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Saint Alphonse-Marie de Liguori

Instruction Pratique pour les confesseurs
tome 1

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PRÉFACE DE L'AUTEUR

J'ai jugé à propos de présenter cette notice pour expliquer le but et la nature de cet ouvrage. J'ai déjà mis au jour, à Naples, un grand ouvrage de théologie morale qui, en dernier lieu, a été réimprimé, à Venise, avec plusieurs additions, en trois volumes in-folio, par Rémondini, et que toute l'Europe a accueilli avec empressement.
Cet ouvrage m'a coûté environ quinze années de travail, employées à lire et à discuter les opinions d'un grand nombre d'auteurs que j'ai étudiés ; parmi eux, j'en ai rencontré de trop indulgents, qui, entraînés par un zèle mal dirigé de fac liter lc salut des âmes, ont fait trop de concession ! à la liberio, au préjudice des lois divines et ecclésiastiques ; d'autres, au contraire, repoussant une telle condescendance, ont montré une rigueur excessive. C'est ici que mon travail a été le plus pénible, c ar il m'a fallu choisir au milieu de cet amas confus d'opinions et de doctrines, celles qui s'attachent à maintenir l'observation exacte des préceptes de Dieu et de l'Église ; sans cependant ajouter des obligation ! qui ne sont pas imposées par Dieu, et qui obligeraient chaque
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chrétien à s'élever à une perfection qui, suivant la faiblesse humaine, est moralement impossible au commun des fidèles. C'est pour cela que je me suis attaché à la lecture des ouvrages de théologie, que j'ai eu soin d'étudier avec un jugement impartial ; et c'est avec ces matériaux et l'instruction acquise par une expérience de trente années dans la confession, et les missions, que j'ai mis au jour l'ouvrage que je viens de mentionner pour l'instruction des jeunes gens de notre congrégation. Mais parce qu'un ouvrage si volumineux et si diffus ne peut être étudié avec assez de facilité, ou être lu par un assez grand nombre de personnes, j'ai jugé convenable, excité d'ailleurs par plusieurs personnes qui le désiraient, de mettre au jour ce petit traité. En le composant j'ai eu pour but principal de donner une instruction pratique pour administrer convenablement le sacrement de pénitence ; cependant comme dans la pratique on ne peut administrer ce sacrement comme il doit l'être, ni diriger les âmes sans la connaissance des principes et même des opinions et des questions les plus importantes de la morale, j'ai eu soin, dans des sommaires sur tous les traités de celte science, d'exposer avec précision et clarté tout ce qui peut compléter l'instruction d'un confesseur : j'ai reproduit aussi les décrets des canons, des bulles pontificales, ainsi que les décisions des saintes congrégations, dont parlent bien peu d'auteurs. J'ai donné peu d'étendue à cet ouvrage, afin qu'on pût se le procurer à peu de frais ; en
DK  L AUTEUR.
outre, je l'ai écrit en langue vulgaire, afin que la lecture en fût plus facile et l'étude plus simplifiée ; d'autant plus qu'il y a beaucoup de choses dans la pratique que l'on comprend avec plus de facilité quand on les lit dans l'idiome vulgaire. Quant à l'ordre que j'ai adopté : en premier lieu, je parlerai des préceptes du Décalogue et de l'Église ; en second lieu, je traiterai des sacrements et des censures ; en troisième lieu, je parlerai des privilèges, et de la faculté qu'ont les évêques et les prélats réguliers da donner l'absolution des cas et des censures réservés ; en quatrième lieu, je parlerai de la manière dont le confesseur doit se conduire dans la pratique avec des pécheurs qui se trouvent dans l'occasion prochaine de faillir, ou sont coupables d'habitude et de récidive, ainsi qu'avec les personnes de toutes conditions, telles que les ignorants, les enfants, les sourds, les moribonds, les condamnés à mort, les possédés, les jeunes filles et les autres femmes. Dans cet ouvrage, j'ai reproduit non seulement toute l'essence de la théologie dont j'ai parlé, mais encore j'y ai consigné plusieurs choses qui ne se trouvent pas dans mon grand ouvrage.
Et tout cela, je l'ai fait pour la gloire de Jésus et de Marie.
AVERTISSEMENT AU LECTEUR.
On ne doit pas préjuger que j'adopte dans le cour » de cet ouvrage certaines opinions, par la raison que je ne les rejette pas ; je ne fais que les reproduire
l\              PRÉFACE  DE
fidèlement avec leurs raisons et le nom des auteurs qui les soutiennent, afin que les lecteurs puissent clans leur sagesse en apprécier la valeur.
Je préviens aussi que quand je cite quelque opinion plus vraisemblable, alors je ne considère pas la proposition contraire comme probable, sans cependant en décider positivement l'improbabilité. De même quand je reproduis une opinion probable sans discuter la probabilité de la contraire, ou plutôt, quand je dis que je n'ose pas la rejeter, je n'entends pas pour cela en admettre la probabilité, mais seulement m'en remettre au jugement des docteurs.
INTRODUCTION.
Une grande récompense, un salut assuré sont certainement réservés aux bons confesseurs qui travaillent a la conversion des pécheurs. Saint lacques s'exprime ainsi à ce sa jet : « Celui qui ramène un pécheur des erreurs de sa vie, obtient le pardon d'un grand nombre de péchés et rachète son âme de la mort (i). » Cependant l'Église gémit de voie la perdition d'une foule de ses enfants causée par les mauvais confesseurs ; parce que c'est principalement de leur bonne ou mauvaise direction que dépend le salut ou la perdition des peuples. « Qu'on nous donne de bons confesseurs, disait saint Pic V, et l'on verra arriver la réforme complète des chrétiens. » Il est certain que, si dans tous les confesseurs on rencontrait la science et Ja sainteté qui conviennent à un ministère si important, le monde ne serait pas si infecté par le péché, et l'enfer n'engloutirait pas un aussi grand nombre d'âmes. Toutefois, par sainteté, je n'entends pas cette sainteté habituelle, qui constitue le simple èlat de grâce, mais une sainteté positive leile qu'elle convient à un ministre de la pénitence ;
(i) Epis. cap. 5. v, 20.
6                  INTRODUCTION.
sainteté qui lui est aussi nécessaire qu'une nourriture abondante à une nourrice, tant pour se soutenir elle-même, que pour nourrir l'enfant qu'elle allaite. Si le confesseur doit diriger les consciences des autres sans se laisser égarer ou par trop de condescendance, ou par trop de rigueur, il doit traiter de si grandes plaies sans y porter le feu, et se conduire avec les femmes et les jeunes personnes en écoutant leurs fautes les plus honteuses sans en recevoir aucun dommage ; Une doit jamais user d'une trop grande rigueur à l'égard de personne, mais cependant ne pas se laisser vaincre par le respect humain : en un mot, il doit être rempli de charité, de mansuétude et de prudence. Or, pour posséder toutes ces qualités, il a besoin d'une sagesse peu ordinaire, qu'il n'acquerra jamais, s'il ne s'identifie pas, pour ainsi dire, avec la prière, en se livrant journellement à la méditation ; autrement, il n'aura pas les lumières et les grâces nécessaires pour bien remplir un ministère aussi redoutable, et, comme on a coutume de dire, « pesant même pour les épaules des anges. »
Outre la bonté morale, le confesseur étant le juge des consciences est tenu aussi, comme on l'a dit plus haut, à posséder la science nécessaire pour bien juger. C'est pour cela que j'ai eu l'idée de consigner dans cet opuscule, non seulement tout ce qui concerne la pratique, mais encore les résumés les plus précis pour bien comprendre les principaux traités de la morale, connaître les définitions, les principes, ainsi cjue les loi§ « viles et ecclésiastiques,
INTRODUCTION.                     1
J'ai joint à tout cela les décrets consacrés par les bulles des saints pontifes, et les déclarations émanées du sein des congrégations : on y trouvera de plus les doctrines les plus nécessaires et les plus accréditées ; quant aux matières qui peuvent soulever plus de discussions, mon lecteur pourra recourir à ma théologie morale, dans laquelle il trouvera la reproduction de toutes les opinions avec leurs motifs, ainsi que les citations des auteurs, qui les ont avancées ; je n'ai fait qu'en présenter le texte, parce que le lecteur peut à son loisir en examiner l'autorité. Il rencontrera quelques opinions qui pourront lui paraître ou trop rigides ou trop indulgentes ; mais je l'invite, avant de les condamner, à parcourir mon grand ouvrage imprimé déjà plusieurs fois à Naples et à Venise, parce que toutes les citations qui y sont consignées sont accompagnées de leurs motifs et de l'autorité des docteurs qui les défendent ; de cette manière j'espère que de telles opinions ne lui paraîtront pas mal fondées.
Danstoutle cours de cet ouvrage, si l'on rencontre quelques citations sans noms d'auteurs, c'est que je voudrai parler de ma théologie morale.
DE
LA CONSCIENCE.
CHAPITRE PREMIER.
?. De la loi prochaine et éloignée pour faire le
bien.
2. Des différentes sortes de consciences.
I. La première règle pour faire le bien c'est la loi divine à laquelle la conscience doit se conformer ; mais comme la bonté ou la malice de nos actions nous apparait telle que la conscience les apprécie, il s'en suit que la loi divine est la loi éloignée ou matérielle de nos actions, tandis que la conscience en est la loi formelle et prochaine, comme l'enseigne saint Thomas lorsqu'il dit : « La raison humaine est la règle de la volonté humaine sur laquelle on mesure sa bonté (1 ). » Le même saint dit dans un autre endroit encore plus positivement : « Un p.ct'e humain est regardé comme bon ou marnais, suivant le bien apparent vers lequel la volonté se porte, et non point suivant l'objet matériel de l'acte (2). » C'est pour cela qus nous traiterons, dans ce premier traité, de la conscience, et dans le second, deslois.
II. En parlant de la conscience, nous avons besoin de distinguer plusieurs choses : il faut d'abord distin-
(1) 1. 2. Qu. 19. art. 4. (a) Quodlib, 3. art 27.
le         INSTRUCTIO » PRATIQUE
guer la conscience de la syndérèse. La syndérèse est la connaissance des principes généraux, tels que ceux-ci : « On doit honorer Dieu ; on doit fuir le mal ; ne faites pas aux autres ce que vous ne voudriez pas que l'on vous fît. » La conscience est le jugement pratique qui se forme, d'après ces principes, sur les opérations présentes que l'on doit faire ou éviter ac-tuelJementsuivantles circonstances où l'on se trouve ; on peut donc la définir : « La lumière de la raison, qui nous fait connaître ce que nous devons faire ou éviter actuellement. »
En second lieu nous devons distinguer diverses sortes de conscience, savoir : la conscience droite, erronée, perplexe, scrupuleuse, douteuse et probable ; nous parlerons séparément de chacune d'elles.
PREMIER POINT.
De la conscience, droite, erronée, perplexe, et scrupuleuse.
3. De la conscience droite. 4· De la conscience erronée.
5.  Si l'on doit admettre une ignorance des préceptes naturels.
6.  Si un mauvais désir doit être réputé péché.
7. De la conscience perplexe.
8 jusqu'à 11. De la conscience scrupuleuse.
III. La conscience droite est celle qui fait connaître la vérité d'une chose, et contre laquelle on ne peut agir sans pécher certainement.
IV. La conscience erronée est celle qui dicte une chose fausse. La conscience erronée se divise en invincible et vincible ou bien coupable. Elle est invincible lorsqu'aucun doute d'erreur ne se présente à. l'esprit ; alors nous nous trouvons obligés d'agir d'à-
POBB  LES  CONFESSEUBS.               * '
près elle, puisqu'elle est la loi prochaine de nos actions (comme nous l'avons dit plus haut), et que c'est d'après cette loi que nous devons agir. Elle est vincible quand le moindre doute d'erreur existe dans l'esprit, et que, malgré l'obligation où l'on est de détruire 1'orreur, on néglige le soin ordinaire (non le plus.grand) qu'on est obligé d'employer pour découvrir la vérité. Celui qui agit avec une telle conscience pèche toujours, soit qu'il agisse d'après elle ou contre elle.
V. On demande si l'on doit admettre une ignorance invincible des préceptes naturels. Si cette ignorance est invincible, les actes qui en résultent sont inno-cents.cela est certain d'aprèsla deuxième proposition de Michel Baius, condamnée par Alexandre VIII : « Quoiqu'on puisse admettre une ignorance invincible du droit naturel, elle ne peut, dans l'état de nature déchue, excuser du péché formel. « Nicole reproduit Ja même opinion, sous le nom de Vendroch, en disant : « Qu'une semblable ignorance est le châtiment du péché originel ; » maiscela avait déjà été condamné dans Baius. Il nous reste donc seulement à examiner si on doit admettre une ignorance invincible des préceptes naturels. Je répondrai, contre Sinnich et. un petit nombre d'autres auteurs, d'après le sentiment commun, soutenu par saint Antonin, Soto, Maldonat, Suarez, Azot, Sanchez, Gammache, Duval, Wigandt, Gonet qui regarde avec raison la proposition contraire comme absurde et improbable, et beaucoup d'autres docteurs parmi lesquels il faut compter le savant cardinal Gotti, qu'il faut distinguer entre les premiers principes et leurs conséquences immédiates etleu. s conséquences médiates : cela posé, il fout dire, en suivant le gentiment de*
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docteurs cités, qu'à l'égard des premiers principes ou bien des préceptes prineipaux de la loi naturelle qui sont connus par eux-mêmes ou bien enseignés par la syndérèse, comme ceux qui ont été exposés plus haut : « Dieu doit être honoré, etc., » on ne saurait admettre une ignorance invincible. Quant aux conséquences immédiates, ou prochainement déduites des premiers principes, tels que sont les préceptes du Decalogue, on ne doit point admettre l'ignorance invincible, excepté dans des êtres toul-à-fait grossiers, et cela pour un temps bien limité, ou à moins qu'il ne s'y trouve une circonstance en apparence honnête. Quant aux conséquences médiates ou éloignées, déduites par le raisonnement des préceptes du Décalogue, telles que la défense relative à l'usure, le précepte d'éviter le scandale, et autres choses semblables, dans ce cas nous disons qu'il peut exister une ignorance invincible, ctpar suite innocente, quand, cependant, comme nous l'avons ditplushaut, uneattention soutenue n'a pu faire disparaître le doute. Le lecteur peut voir, dans mon ouvrage sur la morale (1), les preuves de celte assertion principalement basées sur l'autoiité de saint Thomas (a), qui dit, dans un passage cité, « que l'ignorance n'exclut pas enlièrementle péché en deux cas, soit pour une partie de la chose ignorée, soit pour une partie de ce même état d'ignorance. Dans une partie de la chose ignorée, l'ignorance (et ici il veut parler de l'ignorance du fait) peut être coupable, quand, par exemple, un homme frappe son semblable « ans savoir que c'est son père. En ce cas l'i-
(i) Lib. I. 11° itig. (î) ?. ?. q. 76. a. 3.
POUR LES  CONFESSEURS.              '?
gnorance exclut le péché contre la piété filiale, mais non contre la charité. Dum autre côlé l'ignorance peut être coupable pour une partie de ce même état d'ignorance parce qu'elle est volontaire : soit directement lorsque quelqu'un veut rester dans l'ignorance pour pécher avec plus de liberté ; soit indirectement quand il néglige d'acquérir la connaissance de ce qu'il doit savoir, soit pour éviter la peine de cette étude, soit pour ne pas contrarier ses autres occupations. Celte négligence de sa part rend alors son ignorance coupable, et par suite il pèche ; d'où saint Thomas conclut que si l'ignorance n'est pas volontaire, soitparce qu'elle est invincible, soit parce qu'elle dépend de choses que l'homme n'est pas tenu de connaître, alors elle le décharge de tout péché. « Alio modo potest hoc contingere ex parte ipsius » ignorantiae, quia scilicet ipsa ignorantia est voluntaria : vel directe, sicut cum aliquis studiose vult « nescire aliqua, ut liberius peccet : vel indirecte, » sicutcum aliquis propter laborem, vel propteralias, « occupationes  negligit addiscere id, per quod a « peccato retraheretur. Talis enim negligentia facit, » ignorantiam ipsam esse voluntariam, et peccatum, « dummodo sit eorum quae quis scire  tenetur, et » potest ; et ideo talis ignorantia non totaliter excusât » a peccato. Si vero sit talis ignorantia, quae omnino « sit involunlaria, sive quia (notez) est invincibilis, « sive quia est ejus, quod  quis scire non tenetur, « talis ignorantia omnino excusât a peccato. » Par conséquent ce saint docteur, en disant que l'ignorance exclut tout péché, soit lorsqu'elle est invincible, soit lorsqu'elle dépend de choses que chacun n'osl pas obligé de connaître, émet certainement deux doctrines : la première, qu'on peut admettre
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une ignorance invincible même pour les préceptes que l'homme doit connaître ; la seconde, que cette ignorance óte tout péché à l'acte. Le père Lacroix confirme cette opinion par l'autorité de saint Bona-venture et d'Albert-k-Grand. On peut y joindre à l'appui la condamnation portée contre la deuxième proposition de Baius. On doit, en effet, en conclure que l'Église pense, ou du moins regarde comme très probable, la possibilité d'une ignorance invincible même à l'égard de la loi naturelle ; car si elle pensait autrement, elle n'aurait point déclaré que l'ignorance invincible excuse l'homme de péché, en condamnant une proposition relative à un événement impossible.
VI. Quelques docteurs excusent de péché mortel ceux qui pensent que l'acte seul est coupable et non le désir de l'acte :mais je ne pourrai jamais acquiescer à cette opinion, car je ne puis comprendre comment il peut se faire que celui qui sait déjà qu'un tel acte, celui de la fornication, par exemple, est un péché, peut sans se rendre coupable désirer de propos délibéré de l'accomplir. 11 me paraît impossible qu'on puisse croire ne pas pécher, quand on désire de propos délibéré commettre un acte que l'on regarde comme une offense envers Dieu (1).
VII. La conscience est perplexe lorsque quelqu'un se trouve placé entre deux préceptes, par exemple celui qui recommande de sauver la vie à son prochain et celui qui défend de jurer contre la vérité, et qu'il ne sait à quoi se résoudre. Que doit-il faire alors ? il doit, s'il le peut, consulter d'abord des hommes éclairés, et s'il ne le peut pas, il doit choisir
(i) Lib. I. 11° g.
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le moindre mal en évitant la transgression d'un précepte naturel, plutôt que celle d'une loi humaine ou divine. Enfin, s'il ne peut reconnaître de quel côté se trouve le moindre mal, il ne péchera pas quelle que soit sa détermination, parce qu'alors il manque de la liberté nécessaire pour pécher.
VIII. La conscience scrupuleuse est celle qui, sans motif plausible, mais par une vaine appréhension, craint de pécher en faisant un acte qui n'est pas coupable. Les docteurs ont indiqué plusieurs moyens de guérir le scrupule : mais il est certain que le remède le plus puissant (le remède unique, comme l'a bien dit le père Segneri ), c'est après la prière une obéissance entière à son directeur. Avant toutes, choses un confesseur doit tâcher de persuader à son pénitent les deux choses suivantes : la première, qu'il marche en toute sûreté devant Dieu, s'il obéit exactement à son père spirituel, quand il est dans le doute du  péché,  parce qu'alors il n'obéit pas  à l'homme, mais à Dieu lui-même, qui a dit : « Celui qui vous écoute, m'écoute. » Cette même maxime est enseignée par tous les docteurs et les maîtres de la vie spirituelle, avec saint Bernard, saint Antonin, saint François de Sales, saint Philippe, sainte Thérèse, saint Jean de la Croix, saint Ignace de Loyola, Denis Rickel ou le Chartreux, le bienheureux Humbert, Avila, Gerson, etc. La seconde chose dont il faut instruire le pénitent c'est que le plus grand scrupule dont il doive être tourmenté, c'est sa désobéissance par laquelle il s'expose au danger, non seulement de perdre la tranquillité d'âme, la dévotion, son avancement dans la vertu, mais encore la raison ! la santé, et ce qui est pire, il s'expose à perdre son ame ; car les scrupules pourraient le réduire à un
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ici désespoir qu'il finirait par se suicider, comme cela est malheureusement arrivé à un grand nombre de personnes, ou bien par se jeter dans toutes sortes de vices. De plus, le-confesseur doit insinuer à un pénitent scrupuleux, comme le recommande principalement l'auteur de l'Instruction pour les jeunes confesseurs ( ? ), qu'il ne doit pas avec Dieu ramasser les raisons avec une plume, car Dieu veut pour notre bien que nous vivions dans l'incertitude de notre salut ; ainsi en employant un soin moral à ne pas l'offenser, nous devons nous abandonner à sa miséricorde ; confessant qu'on ne peut se sauver que par sa grâce que nous devons toujours rechercher avec persévérance, confiance et tranquillité : « II vaut mieux, disait saint François de Sales, marcher en aveugle sous la protection de la divine Providence, au milieu des ténèbres et des perplexités de cette vie. Il convient de s'abandonner à la sagesse de son confesseur par lequel on se sent bien diriger sans chercher à en pénétrer les motifs. Jamais obéissant n'a péri. » Saint Philippe de Néri disait : « que celui qui obéit à son confesseur est assuré de ne pas avoir à rendre compte à Dieu de ses actions (a). » Saint Jean de la Croix disait au même sujet : « Ne pas se contenter des paroles de son confesseur, c'est orgueil, c'est manque de confiance (5). »
IX. Un confesseur doit ensuite avoir soin de parle souvent à un pénitent scrupuleux, de la grande con fiance que nous devons avoir en Jésus-Christ qui est
(?) Lib. I. n »7C.
(« ) Vie do S. l'hil. UT ; I, cW. ao.
(3) Traite de » épi.
POUR  LES  CONFESSED RS.                ?7
mort pour nous sauver, ainsi que dans sa très sainte Mère, qui est si puissante et qui a tant d'amour pour ceux qui ont recours à son intercession. C'est pourquoi il doit l'exhorter à vivre dons la sécurité, en recourant sans cesse a Jésus et Marie, qui exaucent toujours ceux qui les invoquent. Il doit surtout lui interdire la lecture des ouvrages qui peuvent éveiller les scrupules, ainsi que les conveisations avec des personnes scrupuleuses. Quand un pénitent est tourmenté fortement, il doit lui défendre d'entendre des prédications pleines de terreur, et d'examiner sa conscience sur des cas qui peuvent.créer des scrupules sans raison. Si les scrupules consistent dans la crainte de consentir à de mauvaises pensées ( par exemple, contre la foi, la pureté ou la charité), le confesseur doit êlre prompt et ferme à les mépriser et à lui dire avec affirmation que de telles.pensées lui sont suggérées pour le punir d^ ses scrupules ; mais que ce ne sont pas des péchés. El c'est précisément dans ce cas que le confesseur doit observer la règle prescrite par lestdocteurs, que quand le pénitent aune conscience timorée, s'il n'est pas plus que certain qu'il a commis un péché mortel, alors il doit le juger comme non coupable : parce que, comme le dit le père Alvarès,  « il « st impossible qu'un tel monstre infecte l'âme de ce-pénitent sans-qu'il le reconnaisse positivement. » Aussile confesseur peut-il dire aux personnes scrupuleuses de ne pas s'accuser de ces diverses pensées, s'ils n'ont pas une entière certitude et s'ils ne peuvent jurer d'y avoir consenti. Il iaul remarquer ici qu'on doit diriger les scrupuleux non d'après des règles particulières, mais d'après les règles générales ; si Ton agissait autrement, les scrupuleux ne pourraient jamais prendre une
T. XXIII.
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détermination quelconque, ils douteront toujours si cette règle particulière peut s'appliquer au cas présent ; car il leur paraîtra toujours différent de celui qu'ils auront Connu par le confesseur.
X. Quant aux pénitents qui se créent des scrupules sur les confessions passées K c'est-à-dire qui croient ne pas avoir" dévoilé tous leurs péchés ou bien toutes les circonstances de leurs fautes, ou ne pas avoir eu un repentir assez grand ; le confesseur doit, s'ils ont fait uue confession générale, ou s'ils ont répété, à certains intervalles, les même.s confessions, leur ordonner de ne plus arrêter leurs pensées sur les péchés de la vie passée, et de ne plus en parler, à moins qu'ils ne puissent jurer avec certitude que c'étaient des péchés mortels, et qu'ils ne s'en étaient jamais confessés. D'ailleurs, les docteurs (1) prétendent que les personnes scrupuleuses, quand Lien môme elles auraient omis par inadvertance quelque grave péché, ne sont pas obligées (à moins d'en avoir la pleine certitude) à recommencer intégralement leur confession, parce que ce serait s'exposer à un plus grand péril que de ne pas s'en accuser (2). Le confesseur doit fortement exiger sur pe point une entière obéissance ; et si le pénitent. n'écoute pas ses remontrances, il doit lui adresser de sévères reproches, lui refuser la communion, et le mortifier autant que possible, pour briser son obstination. LIS personnes'scrupuleuses doivent être traitées avec douceur ; mais quand elles ne veulent pas obéir, on doit employer la plus grande rigueur, parce qu'en refusant l'obéissance, elles se perdent
(1) Lib. ?. ?. ?6. (a) Lib. VI. n. 476.
POUR  LES  CCHÎFESSEUKS.               f9
elles-mêmes, car elles tombent dans la démence, ou se laissent entraîner à une vie dépravée.
XI. On voit enfin des scrupuleux qui craignent de pécher dans toutes leurs actions t à ceuX-lâ, le confesseur doit ordonner d'agir librement, leur prescrire de vaincre leurs scrupules, leur en démontrer l'obligation toutes les fois qu'ils ne reconnaissent pas évidemment que telle ou telle action est coupable. C'est la doctrine du père Segneri et du plus grand nombre des docteurs. Il importe peu qu'ils fassent leurs actions avec cette erainte actuelle sans avoir déposé leur doute, ce qu'on ne peut guère espérer des personnes scrupuleuses, car une crainte de celte nature n'est pas un véritable jugement de la conscience que l'on désigne sous le nom de conscience formée, comme l'observe Gerson (?). Ce n'est pas un véritable doute pratique, et il ne détruit pas le jugement porté auparavant, qui persévère virtuellement, quoiqu'ils ne fassent pas attention alors, à cause de la grandeur de la crainte, qu'ils ne pèchent pas en ce qu'ils ne reconnaissent pas être évidemment mauvais, car alors ils n'agissent pas contre ta conscience, ftiaJs contre cette crainte frivole. Le confesseur doit doBc enjoindre à ces pénitents, en vertu de la sainte obéissance, de vaincre et de repousser les SCfgguJes, et de faire librement ce que le scrupule leuf empêchait de faire ; de plus, il doit leur prescrire de ne plus confesser ua tel acte.
it) Lib., ?. ?. ij.
SO               INSTRUCTION PRATIQUE
SECOND POINT.
De la conscience douteuse.
12. Du doute négatif et positif. i5 et 14. Spéculatif et pratique. 15 et 16. Si une loi est douteuse. '17. Si les vœux^sont douteux.
18.  Si un supérieur commande de faire une chose dont l'illégitimité Soit douteuse.
19. Du doute touchant le jeûne et la communion.
20. Les empêchements, et la possession.
XII. La conscience douleuic est celle qui reste îrrésglue, et suspend son assentiment pour l'une ou l'autie partie. Il faut d'abord distinguer ici le doute •négatif duposilif. Le doute est.négalil lorsque l'esprit n'aperçoit, d'#]cun côté/j.âes motifs suffisants pour jse déterminer en faveur de l'un plutôt que de l'autre. C'est ce que l'on Bntemï proprement par doute, que l'on définit : « La suspension de l'assentiment à l'égard d'un certain objet. » JLe doute est positif lorsqu'il « xiste de graves raisons pour donner l'assentiment à chaque partie ou au moins à l'une des deux, bien qu on redoute l'opposée ; ainsi le doute positif n'est autre chose que l'opinion probable, dont nous parlerons dans le chapitre suivant,
XIII. Il faut distinguer 1° le doute spéculatif du doute pratique. Il est spéculatif quand on doute de la vérité d'une chose ; par exemple, si telle guerre est juste ; si peindre un jour de fête est une œuvre servile ; si le baptême administré avec de l'eau distillée eu artificielle, est valide. Le doute pratique a lieu quand on doute de l'honnêteté de l'action ; par exemple, s'il est permis en pratique, de peindre un jour de fête, ou bien de porter les armes dans une guerre
POUR LES  CONFESSEURS.               2ï'
dont la justice est douteuse. Ainsi noué devons toujours distinguer le vrai du licite : le doute spéculatif concerne le vrai, et le doute pratique le licite. Cela posé, nous dirons que l'on ne doit jamais agir avec le doute pratique, parce que, dans tous ses actes, l'homme doit être moralement certain de leur hon-nêtelé ; autrement en s'exposant ainsi au danger de pécher, il pèche véritablement, suivant les paroles de î'Ecclésiaste : » Celui qui aime le danger y périra (Eccl. 3, 27). » II sera Coupable dQ péché aussi grand qu'il en aura eu lé doute, c'est pourquoi s'il doute que c'est un vol, il commetle péché de vol ; s'il doute que le péché est mortel, il commet un péché mortel. Si une personae fait un acte qu'elle sait être péché, mais est toutefois incertaine s'il est véniel ou mortel, d'après certains docteurs, elle pèche, dans tous les cas, mortellement ; mais Navarre, Valence, Grenade ei, Lacroix, prétendent avec plus de probabilité que dans ce cas, elle pèche seulement véniellement, pourvu toutefois qu'elle ne fasse pas attention au danger de pécher mortellement, ni h l'obligation où elle est d'examiner la bonté* de l'acte, et qu'enfin cette aclion ne soit point de soi,certainement péché mortel, et que sa malice ne soit pas reconnue au moins confusément (1).
XIV. Au contraire, dans l'état de doute spéculatif, il est permis d'agir, quand celui qui agit, déterminé par d'autres motifs, juge pratiquement que l'action est licite ; car autres sont les raisons pour juger delà vérité d'une chose, par exemple, si une guerre est juste, si peindre un jour de fête est un œuvre servile· autres sont les motifs pour juger si une action est
O) Lab. l· n. 2a et a3.
3a               ÏNSTRtCTIOW  PRATIQUE
honnête, par exemple, s'il est permis de porter les armes dans une guerre dont la légitimité est douteuse, ou de peindre un jour de fête, en déposant le doute, d'après un autre principe certain comme celui-ci : « Melior est conditio possidentis, » ou tout autre. C'est pourquoi, dans les choses douteuses, il faut voir à qui appartient la possession, si c'est au précepte ou à la liberté ; et, pour le reconnaître, il faut considérer en faveur de qui demeure laprésomp-tion, car il est indubitable que la présomption est en faveur de la partie qui transfère à l'autre la charge de prouver le fait, puisque aucun fait ne se présume sans preuve. (Lib. II, de probat, et test. lib. in Bello de captiv. )
XV. D'où nous devons conclure que si la liberté est en possession, il faut prouver qu'il existe certainement un précepte obligatoire ; autrement un précepte douteux ne peut imposer une obligation certaine, et lier la liberté que Dieu a donnée certainement à l'homme pour faire tout ce qu'il voudra, à l'exception des choses qui lui sont évidemment prohibées, ou qui lui sont imposées, comme on le voit par les paroles de 3'Ecclésiaste : « Dieu, dès le commencement, a créé l'homme, et l'a laissé entre les mains de son conseil. Il lui a donné ses lois et ses préceptes. Si tu veux observer les commandements, ils te sauveront (Eccl. 15, i4). » Au contraire, si la loi a été certainement faite et promulguée, et que l'on doute seulement de son abrogation ou de sa révocation, ou bien quand on l'observe s'il y a dispense, alors la loi demeure en possession.
XVI. Il faut dire de mènae lorsque l'on doute de l'acceptation de la loi, parce que si elle est juste, on doit présumer qu'elle a été sanctionnée, suivant ce
POUR LES  CONFESSEURS.               2 3
principe de droit : « ordinairement on doit présumer fait ce qui de droit devrait être fait ; » et qui corres-pondàune autre règle morale communément admise par les docteurs, savoir : ? que dans le doute qu'un acte a ou n'a pas eu lieu, on ne doit pas présumer qu'il ait eu lieu, à moins qu'on ne le prouve, » comme on l'a déjà dit plus haut. Mais quand on est certain de l'accomplissement de l'acte et que l'on doute seulement de sa validité (comme de tel mariage, de telle confession, de tel vœu contracté), on doit toujours regarder l'acte comme valide,, lib. quoties^ ff\ de rebus dubiis, où l'on trouve que les lois douteuses favorisent la validité de l'acte. Voici encore un axiome dans le même sens que les maximes précédentes : « Personne ne peut être présumé mauvais sans preuve ( ? ). » XVII. Nous pouvons conclure que ce qui a été dit sur la loi, peut s'appliquer aussi au vœu, qui n'est autre chose qu'une loi particulière que l'homme s'impose. C'est pourquoi, si quelqu'un doute ou n'est pas certain d'avoir formé tel ou tel vœu, il n'est pas obligé de l'accomplir, d'après le sentiment com-,mun embrassé par Cabassut, Suarez, Rebelli., Prado, Sanchez, Castropal., Anacl., Salmant. La même observation a lieu lorsqu'on doute si telle ou telle chose est comprise dans un vœu émis ou une loi promulguée, parce qu'il est certain alors que le vœu ou la loi ne possède plus quant à la partie dont on doute. Et d'ailleurs cela se déduit clairement du chapitre Ex parte 18 de censibus. On y trouve que si, après avoir fait un vœu, on est dans le doute sur le plus ou moins d'exigence dans son accomplissement, on n'est alors tenu qu'au moins. Mais dans le cas où
(1) Lab. I. i, 26. 37.
« 4             lîfSTliUCïIOIi  PRATIQUE
l'on a la certitude que le vœu a été formé et que l'on doute seulement de son entier accomplissement, on doit y satijfaire^parge quelapossession est pour le vœu. Quelque&docfeurs cependant, entre autres Cardenas, Roncaglia, Layman, Lacroix, etc., prétendent que si quelqu'un pense probablement avoir satisfait à un vœu (soit la pénitence imposée par le confesseur ou l'office divin), alors il n'a pas d'autres obligations à remplir, parce que Dieu se contente de cet accomplissement probable de ses lois ; nonobstant, disent-ils, que l'obligation du vœu soit en possession ; car, ajoutent-ils, après l'accomplissement probable d'un vœu, la validité de l'obligation devient douteuse, et par cela même l'homme recouvre sa liberté. Mais après avoir réfléchi en travaillant à la dernière édition de mon ouvrage, je ne puis approuver ce sentiment, parce que les motifs qui l'appuient ne peuvent me convaincre. Dans le cas où l'on doute de l'émission d'un vœu, je pose comme certain qu'on n'est pas obligé de l'accomplir, parce qu'alors la liberté est en possession ; mais quand on a déjà été lié par un vœu positif, je ne saurais concevoir que l'accomplissement probable de ce » ir<Bu puisse décharger entièrement des obligations qu'il impose. On pourrait assurément admettre une telle opinion dans le cas seulement où la probabilité serait assez grande pour tenir lieu de la certitude morale de l'accomplissement du vœu. On peut dire la même chose de l'obligation de l'assistance au service divin et du sacrement de la pénitence. Ainsi quand quelqu'un a fait un vœu, et ensuite en a rempli les obligations sans se rappeler s'il a fait ce vœu, nous pouvons dire que dans un tel cas il n'est pas obligé d'y satisfaire de nouveau, toutes les fois qu'au souvenir de ce vœu se
POtn  LES  CONFESSBUnS.              *5
joint la certitude d'en avoir rempli les conditions imposées : c'est le sentiment commun. Trac. X. n » 120.
XVIII. Concluons encore que quand un supérieur commande, le subordonné est obligé d'obéir, toutes les lois que la cbose commandée n'est pas certaine-mentillicite ; carsil'ona seulement un doute sur son injustice, alors l'autorité qu'a le supérieur de commander ayant la possession, dans le doute on ne peut lui ôter cette faculté. C'est ainsi que pensent communément saint Bonaventure, saint Antonin, Cajetan, Silvius, Cabass., Tournel., Azor, Sancti., Palaus, Sal-manti ;ce qui se prouve encore ex cap. quid culpatur test. 23, qu. 1, où saint Augustin dit : « Qu'un soldat obéil avec raison à un général qui lui commande de se batlre, toutes les fois qu'il n'est pas certain de l'injustice de celte guerre. » On doit cependant limiter le sens de· cette doctrine qui autorise et prescrit l'obéissance, pour des cas dont l'injustice est douteuse, surtout quand l'accomplissement de tels ordres emporte avec soi le péril d'un grave dommage temporel· ou spirituel. Il en serait de même si la chose commandée était probablement illicite, ou d'une exécution à la fois dangereuse et difficile ; telle est la doctrine de Lessius, Soto, Tournely, Prado, Sanchez, Holsmann, liusemb., Castropal., Salmanti. et plusieurs autres (1).
XIX.. Celui qui doute s'il a atteint sa vingt et.unième année, n'est pas obligé au jeûne ; mais s'il doute d'avoir atteint sa soixantième année, âge auquel il est probable qu'on est dispensé du jeûne ecclésiastique, comme nous le verrons dans le Traité XII, n° 25, en parlant du jeûne ecclésiastique ; alors
(1) Lib. ?. ?· 31.
a6              INSTBUCTION  PRATIQUE
il doit satisfaire au jeûne, parce que le précepte du jeûne a la possession : il en est de même lorsque quelqu'un doute s'il a atteint l'âge requis pour entrer dans les ordres sacrés, obtenir des bénéfices, parce qu'il est sous l'empire des préceptes de l'Église. Pareillement si on se trouve dans la nuit du jeudi au vendredi, et que l'on doute que minuit ait sonné, il est permis, après avoir examiné la chose avec soin, de manger de la viande : mais il n'en serait pas de même si l'on se trouvait au samedi. Celui qui doute s'il n'a pas pris quelque chose après minuit, peut-il communier ?Quelques uns sont pour la négative, et beaucoup d'autres, parmi lesquels se trouvent Laymann, Ëmanuel Sa, Lacroix, Sporer, sont pour l'affirmative, mais comme probable, parce que la loi qui requiert l'état de jeûne pour la communion n'est pas positive, mais prohibitive, c'est-à-dire que celui qui n'est pas à jeun ne peut pas communier, comme on le voit aussi d'après les canons que je cite dans mon grand ouvrage. Par conséquent, toutes les fois qu'il n'y a pas cas de prohibition, c'est-à-dire qu'on n'a pas la certitude d'avoir rompu le jeûne, le fidèle peut communier, la possession est pour lui.
XX. Nous pouvons encore conclure que s'il survient un doute sur un empêchement d'un mariage contracté de bonne foi, et que ce doute dure après toute la diligence possible pour l'éclaircir, l'épouse peut rendre et demander le devoir conjugal (1). On peut en induire enfin que celui qui, certain d'une dette, doute d'y avoir satisfait, est tenu de payer. Au contraire, celui qui doute d'une dette n'est pas tenu
(i) Lib. ?. ?. 5a.
POUR  LES  CONFESSEURS.               S 7
de rendre s'il est possesseur de bonne foi ; car la possession, pourvu qu'elle soit légitime et licite, donne un droit si assuré au possesseur de retenir ce qulil possède, que rien ne peut le lui retirer, si ce n'est le droit certain de son prochain. Aussi saint Augustin dit-il (Can. si Virgo, 54, 9, 1) : « On est véritablement et légitimement possesseur, tant qu'on ignore que l'on possède le bien d'autrui. » C'est encore la doctrine de Layman, Castrop.,Lugo, Ronca., Cardenas, Molina, Sanchez, cardinal Sfondra., Sporer (1) et beaucoup d'autres docteurs. Il faut dire le contraire si la possession est incertaine, c'est-à-dire douteuse ou acquise avec yne certitude incomplète, parce qu'alors la restitution doit être faite proportionnellement à ce doute. Je pense aussi que l'on doit restituer (et beaucoup d'autres sont du même sentiment), dans le cas où le possesseur est surpris par le doute de la légitimité de sa possession, et a oublié en temps opportun de prendre les informations nécessaires ; parce qu'alors il a frustré son prochain tout au moins de l'espérance qu'il pouvait avoir de recouvrer sa créance ; et nécessairement pour compenser cet oubli, il est obligé à la restitution.
TROISIÈME POINT.
De la conscience probable.
ai. De la conscience probable.
22. En matière de foi.
25. De médecine.
u4· De justice.
(a) N. 56. et lib. U. n. 6uet7oi.
28               INSTRUCTION  PRATIQUE
2 à à a 7. Des sacrements.
28. De dommage à P-égard du prochain.
29. Degrés de la probabilité.
00. De l'opinion légèrement probable et de l'opinion probabilissime.
??. De l'opinion probable et plus probable. XXI.-La conscience probable esl celle qui, appuyée sur une opinion probable, dicte que telle ou telle action est licite. L'opinion probable est celle qui repose sur quelque grafe motif capable d'entraîner l'assentiment d'un homme prudent.  Mais" avant tout, il faut savoir qu'il est défendu d'agir suivant une opinion probable lorsqu'on court le danger de léser son prochain, surtout quand il se trouve entièrement dans la possession de son droit. Car il faut observer, avec le père Suarez, qu'autre est le cas où il s'agit du simple droit, savoir : si nous pouvons faire légitimement telle ou telle action ; autre, celui où il s*agit du fait en lui-même et de la vérité de la chose, puisque si une telle opinion est erronée, il est certain que le'prochain en souffrira du détriment ; il est évident, dès lors, qu'il ne nous est pas permis d'agir d'après une opinion probable. Expliquons notre idée plus clairement au moyen d'un exemple : si je doute qu'un tel objet est un homme ou une bête, je ne puis le tuer avant que je sois devenu certain que c'est une bête, quand bien même j'aurais une grande probabilité que c'est une bête ; car si c'était un homme, en le blessant, même d'après une opinion très probable, je ne lui en" cause pas un moins grand mal.
XXII. D'après cela, nous devons conclure en premier lieu qu'en matière de foi et des choses nécessaires au salut éternel, non seulement on ne peut
POTJB  LES  CONFESSEURS.               29
suivre l'opinion peu probable, comme le prétendait la proposition quatrième, condamnée par,Innocent XI, mais encore l'opinion plus probable et même probabilissime ; mais nous sommes tenus de suivre en cela l'opinion la plus sûre, et par conséquent la religion la plus vraie et la plus sûre de toutes, comme est la catholique ; car en restant dans le sein des autres religions, qui sont fausses, bien "qu'elles paraissent aux yeux-de certaines personnes être plus probables, elles ne pourront néanmoins éviter la perte dejeur salut éternel en resluni privées des sacrements et des autresmoyensnécessairespour arrher à la vraie félicité.
XXIII. Nous dirons, en second lieu, que le médecin doit employer Jes remèdes dont l'effet est le plus sûr pour guérir le malade ; il ne lui est pas permis d'employer des remèdes dont il ignore le bon ou mauvais effet, dans A§|but de faire quelque expérience ; seulement quelques savants pensent que si le malade est dans un état désespéré, il peut être permis au médecin de lui administrer un remède douteux qui peut le guérir ou m|nie accélérer sa mort ; d'autres nient celte faculté, et d'autres en grand nembre,.entre autres Sanctu ?, Valence, Laymann, Busembaum, l'admettent comme probable, pouvu toutefois que la mort soit certaine ; car la nature permet de risquer un peu de vie dans l'espérance de produire une guérison complète (i).
XXIV. En troisième-lieu, un juge doit asseoir ses décisions sur les sentiments les plus probables, parce que les lois divines et humaines l'obligent à dispenser la justice à chacun suivant la plus grande
(1) Uh. 1. n. 46.
probabilité des motifs qui lui sont présenté*. C'est précisément pour eela que le pape Innocent XI condamna cette onzième proposition ; « Je pense probablement que les jugea peuvent juger d'après les opinions raêineles moins probables. » Sur quoi, néanmoins, Cardenas, Filquera, Lacroix et d'autres, ap-puyés sur un. fondement inébranlable, observent que, si l'accusé possède légitimement la chose disputée, le juge ne peut pas l'en dépouiller, à moins' que l'autre partie ne présente des raisons telles, qu'elles soient non seulement plus probables, mais encore convaincantes ; puisque (commenous l'avons dit au no 20 ) la légitime possession, d'une chose donne à chacun le droit certain 4e la retenir tant que le droit d'autrui n'est pas parfaitement établi. C'est ce que prouve Cardenas par un grlrod nombre d'arguments appuyés de l'autorité des docteurs ainsi que des lois (1).
XXV. En quatrième lieu, dans l'administration des sacrements, le ministre ne doit pas agir d.'après l'opinion probable ou même plus probable de la valeur du sacrement ; mais il doit suivre les opinions les plus sûres et même moralement certaines. C'est pour cela qu'Innocent XI proscrivit cette proposition : « II n'est pas défendu dans ? administration <jes sacrements d'agir d'après l'opinion probable de la valeur du sacrement, en laissant de côté l'opinion la plus sûre ; à moins que la'loi, les conventions ou la crainte d'encourir quelque grave dommage ne s'y opposent. » Ainsi OB ne doit pas s'appuyer seulement sur l'opinion probable dans l'administration du baptême » de l'ordre sacerdotal ou episcopal.
u) lib. IV. ?. 310. ?. quar. 11.
Nous devons cependant remarquer ici que dans deux cas particuliers on peut se servi · de l'opinion probable, même à l'égard de la valeur des sacrements.
XXVI. Le premier cas a lieu quand l'administré se trouve dans une extrême nécessit* ; alors il est permis de se servir de toute opinion probable, et même de l'opinion légèrement probable, comme l'affirment beaucoup de docteurs (1). U ais il est bien entendu que l'administration doit avoir lieu condi-tionnellement, si on le peut, parce qu<, de cette manière, on n'en souille pas la sainteté ; ous les cas de nécessité sont des motifs suffisants pour rendre l'administration conditionnelle.
XXVII. Le second cas a lieu quand on présume que l'Église peut suppléer à la validité du sacrement, Comme il arrive lorsqu'on contracte ui mariage dont la validité est probable, parce qu'alors on présume que l'Église lèvera les empêchements pour rendre le mariage valide ; c'est le sentiment commun des docteurs, avec Suarez, Lessius, Cardenas, ainsi que de Lugo, qui atteste que c'est une pratique consacrée dans toute l'Église (2). La même chose peut s'appliquer au sacrement de pénitence lorsqu'il s'agit de la juridiction du confesseur ; puisque, juand il existe une opinion vraiment probable relativement à celte juridiction, l'Église la supplée en ia conférant, lorsque le confesseur ne l'a pas, par la raison que les confesseurs ont l'habitude générale de donner l'absolution avec la probabilité, comme 1 attestent communément Suarez, Lugo, Cardenas, Sanchez, La-
(1) Lîv. VI. ?· ??5. ad. m et 48a. infr. ( ») Ub. ?. ?. 5o. et lib. VI. H. 901.
?2               INSTRUCTION  PRATIQUE
croix, Salmanti,, Malder, Castrop., etc. (?). Pour nous, nous n'admettrons une telle opipion que dans le cas d'une nécessité grave ou au moins^ d'une grande utilité, suivant lés restrictions émises par Wigandt, Holsmann, Sporer, etc., et Duperé, Suarez avec eux. Autrement on -ne doit pas présumer que l'Église veuille favoriser ainsi la liberté des prêtres.
XXVIII. C'est pourquoi (comme on l'a vu au n° 21) il n'es ! pas permis de suivre une opinion probable avec le danger de causer du détriment à autrui. Ceci s'applique aussi quand le prochain possède certainement son droit ; autrement l'opinion pourrait être pratiquement probable quant au droit, ou prochainement probable, comme s'expriment les docteurs, comme est, par exemple, l'opinion qui dit que quand quelqu'un a été diffamé dans un lieu, on ne lui porte pas uri préjudice considérable en le diffamant dans un autre lien où son déshonneur -est inconnu. Mais le lecteur peut consulter sur ce point le chapitre xi, n° ia, ainsi que mon grand ouvrage, dans lequel la doctrine précédente est détaillée ^avec tous les autres eas qui s'y rattachent ; la raison en est que, dans tous ces cas, le prochain est considéré comme n'ayant pas un droit certain, ou au moins la. possession certaine du droit.
Ce que nous avons dit ici a lieu quand il s'agit d'un pur fait. Il en est autrement quand il est question du pur droit et de la seule honnêteté de l'action ; car alors il n'est pas permis d'a'gir avec l'opinion probable. Mais il faut considérer ici quelle et comment doit être la probabilité de l'opinion, pour que nous puissions agir légitimement. C'est pour cela que
(1) lib. I. n. 53.
POUR  LES  CONFESSEURS.             35
nous devons distinguer l'opinion légèrement probable, la probable, Ig, plus probable, la probabilissime et la moralement certaine. L'opinion légèrement probable est celle qui a quelque fondement, mais non suffisant pour déterminer l'assentiment d'un homme prudent. L'opinion probable au contraire, comme nous l'avons dit déjà plus haut, est celle qui repose sur un fondement assez grave pour former un assentiment prudent, sans cependant exclure la crainte de l'opinion opposée. L'opinion plus probable est celle qui a un fondement plus grave, mais qui néanmoins n'exclut pas encore une crainte prudente de l'opinion contraire, quand cette opinion contraire peut être vraie, quoiqu'elle paraisse moins vraisemblable. L'opinion probabilissime est celle qui repose sur un fondement si grave, que l'opinion contraire ne paraît pas fort probable ; mais parce que l'opinion probabilissime ne sort pas des bornes de la probabilité, quoiqu'elle - tienne la première place parmi les opinions probables, elle n'exclut pas pour cela toute crainte que l'opinion opposée ne puisse être véritable dans quelques cas très rares. L'opinion, ou pour mieux dire le sentiment moralement certain, exclut tellement toute crainte prudente, que l'opinion opposée* peut être regardée comme tout-à-fait improbable.
XXX. De là il en résulte deux choses certaines.La première, qu'il n'est pas permis d'agir d'après une opinion légèrement probable, comme le prouve évidemment la censure portée par Innocent XI contre la 3e proposition : « Généralement, quand on agit d'après une probabilité, soit intrinsèque, soit extrinsèque, quelque légère qu'elle soit, pourvu qu'on ne sorte pas des bornes de la probabilité, on agit pru-emment. » La raison en est que la probabilité légère
34              INSTRUCTION  PRATIQUE
ne peut être regardée comme vraie probabilité ; de même qu'une force légère, une habileté légère, loin d'être regardées comme une véritable force et une véritable habileté, s'appellent faiblesse et une impéri tie. La seconde, toute contraire, c'est qu'il est permis d'agir d'après l'opinion probabilissime, comme il résulte de la proposition suivante, condamnée par Alexandre VIII : « II n'est point permis de suivre l'opinion la plus probable entre les opinions probables. » C'était aussi le sentiment de Sinnich et de Vendredi.
XXXI. Il nous reste maintenant à discuter deux questions. La première, s'il est permis de suivre l'opinion légèrement probable contre l'opinion plus probable, qui est en faveur de la loi. La seconde, si, les deux opinions étant également opposées ou également probables, il est permis de suivre la moins sûre. Nous disons également ou comme également probables, parce que, comme en conviennent tous les probabilistes et les antiprobahilistes, si la prépondérance pour l'une ou pour l'autre des deux opinions est faible, de sorte qu'il y ait un léger ou un grand doute, alors les deux opinipns peuvent être regardées comme également probables selon l'axiome connu : farum pro nihilo reputatur.
XXXII. Nous ne nous arrêterons pas à la première question parce que sa résolution est trop évidente. Nous disons qu'il n'est pas permis de suivre l'opinion moins probable, quand celle qui est en faveur de la loi est notablement et certainement plus probable ; parce qu'alors l'opinion la plus sûre n'est déjà plus douteuse (en l'entendant d'un doute strict, comme nous le verrons dans la seconde question) ; mais elle est moralement ou quasi-moi'alement certaine, ayant en elle-même un fondement certain d'être vraie ; au
POUR Lf§ CONFESSIÏJJIIS.            35
contraire J'opinion moins sûre et beapcoup moiris probable p'a pas un tel fondenjept dp vérjté. 4ÌPM quand une opinion de cette pâture reste dans 1 état léger de prpbabilité pu que sa probable e§t douteuse en la comparant à une opjnion plus sûre, alors iì n'y aurait pas prudence inajs, imprudence très grave de vouloir la suivre. Ainsi quand l'intelligence reconnaît avec un certain dçgré de certitude que la vérité es t en faveur de Ja lqi et pon point de la liberté, alors la volonté ne pourrait plus prudemment et sans se rendre coupable embrasser h parti le moins sûr, parce que dans un tel cas, l'homme, n'agirait pas d'après son jugement propre pu sa propre conviction, mais par une force aveugle de sa volonté qui obligerait son intellect à s'éloigner de la gar fie qui lui semble la plus vraisemblable e.t ^ adppter celle qui non seulement ne lui apparaît pag yraie, mais ne lui donne mêrne aucun fondement certain de la possibilité d'être vraie,. C'e^t ce qui a fait dire à l'apôtre : « Omne quod non est ex fide, peccatum est. (Rom.
XIV. 2 3). »
?????. Quant à la seconde.question (que nous examinerons lopguement), nous disopç que quand l'opinion moins sûre e^t également ^ob^bje, pp peut légitimement la suivre,'parce qu'alors Ja ^ qçjt douteuse, et que dans ce cas elle n'pblige p^ d'après le principe certain, qui, comme 'poujs 1? vepqps, esj ; indubitable suivant la doctrii}ç de saint Thonjas, qui affirme, « qu'une ^oi douteuse ne peut imposer une obligation certaine. »
XXXiy. f !xam,inons la chose dans ses prinpjpes en nous laissant toujours guider par le docteur Angélique, qui défanit la loi de la manière suivante : « La lo ! est une certaine règle et une mesure des ac~
36             INSTRUCTION  PRATIQUE
tions suivant laquelle l'homme est induit à agir ou détourné d'agir. On l'appelle loi, du mot lier, parce qu'elle oblige à agir(i). « D'où saint Thomas conclut que pour que les subordonnés soient obligés à l'observation de celte règle ou de cette mesure de la loi, il faut qu'elle leur ait été manifestée par la promulgation. C'est pourquoi dans l'art. 4 de la même ques-iion, il propose le doute suivant : « Utrum promulgari tio sit de ratione legis ; »et il répond ainsi : « Lex ? » imponitur aliis per modum regulae et mensurae ; 5) regula autem et mensura imponitur per hoc quod « applicatur his, quae  regulantur et Tnensurantur. » Unde ad hoc qeod lex virtutem obligandi obtineat, » quod est proprium legis, oportet quod applicetur « hominibus, qui secundum eam regulari debent. » Talis autem applicatio fit per hoc, quod in notitiam ? » eorum deducitur  ex ipsa promulgatione.  Unde « promulgato ipsa necessaria est ad hoc, quod lex « habeat suam virtutem. « Ainsi la loi avant sa promulgation n'a pas la vertu d'obliger, parce que les lois, suivant Gratien, dans le nan. In istis, distin.^, n'acquièrent la force tie loi, et ne sont proprement loi » qu'après leur promulgation. « Leges tunc instituuntur cum promulgantur. » D'où saint Thomas définit succinctement la loi î « Quaedam rationis ordi- » natio ad bonum commune promulgata (2). Notez, » ordinatio promulgata. »
XXXV. Cette promulgation est aussi nécessaire pour obliger à l'observance des lois humaines, que pour les loisdivinesetnaturelles, selon ce qu'enseigne le même saint docteur, dans l'art, cité ad. 1, car il
(1)  1. 2. q. 90. a. 1. Sylv. 1. a. q. 90. arN 4.
(2) S, Thona. 1. a q, g, a h.
POUR tES CONFESSEURS.               $7
se fait l'objection suivante : « Lex naturalis maxime » habet rationem legis ; sed lex naturalis non indiget « promulgatione ; ergo non est de ratione legis quod »promulgetur. » Puis il répond ainsi : « Dicendum, » quod promulgato legis natura est, ex. hoc ipso » quod Deus eam mentibus hominum inseruit naturaliter cognoscendam. »I1 ne prétend donc pas que la loi naturelle n'a pas besoin de promulgation, mais au contraire il admet la nécessité de cette promulgation ; il dit seulement que la promulgation de la loi naturelle ne se fait pas d'une manière humaine, mais avec les lumières naturelles qu'elle apporte dans l'esprit des hommes. Silvius explique cela encore plus clairement en disant que la loi naturelle est promulguée actuellement à chacun, lorsque actuellement chacun la connaît : « Actualiter tunc (lex) « unicuique promulgatur, quando cognitionem a « Deo accipit dictantem, quid juxta rectam rationem, » sit arnplectendum, quid fugiendum (1). »X.e cardinal Golti (2) a dit la même chose en écrivant que toutes les lois n'ont pas besoin de la même promulgation, puisque la loi humaine se promulgue au moyen de signes extérieurs, et avec une certaine solennité ; tandis que la loi naturelle est promulguée par l'impression des lumières naturelles. L'auteur que nous venons de citer ne doute aucunement que la promulgation ne soit nécessaire pour l'une et l'autre espèce de lois : « Ad hoc ut lex in actu se- » cundo obliget, requiritur quidem indispensabiliter, »ut subditis promulgatione proponatur ; sicut men- »sura in actu secundo non mensurat, nisi mensu-
(1) Silvius. 1. 2. q. go. a. 4. in fin-
« Gotii. torn. II. tra. 5 de leg. —Gone t. in clyp. Iheol.
SB          iNSMucïiof ? PRATIQUE
Miabîlî àpplicetur. » C'était à'ù'ssl la doctrîiie du père Gonet, qui rapporte que cela est communément enseigné pat les théologiens. Il l'expose autre part d'une manière plus diffuse pour prouver qu'on doit admettre une ignorance invincible des préceptes naturels qui se déduisent d'une manièie médiate et par un long raisOniiëmèni des premiers principes : « Lex enim vini obligalìdl nort ha'bet, nisî applicetiir « hominibus per promulgationem ; sed lex naturalis » fîôn promulgatur ominibus Hominibus quantum ad » oiimià praecepta, quas sunt remotissima a piimis » principiis ; ergo tìon obligat om'nes quantum ad » illa praecepta. Subindequé potest dari dè illis ignorantia invincibilis et excuSa'hs a peccato. » Ensuite ?. 48> il coriÌìrmfe cela, en disant : « Plerù'nique » esse fortunae, non volutìtiitÌs, quod homines pec-sòeilt, ? ei non peccent prout videlicet id quod agunt » est conforme vel difforme juri naliirali db eis igno- » fàto i qilôd etiaffl absurdissimum est, cuni vera et » sola càdsa peccati sit voluntas Creata, ut operans « difformiter ad regulas moruiu. »De tout Cela nous devotio fcdilClure que l'hdhiine ne s'aurait être lie par là toi divine avant qu'il tì'en ait afcquis la science. XXXVI. Je dis sblenfcé, pSibe qiielà boiinaissarice âé là loi que l'hOmine doit se prop*os"er comme la mesuré de ses actions', doit par delà" même être certaine i autrement, conlmerit pourrait-il mesurer se£ abtions aveb une règle ambiguë et incertaine ? « Vèi lfegein fehlni fcognrtio p'eCCati, dit saint Paul (Rdffla. iit. 20 ). » Saint Thòhlas a dit aussi : « C'est la loi ?? donne la cònnais"sanbe du péché et appreildce qu'il faut faire ou éviter. » Et parce que la loi entraîne obligation, d'eek pour cela qu'elle doit être manifeste, comme l'enseigne aussi saint Isidore. » Ei it autem
POUR LES CONFESSEURS.               3?,
lex manifesta. (Can. Erit autem, dist. 4), »Panorme écrit dans ce sens : « Ubi lex est multum dubia, excu-satur quis a juris ignorantia. » En outre, la raison naturelle" prouve que l'on ne doit se regarder en aucune manière obligé d'observer des préceptes de l'existence desquels on doute, comme on le voit : « Quibus modis nat. eff. g. Ndtbra, »d'où la règle : « In dubio, riullus praesumitur obligatos. » SaintTho-mas reproduit 1& même doctrine en disant que la loi (et il parle de la loi divine et éternelle) doit être certaine pour obliger. Le mêtne sitint se fait cette objection : « Mensura debet esse certissima ; sed lex » aeterna est nobis ignota ; ergo non potest esse nostrae « voluntatis mensura, ut ab eâ bonitas voluntatis » nostrae dependeat. » II répond ainsi : « Licet lex « aeterna s"it nobis ignota, secundum quod est in « mente divina ; innotescit tamen nobis aliqualiter « per rationem naturalem, quae ab ea derivatur ut » propria ejus imago, vel per aliqualem revelationem » superadditam. » Ainsi saint Thomas ne nie pas que la loi divine, qui est notre guide, doive être certaine ; mais il dit seuleinent qu'il n'est pas nébessaire que nous la connaissions1 comme Dieu-la connaît, mais qu'il suffit qu'elle nous soit connue par la raison naturelle ou par quelque révélation spéciale.
XXXVII. Dans cette question : « Utrum conscientia « liget (?), » le saint docteur établit cette doctrine avec plus de force : « Ita se habejimperium alicuius « gubernantis ad ligandum in rebus voluntariis illo « modo ligationis, qui voluntati accidere potest, si- »cut se habet actio corporalis ad ligandum res corporales necessitate coactionis. Actio autem corpo-
(0 8. Thbtn. deveni, qu, i7. a. 5.
A »              INSTRUCTION  PRATIQUE
 » ralis agentis nunquam inducit necessitatem in rem » aliam, nisi per contactum coactionis ipsius ad rem » in qua agit. Unde nee ex imperio alicujus domini » ligatur aliquis, nisi imperium atlingat ipsum,.cui »irnperalur. Attingit autem ipsum per scientiam. » Unde nullus ligatur per praeceptum aliquod > nisi « (remarquez) mediante scientia illius praecepti. Et »ideo ille qui non est capax notitiae praecepti, nonli- » gatur ; nec aliquis ignorans praeceptum Dei ligatur ad » praeceptum faciendum, nisi quatenus tenetur scire » praeceptum. Si autem non teneatur scire, nec sciat, « nullo modo ex praecepto ligatur. Sicut autem in » corporalibus agens corporale, non agit nisi per con- » tactum, ita in spiritualibus praeceptum non ligat « nisi per scientiam. » Saint Thomas a donc pour certain, que l'homme n'est obligé en rien au précepte, s'il n'en a pas la science. Alors seulement, il perd la faculté d'aller où il veut ( selon ses expressions), quand il est lié par le précepte dont il a la connaissance : « Ille enim qui ligatus est,, necessi- » tatem habet consistendi in loco ubi ligatus est, et » aufertur ei potestas ad alia divertendi. »
XXXVIH. Qu'on n'oppose pas l'exception que le même saint nous fournit, lorsqu'il dit : * Celui qui ignore le précepte de Dieu, ne peut être obligé à son observation, à moins que (voici l'exception) il ne soit obligé d'en avoir la connaissance. » Par ces paroles, le docteur angélique ne prétend pas enseigner qu'il y a péché de la part de celui qui est tenu de savoir leprécepte, lorsqu'il agit contre lui, quand bien môme il l'ignorerait invinciblement ; il veut dire seulement qu'il y a certainement péché de la part de celui qui, étant tenu de savoir le précepte, et connaissant l'obligation.où il est de le connaître,
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le transgresse volontairement, parce qu'alors son ignorance est vincible et coupable. Et c'est pour cela qu'il dit dans le même article ad ? uart. : « La conscience erronée ne suffit pas alors pour absoudre, lorsqu'on pèche dans son erreur, « Tum conscien- » tìa erronea non sufficit ad absolvendum, quando »in ipso errore peccat. » Et il est évident qu'il pèche dans son erreur, celui qui néglige criminellement de connaître ce qu'il doit connaître, comme saint Thomas nous l'explique ailleurs d'une manière plus diffuse, d'après l'autorité de saint Augustin : « Ignorantia quas est omnino » involuntaria, non est peccatum. Et hoc quod Au- » gustinus dicit : Non tibi imputatur ad culpam, si » invitus ignoras, sed si scire neglexeris (lib. 3. de « lib. arb. c. 16). Per hoc autern] quod ait, si scire » neglexeris, dat intelligere, quod ignorantia habet » quod sit peccatum ex negligentia praecedente, quae » nihil est aliud quam non applicare animum ad scien- »dum ea quae quis scire debet {}). » Il ajoute peu après que celui-là seulement pèche qui : « Ne impe- » diaturapeccatoquoddiligit, scientiam récusât ; et sic » ignorantia est a voluntate quodammodo imperata. »
Maislorsque l'ignorance n'est volontaire en aucune manière, au moins par la raison d'une négligence volontaire, elle n'est pas criminelle, comme nous le démontrerons plus au long, chap. 8.
XXXIX. Ainsi ( en revenant à notre question ) toutes les fois que la loi est incertaine, elle ne peut imposer une obligation certaine, parce qu'alors elle n'est pas suffisamment proposée à l'homme, comme
(1) S. Th. de verit. qu. 3. art. 7. ad. 7.
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le dit avec raison (i) le père Suarez : « Quamdiu est »judicium probabile, quod nulla sit lex prohibens » actionem, talis lex non est sufficienter proposita » homini ; unde cum obligatio legis sit ex se one- »rosa, non urget, donec certius de illa constet. » Car il est évident que ce n'est pas la loi qui est alors proposée, mais seulement l'opinion qui affirme qu'elle existe, suivant les paroles du père Paul Sé-gneri, dans sa première lettre sur l'opinion probable, paroles que je veux reproduire parce qu'elles sont capables de cor vaincre : « La loi n'est pas loi, » à moins qu'elle ne soit suffisamment promulguée, » comme écrit Gratien, dist. 3 : « Les lois sont instituées dès qu'elles sont promulguées : Leges insi i- » tuwntur dum promulgantur. Saint Thomas, 1. a. » q. 90 a. 4, où il traite delà loi, enseigne de même
• qu'une suffit pas que la loi émane de l'autorité, « mais qu'il est nécessaire de plus qu'elle soit pro-
• mulguée : Unde. promulgato, ipsa necessarìaeslad » hoc, quod lex habeat suam, virtutem. Or, comment » peut-on regarder connue suffisante la promulgation d'une loi, à l'égard de laquelle les docteurs » sont encore en dispute ? Mais k loi qui est balan- »cée entre deux termes contraires, n'est pas encore « loi ; c'est une opinion, et si c'est une opinion, elle »ne saurait être loi. Ainsi il est probable, que dis-je, »il est presque indubitable qu'une telle loi n'existe « pas, parce qu'elle n'a pas été promulguée par des » signes suffisants. En effet, ne semblerait-il pas cruel »à tous les esprits raisonnables d'être astreints à « suivre les opinions probables comme des lois ? Il
(1) Suarez, do coûsc. pvob. disp. 12. sect. 6/7. j
POt »  LES  CONiÈSSEURb.              4*
 » alriverait donc qtië lès1 opinions probables, ??? les » casuites peuvent évaluer à de s milliers, deviendraient » tbut-à-coup àutarit de lois.               ^  t
XL. Dans les derniers temps, le savant père Etisëbe Aihort a défendu avec force l'opinion que tibiis soutenons, dans sa Théologie morale el scolas-titfu'e, imprimée à Boulogne, vers l'année 175S, après" elvoir été revue à Rome par Beitcfit XlV, suivant le vœu qu'exprimait le mêrtie dulèOr datis sa5 Préfacé. L'auteur dît ^i) : « q"ue dès que l'opinion, a l'égard de la loi, ne parait pas évidemment et nota-blenlfent plus probable, il est moralement certain que la loi ne peut entraîner obligation ; car si Dieu, dans sa divine Providence, Veut que cnâctm'e de ses lois soit obligatoire, il est tend de les rendre èviclem-rilent et ribtablement plus probables. « 0<iandocum- » que existentia legis lìbiì redditur crèdibilìdr, non « ipsa, moraliter certain est, nori dari lbgetti ; quia »ex natura providentiae divitiae Deus, sicut tenetur » suam rèligiòneni reddere evidenter credibiliorem,
• rionipsa ; ita etiam" tenetur siiattì Ìegein reddere
• notabiliter crédrbilibrfem, seu p'rbBabilioreih, non « ipsa. » Le Seigiìeur doit faire cb'nilaltre là loi plus probable afìtì de retldre SÓti bbservàtìoh obligatoire, ridn par le inojên de cette tkême loi, mais par le mojendes motifs qui la rendent évidemment et notà-Llemeht plus probable. Dansun autre endroit ou l'auteur discute d'une manière plus diffuse cette question, il présente l'argument que nous avons dëjâ posé plus haut, savbir : que lorsque la loi est strictement ddu-
teu^e,elIen'a|)asuheprorflUlgàtion,sanslaquëllelaloi u'eâtp'às loi, ott ad moiriS n'èstdas une loi qui oblige :
(1) Ainort iheol. lom. 1. disp. 2, § 4, q. io.
44               INSTRUCTION  PBAT1QOE
 » In hoc casu, non datur lex directe prohibens, quia »in casu (quand les deux opinions sont également » probables) non datur sufficiens promulgato legis, » quae est character inseparabilis et essentialis legis ; » siquidem illa]est sola legis promulgato, qua lex fit » credibilior, non ipsa ( ? ). » Il ajoute que tel est le sentiment des saints Pères : « Patres in dubio stricte tali, » ubi in neutram partem inflectitur mentis sententia, » relinquunt homini potestatem sequendi benignio- »rem ; ergo agnoscunt aliquod generale principium, » quo possit formari prudens judicium comitans de J non existentia legis. » Et de fait saint Grégoire de Nazianze parlant à un certain Novatien (Orat. 69) dit : « Ac juvenibus viduis propter aetatis lubricum » ineundi matrimonii potestatem facis ? At Paulus hoc » facere minime dubitavit, cujus scilicet te magistrum « profitens. At haec minime post baptismum, inquis. » Quo argumento id confirmas ? Aut rem ita se ha- »bere proba, aut si id nequis, ne condemnes. Quod » si res dubia est, vincat humanitas et facilitas. » En outre saint Grégoire-le-Grand écrit (lib. 7. ep. a5 ) : « Melius est in dubiis non dïstrictiorem exequi, sed »ad benignae potius partes inflecti. » Saint Léon (epist. 90. ad Rustic. Narbonens. in praefat. in c. Sicut quaedam, fin. dist. 14. ) : « Sicut quaedam sunt » quae nulla possint ratione convelli, » tels que les préceptes du Decalogue et la forme des sacrements, « Ita multa sunt, quas, aut pro necessitate tem- »porum, aut pro consideratione aetatum oporteat « temperari : illa consideratione semper servata, ul »in iis quae vel dubia fuerint, aut obscura, id nove- » rimus sequendum, quod nec praeceptis Évangelicis
(1) Id. loc. cit. p. 283. disp. de qtt. 5.
????  LES  CONFESSEtJBS.               45
 » contrarium, nec decretis sanctorum Patrum inveniatur adversum. » II dit sequendum, parce que les supérieurs (saint Léon écrivait à un évêque) doivent, à l'égard des sujets, incliner vers l'opinion ia moins rigide, pourvu qu'elle ne soit pas opposée aux préceptes de l'Évangile, ou aux décrets des saints Pères, selon l'avertissement donné par saint Jean Chrvsostome : « Circa vitam  tuam esto  austerus, » circa alienam benignus. In can. Alligant. 26. q. 7. » En outre Lactance écrit ( lib.  3. inst. cap.  27 ) : * Stultissimi est hominis praeceptis eorum velle pa- »rere, quae utrum vera sint, an falsa, dubitatur. » Ce que dit saintPaul revient à cela : « Etenim si incertam vocem det tuba, quis parabit se ad bellum ? Ita » et vos per linguam, nisi manifestum sermonem de-n deritis, quomodo scietur id quod dicitur ?... Si ergo » nesciero virtutem vocis, ero ei cui loquor barbarus ; et qui loquitur, mihi barbarus. (1. Cor. ?4· 8 »et 11.) » Ainsi quand la loi ne nous est pas manifestée, comment pouvons-nous croire que ce soit une loi qui oblige ? A l'appui de notre opinion vient encore ce que dit saint Augustin, et qui confirme en peu de mots tout cequenous\enonsdedire : « Quod « enim contra fidem, neque contra bon os mores « esse convincitur, indifferenter esse habendum. » Remarquez le mot convincitur, parce que, suivantla doctrine  de saint Augustin, toute action nous est permise pourvu que nous soyons convaincus et moralement certains qu'elle n'est point contraire à la foi ou aux bonnes mœurs. Saint Augustin, en écrivant à saint Jérôme (epist. 82) confirme encore la même opinion. « Alios, autem (parlant des écrivains « qui ne sont pas canoniques ) ita lego, ut quanlr.- »libet sanctitate, doctrinaque praepolleant, « on ideo
46              UÇSTpjJGTION  PRATIQUE
)) verum putem, quia ipsi sepserunt ; sed quia mihi » vel per illos auctores paponjcos, vel probabili ra- » tione, quod a verpt non abhorreaj ;, persuadere po- »tuerunt. » Notez « vel probabili ratioqe, quo.d a vero » non abhorreat. » Donc, saint Augustin, pour adopter telle ou tejle ppiijion, n'exige pas la certitude morale qu'elje est vrai ? % mais il regarde comme suffisante toute raison probable qui ne s'élpigne pas de la véritg ; ce qui, par suite, rejiept à dire que probablemenj elle peut être vraie. Nous pouvons y joindre sainj ; Ambroise, qui, en écrivant à Janvier, blâme ces esprits trop timides qui regardant toute opinion comme douteuse, à moin ? qu'elle ne soit appuyée sur l'autorité de l'Écriture, ou la tradition de l'Église, ou qu'elle n'ait pour but de réformer la vie. Voici ses paroles ·' « Sensi enim saape dolens »multasinfirmorum perturbationesfierjper quorum- » dam fratrum contentiosam obstinationem, vel su- » perslitiosam tjmiditatem, qui in rebus hjujusmodi, » quse neque Scriptura ? sanctae auctoritate, neque » universalis Ecciesiae traditione, neque vita ? corri- » gendae utilitate ad certum possunf terminum per-svenire... tam litigipsas excitant qua3stione§, utnisi »quod ipsi faciunt, nihil rectum existiment. (Epist. »adinquis. Januar. e. ii. ?. ?.) Sajnt ?????, en parlant de quelques uns qui prétendaient qu'un certain serment qu'jls avaient prêté était invalide, leur écrit : « Considerapda autem sunt et species » jurisjurandj, et verba et animus qup juraveruivt, »et sigillatim quae verba ijdd^ta fuerunt ; adeo ut si « nulla prorsus sit rei JeniendaB rajtio, tales omnino » dimittendi sunt. (Epis|t. 188. pan. 1. JC.JO.) » II dit donc qu'alors seulement on ne doit pas les écouter quand il n'y a aucune bonne raison en leur faveur.
POUR  LES  CONFESSEURS.              4 ?
On aurait donc dû les écouter s'ils avaient eu quelques raisons à produire. Ajoutons l'autorité de saint Bernard, qui, en parlant en général des questions controversées, écrit à Hugues de Saint-Victor : « Sane « ibi unusquisque in suo sensu securus abundat, « ubi aut certae rationi, aut non contemnendœ auc- » toritari quod sentitur, non obviat. (Cap. 5. num. » 18. vol. 1. oper. ex edit. Maur ; Paris, col. 634·) » Chacun peut abonder avec sécurité dans son sens, lorsque l'opinion qu'on s'est faite ne contrarie en rien la saine raison, ou une autorité respectable. Ainsi, le saint docteur prétend que l'on agit avec sécurité en adoptant les opinions qui ne se trouvent pas en opposition avec une vérité certaine, ou quelque autorité assez puissante pour qu'on ne doive en rien s'en départir. Écoutons encore saint Bonaven-ture, qui, en parlant de.s vœux pour lesquels le pape peut accorder des dispenses, émet trois opinions, et ensuite conclut ; « J'avoue que j'ignore quelle est la plus vraie de ces trois opinions, car chacune d'elles peut être soutenue. Si cependant quelqu'un adopte cette dernière, il n'éprouvera pas d'inconvénient manifeste (1). » Une dit donc pas que l'on dóitpré-férer l'opinion la plus sûre, mais l'une de celles qui peuvent se soutenir.
XLI. D'après cela, on ne doit pas objecter que l'homme nait soumis à la loi éternelle, qui précède notre liberté, et que par conséquent l'homme ne peut faire aucune chose sans savoir avec certitude qu'elle est permise parla loi éternelle, et qu'elle est conforme à la volonté divine ; car nous répondrons que si cela était, la loi divine n'aurait eu aucunement besoin de
( ») In, 4. dist. 38, ». qu, 5.
48              INSTRUCTION PBATIQBE
promulgation ; mais il eût été seulement nécessaire que Dieu nous eût déclaré toutes les choses qu'il pouvait nous permettre de faire, telles que de posséder, de vendre, d'aller à la chasse, et autres choses semblables. Mais Dieu n'a pas agi ainsi, comme nous l'enseigne l'Ecclésiastique par ces paroles : « Deus » ab initio constituit hominem, et reliquit illum in » manu consiliisui, adjicitmandata et praeceptasua... « si volueris mandata servare conser\abunl te. » (Eccl. i5,14.) » Ainsi, aussitôt que le Seigneur eut créé l'homme, il lui donna la liberté de faire le bien ou le mal ; c'est pour cela qu'il lui imposa des préceptes, qu'il donne à connaître à chacun des hommes alors que leur esprit peut en prendre connaissance. Ainsi, comme le dit saint Thomas : « L'homme ne naît lié par aucun précepte. » Et c'est pour cela que notre Sauveur répondit à ce jeune homme qui lui disait : « Maître, quel bien dois-je faire pour acquérir la vie éternelle ? » Au lieu de lui répondre : « Tu ne feras rien en dehors des choses que je t'ai expressément permises, » Jésus lui dit : « Si tu veux obtenir la vie éternelle, observe les commandements. » « Si vis ad vi tam ingredi, serva mandata, id est non ho-<> micidiumfacies,non adulterabis, etc. (Math, xix, 16). » Mais, dira-ton, si à l'égard de certaines actions il a une opinion probable qu'il n'existe aucune loi qui les prohibe, comment pouvait-on dire que l'homme avait la science d'un tel précepte ?
XL1I. On répond à cela : La loi éternelle a une possession antérieure à celle de notre liberté ; c'est pourquoi nous devons, dans le doute, préférer l'opinion qui est en faveur de la loi. Mais, pour éclair-cir ce point, voyons en premier lieu ce que c'est que la loi éternelle ; ensuite nous verrons quand et
POUR  LES  CONFESSEURS.              49
comment elle oblige. D'après saint Augustin, la loi éternelle se définit : « La raison même, ou la volonté de Dieu prescrivant la conservation de l'ordre naturel. »  « Ipsa ratio, vel voluntas Dei ordinem natu- »ralem conservari jubens (i). »  Dans  un  autre endroit, il  dit : « C'est la raison par laquelle il est juste que toutes les choses soient bien  ordonnées. » « Ratio qua justum est ut omnia sint ordi- » natissima (2). » Saint Thomas reproduit la même idée  lorsqu'il dit :  « La raison de la sagesse divine, conduisant tout à sa fin légitime, obtient'ou constitue la nature de la loi, » c'est-à-dire de la loi éternelle. « Ratio divinae sapientiae moventis omnia »ad debitum finem, obtinet rationem legis. » Ce même docteur avait dit dans un autre endroit (?) : « In quolibet gubernante oportet quod praeexistat » ratio ordinis eorum, quae agenda sunt per eos qui » gubernationi subduntur. » Ainsi, d'après ce qu'enseignent saint Augustin et saint Thomas, il résulte que l'ordre des choses que les sujets doivent observer, est la loi naturelle donnée "aux hommes, et que la raison de cet ordre, ou ce qui le gouverne, est la loi éternelle, comme le docteur angélique le déclare clairement : « Ipsa ratio gubernationis rerum in Deo » existens, legis habet rationem ; et quia divina ratio » aeternum conceptum, hujusmodi legem oportet di- » cere aeternam (4). »
XLIII. Plusieurs savants théologiens concluent de ce que nous venons de dire, que la loi éternelle n'est pas proprement une loi, mais plutôt la raison
(0 S. Aug. de Civ. lib. XXII. c. 37. (2) Lib. I. Je Lib. arb. c. 6. (S) S. Thom. 1. a.q. 93. a. 1. (4) S. Thom. 1. a, q. g,, a>,^
T.  XXIII.                              /
des lois qui ont été données dans le temps aux créatures raisonnables. D'autres prétendent néanmoins que la loi étemelle est véritablement et proprement une loi. Mais, de ce que l'on accorderait comme vrai que la loi éternelle a toutes les propriétés d'une loi, comme dans un autre endroit l'affirme saint Thomas, il ne s'ensuit pas que la possession de la loi éternelle ait précédé celle de la liberté accordée aux hommes par Dieu ; car il n'f a pas dans Dieu succession de connaissances et de délibérations, parce que toutes les choses sont présentes à Dieu de toute éternité. L'homme n'a nullement été considéré dans la pensée divine par priorité de raison ou de nature, antérieurement à la loi, puisque le législateur examine d'abord les sujets suivant leur nature,  et ensuite la loi qu'il veut leur imposer. Ainsi, la loi, bien qu'éternelle, présuppose les anges et les hommes, qui ont dû exister dans le temps, afin que Dieu ait pu faire des lois particulière^ aux uns et aux autres. Tout cela est la doctrine de saint Thomas, dans l'art· ? de la quest, gi, sur cette question : « Utrum sit ah'qua lex aeterna ? » II se fait (ad primum) cette objection : « Videtur, quod non sit aliqua lex » aeterna : omnis lex aliquibus imponitur ; sed non » fuit ab aeterno cui aliqua lex posset imponi ; solus » enimDeusfuitab aeterno : ergo nulla lex est aeterna. » Et il répond : « Ad primum dicendum, qued ea quas s ie seipsis non sunt, apud Deum existunt, ia quan-* tum sunt ab ipso cognita, et praeordinata, secun- » dum illud (Rom. 4·) : ( ? »« vocat ea quœ non sunt, » tanquam ea quœ sunt. Sic igitur aeternus divinae legis » conceptus habet rationem legis aeternae, secundum ' » quod a Deo ordinatur ad gubernationem rerum ab »ipso pracogpitarum (i). Notez les paroles, « Rerum (?) Si Thorn. 1,2. q. 92. a. 1. ad. 1.
POIIB  LfcS  CONFESSEURS.              ??
 » ab ipep prsecognitarum. » Ainsi par la priorité de rtfieon', Dieu a d'abord considéré l'homme comme libre et sans entraves ; ensuite il a considéré la loi qui devait lui imposer des qbligations. Par exemple » Dieu a défendu de toute éternité l'homicide ; donc par priorité de raison, il a d'abord considéré les hommes, et ensuite il leur a donné le précepte qui défend à un homme d'en tuer un autre.
XLIV. Ainsi, dira-t-on, l'homme naît libre et indépendant de Dieu ; Non, il naît bien libre, mais non indépendant : l'homme riait assujetti à la puissance de Dieu, et par.conséquent obligé à observer tous les pïéceptes que Dieu lui a imposés. Mais afin qu'il soit lié par ces préceptes, il faut que leur promulgation ait lieu,  et qu'il les connaisse pendant le temps de sa vie, comme l'enseigne le docteur Angélique, 1,2, q. 91,  art. 1, ad.  2, où, après avoir prouvé qu'il existe une loi éternelle, il se fait l'objection suivante : « Promulgatio est de ra »« tione legis ; sed promulgatio non potuit esse ab » aeterno, quia non erat ab aeterno, cui promulga- » retur 5 ergo nulla lex potest esse aeterna^ » II répond : « Ad secundum dicendum, quod promulgatio fit et » verbo, et scripto, et utroque modo lex, aeterna lia- » bet promulgationem ex parte Dei promulgantisn. « Sed ex parte creaturae audientis, aut inspictentie, »non potest esse promulgatio eeterna (1). » Dont saint Thomas ne nie pas que la loi éternelle ait dû être^romulguée aux hommes pour les obliger à l'observer, puisque, suivant ce qu'il dit, ]a promulgation est la raison de la loi. Aussi, dit-il, quand bien môme du côté de Dieu la loi éternelle aurait eu
(1) S. Thom. 1, >. q. 91. a. 1. ad. 2.
5 a               INSTRUCTION  PRATIQUE
sa promulgation avant la cFéation de l'homme, du côté de l'homme, la loi n'a pu lui être intimée avant qu'il existât, et par conséquent, elle ne peut l'obliger, sinon lorsque l'homme entend la loi ou la voit : « Legem audit aut inspicit, * c'est-à dire quand il se sent intimer la loi de l'Église, ou qu'il la connaît par les lumières naturelles·, comme le dit très sagement Silvius : « Actualiter tunc unicuique (lex » œterna ) promulgatur, quando cognitionem a Deo « accipit dictantem, quid juxta rectam rationem sit » amplectendum, quid fugiendum (1). » « La loi éternelle est promulguée actuellement à chaque homme quand il en reçoit la connaissance de Dieu, qui lui prescrit suivant la droite raison ce qu'il doit faire ou éviter (2). » De là, Silvius eonclut que la loi éternelle a été loi de toute éternité matériellement, mais non formellement, ou sous raison dé loi actuellement obligatoire, parce qu'alors il n~'y eut point de promulgation actuelle et parfaite : « Lex aeterna fuit » ab aeterno lex materialiter, non fuit ab œterno for- » maliter, seu sub ratione legis actualiter obligantis ; » quia tunc non fuit actualis et perfecta promul- » gatio (?). » Le savant père Jean Laurent Berti dit aussi que la loi éternelle ne fut pas une loi obligatoire, mais fut préparée pour obliger dans le temps où elle devait être promulguée aux hommes (4). C'était l'opinion du cardinal Gotti : « Lex seterna in »actu secundo neminem obligavit, non ex defectu » virtutis, sed ex defectu termini ; sicut ab aeterno »fuit lex in mente Dei, quamvis pro aeterno non
(1) Sylvius 1. 2. q. 90, a. 4· in fi"·
(2) Ibid. 1. 2, q. 91. a. 4·
(5) Ibid 1. 2. q. 91. a 1. ad. 2.
(4) Bcrli ilicol. lib. II de leg. e. 3. IJ. 2. iu lin.
POUR  LES  CONFESSEtRS.              53
,obligans, nec ligans, quia nondum applicata, et.promulgata (?) ; » du père Gonet : « Deus non.promulgavit legem aeternam, ut creaturae subde-.rentur sibi ab œterno, sed ut sibi subjicerentur in.tempore, pro quo erant futurae in propria men- » sura (2) ; » et de Tournely qui soutient que la loi éternelle fut une véritable loi, mais qui ajoute ensuite : « Quia tamen lex ante creaturarum existen- » liam vere obligans non fuit, cum nihil esset ad • extra, quod ea obligarentur, palam est, rationem » completam legis tunc tantum ei competerepotuisse, « cum extiterunt creaturae, quibus fuit lex promul- » gata, aut saltem quas impressione ipsius moveri cœ- » perunt (3). »
XLV. En outre, saint Thomas, art. 2, quèst. 91, a dit que la loi qui oblige positivement l'homme est la loi naturelle, et non la loi éternelle, parce'que la loi éternelle regarde seulement le Dieu régulateur, et que la loi naturelle regarde l'homme subordonné àlarègle. Ce saint se propose cette question : « Utrum sit in nobis aliqua lex naturalis ? « et ( ad primum) il se fait l'objection : « Videtur, quod non sit » in nobis aliqua lex naturalis ; sufficienter enim »homo gubernatur per legem aeternam. » II y répond : » In corpore, respondeo dicendum, quod « lex, cum sit regula, et mensura, dupliciter potest » esse in aliquo : uno modo sicut in régulante et men- » surante, alio modo sicut in regulato et mensurato · »quia in quantum participat aliquid de regula, sic « regulator... Talis participatio legis aeterna ? in ra- »tionali creatura lex naturalis dicitur. » II répond
(1) Gotti theol. torn. II. tr. 5. q. 2 dub. 1 n. i3. (a) Gonctinclypeo. torn. ??. disp. a. art. 2. ?. ?2, (3) Honorat. Tourn. theol. torn. U. e. 2. q. 3,
S4              INSTRUCTION  PRATIQUE
en particulier à l'objection proposée : « Ad primum « ergo dicendpm, quod ratio illa procederet, si less » naturalis esset aliquid diversum a lege aeterna ; non » autejfl est nisi quaedam participatio ejus (i). » Ainsi, suivant ce qu'enseigne saint Thomas, la loi éternelle regarde seulement Dieu comme suprême régulateur, et la loi naturelle regarde l'homme comme soumis à la règle. C'est d'après cela que le cardinal Gotti écrit : « Que quand bien même la loi naturelle serait une emanation de la loi éternelle, et par conséquent ne différerait pas de la loi éternelle, néanmoins la Ipi naturelle e&tcelle qui oblige, non parce qu'elle én>ane de la Ipi éternelle, mais parce qu'elle a positivement reçu de Dieu la force d'obliger..> « Lex » naturalis, obligat de jure divino, npn quia prœcise est » participatio legis aeternae, sed quia habet Deum auc- » torem, (a)t » Disons, par surabondance, que ce soit la loi éternelle ou naturelle qui oblige et lie proprement l'homme, il est certain qu'elle ne l'oblige que quand elle lui a été appliquée par la promulgation. Autrement, coname nous le reconnaissons avec saint Thomas, Ja loi n'a pas la veFtu d'obliger, parce que, comme l'enseigne ce saint, la loi est une règle ayec laquelle l'homme doit mesurer ses actions ; or, si pet^e règle ne lui est pas appliquée par la promulgation, il ne peut alors s'en servir.
XLVI. Mais, dira-t-on, aucune action ne peut être licite si elle n'est autorisée par la volonté de Dieu ; ajpsi, gpur opérer légitimement, nous devons reconnaître 4'&hprd si l'action est ou n'est p'as conforme à la valante dirinp, Nous répondons à cela que l'on doit
(1) S. Th. r. 2. q. jji. a. 2.
(a) Gotîî theql. toi ». III. *r. 5. q. 2. dub. 1. n. g.
POCR LES CONFESSEURS.              55
suppose* dans Dieu deux volontés, l'une générale, l'autre particulière. La volonté générale nous prescrit d'eiaminer l'honnêteté de nos actions, c'est-à-dire que noue ne devons faire aucune action qui ne BOUS paraisse honnête et licite, comme il est honnête et lipite de se servir de la liberté que Dieu nous a donnée. La yplonté particulière est celle par laquelle le Seigneur, en nous déiepdant de nous servir de notre liberté, nous manifeste en particulier ce que daas certains,cas nous devons faire ou éviter. D'après cela, si la volonté particulière de Dieu ne nous est pas manifestée, nous devons nous conformer à la volonté générale, qui est de ne rien faire sans croire que nous agissons honnêtement ; c'est ; la doctrine de Saint-Thomas : » La volonté de l'homme, dit-il, est obligée de se conformer formellement à la volonté divine, et Bon pas matériellement. » « Voluntas igitur humana ? tenetur copformari divinae voluntati formaliter, sed »non materialiter (1).' » Par ce mot formellement, il entend le désir du bien commun, in volito boni corn-munis, c'est-à-dire que dans toutes nos actions nous devons avoir pour but le bier* légitime. Ainsi, il est légitime et convenable que chacun se serve de la liberté que Dieu lui a donnée, puisque tout ce qtje Dieu ne défend pas est honnête ; et lorsque la volonté paytieulMire de Dieu ne nous est pas connue, nous ne sommes pas obligé^ de nous y conformer, comme l'enseigne saint Thomas : « Et ideo quicumque vult » aliquid eph quacumque ratione boni, habet voluntatem conformem voluntati divinae, quantum ad ra- » tionem voliti.  Sed in particulari nescimus, quid »Deus velit ; et quantum ad hoc, non tenemur con-
(1) I. a. q. ig. a. io.
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 » formare voluntatem nostram divinae voluntati (1). » Donc l'homme n'est tenu de se conformer à la volonté divine qu'autant qu'elle lui est connue ; c'est ce que déclare clairement Gonet : « Homo non te- » netur conformari voluntati divinae in volito rnate- » riali, nisi quando voluntas divina nobis praecepto « vel prohibitione manifestatur (2). » Le cardinal Gotti écrit : « Ratjo legis non consistit solum in esse « ostensivo boni et maii, sed in esse praeceptivo et » obligativo (?). » Saint Anselme l'enseigne en disant : « Non semper debemus velle quod Deus vult, sed « quod Deus vult nos velle debere (4). » Saint Thomas écrit encore : « Etsi non teneatur homo velle » quod Deus vult, semper tamen tenetur velle quod « Deus vult eum velle,, et homini praecipue innotescit « per praecepta divina (5). »
XLVII. Un certain auteur moderne, cherchantpar d'autres moyens à réfuter notre opinion, s'exprime ainsi : « Pour dire qu'une loi est douteuse, on doit douter si cette loi existe oui ou non ; mais cela ne peut être, parce que toutes les lois divines et humaines que nous devons observer sont certaines et suffisamment promulguées. Le doute retombe donc non sur l'existence de la loi, mais sur des cas particuliers, pour savoir s'ils sont ou non compris dans les lois universelles. Si donc nous voulons nous servir du principe supposé, c'est-à-dire que la loi douteuse ne peut imposer une obligation certaine, nous ne pouvons dire que la loi douteuse ou non suffisamment
(1) S. Thom. 1. 2. q. V9- a 10. ad. 1.
(a) Gonet in clypeo. torn. III. d. 6. art. 2. n. 37. in fin.
(3) Gotti. t· 2. q.'dub. 2. § 1. n. 37. in fin.
(4) S. Anselm lib. de sitnil. c. i5g.
(5) S. Thom. 2. 2. q ??4· n. ad. 3.
POUR IBS CONFESSEURS.               &7
promulguée n'est pas une loi ; mais nous devons dire seulement que quand il y a une opinion probable des deuxcôtésquelalois'étendounonàteloutelcas.laloi
certainement ne s'y étend pas. Or, en parlant ainsi, la difficulté du principe se représente, parce que quand il y a doute si quelque action est légitime ou non, si elle est comprise ou non dans la loi, on ne peut adopter un tel principe comme certain. » C'est ainsi que raisonne l'auteur cité, en rapportant fidèlement ce qui a été d'abord écrit par le père Daniel Concina dans sa Théologie chrétienne.
XLVIII. Mais nous lui répondrons avec le texte du même père Concina, qui, dans l'abrégé de cette théologie (torn. ier, De legi., liv. 2, n° 10), dit : « que quoique la loi soit certaine, néanmoins les circonstances diverses qui se présentent font que la loi tantôt oblige, tantôt n'oblige pas ; ; ainsi, les préceptes sont bien immuables, mais ils n'astreignent pas toujours pour telle ou telle circonstance. Nous répliquerons donc : On ne peut pas dire que les lois soient toujours certaines, puisque les circonstances des cas peuvent, en changeant, les rendre douteuses ; or, dans le doute, elles ne sauraient-obliger. « Ainsi, réplique l'auteur que nous avons cité, selon voire principe que la loi douteuse n'oblige pas, vous concluez que, dans le doute, si la loi s'étend ou non à tel ou tel cas, certainement elle ne s'y étend pas. » Mais nous répondons en rétorquant l'argument, et nous dirons : Donc, suivant votre opinion, dans le doute si la loi s'étend ou non à tel ou tel cas, nous devrions dire qu'elle s'y étend ; mais c'est précisément ce que nous nions. Nous ne prétendons pas que la loi, dans le doute, ne s'étende pas à ce cas, mais nous disons que lorsqu'il y a des deux côtés des opinions également probables,
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alors comme il n'est pas certain que la loi s'étende à ce cas, la loi devient douteuse à l'égard de ce cas> et, comme douteuse, ne saurait en traîner d'obligation, puisqu'alors elle n'est pas suffisamment promulguée. Rendons la chose plus claire par un exemple : nous avons la loi universelle qui prohibe l'usure ; mais quand des deux côtés il y a égalité de probabilités qu'un contrat est ou n'est pas usuraire, alors certainement il n'apparaît aucune loi qui puisse le prohiber ; et pour qu'on doute prudemment si tel contrat est ou n'est pas usuraire, il suffit d'avoir une opinion que ce contrat est défendu par la loi ; mais en attendant, la loi qui lé défend n'est pas certaine, et par conséquent la loi reste douteuse à l'égard de ce contrat. A l'égard de l'usure, la loi qui la prohibe est certaine ; mais la loi est incertaine à l'égard du contrat. A quoi donc sert (disent ceux qui nous attaquent) de mettre en question Ge qui n'a pas lieu, si la loi existe ?? non, puisque la loi qui prohibe l'usure est certaine et que l'on cherche seulement si la loi s'étend ou non à tel ou tel cas ? Parce que nous disons que s'il est vraiment probable que ce cas n'est pas compris dans la loi, c'est une même chose de dire qu'il est douteux que la loi s'étende à ce cas, ou que la loi est douteuse à l'égard de ce cas ; et si la loi est douteuse à l'égard de ce cas, par conséquent elle n'oblige pas à l'égard de ce cas. C'est la doctrine de Sanchez : « Quoties dubium est, an appositum sitprae- » ceptum naturale vel humanum de aliqua re, non « ohligatur dubitans, quia donec constat de praecepto, possidet voluntatis libertas. Et idem dicen- » dum est (ajoute-t-il) quando post prudentem inqui- » sitÌGHem dubitatur, an haec res comprehendatur sub » praecepti verbis, quia perinde est ac dubitare, utrum
POUR  IBS  CONFESSEURS.               « >9
,de bac re lata sit lex (?). » Suarez écrit la même chose ; « Etiam lex naturalis nunquam obligat cum „ solo dubio, Y. gr. an talis actus sit prohibitus ; tunc » non obligantur homines ex vi legis ad abstinendum >.. I,li.ictu, quia non est eis lex sufiìcientur mti-ui.ita 2?. » Ce qu'il répète dans un autre endroit : « Ou.nidiu est judicium probabile, quod nulla sit lex » piohil>ens actionem, talis lex non est sufficienter » proposita homini ; unde, cum obligatio legis sit ex »se onerosa, non urget, donec certius de illa con- » stet (5). >I Où donc, demanderai-je, est écrite la loi que l'adversaire suppose qui, dans le cas où l'on doute qu'une loi s'étende ou non à tel ou tel cas, et qu'il est probable qu'elle ne s'y étende pas, qblige à l'observer ? Au moins cette loj universelle est douteuse'elle-même, et comme douteuse elle n'oblige pas. XLIX. On dit encore : Mais si en venté tel cas est compris dans la loi, alors en agissant suivant l'opinion moins sûre, la loi serait évidemment violée, et Von agirait contre la volonté divine. Nous avons recueilli toutes les objections des critiques pour leur répondre, et faire voir que toutes ces objections, de quelque nature qu'elles soient, ne fon| qu'éclaircir notre opinion. Nous répondons, en conséquence, q »e gang uo cas semblable on n'offense en aucune manière la 1?, e* que Von n'agit pas contre la volonté diyine. La loi e'est pas violée, parce que dès lors que la loi est douteuse, elle n'oblige pas, et eonséquem-meatne peut être regardée comme loi, ou au moins cewme loi obligatoire, puisque la liberté de celui
(i) Sanch. de Malr. lib. 2. disp. ??. ? 56. (a) Suar. torn. H. in 5. part. disp. 4. sect. 5. <5) Qt « Ie Cf » »6· P »ob. disp, ? ». sect. 6.
6?             INSTRUCTION PBÌTIQUE
qui agit (et qui est certaine), ne peut être liée que par une loi également certaine. Ainsi, dans un cas semblable, on n'agit pas contre la loi, mais seulement contre l'opinion qui prétend que la loi existe ; puisque la loi, sitôt qu'elle devient douteuse, est alors une opinion et non une loi, ou tout au moins n'est pas une loi obligatoire. On n'agiraitpas nonplus contre la loi divine, parce que (comme nous l'avons démontré plus haut avec saint Thomas ) on n'est pas obligé de se 'conformer à cette volonté quand elle n'est pas manifestée. Comment, en effet, peut-on dire que nous sommes tenus à nous conformer à la volonté de *Dieu en nous abstenant de certaines actions, quand nous ne savons pas si Dieu les prohibe ? Saint Thomas répond pour nous : « Sed in particulari « nescimus quid Deus velit ; et quantum ad hoc non « tenemur conformare voluntatem nostram divinae « voluntati (1). » Répétons encore les paroles du père Gonet : « Homo non tenetur conformari,??????- » tati divinae in volito materiali, nisi quando voluntas « divina nobis praecepto vel prohibitione manifes- » tatur (2). »
1 L. Mais, réplique l'auteur moderne que nous avons cité plus haut, quand il existe deux opinions probables de l'un et de l'autre côté, il est défendu de < suivre celle qui flous est favorable, sinon en vertu d'une loi qui est incertaine, du moins en vertu du principe tenu par les probabilistes, que pour agir légitimement un jugemem\probable ne suffit pas, mais qu'il faut nécessairement un jugement certain de l'hon-nêté de l'action ; telles sont tes paroles textuelles de
(1) S. Thom. 1. 2. q, 19. a. 10. ad. 1.
(2) Genet ?? cly.. t. VIII. disp. 6. art. 2. n. 37, in fin
POUR LES  CONFESSEURS.               6l
l'auteur cité. Mais la réponse à une telle objection est bien facile ; toujours est-il que quand il n'est pas ordonné de suivre l'opinion en faveur de la loi, parce qu'elle est incertaine, alors manque le lien qui doit enchaîner la liberté de l'homme ; et, pour cela, comme il n'y a pas alors de loi pour la lier et pour empêcher l'action, la liberté a tout son effet, et, par conséquent, l'action est certainement honnête, selon cet axiome adopté de tous : « II est permis à chacun de faire tout ce quelle droit ne prohibe pas.. » « Cui- » que facere libet, nisi id a jure prohibeatur ; » comme on lit, Inst. de jure person., § ?. C'est ce que Saint Thomas enseigne par ce principe : « On appelle légitime tout ce que la loi ne prohibe pas. » ?.Illud » dicitur licitum, quod nulla lege prohibetur (1). » Remarquons ici que le saint dçïeteur parle des choses qui concernent proprement la liberté de l'homme et la loi naturelle.
LI. Je nerveux pas Omettre de répondre à une certaine décision· que nos adversaires prétendent avoir été faite par le clergé de France, savoir : * qu'il n'est jamais permis de suivre une opiniçmprobable, en opposition avec une opinion également probable et plussûre. » En premier lieu,nous dirons que cette décision du clergé de France est mise en avant bien mal à propos, puisqu'elle ne fut faite que par quatorze prélats seulement, et que le nombre des évoques de France s'élevait à plus de cent. En second lieu, nous répondrons1 que ces évêVjues ont raison en parlant contre ces docteurs probabilistes qui prétendent qu'il est permis de suivre toute opinion également probable, d'après cette maxime, adoptée
(J) In4· Seul. d. i5. q. 2, a. !\. ad. 2 »
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communément par eux I « que celui qui agit avec probabilité, agit prudemment. » « Qui probabiliter » agit, prudenter agit. » Or, cette maxime* considérée en elle-même, est certainement fausse, parce qu'il n'est ni prudent, ni légitime d'agir avec une opinion seulement probable contre une opinion plus sûre également probable, sans faire attention à un autre principe rapporté plus haut, c'est-à-dire que celui qui agit probablement avec une opinion également probable, agit prudemment 5 à moins que, dans ce cas, manque la certitude morale de l'honnêteté de l'action, sans laquelle on ne peut agir. Mais c'est chose bien différente de suivre une opinion également probable avec le jugement réfléchi ou concomitant, que la loi, en ce cas, étant douteuse, elle n'est point^par cela*même obligatoire. Ainsi, les prélats de France imt dit avec raison, qu'en soi l'usage d'une opinion probable en contours d'une opinion également probablej qui est en faveur de la loi, n'est pas licite : nous disons en soi-même, abstraction faite de la réflexion ou du jugement, qu'alors la loi est douteuse. Au moins, dit le père Amort, ces prélats n'ont pas]sotigé à cette réflexion, q?e si en-Suite ils ont essayé de dire cela, même en ayant égard à la réflexion citée, c'est injustement qu'ils ont mis en avant l'obligation de suivre l'opinion la plus sûre, d'entre les opinions également ou quasi également probables ; parce que en égard, au principe réfléchi ou* concomitant que la loi douteuse ne peut imposer une obligation certaine, alors on opère avec un jugement pratique moralement certain de l'honnêteté de l'action.
LU. Mais, dira-t on,,si le jugement spéculatif de l'opinion qui favorise la liberté est seulement pro-
POUB  LES  CONFESSEl'RS.               "3
bable ea eencours de l'opinion plus sûre, et en même temps probable, comment peut-il se faire que le jugement pratique soit moralement certain, comme il doit I'M* » poor qu'on puisse agir licitement ? Bien plus, dira-t-??, comment peut-il arriver que le JU- » .?ment pratique soit différent du spéculatif ? Mais nous répondrons à cette difficulté, avec Abelly et Lusèhe Amort, qu'autres sont les faisons qui regardai ! la vérité de la chose et qui rendent l'opinion piolmblc, et autres sont les raisons qui concernent l'honnêteté de l'action et donnent une certitude morale que l'on agit légitimement. Par exemple, la raison qui rend une guerre juste, est différente de celle qui permet au soldat (c'est-à-dire le commandement du prince) de porter les armes dans une guerre dont la légitimité est douteuse. D'après cela, on ne peut pas dire que le jugement pratique ne saurait être certain, quand le spéculatif est seulement douteux ; parce que quand l'opinion est vraiment probable, comme dans ce cas, le sujet par le jugement spéculatif, seulement probable à l'égard de la vérité de la chose, juge que la guerre est seulement probablement juste ; mais, au contraire, par un autre jugement certain et même spéculatif à l'égard de l'honnêteté de l'action, il juge qu'il peut en pratique et qu'il doit même porter les armes, parce que le sujet est obligé d'obéir à son prince, pourvu que ses ordres ne soient pas certainement illégitimes. Ainsi, le jugement pratique certain est formé de deux jugements spéculatifs, mais qui appartiennent à des objets éiffénmts, parce que le premier concerne la vérité delà chose, c'est-à-dire que la guerre est probablement ou douteusement juste, et ce premier jugement spéculatif est seulement probable ou dou-
64              INSTRUCTION  PRATIQUE
teux ; le second jugement spéculatif concerne l'honnêteté de l'action de porter les' armes, c'est-à-dire que, dans lé doute de l'injustice de la guerre, lorsque les ordres du prince le prescrivent, le·sujet obéit légitimement, et même est tenu d'obéir à son prince ; et ce second jugement est certain, et de ce jugement spéculatif certain découle encore la certitude du jugement pratique du sujet à l'égard de l'honnêteté del'action, c'est-à-dire qu'illui estpermis de porter les armes dans une guerre douteusement légitime. La même chose doit s'appliquer à tous les cas qui fourni ssent des opinions probables de l'un et de l'autre côté, d'où le jugement pratique se rend certain à l'égard du principe réfléchi que nous avons prouvé1, que la loi douteuse ne peut établir uge obligation certaine. LUI. Ceci est encore confirmé par ce que disent nos adversaires, etparticulièrement parce qu'écrit le père Laurent Berti, dans sa Théologie (Tom. n. lib. 21. c. ??. prop. 3. vers. Patroni) lorsqu'il soutient contre nous, qu'il n'est pas permis de suivre une opinion également probable moins sûre. Mais comment le prouve-t-il ? Il le fait en réfutant deux principes par d'autres principes faux tirés des auteurs probabilistes. D'après ces deux principes (suivant ce que disent réellement beaucoup de probabilistes), on peut suivre une opinion probable moins sûre, et d'après eux, le jugement spéculatif douteux devient certain dans la pratique. Le premier principe est celui-ci : « Celui qui agit avec probabilité, agit prudemment. » Mais ce principe (dit le père Berti, et il le dit très sagement, comme nous l'avons dit nous-même plus haut) ne suffit pas pour agir légitimement, d'après une opinion seulement probable, parce que l'opinion contraire à l'égard de la. loi
POUR LES  CONFESSEURS.               65
également probable existant, nous n'avons pas la certitude de l'honnêteté nécessaire pour bien agir. Le second principe, ou le raisonnement de quelques probabilistes, est que, lorsque les opinions sont toutes deux probables, l'homme suspend son jugement à l'égard de l'opinion qui condamne l'action, et agit en s'appuyant sur la probabilité de l'opinion qui la permet. Mais, dit savamment lepèreBerti, cela ne saurait nous rendre certains de la légitimité de cette action, parce qu'une telle suspension volontaire de jugement est unie à une ignorance vincible ou affectée ; aussi celui qui opérerait d'après cela, n'agirait pas avec prudence, mais très imprudemment, parce qu'en pratique il ne déposerait pas le doute, mais qu'il resterait dans le doute même de l'honnêteté de l'action. Ainsi, dit le père Berti, quand on n'a pas d'autre fondement que celui de la possibilité d'une opinion moins sûre, on ne peut jamais, par aucun jugement certain, avoir la certitude qu'on agit bien en en faisant usage. Suivantle même auteur, il en est autrement, quand, outre la probabilité de l'opinion, il y a encore une nouvelle raison, ou un priu-cipe fondé, qui rend le jugement pratiquement certain à l'égard de la légitimité de l'action, parce qu'alors la certitude du jugement ne s'appuie plus sur la réflexion de ce même doute précédent, mais SUT la réflexion d'un motif certain survenant. L'auteur parle de l'exemple d'un religieux qui, doutant s'il peut rompre le jeûne pour se livrer à l'étude, peut bien le rompre, quand il a reçu de son supérieur un ordre qui le rend certain qu'il peut prendre de la nourriture sans pécher. Il présente aussi l'exemple d'un propriétaire, qui, dans le doute s'il possède légrtunement une propriété, peut suivre licitement celte opinion, quand un docteur lui assure que dans
T.  XXIIt.                              g
66             INSTRUCTION PBATHjtJÈ
le "doute on n'est pas obligé de se dépouiller des biens légitimement possédés : « Procul dubio potest »hoc pacto ex reflexione mentis antea perplexes fieri « judicium practicum moraliter certum. » De là on conclut que l'on peut avoir la conscience moralement certaine sur des opinions morales, non seulement avec des principes directs, mais encore avec les indirects réfléchis.
LIV. Or, c'est là précisément notre cas. Nous disons que pour suivre l'opinion également probable, la seule probabilité de l'opinion ne suffit pas, suivant leS deux principes mentionnés dont beaucoup d'auteurs s'arment mal à propos. Pour moi, je dis et je regarde comme certain, que l'invalidité de ces deux faux principes a conduit beaucoup d'écrivains modernes â repousser l'opinion également probable ; et ces auteurs, en réfutant de tels principes ( ce qui était bien facile ), se sont de cette manière acquisbeaucoup de sectateurs qui crient aujourd'hui contre ce qui est très probable, et exaltent si haut l'opinion rigide. Nous dirons donc qu'on peut suivre l'opinion également probable dans le cas où la loi est douteuse ; or qu'uhe loi douteuse ne puisse établir une obligation certaine, c'est un principe ( ainsi que nous l'avons démontré) clair et évident, puisque, quand la loi est douteuse, elle ne peut être promulguée ou intimée comme loi, mais seulement comme opinion, comme question ; et la promulgation manquant à une loi de cette nature, la foi manque de ce qui lui est nécessaire pour obliger, comme l'enseigne saint Thomas, et avec lui tous les auteurs anciens et modernes, tolérants et rigides. Notre principe est tel, en somme, que nos adversaires, connaissant sa force, se sont les uns abstenus d'en faire mentionne ne sais pourquoi ; les
rotft LES coKFEsSEtnâ.         6 ?
nt.tres, après s'être fatigués l'esprit à le réfuter par mille moyens et mille subtilités, n'ont jamais pu parvenir à le renverser ; mais au contraire ils ? ont tait que l'affermir et le rendre plus évident.
LV. Mais, disent finalement nos adversaires, peut-on nier la force de la loi générale des canons qui dit que dans le doute il faut choisir la voie la plus sûre ? • C. illud Dominus, de sent, excomm. au C. ad au-„ dientiam de liomin. au C. Petitio tua eod. tit. à la »clem. Exivit § item quia, de verb, signilì. et auc. » jmenisde sponsal. » Mais nous répondrons que cette ina\ime ou régie des canons ne peut être regardée comme une loi générale qui défend l'usage de l'opinion également probable ; car ( outre le grand nombre d'auteurs qui adoptent cette opinion) les mêmes auteurs anciens,s'attachant à prouver le contraire, ainsi que les partisans de l'opinion rigide, l'interprètent et l'expliquent autrement. SaintAntoninditque cette maxime est de conseil et non de précepte : ils disent que dans le doute on doit choisir la voie  la plus Sure ; on peut répondre que cela est vraiquantàl'hon-néHeté et à la grandeur du mérite, mais non relativement à tous les doutes sur la nécessité du Salut. Dans un autre  endroit il dit encore plus expressément : choisir la voie la plus sûre, est un conseil et non un précepte. « Inducunt illud, » in dubio tutior via eli-genda est. « Respondetur, hoc esse verum de hones-state, et meriti majoritate, et non de salutis neces- » sitate quoad omnia dubia (i ). » Dans un autre lieu il dit plus expressément : « Eligere tiam tutiorem concilii est, non praceptt( 2). « Jean ÎS'iderécritlamême
(0 S. Antonin. p. 3, lit. t. cap. 2. \ ») H. p. 1. tit. 3. cap. 10. § 10.
68              INSTRUCTION PRATIQUE
chose : « Viam tutiorem eligere, est consilii, non » praecepti (? ). » Tabiena est du même avis : « Nec va- »let, quod in dubiis tutior via est eligenda, quia hoc j non est praeceptum, sed consilium (2). » S. Bona-venture, Gerson et Silvestre pensent de même, comme on peut le voir dans Tirillo (3).
LVI. En outre, d'autres docteurs prétendent que cette maxime a son effet dans les purs doutes, mais non dans les opinions probables : d'autres, que cela a lieu dans les doutes de fait et non de droit ; d'autres encore, dans le doute pratique et non dans le doute spéculatif, comme dit saint Antonin : « Ille qui agit « scienter id, de quo dubitat esse mortale, permanente dubitatione, mortaliter peccat (4). » Le saint archevêque s'exprime dans un autre endroit encore plus clairement à ce sujet : » Sed qui emit praedicta « jura, potest non dubitare, sed opinari, licitum esse, » ex quo per Ecclesiam non est determinatum contra- »rium, et multi sapientes licitum asseverant ; « contre d'autres contradicteurs de ce qu'il avait écrit ainsi auparavant : « Cum sapientes contraria sibi invicem in » hujusmodi sentiant (5). » En parlant ainsi, le saint réprouve seulement l'action faite avec le doute, mais non avec l'opinion probable, telle qu'on la suppose probable par les raisons ci-dessus assignées, c'est-à-dire parce qu'elle n'est pas réprouvée par l'Église, tandis qu'au contraire elle est adoptée par les docteurs les plus instruits, qui disent que le contrat est légi-time.bien que d'autres docteurs pensent le contraire.
(1) Nyder in consolât, ec. part. 3.. cap. 16.
(2) Tab. in summa. verb. Scrupulas. (5) Tirill. de probab. q. 26. n. 21.
(4) S. Anlonin. p. 1. til. 3. c. 10. § 10 5) Id. p. 2. tit. i.e. 11. § 28.
POUR  LES  CONFESSEURS.              69
Angelo pense de même. « Nec obstat praedictis, quod, in dubiis tutior pars est eligenda, quia hoc verum lest, quando proprie dubium est ; sed quando etiam » opinio, secus est, quia tunc non sumus in dubio ( ? ). » Navarre et Sylvestre sont du même avis. En outre, un grand nombre de graves auteurs disent avec raison que la maxime qui prescrit de suivre la voie la plus sûre est adoptée par les canons, seulement à l'égard des cas particuliers rapportés dans les textes cités ; puisque ces textes, qui obligent à suivre le parti le plus sûr,ne parlent que des lois humaines ; et après cela qui dira que nous sommes obligés d'observer les lois humaines dans le doute si elles existent ou non ? « Stultissimi est hominis, » écrit Lactance, « praeceptis ? eorum velle parere, quae utrum vera aut falsa sint, »dubitatur(a). »De plusdansle e. ??. « Cumin jure, de s offic. et pot. jud. deleg., » il est dit : « Nisi de mandato
• sedis apostolicae certus extiteris, exequi non cogeris « quod mandatur. »De plus dans l'authentique : « Quib.
• mod. nat., etc. § Natura, » il est dit : « In dubio nullus » praesumitur obligatus. » Ainsi la maxime qui.prescrit de suivre dans le doute leparti le plus sûr, nepeutêtre tirée des canons comme une règle générale s'éten-dant à tous les cas, mais seulement pour quelques cas particuliers rapportés dans les textes cités ; d'où le pape dit avec justice que dans des doutes de cette nature on doit suivre la voie la plus sûre, pour motifs de scandales ou d'autres désordres qui doivent être évités en pareil cas. Pour voir cela clairement il faut examiner brièvement ces différentes circon-
(1) -Angel, verb. Opinio.
( ») Lactint. lib. ?. iusiU, cap. su,
70             INSTBCCTION PBATIQUE
stances et les décisions des textes qui y correspondent.
LVII. Dans le chap. : Illud Dominus, de sent. exeom., il s'agit d'un certain évêque qui, nonobstant le bruit public d'une excommunication fulminée contre lui, voulait témérairement célébrer. Nous disons que c'est avec justice qu'un tel évêque fut dé' posé par Innocent III, parce que, quand bien même il aurait été dans le doute de son excommunication, il devait au moins faire tout son possible pour décou-vrir la vérité, et avant tout, il devait s'abstenir de célébrer ; aussi lé pontife dit justement : « Quia in » dubiis via tutior est eligenda, etsi de lata in eum « sententia dubitaret, debuerat tamen potius absti- » nere, quam sacramenta Ecclesias celebrare. »
LVIII. Dans le chap. : Ad audienliam, de homi., il s'agit d'un ecclésiastique qui blessa un homme qui mourut peu après. Cet intervalle iit douter s'il était mort par suite dee coups qu'il avait reçus. Clément III décida que dans tous les cas il était convenable que le prêtre s'abstint de célébrer, en disant : « Comme dans les cas douteux nous devons suivre la voie la plus sûre, il est convenable d'enjoindre à ce prêtre de ne pas célébrer. » « Cum in dubiis semi- » tam debeamus eligere tutiorem, vos convenit injun-i gère presbytero, ut non ministrat, » Disons ici eu premier lieu, que dans ce cas le fait n'était pas encore éclairci, c'est-à-dire, si l'homme était mort par suite de ces coups ; aussi le texte ajoute-t-il : « Si l'homme est mort d'une autre maladie, le prêtre pourra célébrer. » « Si ex alia infirmitate obierit, po- » terit divina ministrare. » C'estpourquoi le pape agit sagement en ordonnant avant tout que le px'être s'abstint de célébrer les saints mystères, parce que, dans
POVR LES CONFESSEBBS.               7*
UM tel doute, il est évident qu'on doit suivre ! la voie la plus sûre. Nous disons en second lieu, co mme le remarquent aussi Navarre et Suarez, que dar s ce cas il n'était pas question de l'observation d'un pi écepte, mais seulement d'une certaine convenance, ifin que si ensuite l'on eût reconnu que le prêtre et iit vraiment homicide, il n'y aurait pas eu du ni oins le scandale qui se serait élevé dans le peuple en le voyant célébrer. La même décision pour un cas semblable d'homicide douteux, se trouve au chap. (Petitio tua, 24 De homic.) où il est dit qu'il est plus sûr de s'abstenir dans un doute de cette nature quC de célébrer : « Cum sit consultius in hujusmodi du- » bio abstinere, quam temere celebrare. » On ne voit pas que dans des cas semblables il était convenable et même nécessaire que l'on suivit la voie la j lus sûre en s'abstenant de célébrer, pour empêcher le scandale qui aurait pu résulter de la célébration.
LIX. Nous voyons dans la clémentine Exivit, que des frères mineurs interrogèrent le Saint-Siège pour savoir s'ils étaient obligés, sous peine de fai te grave, à l'observation des règles de leur ordre, qui leur étaient imposées avec des paroles. obligatoires. Le pape leur répondit que, dans ce qui regardé le salut de l'àme, on doit suivre le parti le plus sûr pour éviter de graves remords de conscience : « In his quae »ad animas salutem respiciunt, ad vitancos graves » conscientiae remorsus, pars tutior est eligenda. » Premièrement dans ce cas, le pape en disa it, « pour éviter de grands remords », parle vraisemb lablement par manière de conseil et non de précepte. En outre, •en disant « qu'on doit suivre le parti le pliis sûr », il n'entend pas certainement parler de la séiurité nia-
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térielle que l'on aura en embrassant l'opinion la plus sûre, mais de la sécurité de la conscience quand elle agit, non avec le doute pratique, mais avec la certitude morale de l'honnêteté de l'action, parce que s'il avait parlé de la sécurité matérielle, il aurait déclaré que toutes les paroles du mode impératif emporteraient précepte avec elles ; sans aucun doute, c'eût été matériellement le plus sûr ; mais le pape déclare le contraire en disant que toutes les paroles imperatives ne comportent pas précepte avec elles, mais  seulement  qu'elles  doivent  être  regardées comme obligatoires en raison de la matière ou des paroles. « Ex vi verbi, vel saltem ratione materiae de » qua agitur. »Du reste il dit : « Licet fratres non ad » omnium, quae ponuntur in regula sub verbis impe- »rativi modi,  sicut ad praeceptum, seu praeceptis »aequipollentium observantiam teneantur ; expedit » tamen ad observandam puritatem regulae, et rigo- » rem, quod ad ea, sicut ad asquipollentia praeceptis » se noverint obligatos, quae hic inferius adnotentur. » LX. Enfin au chap. : Juvenis ?. de sponsat., le cas conc.-rne un jeune homme qui, àl'âgede sept ans, s'était marié avec une jeune fille, laquelle étant morte, il épousa une de ses cousines. Ici se présentoit un doute, savoir si le premier mariage était valide ou invalide à cause de l'impuissance résultant d'un âge aussi tendre que celui de sept ans. Eugène III ordonna que le mari se séparât de sa seconde femme : « Propter ho- »nestatem Ecclesiae ; » en ajoutant encore : « Quia » igitur in his, quae dubia sunt, quod certius existi- »mamus, tenere debemus, » parce que dans le doute nous devons nous attacher à ce que nous pensons être le plus certain. D'après cela, nous dirons en pre-
POVK  LES  CONFESSEURS.               7^
mier lieu que le pape ordonne la séparation, non parce qu'il pense que dans les opinions douteuses on doit dans tous les cas adopter la plus sûre ; mais parce que la séparation était nécessaire pour éviter le scandale et conserver l'honnêteté de l'Église. Nous dirons en second lieu, que le pape, en prononçant ces paroles : « nous devons nous attacher à ce que nous regardons comme plus certain, » ne dit pas cela à l'égard du jeune homme, qui certainement savait bien s'il était impuissant ou non dans le temps de son premier mariage, mais à l'égard des juges qui, lorsque les raisons des parties sont douteuses, doivent certainement s'attacher à tout ce qui offre le plus grand degré de certitude ; et c'est pour cela que le pape dit certius et non pas latius, c'est-à-dire qu'il était plus raisonnable d'ordonner la séparation, parce que la nullité du premier mariage était douteuse. Que peut donc faire ce cas à notre question, dans laquelle il s'agit du for intérieur et non des doutes de fait, mais des opinions également probables ?
LXI. Mais pour en finir à l'égard de ce point, nous dirons que certifier que cette maxime déjà citée : « In~ dubiis via tutior est eligenda, » est une loi universelle pour tousses cas douteux, de quelque nature que soit le doute, n'est pas une doctrine certaine,mais une opinion (à mon avis très improbable). Ainsi, celte règle, au lieu d'être une loi universelle comme on le suppose, étant une loi douteuse et quasi-douteuse (ainsi que nous l'avons prouvé), ne peut obliger. En outre, de cet axiome, qui semble l'argument invincible r'e nos adversaires, peut-on. tirer autre chose, sinon que dans le doute, si une action est bonne ou mauvaise, on ne peut légitimement adopter le parti le moins sûr ? Voilà tout ce
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gué les canons ont eu l'intention de dire : cette maxime ne peut avoir plus d'étendue, et les différents cas rapportés avec leurs textes en sont la preuve. Mais quand dans la conscience il y a un jugement moralement certain de la légitimité de l'action formé d'après les principes directs ou indirects, alors l'homme n'est plus dans le doute, et il est sûr de l'honnêteté de son action. Que nos contradicteurs cessent donc de nous opposer leur éternel axiome : « In dubiis tutior via esteligenda, » comme destructeur de notre opinion. Que cet axiome soit, suivant leurs désirs, non de conseil, mais de précepte rigoureux : qu'il soit admis, non seulement dans les doutes pratiques de fait, mais encore dans les doutes spéculatifs de la loi ; nous accordons tout cela. Mais de cet assemblage de mots : « Dans le doute on doit choisir la voie la plus sûre, » peut-on conclure autre chose sinon que l'homme, étant dans le doute, doit choisir le parti le plus sûr ? Mais quand ensuite il est moralement certain qu'il agit légitimement en suivant l'opinion moins sûre, alors il est en dehors du doute et de cette maxime, qui parle de la conscience douteuse et non de la conscience certaine ; et cetle certitude peut bien provenir de principes indirects, comme nous l'avons démontré plus haut jusqu'à l'évidence, et ce qui ne peut être nié sans que l'on nie la lumière du soleil brillant.
LXII. Mais comment se fait-il, disent nos adversaires, que le père Vasquez et tous les probabilistes n'admettent pas ce principe que la loi douteuse n'oblige pas ? Un auteur moderne rapporte avec beaucoup de pompe les paroles du père Vasquez : « Se- » quitur manifeste decipi eos, qui putant, eum, qui « dubitat, an lex aliqua lata fuerit et promulgata in
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 » curia, ea lege non teneri, eo quod ipsi non satis « promulgata censeatur. Falluntur igitur primo in « doctrina ipsa, siquidem in dubiis tutior pars est « eligenda... Deinde in ratione decepti sunt, eo quod » (ut ex dictis constat) aliud est promulgato, aliud « autem est notitia legis. Et quamvis is qui dubitat »de lege, non haberet notitiam sufficientem legis, » ut ea teneretur ; tamen non potest dici carere suffi- » cienti promulgatione legis, si revera in curia pro- » mulgata fuisset, sed notitia sufficienti illius. Verum, »ut diximus, ea dubitatio satis est,- ut ratione ejus »tutiorem partem sequi debeat. Vasqu. 1. 2. Disp. » i56. cap. 2. num. 8. » Nous y répondrons premièrement, en demandant comment il se fait que le père Vasquez puisse admettre que la loi douteuse oblige l'iiomme, lorsque ce même auteur prétend avec force que l'on peut en toute sécurité suivre l'opinion probable moins sûre, et même la moins probable ? Il dit même que cette opinion était admise dans les écoles de son temps. En outre, en réfléchissant sur le passage cité, on voit que le père Vasquez, non seulement ne rejette pas le principe que la loi douteuse n'oblige pas, mais le confit me expressément par ces propres paroles : « Et quamvis is qui du- » bitat, etc. » II en résulte encore que celui qui doute de la promulgation de la loi est obligé à son observation par la même maxime : « Dans le doute, etc. » Néanmoins, comme je l'ai remarqué au commencement du passage de Vasquez, il parle des lois humaines certainement promulguées dans le palais du prince ; il conclut de là que bien que la connaissance certaine delà promulgation ne soit pas parvenue à tous, la loi néanmoins est une véritable loi. Or, comment agira-t-on à l'égard des lois divines, qui probable-
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ment ne le sont pas ? Enfin, quant à la maxime de suivre dans le doute le parti le plus sûr, le même père Vasquez dit dans plusieurs endroits qu'elle n'a de valeur qu'à l'égard des doutes pratiques, mais non des opinions non probables. Dans le chap. ?. de la dispute i56 déjà citée, il parle ainsi au nombre 12 : « Ubi est varietas opinionum de sensu alicujus » legis, plurimum valeat apud judices probabilior interpretatio. Quando autem est varietas opinionum, »non est necesse sequi partem tutiorem. » Plus expressément encore il s'exprime dans un autre lieu : « Illud vero axioma tutior pars est eligenda intelli- » gitur solum in dubiis, non in opinionibus, nempe » quando dubium tale est, ut judicium conscientiae » cum assensu colligi non possit, sed etiam semper » maneat dubia conscientia, sicut intelligit Navarrus » et Sylvester (1). » Ainsi, le père Vasquez ne dit rien autre chose que ce que nous disons nous-même, c'est-à-dire que quand on est dans le doute, il n'est pas permis d'agir d'après une opinion probable, à moins qu'on n'ait un jugement pratique certain de la légitimité de l'action.
LXIII. Ajoutons que si c'était une loi certaine qu'on doive suivre dans toutes sortes de doutes les opinions les plus sûres, de celle manière aucune action ne serait légitime, s'il n'était constant qu'elle est conforme à la loi éternelle, par la raison que l'autorité de la loi éternelle précède celle de notre liberté, comme le veulent nos adversaires : « Quomodo, quaero, potuisset Ecclesia concedere »conjugi, qui dubitat de sua potentia ad copulam »conjugalem, ut possit eam per triennium experiri,
(l) Vasque » ii 3. q. ig. arli 6. diep. 6a< e. 9. n, 45<
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« semper ac non sit de impotentia certus ? Si frigi- » ditas prius probari non possit, cohabitent per triennium, sunt verba Pontificis in e. Laudabilem, de • frigid, et malef. Ex hoc textu sic arguimus : Lex non
> accedendi ad non suam est lex divina et naturalis, » ac precedens omne jus quod homo habere possit » ad suam libertatem, prout supponunt adversarii. »In dubio igitur, an vir sit potens, quod idem est ac « esse in dubio, an mulier cum qua matrimonium » contraxit, sit sua conjux, vel non, quomodo poterit » vir ex permissu Ecclesiae ad eam accedere, et tactus » turpes habere cum ea ad copulam experiendam,
> dum tactus illi cum non sua, si casu non est sua, « certe sunt vetiti sub mortali ? Numquid Ecclesia in « lege naturali poterit dispensare ? Omnino ideo di-ecendum, quod lex non accedendi ad alienam, non » obligat, nisi casu quo certe ipsa lex existit, et « patet ; alias in dubio possidet hominis libertas. Et »ideo vir qui propter conjugiuin initum acquisivit » jus ad copulam, semper ac dubitat de sua potentia, « potest copulam experiri. Recte autem Pontifex ad « hujusmodi experimentum triennium delerminavit, » quia  post triennium, copula nunquam interim » consummata, impotentia censetur moraliter certa. » Nec valet dicere, eo casu possidere matrimonium « bona fide contractum ; nam si servanda esset re- »gula ab adversariis universe statuta, quod lex di- » vina tamquam aeterna omnem anlecedit humanam » libertatem, ac propterea in dubio opinio tutior » semper sit praeferenda, nullo modo in nostro casu » posset copula experiri, quia nullo modo posset » dici matrimonium adversus divinam legem pos- » sidere. »
LXIV. « Praeterea in c. Dominus, de secund. nupt.
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« habetur, quod conjux qui secundas nuptias inivit, » si postea dubitet de morte primi conjugis, non po- »test quidem conjugale debitum petere, sed potest, » imo tenetur reddere alteri petenti in bona fide ; et » ratio est, quia alter adhuc possidet jus petendi. Sed » si verum esset, quod lex divina possidet antece- » dentcr ad libertatem hominis, ac ideo in dubio tu-
> tior pars semper sit eligenda, minime liceret red-· »ditio illa, stante dubio, an alter petens sit vel ne « vere conjux. At quoniam (dicimus) in hujusmodi « dubio possidet jus et libertas conjugis petentis, et » contra lex divina, utpote eo casu dubia, minime « obligat ; propterea licet conjugi dubitanti reddere » debitum, etiam ante diligentiam ; nam alias post » diligentiam, si dubium Vinci nequit, communis- » sima et probabilissima est sententia cum Soto, « Habert, Wigandt,  Suarez, Lessio, tloncaglia, » Lugo, Sanchez, Cardenas, Anacleto, Castropalao,
> Salmanticensibus, et aliis pluribus, quod conjux » dubitans potest etiam petere. »
LXV. En outre, je demanderai pourquoi les anciens docteurs auraient-ils enseigné communément que dès que la loi est obscure, dès qu'il n'y a, pour l'éclaircir, ni passage des Écritures, ni déclarations de l'Église, ni aucune raison évidente, alors l'action ne saurait être condamnée, s'ils n'avaient pas pour certain que la loi douteuse n'oblige pas ? Voici ce que dit saint Raymond : « Non sis pronus judicare mor- » talia peccata, ubi tibi non constat per certam scripturam (?). » Ce que S. Antonin a écrit en plusieurs lieux : « Quaestio in qua agitur, utrum sit pec- » catum mortale, nisi ad hoc habeatur auctoritas ex-
"(i) 5. Raymond. 1. Ill deponit. § ai.
pOtîft LES COfiFÊSSEfiftS.            y<j
« pressa Scripturae, aut Canonis Ecclesiae, vel evidens « ratio, periculosissime determinatur (J), « ta raison qu'il en apporte, c'est que celui qui dans le doute détermine qu'une action est mortelle, de laquelle on doute prudemment qu'elle n'est pas mortelle, celui-là, comme il dit : « aedificat ad gehennam, » c'est-à-dire met en péril de damnation celui qui fait cette action. Dans un autre lieu il dit encore : « Si vero « non potest (parlant du confesseur)  clare percipi père, utrum sit mortale, non videtur tunc prœci- » pitanda sententia, ut  dicit Guillelmus, ut  de- » neget propter hoc  absolutionem,  vel illi faciat > conscientiam de mortali. Et cum promptiora sint »jura ad solvendum, quam ligandum (e. Ponderet, ? dis t. i.), et melius sit Domino reddere rationem »de nimia misericordia, quam de nimia severitate, »ut dicit Chrysostomus (e. Alligant, 26. quaest, 7.), » potius videtur absolvendus (2). « Dans un autre endroit, il écrit, selon le glossateur de saint Raimond : « ?? àpicibus juris, ubi dubitant etiam sapientes, » excusabilis est ignorantia. » Ce qu'écrit encore Silvestre : « Dico, secundum Archiepiscopum, quod »tuta  conscientia potest quis eligere unam opinionem, et secundum eam operari, si habeat nota- » biles doctores, et non sit expresse contra determi- » nationem Scripturae, vel Ecclesiae (?). » Jean Nyder est du même avis : « Ex quo enim opiniones sunt »jnter magnos, et Ecclesia non determinavit alte- » ram partem, teneat quam voluerit (4). » S. A. Gabriel Biel, qui écrivait vers l'année 1480, dit aussi : « j\i-
(1) Antonii !, p. 2. tit. 1. e. 11. § 28.
(a) S. Antonin. part. a. lit. 4, c 5.§ In quantum.
(5) Sylvester verb. Scrupulus.
(4) Nyder in consolât, part. 3, c. ao »
8?             INSTRUCTION  PRATIQUE
 »hil debet damnari tanquam mortale peccatum » de quo non habetur evidens ratio, vel manifesta » auctoritas Scripturae (1 ). »La même chose se déduit de ce qu'a écrit S. Thomas dans ses Quodlib, » : Qui » ergo assentit opinioni alicujus magistri contra ma- » nifestum Scripturae testimonium, vel contra id quod ? publice tenetur secundum Ecclesiae auctoritatem, »non potest ab erroris vitio excusari (2).'
LXVI. S. Thomas pense donc que celui-là seul est inexcusable, qui suit l'opinion d'un docteur, de préférence à un texte clair des Écritures ou à l'opinion commune à tous les docteurs et conforme aux sentiments de l'Église ; mais il dit qu'il n'en est pas de même pour celui qui admet une opinion qui ne parait pas être certainement contraire à la loi divine, comme le remarque Jean Nyder à l'égard du texte cité de saint Thomas en disant : « Ces paroles de saint Thomas ne peuvent s'appliquer qu'aux cas où il est évident, d'après les Écritures ou une déclaration de l'Église, qu'ils sont contraires à la loi de Dieu, et non point à ceux où cela ne parait pas ; autrement il se contredirait dans ce même ouvrage. » « Haec verba S. Thomae non possunt intelligi, nisi de » illis, ubi manifeste patet ex Scriptura, vel Ecclesias, » determinatione, quod sit contra legem Dei, et non » de illis ubi illud non apparet ; alias sibi contradi- » ceret in eodem libro (3) » Le même saint Thomas, dans un autre endroit, en traitant de cette question : « S'il est permis d'avoir deux prébendes, » dit qu'il est dangereux de déterminer qu'une action est coupable, dès que la vérité (ce' sont ses propres paroles) est
(i) Gabriel, in 4, d. 16. q, 4· Conclus.
(a) S. Tliom. quodlib. ? à 10.
(5) Nyder in consolât, ec. cap. 11. p. 3.
POUR 1ES  CONFESSEURS.             8*
ambiguë, ce qui a lieu en effet dans cette question ; car les théologiens et les juristes sont opposés les uns aux autres à cet égard. « Ubi veritas ambigua est, « quod in hac quaestione accidit... inveniuntur in ea « theologi theologis, et juriste juristis contraria sen- »tire ; in jure namque divino non invenitur determinata expresse, cum in sacra Scriptura expressa » mentio de ea non fiat, quamvis ad eam argumenta » ex aliquibus auctoritatibus Scriptura ? forte adduci » possint, quae tamen non lucide veritatem osten- » dunt ( ? ). » Donc le docteur angélique ne regarde pas comme certain le principe de nos adversaires, c'est-à-dire que « dans le doute, la possession est en faveur de la loi, et qu'ainsi dans le doute on doit suivre l'opinion qui favorise la loi ; » mais en disant que, dès que la vérité est ambiguë, il est dangereux de déclarer que l'action est coupable, le saint docteur admet plutôt la vérité de notre principe, que dans le doute « si la loi est ou n'est pas, elle n'oblige pas. » Mais, dira-t-on, si une loi douteuse n'oblige pas, pourquoi saint Thomas déclare-t-il dans la même question que l'erreur dans la détermination de la culpabilité d'un. acte, ne saurait être exempte de faute ? Ici, il faut examiner les paroles du saint docteur, qui sont : « Toute question, dans laquelle on recherche s'il y a péché mortel, ne peut se décider sans danger, si la vérité n'est pas expressément découverte ; parce que l'erreur par laquelle on croit qu'il n'y a pas lieu à péché mortel, lorsque cependant le péché existe, ne peut exempter la conscience de tout le péché ni même d'une partie ; mais l'erreur qui entraîne à regarder comme péché mortel l'acte qui ne l'est
(1) S. Thom. quodlib. 9. Ît i5,
T.  XXIII.                               ?
8a            msTBUGTioM PBATIQUB
pas, en conscience entraîne au péché mortel. » « Omnis quaestio, in qua de mortali peccato quaeritur, nisi expresse veritas habeatur, periculose de·- » terminatur ; quia error, quo non creditur esse pec- » catummortale, quod est mortale, conscientiam non » excusât a toto, licet forte a tanto. Error vero, quo « creditur esse mortale, quod non est mortale, ex « conscientia ligat ad peccatum mortale. » Remarquons ici que saint Thomas ne parle pas de l'hun^· nêteté de l'acte dans l'opération, mais de la vérité dans le motif de détermination ; que tel acte est ou n'est pas péché mortel ; et pour cela il dit qu'il esi dangereux, dès que la vérité est ambiguë, de décider que l'acte est ou n'est pas péché, parce que l'erreur dans la décision pour l'un ou pour l'autre, est toujours coupable ; de sorte que l'erreur dans la décision que l'acte est péché mortel quand il ne l'est pas, charge la conscience du péché mortel et est cause de damnation ; de même l'erreur dans la détermination que tel acte n'est pas péché mortel quand il l'est, est aussi coupable. Mais tout cela s'entend, dit saint Antonin, quand on juge par une ignorance crasse, que Vacte n'est pas mortel ; mais non quand on juge d'après une opinion probable soutenue par les savants, quand bien même d'autres la contrediraient. « Notandum est quod dicit S. Thomas in » quadam quaestione de quodlibetis, quod quaestio in » qua agitur de aliquo actu, utrum sit peccatum mor- » tale vel non, nisi ad hoc habeatur auctoritas expressa » Scripturae sacrœ, aut canonis Ecclesiae, vel evidens » ratio, nonnisi periculosissime determinatur. Nam » si determinet, quod sit mortale, et non sit, morta- » liter peccabit contra faciens, quia omne quod est « contra conscientiam, aedificat ad gehennam ; si au·
POUR  LES  CONFKSSEïaS.               &&
« t*m determinatur, quod non sit mortale, et est, er. »ror euus non excusabit eum a mortali. Sed hoc se- » cundum videtur sane intelligendum, quando erraret »ex crassa ignorantiaj secus ei ex probabili, puta » quia consuluit peritos in tali materia, a quibus di- » citur illud taie non esse mortale ; videtur enim tunc » in eo esse ignorantia quasi invincibilis » quae excusât > a toto. Et hoc quantum ad ea, quae non sunt expresse « contra jus divinum, vel naturale, vel contra articuli Io » fidei, et decem praecepta, in quibus ignorans « ignorabitur. Et 6Ì diceretur, hic esse usuram, et » usura est contra decalogum ; respondetur, sed hunc « contractum esse usurarium non est clarum, cum « sapientes contraria sibi invicem sentiant (?). » Ainsi, suivant saint Thomas et saint Antonin, dès que la vérité n'est pas manifeste, mais contestée, la loi comme douteuse n'oblige pas ; et pour cela, nous dirons toujours que dans le cas de deux opinions également probables, nous ne sommes pas tenus à suivre celle qui favorise la loi.
LXVII. A ce sujet ( le père Martin de Prada, dominicain, écrit : « Ut verum fatear, cum pro neutre « parte aliquod convincens, qua parte stet veritas, « affertur, curabo opiniones benigniores amplecti, « vel earum probabilitatem indicare, cum animarum « salus impediatur nimia austeritate (2). » Et à cela il ajoute ce qui se trouve écrit dans les statuts de son ordre relativement aux prédicateurs : « Terrentur enim « homines ex hoc in tantum, ut salutem negligant ; » quapropter relaxanda est, quantum fieri potest, « rigiditas. » A l'appui de la même chose, le docte
(1) S. Aatonin. part. 2. tit. 1. c. 11. § 28. 00 Martin de Prado iu priefat ad quaest. mer.
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MelchiorCarnis, en combattant l'opinion de Scot qui obligeait les pécheurs à l'acte de contrition dans les jours de fête, écrit : « II n'y a aucune autorité humaine ou évangélique qui émette ce précepte ; que nos adversaires nous le montrent, et nous nous tairons. » « Jus humanum nullum est, aut Évangelicum, quo »hoc praeceptum asseratur ; proferant, et tacebi-imus (1). » Et au num. 5. il ajoute : « Quoniam » ignoro, unde ad hanc opinionem doctores illi ve- » nerint, libere possum, quod non satis explorate « praeceptum est, negare. » Le cardinal Lambertini, archevêque de Bologne, et depuis pape, sous le nom de Benoit XIV, exprime la même pensée dans ses notifications, en disant : Nous ne devons pas nous soumettre à l'obligation, quand la loi qui l'impose ? est pas manifeste. C'est pourquoi dans son célèbre ouvrage, De synodo diœcesana, qu'il composa avant d'être pape, en agitant la question de savoir si une personne qui le matin a communié par dévotion et se trouve ensuite en danger de mort, est obligée, si elle le peut, de recevoir le même jour le saint-viatique ; il rapporte les opinions des docteurs qui ont traité ce sujet : la première, que cette personne est obligée de recevoir le viatique ; la seconde, entièrement contraire, qu'elle ne peut communier de nouveau ; la troisième, qu'elle en a la faculté,mais qu'il n'y a pas obligation de le faire. Cette dernière est probable, mais n'est pas la plus sûre ; néanmoins Benoit XIV dit qu'il est permis de. suivre chacune de ces trois opinions : « Au milieu de tant d'opinions diverses, le curé devra suivre celle qui lui paraîtra la plus convenable. » Et pour celte raison, le même Benoit XIV,
(i) Canus relect, 4 depœnit p. 4· q· a, prop. 5.
POt » tES CONFESSEURS.           85,
dans plusieurs endroits de son ouvrage sur le synode, dit que les évêques doivent s'abstenir de déc ider l'illégitimité de beaucoup de choses qui sont douteuses et controversées par les docteurs, comme, par exemple, en parlant de la question de savoir s'il y a sacrilège de la part de ceux qui, dans l'état de péché, reçoivent les ordres inférieurs au diaconat ; il dit que les ëvêques ne peuvent décider ce cas. Il dit aussi qu'ils doivent s'abstenir de déclarer illegitime, da jure naturas, le cens personnel. Il dit encore la même chose en parlant des trois contrats.
LXVIII. Dominique Soto a reproduit la m ème opinion en disant : que quand les opinions sont controversées par de graves docteurs, la conscience est en sûreté, laquelle qu'on suive (1). C'était aussi le sentiment de Ny der : « Et quando sunt opiniones inter graves » doctores, utrumque sequaris, in tuto habes con- » scientiam (2). » Bernard de Clermont, cité par Jean Nyder, est du même sentiment : »Concordat etiam • Bernardus Claramontensis, dicens : Ex quo enim » opiniones sunt inter magnos, et Ecclesia non deter- » minavit partem, teneat quam voluerit (3). » C'est donc avec bien peu de raison que nos adversaires disent, qu'en suivant l'opinion moins sûre également probable, on metson âme endanger de se perdre ; car le danger serait bien plus facile à encourir en imposant, sans causes justes et légitimes, l'obligation de suivre les opinions plus rigides dans tous les cas qui sont douteux, ainsi que le dit bien sagement le père Sua-rez : tlmo potius periculum animarum incurreretur,
(0 Sot. de just. 1. VI. q. 1. art. 6. circa fin. (a) Nyder in consolât, pari. 3. c. 12. (5) Ibid.
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 » si tot vincula in casibus dubiis injicerentur ( ? ). » II « aurait certainement plus de danger pour les âmes, si l'on imposait tant de liens dans les cas douteux. ^e cardinal Pallavicini s'explique aussi longuement à ce sujet. « Per se spectatum effatum illud, in dubio » tutior pars est eligenda, verissimum est, si recte » intelligatur ; nam vel agitur de electione practica, » et haec semper debet esse tutissima, quia debet esse « evidenter licita, vel de electione sententiae specula-" »tiv8B, et circa eam quaerenda quidem est major se· » curitas sententiae, non major securitas actionis. Si » induceretur opinio, quod semper teneremur facere » actionem quas securior est, etiam a transgressione J> materiali, haec opinio non esset tutior, sed maxime » exposita periculo frequenter trangressionis forma- » Iis ; quare tutior est opposita (2). » Comme l'écrit pareillement le dominicain Bancel : « Multa sunt quae » tutius est facere, sed simul etiam tutius est non se « credere obligatum ad ea facienda, nisi moraliter ? ipsi constet de tali obligatione. » II en conclut : « Cum « non debemus formare conscientiam de obligatione * ad aliquid sub pœna peccati, nisi moraliter constet » de obligatione, non debemus onus illud imponere, » dum moraliter nobis constat, superesse nobis li- » bertatem atnplactandi quamcumque voluerimus ex xhujugmodi opinionibus (3). « Gerson dit sur ces auteurs : « Doctores theologi non debent esse faciles ad » asserendum, aliqua esse peccata mortalia, ubi non « sont certissimi de re (notez le mot certissimi), »?( »?? per eJuHsodi assertiones voluntariae, rigidas
(1) Suarez in 2. 2. q. 89. art. 7.
(2) Pallavic. in ?. 2. disp. 9. e. 4· art. il. ?. 12.
(3j Bancel. t. V. brev. univ, theol. p. 2. ir. 6. q, 5. a. 5.
LES  CONFESSEUHS.              87
> et nimis strictae in rebus universis nequaquam en-ïguntur homines a luto peccatorum, sed m illud ^profundius, quia desperatio, demerguntur. Quid fprodest, imo quid tum obest, coarctare plus justo ? mandatum Dei, quod est la tum nimis ? Quid expedit » gravius reddere illud Christi jugum, quod suave est, » et omis 1ère (1) ? »
LX1X. Pour moi, j'avoue que lorsque je commençai à étudier la théologie morde, de ce que je fus dès le principe dirigé dans cette étude par un doéteur de l'opinion rigide, j'appris à la défendre avec beaucoup de chaleur ; mais après, en examinant mieux la question, le sentiment qui parle pour l'opinion également probable me parut moralement certain, conduit que j'étais par le même principe que nous venons1 de prouver, que la loi douteuse ne peut imposer tine obligation certaine. C'est pourquoi je restai pleinement cotlvafrïcu que l'on ne doit pas contraindre là conscience à suivre l'opinion plus sûre, quand l'oppdséé est également probable, pour ne pas là tiïetfcr'e eiî danger de cdmmetlre beaucoup de fautes formelles. En outre, )e cenfesse ayant tout à Dléu, que dans dès derniers temps, vo^atìt avee quel àcharnetoent oh èWnbattaît l'opinion que j'avais avancée (inalgfé l'assentiment Universel avec- lequel elle avait été accueillie pendant plusìetìfs années) je me fcuis appliqué à examiner de nouveau cette question Avec tout le soin possible ; et pour cela ? déposai tout* partialité, je lus et relus tous les auteurs modernes, partisans de l'opinion rigide, dont je pus me procurer les ouvrages ; j'étais prêt à abandonner mon opinion, aussitôt que j'aurais reconnu qu'elle n'était
(1) Gerson, devita spirit lect 4,
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pas certaine, et pour cela je n'ai pas dédaigné dg, discuter une foule d'opinions diverses d'une importance bien plus faible que n'est celle-ci. Mais plus j'ai examiné les motifs sur lesquels elle repose, plus j'ai reconnu clairement leur force et leur certitude. Au reste, qu'il se trouve une personne qui puisse m'é*· clairer sur ce point, même par lettres, et me faire reconnaître que mon opinion est fausse ; que cette personne ne se contente pas de mettre en doute quelque partie, quelques principes de la discussion, mais qu'elle me démontre l'insuffisance du principe que je mets en avant et sur lequel est appuyée notre opinion (c'est-à-dire que la loi douteuse ne peut imposer une obligation certaine), qu'elle me le prouve par quelques motifs ou éclaircissements nouveaux (parce que les motifs présentés par les auteurs modernes, bien loin de me convaincre,n'ont fait que me confirmer, comme je l'ai dit, dans mon sentiment), je prie cette personne de le faire ; je lui en conserverai une reconnaissance éternelle, et je promets de faire une rétractation publique et par écrit. Enfin, comme je n'ai pas encore pu jusqu'à présent être persuadé du contraire, je me suis efforcé autant que possible, avec l'aide de la grâce de Dieu, de marcher dans le chemin le plus droit, mais sans vouloir obliger tous les hommes à s'abstenir, dans la pratique, de suivre toute opinion qui n'est pas moralement certaine, ou quasi moralement certaine, en faveur de la liberté ( car la différence se réduit à peu de chose). Gomme aujourd'hui plusieurs auteurs modernes mettent en avant cette obligation ;, et refusent à cet égard l'absolution sacramentelle, je pense qu'on ne peut pas le faire en conscience, si l'Église ne l'a pas d'abord déclaré ; c'est aussi à sa décision que je soumettrai sans retard
POUR LES
et volontairement mon jugement. Au reste, saint Jean Chrysostôme (In can. alligant. 26, quœst. 7) nous trace la voie que nous devons suivre en disant : Sois austère dans ta propre conduite, sois indulgent pour celle de ton prochain. * Circa vitam tuam aus-, tcrus esto, circa alienam benignus. » Je puis encore citer à l'appui de ce que j'avance les paroles du père Segneri, dans ses Lettres sur les opinions probables (Epistol. 1, 8. 11), où il dit : « JLes anciens (et c'est « une opinion que quelques uns avancent sans la » prouver et sans qu'ils puissent jamais la prouver) » ont émis cette règle de conduite : Quand la loi est » certaine, on doit s'y soumettre ; quand elle est dou->teuse, il faut éclaircir ses doutes et les rejeter en » consultant des hommes éclairés, pourvu que leurs > motifs soient suffisants ; mais s'ils ne le sont pas,il » faut les examiner ; et quand les conseils seront bien 1 fondés sur tous les points, il faut les suivre fidèle- » ment, sans avoir la crainte de tomber dans l'erreur. » (Et à ce sujet il rapporte les paroles de Bernard de Clermont que nous avons déjà retracées plus haut : ) tEx quo opiniones sunt inter magnos, et Ecclesia » non determinavit alteram partem, teneat quis quam >? voluerit. » Quand les opinions sont discutées par les
• docteurs, et que l'Église n'a pas déclaré quelle est
• celle qu'il faut embrasser, on peut adopter celle
• que l'on veut). C'est là la maxime adoptée anciennement,  et c'est la vraie maxime que l'on  doit » suivre. Tout ce qui est bon à faire n'est pas toujours » bon à ordonner : aussi le bienheureux Pierre Da- » mien, au sujet des paroles suivantes de saint Paul : » Je veux que vous soyez tous comme moi, fait-il cette
• » explication en faveur de notre opinion : « Aliud vole- »bat apostolus, aliud praecipiebat ; volo me esse sicut
§0              INSTRUCTION PRATIQtE
 » se, provocat ut ascendam 3 offerendo copulam nup-stialem, retinet sustinendo, ne corrUam. » Ainsi en- » gager chacun à suivre dans toute occurence l'opinion « plus probable (cela doit s'entendre des cas où le » doute est léger, comtlie l'explique bien le principe) » c'est agir dans l'esprit de la religion : mais, à mon » avis, ce serait très mal agir que d'exiger l'observation » rigide. C'est bien aussi Ce que veut dire Sylvestre, » lorsque, au sujet de la confession, il écrit dans sa ?n-Somme : « Licet sit tutius statim habita opportunitate » Confiteri, quam differre, non tamen tutius esttette- » re, quod sic obligentur, quia viri timorati haberent » maximas occasiones peccandi. « Pour moi, je pense » que dans Ces sortes de matières il faut marcher aVec » un pied ferme > coiïtfnë le faisait saint Augustin. » Celui-ci, dans uoe lettre adressée â saint Jérôme,
* après avoir manifesté le respect qu'il porte aux auteurs » sacrés, ajoute en parlant des autres : « Quant aui au->i tres auteurs, je les lis de telle manière que, quelque t grandes que soient leur sagesse ei leur science, je n'a- » dopte pas cependant oe qu'ils ataticent, parée que
* telle est leur opinion, maïs parce que, par d'autres » auteurs et par desmotifs probables, iis Étt'onlptiper-
* suader qu'ils ne sont pas éloignés de la vérité. « Alios *auteniita lego, ut quantalibet sanctitatedoctrìnaque » polleant, non ideo Verum putefn, quia ipsi itrf senserunt, sed quid mihi per alios auctores, vel pto- »babiles rationes, quod a vero non abhorreat, périt Suadere potuerunt. » On lit ces paroles dans le chap. #Égtì Sdlis, dist. g. Mais, comme on le voit dalis la » correction romaine, saint Augustin a dit à k place
* de ces mots : mihi per atlos, ceux-ci : trtihi vel per tiilùi auètóres tìananicoi vet probabili tdtl&M est. ? Je prie l'auteur de cette ettrreetion de Considérer
POCK LES  CONFESSEURS.              gi
> que le saint ne s'attache pas seulement à être per- »suadé de tout avec un jugement absolu, et,comme » disent quelques auteurs, avec un jugement qui n'est « pas flottant ; mais le saint acquiesçait aux preuves ? qui lui montraient que la question n'était pa* éloi- »gnée de la vérité, quod a vero non abhorrmt. Or, le
> propre d'une opinion probable  n'est-il pas ceci » non abhorrere a vero ? Telle est la manière uni-aversellt de procéder dans toutes les controverses » morales. »
LXX. Au reste, je proteste ici que, de môme que je ne saurais approuver les confesseurs qui, pour être trop partisans de la rigueur, condamnent facilement sans un fondement certain un grand nombre d'opi* nions, bien qu'elles soient appuyées sur de graves motifs, des raisons et des autorités, de même je ne saurais approuver ceux qui, pour admettre une opinion comme probable, se contentent de quelque raison apparente, mais non forte, ou s'appuient sur l'autorité de quelques auteurs dont l'indulgence xause le relâchement. Avant d'approuver un » opinion, un confesseur est obligé d'examiner les raisons intrinsèques, et quand jl trouve ymfi raison convaincante pour l'opinion qui s'oppose à la liberté, et qu'il pense que cette raison ne peut être combattue, alors il doit préférer son propre jugement même à l'autorité des. plus graves doeteiita, à ûioins que cette autorité ne soit si puissante qai\ pense que sa raison doit lui céder, selon la maxime de saint Thomas qui dit : « Celui qui a peu de science doit plutôt adopter l'opinion de l'homme instruit, que celle que lui suggère sa propre raison. » « Aliquis parv& scientiae magis » certificatur de eo quod âudît ab aliqtio Scientifico, » quam de eo quod sibi secundum iuam rationem
ga          INSTRUCTION PRATIQUE
? videtur. » C'est, du reste, un cas qui arrive bien ra*
rement.
LXXI. Ceci doit être observé quant à la théorie ; mais dans la pratique, quand il s'agit de choisir entre les opinions, dans le doute si l'on doit préférer les opinions rigides aux opinions indulgentes, ou celle-ci à telle autre, je réponds ainsi : Quand il s'agit d'empêcher le pénitent de tomber dans le danger de commettre un péché mortel, le confesseur doit se •servir des opinions indulgentes avec une prudence toute chrétienne. Mais quand les opinions indulgentes rendent plus imminent le danger du péché formel, comme sont les opinions de quelques docteurs à l'égard de l'obligation de fuir les occasions prochaines et autres choses semblables, il est toujours convenable et même nécessaire que le confesseur, comme médecin des âmes, adopte les opinions rigides qui ont plus de pouvoir pour conserver le pénitent en étal de grâce.
CHAPITRE IL
TRAITÉ DES LOIS.
PREMIER  POINT.
De la nature de la loi.
?. 2. 3. Distinctions de la loi.
4.  Conditions.
5. 6. 7. 8. Promulgation. 9. Acceptation.
POUR LIS  CONFESSEUÏ9.             9*
,o et 11. Lorsque la loi n'a pas été reçue au bout de dix années.
12 et ??. Si la plus grande partie des personnes ne l'a pas adoptée.
I. La loi se définit : la droite raison de ce que 1 on doit faire, recta agendarum ratio. Il n'y a de différence entre la loi et le précepte, qu'en ce que la loi s'applique à la communauté et le précepte aux individus. La loi se divise en loi éternelle, naturelle et positive. La loi éternelle est la raison de la sagesse divine qui prescrit aux hommes les règles qui doivent diriger leurs actions, et les oblige à leur observation. La loi naturelle est la même que la loi éternelle, en ce sens qu'on la considère comme émanée de Dieu ; mais lorsqu'on la considère comme manifestée à l'homme par les lumières de la nature, on l'appelle naturelle, et c'est d'elle que découlent tous les principes du décalogue. La loi positive est celle qui, bien que n'émanant pas de la nature, est conforme à la loi naturelle ; mais elle diffère de celle-ci en ce que les choses défendues par la loi naturelle, le sont parce qu'elles sont mauvaises, et que celles que prohibe la loi positive sont mauvaises par la prohibition elle-même.
II. La loi positive se divise en outre en loi divine et humaine. A la loi positive divine se rattachent tous les préceptes de l'Ancien Testament, cérémo-niaires et judiciaires, qui ont cessé à la mort de Jésus-Christ, et les moraux qui durent encore, comme sont ceux du décalogue. C'est encore à la loi posithe divine que se rattachent tous les préceptes du Nouveau Testameut à l'égard des sacrements. La loi positive humaine se subdivise en droit des gens (jus gentium), ecclésiastique et civil.
0,4               INSTRUCTIO*  PRATIQUE
HI. Droit dei gens a été créé avec l'asientiment de toutes lesnations qui l'ont adopté, comme » par exenv pie, la loi sur la guerre juste, la loi qui veut que les choses sans maîtres appartiennent au premier occupant, et autres choses semblableSé La loi ecclésiastique est celle qui est émanée de l'Église pour lé gouvernement spirituel du monde chrétien ; elle est comprise dans les décrets, les bulles, etc., de tous \es pontifes, et elle est obligatoire pour tous lés fidèles. Ainsi les canons compris dans le décret de Gratien ne comportent point d'autre obligation que celle qu'ils renferment en eux-mêmes. Enfin ta loi civile est celle qui émane des princes pour le gouvernement temporel des peuples ; la loi civile est variée suivant les diversités de localités. La loi civile est renfermée communément dans les Digestes, les Institutes, les Codes, les Nov elles.
IV. Les conditions pour que la loi oblige, sont : i° qu'elle soit honnête, c'est-à-dire conforme à la religion ; 2°juste, c'est-à-dire qu'elle n'offense pas le droit des sujets ; 5° possible moralement, c est-a-dire dont l'observation ne soit pas trop difficile suivant les temps et les lieux ; 4° utile au bien public, et que ce bien soit notable ; 5° nécessaire, c'est-à-dire pour prévenir quelque mal qui arrive fréquemment ; 6° faite par le législateur avec la volonté d'obliger ; 7° manifeste, c'est-à-dire claire, comme on le voit dans le chap. Ab bales, de verb. sign, ne per obseu-rilalemcaptionem contineat, et comme le dit aussi saint Isidore, in Can. 2. dist. 4. Autrement si la loi était obscure, elle pourrait être interprétée diversement, et si elle induisait en erreur, elle serait plus nuisible qu'u tiler
V. En dernier lieu, la loi pour obliger doit être
POOR tel CONFBSSBUftS,             9§
promulgua, çomino l'enseignent communément tous 19 » docteurs, avec saint Thomas (0 e* Scot (2), et comme on le voit dans le chap. In istis, dht. 4· qui dit : « Les lois sont instituées quand elles sont promulguées. » « Leges tunc constitui cum promul- » gantur. » Aussi, le docteur angélique dit-il avec raison que loi n'est autre chose qu'un règlement promulgué ? « Ordinatio promulgata. » Sa raison en est que la loi étant une règle commune, suivant laquelle toute la communauté doit se conduire, elle ne peut être observée communément si elle n'a pas été annoncée au moins à la plus grande partie de la communauté (?).
VI. Ainsi, les lois impériales ou des princes (sujets en quelque sorte de l'empereur), quoique émanées des supérieurs, doivent être promulguées dans chaque province et dans la capitale. Et ces lois ne sauraient entraîner obligation à moins qu'il n'y ait deux mois d'écoulés après la promulgation, comme on le voit dans le décret : Ut faciœ novœ. coll. 5.
VII. Ici se présente un premier doute, savoir : si les lois pontificales, pour obliger tous les fidèles, doivent être promulguées dans toutes les provinces. La première opinion l'affirme, et c'est celle de plusieurs graves auteurs, tels queBecan, Noël Alexandre, le continuateur de Tournely, Cabassut ; au contraire, Silvius, Anaclet, Roncaglia, Angelo, Medina, et d'autres, la regardent comme probable. Gaétan te prononce aussi pour cette opinion ; toutefois, il ne dit pas que les lois canoniques n'obligent pas ceux
(1) 2. 2. q. 90. a.  4. (a) 4. dist. 3. q. 4. n. 2. (3) Lib. ?. ?. 96.
90              INSTRUCTION PRATIQUE
gui les ignorent ; on cite encore Lessius, mais il ne parle que des lois qui conceçnent les contrats, ainsi que Soto ; mais ce docteur parle plutôt des lois qui rendent inhabiles, c'est-à-dire qui révoquent les privilèges (1). Les partisans de cette première opinion s'appuient principalement sur Cauthentique, dont nous avons parlé plus haut, Ut factae novœ, en disant que, dès qu'il n'y a pas de disposition spéciale dans les lois canoniques, on doit se borner à la loi civile, comme on le voit dans le chapitre 2, de nov. op. nunc., où il est dit : « Les statuts des sacrés canons sont aidés par les constitutions des princes. » ? Sacrorum statuta canonum principum constitu- » tionibus adjuvantur. » Ils disent de plus que ce serait une chose trop dure que d'astreindre tout le monde chrétien à l'observation d'une loi qui n'a été publiée qu'à Rome. Mais, d'après cette même première opinion, on doit en excepter les bulles insérées dans le Bullaire, parce qu'elles forment un véritable corps de lois ; ce dont tous restent d'accord, comme le dit le cardinal Petra (2). La seconde opinion, qui est plus commune et plus probable, nie cette condition, et prétend que les lois pontificales obligent par la seule promulgation faite à Rome. C'est le sentiment de Suarez, Bonac. Layman, Azor, Castrop. Cardenas. Ferraris. Salmanlic. Valentia. Navar. Menoch. Vasq. Pontius. Diana. Salas, (?). La raison qu'ils en donnent est celle-ci : il n'y a aucun doute que la loi, pour avoir force d'obligation, doit être promulguée, afin de venir à la connaissance de
(1) Lib. I. n. 5
(?) Card, etc, in Prsemi. § 4. n. 5o. 54·
(5) N. 56.
POUR  LES  CONFESSEURS.               97
ceux qui doivent l'observer ; mais quant au mode de U promulgation, il dépend entièrement de la volonté et des soins du législateur. D'où j'ai observé (comme l'attestent les docteurs de Salamanque), qu'au milieu de toutes les opinions contradictoires des docteurs, il n'en est aucune qui prétende que la loi, de sa nature, n'apas besoin, pour être obligatoire, d'être publiée dans chaque province ; mais qu'il suffit que la promulgation ait lieu dans la résidence du législateur ; comme cela se pratique encore en Espagne pour les lois royales ; car le roi n'est pas tenu  à l'observation des lois impériales, et elles sont promulguées seulement à Madrid : c'est aussi de la même manière que beaucoup de bulles pontificales, suivant les usages reçus, se promulguent seulement à Rome, ou dans des lieux désignés ; et on juge ensuite les  causes ecclésiastiques d'après ce"tte constitution.  Au contraire,  quand le siège apostolique ne veut pas que certaine loi soit observée, si la publication n'en a pas encore été faite dans les provinces, il le déclare comme il l'a fait dans l'interdit de l'Église, qui fut ponté par le quatrième concile de Latran, contre les médecins qui assistent les malades avant qu'ils ne se soient confessés, ainsi qu'on le voit dans le chap. Cum infirmitas de pœnit. et rem. La même chose est encora exprimée par le concile de Trente. Sess. 24. cap. 1. à l'égard de l'invalidité des mariages clandestins.
VIII. D'après cela, quand le pape décide que ses bulles soient promulguées seulement à Rome, il n'est certainement pas vraisemblable qu'il entende n'obliger que la population romaine et non celle des autres provinces. Quand le pape demande l'observation des seuls Romains, il a l'habitude de faire des ?. ?
t)8              INSTRUCTION  PRATIQUE
édits particuliers qu'il écrit en langue italienne ; mais lorsqu'il fait des statuts généraux pour toute l'Église et qu'il les publie solennellement avec les clauses obligatoires, on doit certainement présumer qu'il veut y astreindre tous les fidèles à mesure qu'ils en auront connaissance ; et cette connaissance peut parvenir facilement de Rome à toutes les  nations, puisque tous les prélats y ont des agents, qui leur transmettent les nouvelles bulles lors de leur promulgation. En outre, quant à ce que les lois pontificales entraînent obligation dès qu'elles ont été solennellement promulguées, on le voit clairement dans le chap. Ad hœc de poslul. / rœlat., où l'on lit : « Non fit necessarium, cum constitutio solemniter « editur, aut publice promulgatur, ipsius notitiam D singulorum auribus per speciale mandatum incul- »care, sed solum sufficit, ut ad ejus observantiam » teneatur, qui noverit eam solemniter editam, aut » publice promulgatam. » Notez « solemniter editam, » aut publice promulgatam. » Ainsi celui qui a la connaissance certaine d'une bulle promulguée solennellement à Rome est obligé à l'observer. C'est aussi la doctrine exprimée dans le chap. Quia cunctis ?. § Nec obstaret, de concess. prœben. in 6., où l'on voit : « La loi, l'institution, le mandement ne peuvent astreindre la multitude que lorsqu'elle en a reçu connaissance, ou lorsqu'il s'est écoulé le temps nécessaire pour que cette connaissance ait dû avoir lieu. » « Lex, seu constitutio, vel mandatum multos » adstringunt, nisi postquam ad notitiam pervene- » rint eorumdem, aut nisi post tempus, infra quod « ignorare minime ddbuissent. » Ainsi chacun doit observer les lois, dont la connaissance lui est parvenue, lorsqu'elles ont été promulguées suivant le
fOCR LES  CONFESSEURS.              99
mode de promulgation adopté par le législateur. Et il est certain que le pape peut obliger par ses bulles tous les fidèles avec la seule promulgation faite à Rome, de la même manière qu'un prince ( suivant ce que nous avons vu Être admis par tous les docteurs) peut obliger à ses lois tous ses sujets par la seule promulgation faite dans sa résidence.
IX. Mais ce qui donnera plus de force à notre opinion, ce sont les deux clauses qui ont coutume d'être apposées dans chaque bulle qui se promulgue à Rome et qui se place à des endroits marqués ; la première clause dit : « Ut autem praesentes « littera ? ad omnium notitiam facilius deveniant, et • nemo illarum ignorantiam allegare valeat ; volumus « illas ad valvas, etc.,affigi et publicari, sicque publi- »catas omnes et singulos quos illae concernunt, per- »inde  arctare et afficere, ac  si unicuique eorum « personaliter inlimatae fuissent. » L'autre clause dit : « Volumus autem, ut praesentium litterarum tran-tsumlis, etiam impressis, manu alicujus notarii ? publici subscriptis, et sigillo personae in dignitate » ecclesiastica constitutae munitis, eadem prorsus tam »in judicio quam extra illud ubique adhibeatur ob- » servantia, ac si unicuique forent exhibitae vel os- » tensse. » Or, ces clauses prouvent bien clairement que l'intention des pontifes est d'obliger à leurs décrets tous les fidèles, indépendamment de leur publication dans les provinces particulières. Silvius et Roncaglia, quoique dans les endroits déjà cités, ils regardent comme probable la première opinion, admettent néanmoins comme certain que toutes les bulles publiées à Rome avec lès clauses mentionnées obligent par elles-mêmes sans autre publication. Au reste, c'est avec raison que Roncaglia. dit que des
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paroles renfermées dans ces clauses, on peut tirer un puissant argument pour la probabilité de la pre-mière opinion à l'égard des bulles qui ne contiennent pas ces clauses, puisqu'on peut les considérer comme superflues et que toutes les bulles publiées à Rome sans ces clauses, entraînent obligation sans autre publication dans les provinces, pourvu cependant que dans quelque localité on n'eût pas l'habitude d'adopter les bulles publiées à Rome de toutes les manières possibles.
X.  Silvius, dans un endroit déjà cité, demande si les évêques sont obligés à promulguer ou à faire observer toutes les lois déjà promulguées à Rome. Il répond lui-même à cette question : « Teneri curare »ut observentur, quando Pontifex significat, se velle, » quod sua lex obliget, etiam absque alia promulga- »tione alibi facta. Non tenentur tamen curare, ut « promulgentur, nisi vel mandatum pontificium'ad » eos dirigatur, vel rationabiliter judicent, promulgationem in suis dioecesibus esse necessariam. Nihil- »ominus qui legis notitiam habent ad eam obligari « videntur, nisi illa recepta non fuerit, vel per non > usum ejus obligatio desierit. Cœterum, si Pontifex « non significet, non esse opus alia promulgatione, « neque mandatum-dirigat ad ordinarios, probabile » est, quod ipsi non tenentur legem promulgare, vel « curare ut observetur, nisi fructum notabilem ex a talis legis promulgatione in suis diœcesibus expec-- » tent. Possunt enim tunc interpretari, mentem Pon- » tificis esse, quod lex in diversis provinciis tunc ob- » servari vel promulgari curetur quando ordinarii » existimaverint ita esse pro suis locis expediens et « utile. »
XI. En outre, suivant l'opinion probable de Sua-
POUR LES  CONFESSEURS.              101
rei, Uymann (1), Molina et Soto, à l'égard des lois pontificales qui infirment quelque contrat valide de ea nature, comme fut la bulle de Pie V à l'égard des contrats censuels, ou bien qui enlèvent la juridiction, comme dans le sacrement de pénitence, on peut en pareil cas interpréter la loi d'une manière favorable, car l'intention du pape est qu'elles n'aient pas d'effet avant d'avoir été promulguées dans les diocèses ; autrement elles causeraient la perte de beaucoup de ûdèles qui les ignoreraient sans le vouloir. Le contraire est admis à l'égard des peines fulminées contre les clercs mal ordonnés et les évêques qui les ordonnent suivant la déclaration faite par Sixte IV. Il en est aussi autrement à l'égard des lois qui prohibent tel acte par défaut de solennité ; car dès que ces lois ont la force d'obliger, elles sont valides, mais non à l'égard de ceux qui n'en ont pas connaissance, ainsi que l'admettent Sanchez, Laymann, Navarre (1) et beaucoup d'autres docteurs.
XII. On demande, en second lieu, s'il est nécessaire que deux mois se soient écoulés après la promulgation pour que la loi oblige les sujets. Quelques docteurs le nient, d'autres l'affirment avec une très grande probabilité ; parmi eux se trouvent de très graves docteurs, tels que Soto, Valentia, Sa, Silvestre, Bonacina, Tapia, Menoch., Reginald., Grenad., Sal-manti. ; et la raison de cet intervalle est qu'on exige du temps pour que la loi parvienne à la connaissance de la communauté, comme on le voit dans le chap, ? De concess. prœb. in 6, où il est dit : « La loi et le mandement n'astreignent qu'après le temps néces-(i) Suai·, de leg. 1. V. c. 55. n. 8. Lay. ?. ?. e 2 ? ? 00 Sauch. de malr. 1. HI. d. >7 et. 1. IX. d. 3a. „.' a ! Lay
IOC* Cit.                                                           * '
102            INSTRUCTION PRATIQUE
saire pour que personne ne puisse les ignorer. » « Lex et mandatum nullos adstringunt.... nisi post » tempus intra quod ignorari minime debuissent. » Ainsi quand la loi ne prescrit pas positivement le temps, cet intervalle doit être fixé par des hommes prudents suivant l'authentique déjà cité qui ordonne de ne pas laisser cette prescription du temps au caprice et au bon plaisir (1). La glose explique aussi les mots post tempus en disant : « Cela s'entend des deux mois à partir de l'époque de la publication ; mais après on ne peut plus alléguer l'ignorance. » « Quod est duorum mensium a tempore publicatio- » nis ; postea vero non valebit allegare ignorantiam : » ut in Auth. Ut factae novae const, collât. 5. » El c'est aussi ce que pratique l'Église, comme on le peut observer dans la bulle Sicut ad sacrorum, de Pie IV, à l'égard du temps auquel les décrets du concile de Trente ont commencé à être obligatoires.
XIII. On demande, en troisième lieu, si la loi a besoin, pour obliger, d'être reçue par le peuple. Il est certain qu'il y a culpabililé pour ceux qui n'acceptent pas les lois ecclésiastiques ou civiles toutes les fois qu'elles sont justes, comme il résulte de la proposition 28, condamnée par Alexandre VII, et qui portait : « Que le peuple ne pèche pas, lorsque sans nul motif il ne reçoit pas la loi promulguée par le prince. » 0 Populus non peccat, etiamsi absque ulla » causa non recipiat legem a principe promulgatam. » Mais le doute peut avoir lieu à l'égard de l'obligation d'une loi qui n'a pas encore été reçue. A cet égard nous devons distinguer les lois civiles d'avec les lois ecclésiastiques. A l'égard des lois civiles, quelques
(}) Salm, de leg. cap, 1. n. 110,
POUR  I-ES  CONFESSEURS.             10a
docteurs prétendent qu'elles n'obligent pas lorsqu'elles n'ont pas été acceptées, parce que c est du peuple que les princes reçoivent le pouvoir législatif ; c'est le sentiment de Valentia, Becan, Navarre, Azor etBonacina. Lacroix (i) ainsi que les théologiens de Salamanque (a), regardent cette opinion comme probable. Mais plusieurs autres, tels que Suarez, Ponce. Laymann, prétendent le contraire avec plus de probabilité. D'après ces théologiens, la loi d'un supérieur, pourvu qu'elle soit juste, oblige par elle-même ; mais quant aux lois ecclésiastiques, il n'y a aucun doute que le pape puisse obliger les fidèles indépendamment de leur acceptation, parce qu'il est certain que le pape tient son pouvoir législatif non du peuple, mais de Jésus-Christ qui a dit a saint Pierre : « Paissezmesbrebis.etc.Toutcequevouslierez sur la terre, etc. » « Pasce oves meas, etc. Quodcum- » que ligaveris super terram, etc. » II en est de même des lois que les évêques font dans leurs diocèses, qui tiennent leur pouvoir aussi de Jésus-Christ, ou immédiatement ou au moins médiatement, comme nous le dirons au n° 53.                   «
XIV. Nonobstant cela, plusieurs docteurs comme Valentia, Filliut., Navarre, Bonac. et d'autres,disent qu'il appartient à la douceur du régime de l'Église, qu'on n'attache pas d'obligation aux lois qui n'ont pae été reçues par les fidèles ; mais j'admettrais plus volontiers l'opinion contraire de Suarez, Laymann, Castropal., Salmant., etc., par la raison déjà énoncée plus haut, que quand le précepte est juste, les inférieurs sont tenus de l'observer ; on ne doit donc pas
(?) Lib. I. n. 527.
( ») De leg. cep, ?, », 10?.
1?4             INSTRUCTION  PRATIQUE
penser que le supérieur, pour ne pas contrarier, veut dispenser de l'obligation au précepte (?).
XV.  Cependant cette opinion est limitée : 1° lorsque la loi n'a pas été acceptée même après l'espace de dix ans, comme le disent communément tous les docteurs, quand bien même encore elle eût déjà été reçue pendant quelque temps et qu'ensuite elle fût tombée en désuétude pendant dix ans. C'est le sentiment de Lessius, Azor, Navarre, Castrop. et Sa, contrairement à celui d'autres docteurs qui exigent une désuétude de quarante années ; car si cette disposition a lieu pour les lois civiles qui exigent une prescription de trente années à l'égard des biens immeubles et des droits temporels de l'Église, elle n'existe pas à l'égard de ses lois.
XVI. 2° Suarez, Lessius, Castropal., Tapia, Salin., Busemb., bornent encore cette opinion au cas où la majeure et la plus saine partie du peuple n'aurait pas reçu la loi, parce qu'alors quoique la désuétude n'ait pas encore été prescrite., et que les premiers opposants à la loi aient péché, néanmoins les autres ne sont pas tenus à l'observation, parce qu'ils supposent que le prince, en ne prescrivant pas positivement son observation, en ne punissant pas les transgresseurs, ne veut pas obliger chacun à l'observation d'un précepte qui n'a pas »été observé par la majeure partie. Nous disons les autres, parce que cela ne concerne pas ceux qui ont introduit l'inobservation, à moins qu'elle n'ait pas encore été prescrite, comme le remarque avec raison Castropalao.·-
XVII.  Cette opinion est encore limitée pas Salas, Caslropal. Suarez (conlrairementà d'autres docteurs),
(1) Lib. I. u J38. v. Quasi.
POLB  LhS  CONFESSEURS.            *?5
si la loi est contraire aux coutumes qui sont en vigueur ou bien quand elle est d'une observation difficile. Cependant c'est avec raison que les théologiens de Salamanque admettent cette même opinion dans le seul cas où il existerait des circonstances qui, si elles avaient été connues, auraient empêché le prince de faire la loi. De même si le peuple demandait avec instance la révocation de la loi, et que d'après cette demande le prince en permette l'inobservance, on doit présumer probablement qu'il n'avait pas l'in-lention d'attacher dans le temps obligation à la loi, tomme l'admettent beaucoup d'auteurs.
SECOND POINT.
De l'obligation attachée à la loi.
18. 19 et 20. Obligations des lois précepthes.
ai. Si la loi peut obliger à l'égard des actes in · térieurs.
22. Si elle oblige sous de graves inconvénients.
aa. Si la loi peut délier de l'obligation naturelle.
24 et 25. Si nous devons mettre de côté les empêchements.
26 et 27. Doutes à l'égard de la loi.
28 et 29. Des lois pénales, spirituelles, privatives, et qui rendent incapables.
3o. Des lois fondées sur la fausse présomption.
a ?. Des lois conventionnelles.
3I. Si la charité est nécessaire.
??. Si l'intention est nécessaire.
?4 et 35. Si on peut satisfaire à plusieurs préceptes avec plusieurs actes ou un seul.
36. S'il y a divers préceptes sur la même ma-Uere.
 !?6            INSTRtCTIOI » PRATIQUE
XVIII. On doit distinguer les lois préceptives des lois pénales. Les lois pénales sont celles qui n'obli » gent pas à la faute, mais à la seule peine imposée. Les lois préceptives obligent sous peine de faute et en conscience ; que ces lois soient ecclésiastiques ou civiles, pourvu qu'elles ne découlent pas de la loi canonique, comme je l'ai prouvé dans mon Traité de morale. Les lois mixtes sont celles qui obligent sous peine de faute et de châtiment ; mais ces lois rentrent encore dans les lois préceptives. Ainsi nous parlerons i° des lois préceptives ; UO des lois pénales ; 3° de la manière d'observer les lois. Et d'abord en parlant de la loi preceptive, elle oblige selon que la matière est grave ou légère ; néanmoins le législateur peut, suivant l'opinion la plus probable, même dans une matière grave, obliger seulement sous peine de faute légère. Mais en matière légère il ne peut obliger sous peine de faute grave, à moins qu'il n'ait un but puissant, ou que la transgression n'ait de la gravité soit à cause du scandale, ou du dommage commun, ou du mépris de la loi ; et ce mépris de la loi est toujours une faute grave, quand il est formel, c'est-à-dire quand quelqu'un h'ansgresse la loi dans le seul but de ne pas s'y soumettre ; mais non quand il la viole par négligence, ou dans un moment de colère, ou lorsqu'il esl entraîné par quelque passion, quand bien même son péché serait réitéré, comme l'enseigne saint Thomas :
« Etiamsi frequenter peccatum iteret. » (a. 2. 9. i85. a. 9. ad. 3.)
XIX. Les signes au moyen desquels on reconnaît que la loi oblige sous peine de péché grave, sont ceux-ci : i° si la matière est grave par elle-même ; a" si la coutume l'a interprétée ; 5° si le texte même de la loi renferme les mots de commandement grave ou de
POU » LES CONFESSBVM.              1O7
sainU êbiissancc, et autres termes semblables. Au reste, les simples paroles noue ordonnons, nt us voûtons, ou bien encore, qu'il soit fait, abstenez-vous, fermée qui peuvent être ambigus, doivent être interprétées suivant les circonstances et être reconnues comme préceptife ou de simple conseil ; 4° ? à 1 inobservance (ou péché) est attachée une peini grave, comme celle de l'exil perpétuel ou de l'excojnmuni-cation, de l'irrégularité, de l'interdiction db toutes choses, de la suspension générale de toute charge ou d'un bénéfice pour un temps notable. Toutolois cela s'entend lorsque les peines sont véritablement spécifiées, mais non pas seulement à infliger, ainsi que l'admettent probablement tous les, docteurs.
XX. On demande t° si, dans le cas où la oi prescrit la peine et en même temps donne le ? 'écepte, elle entraîne alors obligation sous peine de péché. Quelques docteurs le nient, à moins que le texte de la loi ne l'exprime ; mais d'autres l'affirment avec plus do probabilité, parce que la différence qui existe entre la loi purement pénale (ainsi que nous l'avDns déjà dit) et la loi mixte, c'est que la première inflige la peine, tandis que la seconde y joint le péché ; autrement le législateur aurait en vain joint la leine au précepte ;
XXI. On demande a" si la loi humaine peut commander des actes intérieurs ; elle ne le peu directement, parce que Dieu seul peut juger ce qu se passe dans le for intérieur ; mais elle le peut indirectement, quand l'acte intérieur doit nécessairement întrainer l'extérieur, comme par exemple lorsque l'Èf lise prescrit la confession annuelle, elle prescrit (n même temps le repentir, les bonnes résolutions sans les-quelelaconfessionuesawaitêtrevalable ;lor qu'aussi
1?8            INSTRUCTION  PRATIQUE
en recommandant le mariage elle exige en même temps le consentement mutuel ; lorsqu'en confé. rant une paroisse à un clerc, elle exige qu'il ait l'in. tention formelle de prendre la prêtrise dans le délai d'une année. Quant aux actes externes, bien que cachés, sans aucun doute la loi peut les commander ou les défendre, telle que l'hérésie exercée d'une ma-nière occulte qui encourt néanmoins l'excommuni-cation papale, ainsi que l'homicide occulte qui encourt l'irrégularité (1).
XXII. On demande 5° s'il y a obligation d'observer la loi, lorsqu'il en résulte un grand mal ou del graves inconvénients. Les docteurs enseignent communément que non, excepté dans deux cas particuliers : i° lorsque l'observation de la loi est moralement nécessaire au bien public que l'on doit toujours préférer au bien temporel privé ; 2° si la transgression de la loi entraîne le mépris de la foi ou de l'Église (2).
.On demande 4° si la loi humaine peut enlever l'obligation naturelle, comme la loi qui annule les testaments ou les contrats faits sans les formalité* voulues, ou bien encore la loi qui dispense le fils de famille de payer l'argent qu'il a emprunté. Je dirai que cette faculté a lieu en suivant l'opinion plus probable de Sanchez, Castropaî., Salmantj (?), parce que la loi humaine en raison du bien commun a reçu de Dieu même le pouvoir de transférer la possession des choses, quoique le contraire soit encore probable.
XXIV. On demande 5° si nous sommes obligés d'ôter les empêchements prochains qui s'opposent à
(1)  Lib.. I. n. loo.
(2)  Salm. tr. 11. c. 2. 11. ??? et I5J. Auacl. ti\ 2. dit. 2. T. 0· u. 4- 33.
(1) Lib, III. ?. 711. 707. 927.
POTJR  LES  CONFESSEURS.              ' °9
l'accomplissement de la loi ; il s'agit de la loi humaine (parce qu'à l'égard de la loi naturelle il n'y a aucun doute) ; il faut distinguer : s'il existe quelque motif par lequel une personne puisse se soustraire à l'obligation delaloi, cela est permis : ainsi, si aujourd'hui est un jour de fêle dans un lieu, on peut aller dans un autre où une telle fête n'est pas célébrée, et ainsi se dispenser de la messe ; mais produire un motif qui ne soustrait pas la personne, mais seulement la dispense de l'observation de la loi, cela n'est pas permis. Ainsi la personne qui sans cause légitime s'expose à quelque indisposition qui la dispense du jeûne, pèche certainement, et pèche non seulement si cette indisposition est recherchée dans le but d'être dispensé du jeûne, mais encore dans la pression de la dispense, parce que toute loi défend qu'on mette des empêchements à son observation, sans cause légitime. C'est le sentiment de saint Thomas (1), c'est aussi ce qu'enseignent Laymann, Sanchez, Mazzotta, et ce que j'admets moi-même, contrairement à l'opinion des théologiens de Salaman-que (2) et de plusieurs autres.
XXV. On demande si les excommuniés et les prisonniers sont obligés de se procurer l'absolution et la liberté, afin d'entendre la messe. On répond communément que non, parce que de tels empêchements sont indépendants de leur volonté. Néanmoins, les personnes qui sont dans cette position pèchent, lorsqu'elles ne cherchent pas à se libérer, dans le but de ne pas être astreintes à l'audition de la messe. BonacmaetTrullenchio disent aussi probablement,
(>) Lib. 2. qu. 71. a. 5. (2) Lib. m. ?.,?45-, » 46.
110           INSTRUCTION PRATIQUE
que si ces personnes peuvent se procurer aisément la liberté, elles seraient inexcusables, parce qUe nous sommes obligés, lorsqu'il n'y a qu'un léger in. convenient, d'ôter les empêchements, afin d'accom. plir un précepte important, mêmehumain (1). Sans aucun doute, les personnes dont nous venons de parler doivent tâcher d'obtenir la liberté pour accomplir le précepte divin de la pâque ( 2).
XXVI. On  demande 6° si l'on est obligé d'ob. server la loi, quand la loi ou l'obligation de la loi sont douteuses. Nous répondrons qu'il n'y a pas obligation, d'abord parce que le doute sur l'existence delà loi ayant lieu, ce doule persévère après toutes les recherches nécessaires, comme nous l'avons dit en parlant de la conscience, au chap. Ier, ?. 15 et 5î, Ensuite, si l'on doute que certain cas soit compris ou non, dans la loi, ou bien si le commencement de l'obligation de la loi a eu lieu ou non, suivant la doctrine de Suarez (?), Sanch., Castropal., Salmanti., Tapia, Villal. ect. ; les mêmes docteurs ont la même opinion à l'égard du doute sur la promulgation de la loi (4).
XXVII. La loi doit, au contraire, être observée, ? "lorsqu'on doute si elle a été ou non acceptée ; parce que l'existence de la loi étant certaine par 14 même, la possession est pour elle, et alors on doit présumer qu'elle a été reçue comme elle le devait. C'est l'opinion la plus probable, soutenue par Sanchez, Castrop. et les théolog. de Salam. (5), contre
(1) Lib. III. ?. 125. V. Excommuu.
(2) Lib. VII. ? » iGi.
(5) Suar. de leg. c. a.n. 110.
(4) Lib. II. n. 97.
(5) Lib. I. n. 97.98.99.
IBS  COMFE8SEBR9.              * · »
4'autres docteurs ; a" lorsqu'on doute si le législateur estuû supérieur légitime, quoiqu'il soit encore en possewion de sa juridiction ; 3° quand on doute si le supérieure excédé dans le commandement, parce que la possession est toujours en faveur de son pouvoir. Soto. Sanchez, Tapia, etc., exceptent cependant le cas où la chose présente est nuisible ou a de gra>es inconvénients pour le sujet ; 4° lorsqu'on Joute si la loi est injuste, parce que dans le doute, le supérieur a toujours le droit de commander (1). Mais les docteurs limitent ce dernier cas, lorsque le précepte peut être nuisible au sujet. Quant au doute si la loi renferme un précepte ou une admonition, ou bien si elle oblige sous peine de péché et de châtiment, ou bien encore si la faute est grave ou légère, on doit dans tous les cas s'en tenir toujours à l'opinion la plus modérée ( 2 ), Mais dans le doute si la chose ordonnée est légitime ou non, on doit certainement obéir au supérieur, comme nous l'avons dit au chap. Ier, num. 18.
XXVIII. Parlons maintenant en second lieu dès lois purement pénales qui obligent, comme nous l'avons dit, non à pécher, mais à la peine, comme sont les lois qui- défendent de couper les arbres, d'arracher les haies, et autres choses semblables'. Nous devon » remarquer ici que les peines spirituelles de la censure, de l'irrégularité, de l'inhabileté, des empêchements de mariage, etc., quand elle* sont latas sententia} et n'exigent pas une exécution extérieure, s'encourent en conscience, dès que le délit est commis, avant même la sentence du
( ») Lib.IV.n. 47. V. Limitant. (a) Salin, de leg. c. 1. n. 12.
juge, comme on le voit dans le chapitre NOn dubium de sent, excommun., et cha. Signifìcau% de homic. Il en est de même pour les peines d'inhabileté, ainsi que pour les peines privatives de quelque droit acquis, pourvu que le coupable ue soit pas obligé d'essuyer la peine avec infamie.
XXIX. Autrement, lorsque la peine est privative de quelque droit déjà acquis, comme par exemple. d'un bénéfice, d'une élection, parce qu'alors on rend toujours la sentence au moins déclaratoire du crime, declaratoria eriminis ; bien que la loi exprime que la peine est encourue par le fait lui-même, ipso facto, comme nous le verrons dans le chap. Secundum de Hœr., in. 6. Et cela a d'autant plus de valeur si lapeine est positive, telle que l'obligation de restituer positivement, ou de renoncer àla possession, ou bien de souffrir quelque peine, suivant la loi, qui, par exemple, pour cause de siniO' nie ou d'aliéitations de biens bénéficiaires, prive même la personne des bénéfices antérieurement obtenus ; parce qu'il serait trop dur d'être obligé de mettre à exécution contre soi-même une telle peine. Nous en exceptons cependant les peines d'inhabileté, ou qui contiennent la condition sine quâ non, comme est la peine imposée par le concile de Trente aux curés et aux chanoines et qui consiste à être privés des fruits de leurs bénéfices, lorsqu'ils ne résident pas ; ou bien encore celle qui concerne les bénéficiaires simples et qui les prive de leurs revenus, s'ils ne récitent pas l'office (i). Il en est de même pour celui qui est privé du bénéfice d'une cure, lorsqu'il ne prend pas le sacerdoce/dans le délai d'une année,
(?) Lib. III. n. 663. 464. 126.
POtR  LES  CONFESSEURS.               ï1 »
comme on le voit dans le chap. Licet, de elect., in.5,
XXX. On demande, en premier lieu, si les lois pénales qui sont fondées sur une fausse présomption, obligent en conscience ? Il faut distinguer la présomption dite de presupposition {prœsuppositioms), c'est-à-dire la présupposition du fait, de la présomption de définition (definitionis), qui est la pré-somptioo du droit, lequel juge suivant le fait présupposé. Si donc il y a fausseté dans la présomption du l'ait, alors la loi n'oblige pas ; par exemple, si l'on prouve faussement en justice qu'un de vos animaux a causé quelque dommage, alors vous n'êtes pas obligé en conscience à payer le dommage, et si la sentence de paiement est rendue, quand bien même on devrait s'y soumettre pour éviter le scandale, néanmoins on peut se compenser en secret. Il en est de même pour l'héritier qui, pour n'avoir pas fait l'inventaire, est.condamné à satisfaire les créanciers du défunt, quand, dans le fait, les dettes dépassent l'héritage. Mais il en est autrement lorsque la présomption est seulement fausse quant au droit : par exemple, si un de vos animaux a réellement causé quelque dommage, et que la présomption que cela est arrivé par votre faute soit fausse, alors vous êtes obligé de payer le dommage (quand la sentence est rendue), parce que le but de la loi est non seulement de réprimer les fautes, mais encore de rendre les hommes prudents pour éviter de causer du dommage au.prochain (1).
XXXI. On demande, en second lieu, si les peines conventionnelles, exprimées dans les contrats  doivent être exécutées avant la reddition de la sentence.
(i) I-ib. ?. ?. loo. ia fin. X. Qucst, *.  ????,
Ìl4              INSTRUCTION PRATIQUE
Quelques docteurs disent oui, les autres non, tels que Navarre, Lessius, Sanchez, Castrop., Vasquez. Aux yeux des théologiens de Salamanque, cette seconde opinion est douteuse, par la raison que celui qui s'oblige, entend s'obliger selon la disposition des lois, qui n'obligent à la peine qu'après la sentence (1).
XXXII. 1.11° De la manière dont on doit observer ces lois. A cet égard, nous remarquerons que quelque nécessaire qu'il soit que l'homme soit en état de grâce, afin que son œuvre soit méritoire, il n'estnulle-inent nécessaire qu'il ait la charité pour satisfaire aux préceptes, par exemple du jeûne, de la messe, de l'office etautres choses semblables ; comme aussipour accomplir les vœux, et la pénitence sacramentelle, puisque.'comme l'enseigne saint Thomas (2) et d'autres docteurs communément avec lui, la fin du précepte ne tombe pas sous, le précepte. En effet (ce sont les paroles du saint docteur), il y a une différence entre la fin du précepte et l'objet pourlequelle précepte est donné : « Non enim idem est finis praecepti, et id de quo praeceptum datur. » Ainsi, on peut satisfaire au précepte du jeûne, en le faisant même pour une fin coupable, comme par avarice, ou vaine gloire (?).
XXXIII. 2° Nous remarquerons que pour accomplir les préceptes il est bien nécessaire d'avoir l'intention de faire ce qui est ordonné : ainsi celui qui assiste à la messe sans  avoir l'intention de l'entendre (4). ne satisfait pas au précepte ; mais en
(1) JJ. i5o.
(•2) 1. 2. 9. 100. a  3. et 10.
(3) Lib. ?. ?. ?62. et lib. III. n. 264.
(4) Lib. 1. ?. 165.
POOR  IBS  CONFESSEURS.
exécutant le fait, l'intention de vouloir satisfaireau précepte n'est pas nécessaire. Ainsi, si quelqu'un entend la messe le jour d'une fête, il satisfait au wécepte quand bien même il ne saurait pas que c'est un jour férié ; il en serait de même quand il le saurait, et qu'il n'aurait pas l'intention d'y satisfaire,.ou bien s'il y satisfaisait par la seule crainte de son père ou de son maître ; car, quand bien même il pécherait par sa mauvaise intention, néanmoins il aurait satisfait au précepte, en accomplissant le fait, parce qu'une telle satisfaction ne dépend pas de sa propre volonté, mais de celle du maître : ainsi quand il satisfait, il ne peut pas ne pas vouloir satisfaire et s'imposer une obligation, puisqu'il a déjà satisfait, comme le disent avec raison Suarez, Lessius, Tour-nely, Ponce, Sanchez, Castrop., Coninch. (1), Bu-sembaum., les théolog. de Salamanque, Lacroix et autres communément. Au contraire, iï n'en serait pas ainsi si quelqu'un ayant un vœu, un serment, ou une pénitence à accomplir, en se mettant à l'œuvre, n'avait pas l'intention de satisfaire à ses obligations. Cela s'entend néanmoins quand, se souvenant du vœu ecclésiastique, il applique l'œuvre à une autre fin ; autrement il satisfait véritablement, parce que généralement chacun s'applique d'abord à satisfaire à ses obligations, et ensuite aux choses de spréregation. C'est la doctrine de Suarez, Azor, Lessius.Laymann, Busembaum, Roncaglia(2).
XXXIV. 5° Remarquons que l'on peut satisfaire en même temps à plusieurs préceptes avec divers actes qui soient aïliables ; ainsi, pendant l'audition
(?)  Lib. ?. ?. ?64. Fusius, lib. IV. a  176 W Lib. ?. „. l63.etlib. III. ?. 7??. qu. u. V. Limitant, addè Sala », de leg. c. 2. n, i52.
Il6            INSTRUCTION PRATIQUE
de la messe, on peut réciter les heures ou d'autres oraisons qu'on a à reciter par suite de vœux ou de pénitences (1).
XXXV. 4° Remarquons que par un seul acte on peut encore satisfaire à plusieurs préceptes qui concernent la même chose et ont le même motif (pourvu que ce'ne soit pas en matière de justice) : ainsi pour les fêtes qui tombent le dimanche, on peut n'entendre qu'une seule messe. De même le sous-diacre qui a un bénéfice, satisfait à l'obligation de l'ordination et du bénéfice en ne récitant l'office qu'une seule fois (a) ; et celui qui viole les deux préceptes dans ce cas, ne commet qu'un seul péché. Mais il en est autrement si les préceptes ont divers motifs ; ainsi celui qui doit jeûner par suite de vœu ou par suite de pénitence imposée après la confession, ne satisfait pas au jeûne de la vigile (?), à moins appen-dant que la pénitence ne soit imposée pour un mois dans lequel tombe la vigile (4).
XXXVI. 5" Remarquons que celui qui transgresse par un seul acte plusieurs préceptes, faits parêdivers législateurs sur la même matière, ne commet qu'un seul péché, lorsque les législateurs ont eu le même motif ; ainsi celui qui commettrait l'homicide prohibé par un évêque, même avec excommunication, commettrait un seul péché, parce que Dieu et ? évêque avaient eu le même motif de justice. De même, un prêtre bénéficiaire qui abandonne l'office (pourvu qu'il veuille restituer les fruits), commet un seul péché contre la religion ; mais il en est autrement si
(1) Lib. III. ?. 3o9- et lib. IV. ?. 176. V. circa, in Gn.
(2)  Lib. I. n, i56. Cum salman, e. 2. n. i4g.
(5) Lib, ??. n. 166. ad.,2. Cora salmi clc leg. c. a, n. i5i. (4) Ibid.
POM  LES  CONFtSbtinS.             117
les motifs sont différents. Ainsi celui qui transgresse le jeûne de la vigile lorsqu'il l'a aussi promis par iceu, commet deux péchés ; celui qui tue un clerc, commet deux péchés, l'un contre la justice à cause du précepte divin, Vautre contre la religion à cause du précepte de l'Église qui défend d'offenser ses ministres pour le respect qui leur est dû (i). Et d'ailleurs, en règle générale, quand l'Église ordonne quoique chose, elle la met au nombre des vertus par les motifs de laquelle elle la commande (2).
TROISIÈME POINT.
De ceus qui peuvent faite les lois.
37. Quels sont ceux qui peuvent faire les lois civiles ou les lois ecclésiastiques ?
38 et 3g. Déclarations des saintes congrégations et de la rote romaine.
XXXVII. Les lois civiles ne peuvent être faites que par ceux qui ont le pouvoir suprême, comme sont les rois, les républiques et les autres princes qui ne reconnaissent pas de supérieurs. Les autres communautés sujettes ne peuvent faire que quelques statuts auxquels les citoyens sont astreints en raison du contrai ; elles peuvent aussi faire quelques préceptes, mais seulement temporels et révocables par le prince. Ces lois civiles, comme nousl'aïonsdéjà dit, obligent bien en conscience, ainsi que je l'ai prouvé dans « row Iraité de morale, quoiqu'elles n'aient pas été expressément corrigées sur le droit canonique, qui veut quelles soient observées. C. 1. de nov. op. ecc.
(1) Lib. I 11. ib7. et filii. lib. \, n. 35. (3) Ub. 6. u. 470. V. Tu IM.
118            INSTBtCTION  PRATIQUE
sup. de priv. Quant aux lois ecclésiastiques, elle » peuvent être faites, i° par le pape, dans tout l'univers, 2° par les conciles généraux, parce qu'ils sont rassemblés par l'ordre du pape, et confirmés par son autorité. (Dans mon traité de morale j'ai mis une longue dissertation dans laquelle j'ai lâché de démontrer que les décisions prises ex cathedra par le pape étaient infaillibles, que son pouvoir est au-des3us de celui des conciles, que ceux-ci tirent leur fermeté et leur infaillibilité de son approbation. Voy. lib. ?. ?. ? io. Suarez, Bannez etBellarmin prétendent que l'opinion, que les définitions du pape sont infaillibles, s'approche de la foi, d'où Beìlarmin conclut que la contraire, par conséquent, s'approche de l'hérésie.) 5° Les lois peuvent être faites par les conciles nationaux ou provinciaux, c'est-à-dire composés des évêques et de leur archevêque, ou parles synodes composés des évêques et de leurs curés ; 4° elles peuvent- encore être faites par les évêques relativement à ieur diocèse, cap. 2, de major, etc., et cap. 2, de consùt., in. 6, mais lorsqu'ils sont aidés des conseils des prêtres de leur diocèse, comme il résulte du chap. Quanto, de iis quœ fiunt à prœlatis. De qui les évêques tiennent-ils immédiatement la faculté de faire des lois ? les uns disent que c'est du pape ; les autres de Dieu, mais subordonnée au pape. Un grand nombre d'auteurs, tels que Soto, Panorme, Abul., Sanchez, Ponce, Cabassut, Covarurr., Hurtado, Perez, Henriquez, prétendent que l'évêque a autant de pouvoir dans son diocèse que le pape dans toute l'Église, pourvu que ce ne soit pas un cas,regardant spécialement l'Église universelle, telles que les décisions qui concernent la foi, ou les choses de grande importance, comme les empêchements, diri-
POUR  1-ES CONFESSEURS.              · 1 9
meets de mariage, ou autres choses semblables (1). On pourra voir ce qui sera dit à ce sujet au Point VI, s. i. n. 58. Les chapitres des cathédrales ne peuvent pas faire de lois (excepté envers leur chapitre), du vivant de l'évêque, mais ils le peuvent quand le siège
est vacant (s).
XXXVIII. Il se présente ici un doute de la part des docteurs ; ils demandent si les lettres pontificales, les réponses ou les déclarations non insérées in corpore juris, ont force d'obligation. Nous répondrons que oui, parce que toujours elles sont authentiques, comme le déclare le pape Nicolas Ier eri parlant à ce sujet dans le canon Si Romanorum ?. Dist. 19 ; pourvu qu'elles soient suffisamment promulguées, comme l'écrit Bonac. (3), en disant : « Que l'interprétation de la loi légitimement faite, n'a pas force de loi si elle n'est pas promulguée, parce que la promulgation est l'essence de la loi. » Et il cite à ce sujet Salas et d'autres docteurs, et il ajoute : « Ex quo licet inferre, « epistolas pontificias non habere \im ltegis, nisi pu- » blicentur eo modo, quo publicari solent leges. » Castropalao parlait de même (4) : « Debet autem haec « declaratio (pontificia) publicari ea solemnitate, qua » leges, alias non erit authentica, quae legis obligatio- »nem non habebit, sed solum erit declaratio doctri- » nahs. » Suarez l'enseigne aussi dans son célèbre Traité des Ms, où, en parlant des épitres pontificales, il dit : « Ordinariae epistolae, sive responsa pontificia » sunt potius, non constitutiva, sed déclarative, etha- »bent \im legis obligantis ad illam interpretationem
CO Lib. Vi. n. Ó8o. V. Sed.
(a) Lib. ?. ?. lo. cir- gn
(5) Tom. II. defeg.Di.p.I.,.,.4.     11§
WC » rep. lr.5. dclcg. 4.p. 5. §.,.,,,,
120,           INSTRUCTION  PRATIQUE
« tenendum, vel ad servandum antiquum jus secun. » dum illam interpretationem. » Ensuite en parlant des interprétations authentiques, qui sont la même chose que les déclarations que font les législateurs à l'égard de leurs propres lois ou de celles de leurs prédécesseurs (1), il dit encore : « Ut authentica sit in- »terpretatio, oportet, ut habeat legis conditiones, ut » sit justa, sufficienter (notez) promulgata, etc. Unde » consequenter iit, ut hœc lex interpretativa alterius » exposita sit dubiis, et obscuritatibus, ac subinde ut » etiam propter illam aliae interpretationes necessariae » sint. » Ainsi ces déclarations ou ces interprétations authentiques des pontifes, quoiqu'elles ne soient pas ? de nouvelles lois, néanmoins pour obliger ont besoin de promulgation comme toutes lois nouvelles ; et par là elles rendront certaines des obligations qui en premier-lieu étaient douteuses. C'est encore ce qui est exprimé positivement dans le canon que nous avons cité Si Romanorum, dans lequel Nicolas reproduit et confirme le décret du pape saint Léon qui disait : « Ne quid vero sit, ut quid a nobis praetermissum « forte credatur, omnia decretalia constituta tam » beatae recordationis Innocentii, quam omnium de-) cessorum nostrorum, quae de ecclesiasticis ordini- » bus, et canonum (notez) promulgata sunt disciplinis, » ita a vestra dilectione custodiri mandamus. » Et néanmoins à cet égard, Roncaglia (a) fait remarquer avec raison, en parlant de toutes les constitutions pontificales, qu'elles entraînent force de loi non seulement lorsqu'elles ont été solennellement promulguées ; mais encore à l'égard de celles qui, par l'usage et le
(i) Suarczcle log. 1. VI. e. 1. n. 5.
(a) De leg. q ?, c, a. q. 7. U » sp. Ii. v, Quaud. decretum·
POUR  LtS  CONFESSEURS.              121
sentiment de l'Église universelle, sont regardées, depuis plusieurs siècles, comme suffisamment promulguées et authentiques.
XXXIX. On demande 2° si les déclarations des sacrées congrégations ont force de loi : sans aucun doute elles obligent comme loi dans les cas particuliers pour qui elles sont faites. Quant à quelques autres cas semblables, beaucoup de docteurs l'affirment t'ncore probablement, pourvu qu'elles soient revêtues du cachet et de la signature du cardinal-préfet, et qu'elles aient été faites consulto pontifice, comme le prescrit Sixte V dans sa bulle 74 à l'égard de la sacrée congrégation du concile. Beaucoup d'autres docteurs néanmoins disent avec autant de probabilité que de telles décisions, Lien qu'elles soient d'un grand poids, toutefois ne peuvent pas obliger universellement à moins qu'elles ne soient promulguées dans toute l'Église, de manière que le pape déclare qu'il veut qu'elles soient observées par tous les fidèles. C'est le sentiment de Sanchez, Tournely, Bonaci, Vasquez, Cardenas, Terrillo, Vega, Yillalob., Tapia, Lezana, les théologiens de Salamanque et Mazzotta ; la raison en est que ces décisions (comme je l'ai dit au premier doute émis et comme je le dirai encore en parlant de l'interprétation auxn™ 7 5 et 74), étant toujours faites par d'autres que le législateur lui-même,  sont de nouvelles lois, ou au moins sont telles qu'elles ont besoin d'une nouvelle promulgation, suivant ce que nous avons vu au n » 5, et cette promulgation n'a pas heu dans les décisions des sacrées congrégations (1). Laymann dit au moins que dans le doute si ces décidons non promulguées ont ou n'ont pas force de
(1) Lab. I. u. l06. ? Secuuda.
ISS            INSTRUCTION PRATIQUE
loi, elles n'obligent pas. « Prœsumendurn non est « habere vim legis, praesertim cum authentice non » promulgatur (1 ). » Au reste, ce qui a été dit avec Ron-caglia dans le premier doute sur les constitutions pontificales, peut encore s'appliquer aux décisions émanées de la sacrée congrégation du concile, c'est-à-dire que ces décisions consacrées par un usage de plusieurs années ou promulguées universellement par le moyen des auteurs dans toute l'Église, elles obligent tout le monde à leur observation.
XL. Les décisions de la Rote romaine ont tout au moins force de lois universelles ; quant à l'obligation que peuvent imposer les règles de la chancellerie, Lessius, Valerius, Diana, le nient par la raison qu'elles ne sont pas promulguées ; aussi disent-ils qu'elles n'ont de force que pour la direction de la cour de Rome. Mais Lacroix (?), Gomez, Azor et autres, prennent l'affirmative à cause de la pratique qui assure qu'elles sont observées au moins dans le cas où ces règles ont une matière générale et qui n'est pas restreinte seulement à la cour de Rome,
QUATRIÈME POINT.
De ceux qui sont obligés à la loi.
41. Qui sont ceux qui sont tenus à la loi. 4s. Si les enfants,
45. Les législateurs,
44 et 45. Les voyageurs y sont obligés.
46. Si le voyageur ne fait qu'un court séjour.
47. Si l'évêque peut dispenser le voyageur des vœux et du jeûne.
(1) Lay. de leg. 6. 7. § 7. cum Sauch, et Rodrig. (3) Lacroix, lib. I. n. 575.
POVB LE* CONFESSEVRS.
XLI. ? faut d'abord remarquer que les uns ne sont pas tenus à la loi humaine de laquelle seulement nous parlons ; tels sont les inûdèles, les enfants et les insensés. D'autres sont dispensés de la loi, tels que IPS hommes ivres, les dormants et les ignorants. Ainsi il n'est pas permis d'engager les seconds à transgresser la loi ; c'est le contraire pour les premiers. Mais b'il s'agit de la loi naturelle, c'est toujours un péché d'engager qui que ce soit à la violer (1).
XLII. SaintAntonin, Soto et d'autres docteurs prétendent que les enfants ne sont pas obligés d'observer les lois ecclésiastiques dès qu'ils ont l'âge de raison, mais seulement à l'âge de dix ans. Mais communément d'autres docteurs repoussent avec raison cette opinion. Ainsi, si, ce qui est rare, un enfant, avant l'âge de sept ans, avait certainement un parfait discernement, plusieurs pensent probablement qu'il est encore obligé, bien que je ne regarde pas comme improbable l'opinion contraire par laquelle saint Thomas a dit : « Que les lois ne concernent pas les cas rares, mais ordinaires (2). » « Legislator attendit ad »id quod in pluribus accidit. » Quant au précepte de la confession annuelle, il est certain qu'un tel enfant y est obligé expressément s'il a péché mortellement puisque le texte du chap. Omnis de pœnit. et rem. astreint positivement ceux qui ont atteint l'âge de discrétion. Dans le doute si un enfant possède ou non l'usage parfait de la raison, avant la septième année, on doit présumer que non ; mais après on doit présumer que oui (?).
XLIII. Les législateurs sont aussi tenus à l'obser-
(i) Lib. ?. ?. ?58.
(a) 2. 2. q. i47. a. 4.
(3) Lib. III. n. 270 et lois.
124            INSTRUCTION  PRATIQUE
vation de leurs lois, au moins sous peine de faute légère, à raison de l'exemple qu'ils doivent donner à leurs subordonnés ; et ils y sont tenus sous peine de faute grave, lorsqu'il s'agit de taxation de prix ou de la validité de contrats (i).
XLIV. Quant aux voyageurs, on doit examiner plusieurs cas : i° le voyageur est obligé à l'observation des lois communes à tous les lieux, pourvu que le pays soit catholique et qu'il n'y rencontre pas des coutumes opposées (2) ; mais il n'est pas obligé aux lois locales de sa patrie, tant qu'il est absent, pourvu qu'il ne soit pas parti dans le but de se dispenser de la loi ; il en serait de môme s'il allait dans une localité dispensée, bien que du même diocèse ; et c'est par cette raison que probablement les couvents et les églises des réguliers sont exempts de la juridiction des évêques suivant Sair., Avila, Enriquez et les théologiens de Salamanque ; Diana, puisque Je concile de Trente : Ses. ?4· cep. 5. dereform. in fin., proclame que les personnes comme les possessions des réguliers sont exemptes (3).
XLV. 2° Le voyageur est tenu à l'observation des lois du lieu dans lequel il se trouve, quand bien même il n'y aurait contracté qu'un quasi^domicile, suivant l'opinion commune, malgré le dire des docteurs qui demandent le véritable domicile. On doit remarquer que le véritable domicile se contracte par celui qui a l'intention do rester perpétuellement dans un lieu ; et l'on peut présumer cette intention, lorsqu'il y transporte la plus grande partie de ses
(j) Lib. ?. ?. ?54,
(2) ?. ?6?.
(3) Lib. ?. ?. ?56. r. Notandum a.
POU » LES  CONFESSEURS.
biens, ou bien lorsqu'il y construit ou achète une maison, ou bien lorsqu'il manifeste expressément cette intention, ou bien, enfin, lorsqu'il y a passé dix années sans avoir jamais eu l'intention d'en partir. Le quasi-domicile est aussi contracté par celui qui habite un lieu pendant la plus grande partie ou une partie notable de l'année.
XLVI. On demande, i° si les lois d'un pays obligent le voyageur qui n'y fait qu'un court séjour. La première opinion, qui est celle de Ponce, de Suarez, Soto, Tapia, Covaruv., est pour l'affirmative ; Sanchez et les théologiens de Salamanque la regardent aussi comme probable, parce que (suivant ce qu'ils disent) il est convenable, pour la paix publique et pour éviter le scandale, que tous observent les lois des lieux dans lesquels ils se trouvent. Mais pour contracter l'obligation d'observer les lois locales, beaucoup de docteurs disent qu'un simple passage par un lieu ne suffit pas, mais qu'il faut y avoir fait quelque séjour ; les uns en taxent la durée à un jour entier, les autres à la plus grande partie d'un jour. Mais à mon avis le père Suarez parle avec plus de raison lorsqu'il distingue : si le voyageur arrive à un certain lieu comme terme de sa route, alors il est tenu à l'observance de toutes les lois de ce lieu ; s'il y est seulement de passage, il n'est pas obligé aux préceptes positifs, tels que le jeûne et l'audition de la messe ; parce que le précepte positif oblige seulement ceux qui ont domicile dans ce lieu et non ceux qui ne font qu'y passer ; mais il est obligé aux préceptes négatifs qui obligent pour toujours, lorsqu'il passe une journée entière dans la localité. Celte première opinion est suffisamment probable ; mais on admet plus communément, et cela est plus probable, que le voyageur
 INSTRUCTION PRATIQUE
n'est pas tenu à l'observation des lois du lieu lorsqu'il n'y a pas élu domicile, en y demeurant ( comme nous l'avons déjà dit) pendant la plus grande ou du moins pendant une notable partie de l'année ; parce que la loi n'oblige que les sujets, et l'on ne peut ré-puter tels ceux qui ne passent qu'un temps très limité dans une localité, pourvu toutefois (et c'est là l'exception) qu'il ne s'agisse pas du droit commun ou de la solennité des contrats (1).
XLVII. On demande, 20 si l'évêque peut dispenser les voyageurs des vœux, serments, jeûnes, et leur donner la faculté de voyager les jours de fête. La première opinion estpour l'affirmative avec Ponce, Tanner, de Januariis (Castropalao la regarde comme probable), par la raison déjà citée, que le voyageur, par un séjour même court dans un pays (pourra que ce soit le terme de son voyage), devient par là même sujet de l'évêque du lieu ; et si celte raison est probable, comme nous l'avons dit dans le premier, cette première opinion est aussi probable. Mais suivant ce qui a été dit, plus communément et avec plus de probabilité on admet l'opinion, qui ne permet pas à l'évêque d'accorder de dispense lorsque le voyageur-n'a pas contracté une espèce de quasi-domicile (2).
CINQUIÈME POINT.
Quels· molifs peuvent excuser la transgression des préceptes.
48. L'ignorance.
49. La crainte.
50. L'impuissance.
(1) Lib. I. n. i56. Dub. a. (a) Lib. ?. ?. r5S.
POOR  LBS  CONFBSSEUR8.              1*7
XLVIII. En premier Heu, l'ignorance est un motif d'excuse, lorsqu'elle est invincible, même à l'égard des préceptes naturels : mais cela n'a lieu que pour les seules conclusions médiates, comme nous lavons expliqué plus haut en traitant de la conscience au chap. ?. Nvm. 5 ; car autrement, lorsque 1 ignorance est viocible, c'est-à-dire quand la personne doit et peut savoir la vérité, et qu'en outre elle con-nnit l'obligation de vaincre les doutes et qu'elle néglige de s'éclairer. C'est ce qu'enseignent communément saint Antonin, Suarez, Silvius, Gerson, Navarre, Sancbez, Castropalao et d'autres, d'après saint Thomas. Deverit. 9. 12, art. 4, ad. 10 (1).
XLIX. En second lieu,  la crainte est un motif d'excuse ; mais en cela il faut distinguer lespréceptes positifs d'avec les préceptes naturels. A l'égard des préceplespositifs, même divins, on peut avoir unmotif d'excuse dans la crainte d'un grand mal, si l'observation du précepte n'est pas nécessaire pour évitei ïe scandale commun, ou conserver le respect envers l'Église ; comme si quelqu'un était forcé de violer la loi du jeûne, par mépris pour la religion catholique ; car alors nous sommes obligés à l'observation du précepte, même au péril de notre vie ; à l'égard des préceptes naturels, lorsqu'ils sont affirmaûfs, nous ne sommes pas toujours tenus de les observer ; ainsi, lorsqu'il y a danger de la vie, on n'est pas obligé dé rendre un dépôt, d'accomplir un vœu, etc. Mais à l'égard des préceptes négatifs, comme la défense de commettre la fornication  ou de blasphémer, la crainte ne saurait être un motif d'excuse. Et si la crainte peut quelquefois être un motif d'excuse pour
(1) Lib. I. a. 7. ad. u.etn. i6i.
128           INSTRUCTION PRATIQUE
quelque précepte négatif, comme de ne pas tuer, de ne pas voler, etc. (il est cependant permis de tuer l'injuste agresseur pour défendre sa vie et de prendre l'habit d'autrui, s'il n'est pas d'autre moyen d'éviter une grande infamie), alors nous disons que dans un cas semblable le précepte n'a plus de force. L'on peut dire la même chose des préceptes affirma-tifs sans faire la distinction assignée par quelques docteurs, c'est-à-dire que les préceptes naturels et affirmatifs obligent toujours, mais non pour toujours, semper sed non ad semper, tandis que les négatifs obligent toujours et pour toujours, semper et ad semper (?).
L. En troisième lieu, l'impuissance peut être un motif d'excuse. Si l'on ne peut pas observer le précepte dans son entier, on doit observer la partie du précepte qu'ouest dans la possibilité d'accomplir ; cela est généralement admis, si le précepte peut aisément se diviser, de manière que dans une partie on sauve la fin du précepte ; alors bien que l'on ne puisse observer le précepte en son entier, on doit accomplir celle qu'on peut ; ainsi, si l'on ne peut réciter l'office tout entier, on doit réciter la partie que l'on peut : l'opinion contraire a été condamnée dans la proposition 54 par InnocentXI. De même si pendant le carême vous aviez la permission de manger de la viande, vous êtes tenus néanmoins de ne faire qu'un seul repas, comme le déclare Benoît XIV, dans sa bulle Non ambigimus (2). Il en serait autrement si dans une partie l'essence du précepte perdrait sa force ; ainsi si vous deviez par suite d'un vœu
(1) Lib. ?. ?. 175. (a) N, ioi5.  -
POtK  LES  CONFESSEURS.             129
aller à Rome, et que vous ne puissiez pas TOUS y rendre, TOUS n'êtes pas tenus de faire une partie du voyage (1). La loi a aussi des molifs d'excuse, dans la dispense, l'interprétation et les coutumes contrahe » ; mais nous parlerons de ces différents motifs en particulier dans le point suivant.
SIXIÈME POINT.
De la dispense.
51. Si pour dispenser il est toujours besoin que la cause soit juste.
52. Si la dispense est obreptice.
53. Si elle pe'ut être demandée par un tiers.
54. De la dispense tacite.
55. Des motifs de dispense.
56. Si dans le doute il est besoin de dispense.
57. Si un supérieur est tenu de dispenser.
58. De la dispense accordée avec bonne ou mauvaise foi, mais sans motifs.
5g. De la dispense accordée par crainte.
LI. Toute dispense accordée par le législateur, ou celui qui jouit de la même autorité que lui, excuse de  l'observation de la loi, pourvu que les motifs soient légitimes, autrement il y a péché de la part du dispensateur ; mais ce péché n'est que véniel, quand la dispense vient d'un chef supérieur, comme l'admettent avec.probabilité  Sanchez,  Castropalao, Laymann, lesthéolog. de Salam., Ponce, etc. Dans le doute si les molifs sont légitimes ou non, on ne pèche pas, comme l'admettent encore Sanchez, les
(0 »· >77- ». x*ui.
???            INSÎfitîCTlOX  PRATIQUÉ
théolog. de Salam., avec Greriadeet Diana, ainsi que Bonacina. Si donc la dispense provient d'un chef supérieur, sans cause légitime, il est probable qu'il ne pèche pas en l'accordant ; c'est toujours la doctrine de JSuarezj Ponce, Castrop., etc. (i).
LU. Il faut remarquer, m premier lieu, que quand la supplique de la dispense est ob repliée ou subrep-tice, c'est-a dire quand le demandeur expose une fausseté, eu cache la vérité, la dispense est nulle, alors qu'on tait ce qui, suivant le stjle de la cour romaine (stjlo curiae romanae), devait être ou moLif eXpfiitiê, bu quand la cause finale que l'on expose ( non impulsive ) est fausse. Dansle doute si la cause, faussement alléguée, est finale ou impulsive, Sanchez, Ponte, Castrofi., etc., prétendent que la dispense doit être regardée comme valide, puisque, dans le cas de doute, les lois favorisent la validité de l'acte. (L., quoties, ff. Derebuè. dubi.) Les docteurs déjà cités disent la môme Chose, lorsqu'on a exposé plusieurs motifs dont les uns sont vrais et les autres faux. Mais ces derniers ont suffi seuls pour la dispense (2).
LUI. En second lieu, la dispense peut être obtenue par un tiers, quand bien même celui qui en reçoit l'application en ignorerait la cause, ou qu'on aurait fait la demande malgré lui. Il faut remarquer cependant, que dans tout ce qui concerne le sacre-taent de pénitence, la dispense doit être demandée par le pénitent, ou par le confesseur, ou au moins par un proche parent qui né dépasse pas le quatrième degré. (Cap. de motu, de jmebend., in.6.)
( ») Lib. ?. ?. 178.
(a) Lib. ?. ?. ?85. ?. Quaeritur.
POOR LES CONFESSEURS.             ??1
Bans tous les cas, la dispense doit être acceptée par le prinèipal intéressé, afin qu'elle puisse sortir son effot.
LIV. ? faut remarquer, en troisième lieu, que 1 on peut se servir de la dispense tacite, pourvu que 1 on ait dos motifs ppur présumer l'assenliment du supé-flinn-. Ainsi, quand un supérieur voit transgresser I l,,i clqu'ilgarde le silence, quoiqu'il aitdesmoyens Helles pour réprimer cet abus, on peut présumer avec certitude qu'il accorde la dispense ; c'est la doctrine deSuarez, Sanchez, Castropal., les théolog. de Salam. (i). Ceci ne peut s'appliquer qu'au présent (de prœscnli), parce que, suivant les docteurs, on peut bien admettre la licence, mais non la dispense pour l'avenir ( de futuro). Nonobstant cela, Elbel, qui cite Suarez, Silvestre, Filliucius, dit que rien ne s'opposeàce que d9ns le cas de nécessité urgente, lorsqu'on ne peul recourir à un. supérieur, on ne puisse alors légitimement agir avec la dispense présumée de futuro (9).
LV. En quatrième iieu,il estdes cas dans lesquels on peultransgresssr le précepte,lorsque la dispense n'est pas absolument nécessaire, et que les motifs sont probablement légitimes. Dans d'autres cas, les motifs sont insuffisants pour légitimer la dispense ; mais néanmoins elle est nécessaire. Ces causes sont ou la dignité du postulant, ou du supérieur que l'on regarde comme bon, l'utilité commune ou pdvée, oa choses semblables.
LVI. En cinquième lieu, quand il y a doute positif ou négatif sur la nécessité de la dispense, le de-
(i)N. 187.
( ») EU>el. d »test. prie. ?. 4?4.
i52            INSTRUCTION PRATIQUE
mandeur peut se servir de sa liberté. Mais, dans tous les cas, il vaudrait mieux consulter un prélat afin d'éclaircir ses doutes ou recevoir la dispense· car il est admis que, dans les cas douteux, un prélat, même subalterne, peut accorder la dispense sans en avoir reçu la faculté spéciale de son supérieur, comme l'enseignent Laymann, Sa, Diana et les ihéolog. de Salam. (i).-U faut excepter cependant de cette latitude les dispenses concernant les empêchements de mariage ; parce que dans ces dispenses on traite de la valeur non seulement du contrat, mais aussi du sacrement, c'est pourquoi on ne peut pas opérer avec le doute ; il est même illicite d'opérer dans un tel cas avec une opinion probable quant au fait (si l'on peut admettre l'existence d'une opinion probable quant au fait ), puisque, dans les doutes de fait, on ne présumeras que l'Église dispense dans de tels empêchements, comme on le présume relativement aux opinions probables du droit [de jure) ; d'ailleurs, ce serait exposer les époux à contracter le mariage sans la grâce du sacrement, grâce à laquelle ils ne peuvent point.renoncer. Ainsi dans les cas douteux on doit recourir à l'évêque qui a la faculté d'accorder,'de dispenser dans les empêchements douteux, comme le disent communément Merbes, Cabassut, Tournely, Sa, Pichlèr, Caslro-pal.,Salmanti, Roncaglia, Holzmann, etc. (2).
LV1I. On demande i°si, dans le cas où la cause est juste, le supérieur est obligé d'accorder la dispense : on doit distinguer, si la cause est telle qu'elle rende la dispense simple, facultatum Dans ce cas, il D?
(?) ?. i5o.
(<i) Lib. VI. ?,. 90 » r qo. 1 et u.
 
POUR LES  CONFESSEURS.              10°
obligé ; mais si son obtention peut procurer uc srande utilité, soit commune, soit parhcu-' ou faire éviter quelque dommage, alors il y galion, simant Coninchius, Sanchez. Sal-clc., aiec saint Thomas (?). Mais quand le ^..?ur refuse la dispense, même injustement, le Sjndem· reste néanmoins lié par la loi, pourvu hi cause ne fût point telle qu'elle l'exemptât de Jloi, comme serait la nécessité de contracter un Inage sans publications et que l'évêque refuserait ^injustement la dispense : c'est la doctrine de Soto, TSarfchez, Coninchius, Salma., Castr., et autres {*). * LVIII. On demande 20 si la dispense est valide, lorsque le supérieur l'accorde de mauvaise foi, sachant que les motifs n'existent pas, mais néanmoins que la chose est juste ; à cela nous répondrons, que si c'est le législateur qui dispense, ajors la dispense est valide. Il est douteux qu'elle le soit, quand la dispense est accordée par un prélat subalterne. Quelques docteurs disent qu'elle n'est pas valide, parce que l'inférieur n'a reçu le pouvoir de dispenser qu'avec des motifs ; d'autres, et avec plus de probabilité, admettent le contraire, parce que la validité <1<> la dispense ne dépend pas de la connaissance de I ! cause, mais de son existence ; ainsi, parexemple lUlection de celui qui est capable d'obtenir un bé' -Tlice serait vahde quand bien même l'électeur le lerait par lui-même incapable. « Cap. nihil de ccli (a).. Autrement il faudrait dire, avec Ponce arez, Laymann, Salas, Soto et Navarre, contré
(0  « ?  2. q. 87. a 4. ( ?)  Lib.  ?,  ?. !jn
3, ?. ?8?.
l34            INSTRUCTION  PBATIQBS
Sanchez, Busemba., Salmanticen., etc., que la dij. pense a élé accordée de bonne foi, mais sans motif, légitimes ; parce que, sans celte connaissance, l'|n_ férieur ne peut dispenser de la loi de son supérieur Cela s'entend aussi dos cas où l'on.reconnaît que ]<% motifs ne sont pas suffisants ; au reste, dans le doute la possession remplace la validité de la dispense, suivant la doctrine des auteurs que nous avons cités à l'appui de notre opinion (?).
LIX. On demande 5° si la dispense accordée par crainte peut être valide : on répond que toutes lçj, fois que les motifs de dispense sont légitimes et que l'on a la certitude (le doute ne saurait être admis dans ce cas), que le supérieur n'a pas l'intention de dispenser, alors la dispense est valide ; parce que la crainte n'exclut pas la volonté. De même, il est permis d'obtenir telle ou telle dispense par la voie de la crdinte, si on a le droit de se servir de celle crainte, comme, par exemple, quand on menace de recourir au supérieur lorsque le subalterne refuse la dispense (2).
§ I. De ceux qui ont lajaculté de dispenser.
60 et 61. De la puissance ordinaire, d'après laquelle le pape peut dispenser. 62 et 60. Ainsi que les évêques.
64. Les curés.
65.  Les prélats réguliers.
66. Du pouvoir délégué que quelqu'un possède de l'ordinaire ; cas de mort du délégué.
(1) Lib. ?. ?. i82. et Fus. Jib. ??. ?. aSi. (a) Lib. ?. ?. 184.
POpB IES  CONFESSEUBS.              >« >5
67.  Clauses, Donec dispensetur.
68.  Subdélégalion.
6f). De la dispense par elle-même. L\. On doit ici distinguer la faculté ordinaire la faculté dtlcguée. Par son pouvoir ordinaire le #± peut dispenser à l'égard de toutes les lois ca-?rmjuce, même faites par les apôtres, en leur l.lilé de prélats particuliers de l'Église, comme [il Us lois concernant le jeûne du carême, l'ob-\,ilion du dimanche ; la prohibition d'ordonner inn bigame, suivant la doctrine de saint Thomas (i),.qui enseigne que le pape peut dispenser dans toutes _les causes qui concernent la  « détermination du r culte divin, ? »  « Ad determinationem divini cultus, » mais non à l'égard des lois transmises par Jésus-Christ ; comme sont les lois concernant la matière et la  forme des sacrements,  et l'oblation de la messe (a).
LXI. On demande si le pape peut dispenser de. quelques préceptes divins ? Nous répondrons que dans les choses pour lesquelles le droit divin naît de la volonté humaine, comme sont les vœux, les vij-m,enls, il est certain d'itprès tous que le pape peut accorder la dispense (pourvu toutefois que les mo ifs soient légitimes), parce qu'alors en agissant ainsi le pape ne ûole pas le droit divin, mais détruit seulement la base de l'obligation, ou plutôt, comme dit bdinl Thomas : % Détermine ce qui est agréable à Dieu, » « Determinat quid sit Deo acceptum. » Mais on doute s'il ?? »1 dispenser relativement aux choses. qui dependeat absolument de la volonté diviae. Trais
(i) Quod.il>. 4. art. ??.
(?) Uh. X. n. 183. Cura. S,lm. tt,lii, communi.
l36            INSTRUCTIO^  PRATIQUE
opinions l'exigent à cet égard. La première, qui e$i de Labbé et d'un petit nombre d'autres docteurs l'affirme universellement ; mais cette opinion est g£. néralement repoussée. La seconde, qui est de Na. varre, Canus, Sanchez, etc., l'accorde seulement dans quelques cas particuliers, comme à l'égard du mariage ratifié, de la résidence des évèques, de la faculté de donner aux prêtres la puissance d'administrer les ordres ou la confirmation, ou pour d'autres choses semblables ; parce que, dans ces cas particuliers, il peut être tel ou tel motif qui autorise la violation du précepte ; mais tous nient cette l'acuité pour les cas où la violation entraînerait scandale, comme à l'égard du précepte qui défend la fornication, de celui qui prescrit de conserver la matière et la forme des sacrements  (tout au moins quant à la substance ). La troisième opinion admise communément et comme probable, par Sùarez, Silvestre, Covarruvias, d'après saint Thomas (?), nie cette faculté dans tous les cas ; parce que l'inférieur ne peut rien sur les lois de son supérieur. Néanmoins, Soto, Suarez, Navarre, Coninch., Valentin, Durand, admettent avec probabilité que le pape, dans quelques cas particuliers, peut non pas précisément dispenser, mais déclarer que la lóitìivine ne lie pas à cet égard ; car le pape a tel pouvoir qui est nécessaire pour la bonne administration de l'Église, si l'on a égard à tant de circonstances différentes qui peuvent se présenter (2).
LXII. Les évoques d'après leur autorité ordinaire peuvent aussi accorder la dispense pour tous les dé-
fi) 2. 2. q. 97. art. 4.
(2) Lib. VI. Je mat. 11. 1110. n. 3a etSanch. de rnalrim·
POUR LES CONFESSEURS             ??7
let, episcopali* et synodaux de leur diocèse. La Le faculté est accordée au vicaire capitulaire L »ml le sie^e est vacant {sede vacante), mais ei e ? ?.-sl pas au vicaire de l'évêque présent, comme le.?t-ndrnl Salraantic, Sanchez (?) etbeaucoup d au-s docteurs, parce qu'une commission générale ne « emporte pas avec elle la faculté de dispenser s il Wiy a pas eu de délégation spéciale. Les évoques peu-v'nt encore dispenser dans leur diocèse à l'égard des statuts provenant des conciles provinciaux non ré-senés (s). Déplus, quant aux lois pontificales communes, comme sont les irrégularités, les empêchements de mariage, les vœux réservés et autres cas semblables, ils peuvent dispenser si le péril est imminent et qu'il ne soit pas facile de recourir au pape, comme nous le verrons dans le chapitre 20 sur les privilèges, ils peuvent aussi dispenser des lois papales qui ont été faites spécialement pour leur diocèse (5). Ils ont encore la même faculté pour les cas dans lesquels on doute justement s'il est nécessaire de dispenser ou non (4). Il en est de même pour les cas qui se présentent communément comme les vœux, pourvu qu'ils ne soient pas réservés, les jeûnes, l'observation des fêtes, l'abstinence de la chair, et autres choses semblables. Al'égard de toutes ces choses, ils peuvent déléguer la faculté de dispenser à leurs subordonnés parce que cette faculté leur appartient, de jure ordinario, et est perpétuellement annexée à leur dignité (5).
(1) Snlm. de leg. c. 5. lib. a. d. 4o. n. n.
(a) Lib. ?. ?. ? go,
(5  Lib. I. n. 190. ?. It in legib.
(?) ?  i9,. et lib. VI. „. 902. v. Ceterum.
(?) Ub. I. n. 190. v. Possuut. ct v. ctin Uiu
ïS8             INSTBCCTION  PBATIQBK
LXIII. Les évêques ont encore la faculté de d\u penser de tous les statuts canoniques,qui renferment la clause Donec dispensetur, parce que cette clause leur donne cette faculté (i). Les évêques peuvent-ils dispenser de toutes les lois canoniques dans les » quelles celte clause n'est pas expressément réservée ? Quelques docteurs l'admettent, comme Soto, saint Antonin, Covarru., Sporer et Elbel ; et ils se fondent sur le texte du chapitre Nuper, de sent, excomm., dans lequel le souverain pontife s'exprime ainsi : « Mais, parce que celui qui a fait le canon ne s'est pas réservé spécialement à lui-même le droit d'absoudre, par cela même il semble qu'il ait accordé aux autres la faculté de dispenser. La Glose ajoute : ceci est un argument d'après lequel les évêques peuvent dispenser, dans le cas où la dispense n'est pas expressément réservée. « Quia tamen conditor « canonis absolutionem sibi specialiter non retinuit, eo ipso concessisse videtur facultatem aliis » relaxandi. » La Glose : « Est hic argumentum, epis- »copos posse dispensare, ubi specialiter dispensatio »non est inhibita. « Cette opinion me parut dans le temps avoir quelque probabilité ; mais après avoir mûrement réfléchi, je pense qu'il faut admettre l'opinion contraire reçue généralement aujourd'hui, et que l'on retromedans Suarez, Bonac, Gastrop., Salmant., Ponce, Salas (2)>Silvius,Conli.,Tournely, Antoine et Benoit XIV (5), et beaucoup d'autres avec
(i) ViJ. Salm. de leg. c. 5. n. 87. Cum Suar. Cajet. Bona. Câstropal.
(a) Suar. t. V. in 3. p. d. 7. sect. 4. Bonae. de leg. d. 1. <f. 2# p. 1. n. 17. Gastrop. de leg. tr. 3. d. 6. p. 4. n. 8. Sain »· d" cens. c. 5. n. 45 com. Pontio et Salas.
(5) De syn. lib. 7. c. So..
r    LBS IONFESSBUBS.        « »9
^ntThomas qui enseigne : « In lege humana publica jLn potest dispensare.nisi ille a quo lex auctoritatem habet, vol is qui ipse commiserit (i). » La raison 4 » est que l'infurirur ne peut pas altérer les Io » da ?,???? m- c< mme on le voit dans la bulle de Ue-Jnl 11 ( de elect.), ?* il est dit : « La loi d'un superni ne peut pas être détruite par l'inférieur, » « Lex m pi-, iuris per interiorem tolli non potest. » Il ne faut p|f, ropendynt appliquer le texte tiré du chapitre ^Muper) à  la première opinion,  parce qu'il  y a beaucoup de,différence entre la faculté d'absoudre de la censure, et la faculté de dispenser des lois canoniques, comme le dit savamment Suarcz. Il est vrai que les lois auxquelles s'appliquent les censures sont néanmoins des lois. Mais on admet communément, et il est certain d'après la coutume, que les censures non réservées, particulièrement les excommunications, peuvent être relevées par les évoques, les curés, ainsi que par les confesseurs autorisés, comme le prouve Suarez dans le lieu cité avec Soto, Navarre et autres. C'est ici qu'il faut faire valoir la raison apportée dans le texte, savoir que le législateur, en ne se réservant pas l'absolution de la censure, ne donne pas pour cela aux autres la faculté de la lever. Mais dans les dispenses des lois pontificales nous ne trouvons pas qu'il soit habituellement ?fc-ii que les ëvêques au>nt celte faculté, quoiqu'elles (Ht soient pas toujours expressément réservées au pepe ; aussi doit-on admettre l'axiome général, qui dùcoule de la nature même de la chose, que l'infé rieur ne pçet dispenser à l'égard des lois de son supérieur, comme d'ailleurs on le voit dans le cha-
(0 1.4. q.97,a. 4. ad. 5.
* ?4?            INSTRUCTION  PRATIQUE
pitre ( Dilectus, de temp, ordin. ), où il est dit qne pour les lois qui concernent l'ordination, l'évêque ne peut dispenser, parce qu'il n'y est nullement au, torisé : « Cum illi hujusmodi dispensatio a canone » minime sit permissa. » Telles sont les paroles du texte ; remarquez que le texte ne dit pas cum non sit prohibita, mais cum minime sit permissa : ainsi, on ne veut pas dire qu'il a toujours été défendu aux évêques de dispenser de telles matières, mais seulement que la dispense ne leur a jamais été accordée ; c'est de là que la Glose tire avec raison cet argument, que les évêques ne peuvent dispenser que dans les cas qui leur sont accordés par le droit. « Argumentum » quod episcopi dispensare non possunt, nisi in ca- » sibus sibi concessis a jure. » On ne pourrait objecter ici que les évêques reçoivent immédiatement leur juridiction de Dieu suivant l'opinion de Soto, Vas-quez, Victoria, Tournely, Noël Alexandre et autres, et que par cela même ils peuvent accorder la dispense, surtout dans les cas où cette faculté n'est pas spécialement refusée ; parce que nous pouvons répondre, que bien qu'une telle opinion puisse être probable, néanmoins on ne peut nier que la, juridiction des évêques soit toujours subordonnée à celle du pape. En outre, nous opposerons à la première opinion que si les motifs présentés par ceux qui l'ont émise pouvaient être admis, alors non seulement les évêques, mais les curés eux-mêmes auraient la faculté de dispenser à l'égard des lois pontificales ; car il est permis aux curés de lever les censures non réservées, comme le marquent les paroles suivantes du texte : « On peut obtenir le bénéfice de l'absolution de son évêque, ou de son propre prêtre ; » « A suo episcopo, » vel a proprio sacerdote poterit absolutionis bene-
POOft LES  CONFESSEURS.            141
 » fifeium obtinere. » Ainsi,quant à l'axiome admis par beaucoup de docteurs (comme nous l'avons déjà dit h. 55), « que l'évêque a dans son diocèse le même pouvoir que le pape dans toute l'Église, à moins que Quelque cas ne soit spécialement réservé, » Quid-|m,id potest papa in tota Ecclesia, potest episcopus
Î, sua dioecesi, nisi specialiter id ei prohibeatur. » père Suarcz dit qu'il ne doit pas l'admettre, ou ;n seulement dans les cas qui concernent la direc-n des âmes, et qui sont moralement nécessaires ; mais les dispenses des lois canoniques ne sont pas de colle nature. Cela n'empêche pas cependant, comme Je dit Bonacina dans un endroit déjà cité, que les évêques ne puissent dispenser dans les cas qui se représentent souvent et qui ont spécialement besoin de dispense, ou, pour dire plus clairement, dans les cas de grave nécessité, de grande utilité ; surtout quand on ne peut pas s'adresser facilement au siège apostolique, comme nous l'avons fait remarquer dans le numéro 5 7.
LXIV. Les curés de jure ordinario, et en raison de la coutume, peuvent dispenser leurs paroissiens, même en présence de leur évêque, dans de fréquentes nécessités ; mais cela n'a lieu que pour les cas où l'usage peut consacrer la dispense, comme à l'égard du jeûne, ou de l'abstinence du travail dans les jours de fête ; telle est la doctrine de Sua-rez, Silvestre, Sanchez, Salm., Viva, et autres communément (1).
LXV. Les prélats réguliers, par leur autorité ordinaire consacrée par le droit, peuvent aussi dis-
". iosias ?" 6 ?' *' IlCm POte6l<  Ct  1Ìb> UI- tt' a88· ac·
14*            INSTRUCTION  PRATIQUE
penser dans des cas particuliers, pourvu que cela tie leur soit pas expressément défendu relativement à quelques matières. De même, en s'appuyant sur les privilèges, les prélats inférieurs peuvent aussi dispenser dans tous les cas légers, ou qui regardent spécialement tel ou tel couvent, ou pour des cas qui se représentent fréquemment. C'est ce qu'admettent Peiririo, Castropalao et d'autres (1). ?
LXVI. Quant à ce qui concerne le pouvoir délégué de dispenser, nous devons remarquer en premier lieu, que quiconque a le pouvoir ordinaire, peut le déléguer à un autre, suivant la doctrine de Suarez, Castro., Salm., Bazile (2). Parpouvoirordinaire.nousf entendons celui qui est annexé à l'office, comme nous le verrons au chapitre xx, ?. 54, en parlant des privilèges : mais un tel pouvoir expire-t-il ou non par la mort de celui qui délègue ? Nous répondrons qu'il n'a plus d'effet quand il a été transmis par mode de commission dans uh cas particulier, ou quand la chose est encore entière : car alors la dispense doit être strictement interprétée, parce qu'en ce cas elle est regardée comme odieuse, cap. 1. §t/e filiis presbyie.l pourvu qu'elle n'ait pas élé donnée du propre mouvement du supérieur, ou qu'elle ne soit pas inscrite in corpore juris, comme lesDécrélales, ou enfin pourvu qu'elle n'ait pas élé accordée pour le bien commun ou pour quelque communauté. Si la dispense est accordée par manière de grâce, alors elle ne cessé pas par )a mort de celui qui délègue ; on doit l'interpréter non strictement, mais favorablement (?).Ainsi
(?) Lib. I. ?. 204.
(a) N. 190.
(3) lib. I. n. ig3 et igS.
POt »  LKS  CONFESSEURS.            *4^
d » nt le doute, si les motifs sont suffisants ou non pour la dispense, le délégué peut dispenser suivant Cajetan., Silvestre, Sanchei, Salman., Tapia, Gre-*>dc(ii, parce que la grâce doit toujours s'interpoler largement.
LM ?. !VMIS (levons remarquer, en second lieu, qa'i Yrznui tics lois qui renferment la clause Donec dhû< ??.( !?' !·, les prélats inférieurs peuvent toujours &?£ ns, ?, quand bien même ils n'en auraient pas HPM » expressément la faculté de leurs supérieurs. Goujtt., Suar., Bonac, Salmant., Castro. (2).
LW'lIf. Nous devons remarquer en troisième lieu que le délégué ne peut subdéléguer, s'il n'en a la l'acuité expresse, quand il est délégué par le prince ou par le pape, cap. fin. § 1. de ojjlr. et potest, deteg., ou quand il est délégué par le prélat ©rdinaire pour la généralité des causes, ad universitatem causarum, lib. 1. § An. ab. offi. quis et a quo (?).
LXIX. A ce sujet, ce que dit le chapitre xvi, n. 82, on doit remarquer en quatrième lieu, que celui qui a la faculté universelle de dispenser les autres, peut se dispenser lui-même ; c'est la doctrine commune à Cajetan, Laymann, Castropal., Salm., Bonaci., avec saint Thomas, 22. q. i8 ;>. art. 8. in fi.
§ II.  De combien de manières une dispense peut cesser.  .
70 et 71. Cessilteaâê la dispense. i° Par la ces-talion de la cause.
72. 20 Par la révocation.
75. 3° Par la renonciation.
LXX. La dispense cesse de trois manières : 1· par
(0 N. I9Ï.
(2) ?. ?5?. ?. Notandum. 11
(3) Ub. L n. i83.
l44            INSTRUCTION  PRATIQUE
la cessation de la cause ; 20 par la révocation du di^ pensateur ; 3° par la renonciation du dispensé.
LXXI. Et d'abord la dispense cesse par la cessa. tion de la cause ; cela s'entend néanmoins i° quand la cause motivée ou finale cesse et cesse entièrement, car si la cause impulsive cesse seulement et ne cesse pas totalement, la dispense est encore en vigueur, 2" Cela a lieu pourvu que la dispense n'ait pas encore sorti son effet, ou qu'une commutation grave ne lui ail pas.été adjointe : ainsi, dans le doute, si la cause impulsive a cessé oui ou non, la dispense est encore valide, puisqu'elle a la possession(i). 3° Cela s'entend encore si la dispense a été accordée sous la condition, au moins tacite, tant que la cause dure ; comme aussi on présume qu'elle a été donnée quand on ne juge pas que la cause soit perpétuelle, parce que si la dispense a été accordée absolument, comme on peut présumer qu'elle l'est quand on l'accorde pour un motif estimé perpétuel (tels que l'honnêteté des mœurs, les épargnes des ministres, la pauvreté des parents, et autres choses semblables), alors il est probable que la cessation de la cause finale n'entraîne pas celle de la dispense, parce que dès qu'une fois l'obligation de la loi est levée par une dispense, cette obligation ne revient pas à moins qu'elle ne soit imposée de nouveau par le supérieur. Ainsi pensent Suarez, Ponce, Caslrop.,Salman., Laymann, pour ; contre, Bonacina, Trullench (2). Et quand la dispense est accordée absolument, elle ne peut cesser parce qu'on en a fait usage une fois : ainsi celui qui a obtenu la dispense du vœu de chasteté pour se
(1) Lib. I. a, >95. ?, Quar. et a. 196. (s ; Ibid.
POUB LÇS  CONFESSEURS.            J4^
Iariei, peut contracter un autre mariage après la ort de son épouse, pourvu que la dispense ne porte prossément qu'elle n'est accordée que pour un jl cas (1). LXXII.  2° La dispense cesse par la révocation du dispensateur, qui- commettrait une faute en ne la revocant pas lorsque la cause finale a cessé totalement. Au contraire, il pécherait, mais véniellement, s'il faisait cette révocation sans motifi mais cela n'empêcherait pas la validité de la révocation (2). On demande si la dispense cesse par la mort du dispensateur ; nous répondrons à cela : Si la dispense est accordée d'une manière absolue, ou jusqu'à révocation, donee revocetur, ou soumise au jugement du siège apostolique ou de l'évêque, ad arbitrium sedis apostolicas vel episcopi, alors il n'y a pas cessation. Elle cesse au contraire si la dispense a été accordée avec la clause Donec nobis placuerit ou Ad arbitrium nostrum, à moins cependant que son effet n'ait déjà eu lieu (3).
LXXIII. 3° La dispense cesse par la renonciation du dispensé, pourvu qu'elle soit acceptée par le supérieur ; autrement le dispensé peut toujours en jouir, comme il le peut. encore qu'il n'en eût jamais iail usage auparavant (4).
S EPT1ÈME POINT.
De la ce.sa.ion de l'interprétation, (epicneia) el de r   ^.^ de la loi.
74· Si la fin de la loi cesse. 7 5. Des livres prohibés. (>) N. 196.
(2) Lib. 1. a, i97.
(3) Ibid. y. notandum. v4) Ji. 198.
T.  XUU.
10
l46             INSTRUCTION  PRATIQUE
76. Des lois municipales.
77. De l'interprétation.
78 et 79. Si les déclarations ont besoin de pt0> mulgation.
80.  De l'interprétation doctrinale.
81. Regles.de l'interprétation.
82. De l'explication (epicheia).
83. Quand la loi s'étend d'un cas à un autre. LXXIV. 1. A l'égard de la cessation, on agite]
grande question de savoir, si la loi finit quand cess la fin, adéquate c'est-à-dire totale de la loi en paî ticulier. Si elle cesse en gén'éral, la loi certainemei) cesse aussi, parceque, étant devenue inutile, elj n'oblige plus ; c'est la doctrine de saint Thomas(1 Dans ce cas, il suffit que chacun connaisse avec pro habilité que la loi en général a cessé. Mais si cette fin adéquate ne cesse qu'en particulier,  il faut alors'distinguer si elle cesse « contrarie, » c'est-à-dire s la loi a été rendue pour quelque cas nuisible ou très difficile, alors l'opinion commune est que la loi n'oblige plus. Le doute se réduit donc avoir si la loi cesse lorsque sa fin adéquate cesse en particulier, « privative, » c'est-à-dire pour des cas oudes personne auxquels la loi soit inutile. L'opinion la plus coiffl mune est que dans ce cas la loi oblige, parce quand bien même, le dommage particulier ce : d'exister, cela n-*exclut pas Îe danger commun de 1 îusion, qui peut tromper chacun dans fé cas concerne. C'est ce qu'enseigne saint Thomas (2). M* plusieurs graves docteurs peîisëttt îe contraire, W que jGaëtan, Sylvestre, Panormè, Ange., VasqueH
(1) 1. 2. q. io3. a. 4> ad. 3. Cum aliis communiter, (a) 1, a. qu. 164. a. a.c. in fin. cuinaliis.
 
LES  CONFESSEURS.            *47
( a,d, nas, Ledesma, Grenade, Henriquez, Hur-, Tamburi., a>ec Navarre., Àbbate, Comitole. aiil etVha la proclament suffisamment pro-., on disant que la fin commune cessant, la loi cesse pai cela même pour tous, de même que la fin ?, cessant, la loi cesse en particulier, de lue.1 ms les deux cas la loi devient inutile : ?,>Mit laie cesse pour un certain temps, la ?se i>mu te même temps, bien qu'elle ne cesse jour un aulie. De même la lin n'ayant pas lieu un certain cas, la loi cesse pour ce cas, bien 'illo ne cesse pas pour les autres ; c'est pour cela ie l'on admet communément, relativement à la loi r la correction fraternelle, qu'elle n'oblige pas finis les cas pour lesquels on n'espère retirer aucun li uit. >>onobstant tout cela, la première opinion me parait préférable, parce qu'en parlant communément le danger de hallucination dure toujours en particulier. Et s'il arrivait que quelqu'un fût complètement certain que dans le cas qu'il, présente il ne court aucun danger de se faire illusion, dans ce tas on ne pourrait repousser la seconde opinion..Mais on doit supposer qu'un tel cas se présente tien raioment li).
ïjAsAV- Quant à la permission de lire deà ou-gK :.>s piohibés, lorsque, dans un cas particulier, le « ran et le scandale cessent privativement, quel-BEiÇ docteurs l admettent,, mais nous la nions avec gare/, Castrop., Tamburi.,' Sanchez, etc., parce Jio, dans ce cas, la fin adéquate ne cesse pas ffleme en "particulier. Car le but de la prohibition est non seulement d'éviter le danger que peuvent pro-
(?) Lib. I. n. 299.
 
INSTRUCTION PRATIQUE
duire ces lectures, mais aussi de conserver l'obèis·. sance à l'Église dans une matière si périlleuse, et<Je plus, à ne pas autoriser les écrivains qui ont le talent pernicieux de répandre des doctrines et des connais. sances corruptrices (1).
LXXVI. Remarquons que les lois particulières d'un certain lieu ne sont pas détruites par la loi gé. nérale, à moins qu'elles ne soient expressément abolies par elle, au moins par cette clause : Nonobstant* quacumque, lege particulari ( nonobstant toute loi particulière).
LXXVII. 2. Quant à l'interprétation de la loi, nous devons savoir que l'une est authentique, l'autre usuelle, et une autre doctrinale, h'authentique peut être faite par le législateur lui-même, ou son successeur, ou son supérieur. L'usuelle est celle qui est consacrée par l'usage. La doctrinale est l'explication que chaque docteur peut faire de l'intention du législateur.
LXXVIII. Ici on demande, si la déclaration qu'un prince ou le pape donnent d'une loi a besoin de promulgation pour obliger ? On doit distinguer la déclaration, dite purement telle de l'autre qui ne l'est pas, et que l'on peut appeler avec plus de raison interprétation. La déclaration purement telle est celle par laquelle on explique un sens qui déjà en principe « st clairement renfermé dans la loi ; par exemple » lorsqu'on doute si sous la dénomination de fils oc •entend parler non seulement de l'enfantlégitime, mai8 « ncore du naturel. Si le législateur déclare qu'il entend parler aussi du naturel, alors on découvre qoe le sens était clairement renfermé dans la loi. D'ul)
(1) Lib. II, n. J99,
POUK  LES  CONFESSEURS.             >49
nuire côté, l'interprétation ou la déclaration non parement telle est celle dont le sens n'est pas clairement renfermé dans la loi, mais soulève diverses opinions et produit seulement quelques arguments, pai exemple, si sous le nom de père on comprend aussi l'aïeul, sous la dénomination de mort on com-pr. ml ausbi la mort civile, la détention perpétuelle, en ? ecourant ainsi à une signification impropre.
LWÏX. D'après cela, nous dirons avec Suarez, Castropal., Vasquez, Salas., Salmanti., Holzmann, Lacroix, Conti., de Tour., que la déclarationo'usens clairementrenfermédanslaloin'a pas besoinde promulgation, mais oblige de suite tous ceux qui en dépendent ; parce que ce n'est pas une nouvelle loi ; mais l'interprétation de quelque sens non clairement, ou obscurément, ou improprement renfermé dans la loi, c'est-à-dire la déclaration non purement telle, pouvant se regarder comme une nouvelle loi, a besoin, pour obliger, d'être promulguée comme toutes les autres lois, suivant ce qui a été dit au n° 5 de ce chapitre. Delà il résulte, comme disent Suarez, Castropal. (1), Bonaci., Salas., Soria., que la déclaration que le législateur fait de quelque sens clairement renfermé dans la loi (comme l'exemple que nous avons rapporté du fils légitime ou naturel ), n'a pas besoin de promulgation pour obliger ; au con-traire,la déclaration d'un sens obscurément renfermé dans la loi (comme l'exemple que nous avons rapporté de l'aïeul sous le nom de père, et de la mort civile sous la dénomination de mort), a besoin de promulgation, parce qu'elle met en avant une chose qui par elle-même n'était pas clairement renfermée dans
? i) Suar. de leg. 1. VI. c.|,. n. 5. et Castr. « . 5. p.5.§,. ?. fj, ;
?5?            INSTRUCTION PRATIQtE
la loi. Suarez et Castropal. (1) disent la même chose de la déclaration faite non par le législateur, mais par son successeur ou un supérieur, parce que les sentiments et les intentions du législateur ne peuvent leur être connus comme ils l'étaient à lui-même ; d'oùilrésulteque pour éclairer le sens d'une chose, il est toujours nécessaire de recourir à des arguments et à des interprétations qui constituent par eux-mêmes une nouvelle loi, et pour cela même exigentia promulgation ; autrement, la déclaration ne pourrait être admise comme authentique, mais seulement comme doctrinale (2).
LXXX. L'interprétation doctrinale des lois est permise à chacun, pourvu qu'elle se fasse suivant les règles et le sens communément reçu parles docteurs} parce que, comme il se présente souvent des doutes dont on ne peut facilement demander la résolution au législateur, il était nécessaire que les savants eussent la faculté de l'interprétation, comme on le voit au chap. II dePrivileg,, in. 6. : c'est une opinion admise universellement (5). On peut demander s'il est permis d'interpréter une loi quand toute interprétation de cette loi est prohibée ? Castropalao, Salas et Sa disent que cette prohibition ne peut atteindre que les interprétations frivoles ; mais les théologiens de Salam. (4) n'admettent fas justement celte opinion, parce due les interprétations frivoles sçnt prohibées par elles-mêmes ; d'où on peut dire que, dans, un tel cas, toutes les interprétations doctrinales sont illicites, comme, d,' après la défense de
Çi.) Ibid.
(2) Lib. ?. ?. ??6.
(4) De leg. 6. ?. 25.
POUR LES  CONFESSEURS.              l5l
Pie IV, le sont celles du concile de Trente. Nous ne voulons pas parler ici de ces interprétations faites accidentellement, soit de vive voix, soit dans des manuscrits, mais seulement de celles qui sont faites ex professo, par scolies, gloses et commentaires et imprimés, puisque c'est ainsi que l'usage a expliqué 'cette prohibition, et c'est la doctrine de Castrop., Salas, Barbosa, Rodriguez, Salm., Reginald., Hen riquez.
LXXXI. Règles pour les interprelations : i° on doit étudier avec soin l'esprit et l'intention du législateur, et la raison de la loi ; 20 daps le doute, la loi 'doit être interprétée en faveur delà validité de l'acte ; 3° la loi doit s'intçrpréter secrètement pour les actes odieux et largement pour les actes favorables 5- 4° les paroles 4e la loi doivent être prises dans leur seps propre, à moins qu'on ne découvre quelque absurdité bu apparence d'iniquité dans.Je législateur ; or par le sen^ propre, on entend le sens naturel, et celui qui est le plus consacré^par l'usage. Les analogies se déduisent aussi des significations, les plus accréditées ; comme disent Castropal. et Lacroix, cela a lieu encore à l'égard des lois pénales et pré-cep tives ; mais dans les lois favorables, on a coutume encore de fa\re attention à la propriété civile des paroles ; ainsi sous la dénomination de légitimes, on comprend aussi les énfaiits légitimés, etc. Pour reconnaître si la loi est coercitiva ou favorable, il faut examiner }e moiif pour lequel elle a èié faite (1).
LXXXH. S, Enfin, quapt à l'épicheia (qui n'est ^jyi'une. présomption çrobaljle §ue le législateur, n'a pas vouju obliger dan,s telle ou telle circonstance ),
(?} V. le » auteurs citée ci-dessus.
152            INSTRUCTION  PRATIQUE
elle a lieu lorsque la loi se rendrait nuisible, ou trop onéreuse, ou difficile à observer.
LXXXII. Il reste en dernier lieu à examiner si la loi doit être étendue d'uncas^à un autre, lorsque les mêmes motifs se présentent. Nous trouvons ici deux opinions qui semblent différentes, mais qui en substance disent la même chose ; car toutes les deux reviennent à dire, que la loi doit être étendue à un cas, •qui présente les mêmes motifs, parce que si la loi ne l'embrassait pas, le législateur pourrait être accusé q'injustice ou d'imprévoyance ; ce qui a lieu suivant l'axiome suivant : « . Ubi eadem est ratio adaequata, » ibi eadem currit legis dispositio. » Or cela peut arriver, i° dans les cas (corrélatifs) ; ainsi, par exemple, la fiancée peut se dispenser de l'obligation imposée parles fiançailles, si son fiancé va dans un pays éloigné, cap. de illis desponsal. ; le fiancé a la même faculté ; 2° dans les (equiparati), comme sont les élections et les prétentions aux bénéfices j 3° dans les {connexes), comme sont les diacres et les sous-diacres ; 4° dans les (contenus) ; par exemple, celui qui peut faire un testament, peut aussi faire les codicilles ; ceux auxquels on prohibe les oeufs, on prohibe encore la viande. Dans les cas qui viennent d'être cités, l'extension est légitime ; elle est admise aussi lorsqu'on traite des lois pénales et coërcitives, parce que d'après la règle (49) (De reg. juris), qui prescrit de restreindre les dispositions coërcitives et d'étendre les favorables, odia restringi, favores convenit amp liari. Suarez, Bonac. et d'autres docteurs disent savamment, qu'elle est valable lorsque la disposition de la loi s'étend par une interprétation de congruité ; mais non quand elle s'étend par interprétation de nécessité, parce qu'alors on juge plus
POUR  LES  CONFESSEURS.             153
facilement si le cas est compris dans la loi, ou si la loi s'étend à ce cas. Dirreste, en parlant à la rigueur, les lois pénalesne s'étendentpas au-delà du cas exprimé ; ainsi, l'excommunication encourue par ceux qui forcent quelques femmes à entrer dansunmonastère, n'atteint pas ceux qui exercent la même violence sur des hommes : et la même chose peut se dire des cas dans lesquels les motifs équivalents ne se présentent pas, comme nous l'avons vu plus haut(i).
HUITIÈME POINT.
De la coutume.
84. Conditions pour la coutume.
85. Conditions pour la désuétude.
86. Si la loi réprouve toute coutume à venir.
87. L'usage interprète la loi.
88.  Si la loi révoque toutes les coutumes consacrées.
LXXXIV. Il faut distinguer la coutume qui constitue la loi, de celle qui l'abroge, et qu'on nomme bien mieux désuétude. En parlant d'abord de la première, nous dirons que la coutume, pour avoir force de loi, doit remplir trois conditions : l'introduction dans la communauté, le consentement tacite du prince, et la prescription légitime. i° L'introduction de la coutume demande qu'elle soit faite non par des personnes particulières, mais au moins par la plus grande partie d'une communauté qui ait la liberté de faire des lois, quoique dans le fait même elle ne soit pas en état d'en faire, parce qu'alors la coutume prend la force de loi du consentement tacite du
(l) Lib. V. ?. aoo. ?. Quaeritur.
1 54            INSTRUCTION  PRATIQUE
prince, ainsi que le disent les théo. de Salaman, et saint Thomas (1). 2°Le consentement tacite duprince est nécessaire, et on peu tie présumer donné.lorsque, pouvant prohiber la coutume, le prince la tolère pendant long-temps. 5° Quant à la légitimité de la prescription, nous dirons qu'elle a. besoin : i°d'un espace de temps d'au moins dix années ; a" ensuite que çei temps, soit continu, parce que si, pendant le temps de la prescription, la coutume est abandonnée de la plu$ grande partie de la communauté, le prince pourrait punir les introducteurs de cette coutume, même alors que la prescription s'interromprait ; 3° on requiert que les actes aient été répétés plusieurs fois, qu'ils aient été libres, et non faits par crainte ou par ignorance ; comme si le peuple croyait faussement que ce fût une loi, laquelle en réalité ne le fût pas ; car Suarez, Laymann (2), Labbé et Molina, admettent que le peuple ne peut être tenu à une nouvelle obligation, s'il n'a pas l'intention certaine de s'y soumettre. Ainsi, dans le doute si la coutume a élé introduite par obligation ou par dévotion, et-sî cette obligation est grave pu légère, il faut alors argumenter d'après les circonstances ; par exemple, si la coutume est importante, et si e|le a été observée constamment pendant un long espace de temps, alors on doit présumer qu'elle a été introduite et continuée avec l'intention d'y attacher une obligation grave (3). Ainsi, nous dirons que l'ofl doit conserver (4) la coutume de s'abstenir
( ») $ab ». de leg, q. VI. es a. Ç. 1.3 q. <j7, art. d. art. 3. {2). \j&>. I tr%. 4 » ? leg· c· ?4· u. ?. ad. 4.
(5) Lib. I. ?. 107. ad 4· (4) Lib. III. ?. g88.
POUR LES  CONFESSEURS.             l55
du lait le jour des vigiles, et la coutume qu'ont les religieux et les religieuses de réciter l'office (1). LXXXV. Telles sont les copditions de la coutume ; mais la désuétude qui abroge la loi n'a besoin que de deux conditions : i" qu'elle soit raisonnable, c'est-à-dire qu'elle ne soit pas contraire à la loi divine ; 2° qu'elle soit légitimement prescrite, comme on le lit dans le texte du chap. Licet de Consuet. Mais, i° pour que la coutume ou la désuétude puisse abroger la loi, l'intention de transgresser la loi ne, suffit pas, il Faut encore avoir l'intention expresse d'abolir la loi. Il en est de même encore lorsque la prescription se fiùt de mauvaise foi, comme disent Caslrapo., Bonaci., Laymann, Salmant. ^2). A c^ sujet Laymann (3) remarque que tous ceux qui oni introduit une coutume contraire à la iqi pèchent toujours jusqu'à ce quj3 la loi soit complètement prescrite : au contraire, ceux qui se servent d'une coutume déjà introduite né pèchent pas. On doit re-marquer en second heu, que pour produire une prohibition positive, et pour introduire un nouveau droit, on doit avojr l'intention d'abrogçr Îa loi, néanmoins si la loi ? depuis un long espace de tempsj n'est pas observée de bonne foi, c'est-à-dire par ignorance de la loi ; Lajmann (4), Suarez, Azor, la Glose, disent (Jue dix ajinees suffisent pour prescrire la loi, et que cette prescription peuf avojr lieu même à, l'hisu du prince, puisque J'on présume que le prince approuve toutes les coutumes qui sont
(2) Lib. IV ?. as.
(?} Lit », I » n. ?? ? ai, 4.
(4) Ct ?. dç leg. ?. 4·
(5) Ibid.
l56            INSTRUCTION  PBATIQUE
établies légitimement. Cependant cela ne peut avoir lieu qu'autant que-le pr.ince ne s'oppose pas à l'introduction des coutumes contraires à ses lois (i).
LXXXVI. Ainsi l'effet de la désuétude est d'abroger la loi, et cela quand même la loi renfermerait la clause, Nonobstante quacumque consuetudine, parce que cette clause ne regarde que les coutumes passées et non les futures. Ainsi, il est probable, suivant Suarez, Ponce, Bonacina, Salmant., etc., que la coutume abroge les lois dans lesquelles toutes les coutumes futures sont réprouvées. Mais si une loi réprouve une coutume future comme déraisonnable, alors on doit distinguer si elle la réprouve comme contraire à la loi naturelle ou divine, dès lors aucune coutume ne saurait avoir de validité : il en serait autrement, si elle la réprouvait comme irraisonnable pendant le temps que l'on ne fait aucune loi humaine ; parce que quelque nouveau motif peut survenir et rendre la coutume raisonnable et valide, suivant la doctrine commune à tous les docteurs (2).                          ,
LXXXVII. Les coutumes peuvent ainsi interpréter les lois ; c'est pour cela que de telles interprétations se nomment usuelles ; comme nous l'avons vu au n. 72, pour ces coutumes on exige moins de temps que pour la prescription ; régulièrement parlant, toutes les lois doivent être interprétées selon la coutume des lieux (3).
LXXXVIII. En dernier lieu, on doit remarquer
(1) Lib. 1. ?. 107. ad. 5.
(2) Sanchez de matr. 1. VU. d. 4· n. 14. Romung. de leg, 58, q. 3. Salm. eod. to. c 6. 11. 44· cum. Suar. Post. Tapia.
(5) Lib. I. n. 107. v. Potest·
POUR tES  CONFESSEURS.
que les lois générales ne dérogent pas aux coutumes particulières prescrites dans certains lieux, à moins qu'elles n'en fassent une mention spéciale, ou plutôt à moins qu'elles ne révoquent expressément toutes les coutumes (cap. ?, de Consuet., in. 6). Mais cela ne peut s'appliquer aux lois faites par les évêques, parce qu'on présume que les évêques en les formant ont bien examiné toutes les coutumes qui se trouvaient en opposition. De plus, on doit remarquer que si la coutume est immémoriale, on ne peut jamais opérer sa révocation, à moins que le texte de la loi n'en contienne expressément la révocation, comme la sainte Congrégation l'a déclaré plusieurs fois (1).
CHAXITRE III.
DES  ACTES  HUMAINS  ET  DES  PECHES.
PREMIER POINT.
Des actes humains.
? et 2. Des actes 'de l'homme et des actes humains.
5. Du volontaire et ses conditions.
4 à 6.- De combien de manières on peut considérer l'acte volontaire.
7 à ii. Du libre et de ses différentes espèces.
12. Obstacles des actes humains.
13. I. De Pignorance.
(i) Lib. ?. ?. 167. qu, 2.
1 53             ÏKSTBTJCTION  PRATIQUE
14. H. De la violence.
15. Ill- De la complaisance.
16. 17 et 18, IV. De la crainte et die ses différents degrés.
19. De qui les1 actes humains empruntent leur bonté ou leur malice.
20.  Si l'acte extérieur ajoute à la malice de l'intérieur.
si. Si l'on peut admettre des actes indifférents.
I. Dans les traités précédents, noué avons parlé des deux règles des actes humains, c'est-à-dire de la conscience et de la loi ? parlons maintenant des actes humains d'abord en général, ensuite en particulier des péchés.
II.  Saint Thomas (1) dit que les actes qui sont faits par l'homme peuvent être considérés de deux manières, c'est-à-dire sous le rapport de leur nature ou des mœurs. Dans la première espèce, on range tous les actes de l'homme, ou ceux qu'il produit de quelque manière que ce soit. Ceux de la seconde espèce s'appellent actes humains, ce sont les actes provenant du libre arbitre et de la volonté de l'homme. Ainsi tous les actes qui préviennent l'usage de la raison, sont des actes de l'homme et non des actes humains. Deux conditions sont nécessaires pour constituer le mérite ou le démérite cf'un âdtë "humain, c'est qu'il soit volontaire et libre.
III. Et premièr*èfàéfit, éti parlant du volontaire, nous dirons que l'acte doit provenir d'un principe intérieur et non pas être produit par une violence extérieure ; qu'il doit ôlrefàii atec1 la connaissance du tout : ainsi celui qui tuerait son prochain qu'il pren-
(1) 1. 2. q, >. a. 1.
POUR  LES  CONFESSEURS.            l 5q
drait pour une bête féroce, ne commettrait pas un homicide volontaire.
IV. Le volontaire peut être considéré sous plusieurs rapports : i° être formel, virtuel, habituel et interprétatif ; 2° produit et commandé, elicitus et imperitus ; 5° direct et indirect. Et d'abord le formel est ce \ olontaite qui pour s'exercer s'empare de la volonté ; le virtuel est celui qui procède et s'effectue en vertu d'une volonté première qu'où a eue ; lliahituel est cet acte de la volonté qui a été émis une fois et qui n'a pas été rétracté ; Yinterprètulif est cet acte qui ne se soumet pas à la volonté, mais qui s'y soumettrait si la personne se trouvait devoir délibérer dans certaines circonstances.
V. En éècond lieu, le volontaire produit {elicitus), est tout acte de la volonté produit prochainement par la volonté, comme l'action de désirer, d'adopter ou de refuser, d*aimer ou de hair. Le commande (im-peralus), est tout acte qui s'exerce par l'empire de la volonté au moyen des facultés intérieures ou extérieu-tes, comme l'action de méditer ou de marcher. Re-marquonsici avec saint Thomas (?), que tousles actes produits ou commandés par la volonté prennent leur espèce de la fin pour laquelle on les exerce. Ainsi les actes qui oni la même fin, bien qu'ils diffèrent matériellement, sont toutefois de la même espèce ; par exemple, si une personne jeune, prie ou prêche pour là gloire de Dieu, ce sont là des actes de charilê. Mais au contraire, un seul acte matériel étant choisi par la tolonté pour différentes, fins, il peut avoir différentes espèces.
VI. En troisième lieu, le volontaire direct est celui
(?) ?. a. q. ?. a. 3.
?6?            INSTRUCTION  PRATIQUE
que l'on veut pour lui-même ; le volontaire indirect est celui que l'on veut dans sa cause, que l'on pose volontairement, prévoyant l'effet qui doit s'ensuivre, bien qu'on ne l'ait pas pour but. Ainsi, pour que le. volontaire indirect soit imputé à péché, il faut, en premier lieu, que l'effet en soit prévu ; en second lieu, il faut que la personne soit tenue à empêcher un semblable effet, parce que quand elle n'est pas tenue à l'empêcher, elle ne l'a point pour but ; elle ne pèche pas en posant une cause honnête par elle-même, encore qu'elle prévoie que l'effet est en lui-même illicite, comme nous l'expliquerons plus loin dans plusieurs cas.
VIL De plus (comme nous l'avons dit), pour que l'acte humain soit capable de mérite ou de démérite, il faut qu'il soit libre. Il est de foi contre Calvin, que l'homme, même après le péché d'Adam, possède le libre arbitre, comme cela est défini par le concile de Trente, Sess. 6. cano. 5. ; mais nous devons distinguer plusieurs sortes de liberté : i° la liberté de co-action et de nécessité ; 2° la liberté de contradiction et 3o la liberté de contrariété.
VIII. En premier lieu, autre est la liberté de co-action, dite liberté de spontanéité, et autre la liberté de nécessité, dite liberté d'indifférence. La première demande que l'acte soit spontané, c'est-à-dire libre de toute violence, bien que nécessaire, comme à Tè-gard des saints qui aiment Dieu nécessairement, mais spontanément, sans être violentés pour cela, puisque saint Thomas (?) et saint Augustin nous apprennent que relativement à notre fin dernière, nous avons bien la liberté de volonté qui ne répugne pas avec la néces-
(i) Quœst. de vciil. art. i.
POUR  LES  CONFESSEURS.              l6l
site des inclinations naturelles ; mais nous n'avons pas la liberté d'arbitre ou de contradiction qui sup-, pose le vouloir et le non vouloir, comme nous l'expliquerons plus loin. La seconde, c'est-à-dire la liberté de nécessité ou d'indifférence, suppose non seulement l'exemption de toute violence, mais encore de la nécessité ; ainsi l'homme peut s'abstenir de faire l'acte, ce qui est la liberté de contradiction, ou choisir l'acte contraire, ce qui est la liberté de contrariété, comme nous l'expliquerons plus loin.
IX.  En second lieu, nous devons savoir que la liberté de contradietion', appelée aussi liberté A'exercice, c'est-à-dire de pouvoir opérer ou ne pas opérer, diffère de la liberté de contrariété appelée aussi liberté de spécification, c'est-à-dire de faire deux actes opposés, comme de haïr ou d'aimer.
X.  Après cela nous dirons qu'afin que la volonté de l'homme puisse opérer avec mérite ou démérite, elle doit avoir la liberté d'indifférence, qui seule peut être appelée vraie liberté, car c'est la seule qui soit exempte non seulement de violence, mais encore de nécessité. Cela se prouve d'après le concile de Trente, Sessio. 6.  can. 4 »  qui dit que le libre arbitre de l'homme peut toujours consentir ou ne pas consentir à la grâce. Cela se prouve encore d'après la censure portée contre les propositions de Baius et de Jansénius. Baius, dans la 3<)· proposition, condamnée par saint Pie V et par d'autres souverains pontifes, dit : « Quod voluntarie fit, etiamsi necessitate fiat, li- » bere tamen fit. » Danslapropos.66 : « Solaviolentiare- » pugnat libertati hominis naturali. » Et dans la propos. 67 ; « Homo peccat etiam damnabiliter in eo quod ne- » cessario facit. » Baius, en disant damnabiliter, entendait parler des actes délibérés quoique nécessaires,
T.  XXIII.                             II
l62            INSTRUCtION  ?·?????_??
car il admettait, comme on le voit par la propos. j5, que les actes indélibérés, c'est-à dire sans le consentement de la volonté, n'étaient pas réputés péchés. Jansènius, dans la proposition 4i, condamnée par Innocent XI, dit : « Ad merendum et demerendum in » statu naturae lapsae non requiritur in homine libertas » a necessitate, sed sufficit immunitas a coactione. »
XL Remarquons ici que le principe de la liberté d'indifférence découle de Y indifférence du jugement, qui n'est autre chose que l'appréciation du bien et du mal que l'on peut reconnaître dans l'action. Cette indifférence de jugement n'est pas ce qui constitue la liberté, mais (comme on vient de le dire), c'est seulement le principe de cette liberté, par lequel la volonté peut adopter librement et indifféremment tel ou tel parti.
XIÏ. Les obstacles qui entravent l'acte humain, ou l'empêchent d'être volontaire, ce sont l'ignorance, la concupiscence, et la crainte qui, à la vérité, n'ète pas mais diminue le volontaire. Parlons de chaque obstacle en particulier.
XIII. A l'égard de l'ignorance, il est nécessaire de faire plusieurs distinctions ; i° autre est l'ignorance négative, qui est le défaut de science dans un sujet incapable de juger ; autre est la privative, qui est le manque de science dans un sujet capable de juger ; enfin autre est l'ignorance -positive, qui est l'égarement ou l'erreur volontaire. 2° On distingue l'ignorance du droit, c'est-à-dire du précepte, de l'ignorance du fail, c'est-à-dire de la chose prescrite. 5° On dislingue l'ignorance antécédente ou invincible, qui est celle qui précède toute attention de l'esprit, et la conséquente ou vincible, qui est celle qui a déjà reçu quelque avertissement au moins
POUR  LES  CÔNFESSÈUBS.              l63
virtuellement ou d'une manière confuse, et l'ignorance concomitante qui accompagne l'acte sans en être la cause et n'a aucune influence sur lui, puisque l'acte- se ferait de la même manière quoique celte ignorance n'existât pas ; telle est l'ignorance de celui qui tue Un ennemi en pensant que c'est une bête féroce, mais dont l'esprit est en même temps disposé de telle manière qu'il l'aurait également tué s'il l'avait reconnu pour un ennemi. 4° L'ignorance conséquente ou vincible se divise en ignorance crasse ou supine et en ignorance affectée. L'ignorance crasse est celle par laquelle l'homme omet de savoir ce qu'il peut et doit savoir ; l'ignorance affectée a lieu quand quelqu'un néglige de connaître la vérité afin de pécher plus librement. De là on conclut que l'ignorance antécédente ou invincible empêche et ôte le volontaire. L'ignorance conséquente ou vincible ne le détruit pas, mais seulement le diminue. L'ignorance concomitante ne l'ôte ni ne le diminue, puisque (comme nous l'avons dit plus haut) elle n'influe en rien sur l'acte.
XIV, 2. Laviolence ôte la responsabilité de l'acte humain % ainsi tous les actes faits par pure violence n'ont ni mérite ni démérite. Remarquons ici que le violent diffère du nécessaire, parce que le nécessaire peut encore être volontaire comme l'amour béatifique ; il diffère aussi de l'involontaire, qui peut être occasionné par l'ignorance.
XV, 3. La concupiscence ( qui n'est autre chose que le mouvement de l'appétit sensitif ), quand elle est antécédente, empêche l'acte humain, c'est-à-dire le volontaire en partie, et quelquefois même en totalité s'il arrive qu'elle prévienne la raison ; aussi
l64            INSTRUCTION  PRATIQUE
les mouvements sensuels, sans aucun consentement de la volonté, ne sont pas pour nous des péchés mortels ou véniels (1) ; mais quand la concupiscence est conséquente, c'est-à-dire quand elle est excitée ou commandée par la volonté, alors elle n'empêche nullement l'acte humain., mais elle accroît au contraire le volontaire et le péché.
XVI, 4· En parlant de la crainte, il faut distinguer Ie : la crainte légère et la grave, appelée encore cadens in virum constantem. Mais, pour que la crainte soit-grave, il faut que le mal menacé soit i° probablement imminent ; 2° qu'il ne puisse être évité ; 3° qu'il soit d'une assez grande importance, au moins à l'égard de quelques personnes, comme les femmes, les enfants de famille, les pupilles, les sujets, etc., à l'égard desquels il peut y avoir encore la crainte révérentielle ; mais on doit remarquer que la crainte révérentielle devient grave quand, outre le respect qui empêche le fils ou le pupille de contredire un père ou un tuteur, ils craignent encore d'encourir une indignation de longue durée, ou d'à utres mauvais traitements.
XVII. Il faut 2° distinguer la crainte ab intrinseco, qui est produite par certaines circonstances de fait ; comme, par exemple, la crainte de la mort, qui force le marchand à jeter ses marchandises à la mer au milieu d'une tempête ; il faut aussi distinguer la crainte ab extrinseco, qui provient d'une cause extrinsè que mais libre, c'est-à-dire d'un autre individu, et cette crainte ab extrinseco peut être injuste ou juste : on le' reconnaît en examinant si
(i) Lib. V. a. 6.
celui qui imprime cette crainte a ou n'< pas le droit de la produire. En outre, cette crainte peut être imprimée pour extorquer de force un certain acte, ou pour le diriger vers un autre but e ? dehors de l'acte opéré sous l'impression de la crainte.
XVIII. Cela posé, nous dirons quo la crainte n'empêche pas l'acte humain, c'est-à- lire absolument le volontaire, mais seulement il le diminue secundum quid. Quant à savoir si la ;rainte peut dispenser ou non de la loi, nous en avons déjà parlé au chap. 2, n° 44· et si » elle pt et invalider ou non l'acte, nous en parlerons en traitant des vœux, des contrats et du mariage. - XIX. On demande i° d'où les actes humains tirent leur bonté ou leur malice. Je réf ondrai d'après plusieurs auteurs que matériellement ils la prennent de l'objet et de ses circonstances ; et formellement ou quand a la bonté morale ou à la malice de ces actes ; des vertus auxquelles i|ls se conforment ou s'opposent.
XX. On demande 20 si l'acte externo ajoute une bonté ou une malice distincte à l'acte interne, à l'égard des récompenses ou des peines esse : itielles (car, à l'égard des accidentelles, tous conviennent qu'il y ajoute). Dans celte question, les thomistes admettent l'opinion négative, et les scotistes l'affirmative. Mais, quoi qu'il en soit de la question spéculative, les thomistes disent encore en pratique, suivant Estius, que si dans l'exécution d'un acte mauvais la volonté s'attache davantage à l'objet désiré, on se complaît dans lui ; alors sans aucun doute l'acte extérieur ajoute toujours quelque malice à la volonté, et c'est ce qui arrive ordinairement. C'estpourquoiHabert dit avec raison que celui qui consomme extérieurement le
l66             INSTRUCTION PBATIQTIE
péché, doit être regardé comme plus coupable que celui qui le désire seulement (1).
XXI. On demande 3° si l'on peut admettre l'acte humain indifférent in individuo. Les thomistes et les scotistes s'accordent à dire que l'acte indifférent peut exister suivant l'espèce ou ex objecte, comme l'action de se promener ou de garder le camp, et la question est, si où l'admet en fait, et in individuo. Les scotistes l'affirment ; mais les thomistes le nient avec plus de probabilité, parce que 1 homme étant un être raisonnable, il est obligé de diriger toutes ses actions vers une fin honnête ; dès lors l'acte n'est plus indifférent : à moins cependant que quelquefois une personne agisse par ignorance et sans délibération. Nous avons assez parlé de ces trois questions qui appartiennent plutôt à la scolastique qu'à la morale. Parlons maintenant des péchés qui sont des actes humains en espèce.
SECOND POINT.
Des péchés.
§ I. Du péché en général.
22 et 23. Du péché mortel et véniel. 24 et 25. De l'attention. 26 à ??. Du consentement. 82. Du péché philosophique.
XXII. Suivant saint Thomas (2) et saint Augustin, le péché se définit : une parole, un fait, un désir contre la loi éternelle ; « dictum, factum, concupitum
fi) Lil>, fl. ?. 47· v· Seeuncla, ( ») 1. a. <$. 71. ». 6.
POVB  LES  CONFESSElinS.            167
 » contra legem aeternam. » On ditlaloi éternelle parce que c'est ce qui constitue la malice formelle du péché ; et aussi parce que celte définition comprend fous les péchés de commission et d'omission, puisque tous offensent la loi divine. Elle comprend aussi la transgression des lois humaines auxquelles la loi divine veut qu'on obéisse : « Celui qui résiste au pouvoir résiste aux ordres de Dieu. » (Rom. i3. 2.) « Qui « potestati resistit, Dei ordinationi resistit. »
XXIII.  Tout péché grave n'est pas une oifense effective à l'égard de Dieu, puisque, comme dit saint Thomas ( ? ), Dieu pe peut recevoir aucun dommage ; mais c'est une offense affective, une véritable injure, un mépris à l'égard de la majesté divine à qui l'on préfère la créature. Doit-on dire que le péché véniel offen.se aussi la loi divine ?oui, répondrons-nous aveçEstius, Soto, Azor, et d'autres, parce que, comme le dit très bien saint Thomas, « Si le péché véniel n'est pas contre la loi, il est outre la loi a ; « non » est contra, sed praeter legem (a), * c'est-à-dire que le péché véniel est seulement contre l'ordre, mais non contre la fin de la loi, qui est la charité. Mais cet ordre qui enjoint d'observer la loi est aussi un précepte. « Tune mentiras pas. >< (Ecclos. 7.) « Noli velle « mentiri. > » « Tu ne jureras pas », »noli jurare omni-sno. » (Math. 5. ) Ainsi le péché est encore contre la loi, puisque la loi le prohibe expressément.
XXIV. Il est certain, d'après ce qui a été dit plus haui au n. 2, que le péché pour être imputable doit être volontaire, et pour que le péché mortel soit volontaire, il faut qu'il soit pleinement consenti. Ainsi
(i> Ibid. q. 7S. a. 8. ad. a. (a) 1. a. q. 88. art, 1. ad. 1.
'68            INSTRUCTION  PRATIQUE
i° il faut la pleine et parfaite connaissance de la malice de l'objet, parce que les mouvements de la concupiscence appelés primo primi, et qui préviennent entièrement la raison, sont exempts de toutes fautes. Les mouvements secundo primi, qui ont lieu avec cette demi-connaissance semblable à celle de l'homme à moitié endormi, ou bien qui proviennent de personnes distraites, ne peuvent être regardés que comme des péchés véniels. Mais les mouvements délibérés, dont l'intellect aperçoit pleinement la malice, au moins confusément, et auxquels la volonté consent, sont des fautes graves : c'est la doctrine commune à tous les théologiens, avec saint Thomas (i), qui dit que le péché mortel peut, d'après son objet, devenir véniel, « ob imperfectionem actus » moralis, cum non sit deliberatus, sed subditus. »
XXV. Le péché mortel exige-t-il la connaissance actuelle et expresse de la-malice de l'acte, ou la virtuelle et interprétative suffit-elle ?La première opinion soutenue par le père Concina, le continuateur de Tournely, Antoine, Franzoja et d'autres, prétend que la connaissance interprétative suffit, c'est-à-dirë que l'homme est tenu et a la faculté de connaître la malice du péché, bien que cette connaissance n'ait pas lieu actuellement(2). La seconde opinion, plus communément adoptée, exige la connaissance actuelle de la malice, ou de son danger, ou au moins de ??-bligation d'avoir cette connaissance : c'est la doctrine de Silvius, Suarez, Tapia, Sanchez, Sairo., Gastro-palao, Salas, Bonacina, Salmantice., Gammache,
(?) ?? qu. 7, île mala art. 6. per totum et 1. 2. q. 88. art. 6.
(2) Conc. comp. theol.' 1. 8. d. 3. c. 2. n. i5. Coat. Tourn. t. II. de pecc. c. 4. a. 1. Franz, in Bus. l.V. c. 2. Auira. 1. An-toine de pecc. c. ·. q. 4.
POUR  LES  CONFESSEURS.             169
Isainbert, Duval et Vasquez, Lira.,-Tostat, Adrien VI, Curiel, Vittoria et autres(i) ;de plus le cardinal Gotti.Wigandt, de Sainte-Beuve, avec saint Antonin, tous s'accordent à dire que tout péché mortel doit être accompagné de la connaissance ou au moins du doute de sa malice en lui-même, ou dans sa cause, au moins confusément.
XXVI. Cela posé, mon sentiment est qu'en parlant dans les limites du droit, les deux opinions que je viens de citer peuvent facilement se concilier, parce que dire que tout péché grave requiert nécessairement l'actuelle et expresse attention, cela sans aucun doute, c'est une chose fausse. Car il peut arriver de plusieurs manières que quelques actes mauvais ne soient pas actuellement reconnus comme tels, et soient cependant imputés à péché, comme l'enseigne saint Thomas, si l'ignorance, en quelque manière, est volontaire, ou provient de négligence, ou d'une passion ; ou de mauvaises habitudes, ou d'une incon-1· sidération volontaire dans l'action.
XXVII. Et d'abord l'ignorance peut être volontaire par la négligence, comme l'écrit saint Thomas dans plusieurs lieux. Il dit dans un certain endroit (?) que l'ignorance peut être volontaire de deux manières, « Vel directe, sicut cum aliquis studiose vult « nescire, ut liberius peccet : vel indirecte, sicut cum » aliquis propter laborem, vel propter alias occupa-
(1) Sylvius in 1. 2. q. 76. a. 3. q. ? concl. a. Suar. t. V. in. 5. p. d. 4· scss· 8· e*· ?· ?4· Tapid 1. III. q. 9. a. V. et 11. Sanch. dec. 1. I. c. 16. n. 21. Sayr. ihes. 1. II, c. 9. n. n. Palauslr. 2. Salas tr. i3. d. 8. sess. 11. n. 87. Bonac. de cens. d. 1. Salin, schol. Ir. i3. d.  ??. dub. ?. et Mor. tr. 20. c. ?4· n. 8. Gam. p. 194. Isamb. p. 2??. Duval. i78.Vasq. 1. 2. q. ?2?. c. 2. n, 6.
(2)  1. 2. q. 76. « . 3.
17 »            INSTRUCTION PRATIQUE
ïtiones negligit addiscere id per quod a peccato »retraheretur. Talis enim negligentia (note :) facit » ignorantiam ipsam esse voluntariam,, et peccatum... » Si vero ignorantia sit involuntaria, sive quia est » invincibilis, sive quia est ejus, quod quis scire non » tenetur talis ignorantia omnino excusât a peccato. » On doit remarquer ici que saint Thomas admet que l'ignorance invincible même des préceptes naturels peut exister ; puisqu'il dit que l'ignorance été le péché, soit parce qu'il y a des ôhoses que nous ne sommes pas tenqs de savoir, ou parcerque l'ignorance est invincible. Ainsi le docteur angélique très certainement suppose que l'ignorance est une invincible excuse, même quand il est des choses que l'on doit connaître, comme sont les préceptes de la loi commune qui regardent tous leshommes(tmtWwi/i,s juris prwcepta, etc.), et qui concernent chaque individu suivant son état et sesdevoirs. En revenant au même point, saint Thomas (4) écrit encore dans un autre endroit : « L'ignorance qui est tout-à-fait involontaire n'est pas un péché ; » et c'est ce queS. Augustin entend en disant : « On ne t'impute pas à péché si tu l'ignorea malgré toi, mais situ négliges de l'apprendre ; « Igno- » rantia, quae est omnino involuntaria, non est pec- » catum. Et hoc est quod Augustinus dicit : Non tibi » imputatur ad culpam, si invitus ignoras, sed si » scire neglexeris. Per hoc autem quod addit, sed si » scire neglexeris, dat intelligere, quod ignorantia » habet quod sit peccatum ex negligentia praecedente, ?> quae nihil est aliud, quam non applicare animum » ad sciendum ea. quae quis debet scire. » Pans le même çndrojt, au^n,. 8, sainj Thomas dit encore : « <pe
(l) S. Thomas de maio. q. 3, a, 7. ad. 7.
POUR LES  CONFESSEURS.               I7I
l'ignorance est réputée volontaire, quand l'homme repousse la science, et que l'ignorance est pour ainsi dire commandée par la volonté ; « scientiam récusât, »et sic ignorantia est a voluntate quodammodo » imperata. » Ainsi, dans tous ces endroits cités, le docteur angélique regarde l'ignorance qomme coupable, quand l'homme néglige et refuse par un acte volontaire d'appliquer son esprit à prendra connaissance de ce qu'il doit savoir à l'égard d'un précepte qu'il est urgent d'accomplir. En second lieu, l'ignorance devient volontaire par la passion à laquelle J'jndividu s'abandonne de propos délibéré ; car, en voulant satisfaire sa passion, celle de la vengeance, par exemple, il voit par conséquent tous les moyens pervers qui peuvent l'aider à satisfaire sa vengeance ; et par cela même tous lea actes qui se succèdent, bien, que non, prévis gn particulier, sont néanmoins volontaires dans leur cause, G'est-à-dire dans le ^ésir 4e satisfaire sa vengeance, C'est aussi ce quVnseigne saint Thomas, qui appelje l'ignorance. d,ft celui qui agit par passion, ignorance de mauvais choix, igno-raiHiam %a,al<$ elçcliamis. \l ajoute encore ; « Alio »modo d,iciiur ignorantia voluntaria ejus, quod quis, » potest s,cire, et debet ; sic enbpa nem agere f et non « velle, voluntarium dicitur. Hoc igitur m,oda dicitur » ignorantia, s^ye cum aliquis, s^çtu non considerat, « quod considerare potest, et debet » qvps est ignorantia osaiae electionis, siye ex passione, vel ex » habitu prqveui,ens. » II répète la mêm$ ehosç ; d^ns Mft autre l,i#u (^} : « Ligatio rationi^ per passionem, » non imputatur ad culpam, nisi forte quoad princi- » pium talis passionis, quod. fuilj voluntarium, » $?
(') ?. 2. q. 6. a, 8. de maio. ? ?. a, io,
I72              INSTRUCTION  PRATIQUE
troisième lieu, l'ignorance devient volontaire par suite des mauvaises habitudes, comme le dit le même saint Thomas dans des passages déjà cités (1) ; et en effet, tous les actes mauvais qui proviennent des mauvaises habitudes, ou sont volontaires dans leur cause, c'est-à-dire eu égard aux mauvaises habitudes contractées, ou plutôt (comme je le pense avec Antoine et l'auteur de l'Instruction à l'usage des nouveaux confesseurs, et comme il en sera parlé plus au long dans le dernier chapitre, n. 9 ), parce que ceux qui ont ces mauvaises habitudes ont toujours une certaine connaissance actuelle de la malice de leurs actes : mais parce que le péché résultant de leurs mauvaises habitudes leur fait peu d'impression, c'est pour cela qu'ils ne se rappellent pas Jeurs Fautes et qu'ils disent qu'ils n'en ont pas connaissance ; mais le confesseur ne doit pas les croire. Enfin, en[qua· trième lieu, l'ignorance devient volontaire et coupable, comme le disent Tanner(2) et Antoine (?), avec saint Antonin, quand l'homme néglige sciemment de faire l'examen qui doit l'éclairer sur la nature de l'acte, « Quando adest, dit Antoine, illa reflexio in- » tellectus advertentis, esse amplius considerandum, » aut inquirendum, et voluntas vult agere sine majori » consideratione. »
XXVIII. Au contraire, on doit admettre que si l'ignorance n'est volontaire dans aucun cas des modes dont nous venons de parler, et que l'homme n'ait aucune connaissance actuelle de la malice de l'acte, ou de son danger, ni directement, ni indirectement,
(1) De mal. 1. 2. q. 6. a. 8. (a) Tom. H. d. 4-(5) De Peccat, e. 4.
POVB  LES  CONFESSEURS.
Di en lui-même, ni dans sa cause, alors on ne doit pas lui imputer les erreurs qu'il n'a pas aperçues. La raison en.est, que pour imputer à quelqu'un les effets d'une certaine cause, il faut nécessairement que la connaissance actuelle et expresse de la malice de l'objet ait précédé, afin que la connaissance interprétative, comme le disent avec raison les théologiens de Salamanque (?), se base sur quelque connaissance expresse, de manière que le volontaire indirect se fonde sur le direct. Outre cela, la connaissance interprétative suppose l'obligation et en même temps la facullé de faire connaître ; mais lorsqu'il y a absence de toute connaissance expresse, il n'y a pas possibilité de faire connaître, et par conséquent l'obligation disparaît ; parce qu'aucune obligation ne peut lier si elle ne s'est pas fait connaître de quelque manière. Dira-ton que toute ignorance dans celui qui est tenu et qui a la possibilité de connaître son obligation, est vincible et parcela.mème coupable ? Mais Silvius etSuarez répondent à cela dans les passages déjà cités, que celui qui ignore la malice de l'acte, ainsi que l'obligation de la connaître, a bien la faculté éloignée ou physique de prendre cette connaissance, mais n'a pas la faculté prochaine et libre qui est nécessaire à l'homme pour connaître la malice de ses actions. « Quis nesciat,non esseinhominis « potestate, quod sciat ? » dit saint Augustin lib. de spir. et litt. C'estpourcela qu'il ne peutnaturellement et par les moyens humains surmonter son ignorance. 11 pourra bien connaître ses actions comme actions, mais il ne les reconnaîtra pas comme mauvaises, parce que la seule connaissance de l'objet dans son
(0 Tr. ao. c. i3. n. 7.
état physique n'est pas Un principe Suffisant pour connaître l'objet dans Son état moral, qui certainement difl'ère en tout du physique. C'est aussi la doctrine de saint Thomas (?), qui dit : * On ne peut accuser l'homme de négligence s'il ignore les choses qu'il ne peut savoir ; aussi dit-on que l'ignorance de ces hommes est invincible, parce que l'étude ne peut la faire disparaître. » « Non autem imputatur homini » ad negligentiam, si nesciat ea, quae scire non potest ; « unde horum ignorantia invincibilis dicitur, quia « studio superari non potest. » Cette étude, et ce soin, employés pour faire disparaître l'ignorance, suivant Silvius (a), Médina, Ricardo, n'ont pas besoin d'être poussés au plus haut degré ; il suffit que cette étude soit morale, c'est-à-dire telle que celle dont les personnes prudentes ont l'habitude de se servir dans les cas graves. Quand le doute se présente, l'ignorant doit consulter les personnes habiles ; le savant doit consulter les autres ou plutôt ses confrères.
XXïX. J'observe en somme que cette opinion, qui est adoptée communément par les probabilistes qui la regardent presque tous non seulement comme probable, mais comme très certaine, comme l'observe Suarez, est encore adoptée par les anti-probabilistes. Voici comment s'exprime Sainte-Beuve, docteur de Sorbonne : « Si advertatur tantum in actum physice « consideratum, et non moraliter, erit tantum volitus » actus iste, ut est quid phy sicum, ei non ut quid mo- »rale ; ergo non ut nialum (?). » Le cardinal Gotti écrit aussi : « Dico 2., ad peccatum mortale sufficere
1) 1.  2. q.  76. a  2.
(2) 1. 2. q. 76. a. 3. concl. 1. et q. 3. COQ. 1,
(3) De Sainte-Beuv. de pecc. de 5. sect. 1 a. 3.
POUR  LES  CONFESSEURS.              175
 » advertentiam virtualem ; etenim eo ipso quo quis « dubitat de malitia, vel malitiae periculo, et tamen « rei veritatem inquirere negligens actionem ponit, » censetur interpretative et ipsam malitiam velle (1 ). » Wigandt (2) dit de même ainsi que S. Antonin : « Aut » ergo manet talis complacentia post sufficientem de- » liberationem, et animadversionem periculi, et tunc « est mortale (?). » Nous retrouvons encore la même chose dans le continuateur de Tournely, qui conclut que celui qui ne connaît pas certainement la malice du péché est excusable ; mais il ajoute avec raison plus loin : « Oiî doit penser autrement à l'égard des actions qui proviennent d'hommes esclaves de leurs passions et accoutumés à ne pas faire attention qu'ils ne pensent même pas. » « Verum aliter dicendum de « actionibus, quas eliciunt viri passionibus -suis servientes, assueti ut ne quidem cogitent se non cogi- » tare (4). » J'ai aussi dit la même chose plus haut en parlant de celui qui agit par passion. C'est encore la doctrine d'Antoine, qui en traitant de l'ignorance dit que l'inadvertance de celui qui agit par passion est coupable, et s'il ne prend pas la diligence ou l'attention nécessaires. « Au contraire, ajoute-t-il, si l'ignorance est invincible dans l'homme qui a habituellement de mauvaises pensées, cette ignorance empêche que ses actions ne soient coupables, parce que la malice de l'acte n'est pas volontaire même interprétati-vement. » « E contra si advertentia sit invincibilis in « homine habente cogitationem habitualem debitam, » excusât a peccato ea quae ex illa fiunt contra legem ;
(x) Gotli theol. t. II. tr. 4. de vitiis q. 1. dub. 4, § 3. n. 11.
(2) Wigandt Ir. 4· ex· 2. de pecc. ii. 5o.
(3) S. Ant. p. 2. Iit 5. e. 1. §'5. in fin.
(4) Tom. a, de pecc. e. 4· a. 1·
I76            INSTRUCTION  PRATIQUE
? quia malitia actus tunc ne interpretative quidem est « voluntaria(1). »
XXX. De là on doit conclure qu'on ne peut défendre l'opinion de ceux qui prétendent que pour pécher mortellement, il suffit de l'advertance interprétative, qui consiste en cela seul que l'homme doit et peut par sa puissance physique et extérieure, reconnaître la malice de l'action ; autrement il en résulterait que beaucoup de personnes pourraient se trouver coupables d'un grand nombre de péchés mortels sans avoir jamais eu aucune connaissance, ni scrupule. Dira-t-on que Dieu, en punition d'autres péchés, ôte à l'homme la lumière qui lui donnerait connaissance de lamalice de ses erreurs, s'il n'avaitpas péché ? Je réponds à cela que la privation de cette lumière pourrabienfaire que l'homme retombe datis des fautes qu'il connaît comme tellers, mais ne pourra pas cependant lui faire imputer comme fautes les erreurs qu'il peut faire dans les actes dont il ne connaît pas la culpabilité. En outre, si l'on supposait l'opinion contraire, il en résulterait que pour agir licitement, l'opinion plus probable étant moins sûre ni laprobabi-lissimenila moralement certaine, ne pourraient plus suffire ; ce qui ne peut se dire depuis qu'Alexandre VIII a condamné cette proposition : < Qu'il n'est pas permis de suivre l'opinion la plus probable d'entre les probables. » « Non licet sequi opinionem interproba- » biles probabilissimam. »
XXXI.  Il me reste à répondre à de longues objections qui ont été présentées ; mais je le ferai en peu de paroles. On objecte, en premier lieu, ce qui se lit dans la règle i5 (du Droit, in. 6). C'est l'igno-
(1) De pecc. c. 4· ? 7·
POUR  LES  CONFESSEURS.            I77
rance de fait et non celle de droit qui excuse. « Ignorantia facti, non juris excusât. » Mais Silvius répond avec raison que la règle citée peut bien s'appliquer aux statuts judiciaires, comme l'explique la Glose ; parce que, dans le for judiciaire, après la promulgation de la loi, l'ignorance du transgresseur est regardée comme vincible, pourvu qu'il n'y ait pas quelque motif qui fasse présumer le contraire, comme on le voit dans le chap. In tua, lit. qui ma-trim. accus., etc. On objecte, en second lieu, que si pour tous les péchés on exigeait la connaissance actuelle, on devrait regarder comme innocents les juifs qui ont crucifié le Sauveur, les païens qui ont mis à mort les. martyrs, et les hérétiques qui commettent tant de sacrilèges. Je répondrai par un seul mot, que l'ignorance de tous ces individus est certainement crasse, et que, par conséquent, toutes leurs erreurs doivent leur être imputées à péché. On objecte, en troisième lieu, qu'exiger l'advertance actuelle pour les péchés, c'est la même chose que d'admettre le péché philosophique comme exempt de faute théologique, opinion qui a déjà été condamnée. Mais je répondrai qu'à l'égard.du péché philosophique (ainsi qu'on l'a vu au chap, 111, n. 32), quand bien même on ne pense pas offenser Dieu, néanmoins on sait que l'on offense la raison naturelle, et, par conséquent, l'auteur de la nature ; mais lorsqu'on manque entièrement de toute ad-vertance relativement à la malice de l'acte, on ne peut reconnaître que l'on offense la raison.
XXXII.  En second lieu, pour que le péché soit mortel, il faut qu'il soit accompagné de l'assentiment complet de la volonté, comme l'enseignent communément tous les docteurs catholiques, tele ?. xxiii.                        la
INSTRUCTION  PRATIQUE
que Contenson, Tournely, Gonet, Wigandt, Gotti, Concina., Sanchez, Salmanti., Cardenas, etc. La raison en est que pour la consommation du péché on a besoin que la volonté soit entière, c'est-à-dire que le consentement soit complet (1). La volonté peut bien consentir à une faute grave par un consentement indirect, c'est-à-dire quand elle veut la cause en prévoyant déjà l'effet, comme nous l'avons déjà dit plus haut en peu de mots ; mais cela s'entend du cas où il y a obligation d'empêcher l'effet, parce que, si dans ce cas il n'y a pas une telle obligation, la personne (en mettant de côté la cause), sera excusée de la malice de l'effet, alors que positivement elle ne le voulait pas, bien qu'elle le prévit.
XXXIII. Remarquons, en premier lieu, que par l'advertance de l'intellect > la volonté peut se porter vers l'objet coupable qui lui est proposé de trois manières différentes : ? ° en consentant positivement au péchéI 2° en résistant positivement ; 3° en ne consentant ni ne résistant, mais demeurant neutre, negative se habendo. Ici On peut demander si l'on commet un péché grave en demeurant neutre, et en ne résistant pas positivement aux mouvements de l'appétit sensuel vers un objet giavement mauvais. Suivant l'opinion plus vraie de Gerson, Sanchez, saint Thomas, Gastrop., etc., et en parlant en général, on pèche, mais légèrement et non mortellement, parce que le danger du consentement qui peut avoir lieu en ne résistant pas, n'est paa prochain, mais seulement éloigné (2).
XXXIV. Mais il en est autrement relativement
(1) Lib. V. ?. 5. (a) Ibid, n. 6.
POUR LES  CONFESSEURS.            l^lj
aux délectations charnelles, auxquelles (suivant ??-pinion commune des docteurs ), nous sommes obligés, sous peine de péché grave, de résister positivement ; parce que ces désirs, lorsqu'ils sont violents, peuvent facilement entraîner le consentement de la volonté, si elle ne résiste pas positivement (i).
XXXV. En parlant du moyen pratique de résister à de telles tentations d'impureté, un auteur moderne dit que pour diminuer leurs attaques continuelles et les commotions sensuelles, il est très convenable « vestibus tegere et comprimere partes commotas. » Quant aux moyens de préserver l'âme du consente^ ment, il faut recourir aux pensées dévotes, soit sur la Passion de Jésus-Christ, ou sur l'enfer, ou sur la mort, en pensant qu'elle peut survenir pendant la consommation du péché : on a aussi un moyen convenable en pensant aux remords qui déchireront l'âme lorsqu'elle aura ainsi perdu la grâce de Dieu. Mais le moyen le plus infaillible, le moyen nécessaire, c'est de recourir à la prière, parce que (comme a dit Salomon) la chasteté ne s'obtient de Dieu que par la prière. « Et ut scivi quod aliter non possem « esse continens nisi Deus det, adii Dominum, et » deprecatus sum, etc. » (Sap. 8, 21). Le confesseur doit avoir soin d'insinuer ces choses aux pénitents, spécialement à ceux qui sont sujets aux rechutes ; qu'il n'agisse pas comme quelques uns qui se contentent d'obtenir du pénitent la promesse qu'il ne retombera plus dans ces sortes de péchés, et qui, sans lui dire autre chose, lui donnent l'absolution. H doit lui recommander, avant tout, lors de ces tentations criminelles, de former sans s'y arrêter la ré-
(1) N. 7.
i8o            INSTRUCTION PRATIQUE
solution de plutôt mourir que d'offenser Dieu ; ensuite d'invoquer promptement et à plusieurs reprises, avec confiance en leur pouvoir, les saints noms de Jésus et de Marie, et de leur demander leur secours. J'ai dit sans s'y arrêter, parce que tous les directeurs de conscience recommandent, pourtriom-pher de ces tentations charnelles, comme aussi de celles contre la foi, de les arracher pour ainsi dire du cœur, et pour cela se roidir contre sa propre volonté, rechercher les moyens de ne pas y consentir et diriger l'esprit sur d'autres pensées : mais quand les mouvements sont légers, il est préférable de les mépriser sans leur résister et sans en tenir compte (i).
XXXVI. Le confesseur doit aussi avertir le pénitent qu'il n'est pas obligé de résister aux tentations ou aux mouvements charnels, lorsqu'il y a de justes motifs pour ne pas leur résister positivement : comme cela a lieu lorsque quelqu'un a l'expérience que ces mouvements prennent plus de force par la résistance, et qu'au contraire ils cessent quand il les méprise, ou bien quand ces mouvements proritennent d^ quelque action nécessaire ou utile, comme pour acquérir la science nécessaire pour la confession, ou lire des livres qui traitent de la morale et de la médecine, ou bien enfin quand ils proviennent de quelques attouchements nécessaires pour administrer des remèdes, ou autres choses semblables. Car alors ( suivant, l'opinion de tous les docteurs), nous ne sommes pas obligés de quitter nos occupations par cause de ces mouvements involontaires, ni de leur résister positivement, parce que ces mouvements,
(1) Lib. V. ?. 8.
POUR LES  CONFESSEURS.           l8l
quand bien même ils dureraient, parviendront toujours à s'évanouir. Il suffira donc alors, au moins pour une conscience timorée, de s'attacher à ne pas consentir ; et cette attention sera pour lui-même une résistance suffisante ; c'est l'opinion de Toled., Gaët., Layman, Tournely et Azor, Sanchez, Lacroix, etc. (1).
XXXVII. Remarquons, en second lieu, que, quant aux péchés d'omission, on doit chercher à reconnaître s'il y a eu un acte positif et délibéré de la volonté pour consentir à l'omission du précepte, ainsi que l'enseignent Gonet, Filliut., Salmantice ; ce que quelques autres disent aussi. De plus, on doit savoir que les péchés d'omission qui proviennent de quelque cause antécédente, ne doivent pas être imputés alors que le précepte est omis, mais dès le temps où la cause a été posée, suivant Sanch., Bonac., Becan., Filliut., etc., contre d'autres ; ainsi celui qui met la cause en en prévoyant l ;effet, comme, par exemple, celui qui s'enivre en prévoyant que cela lui fera manquer la messe, quand bien même il arriverait qu'il puisse y assister, il doit cependant confesser le péché d'omission auquel il a consenti en se plongeant dans l'ivresse (2). D'un autre côté, si la censure était annexée à l'effet du péché consommé et que la personne se rétractât avant la consommation, alors il serait par cela même coupable de l'effet prévu, "mais il n'encourrait pas la censure ; parce que la censure exige la contumace dans l'acte même qui consomme le péché. Si quelqu'un omettait la messe pour aller à la chasse ou pour
(1) N. 9.
(a) lib. Y. ?. io. v. not. 3.
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jouer, il ne suffirait pas qu'il se confessât de'laseule omission de la messe, parce que le jeu et la chasse sont pour lui des péchés graves, puisqu'ils sont la cause de l'omission (1).
XXXVIII. Remarquons, en troisième lieu, la proposition qui disait que le péché philosophique (c'est-à-dire l'acte de reconnaître que telle chose est contre la raison humaine, mais non contre la loi divine ) n'était pas un péché mortel et ne méritait pas les peines éternelles : « Quod in eo qui vel Deum igno- » rat, vel de Deo actu non cogitat sit grave peccatum s sed non sit offensa Dei, riec ut peccatum mortale » dissolvens amicitiam Dei, neque aeterna' pœnâ di- »gnum. » Cette proposition fut condamnée avec raison par Alexandre VIII, parce que celui qui reconnaît que son acte est contraire à la nature raisonnable connaît par là même l'offense qu'il fait à l'auteur de la nature, c'est-à-dire à Dieu.
§ II. Des pèches en particulier, de désir, de complaisance Lt de delectation morose.
5o,. Désir, joie et délectation.
4o. Si dans 1 a délectation on doit expliquer l'espèce.
4>. Délectations touchant l'œuvre charnelfe, etc.
4a. Si le désir du mal est licite.
43. Délectations et désirs des époux, etc.
44> Délectation d'une chose mauvaise pour un bon effet.
46. Du dommage porté à autrui pour une fin honnête.
46. Des choses défendues par la loi positive.
(1) N. 10. v. n. ii.
POUR  LES  CONFESSEtBS.            l83
XXXIX. Parmi les pensées criminelles, nous devons distinguer le désir, la joie ( ou la complaisance ) et la délectation morose. Le désir concerne le temps futur, et a lieu lorsque l'homme souhaite ardemment de consommer un acte criminel ; ce désir est efficace lorsque la personne se propose de le mettre à exécution, et inefficace quand elle consent à l'intention de le mettre à exécution, s'il y avait possibilité, en disant, par exemple : Si je pouvais ni emparer des trésors d'une église, je m'en emparerais. La joie regarde le temps passé et a lieu lorsque l'homme se complaît dans le souvenir du mal qu'il a fait. La délectation morose regarde le temps présent, et a lieu lorsque la personne se figure la consommation réelle du péché et se délecte comme si elle l'exéGutait. On l'appelle morose, non par la raison qu'il soit besoin d'une grande durée pour constituer le péché, car il se fait en un moment ; mais par la raison de cette station délibérée que la volonté fait en lui (i).
XL. D'après cela il faut remarquer, en premier lieu, que comme le désir ou la complaisance comprennent toute la malice et toutes les apparences que peut avoir l'objet, comme par exemple si quelqu'un cupit cum alia coire, vel se comp laceat de copufa habita capi illa, il faut expliquer la qualité de la femme, si elle était mariée ou avait fait vœu de chasteté. C'est pour cela que les théolog. de Salaman. (2), Lugo.Castrop., admettent que si quelqu'un se vante d'un péché consommé, il doit expliquer en confession toutes les parties de ce péché ; parce qu'ordi-
(1) Lib. V. ?. ?5.
(2) Trac. 20. c. 3. n. 66 et 67.
l84            INSTRUCTION  PRATIQUE
nairement, lorsqu'on se vante ainsi, on ajoute à la malice de la jactance celle de la délectation dans le souvenir du péché commis (1). Doit-on dire la même chose de la délectation morose ? c'est une question. Quelques docteurs l'affirment, entre autres Cajé-tan, Lessius, Sanchez, etc. D'autres le nient, entre autres Azor, Lugo, Bonac., Laymann, Coninch., Castrop. ; et ceux-ci prétendent que si quelqu'un se délecte dans l'union charnelle avec sa femme, non parce qu'elle est sa femme, mais parce qu'elle est belle, alors il ne commet pas l'adultère, parce que la circonstance de l'adultère ne participe pas de la.délectation, comme il participe du désir et de la complaisance, qui, commenousl'avonsdit, embrasse tout l'objet. Cette opinion, en parlant spéculative-ment, est très probable ; mais dans la pratique, je dis avec Holzmann qu'on ne doit pas dans la délec-lation expliquer toutes les circonstances de l'objet, puisque dans cela il y a au moins danger très prochain de s'abandonner au désirdépravé de pécher avec une certaine personne (2).
XLI. Nous devons remarquer, en deuxième lieu, qu'il en est autrement de la délectation de maio, dans laquelle une œuvre coupable est l'objet de la délectation ; car cette délectation, sans aucun doute, est très coupable, quand l'acte est un péché grave. Nous devons distinguer aussi la délectation de cogitatione operis maii, dans laquelle l'acte ne délecte pas par lui-même, mais seulement la pensée de cet acte ; ainsi, par exemple, quand quelqu'un lit des choses honteuses et ne se délecte pas'de leur matière même,
(1) Lib. V. ?. 26. (a) Ibid. a. 5.
POU » LES  CONFESSEURS.            l8â
mais de leur lecture. Cette délectation peut aussi être une faute grave, quand il y a danger prochain de consentement ; mais quand le danger n'est pas prochain, il n'y a que faute vénielle ; de même, cette délectation sera exempte de toute culpabilité, quand il y a de justes motifs pour faire ces lectures ou de penser à ces matières, pour cause d'étude, ou de médecine, ou d'appréciation de la confession. C'est la doctrine de saint Thomas, 1, 2, q. 74 a 8, et de saint Antonin, de Sanchez, Bonac, Savant., et autres communément (1).
XLII. On demande, en premier lieu, s'il y a péché grave pour celui qui désire un objet très mauvais, mais sous la condition que sa possession soit légitime. Dans les choses prohibées par la kfi positive, il est certain qu'il n'y a pas péché ; mais il y a doute à l'égard des choses prohibées par la loi naturelle. Dans ce cas, on doit distinguer si la condition détruit la malice de l'objet, par exemple, lorsque quelqu'un dit : si Dieu me le permettait, je voudrais prendre le cheval de Titien, il ne pécherait pas, au moins gravement. Mais il en serait autrement si la condition ne détruisait pas la malice ; par exemple, si l'on disait : Je pécherais, s'il n'y avait pas d'enfer ; je tuerais un tel, s'il n'était pas prêtre, en ce easily auraitpéché. Aussi Sanchez, Lay-mann, Azor, admettent-ils la même chose à l'égard de celui qui peut dire : Si ce n'était pas un péché, je me vengerais·, je blasphémerais, etc., parce que ces choses étant intrinsèquement mauvaises, on ne peut pas les séparer de leur malice. Bien que Suarez, Bonac., Castrop., Vasquez, Valenti., Salman.,Ca-
(1) Lib. 5, ii. 17.
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jetan, et d'autres, disent probablement que si quelqu'un désire une chose mauvaise avec la condition que, si elle n'était pas mauvaise, il n'aurait jamais ce désir, et montre seulement la propension à cette chose, alors il ne se rend pas coupable d'un péché mortel ; mais s'il désire absolument qu'il n'y ait pas de prohibition à l'égard de ce qui est intrinsèquement mauvais, il commet certainement un péché mortel, puisqu'il est mal de vouloir intervertir l'ordre et la loi naturelle, comme le disent avec raison les théologrens de Salamanque ainsi que d'autres docteurs (1).
XLIH. On demande, en second lieu, si le fiancé peut, se délecter de congressu cum sponsa, sous la dondition qu'elle serait déjà sa femme, ou en pensant au temps qu'elle sera sa femme. Quelques docteurs l'affirment absolument, d'autres ie permettent, pourvu que la délectation se borne au seul appétit raisonnable sans aucun danger de soulever l'appétit sensuel, c'est-à-dire sine commotione spirituum. Pour moi, je dirai avec Sanchez, Suarez, Laymann, Azor, Salmant., Holzmann, Roncaglia, Lacroix, etc., que ni l'un ni l'autre ne doit s'admettre, parce que la délectation rend l'objet présent, or l'objet se trouvant par là séparé des conditions qui le rendent légitime, il est certainement mauvais ; ainsi la délectation provient alors d'une chose mauvaise ; et bien que le consente ment soit conditionnel à l'égard de l'objet, il n'est pas absolu à l'égard de la délectation. Il en est autrement, dit Roncaglia, lorsque le fiancé désire simplement la consommation de l'acte futur avec
(1) Lib. V, ?. ??. ?. Quajrit.
POUR  LES  CONFESSEURS.             187
sa fiancée pour le temps où elle sera sa femme ; parce qu'alors il désire une chose pour un temps où elle sera vraiment légitime. Mais, à tous ces raisonnements, j'ajoute que dans le cas de désirs semblables,  lorsque la personne s'attache à ces pensées, il y a grand danger d'une délectation présente ; c'est pourquoi le confesseur doit défendre entièrement aux fiancés de s'arrêter à de tels désirs. Au contraire ce n'est pas une faute grave pour le mari « se delectari de copula Habita vel habenda ? cum sua uxore absente, » ce qu'admettent les Sal-xnant. et Roncaglia, qui l'affirment encore ; « si delec- » tatio habeatur  cum commotione spirituum ; » pourvu que cependant « periculum pollutionis ab- » sit. 1 Le mariage rend légitimes les attouchements impudiquee entre époux ( attouchements qui sans aucun doute ne peuvent ? avoir lieu sans commotion ) 5 et les mêmes docteurs ne les regardent pas comme pochés graves : le mariage rend aussi licite la délectation ooputœ ; cette opinion est admise par saint Antonin, Gaet.,  Goninch.,  Vasq., Lacroix, Suareï, Gers., Laymann,. etc. Saint Thomas l'enseigne encore expressément en disant : « Sicut car- » nalis commixtio non est peccatum mortale conju- » gato, est autem mortale non conjugato ; similis » etiam differentia est de delectatione, et de con- » Sensu in delectationem ; non enim potest esse gra- » viue peccatum consensus in delectationem, quam » consensus in actum. » II est vrai que saint Thomas n'explique pas si la délectation a lieu ou non avec commotion des esprits. Mais on doit bien supposer ordinairement que celui qui, de propos délibéré, se délecte dans l'acte, doit éprouver cette commotion. Au reste, il est convenable que le confesseur exhorte
l88            INSTRUCTION  PRATIQUE
de toutes les manières les époux à s'abstenir d'une telle délectation pendant l'absence de l'un deux à cause du danger de pollution qui peut en résulter.
XLIV. On demande, en troisième lieu, s'il est permis de se délecter d'une chose intrinsèquement mauvaise, parle bon effet qui en est résulté. Il faut distinguer : si la chose est formellement mauvaise, c'est-à-dire si elle a été accomplie avec péché, suivant tous les docteurs certainement il est défendu de s'en réjouir. Si au contraire elle a été faite sans péché, quelques docteurs admettent qu'on peut s'en réjouir, comme aya.nt produit un bon effet ; mais je dirai avec Sanchez, Laymann, Lacroix, Salm., Roncaglia, qu'une telle délectation est toujours illicite ; parce que, quand bien même il n'y aurait pas eu de péché dans l'action, néanmoins elle est toujours mauvaise objectivement : d'ailleurs, on n'en saurait plus douter d'après la proposition suivante, condamnée par Innocent XI : « Lici- » tum est filio gaudere de parricidio parentis a se »in ebrietate perpetrate, propter ingentes divitias » inde ex hereditate consecutas. » Nonobstant ce que dit saint Thomas (1) : « Si autem placet ( nocturna « pollutio, dont il parle), ut naturae exoneratio pec- »catum non creditur. » Puisqu'on doit l'entendre « de pollutione pure naturali, quae provenit a na- »tura se exonérante, » ce qui n'étant pas objectivement mauvais, « licet delectari de exoneratione ob » eam obtenta. » Au contraire „ il est permis ( considéré en soi-même ) de se réjouir, non de la chose coupable, mais du bon effet qui a été produit,
(1) lu 4· dis t. 9. q. i. ad· 5.
VOVR  LES  CONFESSEURS.             189
comme « de exoneratione ob pollutione habita », ou de l'acquisition d'un héritage par suite d'-unhomicide ; j'ai dit (considéré en soi-même) parce que la délectation du seul fait n'est pas exempte de danger, suivant les théol. de Salamanque et Roncaglia (i). ???. On demande, en quatrième lieu, s'il est permis de « e réjouir où de désirer qu'il arrive dumal à autrui pour une  bonne fin.  Citons d'abord les deux propositions condamnées par Innocent XI. « Si cum debita moderatione facies, potes  abs- » que peccato  mortali de vita  alicujus tristari, et » de illius morte naturali gaudere, illam inefficaci af- » fectu petere, et desiderare : non quidem ?? displicentia personas, sed ob aliquod temporale emolu- » mentum. « Et la propos. ?4· » Licitum est absoluto « desiderio cupere mortem patris, sedut bonum cu- » pientis ; quia nimirum obventura est pinguis haere- » ditas. » Ces propositions furent condamnées avec raison, parce que, suivant l'ordre de la charité, nous devons préférer la vie de notre prochain à tous nos biens temporels. Au contraire, il est permis de se réjouir et de désirer le mal temporel d'autrui pour le bien commun, ou celui d'un innocent, ou du prochain lui-même. C'est la doctrine de Tolède, Navarr., Bonac, Salmant., Roncaglia avec saint Thomas (2), qui dit : « Potest aliquis salva charitate optare malum » temporale alicui, et gaudere, in quantum est impe-? dimentum malorum alterius,vel communitatis, vel » Ecclesiae. » Ainsi, il est bien permis(pourvu toutefois qu'on n'offense pas.l'ordre de la charité) de désirer et de se réjouir de la maladie et même de la mort d'un
(1) Lib. V. ?. âo.
(2)  In 4. Sent, tlibt. 5o. q. i, or, 1. ad. 4·
190            INSTBBCTION  PHATIQtE
impie, pour l'exemple des autres, ou afin que celui-ci cesse de donner du scandale, ou de causer la perte des âmes des autres. Il est aussi permis de se réjouir du· mal temporel d'un individu, lorsque cela peut empêcher un mal général. Les théologiens de Salamanque et Roncaglia disent aussi qu'un père peut désirer la mort de son fils, s'il craint avec raison que celui-ci ne déshonore sa famille. On regarde presque comme impossible le cas où un tel désir puisse être légitime. Solo, Castrop., Félix,Potesta.,Trullench., Granad., Viva., (contre Salmant. et Navarre) admettent que l'on peut désirer sa propre mort, quand on la considère comme moins cruelle que sa propre vie, soit pour cause d'infirmité, ou de pauvreté, ou d'autres tribulations que l'on a à souffrir. Et cela ne me paraît pas improbable ; mais, d'un autre côté, je regarde, avecRoncaglia et lesSalmant., comme improbable l'opinion d'Azor et de Bonac, qu'il soit permis à une mère de désirer la mort de sa fille,· parce que celle-ci ne peut pas se marier pour cause de difformité ou de pauvreté 5 ou bien parce que la mère est maitrailée par son mari au sujet.de sa fille.
XLVI. La délectation des choses défendues'seule-mentpar les lois positives, comme un jour de jeûne se délecter en pensant à la viande et d'autres choses semblables, est toujours permise, ou au moins ce n'est pas une faute grave. Au contraire, si quelqu'un par oubli mange de la viande un jour de jeûne, il ne saurait lui être permis de s'en réjouir.
§ III. Distinction des péchés,.\° quant h Vespèce, ; »<> quant au nombre.
47 et 48. De la distinetion spécifique. 4g. du numérique et du principe pour 1^ multiplicité des actes.
POUR  LES  CONFESSEURS.              1Q1
5o à 55. A l'égard des actes internes.
54 et 55. A l'égard des actes externes.
56 et Ó7. II. Du principe par la diversité des objets.
XLVH. Et d'abord, quant à l'espèce, on demande de quel principe on doit tirer la distinction spécifique des péchés. Saint Thomas enseigne qu'on doit les tirer des objets criminels d'espèces diverses ; d'un autre côté, Scot dit qu'on doit les tirer de l'opposition aux diverses vertus auxquelles les péchés sont contraires. L'une et l'autre opinion sont probables, mais la seconde, suivant Tapia, partisan de saint Thomas, donne plus de facilité pour distinguer les espèces de péchés ; ainsi, nous dirons que la distinction des espèces se tire de deux sources ; d'abord de leur opposition aux diverses vertus comme nous l'avons déjà dit : mais parce que quelques péchés sont en opposition avec la même vertu, comme le parjure et le blasphème sont opposés tous deux à la religion » pour cela nous dirons que la seconde source découle delà diverse difformité à l'égard de la même vertu. Ceci ne s'applique néanmoins qu'aux péchés de commission, parce que, pour les péchés d'omission, on les distingue, quant à l'espèce seulement, par les objets qui sont omis : comme, par exemple, l'omission de la messe et celle du jeûne sont toutes deux contraires à l'obéissance due à l'Église ; or, ces deux omissions sont de diverses espèces en tant seulement que leurs objets sont d'espèces diverses {1). XLVIII. On demande, en second lieu, si un péché « ex objecto » plus léger, peut en raison de quelques. circonstances excéder la gravité d'un péché d'une
(1) Lib. V. ?. 3?.
 INSTRUCTION  PRATIQUE
espèce supérieure. Vasquez et Durand le nient ; mais ? opinion commune, soutenuepar Suarez, Castrop. et lesSalmant., ainsi que par saint Thomas ( ? ), l'affirment, en le considérant non physiquement, mais moralement ; ainsi dit le saint docteur ; la bestialité est un péché plus grave que le parjure (2). De là on peut conclure que la règle de déterminer les espèces par l'opposition aux vertus, n'a pas lieu lorsqu'on compare un péché très grave contre quelque vertu, avec un péché plus léger contre une autre vertu (?).
XLIX. En second lieu, quant au nombre des péchés, nous dirons que la distinction numérique se tire pareillement de deux sources : d'abord de la multiplicité des actes moralement interrompus ; ensuite de la diversité des objets tout entiers. (Quelques docteurs'révoquent en doute celte source, mais je parle suivant mon opinion que je développerai au n° 56). Et en parlant de la première source, pour connaître quand les actes de la volonté humaine sont moralement interrompus ou non,, nous avons besoin de faire plusieurs distinctions.
L. Premièrement, il faul distinguer les actes internes, etles actes externes : àl' égard desactesinternes, on doit encore distinguer les péchés internes (dits de cœur), qui se consomment intérieurement, comme sont les haines, l'hérésie, les mauvais désirs, les délectations moroses et autres choses semblables ; et les péchés externes (dits de bouche et d'action), qui se consomment extérieurement, comme les blasphèmes, les vola, etc. D'après cela, nous disons que les actes
(1) 2. 2. q. 10. a. 3. ad. 1.
(2) 2. 2. q. ?44· a- 5.
(3) Lib. V. ?, S3 et H.
POUR LES  CONFJiSSEDBt..              Kj5
internes ou péchés de cœur, tels que les haines, les désirs, etc., se multiplient par leur interruption. Ainsi il y a autant de péchés que d'actes consentis par la volonté, comme le disent communément Suarez, Azor, Castrop., Yasquez, Bonaci., Salma., Tournely, Concina et autres, contre Canus et de Lugo qui prétendent que de tels actes ne sont pas interrompus par le sommeil ou les distractions, mais seulement par la volonté contraire. Mais je ne regarde pas cette opinion comme suffisamment probable ; aussi je dis que le pénitent est obligé de détailler le nombre de ses actes consentis, s'il le peut ; et s'il ne le peut pas, il doit au moins déclarer le temps pendant lequel ils se sont multipliés, et si les interruptions, sans parler de l'interruption habituelle du sommeil, ont été rares ou fréquentes. On ne devrait pas cependant exiger cela si tous ces actes procédaient d'un même mouvement de passion, parce que, suivant Lugo, Viva et Tambur. (ce qui paraît probable), tous ces actes, bien que séparés par un court intervalle, constituent un seul péché (1).
LI. Quant aux actes internes unis aux péchés externes de bouche ou d'œuvre, comme la médisance, l'homicide, etc., ils peuvent être interrompus de deux manières : i° par la rétractation de la volonté ; 2° par la cessation volontaire, c'est-à-dire si la personne abandonne librement le mal qu'elle s'était proposé de faire ; parce que, si après avoir abandonné volontairement son dessein, elle le reprend de nouveau, alors elle commet un nouveau péché.
LU. Ainsi il est certain, d'après tous les docteurs, que la rétractation ou la cessation volontaire inter-
(0 Lib. V. ?. 57.
?. xxiii.                      i3
lf)4              INSTRUCTION  PBATlQUJi
l'Ofiipeol Les actes internes unis à des péchés externe*, ; ïpais on demande si l'interruption commune interrompt le mal qu'on s'était proposé à l'égard des pé, cUés externes. Quelques docteurs i'a0irmenl, comme Vasquez, Henno, Diana, et cette opinion est assez ; probable. Mais il y a plus de probabilité dans celle des Salmanticens., de Viva, Roncaglia et de Concina, qui prétendent que si le propos de mal faire dure pendant un temps court, les actes répétés sous la même influence ne s'interrompent pas ; mais qu'il y a interruption si le temps eet long. Je regarde comme improbable l'opinion d'autres docteurs qui prétendent que, quelle que soit ladurée du temps, il n'y a pus interruption dans les actes. Quant au temps que l'on petit accorder dans cette matière, Roncaglia pense qu'il suffit de deux jours, d'autres admettent quatre ou cinq jours ; pour moi je pense que le même acte du propos de mal faire peut bien durer deux ou trois jours, mais pas davantage ; car je pense que l'impulsion d'un désir ou d'une passion (en parlant ordinairement), peut durer difficilement plus de deux ou trois jours. Ainsi, je dis que si la mauvaise intention précède l'acte seulement de deux ou trois jours, on peut bien le compter pour un seul péché avec l'acte extérieur consommé ; mais si La personne persévère dans sa mauvaise intention pendant plus de trois jours, elle doit déclarer le temps ; et alors le confesseur prendra le nombre des actes en bloc et tiendra compte devant Dieu des interruptions produites par le sommeil et les distractions, etc. ; il se servira alors de la première opinion de Vasques, c'est-à-dire que le plus peut retard interrompt les actes interaes ( 1).
(1) Lib. V. ?. 59.
l(l\l. Qn doit remarquer néanmoins que cela n*a pgis ??? quand les actes de la yqLonié, qui procèdent d'une première mauvaise injenftpp, persistent dans cet efl'et, qui.epjtr^îpe à commettre un seuj péché extérieur ; parce qu'alors, tanj. que dure W mauvaise intention, Jes actes constityent un seul pécké. 4in&i> par exemple, si quelqu'un « e prppose dp tuer son ennemi ej : d^ns ce ïiyl prépaie ses arnies, tend djes emÏJûcljes et ??????? le £ue, ne commet qu'un seul péché, quand bien même il aurajij ; répété pendant plusieurs j,purs ceg a,ctes de crim|n.elle ipjtentiop : tçus les docteurs s'accordent sur ce pojnt avec sajnt Tliopias (1). De même im voil£ur ne CQmmej ; qu'un !>cul péc^é, s'il perséière toujours (même pendant un lçng temps), dans l'intentjpn prise dès le principe du vol, d,e ne pas fçiire de restjtutjion, parce que cej^e retenti^ volontaire, ^qnj n'est pas encore rétractée, fajt durer yjrtuel|ement la prepare volpnté ? suivant ce qu'admettent proljablement Navarre, f.ug.o, Sair, Trullench.. ?P· Nava., Roij.caglia^ Diana » ÌJfdder, Sal-maQt. avec d'autres^ conhairement à Suarez, Bonac. Cependant Dji(ana fait remarquer avec rajsan que si à une certaine éjp,oque le \oleur se trouye dans l'impuissance de restituer, et qu'à une autre en ayant la faculté^ il ne restitue pas, dans ce cg.s il commet un nouveau péché^ parce qu'alors, ppndapt qvi'il était dans l'impuissance de restituer, la volonté 4e ne Pas restituer n'a pas persévéré réellement.
LIV. Voilà tout ce q,ui concerne les acteg internes des péchés externes. Quant aux actes exterpe^ d,es mêmes péchés, geux-ci sont interrompus mor^ilemeixjt quand ils ne se rattachent pas à quelque ^cte cqfn-
(1) ??. a. dUt. 42· ? '· ·'· ?·
1()?            INSTMJCTION  l'RATIQtE
plel ; par exemple, si quelqu'un a frappé plusieurs fois son ennemi, mais sans avoir eu l'intention de le tuer, alors tous ces coups sont des péchés distincts, parce que chaque acte a sa malice complète et distincte. « Idem dicendum de tactibus turpibus, adhibi- » tis sine animo coeundi. » D'un autre côté, on remarque que les actes externes peuvent se réunir en un seul et ne former qu'un seul péché de deux manières : i· s'ils procèdent de la même impulsion, comme lorsque quelqu'un, par la même impulsion, blasphème plusieurs fois, et successivement pendant le même temps, tangit turpiter, injurie, frappe ou calomnie ; c'est la doctrine commune à Navarr., Less., Castrop., Bonac., Concina, Viva et Salman. ; 2° si les actes externes se rattachent moralement pour consommer le même péché, comme celui qui prend ses armes, cherche à surprendre son ennemi et ensuite le tue. « Item si quis ad copulam consumman- » dam praemittit verba, oscula, etc. » Dans ce cas on ne doit déclarer que l'homicide ou la fornication. « An » autem explicandi sint tactus statim copulam subse- » quentes ? Respondetur negative, semper ac tactus (et « idem est de complacentia, quœ habetur de copula) » statim post copulam habeantur, et non dirigantur ad i> novam copulam consummandam, quia tunc vero- » similiter tactus illi adhibentur ad primae copulae com-xplementum (1). » II faut remarquer ici avec le père Viva, qui s'appuie sur l'opinion commune, que tous les moyens externes employés pour consommer le péché, comme sont les faits et les paroles obscènes, les voyages dans une maison de débauche, l'apprêt des armes pour assouvir une vengeance, et autres
(1) Lib. V. Mi.
POUR  LES  CONFESS&DRS.             197
choses semblables, doivent toutes s'expliquer en confession avec le détail et la distinction des péchés, quand le péché n'a pas été consommé, parce que toutes ces actions, qui ont été exécutées extérieurement, sont empreintes de la malice d'une mauvaise intention (1).
LV. Mais si quelqu'un ayant l'intention de dérober cent écus, commettait ce vol en cent fois différentes, commettrait-il plusieurspéchésPLacroixprétendqu'il en commettrait cent, parce que chaque vol particulier a sa malice propre ; mais Holzmann pense avec probabilité qu'il lui suffit de se confesser du vol des cent écus comme d'un seul péché, parce que tous les autres actes ont servi à compléter le vol résolu ; mais s'il n'avait pas l'intention d'en dérober cent, certainement il doit expliquer distinctement tous les vols qu'il a commis (2).
LVI. Nous avons parlé jusqu'à présent de la première source ; parlons maintenant de la seconde, c'est-à-dire de la diversité des objets en totalité. Les docteurs sont partagés d'opinion pour savoir si par cette source les péchés se multiplient ; par exemple, si celui qui tue plusieurs personnes d'un seul coup commet plusieurs péchés. Les uns le nient, comme Suarez, Lugo, Laymann, Anacl., Viva, etc. Pour moi, je l'affirme avec Azor, Tournely, Concina, Salmant., Dia., Lacroix, Holzmann, en suivant l'opinion commune, parce que le même acte peut contenir plusieurs malices d'espèces distinctes, et dont le nombre peut aussi être distinct ; et cela en violant la même vertu, comme si un homme marié commet
(1) Lib. V. ?,
(?) ?. 44.
l'aclultète dteC une femme mrtliee. C'est pourquoi }è dis que fcGÎtii-lft commet plusieurs péchés, ? qui ttiè plusieurs perstifitìei d'uti seal côdp, otl qui par un seul discours cause du scandale à plusieurs, oti par une Setile ealdmiiië dlffanle plusieurs familles ; 20 qui vole en une seule fois plusieurs personnes ; niais" cela ne s'enlend pas du CSS où quelqu'un volerait les Mens d'un monastère ou d'un chapitre 4 parte (Jue de tels biens appartiennent â la communauté et flou à chacun de ses membres efl particulier ; 3° qui par Un seul Ëcte de sa volonté Sfe prbpbSë d'omettre, pendant plusieurs jours, l'office ou le jeûne, ou désire du mal à plusieurs personnes, « Vel optât ad pllires » feminas accedere aut pluries ad eamdem, fortius si » pluries successive cum aliqua habet (i ).*
LVI1. Mais si quelqu'un tiië plusieurs articles de foi, il commet un seul péché ; par Ce que l'objet de la foi étant Unique, c'est-à-dire la vérité de Dieu ré-\élitteur, celui qui nie un seul article est aussi impie que celui qui les nie tous. Île même, celui qui diffame son prochain devant plusieurs personnes ( sui-\ant Azbr, Molina, Lugo, etc.* contre Lacroix) commet un seul péché, parce que, suivant tous, le droit delaréputation est unique. Etl outre » celui qui Souhaite divers maux ? son ennemi, par exemple, l'irifamie, la mort* etc. ; niais qui comprend en un tout ces différents maux, c'est-à-dire les emploie comnië ttlojen de ruine, Celui-là ne commet qu'un seul péché, suivant Gaët., Lugo, Valent,, Bonaci., Lacroix, et il lui suffit do confesser : J'ai souhaité un gi^atid Mai à Mon prochain. Mais celui qui a désiré efficacement de causer divers dommages à son
(1) Lib. V. n. 46.
potm J.K9 COSPESSEURS.           199
ennemi, ou bien qui a souhaité Spécifiquement en particulier que chacun de ces dommages lui arrive, doit alors tout déclarer distinctement, parce que cô sont des péchés distincts (1). Viva,Lugo, Salmant. et d'autres docteurs, disent qu'un confesseur qui, étant en état de péché mortel, absout successivement plusieurs personnes, cottitftèt un seul sacrilège ; mais je prétends avec Bonae.,EsCobar, Cóncina, TuUrnely et Lacroix, qu'il commet autant de sacrilèges qu'il a absous de personnes, parce que chaque absolution est un sacrement distinct. lien est autrement, suivant l'opinion probable de Filliutius, Viva, ËlisetmS. et d'autres, à l'égard du prêtre quï, dans l'état de péché, donne la communion à plusieurs personnes ; patte qu'alors il n'y a qu'une seule administration et un seul banquet. Quant au nombre de péchés que petit commettre le prêtre qui célèbre la messe sans être en état de grâce, voyez ce qui sera dit quand notis parlerons de l'Eucharistie.
§ IV. Du pàche Mortel et véniel.
58. Effet du péché mortel et du péché véniel. 5g. En combien de manières le péché mortel le-vient véniel.
60. Encombien de manières le péché véniel deviant mortel.
61. Si l'on est dans le danger probable d'un péché mortel.
LVIIIi Le péché mortel est celui qui prive de la grâce divine, qui est la vie de l'âme, et c'est )iour cela qu'on l'appelle mortel. Le péctoî véniel est wdlui
(1) Lib. H. n. 00. v. 1. in confess, el Ut>. V. rt. 9o : tjrt, 5.
200            INSTRUCTION  PRATIQUE
qui ne prive pas de la grâce, mais qui diminue l'amour, non pas de Dieu à notre égard, mais de nous à l'égard de Dieu. Saint Antonin recommande aux confesseurs de ne taxer aucune action de faute grave, à moins qu'il n'ait l'autorité expresse des Écritures sacrées, ou des canons, ou d'une déclaration de l'Église, ou une raison évidente : « Nisi habeatur « auctoritas expressa sacrae Scripturae, aut canonis, vaut determinationis Ecclesiae, vel evidens ratio. » C'est pour cela que ce saint dit avec l'autorité de saint Thomas que ceux qui taxent les actions de péchés mortels, et mettent dans cet état la conscience des pénitents sans avoir la certitude susdite, se mettent eux-mêmes en grand danger de pécher (i).
LIX. On demande en premier lieu de combien de manières le péché mortel de sa nature peut devenir véniel. Trois choses sont nécessaires pour faire un péché mortel, i° la gravité de la matière, 2°la pleine ad-vertance de l'esprit, 3° et le consentement parfait de la volonté : donc le péché mortel peut devenir véniel de trois manières différentes. I. Quant à la matière, sa gravité doit être examinée non seulement en elle-même, mais aussi suivant les circonstances, suivant le tout, et suivant la fin voulue. C'est pourquoi on ne peut admettre le peu de gravité de la matière, quand ce peu de gravité ne diminue pas l'offense, comme à l'égard de l'infidélité, de la simonie, du parjure, des vices honteux, etc. En outre, remarquons que des matières légères répétées composent alors une matière grave, quand par elles-mêmes, ou du moins moralement, elles peuvent se réunir ; comme sont les petits vols, les omissions de l'office, les violations du
(i) Lib. ?. ?, 5i et 5s,
POUR  LES  CONFESSEURS.             2°l
ieune, répétées plusieurs fois en un seul jouir. II. A l'égard de l'advertance, on peut excuser de pèche mortel celui qui n'est pas parfaitement éwiHé du sommeil, ou qui est distrait, ou qui éprouve un trouble imprévu et violent, de manière à tic pas savoir ce qu'il iait. III.Quant au consentemeni, il taut observer qu'on ne doit pas admettre un consente-ment parfait au péché mortel dans des personnes spirituelles, d'une conscience délicate, à moins qu'elles n'en soient certaines ( ? ).
LX. On demande en deuxième lieu de combien de manières, d'un autre côté, le péché véniel peut se changer en mortel ; en cinq manières, l Par le motif d'une fin ajoutée qui serait en soi une toute mortelle, par exemple, si quelqu'un dit une parole lé-gèrementimmodeste, maisdansVintentiond amener son prochain à commettre une faute grave. II. lar le motif d'une fin dernière, ce qui a lieu lorsque quelqu'un commet un acte qui par lui-même ? est pas mortel, mais avec un tel attachement d31 âme, que plutôt que de l'omettre il transgresserait un précepte grave ; par exemple, si quelqu'un un jour de fêle, délibère d'omettre plutôt la messo que de laisser le jeu ; car il ne suffira pas qu'il se confess ? seulement de la mauvaise volonté qu'il a eue de ne pas entendre la messe. III. Par le motif du mépris formel de laloi ou du législateur, c'est-à-dire, comme l'enseigne saint Thomas (a), quand quelqu'un transgresse la loi (même humaine), parce qu elle est la loi· ou bien désobéit à dessein à son supérieur, parce qu'il ne veut pas se soumettre à lui ;| mais s il
(i) Lib. 6. ?. 476. y. item, et lib. V. 53. ad, 58. (a) 3. 2. q. 186. ad. 5,
SOS              INSTRUCTION
désobéit par suite de passion, ou parce que la chose est dé peu d'iniporlaiice, alors le saint docteur dit : « qu'il tic commet pas uti péché de mépris, qiiand bien riiênie" il réitérerait le péèhê ; « Non peccat ex cdft- »temptu etiamsi iteret peccatum. »1V. Par raison de scandale, à l'égard des enfants, comme nous le verrons dans le chapitre suivant, au n. 23. V. Par le motif du péril prochain de tomber dans Une faute grave (1).
LXI. Quelques auteurs disent que si quelqu'un S'expose seulement à Un datìger probable de tomber dans une faute mortelle, il ttè pèche pas grièvement, pourvu qu'il y ait quelque probabilité qu'il n'y tombera pas. Mais je repousse cette opinion avec Cardenas, Busemb., Lacroix, elc. t parce que si Hôtfs tie pouvons pas nous servir de l'opinion probable avec le danger de nuire à autrui, comme nous l'aVOns dit au chap, l, ?. 21, nous le pouvons encore bien rtioins quand il s'agit du danger de notre propre âme.Etbien que la chute soit incertaine * le dartger n'en existe pas moins : cela s'applique â celui qui s'expose au danger sans motifs légitimes, et qui par là pèche grièvement, puisque, suivant l'opinion commune de Navarre, Roncaglia, Hurtade, Salm., Elbel* cela n'a plus lieu pour celui qui s'expose par nécessité, comme On le verra à l'égard du chirurgien et du curé, en parlant dti sixième précepte, au chap. ??,?. 35, parce que, dans ce cas, de prochain le péril devient éloigné, pâl' la raison même de la nécessité, comme des moyens préservatifs dont la personne doit user dans une telle occasion : puisque si l'on n'cxCUse pas celui qui s'expose au péril sans nécessité, quoi-
(i) Lib. V. n. 5g. ad. 65.
qu'en employant les moyens préservatifs, néanmoins on excusera1 celui qui s'expoâë far des tnotifs légitimes, parce qtte cë'Uti-ci et tìotì celui-là recevra dans dette occasioti le secours de Dieu, qui aide ceux qui ont besoin de ltii, mais non les téméraires (1).
CHAPITRE ?.
MT f>nr.*if>.k i>itèt ;FpTC DL rvfcAi.t>etF.
iPRËMlEU  POINT.
Pis vellus llióologftlke.
?, De la foi.
6. De l'espêraiiee.
9. De la chalité.
13. Actes pour pratiquer les vertus théologales.
I. Les vertus théologales, coînrae )a foi, l'espé-Mticb el la charité, appartiennent spécialement au prehiler comniafadehiëht. Nous parlerons de chacune de des f ertus eh particulier ; et d aÎiord la foi ità définit û'mû. : " Ëât virtus theologica, a tìeo in- »fusa, inclinans nos ad firmiter assentiehdum, oh » divitìam Vëracilatëth, omnibus quœ ÏÎeu's revelavit, » et o'er Ecclesiam nobis credenda proposuit. » Ón dit en pteniiër lieu : « virtus theologica, » c'est-â-diro qu'elle regarde tVieu, parce que la foi, comme
(il 'CH. ?. ?3.
S04            INSTRUCTION  PRATIQUE
aussi l'espérance et la charité, regardent directement Dieu, différant en cela des vertus morales qui ne le regardent qu'indirectement. En second lieu : « a Deo « infusa, » parce que la foi est un don surnaturel qui nous vient de Dieu. En troisième lieu : « inclinans « nos ad firmiter credendum, » parce que l'assentiment de /a foi ne peut pas être avec la crainte, comme le veut la proposition 4 condamnée par Innocent XI ; mais, au contraire, il doit être ferme. En quatrième lieu : « ob divinam veracitatem, » parce que la vérité infaillible par elle-même, qui est Dieu même, est l'objet formel de la foi. En cinquième lieu : « omnibus quae Deus revelavit, » parce que toutes les choses, les vérités que Dieu nous a révélées, sont l'objet matériel de la foi. En sixième lieu : « etper Ecclesiam nobis credenda proposuit, » parce que les révélations de Dieu ne nous sont manifestées que par l'organe de l'Église qui nous les propose ; car il est évidemment démontré par des témoignages incontestables (tels que sont, par exemple, les prophéties, les miracles et la constance de tous les martyrs), que l'Église ne peut ni tromper personne, ni se tromper elle-même. Voilà pourquoi saint Augustin disait : « Je ne croirais point à l'Évangile, si je n'é- » tais mû par l'autorité de l'Église. » « Évangelio non » crederem nisi me Ecclesiae catholicae corumoveret » auctoritas. »
II. Ainsi donc l'objet matériel de la foi, c'est-à-dire des choses que nous devons croire, c'est principalement Dieu, et toutes les autres choses qu'il nous a révélées, selon le témoignage de saint Thomas : « Fides quae hominem divinas cognitioni conjungit »per assensum, ipsum Deum habet sicut princi-
POUR  LES  COPiFJîSSEUKS.             200
« pale objectum, alia vero sicut consequenter adiuncta (?). » L'objet formel de la foi (c'est-à-dire le motif d'après lequel nous devons croire), est la véracité de Dieu. Les scolastiques agitent la question de savoir si la révélation est également un objet formel de la foi. Ce sentiment est celui de Juenin et de quelques autres docteurs qui prétendent que la véracité de Dieu est l'objet formel quod3 c'est-à-dire la raison principale qui est le fondement de la foi : qu'ensuite la révélation est l'objet formel quo, c'est-à-dire le moyen par lequel nous croyons. Mais le sentiment le plus commun des docteurs Habert, Gotti, d'Holzmann et de Scot, etc., veut que tout l'objet formel de la foi consiste dans la véracité de Dieu, et que la révélation ne soit seulement qu'une condition, sine quâ non crederemus, ou simplement une condition qui nous fait connaître ce que nous croyons.
III. Mais venons à ce qui regarde notre sujet : parmi les mystères, les uns doivent être crus explicitement, « de necessitate medii, » de nécessité de moyen ; les autres, « de necessitate praecepti, » de nécessité de précepte. Il est évident que nous devons croire, « de necessitate medii, » qu'il n'y a qu'un seul Dieu, qu'il récompensera le bien, et punira justement le mal. Quant aux mystères de la sainte Trinité, de l'Incarnation, et de la mort de Jésus-Christ, bien que le sentiment soit probable de part et d'autre qu'il faut les croire de nécessité de moyen, ou de précepte ; toutefois, d'après la proposition 64 condamnée par Innocent XI, celui-là ne peut recevoir l'absolution sacramentelle qui ignore les grands mys-
(1) Qusest. J4· deveiït. art, 8,
lères ; d'abord, parce qu'il est question d*5 la valeup du sacrement ; ensuite, parce que ce§ mystères sont si grands et sj importants à croire pour faire son salut ; et que le pénitent peut facilement et en peu de temps les apprendre avant de recevoir J'absolu-tion. Mais la raison la plus forte, c'est qu'en recevant le sacrement, qui est une participation des mérites du Sauveur, le pénilent est aussi obligé à les croire d'une manière explicite, ou à piercer sa foi sur les mj stères dp la Trinité et de l'Incarnation. De plus, il faut de nécessité de précepte savoir et croire explicitement, au moins quant à Ja substance^ ; premièrement, Je Credo, au moins en substance, comme l'enseigne saint Charles ÏJorrojnée dan§ spn instruction aux confesseurs ; secondement, le Pflfcr et XAve, Mariq. ; troisièmement, les préceptes du décalogue et de 1 Église ; quatrièmement, les sacrements qui sont nécessaires à chacun, comme le baptême, l'eucharistie £t la pénitence ; pour les. autres, il suffit d'avoir la foi implicite ; car la foj explicite n'est de nécessité que pour celui qui les reçoit (i ).
IV. Il y a trois sortes d'infidélité ou d'incrédulité : l'infidélité négative, c'est-à-dire de ceux qui n'ont jamais connu la foi : eetj.e espèce d'infidélité n'est point criminelle, selon le témoignage de saint Thomas (2) ; 1 infidélité privative, c'est-à-dire de celui qui par sa propre faute iguore la vérité de la foi ; l'infidélité contradiotoiie, c'est-à-dire de ceux qui méprisent et contredisent la foi qu'on s'efforce de leur faire connaître ; cette dernière infidélité com-prepd le paganisme, le judaïsme ej, l'hérésje.
(1) Lib. II. n. 5.
(a) Q. 10. de licere,.ut. 1,
l'Util  LES  COiM'-li^SlilliS.            '207
V.  Par hérésie, on entend deux choses : l'erreur de l'intellect et l'obstination. C'est pourquoi celui-là n'est point hérétique qui se contente de nier entièrement la foi, ou qui ne doute pas seulement négativement, c'est-à-dire qui suspend sa croyance sur un point quelconque, parce qu'il ne prononce point un jugement. Mais, au contraire, celui-là est hérétique qui juge affirmativement qu'un dogme quelconque est douteux ; ou qui, au lieu de suspendre son jugement, jette hardiment le doute sur un dogme qu'il sait être reconnu et enseigné par l'Église. On ne peut pas non plus appeler hérétique celui qui est prêt à soumettre son jugement à celui de l'Église, parce qu'alors l'obstination n'a pas lieu (i).
VI. L'espérance se définit ainsi : « Est virtus per » quam certa cum fiducia futuram beatitudinem et » media illius assequandae expectamus per Dei auxi- »lium. « L'objet matériel, principe de l'espérance, c'est-à-dire celui que nous devons savoir, c'est la béatitude éternelle qui est Dieu lui-même dont nous jouirons un jour. Le secondaire, c'est la grâce de Dieu et nos bonnes œuvres, par lesquelles nous mériterons le ciel, à l'aide de la protection divine. Vient ensuite l'objet formel ou bien le motif sur lequel se fonde notre espérance ; selon les uns, c'est la miséricorde divine : selon d'autres, c'est la toute-puissance de Dieu, comme le prétendent communément les savants ; selon d'autres encore, c'est la promesse, comme le pense Juenin ; selon d'autres enfin, c'est la bonté <ie Dieu ; mais si par sa bonté on entend les secours qu'il nous accorde pour faire notre salut, sa bonté est la même chose que sa miséricorde, en
(1) Lib. IL u, 17. et 19.
2?8            INSTRUCTION  PRATIQUE
sorte que l'opinion de ceux qui veulent que la bonté de Dieu soit l'objet formel de l'espérance est une opi. nion mal exprimée, comme l'a très bien fait obser. ver le continuateur de Tournely (i).
VIL De là, on doit conclure que l'objet fownel de l'espérance consiste dans les trois motifs que je viens de citer, à savoir : la miséricorde de Dieu, sa toute· puissance qui nous fait triompher des ennemis de notre salut. Ces deux motifs sont expressément enseignés par saint Thomas,qui dit : « Itaobjectum for- » male spei est auxilium divinae pietatis, et potestatis, » propter quod tendit motus spei in bona sperata, « quae sunt materiale objectum spei(2). ;A ces deux premiers motifs on doit en ajouter un troisième, qui est la promesse divine, selon le sentiment de Juenin, ou bien la fidélité de Dieu à tenir la promesse qu'il nous a faite de nous sauver par les mérites de Jésus-Christ ; parce que, sans celte promesse, nous ne pourrions espérer notre salut avec une confiance certaine.
VIII. Les vices opposés à l'espérance sont le désespoir etla présomption. C'est pécher par présomption que d'espérer seulement notre salut par nos propres mérites, ou par les seuls mérites de Jésus - Christ sans notre propre coopération. C'est encore pécher par présomption que de multiplier nos fautes, dans l'espoir que Dieu nous pardonnera aussi facilement deux péchés qu'il nous en pardonne un ; et » de nous encourager à pécher en comptant sur la facilité du pardon que nous espérons. Mais cependant pécher par passion tout en espérant le pardon, ce n'est plus pécher par présomption. En outre, persévérer
(l) Tom. II. de spc. (3) In qusest. disp, qu, uni, desp.
POUK  LES  CONFESSEURS.              2OJ
long-temps dans le péché dans l'espoir de nous convertir un jour, ce n'est plus pécher contre l'espérance, mais contre la charité envers nous-mêmes, puisque par là nous nous exposons évidemment aux dangers de la damnation éternelle (1).
IX. Troisièmement, la charité se définit ainsi : « Est virtus qua diligimus Deum per se ipsum, ac nos, >et proximum propter Deum. » Ainsi donc, le premier objet matériel de la charité ( c'est-à-dire ce que nous devons aimer), c'est Dieu que nous devons aimer par-dessus tout comme étant notre fin dernière ; le second, c'est nous-mêmes et le prochain que nous devons aimer comme nous-mêmes, parce que tel est le commandement de Dieu. Ensuite l'objet formel de la charité (je veux dire le motif pour lequel nous devons aimer Dieu ), c'est sa bonté infinie qui est la source et le centre de toute perfection.
X. On demande en premier lieu si le désir de posséder Dieu est l'objet de la charité. Oui sans doute, disons nous, puisque la charité (comme nous l'avons dit plus haut), tend vers Dieu comme vers la fin dernière ; et comme le désir de posséder Dieu, notre fin dernière, est un acte propre de charité, il s'ensuit que ce désir est souverainement parfait, attendu que la fin de la charité est le commencement de la possession. Voilà pourquoi le désir de l'apôtre de mourir et d'être avec Jésus-Christ est un acte parfait de charité ; voilà encore ce quia fait dire à saint Augustin : « Caritatem voco motum animi ad fruendum « Deo propter ipsum. » Qu'on ne dise point ici que l'objet de la charité est presque le même que celui de l'espérance, attendu que ce dernier est égale-
(1) Lib. IL n. îi et ss.
T.                                 4
210              INSTRUCTION  PRATIQUE
ment la possession de Dieu qu'on espère ; car Ha-bert (1) a fort bien dit que l'espérance tend vers la possession de Dieu comme étant notre bien, mais que la charité désire la possession de Dieu pour la gloire de Dieu lui-même. En effet, comme dit saint Bernard, quand l'homme possède Dieu, il s'oublie lui-même et l'aime de toutes ses forces.
XI. On demande aujourd'hui si c'est un acte de charité d'aimer la bonté de Dieu comme il convient, parce que cet acte paraît être plutôt un acte de concupiscence que d'amitié. On répond avec Habert, Gotti et Juenin, que si en cela nous n'avons en vue que notre bien propre, c'est un véritable amour de concupiscence qui appartient à l'espérance. Si au contraire nous avons pour but la gloire de Dieu, en examinant sa bonté comme il convient, parce qu'elle nous aide à accomplir sa volonté, et à obtenir notre fin dernière qui est de l'aimer, ainsi que toutes les créatures pour l'amour de lui, cet acte est vraiment un acte de charité. C'est ce qui a fait dire à saint Augustin : « Sic amare debes ut ipsum (Deum) pro mer- »cede desiderare non desinas, qui solus te satiet. » (InSp. i32.)
3£.H. Aimer Dieu pour les bienfaits dont il nous a comblés, c'est là un acte de reconnaissance, et non point de charité, comme le pensent Habert et Lacroix (2). Cependant, comme le fait très bien observer Habert, si l'on regarde les bienfaits de Dieu comme un effet de sa bonté divine, c'est alors un véritable acte de charité, puisqu'on aime en cela, non point les bienfaits que l'on reçoit de Dieu, mais sa bonté divine qui les dispense.
(1) Tom. III. de sp. c. 2. q. 2. '
(a) Hab. de car, c. a. q. 4· Lacroix. 1. IL a. 147.
POUR  LES CONFESSEURS.               211
XHt. Il en est de la charité envers Dieu comme de la foi et de l'espérance ; nous sommes obligés d'en faire des actes, comme le prouvent les propositions j et 7 condamnées par Alexandre VII ; et les propositions 16 e't 17 condamnées par Innocent XI, puisque sans ces actes nous ne pouvons pratiquer cette vertu. Or, ces actes sont obligatoires tantôt par eux-mêmes, tantôt par accident : ils obligent par accident, toutes les fois qu'il est nécessaire de les faire pour vaincre quelque tentation, ou pour remplir quelque précepte, tel que celui, par exemple, de la confession ou de la communion, etc. Ils sont obligatoires par eux-mêmes, depuis que nous avons l'âge déraison jusqu'à la fin de nos jours, plusieurs fois dans la vie, ou au moins une fois par an, selon le sentiment de plusieurs auteurs. Pour ce qui est des actes de foi et d'espérance, il suffit, selon l'opinion commune, de les faire une fois l'année, comme l'ont dit Franzoja et le père Concina (auteurs réputés très sévères de nos jours ) '. « Praeceptum fidei per se obligat saltem « semel· quotannis, ut ostendit Concina. » Ils disent la même chose touchant le précepte de l'espérance : « Per se obligat saltem semel singulis annis, quae sen- »tentia,ut ait Concina, communis est. » Ensuite, pour ce qui est de l'acte de charité, plusieurs docteurs prétendent également et avec les théolog. de Sala-manque, qu'il suffit de le faire une fois l'année ; d'autres, comme Concilia et Franzoja, veulent que ce soit toutes les semaines. Pour moi, je suis d'avis que ce soit tous les mois, comme le pense Cardenas, qui s'accorde en cela avec le père Antoine ; car il est difficile d'observer la loi de Dieu sans élever notre amour vers lui par cet acte. Cependant, il n'est point
21 8            INSTRUCTION PBATIQCE
nécessaire que ces actes soient réfléchis, c'est-à-dire qu'ils soient faits avec la réflexion explicite d'accomplir le précepte ; il importe seulement de les faire, je veux dire qu'on peut les faire dans un autre but, comme, par exemple, pouj· chasser une tentation, ou même pour faire l'acte de contrition afin de se confesser. De même, on peut regarder comme actes de charité, tout ce que nous faisons pour nous conformer à la volonté de Dieu, ainsi que toutes les vertus pratiquées pour lui plaire. De même encore, on peut appeler actes de foi la prière, l'adoration du crucifix, les signes de croix et autres choses semblables. C'est pourquoi le savant cardinal de Lugo a eu raison, de dire que celui qui une fois a embrassé la religion chrétienne (pourvu, selon moi, qu'il vive chrétiennement en accomplissant au moins le précepte de la communion pascale), celui-là, dit-il, doit être certain d'avoir rempli plus que suffisamment le précepte de la foi. Ce que nous avons dit de la foi, doit également s'appliquer à l'espérance ( ? ). Un auteur anonyme prétend que nous sommes aussi obligés à pratiquer des actes de charité envers le prochain. Cette opinion est extravagante et en même temps n'est d'aucune autorité ; en effet, si nous sommes obligés de faire des actes de charité envers le prochain, nous sommes également obligés d'en faire avec nous-mêmes, puisque, selon le précepte, nous devons aimer le prochain comme nous-mêmes PMais là raison intrinsèque, c'est que l'amour dû à Dieu et au prochain n'est qu'un seul et même précepte, comme l'enseigne saint Thomas par ces paroles :
(1) Lib. II. ». 6 et 8.
POUR LES  CONFESSEURS.             2l5
« Est eadem virtus caritatis, quâ quis diligit Deum, « meipsumetproximum (i) » ;carnousnedevons aimer le prochain et nous-mêmes que pour Dieu seul. Si donc en aimant le prochain pour plaire à Dieu, nous l'aimons en même temps, il s'ensuit qu'en aimant Dieu, nous aimons également le prochain et tout ce que Dieu a voulu que nous aimions. C'est précisément ce qu'a voulu dire saint Thomas dans un autre endroit : « Qui habet caritatem Dei, eadem caritate « diligit proximum (2). »
SECOND POINT.
De I » charité envers le prochain.
?4· Ordre de la charité.
15. Ordre des personnes que nous devons préférer.
16. Comment il faut agir envers nos ennemis. ] 7. Du pardon.
18 et 19. Précepte de l'aumône.
20. De la correction fraternelle.
21. Quand doit-on excuser quelqu'un.
22. A quoi est obligé dans <3te cas un supérieur. 23 et 24. § IV.Du scandale et des différentes sortes
de scandale.
25. Si le scandale est aussi un péché contre la charité, comme il en est un envers la vertu qu'il offense.
26 et 27. Si le prochain est préparé à pécher.
28. Si pour le scandale nous sommes tenus d'abandonner nos biens et les préceptes formels.
29. Du scandale que donnent les femmes, et de la comédie.
(1) 2. 3. q. s. ». in fin. (a) a, a, q. 18. a, 5, ad. 3.
3l4            INSTBUCTION  PRATIQUE
3o. Si l'on peut conseiller le moindre mal.
51. Dans quels cas la coopération matérielle est-elle permise.
XIV. Suivant l'ordre de la charité, nous devons préférer,Dieu et sa grâce à toute chose ; mais nous ne sommes point tenus de préférer le bien du prochain à ijotre bien propre, pourvu que le bien du prochain ne soit pas d'un ordre supérieur au nôtre. Voici quel est l'ordre du bien : au premier rang se trouve la vie spirituelle, puis la vie temporelle, puis enfin la réputation et les biens. Ainsi donc, nous he sommes point tenus de préférer la vie du prochain à la nôtre, mais bien le salut du prochain à notre vie. Encore cette obligation ne peut avoir lieu que lorsque le prochain est réduit à une nécessité extrême ; ?? à une nécessité grave, à l'égard des évêques et des curés, selon le sentiment général de tousles docteurs (i). Quand la nécessité spirituelle du prochain est extrême, alors nous sommes tenus de le secourir, quand bien même nous courrions un danger probable de tomber dans quelque faute (pourvu que la faute ne soit pas moralement certaine) ; car alors nous devons justement espérer le secours de Dieu ; ainsi pensent saint Thomas, Suar., Sot., Pal., Silvi., Tourn.jSalm., et ;c. Cela cependant ne doit s'entendre que lorsqu'il y a espérance égale de le servir, et que nul n'est là pour lui porter secours ; de plus, il faut que le prochain soit en danger réel de se damner, pour qu'il y ait nécessité extrême.. Cependant, en temps de peste, les prêtres, selon le témoignage de Laymann, sont obligés, faute d'autres, d'assister eux-mêmes les moribonds, parce que, dans
(i) Lib. U, ?. 37.
POUR  LES, CONFESSEURS.             Sl5
une si grande multitude, il est moralement certain qu'il y aura plusieurs pécheurs qui ne pourront pourvoir à leur salut, à cause de l'ignorance où ils sont de faire l'acte de contrition (1).
XV.  Voici maintenant l'ordre que nous devons suivre envers les personnes que nous devons préférer dans nos devoirs de charité. Dans la nécessité extrême de la vie, nous devons préférer à tout nos parents, puisque c'est d'eux que nous avons reçu la vie et qu'il est juste qu'ils passent avant toutes choses ; mais, dans une nécessité extrême des biens, nous devons préférer à tout notre épouse, puis nos enfants, après eux, nos pères et mères, nos frères, nos sœurs, puis nos autres parents, puis enfin nos domestiques (2).
§ I. De l'amour de nos ennemis.
XVI. Nous devons aimer nos ennemis tant intérieurement qu'extérieurement,  leur  donner au moins les marques communes d'amitié que nous avons coutume de donner à nos amis ou à nos parents ; par exemple, de les saluer, de leur rendre leur salut, de répondre à leurs lettres, de ne point fuir leur conversation, de ne point les priver des aumônes ordinaires ou de toute autre chose semblable. Nous avons dit, au moins de leur rendre leur salut ; cependant quand notre ennemi est un supérieur, quand il y a scandale, ou que l'on peut sans de trop graves inconvénients saluer son ennemi, et par ce moyen lui arracher la haine coupable qu'il conserve dans son cœur, alors (comme l'a très bien
(1) Lib. VI. n. 453.
(a) lib. II. n. 37· cire fin.
2l6             INSTRUCTION  PRATIQUE
dit ïournely ) on est obligé par charité de le prévenir dans le salut Quelques auteurs excusent de péché grave l'offensé s'il refuse de rendre le salut à son ennemi quand l'injure qu'il a reçue est encore récente ; de ce nombre sont Ronc., Tamb. et Maz-zot. (1).
XVII. Il est bon de parler ici de quelques doutes élevés parmi les docteurs, savoir, si toujours l'offensé est obligé de pardonner à son ennemi. Selon le sentiment des docteurs de Salain., l'offensé est tenu de pardonner l'injure qu'il a reçue, mais non point le châtiment public que l'agresseur mérite ; parce qu'agir ainsi ce serait nuire au bien de la république. Spéculativement parlant, ce sentiment est véritable, mais, pratiquement parlant, il ne serait pas sûr d'absoudre aucun de ceux qui, fout en disant qu'ils pcrdorinent-à leurs ennemis, veulent que la justice ait son cours afin que les malfaiteurs soient punis ; car je ne puis croire que de telp hommes qui veulent à la fois pardonner et punir n'aient ' en vue que l'intérêt commun de leurs semblables ou de la justice et qu'ils soient exempts de toute passion de vengeance. H y a bien lieu de craindre,, comme le pensent plusieurs autres docteurs, que cet amour du bien public ne soit qu'un beau prétexte pour colorer leur propre désir de vengeance. Cependant je pense qu'on peut absoudre l'offensé aux conditions suivantes : d'abord, s'il est disposé à pardonner à sen ennemi, se contentant d'exiger de sa part une satisfaction pour l'intérêt lésé, à moins toutefois qu'il ne soit si pauvre qu'il ne puisse jamais le satisfaire. En second lieu, s'il consent à le par-
( ») Lib. H. n.a8,
POOH LES  CONFESSEURS.              217
donner sous la condition que l'offenseur s'expatriera, ou parce que ses Frères ou ses fils lui gardent un ressentiment invincible, ou parce que l'offenseur est tellement porté à la raillerie et à la dissension qu'il craint avec raison de ne pouvoir supporter patiemment son insolence.
§ II. De l'aumône.
XVIII. Pour bien comprendre l'obligation où nous gommes de faire l'aumône*, il faut distinguer d'abord l'extrême nécessité de la nécessité grave et commune. Il y a extrême nécessité, quand le prochain est en danger de perdre la vie ; nécessite grave, quand il court risque de tomber dans un grand malheur, comme dans l'infamie, dans le déshon,- ? neur, ou de descendre du rang qu'il a justement mérité. Enfin, la nécessité commune est celle qu'éprouve le mendiant. En second lieu, il faut distinguer encore les biens superflus à la vie des biens superflus au rang.
XIX. Dans la nécessité grave du prochain, nous sommes tenus de l'aider seulement des biens superflus à notre rang ; mais, dans la nécessité extrême, nous sommes obligés de l'aider dei biens superflus à la vie ; que, dis-je ? nous pouvons même secourir le pauvre des biens d'autrui, quand nous n'en avons pas qui nous appartiennent. Dans la nécessité commune, nous disons avec saint Thomas, Tournely, Sanchez, etc., contre le sentiment de plusieurs docteurs, que les riches sont strictement obligés de faire l'aumône aux malheureux des biens superflus ' à leur rang, selon ce précopte de l'Évangile : « Quod 'uperest, date in Eleemosynam, Luc. n. » Cepen-
2l8             INSTRUCTION  PBATIQUE
dant ils ne sont pas obligés de doimer tout leur superflu, mais ils doivent donner, selon Silvius, de manière que leur aumône, unie à celle des autres personnes riches, puisse convenablement secourir les malheureux. Voici ce que dit à ce sujet Silvius : « Tenetur dives dare^ non omnibus pauperibus oc- » currentibus, nec tantum superfluum, sed non ita » modicum pro quantitate suae substantiae, ut si alii » diviteshic facerent, pauperibus deesset subsidium.· En un mof, il suffit que le riche (}p »ne la cinquantième partie de son revenu annuel, c'est-à-dire le deux pour cent, comme le disent probablement plusieurs docteurs, tels que Roncaglia, Viva, Tam-bur., Mazzot., au moins, si le revenu est très considérable. Laymann permet au riche d'employer toute l'aumône qu'il doit faire à quelque usage pieux, sans en rien donner aux pauvres. Cela néanmoins ne peut s'entendre des bénéficiés, qui sont obligés de doimer tout leur superflu en aumônes soit aux pauvres, soit aux maisons religieuses, comme nous le dirons au chap, ?, ?° 7.
§ ill. De la correction fraternelle.
XX. La matière de la correction est tout péché mortel dans lequel le prochain peut tomber ou est déj4 tombé, et d'où il n'est pas encore sorti, comme l'ont dit avec beaucoup de raison Tournely, Suarez, Less., Salin. D'abord, il y a grave obligation de corriger le prochain, quandmême il n'aurait transgressé la loi que par une ignorance non coupable, pourvu toutefois qu'on espère du fruit de la correction. Cela doit avoir lieu, selon le sentiment plus probable de Castrop., Sanch., Con., Lacroix, Tour., etc., non seu-
POUR LES  CONFESSEURS.
lement quand on pèche contre la loi naturelle, mais encore contre la loi positive, parce que, lorsque l'on porte une loi qui prohibe une action, cette action devient intrinsèquement mauvaise (i).
XXI. ? y a plusieurs motifs qui peuvent exempter une personne de faire la correction fraternelle. Premièrement si l'on n'est point certain que le prochain ait péché ; car dans le doute on n'est point tenu de corriger, à l'exception des cas où le préjudice est commun ou du moins très grave, comme celui d'un homicide ou de semblables délits. Secondement, si l'on n'espère point que la correction sera salutaire, et quand elle doit être plus nuisible qu'utile ; car, alors on doit se dispenser de l'employer, pourvu toutefois que le coupable ne soit point en péril de mort, et qu'il ne soit pas déjà égaré dans la mauvaise foi, ou ( bien encore que son exemple ne puisse pas entraîner les autres dans le mal (2). Troisièmement, s'il y a d'autres personnes qui puissent également faire la correction. Quatrièmement, si l'on juge prudemment que le coupable reviendra de lui-même. Cinquièmement, si l'on ne peut exercer la correction sans causer de graves inconvénients, parce que c'est la charité seule qui nous y oblige. Sixièmement, si le temps et l'occasion ne sont point favorables ; c'est ce qui a fait dire à plusieurs docteurs que l'on peut quelquefois attendre une seconde rechute, afin de ne pas risquer en vain la correction. De plus, S. Thomas (3) nous apprend que celui-là ne pèche que vé-niellement, qui se dispense de la correction par quçl-
(1) Lib. II. ?. 56 et 5g.
(a) Cont. Tour. t. III. cum Habert et'Anto.
(3) a. a. q. 53. a. a.
22?              INSTIVUCTION  PRATIQUE
que sentiment, soit de crainte, soit de cupidité, pourvu toutefois qu'il ne soit point convaincu qu'il pourra par le moyen de la correction retirer le prochain du péché ; car alors il se rendrait coupable de péché mortel s'il se dispensait de l'employer.
XXII. Ce précepte oblige toutle monde, même les sujets, mais principalement les supérieurs comme les évêques, les prélats, les curés, les confesseurs, les parents, les maris, les gouverneurs, les patrons et les maîtres ; parce qu'ils sont tenus de corriger ceux qu'ils gouvernent, non seulement par charité, mais encore par les devoirs de leur charge. Ils sont également tenus de s'enquérir de leurs péchés quand ils en ont des indices probables. De plus, les prélats sont en même temps obligés d'une manière grave de corriger non seulement les péchés mortels de. leurs religieux, mais encore les péchés véniels, quand ils sont de nature à nuire grièvement à l'observance commune. Ainsi pensent Laymann, Busembaum., Tourn., etc. (1). Maintenant tous les supérieurs dont nous venons de parler sont-ils obligés de corriger le prochain au péril de leur vie ? non sans doute. Mais on ne peut pas en dire autant des pasteurs, parce qu'ils sont obligés non seulement par les devoirs de leur emploi, mais encore par la justice (puisqu'ils perçoivent un traitement), de corriger leurs paroissiens, et de les aider dans les choses spirituelles ; et cela, non seulement dans l'extrême nécessité, mais bien encore dans la nécessité grave, comme le prétendent communément les docteurs (2). En outre, selon les mêmes docteurs, les prédicateurs sont obli-
(1) Lib. IL n. 35. et lib. IV. ?. ?5.
(j) Lib. II, ?. 4?· ?, de Thorn, 3. a, q, 8. », S.
POUR LES  CONFESSEURS.              221
gés par les devoirs de leur état de corriger les péchés publics quand même il n'y aurait pas d'espérance de réforme ; ils sont encore obligés de faire cette correction publique au péril même de leur propre vie, comme le disent Salmant. Mais cela ne s'entend toujours que des cas où il y aurait espoir que la réprimande portât des fruits, et nullement de ceux où le préjudice commun serait plus grand (1).
§ IV. Du scandale.
XXIIL On distingue le scandale en scandale actif et scandale passif. Le premier se définit ainsi : « Est » dictum, vel factum minus rectum praebens alteri oc- » casionem ruinae. » Ce scandale act if peut être direct ou indirect. Il est direct quand il porte directement le prochain au péché ; indirect, quand on dit une parole ou que l'on fait quelque mauvaise action dans l'intention de porter les autres au péché. Il y a encore le scandale diabolique qui a lieu quand non seulement on entraîne le prochain au péché, mais encore quand on l'y entraîne principalement pour lui faire perdre son âme, ce qui est l'office propre du démon.
XXIV. Le scandale passif eatla ruine même oubien le péché dans lequel tombe le prochain. Il se divise en scandale donné, appelé scandale des pusillanimes, c'est-à-dire de ceux qui pèchent par leur propre faiblesse ; et en scandale accepté,  appelé pkarisaïque, c'est-à-dire de ceux qui pèchent par leur propre malice.
XXV.  On demande en premier lieu si le scandale
(0 Ibid.
822            INSTRUCTION  PRATIQUE
est un péché contre la charité et contre la vertu envers laquelle il porte le prochain à pécher. Nous avons là-dessus trois sentiments. Selon le premier, quand directement on cherche à causer la mort spirituelle du prochain ( ce qui est proprement le scandale diabolique dont j'ai parlé plus haut), alors on pèche contre la charité ; autrement on pèche seulement contre la vertu que blesse le péché du prochain que nous avons scandalisé. Selon le second sentiment, quand on pèche par scandale direct, c'est-à-dire quand on porte positivement le prochain à pécher, alors on pèche également et contre la vertu et contre la charité ; mais si l'on pèche seulement par le scandale indirect, prévoyant seulement la faute du prochain, sans toutefois le porter à pécher, alors on pèche seulement contre la charité. Le troisième sentiment enfin, que nous adoptons avec Suarez, Lugo, Salm., Roncaglia, Tamb., et bien d'autres encore, et qui est expressément appuyé de l'autorité de saint Thomas (?), veut que l'on pèche également et contre ]p. charité et contre la vertu, soit parle scandale direct, soit par le scandale indirect ; contre la charité, parce que si nous sommes obligés par la charité de prévenir le péché du prochain quand nous le pouvons, à combien plus forte raison sommes-nous obligés de n'être point pour lui une occasion de le commettre. Contre la vertu enfin, parce que la vertu défend à qui que ce soit d'être la cause, oa bien l'occasion que les autres l'offensent (2).
XXVI. On demande en second lieu s'il se rend coupable du péché de scandale celui qui demande
(1) 2. 2. q, 43· art· 3· (s) Lib. II. n. 45.
POUR LES  CONFESSEURS.              2aS
une chose mauvaise au prochain, à laquelle cependant il a été déjà préparé par d'autres personnes, comme par exemple, « si quis petat copulam à meretrice. » Contrairement à l'opinion de plusieurs docteurs, nous répondons que oui avec Sanchez, Caët., Bonacina, Roncaglia, etc. La raison sur laquelle nous appuyons notre sentiment, c'est que (comme nous l'avons déjà dit, c. m, n. 20), il est indubitablement certain que l'acte externe, spéculativement parlant, n'ajoute rieri à la malice de l'acte interne, tandis que dans la pratique le péché extérieurement consommé accroît la malice de la volonté, soit par la grande satisfaction qui est causée par l'acte externe, soit encore par la grande durée de cette satisfaction. Voilà pourquoi celui qui pèche extérieurement cause à l'âme une grande blessure, et que celui qui prête sa coopération à ce péché, pèche lui-même grièvement contre la charité. Selon le sentiment probable du cardinal Lugo et d'autres auteurs, il n'est pas nécessaire d'examiner, dans les péchés commis en complicité, lequel des deux pécheurs a entraîné l'autre à pécher, parce que tous les deux, l'instigateur comme celui qui s'est laissé entraîner, se sont rendus grièvement coupables de péché contre la charité : de cette manière, l'instigation n'est plus alors qu'une circonstance aggravante dans le même genre.laquelle, selon le sentiment plus probable de saint Thomas, nous ne sommespoint tenus de déclarer en confession, comme nous le ferons observerdans le sacrement de la pénitence(i).
XXYII. Cela se dit des circonstances où l'on demande une chose intrinsèquement mauvaise ; mais
(1) Lib. a. n. 46.
224            INSTRUCTION  PRATIQUE
si l'on demande une chose indifférente que le prochain puisse nous donner sans pécher, eOmme par exemple d'emprunter à usure, ou de demander quelque sacrement à un prêtre qui est en état de péché ; alors nous disons qu'il est permis de le demander, quand il y a cause de nécessité ou de notable utilité ; mais sans cela le postulant pécherait grièvement et contre la vertu et contre la charité, comme le pensent Sanch., Mol., Bus., Ronc, Tamb., Salm., et saint Thomas, qui dit : « Licet ab eo qui usuras exer- »cet, mutuum accipere sub usuris propter aliquod » bonum, quod est subventio suae necessitatis vel al- » terius. » Il dit encore qu'il est permis de confier son argent à la garde d'un usurier afin qu'il soit plus en sûreté, quand même ce dernier devrait l'employer ù ses usures. La raison sur laquelle s'appuie saint Thomas, c'est ? qu'il est permis de faire servir le péché d'autrui à un bien quelconque, « Uti peccato alterius » ad bonum licitum est, » pourvu qu'on n'induise pas le prochain à pécher, et qu'il puisse prêter sa coopération sans se rendre coupable. Voici ce que dit Silvius touchant ce passage de saint Thomas : a Sufficit » notabilis necessitas ad decen.tiam status, vel per- » sonse. » Henri de Saint-Ignace admet aussi l'utilité notable pour de justes causes.
. XXVIII. Nous sommes également obligés, quand il y a de graves inconvénients, à abandonner nos biens temporels et spirituels, pourvu toutefois qu'ils ne soient point nécessaires au salut, afin d'éviter le scandale des faibles ou pusillanimes. Mais, ainsi que l'observe saint Thomas (i),une fois que nous avonsaverti notre prochain, son scandale devient pharisaïque ;
(?) s. 2. q. 45· a, 7 et 8.
POUR LES CONFESSEURS.             2 25
ainsi nous ne sommes plus obligés de l'avertir ; quand on ne peut éviter le scandale des faibles ou pusillanimes sans transgresser les commandements positifs, tels que la messe et le jeûne, doit-on le faire ? Nous disons d'après une opinion plus probable que nous le pouvons, parce que le précepte naturel qui nous oblige de prévenir le scandale, c'est-à-dire le péché d'autrui (autre chose cependant est prévenir le péché, et autre chose est prévenir le scandale), doit être préféré au précepte positif. Cela néanmoins ne doit pas s'entendre de toutes les occasions ( quand même l'action serait de pure dévotion, ou indifférente, et qu'elle ne serait commandée par aucun précepte ), mais seulement une ou deux fois, sans quoi il naîtrait de graves inconvénients, ce à quoi n'oblige pas la charité, comme pensent Gaet., Sanch., ? av., Salm., etc. (1).
XXIX. Les dames qui portent leur gorge immodérément découverte ou bien qui introduisent cet usage dans un endroit où il n'est pas encore connu, quand même elles ne se découvriraient pas d'une manière immodérée, se rendent grièvement coupables de scandale : ainsi pensent saint Antonin, Nav., Laym., et d'autres encore communément. De même, ils se rendent grièvement coupables de scandale, ceux qui composent ou représentent une comédie notablement obscène ; on peut en dire autant des peintres qui représentent ou exposent en public des tableaux positivement obscènes (1).
XXX. Au contraire, d'après le  sentiment de Sanch., Soto, Navar., Molina, Salmat., etc., senii-
(i) Lib. II. ?. 5o. 5i. 5a. 55. 0) Lib. II. n. 56.
T.  XXin·                            lit
S26            IN9TRSCTI0N  PRATIQUE
ment appuyé sur l'autorité de saint Augustin, nous disons qu'il est probablement permis de conseiller un mal moindre pour en éviter un plus grand où va se jeter indubitablement le prochain, parce qu'alors celui qui conseille ne procure point le mal, mais le bien, en conseillant de choisir le moindre mal, quand bien même il serait d'une nature différente. De même encore, il est permis à un patron ou à un père de ne pas ôter l'occasion de voler à leurs serviteurs ou à leurs enfants>afin qu'étant pris en flagrant délit, ils puissent au moins les corriger. Pour la même cause, plusieurs docteurs permettent de leur fournir même l'occasion de voler, leur laissant accomplir librement leur vol afin de prévenir les délits qu'ils pourraient encore commettre dans la suite (1).Voici ce que dit saint Thomas à ce sujet : « Inducere ad « peccandum-nullo modo licet, uti tamen peccato » alterius ad bonum, licitum est. » 2. 2. q. 78. a. 4·
§ V. De la coopération matérielle.
XXXI. La coopération matérielle est communément regardée comme licite par les docteurs, quand il y a des motifs valables. Ils la distinguent de la coopération formelle qui a lieu quand on coopère directement au péché (comme fait celui qui se livre à la fornication), ou bien quand on influe dans la mauvaise volonté du prochain qui veut pécher, comme serait, par exemple, de protéger un assassin ou un voleur, afin qu'ils puissent assassiner ou voler avec plus de sûreté ; d'écrire des lettres au nom d'un concubinaire, ou de porter des présents à la concu-
(1) N. 57 et 58.
POUR  LES  CONFESSEURS.             22 ?
bine, de recevoir des présents d'une personne qui dresse des pièges à l'honnêteté. Ces sortes de coopérations sont intrinsèquement mauvaises ; car elles tendent toutes à entraîner le prochain au péché, ou bien elles fomentent leurs mauvaises intentions. C'est pourquoi ceux qui s'y livrent se rendent toujours coupables de péché mortel, et aucune cause, pas Blême celle de la mort, ne peut les en exempter. L'autre coopération est la coopération matérielle qui a lieu quand l'action est indifférente ; et le prochain peut l'employer, pourvu toutefois qu'il n'en abuse pas par sa propre malice, comme par exemple, de prendre de l'argent à intérêt de quelqu'un qui ne veut pas en donner sans usure ; de donner du vin a un ivrogne, de fournir à un voleur une clef pour voler. XXXII. Or, ces coopérations matérielles peuvent être licites, quand elles réunissent trois conditions. Il faut, premièrement, que l'acte de la coopération (comme jel'ai déjà dit) soit par lui-même indifférent ; secondement, que l'on ne soit point tenu par les devoirs de son emploi d'empêcher le péché d'autrui ; troisièmement, que l'on ait une cause juste et proportionnée de pouvoir coopérer ainsi, parce qu'alors le péché du prochain ne provient point de notre coopération, mais delà malice de celui qui se sert de notre action pour pécher ; ainsi donc, ce n'est point notre action qui se joint à la mauvaise volonté du prochain, mais bien la mauvaise volonté du prochain qui se joint à notre action ; d'où il résulte que notre action n'est point la cause de son péché, mais seulement l'occasion que l'on n'est point tenu d'empêcher, quand on a des raisons valables pour cela. Ainsi, il est permis à un aubergiste de donner du vin à qui veut s'enivrer, toutes les fois qu'il craint
2 28            INSTRUCTION  PBATIQUE
d'éprouver des pertes graves en faisant autrement. Tel est le sentiment commun de Sanch., Bus., Bon., Tour., et de bien d'autres encore. J'ai ajouté ces mots : « Cause juste et proportionnée,? parce que, plus notre coopération est voisine du péché, plus la cause qui nous excuse doit être grave. Pour juger ensuite quand la cause est proportionnée ou non, il faut d'abord se régler d'après ce que disent les docteurs ; parce que, comme cela dépend de l'estimation des hommes prudents, il s'ensuit que dans cette matière un sentiment plus commun est encore plus probable, comme nous le dirons plus loin, en parlant de la matière grave du vol dans le chapitre X, n° 22. D'un autre côté, en traitant la question du préjudice du prochain, il faut ne jamais perdre de vue que nous ne pouvons coopérerau dommage d'autrui, à moins que la perte que nous craignons d'éprouver pour  nos biens  propres  ne  soit  supérieure : par exemple, lorsque quelqu'un menace de nous tuer, si nous ne voulons point coopérer à la mort de son ennemi, en lui donnant, par exemple, notre épée ; nous ne pouvons la lui donner, par la raison qu'il ne nous est point permis de concourir positivement à la mort d'autrui pour sauver notre propre vie. De même encore, lorsqu'un voleur nous menace de nous dépouiller de nos biens, si nous refusons de coopérer à lui faire prendre ceux d'autrui, nous ne pouvons pas non plus lui prêter en cela notre coopération ; à moins, toutefois, que le refus de notre coopération entraîne la perte de notre vie ou de notre réputation ; parce qu'alors, étant réduits à l'extrême nécessité, le proehain est obligé de permettre cette coopération touchant la perte de ses biens, afin que nous ne perdions point la vie ou notre réputation.
POUR  LES  CONFESSEURS.              22Q
flous reviendrons encore là-dessus dans le chapitre X, n"56(i).
TROISIÈME POINT.
De la religion et des vices qui lui suut opposés.
35. De la religion.
34. § Ier. De la superstition et spécialement de l'astrologie.
35. De la baguette divinatoire.
36. De la vaine observance.
37. De la poudre sympathique.
38. § II. De la tentation.
39. Du sacrilège.
40. De la simonie.
4g. Des peines qu'elle mérite, et de son absolution.. XXXIII. La vertu de la religion occupe le premier rang parmi les vertus morales ; voici comment on la définit : nEst virtus debitum cultum Deo exhibetis. » Deux vices lui sont spécialement opposés : la superstition par excès, l'irréligicm par défaut. Cette dernière se divise en trois espèces, savoir : l'idolâtrie, la divination et la vaine observance. L'irréligion ensuite contient quatre espèces : la tentation de Dieu, le sacrilège, la simonie et le parjure. Nous traiterons chacun de ces péchés en particulier.
? 1, De la superstition.
XXXIV. On définit ainsi la superstition ? « Est tvana seu falsa religio, indebitum cultum Deo cxhi- » bens. » Aussi il y a deux espèces de superstition, cultus indebiti, etreicultœ. i° Culltts indebili, lors-
(1 ; Lib. 11. ?. 55, lib. 111. n. S72.
25?            INSTRUCTION  PRATIQUE
que nous rendons à Dieu un faux culte, comme si un laïque voulait dire la messe, ou si on exposait de fausses reliques, si on feignait de fausses visions, des révélations,  des miracles, ou autres cboses semblables, afin d'augmenter la dévotion ; choses qui seraient par elles-mêmes autant de péchés mortels. De même encore, lorsque nous rendons à Dieu un culte superflu, comme d'entendre la messe d'un prêtre qui porte un tel nom, ou la face tournée vers l'orient (i). 2° La superstition rei cultce a lieu lorsque nous rendons à la créature le culte qui n'est dû qu'à Dieu. C'est pourquoi, premièrement, l'idolâtrie comme, par exemple, celle des Gentils qui adorent, à la place de Dieu, les hommes, les animaux, les plantes, les statues, etc., est expressément défendue ; la divination, qui est une prédiction des événements futurs faite à l'aide du démon d'après un pacte exprimé ou tacite. Voilà pourquoi il nous est défendu de nous servir de Xastrologie, judiciaire qui préditles choses futures dépendantes de lalibrevolon téderhomme,différantenceladel'ai<rofog :tenaiare//e qui, d'après le mouvement d'une planète, conjecture soit la pluie, soit la stérilité ; ou prédit en naissant les inclinations, le tempérament d'une personne. Cette dernière est permise quelquefois, mais presque toujours elle est vaine et inutile. Secondement, il nous est expressément défendu de croire fermement aux songes pour régler nos propre actions ou pour deviner les événements futurs ; à moins que l'on ne soit moralement certain, ou qu'on n'ait une grande probabilité que ces songes nous viennent de Dieu. Troisièmement, il nous est encore défendu de nous servir
(?) Lib. III. ?. ?. ad. 4·
POUR  LES  CONFESSEURS.             sSl
du psaume constitutif, qui est une prière composée de certaines paroles disposées pour obtenir la santé ; c'est un péché mortel, quand on en attend infailliblement l'effet, principalement si les paroles sont vaines, ou fausses, ou écrites d'une manière particulière. Mais, au contraire, il nous est permis de faire usage de psaume invocatif, 'par lequel on demande à Dieu la santé, sans toutefois en attendre un effet infaillible. Quatrièmement, il nous est encore défendu d'avoir recours au sortilège, ou bien au sort divinatoire, c'est-à-dire de chercher à savoir du démon expressément ou tacitement la révélation d'une chose cachée ou future, en tirant au sort quelques numéros, où quelques signes semblables. Cependant, il nous est permis de nous servir du sort divinatoire, lorsqu'il s'agit de faire le partage d'un bien, de mettre fin à des contestations, de distribuer des emplois séculiers, enfin toutes les fois qu'il y a quelque nécessité. Mais cela est illicite, lorsqu'il s'agit des bénéfices ou autres charges ecclésiastiques (1).
XXXV. Remarquons ici qu'il est entièrement défendu de se servir de la verge fourchue, appelée baguette divinatoire (de bois de coudrier), dont les diverses positions font trouver à quelques personnes des trésors enfouis, des métaux, des sources d'eau, et des bornes de terrain changées de placé. Quelques docteurs ont admis cela comme effet naturel ; mais, je le demande, comment se fait-il que cette verge puisse naturellement se mouvoir selon l'intention de celui qui la tient, quand il cherche une source d'eau, et qu'elle ne se meuve point en rencontrant
(?) Lib, III. 11?9. et 11.
202            INSTRUCTION  PRATIQUE
des métaux ? En outre, il est évident que si l'on avait toujours protesté de ne point consentir au concours du démon dans la recherche d'une chose cachée, jamais on n'aurait vu la baguette de coudrier se mouvoir (1).
XXXVI. La vaine observance consiste dans l'usage de quelques moyens inusités pour obtenir certains effets, comme, par exemple, de se servir soit de l'inspection de certaines figures, soit de cérémonies, soit de signes, soit encore de certaines prières proférées dans ces circonstances, ou mêlées avec des paroles sacrées ou vaines, ou prononcées avec une foi certaine, dans l'intention d'acquérir quelque science, sans étude, ou bien encore de se délivrer d'une infirmité ou d'une blessure. Toutes ces choses appartiennent à la vaine observance, et sont expressément illicites. Les personnes que l'on doit interroger là-dessus sont principalement les soldats, les nourrices, les bergers et les paysans (2).
XXXVII. Il fautremaixjuer cependant, selon l'avis de saint Thomas (3), que lorsqu'il n'y a pas de signes de la malice de quelque effet, dans le doute, nous devons présumer que cela provient alors d'une raison naturelle ; d'où il résulte qu'il est très probable qu'il est permis de faire usage de la poudre sympathique appliquée sur le sang sorti d'une blessure pour arrêter le sang de cette même blessure, pourvu qu'on r.it soin de l'appliquer aussitôt, en petite quantité, et à une distance raisonnable. De même, on juge qu'il ne nous est point défendu de faire usage du co-
(i) Cont. Tour. lom. II. (a) Lib. III. n. 14..(5) 2. 2. 9. 66. a. 4.
POUR  LES  CONFESSEURS.             233
rail ou des cornes de certains animaux pour se délivrer de la fascination naturelle de certaines personnes qui ont le défaut de nuire par leurs regards. Pu reste, dans l'emploi de ces remèdes qui nous semblent innocents, il suffit, pour chasser tous les scrupules, de protester qu'on ne consent à aucune opération diabolique (1).
§ II. ? e l'irréligion.
L'irréligion attaque le respect que nous devons à Dieu. La première espèce de ce vice est la tentation de Dieu, laquelle peut être formelle ei interprétative. Elle est formelle, si l'on doute expressément de la perfection de Dieu, et qu'on veuille la mettre à l'épreuve. Alors elle est véritablement un péché mortel, et une hérésie, lorsque le doute est positif. La tentation est interprétative, quand on néglige les moyens naturels et qu'on veut que Dieu, par un miracle, nous délivre de quelque mal ; comme, par exemple, de vouloir que Dieu nous guérisse de quelques infirmités, sans employer les remèdes de l'art, ou bien qu'il nous mette à l'abri de tout accident, lorsque nous nous jetons dans quelque danger de perdre la vie. Cette dernière est également un péché mortel, à moins qu'on n'ait pour excuse une inspiration du ciel, ou l'ignorance, ou bien encore le peu d'importance de la matière, comme si la maladie était légère, et qu'on attendit alors de Dieu la santé, sans employer de remède (1).
XXXIX. La seconde espèce est le sacrilège, qui
(l) Lib. 5. n. 20. et 22, (a) Lib. IiL u. 5Q.
254            INSTRUCTION  PRATIQUE
peut être personnel, local, ou réel. Il est personnel, quand on frappe un ecclésiastique ou un moine, ou bien quand on mène un commerce honteux avec une personne liée par un vœu de chasteté. Local, quand on commet une action par laquelle on souille une église, c'est-à-dire, lorsque dans l'intérieur de l'église « effunditur semen humanum, aut sanguis in « aliqua copia. »On demande si l'effusion, même occulte, suffit pour souiller l'église. Selon quelques docteurs, et ce sentiment n'est pas sans probabilité, elle ne suffit point ; selon d'autres, dont l'opinion est plus probable, elle suffit. Ce que nous disons de l'effusion occulte, nous pouvons le^ dire également de l'usage du mariage. C'est pourquoi toutes ces actions sont plus probablement des sacrilèges. Nous ferons remarquer en passant qu'il n'est permis à personne, de quelque dignité qu'elle soit (excepté la royale) de transporter son lit dans l'église ; autrement il faudrait aussitôt cesser « a divinis », et les ministres de l'église encourraient ( ipso facto ) l'excommunication, et l'église même devrait être regardée comme interdite. Tel est le décret de la sainte congrégation des cérémonies : « Non licere cuicum- » que, etc. (personis regalibus tantum exceptis ) ad « ecclesias strata sibi deferri facere, secus immediate « cessandum a divinis. Quod nisi servetur, rectores, » ceterosque ecclesiarum ministros ipso facto excom- »municationem incurrere ; eamque ecclesiam ha-ubendam esse pro interdicta ; ? comme cela se trouve dans le Bullaire de Clément XI, part. 3. décret, congr. car. Et ensuite il ajoute : « Et facta rela- » tione Sanctitas Sua (Clément.) decretum approba- » vit ; nec non promulgari, atque excusationi tradj, » et in omnibus urbis sacrariis affigi mandavit, die 3
POUB  LES  CONFESSEURS.            s55
 »Oct. 1701. »Tout ce passage est rapporté par le père Ferraris* qui, en outre, ajoute dans le même endroit (1), qu'il est défendu par plusieurs décrets de la même congrégation, de donner à baiser aux laïques (même à un président) l'Évangile durant la sainte messe ; comme aussi de leur permettre de se servir du dais et d'entrer dans le sanctuaire. Mais revenons à notre sujet. Nous disons donc qu'il est plus probable que les attouchements, les regards, les discours impudiques qui ont lieu dans l'église, sont autant de sacrilèges. Nous traiterons encore de cette matière dans le chap. IX, ?"" ii et 25. De plus, voler une chose qu'on a prêtée à l'église, ou qu'on a confiée à sa garde pour plus de sûreté, c'est encore un sacrilège. Cependant, il est probable que les vols d'autres choses profanes ne sont point des sacrilèges ; pour nous, il nous semble plus probable qu'ils le sont également (2). Par lieux saints, on entend tous les endroits consacrés par l'évêque aux offices divins ou à la sépulture des morts, du toit au pavé. Enfin, le sacrilège réel consiste dans l'administration ou la réception illicites des sacrements, ou bien dans la profanation des reliques, images, vases, habits sacrés, ou autres choses qu'on consacre et bénit, comme les aubes, les chasubles, etc. C'est encore un sacrilège d'abuser des paroles de la sainte Écriture, enles appliquant à des choses honteuses.etc. Enfin, c'est encore un sacrilège de voler les reliques des saints quand le possesseur est très contrarié de cette perte (?).
(?) Ferr. biblio. torn. III. V. Eccles. n. 28 et ag. (a) Ub. III. n. 458. 461. 5g. 460. (3) Lib. III. ?. 4?.
 INSTRUCTION PRATIQUE
XL. La troisième espèce est la simonie, qu'on définit ainsi : « Studiosa voluntas emendi pretio temporali aliquid spirituale, vel spirituali annexum. »La simonie est une volonté pleine de malice portée à vouloir acquérir à prix d'argent certaines choses spirituelles ou attachées aux choses spirituelles, comme par exemple, les revenus des bénéfices, les habits consacrés, ou bien encore lafatigue intrinsèque dans l'administration des sacrements. Il y a quatre sortes de simonie, savoir : la simonie mentale, la simonie conventionnelle, la simonie réelle et la simonie confidentielle. La simonie mentale a lieu lorsque quelqu'un donne les choses temporelles dans l'intention d'obliger celui à qui il donne à lui rendre en place les choses spirituelles, sans cependant qu'il existe entre eux aucun traité. La simonie conventionnelle a lieu quand il existe un traité, sans toutefois qu'il ait été exécuté par aucune des parties. La simonie confidentielle enfin peut avoir lieu de trois manières, savoir : per accessum, per regressum et per ingressum. Per accessum, quand on renonce au bénéfice en faveur d'une autre personne, à condition que cette même personne y renoncera ensuite et que le bénéfice passera à un autre. Per regressum, quand on se réserve le droit de le reprendre dans quelques cas. Per ingressum enfin, quand on renonce au bénéfice qui nous revient, sans renoncer pour cela à sa possession, à condition de reprendre celte possession dans quelques cas ou dans un certain temps (j).
XLI. Les dons qui peuvent être regardés comme le prix de l'achat des choses spirituelles se nomment munus a manu, munus ab obsequio, et munus a lin-
(j) Lib. II. ?. 6? et 90.
POUR LES  CONFÈSSEtUS.             237
gua. Par munus a manu, on entend toutes les choses temporelles dignes de prix, comme le pacte de vendre, de prêter, etc., la rémission d'une dette et même le paiement de cette dette. Par munus ab obsequio, on entend tout ce qui regarde la servitude. Enfin', par munus a lingua, on entend toute intercession qui mérite une récompense, quand même elle ne serait que médiate."Cependant, donner quelque chose à un médiateur, pour le dédommager de la fatigue ou des pertes qu'il a pu éprouver en nous prêtant son intercession, cela par soi-même n'est point permis ; et le faire, ce serait s'exposer à de grands dangers (i).
XL1I. ha simonie du droit divin diffère de celle du droit humain. La première est la vente des sacrements et de toutes les choses sacrées. La seconde est la vente des offices institués pour les choses sacrées, comme, par exemple, l'office de sacristain, d'économe, de trésorier, de majordome, de vice-seigneur et d'avocat de l'Église. Il faut remarquer ici que la simonie du droit humain est permise selon le sentiment commun, sans que celle du droit divin le soit également pour cela (2).
XLIII. C'est encore une simonie de droit divin que d'admettre quelqu'un dans un ordre religieux pour ses biens temporels ; à moins toutefois que l'on désire seulement se concilier sa bienveillance, ou que le monastère ne soit pauvre, ou que le postulant ne soit accablé de vieillesse ou d'infirmités, en sorte qu'il soit à charge au monastère. Mais si au contraire le monastère est riche, il est défendu de recevoir quelque chose de celui qui désire y entrer en raison
(1) Lib. III. n. 5G. 57. 64etG5.
(2) N. 68 tt fg.
258            INSTRUCTION  PRATIQUE
de sa sustentation. On excepte seulement de cette règle les monastères de moines qui peuvent recevoir toujours la dot, comme l'a déclaré ClémentXHI (1).
XLIV. On demande, en premier lieu, si donner le temporel pour le spirituel c'est toujours simonie. Selon le sentiment le plus commun et le plus véritable, on répond que non, quand on donne le temporel non point pour imposer une obligation, mais pour se concilier la bienveillance. Cependant, il est bon de faire observer, comme l'a formellement déclaré Innocent XI en condamnant la proposition l\§, que certainement il y a simonie de donner le temporel (principalement lorsque l'on donne beaucoup) dans le but principal d'obtenir le spirituel (2).
XLV. On demande, en second lieu, s'il est permis de recevoir quelque chose pour l'administration des sacrements. Non sans doute, il n'est point permis de recevoir cela comme prix de la chose sacrée, ou de la fatigue intrinsèque de cette même administration ; nsais cela est permis pour la fatigue extrinsèque, par exemple, lorsqu'on doit officier dans un lieu lointain, dans un temps ou à une heure incommode. Quand même la raison de la fatigue extrinsèque n'existerait pas, il est permis de recevoir le temporel, non point comme prix, mais comme traitement nécessaire à l'existence du prêtre qui exerce son ministère dans le bénéfice d'autrui, quand bien même le prêtre ne serait point pauvre. Cette opinion est commune avec saint Thomas (?). Pour ce qui est d'administrer les sacrements, et de prêcher unique-
(1) Lib. III. ?. 91 et 92.
(2) ?. 54.
(?) ?. 5? et 5?.
POUR  LES  CONFE89EUBS.              S 5p,
ment dans le but de percevoir un traitement, les uns disent qu'il y a péché mortel, les autres, comme goto, Suar., Silvest., Sanch., etc., disent plus communément et plus probablement qu'il n'y a point péché mortel, par la même raison que nous avons donnée plus haut, attendu que le traitement ne se reçoit point comme prix de la chose sacrée, mais comme traitement de la personne qui s'emploie en faveur du prochain. Du reste, pour cela il ne faut point excuser au moins de péché véniel celui qui n'exerce les fonctions spirituelles que pour acquérir les biens temporels (?).
XLVI. On demande, en troisième lieu, si la vente des bénéfices est prohibée, même « de jure divino. » Plus probablement, saint Thomas et les autres docteurs disent qu'elle est prohibée. Néanmoins, le pape peut très bien séparer du spirituel du bénéfice le temporel ou les fruits, et de cette manière rendre licite, par sa permission, la perception d'un bénéfice pour quelque prix temporel (2).
XLVII. On demande, en quatrième lieu, s'il est permis d'échanger les choses sacrées. Si ce sont deux choses purement spirituelles, il est bien permis de les échanger, comme, par exemple, la messe avec le rosaire, ou autres choses semblables. Ensuite, dans une chose mixte, il faut distinguer, d'après saint Thomas el l'opinion commune, si le temporel est subséquent au spirituel, comme les fruits le sont au bénéfice ; alors l'échange est licite sans la permission du pape, mais non pas sans la permission de l'évêque, comme le prétendent quel-
(1) N. 55. (a) N. 70.
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ques docteurs. Au contraire, si le temporel est antécédent au spirituel, comme sont les calices, les ornements sacrés et autres choses semblables, on peut très bien les vendre ou les échanger, pourvu que ce soit seulement en raison du prix intrinsèque des biens ( ? ).
XLVIII. On demande, en cinquième lieu, s'il est permis de donner quelque prix pour se mettre à l'abri des vexations, afin d'avoir quelque bénéfice ou autre chose semblable. Selon le docteur angélique, il y a deux règles à suivre dans un tel cas : la première, si l'on a déjà acquis le droit in re, et si le droit est incontestable : alors il est permis de se mettre à l'abri des vexations, en donnant une chose temporelle, mais non point spirituelle. Cela s'entend même pour les vexations que l'on peut nous faire éprouver, touchant la possession du bénéfice, puisque dès lors nous avons acquis un droit sur ce même bénéfice, attendu que le fait de possession est chose purement temporelle (2). La seconde règle à suivre est celle-ci : Si l'on n'a pas encore acquis le droit in re, mais seulement celui ad rem, alors il ne nous est point permis de nous mettre à l'abri des vexations par quelque prix, quand même ce serait ? avec injustice que l'électeur nierait son vote, comme le prétendent communément les docteurs. Cependant, avec Suar., Cast, Anac. et Elbel., on excepte de cette règle le cas où l'on donnerait de l'argent à quelqu'un qui, bien loin de noua servir, ne pourrait que nous nuire, afin de l'empêcher de conspirer à notre perte ; mais alors on devrait agir, non point
(0 Lib. III. u. 72.
(S) Lib, HI. n. 98. n. 5g,
POUR  LES  CONFJESSEUES.              241
en employant l'artifice, mais les prières, les présents, en ne cherchant d'apaiser la haine que pour empêcher les électeurs de nous priver de notre bénéfice, comme le disent avec beaucoup de raison Suar., Laym., Sanch., Bonac., Valent., Croix et les Sal-nianticens., parce que cette vexation inique étant temporelle, on peut très bien s'en délivrer en se servant de prières temporelles. Mais, aucontraire, nous dirons avec Suar., Anacl., Salmant.,etc., que si celui-ci était lui-même électeur, en sorte qu'il pût non seulement nous nuire, mais encore nous servir, l'exception n'a plus lieu, parce que l'argent qu'on lui donnerait pourrait peut-être le disposer en notre faveur et le porter à BOUS faire obtenir la possession du bénéfice. Car, ditCastrop., on ne peut donner de l'argent que pour rendre nuls les mauvais effets de celui-ci. Cependant, dans le cas où cet électeur chercherait par la fraude ou la violence à gagner les autres électeurs afin qu'ils nous refusassent leur vote, alors nous dirons communément avec Less., Lat., Suar., Tillinc, Sanch., Salmant., Croix, Busem., etc., que l'on peut donner de l'argent pour se mettre à l'abri de ces vexations injustes. Cela est suffisamment probable quand (comme dit le père Mazzotta) l'on ne donne del'argentqu'avecrintenlion expresse de vouloir seulement se mettre à couvert des vexations injustes. En outre, on peut encore donner de l'argent à un compétiteur, afin qu'il ne concoure point avec nous, s'il se peut, sans injustice (1). De même encore, il est permis de donner de l'argent pour empêcher l'élection d'un candidat indigne ou moins digne. Enfin, il est également permis de payer
fl  i il). V. n. 5oo et 101. n. icó. « Jurest. 1 »
T. xxni.                     16
INSTRUCTION  PRATIQUE
celui qui, injustement, refuse cl'administrer les sacrements, pourvu qu'il y ait des causes graves de les recevoir, parce que Tî'est là encore se racheter d'une vexation.
XLIX. Les peines établies par les canons contre les simoniaques sont celles-ci : Premièrement, pour la simonie qui a rapport à l'admission à un monastère, il y a suspension pour la communauté, et pour un particulier « id prœsumentibus, » il y a excommunication papale, comme il est dit dan » le texte. Cependant, cette dernière ne s'encourt seulement que quand on fait profession. Aussi plusieurs docteurs disent qu'elle est" tombée en désuétude (1). D'un autre côté, on doit faire attention que toutes les élections simoniaques pour le généralat, pour le rectorat et pour les autres offices spirituels en religion, sont nu-Iles, comme le déclare le texte.
L. En second lieu, pour la simonie dans l'ordination (non point quand il s'agit de la première tonsure), l'évèque ordinant et les médiateurs encourent l'excommunication et la suspension papale et l'interdiction de l'Église. En outre, ceux qui reçoivent les ordres encourent également, l'excommunication et la suspension des ordres (plus probablement de eeux-là seulement qu'ils ont reçus par simonie), et il leur est défendu d'aspirer aux ordres supérieurs, à l'exception, toutefois, des cas où ces derniers n'auraient pris aucune part à la simonie, et qu'elle aurait été employée par d'autres.
LI. En troisième lieu, toutes les présentations, toutes les élections qui ont eu lieu par la simonie,
(1) Cap. i. Ext. de situ, (a) N. loS. 109 et 110.
POU »  LES CONFESSEURS.              2^3
réelle dans les bénéfices, sont frappées de nullité. D'où il résulte que le simoniaque ne peut retenir ni le bénéfice, ni les fruits qu'il en retire, quand bien même le bénéficié ne connaîtrait point, par une ignorance invincible, la susdite peine, et qu'il ignorerait la simonie commise ; je suppose, par exemple, par un troisième individu, comme s'exprime le texte, Chap. Nobis de simon. Cependant, on excepte les cas suivants ; savoir : premièrement, si le bénéficié avait contredit,.et ensuite qu'il eût ignoré 4a simonie ; en second lieu, si le troisième individu a commis la simonie par ruse, afin de se rendre inhabile au bénéfice ; en troisième lieu, si le bénéficié a possédé le bénéfice en paix pendant trois ans, et s'il l'a possédé en agissant de bonne foi, comme le disent communément tous les docteurs. A l'exception de ces cas, celui qui reçoit un bénéfice par simonie, outre l'excommunication papale qu'il encourt, et la privation « ipso jure » du bénéfice acquis par simonie, se rend encore inhabile à recevoir dans la suite d'autres bénéfices. Il est vrai que· pour encourir une semblable peine il faut qu'il y ait une sentence qui Condamne le coupable (1).
LUI. Pour la simonie confidentielle, outre la peine imposée à la simonie réelle, on encourt encore la privation des bénéfices même obtenus auparavant, c'est-à-dire, probablement des bénéfices Obtenus avant la sentence qui déclare le délit. On doit observer néanmoins que le concile de Trente, sess. 24, chap. 18 de Reform., déclare que les examinateurs qui ont reçu quelque présent des aspirants à la prê-
(1) Ext. 2. desim. lib. III. n. met 112.
244            INSTRUCTION  PRATIQDK
trise, ne peuvent être absous par le confesseur, "mit dimissis beneficiis (?). »
LUI. Enfin, nous ferons remarquer en premier lieu que la susdite peine ne s'encourt seulement que dans les matières que nous avons signalées plus haut, c'est-à-dire au sujet de la religion et des bénéfices, mais non point dans la vente des choses sacrées, ou de juridiction ecclésiastique, ou de chapellenie non collative (2). En second lieu, il suffit, d'après le sentiment le plus commun et le plus probable, que la simonie ait été accomplie extérieurement par l'une des deux parties, pour encourir la peine ; à l'exception de la simonie confidentielle dans laquelle il suffit que le seul temporel ait été donné, comme le déclare la bulle de saint Pie V (5). En troisième lieu, si le prix reçu pour la collation simoniaque, soit d'un bénéfice, soit d'un ordre ou d'un sacrement, excède ce que peut exiger le ministre pour sa subsistance (nous parlons ici des sacrements comme nous l'avons fait au n° 45), on doit le restituer à celui qui l'a donné avant de lui livrer la chose spirituelle. Et s'il l'a donné après avoir reçu la chose spirituelle, il semble également probable qu'on doit également le restituer au mêmej cependant il est plus probable, selon saint Thomas, qu'on doit le donner à l'Église ou aux pauvres. Ensuite, pour ce qui est des fruits simoniaquement acquis, on doit les donner à l'Église, et probablement aussi on peut les donneraux pauvres ou à celui qui nous succède dans le bénéfice, comme
(1) Cit. 11. ua. Qiuest. m.' (s) N. 107. (3) N. illi.
?-01?  LES  CONFESSEtRS.
aussi Von peut obtenir un accommodement avec le pape. D'un autre côté, nous ne sommes point tenus de restituer le prix reçu pour l'admission dans un monastère pourvu qu'il ne dale point depuis la-sentence ; en attendant, on peut le retenir pour subvenir aux besoins de la communauté (i). En quatrième lieu, si l'excommunication ou la suspension encourue pour la simonie commise au sujet de l'admission dans un monastère, ou pour les ordres* ou bien encore pour un bénéfice, est publique, le pape a seul le pouvoir de l'absoudre ; si au contraire elle esl occulte, les évêques dès lors peuvent également l'absoudre, selon le sentiment commun exprimé dans le chap. Liceat. 6, sess. ^4· Et selon les théologiens de Sala-manque, d'accord en cela avec Lessius et d'autres docteurs, ils peuvent encore absoudre les mendiants. En outre, il faut faire attention que, d'après la bulle 91 de Sixte-Quint (laquelle n'a point ëlé révoquée à l'égard de la peine contre les simoniaques par Clément VIII, dans sa const. Romanum pontificem), celui qui reçoit les ordres simoniaquement encourt la suspension de tous les : ordres et se prive de la faculté d'en recevoir d'autres, et d'avoir part aux offices et aux bénéfices s'il est séculier ; si au contraire il est régulier, il encourt la suspension de voix active et passive, et de la faculté qu'il avait pour cela. Toutes les peines dont nous avons parlé plus haut sont réservées au pape, quand même le délit serait occulte. Ce droit n'est point donné aux évêques et aux personnes qui ont le privilège d'absoudre, quoi qu'en disent les théolog. de Salamanque, en parlant de l'acceptation de celte bulle que mécham-
fi) ?. 11? ad 116.
246            INSTRUCTION  PRATIQUE
ment ils qualifient du nom de Pie V. Mais, quoiqu'il en soit de cela, il est certain que Clément VIII a ôté aux réguliers qui sont hors de Rome et dans l'Italie la faculté d'absoudre les séculiers, de la simonie réelle et confidentielle, comme on le voit par le chap. XX, touchant les privilèges, au n° 101. Pour ce qui est de l'inhabilité aux autres bénéfices, l'évêque peut accorder une dispense pourvu que la simonie n'ait point été portée en jugement et qu'elle ne soit point confidentielle (1). L'évêque peut-il encore accorder une dispense au simoniaque pour obtenir le même bénéfice simoniaquement acquis ? A cela nous répondrons que si le bénéfice (soit une cure ou un simple bénéfice) a été sciemment obtenu par simonie, l'évêque n'a point le droit d'accorder cette dispense ; mais si la simonie a été commise par un tiers et si le bénéficié a reçu le bénéfice sans avoir eu connaissance de la simonie, l'évêque peut alors accorder la dispense, mais non point avant que l'impétrant ait renoncé au bénéfice ; ainsi pensent Nav., Sanch., Salm., etc. Si ensuite le bénéfice est une cure, l'évêque ne peut accorder de dispense dans cette vacance, mais il le peut dans l'autre, comme le soutiennent Panom., Salm., Pal., etc. (2).
LIV. Quant au parjure, qui est la quatrième espèce d'irréligion, nous en parlerons au second point du chapitre suivant.
(1) N. 117.
(2) N. 118.
POUR XES CONFESSEUKS.
CHAPITRE  Y.
DU SECOND PBIHCIPE.
PREMIER POINT.
Du blasphème.
?. Quand le blasphème se commet-il ? 2. De la malédiction des créatures, ? à 11. De la malédiction des morts.
I. Le blasphème se commet, soit quand on attribue à la créature quelque attribut divin, comme lorsqu'on dit que le démon est saint, et soit quand on profère quelque injure contre Dieu, ou contre les saints, ou contre les choses saintes et les jours saints, comme seraient les paroles suivantes : maudit soit, périsse le saint N., ou l'église, la messe, la pâque, le saint jour du sabbat. C'est encore blasphémer que de dire, malgré Dieu, sang du Chrut (lorsque ces paroles sont prononcées par colère contre notre Seigneur). Dieu est injuste : ce dernier blasphème est hérétique, de sorte que celui qui le profère sérieusement doit s'en confesser dans le mois. Le blasphème peut être aussi accompagné du fait, comme lorsque l'on crache vers le ciel, que l'on foule aux pieds les couronnes ou les images sacrées (?).
II. Dire, atta di santo N., n'est pas un blasphème, de même que potta, parce que cette parole signifie
(i) Lib. III. n, iai.
848            INSTRUCTION  PBATIQUE
seulement dans notre idiome une aspiration d'impatience. Ce n'est pas non plus un blasphème de dire, périsse Sainte-Agathe, quand on veut parler du pays et non de la sainte. Il en est de même de l'action de maudire les créatures, et d'appeler contre elles le feu, le vent, la pluie, etc., à moins qu'on n'y ajoute le mot de Dieu ou à moins que cène soient des créatures qui ont une relation spéciale avec Dieu, dans lesquelles brille d'une manière particulière la puissance, divine, comme sont l'âme, le ciel, etc. Je dis aussi la même chose à l'égard de la malédiction du monde, pourvu que l'on n'ait pas l'intention de parler du monde méchant, comme l'entendait Jésus-Christ, en disant. : « Si le monde vous hait, j'ai vaincu le monde, « Si odit vos mundus, ego vici mundum.
III. Maudire la foi de quelqu'un n'est pas un blasphème par soi-même, à moins que l'on ne dise la foi du Christ ou la foi sainte, parce qu'au reste par foi on peut entendre fa foi humaine de chacun. Ce n'est pas non plus un blasphème de maudire les morts, à moins que l'on n'entende particulièrement les âmes du purgatoire, ou que l'on ne dise morts saints, mort du Christ. J'ai déjà parlé de ce point dans mon ouvrage (?) ; mais, parce que c'est un point qui n'a pas été discuté par les auteurs, je veux l'exposer avec la plus grande clarté, principalement pour répondre à un certain auteur anonyme, qui, dans une de ses lettres, a combattu mon opinion en me faisant quelques objections.
IV. Je dis en somme que maudire les morts, en parlant de sa nature, n'est pas un blasphème, ni en soi, ni par les relations de ceux qui la prononcent.
(1) Lib. III. ?. i3o.
POUR tES CONPISSSEVRÎ.            « 49
D'abord ce n'est pas un blasphème en soi, parce que le mot morts est proprement un lerme privatif, qui signifie les hommes privés de vie qui n'existent plus pour le présent, et dans une telle supposition, cette dénomination de morti n'affecte ni l'âme ni le corps. Ainsi, en parlant avec une rigueur philosophique, celui qui maudit les morts ne fait injure à personne, puisqu'il maudit une chose qui n'existe plus.
V. Mais, dira-t-on, ici le mot morts ne se prend pas comme terme privatif, mais comme terme analogue, c'est-à-dire qu'il peut s'appliquer aussi bien au corps comme à l'âme du-défunt. Je réponds premièrement que celui qui parle ainsi, met déjà en avant les relations de l'esprit ; mais pour moi je ne parle que de la valeur du mot morts. De plus, en l'admettant même comme terme analogue, je réponds en second lieu que, sous la dénomination de morts, principalement et en droit, comme disent les philosophes, on n'entend que le corps seul, qui seul peut être dit mort, et non l'âme qui ne meurt pas : seulement on peut entendre l'âme in obliquo, c'est-à-dire Y âme du mort, par la raison que pendant un temps elle était la forme du corps de la personne à laquelle elle avait donné la vie. Mais en supposant que le mot mort regarde le corps, et moins principalement ou pour mieux dire improprement, l'âme, quand quelqu'un nomme les morts en soi, cela ne s'applique pas à leurs âmes, mais à leurs corps ; pour que cela puisse s'appliquer aux âmes, il faut que la personne ait l'intention formelle d'en parler, ou du moins qu'elle distingue les âmes par d'autres expressions, comme est ce qui a été écrit dans les Machabées : « C'est une sainte et salutaire pensée que de prier pour les morts, « Sancta et salu-
2Ô0             INSTRUCTION  PRATIQUE
« taris est cogitatio pro defunctis exorare, »lib. H.Ici le mot prier marque que l'on veut parler des âmes des morts.
VI. Donc, en soi, la malédiction des morts n'est pas un blasphème, parce qu'elle ne concerne pas l'âme. Voyons en outre s'il y a blasphème par la relation du moins mentale de ceux qui la prononcent. Je dis, en second lieu,que le blasphème n'existe pas, parce que ceux qui maudissent les morts ordinairement se gardent de considérer leurs âmes. Or, l'auteur de cette lettre m'attaque ici et me reproche de ne pas savoir distinguer le terme abstrait d'avec le concret. \J abstrait, suivant mon adversaire, est celui qui signifie la forme précise de l'objet, comme beauté, blancheur, etc. Le concret, de son côté, marque l'objet réuni à la forme, comme un homme beau, une carte blanche, etc. : de là il conclut que le mot mort signing un homme qui dans un temps consistait dans la réunion de l'âme avec le corps, mais qui se trouve actuellement dans un état tel que l'âme est séparée du corps. De là il conclut que celui qui maudit la mort de quelques personnes, non seulement maudit leurs corps, mais encore leurs âmes.
VII. Je réponds : jene dispas que celui qui maudit les morts les regarde comme des termes abstraits, c'est-à-dire comme forme sans objet ; mais je dis qu'il évite de considérer dans le mort l'âme qui lui survit. Il y a une différence entre abstraire et consi-sidérer une forme sans objet, et prescinder, c'est-à-dire considérer un objet séparé de quelques qualités ou circonstances avec lesquelles on peut le considérer. Il est certain que les hommes morts présentement ne sont pas tels que lorsqu'ils étaient vivants : alors c'étaient des personnes composées d'un corps
POUB LES  CONFESSEURS.            25 1
et d'une âme réunis ; mais pour le présent, leurs âmes et leurs corps existent bien, mais ce sont des substances séparées. Ainsi en maudissant pour le présent les hommes morts, il n'en résulte pas pour cela qu'on maudisse leur àme, à moins que ce désir ne soit spécialement exprimé ou entendu.
VIII. Mais ici, accordons encore à l'auteur de la lettre ce qu'il veut soutenir, c'est-à-dire que maudire les morts, c'est la même chose que de les maudire lorsqu'ils étaient vivants. Je demanderai à mon tour si celui qui maudit un homme vivant commet toujours un péché mortel. Tous les docteurs, Cajetan, Soto, Molina, Prado., Azor, de Lugo, Salmant. (?), avec saint Thomas (4), disent que la malédiction contre le prochain est un péché mortel, quand elle est formelle, c'est-à-dire ( comme l'explique Cajetan) quand on souhaite au prochain un mal (et un mal grave), et quand on le fait avec imprécation. Mais il n'y a plus péché mortel quand la malédiction est seulement matérielle, c'est-à-dire prononcée sans mauvaise "intention ; et cependant dans l'homme vivant, il y a certainement l'âme et le corps. Et pourquoi n'est-ce pas un péché mortel ? parce que celui qui maudit n'a pas toujours l'intention de maudire l'âme de son prochain et d'outrager cette substance dans laquelle brille l'image de Dieu ; mais il détache la considération de l'âme, et par cela même il ne pèche pas mortellement. Celui qui maudit les créatures déraisonnables (suivant saint Thomas, dans l'article cité plus haut ), s'il les regarde comme créatures de Dieu, pèche mortellement, et commet un
(1) De rest. c. 4· »· 27 et 28.
(2) 2. 2. q. 76. a. 1.
2 52         '  INSTBVCTION  PIUTIQUÎ
\oritable blasphème ; mais il n'en est plus de même s'il ne les considère pas comme telles, et les maudit seulement comme créatures en elles-mêmes : et cependant elles sont toutes des créatures de Dieu. Ainsi saint Thomas admet cette précision. De même, celui qui maudit les morts, s'il le fait quant à leurs âmes, pèche mortellement ; mais il n'en est plus de même s'il sépare la considération des « mes en maudissant sans avoir une intention spéciale à l'égard de leurs âmes.
IX. Dire ensuite que tous ceux qui maudissent les moris entendent aussi maudire leurs âmes, j'ai reconnu ainsi que bien d'autres confesseurs, par une expérience journalière et en interrogeant les pénitents, que le contraire avait lieu. Bien plus, nous avons reconnu que ceux qui maudissent ordinairement les morts ne le font pas dans l'intention d'offenser ceux-ci, mais les vivants contre lesquels ils dirigent ces malédictions, en manière d'injure. Mais ceci est une matière de fait : et en cela le confesseur peut s'éclaircir et dissiper ses doutes en ayant soin d'interroger scrupuleusement les pénitents.
X. Dire ensuite que si quelqu'un ne comprend dans sa malédiction que les corps morts seuls, néanmoins il ne saurait être exempt de faute grave, à cause du respect que l'Église porte aux corps des défunts, en les encensant, les aspergeant d'eau bénite et les ensevelissant avec pompe ; je ne sais si pour cette raison quelqu'un pourra me persuader que maudire les morts soit un péché mortel. Car les cérémonies funèbres  dont on vient de parler ne sont pas  des honneurs d'un culte sacré, mais bien d'un culte religieux, puisque ce sont des actes de religion ; d'un autre côté il est d'autres cérémonies que l'Église em-
POU »  LES  CONFESSEURS.             255
ploie aussi à l'égard des vivants. Si donc l'honneur que l'on rend aux défunts n'est pas plus grand que celui que l'on rend aux vivants, l'injure ne saurait être plus grande. Pourquoi donc, ajoute l'auteur de cette lettre, les lois punissent-elles plus gravement ceux qui exercent des cruautés sur les cadavres ? Je réponds : que les lois punissent non en raison de l'injure, mais de l'intention inique qui se manifeste dans une telle action, et ce que Von punit encore dans les meurtriers des infidèles et des hérétiques. Autrement, si une telle action était en soi une marque de grand mépris pour les corps des défunts, ceux qui les dissèquent et les ouvrent pour l'usage de l'anatomie commettraient un véritable délit. Au reste, je conclus de tout cela que la malédiction des morts n'est ni un blasphème, ni un péché mortel. Et je trouve que trois auteurs (cités dans mon ouvrage, et les seuls qui aient écrit sur ce point) partagent mon sentiment. De plus, pour ma plus grande sûreté, j'ai écrit à Naples à plusieurs hommes savants, ainsi qu'aux trois congrégations des prêtres missionnaires, dans le sein desquelles se trouvela fleur du clergé napolitain, congrégations dites du P. Pavone, de l'Archevêché et de Saint-Georges, et tous m'ont répondu la même chose". Le père Sabba-tini, à présent très digne archevêque d'Aquilée, m'a écrit que tous les pieux ouvriers de Jésus-Christ, anciens et modernes, admettaient la même opinion. De plus je sais très certainement que le nonce de Naples, aussitôt qu'il eut connaissance de la lettre que j'ai fait imprimer sur ce point ainsi que de celle de mon adversaire, le manda à notre saint-père le pape Benoit XIV, qui donna la commission de terminer la controverse au révérend père Thomas Surgius, pieux ouvrier de Jésus-Christ, conseiller du saint-office a
254             INSTRUCTION  PRATIQUE
Home, et qui est maintenant défunt. Ce révérend docteur exposa au pape son opinion que la malédiction des morts n'est pas un véritable blasphème ; et un autre révérend père, encore vivant, m'a assuré que le pape, après avoir examiné la question, s'était déclaré du même sentiment.
IL Or, après tout cela, je ne puis concevoir comment quelques individus peuvent au moins ne pas douter ettenir pour certain, et même publier dans les chaires évangéliques, sans scrupule de conscience que l'action de maudire les morts, généralement parlant et en soi, est certainement un péché mortel et un véritable blasphème : et cependant tous les docteurs et même les partisans de l'opinion rigide, tels que Concina et autres, enseignent que l'on ne doit pas regarder comme péché grave ce qu'un texte certain de l'Écriture ou quelque raison évidente ne fait pas connaître comme coupable. Saint Bernard a écrit : de n'être pas trop prompt à prononcer qu'il y a péché mortel quand cela n'est pas constant par les Écritures. Saint Antonin dit aussi : Toute détermination est périlleuse, lorsqu'on n'a pas l'autorité expresse de l'Écritare sainte ou des canons, ou d'une décision de l'Église, ou quelque raison évidente. Car si l'on décide qu'il y a péché mortel et que cela ne soit pas, celui qui agira en sens contraire péchera, parce que tout ce qui est contre la conscience conduit à l'enfer (1) : « Unum tamen consulo, quod non sis nimis » pronus judicare mortalia peccata,, ubi tibi non con- » stat per certam scripturam. » Et saint Antonin (2) : « Nisi habeatur auctoritas expressa sacrae Scripturae,
(1) Lib. III. tit. de pœnit. § 21. (a) Par. 2. tit. 1. e, 11. § 28.
POUR LES  CONFESSEURS.              255
 »aut canonis, seu determinationis Ecclesias, vel evi- »dens ratio, nonnisi periculosissime determinatur ; ? nam si determinetur, quod sitibi mortale, et'.non sit, » mortaliter peccabit contra faciens, quia omne quod » est contra conscientiam, aedificat ad gehennam, etc.
Lettre réponse à la lettre apologétique écrite pour la défense de la dissertation sur l'abus de maudire les morts.
« Je dois prévenir que ce que j'avais écrit sur ce point suscita d'abord une dissertation à laquelle je répondis en peu de mots, et ensuite ayant déjà riposté deux ou trois fois aux oppositions qui m'étaient faites, je n'avais pas l'intention de répondre de nouveau pour ne pas m'engager à faire des réponses à l'infini et des contre-réponses, pour ne pas répéter des choses déjà écrites ; mais je voulais seulement répondre comme je l'ai fait à deux doctrines de saint Thomas qui m'ont été opposées en dernier lieu. Et j'avais déclaré que pour l'avenir je ne voulais pas écrire davantage sur cette controverse (puisque déjà elle avait été déclarée finie), et je l'aurais fait si je n'avais pas été persuadé par mon adversaire, et qu'alors il y aurait eu difficulté "à me rétracter par un autre écrit public, comme je n'avais pas eu de répugnance pour le faire à l'égard de mes autres opinions que j'ai révoquées.
 » Néanmoins depuis cette réponse de ma part, on vit paraître une autre lettre apologétique pour défendre la dissertation mentionnée ; de sorte que, nonobstant mon intention contraire, j'ai besoin de répondre à, celte lettre par une autre, et je la pré-
256            INSTRUCTION  PRATIQUE
sente seulement ici, parce que dans elle est comprise la réponse à la dissertation, comme aussi àlaleltre faite pour sa défense.
 » Révérendissime père, seigneur et patron respectable, Depuis la dissertation sur la malédiction des morts, et ma courte réponse, il est surgi en dernier lieu une lettre apologétique très longue pour la dé-, fense de cette dissertation. Après avoir lu cette lettre, je fus dans le doute si je devais lui répondre ou non de nouveau. D'un côté j'aurais voulu maintenir ma résolution de ne plus répondre, comme je l'ai déjà marqué dans cette réplique, afin de ne pas aller à l'infini. D'un autre côté, il me paraissait convenable de répondre de nouveau, ainsi que le voulaient mes amis ; de plus, parce que dans la première réponse j'aVais été pour ainsi dire aveuglé à l'égard d'une proposition qui m'échappa et ne servit en rien à soutenir mon opinion comme elle le pourra faire dans cette seconde réponse ; de plus encore, parce que dans celte lettre apologétique dont je viens de parler, mon contradicteur présente plusieurs réflexions nouvelles ; j'ai cru nécessaire de répondre afin de détruire toutes les équivoques. C'est pourquoi, dans cette seconde réplique, j'invite mon adversaire et je le prie de deux choses : la première de la lire avec réflexion, de retrancher, d'ajouter et de recorriger tout ce qui lui paraîtra être nécessaire ; la seconde, de me donner la permission de le faire imprimer s'il le regarde comme bon. Mais d un côté cela me déplaît de faire voir que je discute contre un sujet et ses autres compagnons d'un ordre que je vénère tant ; je sais bien qu'il s'en trouve parmi eux, qui, n'étant pas les moins instruits, ont adopté mon opinion. D'un autre côté, je pense qu'ôter à l'esprit la Crainte que la
POUR LES  CONFESSEURS.
jnalédiction proposée ne soit un péché mortel, quand il n'est pas tel, c'est contribuer à la gloire de Dieu, qui regarde comme glorieux pour lui le salut de l'âme.
> Qu'on me pardonne si dans cette feuille on rencontre beaucoup de répétitions de choses dont j'avais déjà parlé dans ma première réponse. J'ai pensé que ces répétitions étaient nécessaires, afin que le lecteur ait tout devant les yeux en lisant les nouvelles réflexions que m'oppose mon contradicteur. Et pour cela il faut examiner de nouveau les choses. Dans la discussion, il s'est appliqué à prouver que la malédiction des morts est une faute grave et un vrai blasphème pour deux motifs : i° parce que les corps des fidèles défunts sont des choses sacrées ; 2° parce que cette malédiction ne peut pas faire abstraction des âmes de ces fidèles. J'ai dit dans la première réponse faite à cette dissertation que j'avais déjà répondu deux fois à de semblables objections ; c'est pourquoi je ne m'attachai pas à répondre à toutes les objections.qui m'étaient faites dans cette dernière, pour ne pas répéter les mêmes choses déjà écrites. Toutefois, j'ai dit que je ne pouvais omettre de répondre à deux passages de saint Thomas qui combattaient mon opinion. Le premier endroit dont je parle est dans la troisième partie, qu. 8, art. 2, où saint Thomas dit que J.-C. influe danslescorps des fidèles la faculté de ressusciter par l'habitation du Saint-Esprit. L'auteur de la dissertation prouve ce droit par une autre voie, c'est-à-dire par le moyen de la communion sacramentelle que les fidèles ont reçue pendant leur vie ; d'où il conclut que les corps des défunts restent au nombre des choses sacrées, et qu'ainsi ils doivent être vénérés par un culte sacré, T. xxiii.                     «7
S58            INSTRUCTION  PRATIQUE
en vertu de la religion. Mais je réponds, que si ces faisons prouvaient que les cadavres de tous les fidèles doivent être comptés au nombre des choses sacrées, cela prouverait aussi nécessairement que les corps des chrétiens damnés doivent être reconnus pour sacrés ; puisque le Saint-Esprit les a habités un certain temps, et que J.-C. y a fait son entrée, par le sacrement de l'autel. Mais on me répondra que ces qualités qui rendent les corps sacrés se perdent par le péché. C'est pourquoi, répliquerai-je, toutes les fois que l'Église ne déclare pas authentiquementque l'âme d'un certain corps est sauvée, et qu'elle n'exige pas le respect que le culte sacré lui acquiert (comme ntìusTexpliquerons plus bas), je ne dois pas et je ne puispasregarderuntelcorpscomme sacré.Enoulre, si les corps des défunts sont sacrés par la communion et l'habitation de l'Esprit-Saint, nous devons dire que par cela même les corps des vivants devraient être regardés comme sacrés, de sorte que toute injure, toute malédiction faite à l'égard du corps d'un fidèle vivant, devraient être regatdées comme un péché grave contre lareligion ; mais cela est contraire à la doctrine expresse de saint Thomas, comme nous le verrons plus bas. Dire encore que les cadavres des fidèles sont sacrés à cause des cérémonies funèbres employées par l'Église à leur égard, à celui de leur sépulture dans un lieu saint, des processions, des encensements, des bénédictions, et aussi en raison du rite antique (comme le prétend mon adversaire) par lequel, dans les premiers temps, on avait coutume de déposer l'Eucharistie sur la poitrine du cadavre ; je ne sais comment de tels actes peuvent êlre appelés actes du culte sacré, puisqu'à l'égard de la sépulture, il est connu qu'anciennement les
POUR  LES  CONFESSEURS.             2  9
corps des fidèles, même pendant que l'Église jouis-sait delà paix, étaient ensevelis dans la campagne, sur les routes, suivant ce que rapportent Thomassin et Calmet. Plusieurs conciles ont même défendu d'enterrer les cadavres dans les églises. Que si ensuite on a adopté l'usage d'enterrer dans un lieu sacré, ce fut (comme dit saint Grégoire) pour exciter la mémoire des proches parla visite de leurs tombeaux, à les recommander plus souvent à Dieu, ? La sépul-tlure dans les églises (ce sont les paroles du saint) »est utile aux morts, en ce que leurs proches, aver- »tis par la vue de leurs tombeaux, prient plus sou- » vent pour eux. » « Hoc prodesse mortuis, si in eccle-psia sepeliantur, quod eorum proximi, ipso tumu-ilorum conspectu admoniti, pro illis frequentius »exorent. (Lib. 4· dial, cap 5o.) » Saint Augustin dit la même chose au liv. De cura pro mortuis. Quant aux bénédictions qui se donnent aux cadavres avec l'eau bénite, Gavantus et Durand disent que c'est pour les empêcher d'être infestés par les démons : c'est aussi dans la même fin qu'on emploie l'encens, comme l'écrit Innocent III (lib. 2. De my st. mitsœ, cap. 17). C'était aussi dans le même but qu'anciennement on plaçait sur la poitrine des cadavresla sainte Eucharistie, ainsi que le dit le même saint Grégoire (lib. 2. dial. 24)> bien que cela fût réprouvé par plusieurs conciles, aux iv% vi% vu* siècles, comme le rapporte le père Vestrini dans ses lettres théologiques (tome III, lettre 55) ; on défendit, pour le même motif, de placer l'Eucharistie sur les pierres fondamentales deséglises,ou de l'imposer sur les énergumènes.sur les plaiesdesinfirmes.comme encore on défendit de faire avec le sang consacré des onctions sur le front, les y eux, etc., choses que les anciens fidèles avaient coutume
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de faire, comme le rapportent saint Cyrille et saint Chrysostome. Tout cela démontre que de-tels actes pieux (introduits plutôt par la simplicité que par la religion) ne dénotent pas que ce fussent des choses sacrées dont on fût obligé de se servir, mais qu'on en usait seulement pour les bons effets que les fidèles en espéraient.
 » Mais en parlant des rites funèbres que l'Église pratique aujourd'hui communément à l'égard des défunts, voici ce qu'en dit Sponde (lib. ?. p. 2. c. ?5. sect. 3. De sect, cœmet.) : « Quanta namque sit vis » Crucis qua signantur et orantur, et aquae benedicte » qua aspergantur, et thuris quo suffiuntur, tum ad » alia plurima arcenda mala, tum maxime ad fugan- » gandos daemones, eorumdemque ac magorum praes- » tigia dissolvenda, pronum mihi esset, quam pluri- » mis patrum testimoniis et exemplis testatissimum « reddere. »Et cap. 11, sect. 1 : « Fit suffitus ad cor- »pora fidelium defunctorum, quoniam qui pie mo· « riuntur, sunt Christi bonus odor ; et ut insuper si-
• gnifìcetur, defunctos reliquisse odores bonorum » operum, etc. Per incensum, ut judicetur, eosdem » credidisse, se per mortem ire ad immortalitatem. » Déplus, dit Etienne Durand (lib. ?. e. 91 ?· g) :
« Porro thurificatio fit ad reverentiam loci, et divini » officii, etc. » Ainsi que Jean Belet. (in explicat, divini officii, cap. 161.) : « Cadaver ponitur in sepul-
• chrum, et aqua apponitur benedicta, ac prunas » cum Ihure. Aqua benedicta, ne ad corpus daemones accedant. Thus, propter corporis foetorem re- »movendum. Prunas ad designandum  quod terra » illa in usu3 communes redigi nequeat. » Guillaume Durand ajoute (in rationali lib. 7.  e. 35.) : « Aqua » benedicta ponitur, ne daemones ad corpus accedant.
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 »Thus propter foetorem removendum, seu utdpfunc-jitus Creatori suo acceptabilem bonorum operum « odorem indicetur obtulisse, seu ad ostendendum, « quoddefunctis prosit auxilium orationis. »
 » D'après cela on voit que tous les rites dont on a parlé et dont l'Église se sert à l'égard des défunts, ne sont pas un culte sacré pour les cadavres, mais bien des cérémonies mystérieuses. On doit remarquer de plus que l'Église les refuse à ceux qui meurent excommuniés ou interdits, quand bien même de telles personnes seraient mortes avec des signes certains de repentir. Ainsi, l'Église n'emploie pas ces rites à l'égard des défunts parla raison qu'elle les regarde comme des temples de l'Esprit-Saint, mais parce qu'elle veut que la communion se conserve entreles fidèles vivants elles fidèles morts.
 » L'autre endroit de saint Thomas que l'on m'oppose est dans la même partie, 5. part., q. 25, art. 6, où le docteur angélique dit que les restes des saints doivent être vénérés, parce qu'ils sont des temples et des organes de l'Esprit-Saint, qui habite et agit en eux ; et encore parce que ces mêmes saints doivent être configurés au corps de Jésus-Christ, par la glorieuse résurrection ; d'où mon adversaire conclut que, la malédiction à l'égard des corps des morts est un véritable blasphème, parce qu'ils sont encore les temples et les organes de l'Esprit-Saint. Mais si cette raison pouvait être valable à l'égard des corps des défunts, cela entraînerait également à dire qu'elle serait encore plus valable à l'égard des corps des fidèles vivants, et cela avec encore bien plus de force, puisque les corps vivants sont actuellement ( si du moins les fidèles sont en état de grâce, comme on doit le présumer) les temples vivants et les organes
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de l'Esprit-Saint. Mais saint Thomas (2. 2. qu. 76, art. ?) et l'opinion commune des théologiens adoptée par Cajetan, Soto, Azor, Prado, Serra, Molina, Lugo, Laymann, Trullench, et tous les docteurs, di-sent que la malédiction, ou l'imprécation contre les hommes, ne peut être qu'une faute vénielle, quand la malédiction n'est pas formelle, mais seulement matérielle, c'est-à-dire sans affection mauvaise. Rap. portons le texte du saint, afin que l'on ne nous reproche pas de l'avoir tronqué : « La malédiction a lieu lorsque l'on prononce quelque mal contre quelqu'un, soit en le commandant, soit en le désirant. Mais vouloir par son autorité exciter à nuire à autrui, c'est un péché mortel de sa nature, et d'autant plus grand, que nous devons avoir plus de respect et d'amour pour la personne que nous maudissons*, c'est pour cela qu'il est écrit (Lév. 20) : Que celui qui maudit son père ou sa mère, périsse. Cependant une parole de malédiction peut n'être qu'un péché véniel, eu égard au peu d'importance du mal que l'on souhaite à autrui, ou à cause de l'affection de celui qui profère des paroles de malédiction, quand il le fait, d'après un léger mouvement, ou par jeu, ou par surprise, parce que les péchés de paroles se pèsent principalement d'après l'affection intérieure de celui qui les a prononcées. » « Maledictio est, per quam »pronunciatur malum contra aliquem (remarquez) » vel imperando, vel optando. Velle autem, vel im-Dperio movere ad malum alterius, secundum suum » genus est peccatum mortale ;  et tanto gravius, « quanto personam, cui maledicimus, magis amare »et revereri tenemur. Unde dicitur (Lev. 20) : ( ?"1 » maledixerit patri suo et matri, morte morietur. a Contingit tamen verbum, maledictionis prolatum
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,esse veniale, vel propter parvitatem maii, quod « quis alteri imprecatur, vel etiam propter affectum proferentis, dum ex levi motu, vel ex ludo, ! aut ex subreplione talia verba proferuntur, quia > peccata verborum maxime ex affecta pensantur. » C'est ici que mon adversaire m'attaque en me répétant les paroles du saint : Le péché est mortel de sa nature ; et il me dit : Comprends-tu, oui ou non ? Oui, certes, je le comprends, et je pense que Tonne peut pas entendre autrement ce texte de saint Thomas, c'est-à-dire que la malédiction est up péché mortel, quand elle est formelle, en tant que le mal souhaité 1 est avec Une mauvaise intention, ou bien quand on induit les autres à faire le mal, selon l'explication que saint Thomas en donne précédemment à l'art, ?, en citant l'exemple du juge qui excite injustement les ministres de la justice à exécuter la peine à l'égard du coupable. « La raison en est que cet acte par lui-même répugne à la charité par laquelle nous aimons notre prochain et désirons son bien propre. »« Secundum se repugnat caritati, qua diligimus proxi- » mum, volentes bonum ipsius. » Or, comme la charité prescrit de vouloir le bien de son prochain, de même elle défend de lui désirer du mal et d'exciter les autres à lui causer du dommage. Parlant ensuite de la malédiction verbale ( de laquelle seule il s'ugit dans le cas présent), saint Thomas dit qu'elle n'excède pas le péché véniel, soit quand le mal désiré est léger, soit quand l'intention mauvaise n'existe pas (ce qui est la malédiction matérielle), lorsqu'on la profère ou par jeu ou sans une délibération complète ; opinion que le saint confirme par cette raison : « que les péchés de parole sont appréciés d'après l'af-feqtion intérierçre, » « Quia peccata verborum maxime
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? ex affectu pensantur. » C'est aussi la doctrine de Ca-jetan, suivant ce qu'il dit, qu. 76 : « Nota ex 1. artic, » quid sit proj>rie maledictio, scil. dicere malum, in » quantum malum, alicui ex intentione. Et ex hoc « eruitur, quod maledictio distinguitur in maledic- » tione formaliter etmaterialiter, et quod quandoque « est peccatum mortale, quandoque veniale ; nam « maledictio formaliter est ex suo genere mortale ut » patet : maledictio autem si fit optative, non est » mortale ; si vero fieret imperative, posset esse mor- »tale. Et ratio diversitatis est, quia praeter intentio- »nem optative maledicens neminem laedit, quia ne e » ex intentione, nec ex opere. Imperative autem quan- » doque laedit ex opere ministri obsequentis, quamvis • non ex propria intentione. Dixi autem, ex suo ge- »nere, quia propter imperfectionem actus sive ex » parte objecti, ut si parvum malum optet, vel im- »peret, sive ex parte operantis, ut si ex ira (vel ex » ludo, dit saint Thomas ), maledicat, quamvis af- » fectu tendat in malum, quia non ex consensu ra- » tionis in malum tendit, deficit a perfecta ratione » peccati, et per hoc non est mortale. » Ainsi saint Thomas  avec  Cajetan disent que la malédiction contre les hommes est de sa nature un péché mortel, quand elle est formelle, c'est-à-dire proférée avec des intentions mauvaises, imperando vel optando ; et moi-même je n'ai pas voulu dire autre chose dans ma Morale (livr. 5. n. 81), ce que les autres docteurs admettent communément, comme cela paraît clairement. C'est donc à tort que mon adversaire veut que j'aie écrit mal à propos que la malédiction à l'égard des vivants (c'est-à-dire la malédiction matérielle), suivant l'opinion commune, n'est regardée que comme une simple faute vénielle ; mais que je
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devais dire qu'elle est mortelle de sa nature, et seulement rénielle accidentellement et dans quelques cas particuliers. Voici ce qu'il dit dans sa dissertation (page 91, in fine) : « II devait établir d'abord, comme cela est vrai universellement, que maudire les vivants est de sa nature un péché mortel, et sans recourir à des précisions forcées, imiter saint Thomas en n'assignant que quelques cas particuliers dans lesquels la malédiction est une faute vénielle. s> C'est-à-dire quand le mal est léger, et qu'il n'y a pas délibération complète. Mais saint Thomas, Cajetan, et tous les autres docteurs disent expressément le contraire de ce que mon adversaire voulait me faire dire ; car ils disent que la seule malédiction formelle, appuyée par une mauvaise intention, imperando vel optando, est de sa nature péché mortel. Du reste, on voit que saint Thomas et Cajetan n'admettent pas comme vrai que toutes les fois que la malédiction a lieu à l'égard d'un fidèle vivant ou mort, elle est en soi un péché mortel, par la raison que son corps a été le temple de l'Esprit-Saint ; parce que s'ils admettaient cela comme vrai, ils ne pourraient pas dire que quand on maudit une personne par jeu, ou sans intention mauvaise, c'est un péché véniel, de sorte que les malédictions à l'égard des saints, ou des choses sacrées, quand bien même elles ne seraient pas accompagnées de mauvaise intention, et même par plaisanterie, ne peuvent être excusées de faute grave, ce qui est certain. On doit en conclure avec évidence, comme l'affirment saint Thomas et la plupart des docteurs, qu'on peut bien considérer la personne d'un fidèle, sans la considérer comme le temple de l'Esprit-Saint. On peut encore en conclure (contrairement à ce qu'avance mon adversaire), que
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de même que ce n'est pas une faute grave contre la charité et contre la piété de maudire le corps d'un fidèle vivantsans avoir demauvaise intention, de même aussi ce n'est pas une faute grave contre la charité et la piété de maudire sans mauvaise intention le corps d'un fidèle défunt. Car, suivant le même saint Thomas, la charité que l'on doit avoir à l'égard de ceux qui sont morts en état de grâce n'est autre chose qu'une extension de la charité que nous devons avoir à l'égard des vivants : « La charité ( dit le saint ), qui est le lien d'union des membres de l'Église, s'étend non seulement aux vivants, mais aussi à ceux qui sont morts en état de grâce. » « Caritas quae est vin- » culum Ecclesiae membra uniens, non solum ad vivos »se extendit, sed etiam ad mortuos qui in caritate » decedunt. »
 » Mais, dit mon adversaire, il y a une grande différence entre la malédiction à l'égard des vivants, et celle qui concerne les morts, parce que le vivant resle sujet à la concupiscence, et par conséquent au danger de pécner, ce qui n'a pas lieu pour celui qui est mort en état de grâce ; c'est pourquoi la malédiction à l'égard des vivants peut être vénielle, puisqu'étant un péché contre la charité, il ne peut pas être grave, quand la mauvaise intention ne l'accompagne pas ; mais la malédiction à l'égard d'un mort étant un péché contre la religion, même sans mauvaise intention, est toujours grave par l'outrage que l'on fait à la religion en maudissant un -corps sacré. Mais pour répondre revenons au principe de notre adversaire, par lequel il prétend que les corps des Fidèles défunts sont sacrés ; il a dit que, suivant la doctrine de saint Thomas, la malédiction des morts est une faute grave, parce que leurs corps sont les organes de
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l'Esprit-Saint, et parce qu'ils ont reçu la communion sacramentelle. Je réponds donc : Quant â devoir considérer le corps d'un défunt comme sacré en raison de la communion et pour avoir été le temple de l'Esprit-Saint, j'ai déjà dit plus haut que si celte raison existait pour le corps du défunt, celui du vivant devrait être regardé comme sacré, parce que le vivant est encore le temple de l'Esprit-Saint. « Vos membres sont le temple de l'Esprit-Saint. » « Membra « vestra templum sunt Spiriluo-Sancti. (?. Cor.6.19.) » Mais dans le vivant, me répliquera-t-on, il y a toujours ce foyer qui rend la personne sujette à pécher. Je réponds : Donc, le corps d'Adam avant son péché était sacré. En outre la possibilité de pécher ne change pas l'espèce de la sainteté du corps. De plus, ni ce foyer de concupiscence, ni le danger de pécher, ne peuvent faire qu'actuellement, hic et nunc, le vivant ne soit pas le temple de l'Esprit-Saint. Et de plus, ce foyer ne porte à l'âme aucun crime ou péché, puisque la grâce de la rédemption lave dans ceux qui ont reçu le baptême les taches du péché, ce qui est si constant qu'on n'a pas besoin d'en parler davantage. « Copiosa apud eum redemptio. (Ps. 129.) Ubi « autem abundavit delictum, superabundavit gratia. » (Rom. 5.20.) Ego veni.ut vitam habeant, et abundan- » lius habeant. (Joh. 10. 10.) » « Là où le délit abonde, la grâce surabonde. (Rom. 5. 20.) Je suis venu pour qu'ils aient la vie, et qu'ils l'aient avec plus d'abondance. (Jean. 10. 10.) » C'est d'après cela que le concile de Trente (Sess. 5. in décret, de pecc. ong. can. 5) conclut que le baptême rend l'âme sans tache, et que le foyer du péché, loin de nuire, aide à acquérir une grande récompense à celui qui le réprime. « In re- » natis nihil od ;t Deus..., innocentes, immaculati,
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 »puri, ac Deo dilecli effecti sunt, etc. Manere autem » in baptizatis concupiscentiam, vel fomitem, haec » sancta synodus fatetur et sentit, quae cum ad agonem « relicta sit, nocere non consentibus non valent, » quinimo,qui legitime certaverit, coronabitur. » Ainsi la raison d'être,???? organe de l'Esprit-Saint ne fait pas que le corps d'un vivant ou d'un mort soit sacré ; autrement l'action de maudire les vivants, bien que sans mauvaise intention, serait toujours une faute grave ; et le contraire est bien certain, comme l'admet mon adversaire lui-même. Ainsi il doit recourir à une autre raison (s'il peut en trouver) pour prouver que les corps des défunts sont sacrés ; et il ne lui servirait de rien de dire qu'en maudissant un vivant, on peut faire une distinction en ne le regardant pas comme le temple de l'Esprit-Saint, mais en ayant égard à d'autres motifs particuliers, telles que les injures qu'on a pu en recevoir, etc. Et moi je réplique : Pourquoinepourrait-onpasfaire cette distinc -tion même à l'égard des morts, quand on les maudit pour quelque dommage qu'on en a reçu, mais sans affection mauvaise. Outre cela, de telles malédictions (comme je l'ai écrit dans ma première lettre) se profèrent plus pour injurier les vivants que les morts> Les corps des défunts ne sont pas sacrés, car, ce qui est le point capital de la discussion, un corps de défunt ne peut être sacré, à moins que l'Église ne le déclare saint, et l'impose à la vénération comme sacré, élevant ainsi la vénération de l'ordre humain au surnaturel et au divin, comme nous le prouverons dans peu avec l'autorité de saint Thomas.
 » Mais, me répliquera mon adversaire, suivant le même saint Thomas (l'art, cit. ad. 2 ), les reliques des saints sont dignes de vénération, parce que les
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âmes de ces corps jouissent actuellement de Dieu ; et c'est pourquoi, si les corps des défunts (comme il le dit) ne peuvent pas être vénérés du culte de dulie, on ne doit pas cependant les outrager, puisque ce sont des choses sacrées, et que l'on doit pieusement croire que leurs âmes sont sauvées. Donc, puis-je répondre, si les corps des défunts sont des choses sacrées, on leur doit un culte sacré. Mais qui voudra désigner la nature du culte qui leur est dû ? Mon adversaire avoue qu'on ne leur doit pas un culte de dulie ; mais, pour moi, je ne trouve pas que l'Église ou les docteurs assignent, et je ne puis comprendre qu'on puisse assigner une autre sorte de culte sacré, hors celui de latrie, d'hyperdulie et de dulie. Mais, me dira-t-on, à quelle sorte de culte se rattache celui que l'on a pour les autels, les vases et les vêtements sacrés ? Je réponds qu'il se rattache au culte de latrie, puisque ces choses n'exigent pas de culte par elles-mêmes ; car lorsqu'elles sont souillées, elles ne méritent plus un culte sacré, mais un culte relatif ou réductible, ainsi leur culte se réduit à celui de  latrie, en raison du sacrifice pour lequel elles sont ordonnées, et c'est pour cela que je dis que ne pouvant pas accorder à tous les corps des défunts un culte de dulie, ni aucun autre sacré, ils ne doivent pas être mis au nombre des choses sacrées. Le père Suarez (Opusc. defens. fid. cath. adv. angl. sectatores. Lib. 2, e. 5, ?. ?4> circa fin. ), en parlant de la vénération due aux reliques des saints ou à d'autres défunts, dit : « J'ajoute de plus que cette coutume (c'est-à-dire celle de vénérer les reliques des saints comme choses sacrées) montre que l'Église établit une bien grande différence entre les reliques des saints et les corps morts du vulgaire
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des hommes. » « Imo insuper addo, hanc ipsam » consuetudinem ostendere longe altiori modo Eccle- » siam de Sanctorum reliquiis sentire, quam vulga- » riurn hominum morlua corpora soleant reputari. » Je trouve encore que saint Grégoire de Naziance, en parlant des corps des saints et des fidèles morts d'une mort vulgaire, dit qu'il y a une grande différence entre le respect que l'on doit aux uns et aux autres, puisque, ajoute-t-il, les corps des autres défunts sont regardés avec horreur, et qu'on les fuit ; mais on cherche toujours à s'approcher des corps des saints, parce qu'ils sont sacrés, et que l'on croit se sanctifier en les touchant. Voilà ce qu'il dit en par-lantdu corps de saint Théodore (in orat. deS.Theod.) : « Corpus S. Theodori ad alia corpora, quae commu- »ni et vulgari morte dissoluta sunt, nec comparan- » dum quidem est... Nam ceterae quidem reliquiae « abominabiles plerisque sunt, ac nemo libenter sepulcrum praeterit, aut si ex inopinato apertum » offendit, praetercurrit. At si venerit in aliquem lo- » cum similem huic, ubi hodie noster conventus ha-xbetur, ubi memoria jusii, sancteque reliquiae sunt, » primum quidem earum rerum quas videt magnificentia oblectatur... cupit deinceps ipsi conditori » appropinquare, sanctificationem ac benedictionem » contrectationem ejus esse credens. »
 » Remarquons d'après cela, combien diffère la vénération que l'Église rend aux corps des saints et à ceux des autres défunts.
 » Quant ensuite à la vénération due aux corps dont les âmes sont dans le sein de Dieu, je réponds que la raison apportée par saint Thomas ne concerne que les seuls saints déclarés tels par l'Église, et desquels seuls parle le docteur angélique ; puisque de
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ce que les âmes sont dans le sein de Dieu, il en conclut qu'on doit aussnénérer leurs corps. Donc, pour comprendre le sentiment du saint docteur, et connaître la vérité, nouS devons distinguer deux sortes de connaissance par lesquelles nous savons ou croyons que l'âme d'une personne jouit de Dieu, l'une humaine et l'autre surhumaine et divine, par la décision de l'Église. Or, il est certain que ce respect dû au corps des saints, et dont parle saint Thomas, ne peut avoir lieu que pour les corps seuls dont nous savons, par une révélation communiquée par l'Église, que l'âme jouit de Dieu, ce qui élève le respect qui leur est dû de l'ordre humain à l'ordre surhumain.
 » Ainsi, il est donc vrai qu'il ne nous suffit pas de regarder comme sauvé un défunt, même avec une certitude morale, pour devoir ou pouvoir vénérer son corps par un culte sacré ; mais il faut que l'Église nous assure authentiquemcnt, avec la certitude à elle communiquée par les lumières divines, que l'âme de ce corps jouit de Dieu. Écoutons comme parle saint Thomas (Quod. 9, art. 16.) de l'opinion erronée qui prétend qu'on ne peut pas vénérer les saints, parce que l'on ne peut avoir la certitude de leur salut. Ad primum, il répond : « Dicendum,quod » Pontifex, cujus est sanctos canonizare, potest certi- » fìcari de statu alicujus per inquisitionem vitae, et at- »testationem miraculorum ; et praecipue (notez) per * instinctum Spiritus sancti, qui omnia scrutatur » etiam profunda Dei » Et il ajoute ad secundum : •Providentia Dei prœservat Ecclesiam, ne in talibus » per fallibile testimonium hominum fallatur. » Par quelque certitude morale que ce soit, mais humaine et naturelle, nous ne devons, ni ne pouvons regar-
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der comme sacrés les corps des fidèles défunts, ni les entourer d'un culte sacré, à moins que l'Église ne les canonise, parce qu'alors l'Église, par la con-naissance surnaturelle qu'elle reçoit de l'Esprit-Saint, comme dit saint Thomas, élève la vénération, à l'égard d'un corps, de l'ordre humain à l'ordre surhumain et divin. On retrouve la même opinion exprimée dans les décrets d'Urbain "VIII, relatifs au culte des serviteurs de Dieu, non encore canonisés ou béatifiés. (Voy. Bened.XIV, de canon. L. 2. C. XI.) Ces décrets ordonnent positivement que l'histoire de la vie ou des actions de ces serviteurs de Dieu soit toujours précédée de la protestation suivante de l'auteur : « Profiteor me haud alio sensu, quidquid in » hoc libro refero, accipere, aut accipi ab ullo velle, » quam quo ea solent quae humana duntaxat aucto- » rilate, non autem divina catholicas romanae Eccle- »siae, aut sanctas sedis apostolicae, nituntur. « Notez les paroles : « Quas humana auctoritate, non divina « Ecclesias, etc, « Ainsi, les actions des serviteurs de Dieu n'ont aucune foi ou vénération que l'humaine ; mais quand l'Église les déclare saints, alors la vénération, d'humaine qu'elle était, devient divine, par la raison de l'autorité divine de l'Église. Ainsi, pour rendre à un mort un culte sacré, qui soit surhumain et nécessaire, il faut qu'il y ait un principe et une connaissance surhumaine de la sainteté de l'objet, par le moyen des lumières divines communiquées à l'Église. C'est pour cela que quand les saints sont reconnus par l'Église, non seulement leurs ossements deviennent sacrés, mais encore leurs vêtements, leurs lettres, ainsi que les autres choses qui ont été à leur usage ; et ce serait une irrévérence grave et un sacrilège de s'en servir pour un usage
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temporel sans une absolue nécessité, ce qui, au contraire, certainement n'est pas défendu, àl'égard des vêtements des morts non canonisés, quelle que soitla certitude morale que nous puissions avoir de leur salut.
 » On peut certainement conserver avec vénération les restes d'un défunt, de la sainteté duquel on a la conviction, l'invoquer, faire peindre ses images ou d'autres choses semblables, parce que ces choses ne constituent pas un culte sacré, mais seulement das actes religieux, et non civils, lesquels, suivant le père Jean de Saint-Thomas, dont l'autorité m'est opposée par mon adversaire, et comme l'enseignent Bellar-min (Conlrov., 4·, lib. I., cap. 10), et Benoit XIV (de canoniz. SS. lib. 5. cap. 7), num. 4 et 7., nous pouvons rendre aux morts comme aux vivants. Bellarmin admet qu'ils sont licites envers les défunts, parce qu'ils sont permis à l'égard des vivants. « Si licet honorare « viventes (dit-il) quos credimus sanctos, cur non • mortuos ? » Et comme on critiqua dans Bellarmin cette vénération qu'il accordait aux saints non canonisés, il se défendit en disant  qu'il n'accordait pas un autre culte que celui qui était accordé aux vivants : voir Benoit XIV. (1. cit., c. 9., num. I.) J'ai dit des actes de religion, parce qu'il y a de la différence entre l'acte de religion et celui de culte sacré : l'action de baiser les mains des serviteurs de Dieu, de se recommander à leurs prières, de leur laver les pieds, et autres choses semblables, constituent des actes de religion, parce qu'ils procèdent de la religion, mais ils ne constituent pas un culte sacré, parce qu'ils ne concernent pas les choses sacrées. De même enterrer les morts dans un lieu sacré, les encenser, leur baiser les pieds, vénérer leurs reliques, sont bien des cérémonies sacrées et des actes T. xxiii,                       18
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de religion, mais ne constituent pas un culte sacré. » Qn peut bien les appeler, et elles le sont en effet, des cérémonies sacrées, puisqu'elles se rapportent à celles qui soptsaprées comme ordonnées par l'Église ; mais elles ne peuvent pas ê| ;re appelées culte sacré, puisque le culte sacré concerne l'objet vers lequel elles sont dirigées. Ainsi, on ne peut jamais leur donner le nom de culte sacré quand l'objet n'est pas sacré. En outre, ce sont bien encore des actes de religion (et ici je confesse que dans ma première réponse je me suis aveuglé, mais je ne sais comment, puis-qu'au Heu de dire que les encensements, les bénédictions et autres cérémonies qu'on pratique à l'égard des morts, ne constituent pas un culte sacré, j'aidit que ce n'étaient pas des actes de religion). J'avoue sans aucun doute-que ce sont des actes de religion ; mais ils ne copstituent pas un culte sacré, et par conséquent, on ne doit pas, en raison de ces actes faits à l'égard des défunts, regarder leurs corps comme sacrés et leur rendre un culte sacré. C'est pour cela qu'Alexandre IJJ (cap. I, de reliq. et SS. ven.) défend absolument de ne vénérer personne comme saint sans l'autorité de l'Église. « Quand bien même il arriverait que des miracles se lissent par son moyen, il ne vous serait pas permis de le vénérer comme saint sans l'autorité de l'Église romaine. » « Cum etiam per eum miracula furent, non liceret » vobis ipsum pro sancto absque autorilate romanae » Ecclesias venerari. » Et quoique anciennement on vénérât comme saintes quelques personnes sans une déclaration de l'Église, mais seulement par la coutume des peuples ; néanmoins Bellannin répond ÎCiip. 8, in fin.) que cela était permis par l'approbation tacite du pape : « De même que les coutumes
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ont force de lois par l'approbation tacite du prince, de même le culte d'un certain saint, introduit par la coulume, a force de culte par l'approbation tacite ou expresse du souverain pontife : ? < Sicut consuetu- » dines aliae vim habent legis ex tacito consensu prin- » cipis, ita Sancti alicujus cultus, ex consuetudine in-stroductus, vim habent ex approbatione tacita vel » expressa summi pontificis. »
 »Je réplique donc que je ne doute pas que les rites mis en pratique par l'Église à l'égard des morts ne soient des cérémonies sacrées et des actes de religion, mais je ne puis admettre qu'ils constituent un culte sacré. C'est ainsi que le rituel romain en parlant des obsèques et des rites qui sont employés lors de la sépulture des morts, ne les appelle pas culte sacré, mais seulement mystères de la religion et signes de la piété chrétienne, en disant : « Sacras caeremonias, ac ritus, quibus mater Ecclesia » in filiorum suorum exequiis uti solet, tamquam vera » religionis mysteria, christianaquepietatissigna, etc. » Ici se présentent deux autres réflexions pour éclaircir cette question. D'abord, si un tel culte était sacré, ce serait aussi un culte public, parce qu'il faudrait lui attacher des prêtres et des ministres de l'Église ; et il est certain que cela ne peut pas être, puisque l'Église elle-même défend d'attribuer un culte public a quiconque n'a pas été déclaré par elle saint ou bienheureux. En outre, saint François de Sales dit que le culte sacré n'est attribué aux défunts qu'en raison de leurs vertus eminentes, la connaissance desquelles doit être moralement certaine. Or, comment pourrait-on jamais dire que les rites pratiqués à l'égard des défunts s°nt un cu^e sacré, quand communem ent parlant, on n'a pas connaissance de l'excel-
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ence de leurs vertus ? On doit savoir aussi queparmi les fidèles défunts, beaucoup sont damnés, et cependant ces rites se pratiquent indifféremment à l'égard de tous ; donc on doit dire que l'Église n'admet pas que ces rites constituent un culte sacré.
 »Je préviens un argument qui pourrait peut-être m'être présenté, en disant : Si donc il m'est accordé que la vénération des morts est un acte de religion, donc maudire les morts est un acte contre la religion. Je réponds préventivement que si cet argument était valable à l'égard des morts, il le serait aussi pour les vivants, puisque la vénération qu'on rend aux serviteurs vivants de Dieu avec les actes détaillés plus haut, constitue, comme nous l'avons démontré, des actes de religion ou un culte religieux ; par conséquent, maudire un serviteur de Dieu, même sans mauvaise intention, serait un grave sacrilège ; mais personne ne soutient cela. Voici maintenant la réponse directe à cet argument. Il faut distinguer et voir de quel motif provient l'acte de religion : s'il provient d'un motif dépendant de l'objet lui-même, s'il est sacré, alors le mépris de cet objet est un péché contre la religion et même un sacrilège. Mais si l'acte de respect procède de la piété religieuse du fidèle, alors ce sera bien encore un acte de religion, parce que le motif provient de la religion ; mais la malédiction contre l'objet ne sera pas un acte contre la religion, parce que ce n'est pas un acte qui se rapporte à un objet sacré.
« L'auteur de la discussion s'étonne de la conduite de certains prêtres, et taxe d'imprudence (pourne pas dire de témérité ) ceux qui disent au confessionnal, ou en chaire, que la malédiction des morts n'est pas une faute grave. Mais je m'étonne encore bien
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plus, avec d'autres docteurs, delà conduite des prêtres qui ne se font pas scrupule de prêcher d'une manière absolue que celte malédiction est en soi un péché mortel et un blasphème. Pour pouvoir dire qu'une action n'est pas une faute grave, il suffit, suivant tous les docteurs, qu'on ait une vraie probabilité ; j'entends que cette probabilité ait un fondement, non léger, mais tel que l'on puisse l'adopter et l'enseigner avec sécurité (suivant l'opinion commune à l'égard de l'opinion plus probable ou moins probable), et dans le cas que nous discutons, je regarde comme de bien peu de poids les deux maximes de saint Augustin, que m'oppose mon adversaire ; c'est-à-dire i" qu'on pécherait grièvement dans les choses qui concernent le salut, par cela seul qu'on préférerait les opinions incertaines aux certaines (livre 1. de bapt. cap. ? ). »Et au chap. 5 : « S'il est incertain que ce soit un péché, qui peut douter que ce soit un péché certain. « Graviter peccaret in rebus » ad salutem animae pertinentibus, vel· eo solo quod » certis incerta prœponeret (lib. ?. de bapt. capit, ?).-> Et au chap. 5 : « Si incertum est esse peccatum, quis « dubitat certum esse peccatum ? » Car ici, le saint docteurparle de celui qui agit dans le doute à l'égard des choses qui concernent la nécessité du salut, point sur lequel on ne doit adopter que ce qui est certain. En outre, le saint parle d'un donatiste qui était certain que dans l'Église catholique le baptême se recevait légitimement, et qui, au contraire, doutait de sa légitimité dans sa propre secte. Voici le texte entier du saint : « Si dubium haberet, non illic recte » accipi, quod in catholica recte accipi certum habe- » ret, graviter peccaret in rebus ad salutem animae » pertinentibus, vel eo sqlo quojd certis, incerta prae-
« 7^             INSTRUCTION  PRATIQUE
« poneret. » Et ensuite : « Accipere itaque in parte « Donati, si incertum est esse peccatum, quis dubitat » certum esse peccatum, non ibi potius accipere, ubi « certum est non esse peccatum ? » Qui est-ce qui doute que ce donatiste péchait certainement dans un tel cas ? Mais saint Augustin ne prétendait pas qu'il y avait péché pour celui qui agit avec une vraie et solide probabilité, quand le doute ne concerne pas les choses qui appartiennent à la nécessité du salut, comme est le baptême, et quand l'action n'est pas certainement illicite, puisque la loi douteuse n'impose pas une obligation certaine, suivant ce que dit saint Thomas en divers endroits ( Quodlib. i4· de verit. art. ?) : « Nullus ligatur per praeceptum ali- »quod, nisi mediante scientia illius praecepti. » II prouve la même chose par le chap. Cum jure 51. de offic. et pot. jud. del. : « Nisi de mandato certus exti- » teris, exequi non cogeris quod mandatur. » De même par le can. Sicut quasdam, dist. 14, s. Leon : « In his quae vel dubia fuerint, vel obscura, id nove· »rimus sequendum, quod nec praeceptis Évangelicis « contrarium, nec decretis SS. Patrum inveniatur adversum. » (Qd'on lise ce qui se trouve chap, ?, n° 55. ) Cela s'applique à tous les cas où l'on peut être certain qu'une action n'est pas gravement illicite. Mais pour assurer d'une manière absolue que telle chose est un péché mortel, il ne suffit pas d'avoir l'opinion probable, ni même la plus probable quand elle est un peu plus probable ; parce que l'opinion plus probable n'exclut pas Ja crainte raisonnable de tomber dans l'erreur, d'où il arrive qtiè la loi reste douteuse, et que l'opinion contraire ne peut être vraie, si vraiment elle est probable : c'est ee qui a lieu à l'égard des sacrements,
porn LES CONFESSEURS.        279
cas où il n'est pas permis de suivre l'opinion la plus probable quand l'opposée est la plus sûre, bien que moins probable. Ainsi, pour certifier qu'une chose est gravement illicite, on exige la certitude moi aie, comme l'enseignent tousles docteurs avec saint Raitnond, qui dit (lib. 3 de pœnit. § 21) : « Ne sois pas trop prompt à regarder comme mortels certains péchés, lorsque tunas pas une certitude appuyée sur les Écritures. » « Non sis nimis pronus judi- » care mortalia peccata, ubi tibi non constat per cer- »tam scripturam. » Ainsi, le saint conseille de ne pas juger qu'une action est péché mortel, quand sa gravité n'est pas constante « ubi non constat. »Saint Antonin a dit également (p. 2. tit. 1. cap. 11. § 28.) que l'on ne peut pas déterminer, sans courir un grand danger de pécher, qu'une action estime faute grave, si la sainte Écritdre n'est pas expresse â cet égard, ou si l'Église ne se décide pas, ou bien s'il n'y a pas de raisons bien évidentes. Voici ses paroles : « Quœstio in qua agitur de aliquo actu, utrum sit « peccatum mortale, vel non, nisi ad hoc habeatur « auctoritas expressa Scripturae, aut canonis Éccle- » siae,vel evidens ralio,periculosissime determinatur. » « La question dans laquelle il s'agit de savoir si un acte est péché mortel ou non, ne peut se décider qu'avec un grand danger de pécher, à moins que ton n'ait pour cela l'autorité expresse de l'Écriture ou des canons de l'Église, ou une raison évidente. » Parce que (suivant ce qu'il ajoute) celui qui décide sans aucun de ces fondeitiërifs1, travaille pour l'enfer (edificat ad gehennam), et riiet l'âme en danger de se damner. Aussi Benoit XIV, dans Son traite du Synode, s'attaehe aivec raison àmsifnier âuXëvê^ues de ne pas taxer de faute grave les opinions qui, pro-
28?            INSTRUCTION  PRATIQUE
bablement, sont soutenues par des docteurs de l'un et de l'autre parti.
« Mon adversaire, en outre,  s'attache à prouver que son opinion est une conclusion théologique. Je ne veux pas chercher à décider si son opinion a une \aleur de probabilité,  et quelle  est son importance ; mais je ne sais comment il peut appeler son opinion conclusion théologique, quand il n'a pour s'appuyer ni Écriture manifeste, ni décision de l'Église, ni raisons évidentes, ni autorité commune des docteurs, et que moi-même je n'ai pas pu en trouver un seul qui ait écrit conformément à son opinion. Il rapporte un passage de saint Isidore de Damielte qui s'exprime ainsi (lib. 5. epistolar. épis. 491·) : ' ^i" « incessunt etiam mortuos, et hostes foedus ineunt. « Cur igitur et naturae leges, etinimicitiarumsuperas » terminos, vita iuncto maledicens ? Videris enim in « cinerem ac favillam linguam acuere ; sed primo » violas sanctimoniam, cui omnes mortales studeant » oportet : deinde immortalem habet animam, cujus « vindex est oculus Dei pervigil. » Mais dans l'édition imprimée à Rome, en 1729, je trouve que ce passage se lit ainsi ( à la page 570) f^Vivi soient calum- » niis incessij cum jam defunctis etiam hostes conci- » liantur, et foedus ineunt. Cur igitur ipse et na- » turae, et inimicitiarum terminos transgrederis, dum « vita jam functum calumnians et lacessis ? nam pu- » tas quidem te solum adversus cinerem et pulverem « linguam stringere ; sed heus primum ipsum sacro- » sanctum sepulturae jus violas, quod tamen nemo » ambit, et habere studet : deinde habet is animam « immortalem, cujus oculus ille pervigil, et semper » excubans vindex est. » Que les autres voient donc si cette autorité confirme en rie,n l'opinion de mon
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adversaire, qui prétend que l'on doit vénérer comme sacrés tous les corps des fidèles défunts. Mais, en outre, mon adversaire se vante d'avoir tout pour lui, Écritures, définitions de l'Église, autorité commune des docteurs, et raisons évidentes. Les Écritures sont : « Maledici regnum Dei non possidebunt. » (Maledici, dit Calmet, id est, qui detrectant, qui murmurant.) La définition de l'Église,.que Von doit employer les mêmes rites dans la sépulture des fidèles. 11 met aussi en avant l'autorité commune des docteurs, en disant que les moralistes n'ont pas écrit contre son opinion, parce que, suivant leurs règles, ils l'admettent comme certaine. Enfin, il met en avant pour raisons évidentes, celles qu'il a déjà présentées dans sa dissertation. Si ces choses peuvent persuader, je ne veux pas le décider ; que les savants le décident.
 » Au reste, en parlant de mon opinion, comme j'ai déjà rapporté plus hautmes anciens écrits, outre les trois auteurs que j'ai cités, et qui ont travaillé sur ce point, je l'ai fait examiner par beaucoup de docteurs, et particulièrement par toutes les congrégations de missionnaires de Naples, dans lesquelles, à cause des missions, on professe spécialement la théologie morale, et où, comme on le sait, se trouve la fleur du clergé napolitain ; toutes ont'été d'accord avec mon sentiment. Mon adversaire me jette aux yeux un passage de Socrate, en voulant me faire comprendre que tout le monde n'est pas capable de décider de semblables questions. J'accorde que tous ne sont pas des maîtres ; mais comme les réponses que j'ai reçues de chaque congrégation m'ont été faites au nom du corps entier, on doit supposer
88a            INSTRUCTION  PIUTIQUE
que la résolution en a élé prise, non par les sujets les moins savanIs, mais par ceux qui étaient les plus habiles. Cette question, comme je l'ai déjà déclaré plus haut, a été examinée à Rome par ordre du pape Benoit XIV ; et suivant le sentiment de ce pontife, il a été décidé qu'il n'y avait pas péché mortel (je n'ai pas la prétention de dire que c'est quelque définition ex cathedra). Mais ici, mon adversaire écrit qu'il n'est pas obligé de croire à la réalité de ces examens, ni à cette décision faite à Rome ; pour moi, je ne prétends pas l'obliger à le croire ; mais je l'ai écrit, parce que j'ai des motifs suffisants pour le croire, car j'en ai reçu l'attestation comme témoignage de propre science et de vue de la part d'un ecclésiastique, religieux savant, et tout-à-fait impartial dans cette discussion, qui a vu le billet du pape ; et pour cela, j'ai cru que ceux qui raisonnent avec impartialité pouvaient aussi le croire. En outre, je l'ai cru avec tant de certitude, que je n'ai fait aucune difficulté de l'écrire dans le même ouvrage de morale que j'ai dédié et offert au même souverain pontife.
 » Au reste, si mon adversaire a écrit pour un bon motif, je suis certain aussi de n'avoir écrit ni par passion, ni par engagement (et ce serait un bel engagement ! après que j'ai quitté le monde pour sauver mon âme, chercherai-je à la perdre, et pourquoi ? pour avoir la vaine gloire ; disons mieux, le blâme d'avoir soutenu une opinion fausse ! ) ; mais j'ai écrit pour une bonne fin, pour délivrer d'un si grand nombre de péchés mortels ceux qui ont l'habitude de maudire les morts, et qui, nonobstant leur croyance (erronée selon moi), que c'est une faute grave, comme nous l'avons vu en parlant de
POTJB  LES  CONFESSEUBS.             285
chacun, s'accordent toujours à adopter mon opinion. Que si mon adversaire a voulu me traiter d'obstiné et d'un faux zèle, je ne lui réponds que ceci : Celui qui me juge, c'est Dieu. Qui judicat me, Dominus est (1. Cor. 4· 4·)
 » Je joins ici la réponse à l'invitation que je fis au très révérend abbé Marc Basilien (auquel je demandais d'examiner mon opinion), très estimé pour ses vastes connaissances, non seulement dans la communauté, qui l'a revêtu des charges les plus belles, mais encore dans la ville de Naples tout entière et dans Rome, reconnu pour maître de théologie, qu'il a enseignée pendant plusieurs années, après avoir exercé pendant près de trente à quarante années le ministère de la confession. J'étais dans le doute si je devais transcrire ou non la lettre qui suit ; mais je me suis résolu à le faire par deux motifs : i° pour faire voir que dans cette discussion, j'ai voulu agir avec prudence, et ne pas me laisser surprendre par quelque propre engagement, (comme déjà mon adversaire a profité demon erreur, )et que j'ai toujours cherché à prendre les conseils des hommes instruits ; 20 pour montrer avec quelle unanimité les savants ont présenté leur décision sur mon opinion et sur l'opinion contraire. » La lettre est ainsi conçue :
« îlÉVÉRÈNDISS". PÈRE, SEIGN. ET *>RÉ. VÉNÉRAB.
« Depuis long-tempe j'ai eu la consolation de Ht-é votre érudite dissertation sur l'imprécation des morts, où vous soutenez que ce n'est pas une faute grave de les maudire, comme c'est aussi mon opinion, ainsi
284            INSTHUCTION  PRATIQUE
que celle d'un grand nombre de personnes plus sages avec lesquelles j'ai souvent conversé à ce sujet. Par un effet de votre bonté, vous m'envoyez la réplique que vous avez faite à un de vos contradicteurs, réponse dans laquelle j'ai admiré votre doctrine. En rapprochant les différentes raisons, je l'ai reconnue comme démonstrative, et je ne puis reconnaître sur quel fondement s'appuie votre adversaire pour prétendre que la malédiction des morts est une faute grave : au contraire, il m'a semblé que tous les motifs qu'il présente n'ont aucune force, comme sont ceux renfermés dans uneirochure livrée par le même à l'impression, et que V. S. Révérendissime a solidement réfutés, et réfute encore pour le présent. Certainement je ne comprends pas comment l'acte de maudire les morts peut être un péché mortel. J'approuve la modération que vous avez montrée de ne regarder que comme probable l'opinion qui dit que le blasphème envers les morts n'est pas une faute grave. Votre Seign. devait plutôt la proclamer comme moralement certaine, et, par conséquent, l'opinion contraire que soutient votre adversaire devait être considérée comme moralement fausse et d'une probabilité faible et légère.
 » Je n'ai donc eu ni à supprimer, ni à ajouter, ni à changer la moindre partie de votre écrit, et je prie le Seigneur qu'il éclaire l'esprit de votre contradicteur et du petit nombre de ses adhérents, qui se font une gloire de trouver une faute dans l'action de la plus mince importance. V. S. Révérendissime ne doit donc pas craindre de mettre au jour celte réponse apologétique, qui ne pourra recevoir que des éloges, comme toutes les autres parties de ses ouvrages. Je
POUR  LES CONFESSEURS.             285
me recommande à vos prières, et je vous salue avec le plus grand respect en vous baisant les mains.
 »De Votre S. Révérendissime, Maler Domini,
 » i4 juin 1758. « Très humble serviteur, très obligé et très dévoué,
DBABTHELEMY, » Abbé de Saint-Marc. »
« J'ajoute une parole, d'après ce que m'écrit le révérendissime abbé ; il pense que je regarde mon opinion comme seulement probable. Je ne l'ai pas dit : j'ai dit seulement, que pour certifier que telle action ne comporte pas une faute grave, il suffit qu'elle soit probable, qu'elle n'est pas grave. Au reste, je n'ai pas voulu décider si mon opinion était.moralement certaine ou non, m'en remettant en cela au discernement des savants ; mais, d'un autre côté, j'ai toujours regardé, et je regarde toujours mon opinion comme plus que probable. »
SECOND POINT.
Du serment.
12. Quand y a-t-il serment ?
??. De combien de manières on peut faire serment.
14. Conditions du serment légitime.
i5 et 16. S'il est permis de prêter "serment avec équivoque.
17. De celui qui prête serment sans avoir l'intention de le faire.
18. Le serment n'oblige pas à l'exécution de ce qui est illicite.
286            INSTRUCTION  PB4T1QUE
? g. De combien de manières peut-on ôter l'obligation du serment ?
20. D e l'adj uration et des exorcismes.
XII. On définit le serment : « l'invocation du nom de Dieu en témoignage de la vérité. » « Invocatio no- » minis Divini in testimonium veritatis. » II y a donc serment de la part de celui qui dit : par Dieu, ou par les saints, ou par les choses sacrées, ou par les créatures dans lesquelles brille d'une manière spéciale la bonté ou la puissance de Dieu, comme ces mots : par l'Église, la croix, les sacrements, l'Évangile, l'âme, le ciel, la terre, etc. Mais il n'y a pas serinent pour la conscience, ou pour la foi (je ne parle pas de la foi divine), pour celui qui dit : Five Dieu ! Dieu le voit ; cela est vrai comme l'Évangile. C'est comme celui qui dit simplement : Je jure que cela est ainsi, à moins qu'il ne s'en trouve d'autres qui exigent qu'il jure par l'âme, l'Évangile ou autres choses semblables (?).
XIII. Le serment peut se faire de quatre manières : d'une manière affirmative, lorsqu'on certifie quelque chose ; promissoire, quand on promet quelque chose avec serment ; exécratoire ou imprécatoire, lorsqu'on dit, par exemple :Que Dieu me châtie si je ne fais pas cette chose ! et enfin, comminatoire, lorsque, par exemple, on dit : Si tu ne m'obéis pas, par Dieu, je t'en ferai repentir. Ici nous devons remarquer que dans le serment affirmatif, on pèche grièvement lorsqu'on affirme une chose fausse. Il y a aussi péché grave dans le serment promissoire, lorsqu'on le. profère sans.avoir l'intention de sa promesse. Je dis sans avoir l'intention, parce que
(i) Lib. III. ?. ?53. ad. ?56.
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si quelqu'un a l'intention de la tenir, et qu'ensuite il ne la tienne pas, si la chose est de peu d'importance, alors il est très probable avec Soto, Suarez, Àzor, que l'on ne pèche pas mortellement (?), parce que dans le serment on invoque Dieu comme témoignage de la volonté présente, et non de la future exécution de la promesse. Mais si quelqu'un promet avec serment, mais sans avoir l'intention de prêter serment ou de se lier, il pécherait mortellement ; néanmoins il est probable qu'il ne serait pas tenu à l'exécution de la promesse au moins sous peine de péché grave ; c'est l'opinion de Sanchez, Castropal., Roncaglia, saint Antonin, Salmanti, etc. (2). Le serment exè-cratoire, qui ne contient pas le nom de Dieu, n'oblige pas probablement sous peine de péché grave. On dit aussi la même chose à l'égard du serment comminatoire. Ainsi, si le châtiment dont on menace quelqu'un est injuste, le serment n'oblige en rien (?). C'est pour cela que les serments que font les pères de corriger leurs enfants, n'obligent pas à cause de cela, parce qu'ils se font pour des choses inutiles, ou des passions désordonnées (4)·
XIV. Pour que le serment soit licite, trois choses sont nécessaires : le jugement, la justice et la vérité. Le jugement, c'est-à-dire que l'on ne doit pas jurer vainement, mais avec des motifs raisonnables ; le défaut de jugement ne comporte que le péché véniel. La justice, c'est-à-dire que la cause pour laquelle on prête serinent, soit juste ; et il y à péché grave
(1) Lib. ?. ?. 7? (4) N. 175. T. an autem, (?) ?. i"4. aj 6. d 143. (4J ?. 18G, 107
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pour celui qui jure de faire une chose injuste, encore qu'elle serait légèrement injuste. La vérité, c'est-à-dire que la chose qu'on affirme par serment doit être moralement certaine, au moins de quelque manière (1).
XV. On demande s'il est permis de prêter serment avec équivoque. Il y a de la difference entre le mensonge et l'équivoque. L'équivoque peut exister de plusieurs manières, soit que la parole ou le discours ait un double sens littéral, soit qu'il ait un sens littéral et un autre spirituel ou mystique. L'équivoque s'appelle encore la restriction non purement mentale, différente de la restriction purement mentale, comme cela résulte des propositions 26 et 27, condamnées par Innocent XI, et dans lesquelles il est dit qu'il est permis de nier toute vérité, toutes les fois que la personne sent quelque chose de vrai en elle-même ; la purement mentale a lieu quand le prochain ne peut reconnaître l'équivoque en aucune manière ; la non purement mentale a lieu lorsque, d'après certaines circonstances, le prochain peut comprendre que l'on parle en retenant en soi-même autre chose que ce que signifie en soi la proposition. Par exemple, si je sais une chose sous le sceau du secret, je puis dire : Je l'ignore, c'est-à-dire je ne la sais pas, de manière à pouvoir en parler ; comme Jésus-Christ dit au sujet du jugement dernier : « Personne n'en connaît le jour, pas même le fils de l'Homme. » « De dia illa nemo scit, neque filius Ho- » minis. Math. 24. » Faisant entendre qu'il ne le savait pas comme homme, ou bien, comme le disent mieux Gotli et Tournely, qu'il ne le savait pas ad
(1) N. )45. ad. i5o.
POUB LES  CONFKSSEURS.             s8$
-revelnndum (1). Et quand il dit : « Je ne monte pas au jour de fête, » « Non ascenda ad diem festum » (Joan. 7), il faut entendre positivement qu'il se dirige en secret vers le temple. Quand donc il y a des molifs légitimes, nous pouvons bien légitimement répondre et même prêter serment avec équivoque ou avec la restriction non purement mentale, comme l'admettent communément Soto, Gonet, Paluda., Wigandt, Lajmann, Cardenas, Holzmann, Salma., Tournely, Lacroix, Viva (2), parce qu'alors il ne s'agit pas d'égarer le prochain, ce qui est toujours illicite, mais de permettre qu'il s'égare par lui-même, car nous ne s< mmes pas toujours tenus de répondre suivant le désir de celui qui nous interroge. Cela néanmoins n'est pas permis en justice, parce que tous ceux qui sont légitimement interrogés par le juge, sont obligés de dire la vérité ; ainsi en prêtant serment avec l'équivoque, on pèche contre la justice légale (3).
XVI. Hors du for de la justice, beaucoup de docteurs disent que si quelqu'un a déjà avoué son péché à un confesseur, et qu'il soit interrogé sur ce point par un autre, il.peut dire qu'il ne l'a pas com-mis>-de manière à être tenu de le confesser de nouveau. Remarquons ici néanmoins que^ chacun est obligé de confesser l'habitude du péehé, quand un confesseur interroge sur ce point, commeil résulte de la proposition 58~condamnée par Innocent XI. Ainsi pareillement, si un pauvre possède un seul pain, et que l'on vienne lui en demander un à emprunter, i
(1) Tom. IV. de incâr. (a) Lib. III. ?. 5?. {3} ?. ?55.
?. xxiii.                          19
290           INSTRUCTION  PRATIQUE
peut dire qu'il n'en a pas (1), parce que de la circonstance de la pauvreté les autres peuvent bien conclure qu'il parle dans un autre sens, c'est-à-dire qu'il n'en a pas pour en donner aux autres. Dans ce cas, et dans les cas semblables, il est néanmoins plus sûr de répondre : ôDieu, où voulez-vous que j'en aie ! ou bien : Esl-ce -que je tiens du pain ? doit-il y avoir ici du pain (2).
XVII. Si quelqu'un fait un serment sans avoir l'intention de le faire et d'accomplir la promesse, il est certain qu'il poche mortellement. Si au contraire il fait un serment avec l'intention de l'accomplir, mais sans avoir l'intention de faire un serment, il est probable qu'il pèche seulement véniellement, parce qu'alors il n'y a que la faute de prendre le nom de Dieu en vain-. Il en est de même si l'on jure sans avoir l'intention de,se lier, parce, qu'une telle promesse n'est pas un vrai serment promissoire, ni une vraie promesse. D'un autrecôté, si l'on fait un serment sans avoir l'intention de l'accomplir, mais avec la vraie intention de faire un serment, alors on pèche mortellement, et néanmoins on reste obligé à la promesse, bien que l'on n'eût pas l'intention de se lier ; parce qu'alors l'obligation part du serment lui-même, qui, pour conserver le respect dû au nom de Dieu, oblige à faire en réalité ce que l'on a juré de faire, pourvu que l'on connaisse l'obligation do berment, qui, d'un aulre côlé, n'oblige pas au-delà t !e l'intention dd celui--qui fait le sonnent, suivant l'opinion de saint Thomas (5).
(1) K. iG3.
(a) Ni l58. cl si ;i[.
(B) Lib, 3,11, 17 », v. Queritur,
POUR  iES  CONFESSEUBS.            Sgl
XVIII. Le serment ne peut jamais obliger à faire une chose illicite, comme aussi à accomplir une chose inutile, ou qui empêche un grand bien, par exemple, si la chose était contre les conseils évan-géliques. 11 faut remarquer cependant, que quand le serment est fait en faveur d'un tiers, il doit s'accomplir, pourvu que cela se puisse faire sans pécher. Ainsi, celui qui jure depayer l'usure, ou de donner son manteau à un voleur, e^t obligé de le-lui donner, bien qu'il puisse ensuite user de compensation (1). Et il est probable encore, avec Suarez, Sanchez, Lacroix, qu'alors on peut prêter serment avec la condition sous-entendue de l'accomplir, si l'on n'obtient pas d'un prélat la levée du serment ; et si une fois on obtient la relaxation, on n'est plus tenu à rien si la promesse était annulée par la loi à cause du bien commun, comme serait la promesse d'un clerc à une concubine, ou la renonciation du droit ecclésiastique, ou bien un serment arraché par la crainte pour une profession religieuse, ou à l'égard des mariages et des fiançailles : alors le serment devient tout-à-fait nul ; au reste, toute promesse faite avec serment, suppose toujours des conditions : i°que la personne à laquelle la promesse est faite, l'accepte, ou n'en remet pas l'obligation ; 2° que l'état des choses ne change pas notablement, c'est-à-dire qu'il ne survienne pas quelque circonstance dont la prévision aurait empêché le serment ; 3° que la cause finale, qui est le but du serment, ne c :sse pas ; 4° que l'autre partie observera sa promesse ; 5° que les supérieurs ne défendront pas l'exécution de la promesse (2) ; 6° que la promesse puisse s'accomplir
(1) N. 174.
(?) ?. 16?, 187 et 188
INSTRUCTION  PRATIQUE
sans de graves inconvénients (1). Ainsi, si vous promettez de garder un secret, vous n'êtes pas tenu à son observation, si vous courez de grands risques, pourvu que vous ne l'ayez pas promis à vos risques et périls. Si vous promettez le secret même au péril de votre vie, il est probable que vous n'y êtes pas tenu. De même, si vous promettez de ne pas dévoiler quelque secret utile pour guérir les maladies, vous n'êtes pas obligé de le cacher, quand votre prochain se trouve en danger de mort (2).
XIX. Comment l'obligalion du serment peut-elle êtreôlée ? i° par son annulation, ce que peuvent faire tous ceux qui ont l'autorité supérieure, comme un père, un mari, un prélat, untuteur, une abbesse, et cela quand bien même le serment serait au préjudice d'un tiers, car dans ce cas les supérieurs peuvent anéantir les contrats des inférieurs (3) ; 20 par la dispense oujla commutation, ce que peuvent faire tous ceux qui ont la faculté de dispenser des vœux ou de les commuer (4) ; 3° par la relaxation que les prélats ecclésiastiques peuvent employer à l'égard de leurs subordonnés, ainsi que leurs délégués qui ont la faculté de dispenser des vœux. On doit remarquer ici, en premier lieu, que le serment fait pour le bien d'un tiers ; peut être relâché par ce même tiers, suivant la doctrine de saint Thomas, commune à tous les docteurs (5). Et cela peut avoir lieu, comme le disent beaucoup de docteurs, quand bien même le serment serait fait en l'honneur de Dieu,
( ») N. i » 3. (S) N, 988.
(3) N. 189.
(4) N.  190.
(5) N. i9a.
POUR LES  CONFP.SSEUHS.              2g3
et que la promesse serait toute au bénéfice d'un tiers, comme  d'un monastère,  d'une église  ou  d'un pauvre (1). On doit remarquer, en second lieu, que pour l'annulation on n'a pas besoin de motifs, mais bien pour la dispense, la commutation et la relaxation (2). En troisième lieu, que quand la promesse est jurée et aceeptée par un tiers, elle ne peut être relâchée par d'autres, que parle tiers lui-même, lorsqu'un contrat intervient.Ainsi, lesermentoulevceude persévérance qui se fait dans quelques congrégations, comme dans la vénérable congrégation des pères de lamissionde Saint-Vincent-de-Paul, ou dans celle du Saint-Rédempteur, ne peut être relâché -par d'autres que par le pape, ou par le supérieur véritable de la congrégation, parce qu'un tel serment ou vœu prend la nature d'un contrat, qui se passe entre le sujet et la congrégation ; puisque la congrégation s'oblige à pourvoiràtous les besoins du sujet, et que d'un autre côté le sujet s'oblige à servir la congrégation ; et cela suivant ce qu'a déclaré notre saint père le pape Benoît XIV, dans sa bulle Convocatis, § 32, donnée le 16 novembre 1749 ; et ce qu'il a encore confirmé dans sa bulle Inter praeteritos, § 5, n° 66, le ? décembre de la même année 1749 (3)· Remarquons, en dernier lieu, que la promesse jurée, bien qu'elle soit acceptée par un tiers, peut encore être relâchée par le supérieur, quand elle est faite au préjudice de son droit, ou contre le bien commun, ou bien quand le serment a été arraché par la crainte (4). XX. Les théologiens parlent encore ici de l'adju-
(1) Lib. III. ?. 19. (a) ?. 192. (?) ?. 255-(4) ?. ?9 ».
894            INSTRUCTION PRATIQUE
ration qui a lieu lorsqu'on prie quelqu'un de ré-por dre au nom de Dieu ; ou bien que l'on commande en son nom, comme cela se pratique dans les exor-cismes des possédés ; exorcismes qui peuvent bien être faits légitimement par chacun en particulier, mais qui ne peuvent être faits avec solennité que par les ministres de l'Église, ou avec la permission de l'ordinaire. Et celui qui remplit un tel office doit se garder de demander des choses vaines et curieuses ; mais il doit se. servir de ces exorcismes, dans le seul but de délivrer l'objet, des vexations du dé-mon(i).
TROISIÈME POINT.
Du vœu.
21, 22 et 25. De l'intention de s'obliger. 24· De la matière possible et meilleure. a5. Du vœu fait dans un certain but.
26. Du vœu de ne pas demander de dispense.
27. Du mariage.
28. De ne plus faire de vœux.
29. Diverses choses notables.
30. Du vœu conditionnel.
? ?. Du vœu disjonctif et de ceux auxquels on satisfait sans souvenir du vœu.
3a. Lorsque le temps est passé.
33. De la faute que l'on commet en différant.
34. Des vœux de religion.
35. Du changement de la matière. 36 et 37. De l'annulation du vœu. 38. De la commutation.
3g et 40. De la dispense et de ses motifs.
(1) IV. 193. app. de adj.
POUR  LES  CONFESSEURS,             3()5
4i. Si le vœu est fait pour l'utilité d'un tiers.
4 »à 44· l)e ceux qui peuvent dispenser.
45 à 5o. Des vœux réservés.
5i. Si le pape peut dispenser dans le cds des vœux solennels.
XXI. Le vœu se définit : « Lne promesse faite à Dieu, après délibération, d'un bien possible et meilleur. » « Promissio deliberata facta Deo, de bono epossibili et'tneliori. » Nous allons expliquer cette définition. Nous disons d'abord une pt om esse ; cola s'entend d'une promesse faite avec l'intention de s'astreindre à une obligation grave ; elle difl'ère du pur propos qui en soi-même ? impose qu'une obligation légère. Aussi le vœu fait sans l'intention de promettre ni de s'obliger, est toul-à-fail nul : au contraire, celui qui avoulu promettre e-t s'obliger est tenu à l'accomplissement du vœu, quand bien même il ne voudrait pas y satisfaire ; ou bien quand on veut promettre et satisfaire, connaissant déjà l'obligation du vœu, quoiqu'il ne l'aperçoive pas alors avec réflexion, car celui qui reul Yanivrëdeni, veut aussi le conséquent (?). Du reste, celui qui veut promettre, mais non s'obliger, pèche. Néanmoins, selon l'opinion la plus probable, il n'est pas tenu à l'observation du vœu, quand bien même il en connaîtrait l'obligation ; car comme l'obligation naît de la propre volonté, on ne peut en aucune manière rester lié si l'on n'a pas la volonté de se lier. Un péché de celte nature, en parlant en général, n'est que véniel, à moins que le vœu n'ait été formé dans le cas d'une profession religieuse ou pour la réception des ordres sacrés, parce qu'alors, suivant, Lessius, Sanchez,
(j) Lib. III. 11. soi.
INSTRUCTION  PRATIQUE
Suar., Salm., etc., ce serait certainement un péché mortel (1). Ainsi, si quelqu'un recevait les ordres sans avoir la volonté d'observer la chasteté, il n'en serait pas moins obligé de l'observer, au moins par le précepte de l'Église (2). Dans le doute qu'on ait eu la volonté de s'astreindre à l'obligation, on doit présumer que cette'volonté a dû présider à la formation de chaque vœu. Il en est de même lorsque l'on doute si l'on a connu ou non l'étendue de l'obligation du vœu, par la règle générale « que tout acte est présumé fait convenablement, » « quilibet actus praesumitur » recte factus. » Dans le doute si la promesse est un vœu ou un simple propos, la présomption est en faveur du vœu, quand la personne se rappelle qu'en faisant cette promesse, elle a reconnu qu'elle pécherait en ne l'accomplissant pas (?).
XXII. Nous avons dit, en second lieu, promesse délibérée, parce que, pour que le vœu puisse obliger, il faut en premier lieu avoir le parfait usage de la raison. Ainsi, le vœu d'un enfant lorsqu'il a été formé avant l'âge de sept ans, n'oblige pas, à moins qu'il ne soit constant qu'il a l'âge de raison. Mais si le vœu a été fait après l'âge de sept ans, il oblige dans le doute,parce qu'alors on ne présume pas que l'usage de la raison était parfait, ce qui dans ce cas arrive ordinairement. On doit encore dire la même chose, dans le doute si le vœu a été fait avant ou après l'âge de sept ans, par la règle mentionnée plus haut, que tout acte se présume bien fait (4).
XXIII. En second lieu, il faut une délibération
(1) Lib. III. ?. 202. q. 2.
(a) Lib. VI. ?. 809. dub. 2.
(3) Lib. III. ?. soi. q. ni.
(4) ?. ?96.
POUR  tES  CONFESSEURS.            297
pleine et libre de vouloir s'obliger au vœu ; et c'est pour cela que le vœu arraché injustement par la crainte est tout-à-fait nul : et cela a lieu, non seulement quand le vœu est solennel (ce qui est certain), mois encore dans le cas d'un vœu simple suivant l'opinion la plus probable (?). Pareillement le vœu est nul s'il a été fait par erreur (quand même cette erreur proviendrait de la négligence ), quand l'erreur concerne la substance ou quelque circonstance substantielle. C'est aussi avec probabilité que Suarez, Sanchez et saint Thomas (2), prétendent que toute erreur change les circonstances accidentelles libres du vœu, pourvu que le vœu n'eût pas eu lieu, si dans le principe on avait reconnu cette erreur. « Id liberare (ce sont les paroles du saint docteur) » a voti vel juramenti obligatione, <[uod si a principio « notum fuisset, ea fieri impediret (?). »
XXIV. Nous avons dit, en troisième lieu, d'un bien possible et meilleur. Nous disons possible parce que, sans cette qualité, le vœu serait nul. Dans le cas où il serait seulement possible en partie, si l'on peut le partager, alors il serait valide quant à la partie possible. Pareillement on doit accomplir le principal du vœu quand on ne peut satisfaire à l'accessoire : mais au contraire, si le principal est impossible, il n'v a pas obligation d'accomplir l'accessoire (4).Nous avons dit en outre d'un bien meilleur, parce qu'il y a aussi nullité pour le vœu quand la matière est d'un bien inférieur ou même indifférent, à moins qu'il
(0 ». '97·
(2) In 4· distr. 38. q. 1. ad. 1. (5) Lib, III. ?. 198 et aa6. (4) N. aoa.
298            INSTRUCTION  PBATIQCE
n'arrive que quelques circonstances ne le rendent meilleur ( »).
XXV. On demande en premier lieu si le vœu fait dans de mauvaises intentions est nul. Il faut distinguer : si l'intention est mauvaise ex parle vovenlis, comme, par exemple, si quelqu'un faisait le vœu de jeûner afin de rece\oir des éloges pour avoir fait ce \œn, un lel\œu serait valide ; mais il est nul si l'intention est mauvaise ex parte rei voice, comme si quelqu'un promettait de jeûner pour être loué lorsqu'il jeûne, ou bien pour épargner les frais de nourriture en jeûnant. Mais si quelqu'un fait un vœu pour obtenir de Dieu une chose temporelle, ou bien si l'intention est basée sur une condition (par exemple, qu'il fera périr un ennemi), alois le vœu est certainement valide (2). Remarquons ici que celui qui fait le vœu de commettre quelque péché, quand bien même il ne serait que véniel, commet par cela même un péché mortel, puisqu'il voudrait qu'une chose qui déshonore Dieu, passât pour un honneur rendu à Dieu (3). Ëlbel, Merb. et Turian, disent la même chose à l'égard du serment de faire un péché, bien qu'en cela souvent l'ignorance excuse les hommes grossiers (4).
XXVI. On demande, en second lieu, si le vœu dé ne point demander de dispense est valide. Nous répondrons affirmativement, pourvu qu'on ne reconnaisse pas que la dispense de l'acte serait plus pro-
(0 N. 204. (a) N. 206. (?) ?. ao5. (4) N. i46.
POUR  LES  CONFESSEURS.            299
fitable pour le bien spirituel de celui qui a fait le vœu ( ? ).
XXVII. En troisième lieu, si le vœu de se marier est valide. Ordinairement il n'est pas valide, quand bien même on formerait le vœu de se marier avec une femme pauvre ou de mauvaise vie, à moins que le mariage ne se fit pour éviter le scandale, ou pour réparer Thonneur enlevé, ou bien quand l'homme veut s'établir, et qu'il ne peut pas employer d'autres remèdes pour modérer ses passions, après avoir reconnu son inrontinence par l'expérience (2).
XXVIII. On demande, en quatrième lieu, si le vœu de ne pas faire de vœux est valide. La validité existe lorsque quelque personne fait des vœux avec trop de facilité, ce qui la met en danger de ne pas pouvoir les observer. Ainsi, si, après un tel vœu, elle en forme un autre, elle est coupable. Mais ce second vœu est valide, pourvu qu'elle n'ait pas exprimé l'intention que tous ses vœux futurs soient invalides, et qu'elle n'ait pas révoqué cette intention, comme déjà, la révocation semblerait faite, si elle faisait un second vœu en se rappelant bien le premier. Si quelqu'un faisait plusieurs vœux incompatibles, il serait tenu au plus digne, et s'ils avaient tous le même mérite, ^uplus ancien, suivant l'opinion générale des docteurs (3).
XXIX. En parlant de l'obligation du vœu, nous devons remarquer plusieurs cas ; i° si la matière est grave, le vœu oblige gravement ; mais si quelqu'un voulait s'obliger à ce vœu, sous une obligation légère, il est plus probable qu'il resterait seulement
(x) N. ao8.  · (a) N. aog. (S) N. aog.
 INSTRUCTION PRATIQUE
obligé «« 6 levi (1). Si la matière est légère, on ne peut pas s'obliger à un vœu sous une obligation grave. Si quelqu'un faisait le vœu de faire chaque jour de l'année un ouvrage léger, dans un tel cas, quand le vœu est fait per modum unius, adboU'ui-tandam obligationem (comme cela se juge ordinairement dans les vœux réels), alors en négligeant cette tâche pendant un certain temps ou en matière notable, il pécherait grièvement ; au contraire, si le vœu est fait in honorem Dei, ad finiendam obligationem (comme cela se fait dans les vœux personnels), par exemple, de dire un Salve Regina un certain jour, alors les omissions sont seulement vénielles (2). 20 L'héritier est obligé par justice à tous les vœux réels de son testateur, et il doit d'abord remplir les legs désignés, et ensuite acquitter les dettes légales du défunt (?). 5° II est permis au père de famille de faire des vœux réels, quand même par là il léserait en quelque partie, mais modérément, la légitime de ses enfants. Il ne peut pas cependant le faire à l'article de la mort, parce que, dans un tel moment, il doit disposer de ses biens suivant la volonté de la loi (4)· 4° Le père ne peut pas obliger ses enfants aux vœux formés en leur nom, de même que la communauté ne peut obliger ses futurs (5). 5° Les vœux personnels doivent être remplis par celui qui les a formés ; mais les vœux réels peuvent l'être par d'autres (6).
(1) N. ai5. (a) N. an. (?) ?, 8?4.
(4) ?. ai5.
(5) ?. 9i6.
(6) ?. a 17.
POUH  LES  CONFESSEURS.             3?1
XXX.  6° En parlant des vœux conditionnels, remorquons que si la condition est déshonorante ou impossible, le vœu est nul (1). Si, par exemple, un fils fait le vœu de jeûner, sous la condition que son père y consente, il ne pèche pas s'il le prie de ne pas donner son consentement. Il pécherait, au contraire,  s'il obtenait le refus par ruse ; néanmoins il est plus probable qu'il resterait dégagé du vœu, puisque la condition qui s'y rattache n^serail· pas accomplie. 70 Quant à celui qui fait vœu de chasteté sous la condition, par exemple, que Dieu, pendant une année, le délivrera de fautes graves, et qui succombe dans l'intervalle ; s'il succombe à dessein pour se dégager de son vœu, il est certain qu'il pèche contre ce vœu ; il en serait autrement s'il succombait par pure fragilité (2}. 8° Celui qui fait le vœu de payer quelque amende s'il joue, n'a besoin que de payer la première fois. Mais s'il avait fait le yœudene jamais jouer sans payer cette amende, il doit la payer toutes les fois qu'il joue, excepté qu'il ne se démette de son vœu en jouant tout-à-fait (?).
XXXI.  9° Celui qui fait un vœu dis^onctif, et choisit telle ou telle partie pour y satisfaire,  est obligé de l'accomplir, quand bien même l'autre partie du vœu détiendrait impossible après le choix fait II en serait autrement si l'une des parties devenait impossible avant le choix, car alors il ne serait tenu à rien, et lorsquele choix n'est pas encore fait, il est probable qu'il peut se décider pour la partie qu'il préfère (4). io° Celui qui a fa.it le vœu d'en-
(1) N. ai9. (?) N 2og. (5j N. 223.
(4) N. aM-
??2            INSTRUCTION PRATIQUE
tendre la messe chaque jour, n'est pas obligé probablement d'en entendre deux les jours de fête. Celui qui fait le vœu de réciter le rosaire, s'il n'en récite que la troisième partie, satisfait certainement au vœu, lorsqu'il est accompagné. Celui qui fait le vœu de jeûner tous les samedis, n'est pas probablement obligé au jeûne, quand Ja solennité de Noel tombe ce jour-là, à moins qu'il n'ait fait la pro-messeftussi pour ce jour (1)·
XXXII. 11" Si quelqu'un remplit l'obligation du vœu, mais sans se rappeler le vœu, il n'est pas tenu dele faire de nouveau, parce que chacun a ìa volonté générale d'accomplir les choses d'obligation et ensuite colles de pure dévotion, comme l'enseignent communémentLessius, Sanchez, Laymann, c. X, n, 190. Beaucoup de docteurs prétendent que celui qui a un motif probable d'avoir satisfait à l'obligation de son vœu, n'est pas tenu de le faire de nouveau. C'est ainsi que pensent Lugo, Lavm., Roncagl., Viva, Bossio. et Sahnant. (2). Mais je prétends le contraire, comme je l'ai dit chap. ?., ?. 17., vol. fin.
?????. On demande, en premier lieu, si quelqu'un, ajant fait vœu de jeûner un jour détermine, est tenu, s'il laisse passer ce jour, à l'accomplissement du vœu ? Il n'y est pas tenu si le jour est précisé, ad finiendum obligationem, ce qui, dans le doute, sepiésume à l'égard des vœux personnels, comme nous l'avons dit plus haut. Ce serait autrement sî le jour était désigné ad solliciiandam obligationem, comme on le présume des vœux réels (5).
(1) N. aa4 et 226.
(a) N. au6. et lib. ?. ?. ;6.
{?) N, aâo,
POUR LES  CONFESSEURS.             So5
XXXIV.  On demande, en second lieu,  quel temps est nécessaire pour que quelqu'un pèche grièvement, en différant l'accomplissement de son vœu ? Si le vœu est perpétuel, comme l'est celui de religion, il pèche grièvement suivant les docteurs, s'il diffère plus de six mois sans motifs ; car, s'il est jeune, il peut licitement, par de justes causes, différer pendant trois ou quatre mois. Mais si le vœu est à temps, comme de réciter des rosaires, de faire des pèlerinages et autres choses semblables, Castrop., Salman., Garcia et Lacroix disent qu'on  pèche grièvement quand on le diffère pendant deux à trois années (1). Le vœu indéterminé (par exemple, de réciter le rosaire chaque jour) est regardé comme perpétuel (2). Mais dans le doute du plus ou du moins, il suffit que la personne satisfasse à la moindre partie de ce qui est en doute, comme on le voit (Cap. ex parle de censib.)..
XXXV. On démande, en troisième lieu, si quelqu'un, ayant fait vœu de religion, est obligé de l'accomplir ? S'il a fait un, vœu simplement do religion, il est obligé d'y entrer et de persévérer ; autrement, en sortant sansmolif légitime, il pécherait gravement, à moins cependant qu'il ait eu seulement ï'întenlipn de faire un essai. En outre, il aurait un motif légitime de rompre son vœu, s'il trouvait un tel état de vie*supérieur à ses forces, ou plutôt s'il en éprouvait une profonde et longue tristesse. S'il a fait ensuite vœu'dé" profession, il est tenu de l'accomplir, même à son grand préjudice, pourvu que l'état religieux ne lui soit pas tout-à-fait intolérable.
(?, ?. aai.
(a) Loc> elli ?? Votum.
INSTBUCTION  PBATIQtIB
Remarquons de plus que celui qui, ayant fait le vœu de religion, n'est pas admis dans les monastères do sa province, n'est pas obligé d'aller ailleurs. Et si c'est une femme, elle n'est pas obligée d'aller hors de sa pairie (1).
XXXVI. Maintenant l'obligation du vœu peut être le\ée,en premier lieu, par le changement de ta matière, comme quand il survient quelque notable circonstance nouvelle ou non prévue, qui, si elle l'avait été, aurait empêché de faire le vœu (voyez au n° 20), ou bien quand la matière devient inutile ou impossible. Si le vœu peut s'accomplir en partie et commodément, on doit satisfaire à celte partie (2). En second lieu, l'obligation du vœu peut être levée par l'autorité des supérieurs, soit par l'annulation, ou la commutation, ou la dispense.
XXXVII. L'irritation (ou annulation) peut être employée par tous ceux qui ont le pouvoir de domination, comme sont les parents, les tuteurs, les prélats, les maris, ainsi que nous l'avons vu plus haut, au n° 19. Et si les vœux sont futurs, et ne sont pas encore formés par un fils, un pupille, ou bien qu'il n'y ait pas de cause suffisante d'anéantissement, cet anéantissement sans motifs ne sera pas une fautu grave (3). Ainsi, le père et l'aïeul paternel, au défaut du père et même de la mère (pounu qu'il n'y ait pas contradiction de la part du père), peuvent annuler tous les vœux formés par leurs enfants non encore dans l'âge de puberlé, comme ceux qui l'ont atteint (même dans le doute û les vœux ont été for-
Ci) Lib. IV. ?. 72. (a) Lib. III. n. a »5. (5) ?. aa8.
POUR  LES  COJÎFESSElïiiS.             3?5
mes avant ou après l'âge de puberté), quand le vœu est réel, et que l'adolescent n'est pas dans l'âge de minorité et n'a pas de biens propres ; que si le vœu était personne], ils pourraient encore l'annuler, s'il portait préjudice au gouvernement domestique. La même chose peut se dire des tuteurs et des curateurs ( ? ). Remarquons que quand le vœu a été fait dans l'âge d'impuberté, le père peut l'annuler, même lorsque son fils a atteint l'âge depuberté, pourvu quele fils ne l'ait pas ratifié, en sachant déjà que ce vœu n'était pas valide(2). De plus, les prélats d'un ordre religieux et même de localités, pourvu que le prélat supérieur n'ait pas approuvé le vœu, peuvent anéantir tous les vœux (excepté celui de passer dans un ordre plus sévère) formés par les religieux qui leur sont soumis, parce que les vœux des novices peuvent seulement être suspendus. Une abbesse peut aussi avoir cette même faculté, mais non celle de dispenser, suivant un grand nombre de docteurs, tels que Suarez, Bonac, Filliuc., Salman, (?). Remarquons en outre que les vœux faits avant 1 a profession, sont tous annulés par cette même profession (4). De plus, les maris peuvent annuler tous les vœux de leurs femmes, quand bien même ils ne porteraient pas préjudice à la famille ou au mariage, comme l'admettent avec beaucoup de probabilité, Soto, Sanchez, Prado, Salman. Ils ont la même faculté pour les vœux qui ne doivent s'accomplir qu'après leur mort, comme ceux d'entrer dans un ordre religieux, de garder la chasteté, en suivant ce que disent Sanchez, Soto, Salman.,
(?) N, 229 cta3o..(a) N. a38.
(?) Lib. III. n. 93a. et lib. IV. ?, 54} (4) Lib. HI. ?. 237.
?. ????.    ,                     ao
5?6            INSTRUCTION PRATIQUE
contre Navarre et Cajetan (i). Mais les vœuxformés antérieurement au mariage ne peuvent être annulés par les maris à moins qu'ils ne leur portent préjudice (2), comme serait le vœu d'un long pèlerinage, ainsi que celui de non. petendi debitum, vœu qui en outre, et très probablement en ce qui touche le mari, est annulé de lui-même, comme matière inepte (3).
XXXVIII. Remarquons ici, en premier lieu, que, suivant saint Thomas, les vœux des sujets ne sont pas annulés d'eux-mêmes, mais ils sont valides tant qu'ils ne sont pas annulés par les supérieurs, parce que bien que les inférieurs doivent avoir leur volonté soumise à leurs supérieurs, ils ne sont pas pour cela privés de son usage (4). En second lieu » qu'un supérieur (comme serait un père, un prélat, un mari) peut légitimement annuler les vœux d'un inférieur, même après les avoir approuvés pendant quelque temps, puisque celui-ci ne peut, bren qu'il le voudrait, leur enlever cette faculté que leur accorde même la loi naturelle. J'ai dit validement, parce qu'en anéantissant un vœu sans motif légitime, on se rendrait coupable au moins d'une faute vénielle, mais on ne pècheraitpas gravement. C'est la doctrine de Soto, Suarez, Bonac, Valen., Spor., Perrin et autres (5).
XXXIX. La commutation des vœux ne peut se faire que par l'autorité de l'Église, au moins pour le cas où la commutation se fait en une œuvre quelquefois moindre ou douteusement égale, parce que, si elle était évidemment égale, beaucoup d'auteurs tels
(ït ». 2S4.
(2) N. a37.
(3) N. i55.
(4) N. a3i.
(5) N. a59,
POUR  LES  CONFESSÈÌJÌtS.             §07
que Lessius, Sa, Salmant., Bonaci., prétendent que la commutation peut être faite, même par la personne quiafait le vœu (1). Mais je préfère, arec Saint Thò mas, Cajetan, Suar. etd'autres, l'opinion contraire, parce que la commutation,  comme le dit le saint docteur est un contrat qui ne peut se faire sans l'assentiment d'un prélat. D'un autre côté, les docteurs, tels que Suarez, Asori, Valèn, Laymann et autres admettent communément que la commutation peut être faite par la personne elle-même, en une *éuvfe meilleure, parce que le moindre est compris dans lé meilleur. Remarquons ici, en premier lieu, que si la commutation se fait en une œuvre meilleure, on n'exige pas de motifs ; il en est autrement si elle a lieu en une œuvre égale. Au reste, on peut présenter pour motif légitime la petitesse du danger de la transgression, ainsi que le trop grand entraînement du sujet, et si l'œuvre est douteusement égale il suffit qu41 y ait un inconvénient remarquable dans l'accomplissement, mais si l'œuvre est changée en une autre moindre, il est probable, suivant Sanchez, Tambu., Candido, qu'on peut validement et légitimement accomplir cette œuvre moindre, si l'on y supplée par l'adjonction d'une autre œuvre (2). Reifiar-quons, en second lieu, que celui qui a la faculté de commuer les vœux, ne peut les commuer qu'en œuvres égales, c'est-à-dire moralement égales, suivant l'opinion commune, de manière qu'un excès notable ne paraisse pas (5). Il est très probable que les vœux réels peuvent se commuer eh vœux personnels, et les personnels en réels suivant Suarez, Laymann,
(? ?. 2',4·
(a) N. a44 et 245.
(3) N. a47.
3?8            INSTRUCTION  PRATIQUE
Castrop., Salin., etc. (1). Remarquons, en troisième lieu, que, quand la commutation du vœu est faite, on peut toujours revenir au premier, quand bien même la commutation aurait été faite en une œuvre meilleure ; pourvu toutefois que le second vœu ne soit pas regardé comme nouveau, ainsi que l'observent Gastropal., Prado, etc. (2). Mais si quelquefois l'œuvre commuée devient impossible, on demande s'il y a obligation de revenir au premier vœu : cela doit être ainsi si la commutation s'est faite librement et par son propre choix ; il en est autrement si elle provient de l'autori fe de l'Église ; et Cela a lieu encore même quand l'œuvre est devenue impossible par sa propre faute (?). Remarquons, en quatrième lieu, que celui quia la faculté de commuer pour les autres (et la même chose a lieu à l'égard de la dispense ) la possède aussi à son égard, suivant la doctiine de Suarez, Azor, Sanchez, Salm., Prado et autres,, avec saint Thomas (4), qui enseigne expressément quelle prélat peut même se dispenser lui-même du vœu qu'il a fait (5).
XL. De plus graves motifs sont nécessaires pour la dispense du vœu que pour' sa commutation. Les motifs suffisants pour la dispense sont d'abord, i°le bien de la communauté ou de l'Église, ou de la famille, ou bien du sujet lui-même ; par exemple, quand on juge la dispense d'un plus grand profit pour lui, comme on le voit dans le chapitre Magnœ, de voto, ou bien quand il est en danger de
(1) Ibid. Nuland.
(2) N. a48.
(3) N. 249.
(4) 2. a. q. 186. a. S,
(5) Lib, III, n. a49· ]
POUR IBS  CONFESSEURS.
transgresser le vœu, ou bien encore quand il est fatigué par les scrupules ; 2° la difficulté notable de l'accomplissement du vœu ; ?° l'imperfection de la liberté ou de la délibération ; par exemple, quand quelqu'un forme un vœu lorsqu'il n'est pas encore en âge de puberté, ou sous l'influence de la colère, ou de la crainte intrinsèque d'incendie, de naufrage, etc., ou de la crainte extrinsèque légère ; 4° par la cessation de la cause impulsive du vœu (1).
XLI. Remarquons, en premier lieu, que si véritablement le motif est juste, mais que le prélat ait accordé la dispense avec mauvaise foi, en la croyant injuste, cette dispense est probablement valide, encore qu'elle ait été accordée par un délégué, suivant la doctrine de Suarez, Ponce, Sanchez (2). Au contraire, si le prélat a dispensé de bonne foi, mais si le motif n'est pas certainement suffisant, la dispense est nulle suivant l'opinion la plus vraie. Voyez à ce sujet au chap. 11, ?. 52. Nous avons dit certainement, parce que dans le doute la possession est en faveur de la validité de la dispense (?). Si le motif ne suffit pas pour la dispense, elle peut encore avoir lieu en y suppléant par quelque commutation (4) ·
XLII. Remarquons, en second lieu, que si le vœu est fait pour l'utilité d'un tiers, et que ce tiers soit déterminé, c'est-à-dire un certain pauvre, une telle église, on ne peut dispenser de ce vœu toutes les fois qu'il a été accepté par le pauvre, ou par le recteur de cette église. Mais si le vœu a été fait en faveur d'un pauvre indéterminé, la dispense peut avoir
(1) N. a52 et a55.
(2) Lib. ?. ?. ?8?. (5) Lib. ??. ?. 251. (4) ?. a55.
INSTRUCTION PRATIQUE
lieu, quand bien même le vœu aurait été accepté par quelque pauvre. Un grand nombre de docteurs, tels qpe CajeLan, Navarre, Viva, Trullench., Henriq., contrairement à Suarez, Sanchez, etc.,,disent la même chose du vœu fait principalement en l'honneur de Pieu, ou secondairement en faveur d'un tiers par quelque égard particulier, par exemple, à cause de sa pauvreté, de sa bonté, etc., parce qu'alors le pauvre n'a pas acquis un vrai droit à la chose promise, ou qu'il l'a acquis déperidamment de la volonté de Dieu, à qui la promesse a été faite principalement (}), Mais il faut bien observer que cela s'entend des promesses totalement gratuites,maisnon des mutuelles, comme cela a lieu pour les vœux et les serments de persévérance qui se prononcent dans les communautés religieuses ; parce qu'alors ils assument la responsabilité du contrat, comme on l'a expliqué plus haut au ?. 19, a\ ec l'autorité du SQU-yepain pontife, BenoîtXIV (2).
XLIII. Remarquons, en troisième lieu, que tous les prélats qui ont 1?* juridiction ordinaire du for extérieur, qntla faculté de dispenser ; comme sont, 1 ° le pape à l'égard de tous les fidèles ; 2° }es évêques à, l'égaré de Jeurs diocésains ; mais non leurs vicaires ni leurs curés, ni leurs pénitentiers ; 5°les prélats réguliers à l'égard des profès et dés novices ; bien qu'Us, eussent fait le vœu étant encore dans le monde (comme le disent Lessius, Sanchez et Busem. ), au moins peuvent-Us suspendre le vœu en tant qu'il porte préjudice à leur nouvel état de vie (S) ; 4° les
(1) N. 255.
(a) Ibid. ?. Notandum.
(3) ?. a37· ?. Quser. in fin. et a4a. ad. 4.
POUR  LES CONFESSEURS.             511
confesseurs mendiants, qui, avec la permission de leurs supérieurs, peuvent dispenser les vœux des séculiers, même hors de la confession, suivant l'o-pinion commune de Lessius, Navar., Sanchez, Palm., Salin, (?). Les mêmes peuvent encore dispenser du vœu de passer dans un ordre plus rigide. Ce qui est encore accordé aux évèques, qui à l'égard de leurs diocésains qui ont fait le vœu d'entrer dan ? quelque ordre d'observance, peuvent les dispenser, pour les faire entrer dans un ordre de moins sévère observance : Soto,Less., Sanch., Salm. (2).
XLIV. Tous les supérieurs qui ont l'autorité ordinaire peuvent certainement la déléguer à chaque clerc qui a reçu au moins la première tonsure. Et comme ils peuvent dispenser les autres, ils ont la même faculté pour eux-mêmes (Suar., Sanch., Less., Bpn,,Laymann,Gaet., Ponce., Castro., saint Thomas. 2. 2. 9. i85. a. 8. in fine (5). Ceux qui ont la faculté de dispenser pour les vœux, l'ont aussi pour
les serments (4)·
XLV. Maintenant, l'évêque peut-il dispenser des
vœux les voyageurs qui se trouvent dans son diocèse pendant peu de temps ? L'opinion la plus probable est qu'il ne le peut pas, à moins que le voyageur n'y ait séjourné.pendant la plus grande partie de l'année. Mais l'opinion contraire n'est pas improbable, conjme le disent S,uarez, Castrop., Sanchez, Soto, Sali ». » parce que, disent-ils : Si les voyageurs, même ceux qui ne font qu'un court séjour daps une contrée, deviçnW sujets de l'éjêque, et par là sont te.nu.aa
(a) N. a57.
(3) N. 256.
(4) N. 190 et a54.
3l8            INSTRUCTION  PRATIQUE
l'observation des lois du lieu où ils se trouvent, de même, il est juste qu'ils jouissent des privilèges des véritables diocésains. (Voyez ce qui est dit au chapitre u,n. 24 et42.)
XLVI. Remarquons en quatrième lieu que le pape s'est réservé la dispense de cinq vœux, c'est-à-dire de profession religieuse, de chasteté et des trois pèlerinages, à la Terre-Sainte, à l'église de Saint-Pierre et Saint-Paul, à Rome, et à Saint-Jacques de Compos-telle. Néanmoins, dans un cas d'urgente nécessité, et quand il n'est pas facile de recourir au pape, lorsqu'il y a danger spirituel ou temporel, comme de scandale, de violation du vœu, de rixes, alors les inférieurs peuvent être dispensés de ces vœux, suivant l'opinion commune, ' par les prélats subalternes nommés plus haut ( 1 ).
XLVII. -Dans plusieurs cas, les vœux que nous avons nommés ne sont pas réservés : i° s'ils sont faits sous obligation légère ; 20 s'ils sont faitspar une crainte extrinsèque imprimée par les autres, bien que cette crainte soit légère, parce qu'alors ils ne sont pas faits avec pleine liberté ; 3° si le vœu n'est pas parfait suivant la matière réservée, comme serait, à l'égard de la chasteté, le vœu seulement de ne pas se marier, de ne point commettre de fornication, de ne pas demander le devoir conjugal, ainsi que le vœu de conserver sa virginité, quand la personne n'entend pas promettre l'abstinence de tout acte vénérien, mais la seule conservation du prix de la virginité. De même le vœu de chasteté à temps, le vœu de faire' vœu de chasteté,ou de profession religieuse, le vœu de recevoir les ordres sacrés ne sont pas réservés, parce que ce
(1) N, a58 Y, not. 1 et 11.
Yœu n'est pas un vœu de chasteté fait, mais à faire. Il en est de même pour le vœu d'aller à Rome, s'il n'est pas fait par motif de dévotion, et spécialement pour visiter les tombeaux des saints apôtres ; ne sont pas non plus réservées les circonstances ( u vœu, comme d'aller à pied ou en mendiant, dans l'espace d'un mois (1). Il en est de même du vœu di ijonctif, comme celui de profession religieuse, ou d ; jeûne ; et cela a encore lieu quoiqu'on ait adopté la partie réservée, comme le disent probablement les théologiens, de Salamanque, contrairement à beaucoup de docteurs, parce que le choix même étant fait, il reste toujours la liberté de retourner à l'adoption de l'autre partie du vœu (2). A l'égard du vœu de chasteté, après que le mariage a été contracté, les évêques peuvent encore dispenser, ainsi que les confesseui s mendiants, quand bien même le vœu aurait été f it avant le mariage (5).
XLVIII. On doute, en premier lieu, si, de même que le vœu de chasteté est réservé, le ser nent de chasteté Test aussi. Quelques docteurs Tau irment, parce que la promesse jurée renferme le \œu, qui n'est autre chose qu'une promesse. Mais d'autres répondent avec raison que, quand la per sonne a l'intention de se lier par deux obligations, c'( st-à-dire celles du vœu et du serment, elle reste bier obligée au vœu qui est réservé ; mais on doit dire autrement si une personne n'a voulu se lier que par le serment, voulant que le propos ou sa promesse non obligatoire soit irrévocable, non d'après le lien eu vœu,
(1) N. a58.
(a) N. aa4. v. Quser.
(5) Lib. VI. 0. 989· 990 et 1129.
3l4            INSTRUCTION  PRATIQUE
mais d'après l'obligation du serment qui, d'un autre côté, oblige moins que le vœu, suivant saint Thomas (?), Sanchez, Valentin et Lopez. Dans le doute si la personne a voulu ou non se lier par les deu ? |iens du serment et du vœu, elle ne doit pas êlre considérée comme liée par le vœu, par la règle communément reçue des docteurs que le vœu douteux n'oblige pas (2).
XLIX. On demande, en second lieu, si, en eora-muant le vœu réservé, la matière commuée reste encore réservée ; quelques docteurs ? affirment ; mais l'opinion contraire est commune, parce que, si la matière commuée porte avec elle l'obligation du premier vœu j elle ne porte pas avec elle la même réserve qui n'est adhérente qu'à sa première matière (3).
L. On demande, en troisième lieu, si le vœu pénal ou conditionnel futur de chasteté, de profession religieuse ou des trois pèlerinages, est réservé. Je réponds, avec l'opinion la plus probable de Toledo, Castrapal., Prado, Salm., Sanchez, que non, parce que de tels vœux ne procèdent pas d'une affection absolue à la vertu. Mais on doit dire autrement, si le vœu est fait par pure affection à la vertu, et que la condition y soit mise seulement afin que le vœu soit valide, à partir du temps où l'empêchement pour l'observer sera levé, comme, par exemple, si quelqu'un fait vœu d'entrer dans un ordre religieux, avec cette condition, quand sa mère sera morte, parce qu'alors il est véritablement décidé à faire le vœu du
(1) 2. a. q. 89. a. 8. (a) Lib. III. ?. a5g. (5) ?. a6o.
POUR LES  CONFESSEURS.             3l5
désir de perfection ; mais ne pouvant pas l'exécuter encore parce qu'il ne peut pas abandonner sa mère, il y met cette condition (1).
LI. On demande, en quatrième lieu, si le pape peut dispenser lors des vœux solennels des clercs, in sacris, et des religieux. Quant aux clercs, il est plus probable qu'il a cette faculté, suivant saint Thomas et l'opinion la plus commune, pourvu qu'il y ait une cause très urgente (a). Nous avons dit à l'égard des clercs, mais non des prêtres, comme le veut l'opinion commune (5). Et si le pape a cette faculté pour le » clercs, il est plus probable qu'il l'a aussi pour les religieux (4).
AVERTISSEMENT.
J'avertis ici mon lecteur que s/il lui est tombé en^re les, mains, ?? si jamais il lui tombe une nouvelle brpchyre sur lq. malédiction des morts, nou-veljemenj ; éditée, et intitulée, Littera ipocr'uica, etc., dans laquelle pn s'efl'prpe 4e prouver que cette malédiction, est ?? véritable blasphème, contrairement à ce que j'ai déjà écrit plusieurs fois sur ce point, qu'il rçe ponclue pas de ce qu'il ne voit pas ma réponse, qu.e je su^s resté convaincu. Mon adversaire, dans pette nouvelle brochure, semble vouloir me contraindre à répqpdre ; mais depuis que j'ai fait ma dernière réponse, je veux de toute manière tenir ma résolution de ne plus répondre sur cette matière, à mqjns qu'on ne me proie convaincu de l'opinion
(i) Lib. III. n. 261. (a) Lib. VI. ?. ??59. (?) Lib. ??. p. 8o8. (4) Ljb,. VI* ?. ©07 et 808. rid. etiam. ?. io3g.
5l6           INSTHUCTION PBATIQUE
contraire. Or, j'aurais à répéter des choses dites et redites. Quoi qu'il en soit, en lisant ce que j'ai déjà écrit sur ce point plus haut, on peut voir ce que je réponds à ce qu'il m'oppose. Mais ces raisons, dit mon adversaire, seront toujours insuffisantes. Je réponds qu'elles ne me semblent pas insuffisantes ni à beaucoup d'autres docteurs. J'ai déjà écrit, et je me plais à répéter, que n'ayant pas trouvé ce sujet individuellement discuté dans les auteurs (excepté trois qui l'ont à peine effleuré, et qui disent en outre que la malédiction des morts n'est pas un blasphème) ; pour mon repos, je veux m'appuyer des célèbres congrégations des missionnaires de Naples, dites du père Pavoni, de l'archevêché et de Saint -Georges, dont les trois secrétaires, au nom de ces mêmes congrégations (et j'ai eu le soin de conserver les lettres), m'ont répondu qu'ils étaient de mon sentiment. J'ai reçu la même adhésion de Mons. Sa-batini, maintenant digne évêque.d'Aquilée, alors pieux ouvrier, et il me marquait que tous les pères de sa congrégation ne pensaient pas autrement. D'ailleurs, j'ai appris que dans plusieurs diocèses on avait ôté la réserve qui étaitposée sur ladite malédiction des morts. Que mon adversaire, dans sa dernière lettre, se soit attaché à m'outrager en répétant plusieurs fois que je veux garder mon opinion par entêtement, il ne pouvait faire moins, après que j'ai protesté > plusieurs foîst que j'ai écrit pour délivrer i eaucoup de personnes habituées à cette malédiction, du poids de tant de péchés mortels, et par conséquent du péril de leur damnation. Et dire avec tant d'exagération que je refuse par entêtement, ne sert pas beaucoup à sa cause ; parce que l'on peut penser avec beaucoup plus de fondement qu'il veut
POUR LES CONFESSEBBS.
se faire regarder comme vainqueur, non par la force de ses raisons, mais eu me discréditant comme entêté, et en faisant croire aux autres que je ne me rétracte pas pour ne pas me déclarer convaincu. Mais pour la courtoisie avec laquelle j'ai agi à son égard, en disant qu'il a écrit dans de bonnes intentions, courtoisie dont il ne se sert pas à mon égard, je pense la trouver dans les autres, qui ne penseront pas que par mon seul entêtement je veuille me damner en soutenant une opinion que j'aurais reconnue comme fausse. ,
II pourrait encore s'abstenir de montrer tant de mépris dans la réprobation de la proposition suivante que j'ai écrite : « Quand il s'agit des sacre- » ments, il n'est pas permis de suivre l'opinion plus » probable, quand l'opposée est probable, bien que » moins probable. »
Donc, me réplique-t-il, en matière de sacrement nous sommes' tenus de suivre l'opinion moins probable contre la plus probable. La proposition condamnée disait qu'en traitant de la valeur des sacrements, il est permis de suivre l'opinion probable en laissant la plus sûre ; mais vous dites une cfrosebien plus forte, puisque TOUS dites que non seulement il est permis de suivre l'opinion probable, mais de plus que cela entraîne àlaisser la plus probable pour suivre l'opposée moins probable. Je réponds qu'en cela il devait suffire à mon adversaire de dire qu'à cet égard je ne m'étais pas suffisamment expliqué. Mais qui ne voit pas quejdire : en traitant des sacrements, il n'est pas permis de suivre L'opinion plus probable, s'entend en faveur de la liberté et contre la valeur du sacrement ? Quine voitpas que l'opinion en faveur de h valeur peut être légitimenjent suivie,
3l8             INSTRUCTION  PRATIQJOB
quand même elle serait très improbable ? Et moi, au contraire, dans plusieurs ouvrages de morale, j'ai écrit (théol. in. lib. cap. 2. n. 29, et dans les inser, c. 1. n. 25 et. cap 18. n. 81), j'ai dit tant de fois" que contre la valeur du sacrement on ne pouvait adopter l'opinion en faveur de la liberté, si elle n'est pas plus sûre, ou au moins moralement certaine ; et que ni la probable, ni la plus probable ne suffisent ; d'où toutes les fois que l'opinion plus sûre pour la valeur est probables on doit la suivre.
Au reste, en revenant au point en discussion, j'ai lu la dernière lettre qui m'attaque ; je l'ai examinée et je n'y ai pas trouvé une seule chose capable de mê persuader* et, pour mon repos, j'ai déjà marqué les réponses à faire à ce qu'écrit mon adversaire ; mais je ne les livre pas à l'impression, pour ne pas toujours recommencer cette discussion. Il suffit qu'on remarque que j'ai déjà écrit cinq fois à ce sujet. Je prie seulement mon lecteur que s'il lit sa nouvelle brochure, il lise et relise ce que j'ai dit en peu dô mots sur cette matière. A la différence de mon adversaire, qui juge devoir écrire avec diffusion, moi, au contraire, j'ai pensé et je pense toujours que, dans toute matière, afin que les écrits se lisent plus facilement, comme aussi pour la plus grande intelligence des lecteurs, il valait mieux (proportionnellement parlant) se restreindre aux raisons les plus fortes qui concernent cette matière, et aux réponses aux principales objections. Car vouloir répondre à une chose de peu d'importance, c'est vouloir mettre de la confusion ou du moins donner de l'ennui au lecteur. Si j'avais voulu répondre minutieusement, comme mon adversaire m'invite à le faire, j'aurais eu à commenter sa lettre comme je l'ai déjà fait à part
POtJft IBS CONFESSEURS*            O\tf
moi, et il aurait fallu un gros volume et un temps considérable ; mais je préfère employer ee temps à des choses plus utiles.
CHAPITRE VL
Dli  TROISIÈME pHctPTÉ.
PREMIER POIMT.
De l'obligation de ce précepte.
1. Si ce précepte est aujourd'hui ecclésiastique ? » divin, et s'il oblige les infidèles.
2.  Si l'on pèche le jour d'une fête.
3. Qui peut instituer les fêtes.·
4. Obligation d'entendre les prédications.
5. Obligation de prêcher.
6. Étendue de l'obligation pour les enfants, etc. I. Avant d'examiner les obligations particulières,
imposées par le troisième précepte, nous devons remarquer plusieurs choses : i° qde ce troisième précepte, quant à l'obligation d'honorer Dieu dans tous les temps de la vie avec un certain culte, a toujours été, et est encore divin et naturel. Mais quant à l'époque assignée pour le sabbat dans l'ancienne loi, et pour le dimanche dans la nouvelle, il était cérémonial, et aujourd'hui il est ecclésiastique, suivant l'opinion commune de saint Antonin, Navarre, Azor, Soto, Suarez, Cajetan, Sanchez, Salmant, Cafd., et
520            INSTRUCTION  PBATIQUE
de plusieurs autres, avec saint Thomas (i) et le Catéchisme romain (2). Cela étant posé, on conclut que, bien que l'Église ne puisse dispenser généralement de l'obligation d'honorer Dieu par un culte déterminé, elle peut néanmoins faire des changements à ce culte et même dispenser de l'observation du jour du dimanche et', des autres fêtes assignées, comme on le voit d'après le chapitre Licet de feriis (?). De là on conclut encore qu'il est permis probablement d'imposer des ouvrages serviles pendant les jours de fête aux infidèles qui sont hors de l'Église et ne sont pas ses sujets.
II. Nous remarquons, en second lieu, que, suivant l'opinion 'commune de saint Thomas (4), de saint Antonin, de Soto, Coninch., Sanch., Salm., Covar., Bonaci., Filliut., par ce troisième précepte on désire, mais on n'impose pas le culte intérieur, comme les actes de charité, de contrition, ce que quelques docteurs prétendent. Il commande seulement le culte extérieur, qui consiste à entendre la messe et à ne pas travailler les jours de fête. Car si la sanctification de l'âme est la fin de ce précepte, néanmoins la fin du précepte ne se confond pas avec le précepte, comme l'enseigne saint Thomas en disant' : « Non » enim idem est finis praecepti et id de quo praeceptum » datur (5-). » Le Catéchisme romain confirme encore la même chose en disant : « Hoc legis praecepto ex- » tenuis ille cultus, qui Deo a nobis debetur prœscri·
(1) 3. 2. cf. îS2. a. 4. ad. 1 et /(.
(2) Lib. III. p. da prae. ?. 4. 6 el (?) Lib. Ill, ?. a63 et 2?5.
(4) a. a. q. îaa. a. 4.
(5) a4 a. q. 100. a. 9
POUB  LKS  CONFESSEBRS.             321
 »bitur (?). » C'est pour cette raison que nous disons, avec le docteur angélique (2), et suivant l'opinion la plus commune de Navarre, Soto, Silvest., Cajet., Suar., etc., qu'il n'est pas vrai (comme le prétendent quelques docleurs), que pécher un jour de fête, soit une œuvre servile et un double péché (3).
III. En troisième lieu, les évêques peuvent instituer des fêtes en l'honneur de quelque saint ( mais non d'un béatifié ), comme on le voit d'après le canon Conqueslus de feriis, pourvu qu'il y ait assentiment, ou au moins qu'il n'y ait pas contradiction de la part du clergé et du peuple.
IV. En quatrième lieu, les jours de fête, il n'y a pas obligation (parlant en soi-même) d'entendre les prédications, puisque le canon Sacerdotes. Dist. 1, de fionsecr., ne prescrit rien autre chose, sinon que les-évêques et les curés fassent des prédications les dimanches et les jours de fête plus solennels, par eux-mêmes ou par des prêtres capables de remplir cette fonction, et que pendant le carême ils fassent des prédications trois fois la semaine, ajoutant à ce sujet : « Si ita oportere duxerint. » Nous avons dit parlant en soi-même, car les hommes grossiers qui ignorent les principaux mystères ou les choses nécessaires à leur salut, sont aussi tenus à entendre les prédications ou plutôt le catéchisme.
V. Nous devons observer ici que le concile de Trente (Sess. 5, cap. 2, de Réf.) impose aux évêques l'obligation de prêcher les dimanches et les jours de fête solennels, par eux-mêmes ou par d'autres, s'ils
(1) De 3. prsecep. n. 1.
(a) In 5. sent. dïst. 67. q, 1. n. 8 »
(3 ; Lib. III. n. 4a.
T.  XXIII.                          21
INSTRUCTION  PRATIQUE
en sont eux-mêmes empêchés. La même obligation, dont on ne peut révoquer en doute la gravité, est imposée'pareillement aux curés, suivant les paroles suivantes : « Afin qu'ils fassent entendre aux peuples qui leur sont confiés, suivant leur capacité, des paroles salutaires en les instruisant de ce qui est nécessaire pour faire son salut, leur annonçant brièvement et simplement les vices qu'ils doivent éviter, et les vertus qu'ils doivent pratiquer. » « Ut « plèbes sibi commissas pro earum capacitate pas-ïcant salutaribus verbis, docendo necessaria ad sa- »lutem, annunciandoque cum brevitate et facilitate « sermonis, vitia quas eos declinare, et virtutes quas « sectari oporteat. » D'après cela, c'est avec raison que Barbosa, Salmanl. et Roncaglia disent qu'un curé qui néglige de prêcher pendant un mois, ou pendant trois moia discontinus, pèche grièvement (?). Cela s'applique aux curés, mais non aux évoques, qui, suivant la coutume qui a interprété la loi, ne sont pas obligés de prêcher aussi fréquemment, par la raison des autres, occupations auxquelles ils sont astreints et qui ne peuvent être remplies par d'autres, ce qui peut se faire pour l'office de la prédication, et c'est pour cela que le concile permet de faire remplir cet office par d'autres, quand ils en sont empêchés (2).
VI. En cinquième lieu, tous les fidèles qui ont l'usage de la raison, ce qui arrive ordinairement à l'âge de sept ans, sont obligés d'observer ce troisième précepte. Quant à savoir si les enfants qui, avant l'âge de sept ans, ont atteint l'âge de raison, sont
(1) Lib. lU. n. a69.
(2) Lib. IV. ?. 127. dub. 3. ?. him.
obligés ou non à ce précepte, voyez ce qui a été dit au chapitre u » ?. ?>?.
SECOND POINT.
De l'abstinence des œuvres servile*.
§ I. Des œuvres défendues les jours de fête.
7.  Œuvres serviles » libérales et communes.
8. Libérales, faites pour recueillir un gain.
9.  Transcrire.
10. Peindre.
11. Aller à la chasse et pêcher.
12.  Œuvres judiciaires.
13. Achats, ventes et contrats.
VII. Les auteurs distinguent trois sortes d'œuvres relatives au troisièmeprécepte : les œuvres corporelles, qui s'exercent par le corps et sont commandées pour l'utilité du corps, comme sont la couture, le travail de la terre, etc. ; on les appelle serviles, parce qu'elles ne sont faites que par des serviteurs et esclaves ; les œuvres de l'esprit, ou qui procèdent principalement de l'esprit, et appartiennent à la culture de l'intelligence, comme l'action de lire, d'étudier, de faire de la musique ; ces œuvres s'appellent libérales, parce qu'elles appartiennent aux hommes libres ; enfin, les œuvres communes ou moyennes, qui appartiennent également aux serviteurs et aux hommes libres, comme l'action de voyager, d'aller à la chasse, etc. Les œuvres serviles sont seules défendues, les dimanches etles jours de fête, mais non les œuvres libérales et communes (1).
(1) Lib. ??. ?. 371.
3a4            INSTRUCTION  PRATIQUE
VIII. Ainsi, il est permis d'enseigner, d'étudier, d'écrire, de chanter, défaire de la musique, même dans le but d'obtenir un gain, suivant l'opinion de Soto, Navar., Suar., Salmant., etc. (contrairementà d'autres docteurs), et suivant la doctrine de saint Thomas (1), qui dit : « Nullius spiritualis actus exerci- » tium est contra observantiam sabbati, puta, si quis » doceat verbo vel scripto ; » parce que l'intention de celui qui agit ne peut changer la nature de l'œuvre libérale en servile (2).
IX.  Il est aussi permis plus probablement de copier les écritures, suivant l'opinion commune de Suar., Bonac, Salm., Sa, Caslropal, etc., parce que l'action d'écrire ou de transcrire se rattache toujours à 1 instruction de l'intelligence. C'est pour cela que plusieurs docteurs permettent aussi de copier les notes de musique, de transcrire les comptes, et même de composer les planches d'impression, mais non d'imprimer les feuilles (?).
X. La plupart des docteurs voient une œuvre servile dans la peinture, parce qu'elle exige une opération matérielle ; aaais l'opinion contraire n'est pas improbable, ainsi que l'admettent Layman., Sa, Cas-tropal., Roncaglia., Anaclet., Holzmann., etc., parce que l'action de peindre (pourvu qu'eue ne soit pas actìompagnée d'une fatigue notable dan s l'apprêt des couleurs ou autres choses semblables) est plutôt une œuvre libérale que servile, car elle dépend plus de l'intelligence que de la main ; il est au moins douteux qu'elle soit libérale ou servile. D'ailleurs si elle
(1) a, a. q. ia3. a. 4· ad. 3. (a) Lib. III. n. 278, (3) ?. 279.
n'est pas libérale, elle est au moins coi mune, puisque les esclaves comme les hommes libres pratiquent la peinture. La sculpture sans aucun doute doit être regardée comme une œuvre servile (?).
XI. Quelques docteurs prétendent que la chasse au fusil ou au filet est une œuvre servile ; mais l'opinion la plus commune et la plus prol able le nie, quand bien même on le ferait par espoii de gain. On pourrait plutôt regarder la pêche comme une œuvre servile puisqu'il en résulte une grande fatigue, et que d'ailleurs onn'auraitpasbesoindeladisp cnsedupape pour la pèche des sardines (ou autres p( tits poissons semblables), comme il résulte du chap. 3, Ue feriis. Mais si la pêche est accompagnée de peu de fatigue, la coutume l'excuse, suivant l'opinion de Castropol, Silvius, Sanchez, Hokmann., etc. (2).
XII. Outre les œuvres serviles, les œuvres judiciaires sont encore défendues les jours de fête ; on entend par œuvres judiciaires : i° toutis les actions qui concernent la justice relativement à la décision des causes ; comme l'acte de citer les parties, d'intenter les procès, d'.entendre les témoins, de prononcer ou d'exécuter la sentence. De telles œuvres sont défendues les jours de fête, po îrvu qu'elles ne soient pas exigées par la nécessité ou la piété, ainsi que le prescrit le chapitre dernier De feriis. mais il n'est pas défendu d'escommi nier, de dispenser, ou défaire d'autres exercices te juridiction qui n'exigent pas le bruit judiciaire (5).
XIII. 20 On comprend encore sous la nom d'œu-
(1) N. a8o. (a) N. a85. (3) N, a85 et 388.
INSTRUCTION PRATIQUE
vres judiciaires, les marchés qui sont prohibés ]es jours de fête, pourvu qu'ils n'aient pas lieu pour dés choses nécessaires à la \ie journalière, comme le sont les provisions de bouche et de boissons ainsi que les chandelles, les chaussures, dont le prix est déjà déterminé d'avance. Au reste, aujourd'hui la coutume a autorisé les foires universelles (et dans beaucoup de localités les foires particulières) ainsi que la vente des différentes marchandises, excepté celle qui a lieu dans les boutiques publiques, comme le disent Navarr., Sânch., Castrop., Salm.| Lacroix, parce que cette vente seule est prohibée par les lois canoniques à raison du scandale (1). Mu-sieurs docteurs permettent encore aux négociants de vendre certaines marchandises à porte close, quand les acquéreurs en ont besoin (2). La coutume autorise aussi dans beaucoup de localités (mais toujours avec la permission dé l'ordinaire) les contrats de location, d'échange, de négoce et autres choses semblables qui n'exigent pas le bruit judiciaire (3).
§ II. Des causes qui permettent les œuvres servîtes les jours de fête.
M- Première excuse : i° la dispense du pape, de l'ëvêque ou du curé. i5. 20 La coutume. \% et 17. 5° La piété, 40 !a charité. 18 à 22. 5°. La nécessité. ôe. Un grand lucre, etc. 23. La fuite de l'oisiveté.
(1) N. 285 et 286. (a) N. 3o3. in fin. (5) N. 286.
POUR LES CONFESSEURS.
24. 6° L'utilité.
s5. 7° Le peu d'importance de la matière. 2G. 8° De ceux qui font lra\ailler leurs serviteurs les jours de fête.
XIV.  Ces causes sont, i° la dispense du pape dans toute l'étendue de l'Église, ou de l'évêque dans son diocèse, ou du vicaire capitulaire quand le siège est vacant (mais non du vicaire de l'é\êque présent), pourvu qu'il y ait des motifs légitimes, en parlant dés fêtes communes, ou bien du prélat régulier à l'égard de ses religieux et de ses domestiques. Les curés peuvent aussi dispenser (nonobstant la présence dé l'ê-vêque) dans les cas particuliers, mais seulement pour un temps limité, à l'égard des choses pour lesquelles la coutume les autorise d'accorder la dispense, c'est-à-dire du jeûne, du travail le jour des fêtes, suivant ce qu'attestent communément Suar., Sanch., Viva, Salm., Sporer. (1)
XV.  20  La coutume qui permet de se  faire transporter dans une chaise à porteurs, de conduire les coches, les bêles de somme qui portent des marchandises ; suivant Roiic, Viva., Salm., Mazz. (2), elle autorise aussi l'action de cueillir les légumes nécessaires à la vie, de cribler l'avoine (?). La coutume permet aussi de tuer et d'écorcher les animaux, quand fcela n*a pu sô faire la veille, comme il arrive dans les Villes populeuses ; mais elle ne l'autorise pas dans un Village, à moins qùè ce ne soit pendant Un temps de fête, ou plusieurs fêtes arrivant en même temps. ïl est aussi permis par la coutume de préparer et de
(0 N. a86. (3) N. 375. (5) Ibid.
5a8            INSTBUCTION  PBATIQUE
faire cuire les'aliments, même en quantité superflue, suivant l'opinion d'Azor, Castrop., Viva.Mazzolta (1) ; la coutume autorise aussi dans plusieurs localités la mouture du blé (a), ce qui a lieu aussi pour l'essai des chaussures ou de se faire la barbe ; et même à l'égard de ce dernier acte, les docteurs disent que c'est une coutume perpétuelle ; mais d'autres docteurs en doutent. Au reste, quelques uns disent avec probabilité qu'il est permis généralement de faire la barbe aux hommes de peine qui ne peuvent se faire raser que les jours de fête, et ils disent qu'on peut excuser les barbiers qui, en refusant de raser les jours de fête, pourraient perdre un gain considérable (?). En parlant de la coutume, plusieurs auteurs disent que la coutume douteuse ne peut excuser, mais bien la probable, surtout quand elle est attestée par un docteur estimé. C'est la doctrine de Salas, Grenade, Viva, Salm., Mazzotta, etc. (4).
XVI. 3° La piélé ; ainsi on permet de faire les œuvres qui concernent le culte divin, comme de sonner les cloches, de porter les images des saints dans les processions, ainsi que probablement (ou au moins par coutume ), d'orner les autels et les églises, de faire cuire les hosties, de balayer les temples, de préparer les choses nécessaires à la sépulture, ou à l'exposition des choses vénérables ; mais il n'est pas permis de construire les jours de fête des estrades pourvoir les processions, à moins qu'on n'ait pas eu le temps de le faire en un autre temps (5).
(?) ?. 398. (a) N. 299. (?) ?. ago.
(4) Ibid.
(5) ?. agi et 39a.
POUR  LES  CONFESSEURS.             329
XVII. On doute s'il est permis de travailler les jours de fête par piété, comme de raccommoder les vêlements des pauvres, de cultiver les biens de l'Église, ou de tailler ou porter les pierres qui doivent servir à la construction des temples. Quelques docteurs le permettent, parce que d'après le chapitre Conquestus de feriis, les œuvres judiciaires sont autorisées lorsque la nécessité ou la piété le demandent : d'où ils concluent que l'on peut dire la même chose des œuvres serviles, parce que pour les choses équivalentes, si la raison est la même,elle vaut comme la même loi. D'autres le nient avec plus fle probabilité à moins qu'il n'y ait une actuelle et grave nécessité, ou que l'évêque ne l'ait autorisé pour des motifs légitimes, parce que les œuvres dont on vient de parler ne concourrent que de loin au culte divin. Au reste, Suarez, Salm., Solo, Cajetan, Castropal, Sanchez, Bonac.,Trullench., etc., pensent qu'à notre époque, comme il y a beaucoup de lieux saints presque tous pauvres, on peut pratiquer les œuvres dont nous avons parlé, pour subvenir àleursbesoins (1). 4° La charité qui permet de travailler pour les pauvres et de les secourir (2).
XVIII.  5° La nécessité propre ou étrangère de l'âme et du corps a lieu quand on ne peut abandonner une œuvre servile sans grave dommage ou inconvénient. On doit donc excuser, les garçons ou les serviteurs lorsqu'ils sont contraints à travailler les jours de fête, par la crainte d'une grande indigence ou d'un dommage considérable, par exemple d'être renvoyés sans pouvoir trouver facilement un
(1) N. 195. (a) N. a94·
33?            INSTRUCTION  PRATIQUE
autre patron. La môme chose peut se dire des femmes et des enfants contraints à travailler par le père de famille, suivant l'opinion de Suarez, Azor, Pala., Salm., etc. (1). On doit excuser aussi les pauvres qui sont obligés de travailler les jours de fête pour fournit· à leur nourriture ou à celle de leur famille ; comme aussi de raccommoder leurs vêtements Ou ceux de leurs parents (2).
XIX. La nécessité permet aussi de faire les expériences de médecine, de cuire la chaux, les briques, le savon, le verre, ainsi que d'autres choses qui, une fois commencées, ne peuvent pas être interrompues sans une perte considérable (3) : c'est pour cela qu'il est aussi permis de ferrer les chevaux des voyageurs, et de réparer les instruments aratoires qui doivent servir le lendemain (4), ainsi que de raccommoder les fontaines, les ponts, les voies publiques et autres choses semblables. Il est aussi permis aux tailleurs de coudre les vêtements les jours de fête pour cause de noces, de funérailles et autres choses semblables, comme, par exemple, si un étranger avait besoin d'un vêtement approprié à la localité où il se trouve ; ou bien encore si les pratiques attendaient les vêtements avec impatience, et qu'en ne les prenant pas, il dût en résulter une grande perte pour le tailleur. La même chose s'applique aux cordonniers (5).
XX.  Il est pennis aussi aux boulangers publics de faire le pain les jours de fête, soit par coutume, soit pour les besoins de la population ; car il serait à
(1) îi. « 96,
(a) N. 397. (?) S. 5oa-
(4) Ibid.
(5) ?. 3?3.
POtH LES  CONFESSEUBS.             351
craindre qu'en manquant un jour de pain, le peuple ne fît un soulèvement. Quant à savoir si la coutume autorise chacun à faire le pain les jours de fête, Tam-burini en doute avec raison, à moins que plusieurs fêtes ne se suivent, et que le pain cuit avant la première soit devenu trop dur, ou bien que le pain soit nécessaire pour la consommation du jour. La même chose peut se dire des pastilles, c'est-à-dire des pâles travaillées (1).
XXI. De même,pour éviter un dommage, il est permis de recueillir le blé, le foin, et ( au moins par coutume ) les fruits, quand bien même ils ne seraient pas nécessaires à la consommation du jour, afin qu'ils se conservent mieux, spécialement lorsqu'il y a danger qu'ils ne soient dérobés, ou gâtés par la pluie ; comme aussi dans beaucoup de localités on a la coutume de recueillir tous les jours indistinctement les olives, lés châtaignes et les autres fruits sauvages. Il est de même Communément permis de faire les jours de fête toutes les œuvres qui sont nécessaires aux usages journaliers de la famille, comme de balayer les chambres, de disposer les lits, de laver les ustensiles dé cuisine, etc. (2).
XXII. On demande en premier lieu, si la perte.d'un, grand gain peut excuser le travail les jours de fête. Beaucoup d'auteurs le nient, commeRoncaglia, Salm., parce que, disent-ils, ce n'est pas la même chose de souffrir quelque dommage comme de perdre quelque profit jmaisbeaucoup d'autres doóteurs, Sùa-rez,Cajet.,Sanch.,Nav.,Armil., Holz., Bonac.Vivà, Elbel, Maszotta, l'excusent, probablement parce que, suivant eux (1.1. c. de sentent. ), la perte d'un gain équi-
(1) N. 298.
(a) Ibid. V. Permittant.
352            INSTRUCTION  PRATIQUE
vaut à un grave dommage. Aumoins peut-on dire que, dans des circonstances semblables, le précepte du jour de fête qui est humain, n'oblige pas avec autant de dommage (i). Parla même raison, beaucoup de docteurs prétendent que pour ne pas perdre un gain extraordinaire, on peut être dispensé d'entendre la messe ; c'est l'opinion de Suarez, Castropal., Maz-zotta, etc. Toutefois, d'un autre côté, nous ne pouvons pas adopter l'opinion de quelques docteurs, qu'il est permis do partir le samedi pour aller à la chasse dans quelque lieu où il ne sera pas possible d'entendre la messe le dimanche. Il en est autrement, selon un grand nombre d'auteurs, à l'égard de celui qui part le jeudi, et encore de ceux qui doivent voyager par obligation, ou porter des marchandises (2).
XXIII. On demande, en second lieu, s'il est permis de travailler les jours de fête, afin d'éviter l'oisiveté. Quelques docteurs le nient, d'autres, tels que Laymann, Silv., Sa., Mazzolta, etc., l'affirment, quand, en agissant autrement, la personne se trouverait en danger de pécher ; parce que, disent-ils, si la nécessité qui concerne les biens du corps peut dispenser, à plus forte raison la nécessité qui concerne le bien de l'âme doit elle excuser. Je regarde cette opinion comme probable dans le seul cas où la tentation ne pourrait être surmontée d'une autre manière qu'en s'adonnant à la fatigue. Mais je ne sais si ce cas peut moralement arriver, au moins est-il très rare (?).
(?) N. 5oi. cum. castrop. tr. 5. de leg. d. 5. p. ?. a. 11· 5. Suar. cod. tit. lib. VI. e. 7. ex. n. 9. (a) Lib. III. n. 3??. V. Ob. cand. (5) N. 5oa.
POtR  LES  CONFESSEURS.            333
XXIV.  6° On excuse encore le travail les jotirs de fête par l'utilité de la magnificence publique ou de l'allégresse ;  c'est pourquoi il est permis pour les victoires, les naissances, l'arrivée des princes, d'établir des théâtres, des  feux de  joie, ou les vêtements de fête, pourvu qu'on n'ait pas pu le faire les jours précédents, parce que la coutume permet ces choses lorsque les signes d'allégresse sont moralement nécessaires à la tranquillité des peuples (1).
XXV. 7" Le peu d'importance de ?? matière excuse au moins de péché grave. Mais on demande ce qui eo nstitue le véritable travail les jours de fête. Les uns assignent l'espace de trois heures ; mais cette opinion est trop indulgente ; d'autres une seule heure, ce qui est trop strict ; d'autres, plus communément, l'espace de deux heures, ou de plus de deux heures, comme, par exemple, de deux heures et demie, suivant Valentia, Grenade, Henriquez, Buse., Lacroix et Viva, qui affirment que c'est l'opinion la plus commune. Viva et Mazzotta disent aussi qu'un plus grand espace de temps est excusable s'il y a de plus quelque nécessité, qui, cependant, ne pourrait pas seule suffire pour l'excuser (2).
XXVI. On demande, en second lieu, s'il y a péché grave de la part du patron qui prescrit ces jours là à ses serviteurs de travailler chacun pendant une demi-heure. Si le travail a lieu à la même heure, l'opinion commune dit qu'il ne pèche pas gravement. Il y a doute si le travail est successif. D'autres veulent qu'il y ait péché mortel, néanmoins l'opinion contraire est plus commune ; d'après San-
(i) N. 3o4, (a) N. 3o5,
334            INSTRUCTION  PRATIQUE
chez, Bonac, Calmant., Roncaglia, Trullench., Viva, on ne commet, en agissant ainsi, qu'un péché véniel. Cette opinion est suffisamment probable, puisque ce patron ne peut pas être plus coupable que chacun de ses serviteurs, dont le travail particulier ne peut pas certainement excéder un, péché véniel. Mais il en serait autrement si le patron ordonnait au même serviteur de travailler à plusieurs reprises dans le même jour, parce que la somme de ces différents travaux peut constituer une matière grave (1). Remarquons en dernier lieu qu'à l'égard des œuvres judiciaires, la gravité de la matière ne se mesure pas d'après la quantité du temps,, mais d'après l'importance de l'œuvre.
TROISIÈME POINT.
De l'obligAlïon d'entendre la messe.
§ I. Comment on doit accomplir cette obligation.
27. De l'intention.
28. De l'attention.
29. Celui qui pendant la messe récite l'office.
30. Celui qui célèbre.
51. Celui qui confesse.
52. Celui qui sommeille ou reçoit des aumônes.
33. Du peu d'importance de la matière.
34. Celui qui entend deux messes.
35. Du lieu où l'on peut entendre la messe.
36 et 57. Des orateurs, et quand l'ëvêque peut célébrer.
{ ») N. 3o6.
POOR LES CONFESSEUBS.            555
38. Si l'évêque peut dispenser de la célébration pour des cas particuliers.
XXYII. Le précepte d'entendre la messe tous les jours de fête se trouve dans le canon Omnes fideles et dans le can. (Missas de consecr. dis.). Il oblige tous les fidèles qui ont l'usage de la raison. Deux choses sont nécessaires pour accomplir cetfe obligation : l'intention, et l'attention. i°L'intention, c'est-à-dire que la personne doit.avoir l'jntention d/enter^dre la messe, parce que le précepte ne serait pas rempli par celui qui assisterai^ à la messe dans le seul but de voir ? église, d'y attendre unam}, ou qui y serait obligé par violence ; je dis par ??^-lence^ parce que si quelqu'un entendait la inesse par la seule crainte c|e son père ou de sa mère, il accomplirait  J'pbligation quand bien mên^e jl pécherait par la mauvaise volonté de s'abstenir de la messe s'il le pouvait. En outre, il suffit d'avoir l'intention d'accomplir l'œuvre commandée, et il n'imparte pas qu'on ait l'intention de satisfaire au précepte ; ainsi, celui qui a entendu la messe a satisfait au précepte, bien qu'il ne sût pas que c'était up jour de fête (la même chose doit se dire des vœux, des serments et de la pénitence sacramentelle, pourvu que l'œuvre promise par le vœu, ou commandée par la pénitence, ne s'applique pas à une autre fin)  (?). On satisfait aussi quand bien même on aurait exprimé l'intention de ne pas accomplir le précepte, suivant l'opinion générale et plus probable deSuarez, Lessius, Castrop., Sanchez, Tournely, Pontas., Valenti., Vasquez, Lacroix, Salm., etc. (a), par la raison que celui qui a volontairement accom-
(i) N. i65.
(a) Lib. ?. ?. 164. et fut. lib. 4. ?, 76.
526            INSTRUCTION  PRATIQUE
pli l'œuvre commandée, a, par là même nécessairement, satisfait au précepte. Nonobstant la parité présentée par les adversaires, c'est-à-dire que de même que celui qui doit cent écus h un autre, et auquel un participant de la dette donne les cent écus, n'est pas pour cela libéré de sa detle ; ainsi, celui là n'est pas délivré qui ne peut pas satisfaire au précepte. Mais la réponse est claire : Dans le cas d'une dette numéraire (et la même chose s'applique à la dette du vœu), l'obligation dépend de la propre volonté ; ainsi quelqu'un peut bien vouloir resterobligé nonobstant le paiement fait ; mais dans le cas que nous considérons, l'obligation de la messe dépend de la volonté de l'Église, ainsi la personne ne peut pas se l'imposer ; et par conséquent quand elle l'accomplit, elle ne peut pas vouloir ne pas l'accomplir. XXVIII. En second lieu, on exige l'attention (au moins virtuelle ou en bloc), c'est-à-dire que la personne s'attache à entendre la messe avec l'attention qu'elle doit prêter à l'importance du sacrifice qui s'accomplit. C'est pourquoi il est certain que celui-là ne satisfait pas au précepte, qui y assiste en dormant, ou étant hors de raison, ou ignorant ce qui se passe. Quelques docteurs demandent si l'attention interne est exigée ? Beaucoup d'autres le nient, comme Suarez, Lessius, Lugo, Conin., Silvi., Médina., Hurtad., Henriq., Renzi, Lacroix et d'autres ; car, disent-ils, pour satisfaire au précepte de la messe, il n'est pas nécessaire de prier, mais il suffit d'y assister avec une présence morale avec l'intention d'honorer Dieu. Mais l'opinion la plus commune, soutenue par saint Thomas, Laym., Bonac, Spor., Salman., et beaucoup d'autres, veut que l'attention intérieure soit nécessaire, et que l'on pense
POUR LES CONFESSEURS.             537
à Dieu (en considérant, par exemple, sa bonté, son amour, etc. ), ou aux mystères de la messe, oubien aux paroles et aux actions du célébrant. Il suffit, en outre|(comme ils le disent communément), que, dès le principe, on ait l'intention d'avoir l'attention intérieure, et qu'on ne la révoque pas en se distrayant volontairement et à dessein au milieu de la messe. Je dis à dessein, parce que si quelqu'un se distrait volontairement, mais qu'il ne reconnaisse pas qu'il se distrait de la messe (la même chose s'applique à la récitation de l'office), il satisfait encore, parce que, bien qu'il se distraie volontairement, il ne se distrait pas pour cela volontairement de la messe. Je regarde cette opinion comme la plus probable, et elle doit être adoptée ; mais je ne regarde pas la contraire comme improbable, au moins je dis que, eu égard à l'autorité de tant de docteurs qui se prononcent pour la première opinion, la chose devient très douteuse, s'il y a une loi de l'Église qui oblige les fidèles à entendre la messe avec l'attention intérieure (i).
XXIX. Au reste, on admet communément que celui-là satisfait qui pendant la messe examine sa conscience pour se confesser, ou lit quelque ouvrage spirituel ( mais non d'histoire, même spirituelle) (2),-ou bien qui récite l'office, la pénitence sacramentelle, ou quelque autre oraison imposée ; parce que l'on peut bien satisfaire dans le même temps à deux préceptes, quand les choses commandées ne sont pas incompatibles, comme le disent communément, Suarez, Bonac, Castrop., Sanchez, Filliut., Sa, Busemba., Salua., contrairement à un
(1) N. 3i3. (a) ?. 5?4·
T. xxnr.                         sa
358           iNSThucTibfo PRATIQUE
petit nombre de docteurs (ij. Ceux-là satisfont aussi au précepte qui servent à la messe, ou qui y assistent pour présenter leschosesnécessaires, comme l'hostie, le vin, l'encens, etc., choses ordonnées pour le même sacrifice ; cela s'entend, du reste ; pourvu qu'on ne sorte pas de l'Église, à moins que ce soit pour peu de temps (2).
XXX. Il est encore probable que le célébrant ? eut entendre une autre meâse qui se dit pendant qu'il Célèbre, puisqu'il prie déjà en célébrant lui-même. Celui-là satisfait aussi probablement qui pendant la messe tombe dans des extases qui le transportent hors de ses sens, parce qa*albrs il est constant que l'âme pense à Dieu (3).
XXXI. Celui qui se confesse en entendant la messe satisfait-il au précepte ? Beaucoup dé docteurs l'ad~ mettent aussi ; pourvu que le pénitent fasse attention en quelque manière à la messe : c'est l'opinion de Caslrop., Reginald, Maffée, Hurtado, Lacroix, Elbel, Pichler, en disant que la confession par elle-même honore Dieu ; ils disent la même chose dd cbrtfes-seur qui entend les confessions. Mais nous admettons l'opinion contraire de Lugo, Tambur., Bonac., Escobar, Sa, etc., par la raison que celui qui se confesse se présente comme coupable, mais non comme offrant le sacrifice avec le prêtre ; toutefois, Lessius et Lacroix disent absolument qu'un serviteur ou un garçon qui n'aurait pas d'autre temps pour se con>-fesser, satisferait, parce qu'alors dans ce cas on peut présume !· la connivence de l'Église (4).
ï     ï t
(l) N. 5og. (a) Ibid. (S) N. 5i5. (4) ?. 5?4·
POUB LES  CONFESSEURS.             53g
XXXII. Il y a encore satisfaction, ou au moins omission légère, de la part de celui qui, en entendant la messe ou en récitant l'office, se sentant accablé de sommeil, s'assoupit, c'est-à-dire dort légèrement, pourvu qu'il puisse encore s'apercevoir de ce qui se passe (1). Celui-là satisfait encore probablement qui recueille des aumônes dans l'église, pourvu qu'il fasse attention à la messe. Quant à celui qui converserait pendant,une partie notable de la messe (à ce que dit Busemb,), nous disons, en suivant la même opinion, qu'il n'y a pas satisfaction, parce que converser s'est se distraire extérieurement, ce qui empêche certainement l'accomplissement du précepte (2).
XXXIII. On demande 1 ° ce qu'on peut considérer comme matière de peu d'importance dans le précepte de l'audition de la messe ? Les uns pensent qu'il y a peu d'importance de l'omettre jusqu'à l'évangile exclusivement. Beaucoup d'autres admettent l'omission inclusivement, tels que Azor, Lugo, Suarez, Laymann, Castrop.,Sa, Bonacina, Holzmann, Elbel, Salm. Lugo, ainsi que quelques autres docteurs, admettent aussi l'omission du credo. La première opinion est plus commune et paraît plus probable ; mais nous ne regardons pas la seconde comme improbable, parce que, selon saint Isidore, anciennement la messe ne commençait qu'à Yoffertoire. Suarez et quelques autres docteurs admettent avec l'opinion commune qu'il n'y a pas gravité dans l'omission de ce qui précède l'épître, et de ce qui se dit après la communion, encore que l'on qmettrait l'un et l'autre. Gomme aussi, au contraire, l'opinion commune est
(1) N. 5i6,
(a) ?. ? 17,
34?            INSTRUCTION  PRATIQUE
que c'est une matière grave de l'omettre depuis la consécration jusqu'au paternoster, même en excluant le pater noster ; ou bien dans l'omission de la consécration et de la communion. Quant à la gravité de l'omission de la consécration ou de la communion, quelques uns l'affirment communément et l'admettent encore dans le cas de l'omission de la consécration sous une seule'espèce. Beaucoup d'autres néanmoins, comme Lugo, Suarez, Hurtado, Fagund., Escobar, Tamb., Elbel, etc. le nient, parce que (d'après ce qu'ils disent) il n'est pas constant si l'essence du sacrifice  consiste dans£ !fe consécration ( comme on le prétend communément ) ou bien dans la communion (comme le prétendent Ledesma, Pi-gnatelli, et d'autres avec Aibert-le-Grand) ; toutefois, nous regardons comme plus probable l'opinion que l'essence du sacrifice consiste dansl'une et dans l'autre partie, la consécration^ la communion ( ? ). Q uelques docteurs disent que comme il est probable que l'es-s enccdu sacrifice consiste danslaconsécration,ilest probable aussi quesiune personneassisteàladernière messe, après la consécration, mais avant la communion, elle ne seraitpas obligée d'entendre le reste. Mais nous prétendons le contraire avec le continuateur de Tournely et le père Zacharia (2). La raison en est, que, bien qu'il soitprobable que l'essence du sacrifice consiste dans la communion, nous disons qu'on est tenu d'assister à la communion et d'entendre le reste, parce que celui qui ne peut satisfaire certainement au précepte imposé d'entendre la messe, est obligé néanmoins d'y satisfaire probablement s'il le peut.
(1) Lib. VI. ?. 3?5.
(a) Lib. III. ?. 310. q. a.
POUR LES CONFESSETIHS.              341
Car il est certain que cette obligation de satisfaire probablement est naturellement renfermée dan s le précepte d'y satisfaire avec la certitude qui prescrit de satisfaire au précepte du mieux que l'on peut.
XXXIV.  2° On demande s'il y a satisfaction de la part de celui qui entend deux demi - messes de deux prêtres différents. Celui qui les entend dans le même temps ne satisfait pas certainement : l'opinion contraire a été condamnée par Innocent XI dans la prop. 53. Mais si l'audition a lieu dans des temps différents, beaucoup de docteurs admettent la satisfaction, tels que Navarre, Laymann, Soto, Bonac, Sa, Castrop., par la raison qu'une telle assistance, non pas physiquement, mais moralement, peut compléter une messe entière ; ainsi ces deux moitiés suffisent à l'unité de l'obligation imposée par l'Église. Nous ne regardons pas cette opinion comme improbable, pourvu que l'on assiste à la consécration et à la communion du même prêtre ; autrement nous ne la considérons pas comme probable, suivantSuarez, Lugo, Azor, Coninch., Tamburi., Sporer, quand on entend une partie de la messe et de la consécration d'un prêtre, et le reste d'une autre messe a'un autre prêtre, parce que ces deux parties ne peuvent pas constituer un sacrifice complet (?).
XXXV. 3° On demande dans quel lieu on doit accomplir le précepte d'entendre la messe. On peut l'entendre dans quelque église publique que ce soit, quand même ce ne serait pas la paroisse : cela est certain d'après la coutume actuelle. Celui-là satisfait aussi qui l'entend au chœur, derrière l'autel, ou par une fenêtre qui donne dans l'église, quand bien même
(0 N. Su.
342            INSTRUCTION  PRATIQUE
il ne pourrait pas voir le célébrant, pourvu toutefois que par le moyen des autres il puisse connaître ce qui se passe : il l'entendrait encore quand même il se trouverait derrière un mur ou une colonne de l'église, et même hors de l'église, pourvu qu'il soit uni au peuple qui est dans l'intérieur. D'autres docteurs, tels que Lugo, Escobar, Mazzotta, Sporer, El-bel, Dicastillo et Gobart (Tournely ne leur est pas contraire), admettent aussi et non improbablement que l'on peut accomplir l'obligation de la messe en l'entendant de quelque fenêtre, bien que la voie publique soit intermédiaire, pourvu qu'on aperçoive l'autel et que la distance soit petite, parce que de cette manière on y assiste moralement. Lugo et Escobar admettent même la distance de trente pas ; mais Tamburini et Gobart rejettent avec raison cette distance.
XXXVI. Nous avons dit une église publique, parce que tous ceux qui l'entendent dans des oratoires particuliers ne satisfont pas au précepte, à l'exception des maîtres et de leurs familles qui habitent la même maison, qui vivent à leurs frais (bien que quelques docteurs l'admettent pour les frères et leurs femmes, quand bien même ils auraient une table séparée), ainsi que pour les serviteurs qui sont ntìurris par leurs patrons, quand même ils habite-raienj ; hors de la maison, suivant ce qu'admettent Pellizzario, Quarti, Diana, Lacroix, Castrop. ; Tamburini et Mazzotla contre Barbosa, Lezana et d'autres, tylais Jes valets qui ne sont pas nécessaires, comme s'exprime l'induit, ne satisfont pas (i), et encore moins les étrangers, ainsi que le déclare GlémentXI,
(i) N. 5ig.
contrairement à l'opinion de quelques docteurs (?). XXXVII. A l'égard des oratoires partiel liers, il est bon d'observer plusieurs choses : i" g ne dans quelques uns on ne peut pas célébrer les fêtes principales, telles que Pâques, la Pentecôte, Noei, l'Épi-phanie, le Jeudi-Saint, l'Ascension, l'Anno icialion et ^'Assomption de la sainte Vierge, saint lierre et saint Paul, et le jour de la Toussaint, et cela suivant ledécretde la S. G. ; mais cette restriction n'a pas lieu pour les oratoires qui sont accordés par raison d'infirmité (s) ; 2° que Benoit XIV, dans laljulle C'umduo nobiles, de l'année 1740, a déclaré que l'on ne pouvait célébrer la messe dans les oratoires particuliers, lorsque aucune despersonnes auxquelles l'induit a été accordé) directement n'y assiste |actuellement(5) ; 3° que dans la bulle Magno du même pontife.er date du 2 juin 17??, il est déclaré que d'après la forn ule accoutumée des induits pour les oratoires parti ;uliers, on ne peut pas ? célébrer plus d'une messç, pa rce que lu mot une messe veut dire unique, (4) ; 4° qu'il n'est pas permis d'administrer le sacrement de pénitence dans les oratoires particuliers, sans l'autoris ; tion de l'évêque ou sans des motifs légitimes, ainsi c ue cela est exprimé dans la bulle citée, Magno, au g 20. Quelques uns nient que l'autorisation de 1 évêque soit nécessaire pour la communion ; mais d'autres l'affirment plus communément. J'ai découv }rt que Benoit XIV, dans sa lettre encyclique adresiée aux évêquesde Ja Pologne, le 2 juin 17??, défen  qu'on
(1) Lib. VI. ?. 35p. not. 3 in fin. décret, dern. (a) N. 35g.' V. ex <Jud et ex alio' dûW <f. c.'quÎod affçcf, ZH--carias apud Lacroix. 1. VI. p. a. n. 371.
(3)  Lib. HI. u. 319. V. nom. tuo.
(4) Ibid.
844             INSTRUCTION  PRATIQUE
donne la communion dans les oratoires sans l'autorisation de l'évêque ; 5° que tout ceci s'applique aux oratoires privés accordés par le pape, par privilège, à quelques personnes, mais non pas à ceux quiontété bénis par l'évêque et destinés à des usages sacrés, tels que séminaires, conservatoires ou hôpitaux, et même dans des maisons particulières, pourvu que dans ces dernières l'oratoire ou la chapelle ait une porte sur la voie publique ; parce que dans de tels oratoires on peut célébrer et entendre la messe quelque jour que ce soit, car ce sont de véritables églises publiques. La même chose s'applique aux oratoires des religieux et à ceux qu'on érige dans les palais des évêques et des cardinaux (i). Les évoques peuvent célébrer et faire célébrer dans toutes les maisons (même hors de leur diocèse ) où ils se trouvent par motif de visite ou de voyage, ou lors de leur séjour hors du diocèse qui leur est permis de droit, ou par le Saint-Siège pour quelque motif spécial. C'est ce qui résulte de la bulle d'Innocent XIII, confirmée par Benoit XIII (2).
XXXVIII. Les évêques ont-ils la faculté d'accorder la dispense de célébrer accidentellement la messe dans les maisons particulières ? D'après le concile de Trente, Sess. 22. in décret, de celebr. miss., et plus expressément d'après le décret de Clément XI, le évêques ont perdu la faculté qu'ils avaient auparavant, d'après le can. Missarum 11. de conse. dint., de célébrer même dans les maisons des laïques. Néanmoins il est très probable : c'est d'ailleurs l'opinion commune adoptée par Navarre, Suarez, Lugo, Cas-Ci) Lib. VI. ?. 557. (a) N. 358.
POUR LES CONFESSEURS.            345
trop., Vasquez, Coninch., Salm., Lacroix, que cela s'entend d'une licence perpétuelle, per mociit/HAaói-t us, mais ? on de la licence à temps, per modum act us, lorsqu'il intervient quelque motif particulier juste ou accidentel d'infirmité. Quelques docteurs l'admettent seulement pour certains jours de l'année ; mais d'autres, tels que Holzmann, Elbel et Pascaligo, l'accordent pour tous les cas qui présentent des causes spéciales, en disant qu'il est seulement défendu aux évêques d'accorder la permission en manière d'habitude, et pour toutes les fois qu'il plaira au dispensé de s'en servir : c'est une opinion soutenue encore par Gallemard, dans le passage cité du concile de Trente, et il le fait avec raison (1).
APPENDICE
Concernant les oratoires privé ».
Nous donnons ici la formule des brefs pontificaux, par lesquels les papes ont coutume d'autoriser les oratoires privés : « Clemens XIH, tibi NN. dioecesis « Neapolitan », qui (ut asseris) ex nobili genere pro- » creatus existis, ut in privato domus tua ? solitae habitationis oratorio, in civitate ?. existentis, ad hoc » decenter ( muro extructo ) ornato, ab omnibus doit mesticis usibus libero, per ordinarium loci prius » visitando et approbando, ac de ipsius ordinarii li- » centia, ejus arbitrio, duratura, unam missam pro » unoquoque die, dummodo in eadem domo, cele- » brandi licentia, quae adhuc duret, alteri concessa » non fuerit, per quemcumque sacerdotem ab eodem » ordinario approbatum secularem, seu de superio-
(1) ?. 35?.
346            INSTRUCTION  PRàTIQUB
 » rum suorum licentia regularem,sine tamen quorum- » cumque jurium parochialium praejudicio ; ac pas- » chatis Resurrectionis, Pentecostes, et Nativitatis » Domini nostri Jesu Christi, necnon aliis solemnio- »ribus festis diebus exceptis, in tua et familiae tuae, » nec non hospitum tuorum nobilium praesentia celebrare facere valeas. Non obstantibus, etc. Volu- » mus autem, quod familiares servitio tuo tempore » dicto actu non necessarii ibidem missae hujusmodi » interessentes, ab obligatione audiendi missam in « ecclesia diebus festis de praecepto minime liberi » censeantur. Datum Romae, etc. » Examinons cha- » cune des clauses contenues dans ce bref.
Clause I. Tibi dioecesis neapolitance. — On demande d'abord si le privilégié en transférant son domicile dans un autre lieu, peut jouir du même privilège. Beaucoup de docteurs l'affirment (i), parce que, disent-ils, ce n'est pas un privilège accordé au lieu, mais à la personne à cause de sa noblesse ; ainsi le même motif existant encore dans un autre diocèse, le privilège doit encore exister. On ajoute de plus que cette expression : tibi d,iœcesis nea,poli-tanœ, ne se place pas ici taxativement, mais dé-monstratiyement, c'est-à-dire, tibi qui es dioecesis neapolitanœ, et cela afin que le privilège ne puisse être usurpé par aucune autre personne du même nom. Mais, nonobstant cela, on doij ; admettre l'opinion contraire avec le père Fortuné de Brescia (2), qui cite des auteurs à son appui. La raison en est que
(1) Barbosa de jur. eccl. |. II. c. 8. u. 16. Pasqua), de sacri, mfts. ?. 6⣠Cacl-oix.'TiB.YÌ.'p.'a. k '?6^.' ctìrtjV Silv1. Maci. et aliis.
(a) P. Fortunatus a Brixia de orat. domest. p. 6a.
POtlH  LES  CONFESSEURS.             347
présentement dans les modèles de brefs de ce privilège, à la différence des anciens, le nom de la cité ne s'applique pas seulement à la personne, mais encore aux oratoires mêmes, comme on le voit parce qui suit : « In privato domus tuae solitae habitationis « oratorio, in civitate ?. existentis, » et d'autres fois on y ajoute encore le nom du diocèse. Donc, de la même manière que le privilège se limite à l'égard des personnes, de même aussi il se limite à l'égard des lieux. Outre cela, comme le dit avec raison le père de Brescia (?), et il assure que c'est l'opinion commune, toutes les fois qu'il y a doute, cela doit s !in-terpréter strictement, puisque généralement parlant les ' privilèges étant favorables doivent s'interpréter largement, mais non ceux qui dérogent au droit commun, comme celui d'un oratoire privé ; contrairement à ce que dit Tamburini (2). Voyez ce que nous disons en traitant des privilèges au chapitre xx, num. 7.
Clause II. Qui ut {asserts) de nobili genere pro-creatus existis. — On remarque donc qu'en ne vérifiant pas la condition de la noblesse, le privilège est certainement nul, puisqu'elle est citée comme cause finale (5). Quel genre de noblesse faut-il pour obtenir ce privilège ? La noblesse de privilège ou de dignité, ou de grade acquis, suffît d'après quelques docteurs (4) ; mais le père de Brescia le nie en disant que la noblesse proprement de race est nécessaire, puisque c'est principalement pour celle-là que le
(1) Loc. citat. e. annot. 1. p. 91.
(2) Mctho. cal. c. 6. § 4. ? 3?. (5) Ibid. 8 4. p. 5.
(4) Pasqual et Glericat. cum. Pignatel. cons. 98. non. joo.
548            INSTRUCTION PRATIQUE
pape accorde le privilège. Au reste, on doit toujours, à cet égard, faire la distinction d'un lieu à un autre.
Clause III. Ut in privato domus tuœ solitœ habitationis oratorio in civitate IV. existentis ad hoc decenter (muro extruclo) ornato, ab omnibus domesticis usibus libero. — On demande ici si le privilégié peut se servir de ce privilège, lorsqu'il passe peu de temps dans sa maison de campagne. Pignatelli et Pasqualigo l'affirment ; mais c'est avec raison que Roncaglia (1) le nie en reproduisant les paroles de l'induit, où il est dit : In privato domus tuœ solilœ habitationis. Le mot solitœ exclut la supposition d'un séjour momentané dans la maison. On doit remarquer : i° que par les mots muro extruclo, comme le disent probablement quelques auteurs (2), il n'est pas nécessaire qu'il y ait quatre murs qui séparent l'oratoire des autres lieux ; mais il suffit que pour le quatrième mur on ait un tapis ou un rideau, qui se ferme ou s'ouvre quand on en a besoin. Selon l'usage de Naples, je sais bien que pour les oratoires privés, l'archevêque approuve les armoires de bois. Je dis néanmoins que l'on doit toujours observer le décret de la sainte Congrégation des rites, fait l'année 1661 le 3 décembre, et dans lequel il est dit : « Habens » indultum eligendi oratorium in propria domo, si » voluerit ibi aedificare altare ligneum, non indiget « facultate apostolica, dummodo, altare cum sacro » lapide parieti colligatum amovibile non sit, et al- » taris portalitii imaginem non praeferat. » Remarquons 2° que suivant le mot ornato, le lieu de ??-
(i) Roncag. de sacrif. miss, c, S. q. 3. V. Quarto.
(a) Lacroix.lib. VI. c. 2. ?. 266. et Tambu, loco cit. nom. 8.
POUR LES  CONFESSEURS.             34$
ratoire, comme le disent tous les docteurs, doit être tellement disposé et distinct, qu'il se distingue complètement des autres lieux destinés aux usages profanes. Pasqualigo dit avec raison que dans ces oratoires privés, il convient que les ornements soient plus splendides que dans les églises, afin que le lieu commande par lui-même la vénération.Remarquons 3° à l'égard des mots ab omnibus domesticis usibus libero, les auteurs observent (?) que, comme dans l'église, en certain cas de nécessité, on peut dormir, manger et faire autres choses semblables, ainsi cela peut se permettre d'autant mieux dans un oratoire privé, et que de même que celui qui fait ces actions dans l'église sans nécessité ne commettrait qu'une faute vénielle, pourvu qu'il n'en fît pas une habitude, comme disent Suarez et d'autres (2), la même chose doit se dire également d'un oratoire privé. Dans le cas néanmoins où l'on fréquenterait habituellement l'oratoire, comme si c'était un lieu profane, les docteurs veulent que ce lieu perde sa destination, et que le privilège eesse (?), ou au moins suivant ce que disent quelques autres (4), on a besoin d'une nouvelle approbation de l'Ordinaire. S'il est ensuite illégitime de dormir ou de faire d'autres actions profanes semblables sur le toit de l'oratoire, les auteurs le nient communément (5) en disant que cela est de seule inconvenance, mais non d'obligation ; car
(1) Sa. v. Eccl. 11. 4· et Tamb. n. 9.
(2) Suai·, de rclig. tom. I. 1. III. c. 5. (5) Pasqua !, q. 618. n. 8. cum aliis.
(4) ïamb. et Caslropal.
(5) Roue, de sacr. miss. c. 5. p. 5. v. Primo, cum. Pignatcll. el Lacroiï. n. 266. cum Quaft. et Tamb. n. 9. v. Illud Ycrs. ex Sanch. et Glossa iac. un. de cons, eccl, in 6.
55?             INSTRUCTION  PRATIQUE
celui qui dort sur le toit de l'église, dort par cela même hors de l'église. Il est vrai néanmoins que saint Charles Borromée a prohibé cette licence dans son diocèse. Au reste, dit le père Gattico (1), ce qui peut être strictement permis dans un lieu, n'est pas approuvé pour d'autres.
Clause IV.* Per ordinarium loci prius visitando et approbando ac de ipsius ordinarii licentia ejus arbitrio duratura. — Remarquons en premier lieu que l'Ordinaire ayant une fois approuvé l'oratoire, il ne peut ensuite empêcher que l'on y célèbre, comme ?3 décidé Barbosa (2). Cela s'entend néanmoins quand il n'y a pas de motifs légitimes, parce que l'existence de motifs légitimespeut bien suspendre la célébration en raison des paroles précédentes, ejus arbitrio duratura.
Clause Y. Unam missam pro uno quoque die, dummodo in eadem domo, celebrandi licentia, quœ adhuc duret, alteri concessa non fuerit. — On a déjà dit plus haut, au n° ?>?, que par les mots unam mis-sam on entend une messe unique, comme l'a déclaré Benoît XIV dans sa bulle Magno ; ensuite par les paroles dummodo in eadem domo, on doit remarquer que quand bien même un des patrons aurait obtenu un oratoire dans uti appartement séparé, mais de la même maison, l'autre patron obtiendrait invali-dement le privilège.
Clause VI. Per quemcumque sacerdotem, ab eodem ordinario approbatum secularem seu de superiorum suorum licentiœ regularem.—Remarquons ici qu'on n'a besoin d'aucune approbation spéciale
(t) Gat. de orat. domest. c. 25. n. 6.
(a) ?? trid. sess, aa. décret, de observ, ?? eel. et ?. ig.
POU » LES  CONFESSEUBS.            3Sl
pour célébrer dans les oratoires privés ; parce que aujourd'hui ordinairement les prêtres ont coutume d'y célébrer en vertu d'une approbation générale qui est en vigueur d'après la coutume (1).
Clause VII. Sine tamen quorumcumque jurium parochîaliuni prœjudicio.—D'après cette clause, on ne peut pas dans les oratoires privés publier les bans de mariage et autres choses semblables. Peut-on cependant dans leur intérieur administrer les sacrements de la pénitence et de l'eucharistie ? Voyez ce que nous avons dit plus haut, n° ?>?, circa fine. | ^Clause VIN. Paschatis resurrectionis, Pentecostes et Nativitatis Domini nostri Jesu-Cliristi, nec non aliis solemnioribus festis diebus exceptis. —Remarquons ici avec Gavantus (2), que sous le nom de Pâques et de Pentecôte on n'entend que le premier jour et non les deux suivants. Les autres jours sont-ils compris dans les mots solemnioribus festis ? cela a été dit au même n° 57.
Clause IX. In tua et familiœ tuœ nec non hospi-tutn tuorum nobilium prœsenlia celebrare facere valeas, etc.—Nous avons dit plus haut, au ?" ?>?, que par les paroles in tua et tuœ familiœ prœsentia, on veut dire qu'on ne peut célébrer sans l'assistance d'une des personnes auxquelles l'induit a été principalement accordé, comme Benoit XIV l'a déclaré. Par le mot familiœ on entend tous les parents et alliés au moins jusqu'au quatrième degré, pourvu qu'ils, habitent dans la même maison et vivent aux frais du privilégié ", corne l'admettent plus communément les docteurs (?).
(?) Tamb. loc. cit. n. 23.
(3) Gavant, part. 1. lit. 10, 5. Sciendam.
(3) Pigna. cons. 98. ?. 95, Pasqual. q. 590. Rone, de taon·
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Clause X. Nolumus autem, quod familiares servitio tuo tempore dicto actu non necessarii ibidem missœ kujusmodi inleressentes ab obligatione audiendi missam in ecclesia diebus festis de prcecepto minime liberi censeantur. — Afin donc que les serviteurs jouissent du privilège, il faut d'abord que non seulement ils vivent aux dépens du maître, ainsi qu'on l'a dit, mais encore qu'ils soient actuellement à son service, comme il résulte du chap. Sicut nobis, de verb. sig. in 6. En second lieu, il ne suflît pas qu'ils soient au continuel service du maître, mais il faut qu'ils soient actuellement nécessaires pendant le temps de la messe. Pignatelli (1) prétend que les serviteurs utiles peuvent aussi en quelque manière être réputés nécessaires, au moins, dit le pèreGrat-tico, s'ils sont nécessaires à l'état convenable du ïnaître. Le père de Brescia nie l'un et l'autre par le principe posé plus haut, que ce privilège doit être strictement interprété comme dérogeant au droit commun. Seulement les docteurs admettent avec le même père Grattico un seul serviteur qui soit moralement nécessaire pour les choses qui peuvent survenir pendant le temps que la messe se célèbre. On demande si la jouissance du privilège est accordée aux serviteurs quiviventaux frais ou avec le salaire du maître, mais qui habitent hors de sa maison. Quelques docteurs le nient, mais d'autres l'admettent plus communément (2). Ceci n'est pas improbable
miss. c. 5. q. 3. v. sexto. Lacroix, lib. III. p.. 1. ?. 626. P. a. Brixa. p. 8. contr. Felix et Tamb.
(1) Pignatelli cone. 98. ?. 107.
(a) Peliz. manual, tr. 8. c. 2. sect. a. q. 22. Mazzot. allie. ctCaMrop. Quart, et alii ap. Lacroix lib. VI. d. a. n. 27a contra Son. Bar. Lez. cp. Lacroix.
POUR  LES  CONFESSEURS.             555
toutes les fois que le serviteur est employé continuellement et actuellement dans la maison du maître, comme on l'a dit plus haut, et est nécessaire pendant le temps de la messe.
§ II.  Des causes qui excusent de Vobligation d'entendre la messe.
Sg. L'impuissance des infirmes, des excommuniés, des prisonniers, des gardiens, est un motif d'excuse.
4o. Ainsi que celle des serviteurs, des enfants et des femmes contraintes, etc.
l\\. Une grave incommodité excuse.
4s. L'usage excuse.
45. Si, à cause du scandale, ou pour un grand gain, ou pour se confesser, on peut omettre la messe.
XXXIX. Tout molif d'une importance réelle ou mortelle, c'est-à-dire qui causerait un grand mal ou un grand dommage spirituel ou temporel à la personne elle-même, ou à son prochain, peut excuser du précepte de la messe. Ainsi i° les infirmes qui, en sortant de leursmaisons, pourraient nuire à leur santé, éprouver de grandes douleurs, ou un retard dans leur guérison, sont excusés. Dans le doute, l'infirme peut recourir au jugement de son médecin, ou d'un supérieur, ou de quelque personne prudente ; et même à son propre jugement, s'il peut juger avec prudence ; et quand il y a à courir un grand danger, quand bien même le doute persévérerait encore, l'infirme est probablement excusé, parce que, dans un doute semblable, le précepte naturel de la conservation de la santé doit prévaloir (?). 20 Sont
(1) Lib. III. ?. 3a5.
?. xxiii.                        s 3
INSTRUCTION PRATIQUE
excusables les excommuniés et les prisonniers qui ne sont pas tenus à se procurer l'absolution ou la liberté pour entendrela messe, suivant ce que disent beaucoup de docteurs ; mais je ne pourrais les excuser, suivant IVpinîon d'autres docteurs, s'fls pouvaient obtenir l'absolution Ou la liberté avec une incommodité légère, ou bien s'ils négligeaient à dessein de Tò'otènìV pourncpas êfe 'astreints '"ai'aiïâiiion 'de la messe (1). JPSòht excusé'sïès'gardÎens'delà VilTe, des^postós','des maisons, des 'troupeaux ou !à#s enfants (qu'on ne peut laisser se'ui's TsâW danger, ni porter avec soi sWs tatis'er du'trouble da*nsl'égîisfe). Déplus, ceux qui probablement''craignent d'être iricarcéiés en a"Hant à l'église', 'où qui doivent néces-saireìfnent assister les infirmes pour leur1 acFaftrn'strer Ses ièrnèHës ou leur dontie'r de" là h'ourriture' en Îemps convenable, ??? ?? Vie feuven't les laisser seuls sans fjûe ceîa cause du tùmaîfe (I).
XL. 4° Sont excusés les 'serviteurs quand ?féuFÎra*-vaiîVst'nécessaire pou'r éviter une ?'?8??6"?*6?? â Îeu'fs patrons, tes'se'rviteufs toute'foîs doivent,'*slils le peuveiit, tàcïier d'entendre îâ messe/eii abrégeant Un'peu leur sommeil1, b\i,e'n sortant plus p'ro'rfipte-riient'deletfr maisoM mais si leur li avail ta'étaW^lis nécessaireVendanVle'témps'ô'ù iïs'doivent entendre la messe, ïls'nê ^dnt'pakexcus'ês', à m'oins que 'tìàns ta maison' îfs'fi'aient'.>i¥edolilte !rune grande indignation ou une igrà'nde'itìtò'mèìidcÌiié\ par exemple, d'être aemàn'cféV/ eVqu^uVne puissent Tâcilèimeni etpromp-téméftt tìoove'r leur pafrW. La même [bMèh s'ap-pìique aux emfants contraints par leurs parents, et
(1) N. 5a5. V. Excommunie.
(a) N. 5a6.
POUR  LES  CONFESSEORS.             355
aux femmes obligées par leurs maris à omettre la messe ou à travailler les jours de fête ; ils sont assez excusables s'ils craignent un grave inconvénient, ou de l'indignation (1).
XLI. 5· Sont excusés les navigateurs, les voyageurs, si, en entendant la messe, ils courent le risque d'un grand dommage (2). 6° On est encore excusé quand la distance de l'église est considéra* ble. A cet égard, en doit apprécier les circonstances de la personne, du temps, du lieu. Mais ordinairement parlant, » suivant Suarez, Caslropal., Filliut., Salmant., Trullench., -Lacroix, Mazzotta et beaucoup d'autres, il y a excuse dans la distance de trois rililles, ou si le voyage esl,de plus d'une heure et un quart ; il en faut moins quand il pleut ou qu'il neige, ou bien qu'il y a quelque autre motif d'excuse (?).
XLII. 70 II y a, suivant les lieux, excuse, quand on ne sort pas de la maison pendant six semaines après ses couches, ou pendant le premier mois de deuil, après la mort d'un mari, ou d'une sœur, ou d'une fille, suivant l'opinion du P. Suarez et de Mazzotta. Mais dès que ces personnes peuvent sortir de leur maison, les mêmes motifs ne sont plus valables pour les excuser d'assister à la messe. On ne peut ; en atltune manière, adopter ia coutume de ne pas faire sortir les jeunes filles pour entendre la messe, afin qu'elles ne paraissent pas en public. Sont excusées les femmes qui n'ont pas les vêtements, ou les serviteurs, ou les compagnes convenables à leur état. Mais ces personnes sont obligées, si elles le
(1) N. 5a7. (a) N. 3a8. (8) N. 107.
556             INSTRUCTION  PRATIQUE
peuvent, d'entendre la messe avant qu'il ne fasse jour, ou dans une église éloignée où il y a peu de concours·. La même chose peut s'appliquer aux jeunes filles inhoneste praegnantes. Quelques docteurs excusent les jeunes filles lorsqu'il n'y a qu'une seule messe, et que c'est pendant cette messe qu'on doit faire la publication de leur mariage ; mais cela ne peut être admis que dans les lieux où l'usage est tel, ou bien dans le cas où la jeune personne aurait à éprouver une honte insupportable, ce qui arrive rarement (1).
XLIH. 8° Une flemme peut encose trouver une excuse "dans le péril d'êlre l'objet de coupables désirs. Cependant elle est tout au plus obligée, pour ce motif j de s'abstenir de la messe une ou deux fois (2). Enfin, il est probable que la perte d'un grand gain peut excuser, comme on l'a dit dans un cas semblable au num. 22. Il y a aussi excuse pour les voituriers, les cochers, les meuniers, ou autres qui, en assistant à la messe, pourraient éprouver un grand dommage ou la perte d'un gain extraordinaire (?). Il y a aussi excuse pour celui qui omet la messe pour éviter quelque grand péché ou dommage, ou pour se confesser, si, en agissant autrement, il devait rester long-temps en état de péché mortel. Mais il n'est pas permis d'omettre la messe pour quelque œuvre qui n'est pas de précepte, encore qu'elle serait d'un plus grand mérite (4). Quant à savoir si un voyageur est tenu d'entendre la messe, qui est d'un précepte spécial, dans le lieu où il se
(1) N. S5o.
(2) N. S3i. (S) N. 55a.
(4) Ibid. V. non eicusalur.
POUR  LBS  CONFESSEURS.              357
trouve, quand bien même il n'y resterait qu'un seul jour, on doit lire ce qui est dit au chap. 11, ?. 41· XLIV. Remarquons que Benoît XIV, dans son bref (Cum sicut), donné le 22 décembre 1748,pour les deux royaumes de Naples et de Sicile, a permis de travailler les jours de fête, excepté le dimanche de Pâques, de la Pentecôte, et tous les autres dimanches ; de plus le jour de la Circoncision, de l'Epiphanie, de l'Ascension, de la Fête-Dieu, de la Nativité, de la Purification, de l'Annonciation, de l'Assomption, delà Naissance et delà Conception de la bienheureuse et immaculée vierge Marie ; de plus, le jour de Saint-Pierie et Saint-Paul, de la Toussaint ou du patron principal de chaque paroisse ou du diocèse. Pour les autres fêtes, il veut que les. fidèles soient seulement obligés à l'audition de la messe.
CHAPITRE  VII.
QUATRIÈME  PRÉCEPTE.
PREMIER POINT.
De 1'obligalion  des enfants.
1. De l'amour pour les parents.
2. Du respect.
?. De l'obéissance.
I. Les enfants sontobligés de porter à leurs parents (comme les sujets à leurs supérieurs) amour, respect et obéissance, Ainsi i° on pèche gravement
558           INSTBXJCTION PBATIQTJE
contre l'amour, si on les abhorre, ou si on leur désire du mal (dans ce cas on pèche doublement contre la justice et contre la piété filiale) ; 20 si on les empêche, par des moyens injustes, de faire leur testament ; 5° si, sans motifs légitimes, on les attriste gravement ; 4° si on ne les secourt pas danslesgraves nécessités temporelles ou spirituelles, spécialement si on omet de leur faire administrer les sacrements en danger de-mort (1).
IJ. 20 On pèche grièvement contre le respect, i°si on les frappe même légèrement, ou si on fait le geste de les frapper ; 20 si en leur présence on. les contrefait ou si on leur fait des railleries ; 3° si on )eur adresse des imprécations en leur présence, ou si on les injurie en les appelant grossiers, ivrognes, bêtes, scélérats, sorciers, ladres. Les insultes de ?????, ignorants, malpropres et autr.es semblables, ne constituent pas absolument un péché mortel, si les parents n'en éprouvent pas une grande affliction (2)."Nous avons dit en leur présence, parce que si l'enfant contrefaisait ses parents, bu leur adressait des imprécations (sans mauvaises intentions), lorsqu'ils sont éloignés, on ne saurait considérer ces actions comme des fautes graves (3).
III. 5° On pèche grièvement contre l'obéissance, i° si contre leur volonté on se marie avec une femme indigne et capable de déshonorer la famille (Voyez à cet égard ce qui est dit en parlant du mariage au chap. 18) ; 2° si on dérobe des choses essentielles et importantes pour la maison. Observer à cet égard
(1) N. 553. (a) S. 334. (S) Ibid. V, Ab.olut,
POUR  LES  CONFESSEUR ?.             55g
ce qui est dit en parlant du vol au chap, ??, ?° 325$ 3° si l'on désobéit à ses parents dans des choses graves et justes qu'ils ont commandées (avec un ordreexprès et sérieusement donne, suivant l'opinion de Ron-caglia, HoLrmànn et'Sporer),comme, par exemple, de ne pas jouer à des ieux défendus, cte ne pas soïtir la nuit, de ne pas converser avep les femmes et les mauvaises compagnies, et autres défenses semblables (i). fôous avons ail pour des choses justes', parce que, à l'égard du choix d'un état,les enfants ne sont pas obligés d'obéir à leurs parents, suivant saint Thomas, qui dit (2) : « Les serviteurs â l*égard de leurs maîtres, lés fils à l'égard" d,e leurs parent, ne doivent pas l'obéissance'lorsqu'ils veulent coptracter le mariage ou faire un vœu de virginité. » « Non tenentur % nëc servi dominis, nec filii parentibus obedire âc » matrimonio contrâhendo,vel virginitate servanda. » Xinsi, }es parents, comme nous le disons au point suivant, pèciient grièvement s'ils empêchent leurs fils de choisir un étaï convenable, ou s ils les'forcent àe^ prendre quelque éïaî contre leur volonté.
SECOND POINT.
De l'oblig^liOii des paicnls.el défi frères.
4. De la nourriture, de la légitime, c[ë la dot : décisions c}es Quatre, rotes.
5. De Tëducation : si. le père empêche la vocation ou force à adopter quelque état ou à entrer dans un monastère.
6. Obligation des frères,
(?) ?. 555,
(9) ?i at q. \o^ « , s.
?6?            INSTRUCTION  PBA.TIQUE
IV. Les pères sont tenus de procurer deux choses principales à leurs enfailts, la conservation et l'éducation. Quant à la conservation, il y a péché pour eux, i° s'ils dilapident leurs biens, de manière à se mettre dans l'impuissance de procurer à leurs enfants (même bâtards) la nourriture nécessaire, ou bien s'ils négligent de le faire suivant leurs facultés ; 2° si en mourant ils les privent injustement de la légitime, ou pendant leur vie ils refusent de constituer un patrimoine à ceux de leurs enfants qui veulent prendre les ordres^ sacrés ; ou bien qui refusent des dots à leurs filles, quand bien même elles seraient mariées contre leur volonté, lorsqu'elles se sont mariées après avoir passé l'âge de vingt cinq ans ; mais dans le cas où elles se seraient mariées avant cette époque, il y a diverses opinions à ce sujet ; la plus probable est celle de Sanchez, Molina, Salman t., Trullench., qui disent que le père est obligé de leur donner au moins les aliments, bien qu'elles soient mariées avec des personnes indignes d'elles (1). A l'égard des fils, Sanchez, Bossius dans la glose (m eos admonere. 35.q. 2.), ainsi queSurdo,Megala, etc.(2), disent que le père est tenu de donner les aliments non seulement aux fils, mais encore à sa femme, bien qu'il l'ait épousée sans prendre de dot ou contre la volonté du père lui-même. De plus, Azor et Me-zendo(5), ainsi que Baldo et Grazen, disent que le père doit nourrir le fils, encore que celui-ci aurait consommé dans la débauche la portion qui lui re-
(1) Lib. III. ?. 336. ?. 3. Pater, et n. 33 ?.
(a) Sanchez. 1. IV. de matr. d. 36. n. ai. Boas, de affect, matr. p. a. c. 4· n. g5.
(3) Azor. p. ?.. 1. II. c. 4· 1- ia· Merena. cont. 1, 4· c· 34· ?. 6.
POUR LES  CONFESSEUBS.             361
vient. De plus, nous devons remarquer ici la décision des quatre rotes du sacré conseil de Naples, que le père ne peut pas chasser de sa maison ses fils, quand bien même il aurait la volonté de leur fournir au dehors les choses nécessaires ; et au contraire que les fils ne peuvent avoir une prétention sur les biens du père, lorsqu'ils veulent habiter hors de la maison paternelle, à moins que ce ne soit pour cause de vertu (1). Quant à savoir si un père peut ou non déshériter ses enfants, voyez ce qui est dit au chapitre io, n° ii58, en parlant des testaments.
V. Quant à' l'éducation, i° il y a péché pour les parents s'ils négligent d'instruire leurs enfants, ou au moins de les faire instruire des choses nécessaires à leur foi et à leur salut ; 20 s'ils les scandalisent par des blasphèmes, des paroles obscènes, etc., et spécialement s'ils les font placer dans leur propre lit, ou bien dans un autre en mélangeant les sexes ; 3°s'ils ne les corrigent pas de leurs fautes et spécialement des vols qu'ils commettent ; 4° s'ils n'ont pas soin que leurs enfants accomplissent l'obligation de s'approcher des sacrements, d'observer les fêtes, les jeûnes, etc. ; 5" s'ils leur permettent de converser avec des personnes scandaleuses, et spécialement s'ils n'empêchent pas les fiancés de leurs filles de pénétrer dans leur maison ; 6° s'ils empêchent leurs fils de prendre un état convenable, comme, par exemple, de contracter un mariage convenable (2). (Voyez à ce sujet ce qui est dit au chapitre 18 en parlant du mariage ). Ils pèchent encore plus grièvement, s'ils détournent, sans motifs légi-
(O Lib. III. n. 538.
(?) lib. VI. ?. 869. cire. fin. Y. conveniunt.
^n ?es, leurs enfants de l'état religieux ( observez à cet égard ce qui sera dit en parlant de l'état religieux au chap, ? ?, ?. 25 j ; ?* ils pèchent d'un autre côté, s'ils contraignent leurs fils à contracter le mariage avec certaines personnes ; pourvu qu'il n'y ait pas quelque grave motif, comme, par exemple, si un mariage pouvait apaiser une grande inimitié ou délivrer îes parents d'une graye nécessité : c'est 1 opinion de Bellarmin, Sanchez, Tolède et autres, com-
3b  ·<?}  ?  *  ")IU ! V.   ?' ?  "  '   r'    litt-   ?    - r>  <«'   '>
munément, avec saint Thomas. Mais cela s entend, d après la supposition que le fus ait 1 intention de se marier. Ils pèchent aussi lorsqu'ils forcent leurs enfants à se faire prêtres ou religieux, ou bien leurs fiîles à enti ;er dans un monastère. Et ici nous devons rem.arquèr crue, suivant le concile de Trente (sess. 25, chap, ? ?},,quiconque contraint un femme à faire profession dans un monastère ou.à prendre l'habit, encourt 1 excommunication, et même a n-? entrer que dans le seul but de taire faire son éducation » suiyant 1 opin^pn, que j$ soutiens ( cpntre Sanchez ), d'après la manière dont on doit comnrendrè lès ïn-
tenons,4n.-8°Me d^n5 ^ e ?.|s5R ? ?$* i1} D,,Hn
autre (jôtéj pqu,| dispn^ qrq il n y a pas Ranger de censuré pour les parents qui cherchent simplement
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à persuader a leurs hues d entrer dans ua monastère,
comme le disent Barbosa ainsi que Rodriguez et bien d autres docteurs, contrairement au père Alexandre Théatin ( a& monialibus ), qui suppose in m sternent que cela est une espèce de violence par crainte respectueuse, puisque à la vérité il.y â de Ja'différence entre entrer dans l'état religieux par la crainte éma-n'ée. du père, ou bien par la, yo^OBté déclarée du père,
(?) Mb, IX, ?, M » , V, 9RM4<
POUR IBS  CONFESSEURS.            365
quand bien même celui-ci aurait employé préalablement les prières, pourvu toutefois que ces prières ne soient pas adressées de manière à faire redouter l'indignation probable du père (1). ^e concile ayant excepté les cas exprimés in jure, c'est avec proba-bîtfté que Suarez, Bonacina ? Filliutius admettent que le père peut contraindre sa fille $ entrer dans un monastère,pour la punir de quelque crime, ou bien pour piévenir leur déshonneur, comme cela est reçu d'après le chap. Significavit et le chap. Gaudeamus de convers. conj. (2). De même, je ne pourrais le regarder comme coupable, quapd la fille en restant dans la maison paternelle se trouve en danger de recevoir ou de donner du scandale ; parce qu'alors la fin de la loi du concile n'aurait plus lieu non seulement négativement, mais encore en contradiction, suivant ce qui est dit au chap. 11, ?. 6g. Observez encore à ce sujet ce qui se dira plus "au long sur ce cas d'excommunication au chap. 1g, n. 2Q, En outre, on remarque que le même passage du cbnci|e' de Trente porte excornmunjcation pour ceux qui sans motifs légitimes empêchent tes femmes de faire profession ou de prendre l'habit religieux dans quelque ordrç ; et de même s'ils les empêchent d'entrer dans un monastère, suivant l'opinion probable de Suarez, Bonacina et Filliutius, 'contre Sanchez et Castro-palao (5).
Vï. Quant aux frères, ceux-ci sont aussi obligés {lorsqu'ils le peuvent) de fournir la nourriture à leurs autres frères, et des dots à leurs sœurs. Et non seu-
(1) Lib. VII. ?. aia. dub. a.
(3) Ibid. dab. a. in fin. V. Quod ex··
(S)JbW, ?&, & ?,?? » ??,
564            INSTRUCTION  PRATIQUE
lement quand il y a nécessité extrême, mais nécessité grave, ainsi que l'enseignent communément Azor, Barbosa et Salmat., avec Trull., Fagun., Menoch. Ces auteurs disent néanmoins que les frères ne sont pas obligés de donner au-delà de la nourriture à leurs frères et sœurs utérins (1)·
TROISIÈME POINT.
De 1'obligalion des-maîtres, des serviteurs, des époux.
7. Obligation des maîtres, et spécialement à l'égard des salaires.
8. Obligation des serviteurs ; si les larcins sont permis, s'ils portent contre les conventions faites..
9. Prescription du salaire. 10 et 11. Compensation. 12. Obligation du mari.
??. Obligation de la femme, spécialement de suivre le mari.
VII. En premier lieu, à l'égard des maîtres, ceux-ci pèchent : i° s'ils sont la cause que leurs serviteurs n'accomplissent pas· les obligations des fêtes ou des sacrements ; 20 s'ils refusent ou diffèrent le salaire ; ?" s'ils ne les corrigent pas quand ils blasphèment ou donnent du scandale ; 4° s'ils les chassent sans motifs légitimes avant le temps convenu ; et dans ce cas ils sont tenus de payer le salaire convenu tout entier. Par la loi (Qui quaeras, 58. etl. 16, ff. Locati). Mais cela s'entend d'après la sentence : parce que si le serviteur n'éprouvait aucun dommage de son renvoi, alors le maître ne serait pas obligé de lui payer le salaire tout entier, mais bien la moitié ou quelque
(1) Lib. 111. ?. 54?. V. notandum.
???? LES  CONFESSEURS.             365
chose de plus(i). Mais si le serviteur demeure malade pendant plusieurs mois, le maître n'est tenu à rien, suivant l'opinion commune de Lugo, Molin., Leymann, Lacroix, (quoi que dise le père Antoine), pourvu que dans certains lieux la coutume contraire ne prévalût pas. Il n'est pas non plus obligé de payer les frais de la maladie, comme le soutient probablement Lugo, contre d'autres docteurs, pourvu que le ser vileur ne soit pas dans une grave nécessité (2).
"VIII. Quant aux serviteurs, ils pèchent i° s'ils manquent à leur service, ou s'ils n'obéissent pas comme ils le doivent à leurs maîtres ; 2° s'ils permettent qu'on leur cause du dommage lorsqu'ils peuvent l'empêcher ; si le dommage provient d'attaques étrangères, ils sont encore obligés à la restitution. Mais s'il a lieu par les domestiques eux-mêmes, selon l'opinion la plus commune et la plus probable de Lessius, Lugo, Azor, Molin.,.Holzm., Salmant., etc., (contrairement à Ponce et à d'autres docteurs), ils pécheraient contre la charité, en pouvant facilem ent prévenir le dommage, mais non contre la justice, pourvu qu'on ne leur ait pas confié spécialement 1 a garde de certains biens (3) ; 3° Je ser-, viteur pèche, lorsqu'il abandonne son service sans cause légitime avant le temps convenu. Mais dans un tel cas le maître ne peut pas lui refuser tout le salaire qui lui revient pour le temps qu'il a servi. Il suffira néanmoins qu'il lui en paie la moilié ou un peu moins, comme disent Azor, Filliutius, Sylvestre,
(i)Lib. III. n. 542. T. 3. Peccant, (a) Ibid. ?. 3 Herus. et n. 564· (B ; N. 344-
366             INSTRUCTION  PRATIQUE
Salmant., Trullench, Fagutid. ( ? ). Mais s'il l'abati-donne pour cause d'ihfirmilé, le serviteur peut bîetî prétendre à tout le Salaire correspondant au service fait, et il n'est pas tenu de suppléer au temps qui a manqué (2).
IX.  Nous remarquons ici en premier lieu que le serviteur qui fei Quitté son maître depuis deux années (suivant la bulle de saint Pie V, d'après les Sàlmarit., de 4· praec. n° 134 ), et même depuis deux mois, suivant le décret du sacré conseil de ?apies, ne peutplus prétendre au salaire. Mais cela s'entend etì justice, parce qu'en conscience il peut bien y prétendre et le compenser : pourvu cependant qu'il n'y ait pas eu une prescription de trois ans au bénéfice du maître, légitimement faite avec un titre de bonne foi ; suivant ce qui sera dit au chap, io, n" io, en parlant de la prescription.
X. Remarquons, en second lieu, que si le serviteur avait servi sans Salaire déterminé, et que le maître ne veuille pas le satisfaire, il peut bien ék compenser au moins jusqu'à concurrence du plus bas prix, pourvu toutefois que le maître ait l'habitude de le payer aux autres. 11 en est autrement pour ces jeunes enfants que les nobles prennent dansleurs familles, et auxquels on a l'habitude de ne doliner que les aliments (3).
XI. RendarqUons, en troisiènie lieu, qdë le' serviteur ne peut pas compenser en secret son travail, s'il restitue d'un plus grand prix q(le celui qu'il reçoit, suivant la censure d'Innocent XI, qui a condamné
(1) N. 545. (9) N. 547· (?) ?. 548.
POU » LES  CONFESSEURS.              56*T
la prop. 3 ?, qui disait : « Famuli domestici possunt « occulte heris suis surrip'erc ad compensandam ope- »ra'm suam, quam majorem judicant salario quod ^recipiunt. » Néanmoins Viva et les Salman't., ainsi que ouarez, Lessîus, Molin. (quoi qu'en dise Lacroix), àisenfavëc raison que cela ne s'applique pas au cas où ?? serviteur contraint par Îa nécessité est convenu d'un salaire évidemment inférieur à la justice, parce que comme le maître se trouve obligé de saôsfaire au salaire raisonnable, le serviteur peut alors user Se compensation (mais jafnais au-delà dû plu*s bas prix), pourvu que, comme je l'ajoute) lé maître pour le même prix inférieur !ou raîsonnaBte ne puisse pas en trouver d'autres pour le servir (1). En'outre, suivant "Soto, Navarr., Ladroix, Corrella', Filgue'rra, etc.,'aans'ce cas le serviteur ne peut exiger un salaire plus fort, quand c'est par son propre choix'qu'il accroît le travail dû : mais cela n'a pfûs lieu lorsque le travail est augmenté par la volonté expresse ou'iaciie du maître. Alors néanmoins, disent Viva,*Cardenas, Lacroix, le serviteur ne peut user de compensation par lui-même sans la décision deîs experts ou d'un théologien assez instruit. Les 'théologiens "de Salamarique prétendent au contraire que si la compensation était ëvîâemment juste et qu'il n'^ eût aucun danger âe prendre le change, à cause de l'évidence de là chose,'alors le serviteur peut faire la compknsâù'on suivant le p'rixle plus faible. Et ils disent'que la proposition citée fut condamnée par cela seul qu'elle parlait trop généralement (2).
XII. En troisième lieu, quant aux époux, le mari
(1) N.  592.
(a) N. Sa3 et 6a4.
368            INSTRUCTION  PRATIQUE
pèche, 1° s'il maltraite son épouse par coups ou injures, sans cause légitime, parce que, d'un autre côté, il peut bien la corriger s'il y a des motifs légitimes (comme serait par exemple le motif de son honneur), pourvu toutefois que le châtiment soit modéré et proportionné à la condition et à l'état de la femme, comme le disent Busemb., Elbel et Gobât : autrement, il pécherait doublement ; 2° s'il empêche sa femme d'accomplir les préceptes : s'il ne met des empêchements que pour les choses de conseil, comme la fréquentation des sacrements, Bonacina, Saïr, Busembaum, Filliut., disent qu'en portant empêchement sans motif, il pécherait légèrement et non grièvement, à moins qu'il ne fût pas constant que cette fréquentation peut être d'une grande utilité pour la femme (?) ; 3° s'il lui refuse ou néglige de lui procurer injustement les aliments nécessaires, parce qu'il peut avec justice refuser les aliments à sa femme, si elle se sépare de lui sans motifs, ou si elle a commis l'adultère, suivant ce que disent Sanchez, Lacroix et Castrop. (2). Quant à la dot, pour motif d'adultère, le mari ne peut pas se l'approprier sans la décision d'un juge, bien que (comme le disent Lacroix, Castropal., contrairement à Sanchez) il puisse opposer l'exception de l'adultère à la femme qui réclame sa dot (3).
XIII. D'un autre côté, la femme pèche : 1 » si elle n'obéit pas à son mari en ce qui est juste (prœsertim in reddendo debito conjugali) ; si elle s'empare du gouvernement de la maison, à moins que le mari
(1) N. 556.
(2) Sanch. de malr. 1. X. d. 8. n. 28. et Lacroïï. 1. III.
?- 71 »· (5) Ibid.
????  LES COJNFESSEDRS.              5Ùg
ne soit inepte ou trop prodigue à dissiper ks biens ; 2° si elle dépense les biens communs contre la volonté de son mari, plus que ne le font ordinairement les autres femmes de sa condition (voyez ce qui sera dit à ce sujet au cbap. X, num. 32, en parlant du vol) ; 5° si, en passant à de secondes noces, elle ne réserve  pas à ses enfants du premier lit les biens qu'elle a reçus de son premier mari, desquels elle ne peut retenir que l'usufruit, suivant l'authentique ex testamento, et celle indonat. (C. desecund. nupt. ). 4° Si elle refuse injustement de suivre son mari qui change de domicile, même sans motif suffisant, et encore qu'il aille en un pays lointain où il doit passer un long temps ; mais s'il ne doit y faire qu'un court séjour, la femme n'est pas obligée de suivre le mari, ni le mari obligé de l'emmener avec lui, lorsqu'il y aurait beaucoup de dépenses à faire pour ce double voyage ; c'est la doctrine de Sanchez, Tolet., Filliutius, Salmant., et de beaucoup d'autres docteurs (?). D'un aulre côlé, la femme ih'est pas tenue de suivre son mari, i° si cette convention a été faite lors des épousailles, et qu'il ne survienne pas un motif grave et non prévu, suivant ce que disent Castrop., Navarr., Sanchez, Salmant. (2) ; 20 si le mari voulait l'emmener dans de mauvaises intentions ; 3° si le voyage pouvait l'exposer à un grand danger de mort ou à d'autres dommages ; 4° si le mari voulait vagabonder, suivant ce que disent Sanchez, Navarre et d'autres docteurs communément (3). Les uns nient que la femme soit tenue de suivre sonraari
(1) Lib, VI. ?. g77. (a) Lib. Ut. n. 553. (S ; Lib. VI. ?. 977.
T.  XXIII.                             2·?,
57O             INSTRUCTION  PRATIQUE
condamné à Bexil ; mais Sanchez, Bossius et d'autres docteurs l'affirment avec plus de probabilité (1).
QUATRIÈME POINT.
Des obligation des pasteurs des âmes.
§ I. Des obligations des curés.
14. i° De la résidence. — Dispositions du concile. 1 â. Si le curé réside inutilement.
16. La bonne foi ne l'excuse pas de la restitution.
17. De l'autorisation,de l'évêque.
18. Où doivent résider le pape, les cardinaux, les évêqueSiet les curés,
,  19. La charité, la nécessité, l'obéissance et l'humilité, sont des excuses.
20. Si la permission verbale, tacite ou présumée, suffit.
21. S'il y a motif pour l'abeence, mais qu'il n'y ait pas d'autorisation.
22. Si on doit restituer tous les revenus.
23. A qui doit-on les restituer.
24 à 27. 20 D » e l'administration des sacrements.
28. Dans un temps de,peste.   , ,.
29.,III* De la célébration de la messe.
5o à 32. IV. De la correction,   , 1    ,  ?
,33. Il doit empêcher de porter l'habit clérical, et refuser les attestations- aux indignes.
34. ? doit porter son attention principalement sur Jes billets de communion et les empêchements de mariage.
(11 Lib. III. n. 353,
POUR LES  CONFESSEURS.             871
35 et 36. De la prédication et de l'enseignement de la doctrine chrétienne.
37 à 44· Choses les plus importantes à prêcher.
45 et 46. Autres obligations du curé, c'est-à-dire *o l'exemple ; 2° l'assistance aux moribonds ; ?°1'3?? mône ; 4° l'examen des sages-femmes à l'égard du baptême.
XIV. Les curés sont tenus à beaucoup d'obligations, mais principalement à cinq. I. A la résidence. II, A l'administration des sacrements. III. A dire la messe en faveur du peuple, IV. A la correction. V. Aux prédications et aux instructions. Nous parlons de chaque obligation en particulier. Et d'abord, quant à la résidence, on doit avant tout prendre connaissance de ce qui est déclaré et disposé sur ce point par le concile de Trente, dans la session 23 de Refor., cap. I. Sur ce point, i° il déclare évidemment (comme les docteurs le déclarent communes ment) que les évêques ainsi que les curés sont tenus de résider, jure divino, dans leur diocèse ou dans leur cure, parce que les pasteurs sont obligés, jure divino, défaire paître leurs outilles, pon seulement au moyen des sacrements et de la parole divine, mais encore par l'exemple, ce qu'ils ne pourraient pas accomplir sans la résidence personnelle. 20 On y défend aux évêques ( et la même chose s'applique aux curés) de s'éloigner de leur diocèse, sinon pour les motifs suivants : de charité chrétienne, de nécessité urgente, de devoirs d'obéissance ou d'utilité évidente pour l'Église ou pour l'État. De tels motifs doivent être approuvés par le pape ou le métropolitain (mais d'après Benoît XIV, dans son bref Grave, cette approbation est uniquement réservée au pape) ; ils doivent aussi prévoir, autant que possible, si
O72            INSTBUCTION  PRATIQUE
leur absence ne portera pas préjudice à leurs propres ouailles. Au reste, selon ce queditBenoîtXIV, dans le bref Grave que nous avons cité (et qui se trouve dans son bullaire, tom. ?, au n° 26), pour qu'un évêque puisse s'absenter de son diocèse, le motif doit être absolument grave ; aussi ajoute-t-il qu'il faut que cette absence soit d'une très grande nécessité (summa necessitas). En outre, il est accordé aux évêques trois mois, pendant lesquels ils peuvent s'absenter, mais pour des motifs justes, et sans que leur absence puisse porter préjudice au troupeau qui est confié à leur conscience. Le pape les invite à résider dans leur siège à l'époque de l'Avent, du Carême, delà Nativité, des Pâques et de la Pentecôte. A l'égard des curés, il est dit qu'ils ne peuvent pas quitter leur église pendant plus de deux mois, à moins qu'il n'y ait des motifs graves pour prolonger leur absence ; mais alors ils doivent en obtenir la permission par écrit des évêques. Et de plus, pendant ces deux mois, les curés ne peuvent pas abandonner leur paroisse sans que l'évêque ait approuvé le motif, ainsi que le substitut que le curé doit laisser à sa place quand il s'absente. 3° 11 y est déclaré et établi que tous les pasteurs manquant à 1Irésidence, non seulement pèchent grièvement, mais encore n'ont aucun droit aux revenus de leur cure, et sont obligés (quand Une autre décision n'a pas eu lieu) de les restituer ou à la fabrique de leur église, ou aux pauvres de leur paroisse, toute composition à ce sujet étant défendue.
XV. D'après cela, nous disons en premier lieu, avec le père Viva, que la faute et la restitution encourues par les pasteurs absents, le sont aussi par les pasteurs qui résident inutilement dans leurs égli-
POUR  LES  CONFESSEURS.
ses, et cela par la loi naturelle, puisque les revenus sont donnés aux curés pour la résidence utile et non pour la résidence personnelle. C'est pourquoi le concile les oblige expressément à une résidence utile, en disant : « qu'ils sont tenus.à remplir la mission qui leur est confiée, ? « ubi injuncto sibi officio de- » fungi teneantur. » De plus dans la bulle mentionnée Grave de Benoit XIV, il est dit que la résidence n'est pas vraie si elle n'est pas formelle, c'est-à-dire si elle n'est pas appropriée à la mission confiée. Barbosa, Salmantic, ainsi que Vasquez etGarcia, appuyés sur une déclaration de la sacrée congrégation.remarquent que l'on ne regarde pas comme résident le Curé qui pendant deux mois n'exerce pas ses devoirs principaux, comme sont les prédications et l'administration des sacrements (1).
XVI. Nous disons, en second lieu1, que le curé ou l'évêque en manquant à la résidence, même avec la croyance fondée que les motifs de son absence sont légitimes, est aussi tenu à la restitution ( quoi qu'en disent Viva et Garcia,), et cela par la même raison que plus haut ; car le pasteur est obligé de résider non seulement par la loi positive, mais encore par la loi naturelle, à cause du contrat passé entre le pasteur et l'Église, par lequel les revenus lui sont donnés ; ainsi il ne peut pas retenir les revenus quand il n'a pas accompli (bien que sans mauvaise foi) l'obligation du contrat. D'autant plus que Benoît XIV, dans sa bulle Ad universa}, de l'année 1746 » déclare expressément que les évêques qui sont absents plus de Irois mois de leur église, sans motif légitime et sans wne permission expresse du pape, encourent
(1) Lib. IV. ?. iî7. dub. 3.
 INSTRUCTION  PHATIQUE
toutes les peinrsdcs Iransgresseurs, parmi lesquelles (comme il a été dit plus liaut) se tiou\e spécialement la punition de ne pas recueillir les fruits, non faciant fructus suos (?).
XVII. Nous disons,en troisième lieu, que si le concile exige la permission de l'évêque seulement pour l'absence du curé prolongée au-delà des deux mois, néanmoins Je curé ne peut pas abandonner sa paroisse pendant ces deux mois, même pour des motifs justes, sans que l'évêque ait approuvé ces motifs, et de plus (ce qui est le point principal), le substitut qu'il laisse à sa.place (2). Au reste, s'il se présente parfois une nécessité de partir, qui n'admette pas de retard, alors il est bien permis au curé de partir, pourvu que ce soit pour peu de temps, et qu'il laisse un vicaire convenable ; c'est ce qu'admettent communément les docteurs en s'appuyant sur un décret de la S. C. Néanmoins le curé est obligé dans ce cas d'instruire l'évêque de cette absence, afin qu'au moins il obtienne la permission pour le temps qu'il doit passer de plus au dehors, en supposant qu'il ne soit pas trop court pour son retour. En ou-Ire, une telle absence admet une matière légère, Comme le disent conimunément Castrop., Anacl., Roncaglia, Barbosa, Holzmann, etc. Quelques uns disent qu'un espace d'une semaine consulue une matière légère ; plusieurs autres l'étendent jusqu'à deux semaines, comme Tournely, Cabassut, Sanch., Reginald, ^il est loujouis bien entendu qu'il laisse un substitut). Mais clans le concile de Rome qui se tint sous Benoit XIII (Tit. 25. cap. 6.), il fut défendu
(1) Lib. IV. ?. 127. dub· >· (a) Ibid. dab. 3.
POUR  LES  CONFESSEURS.
aux curés de se tenir éloignés d<s leur cure pendant plus de deux jours, sans la permission de ï'évêque ou de son vicaire. Remarquons cependant que ce concile oblige seulement la province romaine et les autres royaumes. Lacroix ne regarde pas comme grièvement coupable le curé qui reste absent pendant deux mois'seulement, sans permission, mais avec un motif et sans un grand préjudice pour ses ouailles ; car, dit-il, cet espace de temps n'est pas regardé comme grave par le concile, et il cite à l'appui de son opinion Navarr., Bonacina, Barbosa et d'autres docteurs. Mais je ne puis me rallier à cette opinion, car le concile (comme nous l'avons dit), veut que, dans le cas d'une semblable absence, l'évêque approuve non seulement les motifs, mais encore le substitut, à cause du danger qui peut résulter qu'un mauvais substitut fasse un grand mal en restant pendant l'espace de deux mois ( ? ).
XVIII. i° On demande en quel lieu doivent résider les pasteurs. Le pape et les cardinaux doivent résider à Borne : l'évêque, suivant Luymaiin et les Salmanti. ;doit résider dans sa cathédrale ; mais nous, disons avec Cabassut, Bonacina et IloUmann, qu'il ???? résider dans un lieu quelconque de son diocèse. Et cela ne peut pas aujourd'hui être mis en doute, car Benoît XIV, dans sa bulle Ubique primum, de l'année 1740, l'a déclaré en CPS termes : « Personalem » in ecclesia vestra, vel dioecesi, sen dis residentiam ; » confirmant ainsi le décret du concile de Trente, qui disait : « Obligari ad personalem, in sua eccl< sia, vel « dioecesi, residenliani. »Le curé, do son côié,doit choisie sa maison près de son église, s'il y en a : si+
(\) Lib. IV. ?. ???. ?, Dub, a. et v. Ceteram.
576            iaSTIWCTION  PRATIQUE
non, il doit habiter une autre maison qui soit dans les limites de la paroisse, au moins moralement, et d'où il puisse commodément aller servir dans son église, et où ses paroissiens puissent facilement recourir à lui pour les sacrements. A ce sujet, Bonacina et les Salmantic. disent qu'on ne peut admettre la résidence du cui'é qui habiterait à trois milles de sa paroisse, ou même à deux, comme le dit Lacroix avec raison ; et ce n'est pas sans raison qu'il ajoute avec quatre autres docteurs, qu'il ne suffit pas que le curé réside et qu'il soit dans les limites de sa paroisse, lorsqu'il habite dans un lieu que ses ouailles ne peuvent pas aborder facilement.
XIX. 20 On demande comment l'on doit entendre les quatre motifs cités plus haut par le concile de Trente. i° Par charité chrétienne, on entend quand un pasteur est obligé de s'éloigner pour apaiser de graves inimitiés, particulièrement entre personnes puissantes, ou pour délivrer une autre église de l'hérésie ou d'autres énormes sacrileges. 20 Par nécessité urgente, on entend quand un curé apprend que dans un certain lieu, un particulier est à l'article de la mort ; et la S. C. a déclaré particulièrement à l'égard du curé, qu'il peut rester absent de son église pendant six mois, en laissant un vicaire, et avec la permission de l'évêque, qui peut étendre encore le temps ; mais si l'année entière s'est écoulée, l'évêque doit l'engager à se démettre de sa cure. Mais en parlant du danger précédent, on n'entend pas un danger commun, comme serait la peste ( selon ce que les docteurs disent communément et comme la S. C. l'a aussi déclaré ), ou le danger de l'incursion des en-
(1) Lib. IV. ?. ia4-
POUB  LES  CONFESSEES.            877
nemis, ou autres choses semblables : mais bêla s'entend d'un danger particulier à l'égard du même curé (ou évêque), pour cause, par exemple, de ses ennemis, ou du climat nuisible r sa santé, pourvu que son infirmité ne soit pas perpétuelle, et que l'absence ne puisse pas nuire grièvement à son troupeau. Autrement le pasteur doit résider ou renoncer à sa cure. Il faut observer que ce qui est dit spécialement à l'égard des évêques a été déterminé.par Benoit XIV dans sa bulle Ad universes, donnée l'an 1746 (1). 3° Par obéissance due, veut dire quand le curé ou l'évèque s'absente pour obéir au pape ou a son ordinaire, pour le bien de l'Église ou de l'htat, ou pour quelque autre motif grave, comme le dit Tournely, pourvu que l'absence soit de courte durée, parce que si elle était longue il faudrait qu'elle eût lieu pour le bien commun. On doit remarquer ici que l'évèque ne peut pas retenir auprès de lui un curé pour vicaire ou visiteur, etc., comme laSJ C. l'a déclaré, à moins ( suivant l'exception dé Castropal., Barbosa, Azor et Vasquez), qu'il ne se trouvât personne pour le suppléer ; et ce cas est très rare. 4° Par utilité évidente de C Église ou de CEtat, veut dire quand il arrive que le curé est absent, ou pour assister aux synodes, ou pour se défendre lui et les siens, ou bien l'Église auprès de la cour, dans une affaire grave, comme le disent Soto, Bonac, Vasq., Roncaglia et Salmant., avec ui\e décision de larole romaine ; et cela s'entend toujours avec la permission, pourvu qu'il n'y ait pas quelqu'un qui puisse assister à sa place. Benoit XIV dit, dans la bulle que nous avons citée, qu'en traitant des procès de leur
(1) lib. IV. ?. ia5. ?, Sic parilcr.
INSTBUCTION  PBATIQUE
propre famille, il ne pouvait être accordé aux évêques uhe pefrmission dépassant les seuls mois accordés par le concile (1).
XX. On demande, -en troisième lieu, si la permission que doit obtenir le curé est valide quand elle est seulement verbale. Lessius et d'autres docteurs l'affirment, car ils disent que l'écriture n'est exigée qu'à Tégard de la justice, ef non à l'égard de la validité. Au contraire, Sanchez et Castropal. le nient en disant que le concile exige la permission ?? scriptis pro forma, autrement elle n'est pas valide ; mais parce que cela n'est pas constant, Viva et Lacroix pensent que l'opinion de Lessius peut bien être probable. Coninch. et Reginald admettent aussi la permission tacite de l'évêque avec le consentement de pnœsenti. Le père Mazzotta ajoute que la permission présumée de futuro suffit ainsi que l'interprétative : mais5 Lacroix dit qu'aucun docteur n'admet cette opinion, et que la sainte Congrégation a déclaré que ladite licence devait être proprement exprimée (2)1.
XXI. On demande, en quatrième lieu, si le curé (ou l'évêquej est obligé à la restitution des revenus, lorsqu'il est absent sans permission, mais pour des motifs certainement justes. Le père Viva dit que le curé alors pécherait contre le droit positif, mais non contre le naturel ; d'où il conclut qu'il n'est pas obligé à la restitution, sinon d'après décision supérieure. Mais je ne puis me rallier à cette opinion, car le concile veut, à l'égard des curés, que pendant le temps de l'absence ( comme nous l'avons
(a) Lib. IV. ?. II5. V. Sic pariter, (3) Lib. 4· ?· 123. dub. ?.
POUR  LES  CONFESSEURS.            879
ditplus haut), non seulement le motif soit approuvé, mais encore le substitut qu'il laisse. Et à l'égard des évêques, BenoilXIVa déclaré (commenous i'avons dit au n. 16) que sont compris sous la dénomination de transgresseurs, tous ceux qui abandonnent leur diocèse pendant plus de trois mois sans cause légitime et sans permission expresse du pontife : « PjFaeter tres menses absque legitima causa et » expressa pontificis licentia. » On doit remarquer ici que ks transgresseurs, selon le concile et la bulle de Benoit XÏV, sont pour leur peine non seulement condamnés à la restitution des fruits, mais encore à ne pas les acquérir (non facere fructus suos), comme cela a déjà été dit. Ainsi c'est aussi par la loi positive qu'ils sont tenus à la restitution des revenus, puis-qu'en laissant ainsi leur église sans permission, ils n'ont pas acquis ces fruits (i). Au moins, suivant moi, est-il douteux si dans un cas semblable le pasteur peut s'appliquer ses fruits, et dans le doute d'un titre légitime, il fie peut acquérir légitimement la possession de ces choses, comme on le verra au chapitre x, n. 3a, en pàilant des contrats (s). Au teste ; je ne saurais condamner à la restitution le ctiré qui part pour un motif évidemment juste, et qui laisse son économe déjà approuvé parl'évêque > et qui se trouve actuellement servir la paroisse. ' XXII. On demande, en cinquième lieu, si le pasteur, en manquant à la résidence, est tenu de restituer tous les fruits en proportion du temps de l'absence. Navarre l'affirme, puisque le concile oblige radéfiniment à la restitution : Néanmoins, Barbosa,
(1) ?. ? ?.
(a) Lib. III. n. 669 et 761,
38?            INSTRUCTION  PRATIQUE
Bonac.Viva, Vasqiiez, admettent probablement qu'il est obligé à la seule partie qui correspond à l'importance de la résidence ; car les revenus non seulement sont accordés pour cet office, mais encore pour la compensation des heures canoniales et la messe.* Ainsi le concile n'ayant pas exprimé le contraire, on doit présumer qu'il s'en est remis à cet égard à la raison naturelle, qui prescrit de ne pas priver de la récompense. tout entière celui qui a déjà accompli une partie de la charge à laquelle il s'est soumis ( i). XXIII. On demande, en sixième lieu, à qui doivent être restitués les revenus des pasteurs non résidents ; lorsque les autres bénéficiaires omettent de réciter l'office, ils peuvent faire la restitution des revenus aux pauvres de quelque endroit (ou plutôt à la fabrique de l'église ou de la maison du bénéfice ). Mais les pasteurs manquant à la résidence doivent, d'après le décret du concile de Trente (Sess. 23, cap. i), les restituer sans aucune retenue à la fabrique des églises ou aux pauvres du lieu. « Fabricae ? ecclesiarum, vel pauperibus loci. » II ne suffit pas de les appliquer aux âmes du purgatoire du pays par des messes ou autres secours, parce qu'en vérité on ne peut plus dire que les âmes des défunts soient de ce lieu. Néanmoins, le père Viva, avec Les-sius, dit que le curé pourrait employer les revenus à son profit, s'il était véritablement pauvre, pourvu qu'il ne le fit pas par fraude, c'est-à-dire qu'il manquât à la résidence dans l'intention d'employer ensuite les revenus à son profit : fraus enim nulli pair ocinari debet. En outre, le curé pourrait retenir les revenus, si les pauvres eux-mêmes les lui don-
(i) Lib. IV. n. 137. dub. 4.
POUR  LES  CONFESSEURS.              381
liaient : mais cela ne pourrait avoir lieu qu'après qu'ils les auraient eux-mêmes reçus, parce qu'avant ils ne pourraient en faire la donation, car ils n'acquièrent véritablement la possession de ces revenus qu'après abandon fait (1).
XXIV. II. Les curés et les autres desservants sont obligés à administrer les sacrements par eux-mêmes ; à l'égard du sacrement de la pénitence, le curé est tenu de l'administrer non seulement au temps du précepte, et dans les cas de grave nécessité, mais encore ( suivant Lugo, Suarez, Azor, Busembaum, Salmant., Holzmann, contrairement à Silvestre et à un petit nombre d'autres docteurs) toutes les fois que les pénitents veulent se confesser même par pure dévotion ; à moins (suivant l'exception raisonnable d'Aversa) que ceux-ci ne veuillent être entendus in-tempestivement ou trop fréquemment, ou bien s'il y avait d'autres confesseurs, et que le curé fût légitimement empêché (2). C'est pourquoi Lacroix, Gobât, Concina et Salmant. disent que le curé pèche quand il écoute rarement ou difficilement les confessions, spécialement lorsqu'il est appelé par les infirmes, au secours desquels saint Charles Borromée veut que les curés accourent sans retard et à quelque heure que ce soit. Néanmoins si le curé se refusait à entendre quelqu'un une ou deux fois, lorsqu'il n'v a pas nécessité, Suarez, Lacroix, disent contrairement à Bonacin., que dans ce cas il ne pécherait pas grièvement, pourvu qu'il n'y ait pas quelque occasion urgéinte, comme, par exemple, la circonstance du jubilé, ou d'une fête solennelle, suivant l'escep-
(1) Lib. IV. ?. 138. (s) lib. VI. ?. 58 et 6a5.
382            INSTRUCTION  PRATIQUE
tion posée par( Aversa (?). Mais si le curé avait déjà un économe approuvé par l'évêque, il ne serait pas tenu d'entendre les confessions avec tant de rigueur ; mais qu'il sache qu'il est obligé de s'informer si l'économe est convenable soit du côté de l'instruction, soit du côté des mœurs, autrement il devra compte à Dieu de tous les désordres qui peuvent provenir de son ignorance ou de ses mauvais exemples. Usera donc toujours convenable (remarquons ce passage), que de temps en temps le curé fasse venir dans le pays des confesseurs étrangers pour les* âmes modestes, particulièrement lorsque le prédicateur du carême n'a pas l'habitude de venir dans la contrée pour confesser.
XXV.  Quant à la communion, les docteurs s'accordent à dire pareillement que le curé est obligé à l'administrer toutes les fois qu'elle est demandée raisonnablement et en temps opportun, Car le. pasteur doit non seulementpourvair à ce que ses ouailles remplissent le précepte, mais encore qu'elles aient quelques secours qui les soutiennent dans la bonne voie. C'est pourquoi le décret de la sainte Congrégation en 1679, approuvé par Innocent XI, a ordonné que les pasteurs, évêques ou curés, bien qu'ils puissent, pour des motifs légitimes, limiter les communions d'un fidèle en particulier, ne peuvent pas pour cela prescrire les jours de la communion pour tous en général, mais doivent s'en remettre au jugement du confesseur (« ).              ·
XXVI. Le curé est encore obligé à faire prendre la communion de précepte aux enfants qui ont les
(0 l-ib. VI. ?. 6?3.
(1) Lib. VI. ?. a53 et a54.
POOR  LES  CONFESSEURS.            383
qualités requises, c'est-à-dire (ordinairement parlant) qui ont atteint l'âge de dix ans, ou de douze suivant Lugo., Castrop., ou enfin de quatorze suivant Suarez, Laymann, "Wigandt, Antoine et Lacroix. Mais saint Charles Borr,omée, dans le neuvième synode de son diocèse, ordonne à ses curés de préparer à la communion tous les enfants qui ont déjà atteint l'âge de dix ans ; et certains curés font difficulté de leur donner la communion, même à douze ans ; mais pourquoi ? Pour ne pas prendre la peine de les instruire. Oh ! combien de curés transgressent cette obligation, qui certainement ne peut pas êlre appelée légère !
XXVII. En troisième lieu, quant à l'extrême-onction, les curés sont obligés, souspeinede péché grave, à la donner à ceux qui la réclament, etils doivent réfléchir à ce passage du catéchisme romain (Part. 2. c. b. n. 9). Les curés qui ont l'habitude de n'administrer l'extrême-onction qu'au moment où toute espérance de salut est perdue, où la vie et les sens vont disparaître, pèchent grièvement : « Gravissime pec- » cant qui illud tempus aegrotos ungendi observare so- » lent, cum jam omni salutis spe amissa, vita et sensi- » bus carere incipiant. »
XXVIII. Dans un temps de peste les curés sont-ils tenus de résider et d'administrer les sacrements au péril de leur vie ? A l'égard de la résidence, les docteurs enseignent communément qu'ils y sont obligés, et saint Thomas dit : « que dès que le salut des ouailles exige la présence du pasteur, celui-ci ne doit pas abandonner son troupeau (1). » ? Ubi salus subdi- » torum exigit pastoris praesentiam, non debet pastor
(1) s. a. ?· ?85. a. 6,
584            INSTRUCTION  PRATIQUE
 » gregem deserere propter aliquod periculum immi- »nens, » à cause de (imminence, de quelque danger. Le saint docteur, néanmoins, excepte le cas où le pasteur peut suffisamment se faire remplacer par d'autres, mais il ne parle pas de cette faculté en temps de peste. Au reste, nous savons, d'après Fa-gnan (1), que Grégoire XIII déclara qu'en temps de peste les curés sont tenus à la résidence. El par un autre décret (suivant le même Fagnan), il déclara que les évêques sont également obligés à résider, toutefois (dit-il), avec la faculté de se tenir dans les lieux les plus sûrs de leur diocèse, et de là de pourvoir aux besoins de leurs diocésains. A l'égard des sacrements, on doit approuver le décret de la sainte Congrégation du concile qui déclara en 17Ô6 que jle curé est tenu d'administrer à ses paroissiens malades de la peste seulement les sacrements nécessaires au salut, c'est-à-dire le baptême et la pénitence : « Pa- »rochus suis parochianis peste laborantibus teneri » ministrare duntaxat sacramenta ad salutem ne- » cessaria, nempe baptismum et poenitentiam. » En disant seulement, il déclare en conséquence que les curés sont exemptés de l'obligation de donner la communion et l'extrême-onction aux pestiférés. Le même décret ajoute encore que les curés peuvent faire administrer les sacrements du baptême et de la pénitence par des ministres convenables, en se réservant les confessions des hommes valides, qui autrement les fuiraient s'ils les voyaient entendre les pestiférés (2). Néanmoins Suarez, Holzmann, Concina, Castrop., Sporer. et autres font observer
(1) In cap. Clericor. de cccle. non resid, n. 58. (a) Ub. VI. n. a33.
P0U1 »  LES  CONFESSEURS.            385
que si le pestiféré (supposé qu'il ait perdu connaissance), ne s'est pas confessé depuis long-temps, et que le curé pense probablement qu'il est en état de péché mortel ; alors il est obligé, même au péril de sa vie, de lui donner l'extrême-onction (1).
XXIX. ?" Les curés ou les autres bénéficiaires séculiers ou réguliers (et encore plus les é\êques) sont tenus de prier et de célébrer la messe, non seulement pour la faire entendre au peuple, mais pour l'appliquera son profit, tous les dimanches et fêles, comme l'a prescrit en dernier lieu Benoit XIV, dans sa bulle Cum semper, de l'année i ;44>en déclarant que cela devait avoir lieu quand bien même le curé n'aurait pas la portion congrue, licet, dit la bulle, congruis redditibus deslìtualur, et quand même il se trouverait dans un lieu où la coutume aurait consacré de tout temps le contraire. Et si la paroisse est vacante, le même pape a donné à l'évêque la faculté.d'assigner à l'économe une portion congrue des revenus, afhVque pareillement il puisse, les jours de fête, célébrer à l'intention du peuple. Il a aussi accordé aux évêques la faculté de dispenser le curé qui ne pourrait vivre autrement, de n'appliquer la messe à cette intention qu'à ceux qui offrent l'honoraire, et ils le peuvent pour les jours de fête, avec l'obligation d'y suppléer les jours fériés. D'un autre côté il a déclaré que quand même un curé aurait des revenus riches, il n'est pas tenu de célébrer pour le peuple les jours fériés. De plus il a déclaré dans sa bulle que la messe conventuelle qui est chantée chaque jour par les clercs de l'église, doit être appliquée aux bienfaiteurs de chaque église (2).
(1) N. 729.
(2)  Lib. HI. n. 35g. cl Jib. VI. n. 3a6. v. tl.iudi.
586  „    ,   „, INSTRUCTION  PRATIQUA
' XXX. 4° Les curés (et encore plus les évêques) sont obligés, même au péril de leur vie, de corrigea ? leurs ouaillesqui sont en état de péché mortel, ou en danger prochain d'y tomber ; et cela non seulement quand qlles sont dans l'extremanécessité^.maisdans la grave,. pourvu qu'il y ait espérance, d'amendement. C'est le sentiment commun, soutenu par Suaiez, Bonacina, Voil., Coninch., \iva, Salm.inti.,t etc., avectsaint Thomas ( a. 2. q. 18>, art. 5),(J). fBt ils ajoutent avec Cajetan, Sanchei, CasU-op., Diana, Hermann et autres communément (contrairement,à un petit nombre de docteurs), que les pasteurs sont tenus, à cela non seulement par charité, mais encore par justice, puisque la communauté ne leur accorde de retenus qu'à celte seule fin qu'ils avisentà empêcher les vices de leurs ouailles, et par suite ceux qui manquent d'une maniere.natable à cette obligation de justice restent soumis à la restitution des fruita (2). XXXI. Si quelque personne puissante donne,dia scandale, et que le curé ne puisse pas y remédier, ! il doit en instruire J'évêque afin que celui-ci y pourvoie. Et si l'évêque. se montrait notablement négligent dans cette affaire, le curé doit recourir au pouvoir séculier si le coupable es£ inférieur et laïque* ou prendre d'autres,moyens qui puissent y remédier, mais ne pas laisser subsister le scandale <par respect ou par crainte. Ea un mot, lîÉvangile ditque le pasteur est oblige de Janner sa.vie pour le.salut -de ses brebis. Dooic, quand dans le pays il y a des désordres notables auxquels le curé ne peut pas trouver de remède, il est obligé d'en donner connaissance afin de faire venir les missions. Le curé qui n'aime pas les
(1 ; ?. 36? v. l'.uuchi. (a) Ibid. ?. Sed. dub. t.
POIIB LES  CONFESSEURS.
missions fait soupçonner ses mœurs ; les bons curés ont soin de procurer les missions à leurs paroissiens au moins tous les quatre ou cinq ans. Mais quand, en dernier lieu, il ne peut trouver aucun moyen pour réparer le mal, quoique généralement parlant il n'y ait pas d'obligation précise d'appliquer la correction quand on n'a nul espoir qu'elle produira du fruit, néanmoins le curé ne doii pas négliger de la faire, et même de la répéter de temps en temps aux pécbeurs obstinés, au moins dans le cas où il ne courrait pas le danger d'un grand mal pour lui ; cette correction servirait au moins à ce que le curé ne perdit pas- la confiance de ses paroissiens s'ils voyaient que le scandale persévère et que le pasteur s'endort. En outre, cette correction servirait à em-pêeber les autres dq prendre l'exemple dp s'endurcir dans le péché, sans avoir qui les reprenne ou les réprimande. ,             ,
XXXIL Et non seulement le pasteur est obligé d'empêcher les péchés et les scandales déjà commencés, maisj encore, ce qu'il peut faire facilement, de les prévenir. Entre aulres> choses » il doit principalement empêcher que les,.fiancés entrent dans les maisons de leurs fiancées, parce que quand bien même dans le principe ils n'y entreraient pas aveede mauvaisesintentions, néanmoins l'expérience fait reconnaître que dans de telles occasions, presque tous les fiancés tombent dans le péché, et trahissent les pères et les mères qui leur permettent de converser avec leur fiancées. Ainsi, le curé doit chercher de toutes manières à empêcher la ruine spirituelle des deux familles ; ruine qui pourrait empêcher le mariage, spécialement si les épousailles sonfc déjà faites. C'est pourquoi tout curé devra avoir soin
388            INSTBUCTION  PBAT/QUE
de ne recevoir les paroles des fiancés que peu de temps avant la célébration des noces, car on reconnaît que, les épousailles étant faites, tout le temps qui s'écoule jusqu'à la célébration du mariage est une suite d'occasions de péchés.
XXXIII. De plus, le curé après l'évêque doit empêcher que l'habit clérical soit donné à deS jeunes gens ou à des enfants dont les mœurs ne soient pas exemplaires ou tout au moins pas dignes du caractère ecclésiastique, parce que s'il garde le silence, ou qu'il leur permette de porterla soutane, ceux-ci, peu à peu enracinés dans le vice et ne voulant pas avoiWa honte de se dépouiller de leur costume, em-ploierou* tous les moyens justes ou iniques pour obtenir l'ordination, et risqueront par là la ruine du pays. Dans le principe, le curé aurait pu remédier à ce mal, mais après il serait trop tard. Le curé doit aussi Veiller à l'instruction et à la direction dans la vie dévote de ceux qui ont pris l'habit, afin qu'ils fassent de bons ecclésiastiques. Aussi, quel compte terrible n'auront pas à rendre à Dieu ces curés qui donnent des attestations de la fréquentation des sacrements aux futurs ordinants, ainsi que de leurs bonnes mœurs, lorsqu'ils sont certains qu'ils se sont éloignés des sacrements, et qu'au lieu de donner de bons exemples, ils ont plutôt donné lieu au scandale ? Quelle misère de voir des clercs qui, après s'être confessés, après avoir communié à peine deux ou trois fois l'année, apportent une attestation de leurs curés constatant qu'ils ont reçu la communion chaque semaine, ou entendu deux fois la messe ! Des curés qui font de telles attestations doivent nécessairement être regardés comme ayant perdu la foi ; car le curé aura a rendre compte i Dieu de tous
POUR  LES  CONFESSEURS.            889
les péchés que commettront des clercs ainsi recommandés, après avoir reçu les ordres sans vocation, ainsi quede tous ceux qu'ils pourrontfaire commettre aux autres, puisque les évêques se reposent en cela sur les curés. Mais les évêques plus prudents ne se fient pas aux attestations des curés dans une, matière aussi importante de laquelle dépend le salut des peuples. Le curé sera aussi coupable devant D.ieu s'il délivre le certificat d'après des attestations.étrangères, et s'il n'est pas plus que certain de la vérité à l'égard de la fréquentation des sacrements et des bonnes mœurs.
XXXIV.Non seulementlescuréssonttenusde réprimer et de punir les péchés et les scandales dont ils ont connaissance, mais encore de s'informer·dans toute l'étendue de leur juridiction si quelque paroissien est en état de péché, et n'a pas rempli ses obligations, parce que c'est au curé que le salut de chacun de ses ouailles est confié, comme l'enseignent communément Laymann, Soto, Salman, et d'autres, avec saint Thomas, (1), qui a dit : « Qui habet specialem » curam alterius, debet eum quaerere ad hoc,ut corri- » gat de peccato. » Le curé doit veiller spécialement à ce que ses paroissiens accomplissent le précepte pascal sans exception de personne ; et pour cela, il ne doit pas confier la distribution des billets de communion au premier clerc venu. Lorsque le temps des pâques est passé, il doit s'informer avec soin si quelqu'un ne les a pas faites (2) ; ihloit le corriger, et si la correqtion est insuffisante, il doit ea donner de suite
(1)  2. 3. q. i5. a. 1.
(2) Barbo. de ôfil. par. c. a. n. 7. et p, segiveri proro  si inet. c. a5.
ago          INSTRUCTION PBATIQTJE
aÌTÌs à l'évêque, afin qu'il procède à l'excommunication. Il est des curés qui suivent cette coutume à l'égard des gons de la basse classe, mais qui s'en abstiennent à l'égard d'autres personnes, et ferment les yeux. Combien n'avons-nous pas rencontré dans nos missions de ces personnes qui pendant plusieurs années avaient négligé d'accomplir le précepte, et auxquelles le cnré n'avait pas seulement adressé une parole d'admonition ! Malheureux curés ! plus malheureux encore les ouailles qui ont de semblables pasteurs 1 De plus, quand il se fait quelque mariage, lescurésdoivenlaioirsoin de s'informer s'iln'y a pas quelque empêchement ; et s'ils pensent avec probabilité îqu'il en existe, ils sont tenus de refuser leur assistance, et de défendre la célébration des noces, à moins que l'évêque diocésain ne décide ce qu'il y a à faire. C'est ce que disent Communément Lacroix, Sinchez, Ledesma, Riga et autres, avec de Lugo, qui prétend sfvec Coninch. que si Fé\êque connaît quelque empêchement occulte, il doit empêcher la célé-bra'tiondn mariage, quttnd bien même il ne le saurait' que par une science prhée et qu'il ne pourrait le prouver ( ? ).
XXXV. 5e Les curés sont obligés d'instruire et deMprêeher ; quant à l'instruction, ils douent instruire leurs ouaiHes à connaître et à croire les mystères de*la foi, et les choses nécessaires au salut, COtnnïa sont, 1° les quatre mystères principaux, c'est-é dire qu'il n'y a qu'un seul Dieu ; que ce Dieu est tout-puissant, infiniment sage, créateur et maître dei tout, miséricordieux et plein d'amabilité, et particulièrement qu'il est juste, rémunérateur du bien
(1) Lib. VI. ?. 94·
POUR  LES  CONFESSEURS.              3t)l
et du mal ; i° le mystère de la Sainte-Trinité, de 'incarnation et de la mort de Jésus Christ ;' 5"· les sacrements nécessaires, tels que le Baptême, l'Eucharistie et la Pénitence, ainsi·que 'eeux dont on doit s'approcher ; enfin les dispositions nécessaires pour le faire avec fruit ; 4° ^s doivent aussi expliquer \ea articles du Credo ; et spécialement la virginité e e la très sainte Marie ; la session-de· Jésus-Christ à la droite de son père, c'est-à-dire que sa gloire dans le ciel est égale à celle de son père ; la résurrection des tnort&i le-jugement dernier qui sera fait par Jésus-Christ ; l'unité de l'Église·romaine, hon de laquelle il n'y a point de salut ; et finalement i'( ler-nilé du paradis et de l'enfer, vérités que clnque fidele est obligé de savoir pur précepte très grjve ; ?° les commandements du Déralogue et de l'Ég isej 6° le Pater et YJve Maria, et les actes de-foi, c'es-pérancej d'amour et de conlrilirm. Tout »chrétien qui néglige d'acquérir la connaissance de toutes ces vérités et dé le* savoir, non seulement quant aux paroles,mais aussi quant au sens,pòehegrièvem >nt ; il y a aussi-péché grave de la part du curé1, suivant les docteurs, si par lui-même ou ses délégués (lorsqu'il1 en est tmpêché légitimement, suivant le concile de Trente, Sess. é. cap. a), il néglige de faire connaître -toutes ces choses, au moins en substance, à ses ouailles, aux enfants et aux adultes. Alissi, lorsqu'il s'aperçoit que les pères ou les maures ne conduisent pas^leurs-enfanls^ou leurs ouvriers- au citè-ehisme, ilJest'tenu de s'etìleridre avec i'é*êque, qui suivant le concile de ? Trente (Sess. 2/t. cap ; 4). peut forcer les ' pères au moyen des censures ecclésiastiques. Les bons curés ont l'ha-bitude de tenir note des Jeunes enfants" afin de reconnaître ceux qui ? lan-
892           INtTBUCTlON  MUTiQVB
quent. Lacroix (lib. 2. q. 127. et jib. 3. p. 1. n. 767) ajoute que s'il y adespersonnesignorantesquinepuis-sent pas venir à l'église, parce qu'elles sont obligées de garder la maison ou les troupeaux, et qui par là sont dans une grave nécessité spirituelle, le curé doit aller les instruire en particulier, cum quanlocumque suo incommodo, suivant les paroles de l'auteur cité. Nous dirons tout au moins, que quand il est impossible de mettre cela en pratique à cause du grand nombre de ces ignorants, le curé doit néanmoins avoir soin de les examiner et de les instruire au temps despâques.ou plutôt quand ils viennent demander les attestations nécessaires pour recevoir la confirmation ou se marier. 11 est encore très convenable que le curé éclaire les maîtres et les maîtresses, afin qu'ils puissent enseigner à leurs enfants la doctrine chrétienne et les moyens de vivre dans la crainte de Dieu.
XXXVI.Quant aux prédications, le curé est obligé d'en faire chaque semaine, comme le prescrit le concile de Trente (Sess. 5. ?. 2. de Refor.). Il faut voir ce qui a été dit cliap. vi, n. 5, en parlant des trois préceptes. Remarquez ici que le concile prescrit aux curés non seulement de distribuer à leurs ouailles la parole divine, mais encore de le faire en se mettant à leur portée, en faisant des prédications simples, afin que les auditeurs comprennent tout ce qu'ils disent : car si la foi se répand et se conserve par le moyen de la prédication (fides ex auditu), les peuples retireraient peu de fruit de celles qui ne seraient pas conformes à la inanière dont prêchait Jésus-Christ eU,es saints apôtres, qui tous, ont prêcha : « Non in • pÊ^suasibuibus humanae sapientiae verbis, sed in os- » tensione spiritus et virtutis, » comme dit saint Paul·
POUR  LES  CONFESSEURS.
Aussi est-ce avec raison que le père Avila appelle non pas ministres, mais traîtres à Jésus-Christ, ceux qui prêchent avec vanité afin de recevoir des compliments ; le père Gaspard Sanzio dit aussi que de tels prédicateurs sont les plus grands persécuteurs de l'Église ; car, en prêchant de cette manière, ils causent la perte d'un grand nombre d'âmes qui auraient trouvé leur salut au moyen de prédications faites avec l'esprit apostolique. Les paroles pompeuses, les périodes harmonieuses, les descriptions inutiles, sont, suivant saint François de Sales, la peste des prédications. Et d'ailleurs, le ministre doit s'attacher uniquement à diriger vers le bien la volonté de ses auditeurs, et non à occuper inutilement leur intelligence ; car l'expérience fait reconnaître que ces prédications fleuries ne sauraient produire de conversions, parce que Dieu ne prête pas son concours àla vanité. Ceci a été dit pour tous les prédicateurs quiprêchent avec vanité, et principalement pour les curés, auxquels le concile de Trente prescrit de ne pas prêcher d'une manière qui dépasse la capacité du peuple qui les écoute. « Archipresbyteri » quoque, plebani, et quicumque curam animarum, » obtinent per se, vel alios idoneos si legitime impe- » diti fuerint, diebus saltem dominicis et festis so- » lemnibus plèbes sibi commissas pro sua et earum « capacitate pascant salutaribus verbis. « Notez » pro » eorum capacitate. »
XXXVII. Je dois ici présenter plusieurs choses importantes que le curé, dans ses prédications, doit s'attacher à inculquer à ses ouailles : i° que pour s'amender, il ne suffit pas de former la résolution de fuir le péché, mais qu'il est aussi nécessaire de. fuir les occasions du péché. Et en parlant des fiancés qui
5?,4            INSTRUCTION PRATIQUE
ffêquentent la maison de leurs fiancées, il doit dire que tous, ainsi que les parents qui le permettent, ne sauraient recevoir l'absolution s'ils n'éloignent pas cette occasion de pécher. 2° II doit insister particulièrement avec les hommes, pour les empêcher d'aller dans les tavernes, en leur faisant le tableau de tous les péchés que l'on a coutume d'y commettre en outre de l'ivresse ; les blasphèmes,-les disputes, les scandales, les obscénités>? la discorde que cela peut porter dans leurs ménages par la dissipation de ce qui est nécessaire à leur entretien, efc> 3° II doit prêcher souvent et se montrer plein de sévérité contre le vice général dans les villages, de tenir de mauvais propos dans les champs ou dans les boutiques, surtout quand on s'adresse à des enfants, des servantes ou despersonnes de sexe différent. Combiende jeunes gens ne 6esonLils pas. perdusparde semblables conversations ? Aussi le curé doit-il recommander aux parents, aux patrons, aux chefs d'atelier, de corriger et ? réprimander· leur » enfants ou leurs ouvriers, lorsqu'ils tiennent de semblables propos, et spécialement à L'époque des vendanges. 4° Le curé doit s'attacher à démontrer l'énormité du sacrilège que commettent ceux qui se confessent et communient en omettant quelque'grave péché- par honte. Et pour faire comprendre toute la grandeur de ce crime, et y attacher une 'Sorte d'horreur, il doit leur raconter souvent quelque· exemple-terrible de ceux qui ont fait des confessions sacrilèges par- honte, et ont fait une maavaiee fin ;'et pout remplir ce but, les curés peuvent employer avec fruit le petit livre du père Vega, intitulé, Odsidélia covfessione. · <. r· XXXVHI ; 5° Le curé doit aussi faire comprendre la nécessité do repentir et du bon propos dans la
POTJR LES CONFESSEURS.             3?,5
confession, même'à Fégard des péchés véniels ; rê^· commandant que personne ne prenne l'absolution, si elle n'a pas un véritable repentir de quelque péché véniel dont elle se confesse, ou si elle n'a pas un »matière certaine, c'est-à-dire quelque péché dç la.ivie passée, dont elle a véritablement une.douleur nécessaire pour la validité de la confession. Et parce que les gens peu instruits comprennent difficilement qu'elles doivent être les qualités de ce* » repentir, il doitileur déclarer que pour que la confession soit valide, la douleur causéesoit par la contrition ou Vat1 trition doit Lui donner un tel regret de son péché, qu'il le déteste et l'abhorre au-dessus de tous les maux.
- XXXIX. 6° Le curé doit aussi recommander à ses ouaiHes ; au 'lieu de blasphémer ou de proférer des imprécations dans la colère, d'avoir l'attention de dire : « SaiateMarie, secourez-moi ; Seigneur/donnez-moi la patience ; » 7* il doit leur donner del'horreur des superstitions, des vaines observances, ique cer-taines.personnes suivent pour guérir les maladies ou découvrir les voleurs j. 8e il doit recommander aux pères et·mères de corriger leurs enfants, particulièrement dans la tendre jeunesse, lorsqu'ils blasphèment, ou qu'ils commettent des larcins ;· déplus de veiller avec soin sur leurs entretiens, de leur d4 » fendre de 'frequenter les mauvaises compagnies et les personnes de.différent sexe ; de plus-aussi,'de ne pas faire placer leurs enfants dans leurs propres lits, parce qu'en bas âge ils courraient risque de les étouffer, ouibien, s'ils avaient passé leur sixième, année* <ke les scandaliser ; avec encore plus de raison ils ne doivent pas faire coucher ensemble1 des enfants « le différent sexe.
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XL. 9· Les curés doivent exhorter continuellement leurs ouailles de repousser avec soin les tentations intérieures (particulièrement d'impureté) en invoquant les saints noms de Jésus et de Marie, ce qui est un grand remède contre les tentations ; io" ils doivent continuellement leur rappeler que si quelque personne commet un péché mortel, elle doit de suite faire un acte de contrition, pour recouvrer la grâce qu'elle a perdue, et former la ferme résolution de se confesser le plus tôt possible ; il doit aussi les faire tenir en garde contre les insinuations du démon qui cherche à leur persuader que Dieu pardonne aussi bien deux péchés qu'un seul ; car il peut arriver que Dieu leur ouvre sa miséricorde pour un premier péché, mais les abandonne pour le second.
XLI. 11° Ils doivent leur recommander de faire chaque matin en se levant des actions de grâces, des actes d'offrande, de demande, de dire trois Ave en l'honneur de la sainte Vierge, de former la ferme résolution d'éviter tous les péchés et spécialement ceux dans lesquels on a l'habitude de retomber, en priant la divine Mère de les délivrer de ces funestes habitudes ; ils doivent aussi exhorter les mères à exiger chaque matin cette pratique de leurs enfants. Il faut qu'ils annoncent déplus aux pères qu'ils sont obligés de faire fréquenter les sacrementsà leurs enfants,parce que s'ils négligeaient de les fréquenter, ils tomberaient facilement dans la disgrâce de Dieu ; que c'est aux pères à remédier à un si grand malheur. Ils leur diront encore qu'ils se rendent coupables en empêchant sans motifs légitimes le mariage de leurs enfants, ou leur consécration à l'état religieux, ou en les contraignant à entrer dans les ordres contre leur volonté ; comme aussi ils l'eroutcomprendre leur culpabilité aux en-
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fants qui contractent le mariage contre la volonté légitime de leurs parents. (Voir ce que nous disons en parlant des épousailles. )
XLII. 12" Comme il est vrai, ainsi que nous l'avons dit plus haut, que le curé est obligé non seulement à empêcher le mal, mais encore à provoquer le bien, il doit par conséquent engager le peuple à visiter chaque jour le Saint-Sacrement, ou quelque image de la très sainte Vierge. Il pourra lui-même faire cette visite en commun avec ses paroissiens le soir, moment le plus commode pour le peuple, ce qui se pratique dans beaucoup de lieux. 11 doit aussi recommander à ceux qui ne peuvent faire celte visite à l'église, de la faire dans leurs maisons. Surtout il recommandera aux hommes la fréquentation des congrégations et la réception de la communion avec préparation et action de grâces par le moyen des actes de foi, d'amour, d'offrande, de demande, et il leur enseignera le moyen pratiqué de faire de tels actes.
XLIII. i3° II doit s'efforcer d'affectionner le peuple à la dévotion en\ ers Marie, enlui démontrant combien grande est la puissance et la miséricorde de cette divine mère pour venir au secours de ceux qui s'adressent à elle. Pour cela il recommandera à chaque famille de réciter le rosaire tous les jours en commun, de jeûner le samedi, de faire des neuvaines pour les fêtes de la sainte Vierge, et pour cela il annoncera de l'autel toutes les fois que les neuvaines devront avoir lieu. Il sera bien aussi qu'il fasse une courte instruction le samedi, ou qu'il raconte quelque trait de la \ie de la bienheureuse Vierge, puis qu'il fasse chaque année une neuvaine solennelle en l'honneur de Notre-Dame, avec discours et
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exposition du très Saint-Sacrement. A cet effet il pourra recourir à l'ouvrage quej'aifaitimprimer sous le titre de Gloires de Marie, dans lequel il trouvera un recueil denjalériaqx et d'exemples. Bienheureux le curé qui tient ses ouailles attachées à la dévotion de Marie, parce qu'avec le secours de cette divine mère, elles vivront dans la bonne voie, et il aura une grande avocate à l'article de la mort,
XLIV. Enfin il doit leur recommander par-dessus tout la pratique de la prière, de demander souvent à Dieu la sainte persévérance daas l'amour de Jésus et de Marie, en leur répétant souvent que les grâces divines, et spécialement le don de la persévérance, ne s'obtiennent pas si on ne les recherche pas. Petite et accipietis, demandez et vous recevrez. Il doit aussi leur rappeler souvent celte grande promesse de Jésus-Christ, qui a dit : « Je vous le dis en vérité, si vous demandez quelque chose à mon Père en mon nom il vous l'accordera. » « Amen, amen dico vobis, » si quid pejtieretis Patrem in nomine meo, dabifevo- »bis. (Joann, xvi. a3.) » 11 doit leur conseiller la pratique de l'oraison mentale, avoir le soin de la faire avec le peuple chaque jour dans l'église, ou au moins tous les jours de fête, et de lui enseigner la manière de la pratiquer en particulier. Mais qu'il mesoitper-mis de soulager ici mon cœur ! Grande misère ! Com· bien, peu nombreux sont les curés et les confesseurs qui ont le soin de conseiller à leurs pénitents la pratique importante de l'oraison mentale, ou celle de la méditation, sans laquelle il est difficile de persévérer dans la grâce de Dieu, et il est presque impos-sibje de s'avancer dans la voie de la perfection. Et cependant un peu de zèle à ce sujet embraserait un grand nombre d'âmes de l'amour divin. Mais celui-ci
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néglige qette pratique pour éviter un peu de fatigue ; celui-là pour ne pas avoir le remords de conseiller aux autres ce qu'il ne mpt pas luiT-même en pratique ; en un mot cette pratique.est négligée,) parce que Jésus-Christ n'est pas assez aimé. Oh ! si les curés et les confesseurs aimaient assez Jésus-Christ, de com-j biep de personnes ne le feraient-ils pas encore aimer* et par là les. délivreraient du feu de l'enfer. Il fau| donc prier le Seigneur que s'il veut, être aimé de ses^enfants, il se fasse aimer parles prêtres.   >.. XLV. Outre ces obligations principales que nous venons de mentionner, le curé.en a encoie qui sont d'une, grande importance : i° il doit donner le bon exemple. Le pasteur doit ressembler à cette lampe lucens et ardens, dont parle l'Évangile, qui brûlç d'un saint zèle à.l'intérieur, et brille par ses bons exemples à l'extérieur ; autrement pourrait-il exhorter les autres à marcher dans les voies da la vertu. S'il n'en donnait pas lui-même le premien l'exemple, on ne pourrait croire ce qu'il dit* car lps hommes sont persuadés plutôt par les yeux que par. les oreilles, « magis oculis quam  auribus  credunt » ( Concil. Utrect. torn. 3. de ??. Cler. ). 20 II doit assister avec un grand soin les moribonds, et principalementles pécheurs mal famés, et ceux qui se, trouventdans une grande nécessité d'une assigtaace plus spéciale. 11 est vrai que le.curé peut confier, cette assistance à d'autres prêtres ; mais il ne doit pas se con fier à toutes sortes d e prêtres, parce que dans de telles occasions il pourrait en résulter de grands scandales. 3° II doit secourir les pauvres avec le surplus des rentes de sa cure, mais après avoir prélevé ce qui lui est nécessaire pour son entretien et celui de ses proches, s'il en a de malheureux ; on pourra consulter à ce sujet ce
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que je dis au chap, xin, 2e point, en parlant des bénéficiers. 4° ? doit examiner avec soin les sages-femmes pour reconnaître si elles sont capables d'administrer le baptême aux nouveaux-nés en cas de nécessité (de baptis. puer, ritu rom. ), parce que de tels cas peuvent se présenter souvent, et que pour cela elles sont obligées, sous peine de fautes graves, d'administrer le baptême, comme le disent Antoiii., Regina]., Aversa (?). En outre le curé doit à l'égard du baptême, observer ce que le rituel romain lui prescrit, c'est-à-dire i° d'inscrire sur un registre les noms du baptisé, de ses parents et parrains ; 2° de faire connaître à ces derniers les obligations qu'ils contractent ; 3° de recommander aux mèreset aux nourrices de ne pas coucher leurs nourrissons dans leur lit avec elles. Tournely, Barbosa, Anacl., remarquent à ce sujet que cette obligation cesse lorsqu'il n'y a aucun danger, par exemple, quand le lit est vaste, quand l'enfant ne pourrait prendre de repos autrement à cause du froid, ou bien quand la femme, pendant son sommeil, a l'habitude de rester à la même place (a).
XLVI. En somme, c'est de la bonté des curés que dépendent la bonté et le salut des peuples. Une contrée qui a un bon curé verra ses habitants fréquenter les sacrements, pratiquer l'oraison mentale et donner de bons exemples ; mais si le curé est mauvais, la contrée sera remplie de vices et de scandales.
§ II. Des obligations des évéqucs.
47· I. De l'ordination.
(i) Lib. VI. ?. ??7· ?. Quand. (Ï) ?. ?6?.
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48 à ??. Les ordinante doivent prouver leur moralité.
52. Et leur instruction.
53. Des séminaires à ce sujet.
54. II. De l'élection des curés.
54. Quellessontlesrecommandalionsquel'éveque doit leur faire. — Congrégations de jeunes filles,
56. Du choix des confesseurs. — Des académies.
57. Des congrégations particulières des ecclésiastiques.
58. Du soin qu'on doit porter dans la célébration de la messe.
5g et 60. III. Des visites episcopales.
61. IV. De la surveillance des monastères.
62.  V. De la résidence.
63. VI. De la correction.
64.  VII. De l'aumône.
65 et 66. De la messe, des audiences, des exemples, et spécialement de la mansuétude, la pauvreté, l'oraison.
XLVII. Un évêque a beaucoup plus d'obligations à remplir qu'un curé : avant tout i° à l'égard de l'ordination des clercs, il est obligé de choisir pour ministres des autels ceux qui en son t dignes.et repousser les indignes. Sain tFrançois de Sales Iremblait en réfléchissant à une si grande responsabilité ; aussi ce saint n'admettait aux saints ordres aucun de ceux qui ne pouvaient faire preuve d'une bonne vie ; il n'avait égard ni aux recommandations, ni à la noblesse, ni à l'instruction du sujet ; car la science unie à une mauvaise vie cause les maux les plus grands, puisqu'elle ne fait que donner du crédit aux vices. Aussi, ce saint faisait-il peu d'ordinations, suivant ce que pratiquent tousles bons évêques. 11 est vrai aussi de dire qu'il en ïi xxui »                      « 6
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est bien peu qui se fassent prêlres par une véritable vocation et pour la plus gtande gloire de Dieu ; çiussi arrive-t-il qu'il est bien peu de prêlres qui persévèrent jusqu'à la fin dans la vertu. et qui travaillent véritablement pour le bien des âmes. Aussi le même saint avait-il coutume de dire que l'Église n'avait pas tant besoin d'un grand nombre de prêlres, mais de bons prêtres.
XLVUI. Un évêque doit examiner ceux qui prétendent aux ordres sur deux points principaux : la piété et l'instruction. Quant à la piélé et aux mœurs,, î'évêque n'agirait pas avec sécurité s'il se contentait des seuls témoignages présentés par les cui es, c#r souvent ils sont dirigés par le respect bumain. Et d'ailleurs, I'évêque doit plutôt craindre unp ordination mauvaise, comme dit saint Thomas, que d'agir en sens contraire ; et pour être ce|lain de sa bonté, ne se fier qu'à des témoignages assurés qui pi cuvent quo le candidat a le véritable esprit ecclésiastique. Saint Paul (?. Ad Tim. 3. ) dit qu'il est nécessaire que le prêtre (il le comprend sous le nom d'éïêquè, comme l'expliquent les Pères de l'Église, tels que saint Ambroise, saint Chr\s>oslome ; saint Thomas et autres) ne soil pas néoplij te, c'est-à-dire, comme ? l'explique le docteur angélique, qu'il soit éprouvé par l'âge et la sagesse, » non solum aetate, sed etiam « perfectione. » C'est pour cela que le concile de Trente dit (Sess. ??, e. 12. ) qu'on ne doit recevoir aux ordres sacrés « quos probata vita senectus sit. » Parlàil entend ceux qui, par une sagesse continuelle, ont vieilli dans la pratique de la vertu, suivant le livre de la Sagesse qui dit : « ^Etas senectutis vita immacu- »lata (iv,9). « C'est pourquoi un évêque zélé ne doit pas admettre à l'ordination avant d'avoir pris auprès
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des personnes sûres, des informations secrètes sur Ja moralité du sujet : c'est un point que J'évêgue doi observer avec soin, car il est d'une grande importance, et peut seul décharger sa conscience dp le responsabilité d'une ordination. En prenant ces informations, l'évêque non seulement doit demander si le clerc a donné quelque scandale, soit par des railleries, ou des mauvais propos, ou des conversations licencieuses, mais encore s'il s'applique à la vie spirituelle par la fréquentation des églisps et l'exercice de la prière, et l'usage des sacrements ; si de plus il mène une \ie retirée, ou fréquente de bonnes compagnies ; s'il est appliqué à l'étude ; si ses vêlements sont décents, ses paroles modestes, et autres choses semblables. Et s'il arrivait qu'un clerc eût donné quelque scandale éclatant, alors jl ne doit pas se contenter de cette seule preuve, mais rechercher s'il l'a expié pendant plusieurs années d'une vie sans reproche ; car il doit suspecter raisonnablement que ce soit un masque dont il se couvre pour parvenir à entrer dans les ordres.
XLIX. Anciennement, suivant la prem.ièrre discipline de l'Église, si un clerc avait commis un seul péehé mortel, on ne lui permettait plus de monler dans les ordres, comme l'attestant saint Jérôme, saint lâdore et bien d'autres. Somenl même quelques séculiers, que la voix publique accusait d'un grave delil> étaient exclus pour toujours. Il est vrai qu'aujourd'hui celle rigueur n'est ? is observée partout ; néanmoins (comme nous l'avons vu plus haut), il est cerlaiu qu'on ne doit admettre personne qui ne soil d'une vertu éprouvée, spécialement sur la continence que doivent observer tous ceux qui seront admis aux ordres sacrés. « Nullus ordinetur clericus,
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« nisi probatus fuerit, » esl-il dit e. Nullus Dist. 25. Saint Grégoire écrit : « Nullus debet ad ministerium » altaris accedere, nisi cujus castitas anle susceptum « ministerium fuerit approbata. » (Lib. 1. epist. 42.) Le pontife veut qu'une telle épreinedatede plusieurs années : « Ne unquam ii qui ordinati sunt pereant, « prius aspiciatur si vita eorum continens ab annis « plurimis fuit. »Le concile de Trente exige la même preuve, en prescrivant (Sess. 23. c. ?.) de ne conférer la prêtrise qu'à ceux dont la sagesse ou la bonne vie a été éprouvée dans les ordres inférieurs, <· in mino- » ribus ordinibus probati. »
L. En somme, on ne peut douter qu'un évêque ne commelle une grande faute en conférant les ordres à un sujet indigne, et tout sujet est indignelorsqu'il ne donne pas des preuves assez certaines de bonlé positive. Saint Thomas en donne la raison (1), Ce saint dit que les ordres sacrés exigent une plus grande sainteté que l'état religieux, quand on considère l'office sublime que doit remplir l'ordonné, car l'ordination conduit aux ministères les plus élevés : « Per « sacrum ordinem deputatur ad dignissima ministe- » ria. » Ailleurs il ajoute (2) : « Si l'ordination élève les prêtres au-dessus des autres hommes, il faut qu'ils méritent leur élé\ation par leur sainteté. » « Sicut illi qui ordinem suscipiunt super plebem « constituuntur gradu ordinis, ita et superiores sint « merito sanctitatis. » Aussi l'éxêque doit-il s'assurer avant de conférer les ordres que les candidats possèdent la grâce à un degré qui les rende clignes d'être reçus au nombre des ministres de Jésus-Christ ;
(1) 2. 2. (]. 184. a. 6.
(a ; $uppl. q. 36. a. 1. ad. 3.
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et par la grâce, il ne faut pas entendre la grâce gratis data, mais celle qui nous rend agréable à Dieu, parce que c'est la seule qui fait le mérite de la sainteté : « Et ideo praeexigitur gratia, quae sufficiat ad »hccquod digne communerentur in plebem Christi. » D'où saint Thomas conclut que pour ordonner quelqu'un, il ne suffit pas que l'évêque n'ait découvert aucune tache dans la conduite du clerc, mais il faut qu'il ait acquis la certitude complète de sa bonté intrinsèque ; il faut surtout (c'est le même saint qui parle) que l'évêque ait sur les qualités du clerc une certitude proportionnée à la grandeur du ministère à conférer : « Sed amplius exigitur ut secundum « mensuram ordinis iujungendi habeatur certitudo » de qualitate promovendorum. » II cite à l'appui de son sentiment l'autorité de saint Denis qui dit : « Personne ne doit désirer de devenir ministre des choses sacrées (tel qu'est le sacerdoce), s'il ne s'est point rendu, par une longue habitude, semblable à Dieu. » « In divino omni non est audendum ducem fieri, nisi « secundum omnem habitum suum factus sit Dei for- » missimus, et Deosimillirnus. »
LI. Ea outre, de même que l'ordinant pécherait s'il recevait les ordres sans avoir une bonté positive, c'est-à-dire l'habitude acquise de la bonne vie, parce que s'il n'a pas la vocation divine, que certainement il ne doit pas présumer d'avoir, il s'exposerait au danger de ne pouvoir supporter le poids qu'il assume sur lui, surtout relativement à l'observation du célibat. Ainsi, la faute de l'évêque qui l'ordonnerait sans avoir acquis préalablement une preuve longue et certaine de son amendement, serait d'autant plus grande. « Les ordres sacrés dit saint Thomas, exigent l'état de sainteté ; et c'est sur des murs desséchés par
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Ii saintelé, qu'on tloilmctl re ie poids des ordres (1). » « Ordines sacri pra-exiguiil semet.talem, unde pondus » ordinum impunendum parietibus j ;im per sancli-ïla'em dessicatis. » Le saint docteur les compare à des murs qui, fr.iîcln ment élevés, ne peuvent supporter un grand poids : de même ceux qui n'ont réformé leurconduite que depuis peu do temps, etqui ne sont pas encore pufgés de J'orfeur peslilenlielle du vice, ne sont pas dignes de recevoir les ordres ; car ils doivent poiter a\ec eux l'obligation d'une continuelle chasteté cl d'une vie exemplaire, telle d'ailleurs qu'elle convinil à un ministre des autels. Ainsi, l4èvêque, en conférant les ordres sacrés à un sujel indigne, pèche à double lilre : il pèche parce qu'il manque à son devoir ; il pèche encore parce qu'il Coopère à toutes les fautes que l'ordonné commettra et qu'il fera commettre aux au 1res. Et c'esl là ce que signifient les paroles suivantes de saint Paul : « Vous n'imposerez les mains à personne avec promptitude et ne communiquerez pas aux péchés d'aulrui. » « Nemini cito manus imposueris neque communi- »caveris peccatis alienis (2). » Saint Léon a dit aussi Sur le même texte ·. « Qu'est-ce qui coopère aux péchés d'âutrui si ce n'est de conférer les ordres à un indigne.·) « Quid est communicare peccatis alienis, nisi » talem effici ordinanlem, qualis ille est qui non me- » ru.it prdinarì. »
LU. Nous avons parlé de la piété ; parlons maintenant de l'instruction qui est nécessaire à ceux qui prétendent aux ordres sacrés. L'ignorance dans les prêtres est non seuletnent une ciuse de grand dom-rnaiê jîdur eux-mêmes, mais aussi pour les autres ;
(1) a. 2. q. 189. a. 1. (a) Vom. V. n. aa.
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et ce qu'il y a de plus déplorable, c'est qu'elle est un mal s.ms remèd », comme dit saint François de Sales, parce que des prêtées Sans instruction restent Ion-jours incapables, et après avoir reçu les ordres, ne peuvent s'astreindre à l'étude. Aussi l'évêque doit-il examiner avec soin si le sujet est non seulement birti instruit, niais encore s'il a du goùl pour l'élude ; <*ar celui qui ne l'aime pas, ne sera jamais utile à l'Église, maïs il sera nécessairement méchant, puisque l'oisnélé est la mère dès vices. C'est pourquoi un é\§que né doit pas se contenter d'un simple examen ia'it souvent par d'attirés personnes sur des matières •triviales' que les clercs apprennent facilement dans"' quelque opuscuie ; el diîrès qu'ils ont reçu l'ordination, ilsrestentaussî ignorants qn'a\ant. Mons. ÏOLnee ae'Canoue, d htureuse mémoire, archet êqnè de kal'erne, avait soin 'dans ses ordinations, surtout daris celles des prêtres, de faire examiner sf>s ordiniihls sur toute là morale. L· sais aussi qu'un autre prélat (Mons. Vigilanlqj faisait de même examiner les cli res sur la morale en leur assignant â chacun le traité qu'ils devaient étudier ; de'sorte qu en arrivant a la prêtrise ils a\ aient acquis un degré d'instruction suffisant pour entendre les confessions J'ai pratique là même chose dans mon diocèse. Ce seiait certainement remplir la Volonté dé Dieu si tous les étêques, et principalement ceux qui administrent de petits diocèses, observaient la même pratique ; et par là on n'entendrait pas autant de plaintes, comme on eh entend faire,que l'on n'a personne que l'on puisse approuver pour les confessions. Mais on pourra dire que le concile de Trente ? exige pas une si grande science dans les ordinants. Je répondrai qu'au contraire le concile ne défend
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pas aux évoques d'agir ainsi àl'égard de ses ordinante, surtout (comme le disent les docteurs) quand ils le jugent nécessaire au bien de leur diocèse. ï|Jais en parlant encore selon le concile de Trente (Sess. 23. c. ?4)??" ordonne que ceux qui doivent recevoir le sacerdoce pour instruire les peuples et conférer les sacrements soient éprouvés par un examen diligent : « Ad populum docendum, ac administranda sacra- » mcnla, diligenti examine comprobentur ; » paroles que le pape Innocent XIII dans sa bulle Apostolici ministerii, faite pour l'Espagne, et étendue ensuite à toute la chrétienté par Benoit XIII, comme le rap· porte le cardinal Lambertini, depuis Benoit XIV (notifi. 2. 16 et 3a), ne peuvent recevoir d'interprétation plus bénigne que les ordinante doivent au moins savoir la morale.
LUI. Pour arriver à un tel but, l'évèque doit avoir un séminaire bien réglé ; et en exigeant que tous ceux qui veulent recevoir les ordres y passent au moins trois ou quatre ans, il pourra choisir dans son sein des curés, des confesseurs et d'autres prêtres ; alors son diocèse sera bien administré. J'ai dit un séminaire bien réglé, parce qu'autrement il serait la ruine de la jeunesse et du diocèse. Tous les jeunes gens qui entrent dans un séminaire, quelle que soit la vigilance dont on use, ne seront pas tous des petits anges ; tous n'ont pas encore l'esprit, mais doivent l'acquérir. Or, si le séminaire est mal réglé, il arrivera que ceux qui y arrivent purs comme des anges seront corrompus en peu de temps par les autres, deviendront des démons, et plus tard infecteront leur pays de leurs vices. C'est pourquoi si un évêque, soit par manque de revenus, soit par tout autre obstacle, ne peut posséder de bons professeurs
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dans son séminaire, il doit le fermer pour ne pas avoir à rendre compte à Dieu d'une multitude de pécliésetde scandales. Il faut donc qu'un séminaire soit aussi bien îéglé sous le rapport de la piété que de la  science ; à l'égard de la piété, il faut,  en premier lieu, qu'il y ait des règlements pour les méditations, la messe, l'office de la sainte Vierge, les lectures spirituelles, les visites au Saint-Sacrement, les examens, le silence à observer hors le temps des récréations, et cela pour tout le courant de la journée. Il faut aussi que la confession et la communion aient lieu chaque semaine, ou au moins deux fuis par mois, et pour cela, faire venir de pieux et bons confesseurs, et même des prédicateurs extraordinaires plusieurs fois dans l'année ; il faut, de plus, un jour de retraite spirituelle, chaque mois, avec un sermon tiré de quelque père spirituel ; les exercices spirituels doivent aussi avoir lieu chaque année. On devrait aussi établir que les jeunes séminaristes n'aient pas la permission d'aller chez eux les jours de vacance, parce qu'alors (principalement au temps des vendanges ) ils abandonnent tous leurs exercices spirituels, et dans un mois, ou deux d'absence disperdent toute l'instruction qu'ilsavaient acquise, et rentrent au séminaire souillés de péchés. En second lieu, l'évêque doit se pourvoir d'un bon recteur qui ait du zèle et de l'expérience, et qui ait assez de sagacité pour découvrir tout ce qui se passe et toutes les actions secrètes. Ce recteur doit surveiller toutes les chambres, épier les fautes, interroger souvent les piéfets ainsi que quelque élève plus fidèle chargé dans chaque chambre de rapporter secrètement les fautes qui s'y commettent. En troisième lieu, il doit se pourvoir de préfets qui soient
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de bonnes mœurs, et s'altnclier à ne jamais s'éloigner des chambres qu'ils ont à surveiller, et à ne jam,iis permettre les confidences entre camarades. Les préfets doivent aussi réprimer fortement les abus, et rendre au recteur un comple  exact des fautes commises chaque semaine. En quatrième lieu, il seraitconvenable que l'évoque visitât souvent son séminaire, et lit une ou deux fois l'année un examen pailiculier, sondant chaque séminariste pour découvrir si quelque complot se foi me. En cinquième lieu, l'évêque doit avoir une altenliort particulière lorsqu'il admet quelques jeunes élèves, et ne pas en admettre qui n'aient toujours été de bonnes mœurs, et pour cela prendre des informations secrètes  II vaul mieux avoir de bons élèves en petit nombre que d'en avoir un grand nombre parmi lesquels il s'en trouve d'imparfaitsqui peuvent corrompre les aulres. Aussi le recteur doit il user de toute la rigueur possible, sans rémission, à l'égard dis inconigibles, ainsi que contre tous ceux qui donnent un scandale positif, par exemple contre l'honnêteté, soit par détournement, larcin, ou autres délits semblables. Un séminariste, ainsi démoralisé, ne saurait, la première fois, recevoir un châtiment asseE exemplaire et sévère. Et la mesure serait plus efficace en le chassant de suite, parce qu'une personne corrompue de celte manière peut causer la ruine entière d'un séminaire. Dans de telles circonstances, la charité ne serait plus charité, mais tyrannie et injustice ; car l'évoque, à moins d'enfreindre la justice, est obligé de détourner le mal général. À l'égard de la science, il est, en premier lieu, nécessaire que l'évêque fasse instruire ses jeunes élèves dans la langui iatmie, avec un grand soin, parce que sans cette science ils ne
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pourraient étudier les autres, et en entendant peu le latin, ils n'auraient aucun goût pour l'élude. Il doit aussi leur faire étudier la philosophie (et particulièrement une bonne logique) ainsi que la théologie scolaslique et dogmatique. Mais par-dessus tout, et principalement dans les diocèses peu étendus, il est nécessaire de faire étudier avec soin la morale aux jeunes séminaristes, afin qu'ils soient aptes à confesser, et que l'c\êque puisse s'en servir quand il en aura besoin ; car autrement, une fois sortis du séminaire, ils ne pourraient éludirr cette science, et par là resteraient inutiles à lÉglise. Il est aussi convenable de faire exercer chaque semaine, à l'un la doctrine chrétienne, à un autre une opinion, à un autre un colloque, un catéchisme, un sermon. De cette manière, ils s'attacheront peu à peu à remplir les devoirs apostoliques, ce qui leur servira quand ils auront quitté le séminaire ; et c'est pour cela qu'il est très utile d'instruire spécialement les séminaristes de tous ce^ exercices. Si l'on veut connaître d'autres choses pour faire un bon règlement d'un séminaire, on pourra recourir à mon ouvrage sur les exercices des prêtres, où, à la fin, se trouve un traité sur les séminaires.
L1V. Jin second lieu, l'évêque est obligé de choisir de bons confesseurs. Quantau choix des curés, il sait déjà quels sont ceux que l'on doit préférer et qui sont les plus dignes. A l'égard des bénéfices simples, l'opinion admise communément avec S. Thomas (?), veut que l'on préfère les plus dignes, parce que l'utilité commune de l'Église exige ce choix. Mais à l'égard des curés, il est certain, d'après le concile
(?) Lib. IV. ?. g3.
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de Trento, que l'éfêque est tenu de choisir le plus digne, en a)ant ép ;ard aux qualités des sujets qui concourent, c'est-à-dire, la prudence, l'âge, les vertus, et principalement l'instruction et la sainteté de vie. Quanta l'instruction, l'évêque peut s'en rapporter au rapport d'un examinateur ; mais c'estàlui d'examiner avec le plus grand soin la probité de la vie, en prenant dea informations secrètes auprès de diverses personnes. Aussi doit-on admettre la maxime de saint François de Sales, qui dit que pour la direction des âmes on doit, sans aucun doute, préférer ceux dont l'instruction est suffisante, aux sujets dont l'instruction est plus grande, mais la sagesse moins éprouvée. Et la S. C., en parlant de l'élection des curés (apud diœces. pag. 328, num. 19) dit : « Prœferendus est minus doctus (modo idoneus), « quando ejus mores sunt approbati, docliori, cujus »vila ignoratur. » Car il est certain qu'un curé véritablement pieux pourra faire plus de bien en un seul mois qu'un autre plus instruit, mais moins saint, dans tout le cours d'une annge.
LV. L'évêque doit aussi prendre des informations sur la manière dont les curés enseignent la doctrine chrétienne, ainsi que sur leurs prédications, qu'ils doivent faire avec la plus grande simplicité, suivant ce que prescrit le concile de Trente. De plus, le prélat doit recommander à ses curés de distribuer souvent à leurs ouailles le pain de la divine parole ; puis les exhorter à avoir soin dans toutes leurs prédications de présenter des moyens de pratique, comme, par exemple, de leur apprendre à repousser les tentations, à supporter les chagrins qui leur surviennent, les injures que l'on peut avoir à souffrir, et d'autres choses semblables. L'évêque doit aussi prendre des
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informations sur la manière dont les curés et les confesseurs entendent les confessions. Dans certains lieux les curés assistent au chœur : qu'en résulte-t-il ? quele peuple reste quelquefois plusieurs mois sans se confesser, et qu'il vaudrait mieux que le curé ne s'éloignât pas ainsi du milieu de ses paroissiens ; c'est à quoi un évêque doit remédier. Il doit aussi s'informer si les curés ont le soin de faire faire la communion aux enfants de dix ans environ qui en sont capables ; si de plus ils recueillent les billets de la communion pascale pour reconnaître si tous les paroissiens ont satisfait au précepte ; s'ils pratiquent l'oraison mentale, la visite au Saint-Sacrement et à la sainte Vierge, comme cela se fait en plusieurs lieux. Il est même convenable que l'évêque introduise ces pratiques dans les pays qui ne les ont pas encore adoptées, et qu'il en recommande l'observation dans ceux qui en jouissent. Dans plusieurs lieux nous avons introduit, au moyen de nos missions, les congrégations de jeunes filles : c'est de la manière  suivante  que leur organisation a lieu.  Les jeunes filles de quinze ou seize ans au plus se réunissent dans quelque église chaque dimanche ; là, un ecclésiastique d'une probité reconnue leur explique la doctrine chrétienne, leur fait un sermon simple, une instruction sur l'oraison mentale, par exemple, sur la manière de s'approcher des sacrements, ou sur les verius que comporte leur âge, et ensuite leur assigne lespratiques de dévotion qu'elles doivent faire dans le cours de la semaine ; puis, oulre cela, il leur rappelle les règles particulières qui doivent diriger leur conduite chaque jour, les pratiques journalières, telles  que le rosaire, les visites au
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Saint-Sacrement', l'cSaineh dé conscience, la fréquentation des sacrements chaque semaine, la modestie dans les vêlements, et autres choses semblables. Ces congrégations, ces réunions de Jeunes filles produisent un bien immense, parce que, lorsqu'elles se marient, elles peuvent enseigner à leurs enfants tout ce qu'elles ont pratiqué, et par là les familles entières sont-sanctiliées.
LVI. En outre, l'un des plus grands soins de l'évêque doit se porter sur les approbations qu'il donne pour confesser. C'est des confesseurs que dé pend la direction des consciences de toutes ses ouailles, et un confesseur ignorant ou de mau\ aises mœurs peut causer la perte d'une contrée entière. Il ne doit donc jamais approuver personne s'il n'est certain de ses bonnes mœurs, db sa science, et sans l'avoir fait examiner avec soin sur sa morale. Quelques évêques donnent le pouvoir de confesser sans examen général à tous ceux qui prêchent le carême, ou qui ont déjà eu cette facullé dans d'autres diocèses. Mais Its autres évêques ont scrupule d'agir ainsi, et cela avec beaucoup de raison ; car il arrive souvent que des confesseurs approuvés ainsi sans examen, causent de graves désordres. Aussi, si un évêque veut avoir des sujets dont il puisse se servir sans scrupule pour la confession, outre les congrégations qui sont faites dans chaque diocèse, qu'il ait soin d'élablir des conférences de morale deux ou trois fois la semaine, en annonçant qu'il ne donnera pas lu facullé dts confesser à ceux qui n'auront pas assisté à ces conférences au moins pendant un an, et d'ailleurs c'est le moyen le plus utile, pour ne pas dire nécessaire, à ceux qui veulent posséder réelle-
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monl la morale, parce qtie colle connaissance clis-sipe les doules, et que l'instruction pénètre plus dans les esprits.
LVII. lin évoque agira aussi avec beaucoup de prudence en élablissanl dans les lieux les pias considérables de son diocèse des congrégations composées des prêlres el des clercs les plus spirituels, afin qu'ils s'exercent pendant la semaine à la pratique de la confession, de l'assistance des moribonds, de la célébration de la messe, ou bien quelquefois à faire quelque colloque, sermon, ou instruction. Ces congrégations peuvent avoir des règlements particuliers, comme, par exemple, de porter toujours des vêtements longs, des'abstenir dejouerauxcarles, elc, afin que le peuple leur porte une vénération particulière. Il n'est pas nécessaire que le nombre de ces congréganistes soit toul-à-fait restreint ; il ne faut pas cependant qu'il soit trop élendu, parce que cela pourrait détruire toute réserve entre eux el les empêcher de se consacrer aux œuvres de cliarilé. Le devoir de l'évêque consiste à soutenir continuellement leur zèle, à leur accorder des bénéfices, leur donner au moins quelques slalions de carême, ou les charger de faire d'autres prédications, des missions ou d'autres exercices spirituels, en leur recommandant de n'adresser à la basse classe que des paroles simples et à sa portée, afin qu'elle puisse recueillir quelque fruit de leurs prédications.
De plus, suivant la doctrine de Roncaglia, Quarti, Pasqualigo, l'évêque est obligé sous peine do péché grave de faire en sorte que ses prêlres célèbrent la messe avec l'attention et la gravité nécessaires à un sacrifice si auguste, sans négliger quelques paroles ou cérémonies ; impiété et scandale que beaucoup
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de prêtres ont à se reprocher. Ce mépris de la sainteté des saints mystères, lorsqu'il est évident ( comme il arrive nécessairement quand on célèbre la messe en moins d'un quart d'heure), est certainement un péché mortel, comme nous le verrons « n parlant de l'Eucharistie (chap, xv, num. 84 ), où l'on discutera ce point. Aussi le concile de Trente a-t-il déclaré (Sess. 22,'dccr., de observ. in celeb.miss. etc.) queles évoques étaient obligés (en raison de la gravité de la matière, celte obligation est de la plus grande gravité) à défendre dans leur diocèse la célébration de la messe avec une telle irrévérence. Le saint synode a déclaré (ce sont les paroles du concile) que les ordinaires devaient prohiber de tels abus dans leurs diocèses, et réprimer une irrévérence qui peut à la rigueur être considérée comme un acte d'impiété : « Decernit s. synodus, ut ordinarii locorum ea omnia « prohibere sedulo curent, ac teneantur, qua ?... irre- »verentia (quae ab impietate vix sejuncta esse potest) « induxit. »
LrX. En troisième lieu, l'évêque doit avoir le soin de renouveler souvent la visite de son diocèse, recommandée avec tant d'instance aux é\êques parle concile de Trente (Sess. 24, c. ?, de réf.) : « Episcopi » propriam dioecesim per seipsos, aut si legitime im- !>pediti fuerint, per suum generalem vicarium, aut « visitatorem, si quotannis totam propter ejus latitu- » dinem visitare non poterunt, saltem majorem ejus Dpartem,ita tamen ut tota biennio per se velvisita- » lores suos compleatur, visitare non praetermittant. » II ajoute : « Studeant quam celerrime debita tamen « cum diligentia visitationem absolvere... Interimque »ca\eant, ne ipsi, aut quisquam suorum procuralio- »nis causa pio visitatione, elc, nec pecuniam, nec
POUK  LBS CONFESSEUR*.             4·7
« munus quodcumque sit, etiam qualitercumque of- » feratur, accipiant ; non obstante quacumque con- » suetudine etiam immemorabili ; exceptis tamen vic- » tualibus, quae sibi ac suis frugaliter pro temporis » tantum necessitate, et non ultra, erunt ministranda. » Sit tamen in optione eorum, qui visitantur, si maii lint solvere quod erat ab ipsis antea solvi, certa pe- » cunia taxata, consuetum, aut vero praedicta viclualia » subministrare ; salvo item jure conventionum antiquarum cum monasteriis, aliisve piis locis, aut » ecclesiis non paroecialibus inito, quod illaesum per- » maneat. Quod si quisquam aliquid amplius accidere praesumpserit, is praeter dupli restitutionem, « intra mensem faciendam, aliis etiam pœnis, etc. » A combien de désordres un évêque ne remédie-t-il pasen parcourant lui-même son diocèse et en voyant tout de ses propres yeux ! L'administration d'un diocèse se fait bien plus facilement par le moyen de son propre pasteur que par un délégué. Saint Charles, bien qu'entouré de ministres excellents, avait soin cependant de se transporter en personne, et malgré de grandes fatigues, de visiter les parties les plus reculées de son diocèse. Souvent on l'a vu pour faire profiter quelques contrées de sa visite, marcher à travers les neiges et les boues. On peut lire dans sa vie quels fruits, quels remèdes produisait une telle visite. On rapporte aussi de saint François de Sales, que souvent pour visiter quelques lieux il traversait des chemins si escarpés, si difficiles, que souvent la meurtrissure de ses pieds lui en ôtait l'usage pendant plusieurs jours. Quelquefois il était forcé de dormir sur un tas de feuilles sèches ; et à ceux qui le suppliaient de ne pas risquer ainsi sa vie, le saint ré-T. xxiii.                          « 7
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pondait : « II n'est pas nécessaire que je vive, mais il est nécessaire que je remplisse mes deïoirs. »
LX. Dans ces visites, l'évêque doit faire entendre sa voix par des prédications. Oh ! combien la voix du véritable pasteur touche les cœurs ! Saint Charles, dans le cours de ses visites, avait coutume de prêcher deux et même trois fois le jour. De plus, l'évêque doit examiner les jeunes enfants pour connaître comment on les instruit, et remédier à la négligence de quelques curés en leur adressant des réprimandes, et substituant un économe chargé d'expliquer la doctrine chrétienne aux frais du curé, afin que cela serve d'exemple aux autres. L'évêque pourrait aussi soumettre aux épreuves d'un examen les confesseurs approuvés, et pour le même motif, les curés (vojez au chap. 16). Pardessus tout unévêque doit faire un examen personnel et particulier de lous les prêlies et cleres d'une contrée en les interrogeant chacun en secret, en premier lieu sur le urspropres devoii s, pour leur insinuer ce qu'ils ont à réformer, et ensuite sur les fautes des autres et spécialement celles du curé, des confesseurs, soit quant aux soins qu'ils apportent dans l'accomplissement de leur ministère, soit quarït à la pratique de telle ou telle chose. Quelques évêques vigilants tiennent pouF aider ljurs souvenirs un livre où ils consignent les bonnes ou mauvaises qualités de chaque ecclésiastique de leur diocèse. Ces notes peuvent servir dans beaucoup de circonstances, et principalement pour guider dans le choix des curés, des confesseurs et des autres ministres. Enfin, il doit s'informer de lous les autres abus, scandales et dissensions qui peuvent exister dans une contrée. Dans ses visites, l'évêque doit aussi ranimer la ferveur des congrégations séculières, et
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leur assigner un prédicateur et un confesseur si elles n'en ont pas. Dans ces mêmes visites, il peut fonder les congrégations particulières et restreintes des prêtres missionnaires dont nous avons parlé plus haut. Il sera convenable aussi que l'évêque prenn,e place au confessional, sinon pour confesser, du moins pour écouter les personnes qui voudraient lui parler en secret. Enfin, l'évêque aura soin dans ses visites d'administrer le sacrement de confirmation. Il est certain que l'évêque qui omet d'administrer ce sacrement pendant un long temps, pèche très grièvement, parce qu'il prive ses ouailles d'un grand bien. Caslrop., Salin., et Lacroix disent d'après cela qu'un évêque qui négligerait pendant huit ou dix années de faire des visites episcopales (et à ses frais, si la coutume le voulait ainsi) dans les contrées de sons diocèse, tout au moins les principales, à moins cependant qu'il n'y eût impossibilité morale, pécherait mortellement (1).
LXI. En quatrième lieu, l'évoque doit veiller avec soin sur les couvents des religieuses : à cet égard il doit s'appliquer, i° à déenutrir avec sagacité la vo-lonlé des aspirantes, parce qu'il en est une bonne partie qui se font religieuses par la \ocalion de leurs parents, et non de Dieu, d'où il suit qu'elles mènent' une vit ; inquiète, et introduisent dans la commu-. nauté un grand relâchement, au scandale général ; 2° au temps de cette visite, que l'évêque doit faire tous les ans dans les monastères qui lui sont soumis^ d'après la clause Attendatur, de statu monast. (quant à la visite des monastères exempts relativement à la clôture, voyez ce qu'il en sera dit au chapitre des
• (1) Lib. VI. ?. ?75.
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Privileges, ?. 82), il devra faire un examen particulier, s'inforinant secrètement auprès de chaque religieuse s'il y a quelque scandale ou abus dans le monastère ; il devra aussi avoir assez de prudence pour ne pas montrer qu'il adopte le parti de telle ou telle faction qui se sont formées dans le monastère ; il faut qu'il les écoute toutes, et qu'ensuite il donne les ordres opportuns ; 3° il doit aussi se montrer difficile à accorder aux étrangers la faculté de parler aux religieuses ; car il doit penser que des liaisons dangereuses peuvent se développer, non pas tout-à-coup, mais avec le temps et par des entrevues répétées, et une seule liaison de cette nature peut causer le scandale et la ruine de tout un monastère. S'il arrivait que le monastère fût placé hors de sa résidence, l'évêque doit recommander au vicaire qui en sera chargé, d'avoir la plus grande circonspection et retenue dans ces sortes de permissions ; 4° il doit aussi être attentif à envoyer plusieurs fois l'année des confesseurs extraordinaires, au moins pour remédier aux mauvaises confessions que quelques religieuses peuvent faire avec leurs confesseurs ordinaires. Une faut pas qu'il s'imagine que de lels cas arrivent rarement et qu'il ait égard à la demande de quelques religieuses, parce que celles qui ont le plus grand besoin d'un confesseur extraordinaire sont souvent celles qui s'en éloignent avec le plus grand soin. Il doit donner des ordres qui les obligent à s'approcher toutes du confessional, ne serait-ce que pour converser avec le confesseur extraordinaire, comme l'a ordonné BenoltXlV, dans sa bulle Pastoralis curas, qui expliquent ces paroles du concile de Trente, Sess. 25. c. 10 : « Qui (extraordinarius confessarius) » omnium confessiones audire debeat, » dit : « Extra-
POUR IE8  CONFESSEURS.             4> >
« ordinario confessario singulae se sistant, ad sacramentalem confessionem apud ipsum peragendam, « sive ad salutaria monita accipienda... ne aliae cen- » serentur necessarias habuisse causas ob quas ad » extraordinarii opem confugere coactae essent, alias « vero ab huiusmodi necessitatibus immunes judica- » rentur. » II convient encore que, sans une nécessité bien constatée, l'évêque ne confirme pas les confesseurs ordinaires pour un'cspace de plus de trois ans. Enfin, l'é\êque doit pourvoir à ce que, dans tout le cours de l'année, il y ait dans le monastère des exercices spirituels dirigés par quelque prêtre exemplaire et attaché au monastère, parce qu'autrement ces exercices pourraient engendrer plus de mal que de bien.
LXH. En cinquième lieu, l'évêque (suivant ce que nous avons dit plus haut ), est obligé à la résidence, et cette obligation est encore plus grande pour lui que pour le curé, parce qu'il est le principal pasteur de son troupeau. Si un évêque a reçu l'anneau dans son ordination, c'est afin qu'il le porte sans cesse et se souvienne qu'il n'est plus à lui-même, mais qu'il appartient à l'Église, son épouse, qu'il doit proléger pendant tout le cours de sa vie. Cependant le concile accorde aux évêques la faculté de. s'absenter, pour quelque motif, pendant trois mois de leur diocèse ; mais d'après la bulle Universœ, de Benoît XIV, il faut que cette absence n'ait pas lieu pour un motif frivole ou une vaine récréation ; car le concile de Trente veut qu'il soit juste. « Animi le- » vitas, oblectalionum cupiditas, aliae que futiles « causae excluduntur, » dit le pontife. Quand saint Charles était obligé de s'absenter de son diocèse, on lit dans sa vie qu'il lui semblait être attaché avec des
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chaînes, tant était grand son désir de le rejoindre promplement. Le cardinal Bcllarmin, bien qu'astreint par le pape à rester à Rome, et à demeurer hors de son église de Capoue pour le bien de l'Église universelle, ne pensait pas être en sûreté de conscience ; c'est pour cela qu'il renonça à son évèché. Voir ce qui a été dit à ce sujet au ?. ?4· ?
LXIIl. En sixième lieu, l'é\êque est obligé bien
f)lus que les curés à faire les corrections et à réparer es scandales, parce qu'il est le premier pasteur, comme nous l'avons dit ; qu'iladeplusgiandsmojens d/y porter remède, et qu'il peut recourir au prince séculier, comme le font avec raison plusieurs bons évêques. El d'ailleurs, n'onl-ils pas une responsabilité qui doit les remplir de crainte ? Monseigneur Saint-Félix, d'heureuse mémoire, évêque de Nardo, disait : « Comment puis-je doi mir tranquille si je sais qu'une de mes ouailles a perdu la grâce de Dieu ? » II est \rai aussi de dire qu'un tel devoir a quelque chose d'odieux, puisque l'évèque, pour bien le rempîir, doit affronter les haines, les médisances etmême les dangers ; mais, dit l'Écriture, « un bon pasteur doit donner sa vie pour ses brebis. » « Bonus pastor ani- » mam dat pro ovibus suis. « Le même évêque Saint-Félix » déjà cité, disait qu'en acceptant l'cpiscopat, on devait se préparer ou à de grandes contrariétés, ou à l'emprisonnement, ou à la damnation. Mais, pour bien remédier à tous les scandales, il faut que l'évêque prenne continuellement des informations, non seulement auprès des curés et des vicaires délégués, qui souvent taisent la vérité par respect humain, ou pour ne pas faire connaître leurs faiblesses ; niais encore qu'ils emploient des ecclésiastiques ?&-lés qui, placés dans les différents lieux de leur diocèse,
POUR  LES  CONFJSSSEUBS.
soient chargés de leur déclarer lout ce qu'ils ont observé en secret. Et lorsque ces curés ou ces vicaires viennent pour faire de telles déclarations, ils doivent leur accorder prouiplement audience et les admettre sans retard, afin de les engager à se présenter plus Souvent, et qu'ils ne s'excusent pas sous prétexte qu'ils ne peuvent aborder leurs évêques.
LXIV » En septième lieu, l'évêque doit faire l'aumône : i° Car l'hglise ne lui assigne pas de revenus pour les dépenser selon ses caprices « mais pour secourir les pauvres^ La mense des évêques doit être le patrimoine des pauvres. Saint Grégoire dit, que l'aumône est la première œuvre de miséricorde que le pasleur doit pratiquer à l'égard de son troupeau. Combien de plaies un évêque ne peut-il pas guérir au moyen de ses aumônes ? Combien n'y a-t-il pas de ménages qui passent dçs années entières dans le péché, parce qu'ils n'ont pas le moyen de faire bénir leur union ? Combien d'enfants ne sont-ils pas obligés de coucher avec leurs parents, par excès de misère, et même bien souvent avec mélange des sexes, au grand péril des âmes ? Aussi les bons évêques doivent recommander à leurs curés de prendre connaissance de tous les besoins qui peuvent exister, et de lui déclarer tous ceux qu'il découvrent. Je sais cependant que des docteurs (1) prétendent qu'un bénéficier peut réserver le surplus de son entretien (à moins qu'il n'y ait quelques pauvres en gronde nécessité), pour faire des acquisitions au profil de 1 Église, ou pour pourvoir à des besoins futurs ; mais je sais aussi que les saints évêques laissent après leur mort, non des épargnes ou des fonds de terre, mais
(1) Lib. HI. n. 4<?. q. 11.
le plus souvent des deltps. Il serait honteux pour un évêque, disait saint Charles, qu'on pût reconnaître qu'il entasse de l'argent dans sa caisse. SaintThomas de Villeneuve disait aussi que, si en mourant il laissait des épargnes, alors il regarderait sa damnation comme assurée.
LXV. Je ne parlerai pas, en finissant, des autres obligations des évêques, cplle, par exemple, de la célébration de la messe, obligation plus grande encore pour eux que pour les curés, et qu'ils doivent appliquer principalement les jours de fêle pour le bien de leurs ouailles ; ni des audiences qu'ils doivent donner continuellement à leurs subordonnés, et particulièrement aux curés et aux vicaires forains qu'ils doivent admettre sans retard ; ni d'examiner et de juger l'administration du vicaire capitulaire, suivant les décrets du concile de Trente, SPSS. 24. c. 16. de Refor. Mais je dois parler avec détail du bon exemple qu'il est toujours obligé de donner. Si le pasteur veut que le troupeau arrive au sommet de la montagne, il faut qu'il aille au devant. Un évêque ressemble à une lumière placée par Dieu sur un candélabre pour éclairer tous ceux qui sont dans la maison du Seigneur. Il faut donc, comme saint Paul l'écrit àTite, que l'évêque donne l'exemple de toutes les vertus qu'il voudrait voir briller dans ses ouailles. Ainsi, l'exemple de la mansuétude, en répondant par des bienfaits à l'ingratitude et aux inimitiés. On peut lire les beaux exemples que saint Charles et saint François de Sales donnèrent de celte vertu. L'exemple de la pauvreté. Il est bien vrai que l'évêque peut sans injustice faire les dépenses nécessaires à la décence de son maintien ; mais il doit dans tous les cas faire briller la sainte pauvreté : en ne tenant
FOim  LES  CONFESSEURS,
qu'un petit nombre de domestiques, seulement le nombre strictement nécessaire, en portant des vêtements simples et n'ayant que des meubles modestes dans sa demeure. L'évêque qui orne son palais d'équipages et de ce luxe qui ne convient qu'aux séculiers, ne saurait donner de l'édification. Saint Charles avait proscrit de son palais les tapisseries, les ornements, les tableaux. Pauvreté encore dans la nourriture ; et le meilleur moyen de faire apprécier par la multitude le caractère d'un ecclésiastique, c'est l'observation de la frugalité et de la tempérance. « Vivere enim de altari, non luxuriam concessum » est. » Can. dis t. 44· *n prin. Le concile de Trente ordonne à l'évêque de se contenter d'un ameublement et d'une table frugale. « Jubet ut episcopi mo- » desta supellectili et mensa, ac frugali victu contenti « sint. »Sess. 25. cap. i. L'évêque doit aussi donner l'exemple de la prière. Le cardinal d'Arezzo descendait de son siège dans l'église pour faire ses prières devant le Saint-Sacrement, et par là donner le bon exemple aux autres. L'exemple de la mortification, en se privant de certains divertissements qui ne conviennent pas à un prélat. L'exemple de la retraite,, en ne se mêlant que par nécessité à la société des séculiers ; l'exemple de la modestie, en usant de toute la prudence possible dans ses relations avec les femmes. L'exemple du zèle, en ayant soin de mêler à toutes ses conversations particulières quelque aspiration adressée à Dieu, comme le pratiquait saint Charles avec toutes les personnes qu'il fréquentait.
LXVI. J'ai dit, en parlant des curés, que le salut des ouailles dépendait d'un bon curé. Je dirai maintenant que d'un bon évêque dépend le salut de tout le diocèse, parce qu'un tel évêque ordonne de bons
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clercs, fait de bons prêtres, de bons confesseurs, de bons curés : qu'il les conserve bons par son zèle et ses bons exemples, et il verra régner universellementla piété dans son diocèse. Et c'est pour cela qu'en parlant des obligations des pasteurs, je me suis plus élendu que pour tout autre sujet, parce que celui-ci concerne le bien ou le mal général, et que tout dépend des bons ou mauvais pasteurs.
CHAPITRE VJH.
PREMIER  POINT.
Du meurtie personnel.
? et 2. Quand est-il permis de risquer sa vie ? 3. Castration des enfants. 4· De l'i\rognerie.
5. S'il est permis de s'enivrer par remède.
6. Pour éviter d'être tué.
7. S'il est permis d'enp ;ager son prochain à s'enivrer pour empêcher un plus grand mal.
8. Quelles fautes peuvent être imputées à un ivrogne, et de quelle manière on doit considérer les maux provenant de telle ou telle cause.
I II n'est permis à personne de se tuer directe-ment, et de propos délibéré, sans l'autorité ou l'in- » piratioQ divine, par laquelle plusieurs martyrs le sont donné la mort saps péché. Ainsi les funam-
POUR LES  CONFESSEURS.
bules (c'est-à-dire ceux qui se balancent sur des cordages attachés à des endroits élevés), ceux qui avalent des poisons ou qui se font mordre par des vipèros, au péril de leur vie, commettent un grand péché (i). Nousavons dit directement, parce qu'm-din clement, il est quelquefois permis de s'exposer pour de justes causes au péril, suivant la doctrine commune à beaucoup de docteurs (a). i° Ainsi le soldat ne doit pas quitter son poste, bien tju'il pré-yoie que la mort le frappera, et cette opinion est générale, g' II est permis de céder sa nourriture à un ami qui est dans la détresse, comme la planche à laquelle on a confié son salut à un autre ; c'est l'opi-pion de Tolède, Lessi., Silvius, Lugo, Salmat., Prado., Buscrnjja., Vicloria et de plusieurs autres, communément contre Solo etLaymann ; elle est bien plus probable, car il y a une grande différence entre se donner la mort, et cesser de défendre sa vie, ce qui est licite quand il y a une juste cause. Saint Thomas le dit aussi expressément : <· Tradere seipsum « morti propter amicum est perfectus actus virtutis ; » unde hunc actum magis appetit virluosus, quam « vitam corporalem. » « Se livrer soi-même à la mort pour un ami est un acte de parfaite vertu ; aussi un homme véritablement vertueux préfère un tel acte à sa propre existence (5). » 3° II est permis, en cas d'incendie, de se précipiter par la croisée, pourvu qu'on ait par Jà l'espoir d'échapper à une mori imminente. Laym., Less., Lugo, Fill., Busemb, Sal., Sporer el Elbel, ajoutent que la même faculté est
(?) Lib. IH. ?. 36g.
(a) N. S66.
{?) 3. seat. d. 39. a. 5. ad. 3. lib. ??. ?. 366 et 97t.
4 »8             INSTRUCTION  PBATIQOB
accordée au condamné à mort ou à une réclusion perpétuelle (i). 4° Bonac., Lugo, LessiuS, Salin., Trullench, disent qu'il est licite de mettre le feu à son vaisseau, quoique au péril de sa propre vie, lorsque le bien général demande qu'il ne tombe pas entre les mains des ennemis (2). 5°Laymann, Bu-semb., Mazzotta, disent que quoiqu'une jeune fille ne puisse se donner la-mort, elle peut néanmoins s'exposer au danger de la mort pour ne pas être violée ; et cela ne parait pas improbable, si c'est par l'amour de la chasteté, ainsi que pour le péril du péché qui résulte toujours de telles occasions (5).
II. 6 ' II est permis à un coupable de ne pas fuir, quand il le peut, et môme de se présenter au juge pour subir sa condamnation, quand bien même la peine encourue serait la mort. Vasquez, Bonaci. et d'autres docteurs, prétendent aussi qu'un condamné pourrait se donner la mort, si le juge le constituait bourreau de lui-même ; mais c'est avec plus de probabilité que Suarez, Salmanti., d'après saint Thomas, repoussent celte opinion, en disant que l'acte de se donner la mort est intrinsèquement mauvais. Du reste, il est communémentpermis au condamné de monter l'échelle et d'adapter son cou à la corde, parce que de tels actes sont éloignés de la mort (4). 70 II est permis, et même c'est un acte louable, que certaines personnes s'abstiennent de manger de la chair, même au péril de leur vie, comme le soutiennent plus probablement Sanchez, Busemb., Salm. ; cependant, suivant Azor, Medina et Victoria, elles
(1) N. 567.
(a) Ibid. q. il.
(5) Ibid.
(4) ?. 569.
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ne pécheraient pas si elles en mangeaient dans une telle circonstance. Car, s'il n'y avaitpas d'autres aliments que la chair, elles devraient s'en nourrir (t). 8" II est permis de se mortifier par des jeûnes et des pénitences par amour de la vertu, quand bien même on devrait abréger sa vie de plusieurs années (pourvu toutefois que cespénilences ne soientpasindiscrètes), parce qu'il y a de la différence entre abréger positivement sa vie et en permettre l'abréviation par affection pour la vertu (?). 90 11 est aussi permis, par humilité, de se faire mettre sur la terre quelques instants avant d'expirer, comme font les trappistes. Busemb. tt Vasquez ; en outre, Soto, Bonaci., Sal-manti., etc., disent communément que l'on n'est nullement tenu à conserver sa vie (à moins qu'elle ne soit nécessaire au bien général), par des moyens extraordinaires ou très douloureux, tels que l'amputation d'une jambe., l'extraction de la pierre ou autres remèdes semblables. Lessius, Sanchez, Escob., Turrian., Salmant., Busemb., etc., disent encore : « Non teneri virginem aegrotantem subire manus chi- »rurgi in verendis, ut suas infirmitati occurratur ; ipolest tamen id sinere. Tenetur autem permittere, »ut curetur, ab alia femina (?). »
III. S'il n'est pas permis de se donner la mort, il est aussi défendu de se mutiler quelque membre, à moins que cette opération ne soit nécessaire à la conservation de la vie. Lajmann. Lugo, Busemb., Salmant., et l'opinion générale, sont contraires à la mutilation des jeunes enfants pour leur conserver la
(0 N. 370. (a) ? 37?. C5) Lib. III. 11. 372.
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voix ; d'autres l'accordent, tels que Trullenchius, Salonius, Elbel, Mazzotla, Pasqual. et Tamburini, pourvu toutefois que l'enfant y consente et qu'il ne coure pas le risque de la vie, parce que la conservation de la voix pour ceux qui sont dans la misère peut leur ôlre d'une grande importance el changer leur destinée ; car les eunuques peuvent sembler utiles au bien général en contribuant par leurs ebants à retenir les fidèles au sein des églises ; parce qu'en un mot, celte opération a dégénéré en habitude et est autorisée par quelques prélats ( i).
IV. La prohibition de l'ivrognerie se rallache au cinquième précepte. C'est un péché mortel lorsque l'acte est pleinement consommé ; on lui impute encore comme cause toutes fautes que la personne prévoit devoir probablement commettre dans cet élat. Mais on doit remarquer que l'ivrognerie ne constitue complètement un péché mortel que lorsque la personne se prive à dessein et volontairement del'usage <le la raison ; car c'est là ce qui constitue la malice de l'ivresse, comme dit saint Thomas (2) : quand l'homme bien portant, jouissant de la raison, s'en prive à dessein. « Homo valens et sciens, privat se »usè rationis. »D'où nous devons conclure, i° que celui qui ne s'enivre pas au point de perdre la raison, mais qui, bien que sa têle soit échauffée, peut encore distinguer le bien du mal, ne pèche pas grièvement. Cajetan., Laymann, Tob., Wigandt, Holz., Salm., Elbel et autres (3) ; 'z° que celui qui, en buvant, ne sait pas que la boisson qu'il prend, même
( 1) Lib. III. ?. 574. (?) 9. 3. q. l5o. a. 3. (3 ; l.ib.V. n. 75.
POUB LES  CONFESSEURS.
immodérément, a assez de force pour l'enivrer, fie commet pas une faute pave. Saint Thomas dit que l'ivresse n'est pas mortelle, quand ii arrive « quod ali- » quis percipiat potum esse immoderalum, non tamen « aestimet inebriare potentem. » Cependant, lorsqu'une personne connaît par unefréquente expérience qu'elle s'enivre avec la même quantité de boisson, alors elle ne peut être excusée de péché mortel. J'ajouterai qu'il est également coupable celui qui sait qu'il boit une quantité suffisante pour s'eniwer, quand bien même il serait sur le point de se mettre au lit, parce qu'il fait une action intrinsèquement mauvaise.
V. On demande, i° s'il est permis de s'enivrer, lorsque c'est nécessaire pour se guérir d'une maladie mortelle. Beaucoup de docteurs, tels que L ;nm., Sylvius, Castrop., Lessius, Tob., Roncag., Sal., Ca-jetan, le permettent, parce que l'action de boire et de manger ne dégénère en faute que loisqu'il y a immodéiiilion ; or, on ne peut regarder comme immodéré l'acte : qui tend à conserver la vie. D'autres le nient, tels que Petrocor., Felix Pot, Tournely et Holzmann, parce que, disent ils, la privation volontaire de l'usage de la raison est intrinsèquement mauvaise. Je dirai aussi que boire du vin dans l'intention directe de s'enivrer, est par soi-même un acte intrinsèquement mauvais qui ne saurait être autorisé ; par suite, je regarde comme également coupable l'acte de s'enivrer pour endormir ses sens et ne pas ressentir la douleur de quelque incision ou la cautérisation des chairs. Mais il n'y a plusculpabi-lité lorsque le vin se prend pour dessécher ou expulser les humeurs malignes, comme il est aussi permis à une femme enceinte (ainsi que nous le verrons au
432            INSTRUCTION  PRATIQUE
n° a3) de prendre une médecine qui doit détourner la maladie, quand bien même il s'ensuivrait l'expulsion d'un fœtus inanimé ?( ? ).
VI. On demande, %" s'il est permis de s'enivrer pour éviter la mort dont on est menacé, si l'on ne se met pas dans un état d'ivresse. Quelques docteurs, telsqueLess.,Bonac., Castr., Laym., Busemb.,etc, l'admettent, parce que, dans un tel cas., on ne perd pas directement la privation de la raison, mais on le permet comme on l'a vu dans le cas précédent. Mais, et avec plus de probabilité, Azor, Wigandt, Tour-nely, Holsmann, Salmant., repoussent cette opinion, disant avec raison que, dans le cas précédent, il y a légitimité, en ce que le péril est intrinsèque, comme lorsqu'on a à dissiper une maladie ; mais la même faculté ne saurait avoir lieu quand le péril est extrinsèque, comme il ne serait pas permis à la femme enceinte de faire périr son fœtus pour éviter la mort dont ses parents la menaceraient, ainsi qu'il résulte de la proposition condamnée par Innocent XI. C'est ce qu'enseigne saint Augustin, serin. 232.de tempi., en parlant d'un homme que l'on avait forcé de s'enivrer, il dit : « Etiamsi tibi diceretur, aut bibes, aut » morieris, melius erat ut caro tua moreretur, quam > per ebrietatem anima moreretur (2). »
VII. On demande s'il est permis d'exciter son prochain à s'enivrer pour l'empêcher de commettre un péché plus grave (comme, par exemple, un sacrilège ou un homicide). Quelques docteurs nient qu'on le puisse ; mais l'opinion par laquelle Lessius, Medina. Gobât, etc., l'autorisent, ne paraît pas improbable.
(1) Lib. V. ?. j6. (a) Ibid.
POBH LES CONFESSEURS.
Ils disent avec Cajétan, Soto, Molina, Sanchez, Navarre, Castropalao et Bonacina, qu'il est permis de conseiller à son prochain un péché léger, quoique d'une autre espèce, pour lui faire éviter un phis grand qu'il veut commettre ; car le mal léger est toujours virtuellement renfermé dans le mal plus grand (1).
VIII.  On demande si l'on doit imputer à un homme ivre tout le mal qu'il a pu commettre en état d'ivresse. Nous répondrons qu'on doit lui imputer tous les maux qu'il a prévus ou qu'il devait moralement prévoir ; comme sont les actes que l'on commet ordinairement dans.l'ivresse, ou ceux que telle personne ivre a l'habitude de commettre plusieurs fois dans son état d'ivresse ; comme aussi les péchés auxquels il a de la propension, parce que, dans L'ivresse, la nature s'abandonne toujours aux vices auxquels on est enclin. Mais on ne peut pas regarder comme prévus les maux qui arrivent par accident ; c'est l'opinion de Cajétan, Azor, Lessius etSalmant. (2). Cependant Lessius, Salmant. (?), et d'autres avec eux, observent que la gravité des péchés commis dans l'état d'ivresse, doit se mesurer suivant l'advertance et la volonté que l'on avait en posant la cause, c'est-à-dire l'ivresse elle-même. Mais quand Soto, Salmant. et d'autres prétendent que les blasphèmes et les jurements ne sauraient être imputés, parce que ces parole s. prononcées sans l'usage de la raison sont purement matérielles, je ne puis accorder ce point, parce  que de tels actes ont toujours été regardés
(1) Lib. V. ?. 77. V. Quœr.
(a)'Cajet. 2. a. q. i5o. a. 4· Azor. 1. VII. 9. P. Lessius 1. IV. c. 5. n. sr5. Salmant. Ir. 25. do v. praecep, e. a. ex. 7. 26. (3) Lessius a. cit. cl S-ilmant. n. 53.
T.  XXIII.                             28
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comme péchés,d'habitude, suivant Sanchez ( ? ),' parce qu'ils sont toujours injurieux à Dieu. Si ensuite on demande s'il est nécessaire qu'il y ait prévision dans le principe de l'acte pour qu'on impute à péché les maux provenant de certains actes, je renvoie à' la question de là même nature déjà discutée au chapitre 3, numéro 25.
SECOND POINT.
De f homicide.
9 et io. De lamort donnée par autorité pub'Îiojue.
11. Pour sa propre défense.
12. De celui ojui attaque l'tìò'h'n'eur.
13. Qui attaque les biens. ?4· La pudicité.
i5 et 16. Pour la défense de son prochain.
17. Quand on prévient son agrèss'èur.
18 et 19. De l'adultère et dùtiïeurtre d'un innocent.
20. De l'avortement.
21 et 2 a. Si les femmes enceintes éhcouréh't Y ex-communication lorsque l'animation du fœtus esl douteuse.
?? et 24· Si une femme enceinte peut prendre une médecine qui la mette en danger d'avortemèné.
IX. Nul n'a le droit de tuer son semblable ; excepté par autorité publique ou pour sa propre défénie. Oil peut certainementpar autorité publique faire mourir les criminels condamnés a friort ainsi que lès" proscrits, si toutefois ils se trouvent daris lèsÉtatg du prince qui les a condamnés. Du reste, il n'est pas permis à des satellites de tuer un malfaiteur qui fuît ou résiste,
(1) Sanch. dec. 1. I. c. 16. a. 44·
POUR LES  CONFESSEURS.             435
quoiqu'il soit déjà condamné à mort, à moins qu'ils n'aient reçu un mandat spécial du prince ; et ce mandat peut être délivré lorsque le coupable à été condamné ou convaincu, ou bien que la voix publique lui reproche un crime capital, et qu'en lui laissant la liberté on lui donne les moyens de commettre impunément de plus grands crimes. C'est l'opinion de Laymann, Lacroix, Elbel, et de plusieurs^ autres (?). Au contraire, un prince ne peut Ordonner la mort d'un coupable qui est déjà retenu en prison et qui n'estpas encore condamné, quand bien même il saurait par science particulière qu'il mérite la mort. Mais ce droit est accordé ( Salma. ) si le délit est notoire, si l'on redoute une sédition en livrant le coupable à la justice, ou bien quelquefois si l'honneur du prince courait des dangers en le faisant condamner juridiquement (s).
X. Il faut noter ici deux cas : le premier c'est que les clercs, bien qu'ayant l'autorité laicale, ne peuvent condamner personne à mort à moins d'y être autorisés par une dispense expresse du Pape. D'un autre, côté, les évêques qui ont la domination temporelle d'un pays peuvent déléguer leur pouvoir ? des séculiers dans les causes de sang. C'est ainsi que pensent Bonac., Trullench., Salmant. avec saint Thomas (5). Le second cas est que le juge est obligé, sous peine de péché grave, à accorder au condamné le temps de se confesser et même de recevoir la communion, pourvu qu'en permettant la réception de ce dernier sacrement on n'ait à redouter un mal
(1) Lib. ??. ?. 176 et 38?. V. Décius. (a) ?. 377. (5) ?. ?78.
456            INSTRUCTION PRATIQUE
plus grand ; parce qu'alors le précepte divin oblige, puisque le coupable est vraiment à l'article de la mort. Dans ce cas il peut très bien recevoir la communion, même sans être à jeun, comme l'admettent Suarez, Lugo, Navarre, Salmant. Mais si le condamné s'obstinait à refuser de se confesser, la justice pourrait suivre son cours après avoir emplo.yé l'admonition, Bonacina, Trullench., Salm. (1).
XI. En outre, il est permis, pour sa propre défense, de tuer l'injuste agresseur de sa vie, pourvu qu'on le fasse cum moderamine inculpatœ tutelœ, c'est-à-dire qu'on ne fasse éprouver à son prochain que le mal nécessaire pour éviter le sien propre. Un tel acte est permis par toutes les lois divines et humaines, comme dit saint Thomas (2). L'auteur moderne du catéchisme tombe positivement dans l'erreur, quand il dit que saint Thomas et saint Augustin ont nié qu'il fût permis de tuer l'agresseur pour la défense de sa propre vie ; car saint Thomas exprime positivement le contraire en disant : « Necest » necessarium ad salutem, ut homo actum moderatae » tute lae praetermittit ad evitandam occisionem alte- » rius. » Ce saintveutdire, etsaint Augustin apporte la même doctrine, qu'en tuant son semblable on ne doit pas avoir eu l'intention de donner la mort à autrui, mais seulement de se défendre. Le catéchisme romain (?) et tous les docteurs admettent cette même opinion, qui est exprimée in cap. si vero. 3. De sentent, excommuni. ; d'où l'on dit : « Cum vim vi » repellere omnes leges omniaque jura permittant. »
(1) ?. 578 et 379. (a) a. 2. q. 64. a. 7. (5) De V. praecep, n. 8.
POUR LES  CONFESSEURS.
Néanmoins on doit préférer la vie spirituelle de son prochain à sa propre vie temporelle ; car cet ordre de charité (suivant Lessius et plusieurs autres communément) a lieu quand la vie propre est absolument nécessaire au salut spirituel de son prochain qui se trouve dans une extrême nécessité (par exemple si un enfant est dans le danger prochain de mourir sans avoir reçu le baptême, alors il y a obligation de lui donner la vie pour le baptiser ). Mais ce n'est plus la même chose lorsque l'agresseur se met lui-même dans le cas de se damner, parce qu'alors sa perversité ne peut enlever aux autres le droit qu'ils ont de défendre leur vie (i).
XII. C'est la raison pourquoi, Navarr., Azor, Mo -lina, Lessius, Vasquez, Laymann, Lugo, Roncaglia, Tapia, Cardenas, Filliutius'et plusieurs autres, communément, disent, contre un petit nombre, qu'il est permis à un noble séculier de tuer un homme, non par vengeance, mais pour se défendre contre celui qui a outragé son honneur, en employant non seulement les paroles ( car les paroles peuvent se payer avec des paroles, par exemple, en répondant à l'agresseur qu'il en à menti), mais encore par des faits, des coups, des soufflets, ou autres outrages de la même gravité, qui une fois commis ne peuvent plus se réparer que par la mort. Mais un meurtre de cette nature est illicite, parce que, suivant la proposition 3o, condamnée par Innocent XI, ce ne serait plus un acte de défense, mais de vengeance. Ainsi l'on voit qu'il n'est pas permis de répondre aux coups par des coups, excepté dans le but d'empêcher d'autres coups qui, outre le déshonneur, pourraient blesser le corps
(i) Lib. IU. ?. 38?.
INSTRUCTION  PRATIQUE
grièvement, et lorsqu'il n'y a pas d'autre moyen de s'y soustraire. C'est une concession faite aux nobles séculiers, mais non aux plébéiens, aux clercs, aux religieux, pour qui la fuite ne saurait être un acte honteux, et pour cela ils sont tenus de fuir, toutes les fois qu'il le peuvent sans risquer leur vie (1). Du reste, en parlant des séculiers, Silvius a dit très sagement, que dans la pratique il regarde comme très rares les cas où il pourrait être permis de violer la maxime précédente : « Etiamsi honor sit bonum prœ- »stantius quam divitiae, aut nullum, aut rarissimum » arbitramur esse casum, quo pro defensione solius » honoris licet agressorem interficere (2). »
XVII. Par la même raison, saint Antoine, Suarez, Sojto, Cajetan, Lessius, Bonacina, Lugo, Roncaglia, Sajmant. et d'autres disent communément qu'il est permis de tuer le voleur qui ravit un objet d'un grand prix, pourvu qu'on ait engagé le voleur à ne pas commettre ce crime ou à rendre l'objet s'il ne veut pas être tué, et qu'alors celui-ci s'y refuse obstinément. Saint Antoine dit la même chose. « Item licita est de- » fensio cura moderamine, non solum pro persona, » sed etiam pro rebus sibi depositis et commodatis, et » etiam pro rebus amicorum e| propinquorum suo- »rum, eos scilicet adjuvando (?). » Telle est aussi la doctrine de Silvius, qui dit qu'il est permis de tuer le voleur, si les objets sont d'une grande importance ei qu'on ne puisse les défendre ou les recouvrer que par la mort de l'agresseur : « Si sint magni momenti, » et non possint aliter aut defendi, aut recuperari
(1) ?. 38?.
(a) Sylv. in 2. a. q. 64. a. 7. q. 9.
(3) S. Anton. 5. p. tit. 4. c. 5 $. 2.
POUB  LES  CONFESSEURS.
 » quam per mortem diripientis. » Cette opinion est encore celle de saint Thomas (?), qui, pour prouver qu'il est permis de défendre sa vie par la mort de l'agresseur, rapporte le texte suivant de l'Éxode 11 : « Si un voleur force une maison, ou l'escalade, et qu'il reçoive la mort, le meurtrier ne sera pas responsable de son sang. » « Si effringens fur domum, seu suffo- »diens, fuerit inventus, et accepto vulnere mortuus » fuerit·, percussor non erit reus sanguinis. » A cela le saint ajoute : « II est encore plus légitime de défendre sa propre vie quesa maison. » « Sedmulto magis lici- » tum est defendere propriam vitam, quam propriam » domum. » On ópposelésparolessuivantesderExodè : « Une telle action commise au lever du soleil, est un véritable homicide, et mérite la mort : » « Quod si orlo » sole hoc fecerit, homicidium perpetravit, et ipse mo- » rietur. » Cornélius à Lapide observe que l'Exode n'entend pas dire par là que dans le jour on ne court aucun danger de mort, mais que dans le jour on peut reconnaître plus facilement le voleur et recouvrer les objets volés par l'entremise de la justice ; de plus, aussi, parce' que dans le jour il est plus facile de mettie ten fuite les voleurs, soit en criant, soit par le secours de ses voisins. La preuve de cette même opinion se trouve encore dans le chapitre Dilecto, de sentent, excomm. in 6, où il est dit qu'il est permis de défendre ses biens avec l'épée temporelle, comme avec le glaive spirituel. Il faut néanmoins que l'objet soit d'un grand prix (2), parce que sa valeur ne serait pas suffisante si elle n'était que d'un ducat, comme disait la proposition ? ?, condamnée par Innocent XI,
(1) a. 2. q. 64. a. 7. 0) Lib. III. u. 563.
44<>              INSTRUCTION PRATIQUE
mais même de huit ou dix. Molina, Vasquez, Sal-mant., disent qu'on doit regarder comme importante et précieuse la somme dont la perte peut causer un dommage réel. Cardenas dit que la somme'de 4o ducats est grande en comparaison d'un seul. Mais Viva, Elbel et Noël Alexandre (1) estiment qu'on ne doit regarder une somme comme précieuse que quand sa perte peut ruiner ses propres ressources et celles de sa famille. Pour moi je ne puis admettre l'opinion de quelques docteurs qui prétendent qu'un noble peut se défendre avec les armes, à cause de l'injure, contre un voleur qui veut lui enlever un objet de peu de valeur, car dans une telle circonstance l'outrage ne paraît pas assez grave pour qu'on puisse donner la mort à un larron ; comme disent Diana et Salmanti. D'un autre côté, suivant l'opinion plus probable de Lugo, Lessius, Busembaum, Tanner, Malder, etc., contre celle des Salmant., de Bonac, il serait permis à un propriétaire de tuer le voleur lorsque celui-ci veut l'empêcher de recouvrer son bien (d'une valeur considérable, comme nous l'avons dit) ; et quand il n'a pas d'autres moyens d'y parvenir. ; parce qu'alors le voleur est un véritable agresseur (a), et cette latitud-e que les laïques pnt pour défendre leurs biens appartient encore aux clercs et aux religieux. Suivant la doctrine commune à Lugo, Becan, Lessius, Tanner, Salmant., Elbel, Busemba., et le chapitre Z)i7eeio, déjà cité (3 ), dans ce cas les clercs n'encourent pas l'irrégularité (4)· La défense qui est permise au proprié-
(1) Nat. Aless. theol. de 5. praec. art. 2 prop. 6. (a) Lib. III. ?. 583. Quaer. 2.
(3) Ibid.
(4) ?. 384.
POUR LES CONFESSEURS.           441
taire pour lui-même, il peut aussi la faire exécuter pour ses serviteurs. Navarre, Lugo, Laymann, Sporer, Salmant., Elbel (1).
XIV. Mais s'il est permis de tuer le ravisseur des biens, à plus forte raison peut-on repousser à main armée celui qui veut outrager la pudeur, quand il n'y a pas d'autres moyens, suivant l'opinion de plusieurs docteurs, et du père Cuniliati (2), auteur moderne qui, à l'appui, cite le texte de saint Anto-nin. « Quia mulier utitur jure suo naturali, quo licet » vim vi repellere ; et magis tenetur saluti suae pro- » videre quam alienae, nam exponit se periculo con- » sentiendi actui peccati, permittendo se opprimi « propter difficultatem resistentiae voluntatis  (?). » Mais quand il s'est écoulé du temps après l'outrage, il n'est plus permis de punir le coupable ; cependant le cardinal de Lugo prétend qu'il est permis à la femme outragée (pourvu que ce soit immédiatement après l'outrage reçu, et non par vengeance ) de punir le criminel par des coups, des soufflets, et même par des marques cruelles, non pas assez graves pour causer la mort, mais qui puissent faire connaître quelle a été sa résistance, son dégoût intérieur, et par là éloigner de nouvelles attaques (4).
XV. De même il est permis, suivant S.Thomas (5) et beaucoup d'autres docteurs, de défendre la vie de son prochain innocent en causant la mort de l'in-jusle agresseur. On peut dire aussi que le prochain
(1) Lib. III. ?. 58S. (a) Lib. III. n. 585.
(3)  Cuniliat. deV. prae. e. 2. § 5. S. Antonin. tit. 7. e. 8. ton). Ill- p. tit. 4· e. 3. § a.
(4) Lib. III. n. 386.
(5)  a. 2. q· 60. a. 6, ad. 2.
442             INSTRUCTION  PRATIQUE
peut laisser la défense de sa vje à la justice, parce que s'il peut le faire ce n'est pas une raison pour qu'il ne défende pas une vie dont il n'est pas le maître. Les magistrats et les satellites choisis pour cet objet sont obligés par la justice à défendre la vie des innocents, même au péril de leur propre.existence, quand surtout il y a utilité générale, comme serait par exemple de chasser des routes les voleurs publics. Lessius, Salmant. Ces théologiens, ainsi que Mavarr., Bonacina, disent encore que les particuliers sonj ; tenus de tuer l'agresseur de l'innocence s'ils le peuvent sans grand danger pour eux-mêmes. Mais, iet avec plus de probabilité, Lessius et Lugo le nient parce qu'en pratique il est impossible qu'un homme puisse sans horreur tremper ses mains dans le sang de son semblable. On excepte cependant le cas où l'assaijli serait une personne nécessaire au bien public, ou un père, un fils, un frère (i).
XVI. Lessius, Filliutius, Lugo, Bonacina, Trul-lench., Salmant., admettent aussi communément qu'il est permis de tuer l'agresseur de la pudeur ou de l'honneur de son prochain, s'il y a des faits véritables pour constater l'outrage, comme nous l'avons déjà dit au n° 12. Mais quant à la pudeur, cela ne peut s'admettre lorsque la femme a consenti expressément ou tacitement ; à moins cependant que ce ne soit une proche parente, et que l'on ne puisse éviter le déshonneur qu'en frappant l'agresseur (2). Saint Antonin, Lessius, Navarre, Molina, Bonacina, Lugo, Salmant., admetteut encore qu'il est permis de défendre un objet de grande valeur appartenant
(1) Lib. ??. ?. Sgo. (a) ?. 59l.
POUR LES CONFESSEURS.
à un innocent, en tuant l'agresseur lorsqu'il n'y a pas d'autres moyens : parce que, dans tous ces différents cas, prévaut toujours la maxime que nous avons mentionnée dans le commencement, que l'ordre de la charité, qui ordonne de préférer la vie de son prochain aux biens temporels, ne peut avoir son effet que quand il se trouve dans une extrême nécessité, et non quand il s'expose volontairement au danger de mourir (1). On peut voir encore la proposition dix-huitième condamnée par Alexandre VII, et les 5o, ??, 32, 35, condamnées par Innocent XI.
XVII. On demande, en premier lieu, s'il est permis deprévenir l'agresseur de sa vie et deXe tuer. Cette question a fait naître deux opinions bien opposées, mais queSoto, Azor, Govarr., Roncaglia, Busembaum, Sal-mant., s'efforcent de concilier en disant que si quelqu'un est moralement certain que son 'ennemi est tellement déterminé à le tuer qu'il a déjà préparé l'arme destinée à ce crime, et que de plus il a "déjà commis quelque assassinat, alors il peut le prévenir s'il n'a pas d'autres moyens d'éviter ses embûches et de fuir le péril d'être assassiné. Si, au contraire, ce n !est qu'un simple soupçon, il ne le peut pas, car il n'est pas juste de priver un ennemi de la vie pour un simple doute craintif (2).
XVJII. On demande, en second lieu, s'il est permis à l'adultère, pour défendre sa propre vie, de'tuer le mari qui l'attaque. Uadultère est certainement obligé à fuir s'il le peut, parce que dans ce cas la fuite n'est pas déshonorante, ou tout au moins le déshonneur n'est pas grand. Mais s'il ne peut pas
(1) N. 39a. (a) N. 597.
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fuir sans danger pour sa vie, quelques docteurs le regardent comme coupable, d'autres non, s'il tue te mari. Je distingue rai avec Suarez, Coninch., Lay-mann, Castropalao, Roncagliaj Sporer, si l'adultère a prévu l'attaque du mari, et que néanmoins il veuille exécuter ses intentions dépravées ; alors il ne peut être excusé d'h omicide et de l'irrégularité, parce qu'alors son adultère est une occasion prochaine d'homicide, comme nous le verrons en parlant des censures au chap. XIX. Il en serait autrement si le péril était éloigné et que l'adultère se tint sur ses gardes (1).
XIX. En troisième lieu on demande s'il est permis de tuer un innocent : directement cela n'est pas permis, mais indirectement cela est licite en certains cas. i° Si un tyran menace de ruiner une ville si l'on ne tue un innocent, il n'est pas licite de le tuer, mais il est permis de le livrer au tyran quand l'innocent refuse de se présenter devant lui, comme disent probablement Molina, Lessius, Laymann, Lugo, Filliuti., Busembaum, contre Soto, etc. ; parce qu'alors il est.obligé de se sacrifier au bien commun. Ainsi, quand il refuse, il se rend coupable, et comme coupable la république peut bien le livrer (2). 2° Si quelqu'un en fuyant à cheval ne peut éviter la mort dont le menace un ennemi qui le poursuit, qu'en écrasant un enfant qui se trouve sur une route étroite, il peut fuir, pourvu que l'enfant soit baptisé ; Sanchez, Lessius, Lugo, Filiut., Busemb., Salmant., Prado, et d'autres communément (3). 3° II est per-
(1) N. 398. V. In ordine.
(a) N. 395.
(3) Ibid. et n. 569.
POUR LES  CONFESSEURS.            445
mis dans une guerre de diriger les canons et autres instruments de mort vers la ligne des ennemis, quel que soit le nombre des innocents qui doivent souffrir la mort ; Les^ius, Busemb. et autres ( ? ).
XX. En quatrième lieu, on demande s'il est des cas où l'avortement soit· permis. Procurer l'avorte-ment de propos délibéré est très certainement toujours illicite, quand bien même le fœtus serait inanimé ; parce que, si par un tel acte on n'attaque la vie de personne, on offense du moins la nature de la génération. Nous devons dire ici que Sixte V, dans sa bulle E ffrcenatum, outre la peine de la privation des privilèges cléricaux et des bénéfices, et de l'inhabilité à les obtenir, impose aussi l'excommunication papale au fait lui-même, et l'irrégularité à tous ceux qui causent sciemment l'avortement d'un fœtus, animé ou inanimé, parleur coopération, leurs conseils, ou leur autorisation. Mais la bulle (Sedes apostolica) de Grégoire XIV restreint cette excommunication et cette irrégularité seulement dans le cas de l'avortement du fœtus animé (2) ; et quant à l'excommunication, cette bulle accorde la faculté de se faire absoudre par les évêques et par ceux qui ont une mission spéciale pour cet objet ; ce qui n'empêche point que cette absolution ne puisse être donnée par tout autre ecclésiastique auquel l'é-vêque a pu donner la faculté d'absoudre de tousles cas réservés pour le pape, comme pensent probablement Bonacin., Viva, Elbel, Sporer (3). Les réguliers peuvent aussi absoudre dans de tels cas, ainsi
(1) N. 393. (a) N.,395. (S) N. 337.
446             INSTRUCTION  PRATIQUE
que nous le verrons au chap. XX, ?. io2, en parlant des privilèges. Mais on doit observer i° qu'en disant dans sa bulle scienter, Sixte V ne soumet pas à l'excommunication et à l'irrégularité ceux qui causent l'avortement par une ignorance crasse ; c'est l'opinion commune des docteurs (i). Voir ce que nous disons en parlant des censures. 2° Quant au temps où l'on peut juger que lefpetus est oui ou non animé, il y a diverses opinions. La plus commune veut que l'animation n'ait lieu qu'au bout de quarante jours après la conception si c'est un mâle, et de quatre-vingts s'il est féminin ; c'est le sentiment de Silvestre, Azor,.Elbel, Éusembaum et Salmant. avec saint Thomas (2), qui pour le sexe étend l'époque de l'animation jusqu'à quatre-vingt-dix jours. Le continuateur de Tournely (3) dit que c'est l'opinion de tous les théologiens, et il ajoute, pag. 419 » * » fine, avec Navarre et Sylvius, qu'elle est suivie par la pé-nitenterie quand on y traite de peines et d'irrégularités.
XXI. On doute i° si les femmes enceintes qui se font.avorter encourent l'excommunication. Plusieurs l'affirment, tels que Bonacina, Viva, Sporer, etc,, s'appuyant sur ce qu'adit dans sabulle Sixte V, § 5l « Ad mulieres ipsas quae pocula scienter sumpse- »rint. 0 Mais d'autres le nient avec plus de probabilité, tels que Lugo, Avila, Lezana de Leone, Salmant., parce que les susdites paroles de la bulle s'entendent seulement des peines temporelles et non spirituelles. D'après les paroles suivantes, § 7, n. ai :
(1) N. 595.
(a) In 3. q. 5. a. 3.
(3) Tom. III. p. 45a.
POUR  LES  CONFESSEURS.             44 ?
« Insuper, u£ hujus delicti gravitati non solum tem- » poralibus, sed etiam spiritualibus poenis prospicia- »mus, omnes qui, vel quae uti principales vel ut « sociaeopem, consilium, favorem dederint, etc., » les seuls coopérateurs encourent l'excommunication et non les femmes enceintes, parce que la bulle, dans ce passage, ne s'exprime pas comme elle le fait antécédemmentpour les autres peines. L'excommunication même ne s'applique pas à tous ceux qui procurent l'avortement, mais aux principaux qui ont donné aide, conseil ou faveur, ce qu'on ne peut dire de la femme qui n'a pas été à elle-même aide ou conseil (1).
XXII. On doute 20 si ceux qui procurentl'avorte-mentsans savoir si le fçetus est animé ou non, encourent l'irrégularité. Viva et d'autres docteurs l'affirment, par la raison du chap, ad audientium de homicidio, et d'autres semblables textes où il est dit que, dans le doute si quelqu'un a concouru ou non à l'homicide, il doit être regardé comme irrégulier. Mais j'ai toujours regardé comme certaine l'opinion contraire adoptée par Giballino, Pelliz., Moja, Marchant, Verdi, Tamburini, Elbel, Diana, Sporer et d'autres, avecle savant auteur de l'instruction pour les nouveaux confesseurs ; et la raison qui me parait convaincante, c'est que d'un côté nous avons dans le chap, is qui de sent, excomm,, que l'on n'encourt l'irrégularité que lorsque la loi l'exprime positivement ; de l'autre on ne voit dans aucun lieu exprimé que dans notre cas on encoure l'irjégularité, puisque si dans les textes susdits quelques uns furent déclarés irréguliers dans le doute s'ils
(1) N. 595. q. v.
448           INSTKtCTION  PRATIQUE
avaient été ou non causes de l'homicide, c'est que l'on était néanmoins certain de l'homicide commis. Mais dans notre cas, où l'animation du fœtus est douteuse, l'homicide l'est encore. Ainsi, pour notre cas, aucune loi ne prescrit l'irrégularité. Le contraire doit se dire de ceux dont on doute si par des faits réels et positifs ils ont concouru à l'avorte-ment (i). Quant au concours seulement verbal fait par des conseils, des recommandations, j'en parlerai en traitant de l'irrégularité au chap. XIX. Ce que nous venons de dire sur l'irrégularité, peut s'appliquer aussi à l'excommunication ; mais l'irrégularité ne peut être levée que par le pape. Elbel. Sporer et Roncaglia, prétendent que l'évêque peut dispenser ceux qui ont procuré l'avortement de l'inhabilité à recevoir des bénéfices ; je le nie avec Anaclet (2). Voyez à cet égard ce qui est dit au chap. II, ?. 63.
XXIII. On doute 5° (en revenant à la demande de la quatrième question ) s'il est permis à une femme enceinte de prendre directement une médecine, dans le but d'expulser un fœtus inanimé. Il est certain d'un côté qu'il n'est pas permis, comme nous l'avons dit en principe, de causer directement l'avortement d'un fœtus même inanimé, à moins qu'il n'y ait certitude de corruption, pour quelque motif que ce soit, quaqd bien même la mère se trouverait en danger de mort, ou que pour ne pas déshonorer ses parents on voudrait cacher sa grossesse ; motifs qu'admettait injustement la proposition 34, condamnée par Inno-centXI, soit encore par l'expérience faite descouches laborieuses de la mère ; c'est l'opinion commune em-
(1) N. 3g6.
(a) M. 397. V. Quand.
POUR  LES  CONFESSEURS.             449
brassée par Sanchez, Azor, et d'un autre côté, il est certain après tout qu'il e st permis de donner un remède à une mère dans le but de la guérir d'une maladie, même au risque d'un a^ortement lorsque la maladie est mortelle ; beaucoup de docteurs prétendent à ce sujet que dans un cas semblable l'avorte-mént est permis, parce qu'il est certain que le fœlus est inanimé, etqu'alors on peut le considérer comme l'agresseur de la vie de sa mère. D'autres plus nombreux repoussent cette opinion, mais le père Busem-baum dit avec raison qu'on peut admettre dans quelques cas l'opinion contraire sur l'a\ortement direct, puisque suivant tous les docteurs l'avortement indirect peut être causé sans péché (1).
XXIV. On demande 4° si dans le cas de l'animation du fœtus il est permis à la mère de jprendre une médecine nécessaire à sa guérison, mais qui peut mettre en danger l'existence du fœtus. Quand il est moralement certain que la mort de la mère doit entraîner celle du fœtus, il n'y a aucun doute sur cette faculté. Mais il n'en est pas de même quand on espère que l'enfant peut survivre à la mère et ???????? le baptême. Holzmann, Prado, Salmant. prennent l'affirmative, parce que, disent-ils, l'obligation de don-jner la vie temporelle à son prochain afin de lui procurer la vie éternelle, n'a de force que lorsque le salut de son prochain est certain et non lorsqu'il est douteux. Mais je ne puis pas admettre cette opinion parce qu'autre est l'obligation de s'exposera la mort pour procurer le salut spirituel au prochain, alors le salut du prochai ? doit être certain, et autre pour défendre sa propre vie de mettre son prochain posi-
(1) N. 394. Qnaei'.igitu t. T.  XXIII.
29
PRATIQUE.
tivement en danger de mort éternelle, parce <jue, quand le danger est égal pour la mère, comme pour l'enfant exposé à mourir sans baptême, il me semble certain que l'ordre de la charité demande qu'on évite plutôt le malheur de l'enfant que celui de la mère. C'est pourquoi je pense qu'on doit tenir avec Ijlbel, Tournely (qui cite Silvius, Coôiitoie, Habert, et proclame ce sentiment commup), que d'administrer une médecine à une femme au risque de la vie d'un fœtus animé n'est permis que dans le seul cas où l'on n'a aucune espérance raisonnable de l'existence de l'enfant et où il parait impossible.de lui administrer le baptême après la mort de la mère ; car dans un tel cas la charité n'oblige pas la mère placée dans une nécessité extrême à s'abstenir de prendre un remède pour une espérance très éloignée de l'existence de son enfant. Du reste, les théolpgiens de Salamanque disent que les médecins ne doivent p.as être tant scrupuleux à administrer pertains remèdes aux femmes enceintes, parce qu'il est très rare et même moralement impossible, comme l'admettent Sanchez, tugo et Roncaglia, que l'enfant puisse survivre'à la mort de la mère. Cette opinion m'a été aussi.confirmée par plusieurs médecins instruits que j'ai consultés à ce sujet, et qui m'ont dit que dans le cas d'une maladie mortelle de la mère, les humeurs se corrompaient, 'aliment du fœtus s'infectait, et gue par là probablement le fœtus mourait avant la mère (1). Il n'est pas permis d'ouyrir la mère au péril de sa vie pour donner le baptême à son enfant, quand bien même elle y consentirait. Si cependant l'habileté d'un chirurgien éloignait le danger, dans ce cas la mère se-
(1) N. 394. q. 11. et n. 4°°·
POUR hfiS  CONF£§£EUR$.             45 »
rait obligée de se soumettre à l'incision· C'est aux hommes,de l'art à voir s^il est possible 4e.donner ainsi le baptême à l'enfant sans mettre la vie,de la mère en danger ; pour moi, cela me paraij ; bien difficile (i).
TROISIÈME POINT.
Du duel et de la guerre.
25. I. Du duel. Propositions condamnées par Benoît XIV sur le duel.
26.  Si le duel est permis ?
27. II. De la guerre. —S'il est permis de faire la guerre en s'appuyant sur une opinion probable,
28.  Si l'on peut réclamer le secours des ennemis de la foi.
29. Si le soldat peut combattre avec le doute de la légitimité de la guerre.
30.  Quelles actions sont autorisées dans la guerre.
§ I. Du duel.
Le duel est un combat entr.e deu* ou un plus grand nombre de personnes avec les conventions préalables sur le lieur le jour et les armes. Le due} ne saurait être autorisé,' soit pour mettre au jour la vérité, soit pour terminer des procès, soit pour se justifier du reproche d'un crime, et encore moins pour éviter le reproche de lâcheté ou d'ignominie (comme le permettait la proposition 2 condamnée par Alexandre VII ), quand bien même le duel n'eût lieu que pour la forme. Benoit XIV, par
(1) Lib. VI. ?. ??6. V. omnino.
452             INSTBUCTION  PRATIQUE
sa bulle Deleetabilem, condamna, en 1767, les propositions suivantes sur le duel : « I. Vir militaris, qui »nisi offerat et acceptet duellum tanquam· formido- » losus, timidus,  abjectus, et ad officia militaria » ineptus haberetur, indeque officio, quo se suosque « sustentat, privaretur, vel jiromotionis alias sibi » débitai ac promeritœ spe perpetuo carere deberet, » culpa et poena vacaret, sive offerat, sive acceptet » duellum. II. Excusari possunt etiam honoris tuendi, » vel hu manae vilipensionis vitandae gratia, duellum » acceptantes, ^ el ad illud provocantes, quando certo « sciunt, pugnam non esse sequuturam, utpote ab » aliis impediendam. III. Non incurrit 'ecclesiasticas » poenas contra duellantes latas dux vel officialis mili- » tiae acceptans duellum ex gravi metu omissionis fa- » mas vel officii. IV. Licitum est in statu hominis na-t> turali acceptare et offerre duellum ad servandas » cum honore fortunas, quando alio remedio eorum * jactura propulsari nequit. V. Asserta licentia pro » statu naturali applicari etiam 'potest statui civitatis » male ordinatas, in qua nimirum, vel negligentia, » vel malitia magistratus, justitia aperte denegetur. » X XVI. Le duel estpermis dans deux cas seulement : i°  Pour  terminer une guerre commune et juste avec moins de perte, ou, comme l'admettent quelques docteurs, pour conserver l'honneur d'une armée calomniée par l'ennemi ; 20 il est permis d'accepter le duel, si votre ennemi est déterminé à vous tuer, et que par. forfanterie il vous accorde des armes pour vous défendre, parce qu'alors votre duel se change en véritable défense ; puisqu'il vous est impossible d'éviter le combat (1). Cuniliati (2) dit aussi avec pro-
(1) N. 400.
(a) Trac. 4· c. 9. S 5. n. 5. el tr. 3. c. 2. § 1.11. 5. in fin.
POUR LES  CONFESSEURS.            453
habilité que si un noble est provoqué en duel, il peut répondre : Que comme chrétien il ne peut accepter le duel, mais qu'il est prêt à se défendre contre d'injustes agressions.  « Se utpote christia- » num non acceptare~duellum, nihilominus se para- » tum esse ad defensionem contra injustos  aggres- » sores. » Le concile de Trente (Sess. i5. cap.  19) inflige trois sortes de peine aux duellistes : i° l'infamie et la proscription des biens ; 20 la privation de la sépulture ecclésiastique pour ceux qui périssent dans le combat, quand bien même ils auraient reçu les sacrements, suivant labulleZ)e<esia6i/em ; 3°l'excommunication papale, qu'encourent, ipso facto, les duellistes, les parrains ou témoins, les conseillers (si toutefois, comme le remarque Elbel, ces conseils ont déterminé le duel) ; puis ceux qui leur procurent un lieu pour le combat, ainsi que les spectateurs. Nous ne prétendons pas parler de ceux qui voient le combat par hasard, mais de ceux qui y assistent, data opera, commel'explique Grégoire XIII, dans sa bulle Ad tollendum, en disant : « Ex compo- »sito spectantes ; »ce qui, d'aprèsTournely, Elbel, Salmant., et d'autres  communément,  s'applique proprement aux seuls compères des duellistes, ou à ceux dont la présence peut animer le combat (1). On doit remarquer, i° que les peines et rexcommu-niGation dont on vient de parler, ne frappent le duel que lorsqu'il a été strictement calculé ; que le temps, le lieu, les armes ont été choisis, quoiqu'il se fit sans témoins, comme l'a déclaré Grégoire XIII dans la bulle citée. Il en serait autrement si le combat arrivait à l'improviste, encore que les combat-Ci) ?. 401· ?· 1· 7· n· 220.
4?~4           ?  INSTRUCTION  PBATIQUE
tants, dans la chaleur de la rixe, se transportassent dans un^endroit plus commode : c'est l'opinion commune (1) ; 2Ô que d'après la bulle de Clément VIII, Illius vices, quoique le duel, que le conseil exôitait à faire, n'ait pas eu lieu, tant les principaux auteurs que les autres coopérateurs encourent l'excommunication (2) ; 3° que si le duel n'est pas notoire, ni traduit en justice, les évêques ont la faculté d'absoudre de ladite excommunication par le chapitre Liceat, du concile de Trente, sessi. 24. Mais les prélats réguliers ne Font pas excepté dans Rome, ou hors de l'Italie (?).
§ II. De, la guerre.
XXVII. Trois conditions sont requises pour que Ja guerre soit juste : l'autorité du chef suprême, l'intention droite du bien commun, et une cause juste et grave. On demande, i° s'il est permis de faire la guerre à un prince qui possède son royaume de bonne foi, quand on n'a qu'une opinion probable. Il y a trois sentiments différents : le premier l'affirme avecÀzor, Sanchez, Filliutius, qui disent que, de même qu'il est permis à un simple particulier d'intenter un procès avec la seule opinion probable, la même faculté doit être accordée au prince pour déclarer la guerre ou au moins réclamer une partie de la contrée sur laquelle il a des prétentions, lorsqu'il j>'j a pas de juge suprême pour donner une décision. \& second, émis par Jiannez, Prado et Ledesma,
(1) Lib. III. ?. ?\\ in fin. (a) Lib. VII. ?. aao. not. 4· (?) Ibid. not. 5.
POUR  LES  CONFESSEURS.              4^
exige au moins l'opinion plus probable, parce que, disent-ils, comme dans un tel cas le juge doit décider en faveur du particulier, encore qu'il ne possède pas ; de même le prince, n'étant pas juge compétent, peut, par la guerre., se mettre en possession de ce qu'il prétend lui appartenir. Le troisième soutient qu'on ne peut faire la guerre sans une raison bien certaine, puisquec'est une maxime générale, comme nous disons chap. 1. ?. 35 et 36, que le possesseur de bonne foi ne peut être mis hors de possession, à moins qu'il ne soit constant qu'il possède injustement. Voyez à ce sujet Castrop., Laymann, Holz., Vasquez, Salas, Montesin, Villalobos, Salmant. et lÈLbel, qui regardent cette opinion comme certaine, et Tamburini, qui regarde comme improbable la proposition contraire. Cette troisième opinion, selon la raison intrinsèque, me semble ass^z peu probable. Au reste, Roncaglia et Salmant. disent que, comme la guerre est ordinairement la cause de beaucoup de malheurs jjour la religion, et de beaucoup de scélératesses, il est difficile de trouver dans la pratique un motif légitime de guerre, si Ton n'a pas un droit bien ççrtain sur tes possessions 3e l'autre prince (?). XXYUI, On demandé, sf° s'il est permis à un prince catholique 3e réclamer dans une guçrre juste le secours des infideles et des hérétiques. Quelques docteurs nient absofumept cetie faculté, d'aufres l'admettent au&i absolument.* Enfin, plusieurs docteurs, tels que saint Antonìn, Suarez, Silvestre, Bonaci., Castrop., Cónninch., Busémb., etc.,disent que cette seconde opinion est probable, pourvu qu'il n'en résulte pas du dommage potrr la religion ; mais
(i) Lib. Ill, ?. 4?4·
456            INSTRUCTION  PH4TIQUE
parce qu'il est impossible d'éviter ces maux en pratique, pour cela je dirai avec Molina, Sporer, Salm., Diana, qu'en pratique on doit suivre entièrement la première opinion (i).
XXIX. On demande, en troisième lieu, si un soldat peut combattre avec le doute de la légitimité de la guerre. Il faut distinguer si c'est un sujet, non seulement il le peut, mais il est même obligé de prendre les armes, comme l'admettent communément les docteurs, d'après le célèbre texte de saint Augustin (chap. Quid culpatur, elislìn. 23. 9. 1.), d'où on conclut qu'il est permis au soldat de se battre s'il n'est pas certain de l'injustice de la guerre. « Si utrum sit » (contra praeceptum Dei) certum non est. » Ce sont les paroles du saint docteur ; la raison en est que le sujet est obligé d'obéir dans tous les cas où il ne voit pas de péché certain, comme nous l'avons vu au chap. ?, ?. ??. Mais celui qui n'est pas astreint à l'obéissance ne doit pas se battre sans être certain de la légitimité de la guerre, parce que personne ne peutcontribuer à dépouiller son prochain de ce qu'il possède, sans être certain que la possession est injuste. La même chose doit s'appliquer aux soldats mercenaires, pourvu qu'ils n'aient pas été enrôlés avant la déclaration de guerre (2). Remarquons ici que le soldat qui abandonne l'armée lorsque la victoire n'est pas encore désespérée, ou qui sort du camp sans motif, commet alors un péché (?).
XXX. On demande, 4° quelles sont les actions autorisées dans une guerre légitime. Il est permis
(1) N. 406. V. Quœr.
(2) N. 408.
(3) N. 410. ad. 6.
poua IES CONFESSEURS. d'abord de tuer et de dépouiller les ennemis ; on n'a pas le droit de tuer directement les innocents, mais seulement de leur enlever ce qu'ils possèdent, s'ils font partie des Etats ennemis, et que la victoire ne puisse s'obtenir autrement : c'est ce que disent Molina, Bellarm., Laymann ; mais les biens ecclésiastiques, dit Sporer, doivent être restitués, s'ils ont été conservés (1). De plus, il est permis de détruire les églises, si les ennemis s'en.servent pour leur défense, puis d'user de tous les stratagèmes possibles, non pas cependant jusqu'à employer les poisonspour infecter les puits ou faire tout autre acte que la prudence ne peut prévoir. Ensuite dans quelques cas, mais très rares, et pour des motifs bien urgents, le général peut ordonner le sac d'une ville. Laymann, Filliutius, Salm., etc. Il est aussi permis aux prisonniers de guerre de prendre la fuite quand ils le peuvent. Sont permises aussi toutes les représailles ordonnées par le prince qui n'excèdent pas une juste compensation et sont autorisées par les outrages faits par quelques citoyens de la république ennemie (2) ; quant aux biens conquis pendant la guerre, les immeubles appartiennent au prince et les meubles à celui qui a fait la prise, à moins que la coutume ne s'y oppose (5).
(0 N. 409. (a) N. 4 »o. (5) N. 4i ».
458            INSTRUCTION PRATIQUE
CAPUT NONUM.
ANIMADVERSIONES  SUPER- SEXTO  PRAECEPTO.
PUNCTUM PRIMUM.
De tactibus, aspectibus, et verbis turpibus.
? et 2. An detur parvitas materiae in delectatione earnaK aut sensibili. 5. Detactibus.
4. De choreis.
5. De muliere permittente se tangi.
6.* An puella oppressa teneatur clamari.
7. An possit unquam permittere sui violationem.
8. De aspectibus, g. De verbis.
io. De audientibus verba turpia.
I. Le péehè contre le sixième précepte est la matière la plus ordinaire des confessions ; c'est ce vice qui remplit l'enfer de réprouvés. C'est pourquoi nous parlerons en détail de ce précepte, mais nous nous exprimerons en latin, parce que cô n'eàt destiné que pour les confesseurs ou les prêtres qui se préparent à confesser. Nous prierons ceux-ci de ne lire cette matière, soit dans notre livre, soit ailleurs, qu'après avoir étudié tous les autres traités (car la seule lecture infecte l'âme ), et lorsqu'ils sont sur le point d'administrer le sacrement de pénitence.
POUR  LES  CONFESSEURS.
II. Ante omnia advertendum, quod in materia luxurias (quidquid alii dicant de levi attrectatione manus feminas, vel de intorsione digiti) non datur parvitas materiae ; ita ut omnis delectatio carnalis, cum plena advertentia et consensu capta, mortale peccatum est. Hinc damnata fuit ab Alexandro VII, propos. 4°· > <Iuae dicebat non esse mortale osculum habitum ob delectationem carnalem et sensibilem quae ex osculo oritur. Et sic etiam reprobanda est opinio admittentium parvitatem materiae in delectatione sensibili, nempe si vir delectetur de contactu manus feminae, tanquam de contactu panni serici, quia in hoc sallem adest proximum periculum ificidendi in delectationem carnalem (1). Bene tamen advertit continuatur Tournely (s), aliud eése agere propter delectationem carnalem, aliud Cum aliqua delectatione naturali, quae de se consurgit ex qualitatibus corpori annexis ; quia in ea potest quidem dari parvitas materiae, puta in medico qui ex necessitate mulierem tatìgit ; modo (addendum ) Curet ille non sîstere in tali delectatione, eamque tangendo detesfetur ; alias jam ageret propter delectationem, quia licet naturalis sit, tamen (ut diximus) non est sejuncta a proximo periculo transeundi in carnalem, si ex proposito quaeratur. His positis, ipfoCedamuS ad loquendum de singulis luxuriae spe-ciefruS. ?. De non consummatis, ô. De naturalibus contaminatis. 5. De consummatis contra naturam.
ÌII. Et ?. Dé tactibus. Extra matrimonium mór-tàÌés" sunt omnes tactus, oscula, ef amplexus ob delectationem carnalem exerciti ; omnes enim ejusdem
(i) Lib. III. ?. 4i5et 4?6.
(a) Tom. III. p. 507. sub initio.
46?            INSTRUCTION  PRATIQUE
sunt naturae quam actus consummatus ; ut ex propos. 4° damnata ab ^Alexandro VII. Unde explican-dum in confessione, an habiti sint cum eodem, an cum diverso sexu, et an cum persona conjugata, cognata, aut sacra. Et sic pariter mortalis est tactus propriorum genitalium, maxime cum commotione spirituum, nisi fiat ex necessitate ; si autem ex curiositate vel levitate fiat, poterit esse tantum veniale, modo tamen sit obiter, ac sine mora, et absque commotione spirituum, ac scandalo, aut periculo delec-tationis. Tactus autemverendorum alterius corporis, maxime si sint nudi, et fortius si sint diversi sexus, etiam secluso affectu venereo habiti, vix unquam excusantur a mortali. Excipe tantum nisi fiant ob necessitatem, puta a chirurgico, dummodo ipse in delectationem non consentiat. Tangere autem geni-talia brutorum, per se non est lethale ; sed tactum hujusmodi usque ad pollutionem, merito, ?onac, Holzmann, Croix, etc. (contra aliquos) non excusant a mortali, cum sit actio valde incitans ad venerem (1).
IV.  Choreae si fiant a laicis, et modo honesto, sine inhonestis gesticulationibus,, sive periculosis, nón sunt per se illicite, ut loquitur sanctus Antoninus cum aliis (2).
V. Mulier, aut adulescens non peccat, si permittat se pudice juxta morem tangi, nisi (excipe) ei constet de pravo affectu tangentis, possitque tunc resistere sine sua infamia aut scandalo aliorum, ut docent Cajetan., Azor, Sa, Bonac., Busemb., etc. Peccat vero si non obsistat tactibus impudicis, aut osculis morosis, vel furtivis (5).
(1) Lib. III. ?. 4'7· ad 4??. (a) « . 4*9-(?) ?. ?. 45?.
POUR LES  CONFESSEURS.             461
VI. Hinc dubitatur ?. An puella oppressa teneatur clamare si oporteat, ad se liberandum a turpitudine. Alii, ut Navar., Soto, Bonac, etc., si ipsa resistit omni modo quo potest, et si clamando periculum ei imminet infamiae, eam excusant, nisi sit in periculo consentiendi ; nec obstare dicunt illud Deute-ronomii 22. 23, ubi damnatur puella, quia non clamavit, eo quod (ut aiunt) tale praeceptum pertinebat ad externum judicium, in quo praesumebalur puella non clamans consensisse. Alii vero ut Cajel. etSalm. cum aliis, affirmant, et haec quidem sententia ut tutior consulenda est, licet opposita non sit prorsus damnanda, maxime si proximum non adsit periculum consensus (1)·
VII.  Dubitatur 2. An mulier teneatur potius mortem pati, vi repellendo invasorem, quam sui violationem permittere. Negant To let., Solus, Navarr., Holzmann, etc., modo voluntate resistat, absitque periculum consensus. Sed haec opinio in praxi non videtur probabilis, quia mulier, quiescendo in tali congressi !, nimis difficulter poterit se eximi a periculo consentiendi in illum (2). An autem et quomodo liceant tactus inter conjuges aut sponsos. Vide quae dicentur de matrimonio, cap. xvm, n. 7 et43.
VIII. 2. De aspectibus. Aspicere verenda personae diversi sexus, difficulter excusatur unquam a mortali, nisi forte aspectus fiat e loco valde longinquo, et ita obiter, ut nullum periculum delectationis adsit. Et etiam loquendo de verendis personae ejusdem sexus, non excusarem a mortali virum morose et delectabiliter aspicientem pulchrum adulescentem
(1) Lib. HI. ?. 43?.
(2) N. 368.
46a            INSTBPCTION  PRATIQUE
nudum. Censeo tamen cum Lacroix (quidquid dicant Salmant.), simplicem aspectum turpem, sine desiderio tactuum, nunquam induere speciem personae quae aspicitur, nimirum consanguine*, sacrae, aut conjugate ; species enim incestus, sacrilegii, vel adulterii non contrahitur, nisi per tactum qpo pietas, vel jus conjugii violatur (1). Aspicere concubitum humanum sine dubio est lethale ; brutorum vero valde periculosum, unde nulli permittendum, nisi tantum illis quibus incumbit animalia conjungere ad generationem ; modo absit in ipsis periculum coo-sentiendi in turpia (2). Aspicere autem partes minus honestas mulieris, sedn,on turpes, nempe bjachia, crura, aut pectus, non semper est per se mortale ; sed si aspectus sit deliberatus et diuturnus, aut si aspiciens sitadvenerem proclivis, difficillime a mortali excusabitur ; et idem sentio de eo qui vultum mulieris pulchrae morose inspicit, saltem si inordinato affectu eam diligit (?). Aspicere picturas obsce-nas ex mera curiositate, dicunt aa. non esse mortale, si absit periculum turpis delectationis ; sed vir morose aspiciens pudenda muliebria depicta nuda, vel levi velo tecta, nescio quomodo a mortali excusari possit (4). Qui autem pingunt vel exponunt hujusmodi imagines, gravissimo peccato scandali delinquunt, cum ipsae valde adolescentes ad libidinem provocent (5). Et idem puto dicendum de iis qui eas domi retineret expositas omnium aspectui.
IX. ?. De verbis. Verba obscena non sunt mor-
(1) Lib. III. ?. 4a?. (a) ?. 4?8. in fin. (?) ?. 4ao et 432.
(4) ?. 4a4-
(5) ?. 4 » 9. ?. ??.
POU » LES CONFESSED » ?.
talja, &i proferantur ex ira, aut joco, prout solent messores, vindemiatores et muliones..Secus si verba sint nimis lasciva aut si proferantur cum ipsarum rerum turpium delectatione, vel cum audientium scandalo. « IJbj (ait sanctus Antoninus) talia verba »turpia dicuntur ex quadam levitate ob solatium, » quamvis de ee non sint mortalia... tamen potest esse > mortale ratione scandali, ut cum audientes sint de- » biles spiritu, et verba essent multum lasciva. Idem » dicendum-de facientibus, vel cantantibus cantilenas » plenas lasciviis (1). » Scandalum autem ut plurimum adest, si hujusmodi verba dicuntur coram puellis aut pueris, et maxime si quis se jactat de aliquo peccato turpi : in quo se jactans tripliciter ordinarie peccat, ? ° Quia gloriatur de re mala ; 20 quia magnum praebet scandalum ; 3° quia de facili se complacet de peccato patrato (a). Insuper hic sedulo notandum cum Sal-mant. et Roncaglia ex S. Thoma, non esse sine gravi periculo diuturnum habere colloquium cum puella inordinate dilecta (?).
X. Audientes autem verba turpia, aut turpes comcedias tantum ob curiositatem, aut tantum ob vanum solatium, possunt aliquando excusari a mortali ; nisit adsit delectatio turpis, vel illius periculum, quod facile fere semper aderit in adolescentibus, vel aliis parum timoratae conscientiae (4) : aut nisi adsit scandalum, et ideo merito docet Benedictus XIV (5), clericos et religiosos non posse comœdiis turpibus interesse sine scandalo gravi. Et etiam merito hinc
(1) S. Antonin. Lib. III. p. 2. lit. 5. e. 1. § 8.
(a) N. 416.
(5) ?. 4aa. in fin.
(4) ?. 4a6 et 427.
(5) Bened.XIY. desym. 1. XI. e. 10.
464             INSTRUCTION  PRATIQUE
Holzmann et Lacroix propter scandalum aliorum damnant de mortali eos qui pecunia autplausu cooperantur ad hujusmodi comœdias notabiliter turpes ; eosque qui eas impedire tenentur, aut commode possunt, et non impediunt ; ac fortius qui illas repraesentant^). Gravissime quoque peccant qui libros componunt incitantes ad turpia, vel ad inhonestos amores (2). Hactenus de actibus luxurias non consummatis ; nunc videamus de speciebus turpibus consummatis.
PUNCTUM SECUNDUM.
De actibus turpibus consummatis naturalibus.
j 1. De fornicatione.
12. An permittendae meretrices.
??. An fornicatio sponsorum sit diversae speciei.
?4· De stupro.
15. De raptu.
16. De adulterio.
17 et 18. De incestu.
19. Sidispensati coeant, etc.
20 ad 25. De sacrilegio.
XI. 1. De fornicatione. Fornicatio est coitus inter solutos ex mutuo consensu. Concubinatus autem non est aliud quam continuata fornicatio, habita uxorio modo in eadem vel alia domo. Quando vero concubinarii possint vel ne absolvi, vide quae dicen-? tur infra de iis qui sunt in occasione proxima, cap. ult.punct. I. De poenis autem concubinariorum, et praesertim clericorum, vide (3).
(1) Lib. ??. ?. 4 » 7 ct4 » 8. (a) Ibid. (3) ?. 44*.
POBB LES  CONFESSEUBS.
XII. Dubitatur hic ?. An permiltendae sint meretrices. Alii affirmant ex d. Thoma, quia plura graviora crimina alioquin evenirent. Sed probabilius alii negant, Navarr., Roncaglia, Guttierez, et alii, quia permittendo meretrices innumera peccata jam patrantur, et contra, mala graviora non evitantur. Ceterum sedulo omnino advertendum, quod esto in magnis urbibus meretrices permitti possint, nunquam tamen permittendae in oppidis aut civitatibus parvis (1).
XIII. Dubitatur 2. An fornicatio sponsorum diversam induat speciem peccati. Alii id affirmant de utroque sponso ; alii tantum de sponsa ; alii vero de utroque negant, ut Pontius, Sanchez, Laymann, Lugo, Salmant., Trullencb., Covar., Ledesma, El-bel, etc., <juia uterque sponsus, licet se obliget ad matrimonium ineundum, neuter tamen aliquod jus tradit alteri in corpus suum, ita ut nequeat illo ad suum arbitrium uti sine alterius injuria (2).
XIV. 2. De stupro. Stuprum est defloratio virginis ipsa invita, etideopraeter fornicationismalitiam habet etiam injustitiœ. An autem virgine consentiente sit speciale peccatum. Affirmant Navarr., Azor., etc. Sed communius negant Less., Sanch., Bonac, Bu-semb., Salm., Barbosa, etc. Potest tamen aliunde esse specie diversum, nimirum ratione dedecoris familiae, mceroris parentum, autrixarum (?). Ad quid vero teneatur stuprator, vide dicenda de FIL prœc. e. X. ex ?. gi.
XV. 3. De raptu. Raptus committitur, cum abdu-
(1) Lib. IH. ?. 434.
(a) Lib. III. ?. 447. el lib. VI. n. 847.
(?) Lib. ???, n. 443.
?. xxiu.                           3o
466            INSTRUCTION
citur fcera'iqa aut, masculus libidinis, causa,.illata vi personae illius, vel iis quibus jipsa subest, nempe parentibus, aut tutoribus (1). Ad quid autem teneatur raptoc, vjdQ.t/e MaCritnonj<\, pan, XVJIL,   .. ?.,
,???. 4·, De adulterio. A4uH§rium est coppla habita cum p&rsona conjugata, estque, spéciale peccatum injustitiae, etiamsi a,dsit cppsensps, mai^i, ut ex propos. 5o. damnata abJnnoc.XI, quiape,radujj ;erium irrogajtar injuria ???? sojum ipÀi.-&e<j ?$& ??9^' ?* generationi humanae. Hinc sentiunt Lugo, etL^s-tsiue {$, qjiftd ? ftdujterip, « iisscntiep^mìjiri^^du-plej adestinjustitia ; sfi4,Viv|i.(a) cjum qajet,,,et jurr riano tenet, unicam tantum adesse injus&tiam c,on|ra bqpum generatjqnis, ep.qpod per adulterjum,in£ej·-tur injuria marito non ?| persçnae privatap_, sed ut marito : ac ideo jpsi spectat.cpneulere^prpli^bono, cui p.etquit ipse ce/lere, sicyt,nequit quis.consenj^ire ut plembrum ei ab altero mutiletur. Qui sodomitice cognoscit uxorem, /ex.communi sententia committit adulterium, et debet explicare f peqcasse nefande cum.propria uxqre (4). A4· quid aot^n teneantur adulteri, si proles ex adulterio nascitur, vide de Restiti e. X. n. 98.   ,.   1...,.,,,.
XVII. 5. De incestu. Incertus.egt qopgressus cum consanguine^ vel affine,, ex copula licata usque ad quarjtum gradum,, ex UlJLcita.jusque.a.d.seçundufli. Hic dybitaiur^...An incessus, ???? cqn^asguiriea 4jf-fer^t specie ab incesju Aum.afl^ae.^fl^.rff^ÇtpjfÇb.a-biliter Less., Salm., Ronc, Croix", etc,^ quia.in^on-sanguinkate vinculum est ab identilaté sanguinis, in
(1) Lib. ??. ?. 444·
(a) Lngo de pœnit- d. 16. ?. ai8. et Less. c. 7. dub. 3.
(3) In propos. 5o,damn. jb. Iunoc. XI. n, 10.
(4) Lib. ??, ?. 446.
affinitate autem est a copula, unde diversa videtur difformitas. Alii vero, ut Sot., Cajetan., Sancb., Lugo, etc., probabilius negant, quia uterque incestus ex eodem motivo pietatis vetatur ; et consentit d. Thomas (1) dicens : « Ejusdem rationis inponvenien- »tiam facit consanguinitas et affinitas. » Omnes autem incestus inter affines ex communi sententia sunt ejusdem speciei, excepto incesiu inter privignum et novercam, interque socerum et r urum (2).
XyjII.(Dubitatur ?. An omnes incestus cum consanguineis ^int ejusçjem speciei. Tres sunt sententiae omnes probables. Prima cum C ajet., Pontio, Soto, Cijayarr.,Castrop.,etc., affirmât,exceptoprimogradu ia linea recta ; quia (ut dicunt) commixtio coniugalis inter alios consanguineos tantun ab Ecclesia est petita non vero a naturali jure, pt r quod specifica diversitas solummodo constituatur. Secunda sententia cumSuar., Vasq., Laym., etc., tenet omnes gradus usque acl quartum speciem diver ;iam incestus consti ; tueret quia major debetur referentia proximiori gradui quam remotiori Tertia demum pum Less,., Lug9, Sancb.., Salm., Ronc., e,t(., dicit tantum primum gradum, tam vero in Ii : xea recta, quam |n transversali, constituere diversam speciem ; quia sentiunt commixtionem inter fratres et sorores aS ipsa natura esse vetilam (3). Certum autem est, quod incestus inter cognatos s : >irituales et légales (ratione, scilicet adoptionis) su at diversae speciei, quam inter consanguineos et affines (4).
XIX. Dubitatur 3. An cognati, obtenta, et exécuta
(1) a. a. q. ?54· a. 9. a) Lib. VL a. 469. (5 N. 470. (4) Lib. ??. ?. 45?.
468             INSTRUCTION  PRATIQUE
dispensatione ad matrimonium ineundum, committant incestum si ante conjugium fomicentur. Adest duplex probabilis sententia. Alii communius negant, ut Sancn., Lugo, Cajet., Armilla et Vega ; quia, sublata prohibitione matrimonii, cessat ratio incestus. Alii vero, ut Major, et Gallego, affirmant, quia impedimentum propinquitatis ablatum est tantum ad nuptias contrahendas, non autem ad fornicandum (1).
XX. 6. De sacrilegio. Sacrilegium est, cum violantur sacra per actum venereum. Potest igitur sacrilegium committi circa personam, locum, et rem. Etl. circa personam fit. si quis peccat habens votum castitatis, vel cum habente illud. Hinc sacerdos pefi-cans cum alia persona sacrata duplex committit sacrilegium. Contra vero religiosus qui est etiam sacerdos, castitatem laedendo, probabilius unum sacrilegium committit, tum quia sacerdos probabilius tantum ratione voti ordini sacro annexi tenetur ad castitatem (ut dictum in exam, ordìn. ?. 81.) tum quia talis ; etiamsi teneretur ad castitatem ex solo praecepto Ecclesiae, tamen adhuc contra religionem peccaret, cum (Ecclesia tantum ex motivo religionis castitatem praecipit (2). Sacerdos autem inducens suo consilio laicum ad fornicandum, committit sacrilegium, si ex affectu ad libidinem inducit : secus si ex alio pravo fine (5).
XXI. 2. 'Circa locum, committit sacrilegium qui fornicatur in loco sacro nempe infra ecclesiam, aut cœmeterium, non autem in atrio ecclesiae, monaste-
( ;) lib. III. 11. 45a. (-0 ?. 454. ad. 456. (5) 457·
POUR LES CONFESSEURS.              /Ç69
rio, aut oratorio privato non benedicto ab episcopo (1). Dubitatur hic ?, an copula maritalis, aut occulta, habita in ecclesia, sit sacrilegium. Adest triplex probabilis sententia. Alii negant de maritali, ut Alensis, Pontius, Sa etc. Alii negant de occulta, ut idemPontius, Tolet., Vasq., Azor, etc. Aliivero communius et probabilius de utraque affirmant, quia per utramque irreverentia irrogatur ecclesiae, et ecclesia polluitur ; tametsi, cum crimen sit occultum non est obligatio a divinis officiis abstinere ; ita Suar. Sanch., Les., Hol/.m., Croix, Bonac., S aim. Attamen iidem aa. merito excusant conjuges copulantes io ecclesia, si ipsi sint in morali necessitate coeundi, puta si sint in periculo incontinentiae, vel si diu-in ecclesia permanere debeant. Quomodo autem intelligendum illud diu, alii putant decem dies, alii vero probabilius mensem, aut saltem 20. dies ; at si conjuges judicent,per munsem esse in ecclesia mansu-ros, advertunt Sanchez, Salmant., et alii, eos ab initio copulari posse (2).
XXII. Dubitatur, an omnes a'ctus externi impudici habiti ìn e'cclesia, nempe tactus, aspectus,aut verba sint sacrilegia. NegantCajet.,^iavarr., Bonajs., etc. eo quod tantum per seminis effusionem ecclesia polluatur. Sed probabilius affirmant Suar., Sanch., Molina, Salmant., etc., quia his actibus, licet non vio-letui* ecclesia, tamen jam illi irrogatur irreverentia. Aclus vero interni sive cogitationes non sunt sacrilegia, nisi sint de peccando externe in ecclesia (3).
XXIII. 5. Circa rem demum committit sacrilegium, qui abutitur rebus sacris ad turpia. Idem di-
(1)  Lib. III. ?. 46?.
(2) ? : 458. (5) ?. 462.
47°            INSTRUCTION  PRATIQUE
eendum de sacerdote qui turpiter peccat indutus ad missam, aut gestando Eucharistiam, aut statim post communionem, v. gr. infra mediam horam (1). Egimus de speciebus turpibus naturalibus, nunc ide iis quae sunt contra naturam.
PUNCTUM TERTIUM.
De actibus turpibus consummatis contra naturam.
24, 26 et 26. De sodomia.
27. De b'estialitàté.
28. De coitu cum daemone. 20. Ì)e pollutione.
5Ó. De distilÌatione.
??. An liceat expellere semen corruptum.
S2. An teneamur impedire pollutionem de se eve-nientem.
do. An vitare omnes pollutionis causas.
54. Quid si actiones ponantur ex justa causa.
XXIV. Et 1. De sodomia. Sodomia habet quidem specialem deformitatem. Dubitatur autem inter dd., in quo ipsa consistat. Alii sentiunt consistere in concubitu àdiridébitum "và§ ; alii vero communius et prj&àbjìius cum d. TÉoma, m concubitu ad ???-
biturii séxiim. Ifinç infertur 1., quod coitus feminae
-?,· !?2?. ;' :)? ;,/??· : : ! !. ;. « ? ; ?..·?·..?- ; ;.· ?.-' :·?. cum femina, et masculi cum masculo, perfecta est ?.i-.lii-'v.· ;???- :.? : ').'.· < ; :??'-. : :- tr ty 1 v.-vfiii... Ii ; " '., :. ? sodomia, in quacumque parte corporis fiat congressus?, quia ordinarie semper ^desï tunc affectus ad indebìtum sexum ; et ideo non est opus explicare iri
confessione, an pojlutio luerit intra vel extra vas prae-
-ii\ fii'Aii.' :m ? jit-???*,·.?.I ;O ?..·.. :,t,, ifr.Tf posterum ; quamvis ad mcurrendum casum reservatum requiratur seminatio intra vas ; tit ait p. Maz-
(1) Lib.III. n. 465.
POUR LES
zolta (1). Censeo vero in sodomia omnino explican-dum in confessione ( quicquid dicant Salmant. ), an quis fuerit agens, vel'patiens', quia patiens non facile semper polluitur, 'ùtpolluitur agens, prout non bene Salman'^. ' s'uppónu'nt (2). Imo expìicandum si sodòmia habita sit per vim, vel cum conjugata, aut habente votum castitatis {3).         ''
'XXV. infertur 2 : coiiu'mviri in vase praepostero mulieris e'ss'e sodoiniam imperfectam1, ipeóle distinctam a perfecta. Si quia Autern sep'ollileretintercrura aut brachia mulieris', duo' peccata diversa commit-teret, uiìum ForVnóatlonis inchoata, alterum contra nàturam.'An'Jibllutìoin ore sit diversas speciei affirmaret aliqui.'vocântquè hob pPccatdni ìrrhmationem, dicentes, qìiod si fit pollutio in alio vase quam naturali,' spetiëfii ìnuta't, 'Sed probkbilius sentiunt Caje-tan, Pinîuc.jtîolimann, Gràmu^.'ètc.1, quod si pollutio viri'fitiKore marìsèsf sodomia, ?'in ore feminae, est fornicatio ìnboHàta, et insuper peccatum contra naturam, uì mox dîxîmufe. Coitus autem cum femina mortua ??? est'béstialìtas, ut quidam aiunt, sed è&l jJollutio, et insuper est fornlcatio* affectiVsi (4). Pfyterea, p'ollutib' Tiàbìta tangenVio puerum vel mu-liitèm tìbrmièn'Ìem, absque tamen concubitu sive còìijfmcfio'rìe coVjWruin, non habet nisi simplicis pollutìonismalitiam, ut pròbàbilìus dicunt Salman., Càp.',"Aior.VBònW. :uet<i Iténl'^ui ^ótìbit'ur Ìacti-bus' alienis, ium1 âuplicitèt ?* e'ccat coo'peran'db peccato altèKlis ; non tenetur vero expìicàfe/àn tàctïbus ndârii, verfemìii33,"nisi illà'haljeBH virum^ aut votum
(1) Mazzolt. torn. III. p. 54g· de cas. ves. (a) Lib. III. n. 468. (?) ?*. 469. in fin. (4) ?. 466.
47 »            INSTRUCTION  PRATIQUE
castitatis (?). Itemprobabilius est cum Lug., Silvest., Salmant., Roncaglia, Croix, etc., contra aliquos, quod tam sodomia, quam omnes actus impudici inter consanguineos, aut affines, vel cognatos spirituales aut légales, induunt malitiam etiam incestus, cum eamdem habeant deformitatem, quam actus consummatus (2).
XXVI.  Quoad pœnas sodomitarum, si sint laici, damnantur morte, et combustione. Clerici vero et religiosi per Bullam 27. s. Pii V », editam die 10. Aug. i568, Horrendum, privantur omni officio, beneficio et privilegio clericali, dummodo ( ut docent dd.) sodomia 1. sit cum alio viro, non femina, aut bruto, 2. sit perfecta cum pollutione intra vas, 3. sit frequentata ; dum dicitur in Bulla, Sodomiam exercentes. Probabilius est, bas pœnas. incurrere etiam patientes, ut dicunt Bonac, Salmant., Diana  et Barbosa, contra alios, dum patientes sunt vere sodomitae. Contra vero probabilius et communius docent Suar., Navarr.ì, Bonac, Barbosa, Less., Filliuc., Trullench., Sal., etc. (adversus Azor, Dicast., etc.), bas pœnas non incurrinisi post sententiam, quamvis dicatur in Bulla, Prœsenlis canonis auctoritate pri-vamus ; quia ut diximus in cap. II. ?. 25, nulla poena privans jure acquisito incurritur nisi post sententiam, saltem declaratoriam (?).
XXVII. De Bestialitate. Bestialitas est coitus cum bestia : ipsaque detestabilior est quam sodomia. Non oportet autem explicare, an bestia fuerit mas vel fe-mella, ut communiter docent dd. contra paucos,
(1) Lib. HI. n. 467.
(2) N. 469.
(S) N. 470 et 471.
POUR  LES  CONFESSEURS.             47$
quia tota hajus criminis deformilas est in accessuad speciem diversam (?).
XXVIII. Coitus cum daemone succubo vel incubo, ut communissime sentiunt Azor, Cajetan, Bonaci., Filliuc, Salmant., Busemb., etc., reducitur ad peccatum bestialitatis, addita tamen malitia culpae contra religionem, et etiam fornicationis, aut sodomis affectiva ?, si daemon appareat in forma pueri aut mulieris : et etiam adulterii, aut incestiis, si quis delectetur de coitu cum daemone, tanquam cum nupta, vel conjuncta, juxta quae diximus de delectatione morosa, cap. III. n. 34 (2).
XXIX. 3. De Pollutione. Pollutio est seminis effusio sine congressu cum alio ; ipsaque est vetita de jure naturali, ut patet, ex propos. 49 » damnata ab Innoc. XI. Unde per se est peccatum gravius quam fornicatio, cum sit contra naturam. Pollutioni autem additur malitia sacrilegii, si sit ab habente votum castitatis : adulterii, si a conjugato : item fornicationis., si quis polluendo delectatur tanquam decoitu cum femina, vel sodomiae, si cogitet coire cum puero (3).
XXX. Dubitatur 1. An distillatio voluntaria, nempe illa quae est fluxus humoris, inter urinam et semen, sit culpa mortalis. Respond. : si est cum aliqua delectatione venerea, vel cum commotione spirituum, erit quidem mortalis, si non vitetur, sicut vitanda est pollutio. Si vero evenit absque sensu et commotione, poterit ea permitti tanquam emissio alterius excrementi, ut communissime docent Cajet.,
(1) Lib. m. n. 474. 00 ?. 475. (3 ; ?. 476·
474            INSTRUCTION  PRATIQUE
Bonac, Sayr., Busemb., Holz., Salmant., Sporer, Elbel, etc. Diximus permitti, sed nunquam potest data opera procurari, ut recte advertunt Sanchez et Bonac". (1).
" XXXI. Dubitatur s. An liceat expellere semen corruptum medicinis (nunquam enim licettactibus). Negant SaÌna. et Roncag. Sed communius affirmant Laym., Sanch., Bonac.j Anaclet., Spor., Croix, etc., moclò eipulsîb possit fieri sine sensu vënerëo : et modo semeri sit'certe corruptum, nec aliter expelli valeat tp).             '
XXXII. Dubitatur 5. An sit obligatio impediendi polhiHònèm de se evenientem, puta si incceperìt' in somrio, et in' vigilia consumetur. Communiter negant aa.,' modo absit consensui in delectationem, vel ejus1 pYò'xiffium çericUlum, "ex praeterita experientia ; ita Slncfi., Côndinâ, Navart./Azor, Salnl., flolzni., Spotef, TruH., efc., 'tum quia dïfficïllimhm* est illam colfiiKèf e, cÏÏm !)âiÔ incœptàsit ; tum quia non tenetur homo ekiâ'ïmf)éairb ! cuih periculo ntorbi ex corruptione seminisÌknKceriiml^sahirion vult, sedDatitut. Ceterum sapienter monet Gerson, semper expedire, uì ftun^tóffiÒr'lóo<tìe'tÌlr1 àn^diA 'd4ianium potest, saltem^juïtâ SàtàchezJ oSflhirio cuilare "debet, ùt eo tempore se muïiiàt s%faò Crucis, Svértatqbe nfentem ab i'Hà deleclftfTdìié,* iiìvbcando SS." Nomitiâ Jesùs et Martó, uta'ctjavenf/rie ipse in culpam Ytiat. Notan-éùitf â^ifenÎr^odsi "persona exibit' liinc in1 se'riii-plena'vìgiWa*, hi delectetur de pdliutìorié incSpia, mimihe ilanltìandus est dè mortali, où'iu ad mortale omnino requirantur et plena advertentia, et perfec-
(1) Lib. m. n. (a) ?. 478.
POUR LES  CONFESSEUBS.              fy] 5
tus" consensus (juxta dicta cap. III. n. 24 et 32), quibus certe caret qui est semidormiens, et ideo non habet usum rationis perfecte liberum et expeditum (1).
XXXIII. Dubitatur 4. An sit obligatio vitandi omnes causas in pollutionem influentes. Resp. Si causae sint graviter influentes, prout certe sunt illae quae sunt graviter culpabiles in materia luxuriae, nempe tactus, vel aspectus impudici, delectationes moroses, et similes, sine dubio tenetur homo eas evitare ; alioquin pollutio, saltem in confuso praevisa, licet non intenta, illi ad culpam imputatur. Et idem dicendum de polluti one caus'ata ob colloquium diuturnum cum puella inordinate dilecta, vel orta éx actione, quas esto per se non sit mortalis, esset tamen talis respectu alicujus qui pollutionibus hujusmodi habitis fuit solitus consentire (2).        '
XXXIV. Advertendum tamen, quod si praefatae actiones graviter influentes ponantur ex causa necessaria vel titili, absitque periculum consensus, tune pollutio ex eis orta non imputatur ad peccatum, ut omnes docent. Hinc etiam praevisa pollutione (intel-lige semper ìnvbluntaria), ?. licet corìfessarìis excipere confessiones, aut tractatus legere de rebus turpibus : item chirurgis aspicere et tangere partes feminae œgrotantis, ac studere rebus medicis ? ita communiter d. Antonin., Rav., Cajet., Petrocor., Sanch., Bohac.^ Ànacl., Spor., Salnj., Holm., et alii plures dum d. Thoma '{l·}. Idque admittunt Nav., Hurtad., Ronc, Salm'., Elbe !, Spor., etc., etiamsi aliquis
(1) Lib. III. ?. 47g.
(a) ?. 48a.
(5) Part. 5. q. 8. a. 7.
 1NSTBUCTION  PKATIQliE
chirurgus'ex officio medens, vel parochus excipiendo confessiones aliquoties, sed raro in pollulionem con-senserit, modo proponat in futurum convenientibus mediis se praecavere ad peccatum vitandum ; secus vero dicunt de simplici confessario ; hic enim tenetur eo casu abstinere ab audiendis confessionibus, si possit sine gravi suo damno. Imo si parochus vel chirurgus in iis occasionibus semper, vel ut plurimum lapsus fuerit, et non appareat nova probabilis spes emendationis, hic omnino tenetur etiam cum jactura vitae officium deserere (1). Sic etiam 2. dicunt quamplurimi, ut Cajet., Bonac, Laymann, Sanch., Navarr., Filiiuc, Salm., Spor., Croix, Bu-semb.j Villal., Ledesma, Marchant., Trull., etc., licere iis qui magnum patiuntur pruritum in verendis, tactu illum abigere, etiamsi pollutio sequatur. Recte vero id prohibet Roncaglia, si pruritus non sit valde molestus ; quamvis permittat eum abigere cum aliqua tantum commotione. Nihilominus non facile credatur quibusdam puellis, quae tactibus se polluere solent praetextu hujusmodi ardoris, nam si diligenter examinentur, cognoscetur ille pruritus multoties potius excitatus fuisse vel a pravis cogitationibus praeha-bitis, vel ab habitu pravo contracto se tangendi. 3. Dicunt etiam Castrop., Laym., Sanch., Armil., Less., Azor, Navarr., Vasq., Bonac, Anacl., Salm., etc., adhuc praevisa pollutione, licere aequitare causa utilitatis, et adhuc recreationis, ut subdunt Laym., Sanch., Anacl., Castrop., etc. 4· Dicunt quoque Sanch., Laym., Castrop., Holzm., Spor., etc., ex communi, unicuique licere decumbere in aliquo situ ad commodius quiescendum. 5. Demum dicunt s.
(1) Lib. UI. ?. 485. et 1. V. ?. 65. V. Quasr.
POIJK  LES  CONFESSEURS.            477
Ant., Less., Tolet., Picbler, Salm., Holzm., Spor., etiam communiter, licere cibos aut potus calidos moderate sumere, et honestas choreas ducere (i).
XXXV. Si vero causae leviter influant in pollutio-nem, alii dicunt, omnes esse vitandas sub gravi, prae-visà pollutione, etiamsi sint leviter culpabiles ; alii id admittunt, si sint mortales, quamvis in alia materia quam luxuriae. Sed communiter et probabilius docent s. Anton., Suar., Abulens., Lanch., Silv., Sa, Roncag.,Bonac., Anacl.,Salm., Holzm., Elbel, etc., norresse obligationem gravem vitandi causas nisi graviter culpabiles in eadem materia luxuriae. Idem tenet Neutericus p. Cuniliati (2) dicens : « Peccat mor- » taliter ponens actiones de se turpes, de se proxime « excitantes ad pollutionem, seu commotiones. Se- »cus si causa sit remota, ut equitare, cubare, come- »dere cibos calidos, loqui cunrmulieribus, etiamsi « ponantur sine fine virtutis, peccabit tantum venia- » liter. » Diximus, « non esse obligationem gravem, « 1 nam erit obligatio levis, nisi adsit aliqua rationabilis causa, ut probabilius tenent Sanchez, Less., Rone, Bonac, Salm., etc.,"contra Holzm., Croix, etc. Imo valde probabiliter Ronc. et Salm. dicunt, non excu-sari a mortali, qui frequentes polluliones expertus fuerit ex causis culpabilibus ( licet per se non graviter) in materia turpi, puta ex lectione turpium curiosa, aspectu picturae inhonesta ?, vel coitu animalium, et similibus ; quia respectu talis personae causae predictae non leviter, sed graviter influunt. Secus autem aiunt iidem Salm. et Sanchez de causis quae sunt omnino leves, quas universe vitare esset mo-
'( !) Lil>. III. ?. ? 85. (a) Cuniliati Ir. a. cap. 2. ?. ?5.
47 ?  INSTRUCTION PRATIQUE POVR LES  CONFESSEURS.
raliter impossibile (?). Pollutio habita in somno non est peccatum, nisi fuerit antea intenta, vel nisi postea quis se complaceat de delectatione habita ; si vero gaudeat de exoneratione, vide dicta ( cap. Ill, num. 44 ).
XXXVI. Denique sedulo hic advertendum, quod in hac materia sexti praecepti oportet, quantum possibile est, omnem adhibere severitatem, cum in re tam labili nulla cautela unquam nimia existimari debeat,ej ;pluresopiniones, quae speculative loquendo spnt probabiles, in praxi iniprobabiles, evadunt. Hinc confessarius ubi periculum poenitentium inspi-cit, licet actionem, quam illi velint perpetrare, de certo peccato mortali damnare non possit, tamen nullo modo permittat. Hoc medici animarum est : praesertim respectu eorum qui in vitio turpi habitum in praeterito habuerunt ; b,is enim, non solum proximas occasiones vitare, sed etiam remotae opus erit, alias ob fragilitatem contractam, semper in idem recidunt, cum in hac materia, ad quam homines naturaliter sunt pronj., de facili a minoribus ad ulteriora mala ipsi progredientis.
(0 Lib. III. ?. 484.
FIN DU VOLUME XXIII.
TABLE
ÛÏS CHAPITRES.
Préface de l'auteur qu'il importe de lire pour ? intelltgence\de
l'ouvrage. t                                        ?
Avertissement au lecteur.                               5
Introduction.                                        5
CHAPITRE PREMIER.
I. De la Conscience.
De la toi prochaine et éloignée pour faire le bien.
Des differentes sortes de comcienee.                        9
Premier  point. De la conscience droite, erronée, perplexe
et scrupuleuse.                                    10
Second point. De la conscience douteuse.                 30
Troisième point. De la conscience probable.               27
CHAPITRE II.
II. t)es Lois.
Premier point. De la nature de la loi.                   0.2
Second pdint. De l'obligation ^attachée à la loi.            io5
Troisième point. De ceux qui peuvent faire les lois.        117
Quatrième point.De ceux qui sont obligés à la loi·          122 Cinquième point. Quels motifs peuvent excuser latransgres·
sion des préceptes.                                126
Sixième point. De la dispense.                         129
De ceux qui ont la faculté de dispenser.                   l34
De combien de manières une dispense peut cesser.            l43 Septième point. De la cessation de l'interprétation (Epicheia),
et de l'explication de la loi.                          l45
Huitième point. De la coutume.                     «53
48?           TABLE  DES  CHAPITRES.
CHAPITRE III.
HT. Des Actes humains et des Péchés.
Premier point. Des actes humains.                    157
Second point. Des péchés.
§ I. Des péchés en général.                         166
§ II. Des péchés en particulier, de désir, de complaisance
et de délectation morose.                          182
§ HI. Distinction des péchés, in quant à l'espèce ; 2° quant
au nombre.                                   190
§ IV. Des péchés mortels et véniels.                    199
CHAPITRE IV.
Du premier précepte du Decalogue.
Premier point. Des vertus théologales, foi, espérance et charité.                                          20S
Second point. De la charité envers le prochain.           2i3
§ I. De l'amour de nos ennemis.                      215
§ II. De l'aumône.                                217
§ III. De la correction fraternelle.                    918
S IV. Du scandale.                               821
« y
§ V. De la coopération matérielle.                    226 Troisième point. De la religion et des vices qui lui sont opposés.                                         2âg § I. De la superstition.                           Ibid. §11. De l'irréligion.                              253
CHAPITRE V.
Du second précepte.
Premier point. Du blasphème.                        247
Lettre en léponse à la lettre apologétique écrite pour la dé·
TABLE  DES  CHAPITELS.   -         481
feme de la dissertation sur l'abus de maudire les moils.     255
Lettre de l'abbé Barthélémy.                           285
Second point. Du serinent                           285
Troisième point Du vœu                            2g5
Avertissement                                     3l5
CHAPITRE VI.
Du troisième précepte.
pi emier point. De l'obligation de ce précepte             319
Second point. De l'abstinence des œuvres servdes
§ I. Des œuvres défendues les jours de fete
§ II. Des causes qui permettent les œuvres servîtes les jours
de fête.                                       3a 6
Troisième ] oint. De l'obligation d'entendre ta messe
§ I. Comment on doit accomplir cette obligation. Appendice concernant les oratoires prives.                345
§ II. Des causes aut excusent de l'obligation d'entendre la messe
CHAPITRE VII.
Du quatiième précepte.
Premier piiut. De l'obligation des 'nfants.               356
Second point. De l'obligation des parents et des frères      35g Tioisieme point. De Vobligation des maîtres, des servilem s et
des époux.      ?                             364
Oualrième point. Des obligations des pasteurs des âmes
§ I. Des obligations des cures.                       3jo
§ II. Des obligations des évêques                      4oo
CHAPITRE VIII.
Picmier poinl. Du memtre personnel.                  4^ti
T. xxiii.                         5i
48a            TABLE  DES  CHAPITRKS.
CAPUT NONUM.
Animadversiones super sexto praecepto.
Pu ne I u in primum. De actibus, aspectibus, el verb s turpibus fó8 Punctum secundum. De actibus lurpibus consummatis naturalibus.                                          7|64 Punctum tertium.  De actibus turpibus consummatis contra naturam,                                        4 70
FIN  DB  LA  TABLE  Dfc*  CHAPfinES.
 
 

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