apporté.
Je vous sens à côté de moi, et cela me procure
du courage pour soutenir ma souffrance. Que Dieu soit béni. Je ne
suis pas encore haïe de tout le monde...
Sans la Communion ?...
Nuit ténébreuse, atrocités de la mort ! Le cri
de la douleur continue : écoutez-le, Jésus, c’est lui qui
pleure, c’est lui qui invoque votre secours !... Je n’aperçois aucune
lumière... Mon cœur sent qu’il a été comme lacéré,
traversé par une lance bien effilée, avoir reçu une
nouvelle et grave blessure, il sent qu’il ne peut plus être bles-sé...
Je suis dans un état de grande inquiétude; je ne sais
pas ce que cela présage.
Quelle horreur ! La tempête se déchaîne, j’entends
le sifflement des vents, je vois les éclairs annonceurs du tonnerre
effrayant, je sens des menaces de destruction.
Tous sont partis terrorisés et moi, seule, au milieu de la mer,
sans gouvernail, sans bateau, sans lumière, je suis menacée
de plonger pour toujours dans cet abîme. Quelle horreur ! Quelle
peur !... Mon Dieu, qu’est-ce qui m’attend encore ? Je m’abandonne entre
vos bras très saints...
« Me voici, prête à être immolée !...
»
— Écoutez, mon Jésus, ma souffrance presque moribonde.
Un coup très dur lui a été porté. O souffrance
qui tue la douleur ! O souf-france qui ne peut être comprise que
de vous ! Le regard fixé sur vous, ô Jésus, les calomnies,
les humiliations, les mépris, les hai-nes, les oublis ont toute
la douceur de votre Amour ! Qu’il m’arrive, ô Jésus, qu’il
m’arrive tout ce qui vous fait plaisir ! Que mon nom meure, comme je sens
qu’il arrivera à mon corps et à mon âme, afin que triomphe
votre divin Amour dans les cœurs et votre Grâce dans les âmes.
Me voici, mon Bien-Aimé, prête à être immolée.
Mais comment résister à tout cela ? Regardez ce cœur qui
éclate et se décompose dans la douleur : il ne peut pas supporter
autant de tourments si vous ne lui venez pas en aide. Venez, mon Jésus,
ai-dez-le, aidez-le ! Ils veulent me priver de tout: ils menacent même
de me priver de la Communion, interdisant le curé de venir chez
moi, sauf en cas de danger de mort, si je n’obéis pas.
J’obéis, j’obéis, ô mon Jésus, avec votre
divine Grâce !
O sainte obéissance, je t’aime pour Jésus et pour les
âmes !
On m’a mise sur la place publique sans mon consentement : je n’en savais
rien. Et maintenant on voulait, au prix de ma souffrance, re-cueillir les
plumes que le vent furieux a dispersées ! Comment le pourront-ils
? Ah mon Jésus, jamais plus, jamais plus ! Si seule-ment je pouvais
vivre cachée, vous aimer comme je le désire tant, être
toute à vous, sans limites, mais, sans avoir une vie pareille.
Combien sont devenus saints sans avoir ce genre de vie ! Et moi, je ne
suis que misère ! Quelle nostalgie de mes années passées
! Combien de colloques j’ai eu avec vous sans que personne ne le sa-che
! Je donnerais des vies, je donnerais des mondes pour vivre ca-chée.
Pardonnez, mon Jésus, je n’ai pas à vouloir ; je n’ai pas
à avoir de volonté propre.
Mon Dieu, si je savais au moins que par ma souffrance votre consolation
était satisfaite ! Si seulement je pouvais vivre cachée dans
cette chambre, où Vous seul et ces murs avez été les
témoins de mes souffrances ! Si les miens et tous ceux qui me sont
chers pouvait oublier que je vis ici et que je vis avec eux, ô, alors
je ne souffrirais pas ! Je vois toutefois que celui qui souffre c’est
votre divin Cœur ; ceux qui me sont chers souffrent avec moi et ne peu-vent
pas m’oublier : ce qui me peine énormément. Combien de fois
je ne peux même pas contenir mes larmes, aveuglée par la dou-leur
! Puis cette pensée me vient : il vaut mieux ne pas pleurer, Jé-sus
est davantage content. Je pose mes yeux sur la croix où Il est crucifié
; je reste un moment à le contempler ; alors les larmes, qui semblaient
ne plus tarir, cessent: je ressens une nouvelle vie.
Mon Dieu, quelle terrible lutte ! Pauvre de moi sans Vous, Jésus
et Petite-Maman ! Secourez-moi, je suis votre victime...
Jésus, ne permettez pas que je cède, ne consentez pas
que mes lèvres s’arrêtent de répéter : “Jésus,
je vous aime ! Je suis votre victime !
Que les hommes jugent comme ils veulent; peu importe. Donnez-moi votre
certitude de me vaincre moi-même, de vous aimer et de vous donner
des âmes.
Jésus, je ne vois ni mon passé ni mon présent,
je ne vois que mon avenir: je vois mon sang couler parmi les épines;
dans une nuit terrible et obscure ma souffrance avance et continue de vivre...
« Mon Dieu, quelle vie si mal comprise !... »
— Jésus, je regarde d’un côté et de l’autre et
je ne vois personne ; je crains et je tremble ; quelle frayeur !...
Jésus, ne me laissez pas sans vous recevoir: que je perde tout,
ab-solument tout, mais que je puisse avoir la Communion ; tout per-dre,
mais vous posséder vous !...
Mon Dieu, quelle vie si mal comprise ! Si ce n’était par l’amour
de vous et des âmes, je ne me serais pas soumise aux âpretés
des hommes, je n’aurais pas à leur obéir.
Ces pensées défilaient rapides comme des éclairs.
Je me suis sentie ensuite obligée toutes les joies avec l’amour
de Jésus : Lui, Il est digne de tout. Les âmes, les âmes
! Cette pensée a vibré en moi, allumant des désirs
plus fermes de marché parmi les épines...; il m’a mieux fait
comprendre qui est Jésus et ce qu’est le monde...
Je sens la nostalgie de ma “Passion” du vendredi, mais j’ai peur des
extases. Je crains le vendredi et le premier samedi, je crains n’importe
quel jour ou n’importe quelle heure, mon Jésus, où vous daignez
me parler. Serait-ce une imperfection ? Ayez compassion de moi, Jésus
!...
Quelques heures après : la nuit était déjà
bien avancée ; à la mai-son tout n’était que silence,
seuls, ma douleur et ma lutte conti-nuaient.
À l’improviste, Jésus m’est apparu :
— Donne-moi la main, ma fille, ne t’ai-je pas promis de soulager ton
accablement ? Allez, va dans les bras de la Petite-Maman, vas-y recevoir
du réconfort.
Aussitôt je me suis retrouvée dans les bras de la Maman
du Ciel et, comme une enfant, j’ai enroulé mes bras autour de son
cou. Elle m’a enlacée doucement et m’a caressée, me couvrant
de baisers. Je pleurais ; Elle m’essuyait les larmes à l’aide de
son très saint Man-teau et me disait :
— Ne pleure pas. Console avec moi le mien et ton Jésus. Il est
si offensé ! Allons, allons, prend courage !
Et Jésus :
— Ta douleur, ma fille, ton martyr arrache des artifices de Satan les
âmes que lui, avec tant de rage m’avait prises. Courage... La tempête
passe. Reçois Grâce, Amour et la Lu-mière de l’Esprit-Saint.
J’ai vu l’Esprit-Saint sous la forme d’une colombe qui laissait tomber
d’en-Haut sur moi des rayons dorés et un déluge de lumière...
J’en ai été fortifiée. Peu après, dans une
douce paix, je me suis endor-mie.
« J’ai senti comme un assaut... »
Vers 14 heures, appuyée sur mes coussins et étendue sur
ma croix dans un profond anéantissement, j’invoquais Jésus,
seulement Jé-sus.
Quelques notes mélodieuses m’ont attirée. Tout d’abord
j’ai pensé qu’il s’agissait de sons de la terre et je me suis mise
à l’écoute pour découvrir d’où ils venaient.
Ils m’arrivaient d’en-Haut. Je l’ai très bien compris et alors mon
cœur a frémi avec tant de force qu’il n’en pouvait plus résister...
Toute la tempête s’est estompée... Je me suis sentie toute
remplie d’une grande douceur et suavité. L'har-monie était
composée de beaucoup de sons, comme si émis par un très
grand nombre d’instruments... Je les ai tous écoutés, mais
l’un de ceux-ci parmi tant d’autres m’attirait plus particulièrement...
Je ne sais combien de temps ce ravissement a duré... Peut-être
bien une demie heure.
« J’ai ressenti comme un assaut... »
Après le soulagement qui m’a été accordé
le 12, je suis retournée à mon état de tristesse.
Le jour de l’Assomption de la Maman du Ciel est arrivé, et rien
que de penser à la solennité... et à la jubilation
du Ciel, il me semblait ne plus pouvoir résister davantage aux tourments
de la terre.
Quelques minutes après la Communion, j’ai ressenti comme un
as-saut au-dedans de moi. Il me semblait que c’était Jésus
qui, comme un voleur, était entré et sorti de moi en un instant
empor-tant avec lui le peu de vie qui était la vie de ma douleur.
Je me suis sentie morte, mais j’ai continué de souffrir davantage
du fait de me sentir privée du peu de vie qui était la vie
de ma douleur. Je sentais que tout me manquait et j’étais scindée
en deux morceaux: mon cadavre resté ici-bas et, là-haut,
au Ciel, le butin qui était une partie de moi-même. Cette
partie était plongée dans la joie abso-lue, sauf la vision
de Dieu, mais ne donnait pas à la partie restée sur la terre
aucun soulagement; bien au contraire, la laissait pros-ternée dans
un abîme de souffrance sans fin. J’ai passé toute la journée
dans une attente douloureuse de posséder cette autre par-tie de
moi-même qui m’appartenait et sans laquelle je n’étais qu’un
cadavre. Ce fut pour moi une journée interminable: je l’ai
passée dans une continuelle plainte envers Jésus et la Maman
du Ciel, alors que je me demandais :
— O mon Dieu, comment puis-je vivre sans vie ?
Vers le soir, j’ai de nouveau entendu l’harmonie du 12 de ce mois,
et ceci a été pour moi comme un baume pour ma souffrance
; sans cela, je crois que je n’aurais pas résisté bien longtemps.
La nuit, je ne saurais dire à quelle heure, le butin m’a été
restitué ; je m’en suis rendu compte parce que je me suis sentie
revivre.
« Jésus m’a envoyé un prêtre... »
Je ne sais pas pourquoi je suis effrayée et pourquoi j’ai peur...
Je me sens seule, complètement seule... La tempête continue...
Vous seul, mon Dieu, pouvez m’aider; mais, pauvre de moi, il me semble
que même vous m’avez abandonnée. Le cri de détresse
n’arrive pas aux oreilles de personne. Que m’arrivera-t-il de plus, mon
Dieu ? Je jette mon regard par la fenêtre de ma chambre : je n’y
vois que des nuages ; je pose sur celles-ci mon regard admirant la grandeur
du Créateur. Si les nuages s’évanouissent et que l’azur du
Ciel ap-paraît, je ne puis résister à tant de nostalgie
! Je voudrais m’envoler vers lui, mais combien est grande la distance qui
me sé-pare du firmament ! Je pleure, je pleure bien des larmes...
Les jours où je dois rester sans Communion approchent.
— Mon Dieu, comment ferai-je pour me priver de vous. Jésus,
ma Petite-Maman chérie, venez à mon secours. Je ne puis vivre
sans Jésus !
La Maman du Ciel a eu pitié de ma douleur. Jésus a veillé
sur moi : il ne m’a pas laissé un seul jour sans le recevoir; il
m’a envoyé le Père Umberto, salésien qui, pour quelques
jours, s’est efforcé d’illuminer et de tranquilliser mon âme.
J’ai senti qu’il me compre-nait: il m’insufflait du courage malgré
ma grande souffrance. Après qu’il m’ait écoutée
en confession, j’ai ressenti dans mon âme joie et suavité
et, forcée par je ne sais quoi, j’ai chanté des cantiques
à Jésus et à la Maman du Ciel.
Ensuite je suis retournée dans mon habituel état d’affliction,
de douleur et de martyre...
« Jésus et Maman du Ciel écoutez-moi ! »
Après avoir reçu Jésus [Eucharistique], la souffrance
de mon âme est devenue plus suave: mon Bien-Aimé m’accorda
en cette occa-sion une plus grande intensité d’union, que j’avais
déjà ressentie hier, dans le regard des personnes que j’aime
et qui en ces derniers jours me haïssent...
Mais je suis rapidement retournée dans les douloureuses souffran-ces
du corps et de l’âme.
— O mon Dieu, la tempête ne s’apaise point. Ayez pitié
de moi : regardez comme je suis blessée ! On essaie de m’enlever
de vos divins bras. Attachez-moi, attachez-moi à Vous, mon Jésus
! Ne permettez pas que l’on me sépare de Vous. Que je perde tout
ce qui appartient à la terre, mais que je Vous possède !
Je me sens abandonnée, seule, seule et sans personne à
qui recou-rir : Jésus, Petite-Maman, écoutez mon cri de détresse
! Je veux aimer Vos Cœurs très saints, mais je ne sais pas ce que
c’est que l’amour ; je ne le connais pas; il me semble que l’amour n’existe
pas sur la terre. Ayez pitié de mon affliction. Donnez-moi l’amour
que je désire, que j’espère de Vous. Laissez que je me perde
en Vous; que je me brûle dans vos divines ardeurs...
« Mon Jésus, mon cher Amour !... »
Je sens que mon cri reste suffoqué sous le monceau de cendres
de mon pauvre corps, qui n’est plus un cadavre, comme je le ressen-tais
un instant avant, mais cendre, seulement cendre. Mon Jé-sus !...
Mon cœur n’est plus dans ma poitrine, tellement grande est son envie de
vous aimer et de monter vers vous. Je ne dis pas bien, mon Jésus,
ce cœur n’est pas le mien, et je ne sais même pas à qui il
appartient. Où est-il le mien, mon Jésus ? À qui appartient
celui-ci ? Tout est mort. Jésus, ayez pitié de moi. Ma volonté
c’est la vô-tre, vous le savez bien ; oui, vous le savez bien, mon
Amour. Re-gardez, je ne suis que misère, je ne suis que néant
; je ne peux rien sans vous. Ne m’abandonnez pas, mon Jésus. J’espère
en vous ; j’ai confiance en vous. La lutte est terrible ! Écouter
votre voix qui m’encourage et me confirme que tout cela est pour votre
gloire, que c’est pour vous consoler, ne me suffit plus. J’en veux davan-tage,
mon Jésus, j’ai besoin de plus, de bien davantage...
(...)
Le démon m’est apparu en diverses occasions, de jour comme de
nuit; tantôt sous la forme d’un homme attaché par la ceinture,
tantôt sous la forme d’un lion attaché par le cou. Il a essayé
plu-sieurs fois de m’attaquer, mais n’est jamais parvenu à me toucher.
À côté de lui je me sens comme une enfant terrorisée,
mais qui ne pondère pas le danger. Sous la forme d’un homme, il
crache par terre et m’insulte, faisant semblant d’être écœuré
de moi; d’autres fois il frappe des mains et ricane des sentiments malicieux
dont il me juge capable et veut me convaincre que je suis fautive; d’autres
fois encore, il prend des attitudes provocantes pour le mal.
Depuis que ces persécutions ont commencé, je sens, comme
si mon corps était réduit en miettes, et mon intérieur,
et mon cœur, sor-taient violemment de moi.
Mon cri, mon unique cri contre mon ennemi c’est : “Mon Jésus,
je suis votre victime !”
(...)
Après la Communion, je me sentais découragée,
abattue, je ne sa-vais rien dire à Jésus. Je m’efforçais
de répéter très souvent :
— Mon cher Jésus, mon Amour, je suis toute à Vous !
Je n’ai rien dit d’autre pendant quelques minutes.
Jésus est venu :
— Cela me plaît beaucoup, ma fille, me console beaucoup, ma colombe
bien-aimée, ton affirmation : “Mon Jésus, mon cher Amour,
je vous aime, je suis toute à Vous”. Répète-la très
souvent. Courage, ô mon aimée ! Ne crains pas les as-sauts
du démon. Ce n’est que par ce sacrifice que tu peux réparer
des crimes aussi graves. Donne-moi tout ce que je te demande pour ma gloire
et pour le salut des âmes. C’est pour [t’aider à les supporter]
que je t’ai donné un médecin très cher à mon
divin Cœur.
Dis à mon cher Dom Umberto qu’il a été choisi
par moi pour venir près de toi. Je n’interviens pas avec la fréquence
qu’il aimerait pour l’étude [sur ton cas]. Mais, ayant reçu
mes divines lumières, je veux qu’il aille vers ton Père spirituel,
tant aimé de mon Cœur, à qui j’envoie tout mon amour : ensemble
ils soutiendront et défendront ma divine cause, aidés par
ceux qui sont de mes amis et qui ont soin de tout ce qui me regarde. Va,
ma petite fille, donne l’abondance de mon divin amour à tous ceux
qui sont autour de toi et qui t’aident: ils Me sont tous bien chers.
Dis à mon cher Père Umberto que le parfum est un parfum
divin, c’est le parfum de tes vertus. Je dis cela parce qu’il en
a besoin pour son étude.
(...)
Je me suis sentie obligée de m’agenouiller et de lever les bras
au Ciel pour plus dignement louer le Seigneur. Je ressentais une envie
irrésistible de me transformer en feu divin et de plonger dans celui-ci
les cœurs et les âmes...
« J’étais un ver, dans un vaste cimetière... »
Aujourd’hui j’ai senti le démon au-dedans et à côté
de moi. J’ai éprouvé une insupportable envie d’aimer Jésus,
de lui donner des âmes, de le consoler, de le faire connaître.
Toute remplie d’amour je lui répétais :
— Jésus, Jésus, amour, amour !
Dans cet état, je n’ai pu contenir les larmes au vu de ma misère,
la fange dans laquelle je vis et qui me cause de l’horreur.
Mes désirs d’aimer ne valaient rien, tout était perdu.
Je me sentais comme dans un vaste cimetière, presque sans vie, comme
si je ne bougeais déjà plus. À peine couverte de cendres,
je ressemblais à l’un de ces vers qui dans les pinèdes font
leur résidence sous des monticules de terre et de bois en décomposition.
Malgré tout cela, mon offrande à Jésus comme victime,
inséparable de la crainte de l’offenser, restent toujours présentes.
Paradoxe terrible et presque permanent : je vis sans vivre ; je souffre
sans souffrir ; j’aime sans aimer.
« Je suis restée dans les ténèbres... »
Ce matin Jésus est venu, et descendant dans ce cimetière,
il s’est joint aux vers et s’est recouvert des mêmes cendres. Il
n’y avait que mort à l’intérieur de moi; une mort qui semblait
se fondre dans le gémissement de toute l’humanité. Jésus
n’a pas donné signe de vie au-dedans de moi : je suis restée
dans les plus épaisses ténè-bres et dans une souffrance
amère ; les âmes et l’amour de Jésus m’obligent à
tout endurer...
« Acceptez mes larmes... »
Pendant deux jours j’ai mieux pu respirer: Jésus a daigné,
pour quelque temps, soulager mes souffrances.
Aujourd’hui il m’a surchargée en plus du poids très aimant
de sa croix. Je me sens aux portes de l’éternité. Deux violentes
luttes avec le démon m’y ont propulsée. Mon Dieu, quelle
terrible souf-france! J’ai lutté, j’ai imploré le secours
de Jésus et de la Maman du Ciel, de saint Joseph... J’étais
un monstre à l’intérieur d’un autre encore plus grand. Les
yeux fixés sur le crucifix, j’ai répété des
di-zaines de fois :
— Jésus, je suis votre victime. Acceptez mes larmes. Que chacune
d’elles soient une mer d’amour dans laquelle je puisse cacher vos Tabernacles,
afin qu’ils ne soient pas attaqués ni profanés par vos enfants.
J’ai souffert la première fois pour un prêtre qui se trouvait
en grave danger, et la seconde fois pour tous les prêtres.
La rage du démon était terrible : il me semblait être
entourée par une nuée ténébreuse qui m’empêchait
de voir.
O mon Dieu, et les doutes d’avoir péché !… Je ne pouvais
pas me souvenir que j’étais en présence de Dieu, que je l’avais
en moi...
Il faisait déjà nuit quand Jésus est venu :
— Ma fille, entre toi et le démon, il y a une grande distance:
entre vous deux, je m’y trouve. Ce sont des astuces à lui, mais
ce qu’il te montre est faux. Je l’ai Moi-même attaché et je
ne permets pas qu’il s’approche de toi. Courage, mon aimée.
Tu es à moi, toute à moi !
Je me suis sentie revivre et je me suis tranquillisée pour quelque
temps.
« J’ai pleuré des larmes de soulagement... »
Hier, sans que je m’y attende, Jésus, attendri par ma souffrance,
a fait venir ici le Père Umberto, que je n’avais pas osé
appeler. Ce ne fut qu’avec une certaine réserve que j’ai pu lui
ouvrir mon âme: j’ai fait un énorme sacrifice pour parler;
je l’ai offert à Jésus pour ceux qui, par malice, cachent
leurs fautes. J’ai pleuré des larmes de soulagement et de pudeur;
mais aussitôt, une grande paix est en-trée en moi, en même
temps que de mon âme s’échappaient toutes les ténèbres,
les doutes et tout ce qui causait ma souffrance... Je me sens aujourd’hui
libérée des attaques du démon, mais je sens dans mon
âme de terribles menaces: il est comme attaché et muet...
« Ce sont des merveilles... »
Ce matin j’avais à peine fait ma préparation pour recevoir
Jésus, quand monsieur le curé est arrivé. L’Attendu
de mon âme placé sur la petite table et les cierges allumés,
le cure m’a dit :
— Voici que Jésus vient te rendre visite et te tenir en peu
compa-gnie. Le Père Umberto viendra te le donner après.
À peine monsieur le curé était parti, une
force provenant je ne sais d’où m’a obligée de me lever.
Je me suis mise à genoux devant Jé-sus et je me suis inclinée
vers Lui. Mon visage et mon cœur n’avaient jamais été aussi
près de Lui. Quelle félicité la mienne ! Je l’ai intensément
prié pour moi, pour tous ceux qui me sont chers et pour le monde
entier. Je me suis sentie brûler dans ces flammes divines.
En outre, Jésus m’a parlé :
— Aime, aime, ma fille, n’aie pas d’autre préoccupation que
celle de m’aimer et de me donner des âmes. Là où est
Dieu rien ne manque : victoire, triomphe !
Je demandé aux anges de venir chanter des louanges avec moi.
J’ai beaucoup chanté jusqu’à ce que le Père Umberto
me donne l’ordre de me remettre au lit. Enflammée par l’amour
divin, j’ai fait ma Communion.
Quelques instants après Jésus m’a dit :
— Ce sont des merveilles, ce sont des preuves que je donne. Dis, ma
fille, à mon cher Dom Umberto que ce fut bien Moi qui le permit.
Plus rien n’est nécessaire de ma part. Main-tenant il ne reste plus
qu’à lutter, lutter, combattre le re-gard fixé sur Moi. La
cause est mienne, elle est divine ! Pauvres hommes qui immolent de la sorte
mes victimes ! Pauvres âmes qui blessent ainsi mon divin Cœur ! Je
me console dans l’amour de cette colombe innocente, de cette victime tant
aimée, maîtresse de mes trésors et de toute ma richesse.
Que le monde entier vienne, qu’il vienne vite boire à cette source.
C’est de l’eau qui lave et purifie, c’est un feu qui brûle et sanctifie.
— Mon Jésus, je vous aime, je suis toute à vous, je suis
votre vic-time...
« Combien d’âmes reculent... »
— Combien d’âmes reculent !
Beaucoup, dès le début, beaucoup d’autres à moitié
chemin. Elles veulent tout recevoir de moi, mais rien me donner ! Elles
veulent réparer, mais sans immolation ni sacrifice.
Si tous les maîtres et sages de la sainte Église compre-naient
sérieusement, profondément, ma vie divine dans les âmes,
je serais bien plus aimé ; je recevrais bien plus de réparation.
« Attention, Portugal !... »
— Écris tout, et donne-le à ceux qui prennent soin de
toi et de ma divine cause. Cela suffit; ils résolvent tout.
Ma bien-aimée, dis au monde qu’il écoute la voix de Jésus
résonner sur la plus haute montagne, au milieu de la plus terrible
tempête.
Qu’il y ait changement de vie, que l’on prie, que l’on fasse pénitence.
Ou bien feu, sang et condamnation, ou réconciliation: feu de
l’amour divin, paix et pardon.
Attention, Portugal ! C’est Jésus qui te met en garde par les
lèvres de sa victime. Attention, monde entier ! Écoute la
voix de Jésus ! Lève-toi, amende-toi, réconcilie-toi
! Écoute le Père qui t’appelle, te met en garde, qui veut
te sauver.
Une pluie de sang...
Je suis morte, morte au monde, morte à tout. L’infime souffle
de vie qui, depuis déjà un certain temps agonisait, s’est
éteint. Cette force qui traînait la vie le long d’un immense
cimetière, a complè-tement disparu.
(...)
Depuis quelques jours déjà, une pluie de sang qui venait
d’en-Haut, a commencé à tomber. Il pleut du sang, continuellement.
Cette pluie a tout d’abord mouillé et imbibé les cendres;
ensuite, elle les a lavées jusqu’à ce qu’elles disparaissent;
il n’en reste plus rien. Et le sang continue de tomber d’en-Haut. Il tombe
sur ce qui est propre; il n’y a plus rien à laver. O mon Dieu, comment
puis-je parler d’une chose qui n’existe pas !
(...)
Je veux souffrir, je veux réparer pour tous ceux qui pèchent
en ce moment. Des heures se sont ainsi passées et je rentrais en
moi pour parler aux Personnes divines de mon âme. Combien de fois
je sens en moi leur royale présence ! Je sens l’Esprit Saint sur
son trône, le trône de mon cœur, entre le Père et le
Fils, et, eux, sur-tout, battent de leurs ailes blanches comme pour me
réveiller et me dire qu’ils sont présents. Il m’éclaire
de son amour, me gratifie des effusions de son divin feu... O si toutes
les âmes connaissaient et sentaient en elles la présence du
Père, du Fils et du Saint-Esprit !
Visiteurs de toutes parts...
Jour après jour ma vie devient de plus en plus, à chaque
moment, pénible et triste. L’ordre d’obéir m’oblige à
vivre cachée, à ne rece-voir plus personne, devenant ainsi,
petit à petit, oubliée. O mon Dieu, s’il ne tenait qu’à
ma volonté, c’est cela même que je vou-drais, mais quel leurre
! Plus on me veut cachée, plus on me fait connaître. Des visiteurs
arrivaient de toutes parts. La curiosité des médecins a été
éveillée.
— Oh âmes, âmes, si vous saviez les souffrances qu’il faut
endurer pour vous sauver !
— O mon Jésus, combien élevé est le prix pour
la conquête de votre amour !
Ce matin, quand je me préparais pour la visite de mon Aimé,
je me suis sentie triste et amère : mon Dieu, vous recevoir ainsi,
si rem-plie de misère !
— Ayez pitié de moi, Jésus ! O Petite-Maman, purifiez
mon cœur, mon corps et mon âme ! Préparez-moi pour la visite
de Jésus !
Il est venu et m’a rassérénée : je le sentais
dans mon âme. Il adoucit ma douleur en m'unissant toute à
Lui.
Quelques instants après on m’a apporté la nouvelle que
mes écrits, que nous croyions perdus et que le démon m’affirmait
avoir dans sa main, étaient arrivés à destination.
J’ai éprouvé une très grande joie et, étant
donné que je venais de recevoir Jésus, j’ai profité
pour le remercier plus intimement.
Peu après les visites ont commencé : Jésus m’a
donné la force pour affronter d’aussi grands sacrifices.
Vers 14,30 heures cinq hommes sont entrés dans ma chambre ;
j’ai eu aussitôt le pressentiment que l’un d’eux était médecin.
Ils m’ont interrogée. Je ne sais pas pourquoi mon regard se fixait
plus parti-culièrement sur l’un d’eux. J’ai su ensuite que celui-ci
était méde-cin. Habitée par mon pressentiment, je
répondais à toutes les questions et cherchais à m’expliquer
de la meilleure manière que je pouvais sur ma maladie. Ce n’est
pas pour autant que j’étais se-reine. O Jésus, vous seul
savez tout ce que cela m’a coûté ! Mon Dieu, quand tout cela
sera-t-il fini ? Certainement seulement avec ma mort.
Je répondais aussi avec fermeté, car la vérité
n’a qu’un seul che-min. Ensuite ils ont porté la conversation sur
l’alimentation. Quel rude coup ! Si seulement tout le monde l’ignorait
!
— Alors, pourquoi ne mangez-vous pas ?
Je ne savais pas si je parlais à des personnes religieuses ou
pas, toutefois, sans respect humain, j’ai répondu :
— Je fais la Communion tous les jours.
Il s’en est suivi un long et profond silence : pas un geste, pas un
sourire. Peu après ils ont pris congé avec respect et délicatesse.
— Jésus, ma Petite-Maman, divin Esprit-Saint, donnez votre lu-mière
à ces âmes : qu’elles soient à vous et suivent votre
chemin.
Que mes humiliations et mes sacrifices soient salut pour tous.
« J’étais sur la croix... »
Avant quinze heures, j’ai senti dans ma tête les épines
si profon-dément, qu’il me semblait, parfois, que ma tête
se couvrait tout entière de sang.
J’étais sur la croix ; j’étais sur le Calvaire, sans
lumière, sans joie, sans vie.
Qui n’a pas de vie, comment peut-il sentir ?
O mon Dieu, combien grands sont vos mystères !
« Je me suis sentie un rien... »
Fête du Christ-Roi. Au petit matin, lors de la préparation
à la Com-munion, je me suis engagée à consoler Jésus
: j’ai demandé à la Maman du Ciel de lui offrir mes prières
et tous mes actes pour sa plus grande gloire et afin qu’il règne
sur le monde entier et dans tous les cœurs. Je me suis offerte à
Jésus par Marie...
Beaucoup de personnes sont venues me rendre visite : des deman-des
étranges et désagréables m’ont fait beaucoup souffrir.
Que tout cela soit par amour de Jésus et Marie ! Ce sont Eux qui
me donnent la force pour sourire à tous et cacher ainsi ma souffrance.
Je me suis sentie un rien : un rien qui n’existe plus ; je me suis
sentie morte et, avec moi, morte aussi toute l’humanité ; mais il
s’agissait d’une mort qui n’avait jamais eu de vie. Qu’en sera-t-il
de moi, mon Dieu ? Quel tourment ! Dans cette mort émergeaient des
anxiétés presque insupportables d’aimer Jésus : aimer
sans sentir, aimer sans connaître l’amour.
Je joins cette note : de terribles menaces du démon m’ont tour-mentée
et m’ont remplie de peur et de terreur.
Mon Dieu, je ne veux que ce que vous voulez. Je suis prête à
tout. Ne permettez pas que je vous offense.
Luttes indescriptibles
Le démon est menteur, mais cette fois-ci il ne l’a pas été.
Hier, avec des paroles grossières, il m’ordonnait de me préparer
pour la nuit. Il a été de parole. Je ne sais pas avec précision,
mais proba-blement vers les 22 ou 23 heures, il est venu avec toute la
fureur et la malice infernales. Je ne veux même pas y penser. Quelle
hor-reur ! J’ai lutté pendant longtemps.
Ma peur était qu’il arrive à obtenir de moi que je dise
:
— Je ne veux pas Jésus ; je ne veux pas Marie ; je ne veux pas
le Ciel. Je les hais ! Je leur tourne le dos ! Je veux le plaisir, je veux
jouir.
Je ne peux pas le jurer, mais je crois que je ne l’ai pas dit.
Ce n’était que de temps à autre que je pouvais appeler
Jésus et la Petite-Maman, m’offrant comme victime.
Dans les moments pendant lesquels il me semblait pécher sans
au-tre possibilité, j’étreignais, comme je le pouvais mon
crucifix et la Maman du Ciel, leur disant :
— Aimer, oui ! Pécher, non !
L’affliction de mon cœur a été si grande que pendant
longtemps j’ai cru mourir.
Je me rappelais ensuite des promesses de Jésus et cela me ré-confortait.
Je veux le Ciel, mais je veux une mort d’amour. Je ne veux pas mourir
entre les mains de Satan.
Je me voyais au bord d’un horrible précipice. Parmi les ténèbres
de cet abîme on voyait de gros crochets, bien visibles. Très
épouvan-tée parce qu’il me semblait que j’allais y tomber
sans la moindre possibilité de m’en échapper, je me suis
évanouie. Mon cœur bat-tait très fort: ma mort semblait éminente.
Ce n’était que mentale-ment que j’arrivais à dire :
— O mon Jésus, si seulement je ne péchais pas, cette
souffrance m’importerait peu !
Je suis ainsi restée dans cet accablement et cette triste agonie
: le péché, le péché, quelle préoccupation
!...
Mais Jésus est venu et m’a parlé :
— Tu ne pèches pas, tu ne pèches pas, ma fille ! Aie
confiance, aie courage ! J’exige de toi cette réparation. As-tu
vu cet abîme ? Par ta souffrance tu évites à un grand
nombre d’âmes d’y tomber. Pendues à ces crochets elles restent
prisonnières pour toujours...
« Jésus, je veux vous aimer !... »
Toussaint. — Très tôt, au petit matin, pendant que je
me préparais à recevoir mon Jésus, j’ai chargé
les Saints d'aimer pour moi Jésus, la Petite-Maman et la Très
Sainte-Trinité. Dans le doute d'avoir of-fensé mon Jésus
je Lui ai demandé pardon à plusieurs reprises pour tous mes
péchés et j’ai prié la Vierge de Lui demander, Elle
aussi, pardon pour moi : je voulais faire une communion très fervente
et sainte.
Jésus est venu, et a ravivé en moi le désir d’un
amour toujours plus grand. Assez troublée par ma misère,
je n’osais pas fixer sur Lui mon regard ni Lui parler... Je cherchais à
me cacher sous toutes les montagnes ; et je l’ai fait: j’ai couru vers
celles-ci et toutes, elles sont tombées sur moi. Alors j’ai pu m’écrier
:
— Jésus, mon amour n’a d’autre fin que de vous aimer. Je veux
vous aimer, mais non pas pour paraître ni pour plaire aux créatures.
J’ai continué de demander l’amour de Jésus, sous le poids
écrasant des terribles montagnes.
Je voulais vivre la vie du Ciel, dans la pensée de tout ce que
se passait là-haut, en ce jour. Je voulais fêter les saints
et louer le Seigneur avec eux, mais je ne le pouvais point. Je criais seule-ment
:
— Jésus, je veux vous aimer !
Mais mon cri n’était pas entendu, ne sortais pas, restait suffoqué
par les rochers.
— Que faire, mon Dieu ? J’accepte avec joie tout ce qui m’arrive de
vos mains bénies. Je suis à vous et tout cela est pour vous.
De temps à autre, parmi ces désirs d’amour, intervenaient
les me-naces du démon, jusqu’au moment où, la nuit arrivant,
il est deve-nu furieux. Il utilisa tous les moyens et tous les noms mauvais
; il a même trouvé le moyen de me faire sentir dans l’âme
des désirs de pécher.
Ce sont des choses à lui, car moi, je ne veux pas pécher.
Je préfère des millions d’enfers à la plus petite
faute...
« Tu es la reine de la douleur... »
— Ma reine ! Tu es ma reine, parce que je suis ton Roi, je suis sur
ton trône, je règne en toi, tu es donc ma reine...
Je te donne encore davantage : le titre de reine de la dou-leur, reine
de l’amour, reine des pécheurs. Tu régneras, tu triompheras
sur eux.
(...)
— Je suis ton Époux, je suis ton Roi, Seigneur de tout ton être.
Je t’ai fait dépositaire de tout ; je t’ai donné toutes mes
richesses... Je t’ai fait puissante sur la terre et dans le Ciel... Bienheureux
les pécheurs qui, au moment de leur mort, auront quelqu’un qui te
les recommande et te les confie... Tu régneras, tu triompheras sur
eux.
« O ma fille, ô bien-aimée de mon Jésus !...
»
Jésus m’a déposée entre les bras de la Maman du
Ciel. Avec com-bien de douceur et si affectueusement Elle m'a embrassée
! Mon visage était tout contre le sien, couvert de tendresse et
de ses ca-resses! Je peux le dire : plus jamais je ne me suis sentie de
la sorte. J'ai eu un avant goût du Ciel. J'avais l'impression d'être
en-veloppée par un nuage.
— Maman, ma Petite-Maman, quel bonheur le mien !... Qu'est-ce que ce
sera alors de jouir de vous au Ciel et pour toute l'éterni-té
!...
— O ma fille, ô bien-aimée de mon Jésus, aie confiance,
confie ! Dans peu de temps, bien peu, pour toi ce sera le Ciel, la joie
éternelle. Je te le confirme, ma fille, les paroles du tien et mon
Jésus : tu ne l'offenses pas. J'ai compassion de toi, de te
voir au milieu d'aussi cruelles luttes, sachant combien tu aimes la pureté
: c'est pour cela que je t'aime et que Jésus t’aime, Lui aussi.
Il a besoin de ta réparation. Si seulement tu savais combien Il
est offensé par les man-quements fréquents à la vertu
de la sainte pureté !
Elle m’a caressée de nouveau et Elle-même m’a confiée
à Jésus.
— Prends, mon Fils, prends ta fille. Donne-lui maintenant ton amour,
comble-la de tes tendresses.
(...)
Prise dans les affres de l’amour, et la douleur amère de mes
fautes, le divin Esprit Saint a agité ses ailes, dans la partie
la plus intime de mon âme. Il a fait avec moi comme les oiseaux font
avec leurs petits, dans leur nid. Avec son bec de feu divin, il a alimenté
mon cœur et ensuite, l’introduisant entre mes lèvres, il a alimenté
tout mon être. Je me suis senti une vie toute nouvelle. Je pouvais
aimer et servir mon Jésus. Ces moments sont brefs ; je retourne
presque aussitôt sur ma croix, presque aussitôt je me retrouve
sans vie.
« Bergère de Jésus... »
— Ma fille, tu es mon palais, le richissime tabernacle où j’habite.
Ma fille, reine du martyre, reine de l’immolation. Reine oui, parce que
ton martyre est supérieur à tout autre martyre et immolation.
C’est pour cela que tu es reine. Ma fille, ma belle colombe, étoile
étincelante, c’est par ton éclat et ta pureté que
tu attires les âmes et les conduis à mon divin Cœur...
Courage, ma petite bergère ! Quand tu seras au ciel, on t’invoquera
sous le titre de Bergère de Jésus et sous tous les titres
sous lesquels je t’ai appelée.
(...)
L’après midi, je me suis sentie plongée dans une nuit
obscure. Il me semblait que mon corps et mon âme tremblaient, comme
s’il s’agissait d’une branche souffle par le vent. Les yeux de mon âme,
et non pas ceux de mon corps, fixaient le ciel, sans savoir com-ment. Mon
esprit s’exclamait : “Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonnée
?” À cette exclamation, d’en-Haut, sont des-cendus sur moi, divers
reflets, comme des reflets d’un soleil ra-dieux. Ces reflets venaient,
comme des flèches, me pénétrer le cœur et l’âme;
ils me donnaient la force de supporter ma grande frayeur.
« Mon âme vivait la tempête... »
(...)
Mes souffrances sont diverses. À certaines heures mon esprit
vogue dans l'air, toujours plongé dans d’épouvantables ténèbres,
sans trouver un endroit où il puisse se reposer un peu. Je veux
sortir, je veux m’en aller, rejoindre le Ciel ; mais je ne le vois pas,
je ne le trouve pas : pour le moment il n’existe pas. Jésus et la
Petite-Maman n’y sont pas; ils n’entendent pas le cri qui les appelle,
ne voient pas l’anxiété et le martyr de ce pauvre esprit.
O mon Dieu, tout est perdu !
— O Jésus, pourquoi tant de souffrance ! Le Ciel n’existe-t-il
pas ? N’y a-t-il plus d’âmes à sauver ? Tout a cessé
d’exister.
O Jésus, je suis toujours votre victime, je crois en votre existence
! Je crois au Ciel où vous habitez et qui m’attend pour vous y aimer
et vous y louer.
(...)
Tristes heures, tristes jours de mon existence... Heures terribles
de grande confusion... Mon âme avait des fracas de tempête...
(...)
Mon Dieu, quelle destruction! Devant moi une épouvantable mon-tagne:
je ne peux y monter, je ne peux pas non plus revenir sur mes pas.
Tout à coup je me suis retrouvée à genoux, les
yeux tournés vers le Ciel et j’invoquais les noms de Jésus
et Marie. J’ai crié fort du plus profond de mon âme mais mon
cri n’est pas arrivé là-haut : il se dispersait contre les
rochers de la montagne, il s’imbibait dans mon sang et dans mes chairs
lacérées par les épines, pour mourir avec moi.
(...)
Le démon ne me tourmente pas de ses assauts, mais avec des arti-fices
et des paroles scandaleuses. Il vient tout près de moi comme pour
m’agresser, mais il ne me touche pas. Il me menace en me disant :
— Je dois détruire ton corps.
Et il ajoute beaucoup d’attitudes dégoûtantes.
— Pèche quand tu veux et comme tu veux !
Et faisant semblant d’être très content, il applaudit,
danse et conti-nue ses ricanements.
— Regarde : Dom Umberto et le médecin ne reviendront plus ici
; ils t’ont abandonnée ; ils te croyaient une inno-cente alors que
tu n’es qu’une...
Et il m’appela de tous les pires sobriquets. Avec d’autres ricane-ments
il ajoute :
— Ils ont été interdits de venir ici.
— Mon Jésus, le père du mensonge ne me laisse pas. Il
est mon ennemi, mais le votre aussi. J’ai besoin de quelqu’un qui me sou-tienne.
Donnez-moi courage. Ne me laissez pas commettre le pé-ché.
Je suis très pauvre, donnez-moi vos richesses; je suis dans l’obscurité,
donnez-moi votre lumière. Je suis à vous, Jésus, je
vis pour les âmes.
(...)
Mon agonie se transforme. O quelle horreur, quelle horreur, terrible
horreur !
Mon Dieu, que m’arrive-t-il maintenant ? Mon âme est morte ;
tout ce qui m’appartenait est mort. La mort de mon pauvre corps a été
causée par les misères, la méchanceté, les
crimes honteux. Sans âme, sans vie, sans rien, comment puis-je encore
être là ? À qui appartiennent cette douleur et cette
agonie ?
Jésus, je ne sais pas !... O, quelle triste confusion ! C’est
presque du désespoir. O mon Jésus, ô Petite-Maman,
qu’en sera-t-il de moi, si vous ne venez pas à mon aide ? Si vous,
vous me manquez, qui pourra me soutenir. Sang de Jésus, douleurs
de Marie, soyez ma force dans ce martyre, car si j’y suis, c’est par amour
pour vous, pour l’amour des âmes. Je ne peut pas me complaire de
la mort de mon âme ; j’ai envie de me révolter contre vous
! Je pense aux condamnés à l’enfer ! Combien plus pénible
ne sera-t-il pas d’être condamnée pour toute l’éternité
!
« Je détruirai ton corps... »
Nouveaux assauts du démon : cette nuit il est venu animé
par une grande fureur...
— Je détruirai ton corps. Tu peux vivre aussi bien des plai-sirs,
que d’amour. Il est bien plus agréable de pécher. Je t’entraînerai
dans les plaisirs.
Ensuite, en ricanant :
— Tu vois ? Dom Umberto et le médecin ne reviendront plus ici:
ils en ont été interdits.
Et il ajoutait des sobriquets indécents.
Le démon, quelquefois, a dit la vérité.
Depuis quelques jours j’avais le pressentiment que l’on avait interdit
le Père Umberto de venir me voir...
La lutte contre le maudit s’est prolongée pendant longtemps...
Je suis restée exténuée de tant lutter.
(...)
Le matin suivant, quelques heures après la Communion, en voyant
les miens manger des mets qui me plaisaient, j’ai ressenti une grande nostalgie,
presque insupportable, de m’alimenter. Mais je suis restée
silencieuse, offrant à Jésus le sacrifice et la nostalgie
des aliments, pour ceux qui n’ont que du désir pour le péché
et s’alimentent de choses qui offensent Jésus.
Un coup douloureux
Il était déjà tard quand j’ai eu des nouvelles
qui confirmaient mes pressentiments. Mon Dieu, quelle profonde blessure
dans mon cœur! On ne me le dit pas, mais j’ai été convaincue
que le Père Umberto avait été interdit de venir jusqu’ici.
Pour moi-même, j’ai dit : “Que la volonté du Seigneur soit
faite! Bénie soit ma croix !”
J’ai pu lever mes mains et réciter le “Magnificat”, comme action
de grâces.
— Acceptez, mon Jésus, encore cette offrande.
Une force inexplicable envahit mon cœur: je voulais chanter des hymnes
de louange et d’actions de grâces. J’ai récité les
prières du soir avec beaucoup d’enthousiasme et beaucoup d’énergie.
Et puis ce furent des larmes, beaucoup de larmes autour de moi. J’ai adressé
quelques paroles de réconfort, mais cela ne servit à rien.
À côté de moi je voyais se creuser une sépulture
pour ma sœur et c’était moi qui la creusait.
— C’est moi, mon Jésus, qui suis en train d’ensevelir Deolinda,
mais involontairement.
Et mon cœur saignait au profondément.
— O Jésus, ô Petite-Maman, que tout cela soit par amour
pour vous et pour les âmes ! Que je reste seule, que tous m’abandonnent;
mais Vous, ne m’abandonnez pas ! J’ai confiance, j’ai confiance en Vous.
« J’ai tout confié à Jésus... »
(...)
Une crainte m’a envahie. Avec les pressentiments que j’avais eus et
qui s’étaient réalisés, et qui me faisaient tant souffrir,
j’ai attendu le curé avec anxiété, pour voir s’il
me disait avoir reçu l’ordre de ne plus me donner Jésus.
Il est venu ; il ne m’a rien dit, mais la crainte continue. N’y aura-t-il
que cela ? On m’a tout enlevé, sauf Vous, ô Jésus !
Tenteront-ils de le faire ?
— O mon Dieu, je mérite tout cela à cause de mes méchancetés
et de mes misères ! Je suis sûre, mon Jésus, que s’ils
procèdent de la sorte, vous y suppléerez d’une autre façon:
je le sais bien, je ne vis que pour Vous.
Un prêtre est arrivé de Mogofores avec une
famille. Cela me fut bien difficile ! De nouvelles épines m’ont
blessée, car celui qui com-prenait si bien mon âme, n’est
pas venu. J’ai cherché à cacher ma douleur par un sourire.
J’ai expliqué mes pressentiments ; on m’a répondu en voilant
le plus possible la vérité, mais j’ai tout compris. En prenant
congé de lui, je ne sais pas expliquer la profonde dou-leur que
j’ai ressentie. J’ai expérimenté une grande nostalgie de
celui que la bêtise des hommes m’avait enlevé. J’ai tout confié
à Jésus, pour tous j’ai demandé son pardon et son
divin Amour.
Volonté de mon Dieu, combien je te désire et combien
je t’aime !
Je me suis sentie plus forte, et ainsi j’ai pu couvrir, par mon sourire
la douleur qui broyait mon âme...
« Que de leçons tu donnes au monde !... »
— Donne aux âmes ce que je te donne; donne aux âmes ta
vie intime avec moi. Que de beautés, que de leçons tu don-nes
au monde !
Bénie de mon Père, dépositaire de tout ce qui
est divin ; puissante en tout, mais de tous les pouvoirs qui concernent
les âmes...
O auxiliatrice des pécheurs, aide-les, lave-les dans le sang
de ta douleur, purifie-les dans la plaie de ton cœur, plaie qui saigne
uniquement pour eux et pour moi !...
« Mon nom parcourt le monde... »
Je dicterai ce qui se passe dans mon âme pour obéir, non
pour sa-tisfaire mes désirs.
J’ai toujours devant moi l’énormité de mes misères
passées et je crains toujours de nouvelles chutes. Quelle
horreur, de voir tou-jours ce que j’ai été ! Comment puis-je,
moi qui ne suis que misère, dire quelque chose de bien ? Elles sont
bien tristes ces pensées et ces craintes! Ma confusion augmente,
me voyant les mains vides... Je me mets en présence de Jésus
sans rien, rien. Mon Dieu... sans vie pour pratiquer le bien, et sans amour
pour vous aimer ! Pour aimer et pratiquer le bien, la vie est trop courte,
et je ne la sens pas, je ne l’ai pas. Au contraire, dans l’attente de venir
à Vous, ô Jésus, pour vous aimer et vous louer éternellement,
même une heure devient une éternité ! Comment puis-je
rester ici ? Ma vie qui appartient à je ne sais qui s’est enfouie
là-haut et de là contemple le lieu où elle a laissé
ce pauvre corps... elle lutte et souffre d’une manière que je ne
sais même pas exprimer.
De dedans sortent des ondées de feu, feu qui brûle même
ma lan-gue. Souvent je demande un peu d’eau pour mes lèvres, pour
dire d’étancher ma soif. Impossible ! Les ardeurs ne cessent pas
et je demande que l’on me donne de l’eau que je ne peux même pas
avaler. Combien souffrent les damnés !...
Je continue d’entendre au loin les horreurs de la tempête. Je
sens des cœurs révoltés contre moi: ils tentent d’effacer
mon nom, ils tentent d’étouffer tout ce qui existe en moi, tandis
que moi, entre ces quatre murs, je souffre l’indicible. Mon nom parcoure
le monde comme une feuille que la tempête entraîne. Je suis
poursuivie et calomniée.
— Par qui, mon Jésus ? Vous le savez ! C’est pour toi et pour
les âmes.
Je sens mon corps comme une masse de sang; je le sens comme étant
placé entre deux montagnes qui l’écrasent jusqu’à
le faire disparaître, le réduisant à néant...
Mon Dieu, tout est mort, tout est perdu ! Et je suis seule, sans per-sonne
! Entre ces deux montagnes, lieu de supplice, il ne rentre pas un rayon
de lumière. Qui pourra me secourir ? Il n’y en a aucun. S’il en
était possible et que moi je l’ai pu, j’irais à genoux demander
de l’aide, afin que l’on libère celui qui souffre tant et duquel
je souffre l’absence. Combien je recevrais davantage de lumière
et combien davantage d’amour recevrait Jésus ! Si je le pouvais,
j’irais à ge-noux devant ceux qui me font souffrir, pour leur demander
:
— En quoi vous ai-je offensé, pour que vous me traitiez de la
sorte ?...
(...)
Cela s’est passé la nuit, je ne sais pas à quelle heure
: j’ai vu à côté de moi la Vierge de Fatima. Elle ne
s'est pas arrêtée, Elle ne m’a pas parlé. J’ai compris
qu'Elle était venue pour me montrer que je ne me trouvais pas seule,
qu'Elle était à côté de moi.
Libérée ainsi de la tristesse qui m'habitait, une douce
suavité m'en-vahit et alors j’ai pu m'endormir.
« Ma fille, ta douleur est ma consolation... »
(...) Aujourd’hui, après la Communion je me suis épanchée
avec mon Jésus pour soulager ma souffrance, mais sans en attendre
une réponse. Jésus incendia d’abord mon cœur avec de vives
flammes... Puis il a commencé à me parler :
— Ma fille, ta douleur est ma consolation ; tes larmes sont pour moi
des sourires, par la réparation que tu me procu-res. Courage pour
toutes les épreuves passées et celles qui peuvent encore
venir. Tu as ton Jésus. Que peux-tu crain-dre ? Tu as la grâce
et la force pour combattre et vaincre des milliers de mondes. La victoire
est mienne, seulement mienne. La gloire est mienne et de ceux qui en ont
le soin de mes affaires.
J’ai acquis une nouvelle force et mon âme a été
réconfor-tée. Cela a peu duré et je suis retombée
dans la souffrance habituelle...
« Restez, Jésus, cela me suffit... »
(...)
Hélas ! le vendredi et le premier samedi arrivent: deux jours
pen-dant lesquels vous me parlez. O Jésus, il a tant d’âmes
qui ne connaissent rien de tout cela et qui pourtant vous aiment et sont
saintes ! Moi aussi je pourrais vous aimer sans toutes ces choses. Eussé-je
ma volonté ! Mais je ne l’ai pas et je ne la veux pas. C’est
toujours pénible pour moi quand vous me donnez des consignes à
transmettre à d’autres personnes. Quelques fois je l’ai fait, mais
très peu. Je ne suis pas capable de le faire sinon par écrit
et si par un quelconque motif j’y suis obligée; cela me coûte
un énorme sa-crifice. Si cela n’est pas indispensable, je ne dis
jamais : « Écoute ce que Jésus a dit... », même
avec ma sœur, je ne prends jamais cette liberté ; je n’y arrive
pas, j’ai honte.
Si le Seigneur se lamente de personnes en général, sans
les nom-mer, quand je dicte, je me sens intimidé, j’aimerais l’occulter
en disant le moins possible. Il en de même quand il parle de moi
avec louange : Jésus seul sait combien cela me gêne et me
fait souffrir.
Il était 14,30 heures quand j’ai entendu des pas. J’ai compris
aus-sitôt qu’il s’agissait de monsieur le Curé. Quand je l’ai
vu seul, sans que d’autres l’accompagnent, j’ai tout de suite compris que
l’heure de nouvelles épreuves était arrivée.
Il est entré, s’est assit et, avant toute autre chose il m’a
demandé qui était mon directeur spirituel, en ajoutant de
suite :
— Je fais ceci, parce que j’y suis obligé. Cela me coûte
beaucoup; mais aie patience : il est nécessaire que je procède
ainsi car j’ai re-çu de nouvelles consignes, afin que certaines
choses soient éclai-rées. Tu ne peux plus te confesser au
Père Umberto. Moi-même je ne peux plus l’autoriser à
célébrer la messe dans l’église paroissiale et non
plus lui permettre de te porter la communion, sauf s’il me présente
une autorisation écrite de l’archevêque.
Je Lui ai répondu :
— Nous obéirons, Monsieur le Curé. Béni et loué
soit le Seigneur !
Il m’a demandé si je savais pourquoi il s’était rendu
chez moi. J’ai répondu que je l’ignorais.
— Mais lui, est-il ton directeur spirituel ?
— Je me suis confessée à lui deux ou trois fois. Je ne
suis pas la seule à le faire. Toutefois, j’avais remarqué
qu’il comprenait bien mon âme. Mon confesseur c’est le Père
Alberto Gomes et çà vous le savez.
— Mais est-il ton directeur ?
— Il m’a dirigée. Toutefois il m’a dit qu’il ne voulait en aucun
cas s’ingérer ou se substituer à quelqu’un d’autre: c’est-à-dire
le Père Pinho et le confesseur. Il ajouta même qu’il était
convenable que le Père Alberto soit au courant que je m’étais
confessée à lui.
Monsieur le Curé, avec beaucoup de charité m’a dit :
— Le Père Umberto peut venir ici te visiter, et peut aussi te
conseiller par écrit.
L’interrogatoire terminé, il s’en alla.
À peine monsieur le curé était sorti, qu'une personne
de la famille est entrée dans ma chambre, pour me demander s’il
y avait du nouveau. En souriant je lui ai répondu :
— Ce sont les caresses de Jésus.
Et j’ai continué de sourire pendant toute la conversation. J’avais
en moi une telle force que j’aurais été capable de tout accepter
avec résignation et joie. Mais cette force devait durer peu de temps.
J’ai pu encore dire à ma sœur quelques paroles de réconfort
:
— Ne t’attristes pas ! Si Dieu est avec nous, qui pourra être
contre nous ? Jésus est digne de tout notre amour. Que tout ceci
soit en faveur des âmes.
Petit à petit je me suis écroulée sous le poids
écrasant de la dou-leur: le cœur sembla s’arrêter par deux
fois et il me semblait que j’allais perdre la vie. Quelques larmes me sont
échappées : je les ai offerts à Jésus comme
autant d’actes d’amour.
— Mon Dieu, par votre grâce, je n’ai aucun attachement au monde,
non plus qu’aux créatures. Ce que je souhaite c’est vous recevoir,
et peu m’importe que ce soit par un prêtre d’ici ou d’ailleurs. Vous
êtes toujours le même, Jésus; vous êtes toujours
le Désiré de mon âme. J’ai besoin de lumière
et de quelqu’un qui me comprenne, et je suis privée de tout. Que
votre volonté soit faite. Restez, Jésus, cela me suffit.
Mon médecin est arrivé et je me suis confiée à
lui. Il m’a encoura-gée comme toujours. En prenant congé
il ajouta :
— Alors, avez-vous du courage ?
— J’en ai, docteur, mais j’ai aussi un cœur pour souffrir ! Si seule-ment
je ne l’avais que pour aimer !...
Le soir j’ai récité le “Magnificat” deux fois...
Je sens, mon Jésus, que mes épreuves ne s’arrêteront
pas là. Arrive ce qui doit arriver : restez toujours avec moi. J’ai
confiance, j’ai confiance et j’espère en vous.
« Je ne veux pas de vengeance... »
Un jour passe, passe une année, une autre encore, et moi, je
me trouve toujours au milieu de souffrances de plus en plus grandes. Je
ne sais pas comment peut-on souffrir de la sorte; comment peut-on résister
à autant ? Je ne veux pas dire que je souffre, car ce n’est pas
moi qui souffre: c’est Jésus qui souffre en moi. Mon âme a
laissé la terre, mais continue de ressentir la douleur: elle se
sent broyée, détruite...
Mon Dieu, combien coûte cette séparation de l’âme
du corps ! Combien coûte de ne pas avoir de vie et de ressentir la
douleur ! Tous s’éloignent de moi : je ne sens pas la présence
de l’Esprit Saint ; je ne ressens pas de l’amour pour Jésus. De
temps à autre j’ai envie de l’aimer : ce ne sont que des envies;
c’est un amour qui naît pour mourir de suite, c’est un feu qui consume,
mais qui est éteint; on ne voit aucun signe de flamme. O douleur
qui tue l’amour ! O douleur, à qui appartiens-tu et pour qui souffres-tu
!
— Jésus, je suis sur la cime du calvaire, clouée sur
la croix. Ma peur et mon cri ne s’arrêtent pas. Pauvre de moi ! Mais
il n’est pas en-tendu: il est étouffé par le souffle des
vents, par la fureur de la tempête qui ne s’arrête pas, qui
continue toujours. Il est étouffé par les hurlements de l’humanité
révoltée contre moi.
Du haut de la croix je ne peux lever mes yeux vers Vous, ô Jésus
! J’ai honte, j’ai l’impression de ne pas être écoutée
de vous... Dans ma détresse, je suis allée jusqu’à
demander au docteur si je pou-vais m’enfuir dans un endroit où personne
d’autre ne me trouve.
— Mon Jésus, j’aimerais partir, non pas pour m’enfuir, mais
pour être oubliée, pour ne pas être une entrave pour
les âmes, pour ne pas causé des troubles, comme le dit quelqu’un.
Je ne demande pas vengeance, pour celui qui me fait souffrir. Je souhaite
pour eux ce que je souhaite pour moi: abondance de grâces et l’Amour
su-prême. Ce ne sont pas des paroles sorties uniquement de mes lè-vres
; elles viennent du plus profond de mon cœur et de mon âme...
O Jésus, je n’ai jamais cherché à tromper quelqu’un
! Cela ne m’est jamais venu à l’esprit de faire du bien pour être
agréable aux créatures et pour passer pour quelqu’un de bien.
Mais j’ai eu la tentation de Vous tromper, mon Jésus. Je sais que
cela aurait été impossible ; mais vous savez que je ne l’ai
pas pensé, que je ne veux pas passer pour ce que je ne suis pas.
Grâces à vous je connais ma misère ; je suis mauvaise
par ma propre faute, rien que par ma faute. Et par votre grâce, je
confesse humblement l’être. Jamais je n’ai pensé me servir
de vous pour remédier à mes maux, ni à ceux des miens;
mais uniquement pour implorer votre secours et être toujours confiante
dans vos moyens... Si seulement je pou-vais, Jésus, descendre de
mon lit, passer la nuit sur le dur parquet pour faire pénitence
et implorer vos divines grâces pour tous ceux qui souffrent à
cause de moi ! Si seulement j’étais la seule à souf-frir
! Cela me fait beaucoup de peine que ceux qui me sont chers, et ceux à
qui je dois tant, pour tout ce qu’ils ont fait pour moi, souffrent eux
aussi...
Rappeler ce que le Christ a souffert
(Moments de la Passion)
(...)
À l’aube je me sentais en prison : triste, harassée,
épouvantée et honteuse ?
Plus tard, les mains attachées et la tête douloureuse
et sanguino-lente à cause des blessures de la couronne d’épines,
j’avais l’impression d’être conduite par les chemins. Une multitude
de curieux me regardait : les uns avec compassion, les autres avec dé-goût.
J’entendais le tumulte du peuple : un énorme charivari ! Je me sentais
seule. J’ai regardé vers Jésus crucifié : je me suis
vue enlacée à la croix et j’ai dit à Jésus
:
— Mon Jésus, qu’importe si tous m’abandonnent, si vous, vous
ne m’abandonnez pas ? Si je vous possède et si vous êtes avec
moi, je ne suis pas seule.
Dans l’après-midi, je me suis sentie sur la croix: l’âme
clouée avec le corps, les deux dans une même douleur. L’âme
élevait le regard vers le Ciel : elle n’y voyait que douleur et
mort, elle ne pouvait rien dire à Jésus.
Il est venu, il est venu plein d’amour :
— Viens, ma fille, folle de douleur et d’amour, viens vers Moi. C’est
douleur qui sauve, c’est folie d’amour pour Moi. Si le monde connaissait
cette vie d’amour, cette union conjugale de Jésus avec l’âme
vierge, avec l’âme qu’Il se choisit pour épouse ! Le monde
l’ignore et, comme il l’ignore, il la calomnie, la méprise, la poursuit.
O ma belle colombe, tu es épouse et mère ; mère
qui ne cesse d’être vierge. Tu es mère des pécheurs
: ils sont les enfants de ta douleur, les enfants de ton sang, sang que
tu perds goutte à goutte, enfants de ton amour. Du Ciel, ma
fille, tu entendras très souvent les pécheurs t’appeler de-puis
la terre et t’invoquer du doux nom de mère. T’invoqueront ainsi
ceux qui ce verront libérés des mains du démon et
reconnaîtront avoir été libérés par toi,
s’approchant ainsi de mon divin cœur. Grande douleur, bienheureuse douleur
!...
— Mon Jésus, combien je suis gênée et confuse !
Si je pouvais oc-culter tout cela ! Si seulement tout ceci pouvait rester
entre Vous et moi ! Cela me rend confuse, en regardant ma misère
!
— Tu sais déjà que j’ai besoin de ta misère pour
cacher ma grandeur. Écris tout cela, écris, ma fille. Si
ce que je dis restait dans le secret, cela ne servirait à rien,
pour le monde. Mère des pécheurs, nouvelle co-rédemptrice,
sauve-les. Jamais il n’y eut et jamais il n’y aura aucune autre vic-time
immolée de cette manière, car jamais le besoin n’a été
aussi grand qu’aujourd’hui, mais le monde a tant péché. Dix-neuf
siècles se sont écoulés depuis que je suis venu sur
la terre, et pourtant j’ai dû susciter une nouvelle âme coré-demptrice
choisie par Moi pour rappeler au monde ce que le Christ a souffert, ce
que c’est que la douleur, ce que c’est que l’amour et la folie pour les
âmes. Tu es la nouvelle co-rédemptrice qui vient les sauver;
tu es la nouvelle coré-demptrice qui rallume dans l’humanité
l’amour de Jésus. Nouvelle corédemptrice qui sera rappelée
jusqu’à ce que le monde existe.
Ma fille, tu es le livre sur lequel sont écrites, avec douleur
et sang, en lettres d’or, toutes les sciences divines ! Cou-rage, mon aimée,
ne crains pas la tempête, ne crains pas le bruit du tonnerre annonciateur
des nuages qui font pleuvoir des grâces, de l’amour et de la manne
céleste !
Rassasie-toi, ma fille: c’est d’amour et de manne que tu vis. Rassasie-toi
afin que tu puisses en distribuer aux âmes.
— Merci, mon Jésus !
Je me suis sentie plongée dans l’amour de Jésus avec
une telle in-tensité que, le colloque terminé, je pensais
ne pas pouvoir suppor-ter le feu qui me dévorait le cœur...
« La douleur est fille de l’amour !... »
Nuit de douleur, nuit de ténèbres. Le démon est
venu... Il m’est apparu sous la forme d’un serpent épouvantable.
Il était aussi gros qu’une personne, recouvert d’écailles
longues et dégoûtantes. Il s’enroulait de façon à
paraître non pas un, mais une montagne de serpents. J’en suis restée
troublée...
— Tu es condamnée à l’enfer ! Dis-moi que tu veux les
plai-sirs; dis-moi que tu veux le péché ! Ou bien tu désistes
de ton sacrifice comme victime ou je détruis ton corps et je t’engloutis.
Et en disant ceci, il faisait un mouvement comme pour m’avaler.
Dans les moments les plus désespérés, j’ai demandé
l’aide du Ciel... Combien Jésus veille et défend celui qui
ne veut pas l’offenser! J’ai été libérée. Bien
que la nuit ait été lumineuse, je suis restée dans
la plus grande obscurité et dans une tristesse de mort...
Au matin, après la Communion, Jésus m’a parlé
avec son habituelle douceur :
— Ma fille, colombe aimée, lys blanc, viens et écoute-Moi.
L’époux qui aime est fidèle, il confie à l’épouse
ses douleurs et ses chagrins. Regarde comme je suis triste ! Mon Cœur est
trop blessé. Les pécheurs n’arrêtent pas de le blesser.
ils m’offensent toujours davantage par leur malhonnêteté et
leur impudicité. Les plaisirs, la chair, la maudite chair ! Même
par des prêtres je suis énormément offensé...
Ils font désordre, scandalisent tant ! Courage ! Donne-Moi répara-tion
par tes combats contre le démon...
La douleur est fille de l’amour. C’est par la douleur et l’amour que
tu donnes vie à mes enfants. Cette douleur et cet amour ne pouvaient
être partagés que par une victime à qui il a été
donné d’accomplir sur la terre la mission la plus haute et la plus
sublime.
Les amis de ma cause portent dans leurs mains l’étendard du
triomphe et de la royauté divine.
Courage, ma fille. C’est Jésus qui te le demande: courage !
Je te rends semblable à Moi. Moi aussi j’ai été persécuté.
En tous temps, mon Église et ce qui est à Moi ont été
l’objet de persécutions. Comment ne devrait pas l’être, maintenant,
ma cause la plus chère, la mission la plus difficile ? Cou-rage,
mon aimée ! C’est la rage de Satan.
La Petite-Maman est venue ensuite se placer à ma droite. Elle
m’a demandé d’être courageuse au nom de son divin Fils :
— Courage, courage, ma fille ! Je te demande, au nom de mon amour et
au nom du tien et mon Jésus ! Accepte ; souffre tout. Console son
Cœur blessé par les péchés du monde.
Et maintenant je viens confirmer les paroles de mon divin Fils. Tu
es reine des pécheurs, tu es reine du monde. Ac-cepte mon très
saint Manteau, il est à toi. Enveloppe-toi en lui, mets-le autours
de tous ceux qui te sont chers et qui de plus près participent à
ta souffrance. En prenant soin de la cause de mon Fils, ils sont chers
à ton cœur, au mien et au Cœur de mon Fils Bien-Aimé. Ceux
qui se sont associés à ta souffrance, ce sont ceux que nous
voulons purifier et sanc-tifier. Place donc autour de toi tous les pécheurs.
Tu peux couvrir le monde entier avec mon Manteau. Il est assez grand pour
tous les couvrir. Accepte ma couronne. C’est moi-même qui la pose
sur ta tête. Tu es reine !
Mon Dieu, que je suis gênée ! Comme j’étais petite,
mesquine, de-vant la Petite-Maman !...
« Jésus m’a confié l’Humanité... »
(...)
Comme une colombe qui dans l’obscurité ne trouve pas son chemin,
je bats, sur place les ailes liées, ne pouvant ni descendre ni partir,
dans la crainte de tomber irrémédiablement. O mon Dieu, qu’en
sera-t-il de moi ?...
Ce matin, assez tôt, la douleur que je ressentais en moi était
assez grande : la répugnance et la gêne que me causait la
vue de tout le peuple qui se préparait, dans l’attente de nouveaux
événements, étaient assez fortes. Il me semblait
voir des groupes, ici - là, fai-sant des commentaires.
Mon Dieu, le vendredi m’attend ! Quelle peur ! Tout ce que je res-sens
et vois, vous est arrivé, Jésus ! Ce sont vos souffrances,
celles que vous avez souffertes par amour pour moi !
Mon regard semble pénétrer au plus profond de la multitude
qui s’agglutine sur la route. Mon âme ressent tout cela.
Sur le flanc d’une colline, près de l’entrée de la cité,
je vois le fi-guier maudit par Jésus. Plus bas, quelqu’un porte
sur la tête une cruche d’eau. Il y a des rencontres et des chuchotements;
ils se parlent et se préparent pour de nouveaux événements.
Je vois tout, je ressens tout. Combien je souffre en silence ! Le figuier,
je me souviens l’avoir vu bien vert; aujourd’hui il est desséché,
comme du bois sec pour le feu.
Je ne pensais pas tout à fait à tout cela. Toutefois,
sentant que je commençais à revivre ces scènes, je
cherchais à me distraire et à faire comme si je ne sentais
rien. Efforts inutiles. Ces sentiments se ravivaient de plus en plus dans
mon âme. Je faisais des efforts pour ne pas les ressentir, non pas
pour fuir la douleur ni la volonté de mon Jésus, mais par
peur de me tromper et d’être dans l’illusion. Je me suis toutefois
convaincue que je n’étais point dans l’illusion. Jé-sus,
en voyant la peur que j’avais de me tromper, ne pouvait me laisser dans
le doute. Personne mieux que Lui ne sait que je ne veux tromper personne...
« Ta douleur, est une douleur de salut !... »
(...)
Jésus est venu et il m’a réchauffée à la
chaleur de son divin amour. Il m’a dit :
— Ta douleur, ma fille, est une douleur de salut. La mer immense de
sang qui ruisselle de ton cœur est un lieu où sont immergés
les pécheurs. C’est dans le sang de ta dou-leur qu’ils sont purifiés.
Tu es une deuxième arche de Noé. Je recueille en toi
les pécheurs ; en toi, comme à l’intérieur de cette
arche, je rassemble tout pour la vie du nouveau monde. Ta douleur, ton
immolation ce sont des douleurs et des immolations da-vantage pour les
âmes que pour les corps. Courage, ma pe-tite fille ! Ne crains rien.
La pluie qui tombe sur la nouvelle arche n’est pas de condamnation, mais
de salut : c’est une pluie d’humiliations, de mépris et de sacrifices.
L’arche n’est pas en danger : elle vogue dans la haute mer. Une fois les
flots de la persécution abaissés, le monde verra la ri-chesse
du salut que l’arche contenait.
Ma petite fille, ma Mère bénie est avec moi, écoute
ce qu’elle a à te dire.
— Ma fille, me voici avec mon divin Fils pour te confier l’Humanité
et la renfermer dans ton cœur. La clef reste en-tre les mains de Jésus
et dans celles de ta Petite-Maman. Je t’ai donné mon Manteau et
ma couronne de reine : tu as été couronnée par moi.
Sois la reine des pécheurs, du monde, choisie par Jésus et
par Marie. Aujourd’hui, jour de ma conception Immaculée, nous te
confirmons ton pouvoir royal. A partir de ce jour, il est entre tes main
s; dirige-le, conserve-le. Conserve-le sur la terre comme tu les conser-veras
et dirigeras ensuite au Ciel. J’ai choisi ce jour de fête en mon
honneur, afin qu’en union avec moi soit fêté ce jour où
je t’ai confié l’Humanité...
J’ai senti comme s’ils m’ouvraient le cœur. Après y avoir déposé
quelque chose, ils l’ont fermé à clef. Ils l’ont réchauffé.
Ensuite je me suis vue entre Jésus et Marie, comme sous une presse
: telle-ment ils me seraient entre leurs divins Cœurs. J’avais l’impression
de ne pas pouvoir résister à tant d’amour...
La Petite-Maman a poursuivi :
— Ma petite fille bien-aimée, reçois la vie de laquelle
tu vis, reçois la vie du Ciel, reçois-la et donne-la aux
âmes.
Puis, Jésus ajouta :
— Lys très pur, étoile scintillante qui brilleras nuit
et jour, lumière qui guides les pécheurs, lumière
et guide de tous ceux qui me suivront et m’aimeront d’un amour très
pur et fort, courage, ne crains pas la guerre du monde...
— (...) O Conception pure, ô Mère de Jésus, conservez
mon corps cloué sur la croix, enlacé à la croix !...
J’ai reçu de nouvelles consolations de Jésus et de la
Maman du Ciel. Je leur ai fait l’offrande de moi-même, de ceux qui
me sont chers et enfin du monde entier, en y incluant ceux qui me font
souffrir da-vantage.
— Petite-Maman, je dépose l’Humanité entre vos mains...
Sauvez-la. Vous seule le pouvez.
Je me sens si confuse et gênée pour cette offrande du
monde. Que pourrais faire ma misère sans votre protection ? O Jésus,
ô Petite-Maman, je me consacre à vous, comme le soldat qui
veut combat-tre pour défendre votre royaume ! Je veux lutter et
obéir : com-mandez ! Moi, avec votre grâce, je produirai des
fruits, je serai forte. Avec la grâce et la force d’en-Haut, le monde
sera sauvé...
Un petit rayon de lumière
Dans la matinée d’aujourd’hui, à cause de ma douleur,
je n’ai pas pu faire mes prières, ni me préparer, comme je
le dois, à recevoir la Communion.
L’âme se déchirait comme un chiffon usagé ; fil
à fil, elle se pulvéri-sait, se dissolvait...
Même la venue de Jésus ne m’a procurée ni soulagement
ni joie. Je suis restée dans le même état d’âme.
Je l’ai remercié comme je l’ai pu.
Ensuite, je me mis à lire la correspondance que l’on m’avait
confiée. La deuxième lettre que j’ai lue, a fait briller
un petit rayon de lu-mière dans mon âme. Un poids écrasant
qui m’opprimait tout mon être a été soulagé
: sans pour autant faillir à la sainte obéissance, le Père
Umberto a pu m’écrire pour alléger un peu ma souffrance et
me donner quelque lumière au milieu des ténèbres.
Je ne sais comment, dans une impulsion d’amour, j’ai pu me mettre à
genoux, lever les mains, réciter le “Magnificat” : prière
que je fais toujours quand je reçois de Jésus une attention,
soit qu’elle vienne me blesser, soit qu’elle vienne adoucir ma souffrance...
Avec ma sœur et mes cousines nous avons chanté des louanges à
Jésus-Hostie et à la Maman du Ciel.
Après cela, je suis retombé dans mon lit et retournée
sous ma croix bien-aimée. La joie est vite tombée. J’accepte
tout comme Jésus le veut. Je ne suis pas habituée à
m’abandonner à la joie, mais si je l’étais, je ne me sentirais
soulagée que pour peu de temps: tout à coup elle arrive,
tout d'un coup elle s’en va. Les mêmes extases meurent comme des
choses qui ne me concernent pas.
J’ai passé le reste de la journée plongée dans
la souffrance, res-sentant dans mon âme l’humiliation par laquelle
sont passés les pères Salésiens par ma faute. Pour
avoir fait du bien et soulagé une pauvre âme, ils en ont souffert.
Mais, comme il est doux de souffrir pour l’amour de Jésus et des
âmes !...
« Convertissez-vous, pécheurs !... »
(...)
Je suis fatiguée de tant de souffrances. Le corps s’y prête
moins, mais la volonté est prête: elle désire ardemment
et veut unique-ment la volonté divine.
Ces derniers jours j’ai commencé à ressentir, plus que
jamais, et aujourd’hui d’une manière insupportable, le souci de
sauver le monde...
Je veux tout le sacrifice, et de bonne volonté je me laisse
immoler pour le sauver. Je désirerais avoir en main un poignard
pour ouvrir dans mon cœur une plaie si profonde d’où coulerait assez
de sang pour écrire sur toute la terre : “convertissez-vous, ô
pécheurs, n’offensez plus Jésus ! Le Ciel est si beau ! Et
Jésus nous a tous créés pour le Ciel”.
Je désirerais aller à genoux, par étapes, dans
toutes les parties du monde, pour laisser bien visibles, sur chaque morceau
de terre, écrites par mon sang ces paroles : “Pécheurs, convertissez-vous,
convertissez-vous !”
Je ne sais pas ce que je dois faire de plus, mon Jésus, pour
vous et pour les âmes.
Pendant la nuit j’ai subi les assauts du démon... J’ai vu des
abîmes sans fin. Au milieu de nauséabonds détritus
se trouvaient de gros serpents et d’énormes crocodiles qui tourmentaient
et terrorisaient une multitude que je pense être des âmes qui
y étaient tombées. Exténuée par la lutte, et
craignant tomber là-dedans, je ne pouvais invoquer Jésus.
Et le démon me disait :
— Invoque-moi, dis que tu veux de moi, que tu ne veux plus de Dieu,
que tu veux le péché et les plaisirs.
(...)
Je vis les moments les plus terribles. Vers la fin de mon combat, j’ai
pu invoquer le Ciel...
Dans le même endroit où se trouvaient les abîmes,
j’ai vu apparaî-tre un beau jardin rempli de fleurs de diverses variétés.
Elles étaient si belles ! Au milieu de celles-ci tombaient des rayons
très brillants, plus brillants que l’or. J’ai contemplé tout
cela sans en connaître la signification.
Au même moment, Jésus m’a dit :
— Les fleurs de ce beau jardin ce sont tes héroïques vertus.
Leurs pétales sont fins, délicats ; leur parfum est attrayant
; les rayons ce sont ceux de mon divin Amour. Ne pleure pas, ma petite
fille ; ta pureté ne se salit pas dans les combats livrés
contre le démon ; tu en sors chaque fois bien plus pure, bien plus
charmante. C’est la réparation que j’exige de toi. Si cette réparation
n’avait pas lieu, ils tomberaient dans les abîmes où tu as
vu tant et tant d’âmes, s’y tortil-lant éternellement...
« Je dois veiller et garder... »
Un nouveau tourment pour mon âme, qui me fait souffrir et qui
ne me laisse jamais de repos : j’aimerais me cacher dans un coffre, que
personne ne connaisse ni ne puisse ouvrir ; j’aimerais m’attacher les bras
sur le cœur par un nœud tellement serré que nul ne puisse le desserrer,
parce que je veux défendre je ne sais quoi qui m’a été
confié et que je dois veiller et garder.
— Mon Dieu, je ne sais comment réussir à le défendre,
à bien le garder, et à le conserver entièrement. Je
me réfugie, ô Jésus, dans votre divin Cœur ; que celui-ci
soit le coffre béni qui me garde pour toujours et garde aussi ce
qui m’a été confié, et me cause autant de préoccupations
! En lui, je serai bien, je me sentirai sûre. Je ne courrai pas de
risques, ni moi ni ce que je dois garder. Gardez-nous pour toujours.
« Celui qui souffre avec Moi est vainqueur avec Moi »
(Moments de la Passion)
C’est jeudi. Il fait déjà nuit. Le tourment est grand.
Tout vendredi qui approche est pour moi une mort.
Je me sens comme si je me trouvais dans un grand banquet de joie, parlant
avec celui qui parle et souriant avec celui qui sourit.
Et mon âme, dans une grande agonie, quitte la terre, monte vers
le Ciel pour exclamer :
— O mon Dieu, qu’est-ce qui m’attend !
Pendant ce banquet de joie, le cœur est broyé, à l’extérieur,
mal-traité, raillé et méprisé. Tous sourient
avec sarcasme dans l’attente de nouveaux événements.
— Jésus, je suis votre victime et rien de plus.
« Ton nom sera prononcé avec respect... »
Avant l’aurore je me suis réveillée d’un léger
sommeil. Mon Dieu, c’est vendredi. Sur moi tombe une nuit obscure. À
chaque moment qui passait, il me semblait cheminer vers la mort; non point
comme quelqu’un qui chemine avec amour et joie, mais comme quelqu’un qui
va à la mort, et qui ressent la plus grande horreur et la plus grande
répugnance.
Plongée dans cette souffrance, l’heure de la Communion arriva.
J’ai fait mes demandes à Jésus. Il m’a parlé. J’ai
reçu des forces pour pouvoir résister à la douleur
et supporter les bousculades, les plai-santeries, les moqueries que je
recevais. Je devais tout souffrir en silence, sans mot dire. Je ressentais
la douleur de Quelqu’un qui pleurait en voyant tout ce que je souffrais.
Et ce Quelqu’un avait un amour de Mère. En silence j’ai uni ma douleur
à la sienne.
Jésus est venu et d’une voix douce et tendre, il m’a dit :
— Ma fille, uni ton cœur au mien, adoucis-le dans l’amour de mon divin
Cœur ; Moi, je radoucis le mien dans le tien. Tu m’aimes ; Moi aussi je
t’aime; tu es un écrin de richesse, dépositaire des dons
divins. Ma fille, mon ange aimé, ta souffrance sert à embellir
le manteau et la couronne que ta chère Petite-Maman t’a confiée...
C’est une souffrance de gloire, c’est une souffrance de salut. C’est une
mer de martyre ; c’est une mer d’immolation. Ma fille, céleste jar-din
de divines fleurs, prairie verdoyante qui alimentes les pécheurs
; alimente-les de grâce, de pureté et d’amour ; garde-les,
guide-les, bergère divine, bergère choisie par Jé-sus.
Ma fille, maîtresse de la science divine, garde ce qui, cela fait
huit jours aujourd’hui, a été déposé dans ton
cœur par Moi et par ma Mère bénie : c’est le monde, ce sont
les pécheurs... Ma fille, en toi il est écrit tout ce qui
est divin. Par toi ils apprendront à aimer ; par toi ils apprendront
à souffrir ; par toi ils apprendront à connaître comment
Moi, je me communique aux âmes. Ils ne le savent pas, ils ne l’étudient
pas et font, de cette manière, souffrir beaucoup mon divin Cœur.
Courage ! Celui qui souffre avec Moi, avec Moi est vain-queur. Ils
pleureront des larmes de repentir en voyant que ton nom, maintenant tant
décrié, sera glorifié avec Moi et avec ma Mère
bénie, sur la terre et dans le ciel...
Quand, il y a déjà quelques années, je te disais
que c’était Moi ton directeur, je faisais allusion à ces
temps-ci. Ce n’était pas pour mettre de côté ton directeur.
Oui, j’avais besoin de lui, uni à Moi, pour te guider et te porter
à la hauteur que mon divin amour exige. Je voyais déjà
la cruauté et les persécutions des hommes. Courage ! Ton
nom, que tu sens souillé, dans peu de temps sera prononcé
avec respect et loué avec le Mien.
La garde du trésor caché...
(...)
Je ne sais pas comment vivre. Je suis exténuée par l’effort
que je fais pour conserver dans mon cœur ce que Jésus et la Petite-Maman
m’ont confié. J’ai l’impression de vivre les bras croisés
sur la poi-trine, très serrés, pour défendre et protéger
[le précieux dépôt].
D’autres fois, je coure comme une folle, pour fouir un considérable
assaut.
Il vient sur moi je ne sais quoi. Une multitude innombrable veut me
voler ce que j’ai dans le cœur, et moi je fouis comme une folle pour tout
cacher. Je veux enrouler autour de moi des chaînes robustes, de grosses
chaînes, afin que rien ne me soit volé. Dur tourment pour
mon âme : je n’obtiens rien.
Pendant ces heures de souffrance, le démon m’a livré
un terrible assaut. J’ai cru qu’il m’avait tout volé; que j’étais
restée sans cœur, sans rien. J’étais comme une simple coquille
d’œuf qui n’a plus rien à l’intérieur. J’ai senti comme si
ce butin avait été porté très loin.
Le démon voulait m’obliger à dire :
— Je ne veux rien garder en moi ; je veux pécher, je veux jouir
!
Et il m’affirmait que je péchais...
Rarement j’ai réussi à implorer le secours du Ciel...
J’étais dans un bain de sueur, dans une faiblesse indicible.
Enfin, j’ai réussi à clamer :
— Mon Jésus, je n’en peux plus !
L’assaut prit fin, mais je ne pouvais plus bouger. J’étais dans
une grande peine en me voyant privée de l’immense trésor
que j’avais possédé en moi, et dans la crainte d’avoir péché,
je murmurais :
— Mon Dieu, mon Dieu ! Et moi je suis dans l’obscurité, sans
guide, sans un prêtre à qui me confier ! O Ciel, ô Jésus,
ô Petite-Maman !
Et Jésus est venu :
— Non, tu n’as pas péché ! Je suis avec toi !
Après quelques instants, j’ai commencé à m’apercevoir
que j’avais toujours en moi le riche trésor que le démon
affirmait m’avoir volé. Mon âme en ressentit une grande joie
et je voulais à tout prix enla-cer et baiser cette richesse : j’éprouvais
la joie d’une mère qui, ayant perdu son enfant, l’aurait retrouvé.
Je ne peux pas expliquer la préoccupation que cela me procure ;
étant toujours sur le qui-vive, de peur que quelqu’un me le vole...
« Tu es ma transformée... »
(...)
Le démon mène de terribles assauts contre mon cœur. Il
veut y entrer pour me voler la fortune qui lui a été confiée...
Je ressens une telle faiblesse que je reste effondrée.
— Jésus, c’est pour amour pour vous. Je n’ai pas de force pour
res-pirer ; peu à peu j’ai perdu tout mon sang ; j’ai l’impression
d’être moribonde.
J’ai commencé à sentir dans mon âme une paix douce
et suave : c’était une paix céleste. C’était comme
si je quittais le monde et si j’allais jouir dans le ciel. Je suis restée
longtemps comme si je dor-mais tranquillement, réchauffée
par une chaleur qui brûlait dans mon cœur et m’irradia tout entière.
Jésus a commencé à me parler :
— Ma fille, tu ne vis pas la vie du monde : tu es détachée
de tout ce qui lui appartient. Tu vis du ciel, tu vis de ce qui est divin.
Tes sentiers sont les sentiers du Christ : c’est pour cela que tu n’es
pas comprise. Ta mission est sublime, mon ange ; c’est la plus riche des
missions. Voilà le motif de la haine et de la persécution
: haine de la part du démon à cause des âmes que tu
lui enlèves; persécution de la part du monde parce qu’il
ne comprend pas la vie que tu mènes, parce qu’il ne comprend pas
ma Vie dans les âmes...
C’est douloureux pour mon Cœur de voir ta souffrance. Il est nécessaire
que les hommes étudient profondément, pour qu’ils puissent
comprendre la vie du Christ dans les âmes.
Quand je t’ai créée, je t’ai faite avec la perfection
néces-saire pour accomplir la mission la plus sublime. Ainsi j’ai
choisi les âmes qui devaient te guider, des âmes qui com-prennent,
des âmes qui vivent uniquement ma vie, la vie intime avec Moi. Que
l’on prenne soin de toi, que l’on prenne soin de Moi. J’aimerais que tous
mes disciples étu-dient cette science divine. Mais ils ne l’étudient
pas, ils ne la comprennent pas. Je leur donne les lumières nécessaires
et eux, ils cherchent à les éteindre, mais en vain.
En tous temps j’ai eu besoin de victimes, mais maintenant, plus que
jamais. Je t’ai choisie pour être immolée en cette époque
pendant laquelle l’humanité est plongée dans un immense océan
de boue et de vices. C’est ça que tu sens vouloir te voler: le monde.
C’est le vice qui mène l’homme ; c’est le vice le voleur de tout
ce qui m’appartient.
O bergère, reine du monde, c’est Moi, Jésus, qui t’ai
choisie ; c’est Moi qui t’élève aussi haut...
J’ai tout écouté sans mot dire. Il parlait et moi je
brûlais dans un feu vivifiant qui m’unissait de plus en plus à
son divin Cœur.
— O mon Jésus, que pourrais-je vous dire ! Plus Vous me parlez,
plus je me rends compte de ma petitesse. Je m’humilie, je m’humilie, Jésus
! J’ai honte pour ma misère et que malgré celle-ci vous veuillez
Vous servir de moi pour des choses aussi grandes. C’est Vous qui travaillez,
qui Vous faites connaître, c’est Vous qui parlez de votre puissance.
Tout vous appartient.
— Violette aimée, asile très pur où j’habite !
J’habite en toi sur la terre comme au ciel tu habiteras avec mon Père
éter-nel ; tu es mon Alexandrina transformée en Christ, unique-ment
en Christ.
— Merci mon Jésus, mon Roi d’amour !
« Ma faiblesse est due à la souffrance... »
Avec une telle faiblesse, avec une telle souffrance, pourrai-je rester
encore longtemps en cet exil ?
Mon Dieu, si vous le voulez, je résiste à tout.
Ma faiblesse est due à la souffrance, est due à mon vouloir
embras-ser le monde, et l’embrasser d’un embrassement éternel.
J’aimerais le voir réuni dans une même hymne de louange
à Jésus, dans un incendie d’amour divin. Je ne sais pas quoi
désirer de plus ; je ne sais pas où me cacher avec lui. J’aimerais
voler vers le ciel et emmener le monde avec moi, le monde entier, ne laisser
ici au-cune créature. Je veux monter avec lui et, une force invincible,
ce me semble, me retient ici-bas, cherchant à me le voler. Je ne
sais pas ce que cela peut être...
Dans cette anxiété douloureuse de vouloir me purifier
et purifier le monde, d’aimer Jésus et de tout faire pour que le
monde l’aime aussi, et dans le fait de ne pas savoir comment y réussir
pour moi et encore davantage pour l’humanité entière, j’ai
commencé à pleurer d’amères larmes, des larmes que
seul Jésus, du ciel, peut voir.
J’ai de nouveau offert mon cœur à Jésus et je lui ai
demandé de venir y naître de nouveau...
La crèche...
Tous les jours de fête sont pour moi des jours de profonde tris-tesse.
Je m’efforce toujours de consoler ceux qui m’entourent, de me montrer joyeuse
: mais c’est une joie feinte. Je regarde Jésus et la Petite-Maman,
j’élève ma pensée vers le ciel, et par amour j’accepte
la souffrance. C’est par amour que la triste devient pour moi allégresse.
Je ne regarde pas la terre, je fixe mon regard dans le ciel : ce n’est
qu’ainsi que les épines deviennent des roses, et la souffrance douceur.
À minuit, le soir de Noël, autre était la nuit que
j’avais dans mon âme. Des douleurs très aiguës traversaient
tout mon corps. Je n’ai pas pleuré, mais j’ai gémi. Cependant,
Jésus sait combien j’ai souffert.
J’ai entendu les pétards et le son des cloches.
J’ai demandé que l’on m’apporte la statuette de Jésus
enfant. Je l’ai placée sur ma poitrine, je voulais la réchauffer.
La chaleur que je lui ai procurée ne fut pas du tout celui que je
voulais : j’aurais voulu l’enflammer par un feu d’amour. Je désirais
lui dire beaucoup de choses, mais je ne savais pas. Je l’ai serré,
doucement, contre ma poitrine, et j’ai continué de gémir.
Je suis certaine que Jésus les a acceptés, et ne s’est pas
attristé. Personne comme Lui ne voyait combien je souffrais; personne
comme Lui ne sait que quand je gémis, c’est par amour; que je gémis,
mais seulement quand je n’en peux plus.
Je ne sais pas combien de temps s’est ainsi écoulé. Je
sais que je suis passée à une autre vie et que j’ai entendu
Jésus dire dans mon cœur :
— Je suis né dans la crèche de ton cœur, ma fille. C’est
l’Époux qui vient vers son épouse... Reine d’amour, comme
je suis bien ici. La crèche que tu m’offres n’est pas gros-sière
comme celle de Béthléem : il est doux de tes vertus. Dans
ta crèche, je ne sens pas la rigueur du froid ; j’y suis réchauffé
par l’amour le plus pur et le plus brûlant.
Tu es mon étoile, étoile qui guide le monde, comme l’étoile
qui alors a guidé les Mages dans leur route vers Béthléem.
Dis à tous, ma fille, à ceux qui ont soin de toi, à
ceux qui te sont chers, qui t’aiment et qui sont autours de toi, que je
leur donne l’abondance de mes grâces, une ondée de mon amour
divin, une place toute particulière dans mon divin Cœur, ainsi que
la promesse du Ciel...
« Dans le monde je vois Jésus... »
(...)
O mon Dieu, je cours vers la mort et la mort court vers moi ! Ma tête
est torturée ; mon corps est défait en morceaux par des terri-bles
martyres: il est une plaie ouverte...
Par la grâce et la grande miséricorde du Seigneur, je
ne désespère pas. Je sens l’effet du désespoir, mais
je suis calme et sereine, prête à accepter une plus grande
douleur, une plus grande purifi-cation, un plus grand amour. Ce n’est que
par celui-ci que le monde sera sauvé ; ce n’est qu’à l’aide
de ces fortes chaînes que je pourrai le capturer.
La vie s’en va. Elle s’en va pour donner la vie ; elle chemine tran-quillement
pour sauver le monde.
— Jésus, donnez-moi la douleur que j’aime, donnez-moi la purifica-tion
après laquelle j’attends ardemment. Accueillez-moi en vous et en
la Petite-Maman.
Écoutez le cri continuel de mon âme; cri d’angoisse par
la douleur qu’elle ressent et pour l’anxiété qu’elle a de
vous confier le monde. Je souhaiterais le voir dans mes mains pour pouvoir
vous l’offrir, comme le prêtre voit dans ses mains l’Hostie consacrée
et l’offre au Père éternel.
Jésus, protégez-moi ! Gardez mes angoisses pressantes
et immo-lez-moi comme il vous plaira, afin que je vous donne de l’amour,
et avec l’amour, l’humanité. J’aimerais vous dire tant d’autres
choses, mais, comme je ne sais pas le dire, je ne dis rien.
Pendant mes angoisses, Jésus est venu :
— Ma fille, ange de la terre, aimable fleur, candide fleur du paradis
! Viens, ma fille, viens recevoir une autre preuve de mes épousailles
avec toi, de mon union conjugale.
Ce disant, Jésus prit ma main, m’embrassa, me caressa et me
serra doucement contre Lui.
Je suis resté comme plongée dans une mer de délices,
dans une mer d’amour. Jésus continua :
— Reçois une effusion de mon divin Amour. Reçois-la parce
que c’est ta vie, et toi, tu es vie pour les âmes.
Courage, encore un peu: ton ciel est proche. Bientôt ton âme,
détachée de la terre, s’envolera vers le ciel comme la blanche
et pure colombe vers son nid. Ton nid c’est le ciel près du trône
de la Majesté divine, à côté de ma Mère
bé-nie...
Près de ma Mère, ma fille, tu continueras à veiller,
gouver-ner ta possession royale de la terre...
Combien l’humanité t’est débitrice ! Combien te doit
le Portugal ! Le monde devrait être détruit... Demande, de-mande
encore prière et pénitence...
Jésus ajouta enfin :
— Ce sera en une extase d’amour, dégagée de la douleur,
qui tu t’envoleras vers le ciel...
« O monde, je deviens folle à cause de toi !... »
En voulant embrasser toute l’humanité il m’arrive de m’exclamer
:
— O monde, je deviens folle à cause de toi ! Combien je t’aime
! En toi je vois Jésus.
J’aimerais dire tant de choses sur ces angoisses qui me consom-ment.
Comment cela peut-il arriver: aimer le monde, le haïr, vouloir le
posséder, vouloir le quitter ?
— Mon Jésus, mon Dieu, fixez sur moi votre regard, protégez-moi:
ainsi je vaincrai.
L’année allait finir et je n’avais rien à donner à
Jésus...
À minuit je l’ai remercié pour tous les bienfaits de
l’année et pour tout ce qu’il m’avait fait souffrir. J’ai demandé
aux miens de réciter avec moi le “Te Deum”...
INDEX
PRÉSENTATION 1
CHRONOLOGIE DU “PROCÈS DE BÉATIFICATION” 12
AUTOBIOGRAPHIE 13
PREMIÈRES ANNÉES 13
Premiers souvenirs 13
Espiègle 14
Première communion 15
Quelques souvenirs de Póvoa 15
Retour au village natal 16
« En enfer, moi je n’irai pas !... » 17
« J’adorais faire des farces !... » 17
Charité envers les nécessiteux 18
Dévotions à Jésus 19
« J’étais assez forte... » 20
« Un rêve que je n’ai pas oublié » 21
JEUNESSE 21
Le saut par la fenêtre 21
Souffrances physiques et spirituelles 22
Prétendants 23
Au lit pour toujours... 24
« Ma Petite-Maman du ciel » 24
Demandes de guérison 25
Offrande... 26
Unie à Jésus, par Marie 26
Prière du matin 27
HYMNE AUX TABERNACLES 29
L’appel 30
1933 30
LA MISSION 30
« Je vous déclare mes fautes... » 30
Le directeur spirituel 30
« Un jour bien, un autre plus mal... » 32
La perte des biens 32
1934 34
“DONNE-MOI TES MAINS...” 34
Invocations... 34
« Ma souffrance a beaucoup augmenté... » 34
« Il m’est impossible de tenir la plume... » 35
« Même parler m’est douloureux... » 35
Lettre à Sãozinha 36
« Donne-moi tes mains... » 36
« Il m’a demandé ceci deux fois... » 37
Visites de Jésus 38
« Prie pour les prêtres... » 39
« Avise ton directeur spirituel... » 40
« Je suis le prisonnier des prisonniers !... » 41
« Donne-moi ton cœur... » 42
« Quelle sainte union est la nôtre !... » 42
« Je suis avec toi, ma fille... » 43
« Mon Cœur se fait violence... » 43
« Je suis toujours avec toi... » 44
« Tu as choisi la meilleure part... » 45
« Ne cesse pas de prier... » 45
« J’ai besoin de plusieurs victimes... » 46
« Veux-tu vraiment me consoler ?... » 46
« Combien de victimes j'ai choisies... » 46
« Ma pensée était avec Jésus... »
47
1935 47
“AVEC MON SANG...” 47
À Jésus pour toujours... 47
La valeur de l’âme-victime... 48
« Notre-Seigneur m’a parlé... » 48
Le singe de Dieu... 48
« Consacrez le monde à Marie !... » 49
« Sois ma victime... » 50
« Tes sentiers sont les sentiers du Christ... » 50
Le mois de mai 51
“Fleurettes” de mai 1935 51
Jésus demande la consécration... 52
« Quelle paix je sens dans mon âme... » 53
La “lampe” des tabernacles 53
« Il me semble avoir davantage de péchés... »
54
« Je suis votre victime !... » 54
1936 55
“OFFRE-TOI...” 55
« Jésus écoute bien mes demandes... » 55
« Endurer toutes les souffrances... » 55
« O douleur bénie !... » 56
Mois de mai... 56
La mort mystique 56
Encore la Consécration... 58
« Écoute mes divins désirs... » 58
Une vision 58
« Malheureux celui qui est paralytique » 59
« Je me suis offerte à Notre-Seigneur !... » 60
« Offre-toi pour les âmes... » 61
1937 61
L’ENQUÊTE 61
« Ma médecine était Jésus » 61
La visite du Père Durão, sj 62
« Le maudit me disait... » 63
Le déchaînement des forces infernales 63
« Le démon te haï... » 65
« Je t’ai choisie pour des choses sublimes... » 65
Encore et toujours, la consécration... 66
« Je veux que tu sois connue... » 66
« Je viendrai te chercher... » 66
Les plaies de Jésus... 66
« O mon Jésus, crucifiez mon âme !... » 67
1938 67
“O CROIX BÉNIE...” 67
« L’amour que nous avons pour toi... » 67
« Mon lys parfumé... » 67
« Je veux la consécration... » 67
« Tu es le tout de mon Cœur... » 68
« Je sentais mon cœur très agité... » 68
« Je n’appartiens qu’à toi ! » 68
« Pénitence, pénitence, pénitence !... »
69
Première crucifixion 70
Examens théologiques et examens médicaux. Premier
voyage à Porto 71
« On parle de moi... » 72
Odeurs nauséabondes... 73
« Mademoiselle, ne vous évanouissez pas... » 73
1939 74
LE SAINT-SIÈGE 74
« Je ne mérite que l’oubli... » 74
« Le monde est suspendu à un fil... » 74
« Ma vie est bien pénible... » 74
Intervention du Saint-Siège 74
Commentaires du petit peuple 75
« Je tremble... » 76
« Donnez-moi de l’eau... » 76
« Le monde est sur un volcan... » 77
« En quel monceau de ruines... » 78
La destruction du monde... 78
Le temps des doutes... 79
« Maudite !... » 79
« Ton châtiment est si proche !... » 79
« Elle t’accompagne pendant la Passion... » 79
« Le Cœur de ma Mère... » 80
Dans les bras de Marie... 80
1940 80
MARIE, CORÉDEMPTRICE 80
À Jésus par Marie... 80
Celui qui aime la Mère aime le Fils... 80
La souffrance et la réparation 81
« Incendiez le monde... » 81
« Je crains la douleur mais je l’aime... » 82
« Mon Jésus, je ne peux vivre sans vous!... » 82
« Jésus, venez!... » 83
« O combien je veux le consoler !... » 83
O douleur bénie !... 83
« Mon âme est morte... » 83
« Ta passion ne s’arrêtera pas... » 84
« Si elle ne m’avait pas aidée... » 85
« Quel grand mal est le péché !... » 85
« Mon cœur n’a presque plus de vie... » 85
« Avancer l’heure de la consécration... » 86
« Accompagnez-moi auprès de la Croix... » 86
« Ma fille, viens sur mon Cœur... » 86
« Compter pour rien... » 87
« Mon Jésus, pressez bien cette faible grappe... »
87
« Je suis un monde d’horreurs... » 88
« Il me semble que Jésus soit parti... » 88
« Demandez et vous recevrez... » 88
« Accrochons-nous à Jésus et à Marie...
» 88
« Sur la terre l’amour est presque disparu... » 89
« Je crois mourir... » 89
« La Maman contemplait l’humanité... » 90
« Il faut que je souffre en silence... » 90
« Votre cœur saignera toujours... » 90
« J’accepte tout par amour pour vous... » 90
« Jésus veut ma souffrance silencieuse... » 91
« Je sens que vous souffrez... » 91
« Le Saint-Père sera épargné... »
91
1941 91
LE DOCTEUR AZEVEDO 91
« Tu n’es pas seule... » 91
« Ton Calvaire finira bientôt... » 92
Divines promesses... 92
« La Maman veillait sur moi !... » 92
« Jésus m’a préparée à la souffrance...
»
92
« Mon pressentiment se réalise... » 93
« Quelle tempête terrible... » 93
« Le médecin m’a écrit... » 93
« Je voudrais fuir le monde... » 94
« Je dois aller à Porto... » 94
Partie à Porto... 95
« Unis ta douleur à la mienne... » 95
« Je me trouve dans une nuit obscure... » 95
Première rencontre avec le docteur Azevedo. Nouveaux examens
médicaux 95
Retour à Porto 96
Deuxième voyage à Porto 96
« Combien de choses me venaient à l’esprit !... »
98
« Tes souffrances pour les prêtres... » 98
« Le poids des humiliations pèse sur moi... » 98
« Il trompe les gens... » 98
« Ma Petite-Maman m’a embrassée... » 100
La Maman qui console... 100
Vers le couronnement d’épines... 100
« J’aime tous ceux qui t’aiment... » 100
Visite d’un prêtre “journaliste”: – Ses conséquences.
100
1942 101
SANS DIRECTEUR 101
Recours à la Vierge... 101
Cheminer sans lumière... 102
« Mon âme semble se déchirer... » 102
« Je veux vous donner des âmes... » 102
Un journaliste de Lisbonne... 102
Les feuilles du Père Terças... 102
« Combien douloureuse est ma souffrance... » 103
« Vous a-t-on interdit de venir ici ?... » 103
« J’ai érigé un calvaire... » 103
Craintes de rester sans la Communion... 104
Les pressentiments se réalisent... 104
« Je brûle du désir du ciel... » 105
Le départ du Père Mariano Pinho... 105
« Les lettres de mon Père spirituel... » 106
Obscures ténèbres... 106
Les lettres rendues... 107
« Jésus, m’entendez-vous ?... » 107
Nouvelle forme de crucifixion 108
Une nouvelle vie... 109
« Quelle gloire pour le Portugal !... » 110
« Mon cœur est tellement blessé... » 111
« Combien je suis triste... » 111
« Gloire à Jésus; gloire à Marie !... »
111
« Je me sens abandonnée de tous... » 111
« Le Ciel est rempli de gloire !... » 111
« Le ciel est tout proche... » 112
« Un corps pour souffrir.... » 112
« Je creuse ma sépulture... » 113
« Seul le ciel sera ma vie... » 113
« Je me vois au bord d’un abîme... » 113
« Mon état est grave... » 113
« Triomphe ! Triomphe !... » 114
L’annonce de la Consécration... 114
En voyant la Vierge de Fatima... 115
1943 115
LA GRANDE ÉPREUVE 115
« Mon cœur bat de moins en moins... » 115
« Rendez-moi mon Père spirituel... » 115
Préparation pour l’exil de 40 jours... 116
« Jésus s’est épris d’Alexandrina !... »
117
« Jésus m’appelle... » 117
Obéissance à l’Archevêque 118
« Jésus est venu me réconforter » 120
« Courage, ma fille, c’est pour ma cause... » 120
À l’hôpital de Foz 120
Étroitement surveillée... 122
Face à face avec le médecin 124
Non plus 30 mais 40 jours 126
Enfin libérée !... 128
« Cœur de Jésus, j’ai confiance en vous !... » 130
« Aie confiance, ma fille... » 130
Lettre au Pape 131
Les flammes du Cœur de Jésus... 133
« Ta vie n’a rien d’humain... » 134
1944 134
TRANSFORMATIONS MYSTIQUES 134
« Ou vous aimer ou mourir ! » 134
« J’ai senti mon âme se détacher... » 134
« Je suis morte pour le monde... » 135
« Mon âme a été réconfortée...
» 135
Une douloureuse ingratitude 136
« Je continue de lui rappeler sa promesse... » 137
« J’ai soif, j’ai soif, ma fille... » 137
« Jésus, mon seul aliment... » 138
« Transformez-moi... entrez chez moi ! » 139
Le souvenir de Foz do Douro 139
« Je vous sens à côté de moi... » 140
Sans la Communion ?... 141
« Me voici, prête à être immolée !...
» 141
« Mon Dieu, quelle vie si mal comprise !... » 142
« J’ai senti comme un assaut... » 143
« J’ai ressenti comme un assaut... » 143
« Jésus m’a envoyé un prêtre... » 144
« Jésus et Maman du Ciel écoutez-moi ! »
145
« Mon Jésus, mon cher Amour !... » 145
« J’étais un ver, dans un vaste cimetière... »
147
« Je suis restée dans les ténèbres... »
147
« Acceptez mes larmes... » 147
« J’ai pleuré des larmes de soulagement... » 148
« Ce sont des merveilles... » 148
« Combien d’âmes reculent... » 149
« Attention, Portugal !... » 150
Une pluie de sang... 150
Visiteurs de toutes parts... 150
« J’étais sur la croix... » 151
« Je me suis sentie un rien... » 152
Luttes indescriptibles 152
« Jésus, je veux vous aimer !... » 153
« Tu es la reine de la douleur... » 154
« O ma fille, ô bien-aimée de mon Jésus !...
» 154
« Bergère de Jésus... » 155
« Mon âme vivait la tempête... » 155
« Je détruirai ton corps... » 156
Un coup douloureux 157
« J’ai tout confié à Jésus... » 157
« Que de leçons tu donnes au monde !... » 158
« Mon nom parcourt le monde... » 158
« Ma fille, ta douleur est ma consolation... » 159
« Restez, Jésus, cela me suffit... » 160
« Je ne veux pas de vengeance... » 162
Rappeler ce que le Christ a souffert 163
« La douleur est fille de l’amour !... » 164
« Jésus m’a confié l’Humanité... »
165
« Ta douleur, est une douleur de salut !... » 166
Un petit rayon de lumière 167
« Convertissez-vous, pécheurs !... » 168
« Je dois veiller et garder... » 169
« Celui qui souffre avec Moi est vainqueur avec Moi » 169
« Ton nom sera prononcé avec respect... » 169
La garde du trésor caché... 170
« Tu es ma transformée... » 171
« Ma faiblesse est due à la souffrance... » 172
La crèche... 173
« Dans le monde je vois Jésus... » 173
« O monde, je deviens folle à cause de toi !... »
174
INDEX 176
Traduction et mise en page achevés
le 3 décembre 1996
fête de saint François-Xavier
Alexandrina Maria da Costa
ÉCRITS
AUTOBIOGRAPHIQUES
TOME 2 : 1945-1955
Traduction
Alphonse Charles Rocha
REIMS 1995-1996
1945
TENEBRES ET LUMIERE
« Ta vie est souffrance qui produit l’amour… »
Jésus, quelles caresses recevrai-je de vous au cours cette
nouvelle année ? Je suis remplie de crainte, et encore davantage
d’angoisse. Qu’il arrive ce qui doit arriver. Pour tout ce par quoi je
pourrai être blessée et humiliée, avec votre divine
grâce, à tout je dirai :
— Bienvenu : que la volonté de Jésus soit faite !
J’aimerais naître maintenant, mais vous connaître déjà,
à fin de ne pas tacher par quoi que ce soit mon corps ; j’aimerais
que le monde entier aussi naisse avec moi, et que lui aussi vous connaisse
déjà, afin de ne pas le laisser se corrompre...
« Je me donne à vous... »
(...)
Je sens que beaucoup de routes sont baignées par mon sang. Je
vois tant de révoltes et d’indignations... Mon corps n’est qu’une
plaie. Le sang de la tête, causé par les épines, baigne
tout mon corps. Les bras ouverts je m’abandonne à la croix : je
me laisse crucifier.
Un cri continuel :
— Père, mon Père, vous aussi, vous m’avez abandonnée
! Je suis votre victime, je me donne à vous pour les âmes.
Ô mon Dieu, si je pouvais disposer de ma volonté, je préférerais
l’enfer à cette souffrance et aux instants de mes colloques avec
vous ! Oui, parce que là, ne vous parlant pas et ne pas vous
écoutant, je ne craindrais pas de me tromper ni de tromper les autres
; je ne serais pas persécutée par le monde. Pardonnez-moi
cet épanchement : j’ai horreur de la tromperie et du mensonge. Je
me crains moi-même et j’ai peur du vendredi : si seulement les vendredis
disparaissaient et que moi-même je disparaisse dans votre amour infini
!
Que vienne toute la souffrance, que vienne la croix, que vienne la
mort. J’embrasse tout : je suis votre victime, Jésus.
De cette souffrance, je suis passée à un effluve de lumière,
de paix et de douceur... Jésus m’a parlé :
— (…) Ce fut une année d’amour, une année pleine de salut.
Ma fille, fleur angélique, benjamine de la divine Trinité,
benjamine de Marie et de toute la Cours céleste, ta souffrance a
enrichi le ciel et y est écrite en lettres d’or...
Une année d’amertume t’attend, mais aussi une année de
joie. Tu la vivras comme un soleil qui naît et rapidement se cache
à l’horizon, derrière les nuages. Mais ne crains pas : c’est
cela ta vie. C’est une vie qui donne la vie ; c’est une souffrance que
produit de l’amour...
La gratitude d’Alexandrina
Lettre au Père Umberto Pasquale
(...)
Avez-vous compris, d’après mes écrits, ce que Jésus
avait enfermé dans mon cœur ? Quel tourment pour moi ! Je ne sais
pas comment garder et défendre un trésor aussi précieux
!
Mon âme est dans une continuelle agonie. Ma vie est continuellement
remplie de craintes ; le démon est infatigable pour me tourmenter.
De là, quelle torture, quelle amertume, et quelle misère.
Ce qui appartient à Jésus n’arrive pas à vivre : aussitôt
né aussitôt parti vers Lui.
O si seulement j’arrivais à me faire comprendre, si j’avais
un peu de lumière, si j’aimais un peu Jésus et les âmes
! Alors je serais heureuse ; ma joie serait totale !
Mon bon Père, si vous me connaissiez, vous n’auriez pas autant
de sainte considération pour moi.
L’heure arrivera-t-elle où vous pourrez venir jusqu’ici ? J’ai
tellement besoin de lumière et d’un guide ! Comment résisterai-je
à ces vols dont j’ai été la victime ?
Mon Dieu, pardon pour tous !
J’ai bien reçu tout ce que vous m’avez envoyé.
Je vous envoie mes remerciements et ma gratitude pour tant de sollicitude
de votre part. Je suis certaine que Jésus en est content : il aime
qu’on le remercie pour tout ce que nous recevons de Lui, et promets enfin
de nouveaux dons et grâces. Qu’il daigne vous combler pour tout.
Je vous prie de remercier les Pères et tous ceux qui habitent
cette Maison de prière, pour les vœux qu’ils m’ont envoyé...
Le docteur “bon Samaritain”
Lettre au Docteur Augusto de Azevedo
(...)
Cela me peine de ne pas avoir d’instruction : premièrement du
fait de ne pas savoir parler à Jésus, l’aimer, le remercier,
le louer comme il le mérite ; même restant à genoux
pendant toute l’éternité je ne lui rétribuerai jamais
dignement tout ce que j’ai reçu de lui. En second lieu, pour remercier
mon cher docteur avec des paroles de louange et de reconnaissance, comme
il le mérite.
Jésus, dans son infinie bonté, y remédie comme
lui seul sait le faire. De ma part je ne sais dire que « merci »
pour tout ce que vous faites à cette pauvre qui ne peut rien, ne
sais rien, ne vaut rien.
Qu’en serait-il de moi si Jésus ne vous avait pas mis à
mes côtés, en ces jours douloureux de ma vie, où tout
est révolte, mépris, calomnie et humiliation ? Quelle mer
de douleur !
Et moi si seule, sans lumière, sans guide dans mon horrible
chemin !
Essaieront-ils aussi de me prendre mon bon médecin, qui tant
de fois a été pour moi d’un grand réconfort par ses
paroles et sa sainte attention ? Arrivera-t-il comme avec ceux qui
étaient lumière et soutient pour mon âme ?
Que Dieu soit loué pour tout ; qu’en tout cela il soit aimé
et soulagé ; que tout ceci puisse lui servir pour sauver le monde
entier. Si l’on me laisse seule, Jésus restera avec moi ! Que je
meure de douleur, d’abandon, de mépris, afin que dans mon cœur demeure
toujours Jésus, que les hommes ne puisse pas me l’ôter ! En
tout cas, seuls le péché et le démon peuvent me l’enlever.
Combien elle me coûte cette vie amère ! Ce n’est que par
amour de Jésus et des âmes, le regard fixé sur le crucifix,
que je peux la supporter...
La fureur de Satan
Si le monde savait combien sont terribles les pièges du démon
! O combien je souffre de ses assauts ! Si seulement le monde savait ce
que c'est que l'enfer, ce que c'est que la perversité et la fureur
de Satan, probablement qu'il ne pécherait pas autant !
Cette nuit il s'est déchaîné contre moi. On dirait
qu'il voulait tout détruire. Méchancetés, paroles
et gestes inconvenants. Mon corps paraissait déjà anéanti
par tant de fatigue...
— Je ne veux pas commettre de péché, mon Jésus.
L'enfer plutôt que le plaisir. Ce que je veux, mon Jésus,
c'est ne pas perdre un seul instant de consolation et de réparation
pour Vous et pour le salut des âmes...
Ces paroles ont suffi à faire enrager davantage le démon...
Toutefois, il est parti quand il a entendu la voix de Jésus
qui me disait :
— Si tu pouvais voir, ma fille, combien je suis offensé à
cette heure-ci contre la vertu de pureté, tu mourrais d'horreur
et de douleur. Mais ta réparation me fait oublier bien des offenses.
Cette consolation je ne peux l'avoir que d'une vierge à la pureté
angélique !... (...)
— Me voici prête à tout, Seigneur !...
La pureté est la vertu que j’aime le plus et pour la défense
de laquelle je souffre davantage : ce, est que par votre grâce et
votre miséricorde que je ne vous offense pas gravement...
[Le démon dit un jour à Alexandrina] :
— Donne-toi à moi, comme tu t'es donnée à Dieu
; embrasse-moi avec amour comme tu as embrassé le crucifix. Remarque
que moi je ne te fais pas souffrir, moi... et figure-toi que Dieu n'a pas
de Ciel à te donner. Jouis avec moi, jouis des plaisirs de ce monde.
Il m’empêchait d'invoquer Jésus. Il se plaçait
entre moi et Lui, afin que je ne L'entende pas et de surcroît, il
dansait devant moi. Il me donnait ses ordres criminels et, vu que je ne
cédais pas, il redoublait de fureur et je sentais comme s'il me
tordait et me broyait complètement. Mon corps semblait être
brisé par lui. Il ne s'agissait en fait que de sensations, étant
donné qu'il ne s'approchait jamais de moi au point de me toucher.
Les battements de mon cœur se chevauchaient, battaient la chamade.
Après la lutte, certaines fois, je sens comme une brise qui
me rafraîchit et me remet en place tout à fait. Cette nuit
il en a été de même. Tombée sur le côté,
sur les coussins, et sans pouvoir me relever ni même faire le moindre
mouvement, je ne résistais plus dans cette position.
Très triste, je répétais :
— Secourez-moi, secourez-moi, Jésus !
J’ai senti Jésus à côté de moi :
— Ma fille, amour de l’Amour, mon divin souffle suffit pour te relever
et même à te remettre à ta place.
J’ai senti le souffle de Jésus et, au même moment, je
me suis retrouvée sur les coussins.
Jésus a continué :
— Dis-moi, ma fille, que veux-tu de moi ?
— Votre amour !
— Que veux-tu que je fasse ?
— Votre divine volonté.
Jésus m’a serré doucement contre son divin Cœur et a
ajouté :
— Ma volonté est que tu aies du courage dans les souffrances
que je te demande et que tu répares de cette façon. Répare,
répare, ma vierge pure, vierge remplie d’amour pour moi.
Peu après je me suis endormie pour un léger et bref sommeil.
“Douleur qui sauve, amour qui vainc tout”
(Moments de la Passion)
(...)
Quelle horreur je ressens pour les souffrances et les extases du vendredi,
quelle horreur je ressens pour les assauts du démon ! Aujourd’hui
j’ai eu des moments pendant lesquels il me semblait que j’allais presque
dire non à Jésus pour tout.
Les mains attachées, les yeux clos par une indicible tristesse,
les lèvres serrées, ne répondant à aucune question,
je me suis retrouvée seule dans une prison. Je sentais mon corps
lacéré par les coups de la flagellation et enchaîné.
Dans cet état, la pensée m’est venue de la souffrance lorsque
Jésus permettait ma crucifixion [physique]. Je sentais même
mon sang couler et mon cœur foulé aux pieds. Dans mon âme
j’avais des regards de tendre compassion envers ceux qui me faisaient souffrir.
L’enfer et la perte irréparable des âmes me terrorisaient
tellement que j’aimais ces atrocités au lieu de les détester.
Je les aimais pour sauver les âmes, convaincue que seule la souffrance
pouvait les sauver.
Le démon est venu pendant ces terribles souffrances. J’ai combattu
jusqu’à baigner dans ma sueur. Quand il essayait de m’instruire
sur le péché, il me demandait de lui donner mon cœur avec
amour... Quelle horreur, quelle horreur ! C’était des moments de
grand danger.
J’ai levé mes yeux vers le ciel et j’ai crié au secours,
et la lutte prit fin... Je suis restée les yeux fixés dans
le ciel disant à Jésus que je ne voulais pas commettre de
péché...
— Mon Jésus, je suis votre victime, mais avec cet accroissement
de douleur, d’horreur et de peur, je ne pourrai pas vaincre : je ne résiste
pas à autant. Vous devez souffrir et résister vous-même,
car vous savez bien, que de moi-même je ne peux rien !
Jésus est venu et m’a parlé affectueusement :
— Ma fille, fleur solitaire, joyau de l’humanité douleur qui
sauve, amour qui sort toujours vainqueur, jardin de paradis, j’ai semé
en toi et le monde vient à toi pour cueillir fleurs de vertu, fleurs
d’amour. Ma fille, trésor caché, en toi sont renfermées
des richesses divines. Trésor caché, parce que presque tout
ce que j’ai déposé en toi reste méconnu. Ma fille,
blanche colombe, colombe angélique, ta vie et un gazouillement de
louange à Jésus, à la Trinité divine et à
ma très sainte Mère. Je viens à toi, je suis en toi...
Tu es un port d’asile, tu es un port de salut, tu es le refuge des pécheurs,
salut de l’humanité.
Le combat est-il terrorisant ? Ne crains pas...
— Ô mon Jésus, je suis si petite, comment pouvez-vous
me trouver ?
Je ne suis que misère, comment pouvez-vous poser sur moi votre
divin regard ? Je suis gênée, je ne peux pas lever mes yeux
pour vous regarder.
Ayez compassion ! Je suis fleur, je suis jardin, je suis tout ce que
vous me dites parce que vous l’avez semé vous-même, vous l’avez
cultivé. C’est vous le jardinier, c’est vous les fleurs, vous êtes
tout, tout, mon Jésus ! Vous êtes le port de salut parce que
le salut c’est vous.
Observez et regardez ma souffrance, ayez compassion de moi. Je veux
vous aimer et je ne sais pas comment ; je veux souffrir pour sauver le
monde mais je ne sais pas souffrir. Je crains de moins m’y prêter,
je crains de tomber et de ne plus me relever...
— … Tu es la toute petite de Jésus, tu es la toute petite de
Marie. Avec elle tu sauveras le monde qui t’a été confié,
et que tu dois sauver. Je te l’ai donné ; il est à toi ;ne
crains pas ; il ne te sera pas volé...
Reçois mon amour : distribue-le abondamment à toute l’humanité.
Bientôt ta souffrance sera connue partout. Ton amour inégalable
sera connu partout...
« Il est attaché par une seule aile »
(...)
Le 13 [janvier], parmi les visiteurs que j’aime plus tendrement, il
y avait celui que j’attendais déjà et qui avait laissé
comme un vœu dans mon âme. Je l’attendais, cependant je l’ai
reçu froidement : tout m’était indifférent. Je le
regardais et quelques fois il me semblait ne pas le voir, comme s’il ne
s’agissait pas d’une réalité. C’était un prisonnier
sorti de prison pour venir visiter un cadavre qui lui appartenait.
Ô souffrance, ô désolation, ô ténèbres
épouvantables !
Il est déjà tard pour me procurer de la joie ; il est
déjà tard pour que mon âme puisse recevoir consolation
!
Mes yeux semblaient ne pas voir le deuxième prêtre que
l’on m’avait volé. Qu’arrivera-t-il quand on me rendra le premier
?
— Jésus, je suis votre victime : votre amour et le salut des
âmes, coûte que coûte, voilà ce qui importe. Et
maintenant je souffre de ma froidure, de mon indifférence envers
cette personne à qui je dois tant. Il me semble lui avoir déplu
et l’avoir blessé : ô Jésus, que tout soit par amour
pour vous !
Pendant la nuit, presque toujours réveillée et unie à
Jésus, au milieu d’une mer de souffrances du corps et de l’âme,
j’ai été cruellement assiégée par le démon
: j’ai lutté pendant presque deux heures...
J’ai entendu que Jésus me disait :
— Courage, fille aimée !... Ta mort donne vie aux âmes.
Je ne t’ai pas laissé éprouvé réconfort par
la visite de mon Dom Umberto ni à lui de te voir consolée.
ce fut au profit des âmes afin que les hommes constatent ce que c’est
qu’une âme attachée à la croix et solide dans l’amour
de Jésus ; de sorte qu’ils n’interprètent pas les choses
du côté de l’enthousiasme.
Dis à mon Dom Umberto mon remerciement d’être venu donner
vie à l’âme de mon épouse, de ma victime aimée...
Promets-lui mes grâces, mes bénédictions et mon amour
pour lui et pour toute la Congrégation. Il est attaché par
une seule aile : il n’est qu’à moitié empêché
de voler. C’est pour cela que j’accorde des bénédictions
et des grâces à toute la Congrégation... Je veux qu’il
te soutienne, étant donné que celui qui le désire,
ton Père Pinho, ne peut pas le faire. Il a été empêché
de tout envol et, non satisfaits, ils l’attaquent de tous côtés.
(...).
Le Christ crucifié en transparence
(Moments de la Passion)
Où suis-je conduite ? Ô Jésus, que deviendrai-je
? Tout me fait peur et me cause horreur ! Je marche en toute hâte
par une route étroite et obscure. Je tombe exténuée
: le poids des humiliations me broyait. Je suis entraînée
par de rugueuses cordes. Je sens que ma face traîne par terre ; que
mes joues sont très meurtries. La douleur d’aiguës épines
me pénètre enfin le cœur. C’est une douleur qui semble me
donner la mort. Je sens que mes genoux, mes épaules et tout mon
corps ne sont qu’une douloureuse plaie.
Très gênée par tant de curiosité, remplie
de la tristesse la plus profonde que l’on puisse imaginer, je marche avec
peine, tombant plusieurs fois.
Pendant mon cheminement, une dame qui a compassion de ma souffrance,
elle vient à ma rencontre. Avec tendresse et amour elle essuie mon
visage couvert de sueur, de sang et de poussière ! Des liens de
la plus étroite amitié unissent nos cœurs. Il est indicible
ce que j’aimerais dire à son sujet, les louanges que j’aimerais
dire sur elle. Comme j’aimerais que l’on parle de son acte héroïque
!
Arrivée en haut de la montagne, quel découragement je
sens en moi !
C’est un découragement d’amour.
Tout me cause horreur : la mort, l’abandon, ô mon Dieu ! À
genoux, je lève mes yeux vers le Père éternel ; je
lui fais mon signe de tout accepter. Je baisse les yeux, je me recueille
en moi-même et j’étreins l’univers contre mon cœur.
Je m’offre à la mort. Les bourreaux continuent leur mission barbare
: tableau terrifiant ! Quelle répugnance, quelle honte de moi-même
! Mon corps et mon âme se déchirent en lambeaux. J’attends
mon heure.
Je suis passée de la souffrance à l’amour, du Calvaire
au Thabor. J’ai commencé à ressentir fortement dans ma poitrine
l’amour de Jésus et sa divine présence en moi. Tout à
coup j’ai entendu sa voix douce et suave :
— C’était mon désir, ma colombe de prédilection,
que le monde connaisse de quelle manière je me donne à mon
épouse, à l’âme vierge, que le monde connaisse et comprenne
cet amour : l’amour dont moi je t’aime, l’amour dont tu m’aimes, l’amour
des âmes, l’amour de la croix. C’était mon désir, mon
grand désir, que le monde connaisse ta vie, vie d’un amour très
pur, vie d’héroïsme sans réserve. Ta vie est un tableau
très riche où est reproduite la vie divine, la vie la plus
complète du Christ crucifié.
Les hommes, ma fille, s’opposent par des méthodes peu édifiantes
à cette vie que je voulais connue pour le bien des âmes.
— Ô mon Jésus, n’ayant pas de volonté propre, je
veux ce que vous voulez ! S’il n’en était pas ainsi, je préférerais
vivre cachée ; vivre comme si je ne vivais pas ; vivre comme si
je n’avais jamais existé, à condition de vous aimer et de
sauver les âmes. Mais si vous le voulez autrement, la solution est
entre vos mains : faites que les hommes agissent autrement.
— Non, non, ma chère, ce n’est pas ainsi.
— Pardonnez-moi alors, mon Jésus, si je vous ai offensé.
— Sois en paix / tu ne m’as pas offensé.
Où sont-elles les grâces que je leur ai donné ?
Ils ne s’en sont pas servis, ils m’ont méprisé en elles,
en elles, ils m'ont foulé aux pieds. Ils ont préféré
leur propre volonté, leur orgueil, leurs jugements et de fausses
lumières. Quelle douleur pour mon divin Cœur !
Courage, petite fille, ma cause vaincra et avec elle tous ceux qui
pour elle combattent.
Tu es un vrai chemin, tu es une route royale flanquée de chaque
côté des merveilles du Seigneur. Heureuses les âmes,
heureux les pécheurs qui y entrent et vont ainsi jusqu’au port de
salut. Ton regard, ta douceur, ta grâce attirent les âmes à
toi et par toi elles viennent à moi...
(...)
— Venez, ma Mère, ma Mère bénie : donnez de votre
céleste vie, donnez de vos grâces et de vos richesses à
cette enfant, ma fille et mon épouse, aussi bien que votre petite
fille très chère.
La Vierge Marie a uni son très Saint Visage au mien : Elle m’enlaçait
et me couvrait de ses caresses et planait sur moi avec une grande suavité.
J’ai senti comme si je recevais beaucoup, beaucoup de vie. Je l'ai entendue
me dire :
— Ma fille, épouse de mon Jésus, Tabernacles de mon Fils,
sanctuaire de mon Jésus, où Il habite toujours !
J'ai entendu Jésus dire aussi :
— Donnez-lui, ma Mère, donnez-lui les richesses du Ciel, donnez-lui
tout votre amour. Au moins vous et moi, montrons-lui notre amour et notre
consolation, étant donné que de la part des créatures
qu'elle aime et qui sont à ses côtés, elle ne peut
en recevoir aucune, malgré le fait qu'elle sait que celles-ci l'aiment
mais elle ne reçoit pas leur amour, ce qui lui fait peur.
Soif de sauver le monde
Je ne sais pas expliquer ce qui arrive dans mon âme, mais Jésus
le sait, il sait que je ne mens pas...
Je sens être un comble de péché, de corruption
; un comble de froideur, d’ingratitude, de manquements dans les préceptes
de Jésus ; j’ai l’impression d’être une mer de sang. Quelle
douleur de constater que j’ai tout fait et que je ne peux faire rien d’autre
pour le monde ! Mais, mon Dieu, qu’ai-je fait si tout ce que je souffre
et fais ne m’appartient pas ? Comment puis-je sentir que j’ai tout fait
pour le salut du monde. N’ai-je pas donné ma vie pour celui-ci ?
Mais cette vie même, je l’ai offerte à Jésus.
Qu’est-ce que cette mer de sang que je sens être ? Vous le savez,
Vous, Jésus : cela est suffisant. Il me semble que toute l’humanité
se soit immergée. Oh, si je savais ce que je pourrais faire pour
la sauver !
Et les pauvres enfants des limbes ? Je n’oublie pas mon offrande, ma
demande à Jésus d’aller les baptiser. Si je pouvais, et Jésus
le consentait, j’aimerais rester à genoux aussi longtemps que le
mon durera, pour obtenir de Jésus cette grâce : baptiser ces
petits enfants. Je me meurs de compassion pour eux.
Et les âmes qui sont en enfer !... Mon âme ressent une
douleur indicible, non pas tant pour les souffrances qu’elles y endurent,
mais plutôt parce qu’elles ne pourront jamais voir Dieu. Ô
quelle ténébreuse souffrance !...
Je ne sais pas comment l’expliquer : j’aimerais souffrir pour remédier
à tous ces maux.
— Ô Jésus, mon amour, vous voyez, vous savez la sincérité
de mes paroles : elles ne sortent pas uniquement de mes lèvres,
mais bien du plus profond de mon cœur, d’entre ma plus grande douleur et
la plus grande agonie de mon âme. Oui, mon bon Jésus, ma vie
n’est pas une vie d’illusion, comme le disent certains. Par votre grâce
et votre miséricorde je n’ai jamais cherché à tromper.
Trouvez-vous en moi quelque chose de bon et de louable ? Je ne le sens
pas, je l’ignore. Mais si quelque chose il y a, elle vous appartient, ce
n’est pas à moi.
Combien d’épines blessent ce cœur qui n’existe que pour souffrir
! Du plus profond de mon âme je vous demande pardon pour ceux qui
si cruellement me font souffrir. Mon âme sent que beaucoup de ceux-ci
veulent maintenant se laver en se servant de moi, mais ne le peuvent pas
: je suis un chiffon immonde ; ils se saliraient davantage.
Ô, combien je suis endolorie ! Mais, plutôt souffrir des
millions de fois, innocente, qu’une seule fois coupable.
Je ne veux pas perdre mon union avec Dieu un seul instant.
J’ai passé toute la nuit éveillée.
J’ai demandé beaucoup de choses à Jésus. J’ai renouvelé
mon offrande comme victime. Je l’ai remercié du bienfait de ne pas
dormir parce qu’ainsi je peux lui tenir davantage compagnie, vivre davantage
sa vie et me confier à lui...
Pendant que je me confiais à Jésus, j’ai été
assaillie par le démon. Il a utilisé son astuce, sa malice
et des paroles honteuses que je ne puis répéter...
« J’aimerais que mon âme ait été un livre...
»
Le soleil et la lumière du jour ont-ils cessé d’exister
pour le monde ? Il me semble que la nuit la plus tourmentée et obscure
ait tout envahi. Je n’ai pas de lumière, pas de joie, pas de vie.
Je suis morte et je sens que tous ceux qui me sont chers, sont morts eux
aussi.
Le médecin est venu. Il me semblait ne pas le voir : il était
comme un cadavre voisinant un autre. Comme toujours, dans sa bonté
et sainteté, il a cherché à soulager ma souffrance,
en m’incitant au courage et à la confiance. Ô mon Dieu, quelle
indifférence ! Tout ce qu’il disait semblait ne pas me concerner.
À la fin, j’avais même peur de lui, très peur.
— Jésus, prenez-moi tout, et donnez-moi votre divin Amour en
échange de tout ce que vous me prendrez. Donnez-moi une infinité
d’âmes ; donnez-moi l’immensité de votre amour infini. Je
veux vous aimer de cet amour et vous aimer pour ces âmes que je vous
demande.
J’ai soif, Jésus, j’ai soif ; une soif qui me brûle et
me consume ; une soif qui ne pourra jamais être rassasiée
sur la terre ; j’ai soif de vous aimer et de vous voir aimé par
cette infinité d’âmes que je vous demande ; j’ai soif de souffrir,
souffrir toujours davantage pour conquérir et sauver ces âmes
pour vous.
O monde, monde, sans vouloir t’appartenir, sans vouloir t’aimer, je
t’aime follement, je te veux, coûte que coûte ; je ne peux
pas te laisser, cher monde, sans te voir entièrement sauvé
! Ces anxiétés, ces désirs ne m’appartiennent pas
; ils ne sont pas nés de moi : je ne suis que mort, rien que mort.
Ils sont à qui ils veulent, ils appartiennent à qui ils veulent,
ils sont à Jésus ; ils servent à le consoler, ils
servent à l’aimer.
— O mon Jésus, reliez mon cœur à votre Cœur ; que rien
ne puisse nous séparer. Reliez aussi à vous tous les cœurs
du monde entier. Je ne veux pas qu’en cette pauvre humanité existe
autre chose en dehors de l’amour : amour pur à votre divin Cœur.
Je veux que ma vie soit une vie uniquement de louange pour vous. Que puis-je
désirer d’autre ? Comment souffrir davantage ? J’aimerais m’arracher
le cœur et le confier aux flammes du plus ardent amour et pouvoir vous
dire : “celui-ci est l’amour de toute l’humanité”...
« Je t’ai rendue semblable à Moi »
(Moments de la Passion)
(...)
Quel triste jeudi ! Combien de fausseté on me prépare
! Il fait déjà nuit. Je me trouve au milieu d’un rassemblement
important, à une invitation d’une très grande intimité
[la dernière cène] : les conversations sont orientées
au réconfort.
Dans mon âme deux tableaux bien différents se présentent
: une trahison sans égale et un amour sans pareil ; un amour, une
douceur, une tendresse telle envers le traître qu’aucun cœur ne peut
comprendre. Combien d’appels pleins de douceur à l’adresse du traître
! Mais celui-ci résiste, il ne se rend pas, il ne se trouve pas
à l’aise à côté de l’Agneau, victime innocente.
Je ne sais pas exprimer, ni la bonté ni la tendresse de Jésus.
J’aimerais que mon âme ait été un livre où tous
puissent apprendre les manifestations de la bonté, de la tendresse,
et de l’amour de Jésus.
Jésus me demande deux sacrifices…
Jésus me demande aujourd’hui deux sacrifices : un pour l’âme,
l’autre pour le corps. Un sacrifice de l’âme parce que je dois dicter
tout ce que je sens et tout ce que je souffre ; un sacrifice du corps parce
que mon état est si grave que je ne peux même pas bouger mes
lèvres pour parler. Il me semble, en effet, qu’à chaque parole
que je prononce des morceaux de mon cœur et de mes entrailles s’en échappent
. J’ai confiance en Jésus et je suis sûre qu’il m’aidera à
dicter au moins ses divines paroles [de l’extase]...
Vers la fin de la matinée j’avais cette impression : je courais
vers la mort et la mort vers moi. Je courais parce que des impulsions d’amour
m’obligeaient à courir. Seuls le sang et la mort auraient pu sauver
le monde et moi, je voulais le sauver.
Combien de fois, pendant le trajet, je suis tombée épuisée,
et croyant mourir ! Le fait de perdre la vie pour redonner vie me redonnait
des forces, et je reprenais mon chemin.
Sur le Calvaire, déjà en croix, mon sang coulait à
flots.
Calme et sereine, l’esprit tout en Dieu, j’attendais le moment du plus
grand bonheur : le moment du salut .
Jésus est ensuite venu. Il était tout amour et tendresse
pour moi :
— Ma fille, tabernacle divin où j’habite, prison de douceur
et d’amour ! J’ai relié mon Cœur au tien par des liens du plus saint
amour. Les lacets enchanteurs de ton cœur m'ont attaché à
toi... Rien ne peut nous séparer. Nul ne pourra couper les liens
conjugaux qui nous unissent.
O ma colombe... par ton amour séraphique le monde m’aimera...
Tu es et seras toujours le paratonnerre des pécheurs.
— Oh oui, Jésus, je veux les attirer vers vous, à n’importe
quel prix ! Je vous demande la grande grâce de les recueillir tous
dans votre divin Cœur. Qu’aucun d’eux ne se perde. Je ne vous refuse aucune
peine, mais vous non plus, ne me refusez pas les âmes.
— Ma petite fille, héroïne du monde hors pair, dont la
souffrance et l’amour sont aussi hors pair. Tu es riche et puissante. J’ai
préparé en toi un armement très fort, un armement
de guerre : non pas des armes ni du feu destructeur, mais un armement des
vertus les plus héroïques... non seulement pour combattre pour
le Portugal, mais aussi pour combattre pour le monde entier. Tu combattras
et tu vaincras...
Mon épouse bien-aimée, nouvel évangile où
est écrite, de façon indélébile, la vie du
Christ crucifié : vie de douleur, vie d’amour, vie de folie pour
les âmes, vie de charité, vie de science et de doctrine du
Christ Rédempteur.
Je t’ai rendue semblable à moi, je t’ai modelée sur moi,
victime chère, innocente salvatrice, éclose sur ce calvaire
prédestiné. Sauve-moi les âmes, mets-les à l’abri
sous le manteau qui t’a été confié par ma Mère
bénie...
Jésus m’a serrée entre ses bras pendant quelques heures
: il me faisait penser à une mère qui n’abandonne jamais
son petit enfant quand il est moribond.
J’ai beaucoup souffert, mais j’étais réconfortée
par la tendresse de Jésus. Autant de bonté de sa part envers
moi me confond, m’anéantit .
« Plus je souffre, plus je désire souffrir... »
(...)
Plus je souffre, plus je désire souffrir, mais je souffre terriblement.
J’aime la douleur, je la veux, et pourtant j’en ai la plus grande terreur.
Je courre vers les souffrances avec une grande avidité de les saisir
et en même temps il me semble qu’elles me fassent pleurer des larmes
de sang que j’aimerais cacher. Ô horreur, épouvantable horreur
! Je veux souffrir et je veux fuir la douleur.
Pendant ces derniers jours où j’ai eu tant à offrir à
Jésus, je n’ai pas pu avoir un moment de joie ni lui offrir mes
souffrances. Je répétais sans cesse : “Tout pour vous, Jésus,
et pour les âmes !” Mais ce tout que j’offrais à Jésus,
n’était pas à moi, n’était rien. J’ai passé
des jours et des nuits dans cet état : à donner, à
offrir, sans rien avoir à donner, sans rien avoir à offrir...
J’ai dit à Jésus :
— Je ne souffre pas ? Acceptez le désir que j’ai de souffrir.
Je n’aime pas ? Acceptez le désir que j’ai de votre amour. Je ne
suis pas moi-même ? Je ne vis pas ? Je n’ai rien à offrir
? Acceptez tout comme si je vivais, comme si je souffrais, comme si tout
m’appartenait...
Je sens dans mon âme tant de grands tourments. Je ressens même
des remords, ou je ne sais quoi, pour tant de personnes qui m’ont fait
souffrir. Qu’est-ce que cela, mon Jésus ? Les souffrances qu’elles
m’ont causées ne sont-elles pas suffisantes, dois-je encore souffrir
le dégoût qui entoure leurs âmes ? Jésus, je
suis votre victime. Pécher je ne le veux pas, mais tout ce qui peut
servir à vous aimer et à vous procurer gloire, je le veux,
je l’accepte...
(...)
Les épines ne cessent de tomber sur moi ; et elles tombent avec
tant de force ! Elles me blessent le corps, me blessent aussi l’âme.
Cela fait déjà deux jours que l’on ne me porte pas Jésus
: où trouver la force pour supporter ceci.
Les si tristes tableaux que Jésus a imprimés en mon âme
sont toujours présents devant moi : le monde, les limbes, l’enfer.
Combien de fois le souffle me manque parce que je ne vois aucun remède,
parce que je ne peux rien faire pour eux !
Depuis deux jours mon âme ressent une petite pluie fine, comme
de la neige, mais c’est de la pluie de sang qui arrose l’humanité
entière . Je souffre énormément à cause
de cela. Non pas de voir et de ressentir une telle pluie de sang qui est
rosée d’amour, rosée qui donne tout, mais parce que ce sang
qui jaillit sort de moi-même, sort de mon cœur, sort des veines de
mon corps. Ô quelle douceur ! Ô après-midi de jeudi
qui m’apporte tout ceci ! Quelle mer de souffrances de bien peu comprise
!...
« Jésus s’est donné à moi... »
(Moments de la Passion)
(...)
Le vendredi est arrivé ; triste vendredi ! J’ai vu ma croix
; il était encore tôt. On la préparait avec soin :
elle était nécessaire, quelle que soit la sentence que j'ai
dû recevoir.
Dans mon âme je ressentais une mansuétude, une bonté
inégalable. En même temps, contre cette mansuétude
et cette bonté, je ressentais la haine, la rancœur, le mépris
et une autorité orgueilleuse : un orgueil cynique.
Des bêtes féroces contre l’Agneau le plus petit et le
plus innocent ! Quelle douleur pour lui, lui si débordant de bonté
! Avant même que la sentence ne soit prononcée contre l’Agneau
innocent, j’ai senti que cette autorité là, avec une fureur
diabolique se déchirait les habits de haut en bas...
J’ai monté avec peine la montagne du Calvaire, en ayant l’impression
d’expirer. J’ai crié continuellement :
— Père, Père, toi aussi tu m’abandonnes ? Toi aussi tu
m’abandonnes ?
Mon sang coulait.
Le soleil, honteux, s’est caché à la vue de tant de malice.
Et moi, déshabillé, dans une grande confusion, je restais
là, sur la croix, sous les regards de la canaille la plus vile !
Mes habits ont été tirés au sort et partagés...
Mon âme tremblait de douleur et de peur, comme le corps tremble à
cause du froid.
À haute voix toujours j’appelais Jésus. Il est venu apportant
un soleil radieux et ardent. Les tremblements de mon âme ont cessé,
ainsi que la peur et toutes les douleurs : j’avais retrouvé la paix,
je n’avais plus que lumière et amour. Le cœur a commencé
à revivre une vie que je ne sais pas expliquer. La poitrine est
devenue un vrai incendie. Quel bonheur j’ai pu vivre pendant longtemps
!...
(...)
J’ai entendu des hymnes merveilleuses ; je ne comprenais pas très
bien, mais je sais qu’elles étaient adressées à Jésus
au très Saint-Sacrement.
J’ai entendu les paroles « Corpus Jesus Christi »
et je me suis aperçue que Jésus se donnait à moi et
m’unissait toujours davantage à lui.
Les anges continuaient de chanter : de ce chœur d’anges sortait un
canal qui arrivait jusqu’à moi, me communiquant des flammes de feu
et bien d’autres choses.
Jésus m’a dit alors :
— Ce canal, ma fille, descend du Cœur de la tienne et ma Mère
bénie. De celui-ci tu reçois la très grande abondance
de notre amour ; tu reçois nos grâces, vertus et dons : richesse
divine et tout ce qui est du ciel. De son Cœur tu reçois la vie
pour vivre, la vie pour la donner aux âmes. C’est cette rosée,
le sang que tu sens tomber sur l’humanité ; c’est une fusion de
mes richesses, de mes grâces et de ta souffrance. Tu es une nouvelle
corédemptrice.
Je te communique tout à travers le canal de ma Mère bénie
: c’est à vous qu’il appartient de sauver le monde. (...)
« Tout souffrir sans rien dicter... »
(...)
J’ai une grande dette ! Combien je vous suis reconnaissante ! Prières,
lettres remplies de réconfort, tant et tant de choses !... Comment
pourrai-je vous rétribuer ? Je charge Jésus et la Maman du
ciel de le faire pour moi.
Les vomissements ont cessé, mais je me sens bien malade : je
n’ai pas de force, ni disposition pour la moindre chose.
Il m’aurait plu de vous faire parvenir quelques mots à votre
retour de Lisbonne, mais je n’ai pas pu le faire. Merci pour les nouvelles
que vous m’avez communiquées sur Alexandrina et sur
la personne trouvée à Fatima.
Que le Seigneur permette que sa cause triomphe, pour son honneur et
sa gloire et le bien des âmes : c’est ce qui m’intéresse.
En effet, il m’importe peu d’être humiliée.
Que Dieu daigne permettre que vous, après la prédication,
vous puissiez venir ici, comme vous le laissez entendre dans votre dernière
lettre. J’ai tellement besoin de vous parler : je crois suffoquer. Pauvre
de mon âme, combien triste est ma vie !... Le démon, pendant
que j’avais les crises de vomissements, n’a pas usé de ses malices,
il bavardait et m’affligeait, me disant que, après un peu de repos,
il m’entraînerait de nouveau à la vie de péché.
Je vous demande d’avoir l’obligeance de remercier Dom Previsano pour
sa lettre. Pour lui et pour tous les autres prêtres salésiens
nos respectueuses salutations et nos remerciements pour les prières.
Je n’ai pas oublié de m’unir aux leur, le jour de la fête
de Dom Bosco...
Salutations et saints souvenirs à tous les novices et à
tous les confrères.
Vous pourriez, maintenant, me dispenser de dicter mon journal spirituel
: je fais pour ce faire un très grand sacrifice !... Laissez-moi
tout souffrir sans rien dicter...
« L’amour me pousse vers la souffrance »
(...)
Je sens que je ne peux pas résister à tout... Je ne peux
plus rester sur cette terre... Je veux laisser le monde et l’emporter avec
moi ; je n’en veux pas, mais je l’aime ; je ne lui appartiens pas mais
il est à moi ; je déteste tout ce qui est du monde, mais
je veux embrasser le monde au point de ne plus le laisser... Je veux entrer
au ciel, mais avec toute l’humanité. Mon Jésus, que dois-je
faire ?... Je ne sais pas quelles plus grandes souffrances je peux désirer
pour mon corps...
Je continue de souffrir des remords, ceux qui entourent les âmes
que certaines personnes... Je souffre pour le malheur de quelqu’un qui
m’a tant blessée...
(...)
Je sens et je vois les tourments qui m’attendent. Je sens que je suis
prise comme cible : les pierres me blessent le cœur. Je sens que je prends
congé d’une assemblée.
Combien de larmes de chagrin et de honte en me voyant revêtue
de toutes les immondices et de me trouver dans un tel état en présence
du Père éternel !
L’amour me pousse vers la souffrance. Les lèvres clos, les yeux
fermés, je me dis à moi-même : “Je vais vers la mort”.
Une pluie d’épines tombe sur moi : mon corps devient comme lépreux.
Mais je reste les bras ouverts, un tendre sourire aux lèvres et
une mansuétude inégalable. Je cache et je dissimule tout.
Ô mon Jésus, j’aimerais, uniquement pour votre gloire,
savoir expliquer ce qui se passe en moi, ce que vous avez souffert pour
nous ! Ô, quelle tendresse, quelle bonté, ô innocent,
ô innocent Jésus !...
(...)
La Maman est venue me secourir. Elle m’a prise entre ses bras très
saints et m’a dit :
— Me voici, ma fille, me voici pour te défendre. Viens dans
mes bras, viens te reposer. C'est à la mère qu'il appartient
de défendre sa petite fille, à la mère qu'il appartient
de défendre et de consoler les épouses bien-aimées
de Jésus. Toi, tu n’as pas péché, ma petite enfant
: ceux-là, ce sont des moments d'une intense réparation,
d'un grand amour à Jésus. Courage, souffre, souffre et réjouis-toi
!...
« Toute seule dans une obscure prison... »
Si tous les jours, après mes légers sommeils, je me trouve
submergée par une grande souffrance et une grande tristesse, cette
même souffrance redouble le vendredi. Je n’ai pas de paroles ni le
moyen de les expliquer. Aujourd’hui je me suis réveillée
tout simplement exsangue. J’avais l’impression que mes cheveux étaient
imbibés de sang, et que pareillement mes habits étaient collés
à mon corps.
Je me trouvais toute seule dans une obscure prison. Je sentais la douleur
de l’abandon dans lequel ceux qui m’étaient chers avaient été
laissés. Que devenaient leurs protestations de ne pas m’abandonner
?
Tout ceci est comme un livre aux caractères bien clairs imprimés
dans mon âme ; ce ne sont pas des inventions. Parfois j’essaie de
me distraire pour voir si ces souffrances disparaissent. Je me trompe,
car la blessure est bien profonde, c’est une douleur très vive que
seuls Jésus et la Maman du ciel peuvent adoucir.
Ensuite le démon est arrivé sous l’apparence d’un loup
ou d’un lion, développant devant mes yeux des scènes horribles...
J’aimerais que les âmes connaissent ses astuces diaboliques afin
qu’elles ne se laissent pas tromper !
Avec la venue de Jésus-Hostie, par la chaleur de son divin Amour
qu’il m’a fait sentir intensément, j’ai repris un peu de vie.
Son réconfort m’a encouragée à parcourir le chemin
du Calvaire. Combien j’ai été maltraitée ! Je suis
tombée si souvent sous le poids de la croix, et traînée
avec des cordes pendant de longs moments. Je tombais la face contre terre
et des lambeaux de ma chair lacérée restaient collés
aux pierres.
Toutes les souffrances qui m’attendaient anéantissaient mon
cœur : c’était une oppression qui le suffoquait et lui enlevait
la vie.
Sur la croix, abandonnée de tous, en écoutant les injures
les plus infamantes, je sentais ruisseler, comme une sueur mortelle tout
le long de mon corps. À celle-ci se joignaient les gouttes de sang
qui abondamment tombaient de ma tête et des plaies de mon corps.
Dans la souffrance je sentais la grande douceur d’être comme
la monnaie d’échange pour les âmes, mais je ne pouvais même
pas esquisser un sourire.
Pendant cet abîme de douleur Jésus est venu :
— (...) Ma fille, tu es une mer immense de richesse, tu es un port
de salut. Quand tu seras au ciel près du trône divin, et que
là arriveront des suppliques en ton nom en faveur des pécheurs
en danger, quand tu diras “Mon Père, je désire que tel pécheur
se sauve”, au même moment il recevra la touche de la grâce.
Tous, par toi, seront sauvés. Tu seras comme un fil d’or très
fin qui les liera à moi pour toujours.
— Mon Jésus, je vous remercie pour votre bonté et pouvoir,
infinis. Si vous me ferez si puissante au ciel, faites que déjà
sur la terre, tous les pécheurs que je vous indiquerai se convertissent
et soient sauvés.
— Demande, demande, ma petite fille, tu es puissante. Confie à
mon Cœur tous ceux que tu voudras. Ta mission sur la terre est de faire
le bien à la terre elle-même, c’est de défendre le
bien... Écoute, ma fille bien-aimée, ceux-là (et il
m’a cité les noms) sont en danger de se perdre : ils sont tellement
obsédés par les passions ! Ils m’offensent très gravement,
si scandaleusement !...
— O Jésus, je veux m’offrir à vous pour vous consoler
et pour les sauver. Choisissez la réparation que vous voudrez ;
donnez-moi votre grâce, votre force divine. Munie de celles-ci, je
suis prête à n’importe quel sacrifice. (…)
Efforts récompensés...
(…)
Hier j’ai passé plus de trois heures à parler de Jésus
à une personne éloignée de lui depuis de longues années.
Je ne me souviens pas qu’il ait jamais fréquenté l’église.
Je suis restée baignée de sueur et épuisée
au point de ne plus pouvoir bouger mes lèvres pour prononcer la
moindre parole. Mais mon effort n’a pas été sans récompense
: Jésus a permis que, pendant un certain temps, je puisse éprouver
quelque joie. Cette personne m’a donné des signes de repentir et
m’a promis de changer de vie. Elle me semble prête, dans peu de temps,
à pouvoir échapper à l’emprise du démon.
Ah, si je voyais dans de telles dispositions tous ceux qui sont éloignés
de Jésus ! Je veux souffrir, je veux souffrir, je veux les sauver
: je les aime ; ils sont tous à Jésus...
« Je sens être le monde... »
(Moments de la Passion)
(…)
Il est certain que Jésus souffre en moi, toutefois, la souffrance
prédomine et je suis épuisée. Je sens que la mort
chemine vers moi : la mort que je souhaite tant, que je veux appeler, qui
m’introduit dans le bonheur céleste. Je ne pense plus alors à
mes tristesses, à mes souffrances et amertumes, et je me mets à
prier pour tous ceux que j’aime et pour le monde entier. Je n’oublie pas
ceux qui sont la cause de tant de mes souffrances : je prie pour eux ;
je veux que Jésus leur donne de l’amour, je veux qu’il leur donne
le ciel.
Je sens être le monde : un monde fait de rochers très
durs ; un monde fermé, et je sens que je suis à l’intérieur
de celui-ci. Je dois transformer ces rochers de très dures pierres
en pierres précieuses, en de l’or très fin. Quels efforts
je fais, à l’intérieur de ces rochers afin de pouvoir me
déplacer ! Je dois les déplacer, les concasser. Je dois en
faire un monde beau, agréable à Jésus.
— Ô Jésus, regardez le martyre qui me consume. Que dois-je
faire pour le monde ? Comment le transformer ? Comment pourrai-je consoler
et procurer de la joie à votre divin Cœur ?
L’action de l’Esprit-Saint se fit sentir en moi. Mais il me semble
ne pas bénéficier de ses grâces, de ses lumières.
Je suis une pauvre qui n’a rien et ne pourra jamais rien avoir.
— Qu’en sera-t-il de moi, Jésus ? Je ne peux pas vivre sans
vous ; sans vous je ne peux pas souffrir...
Le souvenir qu’aujourd’hui soit un jeudi me fait mal. Quelles souffrances
m’apportent ces jours [jeudi et vendredi].
À la tombée de la nuit j’avais l’impression de parcourir
des routes. Je poursuivais mon chemin et j’étais cernée et
montrée comme accusée des toutes les fautes de tous ceux
qui me voyaient.
La nuit tombée je me suis trouvée dans un banquet d’amis.
Au milieu de cette amitié je sentais le traître qui, peu après,
allait m’embrasser, et j’ai éprouvé la douleur que ce baiser
allait me causer.
Je sentais être Jésus. Sur ma poitrine s’est posée
une tête que j’aimais beaucoup. Mon cœur s’est attendri d’amour pour
lui.
Que de conversations sur tant de mystères et sur tant de grandeurs
!
Pendant ce banquet j’ai lavé les pieds à ceux qui m’entouraient.
J’avais sur moi de l’eau, serviette et bassine. Parmi eux, un se sentait
gêné que je lui lave les pieds. Un seul regard de moi et il
était prêt à se déshabiller pour que je le lave
tout entier, s’il en était nécessaire.
Si je pouvais rendre tout l’amour, la bonté et la tendresse
de Jésus, combien cela ferait de bien aux âmes ! Mais je ne
sais pas mieux l’expliquer.
— Suppléez, Jésus, mon incapacité.
« Nos cœurs sont unis... »
En fin de matinée j’ai senti mon cœur très maltraité.
Les humiliations l’écrasaient : il n’avait plus de sang à
donner à mon corps.
J’ai commencé mon chemin de calvaire. La Maman du ciel est venue
à ma rencontre : ce fut un échange de profonds regards. Nous
cœurs se sont unis dans une même souffrance. L’échange de
nos regards fut bref ; en effet, je devais avancer, toujours maltraitée,
poussée, traînée. Mais la douleur de nos cœurs ne s’est
pas désunie, liée qu’elle était comme deux fils électriques.
Bien vite je suis arrivée au sommet du calvaire, où j’ai
été clouée à la croix. Quelle longue agonie
! Le sang coulait ; les plaies s’agrandissaient chaque fois davantage.
Les larmes de la Maman chérie coulaient sur mon cœur. Elle était
comme un phare pour moi et moi pour elle : un phare dont la lumière
mettait en évidence nos souffrances.
Avant d’expirer, j’ai senti que l’on me transperçait le cœur.
Cette douleur m’a été anticipée, car une fois morte,
je n’aurais pas pu la ressentir. Quand j’ai senti mon cœur transpercé,
j’ai jeté mon regard sur le monde et je lui ai dit :
— C’est à cause de toi que je suis en cet état !
Alors, mon Jésus est venu :
— … Ma fille, comme moi, tu as la folie des âmes. J’ai fait ton
calvaire semblable au mien. Ta vie est vie du Christ : le Christ vit voilé
en toi...
Ma fille, tu es une source de salut pour toute l’humanité ;
tu es une source qui ne s’épuise jamais ; tu es comme une eau qui
rassasie le monde entier ; tous, dans cette eau, peuvent se purifier...
« Mon Dieu, combien les souffrances que vous m’avez envoyé
sont variées !... »
À l’aube j’ai commencé à souffrir à cause
du voyage de Deolinda. Elle partait avec d’autres personnes que j’estime,
afin de visiter d’autres personnes que j’aime. J’étais contente,
mais j’aurais aimé y aller moi aussi. J’ai offert au Seigneur le
sacrifice de ne pas manifester mes sentiments. Mais à la fin, je
n’ai pas su me contenir et j’ai laissé transparaître ma pénible
nostalgie.
Je suis restée sur ma croix devenue plus douloureuse encore
à cause de la préoccupation de tout ce qui aurait pu arriver
pendant le voyage, étant donné non seulement la faiblesse
physique de ma sœur, mais aussi des dangers que pourraient encourir tous
les autres et le fait même qu’ils ne puissent pas rencontrer mon
bon Père Pinho, visite qui leur auraient procuré un très
grand plaisir.
Je me suis sentie aussi toute petite en constatant que des personnes
importantes et se débattaient pour nous. Cette pensée me
poursuivait ces jours-ci chaque fois que je recevais la visite de quelqu’un.
Pendant la nuit j’ai beaucoup souffert des conséquences de cette
journée. Sans le vouloir, je revivais tout ce qui s’était
passé. Jésus ne m’a même pas accordé le réconfort
de la confession, et ce n’était pas là la première
fois... Je demande toujours à corps et à cris la visite du
confesseur afin de purifier chaque fois davantage mon âme. Mais après
m’être confessée, quelle amertume ! Mais, je reste en paix,
malgré cela. En effet, mon âme se tranquillise parce que je
suis toujours sincère et ne cherche aucunement à tromper.
— Acceptez, mon Jésus, mon amertume. Je la veux et je l’aime
parce que je vous aime et que j’aime les âmes.
Il y avait deux nuits simultanées : celle du dehors et celle
de mon âme.
Le démon, pendant la journée, m’avait affirmé
que pendant le voyage un désastreux accident était survenu
aux personnes qui m’étaient si chères. Il est le père
du mensonge. Ils sont arrivés peu après. Je n’ai pas ressenti
de joie : Jésus ne l’a pas permis.
Je suis restée quelque temps avec le Père Umberto, venu
m’apporter quelque lumière et faire disparaître mes doutes.
J’avais du mal à croire qu’il soit là, à côté
de moi : je le sentais si éloigné et de ne rien pouvoir faire
pour le rejoindre. Son visage me semblait être seulement une coquille
d’œuf.
Mon Dieu, combien les souffrances que vous m’avez envoyé sont
variées !
(...)
— C’est pour cela que je ne procure pas de joie, ni de consolation,
avec la présence de ceux qui pourraient te la procurer ; je les
prive, eux aussi de la consolation et de la joie qu’ils auraient de te
voir joyeuse et consolée.
(...)
Pendant la nuit le démon est venu et il a appelé ses
acolytes : ils étaient nombreux. Très affligée, je
craignais que l’on entende mes gémissements. Le maudit me
disait :
— Tais-toi ! Il ne faut pas qu’il vienne — et il ajoutait de vilains
sobriquets à l’adresse du prêtre. — Quand j’aurai fait de
toi ce que je veux, je le tuerai. Il mourra sous mes pieds.
Je restais dans un abîme épouvantable : mon Jésus,
quelle obscurité ! Ce n’était que de temps à autre
que des feuilles blanches tombaient, mettant ainsi en relief l’obscurité
terrible où j me trouvait...
Les démons m’ont laissée...
Triste, très triste, j’ai invoqué Jésus.
— Allons, ma fille, en avant dans l’accomplissement de ta mission...
N’as-tu pas vu les pétales blancs qui tombaient sur cet abîme
? Ce sont les pétales de ta réparation : par leur candeur
ils illuminent les âmes, qui se trouve dans cette horrible ténèbre...
Je n’ai pas vraiment craint que le démon mette en pratique ses
menaces, mais dès le matin, n’entendant aucun bruit dans la chambre
voisine, j’ai eu peur que le prêtre ne soit mort. Le Seigneur, toutefois,
ne l’avait pas permis.
Quand Dom Umberto est revenu pour me parler des choses de mon âme,
j’ai continué de me sentir comme éloignée, très
abstraite, immergée dans une mer de souffrances en âme et
dans mon corps.
À l’intérieur de moi je sentais, de temps en temps, des
secousses terribles ; une grande répugnance pour raconter ce qui
se passait dans mon âme. Je me sentais petite et misérable...
« Le monde vient se rassasier… »
(Moments de la Passion)
Je n’ai point de vie, je n’ai point de sang : j’ai tout donné,
j’ai tout perdu. J’ai tout donné et mon don me semble inutile. Je
sens une si grande défaite. Mon Dieu, il me semble ne pas exister.
La souffrance existe, et c’est la mienne. Le monde existe et j’en ai besoin.
Mon âme ressent une très grande faim, mais cette faim
est la faim du monde, c’est le monde qui vient se rassasier dans ma souffrance
; c’est un monde de bêtes qui profite le plus qu’il peut de ma souffrance.
Ce n’est rien, je ne souffre rien en comparaison de tout ce dont a besoin
la pauvre humanité.
Jésus, quelle souffrance, que celle-ci ! On dirait que l’on
m’arrache le cœur de ma poitrine et qu’on le met en miettes pour le distribuer
au monde, aux âmes.
J’aimerais passer ma vie à mendier des cœurs qui puissent être
l’aliment, le salut des pécheurs. J’aimerais crier très fort,
j’aimerais que ma voix soit entendue par toute l’humanité :
— Ô monde, monde ingrat, je suis à toi ! Je me donne à
toi pour Jésus et pour la très chère Maman du ciel.
C’est grâce à eux que mon sang arrive jusqu’à toi,
que ma vie parvient jusqu’à toi. c’est grâce à eux
que je t’aime, que je suis à toi. Je t’aime pour te sauver, pour
te confier à Jésus et à la Petite-Maman !
Pauvre de moi, je n’ai rien à donner ; je ne sais plus quoi
faire. Que d’horribles choses se passent en moi, causées par l’anxiété
insupportable que j’ai d’aimer Jésus et de sauver l’humanité
!...
« Pourvu que je sache correspondre... »
Deux petits mots seulement, pour vous remercier pour tant d’attentions
et soins envers moi. Et pour vous dire aussi d’être tranquille à
mon sujet, que vous ne souffriez pas autant à cause de moi.
Je veux bien des prières, mais pas autant de souffrances, car,
malgré mon indicible douleur, mon âme est en paix.
Je ne sais pas comment résister à la douleur, mais c’est
une douleur en pleine tranquillité d’esprit. Pendant que les yeux
de mon corps pleurent les plus amères et tristes larmes, mon âme
monte vers Dieu, lui renouvelle l’offrande de victime et lui dit : “Que
votre volonté soit faite”.
Dieu merci, je n’ai pas eu des moments de révolte contre Lui,
bien que je ne sache pas comment résister, parce grande, très
grande est ma souffrance. Pourvu que je sache correspondre à l’amour
de Jésus envers moi... Mes misères méritent toutes
les épreuves auxquelles le Seigneur voudra me soumettre.
Je veux le bénir au milieu de tant de souffrances ; je veux
le bénir toujours, dans le temps et dans l’éternité.
Je veux mettre toute ma confiance en Lui jusqu’au dernier instant de ma
vie, quoi qu’il arrive.
« Les pétales deviennent des flèches... »
(...)
Dans la nuit du 27 [février] j’ai eu une vision d’épines
qui m’a causé une énorme souffrance. C’était un bois
très serré d’épineux, rien que des épineux.
Ils montaient à une très grande hauteur, s’entremêlant
les uns dans les autres à tel point que l’on ne voyait pas la cime.
Ils étaient tous très gros et très longs, et ils étaient
près à tomber sur moi...
Et sur ces épineux, il tombait continuellement une rosée
de sang.
Mon âme sent que de ces épines va éclore une nouvelle
floraison de boutons blancs...
Ce matin, tôt, j’ai senti dans mon âme, j’ai entendu, de
mes oreilles, de forts grands bruits, de grands coups par lesquels on ouvrait
ma sépulture. Elle était si profonde ! C’est jeudi. La mort
court vers moi. La sépulture est prête. Le poids de toutes
les humiliations m’écrase. Aucune méchanceté ne m’a
été épargnée. Mon âme voit tout
ce qui enlèvera la vie au corps. Ma sépulture est un puits,
un abîme.
Rien n’existe en moi qui puisse me procurer de la joie : tout ce qui
s’y trouve de beau et de puissant est pour moi une souffrance.
Depuis mon lit je peux admirer la grandeur du Créateur, en voyant,
à travers la fenêtre, les arbres couvertes de fleurs. Quel
prodige ! La candeur des fleurs se transforme en nuit pour mon âme
; tous leurs pétales deviennent des flèches qui pénètrent
mon cœur. Que faire, mon Dieu ? Accepter tout ce qui vient de vous.
Je vais vers la mort les yeux fixés sur votre croix.
« Jésus, que pourrez-vous me demander que je ne vous le
donne pas ?... »
(Moments de la Passion)
Je n’y pensais pas, mais mon âme m’a rappelé quel jour
nous étions...
Je me suis sentie en prison, très triste et seule. J’ai souffert
pour avoir les yeux bandés ; j’ai souffert à cause de tant
d’ingratitudes...
Aux premières lueurs on est venu me chercher. Mon visage ressentait
les gros crachats. Au dehors, une immense foule m’attendait : Combien de
railleries j’ai entendu ! De rue en rue, de maison en maison, au milieu
d’un grand tapage, objet de mauvais traitements, j’ai été
interrogée par des magistrats hautains, remplis d’orgueil, convaincus
de pouvoir tout faire... Devant autant de grandeur, combien j’étais
petite ! J’ai été condamnée.
J’ai pris la croix. Courbée sous son poids je marchais par à-coups.
Combien de fois j’ai été traînée ! Combien de
larmes j’ai ressenti dans mon cœur ! Traitée si cruellement, je
répétais souvent en moi-même :
— Je vous aime ! Je souffre pour amour pour vous !
Je portais la croix et je voyais, sur le Calvaire, celle de Jésus.
Elle était comme un phare qui me pénétrait et m’illuminait
tout entière. Je me suis sentie attirée par elle et je cheminais
pour l’embrasser et la posséder. Arrivée auprès de
celle-ci, on me coucha sur la croix. Pendant que l’on m’étirait
les bras et les jambes pour les clouer et que je sentais que des plaies
sortaient de ruisselets de sang, le démon est venu vers moi, redoubler
ma souffrance... Moi, clouée, mains et pieds, sur la croix, je ne
pouvais pas lutter. Combien j’ai souffert ! Je fixait mon Jésus
crucifié...
Le démon est finalement parti, mais l’amère tristesse,
l’abandon et les larmes non pas cessé. Les larmes et l’agonie de
la Petite-Maman ne m’ont pas abandonné non plus, ainsi que ses regards
endoloris, ses peines de compassion pour moi. Affligée et agonisante,
j’ai crié vers le ciel jusqu’au dernier soupir :
— Père, mon Père, pourquoi m’avez-vous abandonné
?
Ce n’était pas moi qui criais, c’était mon cœur. Ce n’étais
pas moi à vouloir crier : la violence de la souffrance de l’agonie
m’y obligeait.
À ce moment-là Jésus est venu :
— Ma fille, soleil de la terre, feu des cœurs, joie du ciel ! Soleil
qui, de ses rayons lumineux éclaire l’humanité ; feu qui
brûle et purifie les cœurs ; joie du ciel parce que mon Nom est loué
par la victime immolée, par la vie qui donne vie... Je viens à
toi pour te confier mes douleurs. Dis-moi, veux-tu me consoler ?...
— Jésus, que pourrez-vous me demander que je ne vous le donne
pas ?...
— Étant donné qu’avec tant de bonne volonté et
de joie tu me donnes tout, je te prive de ma joie, de ma consolation, comme
je t’ai déjà privée de la consolation et de la joie
de ceux qui te son chers. Tu ne recevras de moi que le réconfort
nécessaire afin de pouvoir souffrir et vaincre..
Tu ne recevras que des épines [de la part du monde], des épines
de toutes parts. Voilà le sens de la vison que je t’ai montrée
; tu vivras au milieu des épines et tu expireras au milieu de celles-ci.
Ton âme pure en sortira pour s’envoler vers le ciel et y brûler
d’amour...
Tes épines, ce ne sont pas des épines destinées
à sécher. Ta souffrance prépare le terrain pour le
bois que je t’ai montré, et ton sang l’arrosera. Ce sont des épines
qui en sortiront, qui donneront des roses... Tu partiras vers le ciel,
mais ta grâce et tes vertus resteront sur la terre... Je veux que
ta vie soit bientôt, très bientôt connue : le monde
en a besoin...
— Jésus, je veux souffrir toute seule, je veux pleurer toute
seule : laissez-moi dans mon amertume, dans ma tristesse infinie, mais
vous, restez dans la joie et dans la consolation complète.
« Je suis une mère qui pleure... »
Depuis dimanche je me sens la mère de l’humanité, une
mère tendre. En même temps que cet amour, la souffrance aussi
arrive ; une souffrance causée par les désordres de ceux
de mes frères que je sens être mes enfants.
J’aimerais me présenter aux gouvernements de toutes les nations
pour demander qu’ils se réconcilient les uns avec les autres ; mais
j’aimerais une réconciliation faite d’un pardon durable pour que
les mêmes désordres n’arrivent plus jamais.
L’envie de faire ceci est quelquefois si grande que j’ai l’impression
de voler vers eux.
Pour obtenir cette paix, je soumettrais volontiers mon corps aux plus
grands supplices et aux plus grands sacrifices, même si je devais
être traînée de nation en nation et faire ce qui est
le plus pénible.
J’aimerais prendre dans mes mains le Cœur de Jésus et leur dire
:
— Regardez combien il est blessé ! Ce sont nos péchés
qui le blessent ainsi.
(...)
Depuis samedi j’ai une très grande peur de Jésus. Depuis
dimanche la peur de la Maman du ciel s’y rajoute, à telle enseigne
que je n’ose plus me confier à elle. De la même manière,
cette même peur existe envers les personnes qui me sont chères.
Je désire que le Docteur Azevedo et le Père Umberto viennent
ici, mais en même temps la crainte de leur présence me tourmente.
Cette crainte disparaît ensuite pour laisser la place à l’indifférence,
une indifférence qui me porte à croire que je ne leur parle
pas et à me demander si vraiment j’existe ou non...
« Je sens en moi un feu brûlant... »
Je sens en moi un feu brûlant : il me brûle dans tous les
sens. Tout mon corps est une fournaise. J’ai soif de Jésus, j’ai
faim, très grande faim des âmes. J’aimerais pouvoir engloutir
le monde. Je me sens toujours sa mère. Quelle folie la mienne, pour
le monde qui n’est que tromperie, fange et immondice ! Je suis mère,
mais une mère combien folle ! Je suis une mère qui pleure
la perte de ses enfants ; je suis une mère qui ne peut pas les voir
dans tant de désordres, dans tant de misères et d’atrocités.
Je suis une mère qui pleure des larmes de sang, larmes qui baignent
toute l’humanité. Je ne peux pas résister à tant de
souffrances, mais je ne peux pas non plus m’accorder de trêve : je
veux sauver le monde, je veux tout souffrir, je veux donner ma vie pour
lui.
Au moment où les anxiétés étaient les plus
insupportables, j’ai levé mon regard vers Jésus et je lui
ai dit :
— Jésus, ce pauvre monde, je veux le sauver ! Laissez-moi entrer
dans votre Cœur avec ceux qui me sont chers ; laissez-moi y entrer avec
ceux qui m’appartiennent et se recommandent à mes prières
; laissez-moi y entrer avec tous les prêtres et les pécheurs
endurcis ; laissez-moi y entrer avec ceux qui m’ont offensée ; laissez-moi
y entrer avec toute l’humanité. Qu’aucun ne reste en dehors de votre
Cœur, et qu’ainsi ils entrent dans notre Patrie, le Ciel que vous avez
créé pour tous. Je veux vous aimer et vous louer avec eux
tous, éternellement... (...)
Le nuit du plus grand miracle...
(Moments de la Passion)
(...)
Vers la fin de la matinée j’ai commencé à me rendre
compte que Jésus pleurait à l’intérieur de moi. Moi,
j’étais la ville de Jérusalem ; j’étais Jésus
; j’étais l’amour et l’ingratitude. De mon cœur partaient vers la
cité les plus doux et tendres regards. C’étaient des regards
de rappel, des regards de compassion. Mais de la ville, rien ne sortais
vers moi ! Seule la révolte grondait contre moi.
En fin d’après-midi, je me suis sentie réunie avec des
amis. Ô mon Dieu, que se passe-t-il ? Des scènes si contrastées
! J’étais Jésus et, sur mon cœur, je sentais quelqu’un poser
sa tête sur ma poitrine, et moi j’étais ce quelqu’un. J’étais
la table, j’étais le pain et le vin ; j’étais la coupe qui
contenait le vin ; j’étais les plats où les viandes étaient
servies. J’étais Judas ; j’étais tout. J’étais la
douceur et la mansuétude de Jésus ; j’étais le désespoir
et la trahison de Judas.
Quelle nuit ! Quelle sainte nuit ! La plus grande de toutes les nuits
! La nuit du plus grand miracle, du plus grand amour de Jésus !
Son divin Cœur était uni à ceux qui lui étaient
si chers. Pour pouvoir partir, il lui fallait rester parmi eux ; pour monter
au ciel, il lui fallait rester sur la terre ; son divin Amour l’y obligeait.
J’aimerais pouvoir éclaircir toutes ces choses, mais je ne le
peux pas, je n’en suis pas capable.
Le regard halluciné du mauvais disciple est resté imprimé
dans mon cœur, comme aussi le silence profond de nostalgique congé.
L’amertume de mon âme ne pouvait pas être plus grande.
« Le ciel paraissait se révolter... »
Chaque moment qui passe est une éternité. J’ai l’impression
d’être toujours au même endroit. Le ciel ne vient pas.
Seule le vendredi, une fois passé, revient très vite.
Je pourrais presque dire qu’il est toujours présent.
J’ai passé la nuit en agonie au Jardin des Oliviers. Quelle
triste solitude ! Le ciel paraissait se révolter contre la terre
ingrate. J’entendais le bruit de la foule et le résonner des armes.
À l’intérieur de moi j’ai entendu quelqu’un qui était
tout proche dire :
— Mon ami, pourquoi es-tu venu ?
Ô douces paroles ! Ô douceur, tendresse et amour de Jésus
!
Quelques heures se sont passées et tout reste encore imprimé
en moi. Mon corps est très épuisé à cause de
l’agonie, de la prison, de la flagellation, des épines, des mauvais
traitements et le chemin du Calvaire...
Arrivée en haut, je me suis transformé en la montagne
même, en la croix, en Jésus. Combien de sentiments, combien
de douleurs, combien d’amour ! Amour qui embrassait toute l’humanité,
amour qui contraignait à tant de douleur, au versement de tout le
sang.
Ah si je pouvais rendre clairement, comme clairement je l’ai vécu
ce que Jésus et la Sainte Vierge ont souffert !
(...)
Jésus m’a dit :
— Tu es pleine de grâce, ma fille, parce que Jésus est
avec toi. Tu es pleine de lumière, de pureté et d’amour,
parce que le Saint-Esprit est descendu du ciel sur toi. Il habitait déjà
en toi, mais maintenant, plus que jamais il s’est répandu en toi
; en toi comme jadis sur les apôtres. A partir de maintenant, tu
auras des lumières pour comprendre pleinement l’étendue de
mon amour, de ma puissance, de ma miséricorde et de la gravité
de la faute contre mon divin Cœur...
Je désire vivement que ta vie soit connue ; mais elle ne pourra
l’être sans une grande souffrance, immolation et sacrifice.
(...)
L’heure est arrivée : que la lumière soit, que la lumière
se fasse. Le monde a faim de ma vie cachée en toi.
Demande prière, réparation, changement de vie. Demande-le
! Pour que cela se fasse, il faut le demander ; pour le demander il faut
connaître mes désirs.
Hâtez-vous ! Hâtez-vous ! Faites pénitence ! Faites
réparation pour le péché de chair. L’impureté
est la fenêtre ouverte à tous les péchés graves.
Que le monde se convertisse ! Pauvre monde s’il ne se convertit pas bientôt...
Tu recevras tout de moi, pour tout donner aux âmes. Tu appartiens
à Jésus, tu vis de Jésus ! Donne aux âmes ce
qui appartient à Jésus. (...).
« Cette lumière ne laisse rien occulte... »
Depuis vendredi je sens dans ma tête une forte lumière
qui se reflète dans mon cœur avec la même intensité.
Je sens en même temps être comme une tour d’une hauteur inimaginable
depuis laquelle, cette lumière illumine le monde entier.
Cette lumière nage dans une mer de souffrances, dans une mer
obscure. La mer c’est moi, la souffrance est la mienne, et même la
nuit est la mienne.
La lumière ne m’appartient pas: elle appartient au monde; elle
est pour le monde.
Certaines fois je me fatigue et je reste broyée à cause
des nombreuses choses que cette lumière me montre.
Mon Dieu, qu’elle horreur dans le monde ! Comme il coure vers la perdition
! Mais il est à moi, je me sens comme sa mère ! Je ne peux
pas supporter qu’il se perde à cause de ses désordres. Mon
âme le voit parcourant toutes les routes qui mènent à
la perdition. Ah, mon Dieu, que dois-je faire ? J’ai déjà
tout donné, et pourtant j’ai l’impression de ne pas avoir tout fait
pour le sauver. J’ai tout donné et tout fait sans avoir le sentiment
d’être sa mère, et maintenant [que je me sens sa mère],
ma douleur est grande de n’avoir plus rien à donner à Jésus
pour le monde.
Quelqu’un pourra-t-il comprendre cette souffrance ? Ce que j’en souffre,
seul Jésus le sait. O cœurs, ô cœurs du monde entier, si vous
compreniez combien Jésus vous aime !...
Lundi, avant même que je reçoive mon Jésus, Deolinda
m’a prévenue que la jeune fille qui avait vécu avec nous
désirait me visiter. Je désirais ardemment cette réconciliation,
non pas que je me sente coupable, mais parce que j’étais d’avis
qu’entre personnes pieuses il ne devait pas subsister de dissensions, des
motifs de mauvais exemple qui déplaisent à Jésus.
Jusqu’à présent, à la pensée d’une rencontre
avec quelqu’un qui m’avait tant fait souffrir, même involontairement
et sans bien réfléchir, j’avais l’impression que j’en aurais
reçu un coup au cœur. Je désirais une telle rencontre mais
je craignais ne pas résister. Quand ma sœur m’en a parlé,
Jésus a transformé mon âme : je n’ai plus eu cette
impression à l’égard de cette personne ; je suis restée
indifférente comme devant quelque chose qui ne m’aurait pas intéressée.
Lors de la Communion j’ai confié cette affaire à Jésus,
lui demandant de la résoudre selon sa divine Volonté. J’ai
passé la journée dans l’inquiétude de ne pas faire
la volonté du Seigneur et avec un accroissement de souffrances.
Aujourd’hui il m’a été confirmé que peut-être,
dans la matinée, après la Communion, j’aurais la visite annoncée.
Je me suis alors tournée vers le Cœur de Jésus:
— Faites que je la reçoive avec la bonté et l’amour de
votre divin Cœur. Donnez-moi votre humilité. Faites que j’oublie
les souffrances causées, comme je désire aussi que vous oubliiez
mon ingratitude envers vous.
— Petite-Maman, par votre agonie auprès de la Croix, par vos
douleurs, faites que je me comporte de manière à procurer
à Jésus toute consolation et que cela soit un grand profit
pour les âmes.
J’ai reçu la jeune fille avec le sourire et avec la plus grande
mansuétude possible, en me faisant une très grande violence.
Le cœur en était suffoqué et des fois j’avais du mal à
parler et à respirer.
Je lui ai fait comprendre son comportement méchant et, quand
elle m’a demandé pardon je lui ai dit:
— Je ne demande pas au Seigneur qu’il te punisse, bien au contraire,
je ne souhaite pas qu’il te punisse. Je veux tout oublier, comme je désire
que Lui, il oublie mes ingratitudes et celles du monde entier.
Mon cœur a été rempli de compassion pour elle et je lui
ai pardonné de toute mon âme. J’ai vu en elle le Seigneur.
Je n’ai pas eu un moment de joie, parce qu’il m’a semblé que
l’affaire ne me concernait pas...
« La tour s’élève... »
(...)
Je sens que la tour qui s’élève à l’intérieur
de moi est de plus en plus haute. L’artiste chargé de l’œuvre n’arrête
pas de travailler. A quelle hauteur je suis montée, étant
donné que je monte en haut de cette tour, ou mieux, je suis moi-même
la tour !
La lumière monte avec moi. Je suis exténuée à
force de monter.
La lumière est celle du monde et non la mienne. Elle sert à
l’illuminer et à me permettre de le voir. Mais elle reste si bas
! J’évalue la distance du ciel à la terre. Oh, dans quel
état je vois le monde ! Cette lumière ne laisse rien occulte;
elle pénètre au plus intime et fait que moi-même j’y
pénètre.
Quelle misère dans les âmes ! Quelle fange recouvre les
corps et s’étend à toute l’humanité ! Quelle horreur
!
O monde, dans quel état je te vois ! Plus la tour monte plus
la lumière éclaire; plus le monde est dans la fange et plus
mon cœur souffre...
La douleur de la Mère
(Moments de la Passion)
(...)
J’ai ressenti que Quelqu’un avec un amour fou, avec un amour de Mère,
allait de rue en rue, aveuglée par la douleur, afin de voir où
elle pouvait me rencontrer.
Le vacarme était épouvantable.
Revêtue d’habits royaux, mais par moquerie, on mit entre mes
mains une canne. Quelle barbarie contre moi ! Ils étaient très
nombreux ceux qui s’ingéniaient à inventer des tourments
pour me maltraiter avec une plus grande cruauté. Le long du chemin
du Calvaire ce n’étaient que hurlements et imprécations derrière
moi. Ce n’étaient pas des cris de douleur mais de haine ; ce n’étaient
qu’injures. Mais il y avait aussi Quelqu’un qui pleurait et qui s’affligeait
à
cause de moi ; Quelqu’un qui voulait me consoler, me procurer du soulagement
et guérir mes plaies. Ce Quelqu’un me causait plus de souffrance
: c’était une souffrance unie à la mienne, c’était
une souffrance qui ne pouvait adoucir la mienne. La Petite-Maman... combien
n’a-t-Elle pas souffert avec Jésus !
Sur le Calvaire et sur la Croix, Jésus et Marie n’avaient qu’un
seul Cœur, une seule âme, une seule douleur, un seul amour. Jésus
était abandonné et la Maman chérie se trouvait elle
aussi abandonnée en regardant impuissante l’état de son Fils.
Si le monde connaissait et pouvait comprendre ceci, il ne pécherait
pas.
Jésus était en croix, mais à l’intérieur
de mon cœur.
Au cri de “Mon Père, pourquoi m’avez-vous abandonné ?”
je disais dans mon cœur :
— “Regarde, monde, regarde dans quel état tu m’as réduit
par ta méchanceté !”
Je l’ai entendu confier son Âme au Père éternel.
Avec quelle joie elle quitta son très saint Corps et fut reçu
au ciel !
Déjà en union avec mon Jésus, je l’ai vu
en croix, mais à l’intérieur de moi, verser ce qui lui restait
de son précieux Sang dans son divin Cœur déjà ouvert,
et verser enfin quelques gouttes d’eau.
Il m’a dit :
— Le pécheur endurci et affolé par les passions est éloigné
de moi, très éloigné... Viens, ma fille, viens à
ton Jésus pour recevoir la médecine, la vie et la lumière
pour les conduire à moi...
— Ô Jésus, c’est seulement avec la lumière de votre
divin Amour que je peux leur donner lumière. J’ai soif, une grande
soif de vous donner des âmes, beaucoup d’âmes !
— Ta soif est la mienne : rassasie-moi... (...).
« Que l’on comprenne Ma vie dans les âmes... »
(...)
Jésus est venu me dire :
— Les hommes sont loin, très loin de comprendre ma vie divine
dans les âmes, et ceci est cause d’une grande douleur pour mon divin
Cœur. Voilà pourquoi le nombre des âmes réparatrices,
le nombre de ceux qui arrivent à la sainteté dans sa perfection
est très petit.
Le nombre des âmes appelées est grand, mais très
petit le nombre de celles qui persévèrent et restent fidèles
à l’invitation divine. Sais-tu pourquoi ? Parce que le nombre
de ceux de mes disciples qui comprennent cette vie divine dans les âmes
est très restreint. Le nombre de ceux qui savent soutenir et guider
les âmes vers moi est très petit.
À quelques-unes ils coupent les racines, les jettent par terre
et souvent ont des chutes graves...
D’autres, par leur malice sont conduites par des voies erronées.
D’autres encore les condamnent, appelant faux ce qui est vrai, ou que
c’est humain ce qui en réalité est divin.
(...)
Comment les pécheurs pourront-ils être sauvés
? Comment l’humanité pourra-t-elle être sauvée ?
— Mon Jésus, vous seul le savez. Trouvez-en, vous même
la solution et ayez compassion des uns et des autres.
— Ô victime des âmes, le grand remède, le plus grand
remède est entre tes mains et non pas entre les miennes : acceptes-tu
les souffrances que je vais t’envoyer ?...
— J’accepte tout, mais je désire entendre de vous la promesse
que vous ne m’abandonnerez pas un seul instant et que vous ne permettrez
pas que je vous offense, soit par faiblesse, soit par découragement...
(...).
— Je ne viendrai pas te parler, ni le vendredi ni les premiers samedis.
Ta passion ne s’arrêtera pas ; elle sera même davantage douloureuse
; elle sera même plus complète. Tu deviendras pire que les
aveugles qui n’ont jamais connu la lumière : ils ne l’ont jamais
vue, mais ils croient qu’elle existe. Toi, tu deviendras comme si tu ne
croyais en rien. Tu auras besoin d’assistance et de quelqu’un qui t’affirme
que la lumière existe, que tes chemins sont les miens... Moi, même
si caché, ainsi que ma Mère bénie, nous ne t’abandonnerons
jamais...
C’est ta dernière phase, et aussi la plus douloureuse. Oh, quelle
agonie sera la tienne !...
Immédiatement après ceci, tu iras au ciel.
Combien ta mort sera merveilleuse ! Elle se déroulera dans la
plus grande agonie, mais aussi remplie du plus grand amour...
Pour qui m’offres-tu les dernières souffrances ?
— Pour tout ce qui est de la divine Volonté : je ne veux que
cela.
— Ô mon aimée, je veux que tu m’offres une partie de celles-ci
pour les prêtres, afin qu’ils aient la divine lumière et comprennent
ma Vie divine dans les âmes, qu’ils la possèdent toujours
davantage, afin de mieux la communiquer toujours ; afin qu’ils n’aient
pas d’autre vie que la mienne ! Je veux que tu m’offres une partie de tes
souffrances pour ceux qui, n’ayant pas compris ni étudié
ma vie dans les âmes, ils n’essaient pas d’éteindre la lumière
en y anéantissant ma Vie.
Je veux encore que tu m’offres une partie de tes souffrances pour ceux
qui m’offensent gravement.
L’autre partie de tes souffrances, offre-la pour le monde entier, afin
qu’il t’appartienne : je te l’ai confié...
« Aujourd’hui fut un jour de grands souvenirs... »
(...)
Je sens la perte de Jésus et de toutes les créatures.
Je suis seule, sans personne, personne pour moi...
Je ne peux pas me consoler que Jésus ait arrêté
de me parler : je ne puis y résister. Le devoir d’écrire
tout ce qui se passe en mon âme est un tourment pour mon âme.
Les colloques avec Jésus, craignant que moi-même, je puisse
y ajouter quelque chose de moi, sont aussi des tourments pour moi. Mais
qu’en sera-t-il de moi quand Jésus se cachera pour de bon ? Si j’avais
la possibilité de choisir, je préférerais les colloques
et l devoir de tout écrire, même jour et nuit, sans aucune
trêve, s’il en était possible. Je souffre de ce que Jésus
vienne me parler et je souffre aussi horriblement du fait qu’il ne le fasse
plus. Quand ne viendra-t-il plus ? Je l’ignore : voici l’esclave du Seigneur
! Mon Dieu, quand et de la façon que vous voudrez ! Soyez avec moi
!
(...)
Aujourd’hui ce fut un jour de grands souvenirs, d’un triste anniversaire
: trois ans de jeûne et sans ma bien-aimée crucifixion [physique].
J’ai pleuré de nostalgie pour les deux choses. Mon âme était
en paix, contente des tendres dispositions et attentions de Jésus...
Des larmes ont coulé le long de mes joues. Celles-ci ont augmenté
ma peine, car je craignais par celles-ci avoir attristé mon Jésus.
— Mon Dieu, mes larmes ne sont pas des larmes de désespoir ;
ce sont des larmes d’amour et de résignation. Je me conforme tout
à fait à votre volonté. Par cette douleur et par cette
nostalgie je peux comprendre et ressentir plus au vif ce que sont vos anxiétés,
votre faim des âmes et la grande peine que vous cause leur perte...
« Quelle belle nuit !... »
Le monde me fuit ; je ne sais pas comment l’attirer. Je meurs de faim
et de soif pour lui... J’aimerais expliquer et démontrer l’amour
de Jésus pour ses enfants ; mais je ne sais pas, ni le démontrer
ni l’expliquer, je sais par contre le ressentir et le comprendre... Le
monde me fuit, le monde se perd et je ne peux pas l’empêcher. Le
voyant courir vers l’abîme, vers la perdition, je tombe les bras
en croix, je tombe épuisée.
J’ai tout donné et je n’ai pas pu éviter sa perte.
Je me sens en lutte contre la mort, mais l’heure n’est pas encore venue.
Les souffrances auraient déjà du me faire mourir.
Il fait nuit et mon âme sent comme jamais que c’est une nuit
d’amour : la sainte nuit. Jésus s’apprête à partir,
mais il veut rester avec nous. Quels liens d’amour partent de son Cœur
vers les cœurs de ceux qui lui sont chers ! Quelle anxiété
de partir mais aussi de rester !
Mon cœur ressent tout cela : je suis le pain, je suis le vin, je suis
l’hostie, je suis le tabernacle. Quelle nuit féconde, quelle belle
nuit ! Les anges sont descendus pour adorer ce grand mystère...
« Je te loue pour ta fidélité… »
(...)
Mon âme et mon corps m’ont avertie que l’on me conduisait, attachée,
et que certains, poussés par une foule composée de la lie
la plus vile du peuple, se moquaient de moi et me condamnaient à
mort.
Mes oreilles entendaient les paroles « qu’il meure, qu’il soit
condamné ! », scandées à l’unisson. Quels hurlements
!...
Je pris la croix, et je suis ensuite tombée bien souvent. À
chaque moment il me semblait que j’allais expirer. Je tombais et la croix
tombait sur moi.
Non point par compassion, mais par crainte ils voulaient que quelqu’un
la porte à ma place. Quelqu’un l’a prise, non pas par amour, mais
à la suite d’un ordre reçu. Malgré cela, j’ai
senti que mon cœur le rétribuait par beaucoup d’amour. Quelle grande
récompense !
Mon corps était confié aux malfaiteurs, mais mon esprit
était tout concentré en Dieu.
Sur le Calvaire le sang coulait de toutes les plaies de mon corps.
Quelles heures de grande agonie. Je sentais dans mon âme tous les
soupirs de Jésus. Tous les regards qu’il levait vers le ciel ont
été imprimés dans mon âme. Juste avant d’expirer,
ce n’était que de temps un temps qu’il soupirait, et dans l’intervalle,
entre un soupir et un autre, il restait comme s’il n’avait plus de vie.
Et mon âme ressentait tout ceci.
Combien c’était beau ! Quelle merveilleuse leçon Jésus
nous a donné ; lui qui a été si maltraité alors
qu’il était rempli de tant de tendresse et d’amour !
(...)
Jésus est venu. Il m’a fait oublier, pendant un court instant,
la souffrance. Mon cœur s’est dilaté et s’est incendié.
— Je viens, ma fille, te féliciter pour ton anniversaire, pour
ta vie pleine de merveilles, si riche de vertus et d’amour.
— Elles sont pour vous, mon Jésus, les félicitations
et les louanges. Que puis-je faire sans mon Jésus ? Que suis-je
sans vous ? La grandeur est pour vous, la misère pour moi.
— Je te loue pour ta fidélité et correspondance à
mes grâces divines ; Je te loue pour ta réparation. Combien
de victimes je me suis choisi et qui se sont refusées ! Combien
j'en ai appelé et qui ne m’ont pas entendu ! Combien j’ai invitées
à une grande élévation vers moi et desquelles je n’ai
rien obtenu. En toi je me suis consolé, de toi j’ai tout reçu...
Ta vie est une vie de merveilles ! Si tu voyais les âmes qui
par ton intermédiaire se sont sauvées, et particulièrement
en ces trois dernières années de ton jeûne ! Quel grand
moyen pour secourir les pécheurs ! Je manifeste en toi mon pouvoir,
mes soucis et mon amour pour elles...
Ton martyre arrivera à son apogée et ton amour à
la plus grande hauteur, par une réparation sans égale.
Reçois maintenant, ma fille, le Sang de mon divin Cœur : c’est
la vie dont tu as besoin, c’est la vie que tu donnes aux âmes.
J’ai vu le Cœur de Jésus tout embrasé et débordant
d’amour...
« Qu’est-ce que cela peut être de perdre Jésus éternellement
?... »
C’est avec un grand sacrifice, parce que privée de forces, que
je vous écris pour vous remercier de la lettre qui si charitablement
vous m’avez envoyée. Que le Seigneur vous en récompense.
Pour moi, ce n’est pas une consolation recevoir des lettres ou des
nouvelles concernant des personnes que j’estime beaucoup et qui sont le
soutien et le guide de mon âme ; c’est à peine un soulagement
qui fait revivre ma vie plus que morte. Comme je ne veux que ce Jésus
veut, ma volonté reste toujours soumise à la sienne. Je le
remercie et le loue pour tout. Je m’abandonne à sa divine Providence
et je reçois les épines comme des caresses délicieuses
du ciel. Jésus le veut. Par amour pour lui et pour les âmes,
je souris à tout.
La peur, lors des assauts du démon, continue, même si
ce mois-ci j’en ai été un peu épargnée. Mais
quand il vient... O combien de malice !
Que je le désire ou non, quelquefois je dois comparaître
en la présence de Jésus. D’autres fois je ne le sens pas,
j’éprouve sa perte. Si vous saviez, mon Père, l’horreur que
tout ceci me cause ! Qu’est-ce que cela peut être de perdre Jésus
éternellement ? J’éprouve sa souffrance pour la perte des
âmes ; j’éprouve les sentiments et l’amour qu’il a pour elles
: il n’existe pas, ni paroles ni intelligence humaine capable de l’expliquer.
L’image ci-jointe avec la phrase qui parle d’épines est pour
vous. Sur l’autre [image], étant donné que je ne peux en
envoyer pour chacun des novices et confrères de cette sainte Maison,
j’ai écrit une pensée qui intéresse tous : c’est mon
désir que tous le pratiquent.
Deolinda et toute la famille vous remercie pour vos salutations et
vous les rétribuent avec les vœux d’une bonne fête de Pâques.
De ma part, je vous souhaite, à vous et à toute la communauté
les tendresses, les bénédictions et l’amour de Jésus
ressuscité.
Et vous, quand reviendrez-vous ? En vérité, je vous ai
préparé un grand calvaire. Pardonnez-moi, et par charité,
ne m’oubliez pas dans vos prières. Je vous recommande tous à
Jésus et à la Maman du ciel...
« Que ma mort soit vie pour le monde »
Je n’ai pas vécu, je ne suis pas ressuscitée avec Jésus.
Mes yeux n'ont pas vu ; mes oreilles n'ont pas entendu ; mon cœur n’a pas
aimé ; mon corps n’a ressenti que souffrance.
Le regard de mes yeux n’était pas le mien, ni l’ouï de
mes oreilles était le mien, ni le sentir de mon corps, ni l’amour
de mon cœur, ni le sourire qui couvrait tout ceci n’était le mien.
A qui appartenais-je ? Jésus le sait, moi je ne sais rien en dire.
Les joies sont pour qui Jésus le veut, excepté pour moi.
Mais je suis contente : je ne vis pas, mais que Jésus vive de sa
vie divine dans les âmes. Je ne suis pas ressuscitée, que
les âmes ressuscitent pour Jésus. Je n’ai pas d’amour, je
n’ai rien pour offrir à mon Seigneur ; que l’amour de tous les cœurs,
et l’offrande totale de toutes ses créatures lui soit agréable.
Je n’ai pas de langue pour le louer ; que lui soient agréables
les louanges de la terre et du ciel. Toute la terre et le ciel le louent
; moi par contre, j’en suis exclue, je suis mise à part.
Je ne peux pas me joindre aux bienheureux du ciel ni aux justes de
la terre. Toute la méchanceté et toute la misère du
monde sont miennes ; quelle honte ! Quelle horreur !
J’ai perdu Jésus ! Quelle perte éternelle ! Jamais plus
je ne pourrai le voir. Il n’y a pas de solution pour une telle perte. Je
ne peux pas y penser. Mon âme ne résiste pas à une
telle souffrance : perdre Jésus et le perdre pour toujours !
(...)
Jésus est venu :
— Ma fille, (...) je t’accompagne dans la souffrance, dans l’amour,
dans les luttes contre le démon. Je suis avec toi dans cette mer
immense de martyre dans laquelle tu es plongée. Souris de tes lèvres,
cachant ainsi la souffrance et l’amertume dans lesquels tu es ensevelie...
— O mon Jésus, j’ai confiance que vous m’accompagnez, que vous
vaincrez toujours en moi, mais pourquoi en même temps, je sens tant
de souffrance en parlant avec vous ?
— Afin que ma consolation soit complète, afin que ton
martyre et ta réparation soient complets eux aussi...
— S’il en est ainsi, ô Jésus, réjouissez-vous dans
ma douleur ! Je ne veux pas la mienne, mais votre joie ; je ne veux pas
mon triomphe, mais celui des âmes.
Acceptez mon martyre et faites que ma mort soit vie pour le monde que
ma cécité soit lumière pour les cœurs. Je veux que
le pauvre monde vive uniquement pour vous, qu’il vous aime et qu’il vous
bénisse...
Un édifice mondial d’amour et de pureté en construction...
(Moments de la Passion)
Je continue à ressentir deux choses en même temps : la
perte de Jésus et celle des âmes. La première me cause
une telle horreur et révolte que je ne sais pas expliquer : envie
de maudire cette perte et de maudire la terre. On dirait que toutes les
peines et horreurs de l’enfer me tourmentent. Je sens qu’il serait préférable
de tout souffrir et de tout perdre, plutôt que de perdre Jésus.
Cette pensée me suffit pour vivre le plus grand martyre dans mon
corps et dans mon âme. Mon Jésus, vous perdre !
Et sur cette grande douleur, tombe le poids de la justice divine. Tourment
et douleur sans pareille.
Et la perte des âmes, ô combien cela coûte ! Mon
cœur les poursuit, leur dispense tendresse et amour. Mon âme en constate
la fuite et agonise. Aucun amour ne les retient, aucune parole ne les émeut
: elles courent, courent vers la perdition. Quelle douleur pour Jésus
et pour moi qui ressens tout cela ! Je ne peux pas me résigner de
la perte des âmes.
Ce matin, avec la venue de Jésus eucharistique, de nouvelles
anxiétés sont apparues en moi. Ces anxiétés
sont à l’origine de la formation d’un nouveau monde dans mon cœur.
C’est un édifice mondial en construction. Les anxiétés
sont de pureté et d’amour ; l’édifice doit être construit
avec ceux-ci.
Quelles flammes ardentes, quel feu brûlant !
Cette pureté et cet amour ne sont pas les miens ; ils sont pour
l’édifice, pour le monde. Mon Dieu, quelles anxiétés
qui me consument ! J’aimerais parler au monde entier ; j’aimerais lui parler
uniquement d’amour et de pureté ; j’aimerais que le monde ne vive
que de ces richesses...
« Jésus l’artiste divin... »
L’édifice mondial, ainsi que les désirs et les anxiétés
d’amour et de pureté, continuent de m’habiter. Je veux voir le monde
brûler d’amour, de pureté de corps, d’âme et de cœur.
Je lève les yeux au ciel et je crie souvent :
— Que puis-je faire pour que le monde se purifie, s’incendie et ne
vive que de votre amour ?
Animée de ces inquiétudes, je suis sortie de la prison
; j’ai parcouru beaucoup de routes serrant bien fort ma croix. J’aimais
de tout mon amour les épines qui entouraient ma tête. Du casque
fait d’épines coulaient des filets de sang sur tout mon corps et
tombaient à terre.
Je sentais que la Petite-Maman venait, folle de douleur, à ma
rencontre, ou mieux, à la rencontre de son Jésus. Elle s’ouvrait
un passage parmi la foule afin de pouvoir le rencontrer. Son très
saint Cœur éclatait, se répandait en douleur et faisait éclater
et se répandre celui de Jésus.
Pendant les moments de cette souffrance, le démon est venu l’augmenter
davantage ; il m’a tourmentée à l’extrême...
Il me paraissait perdre la vie, mais Jésus est venu me la redonner
:
— Courage, ma fille, tu n’as pas péché... Uni ta souffrance
à la mienne et à celle de ma Mère bénie...
Sur le Calvaire j’ai senti la vie du bon larron expirer dans mon cœur.
Avec quelle paix il remettait son âme à Jésus !
L’obscurité est descendue sur le Calvaire ; toute la terre a
tremblé et a fait trembler la croix. Jésus confiait son Esprit
au Père éternel, pendant qu’un très grand nombre de
curieux atterrés, dévalaient, comme des fourmis, les pentes
de la montagne.
Jésus est venu adoucir ma souffrance et faire disparaître
la crainte que tout ceci me causait :
— Courage, ma fille, univers de souffrance, de pureté et d’amour
!
Ce que j’opère en toi je l’ai destiné aux âmes
! Ta vie observée, lue et divulguée sera une manne céleste,
féconde d’une immensité d’amour, de vie et de salut. C’est
celui-ci l’édifice que j’ai élevé en toi...
C’est à ton imitation que le monde, à l’avenir, m’aimera
; c’est par ta pureté qu’il se purifiera.
Les hommes empêchent que soit dispensée aux âmes
la médecine que je leur ai destinée. Ce qu’ils n’interdisent
pas, parce qu’ils ne le peuvent pas, c’est que je continue mes merveilles
en toi... Je suis l’artiste divin : je travaille en toi et j’opère
les plus grands prodiges. Celui qui t’admire, admire Jésus ; celui
qui t’aime, aime Jésus ; celui qui t’imite, imite Jésus.
J’ai reproduit mes traits en toi : tu es la copie la plus fidèle
du Christ crucifié. Le monde exultera de joie quand il connaîtra
ce qu’a été ta vie sur la terre.
— Ô Jésus, s’ils me parlaient ainsi ceux qui ne me connaissent
pas et ne savent pas combien je vous ai offensé, (...) mais que
ce soit vous-même, vous qui connaissez tout et à qui rien
de ma vie n’est caché... Quelle honte, quelle confusion je sens
! Remédiez vous-même à tout mal, purifiez-moi, comblez-moi
d’amour, couvrez-moi de votre grâce, afin que je puisse être
pour les âmes la médecine que vous voulez... (...).
« L’heure de la paix est toute proche »
(…)
J’ai tant de nostalgie du Ciel ! Je fais un grand sacrifice en ne demandant
pas à Jésus de m’y mener immédiatement. Combien de
fois, entre autres choses j’ai envie de lui demander : “Après ceci,
venez me chercher pour le ciel”, mais, me souvenant de ma promesse de ne
pas le lui demander, je me fais violence et je lui dis : “Accomplissez
en moi vos divins desseins.”
Il me semble que cela sera un soulagement pour moi si je pouvais demander
à Jésus d’accélérer mon départ pour
ma Patrie. Quoi qu’il en soit, je ne le demande pas, je ne veux pas manquer
à ma promesse...
Après la Communion, la voix de Jésus s’est fait entendre,
plus suave que la musique des anges :
— Ce sont un baume salutaire, ce sont la médecine de ton âme
si sacrifiée pour moi et pour les âmes.
Pendant qu’il parlait, mon cœur se dilatait, il semblait sortir de
ma poitrine et s’élever très haut : comme il était
grand !
— Qu’est-ce que ceci, mon Jésus ? Quelle est cette grandeur
que je sens en moi ?
— Ma fille aimée, c’est l’édifice de l’amour ; c’est
la grandeur de ton amour pour mon divin Cœur et pour les âmes. C’est
de cet amour que je veux être aimé ; c’est avec cet amour
que le monde sera sauvé.
L’heure de la paix est toute proche. Si le monde, je répète,
et encore davantage le Portugal, saura remercier pour la grâce
qui lui aura été accordée, la paix sera de longue
durée... Si [les hommes] ne me remercient pas, s’ils ne prient pas
et ne font pas pénitence, s’ils ne se repentent pas de leurs grands
crimes, bientôt tombera sur le monde non plus le feu des armes, mais
le feu de la justice divine...
— O Jésus, je suis restée si triste quand je vous ai
demandé de rester en vie jusqu’à la fin de la guerre, mais
vous savez que je ne veux qu’accomplir votre divine volonté.
— Ce fut moi, ma fille, qui t’ai inspiré de me demander de prolonger
ton existence sur la terre pour donner une preuve plus claire à
ceux qui se sont opposés à ma divine volonté... (...).
« Ne penser qu’à Lui, ne parler que de Lui, tout souffrir
pour Lui... »
J’aimerais vous tant de choses, mais je ne le peux pas. Jésus
et la Petite-Maman vous le diront pour moi. Ils vous feront comprendre
combien mon âme souffre, afin que vous ayez compassion de moi. Demandez
et faites demander que du ciel me vienne toute la grâce et la force
dont j’ai besoin.
Combien d’anxiétés, de tristesses, d’amertumes ; combien
d’abattement dans ma pauvre âme ! Tout ce que je fais qui puisse
déplaire à Jésus, je le fais involontairement. J’aimerais
tout souffrir avec la plus grande perfection et avec le plus grand amour
; je n’aimerais pas blesser Jésus. Plutôt l’enfer, mille et
mille fois.
Mais, mon Père, je vous le dis avec la plus grande franchise
et vérité : je veux et je ne le peux pas ; je ne trouve rien
de bien en moi, rien de vertueux, aucun amour pour Jésus ; je ne
suis que misère, rien que misère.
Comme je serais contente si j’aimais mon Jésus et si je pouvais
lui donner que de l’amour !
Dans toute cette misère que je sens en moi ne restent que le
désir et une volonté très forte de ne vouloir vivre
que pour Jésus, ne parler que de Lui, ne penser qu’à Lui,
tout souffrir pour Lui.
Croyez, mon Père, que ceci est la réalité ; ne
faites pas comme moi qui semble ne pas croire à ce que je dis.
Le démon m’en fait des bonnes !... Combien il me fait souffrir
! Combien il est méchant !
Je ne sais rien de vous, mais je sens que vous souffrez, et pas seulement
pour l’interdiction de me confesser. Cette souffrance et toutes les autres
dont je suis la cause, même si involontairement, forment le calvaire
auquel vous avez fait allusion...
À toute la communauté mon remerciement et mes salutations.
Merci pour la lettre écrite avec tant de bonté et pleine
de paroles de réconfort pour me stimuler. Quand pourrez-vous venir
à Balasar ? J’ai plusieurs lettres auxquelles je dois répondre,
mais je ne le ferai pas sans un conseil de votre part...
« Combien de mains indignes distribuant ce pain et ce vin...
»
(Moments de la Passion)
Quel feu dans mon cœur ! Il me brûle tellement qu’il semble le
détruire. Combien je donnerais, combien j’aimerais souffrir pour
obtenir que ce feu soit le mien et qu’il soit un feu d’amour pour Jésus.
Je veux de l’amour, je veux de l’amour pour le donner au monde afin qu’il
aime uniquement Jésus. Pauvre comme je le suis, je n’ai rien à
lui donner ; je ne sais pas comment l’acquérir, je ne sais pas comment
le confier à Jésus. Je le vois s’enfuir : il fuit vers un
autre monde de perdition.
Je reste les bras ouverts et les yeux fixés au le ciel.
Comment remédier à ce mal ?
— Ô Jésus, veillez sur le monde que vous m’avez donné
et confié, gardez-le, il est à vous, uniquement à
vous ! Donnez-moi votre amour afin qu’ainsi je puisse le conquérir.
Des grandes, très grandes inquiétudes de la terre arrivent
au ciel.
Mon Dieu, je vois les âmes pleines de lourdeur et les corps détruits
par la lèpre : conséquences du péché. Quelle
lumière, celle qui m’oblige à tout voir ! A quel extrême
le monde est réduit ! Doux Jésus, votre divin Cœur n’en peut
plus.
Je me sens entre le monde et Jésus afin d’éviter que
la méchanceté des hommes ne blesse son Cœur si aimant.
Flagellation, épines et mauvais traitements me blessent. Je
ne vois pas Jésus mais je le sens comme opprimé, rempli d’épouvante
et qui attend les coups de cette chaîne de méchanceté.
(...)
Sans même avoir pensé à la Cène de Jésus
avec ses disciples, je me suis sentie à table. Mon cœur était
le calice, le vin et le pain. Tous venaient manger et boire à ce
calice. À partir de cet instant cette Cène allait se répéter.
Mais quelle horreur ce que j’ai vu ! Tant de Judas buvant et mangeant indignement
!
Que de langues sales ! Pire encore : combien de mains indignes distribuant
ce pain et ce vin ; des mains indignes et des cœurs démoniaques.
Quelle horreur mortelle ! J’en ai éprouvé tant de douleur
et tant d’horreur au point de croire que mon âme allait fondre et
le cœur se briser.
Je ne sais pas mieux exprimer ce que j’ai vu, ce que j’ai souffert.
Et avant tout l’amour de Jésus, un amour indicible ; un amour que
l’on ne peut évaluer qu’après l’avoir expérimenté...
« L’amour dépasse toutes les souffrances... »
Je me suis réveillé après un léger sommeil
et aussitôt je me suis sentie attachée par la taille, traînée
par les cheveux, flagellée, couronnée d’aiguës épines,
lesquelles me causaient une telle douleur qu’il me semblait que ma tête
brûlait dans un grand feu... Un amour irrésistible, sorti
de mon cœur, m’attachait toujours davantage à la croix.
L’amour dépasse toutes les souffrances. Sur la croix j’ai éprouvé
d’atroces souffrances car il a fallu que je garde ma tête collée
au bois de la croix. Ceci avait pour conséquence que les épines
pénétraient bien plus profondément ma tête et
la souffrance était inénarrable.
Après une longue agonie et un horrible abandon, j’ai senti que
la terre tremblait et se fissurait, et que les rochers se fendaient. Tout
a tremblé... Je me suis sentie comme si mon âme me quittait,
et comme si je n’avais plus de vie.
Mon cœur s’est ouvert et il laissa couler les dernières gouttes
de sang et d’eau ; et je suis restée ainsi sans la vie de la terre
et sans la vie du ciel...
(...)
— Mère, Mère, ma Mère bénie, venez avec
Moi réconforter notre petite fille ; venez avec Moi mettre du baume
sur les plaies de ce cœur et de cette âme, plaies causées
par la douleur de ma divine Passion et par la méchanceté
des hommes.
J’ai senti comme si la Petite-Maman approchait et qu’elle disait :
— Me voici, mon Fils, mon Fils Bien-Aimé !
J’ai ressenti en mon cœur comme que de fortes injections d'amour qui
veinaient du Cœur de Jésus et de celui de la Petite-Maman du ciel.
Toute ma poitrine est devenue un vrai foyer.
« L’amour transforme, le feu purifie... »
Ma poitrine brûle, mon cœur brûle : quel feu véhément
!
L’édifice est toujours à l’intérieur de moi ;
il est en flammes ; il brûle violemment.
Je sens de nouveau que sous cet édifice un rocher mondial a
été placé.
Je le frappe, je tourne autour, je dois le secouer. Les flammes brûlent
autours et sous l’édifice. Le feu ne s’éteint pas ; le rocher
tout autour, çà et là, se brise par endroits, comme
du bois. J’entends les morceaux de rocher se briser. Mais, mon Dieu,
que de peines ! Il reste encore tant à faire ! Ce feu ne peu pas
s’éteindre : le rocher doit être complètement transformé,
purifié par le feu divin. J’aimerais ne voir que du feu : du feu
dans les corps, dans les cœurs, dans les âmes.
Mon pauvre cœur n’en peut plus de brûler, il n’en peut plus à
cause des angoisses. Mais Jésus doit être aimé ; Jésus
ne doit pas être offensé...
Je chemine rapidement vers des ténèbres épouvantables.
Mon âme est exsangue, mais je dois me plonger dans un abîme
où règne la plus grande obscurité. Mon âme le
sent, elle la sent déjà venir vers moi, pendant que je chemine
vers elle. Ô mon Dieu, qu’en sera-t-il de moi ? Ce sont des ténèbres
jamais vues, à travers lesquelles je ne suis jamais passée...
« L’édifice brûle... »
Je sens de fortes secousses ; mon âme est dans de continuels
soubresauts ; je ne sais pas ce que cela présage. Seraient-ce de
nouvelles « caresses » de Jésus ? Je me plie devant
la divine Majesté : c’est rôle de tout accepter. J’embrasse
ma croix, aussi pénible quelle puisse être.
L’édifice brûle et les flammes arrivent à la cime
du rocher qui se fend petit à petit. Comment le traverser entièrement
? Il n’est pas possible de le transformer totalement en flammes ; quelques
morceaux restent sans que le feu les consume.
Je suis sur le rocher, mais ce n’est pas moi. Le rocher est complètement
trempé par les larmes qui tombent de mes yeux : ce sont des larmes
de douleur et d’amertume ; ce sont des larmes de compassion. Et, ces larmes
ne sont pas à moi. Elles tombent de mes yeux, mais elles viennent
d’en-Haut. Elles coulent sur mes joues, mais elles coulent des yeux de
Jésus. Oh quel dommage ! Tant de souffrance et tant d’amour perdus
!...
Le démon, furieux, est venu me tourmenter le corps et l’âme...
On dirait qu’il serrait mes lèvres pour m’empêcher d’invoquer
les noms de Jésus et de la Maman du ciel...
Mon Dieu, après tout cela, comment est-il possible que je n’ai
pas péché ? Pendant que je souffrais cette inquiétude,
Jésus est venu :
— Ma fille, offre-Moi tes doutes et tes craintes... Je veux tes doutes
pour les âmes qui n’ont pas de scrupules pour m’offenser gravement
; je veux tes craintes pour celles qui marchent toujours sur les chemins
de l’impureté, sans crainte de m’offenser et de se perdre...
Aie confiance, tu ne m’as pas offensé.
— Mon Jésus, je crois en votre divine Parole et j’ai confiance
en vous ; je ne crains que ma fragilité.
— Reste en paix : ce sont des railleries du démon ; c’est la
réparation que j’exige de toi. Tu m’appartiens ; tu n’appartiens
qu’à moi !
Peu après ce colloque, j’ai senti Jésus dans mon âme.
Il avait un regard très triste et il pleurait à grosses larmes
sur la cité de Jérusalem, qui elle aussi était à
l’intérieur de moi. Il a pleuré longtemps : son regard était
triste et accompagné de paroles d’invitation, mais aussi de menace.
Déjà pendant la nuit je sentais ma chemise de nuit collée
à mon corps et trempée de sang, je sentais le déchirement
de mes veines et une angoisse de mort.
Je voyais les oliviers du Jardin, la lune pâlie et la brillance
triste, comme triste était aussi le divin Cœur de Jésus.
Tout paraissait triste parmi les branches des oliviers et, une telle tristesse
invitait au silence et au recueillement.
Comme déjà en d’autres occasions, mais bien plus au vif,
j'ai senti le baiser de Judas, le bruit des pas des soldats, le retentir
des épées. Si je pouvais décrire la tendresse, la
douceur, l’amour de Jésus envers tous ceux qui l’offensaient ! Rien
n’existe sur la terre qui puisse être comparable à Lui. Il
a remédié au mal causé par Pierre avec tant de douceur.
Toujours avec autant de douceur il s’est laissé ligoter, se confiant
aux malfaiteurs...
« Je te prépare à mon absence... »
En montant vers le Calvaire, je ne pouvais pas ouvrir les yeux à
cause du sang qui coulait de ma tête. Je faisais un très grand
effort pour marcher. Je sentais qu’il ne s’agissait pas de forces humaines
qui portaient la croix, car les souffrances endurées m’auraient
déjà, plusieurs fois, causé la mort !...
Clouée à la croix, j’ai senti que beaucoup de ceux qui
m’entouraient, me crachaient au visage. Sur les crachats, les larmes de
Jésus tombaient, et elles s’unissaient à celles de la Petite-Maman.
Jésus, plein de tendresse et d’amour, demandait pardon pour tous
au Père éternel.
L’agonie s’est terminée par la remise de l’âme au Père...
Je suis restée ainsi pendant quelque temps, étonnée
du retard de Jésus : il ne venait pas, il tardait...
Quand il est venu, il m’a dit ceci :
— Je suis en retard, ma fille, parce que je te prépare à
mon absence, ou mieux, à ma présence en toi, mais présence
cachée. Le terrain est prêt, prépare-toi pour un nouveau
martyre, un martyre sans égale. Le terrain préparé
est solide ; j’ai pleine confiance en toi. Par un tel martyre tu montreras
aux âmes l’intensité de ton amour, la plus grande intensité
d’amour pour moi...
J’ai porté au loin les chaînes de ton amour... Combien
de secousses j’ai provoqué, à l’aide de celles-ci, sur le
cœur du président de l’Amérique. Combien de fois je
l’ai rappelé ! Il a été sauvé grâce à
toi. Quelle responsabilité la sienne ! Et combien d’âmes
se sont sauvées en même temps ! J’ai utilisé l’offrande
de tes yeux pour le salut des gouvernements : l’un d’eux est sauvé
et je te promets d’en sauver d’autres. Je ne t’ai pas enlevé la
lumière de tes yeux, mais la lumière de l’âme : voilà
pourquoi tu vis dans les ténèbres les plus épouvantables.
J’accepte tout ce que tu me donnes : tu es généreuse à
donner et moi à accepter...
C’est à la chaleur de cet amour que le monde se réchauffera
; c’est par les flammes de cet édifice élevé en toi
que le rocher se transformera : le rocher c’est le monde et il est sous
l’édifice de l’amour. L’amour transforme, le feu purifie. S’il a
de l’amour, s’il y a de la pureté, le monde sera sauvé...
Les morceaux que tu as sentis ne pas être transformés,
ce sont les âmes qui ne se laissent pas pénétrer par
le feu de mon amour divin, qui ne se purifient pas...
Les âmes qui, à travers les temps, ne prendront pas feu
et ne se purifieront en cet édifice de pureté et d’amour,
devront brûler au feu de la divine justice, elles seront damnées
pour l’éternité...
« Mon cœur n’est que feu... »
(Moments de la Passion)
La joie existe-t-elle dans le monde ? Un seul jour dans ma vie l’ai-je,
par hasard, connue ? Si une fois ou l’autre je l’ai expérimentée,
maintenant elle est tellement morte pour moi, que c’est comme si je ne
l’avais jamais connue.
La pensée d’accepter et d’accomplir d’âme et de cœur la
volonté de Jésus, me donne un peu de courage. Mais aussitôt,
cette autre pensée me tourmente : fais-je vraiment la volonté
du Seigneur ? Cette pensée est cause d’une grande agonie et d’une
grande tristesse pour mon âme.
Je suis écrasée entre le ciel et la terre ; je suis toute
transformée et plongée dans les ténèbres. Quelle
chose horrible, mon Jésus ! J’ai peur de moi-même. Qui sans
Jésus pourrait supporter tant d’affliction ? Qui pourrait vivre
et cheminer à travers une obscurité si noire sans garder
les yeux fixés sur Jésus ?
Je meure, mon Dieu, je meure écrasée, broyée dans
la terrible nuit. Mon cœur, ainsi opprimé par la douleur, lancent
des faisceaux de lumière que je sens et je vois se répandre
dans le monde : mon cœur n’est que feu. J’aimerais que tous les cœurs soient
blessés par ces faisceaux et que tous les autres cœurs fussent incendiés
par le feu qui sort du mien, afin que le monde ne fusse que feu d’amour
pour Jésus...
(...)
Triste nuit de jeudi ! Oh, comme Jésus m’associe à ses
douleurs et à sa divine Passion ! Je ressens l’angoisse de passer
par-dessus toutes les épines et de partir à la rencontre
de la croix, l’embrasser, et de continuer mon chemin, chargée de
celle-ci jusqu’à la mort.
(...)
Je sens en moi le brasier et ceux qui se réchauffent tout autour.
Je sens que l’un d’eux, qui se tient un peu à l’écart, atterré
et timide s’approche et renie Jésus. Je sens ses larmes de repentir,
tout comme je sens dans mon âme le coq qui ouvre son bec pour chanter.
mais je ressens surtout la souffrance infinie de Jésus, son amour
et sa mansuétude envers lui...
« Le Roi habite dans son palais... »
Ce matin, quand je me suis réveillée d’un léger
et bref sommeil, les ténèbres de mon âme étaient
telles qu’il me semblait voir devant moi une haute et très noire
muraille. Je me suis épouvantée et mon corps a tremblé.
Ce n’étaient pas les yeux du corps qui la voyaient, mais ceux de
l’âme : je me sentais atterrée. Petit à petit je me
suis avancée, chaque fois davantage, dans ces épouvantables
ténèbres.
Je me suis préparée à recevoir Jésus [Eucharistique]
: il est entré dans mon obscurité et dans l’obscurité
il est resté. Pauvre Jésus, où il est descendu !
Sans lumière, mais toujours unie à Lui, j’ai parcouru
le chemin de mon Calvaire. Je tombais, et la croix tombait sur moi. J’étais
traînée et traînée aussi était la croix.
Je sentais une soif brûlante et le plus grand abandon. J’ai entendu
sortir de mon cœur ce cri : — “J’ai soif, j’ai soif !” J’ai compris que
c’était Jésus, et je me suis souvenue qu’il avait soif d’âmes.
Au même moment j’ai passé sur mes lèvres, plusieurs
fois, une éponge. La soif de mes lèvres n’a pas été
éteinte et celle de mon cœur a augmenté.
Le cri continuait : ce n’est pas la soif des lèvres qui veut
être rassasiée ; c’est la soif du cœur, soif d’âmes.
Je suis restée avec cette soif et dans cet abandon pendant longtemps,
le regard tourné vers le ciel et le corps écrasé par
le poids de l’humanité. Et Jésus ne venait pas ; il a tardé
à venir, et moi, j’attendais, j’attendais !
Finalement il est venu et m’a dit :
— Le Roi habite dans son palais avec toute sa grandeur, tout son pouvoir
et tout son amour, même quand la reine ne le voit pas ni ne le sent
pas.
C’est pour l’époux une grande peine que de se séparer
de l’épouse, mais la séparation n’est pas réelle :
Je reste caché en toi ; je reste pour gouverner ton âme à
travers la parole de celui que je me suis choisi pour te soutenir et te
diriger ; je l’ai conduit moi-même à côté de
toi. Courage, petite fille, viens dans mon Cœur recevoir vie (...), viens
recevoir mon Sang ; tu as besoin de vie divine, car petit à petit,
tu perds ta vie humaine. Tu vis miraculeusement, tu vis de mon Sang divin
: c’est ton aliment.
Jésus a uni son Cœur au mien (...) ; il a fait pénétrer
le Sang divin de son Cœur dans le mien, qui, pourtant si petit, a commencé
à se dilater à tel point que je pensais que ma poitrine ne
pourrait pas le contenir...
— Dans tes veines, ma fille, coule le Sang du Christ ! Comment ne serais-tu
pas corédemptrice ? Dans tes veines, coule le Sang virginal du Christ
: comment ne serais-tu pas vierge pure, angélique et victime sans
égale ? Dans tes veines, coule le Sang du Christ tout-puissant :
comment ne serais-tu pas puissante ? Toute puissante en tout.
Donne ton sang par amour pour Moi et Moi, par amour pour toi, je verserai
le mien en toi. Donne ton pour donner la vie [aux âmes] et moi, je
te donne le mien pour te donner vie. Demande ce que tu veux. Pour chaque
prière que tu m’adresseras en faveur d’un pécheur, immédiatement
le nom du sauvé sera écrit dans le livre de la science divine.
Quand tu seras au ciel, ton nom sera invoqué en faveur des pécheurs.
À peine tu me demanderas pardon pour lui, tous les élus se
joindront à ta prière et elle sera exaucée.
« Non pas le feu des armes... »
? C’est à cause du grand amour que tu as envers mon divin Cœur
et envers les âmes, car c’est de cet amour que je veux être
aimé ; c’est par cet amour que le monde sera sauvé. Le temps
de la paix est tout proche. Si le monde, je le répète,
et plus encore le Portugal, saura remercier la grâce qui lui est
accordée, la paix sera durable ; je régnerai parmi les hommes,
et parmi eux, ma divine paix subsistera. S’ils ne me remercient pas, s’ils
ne font pas pénitence et ne prient pas ; s’ils ne se lavent pas
de leurs grands crimes, bientôt ils sentiront tomber sur eux, non
pas le feu des armes, mais le feu de la divine justice ; non pas la destruction
causée par le pouvoir des hommes, mais la destruction causée
par le pouvoir de la divine Majesté.
Invitation à la prière et à la pénitence
Combien j’ai demandé de grâces, à la Petite-Maman,
le premier mai ! Je me suis consacrée à Elle afin qu’Elle
me consacre à Jésus. Entre autres choses, je lui ai demandé
la force qu’il me faut pour savoir souffrir : combien j’ai besoin de l’aide
du ciel et de la force de la Maman chérie, pour supporter le poids
si écrasant de la croix !
Tout à coup, le deuxième jour, j’ai reçu une “caresse”
du ciel, une épine qui me blessa et me déchira le cœur. J’en
ai remercié la Petite-Maman : je l’ai acceptée et je la lui
ai offerte comme preuve de mon amour envers Elle, afin qu’Elle l’offre
Elle-même à Jésus.
En moi, tout n’est que douleur. Quelle horreur ! Mon cœur et mon âme
sont dans un deuil pesant : j’ignore pourquoi. Je sens des coups violents
comme si l’on m’arrachait, par la bouche, tout ce que contient mon corps.
Combien je désire ardemment, presque d’une façon accablante,
entendre dire que la guerre est finie ! Jésus seul sait combien
je souffre. Je Lui renouvelle mon offrande comme victime afin que la paix
revienne. Je ressens une grande compassion pour ces gouvernants que l’on
dit morts. Je prie pour eux, et on dirait me mon cœur leur est attaché.
Mon corps est toujours dans une vive flamme et je sens comme si ma
propre chambre brûlait en même temps que moi.
Je veux secourir le monde, le prendre, l’emprisonner, le placer tout
entier dans cette vive flamme, dans ce fut qui ne me procure pas de lumière.
Quelle désolation de vivre dans les ténèbres ! Ma
chambre est comme un cachot, où ni le soleil ni la lumière
du jour n’entrent jamais : ténèbres dans l’âme et dans
le corps ; ténèbres au ciel et sur la terre.
Il me semble que plus jamais je ne pourrai voir Jésus ; je sens
comme s’il ne m’appartenait pas, comme si je l’avais perdu pour toujours.
Malgré cela je ne désire autre chose que de l’aimer. Je sens
un désire fou de l’aimer et, ce désir ne me semble pas mien,
tout comme l’amour ne me semble pas mien, alors je dis à Jésus
:
— Jésus, ces aspirations ne sont pas les miennes, mais les vôtres
; c’est votre amour, ce n’est pas le mien mais le vôtre. C’est vous
qui aimez avec ce qui vous appartient, c’est vous qui souffrez et portez
ma croix. Gardez cette pauvrette qui ne fait rien et qui n’a rien : je
ne suis que nuit et misère. Je suis votre esclave, la vôtre
et celle de la Petite-Maman...
« La prière est l’arme la plus puissante ! »
Comment dicter les choses horribles qui se passent dans mon âme,
si je n’en ai pas la force ? O Jésus, cette force je l’attends du
ciel, du moment que tout ceci c’est ton bon vouloir [que je dicte].
Je suis sortie de prison ce matin et, jusqu’à maintenant, j’ai
parcouru de nombreuses routes, exténuée, tombant çà
et là : je restais la face contre terre et la terre collait à
mes lèvres, suffocant les plaintes de ma douleur. J’ai senti, venant
de loin, les rigolades moqueuses et de satisfaction.
Combien j’étais déjà épuisée lors
de mon départ vers le Calvaire ! Là haut on m’enleva les
cordes que j’avais autour du cou et de la taille. Quels tourments ! Elles
étaient enfoncées dans ma chair, imbibées de mon sang.
Lorsqu’on me les a arrachées, elles ont laissé dans mon corps,
auquel elles étaient collées, la trace d’immenses plaies.
Cela m’a beaucoup coûté d’être déshabillée
devant la foule. Avec mes habits on m’a arraché des lambeaux de
ma chair.
Non pas des yeux de mon corps, mais avec ceux de mon âme, je
voyais qu’avec des épées ils tailladaient mes habits pour
se les partager. Mon âme sentait tout cela.
Les yeux au ciel, épouvantée par les ténèbres
et l’abandon, j’ai bien souvent entendu sortir de mon cœur ce cri :
— Père, Père, ne me cachez pas votre Face ; n’éloignez
pas de moi votre regard !
Mes yeux, plongés dans les ténèbres, ne pouvaient
rien voir. Dans les miens, d’autres yeux voyaient tout ; ils voyaient,
à travers les temps, la souffrance qui, jusqu’à la fin du
monde, devaient blesser un Cœur qui était tout proche du mien. Ce
Cœur-là éprouvait toute l’ingratitude du monde.
Les oreilles avaient un autre ouï pour entendre les insultes,
les méchancetés, les délits de tous les temps.
Des vagues successives montaient dans une mer de souffrances.
Dans mon corps je sentais Jésus : c’était Lui le crucifié,
c’était Lui qui, du haut de la Croix contemplant la Petite-Maman
toute endolorie par le chagrin, murmurait :
— Mère, ma Mère, toi aussi tu es pour moi un martyre
: ta douleur augmente la mienne ; même toi tu ne peux me procurer
soulagement.
J’avais l’impression que mon cœur et mon âme étaient transpercés
par des coups de poignard. Je peux dire que de moi-même je n’aurais
pas pu supporter autant de souffrance : la nature humaine en serait incapable.
Jésus est venu :
— … Regarde, ma fille, comme je suis couronné avec tant et d’aiguës
épines : ce sont les prêtres qui me blessent de la sorte ;
ils m’offensent beaucoup.
Cette plaie que tu vois ouverte a été faite par l’ambition
des nations et elle devient de plus en plus profonde à cause de
tant de malice et de vices. L’impureté ! L’impureté ! Des
pères qui ne respectent pas leurs filles ; des fils qui ne respectent
pas leurs mères ; des maris qui sont infidèles à leurs
épouses et les épouses à leurs maris. Les frères
qui ne respectent pas non plus leurs sœurs, m’offensent aussi beaucoup.
Il n’y a plus de modestie dans les familles ; la crainte de Dieu est disparue
des foyers. Quelle souffrance, la mienne ! Répare ! Répare
!
Je veux, ma fille bien-aimée, que la voix du Saint-Père
se fasse entendre très souvent dans le monde entier : qu’il l’invite
à la prière, à la pénitence, à l’amour.
La prière est l’arme la plus puissante ; la pénitence
est le moyen puissant pour attirer les bénédictions, les
grâces et la miséricorde du Seigneur.
L’amour purifie le monde. Je veux être aimé et je veux
voir ma Mère bénie aimée elle aussi ; je veux que
toute l’humanité voie et entende dans la voix du Saint-Père
la voix même de Jésus : c’est lui qui invite le monde à
entrer dans mon Cœur ; c’est moi qui à travers ses paroles appelle
le monde à moi.
Ma fille, comme par tes lèvres a été faite la
demande de la consécration du monde à ma très Sainte
Mère, je veux maintenant, avant que tu ne partes pour le ciel, que
le Pape, de sa douce voix de père, invite, avec insistance, la pauvre
humanité à se réconcilier avec moi, à sortir
de son aveuglement, à vivre de pureté, de prière et
d’amour...
... Écris tout : n’aie pas de doutes ; l’Esprit-Saint est avec
toi. Jamais je n’ai permis et jamais je ne permettrai que tu te trompes...
Les doutes sont un vrai martyre
(…)
O mon Dieu, qu’en sera-t-il de moi ! Quelle terrible confusion ! J’ai
perdu tout réconfort du ciel et de la terre.
Le démon dansait radieux : il semblait avoir mon cœur entre
ses mains...
Je meurs de douleur, épouvantée au milieu des ténèbres
: ténèbres du ciel, ténèbres de la terre...
Pendant mon agonie Jésus est venu :
— ... Sois certaine que tu ne te trompes pas ; tu ne seras pas trompée
par Satan : je veille sur toi...
Courage ! Pourquoi tant découragement ? N’aimes-tu pas ta croix
? Ne sais-tu pas que je suis avec toi ?...
— Pardonnez-moi, Jésus, mon découragement ! Pardonnez-moi
tant de doutes ! Vous savez très bien que je ne doute que de moi-même
: ma misère est sans mesure...
... Pour peu de temps je suis restée confiante, puis, de nouveau
je me suis plongée dans les ténèbres afin de pouvoir
m’y cacher à tous et pour toujours...
« Quelle grande confusion !... »
(...)
Samedi [5 mai], à la grande douleur et à la tristesse
est venu s’ajouter le déplaisir de vous avoir fait souffrir à
cause du manque de mes nouvelles. Encore hier j’ai dicté quelques
lignes parce que le dimanche, ici dans le pays, on ne peux pas poster les
lettres. Ce n’a pas été par oubli ni par manque de volonté,
mais par manque de forces.
Je souffre et je prie toujours pour vous. Même si, aujourd’hui
j’apprenais que vous seriez contre moi, que vous seriez d’une opinion contraire
à la mienne, croyez-moi bien, je ne m’arrêterais pas pour
autant de prier pour vous, comme preuve de ma gratitude pour tout ce que
vous avez fait pour moi. Tout souffrir : oui ; ingrate, jamais !
J’ai été très malade, sans pouvoir parler, même
à voix basse. Maintenant, après avoir pris quelques “côtelettes
et quelques œufs”, je peux dorénavant dicter quelque chose.
Et mon âme, mon Père ? Ma souffrance est indicible. Je
ne sais pas pourquoi, mais je fini par croire que je mens, que je trompe.
Je souffre et je ne connais pas la souffrance. Je souffre mais ce n’est
pas moi qui souffre. Quel monde, quel corps et quelle vie de ténèbres
! Je n’ai plus rien : que ténèbres et misère. Le mois
de la Petite-Maman, que j’aime tant, passe comme s’il m’était indifférent
; il se déroule dans les ténèbres, dans la froideur.
Le peu que je prie, ce n’est pas moi qui le prie ; de même le peu
que j’aime se confond et disparaît dans les ténèbres.
Les doutes sont un vrai martyre. Quelle grande confusion ! Sentir que je
trompe et que je trompe !
Mon Dieu, perdre tout et tous, mais ne pas tromper ceux qui me sont
si chers et se sacrifient beaucoup pour moi. Je ne veux pas être
pour eux un motif d’humiliations.
Le démon continue sa partie infernale : en tout et avec tout
il trouve matière pour me tourmenter. Combien je crains d’offenser
Jésus !...
« Tu sortiras toujours victorieuse de ton martyre. »
— Ma Mère, ma Mère bénie, vient donner à
notre petite enfant réconfort et vie : elle en manque.
La Maman s'est approchée, Elle m’a prise dans ses bras, bien
contre son cœur, me sera bien fort, me couvrit de tendresse. Elle le faisait
si doucement, avec tant de précaution, comme quelqu'un qui soigne
une personne gravement blessée. Le souffle me manquait : j'étais
incapable de recevoir rapidement autant de vie.
Petit à petit j'ai acquis davantage de vie, à mesure
que je récupérais des forces.
Ma Petite-Maman m’a dit :
— Toujours joyeuse, toujours contente, épouse de mon cher Jésus
! Tu me possèdes tout entière, tu Le possèdes tout
entier. Tu sortiras toujours victorieuse de ton martyre.
Donne tout à ton Jésus, donne-lui ses enfants ; donne-les
moi, parce qu'ils sont aussi à moi.
« Quelle richesse je sens en moi !... »
Jamais, en aucune année, je me suis sentie aussi présente
à Fatima le 13 mai que cette année. Je ne sais pas pourquoi
: mon cœur se fondait et se fonds encore en remerciements à la Petite-Maman.
Il y resta bien longtemps. Je veux l’aimer la louer, la remercier toujours
pour la paix tant désirée. C’est peut-être pour
cela que Jésus m’a unie si étroitement à la Cova da
Iria et m’a fait partager l’enthousiasme et les prières ferventes
de tant de cœurs reconnaissants. Que Dieu soit béni ! Et qu’Il continue
à donner à la terre sa divine paix et qu’Il accorde celle-ci
aux autres nations qui n’en bénéficient pas encore, afin
que son règne s’étende à toute l’humanité :
que Lui seul règne...
Je rends grâces sans bénéficier du moindre rayon
de lumière ; je rends grâces, écrasée sous un
ciel de ténèbres. Le ciel semble vouloir tomber sur la terre
et moi, je traverse des mondes et des mondes remplis d’épouvantables
ténèbres. Le poids de ce ciel de ténèbres m’oblige
à pénétrer dans ces mondes : et j’en ai tant à
traverser ! Ce sont des mondes posés sur d’autres mondes, et tout
cela est pour moi. J’y vais comme quelqu’un qui vers le martyre ; je marche
comme quelqu’un qui marche vers la mort. Mon martyre, ma mort, ce sont
ces ténèbres qui me prennent la vie pour ne plus jamais me
la rendre.
Petit à petit, je me sens de plus en plus écrasée
et exsangue par tant d’obscurité.
Je me sens comme quelqu’un qui tombe dans un puits sans fond, puits
qui est une rencontre avec la mort. Je sens que je mourrai seule et sans
lumière. Mon cœur le craint et il saigne de douleur, mais il ne
cesse pas pour autant de bénir le Seigneur. Seule la pauvre nature
est épouvantée ; la volonté reste forte : elle est
comme agrippée à Jésus et à la Croix, pour
ne plus jamais s’en séparer.
Je ne vois pas, mais j’ai confiance, je ne sens pas, mais je crois
: Jésus et la Maman chérie ne m’abandonnent pas et ils viendront
à ma rencontre au dernier moment...
(...)
Depuis quelques jours, je sens dans mes yeux un regard qui n’est pas
le mien. Ce n’est pas un regard malicieux, ce n’est pas non plus un regard
du démon, comme certaines fois je l’ai senti dans mes luttes avec
lui. La différence en est plus grande que celle entre le ciel et
la terre.
Ce regard est tendre, il a de la douceur et du charme, il est rempli
d’amour. Ce regard attire et pénètre partout, il procure
de la lumière ; c’est comme un miroir dans lequel tout se reproduit,
auquel on ne peut rien cacher.
Ce regard est comme un projectile qui atteint tout. Il voit l’intérieur
et l’extérieur, il voit autant les yeux ouverts que les yeux fermés
; il voit tout et a, je ne sais quoi qui attire. Je sens que cette attraction
investit mon cœur, l’ouvre avec beaucoup de douceur, afin qu’il accueille
tout ce qu’il veut y déposer !
Ce regard a aussi des clefs qui ferment ; ce sont des clefs qui ne
servent que pour le cœur ; elles ne mettent en sécurité que
les seules choses que ce regard attire à lui.
Mon Dieu, je ne sais mieux exprimer mes sentiments, je ne sais pas
rendre davantage éclaircir ce qui se passe en moi. Je me fonds dans
l’amour, la bonté et la tendresse.
Quelle richesse je sens en moi ! Et rien ne m’appartient. Seule la
souffrance générée par ces sentiments m’appartient.
Je crains et je tremble. Mon Jésus, ne permettez pas que tout ceci
naisse
de moi, mais de vous seul...
« Je dois souffrir et agoniser... »
Quelquefois, le feu que je sens brûler en mon cœur semble ne
plus jamais s’éteindre. Que puis-je, que dois-je faire ? Moi seule
le sais. Je veux sauver le monde ; je veux que ce feu se propage sur la
terre et atteigne tous les cœurs.
Il me semble aller, comme une folle, frapper à toutes les portes,
pour inviter tout le monde à abandonner le pécher, à
ne marcher qu’avec Jésus. Je dois voir, je dois construire un monde
nouveau, un monde pur, un monde semblable au ciel.
Je dois souffrir et agoniser pour lui ; je dois mourir dans les ténèbres
pour produire de la lumière. Et je chemine en hâte vers lui
: l’amour me pousse, rien que l’amour.
Les regards qui ne m’appartiennent pas se maintiennent toujours en
moi et, en plus de m’attirer, ils m’attachent fortement à eux-mêmes.
Quelle confusion pour moi ! Même le sourire de mes lèvres
n’est pas le mien. Cela me semble un sourire qui a des bras pour enlacer
éternellement et du baume pour guérir toutes les plaies.
Je ne sais pas ce qui arrive dans tout mon corps. Ce qui est certain
c’est que ce qui se passe en lui ne m’appartient pas. Ces liens, ces tendresses,
ces douceurs et cet amour ne me regardent pas, ce n’est pas quelque chose
que je puisse m’attribuer. Ce corps n’est pas le mien, cette vie non plus.
Tout ce déroule dans mes ténèbres. Oh ! si je
savais m’exprimer !... Si je savais montrer tout ce que j’éprouve
pour le bien des âmes et pour la gloire de Jésus, je cesserais
d’être victime...
Je vois tout ce qui m'attend. Je marche comme une brebis muette qui
ne sait rien dire. Je vois l’ingratitude, je vois le sang que je
dois répandre, je vois le calvaire et la mort. Je sens les âmes
qui doivent être lavées dans mon sang.
Je lève mes yeux au ciel : arrive ce qui arrivera, je dois donner
au Ciel le monde ; je dois le payer avec la monnaie de mes souffrances.
Ce matin, lors de la Communion, me sentant plus unie à Jésus,
j’ai osé lui demander :
— Si je ne vous offense pas, dites-moi ce que signifient ces secousses
et ces sursauts que vous m’avez fait percevoir.
— Non, ma fille, tu ne m’as pas offensé, demande-moi tout ce
que tu voudras. Les secousses ce sont celles des nations qui, actuellement,
mettent un terme à la guerre des ambitions, pendant qu’elles agonisent
dans leur mauvais comportement. Tu es et seras toujours leur victime. Par
ton intermédiaire et celui de ma Mère bénie, elles
ont eu la paix. Combien de secousses ont perçu leurs gouvernants
! Ils ont préféré la mort à l’humiliation.
Les sursauts concernent ma divine cause. Je te fais ressentir ce que
ressentent ses défenseurs et ses ennemis. Les ennemis éprouvent
en eux de la haine et des remords ; ils ne voulaient pas céder,
ils ne savent pas quoi faire. Les amis souffraient de te voir souffrir
sans pouvoir t’aider. Mais bienheureux ceux que j’ai associés à
ta souffrance, à ton martyre, parce que moi, je les aime...
« J’ai soif de lumière... »
Je bénirai le Seigneur. En ce mois béni consacré
à la Petite-Maman du ciel, j’ai reçu une autre épreuve
: d’autres épines qui se sont enfoncées dans la plaie du
cœur, toujours sanguinolente, l’empêchant de se cicatriser. De temps
à autre ces épreuves arrivent violemment exacerbées.
Je bénirai Jésus et la Maman du ciel, mais j’avoue que,
sans la vigueur que m’apporte le ciel, j’aurais désespéré
et je serais déjà morte...
Avec cette aide, j’ai vaincu et je vaincrai toujours...
Je suis comme une colombe qui, le bec ouvert, bat ses ailes, tout près
de se perdre, sans savoir où se poser.
J’ai soif de lumière, j’ai soif de réconfort. Vu que
sur la terre, toutes les routes me sont interdites, ô Jésus,
ô Maman chérie, laissez-moi entrer dans vos Cœurs très
aimants. Même si je n’y ressens aucun réconfort, laissez-moi
au moins avoir la certitude que j’y vis : là dans vos Cœurs, je
serai libérée des haines et des persécutions ; je
serai certaine de vous aimer et de ne pas vous offenser.
Oh ! si mon corps pouvait plonger dans les ténèbres afin
de n’être plus ni vu ni remémoré, comme mon âme
elle-même a été plongée dans les ténèbres
! Je mourrais ainsi, et on ne parlerait plus de moi, comme le désire
mon archevêque.
C’est avec beaucoup d’amour que j’accepte ses ordres, auxquels j’obéis.
En moi il n’existe pas la moindre ombre de haine envers lui ou envers ses
collaborateurs. Bien au contraire, j’ai toujours dit : “— Mon Jésus,
ayez compassion d’eux, car ils ne connaissent ni ne comprennent la souffrance
d’une âme. Puissé-je, ô Jésus, me prosterner
devant vous, les mains levées, et savoir dignement vous remercier
pour toutes ces épreuves !”
Le cœur rempli de douleur, je n’ai pas pu de mes lèvres réciter
le “Magnificat”, je le fait intérieurement.
— Donnez-moi de forces pour souffrir, mon Jésus. Ne me condamnez
pas : que la sentence des hommes ne serve à autre chose qu’à
augmenter mon martyre. Les hommes m’ont préparé la souffrance
d’aujourd’hui pour me rendre plus semblable à vous, afin que je
sois plus unie à vous sur le chemin du calvaire...
Mes regards continuent à ne pas être les miens. Ils fixent
avec tendresse or ce cœur-ci or ce cœur-là, celui qui se laisse
le plus profondément pénétrer par tant de tendresse
et par tant d’amour. Mais ils ne les fixent pas tous de la même manière
: c’est la correspondance des cœurs qui fait mériter tout ce que
ces regards contiennent. J’aurais tant à dire à ce sujet
! Ils sont bien nombreux ceux que j’aimerais attacher et attirer vers moi
!
— Qu’est-ce que cela, mon Jésus ? C’est toujours la même
croix...
— (...) Je t’aime beaucoup, ma fille ! Je t’ai rendue semblable à
moi et ton calvaire est le mien. Aie courage !...
Tu es riche de Moi : c’est pour cela que ton regard attire, il a de
la tendresse, de la douceur, de l’attraction, de l’amour. C’est pour cela
que ton sourire a de la douceur, c’est pour cela qu’il a tout ce qui est
du ciel. Ce n’est pas toi qui vis, c’est moi. Ce sont des moyens de salut
et d’appel pour les âmes.
N’est-il pas vrai, ma fille, que pendant ma vie, sur mon Calvaire,
j’avais deux vies, l’humaine et la divine ? Même en cela tu es semblable
à moi : dans ton calvaire, tu as aussi la vie divine : c’est le
Christ qui vit en toi. Ne crains pas...
Mes merveilles en toi ne resteront pas occultés, elles doivent
briller : elles sont ma gloire, elles sont salut pour les âmes.
Tout sera écrit, ma maîtresse dans la divine science,
tout sera connu dans le livre de ta vie. Tu es l’héroïne de
l’amour, l’héroïne de la douleur...
Je suis retournée dans les ténèbres et dans ma
douleur, mais toujours ardemment habitée par la soif de consoler
mon Jésus et de sauver le monde. Il n’y a pas sur la terre une joie
plus grande que de souffrir pour Lui.
« Je veux sauver les âmes... »
Le ciel était couvert de nuages noirs et il pleuvait abondamment
; dans mon âme les nuages étaient encore plus noirs et la
pluie plus forte encore.
À travers la fenêtre, mes yeux voyaient les feuilles verdoyantes
de la vigne, recouvertes par les gouttelettes de pluie fraîche que
le ciel leur envoyait. Quelle leçon pour moi !
Une pensée a traversé mon esprit et je me suis demandée
: “Que feront les petits oiseaux pour protéger leur petits de la
pluie ?” Sûrement qu’ils les protègent de leur propre corps.
Le Seigneur prend soin d’eux, il ne les abandonne pas ; comment Jésus
et la Petite-Maman ne s’occuperaient-ils pas moi, moi qui ai une âme
? Oh ! comme je dois me réjouir de tout ce que le ciel m’envoie
!...
Alors, que viennent les humiliations et les mépris : je veux
sauver les âmes...
« Mon Père, priez pour moi... »
Mon bon Père ;
Ne nous arrêtons pas de louer Jésus et la Maman du ciel
pour tant de “caresses”. Je ne sais pas si je dois dicter pour vous ces
paroles. Mais si les choses sont parvenues à un tel point que vous
ne puissiez plus écrire, ni à moi ni à eux, je vous
demande de brûler cette lettre, sans même finir de la lire.
Je ne veux pas déplaire à Jésus ni être la cause
que d’autres lui déplaisent. Si je ne reçois plus de vos
nouvelles, ne vous en faites pas. Je le sais d’avance : c’est parce que
vous ne pouvez pas le faire... J’attends du ciel la force pour tout accepter.
Il est certain, mon Père, que si Jésus ne m’avait pas soutenue
de ses divines grâces, je serais déjà morte de chagrin.
Prenons les choses comme venant de sa Main : Il sait que c’est pour Lui
et pour les âmes.
J’aimerais beaucoup, si cela était possible, que mon nom soit
effacé et que l’on ne parle plus de moi. Cela ne m’enchante pas
pour vous, même si certains le désirent, mais pour d’autres
raisons. Combien de luttes dans mon âme !
Priez pour moi, mon Père. Quant à moi, je ne vous oublie
pas non plus. Et si jamais on ne vous autorise pas à me voir en
ce monde, nous nous reverrons au ciel. Là, libres de toutes prohibitions,
nous ne cesserons jamais d’aimer Jésus et la Petite-Maman, dans
une même union, dans un même amour.
Ne pouvant pas faire autre chose, aidez-moi par votre prière,
afin que je ne succombe pas sous cette croix si pesante... Pauvre de moi,
méprisée et sans lumière...
« Oh ! monde, combien tu es ingrat !... »
(...)
Je suis perdue au milieu d’une mer démontée, dans une
nuit de plus en plus noire et épouvantable.... J’entends le sifflement
de la bourrasque : les ondes montent très haut, puis, tout redevient
calme à nouveau. Et moi, je reste ainsi, seule, sans personne !
En sentant la tempêté si épouvantable, je la scrute,
je l’écoute, mais avec sérénité : si je dois
mourir au milieu de celle-ci, je meurs pour Jésus, je meurs pour
les âmes. Je confie, j’espère : mon corps peut tout souffrir,
il peut même disparaître, détruit par la fureur de la
tempête, mais mon âme a son but : elle doit marcher o la rencontre
de Jésus. Lui, il doit la recevoir, la soutenir et la prendre enfin
avec Lui.
O monde, combien tu as été ingrat envers moi ! Et moi,
je t’aime. Je t’aime non pas pour tes fausses attractions, mais parce que
tu appartiens à Jésus.
Les ténèbres...
(Moments de la Passion)
En ces deux jours, j’ai eu tant à offrir à Jésus
et à la Petite-Maman : j’ai beaucoup souffert dans le corps et dans
l’âme. O douleur, ô douleur bénie ! Toi seule tu es
ma joie sur cette terre : de toi seule je reçois quelque chose à
offrir à Jésus et aux âmes.
Des océans et des mondes de ténèbres m’ont séparée
à jamais de mon Jésus. Je suis comme aveuglée de corps
et de l’âme. Je suis plongée dans une mer d'obscurité
et, je ne sais pas nager. Toujours immergée, je tends mes bras pour
essayer de m'agripper à Quelqu’un : et ce Quelqu'un c'est la Petite-Maman.
Je veux aller de l'avant dans ces ténèbres, je veux y
plonger autant que je le peux, autant que Jésus le souhaite. Mais
je veux avoir la certitude que j'y plonge agrippée à la tendre
Maman et recouverte de son manteau si saint, afin de ne pas avoir peur,
afin de ne pas vaciller, afin de ne pas désespérer. Si j'y
plonge seule, je risque de mourir de fatigue et d'offenser mon Jésus.
Je sens sur mes épaules une énorme croix ; son poids
m’oblige à mourir au milieu des plus atroces horreurs. Cette croix
embrasse le monde entier, elle pèse autant que l’humanité.
Jésus n’a pas attendu la matinée du vendredi pour me
la faire sentir, avec une différence pourtant, aujourd’hui je ne
suis pas clouée à celle-ci.
Mon âme pleure en silence, elle cache ses gémissements,
elle voit les noires ténèbres de la mort, elle voit déjà
comment tous se préparent pour me capturer et m’ôter la vie,
coûte que coûte.
Jardin des Oliviers, Calvaire, mort, cruauté et détresse.
Combien énorme est le rocher mondial qui cache le ciel ! Combien
souffrent mon corps et mon âme ! Combien Jésus a souffert
! Ingratitude du monde...
La Vierge des Douleurs... et Jésus...
Pendant la nuit, je ne sais pas à quelle heure, mon corps n'en
pouvait plus de douleur, et mon âme était dans l'angoisse,
abîmée dans les ténèbres. Je n'avais personne
pour m'aider et je devais lutter.
O mon Dieu, qui pourra résister à tant de douleur ?
Tout d'un coup, érigée devant moi, j'ai aperçu
une grande croix. Au pied de celle-ci, la Vierge des Douleurs était
assise. Combien Elle était belle ! Je l’ai fixée sans rien
lui dire : je ne pouvais pas parler.
Son très Saint Cœur, rempli de flèches m’a fait oublier
ma douleur.
Moi, je n’ai rien dit, mais Elle, Elle m’a parlé :
— Ma fille, aie courage ! Cette croix est la tienne. Je suis toujours
à côté de toi pour t'aider, comme je l’ai fait pour
la croix de mon Jésus.
Ayant dit cela, la belle apparition a rapidement disparu. Une aussi
grande croix ne m’a pas fait peur, grâce à la vision de la
Petite-Maman chérie.
La tempête de ma souffrance se rasséréna et je
me suis endormie pendant quelques instants.
(...)
Jésus est venu avec toute la force de son divin amour. Mon cœur
battait très fort : il était trop petit pour contenir un
Cœur qui possède la grandeur et un amour sans égal. Jésus
s’est arrêté un moment pour me parler, mais son amour me suffisait
:
— Brûle, ma fille, brûle dans mon divin amour. Purifie
le monde, vierge fidèle ! Je veux de l’amour, de la grâce,
de la pureté. Par ton intermédiaire, messagère de
Jésus, les âmes recevront des richesses et des trésors
divins.
— Jésus, j’ai le cœur rempli.
— Rempli d’amour, ma petite fille.
— Rempli de posséder votre amour, votre grandeur, mais pas de
vous aimer, car je ne vous aime pas comme il le faudrait. Vous savez très
bien que de mien je n’ai que ma misère : c’est ce que je vois en
moi.
— Non, tu aimes mon divin Cœur à n’en plus pouvoir. Tu es remplie
d’amour : l’amour lui aussi consume. Et il doit en être ainsi, à
cause de l’importante mission que je t’ai confiée.
— Merci, mon Jésus. Donnez à tous les cœurs donnez à
toutes les âmes cet amour.
— Donne-le toi-même, ma petite fille. Je t’y autorise : tu es
la maîtresse de mon divin Cœur, tu es la maîtresse de mon amour.
Distribue-le comme tu voudras, tes désirs sont les miens.
« Ou souffrir ou mourir ! »
Le mois de la Petite Maman se termine. Je suis navrée qu’il
se termine. Sera-ce le dernier mois de mai que je passe sur la terre ?
Je suis peinée de ne pas avoir aimé beaucoup plus Jésus
et la Maman du ciel. Tout passe, tout disparaît : seule ma misère
apparaît et plus clairement encore dans les mondes de mes ténèbres.
Je tends les bras au ciel pour enlacer mon martyre et avec lui Jésus
et la Maman chérie.
J’ai une soif qui ne peut pas être rassasiée. J’ai faim,
rien n’existe qui me satisfasse, même pas la souffrance. Je la crains
mais je la veux pour donner vie aux âmes, pour consoler mon Jésus.
Ou souffrir ou mourir ! Quelle valeur peut avoir la vie
si je ne souffre pas, si je n’aime pas ? Je ne supporte plus de voir le
monde dans sa course folle et aveugle vers la perdition. Je le vois dans
un incendie de passions. Je veux l’éteindre avec le feu d’amour
que j’ai dans le cœur et par la tendresse qu’il renferme, mais je vois
que le feu des passions et l’attraction du mal lui sont préférées.
Le feu et la tendresse ne m’appartiennent pas. C’est une tendresse
qui sauve ; c’est un feu qui purifie... Je possède en moi ce qui
n’est à moi. Je sens et je reconnais que cela appartient au Ciel.
Je suis las ; je veux enchaîner le monde à ce feu, à
cette vie du ciel, et je ne le peux pas. Pendant que je sens les chaînes
de l’amour de Jésus avec lesquelles il veut l’attacher, je sens
celles du démon qui veut le conduire à la perdition. Le monde
n’écoute pas la voix de Jésus, ne garde pas ses enseignements,
n’accepte pas ses affectueuses sollicitations, ne se laisse pas apprivoiser
par Lui...
Comme l’appel de Noé...
(Moments de la Passion)
Mes angoisses ont des élans qui me font m’envoler vers la mort.
Je brûle du désir de donner la vie. Les routes restent imprégnées
de mon sang ; je chemine dans le plus grand silence. J’ai soif de donner
la vie pour posséder la vie.
Je vois le tombeau où reposera mon corps : c’est un tombeau
qui enlève les âmes de la tombe, beaucoup d’âmes corrompues,
déjà presque mortes.
Je grimpe l’abrupte montagne du Calvaire. Je tombe souvent, et à
chaque fois je me retrouve comme si mon corps était déjà
un cadavre : un cadavre méconnaissable à cause du sang qui
coule le long de ma face ; c’est un corps dans une pire condition que celle
d’un lépreux en putréfaction.
Le cœur est désireux d’aller de l’avant ; il doit vaincre pour
les âmes, il doit mourir pour elles !
Alors que j’étais clouée à la croix, le sol bougeait
au point de faire trembler ma croix et ceux qui se trouvaient à
côté. Les tendresses du cœur se répandaient sur ceux
qui, avec moi, étaient crucifiés : à droite elles
étaient acceptées, à gauche refusées. Je sentais
la révolte de celui qui les refusait et l’amour de celui qui les
acceptait.
Mon âme sentait et voyait la Petite Maman qui, au pied de la
Croix, essayait d’ouvrir les bras pour accueillir Jésus, encore
vivant, ce qu’elle lui ferait aussitôt après sa mort : l’embrasser,
le baigner de ses larmes. C’est indescriptible ce qu’on souffert les Cœurs
de Jésus et de la tendre Maman. Quelle douleur aussi dans mon cœur
!...
Jésus est venu :
— Ma fille, étoile brillante, ta splendeur illumine les âmes
; tu es la lumière qui les guide vers mon divin Cœur.
De son divin Cœur je recevais du Sang ; mon cœur se dilatait...
— Reçois, ma fille, le Sang qui engendre les vierges, qui procure
la pureté, la grâce, l’amour. C’est la vie divine que Je donne
à mes épouses les plus aimées... Donne-toi pour les
âmes : pour les sauver je t’ai confié le monde, mais n’a pas
répondu… Elles sont si peu nombreuses les âmes qui M’aiment
; elles sont si peu nombreuses celles qui pratiquent la piété
comme il se doit ; elles sont si peu nombreuses celles qui savent bien
souffrir, qui connaissent la valeur de leur croix et qui l’aiment. Par
contre, le nombre de celles qui M’offensent est bien grand. Il y a tant
de malice ; la chasteté est en train de disparaître sur la
terre. Répare, Ma fille… ; souffre avec joie, souffre avec Moi.
— Souffrir oui, mon Jésus, mais pas avec Toi. Je veux souffrir,
moi, mais je ne veux pas que tu souffres…
— … Dis au monde entier d’écouter la voix de leur berger (le
Pape), qui est la voix de Jésus : je demande de l’amour, de la pureté,
un changement de vie. Que la voix du Saint Père soit pour le monde
comme celle de Noé…
Qu’il parle aux nations, à tous les chefs d’état, à
fin qu’ils se consertent et mettent un terme à tant d’immoralité…
C’est le monde et c’est Jésus…
(…)
Souffrir par amour c’est doux, mais cela coûte beaucoup. Vouloir
Jésus, l’aimer toujours, vivre uniquement pour Lui alors même
que je sens n’aimer personne, que je ne fais rien pour le consoler !
Les jours passent et avec eux les heures et, avec celles-ci je passe
moi-même sans progresser dans le chemin de la vertu
« Mon cœur souriait à la douleur... »
La nuit tombait à peine, mais au-dedans de moi elle était
déjà ténébreuse et triste.
Je souriais pour me montrer joyeuse et cacher ma douleur, qui me tuait
presque. Mais malgré cela, mon cœur souriait à la douleur,
il souriait à Jésus et brûlait dans les flammes dévoratrices
de son amour.
« La réparation la plus dure... »
J’ai senti et mon âme a remarqué des bras qui se tendaient
vers moi pour me défendre et m’enlacer. À la fin de la deuxième
réparation — deuxième assaut du démon — ces bras ont
fait irruption au milieu de la fureur des démons qui s'enfuirent
comme des lions terrorisés.
Il s'agissait de la Maman : c’est Elle qui m’a prise sur son sein et
m'a embrassée, en même temps qu’elle me disait :
— Ma fille, celle-ci est la réparation la plus dure à
supporter pour une victime, pour une épouse et vierge fidèle
à mon Jésus. Viens ici. Tu ne mérites pas d’être
au milieu des démons : tu es digne de vivre au milieu des anges
et à l'ombre du manteau des vierges.
« O Jésus, l’enfer, l’enfer de suite... »
Aujourd’hui, quand la deuxième attaque du démon s’est
terminée, j’ai crié, de toutes mes forces :
“O Jésus, l’enfer, l’enfer de suite, en ce moment même,
si avec ceci je vous offense ! Je ne veux pas pécher, non, je ne
veux pas !”
Cela ressemblait même à un défi à Jésus.
Mais il sait bien, que ce n’en était pas un. Toutefois, cette phrase
a été suffisante pour que je sois encore davantage surchargée
de souffrances. Je n’ai plus le cœur à résister à
tant de douleur.
1946
Doctoresse en sciences divines
Tu es maîtresse en toutes les sciences, doctoresse en sciences
divines.
Combien le monda aura à apprendre de toi !
Je parle avec science et sagesse. Quand je t’ai parlé de la
Patrie, je ne t’ai pas trompée, car, pour ceux qui obéissent,
dans le monde ils n’ont pas de patrie, leur Patrie c’est le ciel.
Si tu savais, ma fille, combien il a coûté à mon
divin Cœur, fou d’amour pour toi, de ne pas te dire tout ce qui allait
arriver, quand j’ai souri et fait traîner ma réponse !
Je t’ai donné courage et confiance pendant tout ce temps, afin
que tu puisses résister et que tu aies courage maintenant pour recevoir
un aussi grand coup (le départ de son Père spirituel pour
le Brésil).
Je ne t’ai pas trompée en disant que je ne te demandais pas
le sacrifice du départ de ton Papa (c’est ainsi qu’Alexandrina parlait
de son directeur spirituel, le Père jésuite Mariano Pinho).
Je ne te l’ai pas demandé alors ; je viens maintenant te le demander.
Et, regarde comment tu m’as tout donné !
« Vous m’avez tout donné ; j’ai tout utilisé
pour les âmes... »
(moments de la Passion)
Le Calvaire d’aujourd’hui a été encore plus intense et
pénible par le fait d’avoir peut-être blessé Jésus
; je lui en ai demandé pardon bien des fois. J’ai même demandé
à la Petite Maman de lui demander pardon pour moi. Je lui ai offert
le tourment de l’avoir offensé, pour ceux qui l’offensent et ne
ressentent aucun remords, après avoir péché mortellement.
Mais, quelle grande agonie ! C’était la mort qui appelait la
vie, l’obscurité qui appelait la lumière.
J’avais en moi des yeux qui regardaient le monde et ne pouvaient supporter
une aussi grande iniquité. Cependant j’avais des lèvres qui
ne pouvaient lui adresser la moindre parole de lamentation ; j’avais un
cœur qui l’aimait et sentait pour lui la plus grande compassion.
Je mourrais écrasée, je mourais remplie de peur, sans
la moindre lumière.
Tout à coup, j’ai senti quelque chose, je ne sais quoi, sortir
de moi, il me semblait s’agir d’un faisceau lumineux, qui est parti vers
le Haut, vers la jubilation. Je suis restée dans l’obscurité,
restée dans la mort.
Quelques minutes après, Jésus m’a parlé:
Ma fille (...), tu es comme une nuit sans étoiles, un jardin
sans fleurs, un paradis sans amour. Mais non, ce n’est qu’une impression
de l’âme. Pour moi en cette nuit, les étoiles brillent et
scintillent : ce sont des étoiles qui donnent lumière au
monde... Je vois dans ton jardin de si belles fleurs, des fleurs candides
; je les cueille pour moi, en aspergeant sur le monde leur parfum salutaire
pour les âmes. Dans le paradis sans amour, je trouve tout l’amour...
C’est avec cet amour que je te donne le pouvoir d’incendier les cœurs.
Partage-le avec qui tu voudras, donne-le à travers tes paroles.
As-tu confiance en moi, ma fille ? As-tu confiance en mon amour et
en mes paroles ?
Vous seul savez jusqu’où va ma foi en vous. J’ai foi, mais peut-être
pas comme je le devrais ; et non plus, je ne souffre pas comme je le devrais.
Pardonnez-moi, car je n’ai certes pas la force pour souffrir davantage.
Je vous ai beaucoup offensé... N’est-ce pas que je vous ai offensé
?
Tranquillise-toi. Je le permets pour ton humiliation... Reprends courage.
Il y a quatre ans, je t’ai prévenue de la lutte que t’aurais
à soutenir, apparemment seule. Apparemment seulement, car je ne
t’ai jamais abandonnée.
Aujourd’hui je ne t’annonce pas des luttes plus grandes, parce que
les plus grandes sont passées ; mais je t’encourage à être
forte à fin de supporter ton obscurité et la sensation que
je sois séparé de toi... Aie confiance, mon absence ne sera
qu’apparente...
Il y a un an je t’ai annoncé des afflictions. Elles sont venues
et continuent, car les joies mêmes seront pour toi des afflictions.
Te sens-tu vidée, spoliée de tout, y compris de la souffrance
? Ne t’étonnes pas : celui qui a tout donné, n’as plus rien
à soi. Tu m’as tout donné et j’ai tout utilisé pour
les âmes...
« Ma fille, épouse de mon Jésus... »
(...)
Pendant la nuit j’ai eu une grande lutte avec le démon...
Aujourd’hui, en recevant la Communion, j’ai ressenti un très
grand tourment à cause de ce qui s’était passé : je
me sentais humiliée !
Jésus, dans sa bonté infinie, ne s’est pas refusé
à entrer dans mon cœur et, en y entrant, il a tout calmé
et ensuite m’a parlé :
Ma fille... rosée qui féconde et pénètre
au plus profond de toutes les âmes... Ma petite fille aimée,
me voici, avec ma Mère bénie, en ce premier samedi
de l’année pour te renouveler le dépôt de toute l’humanité...
(...)
La “Mãezinha” m’a dit :
Ma fille, épouse de mon Jésus, souffre tout, souffre
avec satisfaction afin de sauver toutes les âmes de ce monde qui
est à toi: Jésus et moi, nous te le confions.
Jésus et la Maman du ciel m’ont embrasée et comblée
d’amour.
Ensuite, Jésus continua :
Nous renouvelons en ce jour l’offrande de notre amour: C’est pour toi,
afin que tu le donnes aux âmes...
« J’extrais de ta souffrance un baume salutaire de salut. »
(moments de la Passion)
(...)
Pendant la nuit du 5 au 6 janvier je pensais :
Mon Jésus, si seulement, comme les Mages, j’avais, moi aussi,
de l’or, de l’encens et de la myrrhe à vous offrir ! Mais je n’ai
rien. Je ne peux pas venir à votre crèche avec toute ma misère.
Ma tristesse était profonde... À ce moment-là
j’ai vu Jésus devant moi avec une grande croix sur les épaules,
un genou à terre, sa divine Face tournée vers moi, il me
regardait avec tristesse. Derrière lui il y avait beaucoup de monde
qui le regardait avec haine, comme si tout ce monde voulait décharger
sui lui toutes sortes de souffrances. Cette scène me rappelait la
multitude des Juifs qui l’ont insulté tout le long du chemin du
Calvaire. Je ne sais pas si je n’ai pas répété à
Jésus : “Je suis votre victime” (...).
Cinq jours se sont déjà écoulés et je vois
encore en moi cette divine Face au regard si triste, mais si plein de douceur.
Combien Jésus devait souffrir, pour m’apparaître dans un tel
état !
(...)
Aujourd’hui, arrivée au Calvaire, j’avais à l’intérieur
de moi Celui qui peut fixer et scruter tous les chemins de ce parcours
arrosé de sang. Ceci contribue à augmenter ma douleur : tant
de sang répandu pour tant d’ingratitude ! Je voyais le monde s’éloigner
de ce sang et moi, je voulais le sauver : il n’y a pas d’autre
moyen. Si seulement cette douleur pouvait être vue ! Si seulement
cette agonie était comprise, combien d’âmes se sauveraient
!
Le cœur se fondait en amour et Quelqu’un prenait cet amour et le diffusait
sur le monde : un souffle, comme du vent, le portait partout ; même
de mes yeux, de mes lèvres, de tout mon corps, ce Quelqu’un prenait,
je ne sais quoi, et le diffusait.
Moi, sur la croix, broyée de douleur, j’agonisais dans l’abandon,
dans l’obscurité et dans la mort.
Jésus est venu :
Ma fille, je vois dans ta mort la vie des âmes. Je prends dans
ton cœur de l’amour pour toutes... Quelle valeur, celle du Calvaire ! La
douleur est un sceau qui ne s’efface pas ; la croix est signe de rédemption.
Aie courage ! La souffrance est salut pour le monde. J’extrais de ton cœur,
de tes yeux, de tes lèvres, de toute la souffrance de ton corps
un baume salutaire de salut. Je me réjouis de te voir tout supporter
avec joie et le cœur fort...
Les âmes désirant m’accompagner au Thabor ne manquent
pas, mais quand il s’agit de la souffrance, du Calvaire, toutes refusent
la souffrance : elles fuient et je me retrouve seul. En toi je trouve la
générosité ; tu m’es fidèle...
« Je t’accompagne toujours... »
(...)
Je prie et je souffre sans que rien de tout cela m’appartienne: je
ne possède rien que je puisse donner à Jésus. Mes
ténèbres sont comme des lions qui avalent tout...
J’étais si effondrée pendant mon Jardin des Oliviers
et mon Calvaire !... Rarement j’ai senti comme aujourd’hui la tête
aussi blessée par les épines: quelles douleurs aiguës
et profondes ! Toute ma tête était une plaie ouverte...
Jésus est venu :
Ma fille, je veux ton obscurité, ton abandon, ta crucifixion
semblable à la mienne. Je ne dis pas que, pendant ma Passion le
Père éternel ait cessé de m’assister, que nous n’ayons
pas continué de nous aimer d’un même amour et que j’eus perdu
mon union avec Lui et avec l’Esprit-Saint, non ! La même chose se
passe avec toi, ma chère crucifiée : tu bénéficies
toujours de mon assistance ; je t’accompagne toujours pendant ton indicible
crucifixion...
« Soyez vainqueur, Jésus !... »
Je n’ai personne à qui recourir : sur la terre je ne trouve
pas de soulagement. Celui qui voudrait me secourir, ne le peut pas; celui
qui pourrait, ne le veut pas. Mon Dieu, j’ai l’impression que ces lignes
sont écrites avec mon sang, tellement ma souffrance est grande ;
il m’est impossible de la décrire ; même le plus grand savant
ne réussirait pas à la décrire telle qu’elle est.
Je ne suis déjà plus qu’un torchon effiloché, je ne
suis même plus un torchon, je ne suis rien: la souffrance a tout
fait disparaître, les ténèbres ont tout immergé.
Le nom de Jésus vaincra.
Soyez vainqueur, Jésus, soyez vainqueur, mon Amour ! Faites
que ma foi arrive de la terre au ciel, qu’elle arrive de moi jusqu’à
vous.
Voici les paroles que mes lèvres, souvent, ont balbutiées.
Mon Jésus, donnez-moi de la force afin de pouvoir tout dicter,
si telle est votre Volonté; acceptez mon sacrifice !
Aujourd’hui, pendant la monté au Calvaire, le cœur semblait
éclater dans l’affliction de découvrir de nouveaux mondes
de pureté et d’amour à offrir à Jésus. Il me
semblait que des dents de fer déchiquetaient mon corps. Je me suis
sentie blessée par un très grand nombre de cœurs pétrifiés.
Sous moi ruisselait le Sang de Jésus et les larmes de la Maman du
ciel ; elles tombaient ensuite sur ces cœurs qui ne s’attendrissaient pas.
Alors Jésus est venu :
Ma fille, le Seigneur est avec toi, et avec toi ma paix. Tu es pleine
de grâce car tu l’as reçue de moi et parce qu’en toi Jésus
demeure et avec toi il est vainqueur...
« Quel bel exemple tu donnes, par ton amour pour la croix ! »
(...)
Je reste toujours surprise par tant d’obscurité... Je vois qu’en
moi tout est perdu: Seigneur, Seigneur, ma souffrance est inutile !...
(...)
O mon Calvaire, toujours plus triste, toujours plus douloureux ! Oh,
de quelle manière j’ai été flagellée ! Il me
semble impossible que mon corps ne porte pas les marques des blessures
et ne soit pas resté broyé...
J’ai reçu la visite de Jésus :
Ma fille... tu sais très bien que je suis toujours avec toi
pour recueillir tes souffrances et les utiliser pour les âmes...
Quelles grandeurs, quelles beautés, dans ton âme !...
Mon Jésus, si je ne vois rien et si je ne trouve rien en moi,
que pouvez-vous recueillir pour l’utiliser avec les âmes ?
Écoute-moi : comment pourrais-tu voir de tes petits yeux ce
que les flammes dévoratrices d’un grand feu on consumé ?
Comment pourrais-tu voir une chose une chose que tu as offert et qui a
été portée dans un endroit où tu ne peux aller
? Tu ce que tu souffres, tu ce que tu fais, tout ton amour est né,
est consumé dans le mien.
Si tu pouvais voir la valeur de ta souffrance, ce que tu as fait pour
moi et pour les âmes, l’amour avec lequel tu m’aimes, tu perdrais
la vie, si cette vie était à toi et non la vie du Christ.
Ce n’est qu’à la lumière de l’éternité que
tu pourras voir, et l’humanité aussi, combien tu as fait et combien
tu as souffert pour la sauver.
« La souffrance pour moi...l’amour pour vous ! »
On continue de parler du départ de mon Père spirituel.
Autour de moi, je sens continuellement une mer furieuse, le souffle du
vent, la plus épouvantable tempête déclenchée
contre moi, comme si j’étais un quai où le Père serait
amarré... Je souffre aussi pour la peine des miens, spécialement
pour ma sœur. Il y a quelques jours, j’ai souffert ce qu’il a enduré
à Fatima en prenant congé des personnes qui lui étaient
chères.
Au même moment je voyais une main se poser sur ma tête:
elle me redonnait de la force afin que je puisse continuer au milieu de
toutes ces souffrances.
En esprit je m’enlaçais à la croix et je disais à
Jésus :
Que la souffrance soit pour moi et l’amour pour vous. Que celui-ci
soit un embrassement éternel !
Ce disant, je me suis sentie éclater par la souffrance.
À côté de la souffrance cheminait la foi. La souffrance
semble même surpasser la foi; mais non pas le contraire. Celle-ci
la dépasse comme le bœuf qui passe devant un autre plus lent. La
souffrance chemine, aveugle, en ayant la certitude d’arriver au port de
salut, mais non pas ici, sur la terre où elle est certaine de ne
rien trouver.
(...)
Je sens de l’appréhension pour tout ce que le Seigneur me demandera
encore, mais la volonté de tout lui donner reste: il me semble qu’il
me l’apportera par l’intermédiaire de maman et, bien entendu, de
ma sœur.
« Comme je me trompais !... »
Le 20 février — jour du départ de mon Père spirituel
pour le Brésil — restera à jamais gravé dans ma mémoire...
Jamais Jésus ne m’a demandé autant ! Je ne m’y attendais
pas !
Ce matin-là, juste après la communion, plusieurs fois
j’ai demandé à Jésus si mon bon Père partirait
ou non ; mais il ne m’a pas répondu. Malgré cela, je suis
restée confiante, contre toute espérance. Le Seigneur m’envoya
le Père Umberto pour me donner courage, me réconforter et
me préparer à ce qui m’attendait.
Mon âme restait forte. Je me suis maintenue calme et sereine,
mais ce que j’ai souffert, il est impossible de l’imaginer ou même
de l’expliquer...
M’étant mise à prier, je ne savais plus si je devais
demander à Jésus le miracle de ne pas laisser partir le Père
ou le remercier pour une aussi grande grâce, ou bien implorer pour
lui un bon voyage. Indécise sur ce que je devais faire, avec toute
la force de ma foi, une foi que je ne savais même plus d’où
elle pouvait me venir, je disais : “Non, il n’est pas parti, il ne partira
pas !” Comme je me trompais !...
La douleur était lancinante. J’ai dit : je suis grillée
comme saint Laurent ; mais le feu est bien pire : il me brûle l’esprit,
me lasse l’âme...
Confiant, toutefois, dans le Seigneur et dans sa providence, je me
suis souvenue de l’histoire d’Abraham et son fils Isaac...
Je ne savais pas qu’à cette heure-là, le bateau naviguait
déjà en haute mer, amenant avec lui mon Père spirituel.
Combien dois-je remercier le Seigneur de m’avoir aidée à
vaincre tout cela avec sérénité et résignation
!...
Combien j’ai promis au Seigneur que je ne manifesterais pas un seul
mouvement de joie ou de satisfaction dans l’hypothèse où
le Père ne partirait pas. De la même manière, et avec
son aide, je Lui ai promis de ne rien dire contre ceux qui l’ont fait partir
et qui m’ont tant fait souffrir.
Et maintenant, que faire ? Devais-je continuer à confier et
à espérer dans le Seigneur, redoubler mes prières
et, les yeux tournés vers le ciel et le cœur en haut, attendre sereinement
et souffrir tout par amour.
Hier matin, après la Communion, j’ai dit à Jésus
:
— Je me confie à vous en tout et je vous promets de faire tout
mon possible pour de plus me préoccuper si ceci ou cela compromets
votre divine cause : si elle est à vous, je ne dois pas m’en préoccuper,
mais vous seul. Je veux, mon Jésus, et je promets de faire
tous les efforts pour tout accomplir dans la plus grande perfection possible
et de vous aimer de tout de tout l’amour dont mon cœur est capable...
Dans l’après-midi j’ai appris l’heure et tous les détails
du congé et du départ du Père. J’aurais voulu être
forte, cacher mes larmes, mais je n’y ai réussi que bien peu de
temps : j’ai réussi tout de même à étouffer
les sanglots... Cela me semblait une douleur sans fin: je l’ai offerte
à Jésus, le remerciant et le louant pour tout.
J’avais promis à Jésus que je ne prononcerais une seule
parole ni de joie ni de contentement si le Père ne partait pas.
De la même manière, je lui ai promis aussi, avec son aide,
de ne rien dire non plus contre ceux qui l’ont fait partir et qui m’ont
tant fait souffrir...
Après la Communion j’ai une brève action de grâces
parce que mes forces ne m’en permettaient pas davantage. J’ai récité
le “Te Deum”, le lisant sur un livre que j’avais emprunté. J’avais
pensé le réciter en action de grâces au cas ou le Père
ne serait pas parti; je l’ai récité pareillement, convaincue
de procurer ainsi davantage de consolation à Jésus: le louer
aussi bien dans la douleur que dans la joie...
(...)
Mon Jésus est venu :
— Ma fille, cœur d’or, cœur de feu, âme pure, candide, viens
à moi, viens dans mon Cœur te restaurer de si amères douleurs
; viens reprendre courage, réconfort et confiance.
— Mon Jésus, vous savez bien que je ne confie qu’en vous, pas
en moi, et vous savez comment vous avez permis que je me trompe et que
le démon me trompe...
— Tranquillise-toi et écoute-moi. Je ne t’ai pas trompée,
toi, tu ne t’es pas trompée et le démon non plus ne t’a pas
trompée, car je ne l’ai pas permis. Tout ce que j’ai fait, ce n’était
ni pour t’humilier ni pour humilier ceux que j’aime et qui prennent soin
de ma divine cause, mais pour les rendre plus fermes et plus disponibles...
Ma fille, cela m’a coûté assez de ne pas te dire ce qui
allait arriver: je t’ai donné courage et confiance, pendant tout
ce temps, afin que tu puisses résister et aies la force pour recevoir
cette blessure si douloureuse...
Je t’ai promis de le libérer: celui-ci fut le meilleur moyen
de le faire. Spirituellement il n’est pas parti, il est resté
avec toi. Ce que j’ai uni, les hommes ne peuvent séparer.
Courage... Quelle grande lumière tu donnes au monde; quel grand
exemple par ta disponibilité et par ton amour de la croix !
« Je veux et j’accepte l’immolation... »
Je suis entre les mains de Dieu pour tout ce qu’il veut: il connaît
ma force.
(...)
La souffrance, la nostalgie de mon Père parti pour le Brésil,
m’ont fait monter au sommet ; je ne peux aller au-delà...
Mais je le sens dans mon âme par une union plus forte que jamais...
Le corps est parti, mais sur le Calvaire, la vie de mon âme est restée:
c’est ce que je ressens...
Mes yeux ne peuvent freiner les larmes, mais ce sont des larmes de
disponibilité, de paix, d’amour. Pendant que les yeux pleurent,
l’âme s’élève, se prosterne devant Jésus et
lui souri et, comme si elle avait des bras, elle les ouvre pour se laisser
crucifier. Dans la plus grande tranquillité, avec la meilleure bonne
volonté, j’ai dit à Jésus :
Je veux et j’accepte l’immolation, le sacrifice par amour pour vous...
(...).
Rien de mieux que la souffrance pour apprendre à aimer Jésus
(moments de la Passion)
(...)
Si je pouvais et savais parler, combien j’aurais à dire sur
la douleur !
La souffrance est ce qu’il y a de plus sage, c’est l’école la
plus sublime ; Rien de mieux n'existe que la souffrance pour nous apprendre
à aimer Jésus. Celle ci nous achemine et nous guide vers
Lui. La souffrance produit des racines en profondeur, des racines qui lie
l’âme à Jésus. Combien de secrets cache celle-ci !
La souffrance unit l’âme à Jésus et fait que celle-ci
ne vive uniquement que de Lui et pour Lui. Elle est le fondement le plus
sûr à l’édifice de l’amour et à l’union avec
Jésus...
« Elles méprisent mes grâces... »
J’aimerais pouvoir consoler et réconforter tout le monde ; j’aimerais
pouvoir procurer de la joie à tous les cœurs. J’aimerais rassasier
tous les affamés, j’aimerais vêtir tous les mal habillés.
Combien de peine je ressens pour les pauvres ! Mais je la ressens spécialement
pour Jésus. Je sens que c’est lui le pauvre le plus nécessiteux:
il a besoin que nous le réjouissions, que nous le réconfortions.
Puissé-je le consoler et l’aimer !... Je souffre beaucoup, mais
mes souffrances ne réussissent pas à Lui procurer consolation
et joie...
Pendant la nuit la souffrance consumait mon corps et mon âme;
je vivais un vrai martyre. Les noms de Jésus et la Maman du ciel
étaient toujours sur mes lèvres et dans ma pensée...
Après la Communion, Jésus n’a pas tardé à
me réconforter :
— J’ai soif, ma fille, une soif qui consume mon divin Cœur. Tu sais,
épouse aimée, quelle soif est celle-ci: c’est une soif d’âmes.
Celles qui m’aiment sont bien peu nombreuses et, bien peu nombreuses de
celles qui me procurent une vraie consolation, même parmi celles
qui disent m’aimer et être mes épouses ! Elles ne font pas
ce qu’elles devraient, dans un bout droit et pur. Combien parmi les choisies
viennent de moins en moins dans mon Cœur ! Elles me veulent seulement quand
elles voient des roses et des consolations; mais quand les épines
les blessent et les croix pèsent, elles rebroussent chemin et méprisent
mes grâces...
— Mon Jésus, si je peux encore faire quelque chose ou encore
souffrir, je suis prête à tout. Je ne vous ai jamais abandonné;
je suis toujours votre victime...
— Dis à ton Père spirituel que j’ai recueilli
vos souffrances, dis-lui que je l’ai choisi pour lumière et guide
de ton âme et que je ne vous abandonne pas. J’ai uni vos deux âmes,
je ne les séparerai pas, et je ne laisserai pas qu’on les sépare.
J’ai reçu une grande consolation par son obéissance et par
son humilité. Il sera toujours le maître de grandes âmes...
(...).
« Donnez-moi, Jésus, le feu de votre Cœur... »
Le 13 j’ai reçu un cadeau du ciel. Depuis bien longtemps
que je n’en recevais pas ! Cela aurait dû être pour moi un
motif de grande joie, mais ce ne fut pas le cas. Je suis restée
indifférente, comme si ce n’était pas pour moi. Je l’ai beaucoup
apprécié, mais l’appréciation n’était pas la
mienne. J’en ai remercié Jésus et la Petite Maman, mais même
les remerciements n’étaient pas les miens... Moi, je suis toujours
restée sans rien...
Le malin présente à mon imagination tous les doutes.
Il sourit en voyant que je me sens comme ne possédant rien, et continue
de me présenter ma vie comme perdue.
Moi, tournant mon regard vers le ciel et vers Jésus crucifié,
je Lui ai dit :
— Je suis votre victime, je ne veux rester sur la terre que pour souffrir
et faire votre très sainte Volonté.
Et, me tournant vers le Sacré-Cœur, je Lui ai dit :
— Donnez-moi, Jésus, le feu de votre Cœur, soyez ma force; donnez-moi
votre paix.
Et je reste ainsi sereine et rassurée. L’âme est satisfaite,
et elle sourit à la souffrance et à la croix.
Je vois les souffrances ; je vois la mort venir à ma rencontre
et je la crains; mais cette crainte ne m’empêche pas de la vouloir,
de la désirer.
Ayant cette vision de la souffrance et de la mort, j’ai cheminé,
ou mieux, c’est Jésus qui a cheminé en moi, résolument
vers le Jardin des Oliviers. Quel grand silence ! Quelle grande leçon
! Combien je peux soulager Jésus en souffrant sereinement et en
silence: souffrir en aimant !
J’ai bu jusqu’à la dernière goutte avec Lui le calice
amer. Mon cœur a été pressé avec le Sien dans la même
coupe, et ainsi uni il fut offert au Père éternel. Dans la
même union j’ai souffert l’agonie et j’ai senti l’affaiblissement.
À un certain moment, comme pour me servir d’exemple, j’ai ressenti
sa disponibilité, sa paix et le sourire de son âme, et son
regard doux et serein vers le Père éternel. Puissé-je
accepter et souffrir tout comme Jésus !
Ce matin j’ai senti sur mon corps tant de flagellations: il me semblait
que les épaules, le dos et la poitrine resteraient déchiquetées...
Le long du chemin du Calvaire la furie avec laquelle j’étais
traînée, que je tombais en cognant le visage or sur une pierre
or sur une autre...
Du haut de la croix, prête à expirer, je sentais que mon
cœur était accroché par des racines d’amour à tous
les cœurs humains. Et le regard le plus tendre émanait de mes yeux
moribonds, embrassant le monde entier. J’ai pu lui susurrer :
— Ton ingratitude peut-elle exiger davantage de moi ?
(...) Ce n’était pas moi, c’était Jésus, mais
j’ai ressenti tout cela comme si c’était moi.
Jésus est alors venu :
— Ma fille, blanche et pure colombe, je t’ai placée sur ce calvaire,
en cette continuelle immolation, lors des jours les plus tragiques pour
l’humanité...
Aie courage. Je suis avec toi; les hommes ne peuvent pas nous
séparer, ne peuvent pas nous empêcher de sauver les âmes.
Cela me déplaît que la plus grande partie de mes disciples
ne comprenne pas ma vie dans les âmes ! Combien la détruise,
en coupant les racines et, pire encore, les brûlant afin qu’elles
ne repoussent plus. Courage, petite fille: cela ne t’arrivera pas....
Larmes de nostalgie...
Mon bon Père...
Cela ne me semble pas une réalité mais un rêve
: recevoir une lettre de vous et pouvoir y répondre ! Pourrai-je
le faire ? J’attends des ordres. En effet, je ne veux pas désobéir.
J’écris, mais encore avec crainte. Le monde est si mauvais. Il est
vrai que je n’ai commis aucun crime pour être traitée de la
sorte. Mais il est vrai qu’il vaut mieux souffrir toute une vie innocente
qu’un seul instant coupable. Combien belle est l’obéissance, et
combien elle plaît à Jésus !
Votre lettre m’est arrivée le 13. Ce fut un cadeau de Jésus
et de la Maman du ciel. Je l’ai beaucoup aimée, mais ce contentement
ne m’appartenait pas, ce n’était pas le mien.
Involontairement j’ai versé des larmes : larmes de nostalgie,
de paix et de résignation.
Cela fait aujourd’hui un mois que mon âme vous a vu partir et
vous a accompagné avec une grande souffrance, sur la haute mer,
lors de votre long et douloureux voyage. La vision était claire.
Elle vous a accompagné jour et nuit. Jour après jour elle
devenait plus faible ; entre le premier et le deux mars, elle a disparu.
Mon âme cessa de vous voir, mais non point de vous sentir. Si seulement
vous saviez comment il est ce sentiment ! Ou mieux, si je savais m’expliquer
!...
La distance qui nous sépare nous a unis nos âmes plus
fortement que jamais... De la même façon que je suis unie
à Jésus et que je ne cesse pas de penser à Lui, de
la même manière je suis unie à l’âme de mon Père
spirituel et je me le rappelle toujours avec une profonde nostalgie : nostalgie
qui de temps à autre me mène aux larmes ; et ce n’est qu’au
prix d’un grand effort que je réussis à les cacher.
Quelquefois j’examine ma conscience : s’agit-il d’un attachement et
d'une affection exagérée ? Non, ce ne l’est pas. Et je reste
en paix. Jésus voit et Jésus le sait. Je n’échangerais
pas l’amour de Jésus contre l’amour de mon Père et celui
de toutes les créatures du monde entier. Jésus est le commencement
et la fin de ma vie ; c’est sans doute Lui qui a ainsi uni nos âmes.
Quatre ans après notre dure et douloureuse séparation,
quand je croyais ne plus pouvoir résister aux désirs et aux
souhaits de vous voir revenir m’encourager et guider mon âme vers
Jésus, un coup encore plus dur est arrivé. Un douloureux
poignard a été enfoncé dans mon cœur : ce poignard
ne sera plus enlevé, et la blessure de celui-ci ne se refermera
pas avant que vous ne retourniez ici.
J’ai attendu jusqu’au dernier moment, convaincue que vous ne partiriez
pas. Mais, que Jésus soit loué ! Toute la vie ne suffira
pas, toute l’éternité ne suffira pas pour le remercier d’une
aussi grande grâce : il est venu Lui-même me raffermir et m’apporter
résignation. J’ai beaucoup pleuré, mais silencieuse, calme
et sereine.
Le malin m’a tourmentée m’inspirant des doutes et en me montrant
ma vie comme inutile, mais, avec la grâce de Dieu, j’ai tout vaincu
et, ce me semble, sans offenser Jésus. Il sait très bien
que s'il me manque, tout me manque. Il connaît l’abandon dans lequel
je me trouve...
Le Père Umberto est bien mon ami et comprend très bien
mon âme, mais très vite, lui aussi, a été interdit
de venir.
Toutefois, bien qu'il me comprenne et m’ait soutenue dans des heures
aussi tragiques, j’ai toujours senti que mon Père spirituel était
la première et la dernière lumière de mon âme.
Vous n’avez jamais cessé d’occuper dans mon cœur la même place
; Jésus ne vous a pas enlevé de là. Vous étiez
et êtes toujours le premier pour qui je prie. Et le Père Umberto,
le pauvre, me disait :
Je ne veux en aucun cas m’ingérer dans les affaires d’autrui.
Je ne veux que soutenir votre âme. Votre vrai directeur c’est le
Père [Pinho].
Pauvre de moi, et pauvre Deolinda, si le Seigneur, tout au long de
ces années ne nous avait envoyé un médecin aussi bon
et saint ! Personne ne voudrait se trouver dans sa situation. Il est notre
ami, ami solide de la cause de Dieu ; il est aussi votre ami, mon Père,
un ami sincère...
Le Père Alberto lui aussi m’aime bien, et sais très bien
pardonner les péchés. Que beaucoup de grâces et louanges
soient rendues au Seigneur !...
À quand l’heureuse nouvelle de votre retour, avec la liberté
de pouvoir prendre soin de mon âme jusqu’à la fin des fins
?...
Petite grappe de raisin pressée au maximum
(Moments de la Passion)
Le Seigneur soit avec moi : je me sens tellement exténuée
que seul Jésus peut me redonner de la force...
Mon lit est comme une grille à travers laquelle passe et m’atteint
le feu le plus vif et le plus brûlant. Je me sens toute entourée
de flammes qui me consument et me détruisent le corps ainsi que
l’âme...
Combien je souffre, mais combien j’ai encore de soif d’une plus grande
souffrance ! Je suis fatiguée du monde, j’ai honte de lui, je suis
obligée de le quitter: quelles diversités de souffrances
!
(...)
Hier j’ai senti que des chaînes de feu me tiraient vers le Jardin
des Oliviers : c’était l’amour, rien que l’amour. Prosternée
jusqu’à terre, je sentais des tels déchirements et de telles
secousses dans tout mon corps, que j’avais l’impression que les os allaient
bientôt se rompre. C’était l’épouvante, c’était
le pressentiment des souffrances...
Et aujourd’hui, sur le Calvaire, pendant que l’on me crucifiait et
que l’on me clouait les pieds et les mains, j’ai senti comme si dans mon
cœur on m’enfonçait de plus grands et plus douloureux...
Malgré la peur que j’avais de Lui, Jésus est cependant
venu :
— Ne me crains pas, ma fille: je suis ton époux et toi mon épouse...
Je suis ton Père et toi ma fille bien-aimée... Sais-tu, ma
fille ce que c’est que cette crainte de ton Jésus ? C’est la crainte
que j’ai eue de mon Père éternel. Je me suis recouvert, je
me suis revêtu de toute l’immondice de l’humanité, j’ai tout
assumé et j’ai eu honte devant mon Père.
N’es-tu pas la victime du monde, non une victime de quelques heures
ou de quelques jours mais de tant d’années ? Ne t’ai-je pas confié
l’humanité ? Voilà la raison de ta crainte. Sauve-la pour
moi. Je souffre intensément ! J’aimerais des âmes qui, comme
toi, continuellement se laissent immoler avec une pareille générosité
et amour...
« On a prolongé mon martyre »
On a prolongé mon martyre sur la terre. Il est vrai que je veux
souffrir, mais je veux savoir souffrir comme Jésus le désire,
avec la perfection qu’il veut.
Ces derniers temps ont été pour moi un douloureux calvaire.
Combien j’ai souffert ! Il m’aurait été tout à fait
impossible de fuir la souffrance même si je l’avais essayé.
Toute la terre, toute la mer, tout l’espace étaient souffrance.
Oh, combien coûte la souffrance ! Et plus elle coûte, plus
on veut donner et moins on trouve à donner. Je n’avais rien à
offrir à Jésus. Je me sentais tout à fait incapable
de tout. De temps à autre seulement je pouvais m’offrir comme victime.
À la fin, il me semblait même avoir complètement oublié
Jésus; je sentais perdre sa divine union.
Enfin, lors de l’agonie au Jardin des Oliviers, je me suis sentie indifférente
et étrangère à tout.
Aujourd’hui, seule la violence de la souffrance m’a forcée à
cheminer vers le Calvaire, ou mieux, c’est la violence de la souffrance
qui m’a porté jusqu’à la cime, me cognant contre les dalles
de pierre, pendant que je marchais, traînée avec rage.
N’importe laquelle parole ou acte d’amour sortait de moi comme d’une
mer glacée et morte... tant de souffrance pour rien, tant de ténèbres
sans lumière ! J’avais l’impression qu’il ne pouvait plus exister
des souffrances qui aient quelque valeur, qui puissent donner la vie à
l’humanité qui était morte et perdue.
Et mon Jésus est venu :
— Ma fille, sais-tu qui t’appelle ? C’est Jésus, l’amour de
ton cœur, Jésus duquel tu te sens abandonnée, Jésus
qui en ces derniers temps a pressé au maximum sa petite grappe de
raisin... Courage, je suis toujours avec toi !...
— Mon Jésus, j’ai tant souffert, mais je n’ai pas su souffrir;
au lieu de m’unir davantage à Vous, je m’en suis sentie tout à
fait séparée. J’ai beaucoup souffert et je n’ai rien vu que
je puisse vous offrir. Ce ne fut que plus tard et avec peine que je me
suis souvenue de vous demander davantage d’âmes. tout ceci me fait
souffrir.
— Écoute, connais-tu la valeur de l’aumône ? Ne sais-tu
pas de quelle manière je veux qu’il soit pratiqué ? Ce que
tu aimerais voir, j’en ai déjà pris possession avant même
qu’il en soit le temps.
— Vous voulez, Seigneur qu’une main ignore ce que fait l’autre, n’est-ce
pas ? C’est bien, mon Jésus, mais moi, j’aimerais vous offrir mes
souffrances afin de pouvoir sauver les âmes.
— Et tu en as sauvées. Ma fille, tu es en train de constituer
un grenier si grand que pas même pendant bien des années de
disette les âmes ne mourront [à la grâce] par manque
d’aide.
Tu es l’aliment des âmes et j’ai tout préparé afin
qu’elles ne meurent pas de faim. (...)
« J'unis ton cœur à mon divin Cœur »
(...)
Combien il me coûte de dicter ! Si seulement je savais offrir
à Jésus ce sacrifice !
Je me sens de plus en plus seule... On dirait même que Jésus
n’existe pas ; qu’il n’est plus la lumière de mon âme. Je
sens comme si j’avais perdu mon union avec lui.
Je ne sentais pas qu’il soit uni à moi, mais je sentais mon
effort à vouloir m’unir à lui. Je ne voulais, à aucun
moment, perdre un seul instant de sa douce compagnie. Bien au contraire,
mon Dieu, tout semble mort, je ne sens même plus mon effort ni notre
union. Quand je pense à Jésus et que je ressens cette dure
séparation, la souffrance de mon âme est très douloureuse,
elle est indicible...
La vie est longue: je ne comprends pas comment je peux rester ici.
A la fin, même le gazouillement des oiseaux me blesse; et pour en
finir, même les fleurettes que de ma fenêtre j’aperçois
aux fenêtres ou balcons des maisons voisines, me font saigner le
cœur.
Le démon s’obstine à vouloir me persuader que ma vie
n’est que tromperie. O mon Dieu, quelle vie douloureuse ! Seule mon âme
peut sourire et embrasser une aussi grande souffrance: le sourire de mes
lèvres est trompeur...
Au Jardin des Oliviers je me suis épouvantée en découvrant
la montée vers le Calvaire... Toutes les souffrances ont été
anticipées; j’ai commencé à trembler...
Le corps déchiré je me suis engagée sur le chemin
du Calvaire... Jésus est venu...:
— Mon enfant..., J'unis ton cœur à mon divin Cœur, il n'y a
plus qu'un seul cœur, qu'une seule vie. Je te donne une goutte de mon sang,
afin de continuer le miracle et que tu puisses vivre et résister
à la douleur, à ton martyre... afin que tu donnes la vie
aux âmes et les fasses triompher dans leur guerre contre le mal...
(...) Courage, ma colombe, tu ne m’as pas perdu, tu ne m’as pas quitté...
Dans l’obscurité de ton esprit, obscurité qui ne pouvait
augmenter davantage, tu n’as pas senti l’union avec moi et tu n’as pas
vu non plus de quelle manière tu courais vers moi. Oh, s’il t’était
donné de voir comme tu es en moi et moi en toi ! Rien ne peut nous
séparer !...
« Ô mon Jésus, je ne fais rien... »
(...)
Dans la nuit du 14 au 15, le démon, après beaucoup de
scènes laides, insultes et paroles malicieuses, m’a dit :
— Regarde, 21 ans de perdus ! A quoi t’ont servi tant de souffrances
? Tant d’années de perdues, des années de fausseté
!...
(...)
Je sens ce que j’ai éprouvé il y a quatre ans: les bêtes
et les oiseaux de rapine. Les premiers boivent mon sang qui baigne la terre;
les autres, avec leur gros bec, mangent ma chair. D’autres encore rôdent
autour de moi et mangent mes os. Combien peut-on souffrir dans ce silence
!
Dans un pareil état, pressée au maximum, j’ai souffert
mon Jardin des Oliviers... Je me suis retrouvée dans un lieu plus
éloigné à prier toute seule; ensuite j’ai cherché
la compagnie de ceux qui m’aimaient...
Aujourd’hui, tout le long du chemin du Calvaire, je sentais des instruments
en fer enlever le peu de chair qui me restait. Ils me transperçaient
les nerfs et arrivaient jusqu’aux os. À chaque pas je croyais mourir.
Une vie venue d’en-Haut soutenait mon corps désormais épuisé.
Quand je tombais, presque déjà morte, j’étais traînée
par des cordes. Je sentais que cette vie venue d’en-Haut était le
soutien de mon corps déjà moribond: ce n’était ni
une vie ni une force humaine. Et au sommet, déjà sur la croix,
cette même vie continuait à être la force qui me permettait
de supporter tant de souffrance. Quand j’en ai éprouvé la
séparation, déjà le cœur avait donné tout son
sang, déjà mon cri semblait exécuté plusieurs
fois le tour du monde entier. Alors cette vie est remontée vers
le Haut, (...) le corps est resté mort...
Jésus est alors venu :
— Mon enfant,... Je suis ton Jésus, Je suis toujours près
de toi. Sur toi se reproduit toute ma Passion: tu es la copie la plus fidèle
du Christ Rédempteur. Je poursuis, avec toi, pas à pas, le
chemin de ton calvaire... O combien elle est belle, ta mission !...
— O mon Jésus, je ne fais rien, je ne suis rien, je ne sais
même pas souffrir... En moi il n'y a rien d'autre que néant,
un immense néant. Sauf mon âme qui elle, elle sourit toujours
à la douleur, à la croix, à votre amour...
— Et je ne veux rien d'autre ma douce enfant: le sourire de ton âme
et c'est tout...
« J’ignore où je me trouve... »
J’ignore où je me trouve. Il me semble ne plus avoir le moindre
souffle de vie.
Durant la fête de Pâques, je suis venue dans cet endroit,
je ne sais d’où. Je ne comprends pas la vie que j’ai reçu.
Je me suis retrouvée dans un cachot, dans une noire prison afin
de donner la liberté à tous ceux qui s’y trouvaient. Les
portes se sont grand ouvertes et tous ceux qui s’y trouvaient se sont envolés
vers le Haut...
Les animaux continuent de détruire et de dévorer mon
corps. Une partie de ceux-ci est disparue. Et l’amour de Jésus semble
ne pas habiter en moi: je n’ai rien pour lui, je n’ai rien pour les âmes.
Je souffre horriblement à cause de sa perte. L’abandon dans lequel
je me trouve, me fait peur: la séparation totale de ceux qui me
sont chers... Mes yeux ne cessent de fixer Jésus et la Petite-Maman
afin de leur demander de l’aide, afin de leur demander courage et amour.
— Mon Jésus, l’âme de cet homme qui est tombé dans
la rivière, est-elle sauvée ?
— Oui, ma fille. Ce fut à onze heures et demie de la nuit qu’elle
a comparu en ma divine présence. Comme il a été beau
et attendrissante le moment où elle m’a vue devant elle, avant même
que je ne lui demande des comptes !... Elle m’a dit: « Pardonnez-moi,
pardonnez-moi, mon Jésus ! Vous êtes mon Seigneur. »
Je lui ai pardonné et il a été sauvé !
« Je n’ai pas assez de cœur... »
Je n’ai pas assez de cœur
« Pauvre monde !... »
Je cherche à me corriger, de faire un grand effort sur moi-même
pour essayer de cacher ma souffrance. J’ai l’impression d’utiliser des
phrases creuses vis-à-vis de ceux qui me sont chers quand je leur
manifeste ma douleur. Ensuite, j’ai envie de me mettre à genoux
à leurs pieds et de leur demander pardon. J’agit de la sorte uniquement
avec ceux qui ont des pouvoirs et des droits sur moi, sur mon âme.
Ceci augmente mon martyre.
O Jésus, pardonnez-moi et donnez-moi de m’améliorer et
de corriger mes défauts. Et si cela vous plaît, faites que
je sache cacher les luttes et les tristesses de mon âme.
Je me sens dans un coin du monde. Ceux qui me sont les plus chers se
trouvent dans le coin opposé. Quelle distance nous sépare
! Je sens que ceux-ci, comme moi, subissent la même obscurité,
subissent le même mépris, le même abandon et la même
mort. D’eux je ne peux recevoir aucun réconfort, aucune vie.
(...)
Hier je sentais s’approcher l’agonie au Jardin des Oliviers: j’étais
dans une détresse inénarrable. Cette souffrance a augmenté
en sentant dans mon âme les roulements du tonnerre, accompagnés
d’éclairs aveuglants qui incendiaient le monde.. Le ciel descendait
sur la terre anéantie par le péché, morte à
cause de tous les vices. Il semblait que tout le firmament se changeait
en feu. Mon Dieu, quelle rébellion ! J’ai senti que les âmes
ne craignaient pas Dieu.
Au Jardin des Oliviers, on dirait que ces arbres s’ingéniaient
à me cacher entre leurs branches, afin de me priver de toute lumière
et me terroriser davantage dans mon obscurité. Les branches et le
tronc tremblaient comme moi-même, ainsi que le sol.
Le Père éternel s’était retiré: c’était
comme s’il n’existait pas. Mais sa justice descendait comme de noirs nuages
pour m’écraser. J’ai senti tout mon corps baigné de sang.
Le doux regard de Jésus posait sur mon âme. Quelle sérénité
la sienne, mais quelle souffrance aussi ! De la coupe amère coulaient
des filets de sang: ce sang éloignait de la terre le poids de la
divine justice et illuminait même la terre...
Aujourd’hui, le long du chemin du Calvaire, après être
tombé avec la croix et avant d’être traînée par
terre, j’ai reçu dans ma poitrine des coups de pied si forts qu’ils
m’ont laissé l’impression d’avoir broyé celle-ci....
Jésus est venu :
— C’est un Cœur d’Époux qui t’invite, l’amour de l’Époux
et du Père. C’est moi, ton Jésus, qui t’invite à entrer
dans la plaie de ma poitrine, jusqu’à la source de mon divin Cœur
; non pas pour boire, car sans un miracle tu ne pourrais résister
à mon amour, ni supporter la force de mon Sang divin. Entre, viens,
approche tes lèvres à cette source ; viens étancher
ta soif d’amour, la soif qui est la tienne de me gagner des âmes.
Unis-toi à moi : c’est ce Sang qui engendre les vierges et qui donne
vie et grâce, pureté et amour. Je n’entends pas, ma fille,
te donner vie et adoucir ta souffrance, mais je veux te la donner afin
que tu en donnes ; je veux t’en donner pour ensuite recevoir. Je suis l’agriculteur
qui sème et cueille ; je suis le jardinier qui plante et cultive
les fleurs. Je recueille tes souffrances dans des vases dorés pour
les âmes. Ma fille, je suis comme un riche avare, jamais satisfait
de sa récolte. Courage, donne-m’en davantage ; ne me refuse rien.
Je continue de te demander ce dur martyre, cette douloureuse réparation.
Le monde courre vers l’abîme : il est en danger de se précipiter
et de rester à jamais enseveli. Je ne peux plus retenir la justice
du Père éternel. Voici les sentiments que j’ai fait éprouver
hier à ton âme. Je suis fatigué de demander un changement
de vie et le retour des âmes vers moi. Pauvre monde s’il ne rebrousse
pas chemin: le feu divin le réduira en cendres. C’est le feu que
tu as vu venir du ciel avec les roulements des tonnerres. C’étaient
des nuages de châtiment, les nuages noirs que tu as vus. Secoure,
secoure le monde ! Donne-moi toutes tes souffrances.
— Mon Jésus, vous me parlez ainsi: alors tout ce que je soufre
pour l’humanité, ne servira à rien ?
— Reste tranquille... Si ce n’étaient pas tes souffrances, oh,
que serait-il devenu, le monde !...
Va dicter tout ceci, redouble dans ton effort; donne-moi encore ce
sacrifice...
À l’imitation de ma Mère bénie, va à la
rencontre de la souffrance et quitte la source de mon divin Cœur...
(...).
Communiée par son Ange gardien
(...)
Cette semaine je n’ai reçu Jésus Eucharistique qu’une
seule fois. La faim que je sens de Lui devient presque désespoir...
Sans son aliment divin je me suis tellement affaiblie que je ne peux même
plus me lever... Toute tentative de réconfort de la part de ceux
qui me sont chers, reste sans effet: elle est aussitôt ensevelie
avec moi. Mon Dieu, tout se meurt, excepté le péché.
O comme je sens mon corps corrompu et transformé en plaies nauséabondes
! Quel monstre abominable, fruit du péché ! Quelle dure pierre,
quel monde d’iniquité !
Je sens comme des bombes tombées du ciel et qui explosent sur
moi. Elles incendient et détruisent tout ce monde que je suis, ou
de qui je suis la gardienne.
— Jésus, je n’en peux plus. Je sens que je n’en peux plus. Venez
à mon aide, amenez avec vous la Petite-Maman. Puisque le réconfort
de la terre ne m’apporte aucune joie, alors que j’en ai tant besoin, que
celui-ci me vienne au moins du Ciel...
(...)
J’ai descendu un grand escalier pour aller au Jardin des Oliviers,
ou plutôt j’ai vu Jésus le descendre en moi. Il faisait déjà
nuit. Quelle douleur Jésus a éprouvé en prenant congé
de la Petite-Maman ! Quelle triste séparation ! Il savait très
bien, que peu de temps après elle voudra l’embrasser, le prendre
dans ses bras, guérir ses blessures, et qu’elle ne pourra pas le
réconforter de ses douces paroles de Mère.
Je suis montée ensuite par un autre escalier en ayant les mains
liées, presque épuisée. J’y suis montée sous
une pluie de bastonnades et de coups de pieds, le visage couvert de crachats.
J’ai été conduite en présence d’hommes sévères,
d’un caractère méchant, assis comme dans un tribunal. J’ai
senti la gifle et, plus d’une fois, résonna dans mon âme le
chant du coq. Quelle nuit ! Quelle souffrance ! Quelle profonde tristesse
! Mais l’amour, l’envie de sauver le monde surmontait tout.
Aujourd’hui je n’ai commencé à ressentir la souffrance
du Calvaire que lors que je suis arrivée à la cime: j’étais
au bord de rendre mon dernier soupir.
Pendant que l’on me déshabillait, les ricanements étaient
tels qu’ils résonnaient par tout le Calvaire. Pendant que l’on me
clouait à la croix, les déchirements ont été
tels que j’ai eu l’impression que l’on m’arrachait les bras et les jambes.
Tout le corps paraissait démembré. La douleur a été
si forte que sans un miracle j’aurais du mourir sur le coup.
L’amour bouillonnait dans mon cœur, pendant que continuaient l’agonie
et l’invocation au Père. Quelle soif ardente ! C’était Jésus
qui brûlait d’amour dans l’anxiété d’ouvrir le Ciel
à la pauvre humanité; et celle-ci restait dans son état
de haine, de péché et de froidure. Quelle différence
entre Jésus et les hommes !
Je suis restée longtemps dans cette douloureuse agonie...
Jésus est venu et m’a protégée de ses divins bras.
J’ai senti comme s’il me sortait d’un abîme de douleur, d’un sépulcre
sans fond.
— Viens ici, ma fille... Repose-toi dans mon divin Cœur. Courage !
Reprends des forces en moi, relève-toi de ton affaiblissement...
Va me recevoir dans la Communion: c’est ton ange gardien qui a l’honneur
de me donner à toi... (...).
« Demande pénitence, beaucoup de pénitence... »
(...)
Hier, dans la nuit, à l’intérieur de moi, Jésus
a atrocement souffert l’agonie au Jardin des Oliviers. Le sol était
très dur; rien ne le ramollissait, même pas le Sang de Jésus.
J’ai senti que Jésus pleurait... Au début ce n’étaient
pas des larmes de sang, mais peu après oui. Ces larmes devançaient
les gouttes de sang que peu de temps après couleraient des profondes
blessures causées par les épines.
Pendant que je sentais ces larmes en même temps que les souffrances
du (prochain) Calvaire, toutes les branches des oliviers tremblaient et
s’agitaient comme secouées par un vent violent. Jésus lui
aussi tremblait d’épouvante.
Passés quelques instants je me suis sentie comme extirpée
d’une tombe. La pierre qui la couvrait était là, sur le côté,
par terre. J’en suis sortie glorieuse pour triompher de toute souffrance.
J’étais la tombe et j’étais Jésus.
Cette vision de gloire que j’ai sentie par anticipation ne m'a procuré
aucun soulagement...
Aujourd’hui, toute la matinée, mon âme voyait Jésus
en permanence. Il cheminait portant la croix sur ses épaules, et
presque toujours il poursuivait son chemin le visage tourné, ainsi
son regard vers sa Mère bénie qui le suivait...
Son agonie sur la croix (et moi avec lui) se déroulait dans
la plus grande tristesse, dans l’obscurité de l’esprit et dans le
plus complet abandon...
Nouveau sentiment, nouvelle vision de l’âme: j’ai vu Jésus
triomphant sur toute la terre, le ciel qui s’ouvrait pour illuminer comme
un grand soleil la terre entière.
Mais Jésus n’est pas sorti de sa souffrance et ses cris ont
perduré jusqu’à ce qu’il expire...
Ensuite, il est venu :
— Ma fille, vie et lumière des âmes, lumière du
monde entier, messagère de Jésus et de Marie ! Oui, messagère
de Jésus et de Marie parce que nos Cœurs sont tellement unis que
nous ressentons la même douleur, les mêmes anxiétés,
les mêmes désirs et le même amour. Ce que tu demanderas
en mon Nom, demande-le aussi en son Nom. demande, épouse aimée,
prière, prière, pénitence, beaucoup de pénitence.
Et à forte voix, fais en sorte qu’on le demande ! Dis que le Père
éternel exige réparation, une grande réparation...
(...).
« Tu ne t’alimenteras plus sur la terre ! »
— O mon Jésus, je veux souffrir, mais savoir qu’en tout je fais
votre divine volonté. Si l’on voulait m’alimenter au moyen d’injections,
que dois-je faire ?
— Reste calme... Tu ne t’alimenteras plus sur la terre. Ton aliment
c’est ma Chair ; ton sang est mon divin Sang... Je ne veux pas que tu utilises
la médecine, à laquelle on puisse attribuer des effets alimentaires.
Cet ordre est pour ton médecin : ce sera lui qui prendra ta défense.
Je veux qu’il continue de t’aider avec la plus grande vigilance. Il est
grand le miracle de ta vie...
1947
« Courage, ma fille, je suis la Mère de Jésus »
? Venez, ma Mère bénie, venez couronner d'épines
la tête de notre victime.
J’ai vu la Maman apportant dans ses saintes Mains une couronne d'épines.
Je ne sais pas où Elle l’a prise : tout le temps qu’elle était
restée auprès de Jésus, je ne l’ai pas vue dans ses
mains. Elle l’a déposée sur ma tête : j’ai cru mourir.
? Courage, ma fille, je suis la Mère de Jésus, mais je
suis aussi la tienne : c'est de ces épines qui ne te blessent pas
encore que tu secourras les âmes.
Je veux être unie au Cœur de mon Jésus et au tien, je
veux te transmettre mon amour, ma tendresse et ma douceur afin que tu puisses
mieux encore attirer les âmes à Jésus.
Quelqu’un m’a demandé si j’aimais Jésus. Je ne sais pas
si je l’aime, mais je sais que je veux l’aimer. Je ne sais pas lui parler,
ni comment je lui parle : je sais que tout plonge dans les ténèbres
et qu’au milieu de celles-ci tout disparaît et meurt. Combien grandes
sont mes souffrances ; et combien grande est ma tristesse !...
Mon corps est comme le grain qui ne cesse jamais d’être moulu
; l’engrenage qui fait tourner le moulin, jamais ne s’arrête, jamais
ne cesse de moudre.
Je vis tellement abandonnée, que je ne trouve sur la terre aucun
confort.
Dans mes confessions — que je fais assez fréquemment afin de
fortifier le plus possible mon âme par la grâce du Sacrement
— je ne trouve ni soulagement ni réconfort. Que ce soit avec monsieur
le Curé, ou avec mon confesseur ordinaire, je suis toujours timide,
remplie de peur et je sens ne pas être comprise.
Mon Jésus, est-ce de ma faute ou est-ce vous qui le permettez
?...
Ce n’est que de vous et de la Maman chérie que j’attends : aide,
réconfort et paix...
Je continue de m’apercevoir que mon corps se transforme en cendre,
à cause de cette pluie ardente qui lui tombe dessus ; cela me fatigue
énormément, me laisse sans vie...
Sur le Calvaire ce n’était que silence
(...)
Sur le Calvaire ce n’était que silence ; on n’entendait que
les soupirs de Jésus ; seule la douleur y régnait, augmentée
par la rage de beaucoup de cœurs qui, étouffés par je ne
sais quoi, ne parlaient plus.
Dans mon cœur je sentais comme si le monde entier maltraitait et lapidait
Jésus, rien que de le voir agoniser de cette façon là.
Je me suis étroitement unie aux douleurs de la Petite-Maman
: avec elle je désirais avoir Jésus dans mes bras, afin de
soigner son divin Corps très blessé. Quelle douleur et quelle
compassion pour Jésus ! Quelle union d’amour et d’agonie !...
« Ma fille, la Croix est vie, est amour »
Mon Jésus est venu, et d’un seul coup transforma mon âme.
? Ma fille, la Croix est vie, est amour, est signe de rédemption.
Je serai avec toi, je souffre et je suis victorieux en toi... Ta vie est
amour.
Parce que les crimes du monde ne cessent, aussi, sur toi, ne cesse
de tomber sur toi, qui es victime, la charge immolante du sacrifice et
du martyre. Aie courage !... Répare... Vois-tu cette plaie ? Elle
traverse mon Cœur de part en part... Avec quelle méchanceté
elle a été creusée ! Sais-tu par qui ?
Mon Jésus, si ce que je vais vous dire ne vous déplaît
pas, écoutez-moi.
? Parle, ma fille, dis-moi tout...
Demandez-moi la réparation que vous voudrez, mais sans que je
sache de qui il s’agit (de quel pécheur). Ne puis-je pas réparer
de cette façon ?
Jésus se remplit de joie et, aussitôt son divin Cœur se
transforma en amour, avec d’intenses rayons. La blessure qui le transperçait
d’un côté à l’autre disparût : ce n’était
plus que de la lumière.
« Tu seras comme un paratonnerre... »
? Tu deviendras comme si tu n’avais pas d’intelligence pour comprendre
la douleur, mais ce n’est pas pour autant que tu souffriras moins : tu
souffriras amèrement. Tu te sentiras comme si jamais ou presque
jamais tu m’avais possédée ; mais, ce n’est pas non plus
pour autant que tu arrêteras de me posséder entièrement,
autant qu’il est possible à une créature humaine. Je ferai
en sorte que beaucoup d’âmes viennent vers moi par toi, avec toute
ma richesse et les inépuisables trésors de mon divin Cœur.
Tu es et seras après ta mort, pour beaucoup d’âmes en état
de péché, un paratonnerre qui attirera sur lui le poids de
la divine Justice ; et pour toutes les âmes en état de grâce,
tu seras comme un aimant qui attire et qui répand l’amour que moi
j’y ai déposé... Tu seras lumière pour l’humanité.
J’ai passé des nuits avec d'atroces souffrances. La Maman, la
douce Maman du Ciel, venait près de moi, me montrait son Cœur, comme
Mère du Perpétuel Secours ; d'autres fois encore Elle portait
dans ses bras le petit Enfant Jésus.
Ces visions sont rapides mais elles me réconfortent : je me
sens une autre pendant quelques instants.
Des fois réconfortée, d'autres fois découragée,
je passe ainsi les heures et les jours.
« Elle me montrait son Cœur... »
J’ai passé des nuits avec d'atroces souffrances. La Maman, la
douce Maman du Ciel, venait près de moi, me montrait son Cœur, comme
Mère du Perpétuel Secours ; d'autres fois encore Elle portait
dans ses bras le petit Enfant Jésus.
Ces visions sont rapides mais elles me réconfortent : je me
sens une autre pendant quelques instants.
Des fois réconfortée, d'autres fois découragée,
je passe ainsi les heures et les jours.
Courage, ma fille ! Au nom de mon divin Fils, je viens te raffermir
: tu es dans la vérité, sois Lui fidèle. Il est très
content de toi : tu Lui as tout donné. Aime Le de tout ton amour.
La visite d’un Carme...
Un Père Carme est passé par ici. Celui-ci,
depuis trois ans, vient au Portugal, en provenance de Rome, où il
est professeur d’ascétique et de mystique, choses que j’ignore.
Après une conversation de quatre heures et demi il repartit en me
disant : “Rassurez-vous, vous pouvez être tranquille ; dans tout
ce que vous m’avez dit je n’ai pas trouvé une seule parole contraire
à l’Évangile ni contraire aux enseignements de sainte Thérèse
ou de saint Jean de la Croix. Je connais l’ascétique et la mystique
comme le pain de chaque jour. Je vais être franc avec vous : j’ai
déjà été appelé à examiner des
cas comme le votre et j’ai donné un avis contraire, mais pas en
ce qui vous concerne : comme vous le voyez, je vous suis favorable. Vivez
avec beaucoup d’humilité, vivez toujours comme vous avez vécut
jusqu’ici. Vos souffrances sont comme des pierres précieuses pour
la couronne qui vous attend. Dites bien au Père Umberto quelle est
mon opinion”.
Il m’encouragea beaucoup. J’ai pleuré des larmes de réconfort.
Au premier abord, il semblait une personne très austère.
Ma vie est remplie d’humiliations et de contradictions. Toutefois, le nombre
des amis ne baisse pas, au contraire, il semble augmenter. Néanmoins,
je me sens de plus en plus seule : c’est bien ma chance ! Combien de fois
je dis à Jésus : Enlève-moi tout, vide-moi de tout
afin que je me remplisse uniquement de toi, éternellement de toi
!...
Si j’étais la seule à souffrir, cela me coûterait
moins ; ce qui me cause le plus de chagrin c’est de voir que ceux qui m’entourent
souffrent eux aussi.
« Jésus est content de toi... »
– Courage, ma fille, courage ! Jésus est très content
de toi...
Compte sur moi, compte sur Lui : nous ne t’abandonnerons pas.
Soyez heureux, soyez joyeux : le Ciel est pour bientôt. Beaucoup
d'âmes t'y attendent déjà, sauvées grâces
à toi. Du Ciel tu continueras ta resplendissante mission.
Courage, ma fille ; courage, épouse si chère à
mon Jésus ! Ta vie est non seulement une vie d'immolation, mais
aussi de salut : en effet, des âmes se sauvent à cause de
ton martyre. En avant, courage ! Tu seras victorieuse parce que tu as en
toi la force du Seigneur.
Mon aide ne te feras pas défaut et ma protection non plus.
Je t'aime, ma fille, parce que tu es toute à Jésus et
à moi ; je t'aime parce que tu es ma fille et l'épouse de
Jésus ; je t'aime parce que tu es sa victime ; je t'aime parce que
souffrant avec Lui, tu viens en aide aux pécheurs ; je t'aime parce
que Jésus t'aime ; je t'aime parce que tu es toute à Lui
et à moi.
Ma fille, mon enfant, je suis ta Mère et la Mère de ton
Jésus. Tous deux, Nous t'aimons d'un grand amour. Souffre dans la
joie : continue de sauver les âmes.
Au Jardin des Oliviers...
(...)
Du Jardin des Oliviers je suis partie avec Jésus, les mains
liées, au cachot. J’ai ramené de nouveau avec moi le même
monde qui me traînait, m’écrasait.
Ce matin je ne pouvais pas respirer ; prise par la détresse,
je ne pouvais vivre Je sentais mes yeux collés par le sang
qui coulait du grand casque de lancinantes épines qui
me ceignait la tête.
Dans cet état, j’ai parcouru les obscurs et étroits et
étroits chemins vers le Calvaire...
Combien le trajet m’a été douloureux ! Combien il m’a
été difficile d’arriver en haut ! Et combien il m’a été
douloureux de voir des bêtes sauvages épouvantables et en
grand nombre boire le Sang qui coulait de Jésus ! Il ne s’agissait
probablement que de bêtes sauvages en apparence, parce que Jésus
a murmuré et laissé gravé dans mon âme les paroles
suivantes :
? Il aurait été mieux pour Moi, je n’aurais pas souffert
autant, si mon Sang avait été bu par de vrais bêtes
sauvages : celles-ci sont les pires des bêtes.
J’ai ressenti qu’en beaucoup de cœurs la haine augmentait, l’aversion
contre Jésus, le désir violent de le voir disparaître
à leurs regards vénéneux, n’importe de quelle manière,
à n’importe quel prix. Jésus qui voyait et pénétrait
au plus profond de tous, avec un accroissement de souffrance...
En tant qu’homme, Il ne pouvait plus vivre : il était mortel
; je Le sentais en moi émettre les derniers râles. Mais combien
était suave et douce l’agonie de Son esprit !... J’ai expiré
avec Lui. Oh ! si seulement, avec la même douceur, à Sa ressemblance,
je pouvais expirer lors de ma mort : mort qui me donnera la vie éternelle
!
« Ma fille, mon Alexandrina des douleurs »
Jésus est venu ; il illumina toute mon âme et me dit :
? Ma fille, mon Alexandrina des douleurs, consens que j’ajoute ce titre
d’épouse : Alexandrina des douleurs. Aie courage !
Je peux comparer l’âme pure à l’eau transparente dans
un verre en cristal, exposée aux rayons du soleil pour être
observée. Combien de choses appuient et mettent en évidence
ces rayons de soleil ! L’âme c’est toi ; le soleil c’est Moi qui
découvre tout en toi : à mes divins yeux tout apparaît.
Ce tout que Je vois et fais que tu vois c’est le moyen par lequel Je me
sers pour purifier ton âme, afin que toi, dans ce calvaire, de ce
lit de douleur, tu puisses passer au Ciel. Je fais que tu vois en toi toutes
les tâches, afin que tu te purifies, ma chère colombe, et
que cette pureté transparaisse en toi et que tu puisses la communiquer
aux âmes.
Ce sont tes tâches qui apparaissent au soleil de Ma pureté
et de Ma grandeur, mais écoute bien, ma fille, les iniquités,
les crimes, ce monde d’horreur que tu ressens et découvres en toi,
ne sont pas les tiens. O merveilles, choses peu connues et comprises !
L’âme-victime se voit couverte et responsable de tous les délits,
mais en même temps elle possède Dieu dans toute Sa grandeur.
Combien elle souffre lorsqu’elle doit supporter et affronter ce qui est
immonde avec ce qu’il y a de plus pur et saint ! Confie, chère fille
: tu es victime, mais ces crimes ne sont pas les tiens. Je t’ai confié
le monde, mais sa malice n’est pas à toi.
Secours-le, secours-le !
? on Jésus, je ne peux pas le secourir ; je ne sais pas quoi
faire, je n’ai rien à Vous donner pour le sauver. Sauvez-le Vous-même...
Je sens que ma souffrance n’a aucune valeur.
? Ma fille, tu es puissante, avec Moi tu as tout pouvoir...
Donne-moi des souffrances, mon épouse des douleurs...
? Mon Jésus, acceptez ma souffrance et celle du monde entier
comme si je pouvais en disposer. Unissez-les aux souffrances et aux mérites
de votre sainte Passion, à votre Amour, à l’amour du Ciel
et de la Maman chérie : faites de tout cela une défense pour
encercler la justice divine...
Miséricorde ! Miséricorde, mon amour !”
Une goutte du Sang très précieux de Jésus est
tombée, entourée des flammes de feu, dans mon cœur qui, subitement
s’est dilaté. Mais Jésus ne l’a pas laisser se dilater bien
longtemps : Il est venu, tel un médecin, en guérit la blessure
et me dit :
? Va, mon épouse aimée, va souffrir, va vers la croix,
va vers la souffrance. Souffre, plongée au milieu de ces flammes,
souffre brûlée dans cet amour ; va le défendre, va
l’allumer dans l’humanité. Va, confiante : tu ne te trompes pas,
Jésus ne te laisse pas tromper. Tu es à Jésus, va
au nom de Jésus. Tu appartiens aux âmes. Courage, courage
!
? Merci, mon Jésus. J’accepte toute la souffrance et je ne demande
que votre Amour, votre grâce et votre force : toute seule je ne peux
rien. J’ai peur, mon Jésus.
Quelle répugnance je ressens de devoir dicter tout ce que Jésus
m’a dit !
Si le Ciel ne m’aide pas, je désiste, car je ne puis le faire.
Si l’on me demandait de ne plus rien écrire, quel grand soulagement
cela serait pour mon âme tourmentée, quelle consolation !
Il me semble que je ne souffrirais plus.
Mais je ne veux pas : je suis la victime de Jésus.
« Je ne suis pas moi-même... »
Je veux monter sur l’échelle de l’amour et je n’y réussis
pas : je sens comme si j’étais descendue sur la dernière
marche. Jésus ne peux rien s’attendre de moi : je ne sais pas l’aimer,
je n’ai pas de force pour l’aimer. Je veux embrasser ma croix, la croix
Qu’il me donne et je ne le peux pas : la manière dont je l’embrasse
me fait tomber avec celle-ci, affaiblie, sans pouvoir me relever.
Je veux faire tout ce qui est bien et saint et, pauvre comme je suis,
je ne fais rien. Je ne veux être qu’à Jésus, à
la Maman chérie et aux âmes et je ne suis à aucun ni
pour aucun.
Je ne suis pas moi-même, je ne vis pas, je n’existe pas. En moi
vit un monde plein de malice, rempli de crimes, entièrement révolté
contre le Seigneur : c’est une révolution mortelle. Je le sens crucifier
Jésus.
En moi existe une autre vie qui affronte ce monde. Avec quelle souffrance,
avec quelle compassion Il va à sa rencontre et le contemple ! Il
est forcé de le châtier, mais Il ne le veut pas. Il s’entretient
à ce propos, Il fait tout pour ne pas l’inculper, pour ne pas le
punir.
Moi, qui n’existe pas, je me trouve au milieu de ces deux vies : la
vie du monde que je veux régler, transformer afin qu’il devienne
un autre ; la vie de Dieu vis à vis duquel je ne fais autre chose
que d’implorer miséricorde, ouvrir les bras, lever les mains, m’incliner
devant ce Pouvoir suprême qui reçoit tous les coups, afin
d’être écrasée par toute Sa divine justice.
Mon Dieu, je ne vis pas et je suis l’humanité : je ne vis pas
et je possède la vie de Dieu ; je n’existe pas et je vis pour le
monde et je vis pour Jésus ; je ne suis rien et je dois supporter
sur moi toute la méchanceté humaine et tout le pouvoir, tout
l’amour, toute la justice de Dieu. O si je pouvais décrire ce drame
douloureux que je sens maintenant et qui maintenant je vois dans mon âme
!...
Les suggestions de Satan
Les doutes qui me sont suggérés par Satan sont, à
certaines heures, comme des épines pointues : des rafales de pluie
brûlante qui pénètre tout non être.
Sans savoir parler à Jésus, je Lui demande de lire en
moi, de lire dans mon cœur. Et, cachée dans la divine plaie de son
Cœur et à l'ombre du Manteau de ma chère Petite-Maman, je
laisse passer la tempête : avec une telle protection je ne peux courir
aucun risque.
La Vierge souffle sur les stigmates...
? Venez, ma Mère bénie, venez réconforter notre
petite fille; venez vite afin qu’aussi vite vous puissiez repartir.
La Maman est vite venue. Elle m’a prise dans ses bras, m’a serré
contre son très saint Cœur, m’a embrassée, m’a caressée
et ensuite Elle a commencé à souffler sur mes mains, sur
mon cœur, sur ma tête et ensuite sur tout le corps.
? C’est du baume pour tes plaies, pour tes blessures, ma fille.
Je viendrai de temps en temps soulager tes souffrances.
Accueille la demande de Jésus: laisse qu’il te fasse vivre blessée;
souffre afin que le tien et mon Jésus ne souffre pas. Pleure afin
qu’il ne pleure pas; va au secours des âmes, va les sauver !
Tu peux compter sur l’aide de ta Maman.
Emporte mes grâces, la tendresse et l’amour à ceux qui
t’entourent et qui prennent soin de toi. Si seulement tu savais combien
moi aussi je les aime ! »
« Soulage le divin Cœur de Jésus... »
? Courage, ma fille, souffre avec joie : soulage le divin Cœur de Jésus
et le mien. Combien grande est la marée, combien grand est l'incendie
des crimes qui les blessent ! Combien d'âmes perdent leur innocence
! Les plages, les cinémas : quel infernal déchaînement
! Ils sont pires que les démons : beaucoup d’âmes, avec leur
vanité et leur malhonnêteté provocatrice incitent au
mal tant et tant d'autres. Regarde comment ils maltraitent mon très
saint Cœur !
La Petite-Maman, de Reine se transfigura en Vierge Douloureuse : le
regard angoissé, le visage très attristé et le Cœur
rempli de flèches.
O ma Petite-Maman, Petite-Maman chérie, versez sur moi votre
douleur, vos flèches ! Je veux souffrir, moi, toutes les souffrances
: celles de Jésus et les vôtres. Donnez-moi force, donnez-moi
des grâces !
? Laisse-toi alors immoler, laisse que les flèches adressées
au Cœur de mon Jésus blessent continuellement le tien. Souffre,
afin que Lui, Il ne souffre pas ; accepte mes flèches afin que moi
non plus je ne souffre pas.
La Petite-Maman chérie a été libérée
de la souffrance : celle-ci retomba sur moi.
« Ma fille, tu n'est pas seule... »
? Ma fille, tu n'est pas seule : Je suis avec toi... Je t'ai créée
pour les âmes ; tu n'appartiens pas au monde tout en vivant dans
le monde, tu n'est pas au Ciel et pourtant tu vis du Ciel.
Depuis le premier instant de ton existence, quand Je t'ai créée,
J'ai toujours vu en toi la mission que Je t'avait confiée : la mission
la plus belle et la plus noble, la mission des missions, la mission des
âmes. Je t'ai créée pour elles ; tu es leur victime
et, tout comme Moi, victime du calvaire.
Comme preuve que tu l'est en vérité, Je t'ai attachée
au pied de la montagne, et contre toi J'ai fait se briser la marée
de l'iniquité. La montagne s'est élevée, la croix
est disparue et avec celle-ci Je suis monté au Ciel, mais les crimes
continuèrent. Je n'ai jamais cessé de donner des preuves
de mon amour en répandant sur le monde mes grâces... Comme
preuve de cet amour J'ai fait perpétuer l'œuvre de la Rédemption...
Il a été nécessaire de continuer cette œuvre à
travers mes âmes-victimes...
« Écris : Saint-Père... »
? Écris : Saint-Père, Saint-Père, mon cher représentant
sur la terre, écoute la voix de Jésus ! Parle au monde, parle-lui,
réunis les évêques et parle-leur afin que ceux-ci en
parlent à leurs prêtres. Parce que très peux d'entre
eux sont lumière du monde et sel de la terre ! Les prêtres
séculiers qui accomplissent leurs devoirs sont aussi rares que les
pétales que le vent a éparpillés : une ici l'autre
là-bas, loin...
Saint-Père, parle au monde, que ta voix arrive d'un pôle
à l'autre : que l'on prie, que l'on fasse pénitence : rebroussez
chemin, vivez une vie nouvelle, une vie pure ! Ne tardez pas, mettez-vous
à l'œuvre, que l'exemple vienne d’en-Haut.
Ma fille, que rien ne t'échappe de ce que Je viens de te dire.
La lumière de l'Esprit-Saint viendra sur toi afin de dissiper toutes
tes ténèbres, de manière que tu comprennes que tout
cela est l'œuvre divine.
J'ai commencé à jouir d'une clarté resplendissante
: j'ai expérimenté le bonheur de l'amour de Jésus,
plongée que j'étais dans sa paix.
« J’ai envoyé la croix... »
? Tu est victime, victime à laquelle j'ai confié la plus
haute mission. En voici la preuve de ce que Je te dis ; écoute bien,
afin de pouvoir la faire connaître. Un peu plus d'un siècle
est passé depuis que j'ai envoyé à cette paroisse
privilégiée, la croix, comme pour annoncer ta crucifixion
: non pas une croix de roses, parce que même celles-ci ont des épines
; non plus en or, afin que tu n'ai pas à l'embellir de tes précieuses
vertus et par ton héroïsme ; mais une croix en terre, parce
que ce fut la terre elle même qui la prépara. La terre était
prête, mais il manquait la victime qui, dans les plans divins, était
choisie : c'était toi...
1948
« Ma fille, accepte de vivre crucifiée ! »
? Ma fille, ma chère petite enfant, accepte, avec joie, de vivre
crucifiée ! Unis tes douleurs à mes douleurs : avec moi,
console Jésus, avec moi sauve les âmes. Le monde se trouve
en grand danger. Souffre et moi, je t'aiderai.
« Elle me serait contre son Cœur »
Tôt, ce matin, si je ne me trompe pas, la Petite-Maman du Ciel
est venue, en Immaculée Conception : Elle venait, couronnée,
descendant sur un nuage. Elle était triste.
Le vent soufflait, la tempête essayait de m'arracher du refuge
de ma Maman, mais je ne lâchait pas son Manteau. Alors j’ai senti
Qu’elle me serait contre son Cœur, me tranquillisait : sa douce tendresse
rassérénait ma douleur.
J’ai passé quelques instants me reposant tout contre Elle qui
se trouvait à coté de moi, assise, je pense, mais je n'en
suis pas certaine. Ils ont été bien rapides les instants
de ce tendre et doux repos ; mais malgré cette rapidité,
mon âme a été rassasiée, soulagée de
sa souffrance, mieux encore, réconfortée. C'est ainsi qu'en
dominant ma douleur, sans désespérer, j'ai obtenu quelques
victoires...
« Ma Mère, Elle vient en mon Nom »
? Dans ton épuisement Je ne viens pas te réconforter,
mais, Ma Mère, Elle vient en mon Nom : combien grande est sa sollicitude,
son amour, sa tendresse de Mère envers toi !
Mon Jésus, je ne me suis donc pas trompée sur tout ce
que j’ai dicté jusqu'ici ; je ne suis point victime d'une l'illusion
? C'est donc bien la Petite-Maman qui est venue ce matin ?
? Non, tu ne t'es point trompée, ma tendre enfant. C'est bien
Elle qui est venue te réconforter, te faire bénéficier
de sa tendresse maternelle afin qu'il te soit possible d'aller jusqu'au
Calvaire comme moi.
J'ai souffert, souffert et gémit sans pouvoir cacher ma douleur.
J'invoquais les noms de Jésus et de Marie : je me réfugiais
dans son Cœur à Lui et m'agrippais à son Manteau à
Elle».
« Que la volonté du Seigneur soit faite»
J’ai confié à Jésus et à la Maman ma vie
incompréhensible : qu’ils daignent l'accepter et que dans leur divine
sagesse, Ils la comprennent tout à fait.
A moi il m'appartient uniquement de souffrir et de les suivre, même
si je n'y vois rien. Qu'en toute chose soit faite la volonté du
Seigneur.
« Tu es à moi et à Jésus... »
La Petite-Maman est venue (invitée par Jésus), m'a enveloppée
dans son manteau, et en me serrant entre ses bras très saints, son
Visage bien contre le mien, de ses saintes lèvres Elle m’a dit :
? Ma fille, ma petite enfant, aie courage ! Tu es à moi et à
Jésus. Souffre pour Lui, ne Lui refuse rien ; souffre pour les pécheurs,
sauve des âmes : elles sont filles du sang de Jésus, elles
sont les enfants de ma douleur.
Jésus s'est approché, m’a caressée avec la Maman
du Ciel et ensuite Il m’a dit :
? Tu peux compter sur notre protection et sur notre soutien pendant
ton chemin de croix : combien grande est la douleur, mais combien grand
aussi est l'amour ! Laisse-toi blesser profondément par l’aiguillon
des épines. Mes promesses se réaliseront, ma cause triomphera.
« J'ai eu la vision de la Maman »
Cette nuit et la précédente, j'ai eu à deux reprises,
la vision de la Maman. Je ne lui parlai pas : je n’ai fais qu'admirer combien
Elle était belle ; j'en étais fascinée. Elle était
habillée de bleu et blanc. Je la voyais comme une mère empressée
qui surveille le sommeil de son enfant. Elle me fixait avec tristesse,
mais son regard était rempli de douceur.
Elle a disparu en laissant mon âme fortifiée.
« O combien Elle était belle !... »
La Petite-Maman ne m’a pas laissée toute seule au milieu de
mon martyre : elle atténua ma douleur rien qu’avec sa présence.
O combien Elle était belle !... Elle m'a adressé un si tendre
sourire. Certains de ces instants donnent à l'âme la force
et le courage pour supporter une plus grande douleur.
« Porte en toi mon amour... »
Jésus s'approcha et comme dans un étau, je me suis trouvée
en Leur milieu, couverte de leurs caresses.
La Maman m’a dit :
? Va, ma fille, donne à Jésus tout ce qu’il te demande,
donne-le avec joie. Porte en toi mon amour, propage-le.
1949
« Mon enfant,... fais que Je sois aimé... »
? Mon enfant,... fais que Je sois aimé, consolé et réparé
dans mon Eucharistie. Dis, en mon Nom, qu'à tous ceux qui, remplis
d'une sincère humilité et d'un fervent amour, feront, pendant
les cinq premiers jeudis de cinq mois consécutifs, une bonne communion,
et passeront une heure d'adoration devant mon Tabernacles, intimement unis
à Moi, Je leur promets le Ciel.
Dis aussi à tous qu'à travers l'Eucharistie ils honorent
mes saintes Plaies... Qu'au souvenir des mes Plaies, ils unissent celui
des Douleurs de ma Très Sainte Mère. A tous ceux qui demanderont
des grâces spirituelles ou corporelles, Je promets de les exaucer,
à moins que celles-ci portent préjudice au salut de leurs
âmes. Au moment de leur mort ma Très Sainte Mère viendra
avec Moi, afin de les défendre...
« Courage, ma fille... »
Courage, ma fille, courage, épouse si chère ! Offre-moi
ta douleur, offre-moi ton martyre, ta croix sans pareille. Tu n'est pas
seule sur celle-ci, comme je te le fais sentir : je suis avec toi et veille
sur toi, ainsi que ma Mère bien-aimée. Te souviens-tu comment
Elle t'est apparue dans la nuit du 16 au 17 en Immaculée Conception,
titre que toi tu aimes tout particulièrement ? Elle est venue te
réconforter, sans que tu le voies, Elle est venue veiller sur toi,
comme une mère empressée veille auprès de son enfant
endormi. Elle est venue te câliner et te couvrir de son manteau.
Et toi, tu n'en a pas parlé dans le Journal que tu as dicté
: je ne veux pas que tu agisses ainsi.
Avec une grande tristesse je Lui ai dis :
? Pardonnez-moi, mon Jésus : j’ai douté de moi-même,
je craignais qu'il ne s'agisse que d'un rêve. O combien j'en suis
attristée ! Si Vous me réprimandiez pour mes péchés,
je ne serais pas davantage attristée.
? Je ne te réprimande pas pour tes manquements : ceux-ci sont
permis par moi ; mais je te réprimande parce que je veux que tu
dises tout ce qui se passe en toi : c'est pour le bien des âmes.
Ne pas perdre mon union avec Jésus...
Tous les jours je me proposais de vous donner de mes nouvelles, mais
ma croix est si lourde que je ne peux disposer de moi pour rien. Notre-Seigneur
fait toujours le contraire de mes désirs. Pour le consoler, je me
soumets aux siens, en tout ce qu‘il veut. J’aimerais rester toujours toute
seule, dans la solitude et le silence, mais, hélas, le plus clair
de mon temps je suis accompagnée. Les personnes qui me visitent
sont nombreuses et mes souffrances bien grandes. Voilà pourquoi
j’ai tardé à vous écrire. À certaines heures,
les visiteurs ne me laissent pas ; à d’autres, ce sont les souffrances
qui prennent possession de moi. Tout cela me cause une grande frayeur !
Si ce n’était le désir de ne pas refuser la croix, je me
cacherais dans un petit trou, pour y vivre seule avec Jésus. Je
sais qu’il veut ces souffrances et, confiante en ses divines promesses
sur le salut des âmes, le sourire aux lèvres et le cœur en
sang, je reçois et je conseille, malgré ma grande ignorance,
tous ceux qui s’approchent de moi. Je ne suis pas là pour satisfaire
mes désirs, mais ceux de mon Bien-Aimé Jésus. Je me
préoccupe de ne pas perdre mon union, ni avec Lui, ni avec le très
Saint-Sacrement ni avec mes trois amours, le Père, le Fils et le
Saint-Esprit, que je veux aimer à la folie.
Si le martyre de mon corps est indicible, celui de mon âme est
encore bien plus grand... J’ai tant à dire, mais jour après
jour, mon ignorance augmente, de sorte que je ne sais et ne peux rien exprimer.
Si mon âme et mon cœur pouvaient écrire, ils écriraient
un monde de volumes.
« Le monde est rempli d'ordures... »
? Le monde est rempli d'ordures : combien en souffrent nos Cœurs !
— de Jésus et Marie.
O Maman, ma chère Petite-Maman, comment pouvez Vous, Vous qui
souffrez tant, me parler avec autant de bonté, autant d'affection
et me sourire si tendrement, même si de votre sourire transparaît
votre grande tristesse ?
? Sais-tu pourquoi, ma fille ? C'est pour que toi aussi, tu deviennes,
dans ta souffrance, semblable à moi : afin de te donner courage,
afin que toi, tu souries toujours à la douleur et que tu regardes
celle-ci comme un don, une preuve de l'amour de Jésus envers toi
: une croix de salut.
Comme moi j'ai écrasé la tête du serpent, toi aussi
tu dois écraser le péché par la force de ta douleur.
La Petite-Maman, pendant qu’elle me parlait ainsi, écrasait
de ses pieds une grosse tête de serpent».
« Prie et souffre pour réparer »
La Maman m'a enveloppée dans son manteau très saint,
m’a prise sur son sein, et en posant ma tête contre son Cœur, Elle
m'a enlacée et m'a embrassée et, tout en me caressant, Elle
m’a fait écouter les battements de son Cœur contre le mien.
? Je veux, ma fille, partager avec toi ma tendresse, ma douceur ainsi
que les douleurs de mon Cœur très saint : ce sont les douleurs du
tien et de mon Jésus...
Prie et souffre pour réparer la justice divine pour tant de
malhonnêteté, tant de perversion, tant de vanité, tant
de crimes ! Les plages, les plages , mon enfant, les casinos : que de marées,
que d'incendies d'iniquité !
Va, annonce au monde combien en souffrent Jésus et Marie.
« Je veux t'associer à moi... »
La Maman m’a prise dans ses bras comme une petite enfant, m’a caressée
et m'a embrassée très tendrement.
J’ai pu voir que son Cœur très saint était tout criblé
de flèches. Et, pleine de compassion, pendant qu'elle m'embrassait,
je les Lui enlevaient, avec beaucoup, beaucoup de précaution et
les plantaient ensuite dans mon propre cœur.
O non, ma Maman chérie, l'enfant qui aime sa mère, s'il
le peut, ne la laisse pas souffrir. Je veux, moi, endurer vos douleurs
et celles de Jésus.
? Je veux, mon enfant, t'associer à moi et je veux que tu répares,
par ta souffrance, pour le Cœur de mon Jésus : Il est si offensé
! Souffrons ensemble, unies dans la même douleur, comme un
seul cœur.
Si seulement tu savais combien l'acte héroïque de ta bonté
qui consista à m'enlever les flèches si aiguës qui me
blessaient terriblement, réjouit mon Cœur et celui de Jésus
! Comme récompense je t'offre mon amour, je te donne tout ce que
j'ai : distribue-le comme tu voudras ; donne-le comme prix à ceux
que tu aimes et qui te défendent. Moi aussi je les aime et je leurs
promets ma protection, ainsi que celle de Jésus...
« Le danger est imminent... »
La Maman chérie est arrivée : Elle a uni ses bras aux
miens et Elle est restée ainsi quelque temps. O combien je me sentais
heureuse ! Ma souffrance a disparu. La Maman m’a remplie de je ne sais
quoi : cela fut pour moi comme un fort aliment.
? Ma fille, mon enfant, Jésus souffre et moi je souffre avec
Lui : aie compassion de nous ; aime-nous, donne de la joie à nos
Cœurs.
Le danger est imminent : la justice de Dieu va bientôt tomber
sur la terre. Je suis désormais fatiguée de demander au Père
Éternel miséricorde pour mes enfants si coupables.
Offre-nous ton cœur, répare pour nos Cœurs ! Le Ciel t'appartient
et, grâce à toi, il appartient aussi à des millions
d'autres âmes.
O Maman chérie, faites que je sois fidèle à vos
grâces, donnez-moi votre amour, votre pureté et du courage
pour accomplir en toute chose la volonté du Seigneur ! J'ai peur
de moi-même, peur de moi-même, mais j'ai confiance en Vous.
De nouveau j’ai reçu les caresses de la Maman du Ciel.
Jésus s'est approché. Je me suis trouvée entre
Eux, traversée de rayons, comme des flèches venues de leurs
Cœurs très saints : elles me traversaient le cœur, traversaient
tout mon être. Jésus m’a dit :
? Ma fille, l'amour de ton Jésus et de ta Petite-Maman traverse
ton cœur comme des rayons lumineux.
1950
« Console Jésus, console Marie... »
La Petite-Maman est venue : c'était Notre-Dame des Douleurs...
? Ma fille, ma très chère enfant, Jésus et Marie
ne peuvent pas cesser de souffrir : le Père et la mère qui
aiment souffrent de voir dans leur foyer la désunion entre leurs
enfants. Je souffre avec Jésus en voyant le monde, en voyant nos
enfants plongés dans la haine, le vice, la discorde, la perdition.
Souffre, ma fille, souffre mon enfant, console Jésus, console
Marie, viens-nous en aide : sauve le monde !
Et une fois encore j’ai reçu les caresses de la Maman et de
Jésus.
« O amoureuse de l'Eucharistie !... »
Ma vie, ô mon Jésus, quelle tourmente, ma vie ! Acceptez-la,
offrez-la au Père Éternel...
Jésus est venu :
? Viens, mon enfant, entre et prends place dans mon Cœur et repose-toi,
réconforte-toi... Ton cœur a besoin d'une nouvelle vigueur...
Je savais que j'étais en Lui, mais je n'avais pas la plus petite
étincelle, la moindre lumière : mon cœur souffrait terriblement
la douleur.
Regardez comme je souffre, Jésus : c'est par amour pour Toi.
Je vois bien que je n'ai rien à Te donner parce que la douleur ne
m'appartient pas...
A cet instant il me semblait être accrochée au Cœur de
mon Seigneur et je sentais comme qu'un feu dévorant qui m'enflammait
tout entière : mon esprit s'illumina... Je me suis trouvée
plongée dans l'Amour de Jésus. C'est alors que je Lui dit
:
Maintenant je sais que Tu m'aimes et que je T'aime ; je sais que je
souffre et que j'ai des souffrances à T'offrir...
? Ma fille, Je veux que dans ta souffrance tu restes dans la plus complète
obscurité, une obscurité mortelle. Je veux que tu sois plongée
dans un océan de souffrance et que tu navigues sans même connaître
de port de salut. Seulement de cette manière tu ramèneras
des âmes, des millions d'âmes, vers Moi. Cette souffrance qui
fait que toi tu te sens sans vie, secoue les âmes endormies dans
le péché et tout près de se perdre éternellement.
J'ai vu l'enfer ouvert, d'où sortaient d'épouvantables
flammes. J'ai entendu des rougissements et des cris impossibles à
décrire. Je me suis exclamée :
Mon Jésus, faites que plus une seule âme n'y tombe. Je
souffrirai volontiers ce que vous voudrez et pendant tout le temps que
vous voudrez. Et si vous acceptez mon offrande, je souffrirai dans la joie
jusqu'à la fin du monde, tant que sur la terre il y aura des âmes
à sauver.
Cette terrible vision s’arrêta et j'ai continué de rester
auprès de Jésus.
? O héroïne, ô âme victorieuse, ô amoureuse
de l'Eucharistie et des âmes ! Courage, en avant pour la conquête
!...
Reçois une goutte de mon sang : il te donnera une nouvelle vie.
Cette vie que tu vis, vie remplie de tant de merveilles, ne peut être
comprise que par très peu d'âmes : les âmes qui vivent
une vie profondément intérieure, âmes vraiment mystiques.
O combien elles sont rares, celles-ci !... Combien souffre mon Cœur de
cette carence !...
« Tu dois Me ressembler... »
Je suis arrivée sur le Calvaire, épuisée, sans
vie. Je sentais dans mon cœur un poids immense. J'ai été
crucifiée... Sur le Calvaire il faisait presque nuit, mais dans
les âmes il y avait nuit obscure .
Près de la croix, presque agonisante — les mains jointes — la
Petite-Maman pleurait.
On m'avait donné du fiel et du vinaigre, mais ma soif persistait
: c'était une soif du cœur, une soif d'âmes, c'était
une soif de donner la vie. Quand Jésus leva les yeux au Ciel, remettant
au Père son Esprit, Il bougeait péniblement ses lèvres.
Il expira et moi, j'expirai avec Lui.
Quelques instants plus tard Il me redonna vie et me dit :
? Mon enfant, la commémoration de ma Passion est de tristesse
et de deuil : la joie étant pour bientôt. Toutes les dates
importantes de ta vie ne peuvent cesser d'être douloureuses et remplies
de tristesses et d’angoisses ; tu ne peut pas négliger de sentir
de près la mort, afin que cette mort soit un alléluia, que
ta crucifixion soit une résurrection continuelle. Tu dois Me ressembler
; Je veux que tu Me ressembles en tout.
Malheureux sont ceux qui ne tirent pas profit de mon sang ; malheureux
est le monde que ne cueille pas le fruit de la vie de la victime de ce
calvaire continu qui se renouvelle en toi. Courage, ma fille : c'est un
Calvaire de salut, c'est une croix qui donne la victoire... Aie confiance,
ne doute pas...
Ton âme ne jouira pas de l'alléluia de Ma résurrection
, afin que les âmes ne souffrent pas la mort éternelle. Dis
à tout le monde Ma peine et Ma tristesse, parle de mes demandes
réitérées de prière, de pénitence, de
changement de vie. Dis-le toi même et fais en sorte que le disent
aussi ceux qui prennent soin de ta vie...
« Tout pour vous, ô Jésus !... »
Comme Jésus me l'avait dit, je n'ai pas eue la joie de la Résurrection.
J'en ai souffert atrocement...
Malgré cela, la paix, la résignation et l'amour m'habitaient.
Fréquemment je répétais : Tout pour vous, ô
Jésus, tout pour les âmes : je suis votre victime !...
« Je me sens abandonnée... »
Je me sens abandonnée malgré que je me sois confiée
à Notre-Dame ; je me sens morte, sans lumière et sans guide.
Je me suis confiée, je me suis déposée entre les
bras de la Petite-Maman. Et ainsi je vais, cheminant par les routes épineuses
et difficiles que la Providence m'a tracées.
Ainsi confiée, dans un complet abandon, mon douloureux cheminement
devient plus suave.
Quand je souffre de la mort que je sens en moi, je dis : la Maman est
ma vie. Quand je n'ai ni lumière ni force, je répète
: la Maman est lumière, la Maman est force. Quand je sens que toute
ma vie est une tromperie et que je me mens à moi-même, je
murmure : qu'importe, la Petite-Maman ne se trompe pas, Elle est vérité.
Et pour toute chose je répète toujours pour moi-même
: je ne veux que ce que la Maman veut ; j'irai là où Elle
ira...
1951
L’Immaculée est passée près de moi…
A une certaine heure de la nuit l'Immaculée Conception est passée
tout près de moi, comme quand on croise quelqu'un sur la route.
Elle ne s'est pas arrêtée et ne m’a pas parlé. Mais,
combien Elle était belle ! Il me suffit d’admirer sa beauté
pour être réconfortée.
Lors des moments les plus douloureux, le souvenir de cette beauté
est pour moi un baume et un salutaire fortifiant.
« Je me sentais très humiliée... »
Ce matin la Messe fut célébrée dans ma chambre.
Comme je l'ai déjà dit — par ailleurs — je n'ai pas réussi
à y participer. En effet, je me trouvais sur deux mondes : sur l'un
de ceux-ci je suivais la Messe, même si incapable de le faire ; sur
l'autre je marchais vers le Calvaire.
Pendant la Messe, je me suis souvenue de tout et de tous et j'ai demandé
à la Maman du Ciel ses propres sentiments pour nous assister et
l’amour avec lequel Elle a accompagné Jésus. Je me sentais
très humiliée et la plus indigne des personnes présentes,
mais mon cœur brûlait dans de telles ardeurs que je pensait que celles-ci
montaient jusqu'à mon visage.
Dans le monde qui me conduisait vers le Calvaire, je portais la “Petite-Maman”
: mon cœur était la chaise porteuse de la Maman des Douleurs.
J'avais la sensation que le Cœur de Jésus et celui de la Maman
n'en faisaient qu'un seul Cœur, qu'un seul Amour, qu'une seule Douleur.
Divine union ! Vous expliquer la nature grandiose de cet amour, de cette
union, de cette douleur m'est impossible, je ne sais pas.
« O ma Petite-Maman, ne pleurez pas »
J'ai observé que beaucoup, beaucoup de larmes glissaient de
ses yeux tout le long de ses très saintes joues : l'une n'attendait
pas l'autre. O mon Dieu, quelle douleur j’ai ressentie. Je ne pouvais pas
La voir pleurer : je voulais les essuyer moi-même, mais j'avais les
mains attachées, je ne le pouvais donc pas.
O ma Petite-Maman, ne pleurez pas, ne pleurez pas ! Faites que moi,
je pleure à votre place ; essuyez-les avec l'amour de mon cœur,
prenez-le comme si c'était celui de Jésus et le votre.
Combien grande était mon anxiété de voir cesser
ses larmes ! J'avais l'impression que tout l'amour de mon cœur s'en allait
envelopper le Visage de la Maman. Les larmes cessèrent. Elles ont
commencé alors à tomber abondamment dans mon cœur et dans
mon âme. Bien des heures sont maintenant passées et les larmes
continuent de tomber : comme si mon âme et mon cœur pleuraient.
? Mon enfant, épouse de mon Jésus, mes larmes sont causées
par la vision du monde : sur lui, rien d'autre n'existe qu'iniquité
et crime ! Gare à lui, s'il ne se convertit pas ! Reste donc avec
mes larmes, avec ma douleur ; ce sont les miennes et celles de Jésus.
Ma douleur est aussi la sienne, tout comme sa douleur est aussi la mienne.
Aie courage, ne néglige rien !
Elle a alors renouvelé ses caresses. Jésus s'est approché
et Lui aussi m’a caressée tendrement. Leur divins Cœurs me serraient
comme une presse. Ils m'ont enflammée d'amour».
« Sois toujours héroïque !... »
? Je serai, ma fille, près de ton calvaire comme j’ai fais jadis
près du Calvaire de mon Jésus, près de la croix.
Sois toujours héroïque et généreuse ! Ne
refuse rien à Jésus : les âmes l'exigent ainsi.
Tu vis la vie de Jésus : Moi en toi, je Le vois, Lui.
Il est déjà bien tard, dans la nuit. Les souffrances
de mon cœur et de mon âme sont très grandes : mon cœur et
mon âme se sentent perdus. Mais la flamme que j’ai reçu de
Jésus et de la Maman brûlait encore en moi.
« Le Portugal, ah ! le Portugal !... »
La Maman me prit dans ses bras et me serra contre Elle, puis me dit
:
? Écoute, mon enfant, les battements précipités
de mon Cœur très saint : il bat d'amour pour toi, il bat très
affligé de voir la misère et l'agonie du monde. Le Portugal,
ah ! le Portugal qui ne répondit pas correctement au message de
Fatima. Le Portugal, ah ! le Portugal ! J’ai voulu le mettre sous la protection
de mon manteau très saint, mais il ne l'accepta pas, ne répondit
pas à mes désirs : en lui règne la fausseté,
il est secrètement miné et corrompu. Prie pour lui, ma fille,
souffre pour lui, souffre pour moi ; console ton Jésus, console
ta Maman chérie, la Vierge du Carmel, la Reine du Ciel qui te tient
entre ses bras.
1952
1953
« Je ne saurais vivre sans souffrir... »
Je languis dans mon calvaire. Quelquefois j’agonise et il me semble
que mon heure soit arrivée. Combien de secrets garde à jamais
la douleur ! Dans ces langueurs,... je répète, le regard
fixé dans Ciel :
Mon Dieu, que Votre sainte volonté soit faite ! Je suis votre
victime. Je me confie et m’abandonne à la divine Providence.
Pendant ces instants douloureux, j’agonise dans les bras de Jésus
et de la Maman du Ciel sans ressentir un instant Leur soutient et Leur
protection.
Cependant, l’espérance et la fidélité, sont le
baume pour ma souffrance. Je ne sens pas avoir de la fidélité,
mais je confie ; il ne peu pas en être autrement : ou souffrir ou
mourir, mon Jésus ! Les désirs de souffrir sont si intenses
qu’ils me portent à susurrer dans la plus profonde intimité
avec Dieu :
Pauvre de moi, ô Jésus, si vous me retiriez la souffrance
!
Je ne saurais vivre sans souffrir : la vie sans souffrance me paraîtrait
insupportable...
Rien est aussi doux que la croix, quand nous l’acceptons et la portons
par amour...
(...)
? Souffre, mon épouse bien-aimée, comme une mère
dans les douleurs de l’enfantement. Tu es mère des pécheurs
; soufre pour eux. Donne-leur la vie. Donne-leur le salut. Ta douleur est
infinie, parce qu’infini est ton amour. Ta vie est la vie de Jésus.
Ton triomphe et ta victoire ce sont ceux de Jésus. Souffre avec
joie. Appelle les pécheurs à mon Cœur...
« Je veux des âmes eucharistiques... »
(...)
J’ai entendu la Voix divine de Jésus :
? À l’ombre de la Croix, à l’ombre de ce calvaire les
âmes trouvent refuge, trouvent un lieu de salut... Vis de Moi et
pour Moi. Je veux que les âmes vivent de toi, afin qu’à travers
toi elles viennent à Moi. Ce que les âmes reçoivent,
le reçoivent de Moi : tu es le canal des grâces et de la vie
de Jésus. Tu es le porte-voix des désirs de Jésus.
Je veux que les âmes deviennent avides de l’Eucharistie. C’est par
toi, par ce calvaire qu’elles viendront. Je veux des âmes, beaucoup
d’âmes eucharistiques. Je veux que beaucoup d’âmes s’approchent
des Tabernacles, qu’elles s’envolent vers Moi comme des bandes d’hirondelles
autour de leur nid.
Vis, fleur Eucharistique, vis ma Vie, toi qui vis de mon Corps et de
mon Sang, toi qui continues mon œuvre rédemptrice, mon œuvre
de salut. Mon Cœur souffre à cause de l’indifférence de tant
de cœurs, à cause de l’insensibilité des hommes.
(...)
Je veux réparer, ô Jésus, pour tous les cœurs,
pour toutes les âmes. Je veux qu’ils soient en Vous, qu’il aillent
dans Vos Tabernacles ; je veux qu’ils Vous reçoivent ; je veux voir
le monde brûler ce même feu dont Vous brûlez pour lui
et dont Vous faites brûler mon cœur. Qu’ils ne croient pas en moi
afin de croire en Vous, qu’ils me méprisent et s’approchent de Vous,
qu’ils me détestent mais qu’ils s’approchent de Vous pour Vous aimer.
? Ma chère enfant, le feu dont je brûle et dont je te
fais brûler est celui de l’Eucharistie. Ton désintéressement
vis à vis de toi-même réjouit mon divin Cœur. Courage
! Les hommes ne font pas comme Je veux, mais ta vie arrivera aux confins
de la terre et sera un aimant pour les âmes
Le Seigneur triomphe et triomphe sur ce calvaire .
« Son divin amour me pénétra »
Je passe mes jours morte, à l’ombre de la mort. Je suis morte
et un ombre mondial me couvre. Je ne sais pas comment supporter, comment
pouvoir résister à tant de souffrance.
Ce n’est que mon Jésus, le Seigneur omnipotent qui peut triompher,
dans ce douloureux martyre.
Le cœur et l’âme pleurent des larmes de sang. L’inutilité
vient les boire, les déguster a peine sont elles sorties des plaies
; ne les laisse même pas apparaître : je sens comme si pas
même Jésus les voyait.
Je n’ai rien, absolument rien pour l’éternité. Je n’ai
rien, rien qui me permette de racheter les âmes. Je n’ai rien, absolument
rien avec quoi je puisse consoler Jésus et Lui prouver mon amour.
Toutefois, les ardeurs de me donner, de me liquéfier, de disparaître
en Lui, sont indicibles : ardeurs infinies de me liquéfier dans
le creuset de la souffrance, uniquement pour Jésus, uniquement pour
les âmes...
Mon Jardin des Oliviers fut de mort et d’horreur, à cause de
la souffrance. Il faisait nuit : j’étais immergée dans celle-ci
et plus solide que le roc le plus dur. La nuit était déjà
avancée, sur mon cœur, comme s’il était un terrain, se trouvait
le calvaire avec la croix hissée. J’étais le monde, le calvaire,
la croix et l’échelle par laquelle les âmes montaient vers
Jésus.
Malgré que je sois morte, j’étais la vie, j’étais
le Ciel.
Pour mon corps la nuit fut tourmentée ; mon âme, de temps
à autre agonisait de douleur à l’approche du vendredi.
Ce matin, sans avoir dormi, il m’a semblé me réveiller
d’un profond sommeil. Je me suis réveillée en sursaut : “la
mort, la mort ! Je vais mourir !”.
Je mourais alors même que j’étais en vie.
J’ai pris le chemin du Calvaire : mon cœur y est allé, à
la rencontre de la mort, afin de se donner entièrement et être
vie. Moi, dans mon inutilité, j’ai suivi des chemins différents,
des chemins erronés. J’ai beaucoup cheminé, j’ai parcouru
toute la terre coupable.
Je ne sais pas comment, portée par une force et par un amour
qui me faisait avancer, je suis arrivée au sommet du Calvaire ;
je suis allée vers la Croix de Jésus ; je me suis accrochée
à ses pieds ; je les ai baignés de mes larmes, j’ai pleuré
mes fautes. Jésus me lavait dans son Sang. Plus Il me lavais, plus
j’allais vers Lui : son divin Amour me pénétrait à
un tel degré que je suis devenue Christ : la même souffrance,
les mêmes plaies, la même agonie, la même mort. Ce n’était
plus moi à me remettre au Père, c’était Lui en moi
à me remettre...
(...)
Le Ciel et la terre se sont réconciliés...
Quelques instants après [la mort mystique en Croix], Jésus
est venu... :
? Le Cœur divin de Jésus déborde d'amour. Il envoi sur
la terre, à tous les cœurs et à toutes les âmes les
mêmes rayons enflammés au même incendie d'amour. Il
es Père, Il est un bon Père. Il veut s'offrir et faire en
sorte que tous ses enfants brûlent dans les mêmes flammes,
dans le même brasier de l'amour...
Je viens demander de l'amour. Je viens vous demander d'être assidus
à l'Eucharistie. Je viens vous demander de réciter le Rosaire
et d'avoir pour ma Très Sainte Mère une vrai et sainte dévotion...
Et toi, ma fille, parle aux âmes, achemine-les vers Moi. Parle-leur
de ma miséricorde et de mon amour, mais n'oublie pas de leur parler
aussi de ma Justice et de la Justice de mon Père.
Va en paix et donne-la ma Paix !...
« Marie Mère du monde... »
(...)
Sur le Calvaire d’aujourd’hui je suis restée morte dans les
bras de je ne sais qui. L’inutilité et l’indifférence ont
triomphé sur le sommet du Calvaire ; la Croix était levée
et sur celle-ci Jésus était crucifié. Et moi, au pied
de la Croix, j’étais dans les bras de la Maman chérie. J’étais
morte, mais je sentais Sa douleur. J’étais Jésus et Elle
était ma Mère ; j’étais le monde et elle était
la Mère du monde. Dans mon cœur il n’y avait que souffrance et sang...
« Ô comme vous êtes belle !... »
? Ma Mère bénie, venez, venez vite : notre enfant a besoin
de notre réconfort.
Petite-Maman, Notre-Dame de Lourdes, combien tu es belle, ô
comme vous êtes belle, ma douce Petite-Maman ! Rends-moi pure, pure
; rends-moi semblable à Toi, ma chère Petite-Maman ! Maman
chérie, comme je me sens bien sur ton sein !...
Combien votre tendresse et votre réconfort ont rempli mon cœur
: celui-ci ne tient plus dans ma poitrine.
Je ne suis pas digne de Vous embrasser, mais Vous, Vous en êtes
digne, ô ma douce Petite-Maman ; que je corresponde à votre
amour, à votre atteinte...
? Ma fille, ma fille bien-aimée, forte des dons célestes,
va maintenant vers ta croix, va réparer pour le divin Cœur de Jésus
et pour le mien, va faire que nous soyons aimés.
« O “Mãezinha”, veillez sur moi... »
— Viens ici, ma petite fille, viens dans les bras de ta Maman céleste.
Reprend courage : tu n'as rien à craindre sous notre protection...
Ne crains pas, ne crains rien : tout le Paradis est avec toi, tout le Ciel
est avec vous (ceux qui défendent la cause d'Alexandrina). Quelle
gloire, quelle gloire, quelle réparation ! Gloire pour Dieu, réparation
pour les âmes. Ne refuse rien, ne dit pas non à Jésus,
ma chère petite enfant.
O ma Petite-Maman, ô “Mãezinha”, veillez sur moi, veillez
sur nous !
— Reçois, ma fille, reçois de nouvelles affections de
Jésus et Marie.
Va, va de l'avant avec courage : marche joyeuse de la joie des saints.
Sois en paix...
« Quand pourrai-je voir au Ciel ?... »
(...)
Quand pourrai-je voir au Ciel mon Seigneur et rester avec Lui ? Je
sens ne plus pouvoir supporter cette douloureuse et terrible éternité...
J’ai besoin de partir, de m’envoler vers Dieu. Je crains de trébucher
; j’ai peur de perdre pour toujours mon Seigneur... Mon Dieu, mon Dieu,
pauvre de moi si je Vous perd, pauvre de moi si je Vous offense...
Je n’ai pas arrêté d’offrir au Seigneur le sacrifice de
la séparation, pour quelques jours, d’avec ma sœur. Je l’ai
offert pour diverses intentions et je l’ai fait uniquement par amour et
dans cette éternité...
« C’est toi qui console nos Cœurs... »
(...)
[Après le Communion], Jésus m’a dit :
? ... Supporte tout... Supporte cette terrible éternité,
qui n’est que temporaire, afin que des milliers, des millions d’âmes
ne doivent le supporter éternellement...
Venez, Ma Mère bénie, venez ô Mère des douleurs
conforter la victime des douleurs...
? Accepte, mon enfant, mes tendresses de Mère. Aie courage :
je viendrai bientôt te chercher pour te ramener au Ciel. Donne tout
à Jésus. Plus longtemps tu Le sens, plus Il est présent
en toi. Nos Cœurs sont tristes à cause de l’incendie des vices dans
le monde. C’est toi qui console nos Cœurs. Reçois de Ceux-ci tout
l’amour...
« Rebroussez chemin... »
Avant que tous ne partent, je veux vous dire à peine quelques
paroles :
Que ces regards curieux, fixant tous un seul regard ; que toutes ces
personnes qui m’écoutent, tirent de mon martyre quelque profit pour
leurs âmes. C’est la raison qui me mène à m’immoler
; c’est la raison qui me mène à me sacrifier ; c’est la raison
qui me mène à accepter de Jésus tout ce qu’il veut
me donner — toute la souffrance que Notre-Seigneur veut m’envoyer — j’ai
toujours tout accepté.
Je suis sûre, absolument certaine, moi qui sur cette terre n’ai
jamais rien refusé à Notre-Seigneur, qu’il ne me refusera
rien non plus au Ciel. Mais il faut absolument que vous en profitiez ;
qu’il ne s’agisse pas uniquement de curiosité, votre venue ici,
qu’il s’agisse, plutôt, du besoin de savoir ce que Notre-Seigneur
attend de chacun de nous.
Il nous invite tous à rebrousser chemin, à faire pénitence
pour nos péchés, à être meilleurs.
Vous voulez éloigner la justice de Notre-Seigneur ?
Oh ! alors dépêchez-vous, au plus tôt, rebroussez
chemin, faites pénitence pour vos péchés et changez
de vie. Moi, malheureusement, je ne suis pas sainte, mais j’ai pour obligation
de l’être. Vous aussi, vous avez cette obligation, car Notre-Seigneur
nous invite tous à la sainteté. Peu m’importe que l’on me
traite de sorcière — et c’est vrai que quelqu’un m’appelle ainsi
— peu m’importe que l’on me considère comme une hypocrite. Cela
non plus, peu m’importe. Que n’a-t-il pas souffert, Notre-Seigneur ? Que
n’a-t-on pas dit de Lui ? Et il s’est tût à tout cela, chrétiens,
il s’est tût ! Moi, malheureusement, je ne me tais pas comme Notre-Seigneur
se taisait ; je m’insurge toujours, mon ego se rebelle, de temps à
autre, montrant ainsi ce que je suis en réalité. Mais, j’aimerais
être une ensorceleuse, ensorceleuse pour Jésus. C’est cela
que j’aimerais être.
Pour quoi faire ?
Mais pour vous ensorceler tous, pour vous donner tous à Jésus,
car c’est à Jésus que je veux procurer toute joie ; c’est
pour Jésus que j’aime toutes vos âmes. Beaucoup de ceux qui
sont là, je ne les connaissais pas, mais déjà je les
aimais, déjà je souffrais et priais pour eux.
Pourquoi cela, chrétiens ?
Je n’aimais pas vos corps, non, j’aimais vos âmes. Car je ne
veux pas qu’une seule goutte du Sang de Notre-Seigneur ait été
versée en vain. Non, Notre-Seigneur a donné sa vie sur le
Calvaire par amour pour nous, mais il nous faut maintenant nous repentir.
[Pilate] demandait si on voulait crucifier le Christ et libérer
Barrabas, et nous tous, d’une seule voix, nous avons crié, en même
temps : “Crucifie-le ! Crucifie-le !” Or, à ce moment-là,
nous avons préféré un homme, qu’un homme soit libéré
et que l’on crucifia le Christ. Maintenant, nous, en commettant le péché
mortel, nous expulsons la très Sainte Trinité de nos cœurs
; nous donnons la préférence, non pas à un homme mais
au démon, à l’enfer, plutôt qu’à Notre-Seigneur
et au Paradis.
Toute âme qui vit en état de grâce possède
en elle la très Sainte Trinité, elle possède le Ciel,
car le Ciel c’est Dieu et Dieu c'est la très Sainte trinité
; donc cette âme a le Ciel en elle. Par contre, toute âme qui
vit dans le péché mortel a en elle le démon.
Il y a peu, un homme me disait ici, après que je lui ai dit
quelques paroles comme celles que je vous dis là, chrétiens
; des paroles simples, dénouées de tout artifice — car je
n’ai aucune instruction — mes ressenties, dites du plus profond de mon
âme ; cet homme, disais-je, en entendant ces paroles, s’est approché
de moi et m’a dit : “Vous avez raison, petite sœur, vous avez raison, je
n’ai pas fait le bonheur de mon foyer.” Car je disais à tous que
nous avions l’obligation de procurer la joie et le bonheur de nos
foyers, même si pour cela nous devions souffrir beaucoup — ce n’est
pas de la faute de nos familiers, si nous souffrons !
Nous devons, nous chrétiens, procurer la joie des autres, car
cela plaît à Notre-Seigneur. Faites que les autres vivent
heureux, même si votre cœur vit dans la douleur.
Je leur disais cela, et encore davantage !
Pourquoi ne rendez-vous pas vos foyers heureux ?
Pourquoi vivez-vous sans Dieu ?
Pourquoi blasphémez-vous ?
Pourquoi calomniez(vous ?
Pourquoi êtes-vous soupçonneux ?
Parce qu’il n’y a pas de fidélité ; parce que vous n’acceptez
pas les enfants que le Seigneur veut vous donner : vous n’en voulez qu’un
ou deux. D’autres n’en veulent pas du tout.
Terrible justice de Dieu qui viendra, déjà sur la terre,
pour ces parents qui enlèvent la vie à ceux-là même
qui n’ont point connu de vie ; qui volent la vie, qui ont privé
de Paradis ceux-là même qui n’en ont jamais entendu parlé,
et qui n’ont jamais connu Notre-Seigneur !...
Et, après avoir parlé de ces choses et de beaucoup d’autres,
cet homme — dont j’ai parlé — s’est approché de moi pour
me dire : “Vous avez raison, ma petite sœur, vous avez raison ; je n’ai
pas fait, jusqu’à ce moment, le bonheur de mon foyer ; j’ai été
bien malheureux ; je vis dans le péché ; et cela fait bien
longtemps que je ne me suis pas confessé : je sens l’enfer à
l’intérieur de moi !”
Et tout ceci, parce que je leur avais dit qu’ils marchaient dans le
brouillard de l’enfer, enchaînés par le démon : il
l’avoua lui-même, chrétiens, il l’avoua lui-même...
Et, tout bonnement parce que j’avais dit à tous : Profitez de
ce que vous entendez, que mes paroles — dites avec tant de sacrifice —
tombent sur vos cœurs et qu’elles y restent empreintes, en lettre de feu
; qu’elles ne disparaissent plus jamais.
Aimez Jésus et la Maman du Ciel ! Aimez Jésus et la Maman
du Ciel ! Aimez Jésus et la Maman du Ciel !
Mon cœur en est plein et mes lèvres ne parlent que de ce dont
mon cœur est plein ! Aimez Jésus ! Celui qui aime n’offense pas
Dieu, et tout celui qui n’offense pas Dieu, n’offense pas non plus son
prochain.
Priez votre Chapelet chaque jour, à la très Sainte Vierge.
Chrétiens, qui ne voudrait pas avoir notre Mère du Ciel,
à l’heure de la mort, à intercéder pour nous ?
Donc, si tous, nous la voulons pour avocate, à l’heure de notre
mort, il faut que nous soyons ses fidèles dévots, tout le
long de notre vie.
Nous devons, chrétiens, nous devons penser sérieusement
à l’Éternité qui approche, à l’amour que Notre-Seigneur
a pour nous, et à ce que représente une offense faite à
Dieu. L’offense est aussi grande que Dieu Lui-même, car elle blesse
le Cœur même de Dieu.
Rebroussez chemin !...
Je vous le demande du plus profond de mon âme, du plus profond
de mon cœur.
Aimez Jésus et la Maman du Ciel !...
Que l’on me traite de sorcière ; que l’on me traite de folle,
d’hystérique ou de tout ce que l’on voudra — moi, grâce à
Dieu je ne me sens pas atteinte ! Tout ce que je veux c’est pouvoir souffrir
tout cela pour l’amour de Notre-Seigneur. Je voudrais, par contre, pouvoir
à Notre-Seigneur : “Seigneur, tous ces cœurs vous aiment ; tous
sont à vous, Seigneur ! Oh ! Jésus, qu’aucune de ces âmes
ne se perde ; qu’aucune goutte de votre Sang ne se perde inutilement pour
ces âmes.”
C’est cela que j’aimerais dire de vous et de l’Humanité entière.
Je ne suis motivée ni par le Ciel ni par la Gloire ; je sais
que Notre-Seigneur me récompensera. Ce n’est pas cela qui me motive,
ni la récompense du Ciel qui me fait agir. J’aimerais être
votre tapis ; j’aimerais rester à l’entrée du Paradis et
être le tapis de l’Humanité entière !...
Que m’importerait de rester là, à servir de tapis si,
même en étant le tapis, je pouvais aimer Notre-Seigneur ;
si, même étant le tapis, je rendais gloire à Dieu ;
si même en étant le tapis, j’aurais contribué à
ce que beaucoup d’âmes entrent au Paradis !...
C’est cela que j’aimerais, chrétiens ! Et je vous le demande
: que ce jour soit le jour de nos bonnes résolutions.
Allez chez vous ; faites votre examen de conscience et regardez en
quoi vous avez le plus offensé Notre-Seigneur.
Celui qui va dans les tavernes ; celui qui accompagne de faux amis
— qui sont la ruine du corps et de l’âme ; celui qui va au casino,
au cinéma, au théâtre, ou à tout autre endroit
de divertissements, qui tachent son âme ; celui ou celle qui fréquente
la femme de son prochain ou l’homme de son prochain — raison pour laquelle
beaucoup de foyers sont défaits — que tous rebroussent chemin ;
enfin, tous ceux qui vivent en état de péché mortel,
qu’ils rebroussent chemin.
Combien de leur état de péché sont passés
directement en enfer !
Combien après leur sommeil se sont réveillés en
enfer !
Vous êtes sortis de chez vous. Rentrerez-vous tous chez vous
?
Dieu seul le sait.
Et si Notre Seigneur vous appelait en jugement, là, tout de
suite, à vous et à moi ; serions-nous tous en état
de pouvoir comparaître en sa divine présence ?
Un moment de réflexion...
Oh mes frères, ô que non !...
Parmi ceux qui sont là, tous n’iraient pas au Paradis. Tous
n’entendraient pas de la bouche de Notre-Seigneur : “Viens, béni
de mon Père !”
Et pourquoi ?
Parce que tous ne sont pas en état de grâce. Pour éviter
cela, cherchez à vivre dans la grâce de Notre-Seigneur, et
faites que beaucoup de cœurs vivent, eux aussi, en état de grâce.
Soyez des apôtres du bien, soyez des apôtres du Christ : ensemble,
vivons pour le Christ.
Il faudrait que nous vivions tous dans une ascension, ascension vers
Notre-Seigneur, nous aidant les uns les autres ; et le prêtre vivant
sa vie sacerdotale. O comme j’aimerais, comme je serais heureuse qu’il
y eût beaucoup de prêtres et que tous vivent de la vie intérieure,
de la vie de Dieu dans les âmes ! Qu'ils aient su vivre cette vie,
et la comprennent ! Alors là, tous unis, remplis de bonne volonté,
et avec l’aide de des prêtres, notre vie serait une ascension glorieuse
: nous irions en nous élevant, nous élevant, battant de nos
ailes, malgré les taches, et, petit à petit nous nous purifierions,
nous nous blanchirions jusqu’à devenir blancs comme neige.
O chrétiens, mes frères, cela ne coûte rien d’être
bons ; il est bien plus coûteux d’être méchants !...
Tournez-vous vers Notre-Seigneur ; soyez joyeux !...
La joie est le propre des saints !...
Regardez-moi, je ne suis pas sainte ! J’ai souffert de beaucoup de
maladies, et j’en souffre encore, mais, voyez-vous, je n’ai jamais perdu
ma joie. Je pleure de temps en temps, mais ce ne sont que mes yeux du corps
qui pleurent, car ceux de l’âme, ils sourient à la volonté
de Notre-Seigneur ; et je vis joyeuse.
Même pas mes vingt-cinq années de maladie me font perdre
la joie. La persécution et les calomnies dont je suis l’objet —
on a dit le pire sur mon compte ! — elles non plus, ne me font pas perdre
ma joie. Mes yeux pleurent, en effet, souvent, mais je me dis en même
temps : “Seigneur, je suis votre victime, que votre volonté soit
faite.”
Je suis la victime de l’Humanité entière ; elle ne m’en
remercie pas pour autant, mais, de toute manière, je n’ai pas besoin
de son remerciement, car je ne veux pas d’honneurs, je ne veux pas de grandeurs,
je ne veux pas de richesses ; je ne veux rien, rien qui vienne du monde
; je ne veux que l’amour de Jésus ; je veux vos âmes. Donnez-moi
les, je les veux ; je veux les donner à Notre-Seigneur. Je ne désire
rien d’autre ; je ne veux rien d’autre en ce monde.
Aujourd’hui le monde nous élève au plus haut ; demain
il nous précipite dans l’abîme. Malheureux est celui qui fait
tout les yeux fixés sur le monde ! Tout s’écroule, chrétiens,
tout tombe en ruines.
J’aimerais l’honneur et la grandeur qui viennent de Notre-Seigneur
: l’honneur d’appartenir au Roi du Ciel. Nous sommes tous des vassaux du
Roi : voila l’honneur que j’aimerais, rien d’autre. J’aimerais que vous
tous, vous apparteniez à Notre-Seigneur, et que tous, nous nous
retrouvions au Paradis.
Allez dans la paix de Dieu et n’oubliez pas mes paroles simples, humbles
paroles — je ne sais pas mieux les dire, mais ce n’est pas pour autant
que j’ai peur ! Je ne crains pas de les dire, ni devant les prêtres,
ni devant les docteurs, et non plus devant les professeurs. Je ne me gêne
nullement pour les dire. Je les dis comme je le sais, mais du plus profond
de mon cœur, donc sans la moindre gêne, je les exprime... c’est mon
cœur qui me les dicte ! C’est lui qui parle ! Alors, je ne fais que répéter,
d’une manière peut-être grossière, mais ceci importe
peu — ce qui importe c’est la finesse de l’amour de Jésus, la grandeur
de l’amour de Jésus... O celui oui, cela intéresse !...
Qu’un jour, nous tous qui sommes là, nous puissions aimer et
bénir Notre-Seigneur pour l’éternité !...
Allez dans la paix de Dieu et moi, je ne vous oublierai pas, ni sur
la terre ni au Ciel.
« Ne crains rien de la terre »
? Ne crains rien de la terre, ne crains rien de la part des hommes
: laisse qu'ils te piétinent et t'humilient. Souffre tout cela comme
réparation pour nos très saints Cœurs.
O ma Petite-Maman, je Vous remercie pour vos baisers, pour vos caresses
et pour m'avoir serrée aussi tendrement entre vos bras».
1954
« Que le Pape réunisse ses évêques... »
L’immensité de la mère était démontée.
Ce n’était pas seulement une mer de vagues; c’était aussi
une mer de montagnes. Tout s’est mélangé, tout s’est entortillé,
et à l’intérieur de moi, quelqu’un commandait aux montagnes
de venir se jeter sur moi et de me cacher.
Celles-ci sont tombées, mon entourée, alors que les ondés
m’ont emportée dans la profondeur de leur abîme. Quelle détresse,
mon Dieu, quelle détresse ! J’ai invoqué le Nom de Jésus
et celui de Marie et, toujours récitant mes actes de foi, je leur
ai demandé de me venir en aide.
Ils sont venus me chercher dans cette profondeur sans fin. Jésus
est venu avec la Petite-Maman et m’ont prise par la main: la Maman du ciel
à gauche et Jésus à droite. Ensuite ils ont enroulé
mes bras autour de leurs cous.
Arrivée à la superficie de l’eau, déjà
calmée, la Petite-Maman s’est assise et m’a posée sur ses
genoux et m’a recouverte de son manteau bleu.
Pendant qu’elle me caressait, Jésus me disait :
? Jésus et la Maman sont venus te chercher dans l’abîme
de la mer démontée, sous les montagnes. Ma fille, ma fille,
souffre, souffre ! Toi qui es victime répare ! Souffre afin que
les âmes ne puissent dire: montagnes, tombez sur nous et cachez-nous
aux regards de Dieu !
Terribles, épouvantables moments sont ceux de la justice de
mon Père !
Puis la Maman du Ciel a parlé, toujours en me caressant.
Elle m’a montré son très saint Cœur: c’était le
Cœur Immaculé entouré d’épines; et, les yeux tournés
vers le Ciel, elle m’a dit:
Tu n’as pas perdu ton Jésus ni ta Maman céleste: nous
sommes toujours avec toi; nous t’aimons d’un amour très grand.
(...)
O Jésus, ô ma Petite-Maman, je ne supporte pas de vous
voir tristes !...
— Mon enfant nous sommes tous les trois atteints par la même
douleur: le monde cours vers l'abîme. Prière et pénitence
!... Que l'on vive dans la pureté ! Attention ô l'Église
!... Que le Pape réunisse ses évêques et ceux-ci leurs
prêtres. Attention ô l'Église !... Que l'Église
commence à se purifier afin de ne pas subir la justice du Père.
La Petite-Maman me remis une branche et me dit:
— Voici que la branche d'olivier, symbole de paix, est entre tes mains...
Comme mon divin Fils t'a enrichie de tant de choses et de tant de titres,
moi aussi, avec Lui, je te donne le titre de la paix. Le Ciel veut et donne
au monde tous les moyens de paix.
Jésus ajouta:
— Ma fille, c'est par toi que l'humanité reçoit tout.
Accueillera-t-elle cette invitation, ce suprême appel du Ciel ?
Dieu ou Satan ? A qui veut-elle servir ? Qui veut-elle aimer ? Parle
aux âmes, mon enfant. Courage !...
« De son divin Cœur, sortit un éclair... »
Jésus est venu et, dans un mouvement d'amour, il me donna davantage
de force, puis Il me dit :
— Viens, mon enfant ! Je suis avec toi. Le Ciel et toute sa majesté
sont avec toi.
À ce moment-là, de la Plaie de son divin Cœur, sortit
un grand éclair qui produisit beaucoup de rayons si lumineux que
tout est devenu resplendissant. Peu après, de toutes ses divines
Plaies sortirent des rayons qui me traversèrent les pieds et les
mains. De sa Très Sainte Tête un seul rayon sortit et traversa
mon cerveau.
En même temps que le premier rayon et les autres qui sortaient
de son divin Cœur, Jésus me dit avec toute clarté :
— Ma fille, comme Marguerite-Marie, Je veux que toi, tu allumes dans
le monde cet amour pour Moi, cet amour si oublié du cœur des hommes.
Allume-le, allume-le ! Je veux donner mon amour aux hommes. Je veux être
aimé d'eux. Toutefois ils ne l'acceptent pas et ne M'aiment pas.
Par ton intermédiaire, Je veux que cet amour soit allumé
dans toute l'humanité, comme par ton intermédiaire le monde
fût consacré à Ma Mère bien-aimée. Fais,
ô mon épouse, que dans le monde entier, l'amour à nos
deux Cœurs soit répandu.
Mais, mon Jésus, comment faire. Si les hommes ne l'ont pas accepté
de vous, comment le recevront-ils par moi ?...
— Par ta douleur, mon enfant !
« Viens, partons sauver le monde... »
La Maman du Rosaire est venue. Elle tenait entre ses mains la couronne
du Rosaire qui se terminait par une grande croix dorée. Elle enroula
le Rosaire autours de mes mains et posa la croix sur mon cœur...
— Viens, ma fille, partons sauver le monde ; allons convertir les pécheurs.
Sur ton cœur j'ai placé la croix afin de te faire sentir qu'elle
est croix de salut ; embrasse-la : douleur et croix. Autours de tes mains
j'ai enroulé le Rosaire ; parles-en, parles-en... Parle aux
âmes de l'Eucharistie, parle aux âmes du Rosaire ; dis-leur
qu'ils s'alimentent du Corps du Christ et de l'aliment de la prière
du Rosaire quotidien...
« Le Rosaire autours de mes mains... »
O combien j'ai senti la croix que la Maman avait posée sur mon
cœur. C'est la croix du cœur !... Je sens toujours aussi le Rosaire enroulé
autours de mes mains : ce sont des chaînes qui m'emprisonnent.
Combien je suis peinée de ne pas pouvoir prier !... Le
peu de prières que je fais est tout rempli de distractions et sans
foi .
« Dans le ciboire il y avait des Hosties »
— Repose-toi ici : parlons de Mes affaires et de Mon amour.
Un autel apparu. La porte du Tabernacles était ouverte. Dans
le ciboire il y avait des Hosties blanches. Jésus s'est assit à
côté de l'autel et me fit asseoir de l'autre côté.
Je n'ai pas vu sur quoi nous nous étions assis. Jésus posa
sa Main sur l'autel et sur celle-ci Sa Tête. Il me fit faire la même
chose. Ma main droite resta unie à Sa Très Sainte Main gauche.
Du Tabernacles, de ces Hosties blanches, sortirent des rayons plus
resplendissants que le soleil qui nous traversèrent.
Jésus, avec une grande douceur me dit :
— Mon enfant, joyau eucharistique, Je suis là, dans le
Tabernacles, dans ces Hosties pures, avec mon Corps, mon Âme, ma
Divinité, comme Je suis ici, devant toi. Parle au monde de cet amour.
Dis aux hommes qu'ils s'approchent davantage de Moi. Je veux Me donner
à eux, très souvent, tous les jours, si possible. Qu'ils
viennent le cœur pur, très pur et avide. S'ils venaient vers les
Tabernacles avec de bonnes dispositions et s'ils récitaient le Rosaire,
ou tout du moins le Chapelet, tous les jours, rien d'autre ne serait nécessaire
pour éloigner la justice de Dieu.
Le Rosaire, le Tabernacles et mes âmes-victimes — la victime
de ce calvaire —, sont suffisants pour qu'il soit donné au monde
le pardon et la paix.
« Nouveau martyre pour mon âme... »
Nouveau martyre pour mon âme. Elle est comme une tige effeuillée;
à ses fibres sanguinolentes ils viennent sucer tout mon être,
tout mon sang et s’accrochent à ces fibres: il s'agit pourtant d'un
être qui a la taille du monde, mais ils arrivent en bandes, ils sont
très nombreux. Mais ce quelqu'un qui représente le monde
et les autres qui se présentent en bandes ont des mains avec des
griffes, des yeux hagards, des cheveux en désordre, ce sont des
affamés, insatiables, ce sont de vrais squelettes.
Je n'ai plus de sang, je n'ai plus rien à leur donner. L'âme
se fatigue et meurt de faiblesse.
Mais celle-ci aussi a une faim infinie, ce qui vient augmenter le tourment
de mon corps. Cette faim de l'âme est causée par la nostalgie
de l'alimentation: j'ai la nostalgie de tous les aliments, de tous; et
même quand je me sens rassasiée, je sens un vide que seul
le monde pourrait remplir...
Jésus, lors d'un extase me dit que ce que je ressens dans mon
âme c'est le monde, ce sont les âmes qui voient déjà
les peines de l'enfer, qui s’agrippent aux fibres de mon âme afin
de sucer tout mon sang pour éviter de se perdre. Et quelle faim
infinie est la Sienne (faim d'âmes).
1955
« Ma pauvre nature n'en peut plus... »
Ma pauvre nature n'en peut plus ; non, elle n'en peut plus. Mais la
volonté, au plus profond de moi, ne regarde pas aux larmes et sourit
toujours à la volonté du Seigneur...
« Je crois, Jésus, je crois... »
Mon Jésus, je serai courageuse et je ne vous direz jamais non,
bien entendu avec l'aide de votre grâce. Je me sens seule et au comble
de la douleur ! Je suis votre victime.
— Laisse, mon enfant, laisse que je crie à travers tes lèvres
: “O mon Église, accueille la voix de ton Seigneur ! Veille, sois
vigilante ! O Église, ma chère Église, veille, ô
veille, ne dors pas, ne faibli pas !”
Jamais le monde n'a autant péché ; jamais la réparation
n'a été aussi urgente. O âmes-victimes, grandissez
dans l'immolation à votre Époux !
Reçois une goutte de mon Sang ; reçois cette vie qui
est ta seule et unique vie.
Courage, en avant ! Ne m'as-tu pas dis si souvent que tu voulais te
consommer et disparaître dans mon Amour ? J'ai pris à la lettre
tout ce que tu m'as dit.
O mon Jésus, gardez mon âme, faites-en ce que vous voudrez.
Recevez mes requêtes... Quant au monde, mon Jésus, pardonnez-lui
parce qu'il vous appartient !.
Dans une angoisse lancinante je répétais mes actes de
foi :
Je crois, Jésus, je crois que c'est pour moi que vous êtes
né, que c'est pour moi votre Jardin des Oliviers, votre Calvaire.
Je crois, je crois, Jésus, je crois !
Mon abîme était noir et si profond que seul Dieu pouvait
y pénétrer : c'est que fit Jésus. Il est descendu
jusqu'à mes profondeurs, ramena à la superficie mon pauvre
être et l'illumina avec quelques rayons de Sa lumière.
— Viens ici, ma fille, lumière et flambeau du monde ! Toi qui
es ténèbre inégalable, tu es lumière qui brille,
phare que tout illumine : la ténèbre est pour toi, la lumière,
elle, elle est pour les âmes.
Viens ici, lumière dont je suis la source, phare dont je suis
le phare.
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