TRAITÉ CONTRE LES HÉRÉTIQUES PRÉTENDUS
RÉFORMÉS,
DANS LEQUEL ON EXPOSE LES POINTS DE FOI DISCUTÉS ET DÉFINIS
PAR LE CONCILE DE TRENTE, ETC.
A SA SAINTETÉ
NOTRE S. P. LE PAPE CLÉMENT XIVL
TRES-SAINT PERE,
L'exaltation de Votre Sainteté sur le siège de S. Pierre,
a été pour tout l'univers catholique un bien grand sujet
de joie; mais je ne sais si personne en a éprouvé plus de
con-solation que moi, en considérant les qualités excellentes
de Votre Sainteté, sa science, sa prudence, son dïtache·
ment des choses de la terre, et par-dessus tout sa haute piété
et le zèle dont elle est embrasée pour notre sainte religion.
Rassuré par toutes ces considérations, j'ai pris la liberté
de présenter humblement à ses pieds os Uvre que j'ai entrepris
de mettre au jour sur le déclin de ma vie (car déjà
j'ai atteint ma soixante-treizième a: mée), pour faire connaître
à tous de mieux en mieux la vérité et la sainteté
des dogmes de l'Église catholique, pe le saint concile de Trente,
dont les travaux ne seront jamais assez appréciés, a défini
contre les erreurs despréu ndues réformés ; de ces
hommes qui, en renouvelant les anc iennes hérésies, se sont
efforcés, à l'aide de leurs sophisines et de leurs doctrines
mensongères, de détruire la foi die Je-
176
DÉDICACE.
sus-Christ et, s'ils l'avaient pu, de précipiter toutes les
âmes avec eux dans la damnation éternelle.
J'ose espérer que Votre Sainteté voudra bien agréer,
avec son indulgence ordinaire, le faible hommage que lui offre son serviteur,
la suppliant de daigner répandre sa bénédiction sur
mon ouvrage, sur moi-même et sur tous mes frères, afin que
nous puissions coopérer au salut des âmes, dans ces missions
que notée ch#tiy$ congréga-tion s'est engagée de faire
aux peuples des campagnes, plus destitués que les autres des secours
spirituels ; de leur côté , vos humbles serviteurs ne cesseront
de prier le Seigneur de vous accorder une longue suite d'années,
pour le bien de tous les fidèles et l'augmentation de la foi. Prosterné
humblement devant vous, je baise vos pieds sacrés, et je suis, très-saint
Père,
De Votre Sainteté,
Le irès-humble. très-obéissant et très-dévoué
serviteur et fils,
ALPHONSE-MARIE DE LIGUORI , évêque de Sainte-Agate-des-Guttis.
(ŒUVRES DOGMATIQUES
CONTRE
LES HÉRÉTIQUES
PRÉTENDUS RÉFORMÉS,
Dans lesquelles on expose tous les points de foi discutés et
défi-nis par le saint concile de Trente, on réfute les erreurs
des novateurs, on répond à leurs objections ainsi qu'à
celles de Pierre Soave (·), qui s'est érigé en censeur
du concile. On y a ajouté
DEUX TRAITÉS OU APPENDICES
Qui portent, l'un de la manière dont opère la grâce
dans la justifica-tion des pécheurs, et l'autre de l'obéissance
due aux décisions de l'Église qui doivent être regardées
comme la règle de la vraie foi.
BUT DE L'OUVRAGE.
Ayant considéré d'une part l'excellente doctrine que
le saint concile de Trente, après tant de peines, de soins et de
travaux, nous a enseigné contre les erreurs des hé-reliques
qui infectent le septentrion, et d'un autre côté m'élani
convaincu que bien des choses qui ont été dis-cutées
dans ce concile à jamais mémorable, bien qu'elles aient été
recueillies avec_soin par le cardinal Pallavicin
(l) Pseudonyme de fra Paolo Sarpi.
xix.
12
178
TRAITE
qui en a fait l'histoire, se trouvent néanmoins assez mal en
ordre et souvent jetées confusément dans son ouvrage, j'ai
entrepris depuis plusieurs années de les rassembler dans un seul
cadre, afin que le lecteur ait le plaisir de les voir toutes placées
distinctement devant ses yeux, se-lon l'ordre des matières qui ont
été traitées, et qu'ainsi, il puisse plus facilement
découvrir les sopliismes des héré-tiques et mieux
connaître la vérité de notre foi.
J'ai mis la main à l'œuvré à plusieurs reprises,
mais toujours arrêté par des occupations plus pressantes,
j'ai cru devoir interrompre mon travail. Enfin, me trouvant retenu sur
un lit par un rhumatisme violent qui me fait souffrir depuis grand nombre
d'années, et qui mainte-riant rie me permet plus de quitter ma chambre
et de vi-siter mon diocèse, comme j'avais coutume de le faire, j'ai
tenté de conduire à fin mon entreprise, et avec l'aide du
Seigneur j'ai réussi; j'ai traité complètement tout
ce que je m'étais proposé, et répondu à beaucoup
d'autres objections des novateurs, dont Palavicin ne faisait pas mention.
Ensuite, j'ai cru qu'il serait bon de traiter plu-sieurs autres questions
dogmatiques et scolastiques qui tiennent aux décisions du concile.
J'espère que mon tra-vail sera reçu avec bienveillance de
tous les gens studieux qui aiment à approfondir les vérités
de notre foi, et prin-cipalement celles qui sont le plus contestées
par les héré-tiques.
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
H9
IVe SESSION.
DE L'ÉCRITURE ET DE LA TRADITION.
§ Ier. De l'approbation des livres saints et des traditions.
Il faut remarquer que les sessions du concile ne sont pas placées
ici selon leur ordre naturel, depuis Îa pre-mière jusqu'à
la vingt-quatrième, comme elles ont élé tenues; parce
que dans plusieurs on n'a rien décidé de particulier, et
dans d'autres on ne parle pas des dogmes ; tandis que mon dessein, comme
je l'ai exposé dans la pré-face, est de ne parler que des
points de foi que le concile a définis contre les héréliques;
c'est pourquoi nous com-mençons par la quatrième session
sur les divines Écri-tures, puisque c'est dans celle session seulement
que les Pères ont commencé à examiner les articles
dogmatiques contestés par les novateurs.
I. L'Église ne définit aucun dogme de foi qu'il ne soit
fondé ou sur l'Écriture sainte ou sur la tradition; c'est
pour-quoi , la piemière pensée du concile fut de déterminer
quelles étaient les écritures vraiment canoniques et les
traditions vraiment apostoliques qui regardent la foi ou les mœurs. En
conséquence, il fut slalué que des théolo-giens habiles
tiendraient des assemblées particulières et y feraient une
discussion exacte des écritures et des tradi-tions , non pas pour
en insérer le résultat dans les actes
12.
180
TRAITE
du concile, mais seulement pour pouvoir en rendre rai-*son aux Pères.
Dans les congrégations qui précédèrent le décret
qui fut porté ensuite, on proposa trois questions sur les Écritures
: premièrement, si l'on devait approuver tous les livres saints
tant du nouveau que de l'ancien Testament; secondement, s'il fallait soumettre
à un nouvel examen, avant de les approuver, tous les livres contenus
dans la Bible; troisièmement, s'il fallait di-viser les écritures
en deux classes : celles qui jusqu'a-lors avaient été reconnues
pour canoniques et celles que l'Église tenait à la vérité
comme orthodoxes , mais pas encore pour canoniques, tels sont les livres
des Proverbes et de la Sagesse.
II. Quant à la première question, il fut décidé
unani-mement que le concile approuverait tous les livres saints. Quanta
la troisième, tous les Pères d'un commun accord rejetèrent
la division ; elle avait été proposée dans le con-cile
par Bertrand et Séripand, et avant la tenue du concile, par Cajétan;
mais Melchior Canues l'avait déjà réprouvée
fortement comme inutile et inusitée. (De loc. theol. 1. 2, c. 40.)
La seconde question rencontra plus de difficultés, si avant d'approuver
les livres sainls, on devait ou non la soumettre à un nouvel examen.
Plu-sieurs Pères, après les cardinaux dei Monte et Pacheoo,
re-je<èrent l'examen prétendant qu'il était contraire
à l'usage de l'Église de remettre en contestation ce qui
déjà avait été défini. Beaucoup d'autres
prétendaient au contraire qu'on devait le faire; qu'il confirmerait
de mieux en mieux la vérité ; qu'il serait d'ailleurs très-ulilè
aux pasteurs et aux théologiens, en les mettant en état de
réfuter avec plus d'avantage les erreurs des faux docteurs; car,
comme l'en-seigne S. Thomas, le devoir d'un théologien, est, non-
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
181
seulement de prouver la vérité de la foi, mais de la
défendre contre toutes les attaques de ses ennemis. Us ajoutaient
qu'après un tel examen, les hérétiques ne pour-raient
pas dire qu'ils avaient décidé en aveugles.
III. L'évêque de Chioggia objecta que dans l'approba-tion
des Écritures el des traditions, il ne convenait pas de s'appuyer
sur le seul décrel qui porte le nom du concile de Florence; parce
que, disait-il, un tel décret ne peut être du concile, vu
qu'il avait déjà terminé sa dernière ses-sion
en l'année 1439, tandis que le décret ne fut porté
qu'en 1441. Mais on lui répondit qu'il était faux que le
concile de Florence eût terminé sa dernière session
en 1459 ; parce qu'à celte époque seulement finit l'interpré-tation
latine de Barthélémy Abraham de Candie, et que cet auieur
n'a fait l'histoire du concile que jusqu'à la septième session,
temps auquel les Grecs se retirèrent. Mais le concile dura encore
trois ans à Florence, d'où il fut transféré
à Rome. Eugène IV, voyant qu'après le dé-part
des Grecs le concile illégitime de Bâle subsistait en-core,
maintint aussi celui de Florence. Ce fut là que , quelque temps
après, comme le rapporte Baron ius, il reçut, du consentement
des Pères, les Arméniens el les jacobins, el dans la profession
de foi qui leur fut don-née, se Irouvail contenue Fapprobalion des
traditions el des Écritures avec le catalogue des livres saints.
El ce qui prouve évidemment que ce concile ne fut pas dissous en
1459, ce sont deux conslitulions qui y furent dressées et qui y
sont rapportées par Augustin Paîricedans son his-toire abrégée
du concile de Bâle ; la première est de 1440, par laquelle
on annule l'élection de l'anti-pape Félix V ; la seconde
est de 1444, dans laquelle fut décrétée la trans-lation
à Rome du concile de Bâle. De plus, Palavicin af-
TRAITÉ
firme que le décret est véritablement du concile, que
le fait est constant par les actes de ce même concile, con-servés
dans les archives du château Saint-Ange et approu-vés par
le pape et les cardinaux, comme on le voit par une copie authentique qui
fut apportée de Rome à Trente. D'ailleurs le P. Augustin
de l'Oratoire, depuis cardinal cl préfet de la bibliothèque
du Vatican , a mis au jour quelques actes du concile de Florence, par lesquels
on voit que le concile dura jusqu'à l'année 1445.
IV. On fil donc dans le concile de Trente une nouvelle et exacte discussion
des livres saints et des traditions, non pas publique et pour être
insérée dans les actes, mais dans des congrégations
particulières, pour rendre aux Pères raison des résultats.
Enfin on rendit un décret, dans lequel il est dit : que le concile,
considérant que toutes les vérités appartenant aux
dogmes se trouvent renfermées dans les livres saints, et dans les
traditions re-çues par les apôtres de la bouche même
de Jésus-Christ, ou établies par eux d'après l'inspiration
du Saint-Esprit et parvenues jusqu'à nous sans interruption, a déclaré
qu'il recevait et qu'il vénérait avec le même respect
et la même piété tous les livres du nouveau et de l'ancien
Tes-tament, ainsi que toutes les traditions données par Jésus-Christ
ou inspirées par l'Esprit-Saint, et conservées dans l'Église
catholique par une succession non interrompue : « Omnes libros, tam
veteris quam novi Testamenti, cum » utriusque unus Deus sit auctor;
nec non traditiones » ipsas, tum ad fidem, tum ad mores pertinentes
lan-» quam vel oielenusa Christo, vel a Spirilu Sancto dicla-»
las, ei continua successione in Ecclesia catholica con-» servatae,
pari pielatis affectu, ei reverentia suscipit et » veneratur. »
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
185
V. Plusieurs Pères avaient élevé une difficulté
sur ces paroles du décret : qu'on recevait avec le même respect
C[ la même piété les Écritures elles traditions;
ils disaient à cela, que bien que les unes et les autres vinssent
de Dieu, néanmoins les traditions n'avaient pas la même slabililé
que les Écritures, puisque quelques-unes avaient cessé d'être
en usage. Mais cette opposition fui repoussée d'un commun accord
: tous répondirent que les unes et les autres sont vraiment la parole
de Dieu et le fondement de la foi, avec cette seule différence,
que les unes sont écrites et que les autres ne le sont pas ; du
reste, les unes elles autres sont immuables, si l'on excepte les lois po-sitives
et lesriles qui sont contenus dans les traditions et même dans les
Ecritures, qui peuvent changer selon les circonstances. Ainsi le concile
dit dans son décret, qu'il reçoit seulement les traditions
qui regardent la foi ou les mœurs; on élait convenu auparavant,
qu'on les recevrait sans exception, mais que celles qui avaient rapport
aux rites, venaient selon les temps et les circonstances. Pierre Soave
prétend que le décret sur les traditions, coftime beaucoup
le firent observe/, n'imposait pas une obligation stricte et rigoureuse,
puisque d'une part le concile ne dé-terminait pas quelles traditions
devaient être reçues; et que de l'autre l'analhème
ne tombait que sur celui-là seul : « Qui traditiones praedictas
sciens et prudens con-» lempserit; » d'où il concluait
que celui-là ne contre-viendrait pas au décret, qui rejeterail
toutes lestradilions, toul en respeclant la décision du concile.
Mais Noël Alexandre répond dans son Histoire Ecclésiastique
(lom. 20. sect. 16 et 17. art. 2.), qu'une telle proposition est téméraire,
puisque le concile a dit que les Ecritures et les traditions doivent être
reçues avec la même piété et le
i 84
TRAITE
même respect : « Pari pietatis affectu ac reverentia susci-
« pienda. » Ainsi, de même qu'on ne pourrait rejeler
les Ecritures sans témérité, de même doitr-il
en être des
traditions,
VI. Après celle déclaration on joignit au décret
la liste de tous les livres qui avaient été reçus
pour canoniques par le concile. Soave prétend témérairement
que le con-cile avait approuvé des livres apocryphes, ou du moins
d'origine incertaine; mais ne sait-il pas qu'il ne les ap-prouva qu'après,un
nouvel el sévère examen? D'ailleurs tous ces livres avaient
déjà élé approuvés par le concile de
Florence comme il a clé dit plus haut. Il objecte spécialement
que le livre de Baruch ne fut reçu pour ca-nonique que par la seule
raison qu'on en faisait lecture dans les églises, qu'au reste jamais
les autres conciles ne l'avaient mis au nombre des livres saints. Mais
bien qae les anciens conciles n'aient pas placé ce livre dans le
cata-logue des livres canoniques, ils n'ont pourtant pas en-tendu l'exclure,
mais le comprendre dans le livre de Jé-rémïe dont Baruch
fut secrétaire comme on le lit dans Jérémie même
au chapitre xxSvi, et comme l'attestent S. Basile, S. Ambroise, Clément
d'Alexandrie, S. Jean Chrysostomo, S. Augustin el plusieurs souverains
pontifes, enlre autres Sixte I, Félix IV el Pelage I. (Bellarm.
lib. 1. De verb. Dei. cap. 8.) De plus S. Cyprien (Lib, 1. contra Judaeos.
cap. 5.) el S. Cyrille, (Lib. 10. contra Julian.) citent ce livre sous
le nom même de ïérémie; el d'autres Pères
le nomment simplement Écriture sainte.
On a encore objecté que les Psaumes ne devaient pas êtreappelés
généralement psaumes de David, puisqu'il n'est pas l'auteur
de tous, comme beaucoup le prétendent ;
CO1NTRE LES HÉRÉTIQUES.
185
mais c'esl précisément pour celle raison que le concile
les nomina Psautier de David.
VII. A. 'a mi d" décret il est dit : « Si quis autem
li-» bros ipsos integros cum omnibus suis panibus pio ut ,, io Ecclesia
catholica legi consueverunt, et in veteri » vulgata latina editione
habentur, pro sacris et canonicis » non susceperit; et traditiones
praedictas sciens, ei pru-» dens contempserit, anathema sit. »
VIII. Soave fait ici le raisonnement de quelques or-gueilleux
qui disaient par rapport à ce décret du concile sur les traditions
: Premièrement que le concile avait bien ordonné de recevoir
les traditions, mnis n'avait pas in-diqué la manière de les
connaître ; secondement que le concile n'avait pas prescrit formellement
de les recevoir, mais défendait seulement de les mépriser,
d'où ils con-cluaient que celui qui les rejeltciait avec respect
ne contre-viendrait pas à la décision. Quant à la
première objec-tion on répond qu'en cela le concile n'a fait
qu'imiter le sixième concile général qui ne déclara
point qu'elles étaient •les vraies traditions, d'aulanPplus qu'il
n'importait nulle-ment d'indiquer dans ce décret les traditions
que l'on devait tenir comme de foi, puisqu'on devait s'en occuper dans
les sessions suivantes, selon que la matière le présenterait.
Quanta la seconde objection, qu'il n'y a point de précepte de recevoir
les traditions, il faut remarquer qu'autre chose est de parler du précepte,
autre chose de pirler de î'ana-thème. Pour le précepte
on voit clairement qu'il existe puisqu'il est dit dans le décret
que le concile recevait les Ecritures et les traditions avec le même
respect et la même piété : « Pari pietatis affectu
ac reverentia.» Quant à l'ana-ihòme il est dit qu'on
peut rejeter et transgresser les préceptes de deux manières,
ou par faiblesse ou par mé-
186
TRAITE
pris. Cela posé, le concile n'a pas voulu frapper d'ana? thème
quiconque violerait le précepte de recevoir éga-lement les
Écritures et les traditions, mais seulement tous ceux qui mépriseraient
sciemment les traditions, comme font les hérétiques.
IX. Soave prétend que le concile, par là même qu'il
avait reçu les traditions, devait aussi recevoir les ordina-tions
des diaconesses et les élections des ministres par le peuple, regardées
comme instilutions apostoliques pendant plusieurs siècles, et par-dessus
tout l'usage de communier les laïques sous l'espèce du vin,
pratiqué pendant qua-torze siècles chez toutes les nations
excepté chez les Latins. Mais on répond que les Pères
n'ont entendu recevoir que les (radilions parvenues sans interruption jusqu'à
eux , comme l'exprime le décret : « Quae quasi per manus tra-»
dilae ad nos usque pervenerunt. » Les deux premières traditions
mentionnées par Soave sont abandonnées depuis plus de huit
siècles, et la troisième depuis plus de deux siècles.
Du reste, le premier concile de Laodicée, tenu au qua-trième
siècle, dit, en parlant de l'élection des ministres, qu'on
ne devait pas permettre au peuple de choisir ceux qui devaient être
promus au sacerdoce (Can. S. 1.). Et S. Paul, long-temps avant, ?'avait-il
pas dit à Tite : « Hu-» jus rei gratia reliqui te Cretae...
ut constituas percivila-» les presbyteros, sicut et ego disposui
tibi.» (Ad Tit. cap. ?. ?. 5.) Quant à l'usage du calice pour
les laïques, il est faux qu'il ail élé universellement
admis jusqu'au quator-zième siècle. S. Thomas(3. p. qu. 80.
art. 12.) qui vivait trois cenis ans avant la tenue du concile, désapprouve
toutes les églises dans lesquelles celte pratique était en
vi-gueur. De plus le concile de Constance, dans sa session treizième,
assure que depuis long temps cet usage était
COHTRE LES HÉRÉTIQUES.
187
aboli. Le cardinal Bellarmjn démontre que huit cents ans auparavant
il était déjà tombé, et que toujours il avait
été regardé comme arbitraire dans l'Église,
mais jamais de précepie· Nous examinerons d'ailleurs plus
à fond la question en son lieu.
§ II. De l'édition et de l'usage des livres saints.
X. Après le décret sur l'acceptation des livres
canoni-ques et des tradilions, le concile en forma un autre sur l'édition
et sur l'usage des livres saints. D'abord il déclara authentique
et approuva comme telle l'édition de la Vul-gute: « Statuit
et déclarai, et haec ipsa vetus, et Vulgata » editio, quae
longo tot seculorum casu in ipsa ecclesia » probala est in publicis
lectionibus, et pro authentica ha-» bealur ; et ut nemo illam rejicere
quovis praetextu au-»deat, vel praesumat.»
XI. Sur la question de l'authenticité de la Vulgate, ap-prouvée
par le concile, Soave objecte que, d'après le sen-timent du cardinal
Cajélan, il n'y a, pour l'ancien Testa-ment , que le texte hébraïque
que l'on puisse regarder comme ex,empt de toute erreur, et que le texte
grec pour le nouveau ; mais nullement la traduction latine, puisque le
traducteur n'était point infaillible. Mais si l'on admettait le
raisonnement de Cajétan (qu'un auteur d'ailleurs a for-tement blâmé
dans ses commentaires sur l'Écriture sainte), s'il fallait, dis-je,
admettre un tel raisonnement, il s'en suivrait qu'on ne pourrait ajouter
foi ni au texte hébraïque ni au texte grec, tels que nous les
avons maintenant; les manuscrits des prophètes, des évangélisles
et des apôtres seraient seuls dignes de notre confiance, parce qu'il
est pos-
188
TRAITE
sible qu'il so soit glissé des fautes dans toutes les copies.
Il faut donc dire que Dieu ayant voulu que l'Écriture sainte fût
pour tous les hommes une Tègle infaillible de foi, a fait en sorte,
par sa providence, qu'il y eût dans l'É-glise une version
écrite dans une langue comprise par un grand nombre; que celte version
fût perpétuelle et exemple d'etreur essentielle sur les dogmes.
C'est pourquoi il a dé-puté sur la terre un interprète
visible, c'est-à-dire l'Église îéunie à
son chef, qui après avoir mis toute l'exaclilude et tous les soins
que permet la condition humaine, dé-terminât une version à
laquelle tous les fidèles dussent ajouter foi.
XII. El parce que la version Vulgale latine (celle déno-mination
est connue par tous les théologiens) avait déjà l'approbation
tacite de l'Église par un usage de plusieurs siècles jusqu'au
temps de S. Grégoire, et qu'elle avait été suivie
par les plus grands hommes, tels que S. Isidore, Bède, S. Rémi,
S. Anselme, S. Bernard, Raban, Hugues de Saint-Victor, l'abbé Robert,
et une infinité d'autres doc-teurs, le concile, en vertu de l'assistance
du Saint-Esprit, qui lui a été promise, l'a déclarée
authentique et exemple de toute erreur essentielle, laissant au texte hébraïque
de l'ancien l'eslament (dont le sens est souvent bien obscur par l'absence
des points qui déterminent la signification des mots, et qui, comme
l'on croit, manquaient égale-ment dans les originaux) et au texte
grec du nouveau la foi qu'ils méritent. Il est dit dans le canon
ai veterum (disl. 6.) que c'est dans le texte hébraïque que
l'on doit puiser l'intelligence de l'ancienne loi, et dans le texte grec
colle de la nouvelle ; mais il faut savoir que ce canon n'est pns de S.
Augustin comme le dil Gralien, mais de S. Jé-rôme, dans son
épîlre vingt-huitième à Lucifer (bien que
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
189
S. Augustin y ail adhéré liv. 42. De doclr. christ, cay.
14 et 45·)· D'ailleurs, lorsque S. Jérôme écrivait
cela, il n'avait pas encore composé sa version latine, et voilà
pour-quoi il parlait ainsi, puisque dans sa traduction il devait certainement
s'aider de ces deux originaux; mais il ne lient pas ce langage dans le
second prologue de la Bi-ble, comme le remarque la glose du canon ut veterum.
XIII. Mais, dit Soave, si la Vulgate est bonne et ap-prouvée,
toutes les autres versions sont donc mauvaises et c'est folie de s'en servir?
Nous lui répondons qu'il nous suffit de savoir que la Vulgate est
exemple d'erreur lou-chant la foi et les moeurs, et que les autres versions
n'ayant point été déclarées authentiques, ce
serait une erreur de les lui préférer. Du reste le concile
a laissé la faculté aux sa-vans de se servir du texte grec
et hébraïque pour expliquer la Vulgate dans ses endroits difficiles;
avec tout cela il reste encore bien des passages obscurs, et peut-être
le se-ront-ils jusqu'à la fin du monde.
XIV. Au moins, reprend Soave, auraii-on dû exprimer dans le décret
que la Vulgate serait revue et corrigée. On fil à Trente
la même objection ainsi qu'à Rome, où le dé-cret
fut envoyé pour êlie examiné avant sa publication.
Les députés du pape écrivirent que le grand nombre
de fautes qui se trouvaient dans la Vulgate s'opposaient à ce qu'elle
fût approuvée. Mais les légats répondirent que
ces fautes ne louchaient pas à la foi ni aux mœurs; qu'ils louaient
la résolution du pape d'en donner dans la suite une édition
plus correcte, mais que pour le moment ils croyaient qu'il n'était
pas opportun de faire remarquer tes fautes, bien qu'elles fussent de peu
de conséquence, afin de ne pas donner aux hérétiques
l'occasion d'élever des chicanes qui pourraient en imposer à
la foule; que
190
TRAITÉ
d'ailleurs la Vulgate n'avait jamais été suspectée
d'erreur essentielle puisqu'elle avait été traduite sur les
textes grec et hébraïque, les plus corrects de tous; qu'il
s'y trouvait à la vérité beaucoup de passages difficiles
et presque in-compréhensibles; mais qu'il n'était défendu
à personne de les éclaircir, et d'en donner une interprétation
moins obscure. 11 faul remarquer de plus que les auteurs sacrés
qui ont écrit sous l'inspiration de l'Esprit-Saint, n'ont pas toujours
raconté les faits avec toutes leurs circonstan-ces, ni rapporté
les discours avec les mêmes paroles qui les ont exprimés ;
voilà pourquoi ils semblent quelquefois se contredire: mais comme
le remarquent les Pères et les inlerpiètes, ils sont parfaitement
d'accord sur la substance des choses. Même après la correction
de la Vulgate, l'É-glise ne condamne pas celui qui soutiendrait
(quoiqu'il soit plus pieux de tenir avec le plus grand nombre le sen-timent
contraire) qu'il s'y trouve encore quelques erreurs accidentelles et de
peu de conséquence, un arbre par exemple, ou un animal qui y serait
pris pour un autre; comme le disent Melchior Canus, lib. 2. De loc. (heol.
c. 13. concl. 1. Sixte de Sienne, Bibl. 5. cap ult., et plu-sieurs autres.
Cependant, selon la remarque d'Ëlizaldo (De forma in quaesl. rei.
n. 44.), il n'est pas permis de s'é-carter à Volonté
du sens que présentent les paroles de la Vulgate; on ne peut le
faire que dans les passages sur les-quels nos théologiens ne sont
pas d'accord, et dont l'Église n'a pas déterminé le
sens.
XV. Dans le même décret sur l'édition ei l'usage
des livres saints, le concile défendit à qui que ce soit
de tor-turer et de tirer l'Écriture à son sens privé
contre le sens que tient l'Église, et contre le consentement unanime
des Pères : « Prseierea decernii, ut nemo in rebus fidei et
mo-
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
» rutn, sacram Scripturam contra sensum quem tenuit et »
tenet Ecclesia (cujus est indicere de vero sensu Scriplu-» rarum)
aut etiam contra unanimem consensum Patrum » interpretari audeat...
»
XVI. Ici Soave s'étonne que le concile ait restreint la manière
d'entendre la parole de Dieu ; vu que le cardi-nal Cajétan a enseigné,
dit Soave, que l'on ne devait pas rejeter les sens nouveaux, pourvu qu'ils
ne fussent pas en opposition avec les autres passages de l'Écriture
ni avec la doctrine de la foi, encore que les SS. Pères fussent
d'un sentiment contraire. Nous répondons que Cajétan, quoi-qu'en
cela fortement blâmé par Canus, lib. 7. cap. 5 el A, ne dit
cependant pas qu'il est permis de contredire le sens unanime des SS. Pères;
mais seulement que l'on peut donner à l'Écriture sainte une
explication lout-à-fait différente de celle des SS. Pères,
lorsqu'ils ne sont pas d'accord entre eux, el que leur sentiment respectif
peul être regardé comme douteux, mais non lorsqu'ils s'accordent
adonner la même interprétation. Et voilà précisément
ce que le concile a défendu, d'interpréter l'Écriture
contre le sentiment des Pères, comme toujours il a été
d'usage dans l'Église. Aussi le concile d'Éphèse condamna
Nes· torius par l'autorité des Pères, blâmant
sa présomption qui lui faisait dire qu'il entendait seul les Écritures,
et que tous ceux qui l'avaient précédé ne les avaient
point comprises. Ainsi encore, S. Jérôme condamna Elvidius
; S. Basile Amphilole, S. Augustin les pélagiens et les donatisies,
S. Léon Eutyches, le pape Agathon les mono-lhelites au sixième
concile, et le concile de Florence les Grecs.
XVII. Il ne pouvait en être autrement, car si Dieu avait permis
que les premiers Pères eussent inexactement ex-
192
TRAITE
pliqué les Ecritures, Dieu lui-même, pour ainsi dire,
nous aurait trompés en permettant que des docteurs sa-crés
donnassent à sa parole un autre sens que celui qu'il y avait lui
même attaché. Nous sommes donc tenus de regarder comme dogmes
de foi tout ce que, d'un com-mun accord, nous présentent comme tels
les docteurs de l'Eglise; autrement chacun pourrait douter des paroles
de la Bible même les plus elaires. Il y a plus, non-seule-ment nous
devons croire pleinement ce que l'Eglise a ex-pliqué et défini,
mais encore tout ce qui se présente avec évidence dans l'Ecriture;
sans quoi il sérail vrai que cha-cun pourrait douter d'une vérité
quelconque, exprimée dans les saintes Ecritures avant que l'Eglise
l'eût spécia-lement sanctionnée. De tout cela il faut
conclure que dans toutes les matières qui regardent le dogme ou
la pratique les Pères ne peuvent errer tous ensemble sans que l'Eglise
errât en même temps, puisqu'elle se règle sur eux, alors
qu'ils-sont unanimes , non pas seulement en émettant des opinions,
mais en portant des décisions. Aussi le concile dil-il : «
Que nul ne prétende interpréter » l'Ecrilure contre
le sens que lui donne l'Eglise et la dé-» cision unanime des
Pères. » De même qu'il est interdit de présenter
l'Ecriture dans un sens contraire à celui de l'Eglise, aussi l'est-il
de l'exposer contrairement au senti-ment des Pères. Du reste, avant
de rapporter le décret l'é-vêque de Chiaggia nous avertit
qu'il est licite de donner un sens nouveau aux passages des livres sacrés
pourvu qu'il ne soit pas en opposition à celui que tiennent pour
certain l'Eglise et tous les Pères.
En troisième lieu, il est défendu pai le déciei
aux im-primeurs, sous peine d'excommunication, d'imprimer ou vendre la
sainte Bible ou quelque livre détaché de
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
495
l'Ecriture ou seulement des annotations ou commen-taires sur les saints
livres sans en avoir la permission des supérieurs ecclésiastiques
ou sans nom d'auteur, ou ementito prœlo , c'est-à-dire sous une
fausse rubrique de lieu. Et il est dit que la même prohibition s'étend
à toutes les personnes qui publieraient de tels livres ou les com-muniqueraient
à d'autres ou les retiendraient pour elles-mêmes.
XIX. Le cardinal Madruccio proposa que l'on permît d'imprimer
l'Écriture en langue vulgaire. Mais cela ne parut pas convenable,
et on décida qu'il suffisait qu'elle fût publiée en
latin, d'abord parce que dans les pays où floiissail l'Eglise calholique
celte langue était connue par tous ceux qui étaient capables
d'entendre les livres saints ; ensuite, parce que plusieurs passages de
la Bible sont tellement obscurs et équivoques, que les placer
sous les yeux du vulgaire serait donner lieu à une multitude d'erreurs
ou au moins de doutes dangereux.
§ III. De quelques notions utiles au lecteur sur les livres canoniques
de l'Écriture.
XX. Le mot CANON signifie règle ou seulement catalo-gue
de choses écrites; c'est dans ce sens qu'il esl pris ici où
on l'entendra comme catalogue des livres divins. Ces livres se divisent
en proto-canoniques el deutéro-canoniques. Les proto-canoniques
sont ceux qui de tout lemps ont été reconnus par l'Église
comme divins et révélés : les deu-tëro-canoniques,
ceux également divins, qui n'ont pas été d'abord reçus
pour tels par toutes les églises particulières, Mais seulement
par la suite. Les livres proio-canoniques' de l'ancien Testament sont :
la Genèse, l'Exode, le Lévi-
xix,
43
494
TRAITÉ
tique, les Nombres, le Deuléronome, Josué, Rulh, les
quatre livre des Rois, le premier et le second des Parali-pomènes,
le premier et le second d'Esdras, les Psaumes, les Proverbes, le Canlique
des cantiques, Isaïe, Jérémie, Eze-chiel, Daniel et
les douze petits prophètes. Les prolo-cano-niques du nouveau Testament
sont : les quatre évangiles de S. Matthieu, S. Marc, S. Luc et S.
Jean, les Actes des apôtres et les treize épîtres de
S. Paul : une aux Romains, deux aux Corinthiens, une aux Galates, une aux
Éphésiens, une aux Philippiens, une aux Colossiens, deux
aux Thes-saloniciens, deux à Timothee, une à Tiie, une à
Phile-mon ; de plus les deux Épîlres, la première de
S. Pierre, et la première de S. Jean.
XXI. Les livres deulero-canoniques de l'ancien Testa-ment sont:
Esther, Baruch, les Chapitres de Daniel qui contiennent l'Hymne des trois
enfans, l'histoire de Su-zanne et celle du Dragon tué par Daniel
; de plus Tobie, Judith, le livre df la Sagesse, l'Ecclésiastique,
et le pre-mier elle second des Machabées. Les deuléro-canoniques
du nouveau Testament sont : l'Épîlre aux hébreux, l'É-pîlre
de S. Jacques, la seconde de S. Pierre, la seconde et la troisième
de S. Jean, l'Épîlre de S. Jude et l'Apo-calypse, H faut joindre
à ceux-ci le dernier chapitre de S. Marc et l'histoire de la sueur
de sang et de l'apparition des anges consolateurs dans S. Luc. Ces livres
ont éié reçus pour divins par la plus grande partie
de l'Église, mais non d'abord par quelques catholiques. Enfin, le
concile de Trente, dans sa session quatrième, dont TOUS avons déjà
parlé, les déclara sacrés et révélés.
XXII. Les calvinistes et les luthériens rejettent six
li-vres de l'ancien Testament : Tobie, Judith, la Sagesse, l'Ecclésiastique
et les deux livres des Machabées. Dans le
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
495
nouveau Testament, les calvinistes rejettent lepl tre aux Hébreux
de S. Jacques, celle de S. Jude et l'Apocalypse. Mais tous les conciles
et tous les Pères ont cité souvent les livres dont il est
question, et les souverains [ontifes qui ont fait des catalogues des livres
saints ont comple ceux-ci parmi eux, ainsi qu'Origène dans Eusèbe(lib.
5. chap. 8); S. Alhanase (in Synopsi); S. Grégoire de ISazianze
(Carm. de Genuin. Scriptur.) j S. Cyrille de Jé-rusalem (Catéch.
4.); ainsi que le concile de Laodicée (Can. ultimi.), celui de Carlhage
III (Can. 4' .); S. Au-gustin (lib. 2. De doclr. Christi, cap. 8.) ; le
pipe Inno-centi (Epist, ad Exuper.) et Gélase I dans Ici concile
de Rome; S. Isidore (lib. 6. Elhymol. cap. 1.) S. Damas-cène (lib.
4. De fide, cap. 18.) ; ainsi enfin qi e le concile de Trente, comme nous
l'avons vu; autant d re par con-séquent toute l'Église, ce
qui doit certainement suffire, car il est établi par les livres
proto-canoniques eux-mêmes que l'Église est infaillible dans
ses décisions.
XXIII. Anciennement ks Hébreux comptaient parmi leurs livres
sacrés certains livres qui n'y sont plus aujour-d'hui, comme le
livre Bellorum Domini (ap. Num. 21.), le livre Justorum (ap. Jos. c. 10.),
le livre Verborum (ap. III. Reg. 11.), et quelques autres. Ils en avaient
aussi d'autres, qu'ils n'admettaient pas dans leur eau on, comme celui
d'Eldal et ftledad, etc. Mais quant à ceu:i-ci, S. Au-gustin dit
qu'ils ne furent ni sacrés, ni canoniques. (Lib. Deciv.c. 38.)
$ IV. Objections des adversaires des livres canoniques.
XXIV. On objecte contre le livre de Baruch] qu'il ne se ''ouve pas
dans le catalogue de quelques Pèt|cs ; mais la
13.
196
TRAITE
cause en est (comme l'observe Bellarmin, ch. 8) que ceux-ci le tenaient
pour être de Jérémie, parce que Baruch était
son secrétaire, comme on le voit dans ce prophète au chap.
36. Du reste, tous d'ailleurs l'ont reçu comme sacré et en
ont cité le texte sous le nom de Jérémie, comme on
levait d.ins Bellarmin à l'endroit cité.
XXV. On objecte contre le livre de Tobie qu'on ne le retrouve
pas dans le catalogue fait par Esdras ; mais on répond que l'Église
catholique l'a toujours reconnu pour divin, ce qui est prouvé par
les conciles d'Hyppone et de Carthoge et par le canon de Gélase.
XXVI. Touchant le livre de Judith, Luther elGrotius mettent en
doute si l'histoire qui y est racontée n'est pas fabuleuse. Mais
les SS. Pères ont tenu cette histoire pour réelle, comme
il se voit encore par le concile d'Hyp-pone de l'année 393, par
celui de Garlhage tenu en 397, et par Innocenti (Epist, ad Exuper.), et
aussi par le concile de Rome sous Gélase. Les anabaptistes regardent
comme apocryphe le livred'Esdras : en quoi ils se trompent; car ce livre,
au moins dans ses premiers chapitres, fut tenu pour divin par les Hébreux
eux-mêmes. Il est vrai que quelques-uns ont douté de l'authenticité
des sept derniers chapitres ; mais les Pères ont communément
reçu pour vraie l'histoire d'Esdras. Enfin ce livre se retrouve
dans la Vulgnte, laquelle a été approuvée par le concile
de Trente. On objecte que les sept derniers chapitres ne s'accordent pas
avec les premiers. Mais on répond que ces sept chapi-tres, qui dans
la Vulgale sont placés après les autres, ne sont pas en réalité
les derniers, et que quelques-uns ont fait paitie du commencement du livre,
comme les chapi-tres 11 et 12 ; quelques autres du milieu, comme tes cha-ires
14,15 et 16"; et d'autres de la fin, comme le chapitre
40. S. Jéiôme a placé ces sept chapitres là
la fin, parce gu'iJ ne les retrouva pas dans le canon héljreu, mais
seu-lement dans la Yulgate.
XXVH. Relativement au livre de Tobi , on objecte : i' qu'il ne se trouve
pas dans le canon hét reu, à quoi on répond qu'Esdrasn'a
pas compris dans son catalogue tous les livres sacrés, et qu'au
surplus l'Église catholique l'a toujours reconnu pour tel, comme
le const ilenl le concile d'Hyppone, celui de Carthage et le car ou de
Gélase ; 2° que dans ce livre de .Tobie il est dilqueSaia, épouse
future du jeune Tobie, habitait dans Ragis, où le chapi-tre 4 fait
aussi habiter Gabelus, et cepeidant on lit au chapitre 9 que Tobie étant
arrivé au lieu )ù habitait Sara envoya de Jà l'ange
vers Gabelus dans Rajès, On répond que dans le royaume des
Mèdes ou il y ave il deux villes de ce nom, ou que le Rages du chapitre?
rç'claii pas la ville même, mais le territoire où elle
était située, ainsi l'on ap-pelle habitans de Rome ceux qui
en Iubilent le terri-toire.
XXVIII. On a émis contre le livre ? le. Job le doute
qu'il contint une histoire véritable', mais l'Église grecque
aussi bien l'Église latine ont toujours le m celle histoire pourvraieetonl
honoré Job corn me un sa ni. Il esl compté dans Ezechiel
???. 14., avec les saints Noë et Daniel : «Etsi fuerint tres
viri isti in medio ejus Noë, Daniel et » Job. »
Dans notre martyrologe sa fèlej est marquée au ? des ides
de mai.
XXIX. On n'a fait aucune objection cofolrc le livre des Psaumes
; mais il existe à son égard deux opinions égale-ment
graves et également probables, 1 une que le livre «Hier est
de David, l'autre qu'il est en partie d'autres auteurs qui ont été
même cités dans les libres des Psaumes.
198
TRAITÉ
XXX. Quelques-uns ont douléque le livre de l'Ecclé-siaste
fût de Salomon, mais c'est sans fondement, puisque dans le livre
même Salomon s'en déclare l'auteur.
XXXI. L'Ecclésiastique a eu aussi contre lui de
ne pas se tiouver dans le catalogue d'Esdras; mais on a déjà
dit que ce catalogue ne contenait pas tous les livres divins, et, du reste,
les chefs de l'Église et les principaux Pères l'ont compté
parmi les livres sacrés.
XXXII. Pour le livre de Daniel on a élevé des doutes
sur le cantique des trois enfans, et les histoires de Suzanne, de Bélus
et du Dragon qui ne se lisent pas dans le canon hébreu ; mais
elles ont été reçues pour
vraies par l'Église catholique d'accord avec les Pères.
On a ob-jecté aussi que dans le chapitre vi il est dit que Daniel
fui dans la fosse aux lions pendant une seule nuit, tandis qu'au chapilre
xiv on litqu'il y resta six jours. La réponse est que Daniel fut
mis deux fois dans la fosse ; la première fois dans Babylone, quand
il tua le dragon qui y était adoré, et alors il y resta six
jours, comme le porte le cha-pitre xiv ; la seconde fois, sous l'empire
de Darius, parce qu'il avait prié le vrai Dieu contre l'édil
de ce prince, et il n'y resta qu'une seule nuit, comme il est dit au cha-pitre
VI.
XXXIII. Conlre le premier livre des Machabées on op-pose au
chapilre ? qu'Alexandre-le-Grand y est noté pour avoir régné
le premier dans la Grèce, tandis que plusieurs y avaient dominé
avant lui. Mais on a remarqué que l'Écriture n'entendait
pas en cet endroit toute sorte de domination, qu'elle parlait seulement
dé la monarchie grecque, dont Alexandre fut en effet le premier
roi. On objecte aussi qu'au chapitre vin on lit que les Romains dé-cernaient
tous les ans la magistrature suprême à un seul,
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
199
auquel tous les autres devaient obéissance, lel que cepen-dant
il est certain que dans ce temps-là i s nommaient pour gouverner
deux consuls. Il faut répondre que l'Écri-ture a ainsi parlé,
parce que tous les mo s ou tous les jours (suivant quelques opinions) les
consils présidaient à tour de rôle, ou plutôt
parce qu'un sejul d'eux avait l'autorité principale.
XXXIV. Quant au second livre des Machhbées, on op-pose
qu'au chapitre ? il est dit qu'Antiochuu péril dans le temple de
Nanca, et qu'on voit au livre [, chapitre vi, qu'il mourut dans son lit.
La réponse est qu : l'Écriture au livre II, chapitre ? ne
parle pas d'Anliocl us Épiphane, mais d'Anliochiis Soler, ainsi
nommé par l'historien Jo-sèphe, et qui mourut en effet dans
le temp e de Nanca où il fut lapidé. L'Écriture, au
livre I, cha litre vi, parle d'Anliochus Épiphane qui mourut dans
Ba )ylone.
XXXV. On objecte encore que dans li livre II, cha-pitre II, il
est rapporté que Jérémie cacha l'arche dans une caverne,
tandis que Jérémie fut retenu en prison pendant tout le temps
qui s'écoula jusqu'à la cestruction du temple. A quoi
on répond que Jérémie ? :évoyanl l'ave-nir,
cacha l'arche au temps de Joachiml pendant qu'il était encore libre.
XXXVI. On a dit contre l'épîlre de S. Paul aux Hébreux,
qu'elle ne porte pas le nom de Paul et de plus qu'elle dif-fère
de style avec les autres. Mais d'abord S. Paul ne se liomma pas, parce
qu'il savait ne pas eue agréable aux ttébreux, à cause
que plus que les aut:es il prêchait «abolition de la vieille
loi ; et pour ce qui est de la diffé-rence de style, elle vient
de ce que S. Pau écrivant, celle lettre en hébreu, son idiome
naturel, a dû l'écrire plus fa-cilement et plus élégamment
que les autres où il employait
200
TRAITÉ
la langue grecque qui lui était moins connue, comme nous l'apprend
S. Jérôme.
XXXVII. On reproche à la lettre de S. Jude de citer comme
prophétique le livre d'Hénoch, reconnu comme apocryphe. On
répond que ce livre n'est pas cité comme entier, mais seulement
la prophétie faite par Henoch, la-quelle a élé peut-être
introduite dans ce livre apocryphe, mais dont la certitude était
connue de l'apôtre par révé-lation divine.
§ V. Si les divines Écritures furent également inspirées
de Dieu pour les choses qui y sont contenues que pour les paroles.
XXXVIII. S. Grégoire dit : « Ipse scripsi!, et illius
ope-» ris inspirator extilit. (Praefat. in Jub.) On a émis
ici trois opinions : la première que toutes les Ecritures furent
également inspirées de Dieu et pour le fond et pour les paroles;
la seconde que toutes les choses furent inspirées, mais non toutes
les paroles, et celle-ci est la plus probable; enfin la troisième
(qui est erronée et impie) que beaucoup de choses y furent inspirées
; mais que d'autres y ont élé introduites arbitrairement
par ceux qui les ont écrites. Ce qui est certain, au moins de toute
certitude, c'est que toutes les choses essentielles tanl de l'ancien que
du nou-veau Testament ont été inspirées; autrement,
dit S. Au-gustin, « tota scripturarum vncillaret auctoritas, ideoque
» et fides nostra. » (Lib. 1. De doctr. Christ, cap. 27.) C'est
pour cela que S. Paul appelle les Écritures eloquia Dei, et qu'il
écrit à Timothee (ch. 3.) : « Omnis scriptura divinitus
» inspirato. » Cette opinion est confirmée par toute
la tra-dition ; par S. Irénée (Contra hœres. lib. 2. cap.
47.), Ter-tullien (Lib. De habitu mulier, cap. 23.), S. Athanase
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
201
(Epist, ad Marcellin.), S. Basile (In prœm. in psal.), S. Chrysoslôme
(Hom. xxi. in c. 5. Gènes.) Et cette tradition marche accompagnée
de la persuasion unanime non-seu-lement des chrétiens pour le nouveau
Testament mais des Juifs pour l'ancien, comme il paraît par Philon
et Josèphe. XXXIX. Qu'ensuite l'Éciilure n'ait pas été
totalement inspirée pour les paroles, c'est l'opinion de S. Jérôme
dans son épîlre à Algasia ; S. Augustin (Lib. 2 De
con-sensu evangelist. cap. 12.), dit : « Si ergo quaeritur,quae »
verba potius dixerit Matthaeus, an quae Lucas, etc. » Nullo modo
hinc laborandum ; » car ajoute-l-il, il suf-fit que le fond des choses
soit vrai quoique les uns les aient présentées sous une certaine
forme les autres dans des termes differens, et voilà pourquoi S.
Denis d'Alexan-drie, Origène, S. Basile, S. Grégoire de Nazianze,
S. Jé-rôme et d'autres Pères citent les textes sacrés
avec des barbarismes que certainement Dieu n'a pas dictés et au-tant
faut-il en dire de la Vulgale vraie, dans toutes les propositions et maximes,
sans que toutes les paroles aient été inspirées.
Réponses aux principales objections.
XL. On fait les objections suivantes :
Première objection. — Si les differens livres de l'Écri--iure
furent au moins pour le fond des choses mêmes in-spirés de
Dieu, aucun de leurs auteurs ne dut prendre à cet égard ni
soin ni peine, et cependant le contraire est énoncé dans
S. Luc, et-par l'auteur du second livre des Machabées. On répond
que ce n'est pas toute inspiration de Dieu qui exclut le soin et l'attention,
mais une inspiration particulière par laquelle les choses et les
paroles s'offrent
202
TRAITÉ
d'elles-mêmes aux auteurs sans la coopération de leur
esprit, tandis que le Soigneur portait les autres à appliquer leur
attention de peur d'erreur en rapportant les choses cachées et inconnues
qu'il leur révélait.
XLI. Deuxième objection. —Plusieurs choses dans l'É-criture
paraissent conlrairesaux préceptes divins, comme, par exemple, certaines
imprécations qu'on lit dans les Psaumes : « Effunde iram in
gentes, quae te non nove-» iunt » (Psal. LXXXVII.), et d'autres
semblables. On ré-pond avec S. Augustin parlant sur le psaume LXXXVII,
que ce ne sont point là des imprécations dictées par
un désir de vengeance, mais des prédictions des châlimens
futurs de Dieu : « Non malevolenliae volo ista dicuntur, sed »
Spiritu praevisa prsedicunlur. »
XLII. Troisième objection. — On trouve dans l'Écriture
des choses inutiles et qui ne semblent pas inspirées, telles que
celle-ci dans l'épîlre à Timothee, chap. îv :
« Penu-» Iam, quam reliqui Troade apud Carpum, veniens affer
» lecum. » On répond que toutes les choses contenues
dans l'Écriture ne sont pas également utiles, mais qu'au-cune
n'est inutile, parce qu'elle sert au complément de la narration
ou seulement à notre instruction, ainsi les paroles citées
de l'apôtre nous apprennent que nous pou-vons nous occuper mériloiremenl
des objets nécessaires à nos besoins. Aussi S. Jérôme
écrit (Epist, ad Philemon.): « Quaecumque in scripturis Ievia
et parva videntur, non » minus esse a Deo inspirata, quam creaturae
vilissimae ?<> sint a conditore cceli et terrae. »
XLUI. Quatrième objection.—Certaines choses sont rap-portées
dans l'Écriture comme incertaines : ainsi S. Jean (Ch. ?.) dit :
« Hydriae... capientes singulae metretas binas » vel ternas.»
On répond quel'Espril-Sainl, dans quelques
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
205
endroits, n'a pas voulu fixer certaines circonslances, mais laisser
l'auteur suivre l'usage ordinaire de ceux qui ra-content.
XLIV. Cinquième objection. —L'écrivain du deuxième
livre des Machabées en finissant, « petit veniam erralo-»
rum. » On répond que l'auteur n'entend point ici par-ler des
erreurs du livre, mais seulement des négligences de son style, lorsqu'il
dit, « et si quidem bene, et ut his-» torise competit, hoc
et ipse velim; sin autem minus, » digne concedendum est mihi. »
§ VI. Du sens des saintes Écritures.
XLV. Les livres sacrés ont divers sens et d'abord on dis-lingue
le sens littéral et le sens mystique. Le sens litléral est
celui qui fait entendre le texte tel qu'il est écrit et ce sens
tout seul fait règle de foi. Le sens mystique ne fait règle
que quand il peut être appuyé sur un autre texte formel ou
qu'il est ainsi entendu par tous les Pères.
XLVI. Le sens mystique est celui qui se déduit immé-diatement
de la chose exprimée par les paroles du texte; aussi suppose-t-il
toujours le sens lilléral comme ces mots de l'Exode (ch. xa.) sur
l'agneau pascal : « Nec os illius » confringetis» qui
sont appliqués par S. Jean (ch.xix.), dans un sens mystique à
Jésus-Chrisi. Le sens mystique se divise ensuite en allégorique
qui appartient aux mys-tères de la foi, en analogique qui regarde
la vie éternelle rçue nous espérons, et en tropologique
ou moral qui a liait à la règle de conduite. De plus il y
a le sens de con-venance comme celui qui applique à la bienheureuse
Vierge les paroles que dit Jésus-Christ à Marie sœur de Lazare
: « Mariam optimam partem elegit. » Céder-
204
TRAITE
nier sens n'engage en rien la foi; car il n'esl pas le but de l'Espril-Saint.
Et il faut remarquer que souvent Je même passage admet un double
sens littéral, Dieu pou-vant par les mêmes paroles exprimer
plusieurs choses.
XLVII. On demande si le sens des Écritures est clair ou loul-à-fait
obscur. Les novateurs soutiennent que tous les testes offrent un sens clair,
parce que bien que plusieurs soient obscurs, ils s'autorisent ainsi à
les tourner et à les accommoder à leurs opinions. Maislecontrairede
ce qu'ils avancent est prouvé par l'Écrilure elle-même.
Dans S. Luc (ch. xvm.) on lit : « El ipsi nihil eorum » intellexerunt,
» ei au chapitre dernier il dit : « Tune » (Clnistus)
aperuit illis sensum, ut inlelligerent scrip-» luras. » En
outre S. Pierre (II. Petr. cap. ni.) parle ainsi desépîtres
de S. Paul : « In quibus sunt quaedam diffici-» lia intellectu.
«Tous les Pères sont du même sentiment là-dessus
et il suffira d'en citer deux entre tous. S. Jérôme parlant
de l'Écriture dit dans sa lettre à Algasia : << Quai
» tantis obscurilatibus obvoluta est. » El S. Augustin dans
l'épitre exix à Janvier : « In aliis innumerabilibus
rebus » multa me latent, sed etiam in ipsis sanctis Scripturis »
multa nesciam plura quam sciam. » Celte vérité res-sort
encore mieux quand on considère le grand nombre d'inlerpiétalions
que les Pères et les commenta leurs ca-tholiques ont données
des Écritures.
XLV1II. On oppose le texte : « Mandatum quod ego prœ-»
cipio tibi hodie, non supra te est. » (Deuter. c. xxx.) On répond
que ces mots ne signifient pas que toul pré-cepte est clair; mais
que tout précepte compris comme l'explique l'Église est toujours
possible à observer et même facile avec le secours de la grâce.
On oppose encore cet autre passage des Proverbes (cìì. VI.)
: « Mandatum lucerna
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
» esl et lux, » et celui-ci du psaume xvm : « Praeceptum
» Domini lucidum illuminans oculos. » Cela veut dire que les
préceptes divins bien entendus, éclairent l'esprit et dirigent
la volonté vers les bonnes reuvres, mais non pas que l'Écriture
soit claire dans son entier.
XL1X. S'il se trouve, disent les novateurs, quelques passages de l'Écriture
qu'on puisse dire obscurs, le Sei-gneur ne manque pas d'en donner à
chaque fidèle la claire intelligence. C'est là le sens privé
des héiéliques, dont l'effet est de produire autant de croyances
diverses qu'il y a de croyans; aussi tous leurs congrès et leurs
synodes provinciaux et nationaux n'ont jamais pu établir une profession
de foi uniforme et c'est une chose connue partout, que parmi les hérétiques
il y a autant de for-mules de foi que de têtes. Ce qui suffirait
bien pour dé-monirer qu'ils sont dans l'erreur et n'ont pas la foi
vé-ritable.
§ VII. Des diverses versions de l'Écriture.
L. Les livres de l'ancien Testament furent tous écrits en hébreu.
Les livres du nouveau le furent en grec à l'exception de l'Évangile
de S. Matthieu et de l'épître de S. Paul aux Hébreux
écrite vraisemblablement en syriaque avec mélange d'hébreu
et de chaldéen : il esl probable aussi que l'Évangile de
S. Marc fut écrit en latin à Rome. H y a eu de nombreuses
versions de l'ancien Testament, on a eu celles d'Origène, de S.
Lucien, de Tbéodosion, d'Aquila, de Simmaque et de plusieurs autres;
mais la plus célèbre est celle des Septante, que fil faire,
vers l'an 280 avant Jésus-Christ, le roi Plolémée
Philadelphe, «'s de Plolémée Lagus roi d'Egypte, et
troisième roi de
20G
TRAITE
Grèce, depuis Alexandre-le-Grand, disciple du philosophe Demetrius
Philarque. Ce roi Plolémée voulant enrichir sa bibliothèque,
fil demander à Eleazar, alors souverain pon-lifc juif, une copie
des livres sacrés et l'envoi de ses docteurs pour les traduire en
grec. Eleazar lui envoya soixante-douze docteurs qui firent la version
reconnue depuis par les Juifs et les Grecs d'Alexandrie.
LI. Touchant cette version, S. Irénée, Clément
d'A-lexandrie, S. Augustin etBellarmin, ainsi que Baronius, ont pensé
que ces interprètes furent inspirés de Dieu pour traduire
les divines Écritures ; mais S. Jérôme dit le con-traire
: d'autres érudits pensent qu'au moins les Septante furent assistés
de l'Esprit-Saint, pour éviter les erreurs.
LU. D'autres ont écrit d'après une histoire rapportée
par un certain Aristée, gentil, que les Septante se pla-cèrent
chacun dans une cellule particulière, firent ainsi séparément
leur version, et que quand on les compara, elles se trouvèrent toutes
uniformes. Mais S. Jérôme (In prœfat. in Penlaleuchum), rejette
tout-à-fait ce récit en ces termes : « Nescio quis
primus auctor septuaginta cel-» lulas mendacio suo exlruxerit. »
II affirme- que les soixante - douze docteurs traduisirent en conférant
entre eux et c'est aussi l'opinion de Bellarmin et de plusieurs docteurs
modernes. Bellarmin et les autres avertissent de plus que celte version
est aujourd'hui tellement corrom-pue qu'elle n'est pour ainsi dire plus
la même qu'au-trefois. Du reste il est certain que les apôtres
et les Pères des premiers siècles se sont servis du texte
de celle ver-sion ; mais aujourd'hui elle n'est point regardée comme
authentique quoiqu'en dise Juenin (tom.l.p.75.c.76), où il soutient
que la version des Septante a été et est tou-jours authentique.
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
207
LUI. Parmi les versions Ialines de l'ancien Testament, la plus reçue
est la Vulgate que S. Augustin nomme ita-lique et S. Grégoire ancienne.
S. Jérôme la corrigea et en refit deux fois la traduction
: la première sur le grec des Septante, la seconde sur le texte
hébreu ; excepté le Psau-tier (qu'il corrigea seulement)
et les livres de la Sagesse, de l'Ecclésiastique et des Machabées
qui sont les mêmes que dans l'ancienne version latine. Cette version
de S. Jérôme fut depuis reçue universellement dans
l'Église d'Occident, et finalement le concile de Trente, dans sa
quatrième session la déclara authentique comme étant
celle qui appuyée de la tradition apostolique avait été
reçue pour vraie pendant taut de siècles.
LIV. H faut remarquer que S. Jérôme ne traduisit point
le nouveau Testament du grec en latin , mais seulement en ôla certaines
erreurs; c'est ce que dit Juenin (tom. 1. pag. 79. concl. 4), et Bellarmin
(Lib. 6. De Verb. Dei cap. 7.), qui ajoute que la version grecque du nouveau
Testament, faite par ce saint par ordre de S. Damase, n'es point aujourd'hui
un texte sûr à cause de ses incorrec-tions.
LV. Les hérétiques objectent contre la Vulgale, 1" qu'elle
diffère de l'hébreu et de la version grecque, ce qui força
Clément VIII à corriger la Vulgate publiée par Sixte
V. On peut répondre qu'elle n'en diffère en rien qui puisse
altérer le sens et changer la subslance; du reste il im-portait
peu qu'elle différât en quelques points des textes hébreu
et grec que les érudils reconnaissent être défec-tueux,
ce qui est arrivé par la négligence des éditeurs.
Néanmoins les versions grecque et hébraïque restent
des sources précieuses pour conférer les textes, et le concile
de Trente en leur préférant la Vulgate n'en a pas moins
208
TRAITÉ
reconnu leur degré d'autorité. Nous dirons aussi que
Clé-ment VIII, dans sa correction de la Vulgate de Sixte V, n'a
nullement touché au sens, mais seulement au choix des termes.
LVI. lis objectent en second lieu que le concile n'avait aucun motif
de préférer la Vulgate aux autres versions. On répond
qu'il en eut un motif bien suffisant dans le constant usage que l'Église
en avait fait pendant mille ans; car dès le temps de S. Grégoire-le-Grand,
la Vulgate ser-vit de texte pour les leçons et décisions,
comme on le voit par les livres de S. Grégoire et par les actes
des con-ciles.
LVII. Ils objectent enfin que la Vulgate contient plu-sieurs erreurs
qui n'ont pu être coirigées au temps du concile de Trente.
On répond que jusqu'à présent on.n'a pu constater
aucune erreur; que si par la faute des li-braires, il s'en est glibsé
parfois quelqu'une, les souve-rains pontifes se sont empressés de
les faire rectifier. Si enfin quelques-unes ont pu être laissées,
elles sont de si petite importance que dans le fait elles n'intéressent
ni la foi ni la morale : voyez Juenin ( lom. 1. pag. 9. concl. 4).
§ VIÏI. Où l'on expose en terminant les doctrines
les plus utiles à connaître sur la tradition.
LVIII. Par la tradition on entend la parole de Dieu non écrite
que l'Église conserve et ordonne aux fidèles de croire avec
la même plénitude de foi que les saintes Écri-tures.
On l'appelle tradition parce qu'elle ne nous vient pas au moyen de l'Écriture,
mais comme de main en main « ab uno traditur alteri, » et qu'elle
passe des uns
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
209
aux autres par la parole el la commune renommée. La parole de
Dieu écrite se conserve sur le papier, el celle qui ne l'esl point,
dans les cœurs des fidèles.
LIX. Les traditions sont de trois sortes : divines, apos-toliques el
ecclésiastiques. Les divines sonl celles qui viennent de Dieu lui-môme,
ou du Christ, comme est l'institution de la matière el de la forme
des sacremens. Les apostoliques qui viennent des apôtres, et celles-ci
sont de deux sortes, car on distingue celles que les apô-tres reçurent
de la bouche même de Jésus-Christ, ou qui leur fuient purement
révélées par l'Esprit-Saint, parce que celles-là
se confondent avec les divines, el celles que les apôtres inspirées
par l'Espril-Sainl ont transmises à notre obéissance, comme
la mixtion de l'eau et du vin dans le calice, l'observance de la Pâques,
de la Pentecôte, etc. Enfin les ecclésiastiques sonl des coutumes
introduites aux premiers lemps de l'Eglise par les prélats ou avec
leur ap-probation par le peuple, lesquelles oni acquis par le laps de temps,
force de loi, comme la récitation de l'office divin par les clercs
promus aux ordres sacrés ou aux bé-néfices, l'abstinence
de la chair le samedi, etc.
LX. Les novateurs rejettent toutes les traditions; mais les catholiques
tiennent qu'il y a des traditions divines qui servent, comme l'Ecriture,
de fondement à la foi; aussi le concile de Trente nous enseigne
que l'Eglise a une égale vénération pour l'Ecriture
que pour la tradi-tion, en disant à la quatrième session
dans le décret sur les Ecritures canoniques : « Perspiciensque
hanc verita-» lem et disciplinam contineri in libris scriptis, et
sine » scripio traditionibus, quae ab ipsius Christi oreabapos-»
tolis acceptae, aut ab ipsis apostolis, Spiritu Sancto dic-» tante,
quasi per manus traditae ad nos usque pervene-xix.
14
210
TRAITE
»runi; orthodoxorum Patrum exempla secuti, omnes » libros
tam veteris, quam novi Testamenti, eum ulrius-» que unus Deus sit
auctor, necnon traditiones ipsas tum » ad fidem, tum ad mores pertinentes
tamquam vel ore-» tenus a Christo, vel a Spiritu Sancto dictatas,
et continua » successione in Ecclesia catholica conservatas, pari
pie-» latis affectu, ac reverentia suscipit, et veneratur. »
LXI, Les traditions divines furent d'abord de même nature que
la loi naturelle, et cela depuis Adam jusqu'à Moïse. Il devait
certainement y avoir alors une règle cer-taine de foi ; celle règle
ne pouvait être écrite puisque l'Écriture n'existait
pas, elle venait donc par la tradition d'Adam, qui enseigna à ses
enfans ce que Dieu lui avait révélé louchant la rédemption
et les autres mystères rela-tifs à notre salut.
LXII. Au temps de la loi écrite publiée par Moïse,
bien qu'il y eût alors des écritures sacrées, les Hébreux
durent se transmettre encore par la tradition plusieurs règles de
foi et de conduite. Le Seigneur dit (Exod. 13.) : « Narrabis s filio
luo in illa die dicens, hoc est quod fecit Dominus.» El David, ps.
LXXVII : « Quanta mandavit patribus nos-» tris nota facere
ea filiis suis, ut cognoscat generatio al-» lera. » Ainsi non-seulement
l'Écriture, mais aussi la tradition de leurs pères, servit
à faire connaître aux Juifs les événemens qui
devaient leur arriver.
LXIH. Finalement, la tradilion fui encore nécessaire dans les
premiers temps de la loi évangélique puisque l'évangile
de S. Matthieu qui fut le premier livre du nouveau Testament ne parut que
huit ans après la mort de Jésus-Christ, et que toutes les
autres écritures ne vin-rent que plusieurs années après.
LXIV. El même jusque dans le temps présent les Ira-
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
211
ditions sont nécessaires pour plusieurs raisons : 4° afin
de discerner les livres canoniques des apocryphes, car cette distinction
n'est contenu dans aucun livre sacré et ne peut êlre faite
par les lumières et le sens privé comme nous l'avons vu plus
haut; aussi les Pères disent-ils una-nimement que la tradition seule
nous apprend quels sont les livres véritablement sacrés.
Origène écrit : « Ex » tradilione didici de quatuor
Evangeliis, quod hac » sola, etc. » (??. Euseb. hist. 1. vi,
e. 18.)
LXV. 2° Les Iradilions sont nécessaires à l'Église
pour juger le vrai sens des Ecritures qui servent de fondement à
plusieurs dogmes de notre foi, comme sont la trinilé des personnes
divines, la consubslantialité du Verbe et du Père, la procession
du Saint-Esprit du Père et du Fils, la ceitilude que la Vierge Marie
est vraiment mère de Dieu, la lâche du péché
originel dans (oui homme naissant, la présence réelle de
Jésus-Ghrisldans l'eucharistie ; car le sociniens et autres hérétiques
nient que l'Écriture con-tienne ce que l'Église catholique
enseigne sur ces mys-tères.
LXVI. 5° Elles sont nécessaires pour établir la certi-tude
de plusieurs dogmes de foi admis également par les catholiques,
les luthériens et les calvinistes contre l'opi-nion d'autres hérétiques,
comme celui de la virginité de la mère de Dieu contre Elvidius;
l'efficacité du bap-tême des enfans contre les anabaptistes
; la validité du baptême donné par les hérétiques
contre les donalistes. El de tout cela rien n'est enseigné dans
l'Écrilure, et nous n'en tenons la vérité démontrée
que parla iradition.
LXVII. En outre, les apôtres n'écrivirent pas tout ce
qu'ils enseignèrent, et il est certain qu'eux-mêmes appri-rent
plusieurs choses de la bouche même de Jésus-Christ :
14.
212
TRAITÉ
aussi recommandaienl-ils aux fidèles les traditions qu'ils leur
avaient transmises. S. Paul écrit (I. Cor. n. i. ) : « Laudo
vos, quod per omnia mei memores eslis, et sicut » tradidi vobis,
praecepta mea tenetis. » Et ailleurs (adThessal. II.): «Tenete
traditiones, quas didicislissive » per sermonem, sive per epistolam
nostram. » Ce qui fait dire à S. Chrysoslôme sur ce
dernier passage : « Hinc » palet quod non omnia per epistolam,
sed mulla etiam » sine litteris ; eadem vero fide digna sunt Iam
illa, quam » ista. »
LXVIII. Mais les adversaires de la tradition opposent, ce passage du
ch. iv du Deuléronome : «; Non addetis ad » verbum,
quod ego praecipio vobis, nec auferelis ex eo.» Us ajoutent celle
parole adressée aux pharisiens, dans S. Matthieu, ch. xv : «
Quare ei vos transgredimini man-» datum Dei propter traditionem vestram?
» On répond sur le premier lexle que Moïse n'y dit pas
: « Non addelis » ad verbum quod ego scribo vobis, »
mais « quod praecipio » vobis, » ainsi il ne s'agil pas
là de la tradition, mais du précepte. De même Jésus-Christ
ne dit pas : Traditionem meam, mais vestram, c'esl-à-dire cimentée
par les pha-risiens; aussi il dit ensuite : « Irritum fecistis manda·
» tum Dei propter traditionem vestram. »
LXIX. On oppose encore ce passage de l'apôtre (II. ad Tim. ni)
: « Omnis scriptura divinitus inspirata, utilis » est ad docendum,
ad arguendum , ad erudiendum in » juslitia , ul perfectus sit homo
Dei ad omne opus bo-» num instructus. » D'où l'on tiie
l'objection : A quoi sert la tradition quand l'Écriture contient
lout ? — La réponse est que suivant l'apôtre l'Écriture
est utile à en-seigner, à reprendre, etc. ; mais il ne dit
pas qu'elle suffit à tout. Outre que S. Paul ne parle point ici
des livres
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
215
saints pris collectivement mais de chacun d'eux en par-ticulier, disant
que chacun est utile, mais non pas qu'il est suffisant pour nous instruire
de tout ce qui regarde la foi et la pratique.
LXX. Nous savons d'ailleurs que les conciles, pour in-terpréter
l'Écriture, se sont appuyés sur la tradilion. Théodorel
(Hist. lib. 1, cap. 8.) atteste que le premier concile de ÎNicée
s'appuya sur la tradition pour motiver la condamnation d'Arius. Le second
de Nicée, comme il paraît par l'acte 6, argua aussi de la
tradition pour dé-fendre les saintes images contre les iconoclastes.?Pareille-ment
le concile VIII, acte 8 , déclara que les véritables traditions
faisaient règle et devaient être observées.
LXXI. Le consentement unanime des sai nts Pères est en-core
une preuve que les traditions doivent être tenues pour la paiole
mêmede Dieu; cela se voit aussi bien par les Pères giecs,
tels que S. Ignace (apud Euseb. Hist. lib. 1, cap. 36), S. Irénée
(\lib. 5, c. 4), Origène(in cap. 6 ad Rom.), S. Basile (lib. de
Spir. S. cap. 27), S. Chrysoslôme déjà cité,
et S. Épiphane (de haeresibus, haeres 61.), que par les Pères
latins, comme Teriullien (in lib. Depraescripl), S. Augustin (lib. 5 De
bapt. cap. 23). Vincent de Lerins dans tout sou livre intitulé Com-monitorium
nous enseigne qu'on doit s'en tenir aux tradi-tions.
LXXII. Mais on objecte 1° que S. Cyprien n'a pas cru transmise
par les apôtres la tradilion qui lui était opposée
par le pape Etienne, et qu'il l'appelait ancienne erreur, vetustam errorem.
— On répond que S. Cyprien rejetait 'a tradition opposée
par le pape Etienne en tanl qu'il ne la croyait pas provenue des apôtres;
mais il ne pensait
IRA1TÉ
pas moins qu'on ne dûl recevoir les traditions véritable-ment
transmises par eux.
LXXIII. 2° Que S. Jérômeditsur le ch. xxiu de S. Mat-thieu
: « Hoc quia de scripturis auctoritatem non habet, » eadem
facili late contemnitur qua probatur. » — On répond que le
saint rejetait ici avec mépris une objection non appuyée
sur l'Écriture, mais sur un livre apocryphe où il était
dit que le Zacharie lue par les Juifs entre le temple et l'autel était
le Zacharie, père de Jean-Bap-tiste.
LXX1V. 3° Que la tradition n'est point un fondement assuré
à cause des changemens auxquels elle est sujetle ; comme il est
arrivé pour la communion eucharistique sous les deux espèces,
observée ainsi pendant iant de siècles, et depuis quatre
siècles abolie. — On répond qu'il ne s'agit ici que de la
tradition qui louche à la foi et à la morale, laquelle esl
infaillible el immuable, mais non de celle qui regarde la discipline qui
peut sans doule êlre changée pour de justes causes.
Nous devons enfin terminer en établissant les règles
qui servent à distinguer la tradition divine de la tradi-tion humaine.
Car les hérétiques rejettent les traditions parce qu'ils
prétendent que l'on ne peut discerner les vraies des fausses.
Règles par lesquelles on reconnaît qu'une tradition est
humaine et non divine.
Règle première. Une tradilion n'est point divine bien
que reçue par toute l'Église, lorsqu'elle lire sa source
de la décision d'un Père ou d'un concile particulier parce
que par celle voie nous aurions à admettre, sans
CONTRE LES UÉUÉTIQUES.
215
fondement certain, de nouvelles révélations louchant
la foi ou la morale ; ce qui a toujours élé abhorré
el combattu dans l'Église par les hommes les plus zélés
pour la religion. « Mos iste (dit Vincent de Lerins) in ecclesia
semper vi-» guit, ut quo quisque foret religiosior, eo prumptius
» novellis adinventionibus contrahet. » (Lib. 1. e. 5.) Aussi
les souverains pontifes, les conciles et les Pères ont apporté
le plus grand soin à conserver l'intégrité de la re-ligion
en repoussant du sein de l'Église toutes doctrines nouvelles sur
les points de la foi autres que celles déjà reçues.
La même chose fut prescrite par l'apôtre à Timo-thee
: « ? Timothee depositum custodi, devitans profa-nas vocum novitates,
et oppositiones falsi nominis » scientiae, quam quidam promittentes
circa fidem exci-» derunt.» (I. ad Tim. vi. 20.) Vincent de
Lerins ajoute : » Quid est depositum? est quod tibi creditum est,
non » quod a le inventum, quod accepisti, non quod exco-» gitasli.
» (Loc. cit. cap. 22. ) Ce fut avec de pareilles nouveautés
révélées queMontan infecta l'Église.
Règle deuxième. Une doctrine qui ne se trouve établie
que dans une église particulière ne doit point être
consi-dérée comme divine, mais seulement comme humaine :
autrement, ainsi que le démontre S. Augustin contre les donalistes,
toute l'Église catholique devrait se trouver ré-duite à
ce seul endroit de la terre. Dans ce cas on ne doit point tenir compte
d'une église isolée.
Règle troisième. Il ne faut pas tenir pour divine une
tradition qui enseigne quelque dogme sur l'autorité d'un seul ou
d'un pelil nombre d'auteurs modernes ou même anciens, fussent-ils
docteurs ou saints, s'ils sont en oppo-sition en cela avec tous les autres.
L'eneur des millénaires, qui consistait à croire que Jésus-Christ
après la résurrec-
246
TRAITE
lion des hommes devait régner pendant mille ans sur la terre
avec les élus, fut admise par plusieurs pères, par Terlullien,
par S. Iiénée, par Laclance, d'après Eusèbe
(Hist. lib. 5. c. 39.); mais le sentiment contraire de tous les autres
l'a fait condamner.j
§ IX. Règles pour reconnaître si une tradition est
divine et non humaine.
Règle première. Tout dogme reçu universellement
par l'Église doit être tenu pour tradition divine, bien qu'il
ne se trouve pas dans les Écritures. La raison en est que l'Église
universelle ne peut errer, étant la colonne stable et infaillible
delà vérité, comme l'écrit l'apôtre.
(I. Tim. in.) D'où Tertullien dil (lib. De prœscripl.) : «
Quod apud » multos unum invenitur, non est erratum, &ed traditum.»
On lit la même chose dans S. Cyprien (lib. 5. epist. 15.), et dans
S. Jérôme contre Vigilance.
Règle deuxième.Toute doctrine que l'Église enlièie
a sou-tenue dans un autre siècle quelconque doit également
être tenue pour divine, parce que de même que l'Église
ne peut au siècle présent accepter pai erreur ce qui est
humain pour divin, elle ne l'a pu non plus dans les siècles piécédens.
Règle troisième. Telle pratique qui ne peut avoir été
prescriie que par Dieu, doit être teuue pour venir de la tradition
apostolique, toutes les fois que l'Église entière l'obsprve.
C'est ainsi que S. Augustin prouve que l'usage de baptiser les enfans est
de tradition divine : « Consue-» ludo matris Ecclesiae in baplizandis
panulis non est » superflua repu(anda> nec omnino credenda, nisi
aposto-» lica esset traditio. » (kib. ?. de Gen. 25.) Il parle
de même sur l'usage de ne pas rebaptiser ceux qui l'ont été
CONTRE LES ÎIÉMÎTIQUES.
217
par les hérétiques. (Lib. 2. De bapt. c. 7.) Il y a plusieurs
choses du même genre, dilMelchior Carnis (De loc. iheoi. lib. 3.
c. ?.), qui se praliquent dans l'Église el qui ne pourraient se
faire, si l'Église n'en avait reçu la faculté de Dieu
par tradition apostolique, comme de disposer des vœux, de relever des sermens.
La même îaison existe, comme l'écrit Juenin (tom. i.
c. 3. p. 137.), à l'égard de l'annulation d'un mariage ratifié,
mais non consommé, pour les vœux solennels. Car on ne peut supposer
que l'Église ail erré en usurpant un tel pouvoir sans y être
divinement autorisée.
Règle quatrième. Quand une pratique a été
générale-ment el de tout temps observée dans l'Église,
sans avoir élé instituée par un concile, elle doit
être considérée comme instituée par tradition
apostolique, bien qu'elle soit de nature à l'avoir été
par l'Eglise elle-même. « Quod universa tenet Ecclesia (écrit
S. Augustin), nec » conciliis institutum, sed semper retentum est,
nonnisi » auctoritate apostolica traditum reclissime creditur. »
(Lib. 4. De bapl. cap. 24.) C'est en argumentant ainsi que les théologiens
disent que le jeûne du carême est d'institution apostolique.
En outre, Terlullien el S. Irénéc disent que si on ne
retrouve pas dans quelques églises la tradition de quelque dogme
qui pourtant est conservée dans les autres, au moins dans les principales
églises apostoliques, dans les-quelles la succession des évêques
n'a point été interrom-pue, en ce cas il faut croire celle
tradition divine. C'est ainsi que parle Tertullien (lib. De piaescrip.),
et S. Irénée(lib.3. adv. hœres. cap 2.), lequel au chapitre
3 ajou te que parmi ces églises aposloliques qui ont conservé
la véritable tra-dition, l'Eglise romaine tient le premier rang
: « In qua
218
TRAITÉ
» semper ab his, qui sunt undique, conserva ta est ea quae »
est ab apostolis traditio. » Et puis énumérant tous
les pontifes romains jusqu'à son temps, il dit : « Hac ordina-»
tione et successione ea quae est ab apostolis in Ecclesia » traditio
et veritatis prœconisalio pervenit usque ad nos. »
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
219
Ve SESSION.
OU PÉCHÉ ORIGINEL.
I. La différence qu'il faut faire entre le péché
originel et le péché personnel est celle-ci : le péché
personnel se commet avec notre volonté physiquement propre; l'ori-ginel
fut commis avec une volonté qui nous était physi-quement
étrangère, mais qui pourtant fut moralement propre. Le péché
originel est en soi une faute mortelle proprement dite, transmise par Adam
àsesenfansavecson sang : d'où David écrit : «
Ecce enim in iniquitatibus » conceptus sum, et in peccatis concepit
memalermea.» (Psalm. L.) Et l'apôtre : «Per unum hominem
peccatum » in hunc mundum intravit et per peccatum mors; et ita »
in omnes homines mors pertransiit, in qua omnes pec-» caverunl.»
(Rom. cap. v.) Ce qu'il confirme dans son épîlre aux Corinthiens
: « Si unus pro omnibus mortuus » est, ergo omnes mortui sunt
et pro omnibus mortuus » est Christus. » (II. Cor.
v.) C'est ainsi que le péché d'Adam infecta toute sa postérité
et la voua à la mort.
II. Les pélagiens opposent : 4° le texte de
S. Paul : « Lex iram operatur; ubi enim non est lex, nec prsevari-»
catio. » (Rom. iv.) De là ils disent: Lesenfansne peu-vent
être tenus à la loi qu'ils ne sauraient connaître, ils
sont donc incapables de prévarication.— On répond qu'ils
ne sont pas en effet tenus à la loi qu'on ne transgresse que par
la volonté physiquement propre, mais qu'ils n'en
220
TRAITÉ
sont pas moins coupables de la violation de la loi pat· la volonté
moralement propre, par la volonté d'Adam qui contenait cellede tous
les hommes.
III. On objecte : 2° cet autre texte : « Omnes nosmani-»
festari oporlel anle tribunal Christi, ut referat unus-» quisque
propria corporis proul gessit. » (II. Cor. ?. 10.) Donc, dit-on,
les enfans qui n'ont poinl de péchés per-sonnels, sont sauvés.
— On répond que le texte cité s'en-tend non des enfans moris
sans baplême avanl l'âge de raison, mais de ceux qui baptisés
sont parvenus à cet âge. Calvin voulut excepter les enfans
nés de parens fi-dèles qui, suivant lui, se sauvaient quoique
non baptisés. C'est une erreur. David certes naquit de parens fideles,
cl lui-même confesse être né dans le péché.
El le concile, comme nous le "errons, l'a ainsi déclaré dans
sa cinquième session, chapitre 4, où il dit que ces enfans
ne sont pas sauvés : « Etiamsi a parentibus baptizatis oriantur;
» or leur damnation ne vienl point de la faute de leurs pa-rens,
mais de celle cPAdam, père de tous les hommes., « in quo omnes
peccaverunt. »
IV. On objecte 3° qu'il est dit dans Ezechiel ( cap.
xviii.) : « Filius non portabit iniquitatem patris. » —On répond
que cela doit s'entendre des péchés actuels de leurs propres
parens, mais non de l'originel du premier père Adam, dont la volonté
contenait celle de tous ses descendans à l'égard de l'injonction
que Dieu lui avait faite de ne pas manger du fruit défendu. Les
hommes péchèrent alors tous dans Adam, non-seulemenl à
le re-garder comme le chef et l'auteur physique du genre hu-main, autrement
nous seiions également coupables de tous ses autres péchés,
mais comme chef moral qui re-présentait tous ses descendans à
l'égard de l'observance
C0N1RE LES IIÉKÈTIQUES.
221
de ce précepte pour lequel Dieu (pav son pouvoir suprême
sur (ouïes les créatures) avait renfermé toutes les
volontés humaines dans la volonté d'Adam. Cela nous a été
assez déclaré en nous disant que tous les hommes avaient
péché dans Adam ou participé à son péché
, hors le Christ qui ne fut point conçu par une génération
naturelle, mais par l'œuvre du Saint-Esprit.
V. Dans le concile, avant de rédiger le décret louchant
celte matière du péché originel, il fut dit qu'il
fallait d'abord examiner et décider quatre points qui devaient précéder
les dogmes touchant la justification : 4°la nature du péché
originel ; 2° le mode de sa propagation ; 3° le mal qui l'accompagne;
4° le remède donné par Dieu con-tre ce mal ; et on procéda
ainsi en effet.
Sur le premier point, de la nature du péché originel,
plusieurs dirent que le péché originel consistait dans la
privation de l'état de justice originelle dans lequel Adam fut créé.
D'autres remarquèrent que cette privation n'était pas elle-même
le péché, mais la peine du péché. Mais le frère
Ange Pascal, évêque de Mollola , dominicain , s'ap-puyant
de l'autorité de S. Thomas, dit que le péché ori-ginel
était une disposition vicieuse, opposée à la justice
originelle, laquelle avait comme deux parties: la pre-mière , la
soumission de la volonté humaine à la volonté divine;
la seconde, l'empire de cette volonté de l'homme sur toutes ses
facultés. Ainsi le premier, désordre ne fut pas la peine
du péché, mais une véritable faute, laquelle constitua
l'essence du péché originel. Le second désor-dre et
les autres qui s'en suivirent furent comme la raa-lière du péché
originel ; en sorte que ce péché consiste dans la concupiscence
et dans la rébellion de la volonté comme son élément
matériel, et dans 1.» privation de
222
TRAITÉ
la justice originelle comme son élément formel. Et cette
décision fut unanimen! approuvée. L'évêque de
Bossa, aussi dominicain, ajoula une autre doctrine de S. Thomas; c'est
que, bien que l'essence du péché ori-ginel fût la privation
de l'ordre, néanmoins le sujet et la substance de ce péché
étaient la concupiscence, ou si l'on veut une inclination dépravée
vers les biens péris-sables.
VI. Sur le second point, le mode suivant lequel se pro-page le
péché originel dans la postérité d'Adam , on
peut dire, matériellement parlant, qu'il se transmet aux hom-mes
par la génération , mais formellement parlant de sa propagation,
soit comme peine, soi l comme faute; JeanFonseca, évêque de
Caslellamare, dit que quant à la peine Dieu avait justement châtié
les fils d'Adam par la pri-vation des trésors de la justice originelle,
de même qu'un roi punit l'infidélité d'un vassal en
le privant justement, lui et toute sa race, de son fief et des honneurs
qu'il lui avait concédés. Quant à la
faute, l'évêque Pascal, déjà
nommé, dit avec S. Thomas que nous sommes dits
avec raison avoir péché dans Adam, en tant qu'A-dam contenait
en lui, par sa faculté génératrice, toute la nature
humaine, et que le choix de sa volonté rendait ainsi le sort de
cette nature malheureux ou prospère; d'après cela, en péchant,
il a fait que toute sa race est née avec la tache et le désordre,
suite de son péché. Ainsi dans Adam, la tache de la personne
a souillé notre nature ; tandis qu'en nous, la tache personnelle
ne souille que la personne.
VII. Sur le troisième point, le mal causé
par le péché originel, Bertanus dit qu'il était certain
qu'Adam avait reçu la justice et la rectitude originelle : s'il
l'avait con-
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
223
servée, il aurait obtenu pour lui et pour nous l'immor-talité
avec tous les autres biens de la nature; mais en désobéissant
à Dieu, il perdit la grâce divine pour lui et pour nous, et
le genre humain en est resté dépravé, avec un esprit
plein de ténèbres à l'égard de la connaissance
de la vérité, et une volonté encline au mal, jointe
à tous les autres maux corporels el spirituels; spécialement
en ce qui concerne l'autre vie, où les enfans morts sans bap-tême
sont certainement exclus de la béatitude éternelle. VIII.
Pour ce qui regarde les autres peines des enfans morts sans baptême,
il y a plusieurs opinions, parmi lesquelles trois surtout sont célèbres.
D'après la première, ces enfans souffrent la peine de la
damnation et celle du sens. La seconde admet pour eux la peine de la dam-nation
et non celle du sens. Enfin la troisième, qui est celle de S. Thomas,
soutenue par le cardinal Sfrondali, veut qu'ils soient exempts à
la fois el de la peine du sens el de la damnation. Le docteur angélique,
dans l'opuscule De Maio, qusesl. 5, art. 2, tient pour certain qu'ils sont
exempts de la peine du sens, el il en apporte pour raison : « Quia
psena sensus respondit conversioni » ad creaturam et in peccato originali
non est conversio » ad creaturam, et ideo peccato originali non debetur
» paena sensus; » le péché originel, en effet,
n'emporte point action. Les adversaires de celle doctrine lui oppo-sent
celle de S. Augustin, qui en plusieurs endroits ma-nifeste l'opinion que
ces eafans sont condamnés même à la peine du sens.
Mais je trouve, dans un autre passage, que ce saint déclare lui-même
que sur ce point il reste indécis ; voici ses expressions : «
Cum ad paenam ventum » est parvulorum, magnis (mihi crede) angustiis
arclor, » nec quidquid respondendum penitus invenio. » S. Aug.
224
TRAITE
» liv. 5, contra Julian c. 8, et epist. 28 ad Hieron. »
IX. Quand à la peine de la damnation, quoique ces enfans
soient exclus de la gloire, néanmoins S. Thomas enseigne (in 2.
sent. dist. 35. qu. i. art. 2.) que comme nul ne
souffre de la privation d'un bien qu'il est incapable de connaître,
qu'ainsi, par exemple, nul homme ne se plaint de ne pouvoir voler en l'air,
de même les enfans morts sans baptême ne s'affligent point
de ne pouvoir jouir d'une gloire dont ils ne sont pas capables, ni par
les principes de la nature, ni par leurs propres mérites. Le saint
docteur ajoute dans un autre lieu (De maio, quœsi. 5, art. 2.) un autre
argument tiré de ce que la connaissance surnaturelle de la gloire
céleste n'est produite que par la foi actuelle, laquelle surpasse
toute intelligence naturelle ; c'est pourquoi les eniitns ne peuvent souffrir
la peine de la privation de la gloire, puisqu'ils n'ont pu en recevoir
aucune connaissance surnaturelle. 11 dit en outre dans le premier endroit
cité (in 2. sent. dist. 55. qu. 1 art. 2.) que ces enfans
non-seulement ne seront poinl affligés de leur exclusion de la béatitude
éternelle, mais qu'en outre ils jouiront de leurs avantages naturels
et des effets de la divine bonté pour ce qui est de la connaissance
naturelle et de l'amour naturel envers Dieu : « Imo magis gaudebunt
de hoc, quod parlicipa-» bunt multum de divina bonitate, et perfectionibus
na-» turalibus. » Et puis(loc. cit. infra ad 5.) il ajoute
que bien que ces enfans soient séparés de Dieu , quant à
l'u-nion avec lui dans la gloire, néanmoins « illi conjungun-»
lur per participationem naturalium bonorum; et ita » etiam
de ipso gaudere poterunt naturali cognitione, et » dilectione. »
X. Du reste, mettant à part cette jouissance naturelle
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
225
quo peuvent avoir les enfans morts sans baptême, je trouve très-juste
et très-probable, en considéianl la divine miséricorde,
que dans l'autre vie ils ne reçoivent ni ré-compense ni peine,
et celte opinion semble admise par S. Augustin lui-même, dans ce
passage (lib. 5, De lib. arb. c. 23.) : « Non enim timendum est,
ne non po-» luerit esse sententia media inler prœmi um et supplicium,
» cum sit viia media inler peccatum et recte factum. » D'aulantplus
que S. Grégoire deNazianze et S. Grégoire de Nisse parlent
de même d'une manière affirmative. Le premier écrit
: « Parvuli nec coelesti gloria, nec suppliciis « à
juslo judice afficientur. » (Serm. in s. lavacr.) El le second :
« Immalura mors infantium demonstrat neque » in doloribus et
mœslitia fuluros eos, qui sic vivere de-» sierunt. » (Tracl.
de infant.) Mais revenons aux poinls examinés dans le concile.
XI. Sur le quatrième point, le remède donné contre
un tel mal; ce remède s'entend communément du baptême,
lequel tire sa vertu de la morl de Jésus-Christ, qui par sa grâce
sanctifiante nous délivre du péché. Quelques-uns dirent
qu'il fallait compter parmi les élémens de la ré-demption,
la foi intérieure de l'homme, concordant avec le baptême extérieur;
mais celte opinion ne plut pas à la majorité des Pères
, parce que les enfans reçoivent la grâce du baptême
sans le secours de celle foi ; d'où il suit que la foi n'est point
absolument requise pour tous les baptisési outre que poar les adultes
eux-mêmes, elle n'esl requise que comme disposition, non comme justi-fication.
Et il fut ainsi conclu eantre l'erreur des laihé-rieng, qu'après
le baplème, le péché originel cesse non-seulement
de pouvoir être imputé, mais même d'exister, et que
c'est pour cela que l'Écriture appelle le baptême xix.
45
226
TRAITÉ
régénération, parce qu'il constitue le passage
de l'étal de mort à l'élal dévie, dans lequel
nous recevons les forces nécessaires pour produire des actes de
la vie surnatu-relle.
XII. Les luthériens prétendent que le péché
originel est la concupiscence elle-même ; en sorte que celle-ci restant
aux baptisés, ils demeurent sujets au péché originel.
Nom-bre de passages de l'Écriture condamnent celte opinion, et entre
autres celui de S. Paul : « Velus homo noster simul «crucifixus
est, ut destruatur corpus peccali. » (Rom. vi. 5.) Donc si le péché
est détruit par le baptême et que la concupiscence reste,
on ne peut dire que la concupis-cence soit le péché. L'autre
texte est de S. Jacques : « Unus-y> quisque vero tentatur a concupiscentia
sua abstractus, » et illectus. Deinde concupiscentia cum conceperit,
parit » peccatum. » (Epist. 1. 14 et 15.) Si donc l»
concupis-cence enfante le péché, elle n'est point le péché.
On peut ajouter cet argument, que l'étal de péché
n'est point une dis-position qui permette l'entrée du ciel, cependant
les en-fans baptisés qui meuient avant l'âge de raison vont
au ciel ; il ne sont donc point en état de péché.
Lorsqu'en-suile l'apôtre appelle la concupiscence le péché,
cela s'en-tend figurémenl comme l'eucharistie se nomme pain, prenant
ainsi le nom de la cause pour l'effet. San Félix, évêque
de la Gava, dit en6n que bien qu'après le bap-tême on ne puisse
dire que le péché demeure en nous, cependant la concupiscence
renfermait quelques restes du péché. Mais celle opinion fut
unanimement rejetée.
XIII. Ces préliminaires achevés, le concile formula
bon décret divisé en cinq canons, prononçant analheme
con-tre ceux qni seraient d'un sentiment contraire.
1° « Sacrosancta tridentina synodus statuit, ac decla-
C01STRE LES HÉRÉTIQUES.
227
„» rat, Adam, cum mandatum Dei in paradiso fuisset trans-»
gressus, statim sanctitatem, et justitiam, in qua con-» slilutus
fuerat, amississe ; incurrisseque indignationem » Dei, atque ideo
mortem, et Captivitatem sub diaboli po-» testate ; totumque Adam
secundum corpus, et animam » in deterius commutatum esse.
» 2" Adae praevaricationem non sibi soli, sed ejus pro-»
pagini nocuisse; et acceptam a Deo sanctitatem et j'110-» litiam,
non sibi soli, sed nobis etiam perdidisse; nec » mortem,et paenas
corporis tantum in genus humanum » transfudisse, sed peccatum; quod
est mors animai.
» 3° Hoc Adae peccatum, quod origine unum est, et pro-»
pagalione, non imitatione Uansfusum omnibus, idest «unicuique proprium,
non per humanae naturae vires, » vel per aliud remedium tolli, sed
per remedium unius » mediatoris Domini nostri Jesu Christi ; et ipsum
Jesu » Christi meritum per baptismi sacramentum in forma »
Ecclesiae rite collatum, tam adultis, quam parvulis ap-» plicari.
» 4° Parvulos recentes ab uteris matrum baptizandos »
esse, etiamsi fuerint a baptizatis parentibus orii ; eosque ?» ex
Adam liahere originale peccatum, quod necesse est » expiari ad vitam
aeternam consequendam.
» 5° Per Jesu Christi gratiam, quae in baptismate con-»
fertur, reatum originalis peccati remitti, ac tolli totum » id, quod
veram, et propriam peccati rationem habet, il-» ludque non tantum
radi, aut non imputari. In renatis
* enim nihil odilDens, quia nihil est damnationis iis, qui "> vere
consepulti sunt cum Christo per baptisma in
* mortem... ita ul nihil pforsuseosab ingressu cœli remo-retur Slanereautem
in baptizatis concupiscentiam, vel » fomitem s. synodum fateri, et
sentire : quae cum ad
45.
TRAITÉ
? agonem relicta bit, nocere non consenlienlibus, Sed vi-» riliter
per Christi Jesu gratiam repugnantibus non va-» lel; quin imo qui
legitime certa veri l, coronabitur.Hanc » concupiscentiam, quam aliquando
apostolus peccatum » appellat, Ecclesiam nunquam intellexisse peccatum
ap-» pellari, quod vere peccatum sit, sed quia ex peccato est »
etad peccaiurn inclinat. »
XIV. Le décret se termine par celle déclaration : «
Decla-» rat tamen s. synodus, non esse suae intentionis com-»
prehendere in hoc decreto , ubi de peccato originali »»gitur,
beatam et immaculatam virginem Mariam, » Dei genitricem
; sed observandas esse constitutiones » gixli IV,
etc. »
XV. Les Pères firent plusieurs observations sur la teneur
de ce décret. Il était dit d'abord dans le décret
qu'Adam, par son péché, avait perdu la sainteté,
« in quà creatus » fuerat ; » mais le mot creatus
fut changé en celui de constitutus, parce qu'on était en
controverse pour savoir si Adam avait la sainteté à l'instant
même de sa création. De plus, dans le canon cinquième,
il est dit : « Tolli totum » id quod veram et propriam peccati
rationem habet. » Seripaud voulait qu'on mît : «. tolli
totam rationem pet->> cati, » mais il ne plut point aux autres de
changer les expressions déjà adoptées.
XVI. La plus longue discussion fut sur les paroles «
jn renatis enim nil odil Deus. » Seripand disait que Dieu ne pouvait
pas ne point hair la eoncupiscence, qui était la source du péché,
car on peut dire que le penchant con-cupiscite fournit au péehé
toutes ses victoires, et que c'est pour cela que les Pères recommandaient
d'implorer lese-coursdivin contre la concupiscence. Mais ces raisons n'en-gagèrent
pas le concile àchanger les paroles du décret, parce
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
229
que ces mois « nihil odil Deus » s'entendaient d'une haine
d'inimitié que Dieu ne pouvait ressentir contre les régé-nérés.
El on les nomme régénérés, et non simplement
baptisés parce qu'il peut arriver que quelqu'un soit baptisé
et non régénéré dans la grâce pour n'avoir
pas eu dans le baptême la disposition requise. Du reste Dieu ne peut
aucunement haïr celui qui vient d'être fait son fils adop-tif.
Cependant, quelques-uns ne laissent pas de dire que dans les régénérés
il reste certain vice que Dieu doit haïr de celle haine qu'on nomme
de déplaisir ; mais celte opi-nion est peu goûtée par
d'autres; car autre chose est de dire que Dieu hait les péchés
véniels, qui ont leur source dans la concupiscence, et de dire que
Dieu hail la concu-piscence elle-même , surtout le concile ajant
dit que la concupiscence ayant été laissée à
l'homme pour la com-baltre, elle ne nuisait qu'à celui qui y consenlait,
et ser-vait au mérite de celui qui lui résisiail avec force.
XVII. Il y avait aussi dans le décret un paragraphe où
il élaildil que le concile ne réprouvait pas la proposition
des scolasliques, qu'après le baptême il restait la partie
matérielle du péché et non la formelle. Mais les Pères
re-jetèrent ce passage, el voulurent qu'on se servît des ex-pressions
des anciens docteurs , non de celles des théolo-giens modernes,
afin qu'une plus grande considération s'attachât non-seulement
à leurs décisions, mais à leurs paroles même.
XY1II. Soave(fra PaoloSarpi) s'est plaint dans son his-toire de ce
que le décret n'a pas statué sur la quiddilé (es-sence)
du péché originel, disant qu'on ne pouvait con-damner les
erreurs émises sur un point sans connaître auparavant la vérité
sur ce point. Mais on lui a répondu ??'? suffit do savoir que le
péché originel nous attire la
230
TRAITÉ
hnine de Dieu et nous rend indignes de sa grâce et de sa gloire;
que sur le surplus mis en question il n'est ni utile ni nécessaire
que le concile ai ? porté une décision, de même qu'en
parlant du péché aciuel il suffit de savoir qu'il nous prive
de l'affection divine : d'ailleurs il importe peu de savoir avec certitude
si le péché consiste dans l'action mauvaise ou la privation
de la vertu.
XIX. Enfin,'touchant l'exemption de la bienheureuse Vierge du
péché originel, le concile ne voulut rien déci-der,
suivant le principe qu'il avait déjà adopté de ne
pas s'occuper de décider les poinls de dispute de l'école.
L'é-vêque de Bitonio, bien que franciscain, fut lui-même
d'a-vis que le décret demeurât tel qu'il était. Le
cardinal Pa-checo voulait qu'après les mots « declarat s.
synodus non » esse suœ intentionis comprehendere , ubi de peccato
» originali agitur, beatam Virginem, » on ajoutât ceux-ci
: « quamvis pie credatur ipsam fuisse conceptam sine » peccato
originali, » disant que tous les ordres religieux /nn seul excepté)
et toutes les écoles adhéraient à cette opi-nion comme
plus pieuse. D'autant mieux, ajoutait Pa-checo, que dans l'assemblée
générale tenue avant la ses-sion dans laquelle le décret
avait été formulé, la majorité s'était
rangée à son avis. Mais les dominicains objectaient que si
celle croyance était déclarée chose pieuse, ne pas
l'admettre serait alors chose impie. L'argument n'était pas concluant,
mais enfin la conclusion fui, que bien que la majorité tint pour
vrai que la mère de Dieu'avait étéconçue sans
péché, cependant celte majorité jugeait préférable
de s'abstenir de prononcer en ce moment sur la proposition contraire, et
le décret fui rédigé dans les termes rapportés
plus li.uil.
XX. Soave(fra Paolo), non content de cela, s'est avancé
CONTRE LES HÉRÉTIQUES
231
jusqu'à Imiter d'erreur populaire celle opinion de l'immu-nité
de la Vierge à l'égard du péché originel. )1
objecte que le concile, en admettant l'exception de Marie entre lous les
hommes, îend incertaines toutes lesproposilions générales
contenues dans l'Écriture. Si Marie, en effet, ne doit point être
comprise avec tous les autres, ces paroles de l'apôire ne sont plus
vraies : « Elsicul in Adam omnes ? moriuntur, ila et in Christo omnes
vivificabuntur, » (?. Cor. xv. 22.)
XXI. Mais si Soave blâme le concile, il doit aussi blâ-mer
S. Augustin qui dit : « Excepta itaque sancta virgine » Maria,
de qua propter honorem Domini nullam prorsus, » cum de peccatis agitur,
habere volo quaestionem ; unde «enim scimus, quod ei plus gratiae
collatum fuerit ad » vincendum ex omni parle peccatum, quae concipere,
ei » parere meruit eum, quem constat nullum habuisse pec-»
calum.» (De nal. et gral. contra Pelag. d. 7. cap. 55.)
On peut sans doule contester que S. Auguslin entende ici parler du
péché originel et en excepter la Vierge ; mais en accordant
qu'il ne s'agit que du péché acluel, nous aussi nous pourrions
opposer celle sentence générale de l'Ecriture, qu'il n'y
a aucun homme sans péché : « Neque enim est homo qui
non peccet. » (II. Parai, vi. 36.) Et S. Jacques qui écrit:
«In multis offendimus om-»nes. » (Cap. m. >. 2.) Dans
ces passages, l'Ecriture n'excepte point Marie, mais S. Augustin l'excepte
par la raison qu'elle a conçu et enfanté l'agneau sans tache.
El si S. Augustin l'excepte quant aux péchés véniels,
pour-quoi le concile ne l'aurait-il pas exceptée à l'égard
dti péché originel qui est d'une bien autre gravilé.
XXII. La vérité d'une sentence générale
ne souffre en fien de l'exception d'un objet particulier qui a coutume
252
TRAITE
d'être exprimé formellement pour yêlre compris à
cause des raisons spéciales qui s'opposenlà ce qu'il le soil.
A cause de la concupiscence provenant de la faule d'Adam, personne n'est
exempt des fautes légères, comme l'aties-tenl plusieurs endroits
de l'Ecriture : « Omnis homo * mendax. » (Rom. m. 4.) «
Si dixerimus, quoniam » peccalum non habemus, ipsi nos seducimus,
et veritas » in nobis non est. » (Jo. i. 8.) Et cependant la
mère de Dieu n'en fut pas moins exempte de toute faule (comme l'a
déclaré le concile dans sa sixième session) par un
pri-vilège spécial que Dieu lui a accordé. Et cela
vient à l'ap-pui de l'opinion que Marie fut aussi conçue
sans la faute originelle, autrement elle n'eût pu ôlre absolument
exempte de tout péché véniel.
XXIII. Soave dit encore, mais bien follement, que la qualité
de mère de Dieu ne motive en rien l'exemption de la (ache originelle;
et il s'appuie en cela de ce que S. Bernard écrit aux chanoines
de Lyon, dans son épî(rel74. Que si un tel argument était
valable, on devrait dire que le père de Marie et tous ses ancêtres
ont été également exempt du péché originel.
Mais Soave se trompe ou veut nous tromper, car S. Bernard ne dit point
ce qu'il pré-tend lui faire dire. Le saint dit seulement que les
chanoi-nes ne devaient pas célébrer de leur propre autorité
la conception, mais qu'ils devaient pour celle célébration
se faire autoriser par l'Eglise romaine et qu'ils posaient un faux argument
en disanl que la nativité de la Vierge étant célébrée,
la conception devait l'être aussi, puisque si Ma-rie n'avait pas
été conçue, elle ne serait pas née. A quoi
S. Bernard répondait que si une pareille raison était reçue,
on prouverait de même qu'il faut célébrer également
la ìiativité du père et de tous les aïeux de
Marie, parce que
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
235
sans leur nativilé Marie elle-même ne serait pas née.
Du reste, le saint ne nie aucun des privilèges accordés à
Ma-rie seule entre tous les saints, et cela par la même raison qu'en
apporte S. Augustin,, c'est-à-dire pour avoir été
la mère de Dieu.
XXIV. Nous savons au reste que le pape Alexandre VII, dans sa
bulle Sollicitudo de l'an 1661, déclara que la fêle de la
Conception de la Vierge se célébrail selon la pieuse doclrine
qu'elle avait été conçue sans tache dès le
premier instant de son existence ; défendant de mettre davantage
en doule ou d'interpréter aulremenl la faveur accordée à
celle doctrine, sous les peines portées par Sixle IV. Ainsi la fête
de la Conception de Marie se célèbre aujourd'hui certainement
d'après celle pieuse doclrine, el il est interdit de 1'inlerpréler
aulremenl que ne le comporte celte déci-sion touchant la conception
de Marie. Nul doute que si S. Bernard vivait de noire temps, il écrirait
en d'autres ter-mes qu'il n'a fait el défendrait certainement cette
pieuse doctrine.
XXV. Le cardinal Bellarmin dit que la bienheureuse Vierge n'a
point contracté le péché originel, mais que cependant
elle a véritablement péché dans Adam, et que l'opinion
contraire serait dangereuse, puisque l'apôtre assure en plusieurs
lieux que tous les hommes ont péché dans Adam : « In
quo omnes peccaverunt. » (Rom. ?. 12.) El ailleurs : « Omnes
peccaverunt el egent gloria Dei, » id est redemptione. » (Rom.
m. 25.) Et enfin : « Si » unus pio omnibus moriuus est, ergo
omnes mortui » sunt. » (II. Gor. v. 14.) Bellarmin ajoute que
dans la volonté d'Adam fut incluse celle de lous les hommes, el
par conséquent celle de Marie; ainsi Adam ayant péché,
Marie contracta la dette prochaine du péché, el que par
234
TRAITÉ
là on peul dire qu'elle aussi pécha dans Adam; mais par
un privilège spécial, elle fui exemple de contracter la souillure
attachée au péché.
XXVI. Néanmoins, il y a un grand nombre de docteurs qui
soutiennent que Marie ful exempte non-seulemenl du péché,
mais de la dette même du péché. Cette opinion est celle
du cardinal Galalin (De Arca. 1. 7. c. 48.), du cardinal de Cusa (lib.
8. Exerc. 8.), du P. du Pont (lib. 2. cant. ex. 40.), du P. Salazar (De
Virg. concept, c. 7. § 7.), de Calharin (De pecc. orig. cap. ull.),
cteNovarin (Ombra Virg. cap. 10. ex. 28.), cl du P. Viva (p. 8. de
4. qu. 2. art. 5.), ainsi que du cardinal de Lugo, Egidius, Richard
et autres. La raison qu'ils en donnent et qui sem-ble probable, est que
Dieu ayanlsi éminemment favorisé des trésors de la
grâce cette excellente créature, par excep-tion unique entre
les hommes, on peut croire pieusement qu'il n'a poinl lenu pour comprise
dans la volonté d'A-dam, celle de Marie, et qu'ainsi elle fut exemple
de con-tracter la dette du péché.
XXVII. Voilà pour ce qui regarde la délie du péché,
mais ensuite que Marie n'en ait pas conlracté la souillure, je liens
celle opinion pour certaine , et cela avec le car-dinal Everard (In exam.
theol.), du Yallier (4. 2. qu. 2, De pecc), Renaud (Piet. Lugd. n. 29.),
Lossado (Disc. Iheol. de imm. conc. ec), le P. Viva (Qu. prod. ad dut.)
cl beaucoup d'autres. C'est aussi le sentiment des Pères les plus
révérés. S. Ambroise dit : « Suscipe me non
ex » Sara, sed ex Maria, ul incorrupta sit Virgo, sed Virgo »
per gratiam ab omni inlPgra labe peccati. » (Serm.22. in Psalm. cxvin.)
Origène parlant de Marie dit : « Nec A) serpentis venenosis
afflatibus infecta esl. » (Hom, 2.)
5. Ephrem : « Immaculata, et ab omni peccati labe alio
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
235
» nissima. » (Tom. 5. oral, ad Dei gen.) S. Augustin sur
les paroles de l'ange adressées à Marie : « Ave Mari.i,
gratia » plena, » écrit. : « Quibus ostendit ex
inlegio >> (notez ex integro.) « iiam piimae sententiae exclusam,
et plenam » benedictionis gratiam reslilulam. » (Serin. 11.
in Nat. Dom.) S. Cyprien (Lib.de card.Christi oper.de naliv.) où
un auteur ancien a écrit · « Mec sustinebat justitiae,
ut illud » vas electionis communibus laxaretur injuriis, quoniam
» a caeteris distans plurimum natura communicabat, non » culpa.x»
S. Amphiloche : «Qui antiquam Virginem sine » probro condidit,
ipse ei secundam sine nota et crimine » fabricatus est.» (Tract,
de Deipar.) Sophronius : «Virgi-» nemideodici immaculatam,quiainnulloconuptaest.»
(In epist. ap. Synod. 6. toin. 3. pag. 307.) S. lldefonse : « Conflat
eam ab originali peccato fuisse immunem. » (Disp. de virg. Maria.)
S. Jean Dauuscène: « Ad hunc » paradisum serpens aditum
non habuit. » (Orat., 2, de Nat. Mar.) S. Pierre Damien : «
Caro Virginis ex Adam. » sumpta, maculas Adam non admisit. »
(Serai, de As-sumpt. B. V.) S. Bruno : « Haec est incorrupta terra
illa, » cui benedixit Dominus, ab omni propterea peccati con-»
tagione libera. » (InPsalm. ei.) S. Bonaventura: « Do-»
mina nostra fuit plena gratia praeveniente in sua sancli-» ficalione,
gratia scilicet praeservata contra foeditatem » originalis culpae.
» (Serm. 2. de Assump.)S. Bernardin de Sienne: « Non enim credendum
est, quod ipse filius » Dei voluerit nasci ex Virgine, et sumere
ejus carnem, » quae esset maculata aliquo originali peccato.»
(Tom. 3. Serm. /l9. ) S. Laurent Justinien : « Ab ipsa conceptione
» (Maria)fuitin benedictionibuspraevenla.» (Serm.deAn-nunt.)
Idiota sur ces paroles:» Invenisti gratiam, » dit; «
Gratiamsingularem, ? dulcissimo Virgo, invenisti ; quia
2S6
TRAITÉ
» fuerunt in le ab originali labe prseservalio, elc. »
(Cap. 6.), et un grand nombre de docteurs disent de même.
XXVIII. Mais il y a deux motifs qui rendent plus cer-taine pour
nous celle opinion; le premier c'est le consen-tiinenl universel des fidèles
sur ce point. Le P. Egidius de sainte Thérèse (De prœsent.
Virg. 96. art. 4.), atlesie que tous les ordres religieux suivent celle
opinion, et de l'ordre des Dominicains même, qui est le seul contraire,
un auteur moderne compte quatre-vingt-douze écrivains seulement
opposés à noire opinion et cent trente-six qui l'admettent.
XXIX. Mais ce qui avant tout doit nous confirmer dans l'idée
que cette doctrine est conforme au sentiment com-mun des catholiques, c'est
ce que déclare le pape Alexan dre Vil dans sa fameuse bulle, «
Sollicitudo omnium ec-» clesiarum, » donnée en 1661,
et dans laquelle il dit : « Aucla rursus et propagata fuit pietas
haec et cultus erga
» Deiparam......ita ul accedentibus academicis ad hanc
» sententiam » (c'esl-à-dire à l'exemption
de toute tache) « jam fere omnes catholici eam complectantur. »
Et dans le fait cette opinion est défendue par les écoles
de la Sor-bonne, de Salamanque, d'Alcala, de Coïmbre, de Co-logne,
de Mayence, de Naples et une foule d'autres dans lesquelles chaque lauréat
s'oblige par serment à défendre l'immaculée conception
de Marie. Le docte Pélau s'ap-puie principalement sur cet argument
du commun sen-liment des fidèles sur ce point (Théol. dogm.
lom. 5. p. 2.1.14. c. 2. n. 10.) et le savant et célèbre
évêque, Mon-seigneur Jules Torni (In adnot. ad Estium lib.
2. dist. 5. §. 2.) écrit que cet argument est convaincant.
En effet, si le consentement général des fidèles suffit
à rendre certaines la sanctification de Marie dans le sein de sa
mère et sa
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
237
glorieuse assomplion dans le ciel en corps et en ame, comme l'enseigne
S. Thomas l'angélique, pourquoi ne suffirail-il pas à établir
la certitude de la conception im-maculée ?
XXX. Le second motif plus fort encore pour croire que Marie fut
exemple de la tache originelle, est la célébra-tion de la
fêle de la Conception ordonnée dans l'Église universelle
d'après la pieuse doctrine, celle de la préser-vation de
Marie de toute tache au premier instant de sa conception, comme l'a déclaré
le pape Alexandre VII dans la bulle déjà citée, «
Sollicitudo omnium ecclesia-rum, » en ces termes : « Vetus
est Christi fidelium erga » ejus beatissimam Matrem virginem Mariam
pietas, sen-» tientium ejus animam in primo instante creationis ,
at-» que infusionis in corpus fuisse speciali Dei gratia et
» privilegio, intuitu meritorum Jesu Christi ejus filii, a »
macula peecali originalis praeservatam immunem; al-ii que in hoc sensu
conceptionis festivitatem solemni ritu » colentium et celebrantium.
v> Ainsi, depuis les plus an-ciens temps, la fête de la Conception
ne se célébrait pas dans un autre sens que celui de la préservation
de Marie de la tache originelle, dès le premier instant où
sa belle ame fut créée par Dieu et unie à son corps.
Et en faveur de ce culte rendu à la bienheureuse Vierge, d'après
celte pieuse doctrine » le pape Alexandre ordonna que la fête
fût célébrée : « Née non et in
favorem festi, et cultus con-» ceptionis ejufdem Virginis deparag,
secundum pïam «islam sententiam, etc. (festivitatem), observari
man-» dat. s
XXXI. De plus, Alexandre, outre les peines déjà
por-tées par Sixte IV, priva dé la faculté de prêcher
et d'en-seigner, et de vois active et passive, quiconque mettrait
238
TRAITE
en doule ou interpréterait différemment, par paroles
ou par écrit (déclarant condamnes tous les liviesqui contien-draient
ces attaques), la faveur donnée au susdit culte et la pieuse doctrine,
soit en affirmant quelque chose de contraire, soit en rapportant des argumens
opposés sans y répondre. Voici les paroles de la bulle :
« Insuper om-» nes qui praefatos constitutiones ita pergent
interpretari, » ut favore per illas dictae sententias, -et feslo,
et cultui, «secundum illam exhibilo, frustrentur, vel qui hanc »
eamdem sententiam seu cultum in disputationem revo-» care, aut contra
ea quoquo modo, directe vel indirecte, » quovis praetextu, scripto
, seu voce loqui, concionari, » tractare, contra ea quidquam determinando,
aut asse-» rendo, vel contra ea argumenta afferendo, et insoluta
» relinquendo aut alio quovis excogilabili modo disse-» rendo
ausi fuerint. »
XXXII. Après toutes ces preuves, il n'est plus permis
de dire, comme quelques-uns l'on fait, que la fête de la Conception
se célébrait, non dans le sens de la préserva-lion
du péché dans le premier instant, mais dans celui de la sanctification
de Marie dans le sein de sa mère avant sa naissance.
XXXIII. Il semble en outre qu'il n'est pas permis de dire non plus
avec Louis Muralori, que notre pieuse doc-trine n'est pas certaine, et
que la doctrine opposée étant probable; le cas pourrait arriver
qu'un jour l'Église dé-clarât que Marie, dans le premier
instant de sa conception, avait contracté la tache du péché.
Mais ce cas est impos-sible, cyr après la déclaration d'Alexandre
VII, que !a fête de la Coneeption se célibrc dans le sens
de la pieuse doc-trine, de la préservation de Marie de toute faute
dès le premier instant, il n'est pas possible que l'Église
puisse
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
déclarer que Marie a contracté la souillure du péché
; car celle nouvelle déclaration emporterait que loules les cé-lébrations
faites par elle-même jusqu'à ce jour ont été
vaines et fausses, en rendant à ta Vierge un faux culle : or, il
est certain que l'Église ne peut célébrer ce qui n'est
pas saint, selon les décrets de S. Léon, pape (Epist, de-crel.
4. c. 2.), et de S. Eusèbe, pontife , qui dit : « In »
sede apostolica extra maculam semper est catholica ser-» vata religio;
» (Décret 21. quœst. 1. c. In sede.) et comme l'enseignent
tous les théologiens avec S. Augustin (Serm. 95 et 113.). S. Bernard
(Ep. ad can. Lugd.)et S. Thomas, qui, pour prouver que Marie fut sanctifiée
avant de naître, argumente de ce que l'Eglise célèbre
sa nativité, et dit : « Ecclesia celebrat nativitatem bealœ
« Virginis ; non autem celebratur festum in Ecclesia nisi »
pro aliquo sancto : eigo beata Virgo fuit in utero sancli-» ficala.
» (S. Thom. 5. p. qu. 27. a. 2.) Or, s'il est cer-tain, comme le
dit le docteur angélique, que Marie fut sanctifiée dans le
sein de sa mère, parce que l'Eglise célè-bre sa nativité,
nous devons également tenir pour cer-tain que Marie fut préservée
du péché dès le premier in-stant de sa conception,
puisque c'est dans ce sens que l'Eglise en célèbre la fêle.
XXXIV. Pour compléter lout ce qui regarde le sujet de la conception
de Marie , il nous reste à parler de la controverse agitée
de notre temps entre les ailleurs sui celte question : s'il est licite
de faire le vœu de donner sa vie pour la défense de l'immaculée
conception de Marie Y La négative est soutenue par Lamindu Pritanio,
le même ijuc Luuis Muralorj, déjà nomme dans son fameux
ou-?viage De modérai, ingen., et par quelques aulies; parce que
nul ne doit exposer sa vie pour une opinion qui n'est
240
TRAITE
pas de foi, mais humaine et sujette a être reconnue pour fausse,
et que la doctrine dont il s'agit n'avait pas en-core élé
déclarée certaine par l'Eglise, ce qui n'aurait pu êlre
que d'après la tradition ou par révélation divine.
D'un autre côté, l'affirmative est défendue d'une manière
plus plausible par plusieurs auteurs modernes, et spé-cialement
par l'auteur du livre intitulé Deipara, etc., parce qu'il faut dislinguer
les doctrines purement hu-maines de celles qui touchent au culte des saints
et prin-cipalement de la reine des saints, celles-ci intéressant
en quelque sorte la foi elle-même. Maintenant que celle doc-trine
louche au culte de la bienheureuse Vierge, cela de-meure conslant par la
bulle déjà citée d'Alexandre VII, par laquelle il
est ordonné de célébrer la fête de la Con-ception
selon la pieuse doctrine de la préservation de Marie de toute tache
originelle dès le premier instant. En outre, bien que cetle doctrine
soit humaine, en tant qu'elle touche au culte de la mère de Dieu,
culte qui se réfère aussi à Dieu, elle n'est pas purement
humaine, comme nous l'enseigne S. Thomas, 2. 2. q. 424. a. 5, où
il dit : « Omnium virtutum opera, secundum quod » referuntur
in Deum , sunt quaedam proleslationes fidei, ? per quam nobis innotescit,
quod Deus hujus modi » opera a nobis requiveril, et nos pro eis rémunérai
; et » secundum hoc possunt esse marlyrii causa. » De plus,
ad. 5, il ajoute : « Quia bonum humanum potest effici » divinum,
si referatur in Deum, ideo potest esse quod-» cumque bonum humanum
martyrii causa, secundum » quod in Deum refertur. » Or, eoinme
il est certain que tout acte de vénération envers la vierge
Marie, tel que celui de célébrer la fêle de sa conception
immaculée dès le premier instant, ainsi que le prescrit l'Eglise,
est véri-
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
2il
tablement un ac!e de religion; il est certain aussi, d'a-près
le docteur Angélique , qu'un tel culte peul être un juste
motif de martyre. Ainsi donc, comme il serait licite el méritoire
de donner sa vie pour la défense de ce culle rendu à Marie,
il doit être d'autant plus licite et méri-toire de la donner
pour défendre l'objet même de ,ce culte, c'est-à-dire
la préservation de Marie, à laquelle ce culle se réfère.
Aussi le pape Benoît XIV, dans son livre De canon, sanct. 1. 1. cap.
14., après avoir rappelé que l'Eglise favorise celle doctrine
de la préservation de fa bienheureuse Vîerge immaculée,
el avoir dit que per-sonne ne nie que celle doctrine ne soit la plus pieuse
et la plus religieuse, dans le num. 45, il parle ainsi : « In-»
ter martyres ab Ecclesia recensentur qui occisi fuerint » a tyranno,
vel quia sententiam magis religiosam exer-» cebant, vel ne eminerent
exercitium alicujus aclus vir-» lulis, a quo tamen poterant sine
peccato cessare. » Ei cela répond assez à l'objection
de Lamindo, que donner sa vie pour défendre la préservation
de la mère de Dieu n'est point licite, parce que cette doctrine
n'est point de foi.
16
242
TRAITÉ
VIe SESSION.
DE LA JUSTIFICATION. — PRÉAMBULE.
I. Le concile devant décider sur la justification, qui n'avait
été jusqu'alors débattue dans aucun concile, et qui
d'ailleurs était la source d'où sortaient presque toutes
les erreurs des modernes hérétiques, les Pères résolurent
d'examiner ceile matière longuement et avec le plus grand soin.
Pour cela, on régla, 1° qu'on lirailJes livres des ad-versaires
avec impartialité et dans Pinlenlion vraie de condamner les choses
fausses, mais aussi d'approuver les vraies ; 2° que les théologiens
débattraient d'abord en-tre eux et à part les points à
examiner, et qu'après les avoir approfondis, ils les soumettraient
aux Pères; 3° que ces théologiens ne prépareraient
aucun décret sans avoir con-sulté d'abord là-dessus
le sentiment des Pères ; 4° que sur chaque question les avis
et suffrages se prendraient non en masse, mais de chacun des Pères
en particulier.
H. Il fut dit encore que celle matière pouvait être di=
visée en trois questions principales. La première en quel
mode la »nort de Jésus-Christ est appliquée à
celui qui S6 convertit à la foi, et quelle grâce ce dernier
méritait par la suite; la seconde, que devait faire le justifié
pour se maintenir dans la grâce ; la troisième, quelle chose
pouvait DU devait faire celui qui perdait la grâce, et s'il avait
la force de la récupérer, et enfin en quoi celte seconde
justi-fication pouvait être assimilée à la premiere.il
fui dit en
CONTRE LÉS HÉRÉTIQUES.
245
outre qu'on devait traiter du libre arbitre, parce que pour là
justification des adultes le consentement, qui procède du libre
arbitre, est nécessaire.
III. On soumit donc à l'examen les six points suivans.: 4°
Qu'est-ce que la juslificalion tant dans la signification du mol que dans
l'essence de la chose ? 2° Quels sont les élémens de
la justification, c'est-à-dire que fait Dieu en la donnant, et que
doit faire l'homme en la recevant? 3° Com-ment faut-il entendre la
parole de l'apôtre, que l'homme est justifié par la foi ?
4° Comment nos œuvres appartien-nent à notre justification,
et comment les sacremèns y entrent ensuite? 5° De ce qui précède,
qui accompagne et qui suit la juslificalion; 6"Que les dogmes doivent être
établis sur l'autorité de l'Écriture, des traditions,
des con-ciles et des Pères.
IV. Touchant le premier point, tous convinrent que, quant à
la signification du mol, la juslificalion était le pas-sage de l'état
d'ennemi à celui d'ami et de fils adoptif de Dieu ; et que dans
l'essence de la chose la cause formelle de la justification était
la charité ou la grâce infuse dans l'ame. On rejeta l'opinion
attribuée au maître des Sen-tences, mais déjà
improuvée dans les écoles, savoir, que ce n'est point la
grâce intérieure qui nous justifie, mais seulement l'assistance
extérieure de l'Espril-Saint.—Tou-chant le deuxième point,
quelques-uns dirent que notre libre arbitre ne concourait pas activement,
mais passive-ment, à notre juslilication; mais celte opinion fut
rejelée comme non catholique.—Sur le troisième point, les
Pères,. à l'exception d'un très-petit nombre, s'accordèrent
à dire que l'homme est justifié par la foi, non cependant
comme cause immédiate , mais seulement comme première dis-position
et cause éloignée; du reste, traitant de la cause
16.
244
TRAITÉ
formelle, il fut dit que la foi ne justifie qu'autant qu'elle «gl
parfaite par la charité et par la grâce qui se commu-nique
à l'homme au moyen du baptême ou de la péni-tence.
^Sur les quatrième et cinquième points, on con-vint généralement
que les œuvres qui disposaient à la justification n'avaient d'autre
mérite que celui de congruité, tandis que les autres, faites
après la justification et dirigées par la grâce, avaient
le mérite de condignité pour conserver et augmenter cette
même grâce et conquérir la vie éter-nelle; mais
toujours avec le secours de Dieu, suivant ces paroles de S. Paul : «
Non ego, sed gratia Dei mecum. » (I. Cor. xv. 10.)
V. Venant ensuite à l'établissement des dogmes,
les lé-gats décidèrent qu'il ne fallait pas tout prononcer
sous forme de canons et d'anathèmes, parce que c'était là
seu-lement condamner le faux , mais non enseigner le vrai ; ils réglèrent
donc que la matière serait partagée en dé-crets qui
exposeraient la doctrine catholique, et en canons qui condamneraient les
erreurs des hérétiques. On donna ensuite une copie du projet
à chacun des Pères, et une autre fui envoyée à
Rome. Puis les notes se multiplièrent au point qu'il fallut en faire
une troisième rédaction, la-quelle encore reçut de
nombreux changemens. Les décrets cependant furent achevés,
mais ils parurent si obscurs et si chargés de raisonnemens qu'on
chargea Seripand, générai des auguslins, de les refaire,
ce dont il s'acquitta ; mais ensuite, à son grand déplaisir,
il les vil altérer de nou-veau et corriger au point qu'il n'y pouvait
plus reconnaî-tre son ouvrage.
VI. Finalement, les décrets furent préposés
et confirmés en 15 chapitres, desquels nous parlerons séparément.
Nous noterons d'abord ce qui a été dit avant la forma·
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
245
lion des décrets. Nous ajouterons les décrets arrêtés
et publiés par le concile, nous restreignant à en donner
la substance. Nous rapporterons ensuite les annotations écri-tes
par le cardinal Palavicin sur certains passages de ces décrets.
Enfin, nous donnerons les canons du concile qui condamnenl les erreurs,
et qui correspondent chacun à un décret analogue.
VIL Dans le préambule des chapitres, il est dit qu'une foule
d'erreurs sur la matière de la justification s'étanl récemment
répandues, le concile voulait enseigner la vérité
sur ce point d'après les Écritures et la tradition, défen-dant
expressément à toute personne de dire ou de croire autre
chose. Par quoi il faut entendre que le concile a voulu établir
comme points de foi aussi bien le contenu des décrets que celui
des canons.
VIII. Dans le chap. 1, on traite cette question : si la na-ture ou
la loi judaïque pouvait justifier l'homme sans la grâce; et
il est dit : « Primum declarat sancta synodus... » quod cum
omnes homines in praevaricatione Adse in-» nocentiam perdidissent,
facti immundi natura filii irae, » quemadmodum in decreto de peccato
originali expo-» suit, usque adeo servi erant peccati et sub potestate
dia-» boli, ut non modo gentes per vim naturae, sed ne Ju-»
dsei quidem per ipsam litteram legis Moysis inde libe-» rari possent.
» Dans la première rédaction, on lisait per legem,
qu'on changea pour « per litteram legis. » II faut savoir que
d'abord quelques-uns voulaient qu'on ajoutât au mot legem celui de
nudam ou solam, pour ne pas laisser entendre que les observances légales
n'avaient rien de mé-ritoire ; mais le passage ne fut pas altéré,
afin de laisser in-tacte la doctrine commune contraire à celle du
maître des Semences, lequel a écrit que les sacremens de la
loi de
246
TRAITÉ
Moïse ne donnaient point la grâce justifiante comme les
bonnes œuvres opérées avec la foi et la charité; tandis
que l'apôtre enseigne que les observateurs de la loi sont efficacement
justifiés. (Rom. 2.) Ce qui fit ajouter avec raison « per
litteram legis, «afin de condamner seulement ce que S. Paul condamne
dans son épîlre aux Romains, lorsqu'il reprend les Juifs,
qui se vantaient contre les gen-tils de connaître et d'observer la
lettre de la loi.
IX. Il est dit ensuite dans ce ch. ? : « Tametsi in eis
» liberum arbitrium minime exlinclum esset, viribus li-» cet
attenuatum. » II y avait d'abord vulneratum, mais ce mot fut changé,
et l'on mil attenuatum et inclinatum, paroles également convenables
aux deux doctrines de l'école, dont l'une réduit la damnalion
à la seule perle des dons gratuits; et l'autre y ajoute une certaine
altéra-tion de l'état où l'homme devait être
placé par sa nature. Les uns voulaient qu'on ôtâl toul-à-fail
les mois attenua-tum et inclinatum; d'autres qu'on y ajoulât, «
cum subs-» fractione bonorum graluilorum, » disant
que d'un côté la liberté naturelle était
restée à l'homme , et puis que si l'on entendait par liberio
l'étal de l'homme libre auparavant du péché, celle-ci
était détruite. Mais les dé-putés répondirent
que quant à la première partie on di-sait justement le libre
arbitre atténué, comme S. Augus-lin, qui compte au nombre
des préjudices causés par le péché originel
la difficulté d'opérer les bonnes œuvres (lib. ni. delib.arb.
c. 18). El quant à la seconde, qu'elle était fausse, puisque
l'homme, alors qu'il se relève du pé-ché par la grâce,
coopère seulement avec Dieu par son libre arbitre.
X. A ce ch. ? appartiennent le can. 1. « Si quis dixe-»
rit, hominem suis operibus, quce vel per humanae ??-
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
247
» lurae, vel per legis doctrinam fiunl, absque divina per »
Jesum Christum gratia posse justificavi coram Deo : » anathema sit.
»
XI. Et le can. 2. « Si quis dixerit, ad hoc solum di-»
vinum gratiam per Christum Jesum dari, ul facilius » homo juste
vivere, ac vitam aeternam promereri possit, » quasi per liberum
arbitrium sine gratia utrumque, » sed segre tamen, et difficulter
possit : anathema sit. »
XII. Dans le chap. II, il est question du bénéfiee
de la rédemption, et on y lit : « Quo factum est, ut ecclesiis
«Pater Jesum filium suum, anle legem, et legis tempore * sanctis
Patiibus promissum, ad homines miserit, ul et » Judaeos, qui sub
lege erant, redimerei ; et gentes, quae » non sectabantur justitiam,
justitiam apprehenderent, » atque omnes adoptionem filiorum reciperent,
etc. »
XIII. Et dans le ch. m on ajoute : « Verum etsi ille »
pro omnibus mortuus est, non omnes tamen mortis » ejus beneficium
recipiunt, sed ii dumtaxat, quibus mp-» ritum passionis ejus communicatur.
Nam sicut homi-» nes, nisi ex semine Adœ nascerentur, non nascerentur
» injusii ; ita nisi in Christo renascerentur, numquam » iustificarentur,
cum ea renascentia per meritum passio-» nisejus gratia, qua jusli
fiunt, illis tribuatur. »
. XIV. Dans lech. iv on traite de la justification, et il PSI dit que
d'après les paroles de l'apôtre, « Iustificationis »
impii descriptio insinuatur, ul sit translatio ab eo statu, » in
quo hotno nascitur filius primi Adae, in statum ? gratiae, et adoptionis
filiorum Dei per secundum Adam » Jesum Christum : quse translatio
posl Evangelium pro-» mulgalum sine lavacro regenerationis aut ejus
voto fieri » non potest. » XV. Au ch. v, il est parlé
de la nécessité pour les adultes
248
TRAITÉ
de se préparer à la justification el du mode qu'ils doivent
suivre pour l'obtenir : il y est dit que l'homme ne peut se disposer que
par la grâce prévenante, qui l'appelle et l'aide à
se convertir sans le concours de son mérite, et qu'au contraire
l'homme ne peut conserver la j ustifica-lion, gi d'abord il ne fait concourir
son assentiment ei sa coopération avec l'action de la grâce.
II est dit en consé-quence : « Ipsius juslificalionis exordium
in adultis a » Deo per Christum Jesum, praeveniente gratia, sumen-»
dum esse, hoc est ab ejus vocatione, nullis eorum exis-» lentibus
mentis, ut per ejus excitantem, atque adjuvan-» (em gratiam ad suam
juslificalionem, eidem gratiae » assentiendo, et cooperando disponantur;
ita ul tan-» gente Deo cor hominis, neque homo ipse nihil omnino
» agat, inspiiationem illam recipiens, quippe qui illam » abjicere
potest : neque sine gratia Dei movere se ad » justitiam libera sua
voluntate possit. Unde, cum dici· y> lur : convertimini ad me, et
convertar ad vos (Zach. i. » 5.) : libertatis nostrae admonemur.
Cum respondemus : » converte nos Domine ad te, et convertemur (Thren.
3. » 21); Dei nosgtalia praeveniri confitemur. »
Le P. Pie, général des Conventuels, voulait .qu'après
les paroles susdites illum recipiens, il fût ajouié : «
Cum » sit in sua potestate illam non recipere. » Mais on préféra
laisser ce qui était écrit « quippe qui illam abjicere
po-» lest; » car si recevoir la grâce n'est point soumis
à notre faculté, Dieu l'opérant en nous el sans nous,
cependant nous pouvons réellement la rejeter. Pierre Soave objecte
que ce que disait le concile dans le chap. ? , ci-dessus , « Neque
homo ipse nihil omnino agat inspirationem » illam recipiens; quippe
qui illam abjicere potest; » ne s'accordait pas avec ce qu'enseigne
l'apôtre, que la grâce
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
249
est ce qui sépare les vases de colère des vases de miséri-corde.
Mais on répond que les deux textes s'accordent très-bien,
car il est certain que l'homme n'a rien qu'il ne l'ait reçu de Dieu
; d'où il suit que sa coopération à rece-voir l'inspiration
divine est aussi un bienfait de Dieu, le-quel, comme dit le concile d'après
S. Augustin, « Voluit » esse merita nostra, quae sunt ipsius
dona. » Soave ré-plique que si on tenait pour vrai que l'homme
pouvait résister à l'inspiration divine, on ne pouvait plus
dire à Dieu avec l'Église dans ses prières : «
Ad le nostras etiam » rebelles compelle propitius voluntates. »
On répond avec Noël Alexandre que le mol compelle ne signifie
pas là une coaclion, mais seulement une impulsion efficace ou persuasion;
comme il faut entendre aussi ce texle de S. Luc (14.23), « Exi in
vias et sepes ei compelle intrare, » ul impleatur domus mea. »
XVI. En conséquence, on dressa le can. S. « Si quis
«dixerit, sine praeveniente Spiritus Sancti inspiratione, »
atque ejus adjutorio, hominem credere, sperare, dili-» gere, aut
paenitere posse sicut oportet, ut ei justifìcatio-» nis gratia
conferatur : anathema sit. »
XVII. Can. 4. « Si quis dixerit, liberum hominis ar-bitrium
a Deo motum et excitatum, nihil cooperari, » assentiendo Deo excitanti,
et vocanti, quo ad obtinen-dam juslificalionis gratiam se disponat, ac
praeparet; » neque posse dissentire, si velit, sed veluti inanime
» quoddam nihil omnino agere, mereque passive se ha-» bere
: anathema sit. »
Dans ce canon, on ne disait pas d'abord libemm arbi-trium, mais simplement
hominem, d'où quelques-uns voulaient que l'on expliquai que cela
devait s'entendre universe loquendo, disant qu'il pouvait y avoir telle
voca-
250
TR 4?'??
tion extraordinaire ù laquelle l'homme ne pûl résister,
telle qu'avait été, suivant S. Augustin, la vocation de S.
Paul; mais les Pères ne consentirent point à ajouter celte
parenthèse, et se contentèrent de changer le mol ho-minem
en ceux de liberum arbitrium : et cela forl sage-ment, parce qu'en admettant
une vocation extraordinaire et nécessitante (si tant esl qu'il y
en ail), c'était enlever la liberté de la volonté,
au lieu qu'en menant liberum ar-bitrium on ne louchait pas à la
question.
XVIII. Can. 5. « Si quis liberum hominis arbitrium »
posl Adse peccatum amissum , et extinctum esse dixe-» rit, au! rem
esse de solo titulo, immo titulum sine re, » figmentum denique a
Satana invectum in Ecclesiam : » anathema sit. »
XIX. Can. 6. « Si quis dixerit, non esse in potestate »
hominis, vias suas malas facere, sed mala opera, ita » ut bona, Deum
operari : non permissive solum, sed » etiam proprie, ei perse adeo
ut sit proprium ejus opus » non minus proditio Judse , quam vocatio
Pauli : ana-» thema sit. »
XX. Dans le chapitre vi, on traile du mode suivant le-quel l'infidèle
ou le pécheur se dispose à recevoir la grâce par divers
degrés, par des actes méritoires, comme par la foi, la crainte
de la justice divine, etc. « Disponuntur » ad ipsam justitiam,
dum excitati divina gratia, et ad-» juti, fidem ex auditu concipientes,
libere moventur in » Deum, credentes vera esse, quae divinitus revelata
et » promissa sunt: atque illud in primis, à Deo juslifi-»
cari impium per gratiam ejus, qua? est in Christo Je<«i, »
et dum peccatores se esse intelligentes, a divinae jm-» litiae more;
quo utiliter concutiuntur, ad considérai!· » dam Dei
misericordiam se convertendo, in spem eri-
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
261
» gunlur, fidentes Deum sibi proplev Christum propt-» lium
fore. » Ici il faut noter que sur ces paroles, « a »
divinae juslitise limore, » un assislani dit que la justi-fication
du pécheur prenait sa source dans l'espérance, non dans la
crainte; mais l'opinion contraire prévalm, parce que le pécheur
commençait à désirer la justification par le remords
du péché qui le tourmentait et lui ins-pirait la crainte
du châtiment, et qu'ainsi la crainteeslle premier sentiment qui s'élève
dans le cœur de celui qui est dans le péché.
XXI. Le décret porte ensuite : « Illumque tamquam
» omnis jusiiliae fontem diligere incipiunt; ac propterea »
moventur adversus peccata, per odium aliquod et de-» leslalionem,
hoc est per eam paenitentiam, quam anle » baptismum agi oportet.
» Ces dernières paroles furent mises pour distinguer celte
sorte de pénitence de la péni-tence sacramentelle de la confession.
De plus, il faut sa-voir qu'en premier lieu rien dans le décret
ne désignait l'acte d'amour, mais les Pères voulurent qu'il
fût compté parmi les autres actes par ces paroles, diligere
incipiunt, se trouvant ainsi écrit, comme le rapporte le cardinal
Palaviciu : « El il parut bon de joindre à l'acte de foi et
» à celui d'espérance quelqu'acte d'amour, parce que
si » la pénitence était toute de crainte, sans aucun
amour » de la justice, et si la douleur n'était causée
que par le » châtiment seul et non par la considération
de l'offense » envers Dieu, elle demeurerait inefficace. »
XXII. Le can. 7. « Si quis dixerit, opera omnia quœ »
ante justificalioncm fiunt, quacumque ratione facta sint, » vere
esse peccata, vel odium Dei mereri; aut quanto » vehementius quis
nititur se disponere ad gratiam, tanto » euni gravius peccare; anathema
sit. »
252
TRAITE
XXIII. Et le canon 8. « Si quis dixerit, gehennae metum, »
per quem ad misericordiam Dei de peccatis dolendo » confugimus, vel
a peccando abstinemus, peccatum esse, » aut peccatores pejores facere
: anathema sit. » Se rap-portent au chapitre 6.
XXIV. Dans le chap. 7, on définit la justification et
quelles sont ses causes. Nous avons déjà dit que d'abord
on examina la question : si la foi seule suffisait pour justifier l'impie;
et que tous furent d'accord que la foi était la première
disposition, et que la charité seule était la cause formelle
de la justification.
XXV. Le nombre des erreurs qui ont été écrites
parles hérétiques du nord sur la justification est incalculable.
Une des principales, qui en a produit plusieurs autres, est de prétendre
que c'est la foi seule qui justifie, mais l'Écriture s'oppose à
celte erreur; car outre la foi elle re-quiert aussi d'autres actes. L'acte
de crainte : « Qui sine » timore est non potest juslificari.
» (Eccles. i.) De plus l'acte d'espérance : « Qui sperat
in Domino sanabitur. » (Prov. XXVIII.) En outre l'acte d'amour: «
Qui non dili-» git manet in morte. » (Jo. m.) « Remittuntur
ei pec-» cala multa, quoniam dilexit multum. » (Luc. vu.) Il
faut encore la propre coopération pour recevoir la grâce ;
autrement la foi, sans nos œuvres reste morte, comme l'écrit
S. Jacques (cap. v.) : « Sicut corpus sine spiritu » mortuum
est, ita fides sine operibus mortua est. » Aussi S. Paul dit-il :
» Si habuero omnem fidem , ita » ut montes transferam , caritatem
aulem non habuero, » nihil sum. » (II. Cor. ???.)
XXVI. Les novateurs opposent ce que dit le même apôtre
(Rom. m.) : « Arbitramur hominem justificari per ? fidem sine operibus
legis. » Mais on répond que bien
CONTRE LES HÉnÊTIÛUES.
255
que la foi soit nécessaire à la justification, cependant
elle ne suffît pas seule, et qu'il faut les autres actes déjà
men-tionnés et exprimés par l'Écriture elle-même.
On oppose aussi cet autre passage de l'apôtre (Galat. n.) : «
Scientes » quod non justificatur homo ex operibus legis, nisi pei
» fidem Jesu Christi. * Mais cela veut dire que l'homme n'est pas
justifié par les œuvres de l'ancienne loi ou seu-lement par celles
faites sans la grâce de Jésus-Christ.
XXVII. On oppose encore ce qu'on lit dans d'autres endroits de
l'Écriture (Aclor. xniet Rom. x.), savoir que tous ceux qui croient
sont justifiés et sauvés. Mais on doit sous-entendre, pourvu
qu'ils ne manquent pas à formel-les autres actes requis, nécessaires
pour la disposition à la justification.
XXVIII. L'archevêque de Sienne fut d'un autre avis dans le concile,
et il s'efforça de soutenir que la foi seule suf-fisait pour justifier
l'homme; mais il fut entendu avec une défaveur générale.
Monseigneur San-Felice, évêque de la Cava, voulut impertinemmenl
défendre la même opi-nion, disant que la foi étant
posée, suivait la justification, que la charité accompagnait,
mais ne causait pas. J'ai dit qu'il parla ainsi impertinemment, parce qu'ayant
vu son opinion réprouvée dans la première assemblée,
au lieu de se reprendre dans l'assemblée suivante, il persista à
la soutenir : mais il resta avec sa honte. Monseigneur Gôntarini,
évêque de Bellune, défendit aussi la même opi-nion,
mettant en avant que les autres actes précédant et servant
de disposition à la justification, n'étaient que les simples
signes de la foi; mais ce piélat se rétracta dans l'assemblée
suivante.
XXIX. Plusieurs docteurs combattirent fortement les o^posans,
et entre autres l'évêque de Bitonto, qui dit que
2S4
TRAITÉ
la justification était attribuée à la foi, non
comme à sa cause prochaine, mais comme au principe de tout. Ber-tanus
expliqua que l'homme était justifié non par la foi, mais
par le moyen de la foi, qu'ainsi notre état de juste n'est point
la foi, mais que nous l'obtenons au moyen de la foi. L'évêque
de Sinigaglia démonita longuement que la foi est la porte pour arriver
à la justification, mais qu'elle ne suffit pas pour S'obtenir, li
fut dit en outre incidemment dans la discussion que dans l'œuvre de notre
justification, il n'y avait rien du nôtre, sinon de ne pas porter
obslacle ou résister à la grâce divine qui nous prévenait.
Nous ne savons en quel sens cela fut dit : du reste, il est certain que
pour recevoir la justification, le libre arbitre de l'homme, comme il a
été établi en prin-cipe par les Pères, concourt
non pas passivement ou né-gativement, mais activement, ainsi que
nous avons rap-porté qu'il est dit au chapitre 5, où l'on
lit : « Eidem gra-tiae libere assentiendo, et cooperando disponuntur.
» Et dans le can. 4, où on condamne celte proposition : «
Li-» berum arbitrium a Deo motum nihil cooperari assen-» tiendo
Deo excitanti, quoad obtinendam juslificationis » gratiam se disponat.
»
XXX. Ces mêmes prélats de Sienne, de la Gava et de Bellune,
qui avaient tant déplu en attribuant toute la jus-tification à
la foi seule à l'exclusion des autres actes, furent encore entendus
avec répugnance lorsqu'ils voulurent at-tribuer (ouïe la justification
aux mérites de Jésus-Christ et rienaux actes de l'homme quiledisposent
à-être justifié. Au contraire, on écouta avec
iaveur l'archevêque de Matera, lequel dit que les actes qui disposent
à la justification dépendent bien de la grâce, mais
ne laissent pas de nous appartenir, et que ce que disent les conciles,
que la justi-
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
2So
ficaiion esl l'œuvre de la grâce n'empêchait pas de dire
aussi qu'elle esl noire œuvre, et il s'appuyait de l'autorité de
S. Augustin sur le Psaume CXLV et de S. Basile dans sa Somme des choses
morales.
XXXI. De plus l'évêque de Calahôrra, Beraavd
Diaz, dit que l'infidèle ne pouvait par aucune œuvre propre se disposer
d'avance à mériter la vocalion, laquelle est un pur don de
Dieu, mais que la ?vocation étant posée, l'homme est libre
de lui résisîer ou de lui obéir, etalois, s'il reçoit
le baptême, en croyant, espérant, délestant le péché,
et se convertissant à Dieu, il obtenait la grâce di-vine.
Ainsi, il y a deux choses que Dieu opère en nous sans nous, savoir,
la vocalion 3u bien, et l'infusion de la grâce justifiante. Il dépend
ensuite de nous d'accepter l'une et l'autre, mais toujours avec l'aide
de Dieu; la vocation en y obéissant, la justification en l'acceptant
volontairement de Dieu qui nous l'offre. El dans l'usage de ces deux dons,
nous coopérons avec Dieu, de manière que nos bonnes œuvres
sont toutes de Dieu, et en même temps toutes de nous : de Dieu, comme
agent principal ; de nous, comme agens secondaires. Et par ce qui a été
dit plus haut, que l'infidèle ne peut par aucune œuvre propre se
disposer à mériter la vocation, il faut entendre qu'il ne
peut se disposer, ni de condigno ni de congrua, parce que l'acte pour mériter
de congruo doil être non-seulement naturellement, mais surnalurellemenlveilueux,
et cela ne peut être dit à l'égard de l'infidèle,
lequel étant privé de la foi ne peut produire des actes de
vertu sur-naturelle.
XXXII. L'évêque de Castellainare dit que nos œuvre»,
en tant qu'elles proviennent de nous seuls, n'ont aucune cause de mérite
à l'égard du salut éternel ; en tant qu'elles
256
TRAITE
proviennent de la grâce prévenante, elles oni le mériie
dé congruilé; enfin, quand elles proviennent de la grâce
jus-tifiante, et -en même temps de notre libre arbitre, elles ont
le mérite de condignité capable d'augmenter la grâce,
et de nous obtenir la gloire, selon la promesse divine, exprimée
ainsi par S. Paul : « Servata est mihi corona » justitiœ. »
(II. Tim. cap. iv.) Il ajouta que quant à la première justification,
l'acte de foi était nécessaiie, parce que sans cet acte on
n'acquérait pas l'habitude, et que sans l'habitude de la foi l'homme
ne se justifiait pas. Pour la seconde, l'acte n'était point requis,
parce qu'on a alors l'habitude que le pécheur ne perd pas; et il
expliqua qu'il entendait parler de l'acte exprès et formel, car
d'ailleurs il faut toujours qu'il y ait quelque sorte d'exercice de foi.
XXXIII. Après lout cela, on formula le décret du con-cile
formant le chapitre 7, où on établit que la disposition requise
de l'impie existant, il s'ensuivait sa justification par laquelle d'ennemi
de Dieu il devenait son ami et hé-ritier du paradis.
«Hanc dispositionem, seu praepa rationem jusli fi catioipsa >·
consequitur : quae non est sola peccatorum remissio, sed » et sanctificatio
et renovatio interioris hominis per vòlun-i> tariam susceptionem
gratiae, et donorum ; Unde homo » ex injusto fit justus, et ex inimico
amicus, tit sit hderes » secundum spem vitae seternse. » Ensuite
on assigna les causes de la justification : « Iustificationis causse
sunt : » finalis quidem gloria Dei, et Christi, et vita aeterna :
* efficiens vero Deus : meritoria, ïesuS Christus, qui in »
ligno crucis nobis iustificationem meruit, et pró nobiu »
Deo patri satisfecit : instrumentalis, sacramentum bap-» tisnli,
quod est sacramentum fidei, sine qua nulli un* » quam contingit justificaiio
: demum unica formalis Causa
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
257
» est juslitia Dei, non qua ipse juslus esl, sed qua nos »
juslos facit, et non modo reputamur, sed verejusli no-» minamur,
ei sumus; justitiam in nobis recipientes, » unusquisque suam secundum
mensuram, quam Spiri-» ius Sancitis partitur singulis prout vult,
et secundum » propriam cujusque dispositionem et cooperationem. »
Quamquam enimnemopossitesse juslus, nisi cui merita » passionis Domini
nostri Jesu Christi communicantur : id » tamen in hac impii justiflcalione
fit, dum ejusdemsanc-» tissimoe passionis merito per Spiritum Sanctum
caritas » Dei diffunditur in cordibus eorum, qui justificantur, at-»
jjue ipsis inhaeret; unde in ipsa jusliiìcalione cum re-»
missione peccatorum haec omnia simul infusa accipit » homo, per Jesum
Christum, cui inserilur, fidem, spem, » et caritatem. Pfam fides,
nisi ad eam spes accedat, ei » cariias, neque unit perfecte cum Christo,
neque corporis » ejus vivum membrum efficit. Qua ratione verissime
di-» citur, fidem sine opeiibus mortuam et otiosam esse. Et »
in Christo Jesu neque circumcisionem aliquid valere, » neque praeputium
; sed fidem, quai per caritatem ope-» ralur. Hanc fidem ante baptismi
sacramentum exapos-» lolorum traditione catechumeni ab Ecclesia petunt,
cum » petunt fidem, vitam aeternam praestantem, quam siin; »
speet caritate fides piaeslarenon potest, etc. »
XXXIV. Parce décret, on condamna les erreurs de Lu-ther, qui
niait la forme intrinsèque justifiante, el préten-dait que
l'homme ne devenait pas intérieurement plus juste, mais était
seulement réputé tel par imputation de la justice extrinsèque
de Jésus-Christ. Mais le concile dit : « Causa formalis estjustilia
Dei, non qua ipsejuslus * est, sed qua nosjuslos facit... et non modo reputamur,
» sed vere jusli sumus. »
MX.
47
2b 8
TRAITE
XXXV. Ainsi, comme l'enseigne le concile, la grâce s'imprime
d'une manière formelle dans l'ame par un cerlain don interne qui
s'y unit et la rend intrinsèque, et de celle façon elle purifie
et sanctifie, suivant celle ex-pression de l'apôtre : « Haec
quondam fuistis, sed abluti » eslis, sed sanctificati estis, sed
juslificati eslis. » La grâce ne consiste donc point dans la
seule imputation delà jus-tice de Jésus-Christ ni dans la
seule rémission des péchés, mais aussi dans la rénovation
intérieure de l'homme, qui par l'effet de la grâce parvient
à dépouiller le vieil homme en Adam, pour en revêtir
un nouveau en Jésus-Christ, ainsi que l'écrit l'apôlre
: « Renovamini spiritu menlis » vestrae, et induite novum hominem,
qui secundum » Deum creatus est in justitia et sanctitate veritatis.
» (Ephes. iv.) Voilà comment il est fait ici une mention précise
de la rénovation interne opérée par la grâce
de Jésus-Christ, et telle que l'homme, par le moyen de cette grâce,
d'ennemi devient ami et fils adoptif de Dieu et héritier du paradis,
comme parle l'Écriture : non toujours que le simple pardon des péchés
commis nous rende ainsi amis et fils adoptifs et méritant dès
le principe; mais seulement que par l'efficacité de la divine charité
nous acquérons la bienveillance de Dieu el son adoption paternelle,
comme parle S. Paul : « Caritas Dei » diffusa est in cordibus
nostris per Spiritum Sanctum qui » datus est nobis. » (Rom.
e. v.) Et au chapitre 8, il ajoute *. « Accepistis spiritum adoptionis
filiorum, in quo clama-» mus : « Abba (pater). » Ainsi,
il n'est pas vrai, comme le disent nos adversaires, que la justice de Jésus-Christ
rende l'homme juste par sa seule imputation, mais parce qu'en verlu de
celte justice la grâce s'infuse en nous et nous rend justes.
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
259
XXXVI. Ils opposent ce texte : « Qui factus est nobis »
sapientia a Deo et justifia et sanctificatio. » Donc, di-sent-ils,
voilà bien exprimé que la justice de Jésus-Christ
à nous imputée nous justifie. — On répond que la justice
de Jésus-Christ est bien la cause méritoire de notre justice,
et que par ses mérites nous obtenons la grâce qui nous rend
justes, et de même que l'apôtre en disant : « Factus
» est nobis sapientia, » n'a pu vouloir dire que la sagesse
de Jésus-Christ nous était imputée, mais que la sagesse
de Jésus Christ nous rendait sages, de même quand il dit :
« Factus est nobis justitia, » que la justice de Jésus-Christ
nous rende justes par imputation, mais que celle justice, c'est-à-dire
ses mérites nous rendent justes par le moyen de la grâce justifiante,
qui nous fait participans de la na-Iure divine, comme parle S. Pierre.
(II. Petr. ?.)
XXXVII. Ils opposent encore ce passage du psaume xxxi. 1 et 2 : «
Beati quorum remissae sunt iniquitates, » et quorum Iecta sunt peccata
: beatus vir, cui non im-» putavit Dominus peccatum. » On voit
parla, disent-ils, que les péchés ne sont pas ôlés,
mais couverts en ce qu'ils ne sont pas imputés au pécheur.
On doit entendre qu'ils sont couverts en telle façon qu'ils sont
vraiment enlevés et effacés, puisqu'à l'égard
de Dieu, auprès de qui toutes les choses sont patentes, dire qu'ils
sont couverts, dénote bien qu'ils sont enlevés et annulés;
c'esl ainsi que s'explique S. Augustin sur le psaume cité, et que
s'exprime David lui-même, quand il dit : « Secundum multitudinem
mi· » serationum tuarum dele iniquitatem meam. » (Ps.
L.) H prie le Seigneur d'effacer son péché, non de le couvrir.
S. Jean désignant Jésus-Christ (cap. ?. ? 29.) dit : «
Ecce » agnus Dei, ecce qui tollit peccata mundi. » Ce qui s'ef-face
et s'enlève ne se couvre pas, mais est tout-à-fait an»
17.
260
TRAIÎÉ
nulé ; ei cela se conclut de l'impossibilité que la grâce
existe là où demeure le péché. Aussi Ezechiel
dit que les péchés abolis par la pénitence demeurent
tellement effacés devant Dieu qu'il en perd, pour ainsi dire, la
mémoire : « Si aulem impius egerit poenitentiam ab omnibus
pecea-» lis suis... vila vivet, et non morietur.... omnium ini-»
quitalum ejus quas operatus esl, non recordabor. » (Ezecli. e. xviu.
21 et 22.) Et quand David dit : « Beatus » vir cui non imputavit
Dominus peccatum, » c'esl en ce sens que Je Seigneur effaçant
par sa grâce son péché ne le lui impule plus, mais
le lui remet entièrement, tant pour la faute que pour la peine.
XXXVIII. Par ce même décret du chapitre 7 on réprouva
l'opinion de Seripand, qui distinguait deux justices, l'une intrinsèque
et l'autre extrinsèque. Voici ce qu'il disait : La première,
inirinsèque, nous fail passer de l'état de pécheur
à celui de fils de Dieu, et par là nous fait opérer
de bonnes œuvres en vertu de la grâce même ; la seconde, extrinsè-que,
est la justice et les mérites de Jésus-Christ, lesquels nous
sont imputés comme nôtres, selon la mesure qu'il plaît
à Dieu. D'où il inférait que la première justice
n'était point parfaite sans la seconde, ni suffisante pour nous
faire obtenir la gloire, suivanlces parolesde l'apôtre : «
Non sunt » condignae passiones hujus temporis ad futuram gloriam
» promerendam, quai revelabitur in nobis. » (Rom. vm. 18.)
Et de là il concluait que la justification s'opérait parla
foi, non par les oeuvres, puisque la première justification, qui
consistait dans lepassage de l'inimi lié à l'amitié
de Dieu n'est point le prix de nos œuvres, qui ne peuvent être méri-toires
avant notre justification; mais que celle-ci est une pure miséricorde
du Sauveur. Parlant ensuite des œuvres opérées depuis la
justification, il disait que la justice d«
CONTRE LES HÉftÉTIQ'JCS.
261
l'homme ne s'attribuait pas proprement à ses œuvres, mais aussi
à la loi par laquelle lui était appliquée la se-conde
justice du Christ,-qui suppléait à ses défauts.
XXXIX. Cinq théologiens seulement, parmi lesquelb trois de son
ordre (augustins), approuvèrent cette doctrine deSeripand, que,
pour acquérir la vie éternelle, il fallait l'imputation de
la justice de Jésus-Christ; mais tous les autres se prononcèrent
contre, et particulièrement le P. Lai-nez, delà compagnie
de Jésus, qui publia un long traité contre Seripand. On lui
répondit donc, et entr'au 1res choses il fut dit qu'il y avait deux
sortes de causes : les unes qui produisent leur effet de telle sorte qu'il
n'a plus besoin d'elles pour se conserver, par exemple, le fils engendié
par son père ; les autres, dont les effets dépendent de l'ae-tion
de h cause, aussi bien dans leur conservation que dans leur production
: telle est la lumière qui dépendiou-jouis de l'action du
soleil. C'est en celle dernière forme que nous dépendons
de Dieu, qui nous conserve ainsi et dans la vie temporelle et dans la vie
spirituelle de la· grâce. El pour acquérir la gloire,
il n'est pas besoin d'avoir en nous deux justices, l'une intrinsèque,
l'autre extrinsèque» par l'imputation des mérilesdeJésusGhrist;
mais la seule justice intrinsèque, laquelle est produite par les
mérites de Jésus-Chrisl ; c'est elle qui nous relève
du pédié ei nous fait pioduire des œuvres de vie éternelle,
lesquelles nous obtiennent la gloire, suivant la promesse faite par Dieu
en considération des mérites du Sauveur. D'où les
docleuis conclurent que la grâce infuse en nous gratuite-ment était
celle qui nous faisait appliquer parfaitement 'es mérites de Jésus-Christ,
et que pour cela il n'était pas besoin que la justice extrinsèque
suppléai au défaut de l'intrinsèque, comme l'avançait
Seripand, puisque ???-
262
TRAITE
trinsèque est une véritable participation à l'extrinsèque,
c'est-à-dire à la justice de Jésus-Christ.
XL. Bellarmin dit (Controv. 5. Dejuslific. lib. 1. c. 2. cire, fin.)
que cette doctrine de Seripand appartint d'abord à Phigius, lequel
aussi voulait que l'homme fût justifié, partie par la justice
intrinsèque et partie par l'imputation de la justice de Jébus-Christ
; mais cette opinion est contraire à ce que dit le concile : «
Unica formalis causa (justifica-» lionis) estjuslilia Dei, non qua
ipse juslus est, sed qua nos » juslos facit. » D'où
Bellarmin conclut ainsi : « Si juslilia » inhaerens est formalis
causa absoluta? justificalionis, non » igitur requiritur imputatio
justitiœ Chrisli, qusejuslifica-» tionem alioqui inchoatam et imperfectam
absolvat. » Et il ajoute que l'opinion de Phigius est certainement
ré-prouvée dans le can. 10, où l'on condamne cette
propo-sition : que nous sommes formellement justifiés par la justice
même de Jésus-Christ.
XLI. En troisième lieu, on doit réprouver encore l'opi-nion
de l'évêque de Bitonto, qui admet deux justifications del'impie
: la première, par laquelle les péchés sont remis
; la seconde, qui lui fait acquérir la justice, et qui dit que la
première justification, celle du péché remis, s'opère
par l'imputation de la justice de Jésus-Christ. La seconde, qui
produit la justice, s'opère par la grâce qui s'infuse inté-rieurement
dans notre ame, à l'instant même où noussom-mes délivrés
de l'étal de péché, mais ne nous est pas ex-térieurement
imputée par les mérites de Jésus-Christ, comme le
prétendent les luthériens. Mais celte opinion, qu'il y a
deux causes formelles de justification, savoir la rémission des
péchés et l'infusion de la grâce, est, selon Bellarmin
(De juslif. lib. 1. cap. 2, vers. Quod si conci-lium), contraire à
la décision du concile, qui dit dans ce
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
265
chapitre 7 que la cause formelle est une, c'est-à-dire la seule
justice de pieu infuse en nous et inhérente. Et il ajoute que le
concile ne fait séparément mention de la rémission
des péchés et de l'infusion de la grâce que pour désigner
les deux effets d'une même cause, qui sont de dégager l'impie
de l'état d'inimitié et de le faire passer à celai
d'ami de Dieu par le moyen de la justification.
XLII. Quatrièmement, il faut remarquer que les uns voulant que
la justification s'effectuât par la grâce distincte de la charité,
et les autres par la charité même sans grâce justifiante
distincte, le concile a fait usage indifféremment de l'une ou de
l'autre, afin de laisser la question indécise.
XLI1I. Cinquièmement, quelques-uns disaient que dans ce décret
la charité était indiquée comme la cause formelle
de la justification par ces mots : « Fidem quae per carita-»
lem operatur; » d'autant mieux que dans le chap. 6 précédent
la charité était seule nommée comme prépara-tion
à la justification. Mais on répond qu'en premier lieu les
mois « diligere incipiunt » désignent une charité
qui n'a pas la justice ou plus exactement un simple commen-cement de charité;
mais dans ce chap. 1 il est question de la charité parfaite qui
justifie l'homme.
XLIV. Sixièmement, Palavicin avertit que dans ce chapitre l'intention
du concile fut d'établir l'habitude in-fuse de la justice et non
le simple acte, car un membre ayant demandé qu'il fût expressément
déclaré que dans la justification la grâce se donnait
par habitude infuse, il fut dit que cela résultait assez clairement
de ces termes, « caritas Dei inhaeret, » la qualité
d'inhérent emportant la stabilité qui appartient à
l'habitude et non à l'acte.
XLV. Pierre Soave objecte que ces paroles du concile au même
chap. 7 : « iustitiam in nobis recipientes, unus-
264
» quisque secundum mensuram quam Spiritus Sanctus » partitur
singulis,, prout vult, » sont en contradiction avec celles qui suivent
immédiatement, « et secundum pro-» priam cujusque disposifionem
et cooperationem ; » il dit : Si la disposition de l'homme est nécessaire,
Dieu ne donne donc pas la juslice prout vult, et s'il la donne prout vult,
on ne peut pas dire qu'il la donne « secundum pro-» priam cujusque
dispositionem. » On répond avec S. Au-gustin, qui enseigne
que la grâce « voluntatem hominis » et praeparat adjuvandam
et adjuvat praeparatam. » D'où il suit que le concile s'est
bien exprimé en disant : « se-» cundum mensuram prout
(Spiritus Sanctus) vult, » et » en ajoutant : « et secundum
propriam cujusque disposi-» tionem et cooperationem. »
XLVI. Les canons suivans appartiennent à ce chapitre 7.
Can. 9 : « Si quis dixerit sola fide impium justificari, »
ita ul intelligat nihil aliud requiri, quod ad justificalio-» nis
gratiam consequendam cooperetur, et nulla ex parle » necesse esse
eum suse voluntatis molu praeparari, atque » disponi : anathema sit.
»
Can. 10. «Si quis dixerit homines, sineChrislijustitia, »
per quam nobis meruit, justificari : aut per eam ipsam » formaliter
justos esse : anathema sit. »
Can.'14. « Si quis dixerit, homines juslificari, vel sola »
imputatione justiliae Christi, vel sola peccatorum remis-»sione,
exclusa gratia et caritate, quae in cordibus eo-» rum per Spiritum
Sanctum diffundatur, atque illis in-» haereat : aut etiam gratiam,
qua justificamur, esse tan-» tum favorem Dei : anathema sit.
XLVII. Dans le chap. 8, on explique comment doit être entendue
celle parole de l'apôtre que l'impie est ju&tifié par
la foi : « Arbitramur autem juslificari hominem per
CONTRE IES HÉRÉTIQUES.
268
» fidem » (Rom. ni. 28.) ; et que sa JHStification est
gra-tuite : « jusiificnti gratis per gratiam ejus.» (Rom. m.
24.) Les paroles de l'apôtre doivent s'enlendre ainsi : « ulsci-»
licet per fidem ideo iustificari dicamur quia fides est » humanae
salutis initium, fundamentum ei radix omnis » juslificationis. Gratis
autem juslificari ideo dicimur, » quia nihil eorum, quae juslificationem
praecedunt, sive » fides, sive opera, ipsam justificationis gratiam
prome-» retur. » 11 est ici question non du mérite de
congruae, mais du mérite de condignilé; car quelques-uns
ayant demandé que ces paroles fussent supprimées, comme dé-préciant
les œuvres faites en vertu de la foi, on répondit que de telles
œuvres ne méritent pas la justification comme leur étant
due. Ainsi l'on voit qu'il s'agit ici du mérite de condignité.
Lorsqu'on agitait le point de fixer le sens de ces roots de l'apôtre
: « Justificali gratis per gratiam, » etc., » quelques-uns
dirent qu'on devait les expliquer en disant que la foi est un don gratuit
de Dieu ; mais cela ne plut pas; car en admettant la foi du pécheur,
il n'en est pas moins vrai que Dieu le justifie gratuitement. D'au-tres
voulaient qu'on exprimât que « la justification s'o-»
père sans les œuvres; » et cela aussi fut réfuté
parce qu'il avait été établi que, en outre de la foi,
quelques au-tres actes sont nécessaires à la justification,
en ce qu'ils complètent la disposition requise.
XLVIII. Dans lechap. 9, on réprouva cette vaine con-fiance des
hérétiques, que les péchés se remettent ou
sont déjà îemis par celle confiance même, ei
que nul n'est justifié s'il ne croit fermement l'être. Le
concile déclaie au contraire que personne ne doit être sans
crainte, parce que nul ne peut savoits'il a obtenu la grâce, de cette
cer-•ftude de la foi qui ne laisse pas supposer l'erreur. Ainsi,
266
TRAITÉ
personne, sans une révélation de Dieu particulière,
ne peut croire de foi qu'il ait élé pardonné. «
Nescit homo, » utrum amore an odio dignus sit » (Eccles. ix.
1.); d'où l'apôtre dit : « Ma conscience ne me reproche
aucune faute » présente, mais pour cela je ne me liens pas
pour jusli-» fié. » « Nil mihi conscius sum ,
sed non in hoc justifi-» catus sum. » (I. Cor. iv.) Jérémiedit
(cap. 17): « Prs-» vum est cor hominis, et inscrutabile, et
quis cognoscet » illud? » Ainsi, le pécheur qui est
certain d'avoir été dans un temps ennemi de Dieu par son
péché, ne l'est jamais absolument de sa nouvelle conversion
de cœur vers Dieu.
XLIX. Les novateurs opposent, 1° ce que dit l'apôtre (Rom.
vin. 46): « Ipse spiritus testimonium reddit spiri-» tui nostro,
quod sumus filii Dei. » Mais on répond que l'Espril-Saint
nous rend ce témoignage, non par révéla-tion divine
ni par des signes infaillibles, mais seulement par le moyen de certaines
conjectures, lesquelles ne peu-vent donner qu'une certitude présomptive
et morale, et non évidente, comme l'enseignent les saints Pères
dans Bellarm. lib. 5. Dejustif. cap. 9 et 10. ? L. Ils objectent en second
lieu que l'espérance chré-tienne est comparée (Hebr.
vi. 19.) à une ancre, à cause de sa solidité, qui
ne peut manquer; et ils ajoutent que celte espérance ne pourrait
être ainsi solide si nous ne croyions pas fermement que les péchés
nous sont remis. Nous répondons que l'espérance théologique
non-seule-ment est très-certaine, mais encore infaillible de foi
di-vine de la part de Dieu, d'où S. Thomas la définit : «
Spes «est certa expectatio beatitudinis.» Elle est certaine,
parce que, comme l'écrit ce saint, « innititur principaliter
» divinae omnipotenti» et misericordiae ; » lesquelsattributs
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
267
de foi certaine, existent dans Dieu. (S. Thom. xxn. q. 18, a. 4.) Mais
l'effet de cette espérance dépend non-seulement de Dieu,
mais aussi de notre coopération, et celle-ci peut nous manquer,
sinon dans le moment présent, au moins dans l'avenir, comme l'enseigne
le concile dans le présent chap. 9 : « Quilibet, dum propriam
infirmitatem >: respicit, de sua gratia dubitare potest. » C'est
pourquoi SI ajoute dans les chap. 12 et 13, que nul ne peut se pro-mettre
avec une certiiude absolue d'être en élat de grâce ni
d'y persévérer.
LI. Tournely dit, un peu imprudemment peut-être, que bien que
la possession de la grâce n'exclut pas toute crainte , néanmoins
l'espérance chrétienne a cela de pro-pre, qu'elle chasse
les frayeurs excessives qui tourmen-tent les âmes des justes; et
elle est si grande ajoute-l-il, qu'elle suffit pour produire une certitude
morale, la-quelle leur fait goûter une paix raisonnable de conscience,
« quo fit ut legitima conscientiae pace fruantur. » Mais cela
ne vient pas d'une certitude de foi qu'on est en état de grâce,
comme le veulent les hérétiques, mais de l'exer-cice de la
charité que les justes pratiquent envers Dieu, comme l'écrivent
S. Ambroise, S. Augustin et S. Ber-nard, in Cant.
LU. Les hérétiques confondent volontairement la certi-tude
de foi avec la certitude de confiance (la confiance est cet espérance
qui naît delà foi). Mais leur erreur est palpable, car la
certitude de foi exclut tout doute; tandis que la certitude de confiance,
laquelle s'appuie à la fois, et sur la promesse divine et sur notre
coopération, attendu que celle-ci peut-Être en défaut,
ne sauvait être elle-même absolument as-surée. Et il
s'ensuit, comme nous l'avons dit, que sans une révélation
spéciale, nul ne peut croire de foi, qu'il
268
TBA1TÉ
e$l juste, çnçore moins qu'il soit prédestiné,
deux erreurs embrassées el enseignées par Calvin.
LUI. Soave dissimule dans son histoire les argumens de celte vraie
doctrine du concile, et met en avant les rai-sons à l'appui de l'opinion
contraire, laquelle donne à tous les justes la piétendue
certitude de l'étal de grâce. Il rapporte entres autres les
paroles du Rédempteur au pa-ralytique : « Confide, fili, remittuntur
tibi peccata tua. » (M .Uh. 9. 2.), qui disent bien que le paralytique
fut par-donné par sa confiance dans le pardon Mais on répond
que le Seigneur, qui faisait au paralytique le don d'espé-rance
el de foi, lui donnait, aussi la grâce de la charité el de
la pénilence par lesquelles il recevait le paidon.
LIV. Le,,P. Pie, général des conventuels, voulait d'a-près
Scol que le concile admît quelque cas particitliei où l'on
pûl être cei tain d'une certitude de foi de l'état de
grâce. Mais l'archevêque deNassia prouva amplement qu'une tel
îe certitude ne pouvait résulter que d'une révé-lation
spéciale de Dieu, puisque l'apôtre , avec tant de motifs de
jouir de la certitude de la giâce, craignait néan-moins et
disait de lui-môme : « Nihil enim mihi cons-«ciussum,
sed non in hoc justificatus sum. (I. Cor. A. 4·) El Je cardinal
Pacheco cilail à l'appui le texte du cap. uh. de purgat, can., où
le pape Innocent ÏII con-damna un archevêque qui voulait jurer
que ses péchés lui avaient été pardonnes.
LY. Aussi dans le susdit chapitre 9, esl-il dit : « Quam-»
vis autem necessarium sit credere neque remitti, neque » remissa
unquam fuisse peccata, nisi gialis divina mise-» ricordia propter
Christum, nemini tamen fiduciam, et » certitudinem remissionis peccatorum
suorum jaclanti » peccata dimitti dicendum esi, cum apud haereticoscon-
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
269
» ira Ecclesiam catholicam praedicetur vana haec fiducia. »
Sed neque illud asserendum est, oportere eos, qui vere » iustificati
sunt, absque dubitatione apud semetipsos sla-» tuere se esse jusiificalos,
neminemque iustificari, nisi » qui certo credat se justiiìcatum
esse, atque hac sola fide » iustificationem perfici ; quasi qui hoc
non credit, de » Dei promissis , deque mortis , et resurrectionis
Christi > efficacia dubitaret. Nam sicut nemo de Dei misericordia, »
de Christi merito deque sacramentorum virtute dubitare «debet; sic
quilibet, dum propriam infirmitatem respi-» cil, de sua gratia timere
potest ; cum nullus scire valeat » certitudine fidei, cui non potest
subesse falsum, se gra-» liam Dei esse consecutum. »
LVI. Catharin , nonobstant ce décret du concile, s'ob-stina
à soutenir, comme il l'avait fait avant le décret, que dans
certains cas, la certitude de foi que quelqu'un soit en étal de
grâce pouvait exister. Il distinguait pour cela deux sortes de foi,
la foi catholique, c'est-à-dise univer-selle, des articles approuvés
par l'Eglise, et c'est pour les objets de celle foi qu'on ne pouvait, disait-il,
suppo-ser l'erreur : il prétendait ensuite qu'on pouvait avoir une
autre sorte de foi à l'égard de quelque objet particulier,
laquelle dépendait en même temps d'un dogme de la foi et de
quelque vérité évidente par les lumières naturelles.
Par exemple, disait-il, il est certain que l'homme bap-tisé est
délivré de la faute originelle. Or, je sais que j'ai baptisé
un enfant ; je peux donc faire un acte de foi, tou-jours d'après
la réalité du fait, que cet enfant est délivré
du péché, appliquant ainsi à un cas particulier ce
que l'Eglise enseigne généralement. Mais bien que par évi-dence
morale, je puisse croire de foi que cet enfant est libre du péché,
cependant, cet effet est susceptible de se
270
TRAITÉ
trouver faux, si, par exemple, la liqueur que j'ai prise pour de l'eau
était le produit de la distillation d'une plante, matière
impropre au baptême. Ainsi raisonnait Calharin,
LVII. Bellarmin (De juslif. lib. S. cap. 3.), d'accord avec Solo, réprouve
cette doctrine, et dit que, quoiqu'elle diffère beaucoup de l'hérésie
de Luther, néanmoins c'est avec raison qu'on la lient pour erronée,
puisque le con-cile a dit : « Quilibet de sua gratia timere potest
cum » nullus scire valeat cerliludine fidei se gratiam Dei esse »
consecutum. » Catharin répondit à Solo, que le concile
parlait de celte foi qui ne laisse pas supposer l'erreur, telle qu'est
la foi catholique, el que pour cela, après les mots certitudine
fidei, le concile avait ajouté : « Cui non » potest
subesse falsum : » mais que lui, Calharin, par-lait de la foi particulière,
qui pouvait admettre l'erreur, puisqu'elle s'appliquait à un objet
non décidé par l'E-glise. Bellarmin réplique qu'il
y a contradiction à ce qu'une chose soit révélée
de Dieu el puisse être fausse, puisque la foi divine est absolument
infaillible : si donc elle pouvait être fausse, elle ne serait jamais
un vrai motif de foi.
LVIII. Le canon 12 el les suivans appartiennent à ce chapitre
: « Si quis dixerit, fidem juslificantem, nihil » aliud esse,
quam fiduciam divinae misericordiae, pec-» cala remiltentem propter
Christum, vel eam fiduciam «solam esse, qua justificamur : anathema
sit. »
LIX. Can. 15 : « Si quis dixerit, omni homini ad re-» missionem
peccatorum assequendam necessarium esse, » ut credat certo, et absque
ulla haesitatione propriae in-» firmitatis, et indisposilionis peccata
sibi esse remissa : » anathema sit. »
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
271
IX Can. 14 : « Si quis dixerit, hominem a peccatis » absolvi,
ac juslificari ex eo quod se absolvi, ac juslifi-» cari cerlo credat;
aul neminem vere esse iustificatum, » nisi qui credat se esse iustificatum,
et hac sola fide ab-» solutionem, et iustificationem perfici : anathema
sit. »
LXI. Can. 28 : « Si quis dixerit, amissa per pecca-» tum
gratia, simul et fidem semper amitti: aut fidem » quae remanet, non
esse veram fidem, licet non sit viva ; » aul eum, qui fidem sine
charitale habeat, non esse » christianum : anathema sit. »
LXII. Le dixième chapitre traite de l'augmentation de la justification
reçue par le moyen des bonnes œuvres ; il s'exprime ainsi : «
Sic ergo juslificali euntes de virtute » in virtutem, etc., etc.,
per observationem mandatorum » Dei, et Ecclesiae, inipsa justitia
per Christi gratiam ac-» cepta, cooperante fide, bonis operibus crescunt;
atque » magis iustificantur. »
LXIII. Le canon 24 suivant appartient à ce chapitre : «
Si quis dixerit justitiam acceptam non conservari, atque » etiam
augeri coram Deo per bona opera, sed opera ipsa » fructus solummodo,
et signa esse .iustificationis adepta, » non autem ipsius agendae
causam : anathema sit »
LXIV. Dans le chap. 11, on établit la nécessité
pour le salut de l'observation des commandemens, lesquels, avec l'aide
de la grâce divine, sont toujours possibles à l'homme : «
Nemo .autem quamvis iustificatus liberum » se esse ab observatione
mandatorum putare debet. Nemo » temeraria illa voce uti, Dei praecepta
homini iustificato »ad observandum esse impossibilia. Nam Deusimpossi-»
bilia non jubel, sed jubendo monet et facere quod pos-* sis et petere quod
non possis, et adjuvat ut possis. « Toul ce passage est de S. Augustin
(de natur, et gr.
272
TBAITÉ
e. 43), excepté les dernières paroles, « et adjuvat
ut pos-» sis, » lesquelles au reste se retrouvent dans d'autres
endroits des œuvres de ce saint ; et elles furent avec raison ajoutées
ici pour démontrer que l'impossibilité de l'ac-complissement
ne peut venir que du défaut de nos prières.
LXV. Et comme les novateurs opposaient certaines paroles de l'Ecriture,
savoir que le juste pèche journelle-ment , et qu'ainsi chaque jour
nous devons demander la rémission de nos fautes, le concile répond
: « Licet enim, » in hac mortali vita quantumvis sancti, in
levia saltem » et quotidiana, quae venialia dicuntur, peccata quando-»
que cadunt, non propterea desinunt esse jusli ; nam » jusii ipsi
eo magis se obligatos ad ambulandum in via » jusiilise sentire debent,
quo liberali a peccato pie vi-» venies proficere possint, etc. Deus
namque sua gratia » semel justificalos non deserit, nisi ab eis prius
dese-» ralur.
Ici Palavicin avertit que le concile, par ces dernières paroles,
n'entend point dire que Dieu nous abandonne en nous enlevant l'habitude
de la grâce et rompant l'alliance contractée, mais qu'il a
voulu déclarer que si nous ne l'offensons pas d'abord, lui ne nous
abandonne pas en nous privant de sa grâce actuelle. Celte observa-lion
est confirmée par la première rédaction du décret,
où se trouvaient d'autres paroles qui désignaient expressé-ment
la grâce -actuelle de l'aide de Dieu et non l'habi-tuelle de la forme
justifiante ; car on y disait, « que cette » grâce faisait
souvent que Dieu n'était pas abandonné » et que celui
qui l'abandonnait retournait à lui, » les-quelles paroles
ne pouvaient certainement s'entendre que de la grâce actuelle : Palavicin
assure qu'elles ne furent retranchées que par un motif de concision.
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
275
LXVI. Il est dit ensuite : « Itaque nemo sibi in sola »
fide blandiri debel, putans fide sola se haeredem esse » constitutum,
etiamsi Christo non compatiatur, etc. » Propterea apostolus monel
iustificatos dicens : castigo » corpus meum, et in servitutem redigo,
ne forte cum » aliis praedicaverim, ipse reprobus efficiar. »
(l. Cor. 9.) De même, S. Pierre : « Satagite, ut per bona opera
cer-» tam vestram vocationem et electionem faciatis. » ( II.
Petr. 1.) « Unde constat eos orthodoxae doctrinae adver-» sari,
qui dicunt justum in omni bono opere saltem ve-» nialiter peccare,
aut, quod intolerabilius est, poenas » aeternas mereri ; atque etiam
eos, qui statuunt in omni-» bus operibus justos peccare ; si in illis
mercedem quo-» que intuentur aeternam, etc. »
LXV1I. De là les canons suivans furent formulés. Can.
18. « Si quis dixerit, Dei praecepta homini etiam juslifi-»
cato, et sub gratia constituto, esse ad observandum im-» possibilia
: anathema sit. »
LXVIII. Can. 49. Si quis dixerit, nihil praeceptum » esse in
Evangelio praeter fidem, cetera esse iridifferen-» tia neque praecepta,
neque prohibita, sed libera ; aut » decem praecepta nihil pertinere
ad christianos : ana-» thema sit. »
LXIX. Can. 20. « Si quis hominem justificalum, et » quanlum
Iibet perfectum dixerit non teneri ad obser-» vanliam mandatorum
Dei, et Elcclesiae, sed tantum ad * credendum : quasi vero Evangelium sit
nuda, et abso-» luta promissio vitae eternae, sine conditione observatio-»
nis mandatoium : anathema sit. »
LXX. Can. 21. « Si quis dixerit, Christum Jesura a » Deo
hominibus datum fuisse ul redemptorem, cui xix.
18
274
TRAITÉ
» fidant, non eliam ul legislatorem, cui obediant : ana-»
thema bit. »
LXXI. Can. 22. « Si quis in quolibet bono opere jus-» tum
saltem venialiter peccare dkerit, aut, quod into-» lerabilius est»
mortaliter; atque ideo poenas aeternas, » meieri ; tantumque ob id
non damnari, quia' Deus * ea opera non imputai ad damnationem : anathema
sit.» ? LXXII. Can. 51. « Si quis dixerit juslificalum pec-»
care, dum intuitu aeternae mercedis bene operalur : » anathema sit.
»
LXX1II. Dans lechap. 12, on déclare téméraire
la pré-somptiun delà prédestination, sans îévélaiion
speculo : « Nemo praesumere dt-bel, ul certo stniuat se esse in nu-»
meio piœdeslinjtorum, quasi quod juslificalus amplius » peccare non
possit ; aut si peccavent, certam sibi ? es>i-» pisceiiiiam promilleie
debeat, nam nisi ex speciali » ìevelatione scire non potest,
quod Deus sibi elegerit. >
LXX1V. C'est encore à ce chap. qu'appartiennent le can. 47.
« Si quis iustificationis gratiam, nonnisi prae-» destinatis
ad vitam contingere dixerit, reliquos vero » omnes qui vocantur,
vocari quidem, sed gratiam non » accipere utpote divina potestate
praedestinatos ad ma-» Ium : anathema sit. »
Et le can. 30. « Si quis posl acceptam iustificationis »
gratiam cuilibet peccatori poenitenti ita culpam remitti, y> et reatum
aeternas poenae deleri dixerit, ul nullus re-» maneat reatus poenas
temporalis exsolvendae vel in hoc » seculo, vel in futuro purgatorio,
antequam ad régna » coelorum aditus patere possit : anathema
sit. »
LXXV. Dans le chap. IS, il est question du don de !a persévérance.
Les novateurs disent que îa justice taraffoii. obtenue ne peut plus
être perdue ; mais les Écritures leur.
sont évidemment opposées : « Cum avertent se jusluj,
a » justiti.» sua, et fecerit iniquitatem, morie ur in illa.
» (Ezech. 18.) On lit encore dans ce chap. 18 a'Ezéch. ver-set
24 : « Si autem averterit se juslus a justifia sua et fe-»
cerit iniquitatem... Omnes jissiilias ejus, quas fecerat,
• non recordabuntur. » II y a d'ailleurs plusieurs exem-ples
dans l'Ecriture de justes qui, par leuis foules, ont perdu leur état
de justes, comme David, S. Pierre, etc. Les enfans certainement sont justifiés
par le baptême (Calvin dit au contraire, mais héréliquemept,
que tous les enfans des fidèles naissent justes, et qu'ensuite étant
baptisés adultes, ils ne peuvent perdre la grâce ni se damner);
mais combien parmi eux parvenus à l'ado-lescence perdent la justice?
L'expérience ne le démontre que trop. S. Paul dit (I Cor.
6) : « Regnum Dei non pos-» sidebunt ; » et ici il parle
des péchés des (idoles. De tout cela il suit que tout baptisé
peut perdre l'innocence
.et.se damner : il suit encore que lu justice {l'appartient pas aux
seuls élus, comme le prétend Calvin.
• LXXVI. On oppose ce passage de S. Jean
« Qui na· > lus est ex Deo, peccatum non facit, quoniam semen
» illius in eo manet et non potest peccare. » ( I. Jo. 3 )
S. Jean dit bien que celui qui est né de Dieu ne peut pé-cher;
mais cela s'entend s'il agit comme fil s de Dieu, parce qu'alors la semence
de Dieu, c'esl-à-d re la cha-lité, qui nâ peut exister
avec Je péché, éloigne e péché de son
ame. Mais s'il vient à agir comme fils d'Acam, certes alorsil peut
pécher, ainsi que l'explique S. Augustin sur ce passage cité
de S. Jean.
JLXXV1I.Aussi le concile dit-il que nous i[< vous tous espérer
la persévérance en Dieu, mais que chacun doit craindre de
la perdre : « Similiter de persévéra ? lise mu»
%~·5
TRAITÉ
» nere nemo sibi certi aliquid absoluta certitudine pol-»
liceatur; lamelsi in Dei auxilio firmissimam spemcol-» locare et
reponere omnes debent ; Deus enim, nisi ipsi » illius gratiae defuerint,
sicut coepit opus bonum, ita » perficiet, operans velle et perficere.
Verumtamen, qui » existimant stare videant ne cadant, et cum timore
et » tremore salutem suam operentur. »
LXXVIII. A ce chapitre 13 correspondent le can. 10. « Si quis
magnum illud usque in finem perseverantiae » donum se certo habiturum
, absoluta et infallibili cer-» titudine dixerit ; nisi hoc ex speciali
revelatione didice-» cerit : anathema sit. »
LXXIX. Can. 22. « Si quis dixerit, juslificatum vel » sine
speciali auxilio Dei in accepta juslilia perseverare » posse, vel
cum eo non posse : anathema sit. » Ce canon réprouve l'opinion
de Jean Fonseca, évêque de Castella-mare, qui disait que l'homme
juste n'a pas besoin ordi-nairement d'un secours spécial pour observer
les com-raandemens, mais qu'il suffisait du secours général
qui n'est refusé à aucun juste, et que le secours spécial
n'était nécessaire que pour l'observation de quelque précepte
d'une difficulté extraordinaire.
LXXX. Can. 25. « Si quis hominem semel justifica-» tum
dixerit amplius peccare non posse, neijue gratiam » amittere, atque
ideo eum, qui labitur, et peccat, nun-» quam vere fuisse justificaium;
aut contra, posse in tota ï vita peccata omnia, etiam venialia, vitare,
nisi ex spe-» ciali Dei privilegio, quemadmodum de beata Virgine
» tenet Ecclesia : anathema sit. »
LXXXI· L6 chap. 14 traite du mode d'après lequel ceux
qui ont perdu la grâce peuvent la recouvrer, et il y est dit :
- Qui vero ab accepta justifìcalionis gratia per
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
277
» peccatum exciderunt, rursus justificari poterunt per ».poenitentiae,
sacramentum ; etenim Christus iesus sa-» cramentum instituit, poenitentiae,
cum dixit : Accipite » Spiritum Sanctum, quorum remiseritis peccata,
remit-» tentur eis. Unde docendum est, christiani poenitentiam. »,aliam
esse a baptismali : eamque continere non modo « cessationem a peccatis,
et detestationem eorum, verum » etiam eorumdem sacramentalem confessionem,
saltem ? in volo, et suo tempore faciendam, et sacerdotalem » absolutionem.
Itemque satisfactionem, per jejunia, tlc, » Non quidem pro poena
aeterna, quae cum culpa remit-» lilur, sed pro poena temporali, quœ
non tota semper, sut in baptismo fit, dimittitur illis, etc. »
LXXXII. De là suit le can. 29. « Si quis dixerit, eum,
» qui post baptismum lapsus est, non posse per Dei gra-» liara
resurgere ; aut posse quidem, sed sola fide amis-» sam justitiam
recuperare sine sacramenlo poenitentiae, » prout sancta romana, et
universalis Ecclesia, a Christo » Domino, et ejus apostolis edocta,
hucusque professa » est, servavit, et docuit : anathema sit. »
LXXXIII. Dans le chapitre 15, il est dit que tout péché
mortel fait perdre la grâce, mais non la foi. « Non modo »
infidelitate, sed etiam quocumque alio mortali peccato » gratiam
amitti, etc. » Quelques-uns voulaient qu'on ne mît pas infidelitate,
mais apostasia; mais le mol fut laissé pour l'opposer aux paroles
mêmes de Luther, qui se ser-vait de ce terme infidelitate.
? LXXXIV. De là le can. 27. « Si quis dixerit, nullum
» esse mortale peccatum, nisi infidelitatis, aut nui'o alio, »
quantumvis gravi, et enormi, praeterquam infidelitatis, • peccato, semel
acceptam gratiam amitti : anathema sit.»
LXXXY, Can. 28. « Si quis dixerit, amissa per pecca-
2*78*
» tum gratia, simul ei fidem semper amitti-: aut fidem, »
quse permanet, non essse Veram fidem , licet non sit «viva; aut eum,
qui fidem sine caritate habei, non esse » Christianum : anathema
sit. »
LXXXVI. Le chapitre 4 6 traite du mérité des bonnes œuvres.
Il est bon, pour l'intelligence de ce chapilie, d'é-tablir la distinction
du mérile de condigno avec le mérite de congruo, et les conditions
de l'un et de l'autre. Le mé-rite de condigno est celui auquel,
d'après la promesse'de Dieu, la récompense est due par justice.
Le mérité de con~ gruo est celui auquel Dieu accorde quelque
faveur,' non point par justice, mais par une soric de convenance.
LXXXVII. Pour* le mérite dé condigno, trois conditions
sont requises* : l'une à l'égard de l'opérant, l'autre
a l'é-gard de l'œuvie, et la troisième à l'égard
de Dieu. A l'é-gard ûc l'opérant, ii faut qu'il soit
juste et en voie; s'il est séparé de Dieu, il ne peut plus
acquérir aucun mé-rite « Sicut palmes (dit le Seigneui)
non potest ferre friïc-» tum a semetipso, nisi manserit in vite
; sic et vos nisi io » me manseritis. » (Jo. xv. 4.) H doit
aussi être en voie, parce qu'après la mort l'homme est sorti
également de la voie cl ne peut plus avoir ni méritent démérite.
G'esl pour-quoi Papoue recommandait de faire le bien pendant la vie, parce
qu'après la mort aucun mérite ne peut plus être acquis
: « Ecce nunc tempus acceptabile, ecce nunc *> dies salutis. »
(II. Cor. vi.) « Dum tempus habemus, » operemur bonum. »
(Gal. vi. 88.)
LXXXV1H. A l'égard de l'œuvre, il faut qu'elle soit digne, qu'elle
procède d'un motif surnaturel, et qu'elle soit rap-portée
àDieu, au moins par intention virtuelle, alors qu'elto est opérée,'commelc
disentSylvius et Suarez.il faut encore qu'elles^! faite, non par aucune
nécessité simpleou relative.
LES HHRÉTIQUES.
279
mais ayec pleine et entière liberté; d'où il suit
que la libera-de coaction ne suffit pas, comme le prétendait Jansenius,
car cela a été condamné dans sa troisième proposition.
LXXXIX. Enfin, à l'égard de Dieu, il faut le pacte, c'esl-à-dire
sa promesse ; car il ne peut exister pour Dieu aucune cbligalion de rémunérer
que par suile de sa seule promesse. S- Augustin écrit (in psalm.
83) : « Debilorem »JDominusipse se fecit, non accipiendo, sed
promiitendo. » ,??? ei dicimus : redde quod accepisti, sed rcdde
quod » promisisti. »
. XC. Quant au mérite de congruo, il faut que l'oeu-vre soit
digne, libre et surnaturelle; mais à l'égard de l'opérant,
il n'est pas nécessaire qu'il se trouve en grâce, parce que
l'acte même de piélé le dispose à recevoir la
giâce. il n'es! pas non plus besoin à l'égard de Dieu
d'une promesse, parce que l'œuvre surnatureUement digne a par elle-même
la congruilé d'obtenir de Dieu la fdvenr qui lui convient de congruo.
XCI. Les luthériens et les calvinistes disent, non-seule-ment
que la foi seule justifie, mais que toutes les œuvres des justes, loin
d'êlre méritoires, sont au Contraire de véri-tables
péchés, étant opérées sous l'influence
du péché d'A-dain , qui rend mauvaises toutes les œuvres
de ses dôs-cendans; seulement, ajoutent-ils, ces péchés-là
ne leur sont pas imputés. Mais on oppose a celte doctrine l'évan-gile
où le Seigneur dit : « Gaudete, quoniam merces VPS-»tra
copiosa est in coelis.» (Mallh.v)'La récompense sup-pose les
bonnes œuvres et le viai mérite.
. XC1I. Mais, disent-ils, on trouve dans Isaïe (chap. uiv): »
Quasi pannus men-irualse omnes justiluenoslise. » On répond
qu'il ne s'agit pas ici des œuvres des justes, mais des forfaits que les
Hébreux commettaient en ce temps-
280
TRAITÉ
là, et qui devaient les faire tomber au pouvoir du roi de Babylone,
comme l'explique S. Cyrille sur ce passage. Du reste, Jésus-Christ
lui-même a déclaré la bonté des œuvres des justes,
lorsqu'il a dit : « Sic luceat lux vestra coram » hominibus,
ut videant opera veslra bona, et glorificent » patrem vestrum. »
(Matih.) Aussi, S. Pierre dit : « Qua-» propter, fratres, magis
satagite, ut per bona opera cer-» tam vestram vocationem et electionem
faciatis.» (II. Petr. i. 10.) Si toutes les œuvres étaient
des péchés, ce serait aussi un péché que l'exercice
de la foi par laquelle seule nos adversaires disent eux-mêmes que
l'homme est justifié. Ce serait aussi un péché que
cette demande du pardon, «dimilte nobis debita nostra;» en
sorle que par le péché même l'homme parviendrait à
être justifié, en obtenant par le moyen de celle prière
(qui étant œuvre de l'homme tombé serait elle-même
coupable) la rémis-sion de ses fautes ; absurdités intolérables.
XCIII. Ils répliquent : Mais en admettant le mérite de
l'homme, on écarte les mérites de Jésus-Christ. Un
mot suffit pour répondre : c'est que les mérites des justes
ti-rent leur vertu non d'eux-mêmes, mais de ceux de Jésus-Christ,
d'où provient toute la bonté des premiers.
XCIV. Ils opposent encore ces paroles de Jésus-Christ à
ses disciples : « Cum feceritis omnia quœ praecepta sunt »
vobis, dicite: Servi inutiles sumus, quod debuimusfa-» cere, fecimus.
» (Luc. xvn. 40.) Donc, disent-ils, les œuvres des justes ne sont
pas véritablement méritoires. On répond qu'elles sont
dites inutiles, non parce qu'elles ne servent pas pour mériter,
mais parce qu'elles n'au-raient aucune valeur sans la grâce, et que
sans la pro-messe divine elles ne seraient aucunement utiles au sa-lut
: d'autant que dans toutes nos bonnes œuvres nous
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
281
ne fesonsiien que ce que nous sommes tenus de faire.
XCV. Mais écoulons maintenant ce qu'enseigne le con-cile: «
Iustificatis, sive acceptam gratiam conservaverint, » sive amissam
recuperaverint, proponenda est vita aeterna, » et tanquam gratia
filiis Dei per Christum Jesum pro-» missa ; et tanquam merces ex
ipsius Dei promissione » ipsorum meritis reddenda, etc.; cum enim
ipse Chris-» tus Jésus tanquam caput in membra ; et vitis
in pal-» mites in ipsos juslificatos jugiter virtutem influat : quae
» virtus bona eorum opera semper antecedit, comitatur, » et
subsequitur : et sine qua nullo pacto Deo grala, et » meritoria esse
possent, nihil juslificalis amplius deesse » credendum est, quo divinae
legis satisfecisse, et vitam «œternam, si in gratia decesserint,
consequendam, vere «promeruisse censeantur, etc. Ita neque propria
justilia, » tanquam ex nobis propria statuitur : neque requiritur
» jusliiia Dei : quae etiam juslilia nostra dicilur, quia per »
eam nobis inhaerentem juslificamur, illa eadem Dei est, » quia a
Deo nobis infunditur per Christi meritum, quod » sicut bonis operibus
merces tribuatur, etc., absit tamen » ut christianus in seipso vel
confidat vel glorietur et non » in Domino : cujus tanta est erga
homines bonitas, ut » eorum velit esse merita, quae sunt ipsius dona,
etc. » Les paroles de ce chapitre sont toutes prises de l'Écriture
ou des saints, et spécialement de S. Augustin.
XCVI. A ce chapitre correspondent les can. 26. « Si quis »
dixerit, justos non debere pro bonis operibus , quae in » Deo fuerint
facta , expectare et sperare aeternam relri-» butionem a Deo per
ejus misericordiam, et Jesu Christi » meritum, si bene agendo, et
divina mandata custo-» diendo, usque in finem perseveraverint : anathema
sit. »
XCVH. Can. 31. « Si quis dixerit, iustificatum pec-
282
» cave, dum inluilu aeternae mifcedis bene operatur :
» anathema sit. »
XGVIII. Can. 32. « Si quis dixerit, hominis justificati »
bona opera ita esse dona Dei, ut non sint eliam bona » ipsius juslifìeali
merìla ; aut ipsum juslificatum bonis » opeiibus, quae ab
eo per Dei giatiam, et JesuChrisli » meritum, cujus vivum membrum
est, fiunt, non vere » mereri augmentum gratiae, vitam aeternam,
et ipsius » vitae aeternae (si tamen in gratia decesserit) eonsecu-»
tionem, atque etiam glorias augmentum : anathema s sit. »
XC1X. De là, se déduit la fausseté de ce que disent
les novateurs, que la justice est égale dans tous les justes (Luther
proférait le blasphème que sa femme était sainte à
l'égal de la bienheureuse Vierge), puisque S. Jean dit que la justice
peut s'accroître : « Qui juslus est, juslifi-» celur
adhuc, et qui sanctus est, sanctificetur adhuc. » (Apoc. cap. ull.)
Si donc la justice peut croître dans cha-que juste selon sa propre
coopéra lion, les justes ne peu-vent avoir tous un égal mérile.
Can. 33. * Si quis dixerit, por hanc doctrinam caiho-» licam
de iustificatione, a sancta synodo hoc praesenti » decreto expressam,
aliqua ex parte gloriae Dei, vel me-» rilis Jesu Christi Domini noslii
derogari, et non potius » veri talem fidei nostrae, Dei denique ac
Christi Jesu glo-» riam illustrari : anathema sit. »
COJSTBE LES HÉRÉTIQUES.
283
TRAITÉ SUPPLÉMENTAIRE.
nu MODE D OPERATIO»; DE LA «RACE.
C. Nous avons parié jusqu'ici, on suivanl les décisions
du concile, de la justification et du mérite qui sont les effets
de la grâee : j'ai pensé qu'il sortiri agréable ati
lec-teur que j'exposasse Ifs divers systèmes des theologicas touchant
le mode d'opération de la giâce. C'est ce que je vais faire
succintemenl, ei je terminerai en disant quelle est la doctrine quo j'ai
adoptée, et qui me paraît la plus probable et la plus raisonnable
do toutes.
CI. Il y a sept systèmes au moins principaux sur celle malièie
: 1° le s}Mème des ihomistes; 2« celui de Mo-lina; 5°
des'congruistes ; 4° de Thomassin ; 5° des au-gusliniens; 6°
du P. Berti; 7° du cardinal de INoris et de Tournely, que j'ai t,uivi.
Commençons suivant l'ordre in-diqué, par lesytèmedes
thomistes.
§ Ier. Du système des thoinisies.
Cil. Les thomistes, aussi bien que toutes les autres écoles,
distinguent la giâce suffisante delà grâce efficace.
La suffisante ou autrement grâce excitante, est celle qui meut h
volonté de l'homme el lui confère la force de pouvoir choisir
et agir. Mais une telle faculté ne peut ce-
284
TRAITE
pendant se résoudre en acte si on ne reçoit aussi de
Dieu le secours efficace et physiquement prémouvanl appelé
secours quo pour le distinguer du secours sine quo, qui est attribué
à la grâce suffisante. De sorte, qu'avec le se-cours de la
grâce suffisante, on obtient seulement les bons désirs et
autres pieux mouvemens de la volonté, mais indécis, et qui
n'ont pas d'effet complet. Au con-traire, avec le secours delà grâce
efficace on obtient l'ac-complissement actuel de l'œuvre, de façon
que la grâce efficace applique physiquement la volonté de
l'homme, et à la détermination à l'acte et à
l'exécution de l'œuvre.
CUI. Ils disent que cette grâce a toujours été
nécessaire aussi bien dans l'étal de la nature innocente
que dans ce-lui de la nature corrompue; par la raison que toute vo-lonté
créée doit, quoique libre, rester dans la dépendance
de la volonté de Dieu, qui est le principe de toute li-berté.
Ils disent de plus que dans l'état présent de la na-ture
déchue, il est encore nécessaire que la grâce efficace
soit aussi médicinale, comme donnée par Jésus-Christ,
ti-tulo infirmitatis, parce que bien que par l'aide de la grâce suffisante,
l'homme ail la puissance de faire le bien, néanmoins, à cause
de l'infirmité contractée par le genre humain avec le péché
d'Adam, elle ne vaincrait jamais les obstacles si elle n'était appuyée
du secours de la grâce efficace médicinale. Ainsi parlent
Cajélan, Alvarez, Le-mos et autres.
CIV. Les thomisles fondent leur principal système de la prédétermination
physique sur la raison que Dieu est la première cause et le premier
moteur des actes de la vo-lonté créée ; et que comme
celui qui a le pouvoir suprême et absolu sur tout pont selon sa volonté
lotile-puissanle diriger la nôtre où il veut; ainsi Dieu comme
causepre-
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
285
mière détermine les causes secondes» c'est-à-dire
la vo-lonté créée et l'applique à l'acte.
Exposition des difficultés opposées au système
des thomistes.
GV. ïe dois avertir qu'en exposant les objections faites aux systèmes
désignés, je n'entends pas examiner à fond chaque
système, mais en donner seulement un aperçu et faire connaître
les difficultés principales qu'ils rencon-trent.
CVI. La plus forte objection faite au système des tho-mistes,
c'est qu'en l'admettant on ne peut plus com-prendre comment avec la prédétermination
physique, l'efficacité de la grâce peut encore s'accorder
avec la li-berté de la volonté humaine. Voilà ce que
démontre par deux argumens Honoré Tournely (dans son traité
de théo-logie, tom. 5. par. 2. art. 3. § 5. p. 425). Son premier
argument est celui-ci : ce qui procède de toute détermina-tion
de la volonté d'un autre et a une connexion méta-physique
certaine avec cette détermination ou volilion, semble détruire
notre liberté ; et telle est la grâce efficace prédéterminante
des thomistes. On sait qu'ils répondent par la distinction de la
puissance et de l'acte, et celle de la puissance dans le sens composé
et dans le sens divisé, mais avec tout cela la liberté de
l'homme ne reste pas suffisamment intelligible. Thomassin écrit
(tract, degrat. «ap. 8) : « Si enim haec auxilia proximam dant
pole&ta-» tem, qui fit ut praeceptum observet nemo ? aut quo-»
modo vere sufficientes sunt, si praeterea gratia efficax » est necessaria?
Non habet potestatem sufficientem, cui » deest auxilium necessarium.
» Gomment ponvons-nous comprendre, dit Thomassin,
que la grâce suffisante
286
TRAITE
donne la vraie puissance d'observer le précepte quand pour réduire
en acle celle puissance, la grâce efficace est encore nécessaire?
Et si la giâce efficace est nécessaire pour réduire
en acle la puissance, comment concevoir que la grâce suffisante soit
réellement suffisante? Et voilà ce qui rend inintelligible
comment dans un tel système la volonté humaine reste en effet
libre,
CVII. Le second argument est celui-ci : on ne peut repu 1er coupable
celui qui n'accomplit pas le précepte lorsqu'il est privé
de ce qui est absolument nécessaire pour cet accomplissement. Or
dans le système de la pré-motion physique nécessaire
à l'accomplissement actuel du précepte, si l'homme n'a pas
une telle giâce efficace, il se trouve privé du secours nécessaire.
Donc en n'ac-compb'ssant pas le précepte, il no peut être
inculpé puis-qu'il est pri\é du secours nécessaire
pour cet accomplis-sement.
CVI1Ï. A ces deux argumens on en ajoute un troisième tiré
de l'obligation d'avoir l'espérance chrétienne. L'es-pérance
de la vie éternelle et de la grâce requise pour l'obtenir,
doit être en nous ferme et certaine. S. Thomas dit (2. 2. qu.18.
a. 4.): « Spes est certa expectatiobeati-* tiiudinis. » Le
concile de Trente parle de même (Sess. 6. cap....) : « In Dei
auxilio firmissimam spem collocate et » reponere omnesdebent.»
Auparavant S. Paul avait écrit: « Sciocuicredidi, et certus
sum, quia potens est depositum » meum servare. s> (IL Tim. ?.) L'espérance
humaine peut bien n'être qu'une attente incertaine, puisqu'elle dépend
de la volonté changeante de l'homme qui a pro-mis ; mais l'espérance
chrétienne s'appuyanl sur la pro-messe de Dieu, qui est immuable,
est ainsi certaine, et la ciainte de ne pas obtenir la vie éternelle,
ne peut avoir
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
287
de fondement que de noire part, si nous mettons obstacle à la
grâce divine. C'est pourquoi le Seigneur a voulu que nous soyons
toujours dans la crainie de nous-mêmts, mais que nous ayons une ferme
espérance en lui pour noire salut, si nous ne tombons pas en faute,
el que nous croyons· qu'il peut cl \eul nous sauver. Mais en oulre
du précepte de l'espérance, Dieu nous a imposé celui
de la prière : « Petite ef accipietis. » A la fin de
ce supplément, nous prouverons, selon notre système, que
Dieu donne à tous la grâce suffisante de prier actuellement,
si nous le voulons, et par la prière d'obtenir ensuite la" grâce
efficace, "pour accomplir les préceptes et spécialement celui
de l'espérance; mais si la grâce suffisante n'a point lu vertu
de nous faire prier actuellement, comme disent les tho-mistes, ot si pour
l'acte de la prière il fallait encorel.i grâce effwace, laquelle
n'est point donnée à tous ; di.ns ce cas nous n'avons aucun
fondemeut certain en Dieu d'espérer la béatitude éternelle,
et notre incertitude viendrait encore de la part de Dieu, et alors voilà
l'espérance chrétienne détruite, laquelle pourtant,
suivant l'apôtre, doit ôlre ferme et assurée : «
Qui confugimus ad tenendam pro-» positam spem, quam sicnl ancoram
habemus animas » tutam ac firmam. » (Hebr. vi, 48.)
C1X. Je le dis, en vérité, si j'adoptais le système
de ceux qui nient que la grâce suffisante ait la force de faire actuellement
piier sans autre secoure, de sorte qu'il fallût eu outre la grâce
efficace de prier, comme disent les tho-mistes el le P. Beïli, selon
leus système, je ne saurais vraiment comment faire un acte d'espérance,
parce que tout en m'appuyanl sur la toute-puissance, la misericorde et
la fidélité de Dieu, je devrais encortì me fonder
SUHJ confiance d'obtenir la grâce efficace de prier; bien qu'or-
288
TRAITÉ
djnairement, comme l'enseigne S. Augustin, Dieu n'ac-corde ses giâces
qu'à ceux qui le prient. Mais pour celte grâce efficace de
prier nous n'avons point de pio-messe de Dieu, et il est certain que les
grâces efficaces ne se donnent point à tous ; je ne pourrais
donc faire que cet acte conditionnel d'espérance : « Si Dieu
me donne la grâce efficace de prier, j'espère, par le moyen
de la prière, si je veux la pratiquer, d'obtenir la grâce
efficace, d'accomplir et le précepte de l'espérance et tous
les autres, et de me sauver ; mais si Dieu ne veut pas m'accorder la grâce
efficace de prier, comme il n'est point tenu de me la donner, alors je
n'aurai plus aucun moyen, pas même celui de la prière, pour
obtenir la force d'accomplir ni le précepte de l'espérance,
ni les autres, et dans ce cas, je ne peux espérer de me sauver.
»
§ II. Du système de Molina.
CX. Le P. Molina, dans sa Concorde, n'admet point le système
de la grâce efficace par elle-même et ab intrinseco, le regardant
comme opposé à la liberté de l'homme; et il veut que
dans tout état de nature innocente ou corrompue, toute grâce
actuelle, telle que celle qui provient de Dieu, suffise pour conférer
à notre volonté la force d'opérer ac-tuellement, avec
la pleine liberté de pouvoir à son choix y adhérer,
sans aucun autre secours, ou ne pas y adhérer, de sorte que quand
l'homme y adhère, il la rend efficace, et quand il n'y adhère
pas, il la rend inefficace.
Qfl> Ainsi s'exprime Molina (In Concordia, q· 14· a.
IS. disp. 40.). Voici ses propres paroles : « Illud auxilium »
inefficax dicatur, cum quo arbitrium pro sua libertate » non convertitur,
cum potuerit converti, alioquin tale
CONTRE tES HÉRÉTIQUES.
289
«auxilium sufficiens non esset ad conversionem. » La même
opinion a pour défenseurs Lessius, Valenlia el au-tres seclaieurs.
Ainsi la grâce suffisante el la giâce efficace n'ont aucune
différence pour eux, puisque l'efficace n'a rieu de plus que la
suffisante; mais que la grâce devient efficace ou inefficace, suivant
que la volonté de l'homme ? y adhère ou lui résiste,
elparlà la volonlé est entièrement libre pour l'assentiment
ou le dissentiment. De cette ma-nière, la moindre grâce est
aussi efficace que la plus grande.
??1?. Il dit ensuite que le consenlemeni de notre vo-lonté ne
donne pas la force à la grâce et ne la rend, pas efficace
dès l'acte premier, puisque toute la forec de la grâce vient
de Dieu ; mais le consentement, qui dépend de notre volonlé,
détermine la grâce ; el il esl la condition, posé laquelle
la grâce est rendue efficace dans l'acte se-cond ; de môme
que les sacremens sont bien efficaces in actu primo, mais il dépend
des dispositions de celui qui les reçoit qu'ils deviennent efficaces
in actu secundo et produisent la grâce. Il dit encore que l'homme
paria grâce prévenante obtient un mouvement pieux dans sa
volonlé., mouvement qui le sollicite à consentir; puis, avec
la grâce coopérante, il consent de pleine volonlé et
opère actuellement.
.
CXIII. Touie la différence entre la grâce efficace des
thomistes el celle de Molina consiste donc en ce que les tho-mistes, outre
l'influence de la grâce excitante, veulent, afin que la grâce
soit efficace, la prémolion physiquediviuean· térieure
de nature et de causalité", laquelle ÌJéìwrVnine'phy-siquemcnile
consentement. Molina au contraire veut que cette action physique divine
ne soil pas antérieure, mais simultanée avec l'action de
la volonté.
Molina dit aussi que dans l'état d'innocence la grâce
XIV·
19
290
TRMTÉ
accordée aux anges et à l'homme ne fut pas purement efficace
ab intrinseco, mais fut \ersatile et efficace ab eventu, comme elle est
àt présent. H ajoute qu'il n'y a point de prédestination
sans prévision des mérites, ni réproba-tion sans prévision
des péchés. Il établit de plus qu'il n'y a point,
comme disent les thomisies, de décrets absolus, efficaces par eux-mêmes,
et qui précéderaient la détermi-nation libre de la
volonté.
CX1V. Parlant ensuite de la manière dont Dieu décrète
le salut de chaquebomme, il établit la science médiate, et
dît que le Seigneur, parla science de simple intelligence, voit tout
ce qui est possible et tes combinaisons infinies des choses; d'un autre
côté, par la science de vision , il connaît toulcequi
doit être. Il dit ensuite que Dieu, par la science médiate,
voit les futurs condilionnels, et con-naît ainsi ce que l'homme placé
dans telle ou telle cir-constance fera avec telle ou telle grâce,
et par là il porte son décret absolu de donner à l'homme
la grâce avec la-quelle il fera le bien et y persévérera,
et sans laquelle il omettra de faire le bien ou au moins n'aura pas la
per-sévérance. Ainsi, pour conclure, Molina fait reposer
toute l'efficacité de la grâce dans la détermination
de la volonté humaine, et l'enlève à la détermination
de la volonté divine ; mais là gît la principale difficulté
qui s'oppose à sa doctrine, Comme nous allons le voir.
Difficulté opposée au système de Molina.
CXV. On ne nie pas que dans le système de Molina la grâce
ne se concilie mieux avec la liberté; mais il se rencontre une bien
grande difficulté, c'est qu'une telle doctrine n'est point conforme
aux divines Écritures, les-
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
quelles, au moins pour l'étal présent de la nature déchue,
expriment trop clairement que la grâce est efficace par elle-même
et ab intrinseco, et non parle consentement de la volonté, et que
la grâce est la cause qui détermine la volonté et lui
fait opérer le bien. Comment avec cela peut-on dire que l'efficace
de la grâce ne blesse en rien la li-berté de l'homme ? nous
le verrons dans le dernier sys-tème, qui est celui que nous défendons.
Voici les passages de l'Écriture qui nous font connaître clairement
que la grâce ne devient point efficace ab extrinseco, c'est à
dire par la détermination de la volonté humaine ; mais ab
in-trinseco, c'est-à-dire que la volonté de Dieu détermine
notre volonté, et que l'action de la grâce nous fait opérer
le bien. CXVL Commençons par citer les passages qui le dé-montrent.
S. Paul écrit : « Ipsius enim sumus factura, » creati
in Christo Jesu in operibus bonis, quae prsepa-» ravit Deus ut in
illis ambulemus. » (Ad Ephes. u. 10.) Notez ces mois : « creati
in operibus bonis. » Si nous som-mes créés dans les
bonnes oeuvres, Dieu a donc fait par son décret que nos œuvres eussent
l'effet qu'elles ont. Il y a de plus, « quae praeparavit Deus : »
or si Dieu prépare nos bonnes œuvres, il a donc prédestiné
celles que nous de-vions faire. Enfin, il est dit : « ut in illis
ambulemus; » il a préparé nosbonnesœuvres, non parce
qu'ilaprévuquenous nous y porterions, mais parce qu'il fait par
sa volonté que nous nous y portons. Le Seigneur parle de même
dans Eze-chiel (xxxvi. 26.) « Et faciam, iit in praeceptis meis ambu-»
letisel judicia mea custodiatis. » II dit : « El faciam, »
re-marqueS. Augustin, « praebendoscilicetviresefficacissimas »
voluntati.»(Lib.de grat.ellib.arb.c.6.)L'apôlredilaussi: «
Deus est qui operatur in vobis velle ei proficere pio bona » voluntate.
»(Phil.u.l5.) S. Augustin : « Id est operatur
19.
292
TRAITE
» ut velimus et operemur, » e? le saint docteur ajoute:
« Nos ergo volumus, sed Deus in nobis operatur velle et » perficere.
» (De dono persev. cap. 13.) Et remarquez que S. Augustin ne dit
pas que Dieu fait que nous puis-sions vouloir, ce qui regarde la grâce
suffisante, mais que nous voulons et agissons, ce qui est le propre de
la grâce efficace.
CXVII. Continuons en citant les autres passages qui expriment la même
chose : « Sicut divisiones aquarum, » ita cor regis in manu
Domini, quocumque voluerit, » inclinabit illud. » (ProY. xxi.
4.) « Non est qui possit » tuae resistere voluntati, si decreveris,
etc.» (Esth.xu. 9.) « Consilium meum stabit, et omnis voluntas
mea fiel. » (Isa. XLvi. 10.) « Dominus exercituum decrevit,
et quis » poterit infirmare? » (Idem. xiv. 27.) Si jamais la
vo-lonté humaine pouvait déterminer la divine, comment ces
textes se trouveraient-ils exprimer des vérités? L'a-pôtre
dit : « Deus operatur omnia secundum consilium » voluntatis
suae. » (Ad Ephes. 1.11 et 12.) Donc Dieu n'attend point notre consentement,
autrement il n'opére-rait pas selon la délibération
de sa volonté, mais de la nôlre.
CXYIII. Poursuivons : « Ne supra quam scriptum est, » unus
adversus alterum inflelur proelio. Quis enim te ? discernit! Quid autem
habes quod non accepisti? Si » autem accepisti, quid gloriaris, quasi
non acceperis? » (I. Cor. iv. G et 7.) Si le décret divin
n'est pas efficace par lui-même, mais seulement indifférent
et dépendant du consentement de noire volonié, la cause qui
déter-mine à consentir ou à ne pas consentir à
la grâce ne sérail plus la volonté de Dieu, mais celle
du consentant, qu'il lire de son libre arbitre. El ainsi un homme pourrait
se glorifier à l'égard d'un aulre et dire : Je me suis élevé
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
293
au dessus de toi en déterminant par mon consentement la volonté
de Dieu au bien ; contre ce qu'enseigne l'apô-tre. S. Jean dit encore
: « Non quasi nos dilexerimus » Deum, sed quoniam ipse prior
dilexit nos. » (Jo. ep. 1. cap. A. f. 40.) Si la grâce était
indifférente et que notie consentement la déterminât,
l'homme aimerait Dieu avant que Dieu aimât l'homme.
CXIX. Nous savons bien que Molina et aes adhérensne manquent
pas de tourner lesensdecestexles en faveur de leur doctrine; mais ils ne
peuvent nier que ces passages dans leur sens simple et naturel ne démontrent
l'effica-cité de la grâce ab intrinseco. D'autant plus que
les saints Pères ou au moins la plus grande partie d'enlr'eux, les
ont ainsi entendus, et spécialement le docteur de la grâce,
S. Augustin, dans les textes que nous faisons suivre ici.
CX.X. Outre les diverses sentences de ce Père, que nous avons
déjà rapportées, considérons d'autres passagers,
qui expliquent bien clairement la question. Il écrit que la grâce
excitant la volonté humaine, non-seulement la fait agir, mais la
fait agir volontairement, sansaucune lésion de la li-berté;
voici ses paroles: « Trahitur ergo (voluntas) miris » modis,
ut velit ab illo qui novit in ipsis hominum cordi-» bus operari ;
non ul homines nolentes credant, sed ut » volentes ex nolenlibus
fiant. » (S, Augustin, lit», i. contra duas ep.Pelag.cap.19.)
Dans un autre endroit il explique que Dieu a la puissance omnipotentissima
d'incliner où il veut les cœurs des hommes, et que tout ce qu'il
opère ainsi, il ne le fait qu'avec la volonté des hommes
eux-mêmes : « Qui tamen (Deus) hoc non fecit, nisi per ipso-»
rum hominum voluntates, sine dubio habens huma-» norum cordium inclinandorum
omnipolemissimam » potestatem. » (De correpl. et grat. cap.
44. ?. 43.) Et
294
TRAITE
ailleurs : « Agit omnipotens Deus in corde hominum, ut »
per eos agat» quod eos agere voluerit. » (Idem de grat. et
lib. arb. e. 10.) Comment S. Augustin eût-il pu plus clairement exprimer
que c'est Dieu qui opère quand nous agissons et que notre volonté
n'est point la cause qui nous fait agir ? Il est vrai que dans nos œuvres
nous agis-sons de fait librement, mais cela est encore un effet de la volonté
toute puissante de Dieu, qu'en nous faisant agir elle nous fait agir avec
toute liberté. »
GXXI. S. Thomas enseigne la même doctrine en plu-sieurs endroits
: « Deus voluntatem movet immutabiliter » propter efficaciam
virtutis moventis, quse deficere non » potest; sed piopter naturam
voluntatis motse, quasin-» differenler se habet ad diversa, inducitur
necessitas, » sed manet libertas-.»(S.Thom. de malo.q.6.a.l.ad3.)
Et ailleurs : « Si Deus movet voluntatem ad aliquid, im-» possibile
est poni, quod voluntas ad illud non movea-» tur. » (1.2. q.
10. a. 4. ad 5.) Dans un autre endroit, il dit : « Impossibile est,
haie duo simul esse vera, quod » Spiritus Sanctus velit aliquid movere
ad actum chari-» latis, et quod ipse charilalem amittat peccando.
» (II. 2. q. 24. a. 11.) Nous omettons les autres passages pour ne
pas fatiguer le lecleur.
§ III. Exposition du système des congruisles.
CXXII. La doctrine des congruistes place l'efficace de la grâce
dans la congruité (convenance) de temps, de lieu et d'état
dans lequel se trouve la persone au moment de l'acte: et suivant la congrui
lé cTe ces diverses circonstances la grâce devient efficace
ou inefficace, en sorte que, posé telles ou telles circonstances,
Dieu accordera à l'homme le secours
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
29a
intrinsèque congru (convenable), qui le fera agir, et que hors
de ces circonstances il n'agira pas.
Difficulté qui contredit le système des congruistes.
CXXIII. Celle doclrine a d'abord contre elle la même difficulté
que celle de Molina, puisqu'elle enlève l'effi-cace de la grâce
à la volonté divine, qui par elle-mêine détermine
la volonté de l'homme et la fait agir suivant ce qu'elle a décrété.
En outre, s'il était vrai que l'efficace de la gvâce consistât
dans ce secours congru donné par Dieu dans certaines circonstances,
il s'ensuivrait que ce secours lui manquant, l'homme, sans qu'il y eût
de sa faute, serait privé de la grâce qui lui est nécessaire
pour son salut, sans 'avoir aucun moyen de l'obtenir. Celle objection a
déjà été faite au système des thomistes
et elle s'applique également ici. Si cette grâce congrue est
efficace, ab intrinseco, elle dépend entièrement de Dieu
et dans ce cas, posé les circonstances non congrues, elle n'aura
jamais son effet. Si d'autre part cette grâce est effi-cace ab extrinseco,.c'est-à-dire
qu'elle dépende du consen-tement de l'homme, de façon qu'elle
soit efficace quand la volonté .y adhère, et inefficace quand
elle n'y adhère pas, celle grâce congrue n'est autre alors
que la grâce de Molina.
§ ??. Du système de Thomassin.
CXXIV. Louis Thomassin dans sa Théologie dogmatique (tam. 5.
tract, 4. cap. 48.) fait naître l'efficace de la grâce de l'aggrégalion
de plusieurs aides intérieurs et extérieurs au moyen desquels
la grâce circonvient tellement la vo-lonté .de l'homme, qu'elle
en obtient infailliblement le
296
TRAITE
consentement; en sorte que (comme il dit) la volonté de l'homme
est déterminée au consentement par ces aides, mais moralement
et non physiquement.
Difficulté qui s'oppose au système de Thomassin.
CXXV. Cette difficulté est que d'après ce système
au-cun aide particnlier de la grâce ne serait infalliblement efficace,
puisque toute son efficacité dépend du concours de plusieurs
aides; mais la généralité des saints Pères
ainsi que S. Augustin, S. Thomas et les auties théolo-giens, assignent
un aide déterminé ou cause particulière par laquelle
la grâce opère efficacement.
§ V. JDu système des augusliniens : de la délectation
absolument victorieuse.
GXXVI. Les augustiniens dans ce système distinguent l'état
de h nature innocente de celui deïa nature déchue; et ils disent
que dans le premier la giâce fut versatile et qu'elle se déleiminait
par le consentement de l'homme, comme le dit ftlolina ; mais dans l'état
de la nature dé-chue, afin que l'homme puisse faire le bien, il
lui faut la grâce qui, par elle-même et ab intrinseco, soit
efficace pour toute bonne œuvre surnaturelle et détermine la vo-lonté
au consentement : et cela à cause de la faiblesse contractée
par l'homme dans sa volonté par suite du pé-ché originel.
Ils veulent donc que l'efficace de la grâce consiste dans la délectation,
non-seulement relative ou supérieure en degré, mais absolument
victorieuse, par laquelle Dieu pousse infailliblement la volonté
humaine au libre consentement, et que cette grâce opère non
phjsi-uement, mais moralement.
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
297
CXXVII. Ils disent de plus que la grâce suffisante nom-mée
«auxilium sine quo », donne à la volonté la force
de s'exercer au bien , mais cet exercice n'a d'effet que quand survient
l'aide médicinal de Jésus-Christ, la grâce efficace
appelée « auxilium quo. » Ainsi, quand il s'agit de
la nature corrompue, lesaugusliniens sonl thomistes, et quant à
la nature innocente ils sont de l'opinion de Mo· lina.
Difficulté opposée au système des augustioiens.
CXXVIII. Cette difficulté est que bien que l'homme soit le plus
souvent mu par la délectation, néanmoins souvent aussi, il
l'est par d'autres motifs, de pudeur, de désir, de haine, d'amour
de la justice , de crainte des peines. S. Augustin écrit : «
Non vis tua tibi vilia àe-» monslrari, ut fiat tibi utilis
dolor, quo medicum quse-
» ras.....quasi aut nihil agat limor correpti hominis vel
»'pudor vel dolor. » (Lib. de correp*t. et gral. cap. 5.)
Et ce saint déclare que la constance de quelque mar-tyrs eût
cédé si la crainte de l'enfer n'avait affermi chez eux la
charité. Il ajoute encore que Dieu, « miris et inef-»
fabilibus, diversis et innumerabilibus modis, » appelle à
lui les hommes, d'où il suit qu'il ne.les attire pas par la seule
délectation. En outre, il arrive souvent que l'homme est attiré
par les deux délectations, celle du péché et celle
de la justice ; mais quelque autre motif étranger survenant ensuite,
il détermine dans un sens ou dans l'autre, en sorie qu'on ne peut
dire que l'homme agit par la seule délectation.
TRAITÉ
§ VI. Du système du P. Berti et de ses adhérens
: de la délecta-tion victorieuse relativement, c'est-à-dire
par la supériorité du degré.
CXXIX. ? faut rappeler ici que le système de Jansenius consiste
à rapporter tout l'efficace de la grâce à la dé-Iectalion
relativement victorieuse par la supériorité du degré;
d'où il suit que si la délectation céleste surpasse
la terrestre, la première vaincra nécessairement, et qu'au
contraire la délectation terrestre vaincra si elle surpasse la céleste
en degré. C'est sur ce système qu'il fonda ses cinq propositions,
qui furent depuis condamnées. Ce sys-tème de Jansenius diffère
néanmoins de celui du P. Berti; car Jansenius disait que la délectation
supérieure triom-phait nécessairement de l'inférieure.
Il disait bien aussi qu'en considérant la grâce indépendamment
du rapport de degré supérieur de la délectation terrestre
contraire, elle serait suffisante pour mouvoir la volonté vers le
bien, mais en admettant la prépondérance de la délectation
charnelle, la céleste devient de fait insuffisante pour at-tirer
le consentement. Or, comment l'homme pourrait-il être inculpé
lorsqu'il manque au précepte, s'il est néces-sité
à ce manquement par la délectation charnelle? Janse-nius
vit bien celte grande difficulté, et, pressé par elle, il
fut conduit à dire que pour pécher il n'était pas
besoin de la liberté d'indifférence, c'est-à-dire
que l'homme soit libre de toute nécessité de pécher,
mais qu'il lui suffit de la liberté de coaclion (c'est sa troisième
proposition condamnée), c'est-à-dire qu'il ne soit pas contraint
à pé-cher par une force extrinsèque : «Ad merendum
et deme-» rendum, in statu naturae lapsae, non requiritur in ho-»
mi ne libertas a necessi taie, sed suffici l H ber tas a coact ione. »
CXXX. Le P. Berli ne dit pas cela, mais il prétend que selon
son système, bien que la delectati n la plus grande doive vaincre
infailliblement, néanmoins elle ne nécessite pas le consentement.
Difficulté qui se rencontre au système du P. Bèrti.
CXXXI. Bien que le P. Berli dise que quand la dé-leclation est
supérieure en degré, elle ne l'en: porte pas nécessairement,
mais infailliblement, néanmoins, dans une telle hypothèse,
la volonté n'ayant que des forces in-férieures, elle reste
privée de la puissance de ? résister : puisque les forces
inférieures ne peuvent plus >pérer au-delà de leur
sphère d'activité, et ainsi la volonté est né-cessitée
à suivre la délectation prépondérante. Quand
un des plateaux de la balance descend par la sup Priorité de son
poids, il est de nécessité que l'autre s'élèvt.
' CXXXII. Il ne sert à rien de dire avec le P. ìeili qu'il
n'entend point parler de la délectation sans d< libération
de Jansenius, que nous avons exposée plus h: ut ; c'est-à-dire
de celle qui naît en nous sons aucun consentement de la volonté;
mais que celle dont il parle est la délec-tation délibérée
à laquelle se joint le libre consentement de l'homme, et qu'ainsi,
bien que la déleclaticn prépon-dérante l'emporte certainement
et infailliblemc ni, cepen-dant elle ne vainc pas nécessairement,
comme le voulait Jansenius. Cela n'a nulle valeur, ai-je dit surtout après
la réponse qu'y fait Tournely (Theol. t. 5. p. 2. q. 5. art. 1.
conc. 5.), savoir que cette grâce, ou si l'on v< ut, la con-cupiscence,
qui est infailliblement victorieuse par la pré-pondérance
de ses forces, ne peut pas ne pas otre néces-sitante à l'égard
du consentement de la volon é. Et il le
500
TRAITÉ
prouve ainsi : « Ea gratia est necessitas, quae supponit »
voluntatem destitutam vera potentia resistendi : atqui » talis est
gratia infajlibiliter efficax ex virium gradnali » superioritale.
Nam hujusmodi gratia supponit volunta-» lem non habere ad resistendum,
nisi vires inferiores. » Repugnat autem, ut vires superiores, quae
agunt utsupe-» riores, vincamur ab inferioribus; alias necesse esset,
ut » inferiores operarenlur ultra suae activitatis gradus. »
CXXXHI. En vain répliquerait-on (dans le cas, par exemple, où
la grâce serait supérieure en degré à la con-cupiscence)
que les forces de la grâce, relativement vic-torieuses, sont bien
mises en balance avec les forces de la concupiscence prises seules et en
elles - mêmes, mais qu'elles ne le sont pas avec les forces delà
concupiscence jointes à celles de la volonté contraire, et
qu'ainsi, si la grâce est alors victorieuse, elle ne l'est pas nécessaire-ment
, puisque les forces de la concupiscence jointes à celles de la
volonté contraire pourraient bien résister et vaincre les
forces de la grâce, quoique supérieures. Le même Tournely
répond avec raison, qu'en parlant ainsi, les défenseurs du
système de la délectation relativement victorieuse, ou sont
obligés de le changer et de dire que la délectation supérieure
en degré ne triomphe pas in-falliblement, mais seulement quand elle
est jointe aux forces de la volonté, en sorte que si les forces
de la vo-lonté se joignent à celles de la concupiscence,
alors la grâce n'est point victorieuse, bien qu'elle soit supérieure
en degré : par quoi leur système est détruit, et ils
ne peu-vent plus dire que la délectation supérieure en degré
est invinciblement victorieuse ; ou il fout qu'ils avouent sim-plement
que quand la délectation est supérieure en degré à
la conçupiscenceou à la grâce, elle triomphe non-seulement
CONTRE tES HÉRÉTIQUES.
SOI
infailliblement, mais nécessairement; puisque, comme il a été
dit plus haut, les forces inférieures ne peuvent avoir la puissance
de vaincre les supérieures, d'où il suit que la délectation
supérieure par sa force intrinsèque, plus grande que celle
de la délectation inférieure, sera toujours nécessairement
victorieuse, soit que la volonlé qui y concourra soit privée
de délibération, comme disait Jansenius, ou qu'elle soit
délibérée comme le prétendent les fauteurs
de ce système. Du reste, le P. Bertietses dis-ciples diront ce qu'ils
voudront pour laver leur délecta-tion victorieuse relative du reproche
de sa qualité néces-sitante et par conséquent destructive
de la libellé hu-maine, ils n'éviteront jamais la difficulté
exposée plus haut par nous contre leur système, savoir que
quand la délectation est supérieure en degré, non-seulement
elle l'emporte infailliblement, rmisaussi nécessairement, parce
que les forces inférieures de l'une des deux délectations
ne peuvent prévaloir sur les forces supérieures de l'autre,
ce qui entraîne la nécessité que la volonlé
humaine joigne son consentement à l'appétit qui est supérieur
eh degré. Pour moijenepuis imaginer quelle réponse valable
peut être jamais faite à une aussi forte objection.
CXXXIV. C'est pourquoi les jansénistes ne veulent de nous qu'une
chose, c'est que nous leur accordions que la déleclalion supérieure
triomphe toujours de l'inférieure* et par-là ils pensent
avoir gagné leur cause. Yoiei comme s'exprime l'un d'eux, l'abbé
de Bourzeis : « Nobis enim
* sufficit, quod haec sola nobis veritas concedatur, nimi-
* nun quoties gratiae Dei consentimus, id oriri semper
* ex eo, quod rectus amor, quem Deus nobis inspirat, »
viribus superior est perverso amore, et quia viribus
* superior est, idcirco eum certissime superare.» (Abbas
502
TBAITÉ
de Bourz. collât. 4. cap. 50.) Et en parlant ainsi ils pa-raissent
avoir toute raison; car les forces inférieures ne peuvent jamais
vaincre les supérieures. Suivant un tel système, on tire
justement celle conséquence que la délectation supérieure
en degré, est toujours viclorieuse, non-seulement invinciblement,
mais aussi nécessaire-ment. Pourtant le P. Tournely
traitant de ces deux systèmes, celui de la délectation
absolument viclo-rieuse, et celui de la délectation viclorieuse
relative-ment, conclut ainsi : « Novimus quidem orthodoxos theo-»
logos, qui vim gratiae efficacem colligunt ex ipsius de-» leclatione
absolute, ac simpliciter victrice, quique in » gratia sufficienie
pares vires agnoscunt ad oppositam » actualem cupiditatem superandam.
Verum qui gratiam » velint esse victricem relative ex superioritate
graduum, » quippe non aliam, sufficientem admittunt gratiam, »
quam viribus inferiorem oppositae superioris concupis-» centiœ, non
alios quam janseniani systematis defenso-» res novimus. » (Tourn.
praelect. theol. lom. 3. p. 2. q. 9. art. 2. objec. 6.)
CXXXV. Mais le P. Berti réplique que l'efficace de la grâce,
comme il l'établit, ne diffère pas en substance de celle
qu'enseignent les thomistes, bien qu'elle procède de principes differens,
puisque les thomistes font consis-ter l'efficace de la grâce dans
la prédetermination physique et lui dans la déleclation supérieure.
Ce que fait (dil-il) la prédélerminatioh de seconde action
dans l'attraction de la volonté de l'homme au censentemenl, c'est
ce que fait la délectation ; du resle l'une et l'autre doctrine
en-seignent qu'il reste à l'homme, en premièieaclion, la
puis-sance d'opérer en sens contraire, et ainsi la volonté
agit toujours librement etsans être nécessitée.
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
305
ÇXXXVI. Mais on doit réfléchir que comme les prin-cipes
des deux systèmes sont differens ei les causes qu'ils admettent
également différentes, les conséquences doivent l'être
aussi. La cause de l'efficace de la grâce selon les thomistes est
que la volonté créée est en puissance passive, étant
en puissance de recevoir le mouvement de la grâce; d'où, pour
arriver à l'acte réel, ilest nécessaire qu'elle soit
mue par Dieu, comme premier agent, lequel applique et détermine
par ta prédélermination la puissance à l'acte. Voilà
pour ce qui concerne l'acte ; mais pour ce qui est de la puissance, les
thomistes disent que l'homme avec la grâce suffisante reçoit
la puissance prochaine-et propre à pouvoir faire le bien, comme
l'écrit le P. Gonel : « Gra-» lia quae dat posse, dat
totum complementum et totam » virtutem seu sufficientiam, quae requiritur
ex parle actus » primi. » (Man. lom. 4. tr. 7. cap. 40.) Le
cardinal Golli dit aussi : « Gratia sufficiens dat posse proximum
ei sxpe-» diium ratione potentiae. » (Theol. tom. 2. de grat.
dub. 6. §. 2.) Tous les autres thomistes s'accordent à parler
de même : si quelqu'un d'eux paraît s'exprimer différem-ment,
il parle de l'acte second et non de l'acte premier. CXXXVII. La cause,
au contraire, du principe du P. Berli, qui fonde la doctrine de la déleclalion
supérieure en degré, c'est que, comme il le dit, dans l'état
de la nature innocente, il ne fallait à l'homme pour faire le bien
que la grâce suffisante, parce qu'alors son libre arbitre étant
en-core sain et dans un parfait équilibre, il pouvait bien opérer
avec la seule grâce suffisante sans le secours de l'efficace; mais
à présent, depuis la chute d'Adam, la vo-lonté humaine
étant restée dans un état d'infirmité, eue
a besoin de la grâce efficace, qui, par le moyen deâla dé-lectation
victorieuse, l'applique à opérer le bien, Mais
504
TRAITÉ
d'après celle cause, base du système, admettant ( comme
nous l'avons dit ) que la volonté de l'homme est restée dans
un tel étal d'infirmilé qu'elle a besoin pour agir de la
giûce efficace, on ne peul plus dire que l'homme soit mu virtuellement
par la grâce suffisante, môme pour l'acte premier, la puissance
complète et prochainement apte à observer les préceptes,
ni à pouvoir faire nn'4xm acte quelconque, même médiat,
par lequel il puisse se disposer ù obtenir plus lard un secours
plus grand pour accomplir la loi.
CXXXVIII. Rien effet, le P. Berli ( dans l'apologie de sa doctrine
) n'est pas éloigné de concéder que la grâce
de force inférieure à la concupiscence ne doit pas se nom-mer
suffisante, mais inefficace. C'est ainsi qu'il en écrit dans fa
susdite apologie, répondant à l'archevêque de Vienne
en France, lequel avait combattu un livre intitulé Haianismus et
Jansenius redivivus, en reprochant spéciale-ment à l'auteur
que « veram gratiam sufficientem e medio » tollit,·
» et le P. Berli répond qu'il lient fermement pour celle opinion.
CXXX1X. L'abbéd'Aquila, dans son dictionnaire théo-logique,
lome 2, au mol délectation, a taxé de fausseté ce
que j'ai avancé dans mon livredu Moyen de taprihe, savoir que le
P. Berti niait que Ions reçussent la grâce prochai-nement
suffisante à lu prière, moyen par lequel on ob-tient le secours
plus grand et plus fort, nécessaire pour les œuvres de salui. Quant
au I». Béni, voici, comme on lil dans son apologie (Augusl.
system. vindic. diss. 5) une des (rois principales objections que lui fil
sur ce point l'archevêque de Vienne : «-Quod negat in delecta-»
lione inferioris gradus potentiam proxime expeditam, » ad hanc requirens
ex partè poenitenti», et actus primi
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
505
» robustiorem delectationem, ideoque gratiam inefficacem »
ab ipsò depraedicatur. » Et voici ce que le P. Berti ré-pondit
: « Ego vero firmissime, et absque ulla haesita-tione pronuntio,
tria doctrinae capita nuperrime com-» meoioraia nequaquam erronea
esse. » Et certes il devait répondreainsi, s'il ne voulait
pas abandonner le système embrassé par lui dans sa théologie,
dans le traité qu'il fait de la grâce, où entre aulres
questions qu'il entreprend de prouver, on trouve celle-ci, que «
Ad actualiter oran-Ï dum requiritur gratia efficax.» Ainsi donc,
si pour prier il est besoin de l'aide extraordinaire de la grâce
efficace, il n'y a donc pas dans la grâce suffisante la puissance
prochaine et propre à prier actuellement : aussi n'hé-site-l-il
pas à nommer la grâce suffisante, non pas suffi-sance, mais
inefficace, puisque pouria/endreacfuei/emenf suffisante il est besoin d'un
secours extraordinaire.
CXL. Mais celle doctrine paraît contraire à celle de S.
Augustin, qu'il fait profession.de suivre : S. Augustin enseigne, comme
nous le verrons plus bas, qu'avec la grâce suffisante nous ne pouvons
exécuter les choses dif-ficiles, mais que nous pouvons bien faire
les choses fa-ciles , parmi lesquelles le sainl compte la prière.
Pour moi, je ne vois pas comment l'opinion du P. Berli, qui dénie
à la grâce suffisante la puissance prochaine et pro-pre à
prier, peut s'accorder avec la raison ; car il m'est impossible de concevoir
que le Seigneur, même dans l'é-tat présent de la nature
déchue., mais surabondamment réparée par Jésus-Christ
dans la rédemption des hommes, e'il est vrai qu'il n'ait point denné
à la grâce suffisante la puissance complète et prochainement
apte, et si par con-séquent il a refusé à plusieurs
la grâce nécessaire pour observer actuellement les préceptes,
ou au moins pour xix
20
506
TRAITÉ
employer un moyen, comme est la prière, afin de pou-voir au
moins médiaiement obtenir le secours plus grand qui les fasse accomplir
actuellement, je ne puis conce-voir, dis-je, que le Seigneur puisse justement
exiger de ces hommes l'observance de ces mêmes préceptes,
et qu'il puisse jusiemeni aussi les condamner à l'enfer, s'ils ne
les observent pas. En voilà assez sur le système du P. Berti
et des augustiniens, avec lesquels il semble faire cause commune.
§ VII. Où nous établissons notre doctrine que, pour
accomplir les préceptes, la grâce efficace ab intrinseco est
nécessaire; mais que cette grâce s'obtient par la grâce
suffisante de la prière.
CXLI. Le P. Jean Laurent Bertî ne nie pas, et ne peut nier que
par la prière on obtient la grâce effieace; mais il dit que,
pour prier, une autre grâce efficace est encore nécessaire;
et ici revient la même difficulté que nous avons déjà
exposée plus haut, savoir, que celui à qui la grâce
efficace manque pour accomplir le précepte, s'il lui manque aussi
la grâce efficace de prier, ne pourrait être condamné
pour l'inobservation des préceptes, puisqu'il est privé de
la force et de tout moyen de les accomplir.
Notre doctrine, à nous, est que pour opérer le bien et
accomplir les préceptes, ce n'est pas assez de la grâce suffisante,
dont le secours ne peut faire opérer que des choses faciles, mais
qu'il est besoin encore de la grâce efficace ab intrinseco, laquelle
détermine la volonté hu-maine à opérer le bien,
comme nous l'avons prouvé plus haut dans le § H, nomb. 115,
en réfutant la doctrine de Molina. Nous dirons de plus que celle
grâce efficace fait le plus souvent agir par la délectation
victorieuse,
CONTRE LES UÉRÉT1QUES.
507
mais que souvent aussi elle nous détermine à agir par
d'autres motifs, comme ceux d'espérance, de crainte, etc., ainsi
que l'enseigne S. Augustin, lorsqu'il dit que Dieu lire efficacement les
hommes à lui par des moyens in-nombrables et admirables. Nous soutenons
néanmoins que la grâce suffisante donne à chacun l'activité
de prier, s'if le veut (laquelle activité est comptée parmi
les choses faciles), el que chacun ainsi peut obtenir par la prière
la grâce efficace. Nous avons déjà développé
tout au long ces propositions dans le livre de la prière; nous les
ré-sumons seulement ici et les rapportons succinctement.
CXLIÌ. Il est ceilain que Dieu veut que tous soient sauvés,
comme dit S. Paul : « Qui omnes homines vult «salvos fieri
elad agnilionem veritatis venire. » (ITim. 2. 4.) Él S. Pierre:
« Nolens aliquos perire, sed «omnes ad poenitentiam reverti.
» ( Ii Petri 5. 9. ) Dieu se plaint de ce que plusieurs courent à
leur damna-tion. « Quare moriemini domus Israel? Revertimini et vi-vite.
» ( Ezech. xxi. 51.) Le Seigneur, voulant que lous soient sauvés,
donne donc à tous la grâce nécessaire pour opérer
leur salut. El parlant, nous disons que s'il ne donne pas à tous
la grâce efficace, au moins lous reçoivent la grâce
suffisante et la puissance de prier actuellement, sans qu'il soit besoin
d'aulre gtâce, et en priant ils obtiennent la grâce efficace
pour accomplir la loi el s>e sauver. Celle doctrine est défendue
par le cardinal de Noris, parlsam-fcerl, Petau, Thomassin , le cardinal
du Perron, AI-phonse-le-Moyne et plusieurs autres que nous nommerons plus
bas ; mais elle est soutenue plus au long et expres-sément parlîonorê
Tournely. (Prsel. théol. tom. 3. q. t. art. 4. concl. 5. pag'l ?5#.)
t&Ull. Le cardinal de Noris (ÔpnsC. Jans. error, ca-
20.
508
TRAITÉ
lumnia sublata, cap. 2. §4.) prouve directement que tout homme
dans l'étal présent reçoit le secours sine quo, c'est-à-dire
la grâce suffisante ou ordinaire, qui, sans autre se-cours, produit
la prière par laquelle ensuite on obtient la grâce efficace
pour observer les préceptes : « etiam in statu » naluise
lapsae datur adjutorium sine quo secus ac Janse-» nius contendit;
quod quidem adjuiorium efficit in no-» bis actus debiles, nempe orationes
minus fervidas pro ? adimplendis mandatis; in ordine ad quorum executio-»
nem adjutorium sine quo est tantum auxilium remolum, » impetraiorium
tamen auxilii quo sive gratiae efficacis, » qua mandata implentur.
»
El il ajoute que si par l'oraison tiède on n'obtient pas d'abord
la grâce efficace, on obtient au moins l'oraison plus fervente, et
par celle-ci la grâce efficace: «Colligo ipsainmel ? tepidam
orationem fieri a nobis cum adjulorio, sine quo » non, ac ordinario
concursu Dei cum sin l actus debiles, elc., »et tamen tepida oralioneimpelramus
Spiritum fervenlioris » orationis, qui nobis adjutorio quo donatur.
» Et il con-firme ses paroles par l'autoriié de celles de
S. Augustin, ?? écrit sur le psaume 47 ; « Ego libera et valida
inten-» lione preces ad le direxi, quoniam, ul hanc habere pos-»
sem, exaudisti me infirmius orantem. »
CXLJV. Le même auteur dit au même endroit, que cha-cun
a la puissance prochaine pour prier et obtenir ensuite par la prière
la puissance prochaine pour faire le bien, et pour cela tous peuvent prier
avec la seule grâce suffisante sans autre secours. Autrement, dit
le savant cardinal, si pour avoir la puissance prochaine de prier il était
besoin d'une autre puissance pour obtenir au moins l'oraison plus fervente,
pour celle-ci il faudrait aussi une autre grâce de puissance, et
ainsi à l'infini : « Manifestum est
CONTRE LES HÉUÉTIQLES.
509
» polenliain ad orandum debere esse proximam in juslo »
sive fideli, nam si fidelis sil in polenlia remota ad sim-» pliciler
orandum (non enim hic loquor de fervida ora-» lione) non habebit
aliam potentiam pro impetranda » oratione, alias procederetur in
infinitum. »
CXLV. Le docte Denis Pelau demande pourquoi Dieu nous impose des préceptes
que nous ne pourrions pas ac-complir avec la grâce commune et ordinaire.
Parce que (répondrai-je avec Duval et autres théologiens)
le Seigneur a voulu que nous recourions à lui par l'oraison, comme
parlent généralement les saints Pères. D'où
il suit que nous devons tenir pour certain que chacun a la grâce
pro-pre à prier actuellement, cl par la prière à obtenir
le se-cours plus grand pour faire ce que nous ne pouvons opé-rer
avec la grâce ordinaire; autrement Dieu nous aurait imposé
une loi impossible ; la chose est évidente.
CXLVI. A ce raisonnement, on en joint un autre, savoir, que si Dieu
commande à tous l'observation actuelle des préceptes, on
doit certainement supposer qu'il donne aussi communément à
lous la grâce nécessaire pour celle ob-servation actuelle,
au moins médialement par la voie de la prière. Afin donc
que la loi soit raisonnable elle blâme juste, ainsi que le cbâlimenl
de celui qui ne l'observe pas, il faut que chacun ail la puissance suffisant,
au moins médiaie, par la voie de l'oraison, pour satisfaire actuelle-ment
aux préceptes, et pour prier actuellement sans avoir besoin d'un
autre secours, qui n'est point donné à lous. Autrement, élanl
privé de la puissance propre à prier ac-tuellement, on ne
pourrait pas dire que tout homme a reçu de Dieu la grâce suffisante
pour pouvoir actuellement observer la loi. Delà, Pelau (Theol. dogm.
lom.l lib.10. Cî<p. 19. c. 20.) prouve très-longuement
qu'avec la grâce
510
TRAIT*
suffisante, snns autre secours, l'homme opère le bien, et il
va jusqu'à dire que le contraire monstruosum esset, et que celnj
doctrine est non-seulement celle dos théologiens, mais celle de
l'Église. D'où il conclut que la grâce d'observer actuellement
les préceptes suit l'oraison, et que ce don de l'oraison Dieu l'accorde
en même temps qu'il impose le précepte : « Donum isiud
quo Deus dat ut justa faciamus, «effectum orationis subsequitur,
et talis effectus legi co-» mes datur. » En sorte que comme
la loi est imposée à tous, le don de prier, s'ils le veulent,
leur est en môme temps accordé.
CXLV1I. Tliomassin soutien! la même chose (In tr. consensus scholae
de gratia cap. 8. lr. S.) Il s'étonne d'a-bord qu'il y en aient
qui pensent que la grâce suffisante ne puisse seule opérer
actuellement une bonne œuvre quelconque, même la moindre. Puis il
dit que pour conci-lier ces deux propositions, que la grâce suffisante
peut conduire l'homme au salut, el que d'un autre côté la
grâce efficace est nécessaire pour observer toute la loi,
il faut dire que la grâce suffisante est apte à faire prier
ac-tuellement et à produire plusieurs autres actes faciles par le
moyen desquels on obtient la grâce efficace pour accom-plir les choses
difficiles ; selon la doctrine de S. Augustin, qui enseigne : « Eo
ipso quo firmissime creditur Deum » impossibilia non praecipere,
hinc admonemur et in fa-» cilibus quid agamus el in difficilibus
quid pelamus. » (De nat. et grai. cap. 69. ?. 83.) Sur lequel texte
le cardi-nal de Noris dit : « Igitur opera facilia, sed minus peifecia,
» facere possumus absque eo, quod magis auxilium a Deo »posiulemus,
quod tamen in difficilioribus petendum » esl.»Thomassin, à
ce sujet, rapporte en outre l'autorité de S. Bonaventure, de Scot,
el d'autres, el puis il dit :
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
511
«Omnibus ea placueresufficientia auxilia, vere sufficientia,
» quibus asseritur quandoque voluntas, quandoque non. » CXLVH1.
Haberi, évêque de Vabres et docleur de Soi-bonne, qui le premier
écrivit contre Jansenius, soutient ainsi la même opinion :
« Censemus primo quod imme-» diate ctrm ipso effectu consensus
completi sufficiens (gra-» lia) non habet habiludinem nisi contingenter
vel me-» diaie. Arbitramur proinde gratiam sufficientem esse »
gratiam dispositionis ad efficacem, ul pote ex cujus bono »usu Deus
postea gratiam completi effectus effectivam » creatae voluntati concedat.
» (Haberi theol. grsecor. pa-Irum , lib. 2, cap. 15. num. 7.) Et
il cite à l'appui de celle doctrine Gamache, Duval, Isamberl, Perez,
Le-moyne et aulres. Et dans le même (cap. 15 au num< 3, il dil
: «Auxilia igitur gratiae sufficientis sunt disposiliva ad »
efficacem, et efficacia secundum quid, effectus videlicet » incompleli
impetrantis primo remole, propitius, acian-» dem proxime, qualis
est actus fidei, spei, timoris, atque » inler haec omnia orationis.
Unde celeberrimus Alphon-» sus Lemoynus gratiam illam sufficientem
docuit esse » gratiam petendi, seu orationis, de qua toties beatus
Au-» guslinus. » Ainsi, d'après le docte Haberi, la
grâce effi-cace esl accompagnée d'un effel complet; mais la
suffisante a son effet vel contingenter, parce que tantôt elle l'obtient,
tantôt non ; vel mediate, c'est-à-dire par le moyen de la
prière. Il dit encore que la grâce suffisanie suivant le bon
usage qu'on en fait dispose à oblenir l'efficace, d'où il
nomme la suffisanie, efficace secundum quid, selon l'effet commencé,
mais non complet. Enfin, il dil que la grâce suffisante esl la grâce
de prier, sur laquelle, selon S. Au-gustin, nous devons nous appuyer. De
sorle que l'homme n'a point d'excuse s'il n'accomplit pas les choses pour
les-
312
TRAITÉ
quelles il a reçu la grâce suffisante avec laquelle et
sans autre secours, il peut ou accomplir ou obtenir le secours plus grand
pour l'accomplissement. Ce raisonnement de Haberi est parfaitement juste,
et il assure que toute la Sor-bonne partage celle doctrine.
CXLIX. La même doctrine est professée par l'auteur de
la Théologie à l'usage du séminaire de Périgueux
(lom. 2. lib. 6. qusest. 5. p. 486). 11 dit qu'avec la seule grâce
suffisanle « .aliquis potest bene agere et aliquando » agit.
» Aussi il ajoute: « Nihil velal ut ex duobus » aequali
auxilio prsevenlis faciliores actus, plenam con-» versionem praecedentes,
saepissime unus faciat, alius » non. » D'où il déduit
: « Sic quosdam pietatis actus, » nempe humiliter. Deum deprecari,
cum solo auxilio » snfficienii facere (homo) potest, et aliquando
facit, » quibus se ad ulteriores gratias praeparat. » Et tel
est, dii-il, l'ordre de la Providence touchant la grâce, «
ut » priorum bono usui posteriores succedant. » Enfin, il conclut
que pour la conversion complète- et aussi la per-sévérance
finale, « infallibiliter (homines) promerentur » oratione,
pi'Q qua sufficiens gratia, qua? nulli non » praesto est, plenissime
sufficit. »,
CL. Gelle opinion est aussi défendue par Charles du Plessis
d'Argenlré, également docteur de Sorbonne (Dis-seri. de multip.
gen. gratias.), et il s'appuie sur une foule de théologiens, lesquels
enseignent qu'avec la grâce suffisanle et sans autre secours on peut
opérer les choses faciles, et que l'homme opérant d'abord
avec la grâce suffisante obtient par suite des secours plus grands
pour sa parfaite conversion. Et c'est dans ce sens précis, dit-il,
qu'il faut entendre l'axiome fameux reçu par les écoles qne
« facientibus quod in se est » (cela s'entend toujours
CONTRE itS HÉRÉTIQUES.
M 5
viribus grattée, c'est-à-dire de la grâce suffisante)
« Dens * non denegat gratiam, c'est-à-dire la plus abondante
et efficace.
CLI. C'est aussi le sentiment du cardinal d'Aguirre (Theol. S. Ans.
tom. 3. disp^ 4'55. et 17(>.j èldti P. An-toine Boucal (Theol. patrum
diss. 3. séct. 4.),'qui sou-tient avec force que chacun péul,
par l'oraison et sans autre secours, obtenir la grâce de la conversion,
et il cite à l'appui de cette doctrine (outre Gamache,' Du-Val,
Ha-hert, Le-Moyne) Pierre de Taranlarsé, l'évêque de
Tulles, Godet des Fontaines, Henri de Gand, docteurs de Sór-bonne,avec
le professeur royal Lygni, lequel, dans son Traité delà Grâce,
démontre que la 'grâce suffisante donne la prière et
le pouvoir d'opérer lés choses de moindre dif-ficulté.
Gaudence Bontemps parle dans Je môme sens (in Pulladio deiheol. de
grat. disp. 1. q. 1.), démontrant qu'avec la grâce suffisante
on obtient l'efficace par le moyen de la prière, laquelle est accordée
à tous ceux qui veulent s'en aider. Le savant P. Fortuné
de Brescia parle de même (Corn. Jans. syst. confuf. par. 2. num.
225. p. 297.), et soutient que tous oni la grâce médiate de
l'oraison pour accomplir les préceptes, et il regarde comme indubitable
que telle a été l'opinion de S. Augustin. Ri-chard de Saint-Viclor
(De statu inter. hom. met. 4. cap. 15.) dit que la grâce ordinaire
est suffisante suivant que l'homme y adhère ou non. Matthieu Félix,
qui a écrit con-tre Calvin, définit ainsi la grâce
ordinaire ou suffisante: « Est motio divina, qua movetur homo ad
bonum, nec » alicui denegalur. Alii illi acquiescunt, sicque ad gra-»
tiam habilualem disponuntur; alii repugnant. » André de Vega
parle de même : « Haec autem auxilia, quae om-» nibus
danlui-, a plerisque inefficacia vocantur, quia non
814
TRAITÉ
» semper habent suum effectum, sed aliquando a pecca-»
toribus frustrantur. »
CLII. Le cardinal Golli, dans un endroit de sa théologie, paraît
s'accorder avec nous, puisque se posant l'objection : Comment l'homme peut-il
persévérer s'il le veut, quand il ne possède pas le
secours nécessaire à la persévérance ? il y
répond que bien qu'un pareil secours ne soit pas en son pouvoir,
« in potestate tamen hominis dicitur esse quod » ipse per Dei
gialiam potest ab eo petere, ac obtinere ; et » hoc modo in hominis
potestate dici potest esse, ut » habeal auxilium ad perseverandum
necessarium, illud » impelrando orationibus. » Or4 comme, pour
qu'il soit vrai de dire qu'il est au pouvoir de l'homme de persévérer,
il est nécessaire qu'il puisse par l'oraison obtenir le se-cours
pour persévérer actuellement, sans avoir besoin d'au-tre
grâce; de même il est nécessaire qu'avec la seule grâce
suffisante commune à lous et sans le secours d'une autre grâce,
il puisse acluellement prier et par la prière obtenir la persévérance,
autrement on ne pourrait dire que chacun ail la grâce nécessaire
pour persévérer, au moins la grâce éloignée
et médiate par le moyen de la prière. La chose est entendue
de cette manière par S. François de Sales, puisqu'il dit
dans son Théotime (lom. 2. lib. 2. cap. 4.), que la grâce
de prier acluellement est donnée à lous ceux qui veulent
s'en servir, d'où il conclut qu'il est au pouvoir de lous de persévérer.
Puis, après avoir démontré la né-cessité
de prier continuellement pour obtenir de Dieu le don delà persévérance
finale, il ajoute : « Or, comme le don de » l'oraison est libéralement
promis à lous ceux qui veu-» lent accéder aux divines
inspirations, par conséquent il » est en notre pouvoir de
persévérer. » Le cardinal Bel-larmin dit de même
: « Auxilium sufficiens ad salutem
CONTRE MS HÉRÉTIQUES.
515
» ??? loco et tempore, mediate vel immediate omnibus »
datur, etc. Dicimus mediale vel immediate, quoniam » iis qui usu
rationis utuntur, immitti credimus a Deo » sanctas inspiraliones,
ac per hoc immediate illos habere » gratiam excitantem; cui si acquiescere
velint, possint » ad justificalionem disponi, ei ad salulem aliquando
per-» (ingere. » (Bellarm. tom. 4. controv. 3 degrat. lib.
2. cap. 5.) S. Thomas écrit sur ce texte de l'apôtre (I. Cor.
?. 43.): «Fidelis Deus, qui non patietur vos lenlari supra »
id quod non potestis; » que Dieu ne serait pas fidèle, s'il
ne nous accordait pas (en tant qu'il est en lui) ces grâces, par
le moyen desquelles nous pouvons opérer notre salut : « Non
autem videretur esse fidelis, si nobis de-» negaret, in quantum in
ipso est, ea per quœ pervenire » ad eum possemus. » (S. Thom.
lect. l.inc. l.ep.l.ad Cor.) En outre, dans cent passages de l'Écriture,
Dieu nous exhorte à nous convertir el à recourir à
lui par la prière, promettant de nous exaucer, si nous le prions
: « Con-» vertimini ad me, et ego convertar ad vos... Converti-»
mini ad coneptionem meam, et proferam vobis spiri-» Ium meum. »
(Prov. ?. ex f. 20.) « Revertimini, et » vivite. (Ezech....)
« Venite ad me omnes, qui laboratis, » et onerati eslis, et
ego reficiam vos. » (Matth. xi. 28.) ·« Petite, et dabitur
vobis. » (Mallh. vu. 7.) Le cardinal Bellarmin dit (De gral. lib.
2. cap. 5.) que ces exhorta-tions, convertimini, revertimini, venite, petite,
seraient de fait vaines et dérisoires, si Dieu ne donnait à
tous au moins la grâce propre à prier actuellement , s'ils
le veulent.
GLIII, Mais s'il en était autrement, comment le concile de Trente
eût-il pu (sess. ?. el cap. 13.) réprouver les hérétiques
qui voulaient que l'observation des préceptes
5Ì6
TRAITÉ
fût impossible, et nous enseigner celle doctrine : « Deus
» impossibilia non jubct, sed jabendo nionel et facere » quod
possis, et petere quod non possis, et adjuvat » ut possis. »
Cela établi, je ne sais comment quelqu'un pourrait soutenir que
pour prier actuellement, il ne suffît pas d'avoir la grâce
commune à tous, mais qu'il faut encore la grâce efficace qui
nous fait prier actuellement. Le P. Fortuné de Brescia dit avec
raison que si la grâce de prier actuellement n'avait pas été
donnée à tous, et qu'il fût besoin de l'efficace que
tons n'obtiennent pas, on potinait dire que la prière serait en
un sens impossible à Îe grand nombre auxquels manquerait la
grâce efficace pour prier. El alors le concile aurait eu tort d'enseigner
que Dieu « monet petere quod non possis, » car ce serait nous
engager à demander, c'est-à-dire à faire une chose
pour l'accomplissement de laquelle nous manquons du secours actuel, sans
quoi cet accomplissement esl impos-sible : l'avertissement divin de prier
doit donc s'entendre de la prière actuelle, sans besoin d'une autre
grâce non commune à tous. En même temps que le Seigneur
avertit l'homme de faire actuellement tout ce qu'il peut faiye sans grâce
nouvelle, « monet et facere quod possis, » il l'engage pareillement
à prier actuellement sans grâce nouvelle, mais avec la grâce
commune que Dieu accoïde à tous; ce qui est bien expiimé
pal'ces dernières paroles: « El adjuvat ut possis. »
Voilà justement ce que S. Au-gustin a voulu npus faire entendre
en écrivant les paroles rapportées plus haut : « Eo
ipso <\uo firmisse ciedilur, » Deum impossibilia non praecipere,
hinc admonemur et » in facilibus quid agamus et in diflìcilibus
quod pela-» mus. » (De nal. ei grat. cap. 69. ?. 83.) Paroles
où il fait assez voir que si tous n'ont pas la grâce pour
faire les
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
317
choses difficiles, lous au moins ont la grâce de prier. Résumons
notre argument. Le concile dit que Dieu n'im-pose pas de préceptes
impossibles, parce que ou il ac-corde le secours nécessaire pour
les observer ou il donne la grâce de prier pour obtenir ce secours,
et qu'ainsi il nous aide à faire l'un ou l'autre. Or, s'il pouvait
être vrai que le Seigneur ne donne pas à lous au moins la
grâce médiate actuelle de la prière pour observer en
effel tous les préceptes, il faudrait dire avee Jansenius, que relati-vement
à ceitains préceptes, l'homme juste manque de la grâce
nécessaire pour les observer actuellement. ,
CL1V. Ajoulons que noire doctrine est confirmée par les saints
Pères. S. Basile (lib. moral, summar. Summa 62 cap. 3) dit : «
Uti lamen quis permissus est in len-» tationem incidere, eventum,
ut suffme posait, et,vo-» lunlatem Dei per orationem petere. »
Donc, suivant ce saint, quand un homme est tenté, Dieu le permet
afin qu'il résiste et qu'il cherche à faire la volonlé
divine par le moyen de la prière. Donc il suppose que si l'homme
n'a pas le secours nécessaire pour vaincre la lentaiion, il a au
moins le secours commun de la prière pour obte-nir la grâce
majeure qui lui est nécessaire. S. Jean-Chry-soslôme (homil.
de Mose) écrit : «Nec quisquam pote-» rit excusari,
qui hostem vincere noluit, dum orare » cessavit. » Si cet homme
n'avait pas la grâce actuelle de la prière pour obtenir le
secours efficace de la résis-tance, ne serait-il pas excusable dan.s
sa défaite? S. Ber-nard dit la même chose (serm. 5 de quad.
) : « Qui su-» mus nos? aut quas fortitudo nostra? hpc quaerebat
» Deus, ut videntes defectum nostrum, et quod non esset » auxilium
aliud, ad ejus misericordiam loia hugaili-» late curramus. »
Dieu nous a donc imposé une loi im-
31g
TRAITÉ
possible pour nos forces, afin que nous recourions à lui, et
que nous obienions par la prière la force de l'obser-ver; mais si
Dieu avait refusé à quelqu'un la grâce de prier actuellement,
pour lui la loi serait absolument im-possible : mais il n'en est pas ainsi
» dit S. Bernard : « Multi queruntur, deesse sibi gratiam,
sedmullojustius » gratia queretur deesse sibi multos. » C'est
avec bien plus de raison que le Seigneur se plaint que nous man-quons à
la grâce qu'il nous accorde, que nous de ce que la grâce nous
manque. Mais aucun Père n'a développé plus clairement
cette doctrine que S. Augustin en de nombreux passages. Dans l'un il dit
: « Ideojubel. (Deus) » aliqua quae non possumus, ut noverimus
quid ab illo » petere debeamus.» Vide contra duas epistulas
Pelag. » Ailleurs il dit encore : « Isla tua propria peccata
sunt, » nulli enim homini ablatum esi scire utiliter quaerere. »
(Lib. 5. de lib. arb. cap. 49. num. 5o.) Il ajoute dans un autre endioit
: « Quid ergo aliud ostenditur nobis, » nisi quia et petere,
et quaerere, et pulsare ille concedit, » qui ul haec faciamus jubet.
» (Lib. 1. ad simpl. qu. 2.) Il dit encore dans un autre lieu : «
Semel accipe et inlel-» lige : nondum trahens?ora ut traharis.»
(Tract. 26. in Joan. num. 2.)« Homo qui voluerit, et non potuerit,
oret » ul habeat tantum (voluntatem) quanta sufficit ad adim-»
plenda mandata ; sic quippe adjuvatur, ut faciat quod » jubetur.»
(Deerat, et lib. arb, t. 10. num. 31. infin.) Tous ces passages n'ont pas
besoin d'autre explication, il dit enfin: «Praecepto admonitum est
liberum arbilrium, ut » quaereret Dei donum ; at quidem sine suo
fructu admo-» nerelur, nisi prius acciperet aliquid dilectionis,
ut addi » sibi quaereret, unde quod jubebatur impleret. » (
De grat. et lib. arb. e. 28.) Notez ces mois : aliquid dilectio··
CONTRE LES IIÉRÉTIQUES.
519
nis; voilà la grâce suffisante par laquelle l'homme peut
prier et obtenir la grâce actuelle d'accomplir le précepte.
Ailleurs il dit : « Jubet ideo, ut facere jussa conati , »
et nostra infirmitate fatigati adiutorium gratiae petere » noverimus.
» ( In ep. 89. ) Par là le saint suppose que par la grâce
ordinaire nous ne pouvons pas d'abord ac-complir les préceptes,
mais que nous pouvons obtenir par la prière le secours nécessaire
à cet accomplissement. On lit dans un autre endroit : « Hoc
restat in ista mortali » vita, non ut impleat homo justitiam, cum
voluerit, sed » ut se supplici pietate convertat ad eum, cujus dono
«eam possit implere. » (Lib. div. qu. ad simpl. qu. 1. mem.14.)
S. Augustin, en disant qu'il ne reste à l'homme dans celte vie que
de se tourner vers Dieu, par le secours de qui il peut accomplir la loi,
suppose donc comme cer-tain que tout homme possède la grâce
de prier actuelle-ment; autrement, s'il était privé non-seulement
de la grâce efficace, mais encore de la grâce commune de la
prière, il ne lui resterait plus aucun moyen d'observer la loi et
de se sauver.
CLV. Pardessus tous, deux textes de S. Augustin viennent parfaitement
à notre propos. Le premier : « Cer-» tum est nos mandata
servare si volumus; sed quia » praeparatur voluntas a Domino, ab
illo petendum est, » ut tantum velimus, quantum sufficit ut volendo
facia-» mus. » {De grat. et lib. arb. e. 16. ) Le saint dit
que nous pouvons observer les préceptes si nous le voulons ; lûais
pour avoir la volonté de les observer» nous devons demander
la grâce de vouloir de manière que noire vo-lonté amène
l'accomplissement. Donc tous ont dû rece-voir la grâce de demander
cette volonté vraie d'observer les préceptes; autrement,
si même pour demander ac-
320
TRAITE
luellemenl cette volonté, il est besoin de la grâce efficace
non commune à tous, ceux à qui elle n'aurait pas été
donnée ne pourraient pas même avoir la \olonlé d'accom-plir
les préceptes.
CLVI. Le second lexle est celui (lib. de correpl. et grat. cap. 5)
où le^sainl docteur répond aux moines d'A-drumet qui disaient
: « Si la grâce est nécessaire, et qu'elle me manque,
pourquoi me blâmer quand je ne puis agir? priez plutôt pour
moi le Seigneur afin qu'il m'accorde cette grâce, « ora potius
pro me. » El le saint leur répond : Vous devez être
réprimandés, non parce que vous n'avez point agi, n'en ayanl
pas la puissance, mais parce que vous n'avez point prie pour l'obtenir
: « Qui corripi non vult, et dicil, ora potius pro me; ideo ^corripiendus
est ul faciat etiam ipse pro se : » c'esl-à-diie, «
ul orel etiam ipse pio se.» Or, si le saint n'avail point pensé
que chacun reçoit la grâce suffisante avec la-quelle il prie,
s'il le veut, sans avoir besoin d'autre se-cours, il n'aurait pas pu dire
d'une manière absolue, que celui qui ne priait pas devait êire
repris ; car celui-ci au-rail pu répliquer : Mais je ne puis être
repris pour ne pas prier quand je suis privé de la grâce de
prier actuellement. Mais S. Augustin suppose toujours comme certain, que
ceux qui n'ont point la grâce efficace pour faire le bien ont au
moins la grâce de prier, et par la prière peuvent obtenir
le secours nécessaire pour agir : « Quando autem » non
agunt, oient, ut quod nondum habent, accipiant. » D'où Bellarmin,
répondant aux hérétiques, qui, fondés sui ce
texte : « Non potest venire ad me, nisi Pater meus » traxerit
eum, » en concluaient que nul ne peut aller à Dieu sans être
particulièrement attiré par lui, leur disait : « Respondemus
eo solum concludi, non habere omnes
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
321
» auxilium efficax, quo reipsa credant; non tamen con-»
cludi, non habere omnes saltem auxilium, quo possint » credere, vel
certe quo possint auxilium petere. « (Lib. 2. de grat. cap. 8.)
GtVII. Résumons ici notre doctrine, que nous venons de voir
soutenue par tant de théologiens : d'une part, elle admet la grâce
intrinsèquement effieace par laquelle nous faisons le bien infailliblement
(quoique toujours libre-ment ) ; on ne peut nier en effet que Dieu peut
par sa toute-puissance mouvoir les cœurs des hommes à vouloir librement
ce qu'il veut lui-même, comme nous l'avons observé dans notre
réponse au système de Molina. D'un autre côté,
notre doctrine admet la grâce vraiment suffi-sante, commune à
tous, par laquelle, si l'homme veut y adhérer, il obtient aveccerlilude,
au moyen delà prière, la grâce efficace; mais s'il
ne s'y allachè pas, là grâce suf-fisante lui sera refusée.
Il n'aura plus pour excuse qu'il n'avait pas la forée de vaincre
les tenlâlions, parce que s'il avait voulu s'appuyer sur la grâce
de prier, commune à tous, il aurait obtenu par la prière
cette force qui lui manquait, et se serait sauvé.
CLVIII. Que si l'on n'admettait pas celte giâce suffi-sante avec
laquelle, sans le secours d'une autre grâce non commune à
tous, chacun peut prier, obtenir par la prière la grâce efficace
et observer la loi, je ne comprendrais plus comment les orateurs sacrés
peuvent exhorter les peuples à se convertir, alors que plusieurs
resteraient privés, même de la grâce de prier; car les
peuples pourraient leur ré-pondre : « Ce que vous nous dites,
dites-le à Dieu, afin » qu'il le fasse lui-même, puisque
nous, nous n'avons ni >> la grâce immédiatement efficace de
nous convertir ac-» tuellement, ni la grâce suffisante médiate
pour l'obtenir xix.
21
g-22
TRAITE
j, par le moyen de la prière. » Je ne pourrais non plus,
m'expliquer comment l'Écriture sainte est si pleine d'exhortations
aux hommes d'obéir à la voix de Dieu, sj tous les hommes
ne reçoivent pas la grâce de la prière, puisqu'alors
ceux qui seiaient également privés de la giàce efficace
pour prier pourraient dire à Dieu : « Sei-» gneur, pourquoi
nous dites-vous cela à nous? Faites-le » vous-même,
puisque vous savez que nous n'avons pas ? même la grâce de
vous prier de nous faire correspondre » à votre exhortation.
» Enfin, je ne concevrais pas la jus-tice de ceieproche adressé
aux pécheurs : « Vos sempei » Spiritui Sancto resistitis
» ( Act. 7. 51 ), alors qu'ils manqueraienl de la grâce éloignée
nécessaire pour prier actuellement.
CL1X. Au contraire, noire doctiine de la grâce de la piière
commune à tous écarte l'excuse de ceux qui oseraient dire
qu'ils n'avaient pas la force de îésiblei aux assauts de la
chair et de l'enfer, puisque, s'ils n'a-vaient pas la force actuelle de
résister, ils avaient au moins la grâce de la prière,
avec laquelle ils auraient obtenu le secours efficace et auraient été
vainqueurs.
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
VIIe SESSION.
DÉCRET SUR LES SACREMEKS.
Des Sacreraens en général.
I. Sur le sujet des sacremens en général, du baptême
et de la confirmation en particulier, il u'a point paru nécessaire
aux Pèrei du concile d'exposer la vraie doc-trine dans des décrets
séparés, comme ils l'avaient l'ail dansla session précédente
louclianl la justification, mais ils-jugèrent qu'il sufh'sail de
condamner les erreurs. On formula en conséquence trente canons de
foi : treize sur les sacremens en général, quatorze sur le
baptême et trois sur la confirmation.
II. On lildans le préambule, que, pour compléter la doc-trine
sur la juslificaiion promulguée dansla session précé-dente,
il a paru convenable de traiter des sacremens, parle .moyen desquels la
grâce se communique à nous, et que pou r cela le concile élablissail
plusieurs canons pour condam-ner les erreurs contraires à la foi.
Nous transcrivons ici ces canons, à chacun desquels nous joindrons
les objec-tions et les observations qui y iurent faites.
III. Dans le, can. -1 il est dit : « Si quis dixerit sacra->
menla novaì legis non fui&se omnia a Jesu Christo Do-»
mino nostro instituta ; aut esse plura vel pauciora quam
21.
324
TRAITÉ
» sepiem, videlicet baptismum, confirmationem, eucha-»
ristiam, poenitentiam, exlremam-unclionem, ordinem, » matrimonium;
aut etiam aliquod horum septem non » esse vere et proprie sacramentum
: anathema sit. »
IV. Soave (fra Paolô) dil que quant au nombre des sacremens,
tous les Pères conviennent unanimement qu'il y en a sept, et que
celte vérité est confirmée par l'autorité des
scholasliques, ayant à leur tête le maître des Senten-ces,
ainsi que par le concile de Florence et la tradiiion de l'Église
romaine. Mais on devait y ajouter l'accord de l'Église grecque,
laquelle, bien que séparée depuis huit siècles de.
l'Église romaine, sur ce point du moins n'est point divisée.
El cela était nécessaire à noter pour faire voir que
celte vérité nous était parvenue par Jésus-Christ
et les apôlres.
V. De plus, Soave, faisant à son ordinaire la leçon
au concile, déclare que pour lui il pensait qu'il eût élé
bien cfé ne pas marquer expressément que les sacremens sont
au nombre de sept, * et non plura vel pauciora , » disant que les
opinions variaient touchant la définition et l'es-sence du sacrement,
et qu'ainsi on ne pouvait établir avec une entière certitude
quels et combien ils étaient. Mais on répond qu'il nous suffit
de savoir que les sa-cremens sont de certains signes sensibles qui opèrent
au ìióm de Îésus-Clirist, lesquels, toutes les
conditions Vou-lues étant remplies, apportent par eu*-mêmes
et infailli-blement la grâce. C'est pourquoi les sacremens ne sont
pas des choses semblables â là Bénédiction d'un
àbbé, ni à la création des éardinaux
et àulféâ fóncrióìis nommées
pÂi Soâvé; car ces choses ne produisent pas là
grâce, pas plus que le martyre lui-même, qui n'esf point adminis-tré
rtù nom d&Ì&irè-CÌìrisr, mais
cri haine' de Jésus-ChYîst.
CONTP.E LES, HÉRÉTIQUES.
525
Du veste, peu importe de connaître la quidve, des sa-cremens
el en quoi consiste leur essepee.
VI. Il y eul bien dans le concile quelques Pères qui n'étaient
point d'avis de mettre ces mots ; « plura vel pau-» cioja quam
septem, » disant que cela n'avait pas été usité
chez les anciens docteurs, ni dans le synode de Carlhage, ni dans
le concile de Florence. Mais on répon-dit que dans ces temps les
deux hérésies, dont l'une n'ad-mettait que deux ou trois
vrais sacremens, et l'autre ad-mettait que tous les actes auquels la grâce
est promise dans l'Écriture, comme l'aumône el la prière,
étaient tous des sacremens, n'avaient point encore paiu,
VII. Le can. 2, porte : « Si quis dixerit ea ipsa nova
» legis sacramenta a sacramentis antiquae legis uon dif-» fere,
nisi quia ceremoniœ sunt aliae, el alii ritus externi : » anathema
sit. »
VIII. Au sujet de la différence des sacremens de l'an-cienne
loi et de ceux de la nouvelle, Soave fait plusieurs discours afin de mettre
en doute la vérité catholique. Celle vérité
est que les sacremens de la loi nouvelle pro-duisent la grâce, et
ceux de l'ancienne ne faisaient que la figurer. Ainsi, c'est une erreur
de dire, avec les nova-teurs , que nos sacremens ne sont que de purs signes
de la grâce, puisque, bien qu'ils soienl signes et qu'ils figurent
la giâce, ils la produisent en même temps, comme les nuages
sont à la fois signes et causes de la pluie. C'est pourquoi S. Paul
appelle toutes les cérémonies de l'an-cienne loi, «
élémens impuissans et ombres des choses » futures.
» (Gui. 4.9. Coloss. 2. 17.) Mais l'Évangile au contraire
nous affirme que par le baplûme l'homme re-naît à la
grâce, qus dans le saciemcnl do la péniienee, les péchés
sont remis, que dans l'eucharistie on reçoit ?,?
326
TRAITÉ
vie, que par l'imposition des mains des évêques, l'esprit
saint descend en nous. D'où on voit que les sacrèmens ne
sont pas des signes stériles, mais encore des causes produisant
la grâce qu'ils promettent.
IX. Dans le can. 3 on lit : « Si quis dixerit haec sep·
» tem sacramenta, ita esse inier te paria, ul nulla ratione »
aliud sit alio dignius : anathema sit. »
X. Dans ce canon, les mots nulla ratione furent ajou-tés,
parce que Luiher prétendait que tous les sacremens sont entièrement
égaux, comme il l'avait déjà écrit au sénat
de Prague en ces termes : « 11 n'y a pas de sacre-» ment plus
digne qu'un auire, puisque tous consistent » dans la parole de Dieu.
» Mais cela est contraire à ce qu'ont écrit S. Denis,
S. Ambroise et Innocent III, dans le cap. cum Marthae, de celebr. missa.
Dans le concile, quelques-uns insinuaient que chaque sacremenl a quel-que
excellence particulière, par laquelle il «e reste pas in-férieur,au:;
autres; mais ce qu'ils en dirent ne fut pas pris en considéralion.
XI. Le can. 4, porte : « Si quis dixerit sacramenla
» novselegis non esse ad salutem necessaria, sed superflua ; »
et sine eis aut eoium voto per solam fidem homines a » Deo gratiam
justificationis adipisci, licet omnia singulis » necessaria non sint
: anathema sit. »
XII. Les hérétiques sont d'autant plus opposés
à la né-oessilé des sacremens qu'ils tiennent que
c'est la foi seule qui nous justifie. Les sacremens selon eux servent seu-lement
à exciter et nourrir celte foi, laquelle d'ailleurs peut, disenl-ils,
être excitée et nourrie par la prédici-lion. Mais cela
est certainement faux, et celte erreur PSI condamnée dans les canons
suivans, 5, 6, 7 et 8 , parce que nous savons par l'Écriture elle-même
que quelques
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
327
sacremens sont nécessaires au salut par eux-mêmes ei de
nécessité de moyen , comme le baptôme à lou's,
la péni-tence à ceux qui sonl retombés dans le péché
depuis le baplême el l'eucharistie, qui, au moins en désir,
est éga-lement nécessaire à tous.
XIII. Soave dit encore que le vœu ouïe désir au moins implicite
du baptême (la même chose se dirait de la pé-nitence
pour le pécheur) ne paraissait pas à plusieurs pères
du concile êlrenécessaiieà la justification, puisque
Corneille et le bon larron, sans avoir de notion du bap-tême , avaient
été justifiés. Mais Palavicin répond que cette
opinion, rapportée par Soave , n'est qu'un rêve de • son esprit
; car les théologicus de Trente pour défendre leur opinion
n'auraient pu s'appuyer de l'exemple de Corneille cl du bon larron, puisque
personne n'ignore que l'obligation du baplême ne commença
qu'après la mort du Sauveur el depuis la promulgation de l'Évan-gile.
Du reste, ou ne peut nier que dans l'acte de parfait amour de Dieu, lequel
suffit pour la justification, se trouve le \œu implicite du baptême,
de la pénitence et de l'eu-charistie? Qui veut un tout, veut encore
chaque partie de ce loulettous les moyens nécessaires pour l'acquérir.
Il faut, pour que l'infidèle puisse être justifié sans
le bap-tême , qu'il aime Dieu par-dessus tontes choses, et qu'il
ail une volonté générale d'observer tous les divins
pré-ceptes, parmi lesquels le premier est de recevoir le bap-tême.
Afin donc qu'il soit justifié, il est nécessaire qu'il ail
au moins le desit" implicite de ce sacremerit, puis-qu'il est certain qu'à
ce désir est attachée la régénération
spirituelle du non baptisé, de même que la rémission
des péchés aux baptisés repentans est attachée
au vœu implicite ou explicite de l'absolution sacramentelle.
328
TRAITÉ
XIV. Ou ajouta ensuite au susdit canon ces paroles, « licet
omnia singulis necessaria non sint ; » et cela en vue de condamner
Luther, qui prétendait qu'aucun des sacremensn'était absolument
nécessaire au salut, faisant entièrement dépendre
le salut delà foi, comme nous l'a-vons dit, et nullement de l'efficacité
des sacremens.
XV. Dans le can. ?, on lit : « Si quis dixerit haecsacra-»
menta propter solam fidem nutriendam instituta : ana-» thema sit.
»
XVI. Dans le can. 6 : » Si quis dixerit, sacramenta »
novae legis non continere gratiam quam significant, aut » gratiam
ipsnm non ponentibus obicem non conferre, » quasi signa tantum externa
sint accepi se per fidem gra-» lise, vel justitiam, et notae quaedam
christianae profes-» sionis, quibus apud homines discernuntur fideles
ab in-» fidelibus : anathema sit. »
XVII. Dans le can. 7 : « Si quis dixerit, non dari gra-»
liam per hujusmodi sacramenta semper, et omnibus, » quantum est ex
parte Dei, etiamsi rite ea suscipiant, sed » aliquando, ei aliquibus
: anathema sit. »
XVIII. Dans le canon 8 : « Si quis dixerit, per ipsa »
novae legis sacramenta ex opere operato non conferre » gratiam, sed
solam fidem divinas promissionis adgra-» tiam consequendam sufficere
: anathema sit. »
XIX. Les erreurs énoncées en ce canon furent juste-ment
condamnées; nous ne les rapportons pas, elles sont les mêmes
que le canon 11.
XX. Dans le canon 9 on lit : « Si quis dixerit, in Iri-«
bus sacramentis, baptismo scilicet, confirmatione, et » ordine non
imprimi characterem in anima, hoc est si-? gnum quoddam spirituale, ei
indelebile, unde ea ile-» rari non possunt : anathema sit. »
XXI. Sur le dogme enseigné par l'Eglise cajholique touchant
le caractère qu'impriment chns l'ame les trois sacremens nommés
dans ce canon, le bnpiême, la con-firmation et l'ordre, lesquels
ne peuvent être confé es deux fois, Soave produit l'opinion
émise par Scol, dans (IV. disl. qu. 9.) qu'une telle doctrine ne
dérivait nécessaire-ment d'aucun texte de l'Écriture
ou des Pères, mais de la seule autorité de l'Église,
d'où lui-même dédi isaïl in-justement que Scot
niait très-convenablement celts vérité. Mais c'est
là une pure calomnie, car, bien que Sc( l diffère à
ce sujet de sentiment avec les autres, lesquels s'accor-dent à dire
que ce dogme se prouve suffisamment par les Pères et par l'Écriture,
cependant on ne peut ni dire ni supposer que Scot nie, ou même doute
du caractère des trois sacremens dont il s'agit. Ce dogme d'ailleurs
est prouvé par plusieurs textes de l'Écriture, et spécialement
par la seconde épi Ire de S. Paul aux Corinthiens ?. 22.),
où il est dit que Dieu nous met un signe et nous donne un gage de
son héritage : « Qui et signavit nos, et dedit » pignus
spiritus in cordibus nostris. » Et celte \ériléest
plus clairement encore exprimée dans les Pères grecs et latins
cités par Belhirmin (De effect. sacram, lib. 2. c. 21.), parmi lesquels
se trouve S. Augustin, qui dans scnépîtte vingt-trois parle
ainsi : « Le sacrement de bapîène suffit » pour
la consécration; celle-ci rend l'hérétique c jupable
y> tant qu'il reste éloigné du troupeau du Seigneur, puis
» qu'il porte le signe du Seigneur. La doctrine saciée nous
» enseigne donc qu'il doit être corrigé, mais non onsacré
» de nouveau. »
XXII. Les hérétiques commettent l'erreur de croire
que les impressions divines sont comme les droits et le pou-voir que les
hommes ont sur la terre, et qu'ils acculèrent*
TRAITÉ
par eux-mêmes ou qui leur sont conférés extrinsèque-menl
: mais les impressions de la grâce sont surnaturelles et intrinsèquement
produites par Dieu dans notre ame. Certains dons peuvent être enlevés
par le péché, et telle est la giâcedelajuslificalion
: d'autres ne peuvent jamais être détruits, et ce sont d'avoir
reçu la qualité dechrétien, d'être confirmé
du sceau de la milice du Christ, et d'avoir reçu le pouvoir conféré
dans l'Église militante : ceux-ci se nom-ment caractères
et ne peuvent être effacés même parle péché.
XXIII. Dans le can. 10 il est dit : « Si quis dixerit,
» christianos omnes in verbo, et omnibus sacramentis ad-» minislrandis
habere potestatem : anathema sit. »
XXIV. Ce canon condamne l'erreur de Luther, qui di-sait que non-seulement
les hommes, mais les anges et les démons eux-mêmes, sous forme
humaine, étaient des mi-nistres aptes à conférer les
sacremens : à plus forte raison admettait-il que tous les chrétiens
étaient aptes au minis-tère, puis qu'il prétendait
que par le baptême chacun avait pouvoir sur tous les sacremens. Ici
se trouve encore condamné l'erreur de Calvin, qui même dans
le cas de nécessité refusait aux laïques le pouvoir
de baptiser. Aussi le concile dit avec raison : « Omnes in omnibus
» sacramentis habere potestatem ; » car dans le casde né-cessité
le simple laïque peut administrer le baptême, et dans le mariage,
selon la vraie doctrine de Bellarmin, (quoique en cela les autres disent
le contraire) les seuls laïques sont les ministres d'un sacrement.
11 est certain ensuite, 1° que les anges ne peuvent pas être
les ministris des sacremens, puisque ce pouvoir a été accordé
aux hommes par Jésus - Christ quand il leur a dit : « Euntes
? docete omnes gentes, baptizantes eos, etc. Hoc facite » in meam
commemorationem, Quorum remiseritis pec-
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
531
» cala, remittuntur eis. » Et 1° qu'il ne suffit pas
d'être baptisé pour pouvoir administrer tous les saeremens.
Les opôlres furent baptisés d'abord et ils reçurent
ensuite le pouvoir de consacrer l'eucharistie par ces paroles : »
Hoc facile in meam commemorationem; » et de remet-tre les péchés
par celles-ci : « Quorum remiseritis pec-» enta, etc. »
XXV. Dans le can. 11 on lit: « Si quis.dixerit, in « ministris,
dum sacramenta conficiunt, et conferunt, » non requiri intentionem
saltem faciendi quod facit » Ecclesia : anathemr. sit. »
XXVI Par ce canòn, on condamna l'opinion do Lu-ther, qui, dans
son livre de la Captivité deBabylone, disait que tout sacrement
était vnlidemenl reçu toutes les fois qu'il était
administré, quand bien même le ministre le confèreiait
fictivement ou par jeu et sans intention de le conférer; car il
prétendait que toute la vertu du sacre-ment consiste dans la foi
de celui qui le reçoit, et non dans le sacrement lui-même,
encore moins dans l'inten-tion du ministie.
XXVII. Une opinion remarquable émise dans le concile est celle
d'Ambroisc Calharin, opinion soutenue avant lui par Pierre des Marais et
par Sylvestre de Prierio, savoir qu'il suffisait pour 1.» validité
du sacrement que le ministre le conférât sérieusement,
quand même il n'aurait pas l'intention de le conférer. En
sorte, disait Catharin, que si le ministre, en donnant le baptême,
n'entendait que laverie front de l'enfant, pourvu qu'il le fil sérieusement,
pur là même le baptême serait valide. Sa raison principale
était que si de tels sacremens n'étaient pas valides, tous
les baptêmes resteraient douteux, ainsi que toutes les ab-solutions
sacramentelles; et ce qui importe surtout, les
352
TRAITE
ordinations des-prêtres et principalement celles des, évê-ques,
de la valeur desquelles dépend ensuite celle d'une multitude d'autres
ordinations.
XXVIII. Bellarmin, en condamnant celle opinion, n'hésite pas
à dire (tom. S. lib. 1. cap. 27.) : « Haec opi-» nio
non video, quid differat a senien'.ia haereticorum. » D'un autre
côté, Palavicin écrit qu'une (elle opinion étant
contraire à la commune doctrine des théologiens, qui exigent
au moins du ministre l'intention implicite de conférer le sacrement,
il la lient pour fausse, mais non cependant pour condamnée, puisque
le concile, dans le canon rapporté plus haut, se borne à
déclarer qu'il est nécessaire que le minisire ait l'inlenlion
de faire ce qu,e fait l'Église. D'où il suit que toules les
fois que le mi-nisire donne le sacrement extérieurement et sérieusement,
comme il est d'usage de le donner dans l'église, on ne peut dire
que l'opinion de Calharin soit condamnée en vertu de ce canon. Et
en effet Cathaiin continua à la dé-fendre depuis le concile,
et elle esl défendue encore au-jourd'hui par plusieurs. Au reste,
dire que le sacrement est donné quand le,minislre enlend posilivemenl
ne pus le conférer, c'est une chose bien dure. Pour le sacrement
de la pénitence en particulier, nous avons les paroles du Seigneur:
« Quorum remiseri lis peccata remittuntur eis : » et quorum
retinueritis, retenta sunl. » (Jo. xx. 23.) Ces paroles dénotent
bien l'intention que doit véritable-ment avoir le prêtre d'absoudie
pour que l'absolution soil valide. En outre, S. Thomas (5. p, q. 64. a.
8.) enseigne que comme les acles sacramentels peuvent se rapporter à
plusieurs fins, par exemple, l'ablution du baptême, qui peut se rapporter
à l'enlèvement des taches du corps ou do celles de l'ame,
OU voit parla que l'intention du minisive
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
335
détermine la fin de cet acie. Voici les paroles du saint docteur
: « Sicut ablulio aquae, quae fil in baptismo, po-» test ordinari
et ad munditiam corporalem, et ad sanila-» tem spiritualem, et ad
ludum, et alia hujusmodi ; et » ideo oportet, quod determinetur ad
unum, id est ad » sacramentale effectum, per intentionem abluentis.
» (Loco cit.)
XX1&. Les adversaires opposent ce que dit ensuite le docteur angélique
dans la réplique ad 2, savoir : « In » verbis autem
quae profert (minister) exprimitur intentio » Ecclesiae, quae sufficit
ad perfectionem sacramenti. » Mais le P. Gonet répond que
par là S. Thomas, d'après l'objection qui lui était
faite, n'entendait dire autre chose sinon qu'il n'était point nécessaire
que le ministre expri-mât extérieurement son inleniion de
vouloir que le sacrement eût ion effet, par la raison que «
in verbis quae » profert exprimitur intentio Ecclesiîe. »
Et cela se con-firme encore mieux par ce qu'écrit S. Thomas à
l'article 10, où il se demande s'il faut l'intention droite du mi-nistre
pour la validité du sacrement, et il répond ainsi : «
Intentio ministri potest perverti dupliciter. Uno modo » respectu
sacramenti, puta cum aliquis non intendit sa-» Mamentum conferre,
sed derisorie aliquid agere ; et talis » perversitas tollit veritatem
sacramenti, piaecipue quando » suam intentionem exterius manifestat.
» II eu est au-trement, dit le saint, si le ministre entend opérer
lé sa-Crémenl, mais pour one mauvaise fin, comme serait,
par exemple, l'abus du maléfice, etc. Notez les paroles r «
Cum aliquis non intendit sacrâfhêntum conferre; » 8.
Thomae requiert donc absolument l'intention dans le ministre de conférer
le sacrement, pour que le sacrement îo'it valide. Il en est autrement,
dit-il, s'il y a intention de
334
TRAITE
le conférer, bien que cette intention soit perverse : ainsi,
toute la dislincUon est dans ce point, si le ministre a ou n'a pas l'intention
de .conféra le sacrement. Et ailleurs (opus. 8.), le docteur angélique
dit expressément : « Si » minister non iniendat sacramentum
conferre, uonpei-» Scitur sacramentum. »
XXX. On peut joindre à l'upinian que nous combattons, la proposition
28, condamnée par Alexandre VIII, et qui disait: « Valet baptismus
collatus a ministro, qui omnem » ritum externum, formamque baptizandi
observat, intus » vero in corde suo apud se resolvit : non intendendo
» facere quod fecit Ecclesia. » Nos adversaires prétendent
que celte condamnation ne prouve pas contre eux, parce que la proponi lion
pouvait s'entendre de l'acte externe dé-risoire. Mais on répond
: l°que l'acte dérisoire avait élé déjà
condamné par le concile de Trente, et qu'ainsi une seconde condamnation
était inutile ; 2° que la proposition ci-dessus n'était
pas soutenue par des hérétiques, mais par des auteurs catholiques,
entre autres par Jean Marie Scri-bonius (Summa thiol. disp. 1. de sacram,
queest. G.), le-quel supposail l'administration sérieuse et non
dérisoire, et c'est celle opinion qui fut condamnée. Aussi
Benoît XIV dit avec raison (De synodo lib. 7. cap. 4.) que par celte
condamnation, l'opinion de Catharin se trouve bien af-faiblie, et puis
il conclut que bien que cette opinion soit probable, le prêtre pécherait
certainement en conférant Je sacrement selon l'opinion de Calharin,
puisque le sa-crement resterait douteux ; de sorte qu'il devrait Être
re-nouvelé au moins sous condition.
XXXI. Quant aux inconveniens signalés parCulharin, Pallavicin
remarque que môme en n'exigeant pas l'in-tention du ministre, ces
mêmes inconveniens se rencon-
COMRE LES UÉUÉTiyUES.
355
lient par d'autres voies, Par exemple, dans l'administra-tion du sacrement
de la pénitence, le prêtre peut facilement, puisqu'il donne
l'absolution à voix basse, omettre une parole essentielle, et laisser
ainsi tous ses pénitenssousle poids de leurs péchés.
Les curés pourraientagirdemême, e» altérant malicieusement
la forme du baptême ; et comme ce sacrement est la porte de tous
les autres sacre-mens, il en arriverait que la nullité de ces baptêmes
en-traînerait celle d'une multitude d'absolutions sacramen-telles
et d'ordinations de prêtres. 11 n'y a ici que le recours à
la Providence pour empêcher ces causes de la ruine de tant d'ames.
D'autant que de tels sacrilèges n'apportent aucun avantage temporel
à ceux qui les commettent. En outre, au sujet du baptême,
sacrement le plus nécessaire de tous, il ne manque pas de théologiens,
anciens cl mo-dernes, comme Alexandre deHales, Gabriel, Ikuaad, qui disent
avec S. Thomas (5. p. q. 64. a. 8, ad. 2.) que dans un tel cas Dieu y supplée
pour les enfans, et que pour les adultes leur propre foi et le désir
du baplêmo leur en tiennent lieu. Dans un tel cas, dit Pallavicin,
si la grâce n'était pas infuse par le sacrement ou par la
di-vine promesse, elle le serait au moins par la miséricorde divine,
qui ne permettrait pas alors que notre confiance fût ainsi frustrée
parla malice des ministres.
XXX. Le can. 12 porte : « Si quis dixerit, ministrum »
?? peccato mortali existentem, modo omnia essentialia, » quae ad
sacramentum conficiendum, aut conferendum » pertinent, servaverit,
non conficere, aut conferre sacra-» cramenlum : anathema sit. »
XXXIII. Celte erreur fut d'abord embrassée par les donaiistes
et puis par Jean Wiclef, qui la défendit très-foriement.
Et certes l'erreur est palpable, car le premier
S56
TRAITÉ
auteur des saeremens est Jésus-Christ, comme dit S. Jean (i.
26.) : « Hie est qui baptizat in Spiritu Sancto. » Ainsi, toutes
les fois que le ministre accomplit tous les points essentiels à
la validité du sacrement, cette validité s'en-suit. El cela
parce que le pouvoir d'administrer les saere-mens est un pouvoir de juridiction,
lequel est concédé non pour l'utilité de celui qui
l'obtient, mais de celui qui re-çoit le sacrement ; aussi ne se
perd-il pas par le péché.
XXXIV. Dans le can. IS on lit : « Si quis dixerit, re-»
ceptos et approbatos Ecclesiae catholicae ritus, in solemni » sacramentorum
administratione adhiberi consuetos, aut » contemni, aut sine peccatoa
ministris pro libito omitti, » aut in novos alios per quemcumque
ecclesiarum pasto-» rem mutari posse : anathema sit. »
XXXV. Il n'est point douteux que l'Église ait le pou-voir
d'établir ou de changer les lits, c'est-à-dire les
cérémonies usitées pour l'administration des saeremens
, comme l'a déclaré le concile de Trente dans sa session
24 au chap. 2, où il dit : « Hanc potestatem perpetuo in ec-»
clesia fuisse, ut in sacramentorum dispensatione, salva » illorum
substantia, ea statueret, vel mutaret, quae sus-« cipienlium utilitati,
aut ipsorum sacramentorum vene-? rationi pro rerum, temporum et locorum
varietate ma-« gis expedire judicaret. » Mais un tel pouvoir
appartient seulement à l'Église, et c'est avec raison qu'elle
a défendu dé changer les rite ; autrement, comme dit S. Augustin
(Epist. !»4. alias 108.); lés innovations des divers minis-tres
troubleraient l'ordre et la paix générale dé l'Église.
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
337
Du baptême.
XXXVI. Le can. 4 porte : «Si quis dixerit, baptismum ?,
Joannis habuisse eamdem vim cum baptismo Christi : » anathema sit.
»
XXXVII. Quelques-uns dansleconcilevoulaientquececa-non fûtrédigéd'aprèsl'Écriture,
prétendant qu'elle déclare que le baptême de Jean était
donné pour la rémission des péchés, et ils
s'appuyaient sans doute sur ce que dit S. Luc de S. Jean-Baptiste : «
Et venit in omnem regionem Jor-» danis praedicans baptismum poenitentiae
in remissio-» nem peccatorum. » Mais on répondit par
l'autorité des Pères qui enseignent que le baptême
de Jean était donné pour la rémission des péchés,
non point par sa propre vertu, mais par l'espérance du baptême
de Jésus-Christ, dont il était la préparation et la
figure. Et S. Jean-Bap-tiste l'explique bien suffisamment lui-même,
en disant : « Ego quidem aqua baptizo vos; veniet autem fortior »
me : ipse vos baptizabit in Spiritu Sancto, et igr.e. » (Luc. m.
46.)
XXXVIII. Le can. 2 porte : « Si quis dixerit, aquam »
veram Pt naturalem non esse de necessitate baptismi, » atque ideo
verba illa Domini nostri Jesu Christi : nisi » quis renatus fuerit
ex aqua et Spiritu Sancto, ad mela-» phoram aliquam detorserit :
anathema sit. »
Ce canon est dirigé contre l'erreur de plusieurs héréti-ques
et aussi de Luther, qui, sur la question de savoir si, à défaut
d'eau, il était permis de baptiser avec du lait ou de la bière,
répondait (in Sympos. colloq. cap. 47.) :Quid-» quid balnei
nomine nuncupari potest, illud esse aptum » ad baptizandum. »
Cependant on peut assurément faire xix.
22
338
des bains de lait et de bière, et certainement ces matières
ne sont point propres au baptême.
XXXIX. Dans le can. S : « Si quis dixerit, in Ecclesia »
romana, quae omnium ecclesiarum mater est e} ma-» gislra, non esse
veram de baptismi sacramento, doctri-» nam: anathema sit. »
XL. Dan? le can. | : Si quis dixerit baptismum, qui » etiam datur
ab haereticis in nomine Patris, et Filii? et » Spiritus Sancti, cum
intentione faciendi quod facit Ec-» clesia, non esse verum baptismum
: anathema sit.»
XLI. Soave dit que dans la primitiae Église on ne re-baptisait
pas peux qui avaient reçu le baptême des mains des hérétiques,
et en cela il disait vrai : mais jl en appor-tait une raison fausse, en
disant que ces hérétiques n'em-ployaient pas la matière
et la forme regardées aujourd'hui comme e-sentielles par l'Église,
parce que, dit-il, dans ces premiers temps , personne ne s'inquiétait
de h matière et de la forme. Erreur grossière. Si Soave a
voulu faire entendre parla que les anciens n'avaient pas connaissance de
ces expressions forme et matière, cela importe peu ; il suffisait
qu'ils connussent la chose que ces teimes dési-gnent. Que s'il a
voulu dire qu'anciennement on ignorait les choses essentielles à
l'administration du baptême, et que nous appelons aujourd'hui matière
et forme, il est bien téméraire de supposer dans les anciens
une telle igno-rance, puisqu'elle supposerait qu'ils n'auraient pas même
eu la connaissance de l'Evangile, qui enseigne expressé-ment que
l'eau est la matièie du baptême, et dont les pa-roles, «je
le baptise au nom, etc., » sont la fiai me.
XLH. Bellarmin (t. 5. cap. 5. de baplismo.) observe à l'égard
de la forme qu'il ne ressort pas d'une manière absolument évidente
de l'Évangile que la vraie forme du
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
559
baplême soit dans les paroles : « ego te baptizo in nomine
s Patris et Filii et Spiritus Sancti; » mais qu'il faut re-courir
à la tradition tt à l'autoritéde l'Église,
qui l'a ainsi déclaré.
XLHI. Le canon 5 porte : « Si quis dixerit, baptismum »
liberum esse, hoc est non necessarium ad salutem : ana-? thema sit. »
XL1V. Deux questions furent agitées dans le concile ; la première,
de savoir quel fut sous la loi ancienne le remède de salut pour
les enfans morts en bas âge. Luther, dans son livre des Controverses,
dit qu'immédiatement après le péché d'Adam
les sacremens qui donnent la grâce furent institués. Plusieurs
théologiens ne jugèrent pas celte proposition condamnable
à l'égard du salut des en-fans , S. Augustin ayant écrit
qu'il fallait croire que de tout temps Dieu avait accordé un secours
aux enfans, afin qu'en mourant à cet âge, ils ne fussent pas
tous damnés : or, ce secours ne pouvant être le prix du mérite
des en-fans (selon l'opinion d'un grand nombre), il paraît que quelque
oblation sensible aurait eu la propriété du sacre-ment, comme
d'ailleurs plusieurs scholastiques le pensent. De là on préféra
ne pas décider ce point, comme nous l'apprend Pallavicin.
XLV. La seconde question fut de savoir si l'on devait condamner l'opinion
de Cajetan, qui jugeait qu'il devait y avoir chez les chrétiens
quelque secours pour les enfans qui mouraient dans le sein même de
leur mère ; d'où il disait qu'on ne pourrait blâmer
celui qui donnerait aux enfans en danger dans le sein maternel, la bénédiction
au nom de la sainte trinilé; ajoutant : « Qui sait si la divine
» miséricorde accepterait un pareil baptême d'après
le vœu » des parens. » Seripand, pour sauver celte opinion
de la
22.
340
TRAITÉ
censure, dit que sans cela la foi aurait été plus efficace
pour les anciens qu'elle ne l'est pour nous, pu isque S. Gré-goire
écrit que la foi opérait alors ce que l'eau du baptême
opère aujourd'hui. Or, si la foi des parens suffisait alors pour
justifier les enfans, on ne doit pas croire qu'elle n'ait plus la même
force depuis la rédemption de Jésus-Christ qui a aplani les
voies du salut. Le concile ne jugea pas non plus nécessaire de décider
ce point, parce qu'il n'en-trait pas dans la doctrine du baptême.
Du reste, Domini-que Solo le réprouve comme une vraie hérésie
; et S. Pie Y l'a fait ôler de l'ouvrage de Cajelan, parce que, dire
que celui qui n'a ni le baptême ni le désir du bap-tême
peut aller au ciel, c'est s'opposer évidemment aux paroles mêmes
de Jésus-Christ : « Nisi quis renatus fuerit »ex aqua,
ei Spiritu Sancto, non potest introire in reg-» num Dei. »
(Jo. m. 5.) On répondit encore à Seripand qu'aujourd'hui
il est plus facile d'avoir de l'eau et la vo-lonté d'un homme pour
baptiser, qu'il n'était ancienne-ment facile d'avoir la foi, laquelle,
au reste, d'après l'opi-nion commune, ne pouvait sauver les enfans
avant leur naissance. Gerson se laisse aussi aller à dire, que dans
quel-que cas Dieu dispense en faveur des prières des parens; mais
on répond que nous ne devons pas nous avancer jus-qu'à croire
que Dieu use d'une telle miséricorde hors des limites qu'il nous
a révélées dans l'Ecriture, mais seule-ment selon
la portée des causes naturelles.
XLVI. Dans le can. 6 on lit : « Si quis dixerit, bapliza-»
tum non posse, etiamsi velit, gratiam amittere, quan-tumcumque peccat,
nisi nolil credere: anathema sit.» Ce canon correspond au can. 23
de la session 6 sur la justi-fication.
XLVII. Dans le can. 7 : « Si quis dixerit, baptizatos
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
541
» per baptismum ipsum solius lanium fidei debitores fieri, »
non autem universae legis Christi servandae : anathema 8 sit. » Et
ce canon correspond au dix-neuvième de la même session 6.
XLV1II. Dans le can. 8 : « Si quis dixerit, baptizatos »
liberos esse ab omnibus sanctae Ecclesiae praeceptis, quae » vel
scripta, vel tradita sunt, ita ut ea observare non le-» neanlur,
nisi se sua sponte illis submittere voluerint : ana· » thema
sit.» Ce canon répond au vingtième de la sessione.
XLIX. Dans le can. 9 : « Si quis dixerit, ita revocan-»
dos esse homines ad baptismi suscepti memoriam, ul » vola omnia,
quae post baplismum fiunt, vi promissio-» nis in baptismo ipso jam
factae irrita esse intelligunt, » quasi per ea, et fidei, quam professi
sunt, detrahatur, et » ipsi baptismo : anathema sit. »
L. On ajouta les paroles, « vota omnia quae post bap-»
lismum fiunt, » parce que l'on considéra que comme il était
probable que tous les vœux antérieurs sont ef-facés par la
profession religieuse on pouvait penser de même des vœux faits antérieurement
au baptême.
LI. Dans le can. 10 il est dit : « Si quis dixerit, pec-»
cala omnia quae post baplismum fiunt, sola recorda-» lione, et fide
suscepti baptismi, vel dimitti, vel venialia » fieri : anathema sit.
»
LU. Dans le can. 11. « Si quis dixerit, verum et rite »
collatum baptismum iterandum esse illi, qui apud in-» fideles fidem
Christi negaverit, cum ad poenitentiam » convertitur : anathema sit.
»
LUI. Dans le can. 12. « Si quis dixerit neminem esse »
baptizandum, nisi ea aetate, qua Christus baptizatus est » in ipso
mortis articulo : anathema sit. »
LIV. Dans le can. 15. « Si quis dixerit, parvulos, eo
342
TRAITE
» quod actum credendi non habent, suscepto baptismo » inlei·
fideles computandos non esse: ac propterea, cum » ad annos discretionis
pervenerint, esse rebaptizandos, » aut praestare omitti eorum baptisma,
quam eos non » actu proprio credentes baptizari in sola fide Ecclesiae
: » anathema sit. »
LV. Dans le can. 44. « Si quis dixerit, hujusmodi » parvulos
baptizatos, cum adoleverint, interrogandos esse, » an ratum habere
velint, quod patrini eorum, dum bap-» tizarentur, polliciti sunt
: ei ubi se nolle responderint, » suo esse arbitrio relinquendos;
nec alia interim pcena » ad christianam vitam cogendos, nisi ut ab
eucharistia, » aliorumquesacramentorum perceptione arceantur, donec
t resipiscant : anathema sit. »
LVf. Il faut savoir que depuis le temps des apôtres jus-qu'au
quatoizième siècle, on fut dans l'usage de donner le baptême
par une triple immersion, comme le rapporte le P. Chalon (Hist. des sacrem.
1. 1. ch. H.), d'où S. Thomas (qui écrivait au treizième
siècle, 3. p. q. 66. a. 7 et 8.) inculpait de faute grave ceux qui
ne baptiseraient pas par immersion, et cela se pratiquait en plongeant
le corps entier dans l'eau. Les femmes étaient baptisées
dans un autre temps que les hommes, et dans un lieu séparé
: à l'entrée et à la sortie des fonts les baptisés
étaient revêtus, les femmes par leurs marraines, les hommes
par leurs parrains, d'une espèce de tunique de toile qu'ils conservaient
ensuite avec dévotion en mémoire de ce grand bienfait : ces
tuniques se nommaient satanés. Mais S. Gré-goire en son temps
permit aux Espagnols de baptiser par infusion et depuis lors on commença
à substituer l'infu-sion à l'immersion et cela par plusieurs
justes motifs, et spécialement à cause du danger que l'immersion
faisait
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
348
courir aux enfans, Le P. Chalon pense avec raison que même anciennement
on se servait en plusieurs cas de l'infusion, comme quand il fallait baptiser
les moribonds ou les martyrs enfermés clans les prisons. Et S. Cyprien,
suivant le même auteur (Voy. Chalon à l'endroit cité),
in-terrogé par un évêque sur cette question, si ceux
qui n'a-vaient été qu'aspergés d'eau devaient être
réputés chré-tiens, répondit, oui.
LVII. ïl est bon d'ajouter ici quelques notions lou-chant le baptême
, les unes utiles, les autres nécessaires à connaître.
Parmi les hérétiques qui allaquèrent la yé-rité
du baptême on compta d'abord les gnosliques, qui rejetaient loul
signe sensible, et les manichéens dans le troisième siècle,
qui regardaient l'eau comme provenant du principe du mal. Les paulianistes
et quelques ariens altérèrent la forme du baptême en
omettant l'invocation des trois personnes divines. La vraie forme doit
contenir l'invocation distincte des trois personnes divines, ainsi que
la tradition l'établit, c'est ce qu'atteste S. Jus-tin, Tertullien
, S. Basile, elc., cités par le P. Chalon (Hisl. des sacrem. ch.
15.); aussi le concile deNicée dé-clara nul le baptême
donné sous une autre forme. Tour-nely, DM baptême, résout
toutes les difficultés qu'opposent les mécréans en
s'appuyant sur les paroles de quelques Pères qui sembleraient établit
le contraire. 11 réfute spé-cialement le doute élevé
d'après les paroles de S. Ara-broise, et démontre que ce
saint ne parle pas en cet endroit de la forme du baplême, mais de
la profession de foi que faisaient les calhécumènes. La forme
des Grecs diffère de celle des Latins. Les Grecs disent : «
Ser-» vus Dei baptizatur » ou « baptizetur in nomine
Pa-» tris, amen, et Filii, amen, et Spiritus Sancti, amen; »
344
TRAITÉ
celte forme est certainement valide pour les Grecs, puis-qu'Eugène
IV l'approuva dans son décret pour l'instruc-tion des Arméniens.
La forme des Latins est celle que nous avons dans le Rituel: « Ego
te baptizo in nomine » Patris et Filii et Spiritus Sancti. Amen.
» Les mots: « In » nomine Patris et Filii et Spiritus
Sancti, » sont certaine-ment essentiels et nécessaires, puisqu'ils
sont présents par Jésus-Christ lui-même : « Euntes
docete omnes gentes, » baptizantes eos in nomine Patris et Filii
et Spiritus » Sancti.» (Matih. XXVIII.) D'OU S. Augustin (VI.
Debap-tism. e. xxv.) conclut : Quis nesciat esse baptisma Christi, »
si verba evangelica, quibus symbolum constat, illic » defuerint?»
Quant à ces paroles, « ego te baptizo,» quel-ques anciens
au leurs du douzième siècle, tels que le maître des
sentences, Preposilivus, Pierre le chantre, etc., ont dit que ces mots
n'ont pas toujours été usités dans l'Église
par les baplisans; et le baptême est valide, ajoulent-ils, quand
on profère les seules paroles suivantes : « In no-»
mine Patris et Filii et Spiritus Sancti. Amen.» D'autres veulent
que les paroles, « ego le baptizo » aient été
tou-jours pratiquées, mais n'ont pas été toujours
essentielles. Mais Juenin (De bapt. qu. 5. c. 2. concl. 1.) démontre
qu'elles ont toujours été essentielles et toujours usitées
comme on le voit dans le chapitre « Si quis, extra, de » baptismo
» d'Alexandre VIII, où il est dit : « Si quis »
puerum ter in aqua merserit in nomine Patris et Filii » et Spiritus
Sancti, amen; et non dixerit : Ego le baptizo, » puer non est baptizatus.
» Alexandre VIII, en 1690,. condamna cette proposition : «Valuit
aliquando baplismus » sub hac forma collatus: in nomine Patris, etc.,
prœter-» missis illis : ego te baptizo.» Le mot le est aussi
néces-saire, comme le remarque avec raison Juenin (ibid. q. 5.),
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
545
non également le mot ego et le mol amen, quoique leur omission
constitue une faute. Celui qui au lieu de baptizo substituerait les mois
abluo, lavo, ferait sans doute un sa-crement valide, mais il ne serait
point en cela exempt de péché.
LVIII. On objecte ce qui est dit dans les actes ( Àclor. cap.
2.) que d'abord le baptême se donnait au nom de Jésus-Christ
: « Baptizetur unusquisque vestrum in no-» mine Jesu-Chrisli,
» et dans le chap. 8 il est dit : « In » nomine Jesu
Christi baptizabantur viri et mulieres. » On répond que ces
paroles « in nomine Jesu Christi » sont destinées à
marquer que ces personnes étaient bap-tisées , non du baptême
de Jean, mais de celui institué par Jésus-Christ, comme le
dit S. Augustin (contra Maxi-min. cap. 27.) en ces termes : « In
nomine Jesu Christi » jussi sunt baptizari et tamen intelliguntur
non baptizati » nisi in nomine Patris et Filii et Spiritus Sancti.
Cur » non sic audis de Filio Dei : omnia per ipsum facta sunt; »
ut et non nominatum inlelligas ibi etiam Spiritum » Sanctum ? »
Et cela n'est point infirmé par ce que le pape Nicolas I (cap. ?
quodam de consecrat, dist. 4.) ré-pondit aux Bulgares, que les hommes
baptisés par un certain Juif l'étaient valideraient, «
si in nomine Trinitatis, » vel tantum in nomine Christi (sicut in
actibus aposlolo-» rum legitur) baptizati sunt (unum quippe idemque
est » ut sanctus exponit Ambrosius) rebaplizari non debent.»
Car on peut dire que le pape Nicolas n'avait pas été in-terrogé
sur la forme du baptême, mais sur la qualité du ministre,
et que par conséquent il ne traite pas ici pro-prement, mais seulement
par occasion de la forme du baptême, témoin ce passage : «
A quodam Judseo, nes-» citis utrum christiano an pagano, multos in
patria vestra
346
TRAITE
» baptizatos asseritïsetquid de iis agendum consulitis,
» Mais on réplique que S. Ambroise (lib. 4. de Sph\ S. cap.
5.) dit qu'il suffit pour le baptême de l'invocation d'une seule
personne de la Trinité : Qui unum dixerit, » Trinitatem significavit.
Si Christum dicat et Deum pa-» trem a quo unctus est, Filius et ipsum
qui Unctus est, * Filium et Spiritum quo unctus est designasti. »
On ré-pond que S. Ambroise ne traite pas ici de la forme du baptême,
mais seulement de son effet, lequel, d'après ce qu'il dit, doit
être attribué à chacune des personnes de la Trinité,
et par là le saint veut prouver que dans les actes ad exlra ce qui
était attribue à une seule personne de-vait également
s'entendre des autres.
LÎX. On doit en outre remarquer que le baptisé de-meure
libéré de toute faute et de toute peine , selon la constante
opinion des saints Pères et de l'Église, élant dans
l'état de pure innocence; de sorte que s'il mourait alors, il entrerait
à l'instant dans le paradis. C'est pour cela, dit le P. Chalon,
que beaucoup différaient leur bap-tême jusqu'à la mort,
croyant que s'ils mouraient lavés de leur péché ils
restaient exemps de toute peine. Pierre Lombard (lib. 1. sent. dist. 47.)
dit que les enfans bap-tisés ne demeurent pas justes par une justice
intrinsèque, mais par l'amour que Dieu leur porte; mais celte justice
imputative de Lombard est généralement rejetée par
les théologiens, à l'exemple du concile de Trente, qui dans
sa Sess. 44. can. 6, condamne ceux qui disent que l'homme n'est point justifié
par la grâce intrinsèque que Dieu lui communique, mais par
l'imputation extrinsèque de la justice de Jésus-Christ. Dans
le cas cependant où un homme recevrait le baptême, en état
de péché el sans le détester, dès qu'ensuite
il le délestera, toutes ses fautes
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
347
lui seront remises, parce qu'alors le sacrement revivra el opérera,
comme si d'abord il avait été reçu avec la dis-position
requisCé
LX. H faut savoir encore, que même dans l'antiquité, quand
on avait quelque doute grave sur la validité du baptême donné
à un enfant, on le répétait, ainsi que cela est prouvé
par le P. Marlene, contre quelques-uns qui le niaient. Il démontre
que cela se pratiquait depuis plus de 800 ans. Il remarque ensuite qu'on
ne doit point re-baptiser ceux qui l'ont été par les hérétiques,
comme l'a déclaré le pape Etienne en condamnant l'opinion
de S. Cyprien, el comme l'a décidé aussi le premier concile
de Nicée. Depuis S. Augustin en écrivant contre les donatistes
qui rebaptisaient ceux qu'avaient baptisés les hérétiques
a résolu toutes les difficultés opposées par S. Cyprien.
LXI. Jusqu'au sixième siècle, il était d'usage
que les évêques conférassent seuls ordinairement le
baptême, comme le rapporte le P.€halon (dans le eh. 17.), en
sorlè que jusqu'au douzième, suivant cet auteur, les cardinaux
même dans les églises dont ils étaient titulaires,
en de-mandaient la permission aux papes. Quand la popula-tion des campagnes
embrassa la foi, il devint nécessaire de concéder aux prêtres
la faculté de baptiser eux-mêmes dans l'étendue de
leur juridiction, et cela se fit vera le neuvième siècle.
Les évêques, comme l'a écrit un auteur, restèrent
facilement les ministres ordinaires du baptême, Ont qu'on continua
la coutume de baptiser les adultes, mais non depuis que l'on commença
à baptiser les jeunes enfans. Tillemont, dans le tom. 9 de son histoire,
dit que chez les Latins on né doute pas que dans le cas dé
nécessité les laïques eux-mêmes puissent baptiser,
selon h commune doctrine de l'Église el le sentiment de Ter-
548
TRAITE
lullien, de S. Iérome et de S. Augustin : mais, dit-il, dans
l'Église grecque, il paraît que S. Basile et S. Cyprien doutèrent
sur ce point ; il ajoute néanmoins qu'on évita peut-être
de reconnaître ouvertement aux laïques celle fa-culté
de baptiser dans les cas extrêmes de peur qu'ils n'en abusassent.
Le P. Chalon écrit ailleurs qu'avec le temps les Grecs déposèrent
leur doute à cet égard, et admirent que dans le cas de nécessité
tous pouvaient baptiser.
LXII. L'usage de l'onction à la nuque avec le saint chrême
est très-ancien , puisque le pape Innocent I en fait déjà
mention dans sa décrétale à l'évêque
d'Eugubio, bien qu'il ne fût pas alors universel : il était
aussi fort an-ciennement en usage de placer un cierge allumé'dans
la main du néophyte, comme le mentionnent S. Ambroise (lib. de lapsu
Virg. c. 5.) et S. Grégoire de Nazianze (Oral, de bapt.)
LXIII. Anciennement, aussitôt que les adultes sortaient des fonts
sacrés, ils étaient confirmés au front avec le saint
chrême et puis ils assistaient à la messe où ils re-cevaient
la communion; c'est ce que rapporte S. Augus-tin dans le Sermon cxxvn,
et cela dura jusqu'au douzième ou treizième siècle,
selon le Rituel romain. Le P. Chalon au chapilre dix-huit atteste que parmi
les chrétiens d'O-rient cela se pratique encore ainsi de nos jours.
On ne donnait point l'eucharistie aux petits enfans de peur qu'ils ne la
rejetlassenl; mais comme l'écrit S. Cyprien (lib.de lapsis.), on
leur donnait un peu du vin consacré. Et dans le douzième
siècle, comme le conseillait Hugues de S. Victor (I. 4. de sac.
c. 20.), il fut d'usage, pour obvier à tout inconvénient,
de tremper le doigt dans le précieux sang et de le donner à
sucer à l'enfant en disant : « Que » le corps et le
sang de Jésus-Christ gardent ton ame
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
549
» pour la vie éternelle. » Ce qui fait faire cette
remarque à l'auteur des notes sur l'histoire du P. Chalon, que même
dès ce lemps là on admettait qu'une seule espèce contenait
l'une et l'autre.
De la confirmation ou saint-chrême.
I. Dans le can. 1 il est dit : « Si quis dixerit, confir-»
mationem baptizatorum otiosam caeremoniam esse, et » non potius veium
et proprium sacramentum : autolim » nihil aliud fuisse, quam catechesim
quamdam, qua » adolescentiae proximi fidei suae rationem coram ecclesia
» exponebant : anathema sit. »
II. Au can. 2. « Si quis dixerit, injurios esse Spiritui
» Sanclo eos, qui sacro confirmationis chrismati virtu-« tem
aliquam tribuunt : anathema sit. »
III. Au can. 3. « Si quis dixerit sanctae confirmationis
» ordinarium ministrum non esse solum episcopum, sed » quemvis
simplicem sacerdotem : anathema sit. »
IV. Nous noierons sur celle parole ordinarium qui fut ajoutée
au canon, que quelques-uns prétendaient qu'on devait abandonner
la question, parce qu'on lisait dans les acles du concile de Florence que
les pontifes avaient quelquefois dispensé aux simples prêlres
le pouvoir de confirmer avec le chrême consacré par l'évêque.
Nous savons en oulre que S. Grégoire (lib. 4. episl. 26.) écrivit
à l'évêque de Cagliari qu'il concédait ce pouvoir
aux prêlres dans les lieux qui manquaient d'évêques.
Au con-traire, l'évêque d'Acci il nobili, parlant de l'autorité
ti-ïée des paroles du concile de Florence, oppose que le concile
y rapporte simplemenl un fait et n'y décide pas la question, et
il soutient que les minislies des sacremens
3S0
ÏRAIT*
ayant reçu leur mission de Jésus-Christ ne pouvaient
êlre changés. Celle doctrine fut aussi celle de Durand, de
Miijor et aussi d'Adrien VI. Mais Adrien la soutenait avant d'êlre
pape, et depuis son exaltation y autorisa les franciscains dans les Indes
et un pareil privilège se con-serve dans le couvent de S·
François de Sévile. Le même privilège fut aussi
concédé aux frères mineurs par Jean XXII, par Nicolas
IV, par Eugène IV et Léon X, et enfin par Benoit XIV dans
sa bulle « Eo quamvis tem-pore, * donnée le 4 mai 1745.
V. Soave à ce sujet cherche à discrédiler Je concile,
disant que c'est chose étrange que de se fonder sur une lettre de
S. Grégoire. Car, dit-il, si celle lettre se fût per-due,
l'Église aurait donc décidé le contraire. Mais on
lui répond que cet acte de S. Grégoire a été
suivi et précédé d'un usage conforme pratiqué
dans l'Église d'Orient où les prêtres ont continué
à confirmer les enfans après le baplême, comme il est
rapporté par Pierre Arcudiusau livre 2 de sa Conœrde.Ea vain Soave
réplique que pen-dant 600 ans, et jusqu'au temps de S. Grégoire,
on ne trouve dans l'Église aucune mention de cet usage : car premièrement
celle mention se trouve dans l'auteur an-cien du livre des questions sur
l'un et l'autre Testament, quest. 101, ouvrage attribué à
S. Augustin, ainsi que dans l'ouvrage aussi ancien altribué à
S. Ambroise, des commentaires sur l'épître de S. Paul aux
Ephésiens au chapitre 4. Ou répond encore que dans les premiers
temps plusieurs choses ne furent point écrites, mais se commu-niquaient
aux générations par tradition ; c'est pourquoi les hérétiques
niant les traditions, nient aussi plusieurs dogmes de foi. On ne doit pas
non plus supposer que S. Grégoire, homme si docie, en usât
ainsi sans avoir
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
3S1
trouvé des enseignemens suffisans dans l'écriture ou
la jradiiion. Cela posé, le concile ajoute sagement au canon susdit
le mol ordinarium déjà adopié par le concile de Florence.
VI. Ainsi donc l'usage constant de l'Église d'Occident a £téque
les évêques administrent seuls le sacrement du gaint-chrome.
Anciennement il était donné aussi par les corévèques,
mais pela s'entend de ceux qui étaient vérilar blement consacrés
évoques, puisque les autres n'étaient que des simples piètres.
On trouve encore que les papes ont concédé le privilège
de confirmer à quelques abbés, comme à l'abbé
de Monlcassin et autres : du reste Inno-cet I dans son épîlre
à Décentius défend expressément aux prêîres
d'-adminislrer la confirmation même aux en-fans : « Quant à
ce qui est de confirmer les enfans, il est » évident que cela
n'est permis qu'à l'évêque. » Le pape Gelase
fait la même prescription (Epist. XIJ. c. 6.) et la même chose
fut décrétée par le concile de Constance en condamnant
la proposition vingtième de Wicleff, par le concile de Florence,
el finalemeni par le concile de Trente dans le can. 3 rapporté plus
haut. Que si on lit dans quel-ques auteurs que les prêtres ont administré
le saint-chrême, cela doit s'entendre de l'extrême-onction
sur la nuque, ou enfin de celle qui se donnait jadis aux hérétiques
con« vertis. On doit seulement admettre que souvent il a été
concédé aux prêtres d'êlre les ministres extraordinaires
de la confirmation , comme il a été dit plus haut des prêtres
de Sardaigne, et comme on sait qu'ont été auto-risés
Jes missionnaires franciscains par Adrien II, et les gardiens de la Terre-Sainte,
par Benoît XIV. Mais ce pri-vilège dépend d'une dispense
particulière du pape, sans laquelle la confirmation serait non-seulement
illicite, mais
352
TRAITE
invalide, comme l'a écrit Benoît XIV (De synod. lib. 7.
cap. 7 et seq.) En Orient, non cependant avant l'hérésie
de Nestorius, l'usage s'introduisit que les prêtres confir-massent.
Cet usage commença dans Alexandrie d'Egypte, d'où il se répandit
dans les autres églises d'Orient jus-qu'au temps présent,
et finalement il fut approuvé par trois pontifes, Léon X,
Clément VII et Alexandre VIII, lesquels déclarèrent
que les Grecs pouvaient sans scrupule conti-nuer à pratiquer ce
rite. Il est à croire qu'en cela ces papes ont voulu faire une concession
nécessaire à l'union de TÉgHse grecque avec l'Église
latine, car on connaît assez l'attachement opiniâtre des Grecs
pour leurs rites. VII. Il sera bon d'ajouter ici quelques autres notions
touchant ce sacrement de la confirmation. Nous ne voyons point par les
livres que nul aiant les luthériens et les calvinistes ail nié
ce sacrement. Mais d'ailleurs nous avons sur ce point un document bien
positif dans les actes des apôtres (Aclor. 8. 14.), où nous
lisons que S. Pierre et S. Jean furent envoyés pour conférer
le Saint-Esprit (c'est bien notre sacrement) aux Samaritains qui avaient
été déjà baptisés par le diacre Philippe.
Depuis le temps des apôtres l'Église a constamment persévéré
à attribuer aux évêques l'administration du saint-chrême.
« Ceux qui sont baptisés dans l'église (écrit
S. Cyprien, » épist. 43.) se présentent aux prélats
de l'église afin que » par nos prières et l'imposition
des mains ils reçoivent » l'Esprit-Saint, et soient confirmés
avec le signe du Sei-» gneur. » Terlullien écrit aussi
(De baptismo cap. 7.) : » En sortant des fonls du baptême nous
sommes oints » de l'huile sacrée. De plus on nous impose les
mains » pour nons bénir en invoquant le Sainl-Esprit.»
On lit la même chose dans S. Jérôme, S. Hilaire, S Augustin,
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
353
et autres. On trouve aussi celte cérémonie décrite
dans le sacramentale de S. Grégoire, publié par le P. Menard
et dans les manuscrits de la secrétairerie du pape Gélase
qui remontent à plus de 900 ans.
VIII. Quant à la matière du saint-chrème, il est
cer-tain que le baume est requis « de necessitate praecepti, »
qu'il lesoit aussi « de necessitate sacramenti, » c'esice que
nient avec probabilité Solo, Navarre, Juénin, le continua-teur
de Tournely et plusieurs autres qui s'appuyent sur le Cap. Pastoralis,
de sacram, non iter., où le pape Inno-cent 111 répond à
la question, si l'onction faile avec l'huile seule était valide
: « Nihil esse reilerandum, sed caute » supplendum quod incaute
fuerit prœlermissum. » Néan-moins l'affirmative plus générale
est admise par Bellar-min, Gonet, la théologie de Périgueux,
Concina et autres, avec S. Thomas (5. p. q. 72. a 2.) et le catéchisme
ro-main (num. 7.), et elle se trouve confirmée par le con-cile de
Florence, où il est dit que le saint-chrême doit être
« confectum ex oleo et balsamo. » Et sur le texte contraire
on dit aveo. la Glose qu'il y est dit : « Nihil rei-» terandum,
» parce que « non dicitur iteratum quod » prius actum
non fuit. » Mais celte réponse n'est point faile pour convaincre,
et la première opinion ne laisse pas d'être assez probable,
comme le soutient le P. Ferrari (Bibl. v. confirmatio, n. 10.) avec un
décret de la sainte congrégation du concile. Cependant l'onction
avec le chrême sans baume élant au moins douteuse, on doit
la répéter au moins sous condition. Les Grecs, outre le baume,
ajoutent encore quarante autres espèces d'aro-malesel de parfums.
Dans les quatre premiers siècles on ne voit pas qu'aucun jour fut
plus particulièrement dé-signé pour la consécration
du saint-chrême ; mais dans le xu.
23
354
TRAITÉ
quatrième siècle, l'usage s'introduisit de le faire au
jeudi saint, et cet usage s'est continué comme il paraît par
le sacramentale de Gélase et les rituels grecs mômes actuels,
qui assignent également ce jour-là. Le cardinal Lamber-tini
rapporte, dans son Traité des Fêles, par. \, p. 247, qu'anciennement
au jeudi saint on disait trois messes ; dans la première on réconciliait
les pénitens, dans la seconde on faisait le sainl-chrème,
et la troisième se disait pour la solennité du jour. En Grèce,
les patriarches seuls consacrent le chrême ; mais dans l'Occident
chaque évêque, dans son diocèse, fait cette consécration,
assisté de douze prêtres, de sept diacres et de sept sous-diacres,
comme l'a ordonné le pape Innocent III, et comme cela est usité
encore au-jourd'hui, parce que jadis tel était le «ombre des
minis-tres qui formait le collège destiné à assister
l'évêque dans sa cathédrale pour le service de tout
le diocèse. La bénédic-tion de L'huile des cathécumènes
et des malades est plus ancienne que celle du saint-chrême. Mais
depuis, ces trois consécrations furent faites dans le même
temps pour plus de commodité. Dans le Rituel romain, on lit que
la con-firmation se donnait dans l'église ou dans la sacristie,
IX. La forme du sacrement de confirmation dans l'É-glise latine,
au moins depuis le douzième siècle, est celle-ci : «
N. Signo le signo crucis, et confirmo le chrismate » salutis , in
nomine Patris, et Filii, et Spiritus Sancti. y> Amen. » Mais avant
cette époque, la forme a varié : dans l'Ordinaire romain,
vers le huitième siècle, elle était plus brève,
la voici : « Confirmo te in nomine Patris, et » Filii, et Spiritus
Sancti. » Amalarius (lib. de div. offic. cap. 27.), fait mention
d'une autre formule plus brève encore où l'on disait seulement
: « In nomine Pairis, et Filii, ei Spiritus Sancii. » En Angleterre,
au contraire, on
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
355
omettait l'invocation de la sainte Trinité. Dans le ponti-fical
de Elbert, évêque d'York, qui vivait vers le milieu du huitième
siècle, la forme élait celle-ci : « Recevez le »
signe de la sainte croix avec le chrême du salut en Jé-»
sus-Christ noire Seigneur, pour la vie éternelle. Amen. »
Dans le sacramentaire de Gélase, en signant Je front, on disait:
« Le signe de la croix pour la vie éternelle. Amen. »
Et cela dura plus de neuf cents ans. La forme pour les Églises d'Orient
d'après la prescription du premier con-cile de Constantinople, était
celle-ci : « Signaculum dohi » Spiritus Sancti. » L'évêque
faisait l'onction, non-seule-ment au front, mais encore aux yeux, aux oieilles,
à la bouche, etc., récitant plusieurs oraisons. D'autres
Égli-ses, mais non d'Orieni, faisaient aussi usage de diverses formes.
X. Anciennement et jusqu'au treizième siècle, la con-firmation
élait toujours joinle au baptême quand l'évêque
lui-même baptisait des adultes ou des enfans, el cela se pratique
encore dans les Églises d'Orient, comme le rap-porte le P. Chalon
(chap. 3.), bien qu'il ne soil pas prouvé que cet usage soit universel.
Ls Catéchisme romain dit que ce sacrement.ne se donne pas aux enfans
qu'ils ne soient âgés de douze ans ou au moins de sept. Cependant
Be-noît XIVécrit (de Synod. lib. 7, cap. 10) qu'à i'arlick
de la mou ou lorsque l'évêque doit êlre long-temps éloigné,
il peut êlre donné avant cet âge.
XI. Le P. Chalon dit (cap. 40. in fin.) que dans l'É-glise
grecque, il ne paraît pas que dans l'administration de ce sacrement,
on pratique l'imposilion des mains sé-parément de l'onclioc,
suivant la doctrine des théologiens, qui enseignent que dans l'onclion
se irouve comprise l'im-posilion des mains. Quanl à l'Église
latine, il dit que
23.
556
TRAITÉ
tous les auteurs latins, tous les sacramentales et rituels prescrivent
l'onction du front dans le sacrement de con-firmation, en l'accompagnant
des paroles qui y sont as-signées, comme s'exprime Innocent 1".
XII. Je n'ometirai point de loucher un mol de la grande question
sur la forme et la matière de la confirmation, et dont j'ai traité
longuement dans ma morale : je la res-treindrai autant que possible. On
a émis là-dessus beau-coup d'opinions, mais il y en a deux
principales, plus communément agitées. La première
considère dans ce sa-crement deux matières et deux formés
partielles. La pre-mière matière est celte imposition que
fait l'évêque en avançant les mains vers les confirmés,
et la forme est l'oraison qu'il prononce en même temps. La seconde
ma-tière partielle est ensuite l'onction du chrême que fait
l'évêque au front du confirmé avec cette seconde forme
: » Signo te signo crucis, etc. » Celle doctrine est soutenue
par Merbesius, Juénin, Habert, Genest, Duhamel, etc., et Tournely
la regarde comme probable.
XIII. L'autre doctrine qui semble presque générale
est suivie par S. Thomas (5. p. q. 72. a. 2.) et dans la le-çon
1 du cap. 6 ap. 4. ad Hebraeos, où il dit que la ma-tière
est celle imposition des mains qui est accompagnée de l'oncliori;
et par une foule d'autres comme S. Bona-ventura, Éstius, Thomas
de Waldcn, Cabassul, S. Anto-hin, Bellarmin, Sylvius (qui va jusqu'à
dire qu'il est de foi que l'onction seule est la matière), de plus,
par Jean-Laurent Berli (de theol. dise. tom. 7. de confirm. cap. 4. ),
où il la défend fortement et longuement ; de plus encore,
par Scot, Gonel, Colet, continuateur de fournely, par la théologie
de Périgueux, Solo, Frassen, Antoine, et par plusieurs autres encore,
tel que Pierre de
CONTRE LES HÉRÊTiQL'ES.
3ST
îfaeca, ché par Wiiasse, lequel affirme que ccUeòpimon
est embrassée par tous les thomistes elles scotisles; et le catéchisme
romain au § 1, où il est dit, que le chrême composé
d'huile et de baume est la seule malière de la confirmalion, et
où on lit ensuite : « Quod autem ea sit » hujus sacramenti
materia tum sancta Ecclesia, et con. » cilia perpetuo docuerunt :
tum a quampluribus SS. Pa-» tribus traditum est. » Nous embrassons
nous-mêmes cette doctrine qui nous paraît moralement certaine,
ainsi que le dit Bellarmin et comme il paraît par les preuves que
nous en apporterons.
XIV. Il est hors de doute que la confirmation re-quiert à la
fois et l'onction du chrême et l'imposi-tion des mains; mais il faut
entendre celte imposition des mains qui se confond avec l'acte de l'onction;
ainsi que le porte la déclaration d'Innocent III, dans le can. unie,
de sacr. unct. § per frontis, ou le pontife dit : « Per »
frontis chrismationem , manus impositio designatur ; » quae alio
nomine dicitur confirmatio; quia per eam » Spiritus Sanctus ad augmentum
datur et robur. » Le mot designatur ne doit point s'enlendre comme
si on disait : » Significatur aut figuratur, » mais comme s'il
y avait « signatur, assignatur, aut habetur confirmatio; »
et cela ressort bien clairement des paroles qui suivent immédia-tement
: « Unde cum caeleras unctiones simplex sacer-» dos valeat
exhibere, hanc non nisi summus sacerdos, id » est episcopus valet
conferre : quia de solis apostolis » legitur (quorum vicarii sunt
episcopi) quod per manus » impositionem Spiritum Sanclum dabant.
» El le pon-tife rapporte ici lespaioles des Actes des Apôtres
(cap. 8. vers. 17.) où il est raconté que S. Pierre et S.
Jean con-firmèrent les Samaritains, déjà baptisés,
en imposant les
558
TRAITÉ
maius sur eux : « Tunc imponebant manus super illos, »
ei accipiebant Spirilum Sanctum. » Après ces paroles, le pontife
ajoute : « Cujus adventus per unctionis minisle-» rium designatur.
» Innocent, concluant donc que les seuls évêques peuvent
donner l'onction de ce que les apô-tres seuls imposaient les mains,
entend par conséquent que comme l'imposition était alors
prise pour l'onction, de même Fonction l'est aujourd'hui pour l'imposition.
Ainsi donc les évêques, en donnant aujourd'hui l'onc-iion
, font ce que faisaient les apôlres en imposant les mains; à
moins que l'on ne dise que les apôlres ont changé la matièie
du sacrement, ce que l'on ne peut prélendiv , comme le remarque
Bellarmin , puisque les inaiières et les formes des sacremens n'ont
pu être insti-tuées que par Jésus-Christ et ne peuvent
être changées par d'autres.
XV. Cela est encore confirmé par un autre canon
même d'Innocent III, plus clair et qui fait partie du
chap. 4 : « Quanto de consuelud., » où on lit : «
Ut est » sacramentum confirmationis, quod chrismando
re-» natos soli debent episcopi per manus impositionem » conferre.
» Remarquez les paroles, « chrismando... per manus impositionem;
» donc imposer les mains en donnant le chrême est la même
chose que confir-mer. Cela se prouve encore par la profession de
foi de l'empereur Paléologue, qu'on lit dans sa lettre adressée
à Grégoire X, el qui fut rapportée et approuvée
dans le deuxième concile de Lyon, où il était dit
: « Aliud » est sacramentum confirmationis, quod per manuum
» impositionem episcopi conferunt chrismandis renatis. »
XVI. A tout cela il faut ajouter la déclaration faite
par Eugène IV dans le concile de Florence qui l'approuva, el
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
3S9
où il est dit : « Secundum sacramentum est confirmatio,
» cujus materia est chrisma confectum ex oleo et bal-v samo... per
episcopum benedicto. Forma autem est : » signo te signo crucis et
confirmo (e chrismate salutis in » nomine Paliis et Filii et Spiritus
Sincti. Amen.» Aussi selon celle définition, plusieurs auteurs
disent qu'il est de foi que l'unique matière de la confirmation
est l'onction que fait l'évêque, et l'unique forme les paroles
qui l'ac-compagnent. On a encore la déclaralion faile par Be-noît
XIV, dans sa lettre encyclique aux archevêques ei évêques
du rit grec, insérée au tome 4 de son BuIIaire au num. 54,
p. 225, où ce pape, au § 51, parlant des deux doctrines mentionnées
plus haut, dit premièrement : « Unicuique licet sequi partem
quae placuerit. » C'est-à-dire qu'il est licite de suivre
la première doctrine des deux matières et formes partielles
qui est plus sûre et qu'il est permis aussi d'embrasser la nôtre,
que l'onction par la main de l'évêque est l'unique matière,
et les paroles qui l'accompagnent l'unique forme. Mais en outre, dans le
§ 52 il déclare expressément qu'il est hors de toute
con-troverse que la confirmation est conférée validement
toute les fois qu'on fait yonclion avec la forme que profère alors
le ministre : « Est extra controversiam, in Ecclesia latina »
(et il avait déclaré la même chose pourl'Églist
grecque) y> confirmationis sacramentum conferri, adhibito sacro »
chrismate oleo olivarum balsamo commixlo, ducloque » signo crucis
per ministrum in fronte suscipienlis, dum » idem minister formae
verba proftrl. »
XVII. Nous remarquerons ici que le même Benoît XIV, dans
sa bulle Etsi pastoralis (?. 57.1.1 bullar. § 3. num. 4 ) déclare
que ceux qui, parmi les Grecs, refusaient ou négligeaient, le pouvant,
de recevoir la confirmation,
860
TRAITÉ
devaient être avertis par leurs évêques du péché
grave qu'ils commettaient : « Monendi sunt ab ordinariis loco-»
rum, eos gravis peccati reatu teneri, si cum possint ad » confirmationem
accedere renuunt, acnegligunt. » Cette admonition s'adresse de même
sans doute aux chrétiens de l'Église latine.
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
361
??? SESSION,
Du sacrement de l'Eucharistie.
I. Dans celle session, le concile voulut, comme il l'a-vait fait
dans celle où il statua sur la justification, ensei-gner la vraie
doctrine afin que les fidèles fussent instruits de tout ce qu'ils
devaienl croire touchant le sacrement de l'eucharistie. Aussi il est dit
dans le préambule que le concile, voulant extirper les erreurs élevées
au sujet de ce sacrement et exposer la doctrine qu'a tenue et que tien-dra
toujours l'Église, instruite d'abord par Jésus-Christ, et
éclairée ensuite par le Saint-Esprit, défend à
tous de croire, d'enseigner ou de prêcher le contraire.
II. Soave dit que les thomistes aussi bien que les sco-tisles
prétendaient que l'Église déclarât points de
foi leur doctrine respective. Mais le concile fut d'un tout autre sentiment,
ainsi qu'il paraît par ses actes et ses définitions rédigés
en termes tels qu'ils ne peuvent servir à combattre l'opinion d'aucune
école. En conséquence, comme nous le verrons, il ne voulut
se prononcer ni sur le mode de la piésence sacramentelle de Jésus-Christ,
ni sur l'égalité ou la différence de la grâce
attachée à la communion faite sous une seule espèce
ou sous les deux.
III. Soave assure encore que les Italiens se plaignirent de la
règle que les présidens du concile établirent de n'ap·
362
TRAITE
puyer les doctrines que sur l'Écriture ou les Pères,
crai-gtianlpar là d'êtreexposés à rester en
arrière des théolo-giens allemands ou flamands. Mais Pulavicin
dément ce fait, et remarque que les Italiens avaient assez fait
con-naître leur érudition dans les précédentes
sessions par leurs nombreuses citations des Écritures, des conciles
et des Pères, et qu'ils comptaient parmi eux un Melchior Canus,
un Solo, un Seripand, un Catharin, un Salme-ron et un Lainez qui se faisait
fort de ne citer aucun passage qu'il n'eût lu à sa source
même.
IV. Dans le ch. 1 on déclare que le corps et le sang de Jésus-Christ
sont véritablement, réellement et substan-tiellement sous
les espèces du pain et du vin consacrés; voici le texte :
« Docet S. synodus in eucharistiae sacra-» mento post pan is
et vini consecrationem Jesum Chris-» tum verum Deum, atque hominem
vere, realiter, ac » substantialiter sub specie illarum rerum sensibilium
» contineri. Nec enim inter se pugnant, ul ipse salvator »
semper ad dexteram Falris in coelis assideat juxla mo-» dum existendi
naturalem, et ut aliis in locis sacramen-» (aliter praesens sua substantia
nobis adsit. » En cela le concile a voulu laisser intacte la question
débattue entre les thomistes et les scotistes, savoir si Je même
corps, par vertu divine, pouvait demeurer en plusieurs lieux suivant le
même mode naturel qui le fait être dans un seul lieu. «
Ita enim majores no&lri omnes aperlissime professi sunt, » hoc
sacramentum in ultima ccena Redemptorem nos-» trum instituisse, cum
post panis vinique benedictionem » se suum ipsius corpus illis praebere,
ac suum sanguinem ?? disertis verbis testatus est : quae verba a sanctis
evan-» gelislis commemorata, et a divo Paulo repetila, cum »
propriam illam significationem prae se ferant, secundum
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
363
, quam a patribus inlellecla sunt; indignissimum flagi-,-lium est ea
ad fictitios tropos conlra universum Eccle-» sise sensum detorqueri
: quae tanquam columna, et fir-» mamentum veritatis haec ab impiis
excogitata com-» menla detestata esl. »
V. Jusqu'au IX" siècle , ce sacrement de l'eucharistie
n'avait élé l'objet d'aucune attaque, mais à cette
époque un certain Jean Scot commença à dire publiquement
que l'eucharistie était toute mystique et figurée.
Dans le XIe siècle la même hérésie fut
soutenue par Bérenger, qui se réiracla plusieurs fois et
revint plusieurs fois à de nou-velles erreurs louchant ce sacrement;
il mourut cependant réconcilié avec l'Église catholique
en 1088. Ce ne fulqu'au XVI* siècle que parut la secte qui attaqua
dans sa base le dogme de l'eucharistie. Le premier fut Carlosladt, archi-diacre
de Wiltemberg en Saxe. iEcolampade, moine de Sainle-Brigilte, etZwingle,
curé, embrassèrent la même er-reur. Puis Bucer et Calvin
soutinrent la même opinion, ils dirent, comme le rapporte le P. Chalon,
que l'eucharistie n'élaii pas proprement un sacrement, mais une
simple commémoration extérieure. Luther ensuite nia la Iranssub-staniiation
du pain Cl du vin au corps et au sang de Jésus-Chrisl ; il abolil
les messes privées, et cependant il avouait qu'il ne pouvait nier
d'après l'Évangile la réalilé du corps eldu
sang de Jésus-Christ dans l'eucharislie.
VI. 11 faut ici bien peser l'une après l'autre les paroles
de ce premier chapitre. Il porte, « vere, realiter, et subs-it tanlialiler.
» Vere, afin d'exclure la présence de Jésus-Christ
simplement figurée comme la disaient être les sa-cramcnlaires
: la figure est opposée à la vérité, et pour
cela on mil l'expression vere. Par le mol realiter on rejela la présence
imaginaire; car les hérétiques prétendaient
364
TRAITE
que la chair de Jésus-Christ n'était pas corporellement
dans l'eucharistie comme elle l'est dans le ciel, mais se-lon que le conçoit
la foi, c'est-à-diie comme présente. Calvin ne craint pas
de dire que le corps réel de Jésus-Christ est dans la cène,
mais il ne veul pas dire qu'il y soit réellement. Enfin on y mil
le mol substantialiter pour rejeter l'opinion de la présence de
simple efficacité ou virtualité à quoi Calvin réduisait
la présence du corps réel de Jésus-Christ, disant
que l'eucharistie ne contenait pas la substance du corps de Jésus-Christ
; mais seule-ment sa vertu par laquelle il se communique à nous
lui et ses dons. Mais nous disons nous que dans ce sa-crement se trouve
toute la substance de son corps en la-quelle est changée la substance
du pain : nous soutenons en conséquence, comme nous l'expliquerons
bientôt plus au long, que sous les espèces du pain le corps
de Jésus-Christ n'occupe pas un lieu, et n'y est pas dans un mode
naturel, mais sacramentellemenl et en mode de substance, comme l'enseigne
S. Thomas (III. p. q. 76. a. 1. ad 3.), de même qu'auparavant il
y avait la substance du pain. VII. II est dit en outre : « Nec enim
haec inter se pu-» gnant, ut Salvator in coelis assideat juxla modum
na-» luralem, et ut multis aliis in locis sacramentaliter prae-»
sens sua substantia nobis adsit, ea exislendi ratione, » quam verbis
exprimere vix possumus. » Le concile en-seigne donc que le corps
de Jésus - Christ existe dans le ciel suivant le mode naturel, mais
que sa substance sa-cramentelle est présente en plusieurs autres
lieux. Ainsi, dans l'hoslie consacrée et dans chaque parcelle de
celle hostie se trouve le même corps de Jésus-Christ qui est
assis dans les ciéux. El nous devons le croire parce que Dieu est
tout-puissant et qu'il a révélé cette vérité
en di-
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
365
sant : « Hoc est corpus meum. » Qu'importe ensuite que
nous ne puissions parvenir à comprendre comment cela se fait? Si
nous voulions régler les mystères de la foi sur les limites
de notre faible entendement, nous serions bientôt conduits à
en nier plusieurs, et spécialement celui de la sainte Trinité
et celui de l'Incarnation ; car nous ne pouvons assurément concevoir
comment trois personnes sont une même substance, et comment dans
une seule personne il y a deux natures, l'une divine et l'autre hu-maine.
VlII. Les hérétiques disent que bien que fiieu soit tout-puissant,
il ne peut faire cependant que plusieurs choses qui répugnent entr'elles,
soient en môme temps, comme, par exemple, disent-ils, que le corps
humain soit con-tenu dans l'eucharistie sans son étendue et ses
autres qualités. On répond que Dieu ne peut pas ôler
aux choses leur essence, inais qu'il peut ô.'er à une essence
ses pro-priétés. Il ne peut ôler au feu l'essence du
feu, mais il peut ôter au feu sa propriété de brûler,
comme il le fit à l'égard des trois enfans hébreux.
El de même encore, s'il ne peut faire qu'un corps soit sans étendue
et sans quantité, il peut faire cependant qu'il n'occupe pas un
lieu, qu'il soit indivisible, qu'il soit tout enlier dans chacune des plus
petites parcelles des espèces visibles qui ìè contiennent,
avec une étendue, non d'ordre naturel, mais miraculeuse et en substance.
Èi c'est ainsi que le corps de Jésus-Christ est dans l'eucharislie,
puisqu'il faut qu'il y soit en substance, c'est-â-dire que comme
la substance du. pain se trouvait sous ses espèces et sans occuper
de lieu, et qu'elle était entière et complète dans
chaque partie de l'espèce, de même le corps de Jésus-thrist,
dans lequel se convertit la substance de pain,
566
TRAITE
n'occupe pas plus un lieu que ne le faisait la substance du pain sous
sa propre dimension, et ainsi il est tout en-lier dans chaque partie des
espèces comme d'abord, dans chacune se trouvait toute la substance
du pain. C'est la doc-trine du docteur angélique qui l'exprime ainsi
: « Tota » substantia corporis Christi continetur in hoc sacramento
» post consecrationem, sicut ante consecrationem conli-» nebalur
ibi tota substantia panis. » (III. p. q. 76. a. i.) H ajoute: (Ibid.
ad 5.) « Propria autem totalitas subslan-» tiaì continetur
indifferenter in pauca vel magna quan-» litale; unde et tota substantia
corporis et sanguinis » Chricti continetur boc sacramento. »
IX Le corps de Jésus-Christ n'est point dans ce sacre-ment comme
dans un lieu définitif, en sorte qu'il ne puisse être aussi
dans un autre lieu ; il n'y est point non plus circumscriptive, c'est-à-dire
selon la mesure de quan-tité propre correspondante à celle
du lieu , en sorte que cç lieu n'est point vide, mais ne peul pourtant
êire dit plein de la substance du corps de JésusrChrisl, puisqu'il
est rempli par les espèces sacramentelles, qui occupent ce lieu
au moins miraculeusement, comme miraculeuse-ment elles subsistent par mode
de substance.
X. On ne peut pas dire non plus que le corps de Jésus-Christ
demeure dans le sacrement mobilemenl, parce que n'y étant pas comme
dans un lieu, il ne s'y meutpas selon le mouvemenl du lieu, mais seulement
il peut se mou-voir par accident à raison des espèces, en
sorte que selon le mouvemenl de ces espèces on peul dire que le
Christ qui est contenu sous elles se meut aussi ; mais comme, lorsque le
corps se meut par accident l'ame se meut aussi, bien qu'elle ne soit aucunement
capable d'occuper un lieu.
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
5GY
XI. Et ici il faut remarquer que quand les espèces se
corrompent, le corps de Jésus-Christ cessée d'exister sous
elles, non pas parce qu'il dépend d'elles, mais parce que le sacrement
est ainsi institué que Jésus-Christ demeure sous les espèces
tant qu'elles existent et les abandonne quand elles cessent d'être,
de même que Dieu cesse d'être le Seigneur des créatures
qui cessent d'être, comme, l'en-seigne S. Thomas (III. p. q. 76.
art. 5. ad. 3.), où il dit: « Quibus (speciebus) cessantibus
desinit esse corpus » Christi sub eis; non quia ab eis dependeat,
sed quia » tollitur habitudo corporis Christi ad illas species, quem-»
admodum Deus desinit esse Dominus creaturae defì-» cienlis.
»
XII. Il est dit ensuite dans le susdit chap. 1. du con-s cile
: « Post panis vinique benedictionem se suum corpus » illis
praebere perspicuis verbis testatus est : quae verba » a sanctis
evangelistis commemorata , et a divo Paulo » postea repetita, cum
propriam significationem prae se » ferant, secundum quam a quibusdam
pravis homini-» bus ad fictitios tropos contra ecclesiae sensum delor-»
queri. » II est dit «post panis vinique benedictionem»
pour s'opposer aux luthériens ubiquistes, qui veulent que même
avant la consécration le corps du Seigneur soit sous les espèces,
et pour condamner aussi les calvinistes qui disent que l'eucharistie n'est
point l'union des fidèles avec Jésus-Christ par le moyen
de son corps et de son sang réels, mais seulement un signe de celle
union déjà opérée par le moye» de la
foi. Aussi prélendenl-ils que l'eucharistie ne devient point un
sacrement par la con-sécration du prêtre, mais en vertu de
la promesse de l'É-vangile expliquée par la prédication.
XIII. Il est dit, « perspicuis verbis testatus est, elc.
»
368
TRAITE
Ces paroles expresses de Jésus - Christ se Usent dans les Évangiles
deS. Mathieu, chap. xxvi, de S.Marc, chap. xvt, et de S. Luc.chap. xxn.
Les voici : « Accipite et comedite: » hoc est corpus meum :
hic est sanguis meus, etc.» Elles sont ensuite répétées
par S. Paul dans son Ep. 1. ad Cor. cap. 11. S. Cyrille s'écrie
à ce sujel ·. « Cum ipse de pane » pronunliaverit,
hoc est corpus meum, quis audebit dein-» ceps ambigere? Et cum idem
ipse dixerit, hic est san-» guis meus, quis dicet non esse ejus sanguinem
? » (Ca-tech. myslag. 4.) C'est une règle certaine et reconnue
généralement par les Pères et les théologiens
que les paroles de l'Écriture doivenl êlre prises dans leur
sens propre, toutes les fois qu'il ne s'en suit pas une consé-quence
évidemment absurde qui s'y oppose, parce qu'au-trement si toute
l'Écriture pouvait êlre tournée au sens moral et figuré,
il n'y aurait plus aucun dogme qui pût être certainement prouvé
par les Écritures.
XIV. Le même apôtre a rendu encore témoignage de
la vérité de l'eucharistie, lorsqu'il dit sur l'usage de
ce sacrement : « Calix benedictionis quem benedicimus, » nonne
communicatio sanguinis Christi est ? et panem » quem frangimus, nonne
participatio corporis Do-» mini esl? » (I. Cor. x. 16.) Ces
paroles démontrent bien clairement que le vrai corps et le vrai
sang de Jésus-Christ sont dans l'eucharistie. L'apôtre le
confirme encore
dans ce passage : « Probet autem seipsum homo.....qui
» enim manducat et bibit indigne, judicium sibi man-» ducat
et bibit, non dijudicans corpusDomini. » (I. Cor. xi. 22 et 29.)
Notez ces paroles, <c Non dijudicans corpus » Domini. »
Si l'on ne devait vénérer dans l'eucharistie que la figure
du corps de Jésus-Christ, S. Paul n'aurait poinl aussi sévèrement
condamné celui qui communie
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
569
en élal de péché ; mais il le déclare digne
de la mort éternelle parce que l'homme en communiant indignement
ne dislingue pas le corps de Jésus-Christ des alimens ler-resires.
XV. Oh ! Dieu jusqu'où peut aller la malice et l'in-gratitude
des hommes! Dieu a voulu nous faire ce don in-fini de son amour, le don
de lui-même: « Divitias sui » erga homines amoris velut
effudit, » dit le concile, et les hommes ne veulent pas en êlre
reconnaissans et cher-chent de mille manières à tordre le
sens de ces paroles du Sauveur : « Hoc est corpus meum ! »
Les uns disent que ce pronom hoc doit s'entendre pour hic. Mais com-menlcela
peut-il être? Ou ce molftocestpriscommeadjec-lif cl alors il ne peut
s'accorder avec pain qui est du genre masculin, mais bien avec corpus qui
est du genre neutre. El peu importe que ce pronom hoc et le verbe est n'aient
à eux seuls aucun sens complet, avant que les autres mots corpus
meum soient prononcés; car il n'est pas rare que dans certaines
propositions les premières paroles n'aient toute leur signification
que lorsque la proposition est com-plète. Si ensuite on veul prendre
hoc comme substantif, comme le fait S. Thomas (III. p. q. 78. a. 5.), alors
cet hoc ne signifiera plus ce pain ou ce corps, mais celle chose, ou mieux
celle substance contenue sous ces espèces du pain est mon corps.
XVI. D'autres ensuite, comme Zwingle, torturent le sens du mot
est et veulent qu'il soit pris pour significat, et ils en npporlent-Vexemple
pris de VExode : « Est enim » phase (id est transitus) Domini.
» (Exod. xn. 11.) Où, dil-il, l'agneau pascal, mangé
avec les cérémonies pres-crites, est dit non pas être,
mais signifier le passage du Seigneur. Mais cette explicaiion, dénuée
de raison, n'eut
xix
24
570
TRAITÉ
pas de nombreux partisans, parce qu'un tel sens daas-te «cas
dont il ? s'agit iciiestHoal-à-fait impropre el ne peut •être
adopté que lorsque le*, verbe est ne peut avoir sa si-gnificalion
propre.
"XVII. D'autres sacramentàires disent que l'expression -corpus
doit se prendre pour la figure du corps. Mais la régie générale
s'y oppose, comme nous l'avons vu plus haut, savoir que les paroles de
l'Écriture doivenltêlre prises dans leur sens propre, toutes
les fois qu'elles n'a-mènent point une conséquence manifeslement
absurde. De plus celle interprétation est expressément contraire
aux paroles de S. Paul, qui après ces mots : « Hoc est corpus
» meum » ajoute «quod pio vobis tradetur. » (I.
Cor. ??. 24.) Le Seigneur assurément n'a point livré à
la pas-sion la figure de son corps, mais bien son corps lui-même.
'Relativement au précieux sang, on lit dans S. Matthieu : «eHoc
est enim sanguis meus novi Testamenti, » el puis : » Qui pro
multis effundetur in remissionem peccalo-» mm. » Donc ce sang
deJésus-Chrisl devait être répandu: Or cVsl le sang
réel qui se répand, et non sa figure.
XVIII. En outre la vérité de la présence réelle
du vrai corps el du vrai sang du Seigneur dans le sacrement de l'autel
est confirmée , et évidemment déclarée dans
le chapitre 7 de l'évangile de S. Jean. Les novateurs errent quand
ils disent qu'il n'est là question que de l'incarna-tion. Il est
vrai que loul le chapitre ne traite pas de l'eu-charistie; mais il esl
certain que depuis le numéro cin-quante , c'est d'elle seule qu'il
est question, comme l'admet Calvin lui-même. (Inslil. lib. 4. cap.
17. §1.) Cela se prouve d'abord par ces paroles : « Panis, quem
» ego dabo, caro mea est pro mundi vita. » ( Jo. vi. 52. )
Si le Seigneur avait voulu parler de la manducalion qui
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
571
pe fait par la foi^eule, comme le veulent les novateurs, il n'aurait
point dit dabo au futur, .car une pareille manducalion était de
tous les temps; les fidèles de la loi ancienne, eujc-mêmes,
se nourrissaient en figure de Jésus-Christ pat le moyen de la foi.
Mais il dit dabo parce qu'il déclarait alors qu'il nous donnerait
sa propre chair dans le sacrement qu'il institua à sa demièie
cène. Il dit : « Quem ego dabo, écrit le docteur angélique^jquia
non-
» dum institutum erat hoc sacramentum..... Non dicit
? autem, carnem meam significat, sed, caro mea es,l, » quia hoc
quod sumitur vere est corpus Christi. » ( S. Thom. lect. 9. io Joan.
) En oulie le Seigneur , s'il e,ût youlu parler de la seule manducalion
spirituelle, qui se fait par la foi en son incarnation, n'aurait pas dit
panis quem dabo, mais panis quem dedi, puisqu'il s'était déjp
incarné et que plusieurs avaient déjà cru en lui à
ce litre. Cela est encore contjnné pat les paroles suivantes : «
Caro mea vere esl cibus et sanguis meus vere est po-» lus. »
(Jo. vi. 56. ) Cette distinction de nourriture et de boisson ne peut avoir
lieu que dans la mandiicalion Sacramentelle du corps et du sang de Jésus-Christ
; car dans la manducalion spirituelle qui se fait par la foi, \e manger
et le boire sont une même choie.
XIX. Cela se piouve encore par ce que dirent ceux de Capharnaum en
entendant ces paroles, et par la réponse que leur fil le Seigneur.
Ils disaient : « Quomodo poiesl » hic nobis carnem suam dare
ud manducandum? » (vers. 53.) El de fait, ils s'éloignèrent
du Seigneur : « Ex hoc multi discipulorum ejus abierunt relro, et
jam s non cum illo ambulabant.» (vers. 67.) Or, si la chair de Jésus-Christ
n'élait pas réellemenl dans l'eucha-rislie, il pouvait à
l'instant dissiper leur inquiétude, en
24.
572
TRAITE
] !ur disant que les hommes seraient nourris de son corps seulement,
par le moyen de la foi ; mais non, il leur répond absolument : «
Nisi manducaveritis carnem filii » hominis, et biberitis ejus sanguinem,
non habebitis » vitam in vobis. » ( vers. 56. ) Et puis il
dit aux douze apôtres qui étaient restés auprès
de lui : « Num-» quid et vos vultis abire? » S. Pierre
répond alors : « Do-» mine, ad quem ibimus? verba vitae
aeternae habes. Et » nos credidimus, et cognovimus quia tu es Christus
» filius Dei vivi. » (Jo. vi. 68 et 69.) En outre, celte vérité
est d'autant mieux confirmée par ces paroles da Seigneur : «
Caro mea vere est cibus et sanguis meus » vere est polus. »
(vers. 56.) Que ces paroles seraient toul-à-fait impropres, si dans
l'eucharistie il ne nous donnait pas sa véritable chair et son vrai
sang. Il est vrai que le concile n'a point déclaré dans un
canon exprès que ce chapitre sixième de S. Jean parlait de
la manducation réelle de la chair de Jésus-Christ; mais dans
plusieurs en-droits, comme dans le chapitre sixième de cette session
et dans le chapitre premier de la session vingt-unième, il rapporte
plusieurs passages du chapitre cilé pour prouver et confirmer la
vérité de l'eucharistie. En outre > dans le deuxième
concile de Nicée (act. 6. ) ces mêmes paroles de S. Jean:
Nisi manducaveritis, etc. sont apportées en preuve que dans le sacrifice
de l'autel on offrait le vrai et propre corps et sang de Jésus-Christ.
XX. Le prédicanl Picenin, oppose à cela ce que dit S.
Augustin (1. m. De doct. Christ, cap. 16.) où, parlant du texte
de S. Jean : « Nisi manducaveritis cornem » filii hominis,
etc., » le saint écrit que la chair du Sei-gneur est une figure
par laquelle il nous commande de garder la mémoire de sa passion
: « Figura est praecipiens
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
375
« passione Dominica esse communicandam. » On répond
: II n'y a aucun doule que l'eucharislie a élé instituée
en mémoire de la passion, comme l'apprennent les saints évangilistes
: « Hoc facile in meam commemorationem ; » et S. Paul : «
Quotiescumque manducabitis panem hunc, » mortem Domini annuntiabitis.
» Mais il faut dislin-«uer parmi les figures que nous offre
l'Écriture. Les unes sont simplement et purement figures, puisque
les paroles ne peuvent s'entendre dans leur sens propre, comme quand Jésus-Christ
dit : Ostium, leo, vitis. D'aulres figures sont en même temps vérité,
d'après les paroles qui les ex-priment et figures par rapport à
d'aulres mystères qu'elles désignent comme on le voit dans
ces paroles dei 'a pôlre : « Abraham duos filios habuit, unum
de ancilla et unum » de libera..... quai sunt per allegoriam dicia
; haec enim » sunt duo testamenta. » (Gal. iv. 22 et 24.) Ainsi
.Abraham eul deux fils, Isaac et Ismael, qui furent réellement ses
fils, mais qui en môme temps furent les figures de l'ancien et du
nouveau Testament. La même chose s'applique au sacrifice d'Isaac
et au pillage des Égyp-tiens. On voit par là que dans les
Écritures la figure git quelquefois dans les paroles, et d'aulres
fois dans le fait, lequel est en même temps fait réel et figure.
De même dans l'eucharislie, la chair nommée est la vraie chair
de Jésus-Christ, et en même temps elle est la figure qui nous
rappelle sa passion. Et voilà ce qu'entend S. Augustin, lorsqu'il
appelle figure la chair du Seigneur. Mais com-ment le saint docfêur
eût-il pu dire que la chair de Jésus-Christ était une
simple figure, lui qui, dans une foule de passages de ses écrits,
déclare expressément que l'eucharis-tie contient le vrai
corps et le vrai sang de Jésus-Christ. Il dit notamment dans un
endroit ; « Jesum Christum car
574
ibKfti
» nem suam nobis manducandam, bibendumque sangiii-» nem
dantem fideli corde, alque ore ( notez ce mol ore) >r suscipimus. >? (Lib.
it. e. 9. adv. leg. et proph.) Et dans un autre lieu il ajoute : «
Panis quem videtis in aliari, » sanctificatus, per verbum Dei, corpus
est Christi : Calix » ille, immo quod habet calix, sanctificatum
per verbum » Dei sanguis est1 Christi. » (Ser.85. Dediver.
nunc.227.) XXI. On oppose encore la réponse du Sauveurà ceux
de Capharnaum qui, lorsqu'il leur annonçait le sacre-ment de l'eucharistie
qu'il Voulait instituer, lui répliquè-rent : « Quomodo
potest hic carnem suam dare ad man-» ducandum9 » (Jo. vi. 53.)
lt leurrépondil : « Spiritus » est qui vivificat, caro'non
piodést quidquam'. » (Ibid. vers. 64.) Donc, disem les novateuis,
la manducalion réelle de la chair1 de Jésus-Christne sert
à rien ; tout l'effi-cace est dans la spiriluelfóqtìì
se fait par la foi. S. Augustin hii-même fournil la réponse
dans ce passage : « PÌott pro-» dest quidquam', sed
'quomodo illi intellexerunt quo-rf modo in cadavere eai'o dìlaniaW,
et in macello vendi-»· tur non quomodo spiritu1 vegelatur.
Caro non prodest »sola; accedat spiritus et prodest plurimum. »
(Tr. xxVi. in Joan.) Ainsi ce qui n'est point profitable, c'est la manducaiûjn
cPùne simple ChaîFmorte, comme ceîle que vend le boueber,
et comme ceirô de Capharnaum la con-cevaient séparée
de l'esprit, c'eét-à-efire de famé et de la divinité
de Jésus-Christ, mais au contraire dans le gens du éacrement,
la manducation' est infiniment profitable. L'erreur des Juifs Ae consistait
donc pas en ce qu'ils pen-saient que le Seigneur voulait leur donner réellement
sa chair à manger, mais dans la manière dont ils conce-vaient
cette manducation, c'est-à-dire en broyant a^ec les dents, comme
on fait1 de la chair de boucb'erîe'.
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
37ÌÌ
XXII. Mais que sert, à l'égard des hérétiques,
de leur, opposer les passages evidens de l'Écriture, l'aulorilé
defl pères el les raisonneraens les plus clairs, puisqu'ensesér
parant de l'Église, ils se sont fermé à eux-mêmes
la voie qui mène à la vérité? Toutes leurs
erreurs naissent de ce défaut de soumission au jugement de l'Église,
qui a été déclarée par Dieu la colonne et le
fondement de la vérité,, Ils prétendent, eux, que
l'Espril-Saint éclaire chaque chrélien de manière
qu'il connaît certainement tout ce qu'il faut croire. Mais je leur
ferai une question à propos même de ce sacrement de l'eucharistie
dont nous traitons maintenant : Luther et Zwingle étaient tous deux
chrér tiens; Luther dit que dans l'eucharistie est le vrai corps
de Jébus Cln\st", Zwingje soutient que ce n'est point le vrai corps,
niais le signe du corps du Chris! : or, je le de? mande, qui des deux dit
la véiité, et lequel suivrai-je? Nous autres catholiques,
au contraire, nous avons l'au-torité de l'Église, qui, dans
de nombreux conciles, nous enseigne que sous les espèces du pain
consacré existe réelle-ment le corps'de Jésus-Christ
: pourquoi hésiterions-nous à croire? Cet enseignement nous
est donué d'abord par le concile d'Alexandrie, lequel fut ensuite
approuvé par un second œcuménique; par le second concile
de Nicée} septième œcuménique (act. 6. tom. 5 in fin.),
où on condamna comme erronée celte proposition , que dans
^eucharistie il n'y a que la figure du corps de Jésus-Christ. En
voici les termes : « Dixit: accipite, édile, hoc est »
corpus meum... Non autem dixit : sumite, édite ima-» ginem
corptuis mei. » Par le concile de Rome, sous Grégoire VII,
en 4079, où Béuenger fit son abjuration el sa profession
de foi, cqnfessanl que, par la consécration, le pain el le vin se
changeaient substantiellement au corps
576
TRAITÉ
et au sang de Jésus-Christ. Par le quatrième concile
de La-iran, sous Innocent III, en 1215, dont le premier chapitre poite
: « Credimus corpus et sanguinem Christi sub spe-» ciebus panis
et vini veraciter contineri, Iransubstantia-» lis pane in corpus,
et vino in sanguinem ; » par le con-cile de Florence (in Docl. de
Sacr.) au quatrième chapitre, où il est dit : « Substantiam
panis in corpus Christi con-» vcrli, etc; » et finalement par
le concile de Trente, dans le premier canon de la vingt-troisième
session, où on lit : « Si quis negaverit in sanctissima; eucharistiae
sacra-» mento contineri vere, realiter, et substantialiter corpus
» et sanguinem una cum anima, et divinitate Domini nos-» lii
Jesu Christi, ac proinde totum Christum ; sed dixerit » tantummodo
essein eo, ut in signo, vel figura, aut vir-» lule : anathema sit.
» In signo, comme disait Zwingle; in figura, comme disait OEcoIampade;
in virtute, comme disait Calvin, qui avançait que le corps de Jésus-Christ
était dans l'eucharistie, en iant qu'elle avait (ainsi qu'il disait)
la verlu de nous faire communier au corps de Jé-sus-Christ.
XXIII. Dans le deuxième chapitre il est parlé de l'amour
que nous a montré Jésus-Christ en instituant l'eucharis-tie,
el des fruits que nos âmes recueillent de ce grand sa-crement : «
Salvator noster discessurus ex hoc mundo ad » Patrem sacramentum
hoc instituit, in quo divitias di-» vini sui erga homines amoris
velut effudit. Sumi autem » voluit tamquam animarum cibum, quo alantur,
et con-» Ponentur viventes vita illius qui dixit : Qui manducat »
me, et ipse vivet propter me (Jo. vi.); el tanquam an-» lidotum,
quo liberemur a culpis quotidianis, et a pec-» calis mortalibus praeservemur.
Pignus praeterea id esse
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
577
» voluit futurae nostrae gloriae, et symbolum illius coipo-»
ris, cujus ipse caput existit, et nos membra, etc. »
XXIV. C'est à ce chapitre que correspond le canon 5, par
lequel on condamne celle proposition, que le fruilprin-cipal de l'eucharistie
est la rémission des péchés, et celle que nous n'en
pouvons pas retirer d'autre fruit : « Si quis » dixerit, vel
praecipuum fructum sanctissimae eucharis-» tiae esse remissionem
peccatorum, vel ex ea non alios » efifectus provenire: anathema sit.
»
XXV. Dans le chapitres il est dit que les aulressacremens ne nous confèrent
la grâce que quand nous les recevons, mais que l'auteur de toute
grâce existe dans l'eucharistie : avant que nous la recevions car
son corps vient sous les es-pèces du pain, et son sang sous celles
du vin par la force des paroles sacramentelles, et de même son corps
sous celles du vin et son sang sous celles du pain , et son ame sur les
deux espèces en même lemps, par la force de la con-nexion
naturelle qui existe entre les parties de la personne de Jésus-Christ,
et enfin sa divinité aussi sous les deux espèces par l'union
hyposlalique du Verbe avec le corps et l'ame du Seigneur. D'où Jésus-Christ
tout enlfer est con'enu aussi bien sous une seule espèce que sous
les deux et dans chaque partie d'elles : « Commune est eu-»
charislise cum caeleris sacramentis symbolum esse rei » sacrae ei
invisibilis gratiae formam visibilem; verum » illud in ea singulare
reperitur, quod reliqua sacra-» menla tunc sanctificandi vim habent,
cum quis illis » utitur; ei in eucharistia ipse sanctitatis auctor
ante » usum esl ; nondum enim eucharistiam de manu Domini »
apostoli susceperant, cum vere ipse affirmaret corpus » suum esse
quod praebebat. Ei semper haìc fides in ec-» clesia Dei fuit,
statim posl consecrationem verum Do-
578
TRAITE
» mini corpus et sanguinem sub panis et vini specieuna »
cum ipsius anima et divinitate existere; sed corpus sub »* specie
ex vi verborum : ipsum autem corpus-sub specie » vini et sanguinem
sub specie panis; animamque sub ulra-» que vi naturalis illius connexionis,
et concomitantiae, » qua partes Christi qui resurrexit inlersecopulanlur
: di-» vinilatem porro propter illam ejus cum corpore elanima »
hypostaticam unionem. Quapropter totus Christus sub » panis specie,
et sub quavis ipsius speciei parle, totus » idem vini. speciebus,
et sub ejus partibus existit. »
XXVI. Acechap. 3 cor. i, correspond le can. 3. « Si quis »
negaverit, in venerabili sacramento eucharistiae sub una· »
quaque specie, et sub singulis cujusque speciei partibus, «-separatione
facta, totum Christum contineri ; anathema
ìr Sit. »
?????. Dans ce can. 3 , l'évêque de Tuy, Jean Emi-lien
fut d'avis que l'on insérât les mots separatione facta, pour
établir la doctrine que Jésus-Christ n'était point
sous chaque parcelle do l'hostie entière. L'archevêque de
Cagliari et quelques autres s'opposèrent à cela, disant qu'en
ajoutant ces paroles on arrivait à la réprobation im-plicite
de la doctrine contraire. Mais après tout le concile préféra
l'addition proposée parce que sans elle la première proposition
demeurait réprouvée au lieu qu'en ajoutant ces mots les deux
opinions restaient intactes. Il est donc certain que ce n'est pas un point
de foi que Jésus-Christ soit tout entier sous chaque partie de l'hostie
avant sa division. Soave est néanmoins dans l'erreur en disant,
que cette addition étant faite, « il paraissait qu'on en »
pouvait conclure que le Seigneur n'était pas tout en-» lier
dans chaque partie avant la division. » Car on ne peut en rien inférer
sinon que ce n'est point une hérésie
CONTRE BES· HÉRÉTIQUES.
379
de dire que Jésus-Christ n'est pas tout entier dans chaque partie
de l'hostie avant la division ; mais ce serait une ineptie de prétendre
que ce qui est déclaré n'être pas une hérésie
doit être pris comme une vérité certaine et établie.
XXVIII. À ce chap. 3 appartient encore le can. 4: «
Si » quis dixerit, peracta consecraiione, in admirabili eu* »
charislise sacramento non esse corpus et sanguinem Do· » mini
nostri Jesu Christi, sed tanlum in usu , dum su-» milur non aulem
anle, vel post, et in hostiis seu par-» libus consecratis, quœ post
communionem reservantur, » vel supersunt, non remanere verum corpus
Domini : » anathema sit. »
XXIX. Ce fut là l'erreur de Luther qui disait que Jé-sus-Chribl
n'était pas dans l'eucharistie avant sa récep-tion ni après.
Il piétendait, comme il l'écrit à Simon Vuolferin
(lib. 3. cap. 1.) que le corps de Jésus-Christ n'était dans
l'eucharistie que depuis les première mots du Pater noster qui se
dit à la messe pendant tout 1? temps que les fideles peuvent communier
actuellement. Mais on demande à Luther: Si dans cette messe, il
ne se présente personif pour communier, ou si quelque accident écarte
le fidèle qui en avait le désir, te corps du Seigneur ne
demeurerait-il pas dans l'hostie qui n'aurait pas été reçue?
C'est donc avec raison que le concile nous enseigne que le corps de Jésus-Christ
existe sous les espèces con-sacrées avant leur réception
se fondant en cela sur la tradition la plus ancienne de l'Église
et err même temps sur les paroles mêmes de Jésus-Christ·
qui en affirmant à ses disciples que ce pain était son corps
avant qu'ils l'eussent reçu, nous fait ainsi connaître qu'il
est dans l'eu-charistie avant qu'on nse du sacrement. Pierre Soayedit que
la raison donnée par le concile dans le Chapitre 3%
580
TRAITÉ
déjà rapporté, ne prouvait pas complètement
que Jésus-Christ existait dans le sacrement de l'autel avant la
récep-tion du sacrement; car, selon lui, la porreclion efle-même
est un acte qui fait partie de la réception de l'eucharistie. On
répond qu'il n'est pas vrai que tous les actes qui con-courent àl'usaged'unsacremenlsoientcel
usage même; car il peut arriver que la personne qui voulait communier
en soit empêchée par quelqu'accidenl; or dans ce cas on ne
peut pas dire qu'il ail élé fait usage du sacrement ; et
cependant Jésus-Christ existait déjà sous les espèces
de l'eucharistie.
XXX. Dans le chap. 4 il est parlé de la Iransubslan-liation,
et on y lit que le Seigneur ayant dit que c'était son corps môme
qu'il tenait dans ses mains sous l'appa-rence du pain , l'Église
a toujours cru; et il est aujour-d'hui de nouveau déclaré
par le concile que, par la con-sécration, toute la substance du
pain cl du vin est con-vertie en celle du corps et du sang de Jésus-Christ:
changement que l'Église catholique a toujours appelé proprement
iransubslantiation. « Quoniam autem Christus » corpus suum
id, quod sub specie panis offerebat, vere » esse dixit : ideo persuasum
semper in Ecclesia Dei fuit, » idque nunc denuo sancta haec synodus
déclarai, percon-» secralionem panis in substantiam corporis
Christi, et » vini in substantiam sanguinis ejus : quae conversio
pro-» prie a sancta catholica Ecclesia transubstantialio est »
appellala. »
XXXI. A ce chap. 4 , répond le can. 2 où il est
dit : « Si quis dixerit, in sacrosancto euchorisliae sacramento »
remanere substantiam panis et vini una cum corpore * et sanguine Domini
nostri Jesu Christi : negaveritque » conversionem totius substantiae
panis in corpus, et vini
CONTRE IES HÉRÉTIQUES.
S81
» in sanguinem, manentibus dunlaxat speciebus panis t et vini
: quam quidem conversionem catholica Ecclesia » aptissime transubslaniiationem
appellat: anaihemasil.»
XXXII. Étant certain par les paroles, « hoc est
corpus » meum, » que l'eucharistie contient le corps de Jésus-Chrisl,
le mol hoc indique toute la substance de la chose présente qui est
ici le corps du Seigneur et non la sub-stance du pain, qui existait auparavant
sous ces espèces. S'il restait quelque chose de la substance du
pain, il ne faudrait pas dire hoc, mais on devrait dire hic, ou seu-lement
in hoc. Cela est encore confirmé par les paroles de S. Jean (vi.
52.) : « Panem, quem ego dabo, caro mea » est. » Si la
substance du pain était restée sous les es-pèces,
Jésus-Chrisl n'aurait pas pu dire que le pain élail sa chair,
mais il aurait dû dire que sa chair élail dans le pain.
XXXIII. Mais ici Soave se remet en marche et dil qu'on doil voir
une contradiction en ce que le concile avait déclaré d'abord,
chap. 1, que la conversion du pain au corps de Jésus-Chrisl pouvait
à peine êlre exprimée par des paroles, tandis qu'ensuite,
au chap. 4, il esl dil que celle conversion se nomme proprement transubstantiation.
Or ajoule-t-il,si celle conversion a une dénomination propre, on
ne peut dire qu'elle ne pouvait êlre exprimée. Pala-vicin
répond ainsi : L'union du Verbe divin avec l'hu-manité de
Jésus-Christ, bien qu'on l'appelle ineffable, est cependant nommée
proprement union hypostatiquc. Beaucoup d'épilhèles peuvent
êlre justemenl appliquées à un objet bien qu'aucune
d'elles ne le définisse assez clairement pour que l'intelligence
humaine puisse par-faitement le comprendre. C'est ainsi que la conversion
de la substance du pain en celle de Jésus - Christ a pu
être réputée par le concile à peine explicable
par fdos paroles, parce que nous ne pouvons comprendre, non plus qu'expliquer,
comment ces.subsiances se changeât subitement et totalement l'une
dans l'autre el comment les espèces du pain et du vin lestent visibles
et tangibles,, avec la substance seule du corps,el du sang du Seigneur
qui dans le sacrement n'est ni visible ni tangible. Mais cela ne fait pas
pourtant que celle conversion ne puisse être proprement appelée
transubstaniiation; car comme on dit transfiguration quand un corps passe
d'une figure à une autre, transformation quand une matière
quitte une forme pour en prendre une autre, de même on peut bien
diie transubstanliation quand une substance se change en une autre el que
cependant les espèces de la première demeurent. 11 est permis,
suivant Cicéron (lib. 5. De finib. in princ.) d'inventer des mots
nouveaux pour exprimer une chose nouvelle el singulière; il doit
donc être per-imis et même il est nécessaire à
la théologie de le faire, puisqu'elle enseigne les doctrines les
plus nouvelles et les plus inconcevables à l'entendement,humain.
XXXIV. Quant à la manière dont s'opère celle tran-substantiation,
à savoir si c'est par annihilalion de la sub-slance, ou par adduction,
or par l'union aux espèces du corps de Jésus-Christ, disons
.avec S. Thomas qu'elle ii'eslnianniliilative, ni adduciive, ni unissant
le corps du Sauveur aux espèces, mais qu'elle est reproductive de
ce corps, car par les paroles de la consécration le corps de Jésus-Christ
se reproduit à l'instant dans l'eucharistie, comme s'il commençait
d'être à cet insunt; d'où les saints Pères disent
que dans l'eucharistie le corps de Jésus-Christ est presque créé.
Ils disent presque parce que, ajoute S. Thomas (111. p. quaesl. 75,a 7.)
dans la création ce qui
CONTRE I»ES HÉRÉTIQUES.
563
n'est rien passe à l'état d'être, tandis que dans
l'eucha-ristie la substance du pain se change au corps de Jésus-Christ.
.XXXV. Dans le chap. 5 il est question du culte de latrie
.dont Jésus-Christ doit être honoré dans l'hostie.
On y
approuve l'usage de célébrer chaque année la fête
de
ce saint mystère et de porter le saint-sacrement dans les
processions pour l'exposer à l'adoration des fidèles,
et
leur renouveler la mémoire d'un si grand bienfait : «
Ctai-
.» nes fideles pro more in Ecclesia semper recepto lalriœ
» cultum huic sanctissimo sacramento exhibeant, etc.
» Declarat praeterea sancta synodus, pie inductum fuisse,
» ut singulis annis peculiari quadam die hoc venerandum
» sacramentum singulari solemnitate celebraretur, uique
» in processionibus illud per vias circumferretur....cum
» christiani singulari quadam significatione gratos leslen-
» lur animos erga Dominum pro tam divino beneficio,
» quo mortis ejus triumphus repraesentatur, etc. »
.XXXVI..A ce chapitre correspond le can. 6 qui porte : « Si quis
dixerit, in sanctae eucharistiae sacramento Chris-» tum Dei Filium
non esse cultu latriae, etiam externo, » adorandum; atque ideo nec
fesliva celebritate veneran-» dum, neque in processionibus secundum
laudabilem Ì»Ecclesiee ritum et consuetudinem solemniter circum-»
gestandum vel non publice ut adoretur populo propo-ni» nondum,ejusadoraiores
esse idololatras: anathema sit.» XXXVU. Soave dit que dans le concile
on taxa d'im-propriété cette expression du passage da chu
p. ? où il est dit qu'on doit rendre le culte de lalrie «
huic sanctis-» simo sacramento, » attendu que par sacrement
on n'en-tend pas la chose contenante. El c'est pour cela, suivant lui,
que dans lc can. 6 on a ensuite corrigé la rédaction
584
TRAITE
et exprimé que c'était le Fils de Dieu qui devait être
adoré dans ce sacrement. Mais on répond à celle vaine
supposition de Soave que les théologiens distinguent trois choses
dans les sacremens de la loi nouvelle : sa-cramentum tantum, c'est la chose
sacrée, c'est-à-dire le signe visible qui signifie la grâce
invisible conférée dans le sacrement et à quoi s'applique
proprement le nom de sacrement; res sacramenti, c'est la chose signifiée,
l'ef-fet même du sacrement qui dans l'eucharistie est la ré-flection
de I'ame; sacramentum et res, c'est, dans l'eucha-ristie, le corps de Jésus-Christ,
lequel à la fois est si-gnifié par les espèces et
signifie lui-même la grâce qui est conférée à
I'ame. Ainsi dans l'eucharistie, le corps de Jésus-Christ n'est
point chose distincte du saere-meni, puisque l'eucharistie est un composé
du corps de Jésus-Christ et des espèces sacramentelles. Il
suf-fit donc d'entendre que le corps du Seigneur fasse par-tie de ce composé
pour devoir lui rendre le culte de latrie, de même que bien que l'humanité
de Jésus-Christ ne mérite pas pat elle-même un tel
culte, puisqu'elle est créée, néanmoins nous ne laissons
pas de le rendre à Jésus-Christ, parce qu'il est un composé
qui contient encore la divinité. D'ailleurs ce ne sont pas les espèces
qu'on adore dans l'eucharistie, mais Jésus-Christ qui est contenu
sous ces espèces.
XXXVIII. Dans le chap. 6 on recommande l'usage de conserver le saint-sacrement
dans la custode et de le por-ter aux malades: « Consueludo observandi
in sacrario » eucharistiam adeo antiqua est, ut eam seculum etiam
» Nicaeni concilii agnoverit. Porro deferri ipsam ad in-» firmos...
multis in conciliis praeceptum invenitur, ei ve-» iustissimo Ecclesia?
more est observatum. Quare sancta
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
385
» synodus retinendum omnis salutarem hunc et neces-» semini
morem statuit. »
XXXIX. A ce chapitre correspond le can. 7 : « Si quis »
dixerit, non licere eucharistiam in sacraria reservari ; » sed statim
post consecrationem adstantibus necessario » distribuendam : aut
non licere ut illa ad infirmos ho-» norifice deferatur : anathema
sit. »
XL. Mais ici les hérétiques se récrient et disent
: Com-ment le corps de Jésus-Christ peut-il se muliiplieren tant
de lieux où le sacrement se conserve? II faut se rappeler ce qu'a
dit le concile dans son chap. 1, savoir que Jésus-Christ était
aux cieux selon le mode naturel, et que sur la terre, dans l'eucharistie;
était sa substance, selon le mode sacramentel ; mode que nous ne
pouvons com-prendre ni exprimer, mais que nous devons croire pos-sible
et vrai parce qu'il nous l'a révélé lui-même.
Le corps de Jésus-Christ, comme nous l'avons déjà
dit, est présent dans l'eucharistie par la conversion du pain en
la substance du corps de Jésus-Christ; d'où il suit que comme
les conversions du pain en une aulre substance peuvent se multiplier par
milliers, elles peuvent égale-ment se faire en la substance du corps
de Jèsus-Christ et par milliers sans que Jésus-Christ se
multiplie. Une seule voix, sans se multiplier, frappe en même temps
les oreilles de tous ceux qui l'entendent. Le soleil, sans se multi-plier,
se réfléchit sous les yeux de tous ceux qui le re-gardent.
Et de même le corps du Seigneur, sans se multi-plier, peut se trouver
sous toutes les espèces du pain qui sont consacrées. Ce mode
sans contredit est miraculeux et peu compréhensible pour nous ;
mais c'est là l'œuvre de la foi de nous faire croire les choses
que nous ne pouvons arriver à comprendre.
xix.
25
386
XLI. Le chapitre 7 exprime l'obligation, pour celui qui veut communier,
de se confesser s'il se sent coupable de péché mortel, en
conformité du précepte de S. Paul: « Probet autem seipsum
homo : » précepte que le concile déclare devoir être
également observé par les prêtres à moins qu'un
cas de nécessité ne les force à célébrer,
et qu'il leur manque un confesseur, mais alors ils doivent le faire le
plus tôt possible après la célébration : «
Gom-» municare volenti revocandum est in memoriam prae-» ceplum
: probet seipsum homo (I. Cor. i.); ecclesiastica » autem consuetudo
declarat, eam probationem necessa-» riam esse, ut nullus sibi conscius
mortalis peccati, » quantumvis contritus, absque praemissa sacramentali
» confessione ad eucharistiam accedere debeat. Quod » eliam
a sacerdotibus servandum est, modo non desit » illis copia confessoris.
Quod si necessitate urgente sa-» cerdos absque praevia confessione
eelebraverii, quam » primum confiteatur. »
XLII. A ce chapitre correspond le canon 11 : « Si quis »
dixerit, solam fidem esse sufficientem praeparationem » ad sumendum
sanctissimum eucharistiae sacramentum: 9 anathema sit. »
XLIII. Ceci condamne l'erreur de Luther qui disait que-la seule manducation
spirituelle donnait la vie; et que ce don de vie n'élait pas le
fruit de l'application du sacrement, mais de la foi de celui qui le recevait.
Mais cela est faux; car les sacremens confèrent la grâce par
eux-mêmes au moyen de leur application extérieure, comme l'apôtre
le dit en parlant du baptême. (Ephes. 5.) 11 est vrai que la foi
est aussi nécessaire pour obtenir la vie par la réception
de l'eucharislie, mais elle est néces-saire comme disposition non
comme cause de la grâce,
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
387
puisque le sacrement est par soi toujours efficace, sui-vant ces paroles
du même canon: « El ne tantum sacra-» mentum indigne
sumatur, statuit atque declarat ipsa » sancta synodus, illis quos
conscientiae peccati morla-» Iis gravat quantumcumque etiam se contritos
exisli-» menl, habita copia confessoris, necessario praemitien-»
dam esse confessionem sacramentalem. Si quis autem » contrarium docere,
praedicare, vel pertinaciter asse » rere, seu etiam publice disputando
defendere praesump-» serit, eo ipse excommunicatus existât.
»
XLIV. Plusieurs difficultés furent soulevées dans le
concile à l'occasion de ce canon. A l'égard des paroles,
habita copia confessoris, il y avait d'abord sacerduiis, on mit ensuite
confessoris pour ne pas donner à entendre qu'il fût d'obligation
de se confesser à tout prêtre, encore qu'il n'eût pas
le pouvoir d'absoudre. D'autres mirent en doute l'obligation de la confession
imposée par le concile, disant qu'il suffisait de la contrition
jointe au désir de se confesser en son temps. D'autres enfin, et
parmi eux était Melchior Canus, déclaraient qu'ils n'approuvaient
pas l'opinion de Cajetan, Paludanus, Richard et autres qui niaient la nécessité
de la confession , car le contraire se démontrait par la tradition
de l'Église, comme on le voit dans Hugaes, Eusèbe, Nicéphore
et S. Cyprien; d'où ils estimaient que cette opinion devait être
rejetée comme erronée, sans pourtant être condamnée
comme hérétique. Ce qui fut fait ainsi : on déclara
que la con-fession devait précéder la communion ; mais on
ne con-damna point comme hérésie l'opinion opposée.
XLV. Dans le chapitre 8 on distingue trois manières de faire
usage de l'eucharistie : l'usage purement sacra-mentel , quand on communie
en état de péché; celui pu-
25.
388
TRAITE
rement spirituel, quand on communie par la foi seule' sans réception
réelle du sacrement ; enfin le sacramentel uni au spirituel, c'est
celui d'une communion faite avec les dispositions voulues. Ensuite on déclara
que la cou-tume perpéluelle de l'Église a été
que les laïques commu-niassent de la main des prêtres et les
pvêttes de la leur propre : « Quoad usum recte patres nostri
tres rationes hoc » sacramentum accipiendi distinxerunt; quosdam
enim » docuerunt sacramentaliter dunlaxal id sumere, ut pec-»
catores : alios tantum spiritualiter ; qui voto illum cœ-» leslem
panem edentes fide, quae per dilectionem opera-» tur, fructum ejus
sentiunt : tertios sacramentaliter simul » et spiritualiter ; hi
autem sunt, qui se prius ita pro-»bant, et instruunt, ut veste nuptiali
induti ad hanc » mensam accedant. Semper autem in Ecclesia Dei mos
» fuit, ut laici a sacerdotibus communionem acciperent ; »
sacerdotes aulem celebrantes sa'psos communicarent : » qui mos ex
traditione apostolica descendens, merito » retineri debet, tlc. »
A ce chapitre correspond le can. 40 : « Si quis dixerit, »
non licere sacerdoti celebranti seipsum communicare : » Anathema"sit.
»
XLVI. Dans le can. 9 qui précède celui-ci, l'analhème
fut prononcé conlre celui qui nierait l'obligation pour tout fidèle
de communier chaque année au moins à Pâ-ques, suivant
le chap. : « Omnis utriusque sexus xn de pœnil et rem. » D'après
lequel le concile dit : « Si quis ne-» gaverit omnes ei singulos
Christi fideles utriusque »Sexus, cum ad annos discretionis pervenerint,
teneri » singulis annis saltem in Paschale ad communicandum »
juxia praìceplum sancue malris Ecclesiae anathema sit. »
\LV1I. Soave rapporte qu'un des théologiens du con-
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
389
cile s'opposait à ce qu'on déclarât de foi cette
obligation de communier à Pâques, car c'était, suivant
lui, chose élrange que de déclarer de foi une prescription
de l'Église. Mais voici réellement ce qui se passa : quelqu'un
dit que la condamnation de la proposition opposée au canon devait
être accompagnée de l'explication que ce précepte n'était
pas divin , mais ecclésiastique. Un autre dil ensuite que la proposition
contraire éiaii plutôt schismutique qu'héréliq'ie.
Mais enfin lous furent d'accord de pio-noncer l'analhème, et fort
justement, dit Palavicin, car de même que celui-là est suspect
dans sa foi qui néglige habiiuellemenl d'entendre la messe, ou qui
mange de la chaiivle vendredi et le samedi, de même celui qui nie
l'obligation d'obéir au précepte de l'Église de communier
chaque année est suspect aussi ; car par-là on doit présu-mer
qu'il ne croit pas que l'Église ail reçu le pouvoir d'établir
de pareils commandemens, pendant qu'il est certain, comme on le prouve
pai l'Écriture et les tradi-tions apostoliques, que Dieu lui-même
a donné à l'Église le pouvoir d'ordonner tout ce qu'elle
juge en quelque sorte nécessaire pour acquérir le salut éternel.
590
TRAITÉ
XIV SESSION.
Du sacrement de pénitence.
, I. Dans le chap. 4 on traite de la nécessité et de
l'in-stitution du sacrement de pénitence; il y est dit que la pénitence
a toujours été nécessaire à ceux qui sont tom-bés
dans une faute grave ; mais qu'elle ne fut élevée à
la dignité de sacrement que quand Jésus-Christ ressuscité
eut dit à ses disciples en leur donnant le Saint-Esprit : Recevez
le Saint-Esprit; les péchés seront remis à ceux à
qui vous les remettrez; ils seront retenus à ceux à qui vous
les retiendrez. D'où les Pères d'un accord unanime ont toujours
entendu que l'Église avait reçu le pouvoir de remettre ou
de retenir les péchés : c'est pourquoi le con-cile condamne
ceux qui torturent le sens de ces paroles pour leur faire signifier le
pouvoir de prêcher l'Évangile. II. C'est une erreur de dire
que les novatiens et les mon-tanisles niaient l'existence du sacrement
de pénitence-Us disaient seulement que l'Église n'avait pas
le pouvoir d'absoudre certains péchés trop énormes.
Luther cepen-dant, Zwingle et Calvin rejetèrent totalement ce sacre-ment;
car bien qu'ils reconnussent la réalité d'une ré-conciliation
pour ceux qui étaient tombés en faute depuis le baptême,
néanmoins ils niaient que les prêtres eussent le pouvoir de
remettre les péchés. Luther, dans son livre De captiv. Babyl.,
admit d'abord trois sacremens : « Tan-* ium tria protempore ponenda,
baptismus, poenitentia » et panis. » Mais plus loin dans le
même ouvrage il
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
391
ramène la pénitence au baptême, et des trois sacremens
il n'en fait plus que deux, « baptismum et panem, cum ?, his solis
(dit-il) et restitulum divinitus signum et pro-» missionem remissionis
peccatorum -videamus, nam » poenitentiae sacramentum signo visibili,
et divinitus » instilulo caret. » El cependant dans d'autres
livres pos-térieurs et selon la variaiion de ses opinions, il l'admet
comme sacrement. Zwingle (lib. de vera et falsarelig. ) le rejelle ioui-à-fait
; et Calvin (lib. 4, insl. cap. 19 § 15 ) ainsi queBeze (in Conf.
fid. c. 7) et tous leurs sectateurs le nient également. Mais les
paroles déjà citées : « Accipite » Spirilum
Sanctum ; quorum remiseritis, etc. » qu'on lit dans S. Jean, chap.
20, prouvent assez que la pénitence est un sacrement puisqu'on y
trouve l'institution divine , la promesse de la grâce et le signe
sensible extérieur qui consiste dans les paroles de l'absolution.
Voy. Bellarmin , tom. 5. De pœnit, lib. 1- cap. 10.
III. Calvin dit que ces paroles, quorum remiseritis, etc., se rapportent
à la rémission des péchés qui s'o-pète
lorsque les pécheurs se convertissent par le bap-tême ou la
prédication. Nous répondons que Jésus-Christ a donné
à ses apôlres le pouvoir de remettre les péchés
aux infidèles par le baptême, aux fidèles par la pénitence,
et que pariiculièremenl les paroles susdites s'entendent du pouvoir
des clefs, qui s'exerce envers les fidèles, comme l'explicfuent
S. Chrysostôme, Théo-philacte sur le passage cité et
S. Ambroise (lib. 1. De pœnit. cap. 2). Terlullien dit (lib: De pœnil.)
que deux portes sont ouvertes au pardon; le baptême et la pénitence.
S. Cyprien (ou un autre auteur ancien) dit la même Chose dans le
sermon de absolutione. Il en est de même de S. Jérôme
(lib. 1. contra Pelag.), de S. Augustin
392
TRAITE
(Epist. 480. ad Honorat.), de S. Chrysoslôme (De sa-cerdot.),
de S. Cyrille (lib. 12. in Jo. cap. 56), de S. Léon (Epist. 91.
ad Theodor.), de Théodore! (Epist, divin, décret, cap. de
pcenit. ) Mais on le voit encore plus clairement dans le décret
de Lucius III, ad abolen-dam, extra, de hœret, et par les conciles de Florence
et de Trente. De sorte que si celle doctrine n'était pas vraie,
toute l'Église, pendant tant de siècles, serait restée
dans l'erreur, ce qui est impossible, d'après la promesse de Jésus-Christ
à son Église : « Et portae inferi non prseva-»
lebun? adversus eam. (Malth. xvi.)
IV. Calvin objecte encore que les paroles remittuntur eis ne
contiennent pas la promesse du pardon, mais seu-lement une excitation à
l'espérer : il paile de même du baplême et des autres
sacremens. Mais son erreur est grossière, car ces paroles ego te
baptizo , ego te absolvo ne peuvenl être plus claires pour signifier
la justification et dans le fait elles justifient l'homme qui y est disposé,
encore que ces paroles ne soient ni entendues ni com-prises par fui.
V. Ainsi les calvinistes ont écarté totalement le sacrement
de la pénitence. Les luthériens ne l'ont pas rejeté
en tout, mais l'ont tellement altéré et interprète
qu'à peine lui ont-ils laissé son nom; et cela parce qu'ils
n'ont plus seulement parmi eux de prêlres Iégilimes, mais
encore parce qu'ils prétendent que Jésus-Christ n'a donné
d'autre pouvoir à ses apôtres et à leurs disciples
que celui d'annoncer par la prédication la divine promesse de pardonner
aux pé-cheurs et de déclarer ensuite dans le sacrement de
péni-tence la rémission déjà opérée
par les mérites du Sauveur. Chose d'ailleurs que non-seulement les
prêtres pourront faire, mais encore les laïques, les femmes
et les infidèles.
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
393
VI. Mais l'Église catholique, dans le concile de Trente (Session
16. c. 4.) enseigne que Jésus-Christ a transmis aux prêtres
le véritable pouvoir judiciaire d'absoudre ou de retenir les péchés,
« quorum remiseritis peccata, etc. « Quorum retinueritis, etc.
» (Malth. xvin.), il n'a pas dit : « Quibus denunliaveritis
peccata esse remissa, etc. » H est vrai que si le confesseur manque
au pécheur contrit, il lui suffira pour être absous du désir
de l'absolution sacramentelle, désir qui accompagne la contrition
; mais pour la rémission des péchés commis depuis
le baptême, l'absolution est toujours nécessaire « vel
in re, vel in volo ; » et le prêtre, en absolvant, remet véritablement
les péchés, comme vicaire de Jésus-Christ, et en vertu
du pouvoir à lui donné par Jésus-Christ lui-même
(qui est celui qui absout en chef), commel'écril S. Ambroise (lib.
2. de Pœnil. cap. 2.): « Impossibile videbatur per poenitentiam »
peccata dimitti; concessit hoc Chrisius apostolis suis, » quod ab
apostolis ad sacerdotes transmissum est. »
VU. Chemnice oppose que dans la pénitence on ne trouve point
la matière, c'est-à-dire l'élément. Nous trai-terons
plus amplement ce point quand nous examinerons le chap. 3 où nous
parlerons des parties du sacrement de la pénitence. Pour le moment
nous répondrons briève-ment à Chemnice que tous les
sacremens ne doivent pas avoii le même genre de matière lelle
qu'est par exemple l'eau du baptême; il suffit dans les autres sacremens
qu'il y ait des signes extérieurs qui représentent leur effet
spi-rituel selon la nature de chaque sacrement ; et peu im-porle que ces
signes soient perçus par les yeux ou par les oreilles de celui qui
reçoit le sacrement. C'est pour-quoi dans la pénitence où
le signe extérieur est la confes-sion du pénilenl et l'absolution
piononcée par le prêtre,
394
TRAITE
la matière propre du sacrement ne manque point, comme l'écrit
S. Augustin (lib. 2. de Doctr. Christi.) Et on ne peut opposer ce que dit
le saint docteur dans son qua-Ire-vinglième traité sur S.
Jean : « Accedit Verbum ad » elementum et fil sacramentum;
» parce que le saint parle là du seul baptême.
VIII. Chemnice objecte de plus que le sacrement de
la pénilence n'esl point fondé sur
l'autorité des anciens Pères, mais sur le seul usage de la
pénitence publique, laquelle se pratiquait anciennement et où
la confession était exigée el des peines
imposées. Mais qu'importe cela? En accordant que les premières
récon-ciliations des pécheurs aienl élé faites
par la pénilence publique, pourquoi n'auraient-elles pas élé
des sacremens, étant accompagnées de la contrition el de
la confession joinie aux paroles de l'absolution donnée par le prêlre?
IX. Aussi le concile dit dans le chap. 1 : Si ea in re-»
generalis omnibus gratitudo erga Deum essei, ut jusii-» liam in baptismo
ipsius gratia susceptam, constanter » tuerentur; non fuisset opus
aliud ab ipso baptismo » sacramentum ad peccatorum remissionem esse
insti-» tulum. Quoniam autem Deus, dives in misericordia, »
cognovit figmentum nostrum, illis etiam vitae reme-» dium contulit,
qui sese postea in peccati servitutem » tradidissent, sacramentum
videlicet poenitentiae, quo » lapsis post baptismum beneficium mortis
Christi appli-» catur. Fuit quidem poenitentia universis hominibus,
» qui se mortali aliquo peccato inquinassent, quovis »
tempore ad gratiam assequendam necessaria illis etiam » qui baptismi
sacramento ablui petivissent, ut, perver-y> sitate emendata, tantam Dei
offensionem, cum peccali » odio, et pio animi dolore detestarentur...
Porro nec
CONTRE VËS HÉRÉTIQUES.
395
„ ante adventum Christi poenitentia erat sacramentum, » nec est
posl adventum illius cuiquam ante baptismum. » Dominus autem sacramentum
poenitentiae tunc praeci-» pue instituit, cum a morus excitatus insufflavit
in dis-» cipulos suos, dicens: Accipite Spiritum Sanctum, quo-»
ium remiseritis peccata remidentur eis; et quorum reti-» nueritis
retenta sunt. Quo tam insigni facto, et verbis » tam perspicuispoteslalemremittendieiretinendipeccata,
» ad reconciliandos fideles post baptismum lapsos, apos-» tolis
et eorum legitimis successoribus fuisse commu-» nicalam, universorum
patrum consensus semper intel-» lexil. Et novatianos remiltendi potestatem
pertinaciter » negantes » (c'est-à-dire qu'ils niaient
seulement la ré-mission de quelques péchés énormes),
* magna ratione » Ecclesia catholica tanquam haereticos explosit
, at-» que condemnavit. Quare verissimum hunc illorum » verbum
Domini sensum sancta haec synodus probans » et recipiens, damnat
eorum commentitias inlerprela-» liones, qui verba illa ad potestatem
praedicandi verbum » Dei, et Christi Evangelium annuntiandi, contra
hujus* » modi sacramenti institutionem, falsa detorquent. »
X. A ce chap. 1 se rapporte le can. i : «
Si quis » dixerit in catholica Ecclesia poenitentiam non esse vere
» et proprie sacramentum pio fidelibus quoties posl bap-» tismum
in peccata labuntur, ipsi Deo reconciliandis , » a Christo Domino
institutum : anathema sit. »
XI. Et le can. 3 qui porte: « Si quis dixerit, verba »
illa Domini Salvatoris : accipite Spiritum Sanctum : » quorum remiseritis
peccata, remittuntur eis : et quo-» ium retinueritis, retenta sunt;
non esse intelligenda de » potestate remittendi et retinendi peccata
in saciamento » poenitentiae, sicut Ecclesia catholica ab initio
semper
S96
TRAITÉ
» intellexit; detorserit autem contra institutionem hujus »
sacramenti, ad auctoritatem praedicandi Evangelium ; » anathema sit.
»
XII. Soave fil ici trois objections : la première que
les autres sacremens étant tous figurés dans l'ancien Testament
c'était chose étrange que Jésus-Christ eût institué
celui de la pénitence sans le faire précéder d'aucune
figure. Mais S. Jean Chrysoslôme (lib. m. De sacerdot.) y applique
justement une figure, très-expresse de l'ancien Testament quand
il dit : « 11 n'était permis qu'aux prêtres des Juifs
» de guerii la lèpre corporelle; et non-seulement de la »
guérir, mais de déclarer qu'elle était guérie
en effet; » et non pas seulement la lèpre du corps, mais encore
» la souillure do l'arne. » Et celte figure fui rapportée
dans le concile même par Jean Fonseca, évêque de Cas-lellamare,
quand on agita ce point.
XIII. La seconde objection de Soave est que l'Évangile n'exprimait
pas formellement les obligations et les actes de ce sacremenl. Mais Palavicin
répond que si l'Évangile eût exprimé ainsi lous
les articles de foi, il y aurait eu bien peu d'hérésies dans
le christianisme. II a fallu, lou-chant le mysièrede la Trinité,
plusieurs conciles pour dé-mêler dans la foule des discussions
quels étaient les vrais dogmes de foi. Cela démontre la nécessité
d'avoir recours à la tradition, et surtout au vicaire de Jésus-Christ,
qui est l'infaillible interprète de la tradition et de l'Écriture.
XIV. La troisième objection de Soave est que la péni-tence
ayant élé instituée par les paroles, ò ceux
à qui vous remettrez, la forme aurait dû être plutôt
le moi je remets que j'absous. On répond que l'un vaut l'aulre,
comme l'explique le cardinal de Lugo (Disp. 2. De pcenil.) ; mais le second
a élé prescrit par l'Église (et par conséquent
le
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
597
prêtre pécherait en s'énonçant différemment),
parce que l'Église et le concile reconnaissent que ce sacrement
n'a pas seulement été institue par les susdites panoles de
S. Jean, mais encore par celles de Si Matthieu : « Ce que »
vous lierez,.etc., et ce que vous délierez, etc., » aux-quelles
convient mieux le mot absoudre, comme expri-mant mieux l'acte judiciaire
qu'exerce le confesseur.
Chap. II. —De la différence entre la pénitence tt le
baptême.
XV. Le deuxième chapitre traite de la différence du sa-crement
de pénitence et de celui du baptême ; la pénitence
diffère du baptême et est nécessaire à ceux
qui ont péché depuis le baptême. Dans le baptême,
la faute et la peine sont remises à la fois; mais dans la pénitence,
la faute seule est remise et la peine ne se remet qu'après beaucoup
de larmes et de travaux. Voici les paroles du concile : « Cae-»
terum hoc sacramentum muliis ralionibus a baplismo » diffère
dignoscitur ; nam praeterquam quod maleria, et » forma longissime
dissidet, baptismi ministrum judicem » esse non oportere, cum Ecclesia
in neminem judicium » exerceat, qui non prius in ipsam per baptismi
januam » fuerit ingressus. Quid enim mihi, inquit apostolus, de »
iis qui-fons sunt judicare? (I. cor. i. in fin.) Secus est » de domesticis
fidei, quos Christus Dominus lavacro » baptismi sui corporis membra
semel efficit; nam hos, » si se postea crimine aliquo contaminaverint,
non jam » repetito baplismo ablui, cum id in Ecclesia catholica »
nulla ratione liceat; sed anle hoc tribunal tanquam » reos sisli
voluit; ut per sacerdotum sententiam non se-» mel, sed quoties ab
admissis peccatis ad ipsum pœni-» tentes confugerint, possent liberari.
Alius est praeterea
598
TRAITE
«baptismi, alius poenitentiae fructus; per baptismum »
enim Chrislum induentes nova prorsus in illo efficimur » creatura,
plenam et integram peccatorum omnium re-? » missionem consequentes
: ad quam tamen novitatem » et integritatem per sacramentum poenitentiae
sine ma-» gnis nostris fletibus et laboribus, divina id exigente
» justitia, pervenire nequaquam possumus: ut merito » poenitentia
laboriosus quidam baptismus a sanctis pa-» tribus dictus fuerit.
Est autem boc sacramentum pœ-» nilenliae lapsis post baptismum ad
salulem necessarium, » ul nondum regeneratis ipse baptismus. »
XVI. A cechap. 2 correspond le can. II OU il est dit : «
Si quis, sacramenta confundens, ipsum baptismum pce-» nilenliae sacramentum
esse dixerit, quasi haec duo sa-» cramenla distincta non sint, atque
ideo paenitentiam » non recte secundam post naufragium tabulam appel-»
lari : anathema sit. »
Chap. III. —Des parties de la pénitence.
XVII. Dans le chap. tioisième on traite des parties et des effets
du sacrement de la pénitence, dans laquelle réside toute
sa force, consiste dans les paroles du ministre : Ego te absolvo a peccatis
tuis, auxquelles louablement on ajoute certaines prières, mais qui
ne sont pas nécessaires à l'es*· sence de la forme.
Il est dit de plus que les actes du pé-nitent, savoir : la contrition,
la confession et la satisfac-tion, sont comme la matière de ce sacrement
et sont requis par institution divine et pour l'intégrité
du sacrement et la pleine rémission des péchés, par
quoi elles sont dites parties du sacrement. Du reste, la substance et les
effets du sacrement, en ce qui regarde son efficacité, sont la
CONTRE PS HÉRÉTIQUES.
399
réconciliation avec Dieu ; que souvent des hommes pieux, et
qui se confessent dévotement, reçoivent avec la plus grande
consolation spirituelle. En outre, le concile (sur la fin ) condamne l'erreur
de ceux qui disent que les par-ties de la pénitence sont la foi
et les terreurs soulevées dans la conscience. Voici les paroles
du concile : « Docet » praeterea sancta synodus sacramenti
prœnitentiae for-» mam, in qua praecipue ipsius vis sita est, in
illis ministri » verbis positam esse, ego te absolvo, etc., quibus
quidem » de Ecclesiae sancto more preces quaedam laudabiliter ad-*
jungunlur : ad ipsius tamen formae essentiam nequaquam ^.spectant, neque
ad ipsius sacramenti administrationem » sunt necessariae. Sunt autem
quasi materia hujus sacra-it menti ipsius poenitentis actus, nempe contritio
, con-«fessio, et satisfactio. Qui quatenus in poenitente ad »
integritatem sacramenti, ad plenamque peccatorum re-» missionem ex
Dei institutione requiruntur, hac ratione » poenitentiae partes dicuntur.
Sane vero res, et effectus » hujus sacramenti, quantum ad ejus vim
et efficaciam » pertinet, reconciliatio est cum Deo : quam interdum
in » viris piis, et cum devotione hoc sacramento percipien-»
tibus conscientiae pax ac serenitas cum vehementi spi-» ritus consolatione
consequi solet. Haec de partibus, et » effectu hujus sacramenti sancta
synodus tradens, simul » eorum sententiam damnat, qui poenitentia;
partes in-» cussos conscientiae terrores, et fidem esse conten-»
dunt. »
XV11I. Au chap. 3 correspond le can. 4 où il est dit : «
Si quis negaverit ad integram et perfectam peccatorum » remissionem
requiri tres actus in poenitente, quasi » materia sacramenti poenitentiae,
videlicet contritionem, » confessionem et satisfactionem, quae tres
poenitentiae
400
TRAITE
» partes dicuntur; aut dixerit duas (an tu m esse poeni-tentiae
paries, terrores scilicet, incussos conscientiae » ngniio peccato,
et fidem conceptam ex Evangelio, vel » absolutionem, qua credit quis
sibi per Christum remissa » peccata : anathema sit. »
XIX. Luther prétend que les catholiques disent que dans ce sacrement
la douleur du péché suffît, sans l'exis-tence de la
foi : c'est une erreur; car l'Église catholique enseigne qu'il est
nécessaire d'avoir la foi que Dieu dans ce sacrement pardonne les
péchés par les mérites de Jésus-Christ pour
que nous soyons disposés par la con-trition , laquelle ne peut exister
sans la foi ; mais non celte fui qu'établit Lulher et qui n'est
qu'une hérésie, savoir que le pécheur, pour recevoir
son pardon, n'a besoin que de croire fermement que ses péchés
lui sont remis; mais nous aurons bientôt à revenir sur ce
point. Lulher ne paile pas plus véridiquement lorsqu'il dit que
notre Église enseigne que nous devons toujours demeurer dans l'inceitilude
du pardon e· douter si Jésus-Christ est mort pour nos péchés.
Non assurément, nous ne douions point que Jésus-Christ soit
mort pour nous obtenir le pardon, nous ne douions point que dans le sacrement
ce soit en vei tu de ses mérites que nos fautes nous sont remii
ses, mais seulement nous demeurons incertains de notre propre disposilion
et de ce qu'elle soil telle qu'elle est requise, et pour cela nous disons
que c'est une hérésie de piétendre que nous serions
pardonnes par cela seul que nous croirions fermement l'être.
XX. Les hérétiques ont avancé trois opinions sur
les parties du sacrement de la pénitence. La première est
celle de Luther qui dit (lib. contra bull. Antichr.) qu'il n'y a que deux
parties dans la pénitence : la contrition
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
401
et la foi. Par contrition il entend les terreurs de la con-science
excitées par les menaces dé la loi ; ei par la/oi, il entend
la confiance certaine dans la rémission des péchés
d'après la promesse faite, dit-il, dans l'Évangile, et il
n'hésile pas à déclarer hérétique la
doctrine des docteurs de Louvain (propos. 27.) qui assignaient la contrition,
la con-fession et la satisfaction comme parties du sacrement. L'o-pinion
de Luther fut ensuite embrassée parMélanchlon, les cenluriateurs
de Magdebourg, Chemnice et autres sectaires.
XXI. La seconde opinion appartient à ceux qui, à
la condition et à la foi, joignent une troisième partie,
savoir toutes les bonnes œuvres qui se font depuis la jus-tification avec
la résolution de s'abstenir du péché et celte partie
est appelée par eux nouvelle obédience.
XXII. La troisième opinion est celle de Calvin, lequel,
(Inslit. lib. S. et cap. 358.) d'accord avec Théodore de Bèze,
assigne deux parties conslitulives de la pénitence, la mortification,
c'est-à-dire l'abstinence des vices, et la vivi' ficalion, savoir
l'allention à bien vivre.
XXIII. Sur la première opinion, celle de Luther, nous
dirons en premier lieu que la terreur imprimée par la loi ne peut
êlre parlie du sacrement : celle terreur, est bien une des choses
qui préparent le pécheur à la justi-fication, comme
l'enseigne le concile (Session 6. ch. 6.) ; mais elle ne peut êlre
une parlie de la pénitence, car la ccnsidération du châtiment
n'est point le repentir du péché commis, bien qu'elle y conduise,
comme l'écrit l'apôtre: « Gaudeo, non quia contristati
eslis, sed quia » contristati eslis ad poenitentiam. »
(II. Cor. vn.) Si une telle contrition eût élé la vraie
pénitence, S. Paul s'en serait réjoui. D'où S. Chrysoslôme,
expliquant le texte cité dit: « Non gaudeo de tristitia, gaudeo
de fructu, »
xix,
26
402
TBAITÊ
c'est-à-dire de la pénitence qui suit. II faut ajouter
que les craintes du châtiment ne naissent pas du repentir, mais de
notre amour pour nous-mêmes qui nous fait redouter le châtiment.
Les démons « credunt et contre-» miscunt » (Jac.
n.), et combien de pécheurs, tout en vivant mal redoutent le châtiment,
et n'en continuent pas moins à mal vivre! Beaucoup au contraire
ont le re-pentir du péché, non par considération des
peines, mais pour l'amour qu'ils portent à Dieu, comme Jésus-Christ
l'a dit de la Magdeleine : « Dimittuntur ei peccata multa, »
quoniam dilexit multum. » (Luc. vu.) Si donc la ré-mission
des péchés peut avoir lieu sans la terreur, la terreur n'est
donc pas une partie de la pénitence.
XXIV. En second lieu la foi du pardon requise par Luther comme étant
partie du sacrement est bien une disposition et même nécessaire
à la pénitence, mais non proprement une partie de ce sacrement.
Les adversaires s'appuyenl sur ce texte : « Poenitentiam agile et
credite » Evangelio. » (Marc. 4.) Mais ce texte même
leur est contraire, puisque la foi y est distinguée delà
pénitence: car il n'est pas dit : Agite credentes, mais : Agite
et credite. Les parties de la pénitence sont celles qui naissent
par la pénitence elle-même, or la foi ne naît pas de
la pénitence, elle la précède. « Crediderunt
viri Ninivitae in Deum, et ? praedicaverunt jejunium, et vestiti sunt saccis
a majore » usque ad minorem. » (Jon. ??. 5.) Mais comment pour-rions-nous
croire que nos péchés nous sont remis sans qu'auparavant
nous les ayons détestés? Les saints Pères définissent
la pénitence : * Praeterita peccata plangere, » et plangenda
non admittere. » (S. Grég. homil. 34.) El S. Àmbroise
: » Commissa flagitia condemnare. » ( In Psalm. xxvii.) Quand
d'ailleurs nous disons que la foi
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
403
est nécessaire pour la rémission des péchés,
nous enten-dons parler de la foi catholique laquelle enseigne que Dieu
pardonne les péchés par les mérites de Jésus-Christ,
comme il est dit au chap. 6 de la sixième session du con-cile; mais
non de la foi hérétique, savoir que la foi (ou plutôt
la confiance) et croyance assurée du pardon est ce qui justifie,
et par conséquent est partie de la pénitence.
XXV. Quant à la seconde opinion, que toutes les bon-nes
œuvres qui s'opèrent depuis la justification sont parties
de la justification, on répond que bien qu'une pareille résolution
soit nécessaire pour la justification et appartienne ainsi à
la pénitence, car autrement la con-trition serait sans valeur ,
néanmoins un tel bon propos ni aucune autre bonne œuvre accomplie
après la justi-fication ne fait partie de la pénitence. La
plupart des bonnes œuvres opérées par les pénitens
ne le sont pas en considération des péchés commis,
mais par acte de pur amour envers Dieu, ou par amour de la justice, ou
par soumission à la religion ; et ainsi elles ne peuvent être
compiées comme parties du sacrement.
XXVI. La troisième proposition, appartenant à Cal-vin,
que la mortification et la vivification (comme il s'ex-prime), c'est-à-dire
l'absiinence des vices et le zèle pour la vertu, sont les deux parties
de la pénitence, est éga-lement fausse. Calvin confond la
pénitence avec la jus-tification ; il fait marcher la justification
avant la péni-tence , puisqu'il dit que la pénitence est
le fruit de la foi (entendue à sa manière) qui justifie.
Mais l'Écriture place la pénitence avant la justification.
« Si quis pœni-» tentiam egerit.... omnium iniquitatum ejus
non recor-»dabor. (Ezech, xvm. 33.) Sed si poenitentiam non »
egeritis, omnes similiter peribitis. (Luc. xm. 5.) Poe-
26.
404
TRAITÉ
» nitemini.... ut deleantur peccata vestra. » (Actor. 3.)
Si donc la pénitence précède la justification, à
plus forte raison doit-elle précéder la mortification et
la vivification de Calvin qui, selon lui, sont les fruils de la foi justifiante.
XXYII. On objecte que la contrition ne peut être partie du sacrement
parce qu'elle est interne et non sensible. On répond qu'elle n'est
pas sensible en soi, mais qu'elle le devient par la confession ou par la
demande de l'abso-lution ou par quelqu'autre signe extérieur. Il
n'importe non plus que le sacrement se prenne par fois sans la con-fession
des péchés, comme il arrive à ceux qui n'ont plus
l'usage de leurs sens ; parce que pour eux il suffit que la confession
soit faile alors ou avant par gestes ou par signes, ce qui est une véritable
confession. On nous ré-plique que la confession ne peut proprement
être partie du sacrement, parce qu'elle est le signe du péché
commis et non de la grâce ou de la rémission des péchés.
Nous répondons que la confession, séparée de l'absolution,
n'est point un signe delà grâce, mais qu'elle l'est quand
l'absolution s'y joint sous la forme sacramentelle, ego te absolvo, etc.
Oe même que l'eau dans le baptême n'est point par elle-même
un signe de la grâce; mais elle le devient en se joignant à
la forme, ego te baptizo. Dans les sacremens donc, pour que la matière
soit réputée signe de la grâce, il suffit qu'elle le
soit par son adjonc-tion avec forme.
XXVIII. On objecte encore que Judas remplit les (rois parties de la
pénitence, la contrition, la confession et la satisfaction, et que
néanmoins son péché ne lui fut pas remis. On répond
que Judas ne remplit réellement aucune des trois parties : il n'eut
ni la contrition, ni la confession, parce qu'elles ne sont véritablement
parties de la péni-
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
405
ience, qu'aulant qu'elles sont unies à la confiance du par-don
par les mérites de Jésus-Christ, et celte confiance, Judas
ne l'eut pas. H ne remplit pas davantage la troi-sième partie, la
satisfaction ; car en se donnant la mort volontairement il ne fit point
acte de satisfaction, mais de désespoir.
XXIX.Chemnice objecte de plus qu'un hypocrite pourrait feindre les
trois parties admises par nous, et recevoir ainsi la rémission.
Erreur palpable, car il est clair que le pardorl ne peut être obtenu
que par celui qui, sincèrement, et non par feinte, reçoit
le sacrement ; autrement il manquerait de la principale condition, qui
est une véritable contrition.
XXX. Mais touchant les parties de la pénitence, nous n'avons
pas seulement à combattre contre les hérétiques, mais
aussi contre les catholiques mêmes. Scot avance (iri 4. Sent. disl.
14. qusesl. 4.) que l'absolution seule con-slilue l'essence du sacrement
de la pénitence, en quoi il est suivi par Ockam, Âlmain, Jean
Major et autres ; ceux-ci néanmoins, tout en niant que la contrition
et la confes-sion soient des parties essentielles du sacrement, les tien-nent
pour parties nécessaires, non comme essentielles mais comme conditionnelles
, et sans lesquelles le sacre-ment serait nul. Et quand on leur oppose
que dans leur syslèmc il n'y aurait plus de signe sensible, ils
répondent que ce signe se trouve dans le son des paroles de l'absolu-tion.
Mais la doctrine contraire à cette opinion de Scot est commune et
conforme à celle de S. Thomas (3. p. qu 90. a. 2 et 3.), et elle
paraît indubitable suivant les pa rôles du concile de Florence
puis de celui de Trente. Le concile de Florence s'exprime ainsi sur le
sacre-ment de pénitence : « Quartum sacramentum est pceni-»
lentia, cujus quasi materia sunt actus poenitentis » (c'est-
406
TRAITÉ
à-dire comme il est écrit ensuite) « cordis contritio
cum » proposito non peccandi de ccetero, oris confusio el satis·
» factio pio peccatis. » El puis on y indique la forme : «
Ego te absolvo a peccatis tuis.» On peut ajoutera ces au-torités
celle de Lucius III, dans le ch. (abolendam, De hœret.), où il appelle
sacremens, le baptême , la confes-sion des péchés et
le mariage : or, si la confession n'ap-partenait pas à l'essence
même de la pénitence, ce pon-tife n'aurail pu appeler la confession
sacrement.
XXXI, Le concile de Trente au ch. S déclare que ces actes sont
parties de la pénitence, dont ils sont, dit-il, quasi materia. Voici
le passage : « Sunt autem quasi ma-»teria hujus sacramenti
ipsius poenitentis actus, nempe » contritio, confessio et satisfactio
; qui quatenus in pœ-» nilenle od integritatem sacramenti et ad plenam
et per-» feclam peccatorum remissionem ex Dei institutione re-»
quirunlur, poenitentiae partes dicuntur.» Ainsi,ces actes, que le
concile appelle d'abord quasi materia, il les nomme immédiatement
après les parues de la pénitence, et dit qu'elles sonl nécessaires
à l'inlégrilé du sacrement el à la pleine rémission
des péchés selon l'institution divine. « Sacramenti
vero parles sunt illi inlrinsecae » (dit Jue-nin, Theol. de pœnit.
tom. 7. p. 503. concl. 2.) « at-» qui aiateria intrinseca et
materia ex qua idem omnino » sunt ; ergo illi actus sunt materia
ex qua sacramenti » poenitentiae, quos concilium Tridentinum assuerit
esse » quasi illius materiam, esse illius paries. » D'où
Bellar-roin dil avec raison au chap. 15 que Scot ei les autres n'ont ainsi
parlé que parce qu'ils l'ont fait avanl les con-ciles de Florence
et de Trenle qui ont pleinement décidé ces questions, et
il ajoute : « Quod si hoc tempore super-» essent, sine dubio
Ecclesiae definitioni ac sententiae ac-
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
407
» quiescerent. » Aussi Bellarmin proclame la vérité
de la doctrine que les actes du pénilent sonl comme la matière
de la pénitence, et l'absolution du prêtre la forme j il at-teste
que cette doclrine a été celle de S. Thomas de Ri-chard,
de Durand et de la presque généralilé des autres.
(In 4. Sent. dist. 14.) Quant au rite de l'imposilion des mains sur le
pénilent, en usage dans les temps anciens, il est certain qu'il
n'appartient pas à l'essence du sacrement comme l'écrit S.
Thomas (opusc. 22. De forma absol.)
XXXII. Un certain partisan caché de Scot (le Père Mo-relli,
camaldule, auteur de l'Abrégé de Palavicin ec. § 220.)
a écrit : « Le concile n'appelle pas ces trois actes du pénitent
materia, mais quasi materia du sacrement; et par là il confirme
la doclrine de Scot qu'ils ne sonl pas vraiment matière, mais circonstances
nécessaires du sacre-ment. » Mais cet auteur se trompe, car
le sentiment gé-néral est que le concile n'a pu aucunement
avoir l'inten-tion de confirmer, comme il le prétend, l'opinion
de Scot ; mais au contraire qu'il a confirmé l'opinion con-traire
à celle de Scol, que les Irois parties sont essentielles à
ce sacrement et non pas seulement l'absolution.Oui re que Scol, à
l'endroit cilé, parle assez confusément, lorsqu'en-Ir'auires
choses il dit : « Pœnitenlia esl absolutio pœni-» tenlis facla
certis verbis, etc. s Bellarmin observe que l'absolution est l'acie du
prêtre, mais non la pénitence qui est celui du pénitent,
et que de l'une et de l'autre se com-pose le sacrement, ainsi que l'enseigne
S. Thomas, comme nous le verrons plus bas.
XXXIII. Mais pourquoi le concile appelle-t-il les trois actes
du pénilent quasi materia et non materia ? Bellarmin répond
qu'il les nomme « quasi materia non quod non » sint vere materia
qualem sacramenta requirunt ; sed
408
TRAITÉ
» quod non sint res aliqua solida ac traclabilis, qualis in »
aliis sacramentis cernitur. » El la même explication se trouve
dans le catéchisme romain : « Sed quia ejus gene-» ris
materiae non sunt, quae extrinsecus adhibeatur, ut » aqua in baptismo
, et chrismalio in confirmatione. » Puis il y est dil que pour la
malière des sacremens il n'est requis qu'un signe sensible qui se
manifeste ensuite par les paroles de la forme, et ici les actes du pénitent
sont bien de celle nature. Du îesle on ne peul dire d'aucun sa-crement
que ce qu'on nomme sa matière soil la matière elle-même
physiquement parlant. . XXXIV. Malgré tout cela, nos adversaires
ne laissent pas de répliquer, et disent que le concile appelle les
actes du pénilenl quasi materia, et pavties de la pénilence,
en tant qu'ils sonl requis pour l'intégrité du sacrement
et pour la pleine rémission des péchés; mais non en
ce sens qu'ils font intrinsèquement partie du sacrement comme l'eau
fait partie du baptême. Juénin répond que si cet argu-ment
était admissible on pourrait dire aussi que les actes de foi, d'espérance
et de charité sont quasi materia du baptême, parce qu'ils
sont aussi nécessaires pour recevoir la grâce par le baptême.
Il ajoute que le concile en dési-gnant quelles étaient les
dispositions nécessaires pour ob-tenir la grâce dans le baptême
el les autres sacremens, ne dit jamais que ces dispositions soient comme
la matière et les parties du sacrement. Donc, en disant que dans
la pé-nilence les actes du pénilent étaient quasi
materia ei par-lies du sacrement, il n'a point entendu les désigner
seu-lement comme de simples dispositions, mais comme de véritables
parties du sacrement.
XXXV. Les scolistes répliquent encore, et disent : Le sacrement
doit êlre le signe de l'effet qu'il produit. L'effet
CONTRE LES HÉRÉTIQ'JES.
409
de la pénitence est la rémission des péchés,
qui n'est signi-fiée ni par la contrition ni par la confession,
mais par la seule absolution. Donc, dans l'absolution seule consiste l'essence
propre du sacrement. Mais on répond que comme le prêtre en
prononçant l'absolution indique la rémission du péché,
le pénitent aussi, en se confessant humblement par la contrition
qu'il ressent des fautes qu'il a commises envers Dieu , indique l'éloignemenl
du péché : d'où S. Thomas (3. p. q. 86. a. 6.) dit
que la force sacramen-telle, bien qu'elle réside principalement
dans le pouvoir des clés par lequel le prêtre absout, réside
cependant aussi dans les actes du pénitent, puisque Dieu se sert
de ces actes pour signifier et motiver la justification. Voici les paroles
du saint docteur : « Omne autem sacramentum producit » effectum
suum non solum viitule formae, sed etiam vir-» tule materiae ; ex
utroque enim est unum sacramentum. » Unde sicut remissio culpae fil
in baptismo, non solum » virtute formae sed etiam virtute materiae
(scil. aquae), » principalius tamen virtute formae, ex qua et ipsa
aqua » virtutem recipit; ila etiam et remissio culpae est effectus
» poenitentiae , principalius quidem ex virtute clavium , »
quas habent ministri, ex quorum parte accipitur id » quod est formale
in hoc sacramento, secundario autem » ex vi actuum poenitentis pertinentium
ad virtutem pce-» nitenliae : tamen prout hi actus aliqualiter ordinantur
» ad claves Ecclesiae : ei sic patet, quod remissio culpae »
est effectus poenitentiae, secundum quod est virtus ; prin-» cipalius
tamen secundum quod est sacramentum. »
XXXVI. On objecte en outre que les actes du pénitent ne peuvent
être la matière de la pénitence, puisque parmi eux
on compte la satisfaction sans laquelle pourtant la confession peut être
valide, comme il arrive dans le cas
410
TRAITÉ
où le pénitent ne peut pas accomplir cette satisfaction.
On répond que la satisfaction est une partie de la péni-tence,
mais n'en est pas matière totalement essentielle ; elle est matière
intégrale, puisqu'elle complète la péni-tence, et
elle est encore matière essentielle inadéquate du sacrement,
en sorte que si le pénitent n'avait pas l'inten-tion de l'accomplir,
le sacrement demeurerait nul de fait, XXXVII. Dans lechapitre 4, on traite
de la contrition. Luther et Calvin disaient que la contrition était
le frtiit de la foi justifiante, d'où ils niaient qu'elle fût
partie de la pénitence. Luther disait en outre que la véritable
con-trition n'est point la haine et la déteslalion de la vie passée,
mais l'amour de la justice et la vie nouvelle : il ajoutait que la tristesse
ressentie pour les péchés commis « facit hominem
hypocritam, immo magis peccato-» rem; etc., optima
poenitentia nova vita. » Cette erreur ne fut pas embrassée
par Chemnice et Calvin, qui admet-taient que le pécheur, pour obtenir
le pardon, devait délester ses fauies, l'Écriture étant
trop claire sur ce point : « Convertimini ad me in loto corde vestro,
in je-» junio, et in fletu, et in planctu, et scindite corda ves-»
ira, et non vestimenta vestra; et convertimini ad Do-» minum Deum
vestrum, quia benignus et misericors » est, etc. » (Joël.
II. 42.et seq.) « Nullus est qui agat » poenitentiam super
peccato, dicens: Quid feci? » (Je-rem. vm. 6. )
« Recogitabo tibi omnes annos meos r> in amaritudine animae
meae. » (Isai. xxxvm.) Cette même vérité est
enseignée par tous les saints Pères. g,
Cyprien dit : « Dolentes peccata
vestra perspi-» cite. » (Serm. de lapsis.) S. Ambroise
(lib. 2. De pœ-nit. c. 10), S. Chrysostôme (lib. 1. De compunct.),
S. Jérôme (in cap. Si. Hierem.), S. Augustin (Ench·
c
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
411
65), S. Grégoire (Hom. 24. in Evangelio), et plusieurs autres
tiennent le même langage.
XXXVIII. Il n'est point douteux que dans la contrition ne doive
entrer nécessairement la résolution de mener une vie nouvelle,
mais celle résolution ne fait point par-tie distincte du sacrement;
elle reste unie avec la contri-tion. Quant à savoir si le bon propos
doit être explicite, plusieurs auteurs disent qu'il suffit qu'il
soit implicite ; néanmoins Bellarmin (De pœnil. lib. 2. c. 6.),
d'accord avec Pierre Lombard, Alexandre de Haies, S. Thomas, Scol et l'opinion
commune, lient qu'il doit être explicite et formel, et celte doctrine
doit être soutenue quand il s'agit de la validité du sacrement,
selon la proposition 1 con-damnée par Innocent XI : d'autant plus
que le concile, comme nous le verrons, dans la définition de la
contri-tion fait aussi entrer le propos : « Contritio est delesta-»
tio, etc., cum proposilo non peccandi de caetero. »
XXXIX. Du reste, quoique puissent dire les novateurs, le concile,
dans son chapitre 4 , déclare que « la con-» trition
est la douleur et la détestation du péché com-»
mis, avec la résolution de ne plus pécher. » II ajoute
que la contrition a été reconnue de tout temps nécessaire
pour obtenir le pardon, et qu'elle prépare l'homme à la rémission
des péchés, si elle se joint à la confiance dans la
miséricorde divine et avec le désir d'accomplir tout ce ce
qui est requis pour la réception du sacrement. Puis il déclare
que la contrition n'est pas une pure cessation du péché avec
un commencement de nouvelle vie, mais bien aussi une haine de la vie passée.
Il dit encore que si quelquefois la contrition, rendue parfaite par la
charité, réconcilie l'homme avec Dieu avant même le
sacrement, néanmoins la réconciliation n'est attribuée
à la contrition
412
qu'à raison du vœu ou désir du sacrement qui s'y trouve
ainsi comme implicitement renfeimé. Le concile dit de plus que la
contrition imparfaite, nommée attrition, la-quelle naîl communément
de la laideur du péché ou de Ja crainte des peines de l'enfer,
pourvu qu'elle exclue la volonté de pécher et soit accompagnée
de l'espérance du pardon, est un don de Dieu, avec lequel le pénitent
s'ouvre un chemin vers la justice. Et bien que celte at-Irition, sans le
sacrement, ne soil point capable de jus-tifier, néanmoins elle dispose
à obtenir la grâce par le sacrement. D'où on voit la
fausseté de cette calomnie dirigée par quelques-uns conlre
les auteurs catholiques, prétendant qu'ils enseignent que le sacrement
de la pé-nilence confère la grâce au pénitent
sans aucun bon mouvement ,· ce qui n'a jamais été
dit ni entendu dans l'Église. Le chapitre se termine par la déclaration
qu'il est faux que la contrition soil extorquée el forcée
; qu'elle esl au contraire volontaire el libre.
XL. Voici les paroles du concile dans ce chapitre 4 : « Contritio,
quœ primum locum inler dictos poenitentis » actus habet, animi dolor
ac detestatio est de peccato » commisso, cum proposito non peccandi
de cœtero. Fuit » aulem quovis lempore ad impeirandam veniam peccalo-»
runi hic contritionis motus necessarius; et in homine » post baptismum
lapsoila demum praeparat ad remissio-» nem peccalorum, si cum fiducia
divinae misericordiae, » et volo praestandi reliqua conjunclus sit,
quae ad rite » suscipiendum hoc sacramentum requiruntur. Declarat
» igitur sancta synodus, hanc contritionem, non solum » cessationem
a peccalis, et vi (se novœ propositum, et » inchoationem, sed eliam
veteris odium continere , » juxla illud : Projicite a vobis omnes
iniquitates vestras,
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
» in quibus praevaricati eslis, et facite vobis cor novum, »
ei spiritum novum. Et certe qui illos sanctorum clamo-» res consideraverit
: Tibi soli peccavi, et malum co-is ram le feci : Laboravi in gemitu meo,
lavabo per sin-» gulas noctes lectum meum : Recogitabo tibi omnes
» annos meos in amaritudine animae meae, et alios bu jus »
generis, facile inlelligel^ eos ex vehementi quodam an-» teaclse
vitae odio, et ingenii peccatorum detestatione » manasse. Docet praeterea,
etsi contritionem hanc ali-» quando caritate perfectam esse contingat,
hominemque » eo reconciliare, priusquam hoc sacramentum suscipia-»
(ur ', ipsam nihilominus reconciliationem ipsi conlri-» lioni, sine
sacramenti volo quod in illa includitur non » esse adscribendam.
Illam vero contritionem imperfec-» tam, quse altrilio dicitur, quoniam
velex turpitudinis » peccati consideratione, vel ex gehennae, et
poenarum » meiu communiter concipitur. Si voluntatem peccandi »
excludat, cum spe venias ; declarat non solum non fa-» cere hominem
hypocritam, et magis peccatorem, ve-» rum etiam donum Dei esse, et
Spiritus Sancti impulsum, » non adhuc quidem inhabitantis, sed tantum
moven-» iis, quo poenitens adjulus viam sibiadjusiiliam parat. »
Et quamvis sine sacramento poenitentiae per se ad » juslifìcaiionem
perducere peccatorem nequeat ; tamen » eum ad Dei gratiam in sacramento
poenitentiae impe-» trandam disponit. Hoc enim timore utiliter concussi
» Ninivitae ad Jonae prœdicationem plenam terroribus » poenitentiam
egerunt, et misericordiam a Domino im-» peirarunt. Quamobrem falso
quidam calumniantur ca-» tholicosscriplures, quasi tradiderim sacramentum
pœ-» nìtentiae absque bono molu suscipientium gratiam »
conferre : quod nunquam Ecclesia docuit, nec sensit.
414
TRAITE
» Sed, ei falso docenl, contritionem esse extortam et coac-
» tam, non liberam ei voluntariam. »
XLI. A ce chapitre 4 correspond le canon 4 qui porte : « Si quis
dixerit eam contritionem, quae paratur perdis-» cussionem, collectionem
ei detestationem peccatorum, » qua quis recogiial annos suos in amaritudine
animae » suae, ponderando peccatorum suorum gravitatem, mul-»
litudinem, foeditatem, amissionem aeternae beatitudinis, » et aeternae
damnationis incursum, cum proposito me-» lioiis vitae, non esse verum
et utilem dolorem, nec prae-» parare ad gratiam, sed facere hominem
hypocritam et » magis peccatorem, demum illam esse dolorem coac-»tum,
et non liberum ac voluntarium : anathema sit. »
XLII. Ici vient se placer celte grande question : si, pour recevoir
le sacrement de la pénitence, il suffit de l'altri-lion ; et si
l'atlrition requiert l'amour commencé? Touchant cet amour commencé,
il faut savoir que dans l'année 1077, Alexandre VII par son décret,
sous peine d'excom-munication : « Ne quis audeat alicujus theologiae
cen-» surae, alienusque injuriae nota taxare alterutram sen-»
tentiam, sive neganlem necessitatem aliqualis dileclio-» nis Dei
in altrilione ex metu gehennae concepta, quae » hodie inler scholasd'cos
communior videtur : sive as-Bserentem dictae dilectionis necessitatem.
» Du reste, à présent," les théologiens sont
d'accord pour affirmer que l'allrition suffit, mais qu'en outre elle requiert
l'amour commencé, puisqu'on ne peut mettre en doute qu'une des dispositions
nécessaires à la justification du pécheur (comme l'enseigne
le concile de Trente dans sa session 6, chap. 6), c'est que « Deum
tanquam jusliliae fontem di-» ligere incipiat; ac propterea moveatur
adversus pec-» cala per odium aliquod ei detestationem.» Mais
le point
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
415
est de savoir si cet amour commencé doit êlre celle cha-rilé
prédominante par laquelle nous aimons Dieu par-dessus toutes choses,
comme le veulent Juénin, Merbes, Habert, Morin, Concina et Anloine.
L'opinion la plus commune est qu'une telle charilé n'est poinl exigée
; c'est celle de Gonel, Melchior-Canus, la théologie de Périgueux
, Tournely, Colet, Cabassut, Wigandt et grand nombre d'autres. Benoit XIV
(De synod. lib. 7. cap. 13.), assure que depuis le concile de Trente, toules
les écoles ont reçu avec applaudissement celle doctrine.
La raison en est que si dans l'atlrition, on requérait l'amour divin
super omnia, le sacrement de pénitence ne serait plus le sacrement
des morts, mais celui des vivans, puisque tous les péni-tens approcheraient
de ce sacrement en étal de grâce ; car toute contrition
qui nait de la charilé prédominante efface les péchés
el est la vraie contrition, comme l'en-seigne S. Thomas (suppl. qu. 5 a
S). Et cela arrive tou-tes les fois qae l'homme est plus touché
de la perte de la grâce que de celle de tout autre bien. Or une pareille
contrition élant la véritable, efface les péchés,
quel-que faible que soit la douleur : « Quantumvis pnrvus »
sit dolor, dummodo ad contritionis rationem suffi-ïciat, ointiem
culpam delet. » El S. Thomas l'enlend avec absence du sacrement,
comme il s'en explique ail-leurs (quodlib. 4 a 1) : « Per solam contritionem
remil-» titur peccatum ; sed si antequam absolvatur habeat hoc »
sacramentum in volo. » Cela est confirmé par les pa-roles
mêmes du concile : « Et si contritionem hanc ali-» quando
caritate perfeclam esse contingat, hominem-» que Deo reconciliare
priusquam hoc sacramentum aclu » concipiatur, etc. » En vain
dirait-on que le concile en parlant de la contrition caritate perfectam
n'eniend point
416
TRAITÉ
la charité éloignée, mais celle charité,
intense et fervente, car la ferveur n'appartient pas à l'essence
de la contrition ou même à sa perfection, mais seulement à
son élat, comme dit S. Thomas, ou à son mode; celle ferveur
n'é« tant qu'une circonslance qui vient se joindre accidentel-lement
à la subslance de la conlrilion de même que « plus »
el minus non variant speciem. »
XLIII. Que le concile en parlant de la contrition qu'il appelle caritate
perfectam, n'entende point parler de la cha-rité intense, mais simplement
de la conlrilion qui naît de la charité prédominante,
c'est ce qui apparaît de la conlexlure même de ses paroles;
car il distingue la conlri-lion parfaite, qui naît de la charilé
( carilale perfectam ), de la contrition imparfaite qui naîl de l'horreur
du péché et de la crainle de l'enfer : « Illam vero
contritionem im-» perfectam,, quas attritio dicitur quia vel ex turpitudinis
» peccati consideratione, vel ex gehennae, vel poenarum » metu
concipitur. » El il dil de celle dernière que bien qu'elle
soit un don de Dieu et qu'elle prépare à recevoir la justice,
elle ne peut, hors du sacrement, produire la grâce. Qu'ensuite loule
contrition même éloignée jus-tifie, cela est certain
pourvu qu'elle soit un acte de pure charilé, car la charilé
ne peut exister avec la présence du péché, c'est-à-dire
avec la haine de Dieu, comme l'alleste l'Écriture: «Ego diligentes
me diligo. (Prov. vin.) Qui di-» ligit me diliget eum pater meus.
(Jo. xiv.) Omnis qui » diligit, ex Deo natus est.» (Jo. îv.)
C'est ce qu'enseignent généralement les saints Pères
et les théologiens, avec S. Thomas qui dit (2. 2. q. 45 a. 4) :
« Caritas non po-» lest esse cum peccato mortali. » El
ici par charité le saint ne peut entendre la charilé intense
; car il dil ail-leurs (2. 2. q. 24. a 42) : « Actus peccati mortalis
con-
CONTRE LES HÉBÉTIQtES.
» tradatur caritale, quœ consistit in hoc quod Deus dili-»
galur super omnia. » Et dans un autre endroit (2. 2. q. 41. a 8.
ad. 2) il dit que la charité parfaite, c'est-à-dire intense,
ne diffère en rien dans son essence de l'impar-faite : « Caritas
perfecta et imperfecta non differunt se-» cundum essentiam, sed secundum
statum. »
XL1V. Ce point est encore éclairci parla trente-deuxième
proposition de Baius, condamnée par Grégoire XIII, et dont
voici les termes : « Caritas illa, quae est plenitudo » legis,
non super est conjuncla cum remissione pecca-» torum. » L'amour
qui est plenitudo legis , c'est-à-dire qui est suffisant pour accomplir
le précepte de la charité, est certainement celui par lequel
on aime Dieu sur toute chose, comme tous les docteurs l'enseignent avec
S. Tho-mas qui, en expliquant le précepte : « Diliges Dominum
» Deum tuum ex toto corde luo, » dit : « Cum manda-ri
lur, quod Deum ex toto corde diligamus, datur in-» lelligi, quod
Deum super omnia debemus diligere. » Ce point donc établi
que la charité prédominante, quoi-que restreinte, ne peut
exister avec le péché, il est égale-ment certain que
toute contrition, laquelle est aussi im acte formel de charité,
efface le péché. D'où il suit quesi l'on veut que
l'amour commencé requis pour Fatlrilion soit un amour prédominant,
tout pécheur alors irait à confesse déjà justifié,
et le confesseur en absolvant ne fe-rait autre chose en substance que de
le déclarer absous, comme le prétendait Luther. Mais non,
répliquent nos ad-versaires ; car le pécheur n'est toujours
absous qu'en vertu de l'absolution sacramentelle dont il a le désir.
Nous ré-pondons que de cette manière le sacrement de la péni-tence
n'aurait jamais son effet qui est de remettre les pé-chés
dans l'acte même qui l'administre, caractère propre xix.
27
418
TRAITE
à tout sacrement : or, cette différence que celui-ci
aurait avec tous les autres ne saurait êlre admise sans preuves claires
et positives. Mais si on veut dans l'atlrilion un amour commencé
qui ne soit ni parfait ni prédomi-nant, mais seulement un principe
d'amour, selon les termes du concile, « Deum diligere incipiunt,
» et qui soit une disposition à la justification, cela ne
peut êlre contesté, et nous disons même que ce principe
est intrinsèquement et actuellement dans toule attrition, soit qu'elle
vienne de la crainte des châlimens divins : « Timor Domini
initium dilectionis erit» (Eccli. xxv. 16), soit qu'elle naisse de
l'espoir du pardon et de la béati-tude, comme le dit S. Thomas :
« Ex hoc quod per ali-» quem speramus bona, incipimus ipsum
diligere. » (1. 2. q. 40. a 7.) Le cardinal Palavicin (lib. 8. cap.
15) rap-porte que quelques Pères dans le concile proposaient d'a-jouter
après ces mots « diligere incipiunt » ceux-ci «
per » actum claritatis, » ce qui ne fut pas adopté.
XLV. Mais en outre de tous les raisonnemens que nous venons d'exposer
noire doctrine se prouve encore par le texte même du concile de Trente.
Au chap. 4, nous avons vu, à propos de l'altrilion conçue
par crainte de l'enfer, que Luiher disait qu'une telle allrition rendait
l'homme plus coupable. C'est une erreur : si cet homme délestait
le péché par crainte de l'enfer, de telle sorte qu'il s'aban·
donnerait au péché si l'enfer n'existait pas, sans doute
une pareille crainle le rendrait plus coupable ; mais si celte crainle
exclut la volonté de pécher et que le pécheur dé-leste
ses fautes commises à cause de l'enfer qu'elles oni mérité,
non-seulement il ne pèche pas, mais il fail un bon acle, qui est
un don de Dieu, une impulsion de l'Esprit-Saim, et qui dispose l'homme
à obtenir la grâce dans le
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
419
sacrement : « Et quamvis sine sacramento poenitentiae per »
se ad .iustificationem perducere peccatorem nequeat, ta-» men eum
ad Dei gratiam in sacramento poenitentiis im-jj pelrandam disponit. »
II est vrai que d'abord on avait mis sufficit, mais les Pères n'hésitèrent
pas à remplacer ce mol par disponil parce qu'au fond il a la même
force ; car ce disponit (comme le remarquent le P. Gonet et autres) ne
saurait s'entendre de la disposition éloignée puisque le
concile vient de déclarer auparavant que l'attrition « ex
» metu gehennae » était un don de Dieu et une impulsion
de l'Esprii-Saint, et par conséquent qu'elle est une dispo-sition
pour la justification ; ainsi quand il dit : « Tamen » ad Dei
gratiam in sacramento impetrandam disponit, » il paraît qu'il
entend parler de la disposition piochaine. Et cela ressort plus clairement
de la connexion des sens des parties du passage cité. Si, en effet,
le concile avait entendu parla· de la disposition éloignée,
il n'était pas exact de dire : « Et quamvis sine sacramento
ad justifica-* tionem perduceie nequeat tamen ad Dei gratiam in sa-»
cramento impetrandam disponit ; » il eût fallu mettre plutôt
: « Et quamvis sine sacramento non disponat ad gra-in liam, tamen
in sacramento disponil ad illam impelran-» dam ; » donc puisqu'il
a dit : « Bien que l'atlrition sans » le sacrement ne puisse
conduire le pécheur àlajuslifi-» cation, » on
peut penser que le concile faisant concor-der les deux termes de sa déclaration
a voulu dire que dans le sacrement elle justifiait le pécheur et
par consé-quent qu'il a parlé de la disposition prochaine
et non de la disposition éloignée.
XLVI. Ce sens esl confirmé par ce qui suit presque immédiatement
: « Quamobrem falso quidam calum-» nianlur catholicos scriptores,
quasi tradiderint sacra»
27.
420
TRAITÉ
» mentum poenitentiae absque bono molu*suscipienliura »
gratiam conferre ; quod nunquam Ecclesia Dei docuit, nec » sentit.
» Luther et les hérétiques n'ont point calomnié
les catholiques sur ce qu'ils disaient que la grâce était
conférée aux pécheurs conlriis, mais sur ce qu'ils
disaient qu'elle était accordée aux pécheurs qui avaient
l'aUrition, parce que celle-ci est un bon mouvement qui dispose à
recevoir la grâce du sacrement, et cela en opposition à ce
que disait Luther : 4 Tristitia ob foeditatem peccalo-» ium, amissionem
beatitudinis, etc., facit magis pecca-» lorem; et tales indigne absolvunlur;
? c'est pourquoi il réprouve ceux « qui vocant ailritionem
hanc proxime » disponentem ad contritionem. » Voilà
ceux que le concile dit avoir élécalomniés par les
hérétiques, ceux « qui vocant » atlritionem hanc
proxime (non d'une manière éloignée) » disponentem
ad contritionem, » et c'est bien certaine-ment dans ce sens que parle
le concile (à moins qu'on ne veuille que dans le même arlicle
il paile tantôt dans un sens tantôt dans l'autre), quand il
dit : « Ad gratiam » impetrandam disponit. » C'est
ainsi que raisonne per-tinemment la théologie de Périgueux,
et je ne vois pas comment les adversaires peuvent échapper à
cet argu-ment. Il faut y ajouter la doctrine de S. Thomas sur le baptême
: les dispositions pour recevoir la grâce dans le baptême sont
les mêmes que celles qui sont requises dans le sacrement delà
pénitence, et S.Thomas dit avec Gonet, Soto, Canus, et un grand
nombre d'autres, una-nanimes sur ce point : « Ad hoc ut homo se praeparet
» ad gratiam in baptismo, praeexigilur fides, sed non »
charilas; quia sufficit attritio praecedens etsi non con-» liilio.
» (S. Thom. in 4. sent. dist. 6. qucest. 1. art. 3. ad. 2.)
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
421
XLVIL. J'avais déjà· dit au long tout cela dans
ma Théologie morale, mais il était nécessaire d'y
revenir dans cet endroit qui est propre à la matière en question.
Du reste, c'est une controverse qui touche peu à la pra-tique; car
il est hors de doute que le pénitent doit s'ef-forcer en s'approchanl
de ce sacrement d'obtenir la con-trition la plus parfaite, afin d'assurer
davantage la ré-mission de ses péchés, de même
que le prêtre de son côté doit l'exhorter el l'aider
à produire les actes les plus par-faits de contrition et de charité.
Mais notre doctrine est utile en cela qu'elle empêche de désespérer
du salut de ces pécheurs dont on peut facilement douter, à
cause du nombre et de l'énormiié de leurs fautes, qu'ils
puissent., en recevant Je sacremenl, parvenir à recevoir la charité
prédominante. On agile beaucoup d'autres questions sur celle matière,
mais elles appartiennent plutôt à la mo-rale qu'au dogme,
et je les ai déjà traitées dans ma Théo-logie
morale,
Cliap. VI. — De la confession,
XLVIII. Dans le chapitre ? il est traité de la confession et
il est dit que l'Église a toujours entendu que dans l'in-stitution
de ce sacrement Dieu avait aussi institué la confession complète
des péchés ; puisque Jésus-Christ a laissé
pour ses vicaires les prêtres comme juges, pronon-çant la
rémission ou la rétention des péchés, et qu'ils
n'auraient pu juger du cas où ils devaient donnei l'ab-solution
ou la refuser el prescrire la satisfaction convena* ble, sans connaître
d'abord exactement les fautes des pé-nilens. C'est pourquoi les
chrétiens sont tenus de confesser toutes les fautes qu'ils trouvent
dans leur conscience, bien
422
TRAITÉ
que cachées, avec toutes les circonstances qiii peuvent en changer
l'espèce. Au contraire, les fautes vénielles, quoi-qu'on
fasse bien de les confesser, peuvent cependant ne pas être dites
et sont effacées par d'autres moyens. Le concile dit encore que
la confession publique, si elle n'est pas interdite, n'est point prescrite
non plus, tandis que la confession secrète est ordonnée :
il condamne l'erreur de ceux qui disent que la confession fut inventée
par le concile de Latran, lequel n'a point établi le précepte
de la confession, mais seulement a enjoint à chaque fidèle
de se confesser au moins une fois l'an dans le barème, comme cela
se fait. Voici les paroles du concile :
« Ex institutione sacramenti poenitentiae jam explicata,
» universa Ecclesia semper intellexit institutam etiam
» esse a Domino integram peccatorum confessionem, et
» omnibus post baptismum lapsis juré divino necessa-
» nam existere : quia Dominus noster Iesus Christus e
» terris ascensurus ad coelos sacerdotes sui ipsius vicarios
» reliquit, tanquam praesides et judices, ad quos omnia
» mortalia crimina deferantur, in quae Christi fideles ce-
» ciderint ; qui pro potestate clavium remissionis aut
& retentionis peccatorum sententiam pronuntient. Gon-
» stat enim sacerdotes judicium hoc incognita causa exer-
» cere non potuisse, neque aequitatem quidem illos in
» poenis injungendis servare potuisse, si iri genere dum-
» taxât, et non potius in specie ac sigillatim sua ipsi
» peccata declarassent. Ex his colligitur oportere a pce-
» nitenle omnia peccata mortalia, quorum post diligen-
» tem sui discussionem conscientiam habet, in con-
» fessione recenseri, etiamsi occultissima illa sint, et
» tantum adversus duo ultima decalogi praecepta com-
» missa, quae nonnunquam animum gravius sauciant,
CONTRE LES ÏÎÈRÉTIQtES.
» et periculosiora supl iis quae in manifesto admittuntur, »
nam venalia, quibus a gratia Dei non excludimur, et » in quae frequentius
labimur, quamquam recte et ulili-» ter, citraque omnem praesumptionem
in confessione » dicantur, quod piorum hominum usus demonstrat ;
» taceri tamen cilra culpam, multisque aliis remediis » expiari
possunt. Verum, cum universa mortalia pec-» cata, etiam cogitationis,
homines irœ filios, et Deiini-» micos reddant; necesse est omnium
etiam veniam cum » aperia et verecunda confessione a Deo quaerere.
» Itaque, dum omnia quae mémorise occurrunt pec-»
cata, Christi fideles confiteri student, procul dubio » omnia divinae
misericordiae ignoscenda exponunt : qui » vero secus faciunt, et
scienter aliqua retinent, nihil dì-» vinse bonitati per sacerdotem
remittendum proponunt. » Quod ignorat, medicina non curat. Colligitur
praeterea » etiam eas circumstantias in confessione explicandas »
esse, quœ speciem peccati mutant : quod sine illis » peccata ipsa
neque a poenitentibus integre exponantur, » nec judicibus innotescant
: et fieri nequeat, ut de gra-» vilate criminum recte censere possint,
et poenam quam à oportet pio illis poenitentibus imponere : unde
alienum i> a ratione est, docere circumstantias has ab hòminibiis
? otiosis excogitatas fuisse : aut unam tantum circumstan-» tiam
confitendam esse; nempe peccasse in fratrem, Sed » et impium est
confessionem, quee hac ratione fieri prae-» cipitur, impossibilem
dicere, aut carnificinam illam » conscientiarum appellare : constat
enim nihil aliud » in Ecclesia a poenitentibus exigi, quam ut postquam
» quisque diligentius se excusserit et conscientiae suae »
sinus omnes et latebras exploraverit, ea peccata con-» fiteatur,
quibus se Dominum et Deum suum mot-
424
TRAITÉ
» taliter offendisse meminerit : reliqua autem peccata, »
quae diligenter cogitanti non occurrunt, in universum » eadem confessione
inclusa esse intelliguntur, pio qui-» bus fideliter cum propheta
dicimus : Ab occultis meis » munda me, Domine. Ipsa vero hujusmodi
confessionis » difficultas, ac peccata detegendi verecundia gravis
qui-» dem videri possit, nisi tot tantisque commodis, et con-»
solalionibus levarelur, quae omnibus digne ad hoc sa-» cramentum
accedentibus per absolutionem certissime » conferuntur. Gseierum
quoad modum confitendi se-» cretoapud solum sacerdotem, elsi
Christus non \eluerit a crimen aliquisinvindictam suorum scelerum, etsuihu-»
miliaiionem, cum ob aliorum exemplum, tum ob Ec-» clesise offensae
aedificationem delicta sua publice con-» fileri possit : non
est tamen hoc divino praecepto » mandatum : nec satis consulte
humana aliqua lege » praeciperetur, ut delicta, praesertim
secreta, publica » essent confessione aperienda, unde
cum a sanctissimis » antiquissimis patribus magno unanimique
consensu » secreta confessio sacramentalis, quae ab initio Ecclesia
» sancta usa est, et modo etiam utitur, fuerit semper » commendata
; manifeste refellitur inanis eorum ca-» lumniae, quia eam
a divino mandato alienam, et in-» \enium humanum esse, atque a patribus
in concilio » Lateranensi congregatis initium habuisse ; doceri non
» verentur : neque enim per Lateranense concilium Ec-» clesia
statuit, ut Christi fideles confiterentur, quod » jure divino
necessarium, et inslitutum esse intellexerat ; » sed ut praeceptum
confessionis saltem semel in anno » ab omnibus et singulis, cum ad
annos discretionis » pervenissent, impleretur; unde jam in universa
Ec-» clesia, cum ingenti animarum fidelium fructu, obser-
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
425
» valur mos ille salutaris confitendi sacro illo, et maxime «
acceptabili tempore quadragesimae : quem morem hœc » sancta synodus
maxime probat, et amplectitur, tanquam » pium, vel merito retinendum.
»
XLIX. A ce chap. 5 se joint le can. 6, où il est dit «
Si quis negaverit confessionem sacramentalem vel insli-» tulam, vel
ad salutem necessariam esse jure divino; » aut dixerit, modum secrete
confitendi soli sacerdoti, » quem ecclesia catholica ab initio semper
observavit, » et observat, alienum esse ab institutione et mandato
» Christi, et inventum esse humanum : anathema sit. »
L. A ce même chapitre appartient le can. 7 qui porte : «
Si quis dixerit, in sacramento poenitentia ad » remissionem peccatorum
necessarium non esse jure di-» vi no., confiteri omnia et singula
peccata mortalia, quo-» ium memtfria cum debita et diligenti praemeditatione
» habeatur, etiam occulta ; et quae sunt contra duo ultima »
decalogi praecepta, et circumstantias quse peccati spe-» ciem mutant
; sed eam confessionem tantum esse utilem » ad erudiendum et consolandum
poenitentem, et olim » observatam fuisse tantum ad satisfactionem
canonicam » imponendam ; aut dixerit, eos qui omnia peccata con-»
fiteri student, nihil relinquere velle divinae miseri-» coïdiae
ignoscendum ; aut demum non licere confiteri » peccata venialia :
anathema sit. »
LI. Quelques-uns disent que les novatiens, les monla-nisles et les
wiclefites ont nié l'existence du sacrement de pénitence.
Cela n'est pas exact. Ces sectaires ont nié seulemeni que l'Église
eût le pouvoir d'absoudre les pé-chés trop énormes
sans nier ce pouvoir sur les péchés ordi-naires. L'auteur
de celle hérésie fut l'impie Monlan qui, par ressentiment
de n'avoir pu obtenir un évêché, corn-
426
TRAITÉ
mença à errer vers l'an 171 et à faire le prophète.
Il s'adjoignit pour Celle œuvre deux femmes, Priscille et Maximille, qui
prophétisaient aussi. Il eut beaucoup de partisans, mais deux conciles
le condamnèrent. Il disait que l'Église peut remettre les
péchés légers, mais non les grands, comme l'écrivit
depuis Terlullien (De rjudic. cap. 2.), après s'être fait
disciple de Mon lad. Celui-ci, par les soins de Novat, fut élu pape
par trois évêques et fut le premier anti-pape.
LU. Jean Wicleff dit ensuite que ce ponvoir n'est point fondé
sur les livres sacrés, mais qu'il a été donné
aux prêlres par la pape dans le concile de Latran ; Erasme de Rotterdam
dit de même (Adn. ad ep. S. Hier, ad Océan, et Àdnot.
ad cap. 19 actor. ). Les calvinistes ont de fait supprimé la confession
du nombre des sacremens. Les lulhériens l'ont aussi o!ée,
mais non totalement. Du reste, Luther, sur le sujet de la confession, a
changé mille fois d'opinion; mais enfin dans les articles de Smalcalde;
il dit que la confession des péchés était utile, mais
non nécessaire, et qu'il suffisait qu'on la fit à Dieu ;
il la dit même d'autant moins nécessaire que le nombre et
la gravité des péchés augmentent, et flle-Janehlon
parle de même dans sa Confession d'Augsbourg. Calvin (lib. 3. Inst.
cap. 4. § 7) ne doute pas que la confession soit d'origine divine
et que l'usage en remonte aux premiers temps, mais il prétend qu'on
peut d'un autre côté facilement prouver que cet usage était
anciennement libre et non obligatoire. Cherrinice dit qu'il suffit de se
con-fesser en tei mes généraux de ses péchés
sans les spécifier.
LUI. Mais la nécessité et l'obligation de la confession
des péchés mortels sont bîen établies par ces
paroles de S. Jean (xx. 23.) : « Quorum remiseritis peccata remit-
CONTEE LES HÉRÉTIQUES.
427
» tuntur, etc. » Nos adversaires ne nient pas d'ailleurs
que par ces mots le pouvoir de remettre les péchés et de
les retenir n'ait été donné, mais ils n'en appliquent
le sens qu'au ministère de la prédication qui annonce le
pardon ou la damnation aux pécheurs. Cependant lier et délier
ne signifient pas annoncer et déclarer, mais imposer des liens ou
les ôler. Mais comment les juges les ôferont-ils sans en avoir
d'abord connaissance? Ces juges ce sont les prêtres, comme l'ont
reconnu les saints Pères, S. Chry-soslôme (lib. 3. De sacerd.),
S. Grégoire de Nazianze (Orat. ad cives.), S. Ambroise(lib.d. Depœnit.
cap. 2.), S. Jérôme (Ep. ad Heliod.), S. Augustin (lib. 20.
De eivit. Dei, cap. 9.), S. Innocent I (Ep. 4. ad Decent, eap. 7.), S.
Grégoire(Hom. 26. in Evang.). Que si le le prêtre ne remettait
pas les péchés en les absolvant réel-lement , mais
seulement en annonçant la promesse divine qu'ils serons remis, les
sourds et autres privés de leurs sens, ne pourraient être
absous ; et cependant il est cer-tain qu'ils le sont, comme le déclare
le concile d'Orange (cap. 42. ) elle quatrième de Carlhage, ainsi
que S. Au-gustin (lib. 1. De adult. cap. ult.)et S. Léon (Epist,
ad Theodor.). De plus, si l'absolution n'était pas un acte déjuge,
mais seulement une simple annonce de la pro-messe de Dieu, un pareil acte
ne nécessiterait pas le mi-nistère d'un prêtre; mais
il pourrait être accompli par tout laïque, par les femmes et
même par les infidèles : aussi les hérétiques
ne répugnent poinl aie leur accorder. Mais cela est conlraire au
sentiment de toule l'antiquité et à l'usage constant de toutes
les églises.
LIV. La nécessité de la confession se prouve encore par
plusieurs passages de l'Écrituie. Et d'abord par ce lexle de S.
Jean (I. Jo. ) : « Si confiteamur peccata nostra,
428
TRAITÉ
» fidelis est Deus ut remittat, etc. » Ces paroles doivent
nécessairement s'enlendre de la confession sacramentelle puisqu'à
elle seule se trouve attachée la promesse de la rémission
des péchés : Quorum remiseritis, etc. Autrement si les péchés
étaient remis par toute confession faile à Dieu, comment
aurait-il pu être dit quorum remiseritis, etc. Et comment les prêtres
pourraient-ils lier ou retenir si le péni-tent, se confessant à
Dieu, était absous par Dieu lui-même?
LV. En second lieu, celle nécessité se prouve par ce
passage des Acles (Aclor. 49. 48.) : « Multique creden-» tium
veniebant confitentes, et annuntiantes aclus suos. >? Luther explique ces
mois aclus suos par les miracles que faisaient les fidèles; mais
une telle interprétation est re-jetée par les hérétiques
eux-mêmes, tant elle paraît éloi-gnée des paroles
du lexle. Chemnice,dilquils confessaient quelques-uns de leurs péchés,
mais non tous ; Calvin dit de même : mais leur explication est évidemment
inexacte; actus suos quelques actes. Calvin réplique : « Hoc
semel » legimus confessos esse , papae lex quotannis repeti de-»
bel. » Mais de ce que le livre n'en fait mention qu'une fois nous
ne devons pas conclure que les fidèles ne se soient pas confessés
plusieurs fois.
LVI. One troisième preuve se lire du texte de S. Jacques (Ép.
5. 6.) : « Confitemini alterutrum peccata vestra. » Calvin
prélend qu'il s'agit là de la confession que chacun doit
faire à celui qu'il a offensé pour en obtenir le par-don
; bien qu'il avoue dans un autre endroit (Inst. 1, 4. c. 4. 22), que ces
paroles concernent le pouvoir des clés. Suivant Mélanchlon,
ce passage s'enlendde la confession de ses défauts que l'on peul
faire à un homme éclairé pour qu'il vous guide et
prie pour vous. C'est ainsi qua l'entendent ces nouveaux maîtres;
mais ce n'est pas là le.
CONTRELES HÉRÉTIQUES.
429
sentiment des Pères qui expliquent ce passage parla con-fession
sacramentelle qui se fait aux piètres, et justement c'esl immédiatement
après avoir ordonné aux prêtres, d'oindre les malades
avec l'huile consacrée, afin que leurs péchés soient
pardonnes, que S. Jacques ajoute ces paro-les : « Confitemini alterutrum,
etc., » qui font voir que la confession devait se faire aux piètres
qu'il vient de nom-mer; car autrement le mol « confitemini »
serait une expression oiseuse ou au moins mal placée.
LV1I. Voici comment les saints Pères parlent de la confession
sacramentelle pratiquée dans les premiers siè-cles. S. Irénée,
au deuxième siècle, rapporte que quel-ques femmes se confessèrent
des mauvaises pensées secrè-tes qu'elles avaient eues pour
un certain Marc, hérétique gnosûque : « Confessée
sunt, se inflammaias valde il-» Ium dilexisse. » (Lib. 1. adv.
haeres. cap. 9.) D'où on voit que même alors on usait déjà
de la confession des péchés secrets. Terlullien, au môme
siècle, dit que l'exo-mologèse consiste à confesser
au Seigneur son péché, afin que par la confession on puisse
oblenir la pénitence pour plaire à Dieu, puis il ajoute ;
« Presbyteris absolvi et ca-« ris Dei adgenicalari. »
(Lib. De pœnit. cap. 9.) Ainsi il conseille de s'agenouiller aux pieds
des prêtres et il exhorte à n'en pas concevoir de honte :
« Plerosque hoc » opus ut publicationem sui effugere, pudoris
magis me-» mores quam salutis. * (Ibid. cap. 10. ) Origène,
tou-jours au même siècle, après avoir présenté
les differens usages de l'Église pour la rémission des péchés,
ajoute : « II y a un septième mode ; c'est quand le pécheur
n'a » point honte de confesser au prêtre son péché
et en de-» mande le remède. — Cum non erubescit sacerdoti
Do-» mini indicare peccatum suum, et quaerere medicinam. »
430
TJUITÉ
(Hom. H. in Levit.) S. Bazile écrit : « Ut vitia corporis
» aperiunt iis qui rationem, qua ea curanda sunt, teneant; »
eodem modo peccatorum confessio fieri debeat apud eos, » qui ea possint
curare. (In reg. hrev. resp. 229.)
LVHI. De plus, on lit daqs S. Grégoire de P^ice : « Au-»
dacler ostende illi quae sunt recondita animi arcana , » tanquam
occulta viscera. » (Orat. in eos qui al. acerb. judic.) Et S. Ambroise
: « Si vis juslificari, falere de-» lictum tuum ; solvit enim
criminum nexus verecunda «confessio peccatorum. » (Lib. 2.
De pœnit. cap. 6.) Paulin, auteur de la Vie de S. Ambroise, rapporte que
ce saint : « Quotiescumque illi aliquis ad percipiendam » poenitentiam
lapsus suos confessus esset, ita flebat ut » flere illum compelleret.
» S. Jérôme dit : « Si quis ser-» pens diabolus
occulte momorderit, si vulnus suum ma-» gistro noluerit confiteri,
magister prodesse non poterit... «Quod ignorat-, medicina non curat
: » (Incap. 40. Eccl.) S. Léon écrivait en 440 aux
évêques de la Cam-panie qui voulaient astreindre les pénitens
à confesser publiquement leurs péchés : «Removeatur
tam improba-» bilis consuetudo ne multi à poenitentiae remediis
ar-» ceanlur ; sufficit enim ea confessio quae offertur sacer-»
doti, qui pro delictis poenitentium precator accedit. » (Epist. 56.)
A ces Pères il faut ajouter S. Cyprien (Ep. 16. lib. S. ad Pleb.),
S. Alhanase (Serm. in verba, pro-fecti in pagum), S. Hilaire (Can. 18.
in Matth.), S. Chry-sostôme (Hom. xxx, in Gen.) et plusieurs autres.
S. Au-gustin parlant sur ce texte de S. Jacques : « Confitemini »
alterutrum, etc. » (5. 16.), écrit : « Eges sacerdotis
qui «mediator sit apud Deum tuum salubri judicio; alioquin »
responsum divinum quomodo consummaretur : confi-temini allerutrum peccata
vestra? Et plus loin (Hom.
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
4SI
XLIX. in Levit.) il condamne ceux qui dicent : « C'est v assez
que je me repenle dans le cœur pour que Dieu me » pardonne : Nemo
sibi cÇcat : novit Deus qui mihi ignos-» cit, quid in corde
ago. Ergo sine causa sunt claves datae » Ecclesiae Dei? » En
outre, S. Bernard (Lib. médit, cap. 9.), expliquant le « confitemini
alterutrum, dit: Nempe ho-» mines hominibus qui potestatem absolvendi
habent. » Et puis il ajoute : « Dedit nobis ministerium reconcilia-»
lionis : pro Christo ergo legatione fungimur. » Ceux que le prince
envoie aux factieux avec pouvoir de les réconci-lier, ne peuvent
exercer ce pouvoir, si d'abord ils n'ont de la bouche même des rebelles
l'aveu de leur crime : de même, le pouvoir de réconcilier
les pécheurs avec Dieu, emporte celui de scruter leurs consciences.
LIX. La nécessitéde la confession est établie
aussi par les conciles œcuméniques, qui l'ont reconnue de précepte
di-vin. Dans le concile général, au can. 102, on lit : «
Opor-» tel autem eos, qui solvendi et ligandi potestatem a Deo »
accepere, peccati qualitatem considerare... et sic morbo » convenientem
adfeire medicinam. » On lit de même au can. 11, du concile
de Laodicée : « Pro qualitate pec-» cati poenitentiae
tempus tribuendum est. » Dans l'Église latine il y a eu plusieurs
conciles qui ont expressément commandé la confession sacramentelle
.· tels sont le troi-sième concile de Carthage, dans le can.
1 ; celui de Châ-lons, celui de Worms et autres ; et finalement ceux
qui ont le plus d'autorité ; celui de Latran sous Innocent III,
can. 22; celui de Constance, sess. 8; celui de Flo-rence et le concile
de Trente. Ainsi donc, si la confession n'était pas de droit divin,
l'Église serait demeurée dans l'erreur pendant quatre siècles
au moins. El cet usage général de l'Église est d'autant
mieux une preuve de la
432
TRAITÉ
nécessité dont il s'agit, que, selon S. Augustin, ce
que l'on voit usité pendant long-temps dans l'Église et qui
ne se trouve pas établi par quelqiu décret de l'Église
comme loi positive, doit être cru d'institution divine. El cela sur-tout
en matière de confession, dont il n'y a pas d'exemple qu'aucun pape
ail dispensé.
LX. Chemnice (in censur. ad cap. 5. Trid.) persiste à soutenir
que les anciens Pères, quand ils parlent de con-fession, n'entendent
pas la sacramentelle, mais celle qui se fait seulement à Dieu ou
simplement au prochain pour obtenir le pardon de l'offense qu'on lui a
faite. Mais il suffit de jeier un coup-d'œil sur les textes des Pères
que nous venons de rapporter pourvoir touie l'erreur de Chem-nice. Et cependant
il convient lui-même que les saints Pères recommandaient la
confession que l'on faisait aux prêtres, et il avoue de plus que
quelques-uns des passages de ces mêmes Pères paraissent indiquer
la nécessité des confessions sacramentelles. Calvin ne le
nie pas, mais il soutient (lnstit. lib. 3. cap. 5. § 7.) que ce n'était
pas une obligation pour les fidèles que de se confesser sacra-mentellement
avant la constitution du concile de Latran (in cap. omnis utriusque sexus,
etc.) sous Innocent III. Mais il se trompe comme nous l'avons dil plus
haut, car ce ne fut pas Innocent qui imposa le précepte de la con-fession,
mais seulement il détermina le temps dans le-quel elle devait êire
faite par les fidèles, c'est-à-dire au moins une fois l'année,
comme déjà les papes Innocent Ie', Léon 1" et Zéphirin
l'avaient prescrit avant lui.
LX1. Au reste il faut savoir, que bien que dès les pre-miers
temps la confession auriculaire ail élé toujours pratiquée,
néanmoins les confesseurs, dans ces temps an-ciens, conseillaient
souvent à leurs pénitens de confesser
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
435
publiquement, pour mieux s'humilier, quelqu'un de leurs péchés,
même secret, pourvu qu'une telle confession ne causal point de scandale
et ne risquât pas de rendre odieux îe sacrement. Voici comme
Origène parle à ce sujet : « Proba prius medicum ,
cui debeas causam languoris » exponere... ut ita demum si quid ille
intellexerit, talem » esse languorem tuum, qui in conventu Ecclesiae
exponi » debeat, ex qua et eseteri aedificari poterunt, et tu facile
» sanari, illius consilio procurandum est, » (Hom, 2. in Psalra.
37.) Mais cet usage cessa en Qrient au cinquième siècle à
l'occasion du fait d'une certaine dame noble de Constantinople, laquelle
ayant été d'abord se confesser au pénitencier de celte
église, voulut encore se confesser en public (mais sans en avoir
reçu le conseil de son confes-seur) d'avoir eu un commerce charnel
avec un certain diacre, dont elle révéla même publiquement
le nom. Cela causa un grand scandale et une telle rumeur parmi le peuple
que le diacre fut chassé de eelle église et le clerc resta
couvert de honte aux yeux de toute la nation. L'archevêque Nectaire,
prédécesseur de S. Jean Chrysos-tôme, en fut tellement
affecté qu'il abolit l'office de pém'-tencier et défendit
dès-lors à tous les fidèles de confesser en public
leurs péchés secrets et même de faire pénitence
publique de ces péchés. Voilà comment vint h défense
de la confession publique, et cette défense passa bientôt
de l'Église d'Orient à celle d'Occident.
LXII. Calvin est donc dans l'erreur quand il dit avec Thomas Waldem
(Instit. lib. 3. c. 4. § 7.) que le précepte de la confession
auriculaire ne fut pas institué par Jésus-Christ, mais par
les évêques, et seulement dans quelques lieux. Et à
ce sujet il affirme que, d'après Sozomène, l'ar-chevêque
de Constaïitinople, Nectaire, à cause du scan-xix,
28
454
TRAITE
dale de celle dame qui avait déclaié en public son péché
avec un diacre, abolit la confession auriculaire, el il ajoute que depuis
lors les églises d'Orient rejetèrent la confes-sion ; d'où
il conclut que si la confession auriculaire avait élé un
précepte divin Nectaire n'aurait pas eu l'audace de l'abolir. Mais
c'est là une erreur, comme je l'ai dit, car nous savons par Sozomène
lui-même, Socrale et Nicé-phore, qu'à l'occasion de
l'hérésie des novaliens, les évê-ques nommèrent
un prêtre pénitencier chargé de régler la pénitence
publique dans laquelle les pénitens devaient déclarer publiquement
leurs péchés. Ainsi les évêques ne voulurent
point empêcher la confession des péchés, mais ils voulurent
que celte confession ne se fit pas publique-ment comme on le prouve par
ce que dit S. Chrysoslôme (Hom. 8. de pœnit.) D'ailleurs le pénitencier
ne devait point ordonner la confession de tous les péchés,
mais seu-lement de ceux qui, étant publics, demandaient une péni-tence
publique. Sozomène atteste que la prohibition de Nectaire de confesser
publiquement les péchés cachés, s'ob· servait
déjà dans (ouïes les églises d'Occident. Et S.
Léon affirme que l'usage de publier les péchés cachés
n'eut ja-mais lieu à Rome; aussi le saint pontife (Ep. 80. ad episc.
Camp.) reprend-il quelques évêques qui voulaient intro-duire
cet usage.
LXIII. Quant à ce que disent ensuite Sozomène et So-crale,
que Nectaire avait permis à chacun, « secundum » suam
conscientiam ad sacra mysteria participanda ac-»cederet.» Celle
permission ne s'enlend pas de pouvoir, sans confession, recevoir l'eucharistie,
quoique sous le poids d'un péché mortel ; mais de la dispense
de se pré-senter au tribunal public de l'Église, el d'aller
chacun communier suivant sa conscience, c'est-à-dire, comme
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
435
l'explique Bellarmin (lib. 5. cap. 44.), que s'il était en élat
de péché mortel, il eût fait une confession privée,
et que s'il était libre de péché il communiât.
LXIV. Il nous reste à répondre à quelques autres
objec-tions que font les hérétiques contre la confession
auricu-laire. Calvin oppose un passage de S. Chrysoslôme (in psalm.
50.) : « Si confunderis dicere alicui quae peccasti, » dicito
quotidie ea in anima tua : non dico ut confitearis «conservo luo
qui exprobret, dicito Deo qui curat ea. » Cave homini dixeris, ne
tibi exprobret. » (Hom. 4. in Ez.) Mais on répond que le saint
docteur ne veut faire autre chose ici que confirmer l'abolition de la confession
pu-blique décrétée par Nectaire, son prédécesseur,
et non celle de la confession auriculaire. Cela se déduit d'autres
passages du même saint : « Non cogo te in medium pro-»
dire theatrum, mihi soli dic peccatum privatim. » (Hom. cit. 4.)
Il avait dit d'abord : « Cave, homini dixeris, ne » tibi exprobret.
» Celle improbalion avail lieu en effet dans la pénitence
publique comme nous l'apprend Ori-gène : « Exprobrent eum
confitentem. » (Hom. 2. in psalm. ST.) S. Chrysoslôme dit cave
: si le saint avait voulu par là défendre aussi la confession
secrète, il eût été plus loin que les novateurs
eux-mêmes qui admettent que la confession est utile au moins pour
les péchés graves. Quand le saint dit ensuite : « dicito
Deo, qui curai, » il ne parle pas de la confession sacramentelle,
mais de celte confes-sion publique qui d'abord se faisait par les pénilens
pour leur humiliation, et c'est celle-là que le saint réprouve
ici. Du reste, S. Chrysostôme, en cent endroits, exhorte à
la confession privée : « Ultro sibi persuadeant, cura-»
lioni sacerdotum sese submittere oportere. » (Lib. 2. de sacerdot.)
El ailleurs (Hom. 35. in Jo.), blâmant ceux
28.
436
TRAITÉ
qui par honle négligent de confesser secrèlemenl leurs
pé-chés, il dit : « Commisisti aliquod scelus, homines
cœ-» las, non Deum et nihil curas?
LXV. Calvin oppose encore le passage d'Ezéchiel (cap. 35.) :
«Quotiescumque ingemueril peccator... omnium » iniquitatum
ejus non recordabor. » Ce passage est ordi-nairement cité
ainsi, mais il n'est pas réellement en ces termes dans l'Écriture
: le vrai passage est pris dans Eze-chiel au chap. 18. vers. 21 et 22;
on y lit : « Si autem » impius egerit poenitentiam ab omnibus
peccatis suis... » \ita vivet et non morietur, omnium iniquitatum,
etc. » Calvin ajoute au texte par lui cité : « Huic
verbo qui au-» det aliquid adjicere, non peccata ligat, sed Dei miseri-»
cordiam. » Et il conclut que le seul repentir suffit sans la confession.
Mais on répond que ces mots egerit poeni-tentiam s'entendent de
la pénitence faite avec toutes les conditions voulues, c'est-à-dire
qui renferme l'acte de foi, d'espérance, de charité, de contrition
et encore le désir du baptême ou de la confession.
LXVI. Calvin objecte en outre que la rémission des péchés
n'est point autre aujourd'hui qu'elle a toujours été : or,
dit-il, la confession auriculaire n'a pas toujours été en
usage, donc elle n'est pas nécessaire pour la récon-ciliation
avec Dieu. On répond que le baptême au moins a été
de tout temps, et cependant il n'existait pas dans l'ancienne loi ; il
ne serait donc pas nécessaire aujourd'hui au salut? Mais si la nouvelle
loi a rendu le baptême né-cessaire par les paroles de Jésus-Christ
: « Nisi quis rena-»tus fuerit ex aqua et Spiritu Sancto, non
potest introire » in regnum Dei.» (Jo. ??. 5.) De même
aussi la confes-sion est devenue nécessaire par ces autres paroles
de Jé-sus-Christ : « Quorum remiseritis peccata, remittenlur
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
» eis : quorum retinueritis, retenta sunt. » (Joan. xx.)
Pierre Soave, sur ces paroles de S. Jean, élève quatre objections
qu'il présente comme venant des Allemands, suivant sa coutume de
mettre dans la bouche des autres ses propres censures contre le concile.
1° II objecte que l'obligation de confesser tous les péchés
mortels en détail-lant les circonstances qui peuvent en changer
l'espèce, ne se déduit pas du pouvoir judiciaire donné
par Jésus-Christ de remettre et retenir les péchés,
puisque Jésus-Christ n'a point distingué deux genres de péchés,
l'un à remettre, l'autre à retenir; mais seulement il a distingué
deux classes d'hommes, « quorum et quorum ; » une de pénilens
à qui les péchés sont remis, l'autre de pénilens
mal disposés à qui les péchés sont retenus.
Mais on ré-pond que dans les paroles susdites : « quorum remiseri-»
lis peccata, remillentur eis : et quorum retinuerit, re-» (enta sunt,
» deux genres non-seulement de pénitens mais aussi de péchés,
c'est-à-dire ceux à remettre et ceux à retenir, sont
clairement indiqués. Mais admettons qu'il n'y ait dans ce texte
d'autre distinction que celle des pé-nitens et non celle dès
péchés, il ne s'ensuivrait pas moins la nécessité
que les péchés graves fussent confessés avec les circonstances
qui peuvent en changer l'espèce, au-Irement le prêtre ne pourrait
suffisamment connaître si le pénitent retient encore quelque
aifeclion pour le péché, s'il veut fuir les occasions prochaines,
et s'il est disposé à recevoir la pénitence curative
qui doit lui être imposée ; 2° il objecte que les apôtres
ei leurs disciples ont ignoré ces circonstances changeant l'espèce,
et qu'aujourd'hui encore personne peut-être ne le saurait si Aristole
n'en avait pas fait la distinction : et c'est de là que s'est formé
un article de foi. On répond que la distinction d'une
458
TRAITÉ
circonstance qui change l'espèce, par exemple, du meurtre d'un
frère qui est non - seulement un crime contre la justice, mais contre
les sentimens de la na-ture, n'appartient pas seulement à Aristole
, mais aux rustres eux-mêmes. Du reste, le concile se borne à
dire que le pénitent, après avoir examiné sa conscience,
« ea » peccata confiteatur quibus se Deum suum mortaliter of-»
fendisse meminerit ; reliqua autem peccata, quas dili-» genter cogitanti
non occurrunt, in universum eadem » confessione inclusa esse intelliguntur.
» En sorte que celui qui ne connaît pas et ne découvre
pas le mal de celte circonstance qui change l'espèce, n'est pas
tenu de l'expliquer; 3° il objecte qu'il y a contradiction ou erreur
à condamner ceux qui disent que l'absolution n'est rien autie chose
que la déclaration que les péchés sont remis, tandis
que d'un autre côté on veul voir dans les prêtres de
véritables juges. Or, l'office du juge consiste seulement à
déclarer coupable celui qui l'est : on ne pourrait soutenir que
le prêtre rend juste le coupable, mais il serait mieux de dire qu'il
lui remet la peine et le rend à son premier étal. On répond
que l'office du juge qui serait délégué par le prince
avec pouvoir d'accorder ou de refuser aux cou-pables le pardon ou la rémission
de la peine, avec con-naissance de cause, ne se bornerai t pas à
déclarer tel homme coupable ou innocent, mais encore à prononcer
là sen-tence en même temps qu'il accorderait ou dénierait
le pardon : et tel est l'office du prêlre qui écoute les confes-sions.
Et puis cette faculté du prêlre, non pas seulement de déclarer
que les péchés sont remis, mais d'en délivrer les
pénilens, se tire des paroles de Jésus-Christ dans S. Matlhieu
(c. xvm. et dans S. Jean. c. xx.); car les paroles « solvere et remittere
» ne renferment pas seulement un
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
459
simple ministère de déclaration, mais encore un acte
de juge par lequel la sentence de l'absolution n'est prononcée qu'après
examen de la cause ; 4° il objecte enfin que la raison apportée
par le concile pour établir la nécessité d'expliquer
la nature des péchés, et qui serait de mettre le prêlre
à même d'imposer la pénitence convenable, est totalement
fausse, d'abord parce qu'en fait on impose des peines fort légères
pour des fautes très-graves, et puis parce que le concile lui-même
déclare que nous pouvons satis-faire à Dieu soit par les
peines que nous recherchons nous-mêmes, soit par celles qu'il nous
envoie et que nous sup-portons avec résignation; enfin parce que
le prêtre ne peut mesurer l'importance des peines qui nous seraient
réservées dans le purgatoire. On répond que l'infliclion
de peines légères pour des fautes graves est prohibée
par le concile, qui commande au contraire de proportionner la peine à
la gravité des péchés : « Debent pio qualitate
crî-» minum et poenitentium facultate salutares et convenien-»
tes satisfactiones injungere. »
LXVII. Chenmice oppose en outre ce texte: « Sicut mi-»
sit me pater, ita etego mitlo vos. » (Jo.xx. 21.) El il fait observer
que Jésus-Clnist a pardonné les péchés sans
confession. On répond que les apôtres par ces paroles eu-rent
aussi mission de réconcilier les pécheurs, mais d'une autre
manière que ne les absolvait Jésus-Christ. Jésus-Christ
les absolvait par pouvoir absolu el il connaissait bien le fond de leur
cœur et s'ils étaient contrits ou non; mais les npôlres pour
connaître les disposilions des péni-tens avaient besoin d'abord
de scruter leurs consciences; c'est pourquoi le pouvoir de délier
et de lier leur fut donné. Jésus-Christ pardonna bien à
la Magdelaine sans le baptême ; il voulut néanmoins
que ses apôtres
440
TRAITÉ
baptisassent ceux qui se convertiraient à la foi : « Bap-»
tizanies eos in nomine Patris, etc. »
LXVIII. Chemnice fait encore celle objection : La loi nouvelle est
donc plus dure que l'ancienne où n'existait pas cette lourde obligation
de la confession ? On répond que de ce qu'un précepte ou
quelques préceptes peu nom-breux de la nouvelle loi sont plus durs
que les anciens, il ne s'ensuit pas que la loi nouvelle soit plus dure
que l'ancienne. L'ancienne était bien autrement dure par une foule
de préceptes de cérémonie ou judiciaires qui obli-gaient
alors et n'existent plus aujourd'hui. Outre que les préceptes de
l'ancienne loi n'étaient pas accompagnés de la promesse de
la grâce, que Jésus-Christ notre Seigneur promet par plusieurs
fois dans l'Évangile à ceux qui le suivent afin qu'ils puissent
facilement accomplir ses covn-mandemens. Aussi l'ancienne loi était
appelée loi de crainte; la loi de l'Évangile se nomme loi
d'amour, et pour un fidèle animé et soutenu par cet amour
où sont les difficultés du précepte? »
Chap. VI. — Du ministre et de l'absolution.
LXIX. Dans ce chap. 6 on condamne ceux qui assignent le pouvoir des
clefs à d'autres qu'aux évêques et aux prê-tres;
disant que les péchés publics sont remis par la ré-préhension
publique et les secrets pas la confession à tout fidèle.
Le concile enseigne encore que les prêtres mêmes qui sont en
péché administrent validement ce sacrement, et que ceux-là
errent qui disent que les mauvais prêtres sont privés de ce
pouvoir. Il déclare en outre que l'abso-lution n'est pas le simple
ministère d'annoncer l'Êvan-gile ou de déclarer que
les péchés sont remis, mais un
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
441
acte de juge par lequel le prêlre poile la sentence en donnant
ou refusant l'absolution au pénitent. D'où il suit que, pour
la rémission des péchés, la foi du pénitent
dans la réalité de son absolution, quand même il n'aurait
pas la conlrition et encore que le piètre entendît ne faire
qu'un jeu et ne pas réellement l'absoudre, ne suffit pas. Voici
les paroles du concile : « Circa ministrum autem » hujus sacramenti,
declarat sancta synodus falsas esse, » et a veritate Evangelii penitus
alienas doctrinas omnes, » quae ad alios quosvis homines, praeter
episcopos et sa-» cerdotes, clavium ministerium perniciosi extendunt,
» putantes verba illa Domini : Quaecumque alligaveritis » super
terram, erunt alligata et in cœlo : et qusecum-» que solveritis super
terram, erunt soluta et in ccelo: et t> quorum remiseritis peccata, remitlenlur
cis : et quorum » retinueritis, retenta sunt: ad omnes Christi fideles
in-» differenter, et promiscue, contra institutionem hujus »
sacramenti ita fuisse dicta, ut quivis potestatem ha-» beat remittendi
peccata, publica quidem per correp-» tionem, si correptus acquieverit;
secreta vero perspon-» taneam confessionem cuicumque factam. Docet
quoque, » etiam sacerdotes, qui peccato mortali tenentur, per vir-»
lutem Spiritus-Sancti in ordinatione collatam, lan-» quam Christi
ministros functionem remittendi peccata » exercere; eosque prave
sentire, qui in malis sacerdo-» libus hanc potestatem non esse contendunt.
» Quamvis autem absolutio sacerdotis alieni beneficii »
sit dispensatio, tamen non est solum nudum minisle-» rium, vel annuntiandi
Evangelium, vel declarandi re-» missa esse peccata ; sed ad instar
actus judicialis, quo » ab ipso velut à judice sententia pronuntiatur;
atque » ideo non debet pcenitens adeo sibi de sua ipsius fide
442
TRAITÉ
» blandiri, ut etiamsi nulla illi adsit contritio, aut saeer-»
doli animus serio agendi, et vere absolvendi desit; » putet tamen
se propter suam solam fidem vere et co-» ram Deo esse absolutum :
nec enim fides sine pceni-» lentia remissionem ullam peccatorum praestaret
: nec » is esset nisi salutis suae negligenlissimus, qui sacerdo-»
lemjocose absolventem cognosceret, et non alium serio » agentem sedulo
requireret. »
LXX. A ce chapitre se rapporte encore ce qui est dit dans le can. 4
déjà cité au chapitre 3. « Si quis dixerit »
duas tantam esse poenitentiae paries, terrores, etc., et » fidem
conceptam ex Evangelio, vel absolutionem, qua » credit quis sibi
per Christum remissa peccata : ana-» thema sit. »
LXXI. C'est là l'erreur que prêchait Luther, disant que
le ministre devait toujours donner l'absolution. Dans le catéchisme
de Luther, lorsqu'il est question de la forme du sacrement de la pénitence,
on voit que le ministre, après avoir entendu la confession du pénitent,
lui demande: » Crois-tu que la îémission des péchés
que je le donne » soit la rémission de Dieu ?» El sur
la réponse affirma-tive, le minisire ajoute : « Et moi par
le commandement » du Christ je te pardonne tes péchés.
»
LXXI1. Nous remarquerons, touchant la forme du sa-crement ou l'absolution,
que les Grecs usaient de la forme déprécalive, etJuénin
écrit que jusqu'au douzième siècle les Latins aussi
usaient de la forme déprécalive, comme il paraît par
les rituels et sacramentales ; mais le concile de Trente a déclaré
que la forme seule valable est la forme prononcée d'une manière
indicative : « Ego te ab-» solvo a peccatis tuis.» Mais
comment celle forme d'après le mode deprecatif a-t-elle valu anciennement
et vaut-
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
443
elle encore parmi les Grecs, landisque parmi les Latins elle n'est
plus valable? Juénin répond très - pertinemment (pag.
583. de pœnil. tom. 7.) que l'Eglise peut bien chan-ger les formes, non
quant à la substance, mais quant au mode, assignant quelque chose
comme condition sine qua non; car l'adminislraiion des sacremens a été
confiée par Jésus-Christ lui-même à la prudence
de l'Église, laquelle a prescrit aux Latins le mode indicatif pour
exprimer l'acle de juridiction que les prêtres exercent en adminis-trant
ce saciement.
Chap. VII.—De la juridiction et des cas réservés.
LXXIII. Dans le chap. vu il est dit que l'absolution est nulle quand
elle est donnée par les prêtres qui n'ont pas la juridiction
ordinaire ou déléguée sur les péniiens : de
plus, que les pontifes et les évêques se sont à bon
droit réservé l'absolution des péchés d'une
énormité extrême; mais qu'à l'article de la
mort tout prêtre peut absoudre les fidèles de tout péché
et de toute censure; tandis que hors le cas-de danger de mort ceux-ci doivent
aller vers leurs supérieurs pour recevoir l'absolution : «
Quoniam igitur natura, et ratio judicii illud exposcit, » ut sententia
in subditos duntaxat feratur; persuasum » semper in ecclesia Dei
fuit, et verissimum esse synodus » haec confirmat, nullius momenti
absolutionem eam » esse debere, quam sacerdos in eum proferl, in
quem » ordinariam aut subdelegatam non habet jurisdictionem. »
Magnopere vero ad christiani populi disciplinam perti-» nerc sanctis
Patribus nostris visum est, ut atrociora quae-» dam et graviora crimina
non a quibusvis, sed a sum-» mis dumtaxat sacerdotibus absolverentur.
Unde merito
444
TRAITÉ
» pontifices maximi pro suprema potestate sibi in Ecclesia »
universa tradita, causas aliquas criminum graviores » suo potuerunt
peculiari judicio reservare. Nec dubi-» Iandum est, quando omnia
quae a Deo sunt, ordinata » sunt, quin hoc idem episcopis omnibus
in sua cuique » dioecesi, in aedificationem tamen, non in destruclio-»
nem liceat, pro illis in subditos tradita supra reliquos » inferiores
sacerdotes auctoritate, praesertim quoad illa » quibus excommunicationis
censura annexa est. Hanc » autem delictorum reservationem consonum
est divinae » auctoritati, non tantum in externa politia, sed etiam
» coram Deo vim habere. Verumtamen pie admodum, ne * hac ipsa occasione
aliquis pereat, in eadem Ecclesa Dei » custoditum semper fuit, ut
nulla sit reservatio in arti-» culo mortis; atque ideo omnes sacerdotes
quoslibet » poenitentes a quibusvis peccatis, et censuris absolvere
» possunt : extra quem articulum sacerdotes, cum nihil » possint
in casibus reservatis, id unum poenitentibus » persuadere nitentur,
ul ad superiores, et legitimos » judices pro beneficio absolutionis
accedant. »
LXXIV. Ainsi le concile a voulu que, pour l'absolu-tion de certains
péchés très-graves, on eût recours aux supérieurs
et cela à bonne fin, c'est que ceux-ci, comme plus expérimentés
, donneront de meilleurs avertissemens et pourront ordonner des pénitences
mieux proportionnées et plus salutaires. El ce motif posé,
on ne voit pas quelle probabilité pourrait avoir (comme nous l'avons
dit dans noire morale) l'opinion de ceux qui exemptent de la réserve
les pénitens ignorans; car, disons-nous, cette ré-serve n'est
point une peine ni ne se motive sur une peine à infliger aux pénitens,
mais elle est un retranchement de juridiction aux confesseurs, afin que
les délits trop graves
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
445
soient jugés plus mûrement par les supérieurs ou
les con-fesseurs auxquels a été concédée la
faculté d'absoudre même les cas réservés.
Ghap. VIII. — De la satisfaction.
LXXV. Dans le chap. vm on déclare qu'il est faux de dire que
Dieu en remettant le péché remet aussi toute la peine. Il
y est dit que les peines volontaires satisfont sans doute, mais non par
leur propre mérite et bien par les mérites de Jésus-Christ
en faveur desquels Dieu les accepte. C'est pourquoi les prêtres doivent
imposer des pénitences salutaires et convenables
selon la qualité des péchés et suivant
aussi les forces des pénitens, se gardant surtout d'ordonner
de légères peines pour des péchés graves, et
ne cessant d'avoir devant les yeux que la satisfaction n'est pas seulement
la gardienne de la vie nouvelle, mais le châtiment des péphés
commis, et se disant que de telles satisfactions ne diminuent en rien la
satisfaction suprême de notre Seigneur Jésus-Christ : «
Demum quoad satisfactionem, quae ex omnibus » poenitentiae partibus,
quemadmodum a patribus nostris » christiano populo fuit perpetuo
tempore commendata, » ita una maxime nostra aetate summo pietatis
praetextu » impugnatur ab iis, qui speciem pietatis habent, virtu-ti
tem autem ejus abnegarunt : sancta synodus declarat fal-» sum omnino
esse, et a verbo Dei alienum, culpam a » Domino nunquam remitti,
quin universa etiam poena » condonetur : perspicua enim et illustria
irt sacris litteris » exempla reperiuntur, quibus, praeter divinam
tradi-» tionem hic error quam manifestissime revincitur. Sane »
et divinae justitise ratio exigere videtur ; ul aliter ab eo
446
TRAITÉ
» in gratiam recipiantur ; qui ante jbaptismum per igno-»
ranliam deliquerint ; aliter vero qui semel a peccatis » et daemonis
servitute liberali, ei accepto Spiritus Sancti » dono scienter templum
Dei violare; ei Spiritum Sanctum » contristare non formidaverint
; et divinam clementiam » decet, ne ila nobis- absque ulla satisfactione
peccata » leviora pulanles, velut injurii et contumeliosi Spiriiui
» Sancto in graviora labamur, thesaurizantes nobis iram » in
die irae. Procul dubio enim magnopere a peccalo » revocant, et quasi
frseno quodam coercent satisfactoriae » poenae, cautioresque ei vigilantiores
in futurum poeni-» lentes efficiunt; medentur quoque peccatorum reliquias,
» ei viliosos habitus male vivendo comparalos contrariis »
virtutum actionibus tollunt; neque vero securior ulla » via in Ecclesia
Dei unquam existimata fuit, ad amo-» vendam imminentem a Domino poenam,
quam ut haec » pœnitentiae opera homines cum vero animi dolore fre-»
quenlent. Accedit ad hœc, quod dum satisfaciendo » patimur pio peccatis,
Christo Jesu, qui pro peccalis » nostris satisfecit, ex quo omnis
nostra sufficientia est, » conformes efficimur, certissimam quoque
inde arrham » habentes, quod si compatimur, conglorificabimur. »
Neque vero ila nostra est salisfactio haec, quam pio » peccatis nostris
exsolvimus, ut non sit per Christum » Jesiun : nam qui ex nobis nihil
possumus, eo coope-» rante qui nos confortat, omnia possumus : ita
non » habet homo, unde glorietur : sed omnis gloriatio nostra »
in Christo est, in quo vivimus, in quo movemur, in » quo satisfacimus,
facientes fructus dignos poenitentiae, » qui ex illo vim habent ;
ab illo offeruntur patri, et per » illum acceptantur a patre. Debent
ergo sacerdotes Do-» mini, quantum spiritus et prudentia suggesserit,
pio
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
447
» qualitate criminum, et poenitentium facultate, salutares »
et convenientes satisfactiones injungere ; ne si forte pec-» catis
conniveant, et indulgentius cum poenitentibus » agant, levissima
quaedam opera pio gravissimis delictis » injungendo, alienorum peccalorumparlicipesefficiantur.
» Habeant autem pne oculis, ut satisfactio, quam impo-» nunt,
non sit tantum ad novae vitae custodiam, et infir-» mitatis medicamentum,
sed etiam ad praeteritorum » peccatorum vindictam , et castigationem,
nam claves » sacerdotibus non ad solvendum duntaxat, sed ad »
ligandum, concessas, etiam antiqui Patres et credunt et » docent
; nec propterea existimarunt, sacramentum poe-» nitentiae esse forum
irae, vel poenarum, sicut nemo » unquam catholicus sensit, ex hujusmodi
nostris saiis-» factionibus vim meriti, ei satisfactionis Domini
nostri » Iesu Christi vel obscurari, vel aliqua ex parte imminui
: » quod dum novatores intelligere nolunt, ita optimam » poenitentiam
novam vitam esse docent, ut omnem » satisfactionis vim, et usum tollant.
»
LXXVI. Luther et Calvin disent que Dieu n'exige au-cune peine pour
la satisfaction des péchés après qu'il les a pardonnes,
mais le concile enseigne, comme nous le voyons, qu'après la rémission
de la faute, il reste souvent au pécheur l'obligation de satisfaire
à la peine temporelle, même "dans l'autre vie, si celte satisfaction
n'a pas été complète dans celle-ci : les peines de
l'autre vie satisfont de condigno, les peines de la vie présente
satisfont seule-ment de congruo, comme le disent communément les
théo-logiens en s'appuyant sur un passage de Daniel ( c. 4. v. 24)
« Peccata tua eleemosynis redime. » Sous ce mot peccata il
faut entendre la culpabilité pénale selon la tra-dition des
saints Pères, dont les passages se trouvent
448
TRAITE
dans Bellarmin, lib. 4. e. 9. Et les faits viennent con-damner aussi
Luther e( Calvin, puisque David, quoique pardonné (comme le prophète
Nathan le lui avait assuré : «Dominus quoque transtulit peccatum
tuum» (II.Reg. XH. 13), fut encore puni de Dieu par la mort de son
fils : « Quoniam blasphemare fecisti inimicos Domini, prop-»
1er verbum hoa, filius, qui natus est tibi, morte morie-» tur. »
(Ibid. XH. 14.) Et la chose arriva comme elle avait été annoncée
par le prophète.
LXXVII. Celte peine temporelle qui nous reste à payer peut être
rachetée par de bonnes œuvres spontanées, comme l'enseigne
le concile; et comme l'admet même Luther, bien que Calvin le nie;
cela se prouve par l'exem-ple des Ninivites qui, par leur pénitence,
obtinrent que la destruclion de leur ville dont les avait menacés
Jonas ne fût pas accomplie. (Jon. 1. c. ull.)C'est donc avec justice
qu'après l'absolution, le prêtre impose une pénitence
de jeûne, d'oraisons ou d'aumônes, et voilà comment
il faut entendre que le prêtre lie le pénitent; car l'imposition
de la peine appartient aussi au pouvoir des clefs, comme l'enseignent S.
Léon (ep. 91. adTheodor.) ei S. Cyprien, (serai, de Lapsis.)
Chap. IX. — Des œuvres de satisfaction.
LXXYIII. Le concile exprime ici brièvement dans ce neu-vième
chapitre que la bonté divine est si grande qu'elle se contente,
en considération des mérites de Jésus-Christ, et pour
la satisfaction des péchés, non-seulement des peines volontaires
qui lui sont offertes ou de celles qui nous sont imposées par le
confesseur, mais même de celles qui nous arrivent accidentellement
et que nous souffrons pa-
CONTRE LES IIÉRÉTIQUES.
449
ijemment comme venant de lui : « Docet praeterea, lan-»
tam esse divinae munificentiae largitatem, ut non so-» Ium poenis
sponte a nobis pro vindicando peccato sus-» ceptis, aut sacerdotis
arbitrio pro mensura delicti impo-» silis, sed etiam quod maximum
amoris argumentum est » temporalibus flagellis Deo inflictis, et
a nobis patienter » toleratis, apud Deum Patrem per Christum iesum
sa-» tisfacere valeamus. »
LXXJX. Ici doiyent tjeuver place plusieurs notions sur l'antiquité
de la confession sacramentelle, recueillies par le P. Chalon dans son histoire
des sacremens. Ancienne-ment les évêques seuls administraient
le sacrement de pé-nitence, bien que, lorsqu'ils se trouvaient empêchés,
ils commissent pour cet office des prêtres séculiers et même
réguliers. Mais dans le cours ordinaire la confession se faisait
seulement aux évêques et même quelquefois aux évêques
assistés de leur sénat ou presbytère, comme l'écrit
le P. Mabillon (trait, de la conf. 40. sec. 3) qui en rap-porte plusieurs
exemples. A l'occasion du schisme de No-valien les pénitenciers
furent institués; mais ceux-ci ayant été abolis par
Nectaire, on délégua aussi bien pour les cités que
pour les villages les curés (appelés propres prêtres)
pour entendre les confessions, prohibant à tout autre prêtre
l'administration du sacrement. Puis les religieux furent admis à
confesser, à quoi les curés s'opposèrent; mais les
religieux furent défendus par Albert-le-Grand, S, Thomas et S. Bonavenlure
qui soutinrent que sous le nom de propre pasteur, employé par le
concile de La-tran dans le can. : «Omnis utriusque sexus, depœnit.
et » rem., » était compris tout prêtre délégué
par les ordi-naiies. H y eut diverses décisions sur ce point : Inno-cent
IV interdit d'abord la confession à d'autres qu'aux xix.
29
4S0
TRAITÉ
curés mêmes, ou au moins sans leur licence. Mais Alexan-dre
IV condamna ceux qui disaient que les évêques n'a-vaient pas
le droit d'accorder celte faculté à d'autres prê-tres
sans le consentement des curés, et cette décision fut confirmée
par Clément IV, lequel, nonobstant l'opposi-tion'des curés,
accorda celle faculté aux franciscains. Alexandre V Tetendit ensuite
à tous les ordres mendians par une bulle particulière, contre
laquelle écrivit depuis Gerson, prétendant que le pape lui-même
ne pouvait en-lever le droit de confession aux curés ; aussi tous
les or-dres mendians furent-ils rejelés de l'université de
Paris. Mais enfin le concile de Trente (sess. 28 de réf. cap. 15)
ordonna que nul ne s'ingérât à entendre les confessions
sans la permission de l'évêque, par là tombèrent
toutes les controverses.
LXXX. Anciennement quelques fidèles se confessaient à
des diacres ou autres clercs, mais ce n'était pas là la confession
sacramentelle. Cependant il est certain que dans quelques localités
existait anciennement cet abus de la confession par les diacres et les
clercs qui donnaient môme l'absolution ; mais les évêques
et plusieurs synodes le prohibèrent. S. Basile (interrogat. 228)
défendit ex-pressément à ses religieuses de confesser
leurs péchés à d'autres qu'aux prêtres.
LXXXI. Le mode de confession dansTâhliquilé était
celui-ci : le pénilent venait au prêtre qui disait d'abord
sur lui certaines prières, puis, le faisant asseoir à son
côté, comme le pratiquent encore les Grecs, entendait sa con-fession
après l'avoir (avant toul) interrogé sur sa foi. Le pénitent
s'agenouillait ensuite et priait le prêtre de le re-commander à
Dieu ; puis prosterné la face contre terre, il demeurait un assez
long temps dans cette posture, faisant
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
acte de contrition de ses péchés. Ensuite le prêtre
le fai-sait relever pour lui donner la pénitence, et le pénitent
se prosternant de nouveau, le confesseur récilail sur lui sept oraisons
qui se lisent dans les livres pénitenliaux. Après cela ils
allaient ensemble à l'église ; car les confes-sions ne se
faisaient pas dans l'église, mais dans d'autres lieux découverls
et à la vue de lous, spécialement pour la confession des
femmes, qui, seulement dans le cas de ma-ladie, se confessaient dans leurs
maisons, mais en pré-sence de témoins. S. Basile voulait
que si elles étaient re-ligieuses, l'abbesse y assistât aussi.
Cependant au temps du bienheureux Pierre Damien, toutes les confessions
se faisaient dans l'église devant l'autel, et là les pénilens
à genoux récitaient plusieurs psaumes et prières,
et ainsi ils accomplissaient les pénitences avant de recevoir l'ab-solution.
Mais au commencement du xme siècle celte discipline fut changée.
Tout cela est rapporté par le P. Chalon, chap. 8, d'après
Alcuin, précepteur de Charle-magne au viu° siècle, dans
le lib. De div. offic, et Bro-card de Worms lib. 19 : on lit la même
chose dans l'an-cien catalogue romain de la bibliothèque des Pères,
tom. 10.
LXXXII. Les stations des pénitens commencèrent à
être en usage vers la fin du me siècle. Il y en avait quatre
: celle des pleurans, celle des auditeurs, celle des prosternés
et celle des assistam, distinction expressément marquée par
S. Basile, lib. 2.cap.2. Mais pour bien entendre tout cela, il faut savoir
ce que rapporte Fleury dans son Hist. ecclés., au eh. 58, que les
églises étaient anciennement compo-sées d'un portique
par lequel on entrait dans une cour carrée à colonnes, semblable
aux cloîtres de nos monas-tères, et au milieu de laquelle
était une fontaine; c'est là
29.
452
TRAITÉ
que se tenaient les pauvres devant la porte de l'église. Au
fond de celte cour élail un double vestibule d'où on en-trait
dans l'église par trois portes. Dans l'intérieur de l'église,
le baptistère occupait l'entrée, et au fond était
la sacristie, appelée secrétariat ou trésor. Le long
de l'église étaient pratiquées quelques petites cellules
pour ceux qui voulaient prier à part, comme sont aujourd'hui nos
cha-pelles. Le vaisseau même de l'église était divisé
par deux rangs de colonnes et vers le fond, à l'orient, élail
l'autel, et derrière le presbytère où les prêtres
récitaient l'office avec l'évêque qui siégeait
à l'extrémité en face de la porte. Devant l'autel
régnait une balustrade ou fermeture. Dans le milieu de la nef était
un pupitre auquel on montait de deux côtés, car il servait
également pour les leçons ou lec-tures publiques. Il y avait
de plus le pupitre de l'évangile et celui de l'épître.
LXXXIII. Le canon attribué à S. Grégoire Thaumaturge,
rapporte, louchant les stations des pénilens, que la pre-mière,
celle des pleurans, élait hors de l'église où ceux-ci
priaient ceux qui entraient d'inlercéder en leur faveur. Les auditeurs
se tenaient à l'intérieur dans l'espace entre la porte de
l'église et le pupitre, puisque le peuple se plaçait depuis
le pupitre jusqu'à la balustrade de l'autel. Ces au-diteurs se tenaient
deboul écoulant les écritures, les prédi-cations et
ks instructions, et quand venait le moment des oraisons ils étaient
écondui Is ainsi que les catéchumènes; et après
leur sortie les portes étaient fermées et la messe des fidèles
commençait par le chant du symbole ou les prières de l'offrande
des dons. Il en était de même pour les prosternés qui
n'assistaient pas à la messe : on les ap-pelait ainsi à cause
de la posture qu'ils prenaient pen-dant qu'on leur imposait les mains et
qu'on récitait suv
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
455
eux de nombreuses oraisons avant de les faire sortir de l'église.
Celte seconde station était fort longue, car elle ne durait pas
moins de sept ans. Les auditeurs étaient de là troisième
station et venaient écouler les leçons et les prédications.
Les assistatis enfin étalent admis à la messe des fidèles,
mais dans un lieu séparé; ils étaient privés
de la communion et participaient seulement aux prières du sacrifice.
Parmi ces assistans se mêlaient aussi quelques fidèles qui
avaient commis quelques fautes graves, mais non sujeltes à la pénitence
canonique, ou même seulement qui venaient d'eux-mêmes s'accuser
avec un grand repentir.
LXXXIV. Quant à la forme du sacrement de la péni-tence,
le P. Morin cité par Tournely (lom.2.q.9.concl.3.) prouva à
l'aide d'une multitude d'autorités ce que nous avons déjà
dit plus haut, savoir que jusqu'à la fin du douzième siècle
la forme était déprécative « Dominus le »
absolvat, etc. » avec d'autres prières, le prêtre tenant
Une main étendue sur la tête du pénitent : on lit la
même chose dans S. Ambroise (1. 8. c. 8. lOetll.) et dans S. Léon
(epist. 85.). Le P. Chalon remarque que cette forme se retrouve dans tous
les livres pénilentiaux grecs et la-tins. Pierre le chantre qui
florissait vers la fin de ce même douzième siècle assigne
aussi la même forme, cependant dans la somme d'Alexandre de Halès
se trouve décrite la double forme déprécalive et indicative.
S. Thomas a écrit un opuscule en faveur de la forme indicative,
soutenant qu'on ne pouvait aller contre les paroles de Jésus-Christ:
« Quidquid solveritis, elc, » et les docteurs régens
de Paris décidèrent unanimement qu'on devait dire: «
Ego » le absolvo. » La raison en est que le prêlre au
tribu-nal de la pénitence fait l'office de juge et qu'ainsi il lui
454
TRAITÉ
appartient de piononcer lui-même la sentence. Mais fi-nalement
le concile de Trente (sess. 14, cap. S.) établit que les paroles
essentielles de l'absolution sont celles-ci: « Ego te absolvo a peccatis
tuis » et que les prières qu'on ajoute sont .profitables,
mais non nécessaires. Néanmoins les Grecs n'ont pas laissé
de conserver la forme dépié-calive, laquelle est aussi approuvée
par l'Église; voyez ce qui a été dit au n° 71
à la fin.
LXXXV. Le prêtre qui viole le secret de la confession est déposé
par les canons et condamné à errer loutesa vie ; c'est ce
qu'on voit dans le can. Sacerdos 2. caus. 33. ques. 3. dist. 6. (Gratien
prétend que ce canon est de Grégoire VI, maisMorincroit qu'il
est de Grégoire VII ou d'un autre pape de cette époque.)
Le concile de Latran, sous Innocent III, Exlravag. de-pœn. et rem. au ch.
«Omnes utriusque » sexus, etc., » dit que le prêtre
révélateur sera non-seu-lement déposé, mais
renfermé à perpétuité dans un mo-nastère.
LXXXVI. Anciennement tous les fidèles étaient obligés
de se confesser au commencement du carême comme on le voit dans les
anciens rituels; dans le principe l'É-glise latine observait trois
carêmes, au rapport de Bro-card (lib, 19. cap. S.). Le plus grand
était avant Pâques, un autre avant Noël, pendant l'Avent,
et le troisième de quarante jours avant la fêle de S. Martin.
Puis on les ré-duisit à deux ; celui de Pâques et celui
de l'Avent, et en enfin à un seul, celui de Pâques, en ordonnant
toutefois le jeûne des Quatre-Temps.
LXXXVII. Au treizième siècle on institua dans les dio-cèses
les grands pénitenciers, qui eurent le pouvoir d'ab-soudre les cas
réservés, mais auparavant encore il y avait des cas réservés
aux papes ou aux, évêques, comme, l'atteste
GONIRE LES HÉRÉTIQUES.
455
pierre-le-Chanlre, et Fleury dans son histoire (tom. 1. pag. 259).
LXXXVIII. On douta d'abord si l'absolution donnée à dislance
était \alide, comme le pense Suarez (De poenit. d.l9.secl.!5). Mais
Clément XIII, le 20 de juillet 1602, piohiba les confessions par
écrit et les absolutions données aux personnes éloignées.
LXXXIX. Les pénitences n'étaient pas au commence-ment
laissées à l'arbitraire du confesseur, mais fixées
d'a-près les canons enregistrés dans les livres pénitenliaux
; les mêmes règles s'observaient dans les confessions publi-ques
ou privées, sauf la pénitence publique qui se faisait publiquement.
Puis au huitième siècle, quand la pénitence publique
fut entièrement abolie, divers auteurs composè-rent les livres
pénitenliaux dans lesquels ils distinguèrent toutes les espèces
de péchés, et désignèrent les peines cor-respondantes
d'après les canons des conciles et les coutu-mes des églisee
primaliales, avec les formules d'absolution et d'autres prières.
Les plus célèbres de ces livres étaient le Pénitentiaire
de Rome, celui de Bède, et celui de Théo-dore.
XC. La pénitence publique était exigée des pécheurs
publics , mais seulement pour les péchés de première
classe, et ces péchés d'ailleurs fussenl-ils secrels, n'é-taient
remis aux pénitens (comme dit le P. Chalon, ch. 6.) qu'autant qu'ils
accomplissaient la pénitence canonique. Les pécheurs publics
étaient encore contrainls à satis-faire à l'excommunication.
Le P. Chalon dit (chap. 7) que plusieurs pécheurs secrels se condamnaient
eux-mêmes à la pénitence publique, mais sans révéler
leurs péchés, et on ne leur en accordait la permission que
pour une seule fois. Celte discipline ne dura pas au-delà du septième
456
TRAITÉ
siècle. Depuis lors, on commença à accorder aux
pécheurs publics la pénitence canonique.
Dans le can. 12 du concile de Nicée, il est dit que l'on peut user
d'une plus grande indulgence pour les pénilens fervens. Les recom-mandations
des martyrs et des confesseurs qui souffraient faisaient aussi remettre
en partie la pénitence. Ces recom-mandations étaient appelées
libelles commendatifs, et ils étaient présentés souvent
par les diacres, et puis examinés pir l'évêque. Ce
privilège des martyrs commença avant le lempsdeTerlullienetful
reconnu en 476 ou 77, pendant la persécution de Marc-Aurèle,
et ne cessa qu'avec les martyrs eux-mêmes. Dans les trois premiers
siècles, les clercs d'ordres majeurs étaient aussi soumis
à la pénitence publique quand ils étaient pécheurs
publics ; et quand ils étaient déposés ils ne pouvaient
rentrer dans les fonc-tions de leur ordre, même après avoir
accompli la péni-tence; mais cela fut réduit aux clercs mineurs,
à partir du troisième siècle. (Voyez le P. Chalon,
lib. 2. c. 18 et 19.) Les pécheurs publics, même après
leur pénitence ac-complie, étaient exclus des ordres majeurs.
Mais cela n'é-tait pas étendu à ceux qui se soumettaient
volontairement à la pénitence publique. Dans l'Occident (non
dans ??-rieni) les pécheurs publics étaient encore exclus
des charges militaires, des magistratures et des négociations: ils
étaient inhabiles à contracter mariage, et privés
de son usage s'ils étaient déjà mariés. Mais
tout cela cessa au quatorzième siècle, avec la suppression
de la pénitence publique. (Cha-lon. I. 2. c. 16.)
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
4RT
XIV SESSION.
Du sacrement de l'extrême-onction.
I. En finissant de traiter du sacrement de la pénitence,
le concile passe à l'exposition de la doctrine sur le sacre-ment
de Pexlrême-onclior» qui, dit-il, fut regardé par les
saints Pères comme le complément final de la vie, laquelle
ne devrait être pour un chrétien qu'une perpétuelle
pé-nitence. Il ajoute que comme la divine bonté nous a pour-vus
pendant la vie de tous les secours pour nous défendre contre les
attaques de l'ennemi, elle n'a point voulu neus priver d'un secours exlraordinaire
pour ce dernier combat de la mort dans lequel l'enfer déploie contre
nous toutes ses forces.
Cliap. Ier. De l'institution du sacrement de l'extrême-onction.
II. Dans ce chapitre premier, 11 est dit que Pexlrême-onclion
des malades a été instituée par Jésus-Christ
comme vraie et spécial sacrement, ainsi que cela est insinué
dans l'évangile de S. Marc, et puis annoncé aux fidèles
par l'a-pôtre S. Jacques en ces termes : « Infirmatur
quis in vo-» bis? inducat presbyteros ecclesise, et orent super eum,
» ungentes eum oleo in nomine Domini : et oratio fidei » salvabit
infirmum ei alleviabit eum Dominus; et si in » peccaiis sit, dimittentur
ei. » Appuyée sur ces paroles
4?8
TRAITE
l'Église, instruite par la tradilien apostolique, enseigne que
la matière de ce sacrement est l'huile bénile par l'évêque,
puisque l'onction représente la grâce dont l'ame du ma-lade
est ointe d'une manière invisible. Quant à la forme elle
consiste dans ces paroles : « Per islam unctionem, » etc. »
Voici le texte du concile : « Instituta est autem » haec unctio
infirmorum tanquam vere et proprie sacra-» mentum, a Christo D. N.
apud Marcum quidem insinua-» tum (cap. 6. vers. 12. seq.), per Jacobum
autem aposto-» Ium, ac Domini fratrem, fidelibus commendatum ac pro-»
mulgalum ; Infirmatur, etc. (commeplus haut). Quibus » verbis, ut
ex apostolica traditione per manus accepta Ec-» clesia didicit, docet
materiam, formam, proprium minis-» trum, et effectum hujus salutaris
sacramenti : intel-» lexit enim Ecclesia materiam esse oleum ab episcopo
» benedictum : nam unctio aptissime Spirilus-Sancli gra-» liam,
quse invisibiliter anima aegrotantis inungitur, re-» praesentat :
formam deinde esse illa verba : Per istam » unctionem, etc. »
III. Au chap 1 correspond le can. 1, où il est dit : «
Si «quis dixerit, extremam unctionem non esse vere et pro-»
prie sacramentum a Christo Domino institutum, et a » bealo Jacobo
apostolo promulgatum ; aut figmentum » humanum : anathema
sit. »
IV. Ainsi le concile tient pour vrai dans ce chap. 1 que le sacrement
de l'extrême-onciion est un vrai el spécial sacrement institué-
par Jésus-Christ, indiqué par ces pa-roles de l'évangile
de S. Marc : « Et exeuntes praedica-» bant, ut poenitentiam
agerent : el daemonia mullra eji-» ciebant, et ungebant oleo multos
aegros, et sanabant, » (Marc. 6.12 et 15), et promulgué par
S. Jacques qui ainsi n'en fut pas l'auteur, majs le promoteur; puisque
l'au-
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
459
teur de ce sacrement, comme de tous les autres, fut Jé-sus-Christ.
De savoir ensuite si Jésus-Chris! ne l'a pas in-stitué immgdiatement
par S. Jacques, c'est une question : aucune de ces deux opinions n'est
de foi, le concile disant seulement que le sacrement est institué
par Jésus-Christ, c'est là seulement ce qui est de foi ;
du reste il paraît proba-ble que le Seigneur l'a institué
immédiatement lui-même, puisque le concile n'en attribue à
S. Jacques que la pro-mulgation : « Instituta est sacra unctio a
Christo Domino » tanquam sacramentum novi testamenti apud Marcum
» quidem insinuatum per Jacobum autem fidelibus pro-» mulgalum.
» Quant au temps où ce sacrement fut pro-mulgué, Tournely
(Compend. de sacram, e. u. to. 22 p, 50) regarde comme très-probable
qu'il le fut après celui de la pénitence dont il est perfecti/
et consmnmatif comme s'expriment les Pères.
V. Luther et Calvin ont rejeté entièrement l'exlrême-onction
qu'ils appellent une superstition des papistes. Mais comme nous l'avons
observé, le concile la déclare véritable sacrement,
et l'on y trouve les trois parties né-cessaires qui constituent
le sacrement : 1° Le signe sen-sible de l'onction de l'huile; 2°
la promesse de la grâce : « Si in peccatis sit dimittentur
ei; » et 3° l'insl tution divine, « Ungentes eum oleo in
nomine Domini; » et puisque S. Jacques ne fit simplement que la promul-guer,
l'auteur en est Jésus-Christ, à qui seul il appartient d'instituer
les sacremens.
VI. Calvin objecte, qu'il est rapporté dans la chronique de
Sigebert que l'exlrême-onclion fut instituée par Inno-cent
I«. Mais comment croire Sigebert quand Innocent, lui-même (Epist,
?. cap. 8.) assure que l'extrême-onc-tion est un véritable
sacrement, Pas une de ses paroles ne
460
TRAITÉ
fait entendre qu'il se donne pour l'avoir institué. EtSige-bert
parle lui-même dans ce sens. Mais tous les faits mis en avant par
les hérétiques, sonl à bon droit, suspectés
de fausseté.
\H. On oppose que les auteurs des vies des saints dans les six premiers
siècles, ne font point mention qu'aucun ait reçu à
sa mort ce sacrement. Mais qu'importe cela? On n'a pas non plus écrit
que ces saints aient reçu l'eu-charistie, laquelle, sans aucun doute,
était donnée à tous les fidèles à l'article
de la mort. Il suffit de savoir, comme le remarque Possidius dans la vie
de S. Augustin, que c'était alors la maxime commune des saints de
ne pas mourir sans tous les signes de la pénitence : « Sacerdo-»
tes absque digna pœhilenlia exire de corpore non de-» bere. »
Sous Ce titre de pénitence était aussi compris ce dernier
sacrement.
Vllî. On objecte encore que S. Jacques attribue à l'o-raison
dé foi toute l'efficacité de l'extrême-onclion, «Et
ora-» tio fidei salvabit infirmum. » Or, dit-on , si c'était
un sacrement, l'effet serait attribué à l'onction comme ma-tière
et non simplement, à l'oraison comme forme. Er-reur, car l'effet
est réellement attribué à l'onction comnie à
l'oraison : « Ungentes eum in nomine Domini, » après
quoi vient immédiatement : « Et oratio fidei salvabit in-»
firmum. » Or ces paroles, « Oratio fidei, » ne doivent
pas être prisés subjectivement par rapport à la foi
du ministre, mais objectivement.en vue de toute l'Église, puisque
celle oraison cc-ntient l'objet de la foi qui est le sacrement.
IX. Le concile de Trente nous enseigne encore qu'elle est la matière
de l'exirême-onction : la matière éloignéeest
l'huile d'olives, comme le constatent YEuchologe grec et le Sacramentale
de S. Grégoire; car le mot okum, huile,
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
461
signifie proprement l'huile d'olives, comme l'explique le Cathéchisme
romain (part. 2. num. 9.) : « Ex olearum ? baccis tantummodo expressum.
» Les autres huiles ne sont point telles, mais mélangées
de lin, de noix, etc. Et il n'importe qu'Innocent Ier l'appelle chrême,
car, par ce mot il désigne toute malière d'onction. Mais
s'il arrivait, dit Tournely (tom. 2. de e. n. pag. 47. q. 44) que celte
huile d'olives se trouvât mêlée au baume comme celle
des catéchumènes, elle pourrait validement êlre employée
comme matière de ce sacrement en cas de né-cessité.
X. Il faut savoir encore que, bien que les Grecs em-ploient l'huile
bénile par les prêtres, [néanmoins parmi les Latins,
comme cela est prouvé par tous les rituels, cette bénédiction
doit être donnée par l'évêque. Il est vrai cependant
que le pape peut commettre de simples prê-tres pour cette bénédiction,
comme on le voit par le dé-cret de Clément VIII, rapporté
dans notre Théologie morale (lib. 6. n. 709. dub. 3.). Qu'ensuite
cette béné-diction ou consécration par l'évêque
ou par le prêtre, soit nécessaire de nécessité
de sacrement, Juénin écrit (lom. de e. u. pag. 424, qu. 1.),
que, pour les Grecs, il est certain qu'elle n'est que de précepte
et que nulle part il n'en est question comme de sacrement. Du reste, d'au-tres
savans théologiens, Bellarmin, Eslius, etc., veulent qu'elle soit
nécessaire de nécessité de sacrement ; mais Saintebeuve
et autres le nient, et Tournely paraît être de ce sentiment
(tom, 2. De sacram· pag. 15) et réfute les ar-gumens de Bellarmin.
Mais quand il s'agit de la validité d'un sacrement, il n'est pas
licite, hors le cas de néces-sité de se servir d'une matière
douteuse. Cependant, si l'huile bénite manquait, on y pourrait mêler
une partie
462
TRAITÉ
d'huile non bénite, mais en moindre quantité, comme il
est dit au chap. : « Quod in dubiis de consecr. »
XI. La matière prochaine est l'onction elle-même,
la-quelle, dans l'Église latine, doit se faire sur les yeux, les
oreilles, les narineê, les lèvres, les mains el la plante
des pieds ou proche de chacune de ces parties, el pour les hommes (non
aux femmes) sur les reins, quand les ma-lades peuvent remuer àjcel
effet sans danger; ainsi qu'il est expliqué dans le Sacramentale
de S. Grégoire et dans le Ri-tuel romain. LesGrecs ont coulumed'oindre
le front, le men-ton, la poitrine, les genoux, les mains elles pieds. Du
reste, en cas de nécessité, le temps manquant, il suffit
d'oindre un seul organe, le plus accessible, en disant : « Indul-»
geat tibi Deus quidquid per sensus peccasti ; car S. Jac-ques n'a prescrit
qu'une chose, ungatur. Mais si on a le temps, il n'est point permis de
négliger aucune des onc-tions particulières susdites, comme
le dit Tournely avec S. Thomas-(torn. 2. de ec. u. pag. 21. qu. 5.) Ancien-nement
les malades s'efforçaient d'aller eux-mêmes à l'église
pour recevoir ce sacrement; le P. Chalon (lib. 3. chàp. 5.) en cite
plusieurs exemples. S. Césaire suppose que celte pratique était
commune dans l'Église et que l'on n'allendail pas pour cela d'êtie
à l'extrémité; et aujour-d'hui les religieux trappistes
le pratiquent ainsi dans leurs églises..
XII. Le concile nous indique aussi quelle est la forme de ce
sacrement, savoir : Per istam, etc., forme déjà prescrite
par le pape Eugène IV dans son instruction aux Arméniens
: « Per istam sanctam unctionem el suam piis-» siniam misericordiam
indulgeat tibi Deus quidquid » deliquisti per visum, odoi'alum,
gustum, tactum, » auditum, gressus, lumborum delectationem »,
comme
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
463
on le voit dans le décret d'Eugène IV et dans le Rituel
romain dont le concile de Trente fait mention dans sa sess. xiv. ch. 1.
Cependant le P. Chalon remarque que dans l'antiquité il y a eu de
grandes variations sur ce point, et il rapporte plusieurs exemples où
l'onction n'était pratiquée que sur une seule partie du corps.
Au reste, pour la validité du sacrement, les paroles essen-tielles
ne sont pas celles-ci : « Per istam sanctam unctio-» nem, etc.,
» ni l'énuméralion nominale de tous les sens ; il suffît
des paroles : « Indulgeat tibi Deus, quid-» quid per sensus
deliquisti. » Je dis cela quant à la vali-dité du sacrement;
car, hors le cas de nécessité, les autres paroles ne peuvent
pas êlre négligées sans qu'il y ait faute. La forme
des Grecs est différente et ils y expri-ment séparément
tous les effets du sacrement. Juénin écrit (De extr. nont.
p. 22.) que quelques églises latines employèrent d'abord
la forme indicative : « Ungo te hoc » oleo, etc., » et
plusieurs autres auteurs avec S. Thomas et S. Bonaventure nous apprennent
qae la forme ambroi-sienne usitée à Milan était celle-ci
: « Ungo te oleo sanc-» lificalo in nomine Patris, etc. »
Du reste, la forme adoptée aujourd'hui universellement dans l'Église
latine est la forme déprécative rapportée plus haut
et c'est celle, comme l'atteste Juénin (pag. 25. qu. 2. v. S.) qui
a été toujours en usage dans l'Église grecque.
Ckap. II. De l'effet de ce sacrement.
XIII. Dans ce chapitre ? le concile dislingue « res et »'effectus.»
La chose du sacrement est la grâce de l'Esprit-Saint; l'effet est
ce que le concile explique ensuite dans les termes ci-après : «
Res porro, et effectus hujus sacra-
464
TRAITE
» menti illis verbis explicatur ; et oratio fidei salvabit in-»
firmum, et alleviabit eum Dominus; et si in peccatis » sit, dimittentur
ei. Res etiam haec gratia est Spiritus » Sancti, cujus unctio delicta,
si quae sint adhuc expianda, » ac peccati reliquias abstergit : et
aegroti animam alleviat » et confirmat, magnam in eo divinae misericordiae
fidu-» ciam excitando : qua infirmus sublevetur, et morbi »
incommoda ac labores levius fert ; et tentationibus dae-» monis,
calcaneo insidiantis, facilius resistit; et sani-» tatem corporis
interdum, ubi saluti animae expedierit, » consequitur. »
XIY. Ainsi, il y a trois principaux effets de ce sacre-ment : 1°
la rémission des péchés avec la delersion des restes
du péché ; 2° la grâce divine à l'aide de
la-quelle le malade supporte avec plus de résignation les douleurs
de sa maladie et résiste avec plus de force aux attaques dernières
de l'ennemi ; 5° quelquefois aussi le sacrement procure la santé
corporelle quand elle est utile à l'œuvre du salut de l'ame. Les
thomistes veulent que celte santé corporelle provienne ex opere
operato ; mais Estius soutient que c'est ex opere operantis , c'est-à-dire
en vertu des prières publiques de l'Église par lesquelles
on opère la consécration de l'huile. Voyez Tournely (de e.
u. p, 66. qu. 7),
XV. On demande ensuite si la rémission des péchés
est l'effet primaire par soi. Tournely ( de e. u. p. 49. qu. 1.) ainsi
que Solo et autres thomistes l'affirment absolument el le déduisent
des paroles de S. Jacques : « Si in peccatis » fuerit, dimittentur
ei, » et de celle du concile : « Cujus » unctio delicta,
si quae sint adhuc expianda, abstergit, » et encore des termes de
la formule : « Indulgeat tibi Deus » quidquid deliquisti, elc,
»
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
465
XVI. On demande en second lieu si cette rémission des
péchés est l'effet primaire simple. Il est primaire, sans
nul doute, m#is non simple et isolé, car il est accom-pagné
de deux autres effets secondaires, savoir de la dé-tersion des restes
du péché et de l'allégement du malade. Par restes
du péché on entend la propension qui reste vers le mal, Ja
torpeur dans les bonnes œuvres, et les ténèbres de l'esprit
; tandis que l'extrême-Onction se donne comme parfaite curation et
complément de la pénitence.
XVII. On demande encore quels péchés ce sacrement
remet par soi et primairement : si ce sont les véniels et avec eux
les mortels ? Saintebeuve(dêe. u. disp. 5.a.l). affirme et dit que
bien que l'extrème-onclion soit un sa-crement des vivans, néanmoins
comme complément de celui de la pénitence il a pour effet
primaire de remet-tre les péchés véniels, et remet
secondairement les mor-tels. Mais Juénin le combat avec raison en
cela (dee. u. p. S. q. 4). L'opinion la plus plausible sur ce point est
celle de S. Thomas, lequel dit que les sacremens des vivans, qui sont la
confirmation, l'eucharistie, l'ordre et l'ex-trême-onclion, remettent
non per se, mais per accidens, même les péchés graves,
quand on les reçoit avec l'atlri-lion, mais que l'on croit contrition
et dans le cas où on ne peut recevoir d'autre sacrement. Voici les
paroles de l'An-gélique lequel en parlant de l'eucharistie a écrit
: « Potest » tamen hoc sacramentum operari remissionem peccati
» (mortalis); forte enim primo si (suscipienssacramen-» tum
) non fuit sufficienter contritus, consequetur
» per hoc sacramentum gratiam caritatis, quae contri-» tionem
perficiet et remissionem peccati. » (S. Thom. 5. part. q. 69. a.
3. ) Le saint dit la même chose du sacre-ment de l'exirême-onction
(3. p. q< 30. a· 4). Celte
xix.
50
466
TRAITE
doctrine de S. Thomas est suivie par le P. Gonet, par le C. Bellarmin,
le P. Concina, le P. Suarez et d'autres encore. Ils en trouvent la confirmation
dane le can. 6 de la session 7 du concile de Trente : « Si quis dixerit
sa-» cramenla novae legis... gratiam non ponentibus obicem »
non conferre : anathema sit. » Qui reçoit un sacrement avec
la contrition qu'il estime telle certainement ne fait aucune opposition
à la réception de la grâce.
Chap. III. Du ministre de l'extrême-onclion, et du temps dans
lequel elle doit être administrée.
XVIIÏ. Dans ce chapitre troisième et dernier, le concile
déclare quels sont les ministres de ce sacrement : les évê-ques
ou les prêtres ; et quels sont ceux à qui il doit être
donné : les malades en danger de mort. Il déclare en outre
que l'exlrême-onclion peut être reçue de nouveau par
les malades qui, étant guéris, retombent plus tard dans le
même danger. 11 condamne cette opinion que l'exlrême-onclion
a cessé quand cessa dans l'Église primi-tive la grâce
des guérisons. 11 dit encore que ce sacrement ne peut être
négligé sans pécher gravement : « Jam vero »
quod attinet ad praescriptionem eorum, qui et suscipere, » et ministrare
hoc sacramentum debent, haud obscure » fuit illud etiam in verbis
praedictis traditum : nam et » ostenditur illic, proprios hujus sacramenti
ministros » esse ecclesias presbyteros, quo nomine eo loco, non »
aetate seniores, aut primores in populo intellegendi » veniunt, sed
aut episcopi, aut sacerdotes ab ipsis rite » ordinati per impositionem
manuum presbyteri. Decla-» ralui' etiam osse hanc unctionem infirmis
adhibendam, » illis vero praesertim qui tam periculose decumbunt,
ul
CONTRE tES HÉRÉTIQUES.
467
» in exitu vitae constituti videantur : unde et sacramentum »
exeuntium nuncupatur. Quod si infirmi post susceptam » hanc unctionem
convaluerint, iterum hujus sacramenti » subsidio juvari poterunt,
cum in aliud simile viue » discrimen inciderint. Quare
nulla ratione audiendi ? sunt, qui contra tam apertam apostoli Jacobi
sen-» tentiam docent, hanc unctionem vel figmentum esse » humanum,
vel ritum a patribus acceptum, nec pro-» missionem gratiae habentem
: et qui illam jam ces-» sasse asserunt, quasi ad gratiam curationum
dunlaxat » in primitiva Ecclesia referenda esset : et qui dicunt,
» ritum et usum, quem sanctae romanae Ecclesiae in hujus »
sacramenti administratione observat, Jacobi apostoli » sententiae
repugnare > atque ideo in alium commulan-» dum esse. Et denique qui
hanc extremam unctionem a » fidelibus sine peccato conlemni posse
affirmant; haec » enim omnia manifestissime pugnant cum perspicuis
» sancti apostoli verbis : nec profectaEcclesia romana, » aliarum
omnium mater et magistra, aliud in hac ad-» ministranda unctione,
quantum ad ea quas hujus sacra-» menti substantiam perficiunt, observat,
quam quod » beatus Iacobus praescripsit. Mec vero tanti sacramenti
» contemptus absque ingenti scelere, et ipsius Spiritus » Sancti
injuria esse potes!. »
XIX. A ce chapitre 5 se rapportent les canons 5 et 4. Le canon
5 porte : « Si quis dixerit extremae unctionis » ritum et usum,
quem observat sancta romana Ecclesia, » repugnare sententiae beali
Jacobi apostoli, ideoque » eum mutandum, posseque a christianis
absque peccato » conlemni : anathema sit. »
XX. Au canon 4 on lit.: « Si quis dixerit, presbyteros
» Ecclesiae, quos beatus Jacobus adducendos esse ad in-
30.
468
TRAITÉ
» firmum inungendum hortatur ; non esse sacerdotes ab »
episcopo ordinatos, sed aetate seniores in quavis com-» munitale
; ob idque proprium externae unctionis minis-* trum non esse solum sacerdotem
: anathema sit. »
XXI. Ainsi le concile nous apprend que les minisires de ce sacrement
ne sont pas les laïques, ni les anciens du peuple, comme le voulait
Calvin, mais seulement ceux qui sont ordonnés évêques
ou prêtres, comme le dé-montre Estais (in epist. pag. 1142,
col· 1.) et comme l'ont entendu le ssaints Pères. Dans le
nouveau Tesiament on entend par prêtres que les seuls minklres de
l'Église, d'autant plus ici que S. Jacques parle de ces prêtres
qui remettent les péchés, ce qui n'a jamais été
concédé aux laïques. Outre que le concile déclare
que cela se déduit clairement des paroles mêmes de S. Jacques.
C'est folle-ment que quelques-uns dans le cinquième siècle
admet-taient les prêtres pour ministres, mais excluaient les évê-ques,
et il paraît qu'ils prétendaient s'appuyer sur l'épître
même d'Innocent I ad decentium ; mais quelle était leur erreur
puisque Innocent I dans celte épîlre fait une men-tion expressé
des évêques; outre que le concile lui-même dans le chap.
3 susdit, déclare que les évêques comme les prêtres
sont les ministres de l'exlrême-onction.
XXII. Tout prêtre administre validemenl l'extrême-onclion,
parce que pour cela il n'est pas besoin du pou-voir de juridiction, mais
seulement du pouvoir d'ordina-tion. Je dis validement; mais pour l'administrer
licitement, il faut qu'il en reçoive le pouvoir ordinaire de l'évêque
ou du curé, et que ce pouvoir lui soit délégué
par eux, comme il est prescrit dans la Clément. I de privileg. Quant
à la question : si à défaut de prêtre ayant
juridiction, tout autre prêtre, même religieux, peut conférer
ce sacrement,
CONÏRE LES HÉRÉTIQUES.
469
Navarre le nie (in Man. cap. 27. n. 101). M is l'affir-mative est soutenue
avec plus de raison par Syh ius, Solo et beaucoup d'autres, ainsi que parTournely
(dî exlrem. unct. p. 55. 9. 2). El nonobslanl la Clémentine
(Dudum, de sepullur.) où il fut défendu aux religieux, sous
peine d'excommunication, d'empiéler sur les droits des curés;
cela doit s'entendre, dit Juénin, de ces religieux qui sous le prétexte
de leurs privilèges, voulaient exercer les fonctions de curés;
mais il ne s'agit pas du (as de né-cessité, dans lequel doit
être donnée l'extrême oction, à défaut
de prêtre. On peut joindre à cela l'autorité de S.
Charles Bonoméequi, dans le cinquième :oncile de Milan, ordonna
que : « Si porro(parochus) impeditus, » aut alias in mora est,
mortisque periculum instat, hoc » sacramentum sacerdos alius administrat.
»
XXIII. Vient ensuite la question : si plusieurs prêtres sont
requis pour l'administration de ce sacremînt. Selon les Grecs, ils
doivent être sept, comme on le voit dans leurs eucologes, ou seulement
cinq, ou enfin tro s, comme le dit M. Renaudot (tom. 7. De sacram, etc.
; mais ils n'allendent pas "que le malade soit à l'extrémité.
Le P. Chalon rapporte qu'avant 1 Oction par les sept prêtres, on
apprêlait une lampe à sept flambeaux que ch: que prêtre
allumait le sien, et puis avec le signe de la :roix et de nombreuses prières
ils donnaient l'oclion ai malade. Anciennement aussi chez les La lins,
comme on le voit dans le Sacramentale de S. Grégoire, on ap lelait
plu-sieurs piètres. Mais depuis plusieurs siècles ce lacrement,
dans l'Église latine, est administré par un seul prêtre.
Et cela n'est point contraire aux paroles de S. Jacques, in-ducal pretbyteros,
car dans l'Écriture le pluriel est sou-vent pris pour le singulier,
comme dans ce assage de
470
TRAITÉ
S. Luc : « Latrones in Christum blasphémasse, »
bien qu'en cet endroit même, il est dit qu'un seul blasphéma
: « Unusaulem de his, etc. » (Luc. xxm. 59.) • XXIV. Le P.
Chalon, dans son Histoire des sacretnens (lib. 3. cap. 4.), dit que l'onction
se faisait aux pre-miers temps indifféremment par un ou plusieurs
prêtres comme l'indiquent diversement les anciens rituels cités
par Martine (4. 2. cap. 7. a. 4.) : il ajoute que ces prêtres faisaient
tous l'onction, récitant chacun la forme corres-pondante au sens
du malade; que d'autres fois un d'eux oignait une partie et un autre l'autre,
récitant chacun la forme correspondante à la partie ointe
par lui; mais d'un autre côté, le même P. Chalon, dans
ce chapitre premier, rapporte plusieurs exemples de l'administration de
ce sa-crement par un seul prêtre. Il dit encore qu'avant l'onc-tion
l'usage était de placer le malade sur la cendre et le cilice, où
au moins ces objets sur lui et de les bénir en même temps.
Cela se pratiquait particulièrement en Italie. XXV. Quant aux sujets
qui peuvent recevoir l'extrême-oction, l'usage de l'Église
orientale, selon Arcudius(lib. 5. de e. u. cap. 4.) et Goar, est généralement
de l'admi-nistrer même aux personnes saines : Léon Allalius
en parle de même (lib. S. De cons. eccl., etc. c. 16. ?. 3.) : «
Non tantum infirmos, sed sanos quoque homines ex-» trema unctione,
et sœpius Graeci inungunt. » Arcudius dit que cette onction, en sanlé,
est regardée comme sacre-ment, mais cela est contesté par
Goar, d'accord avec Juénin qui dit (p. 59. qu. 1.) que du temps
d'Innocent I, les Latins eux-mêmes s'oignaient avec l'huile bénite
par l'é-vêque, afin d'éloigner les maladies;,mais personne
ne suppose que cette onction fût un sacrement. Au reste, S. Jacques
exprime lui-même que c'est aux malades que
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
471
l'extrème-onction doit être donnée : « Infirmatur
quis in » vobis? inducat presbyteros, etc. » D'où il
suit qu'on ne peut licitement donner ce sacrement aux personnes saines,
même quand elles sont proches de la mort, comme les condamnés
par justice. Et parmi les malades mêmes le concile de Trente désigne
ceux à qui il doit èire donné : ? Declaratur etiam
esse hanc unctionem infirmis adhi-» bendam, illis vero praesertim
qui tam periculos de-» cumbunl, ut in exitu vitae constituti videantur.
» Mais Benoît XIV recommande, dans sa bulle 55, 546 au tome
4 de son Bullaire, d'administrer ce sacrement aux malades lorsqu'ils sont
encore capables d'entendement : « Dum sibi » constant,etsui
compotes sunt; » et que l'on n'attende pas le dernier moment où
ils n'ont plus l'usage de leur raison. Aussi, le catéchisme romain
dit-il (De extrem. uncl. 59.) : « Gravissime peccant, qui illud tempus
» aegroti ungendi observare solent, cumjam omni salutis » spe
amissa, vita et sensibus carere incipiat. » Juénin dit sur
ce point que l'on peut donner l'onction aux malades avant qu'ils soient
sur le point de mourir, et seulement lorsqu'ils sont en danger. «
Numerari debent omnes qui » periculose laborant, sive in exitu constituti
videantur, » sive non. » Et cela se déduit clairement
de ces paroles du concile : « Unctionem infirmis adhibendam, illis
vero » prœserlim, qui in exitu vitae constituti videantur; »
ce mol prœserlim indique assez que ce sacrement peut être donné
à ceux qui ne sont pas parvenus à ce dernier terme. Aussi,
les docteurs s'accordent à dire que pour donner licitement l'exlrême-onclion,
il suffit que la maladie soii certainement mortelle, quoique la mort ne
soit pas pro-chaine. Benoît XIV, dans la bulle citée prescrit
« ne sa-» cramentum extremae unctionis ministretur bene valen-
472
TRAITE
» tibus, sed iis dunlaxat qui gravi morbo laborant. » Et
parmi ces malades, S. Charles Borromée veut que l'on comple les
vieillards décrépits, qui sont affectés de lan-gueur,
bien qu'ils n'aient aucune aulre maladie.
XXVI. Ce sacrement doit être refusé aux enfans qui
ne sont point encore parvenus à l'âge de raison et aux imbe-cilles
de naissance, parce que les uns et les autres ne peu-vent avoir péché
actuellement ; mais on peut l'administrer aux enfans au-dessus de l'âge
de sept ans, et aux aliénés qui ont des intervalles lucides.
XXVII. Quant à la disposition pour recevoir l'exlrême-onclion
qui est un sacrement des vivans, il faut que le malade soit en élat
de grâce, et s'il est chargé de quelque péché,
qu'il ait au moins la conlrition ou la certitude morale de l'avoir : autrement,
il doit se confesser. Juénin, Tournely et Concina exigent absolument
la confession, mais d'autres auteurs se contentent de la conlrilion. An-ciennement,
l'extrême-onciion se donnait avant le via-tique, el le P. Chalon
rapporte (lib. S. cap. 2.) que le pape Léon IX la reçut ainsi,
bien qu'il signale en même temps plusieurs exemples contraires; mais
il y a plu-sieurs siècles, dit Juénin, que, dans l'Église
latine, elle s'administre après le viatique. Cependant, si un malade
désire recevoir en même temps les deux sacremens, en ce cas,
suivant le rituel de Paris (et cela est raisonnable), on doit donner d'abord
l'exlrême-onction el puis le via-tique, afin que l'exlrême-onclion
produise d'abord son effel, la rémission des péchés
: sauf cependant qu'il y eût danger que le malade n'eût pas
le temps de recevoir l'eu-charistie. Voyez Juénin, p. 7. dee. u.
qu. 8. pag. 254.
XXVIII. Le P. Chalon (lib. 5. cap. 7.) rapporte qu'autrefois,
en plusieurs églises, on répétai! l'onciion
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
473
pendant sept jours consécutifs. Mais le concile enseigne que
l'on ne doit réitérer le sacrement que lorsque les ma-lades
élant guéris retombent de nouveau en danger de mort : «
Quod si infirmi post susceptam hanc unctionem » convaluerint, iterum
hujus sacramenti subsidio juvari » poterunt, cum in aliud simile
vilae discrimen incide-» rint. » Aussi, le concile ajouta-t-il
: « Quare nulla ra-» lione audiendi sunt, qui illam (unctionem)
jam cessasse » asserunt, quasi ad gratiam curationum duntaxat in
» primitiva Ecclesia referenda esset. »
XXIX. Pour bien entendre ce que dit ici le concile, il faut revenir
sur ce qu'il dit au chap. 4. touchant l'institution de ce sacrement. «
Vere et proprie sacramentum a Christo » Domino nostro, apud Marcum
quidem insinuatum, » per Jacobum autem commendatum, ac promulgatum.
» Ainsi, comme nous l'avons déjà observé en
commençant, le concile nous enseigne que l'extrôme-onction
fut insi-nuée, c'est-à-dire figurée par la guérison
des maladies que les disciples du Seigneur opéraient, avant l'institu-tion
de ce sacrement, en faisant l'onction de l'huile aux malades: « Et
ungebant oleo multos segros, et sanabant.» (Marc. vi. S.) Calvin
prétend que quand S. Jacques dit : « Ungentes eum oleo in
nomine Domini, » il entend parler de la même ocliondonl parle
S. Marc, que les dis-ciples du Seigneur pratiquaient et par laquelle ils
avaient le don de guérir les malades; puis de cette erreur il en
déduit un autre, savoir que ce don de guérison élant
venu à cesser, l'onction a dû cesser aussi, en sorte que celle
que l'on donne aujourd'hui n'est plus un sacrement, mais une cérémonie
inutile et superstitieuse. Mais il se trompe en tout ; car l'onction dont
parle S. Jacques est celle que donnent les prêtres, mais celle dont
il est ques-
474
TRAITÉ
lion dans S. Marc pouvait être faite par tous, même par
les laïques; outre qu'alors le sacrement n'était pas encore
institué. Il est faux ensuite que les guérisons miraculeuses
ayant cessé, l'extrême-onclion ait cessé aussi; puisque
depuis son institution, ce sacrement a toujours été en usage
dans l'Église, comme en font foi Origène ( liom. 2. inLevit.),
S. Chrisoslôme (De sacerdo!.), le pape Inno-cent I. (in Epist, ad
decent. ), S. Grégoire (in suo sacramenlar. ) ; et tous les rituels
faits depuis le confirment par une mention expresse. Néanmoins,
le P. Chalon assure que dans les trois premiers siècles ce sacrement
était ra-rement administré, à cause des persécutions,
ce qui est fort vraisemblable.
XXX. Le concile dit en terminant que ce serait un grand crime pour
un chrétien que de mépriser ce sacre-ment : « Nec vero
tanti sacramenti contemptus absque » ingenti scelere, et ipsius Spiritus
Sancti injuria esse » potest. » Mais on a mis en question,
si, à part le mépris du sacrement, le fidèle qui refuse
de le recevoir péchait gravement. L'opinion la plus commune est
pour la négative et c'est celle de S. Thomas (in 4. sent. dist.
2. qu. 1. a. i. qu. S. ad. 4.), d'Eslius, de Sylvius, de Saintebeuve, de
Navarre et de beaucoup d'autres. S. Tho-mas dit que l'extrême onction
comme la confirmation « non sunt de necessitate salutis. »
D'un autre côté se pré-sente une opinion opposée
qui n'est pas improbable, et c'est celle du P. Concina, de Haberi, de Juénin
et de S. Bonavenlure, qui en voient le précepte positif dans ces
paroles de S. Jacques : « Inducal presbyteros Ecclesiae, ut j»
orent super eum, ungentes eum oleo in nomine Domini. » Celle raison
me paraît peu persuasive ; car ces paroles ne dénolenl pas
un précepte évident; mais je dirai que chacun
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
475
est obligé, étant en danger de mort, de recevoir ce sa-cre?-ient
par le molif de la charité que l'on doit se porler à soi-même
: attendu que malgré tous les autres moyens dont le malade peut
fortifier son ame, cependant quand il se trouve dans cet étal, d'un
côlé il est trop faible d'es-prit pour pouvoir s'aider par
les bonnes œuvres, et de l'autre (comme le dit le concile de Trente) les
embûches du démon redoublent alors autour de lui : «
Nullum lem-» pus est, quo vehementius ( adversarius ) omnes suae
» astutica? nervos intendat ad perdendum nos, quam cum » impendere
nobis exilum vitae perspicit. » Le concile ajoute que dans ce sacrement
le Seigneur a placé un appui ferme et certain : « Tanquam
firmissimo quodam » praesidio (nos) munivit. » Ainsi je ne
vois pas com-ment en se privant volon lai rement d'un pareil secours contre
l'enfer, dans un si grand danger pour son salut élernel, un malade
pourrait être excusé de faute grave et de manquement à
la charité qu'il se doit à lui-même, en s'exposant
au risque de succomber à la tentation dans celte dernière
lutte avec l'ennemi.
476
TRAITÉ
XXIe SESSION.
De la communion sous l'une et l'autre espèce, et de la * communion
des enfans.
I. Dans cette session, le concile expose aux fidèles la vraie
donclrine sur ces deux points, et défend de croire et d'enseigner
rien de contraire. Dans le chapitre d., le concile déclare que les
laïques, et les clercs qui ne con-sacrent pas l'eucharistie»
ne sont tenus par aucun prétexte divin à communier sous les
deux espèces, puisqu'il est certain que la communion sous une seule
espèce suffit au salut : « Sancta synodus a Spiritu Sancto
edocta, atque » Ecclesiae judicium et consuetudinem secuta, declaratae
» docet, nullo divino praecepto laicos et clericos non » conficientes
obligari ad eucharistiae sacramentum sub » utraque specie Sumendum
: neque, salva fide, dubitari » posse, quin illis alterius speciei
communio ad salutem » sufficiat. Nam etsi Christus hoc sacramentum
in panis » et vini speciebus instituit, et apostolis tradidit; non
» tamen illa institutio et traditio eo tendunt, ut omnes »
fideles, statuto Domini, ad utramque speciem accipien-» dam adstringantur.
Sed neque ex sermone illo, apud » ioannem sexto, recte colligitur
utriusque speciei eom-» munionem praeceptam esse; namque qui dixit
: Nisi » manducaveritis carnem Filii hominis, et biberitis ejus »
sanguinem, non habebitis vitam in vobis (Jo. 6);
CONTRE I.ES HÉRÉTIQUES.
477
» dixit quoque : si quis manducaverit ex hoc pane, vivet »
in aeternum, etc. Qui manducat hunc panem vivet in » aeternum. »
(Jo. ibid.)
II. Au chapitre 1. correspond le can. 1, qui porte : «
Si quis dixerit, ex Dei praecepto, vel necessitate salutis, » omnes
et singulos Christi fideles utramque speciem sanc-» tissimi eucharistiae
sacramenti sumere debere ; ana-?» thema sit. »
III. Dans le chapitre 2 on voit que l'Église a toujours
eu le pouvoir d'établir et de changer, comme elle le jugeait convenable
selon les diverses circonslances, tout ce qui est relatif à l'administration
des sacremens. C'est pourquoi, bien que dans le commencement de la religion
chrétienne l'usage ait été de communier sous les deux
espèces, l'Église a pu à juste titre établir
l'usage de ne communier que sous une seule espèce. « Piœlerea
decla-» rat hanc potestatem perpetuo in Ecclesia fuisse, ut in »
sacramentorum dispensatione ea statueret, vel mutaret, » quae pro
rerum, temporum et locorum varietate magis » expedire judicaret.
Id autem apostolus non obscure » visus est innuisse, cum ait (1.
Cor. 4) : Sic nos exisli-» methomo, ul ministros Christi, et dispensatores
mys-» teriorum Dei, etc. Quare... licet ab initio utriusque »
speciebus usu s fuisset, tamen, mutata consuetudine; » justis causis,
hanc sub altera specie communicandi » approbavit et decrevit, etc.
»
IV. Au chap. 2 correspond le can. 2 ; il y est dit : «
Si quis dixerit sanctam Ecclesiam catholicam non »
jusiis causis et rationibus adductam fuisse, ul laicos, » atque etiam
clericos non conficientes, sub poenis tan-» tummodo specie communicaret,
aut in eo errasse : » anathema sit. »
478
TRAITÉ
Pierre Soave objecte que, par ce canon , le concile éta-blit
un dogme de foi sur un fait humain ; savoir que l'Église ayant fait
un décret qui doit être observé comme loi humaine on
soit dans l'obligation, par loi divine, de le croire juste. On répond
que le concile n'a point.fondé le dogme sur un fait humain, mais
sur ce,principe certain que l'Église ne pouvant errer en matière
de foi et de dis-cipline, elle n'a pu non plus établir sans juste
titre ses lois louchant l'administration des sacremens.
V. Le chap. 5 déclare que l'on reçoit véritablement
le sacrement, ou Jésus-Christ tout entier, sous une seule espèce,
el qu'ainsi celui qui communie sous une espèce, ne demeure privé
d'aucune grâce nécessaire au salut : « Insuper declarat...
fatendum' esse, etiam sub altera » tantum specie totum atque integrum
Christum, verum-» que sacramentum sumi ; ac propterea quod ad fructum
» attinet, nulla graunam speciem solam eos defraudari, » qui
unam speciem solam accipiunt. »
VI. Au chap. 3 correspond le can. 5, où il est dit : «
Si quis negaverit totum el integrum Christum, om-» nium gratiarum
fontem auctorem, sub una panis specie » sumi, quia, ul quidam falsoasserunt,
non secundum » ipsius Christi institutionem sub utraque specie sumatur
: » anathema sit. »
VII. Dans le chap. 4 le concile enseigne que les en-fans ne sont
pas de fait obligés à la communion; parce qu'ayant reçu
la grâce dans le baptême, leur état les maintient dans
l'impossibilité de la perdre.' El bien que les premiers chrétiens
la leur aient donnée, pour quelque jusle cause adoptée à
leur temps, néanmoins ils ne l'ont jamais regardé comme nécessaire
au salut : « Denique » sancta synodus docet, parvulos
usu rationis carentes
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
479
» nulla obligari necessitate ad eucharistiae communio-»
nem ; siquidem per baptismi lavacrum regenerati » adeptam gratiam
in illa œlale amittere non possunt. » Neque ideo tamen damnanda est
antiquitas, si eum »morem aliquando servavit, ut enim sanctissimi
illi » Patres sui facti probabilem causam pro illius lemporis »
ratione habuerunt; ita certe eos nulla salute necessitate » id fecisse
credendum est. »
VIII. Au chap. 4 correspond le can. 4; il y est dit : «
Si quis dixerit, parvulis, antequam ad annos discre-» tionis pervenerint,
necessariam esse eucharistiae commu-» nionem : anathema sit. »
IX. A la Gn de cette session le concile se réserve d'exa-miner
el de décider, dans un autre temps et quand l'oeca-sion s'en présentera,
les deux questions déjà posées, savoir : la première
, si l'usage du calice ne peut aucune-Jnenl être permis aux fidèles
qui ne célèbrent pas ; la seconde, si cet usage peut, pour
de justes motifs être concédé à quelqu'un ou
seulement à quelque nation ou royaume, sous de certaines conditions.
X. Dans celle session, Alphonse Salmeron démontra qu'il
est certain que l'usage du calice n'est pas de pré-cepte divin puisque
depuis si long-temps déjà l'Église l'avail interdit
aux laïques , comme cela était prouvé par le concile
de Constance· el celui de Bâle et par tous les écrivains
antérieurs de 500 ans. D'autanl plus que, même
dans les lemps anciens, le calice n'était pas accordé à
tous comme il paraît par plusieurs histoires el par les livres des
Pères. Il répondit ensuite aux objections el dit que, bien
que le Seigneur, en donnant dans la cùne l'eu-charistie à
ses disciples, leur dit : « Bibilaexeo omnes, » cela ne peut
êlïe entendu que comme dit seulement aux
480
TBAITÉ
disciples. D'ailleurs nous ne sommes pas tenus d'imiter toutes les
actions de Jésus-Christ avec toutes leurs circon-stances , mais
autant seulement qu'elles nous sont com-mandées par l'Écriture
ou par la tradition de l'Église. Enfin il fit observer qu'on objecterait
en vain le chap. Vj de l'évangile de S· Jean; car le précepte
d'user des deux espèces n'y est point formellement exprimé
et que s'il y est mention quelquefois de la communion sous les deux espèces,
d'autrefois aussi il n'est question que de celle du pain.
XI. Le P. Chalon, dans son histoire, parlant de l'eu-charistie,
rapporte que les Orientaux à présent encore ad-ministrent
le corps et le sang avec une cuillère, mais qu'auparavant on donnait
à boire le sang dans le calice même> comme l'atteste S. Cyrile
de Jérusalem (Catéch. 5. myst. ) Depuis l'usage vint de donner
une parcelle de l'hostie consacrée trempée dans le précieux
sang, comme le dit Brocart (lib. 5. cap. 3). Cet usage fut prohibé
par le pape Urbain dans le concile deClermonlj mais ce mode de communier,
dit le P. Chalon (cap. Y), fut pratiqué jusqu'au xn* siècle,
temps auquel commença l'abolition de la communion sous les
deux espèces. S. Thomas (3. p. qu. 80. a. 42. ad 2) témoigne
qu'elle élait déjà abolie de son temps et le concile
de Constance la défendit expressément. Le pape Pie IV accorda
le calice aux églises d!Allemagne; mais, comme le remarque le cardinal
Bona, cette concession fut retirée par S. Pie V. Bossuet écrit
dans son Traité de la commuion, page 165, que j même anciennement,
à certains jours, au vendredi saint par exemple, on ne donnait que
le corps.
XII. Salmeron dit encore que celui qui reçoit le sacre-ment
sous une seule espèce ne reçoit pas moins que celui
CONTRE LES hÈRÉTIQUES.
481
?
qui communie sous les deux ; parce que Jésus-Christ est tout
entier sous chaque espèce, comme les conciles de Con-stance et de
Florence l'avaient déjà déclaré. Sur le point
desavoir ensuite si le communiant sous une espèce reçoit
une grâce aussi grande que le communiant sous les deux, il dit que
d'après son opinion la grâce est égale dans les deux
cas, et il s'efforce de le prouver par de nombreux argumens ; du reste
il ajoute que cela ne fait rien à la ques-tion, puisque la chose
dépend de la pure volonté de Dieu.
XIII. Un certain frère Amand Servita, théologien
de l'évêque de Sebenico, pour prouver qu'une plus grande giâce
accompagne la communion sous les deux espèces, alla jusqu'à
dire que le sang n'est point partie de la nature humaine, miis seulement
notre premier aliment, et qu'ainsi le sang de Jésus-Christ n'est
point contenu sous l'espèce du pain ; mais en cela il fut vivement
repris par les autres et se vit contraint de se dédire en prétendant
qu'il n'avait mis en avant celle objection que pour la réfuter.
XIV. Un autre Portugais s'efforça au contraire de sou-tenir
qu'aucun précepte divin n'obligeait pas même les prêtres
qui consacraient à prendre les deux espèces; mais tous les
autres le combattirent par une foule de raisons que Palavicin ne rapporte
pas, mais que le cardinal de Lugo reproduit dans son traité (De
euchar. disp. 19. sect. 8), où il réfute spécialement
Raphaël de Yolterre qui préten-dait que Innocent VIII avait
dispensé les Norwégiens de ce précepte.
XV. En somme, tous conclurent que celui qui reçoit une
espèce ne reçoit rien de moins que s'il eût pris les
deux. Pour ce qui est de la grâce, les uns soutinrent qu'elle était
plus grande dans la communion sous les deux espèces, parce que les
sacremens avaient une vertu corres-
xix.
51
482
TRAITE
pondante à leurs signes; en sorte que ceux-ci se multipliant
la grâce était elle-même augmentée. La majorité
cepen-dant fut d'avis que la grâce qui était infuse en vertu
du sacrement est égale dans l'un comme dans l'autre cas.
XVI. Quant aux enfans, on posa la question s'il était
nécessaire par principe divin de leur faire recevoir la com-munion.
Tous furent d'accord que non, puisque l'eucha-ristie se donne comme un
aliment dont la nature est de réparer ce qui se perd par la chaleur,
c'est-à-dire dans son vrai sens par le désordre des passions
humaines, et cette déperdition ne peut avoir lieu chez les enfans
privés en-core du libre arbitre. Cependant quelques-uns, en petit
nombre, dirent que la communion augmenlait toujours en quelque manière
la grâce chez les enfans; mais les autres le nièrent par la
raison que les enfans ne commu-nient de fait que matériellement
et sans aucune disposi-tion. Ils ajoutèrent que dans les premiers
temps ce n'était point dans ce but que l'on donnait la communion
aux enfans, mais afin de les délivrer des maléfices et de
l'ob-session des démons. Enfin sur le point desavoir s'il con-venait
de concéder à quelque nation, comme à l'Allema-gne
, l'usage du calice, on répondit aux députés de l'em-pereur
qui insistaient en faveur d'une telle concession, que l'affaire serait
plus tard mieux discutée et pourrait alors être résolue
; et puis la négation fut admise au grand déplaisir des amis
de l'empereur.
XVII. En terminant, on ajouta à ce chapitre 2 quelques
paroles louchant la coutume moderne de donner la com-munion sous une seule
espèce : « Quam reprobare, aut » sine ipsius Ecclesiae
auctoritate pro libito mutare non » licet. » On fit celle addition
à cause d'une objection présentée pur quelques-uns,
que dans plusieurs royaumes,
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
485
à Chypre, dans l'île de Candie et dans la Grèce,
on con-servait l'usage du calice ; mais on leur répondit que c'était
par un privilège spécial qui leur avait été
concédé par l'Église ; les dernières paroles
furent ajoutées dans l'in-tention de rie pas blesser les privilégiés.
X\I1I. Soave dit qu'il paraît étonnant que le concile,
après avoir fait dans quatre anathèmes quatre articles de
foi, n'ait pas pu ensuite décréter celui de l'usage du calice
qui est une loi ecclésiastique; tandis qu'au contraire plu-sieurs
avaient pensé que ce point devait être traité d'abord
parce qu'en accordant cet usage toutes les disputes seraient tombées.
Mais Palavicin répond que de telles raisons sont fausses; car d'abord
comme il fut facile de voir que l'usage du calice n'était pas de
précepte divin, on fut par cela même en doute s'il convenait
de l'accorder ou de l'inter-dire. Et puis il n'est pas vrai que celte concession
eût fait cesser les disputes .· la permission de l'Église
n'aurait p^s terminé la controverse avec les novateurs, qui mettent
en question si elle a ou non le pouvoir de défendre cet usage.
XIX. Soave dit encore que le concile, en déclarant que le fidèle
qui reçoit Jésus-Christ sous la seule espèce du pain
n'est point privé de la grâce, paraît reconnaître
qu'il perd au moins la grâce non nécessaire, et par là
fait soupçonner que l'autorité humaine peut empêcher
la grâce surabon-dante de Dieu; ce qui semble être contraire
à la charité. Palavicin répond que c'est raisonner
à faux que de dire que celte déclaration, que le fidèle
auquel l'usage du ca-lice est interdit n'est privé d'aucune grâce
nécessaire, entraîne l'aveu qu'il est au moins frustré
de quelque grâce non nécessaire. Il arrive cent fois dans
le discours que l'on affirme ou qu'on nie une chose, à raison de
telle
31.
484
TRAITÉ
circonstance qui fait qu'on la peut nier ou affirmer sans rien préjuger
de ce que cette chose serait sans cette cir-cons lance.
XX. Quant à ce qui est de soutenir comme certain que l'Église
n'a pas le pouvoir ( et c'est là ce que veut dire Soave) de priver
les fidèles de la grâce surabondante des sacremens ou que,
si, le pouvant, elle le faisait, ce serait contre la charité, on
répond que l'Église ne doit pas con-sidérer seulement
l'augmentation de la grâce dans celui qui communie, mais aussi la
dignité du sacrement ; car autrement elle n'aurait pas dû
empêcher la communion et la célébration de la messe
le vendredi-saint, ni interdire qu'elle soit célébrée
plus d'une fois le jour. Pierre Soave prétend aussi que deux choses
donnèrent lieu à de longues controverses. La première
fut l'obligation imposée de croire que l'antiquité
ne regardait pas comme nécessaire la communion des enfans.
Il s'agit ici, disait-on, de choses passées, sur lesquelles l'autorité
reste impuissante, car elle ne saurait changer le passé. D'un autre
côté, on disait que S. Augustin en neuf endroits discourt
longue-ment sur la nécessité, pour le senfans, de recevoir
l'eucha-ristie; et on ajoutait que l'Église romaine l'a plusieurs
fois déclarée nécessaire au salut des enfans; on alléguait
encore l'épître du pape Innocent, qui enseigne clairement
celte doctrine. Et le même écrivain ajoute que plusieurs membres
du concile s'élonnaient que les Pères les eussent placés
dans cette alternative de penser qu'Innocent ou le concile lui-même
avait erré.
XXI. Mais Palavicin répond ninsi : Si Soave veut dire
que! l'Église ne peut déclarer article de foi la vérité
d'un fait passé qui ne serait pas soumis à sa juridiction,
il se montre aussi ignorant que mécréant sur l'autorité
de l'É-
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
485
glise ; car il est indubitable qu'elle peut déclarer de foi
que tel fait, que Dieu nous assure, dans l'Écriture, ne pou-voir
arriver, n'est point arrivé ; comme par exemple qu'un juste soit
tombé en enfer. Or, Dieu nous ayant révélé
dans l'Écriture que l'Église est la colonne et le fondement
de la vérité, en vertu de celte révélation
le concile a bien pu déclarer qu'elle n'a pas erré en croyant
que la commu-nion des enfans n'est pas nécessaire à leur
salut. Du reste, le concile n'a pas traité en cet endroit de l'opinion
des anciens Pères sur ce point; il dit seulement que, comme ils
durent avoir des raisons plausibles pour en agir ainsi, d'après
les circonstances de leur temps, on doit croire qu'ils le firent sans qu'il
y eût de véritable nécessité pour le salut.
Quant à l'autorité de S. Augustin, et à l'épître
d'Innocent I, Palavicin avoue que S. Au-gustin, principalement en deux
endroits, met la nécessité de l'eucharistie au même
rang que celle du baptême; mais dit-il, il est reconnu depuis long-temps
dans les écoles, que le saint docteur entend que le chap. 6 de S.
Jean ne parle pas seulement de la communion sacra-mentelle, mais aussi
de l'union intime de l'ame avec Jésus-Christ, par le moyen du baptême
et de la foi. Et par là S. Augustin cherche à réfuter
Julien qui niait la nécessité du baptême pour entrer
dans le ciel, comme les pélagiens la niaient; par là aussi
le saint prouvait le fait du péché originel. Tel est le sens
dans lequel S. Thomas expose la doctrine de S. Augustin (3 p. qu. 80 art.
9. ad. 3). Et vraiment comment S. Augustin aurait-il pu jamais vouloir
dire que les jeunes enfans, après le baptême, pouvaient tomber
en péché par leur faute, s'ils fussent morts en cet état,
avant de recevoir l'eucharistie? Main-tenant l'épître d'Innocent
I, qui est la vingt-sixième de ses
486
TRAITÉ
décrétales, adressées aux Pères de Milève,
porte : Ce que voire fraternité m'annonce qu'ils ( les pélagiens
) prêchent que les enfans reçoivent le don de la vie éternelle
même sans le baplême, est une erreur absurde ; parla raison
que s'ils ne mangent pas la chair du Fils de l'homme et ne boivent pas
son sang, ils ne peuvent avoir la vie en eux-mêmes. On voit qu'Innocent
entend que dans le baplême, il y a manducation de la chair de Jésus-Christ.
Ces deux sentimens de S. Augustin et d'Innocent furent pesés et
examinés dans le concile, et on réprouva comme témé-raire
Érasme qui voulait les rapporter à l'eucharistie.
XXII. La seconde chose qui, suivant Soave, donna beaucoup à
débattre dans le chapitre en question, fut ranalhême qui déclara
héréliques ceux qui diraieni que l'Église n'a pasélé
mue par de justes motifs pour donner la communion sans le calice. Soave
dit que c'est là fonder un arlicle de foi sur un fait humain. 11
assure que quel-ques membres du concile étaient confondus d'entendre
d'un côlé que l'homme n'est obligé à observer
les pré-ceptes de l'Église que de droit humain ; et que,
cependanl, il était obligé de droit divin de croire ces préceptes
jusles; qu'ainsi on faisait des articles de foi de choses qui pou-vaient
être changées chaque jour. Mais Palavicin répond :
Posons qu'il est de foi que l'Église ne peut errer en malière
de foi et de pratique, et de même, qu'en établissant des lois
sur l'administration des sacremens, elle ne peut agir sans de jusles causes.
Posons encore, avec S. Thomas, que toute loi humaine lire son aulorilé
de la loi éternelle de Dieu, qui nous commande d'obéir à
nos supérieurs ; la conséquence est que nous sommes obligés
parles lois hu-maines, lorsqu'elles nous sontimposées par nos supérieurs.
Du reste, nous ne sommes pas tenus de croire, avec une
certitude de foi, la justice de toute loi humaine, excepté,
cependant, les lois à l'égard desquelles existe la promesse
de la part de Dieu d'assister toujours le législateur ; or, celle
promesse existe envers l'Église, pour l'établissement des
lois de religion, encore que ces lois puissent va ier selon les circonstances
des temps.
XXIII. Le cardinal deMadruccio essaya de prouver que le concile pouvait
bien accorder l'usage du calice aux im-périaux , comme le concile
de Bâle l'avait accordé aux Bohémiens. Mais le patriarche
de Jérusalem et eelui d'A-quilée s'y opposèrent, et
dirent que l'intention les Pères attachés aux impériaux
était bonne, mais que peut-être celle des demandeurs qui les
excitaient à faire celle de-mande n'était pas aussi pure;
car parmi quelques-uns, s'élait introduite l'erreur de Jean Wiclef
et de ? erre Des-trèse, que la communion sous les deux espèces
était né-cessaire au salut ; d'où on pouvait craindre
que ces peuples, si on leur accordait l'usage du calice, ou en tirassent
une preuve qu'un lel usage était nécessaire, ou quel* s espèces
contenaient séparément, celle du pain, le corpspe Jésus-Christ,
et celle du vin , son précieux sang.
XXIV. L'archevêque d'Olranle proposa de remettre Faffaire
au pape ; mais il fut combattu par celi i de Gre-nade el plusieurs autres,
qui présentèrent co nme une chose très-dangereuse
le changement des rites de l'Église dans des temps aussi troublés
par l'erreur. On a oula que l'Église n'avait pas rans raison ôlé
l'usage du calice, comme, par exemple, le danger de verser le précieux
sang, ou de l'exposer à êlre un objet de dégoût,
à cause du nombre des fidèles qui s'élaitaccru considérablement
: en sorte que la concession pourrait devenir plus propre à nourrir
qu'à extirper, parmi ces peuples, l|s fausses
488
TRAITE
croyances. Il fut dit encore qu'il ne convenait pas que le concile
fil des réglemens particuliers pour une seule na-lion ; que le concile
de Constance avait défendu le calice pour extirper l'erreur accréditée
en Bohême que son usage était de précepte divin ; qu'on
ne pouvait opposer à cela l'exemple de S. Léon, qui accorda
pour un temps le ca-lice, parce que cette concession avait pour but de
détruire l'erreur des manichéens, qui niaient que Jésus-Christ
eût un vrai corps et un vrai sang; qu'il ne convenait pas non plus
d'adopter comme terme moyen de tremper le pain dans le vin consacré,
comme en usent les Grecs; car cet usage fut prohibé par le pape
Jules I, dans son can. Cum omne (dist. 2. de conseg. ); Jésus-Christ
ayant donné aux apôtres chaque espèce séparément.
XXV. Le P. Lainez prit sur la fin la parole et dit que pour concéder
l'usage du calice et annuler le décret de Constance, le concile
avait tout pouvoir; mais que pour traiter d'une telle dispense à
l'égard d'une nation particu-lière, c'était l'affaire
du pape. Du reste il ajouta que, pour lui, il ne lui paraissait convenable
de faire ni l'un ni l'autre; que c'était un motif peu valable que
le désir de remédier à la faiblesse des catholiques
qui demandaient le calice, parceque celte concession serait une excitation
à des demandes impertinentes ; d'autant qu'il ne mon-traient point
en cela plus de croyance en l'autorité du concile, mais qu'il demandaient
le calice seulement pour en user sans pouvoir êlre repris par l'empereur.
Il dit enfin que cette concession ne ferait que donner aux au-tres nations
le désir d'obtenir aussi l'usage du calice.
XXVI. En résumé lesmolifsde refuser le calice furent:
4° le danger d'introduire dans les rites de l'Église des chaigemens
toujours nuisibles à ?? onnaissance de la vé-
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
489
rjié ; 2° l'inexécution des conditions dont le concile
de Bâle et Paul III avaient accompagné leur concession ; 3°
l'existence en Allemagne des mêmes raisons qui avaient déterminé
le concile de Constance à refuser l'u-sage du calice et spécialement
le danger de verser le sang, Ja difficulté de le conserver, les
inconveniens résullans de sa distribution à un grand nombre
de fidèles, la diffi-culté de le porter aux malades dans
les campagnes, le dégoût que cet usage causerait naturellement
aux fidèles qui seraient trop nombreux ; 4° le danger de confirmer
l'erreur déjà répandue en Allemagne, que le sang n'élail
pas contenu sous les espèces du pain ; 5° celui de donner ouverture
à d'autres demandes exorbitantes et d'exciter d'autres nations à
demander aussi l'usage du calice.
XXVII. Plaçons ici plusieurs notions sur le mode an-tique de
la communion et d'autres usages de l'eucharistie. Quand on donnait jadis
la communion, le diacre disait à haute voix : Sancta sanctis; les
prêtres ensuite en présen-tant la parcelle disaient seulement
: Corpus Christi. Le communiant répondait : Amen en signe de sa
foi ; et cela dura jusqu'à la fin du vie siècle, comme nous
l'apprend l'auteur des Const. apost. (1. 8 c. 13), et comme écrivait
S. Léon vers ce même siècle ( Serm. 6 dejejun. ). Mais
Jean diacre dans la vie de S. Grégoire (lib. 2. ) rapporte que de
son temps on disait : « Corpus Domini nostri Jesu » Christi
custodiat animam tuam. » A la messe commune, les prêtres communiaient
d'abord, puis les diacres, en-suite les sous-diacres, les clercs et enfin
les laïques hommes et femmes ; et non tous lés assistons pêle-mêle
; car on distinguait ceux qui devaient communier, les fragmens étaient
donnés à de jeunes enfans innocens : et cet usage de la distribution
des fragmens dura jusqu'au douzième siècle,
490
TRAITE
époque où il fut aboli. Les seuls ecclésiastiques
commu. niaient à l'autel, lesaulresà la balustrade ou auxendroiis
où ils se trouvaient.
XXVIII. Dans les églises d'Orient, la communion était
reçue debout même par les laïques ; chacun, les yeux
et la lêle baissés, tendait la main et recevait le pain consacré;
c'est ce qu'on voit dans Tertullien ( lib. De idol. c. 7 ), S. Cyprien
(Epist. 56) et S. Ambroise cité par Théo-doret (Hislor. 1.5
c. 47). Selon S. Cyrille de Jérusalem, (epist. 9289) on étendait
la main droite ouverte, les doigts rapprochés et on la soutenait
avec la gauche : les hommes étendaient la main nue, celle des femmes
était couverte d'une étoffe qu'on appelait dominicale; cela
esl mentionné dans S. Augustin rapporté par le P. Ghalon
au chap. 7 traitant de l'eucharistie: S. Jean Damascène et le vénérable
Bède attestent que cette usage dura jus-qu'au vin" siècle.
On ne portait aux malades que le corps, el de fait S. Honoré
ne fil communier qu'avec le corps S. Ambroise mourant. Quelquefois cependant
les malades commu-niaient sous les deux espèces et souvent ils allaient
eux-mêmes à l'église pour recevoir le viatique ; et
quand ils n'y pouvaient aller, la messe se disait dans leur propre chambre.
XXIX. Il est à remarquer que les premiers chrétiens
conservaient chez eux l'eucharislie, sous les espèces du pain seulement
et là ils prenaient eux-mêmes la commu-nion, comme l'atteste
S. Luc: « Frangentes circa domos » panem. » (Act. 2.
46. ) Tertullien (lib. II. ad. uxo-rem cap. 5) parle de cela comme d'une
chose ordinaire. Aux époques de persécution les fidèles
s'en approvision-naient pour long-temps et spécialement ceux qui
n'avaient
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
491
dans leur ville qu'une seule messe. S. Basile, écrivant à
Césarée, dit que les solitaires dépourvus de prêtres
avaient néanmoins l'eucharistie. Cet usage resta en vigueur dans
l'Orient jusqu'au sixième siècle comme le rapporte Anaslase
le bibliothécaire. En Occident il ne dura pas autant, bien qu'il
continuât à être suivi, mais rarement. XXX. Quant à
la fréquente communion, il n'est pas douteux que dans les trois
premiers siècles, selon les constitutions apostoliques et comme
l'atteste S. Justin , ( Apolog.2. lib. 8 cap. 20) le prêtre ne donnât
après la messe la communion à tous ceux qui y avaient assisté.
S. Cyprien. (De orat. dom) écrit : « Nous recevons chaque
» jour l'eucharistie, comme une nourriture de salut... » Si
quelque faute grave ne nous contraint à nous en ab-» slenir.
» Si bien que cet usagedevinl une loi d'après leca-non desapôlres
fait à la fin du troisième siècle ou au com-mencement
du quatrième et qui portait : «IIfaut retrancher » delà
communion ces fidèles qui venant à l'église etécou-»
tant la lecture de l'Écriture ne restent pas pour recevoir »
la sainte communion. » Ce précepte fut renouvelé dans
le concile d'Antioche sous le pape Jules el observé en beau-coup
d'églises jusqu'au cinquième siècle. D'abord, écrit
Strabon (can. 22.) beaucoup se croyaient obligés à commu-nier
plusieurs fois le même jour s'ils entendaient plusieurs messes. Depuis
cependant la ferveur s'élant refroidie, le concile d'Agde tenu en
l'an 506, dans son can. 18 ( le-quel devint ensuite loi de l'Église
) ordonna sous peine d'excommunication que chacun communiât au moins
trois fois dans l'année, à Noël, à Pâques
el à la Pente-côte. Mais Théodore, archidiacre de Cantorbéry,
dans ses Spicilèges, tom. 9 (cap. 52), dit des Grecs : « Les
Grecs, » clercs ou laïques, communient tous les dimanches, et
492
TRAITE
» celui qui ne le fait pas est excommunié. Les Romains
» font de même, mais sans la peine de l'excommunica-»
lion. » La dévotion des fidèles se refroidissant de
plus en plus, le concile de Lalran jugea nécessaire d'ordonner que
tout fidèle parvenu à l'âge de discernement se con-fessât
et communiât au moins une fois l'an, comme on le voit auchap. : «
Omnis utrius que sexus. (Depœnii. et » rem.) »
XXXI. Disons ici quelque chose
des agapes qui étaient en usage dans les
premiers temps de l'Église. Jé-sus-Christ ayant institué
ce sacrement à la suite de la cène faite dans Jérusalem,
les premiers chrétiens intro-duisirent la coutume aussi de communier
après un léger repas auquel assistait l'évêque
ou quelque prêtre. Ces re-pas se nommaient agapes, c'est-à-dire^repas
de charité ; car en grec le mot agape signifie amitié. Dans
ces réunions qui se tenaient dans l'église
les riches aidaient aux pauvres : aussi l'apôtre
( I. Cor. H. 21 ) reprend ceux qui ne partageaient pas ainsi et écrivait
:« Unusquisque » enim suam coenam praesumit ad manducandum
; ei » alius quidem esurit, alius autem ebrius est. Numquid »
domos non habetis ad manducandum et bibendum ? » Aut Ecclesiam Dei
contemnitis, et confunditis eos qui » non habent ? » II est
fait mention- de ces agapes dans S. Ignace martyr (Epist ad smyrnteos.
n. 8), et dans Terlullien (Apollog. 18. cap. 59 ). Par la suite
on in-troduisit l'usage du jeûne avant la communion, on ne sait pourtant
à quelle époque : du reste S Isidore en parle
comme d'un usage généralement suivi de son temps.
XXXII. Venons maintenant à la fête de ce sacrement.
Au commencement, on n'en célébrait pas d'autre que
CONTRE IES HÉRÉTIQUES.
495
celle du jeudi-saint, jour auquel il a été institué.
Mais, en 1208, noire Seigneur révéla à sainte Julienne,
vierge,, religieuse hospitalière à Liège, âgée
de 16 ans, qu'il vou-lait que l'Église célébrât
par une solennité particulière le don immense qu'il lui avait
fait dans le sacrement de l'au-tel. La fêle fut d'abord instituée
par l'évêque de Liège; mais plus tard, en 1264, le
pape Urbain IV ordonna qu'elle sérail célébrée
par toute l'Église, et la fixa au jeudi après l'octave de
la Pentecôte. Ensuite Clément V la con-firma en l'an 1511,
et la fil accepter dans le concile gé-néral de Vienne. Dans
cette fête, on récita d'abord l'office du saint-sacrement,
selon l'usage de l'Église gallicane, composé par celte même
sainte Julienne, ou (comme d'autres disent) par un pieux religieux nommé
Jean, aidé des prières de sainte Julienne. Mais ensuite on
commença à réciter l'office qui se dit aujourd'hui,
composé par S. Tho-mas d'Aquin, par ordre d'Urbain IV, à
l'usagé de l'Église romaine.
XXXIII. Quant à la procession du saint-sacrement, on ne
sait pas au juste l'époque de son institution, puis-qu'Urbain IV,
dans son bref, n'en fait pas mention. Thiers rapporte qu'elle fut instituée
par le pape Jean XXII, qui mourut en 1555. Il est certain qu'au temps de
Martin V, en 1455, el d'Eugène IV, son successeur, elle se praliquait
déjà, puisque ces mêmes pontifes accordèrent
l'indul-gence plénière à ceux qui, confessés,
assistaient à' l'office du saint-sacrement, et également
à tous ceux qui assis-taient à la procession.
XXXIV. On ne sait pas davantage à quelle époque s'in-troduisit
l'usage d'exposer le saint sacrement sur l'autel. On sait seulement ( comme
le rapporte le P. Croizel dans son grand ouvrage au 25 d'août) que
pour la maladie de
494
TRAITÉ
S. Louis, roi de France, on fit des expositions du saint-sacrement
par tout le royaume, et cela vers l'an 4248, seize ou dix-huit ans avant
l'institution de la fête elle-même. Les ostensoirs furent de
formes diverses, en croix, en soleils, en tourelles, pendant trois cents
ans. Ceci s'entend des espèces découvertes, car auparavant
on les portait couvertes aux processions. Il faut noler ici que, par décret
de la S. C. du concile, il est défendu de porler le saint-sacrement
aux malades seulement pour l'adorer, ou de le porler sur soi pour prouver
son inno-cence, comme aussi de le conduire à la porte de l'église
pour apaiser les tempêtes ou éteindre les incendies.
XXXV, Les anciens usaient encore de l'eucharistie de diverses
manières : les évêques se l'envoyaient l'un à
l'au-tre en signe de communion. On la portait comme sauve-garde dans les
voyages ; on réservait une partie du sacri-fice pour le jour suivant.
( Voyez le P. Chalon, chap. 2. ) On avait aussi coutume d'enterrer les
moris avec l'eucha-ristie. L'auteur de la Vie de S. Basile raconte qu'il
fut ainsi enseveli. On voit encore dans Paul, diacre d'Aqui-lée,
que le pape S. Théodore écrivit, avec de l'encre mê-lée
au sang divin, la condamnation de Pyrrhon monolhé-Hte, sur le tombeau
de S. Pierre. Nicétas,cité par Cha-lon, chap. 12, raconte,
dans la Vie de S. Ignace, patriarche de Conslanlinople, qu'une semblable
condam-nation fut écrite contre Photius. Le P. Malienne (t. 1. de
rit. 1. i. c. 5. a 4) dit que, dans les dédicaces des égli-ses,
on plaçait dans l'intérieur de l'autel trois fragmens de
pain consacré, scellé avec la chaux; et le pape Urbain en
usa ainsi en consacrant l'église du monastère de Marmou-tiers.
XXXVI, Dans les églises d'Orient, on conservait an-
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
495
ciennemenl l'eucharistie dans des colombes d'or ou d'ar-gent suspendues
au-dessus de l'autel. Le P. Le Brun dit (t. 2. p. 171) que cela se pratiquait
de môme en France. On déposait aussi l'eucharistie dans des
ciboires en forme de tours, auxquels succédèrent ceux qui
sont en forme de coupes couvertes. Ces ciboires, au reste, étaient
d'or, d'argent, de pierres précieuses, d'ivoire, de cristal, de
verre, et même de bois. ( Voyez Chalon, chap. 13.) Main-tenant les
Orientaux ne conservent plus l'eucharistie sur l'autel, mais dans les sacristies,
ou dans quelque armoire, ou même contre le mur à côté
de l'autel, suspendue à un clou et renfermée dans une bourse,
et non avec celle décence que nous gardons en cela dans nos églises
d'Oc-cident.
496
TRAITÉ
XXIIe SESSION.
Du sacrifice de la messe.
I. L'archevêque de Grenade réprouvait le canon 2,
où il est dit que Jésus-Christ ordonna prêtres les
apôtres, par ces paroles : « Hoc facile in meam commemorationem,
» s'appuyant sur celte opinion de Nicolas Cabasila, que le sacerdoce
leur fut conféré au jour de la Pentecôte. S. Tho-mas
et Scot disent qu'il fui conféré pendant la dernière
cène, mais sous la condition qu'il ne pourrait être exercé
qu'après la réception de l'Esprit Saint à la Pentecôte.
Mais, selon Palavicin, ces diverses opinions eurent peu de par-tisans.
II. Un théologien portugais, frère François
Forero, do-minicain , parlant du texte de Malachie : « Ab ortu enim
» solis usque ad occasum magnum est nomen meum in » gentibus
: et in omni loco sacrificatur et offertur nomini » meo oblatio munda,
quia magnum est nomen meum » ingentibus, dicit Dominus exercituum
» (Malac. i. 41.), et de celui de l'Évangile : « Hoc
facile in meam comme· » morationem » ( Luc. XXH. 19.
), dit que ces textes n'ont pas lilléralemenl la même force
de sens que par l'interpré-tation des Pères; d'où
il conclut que le pouvoir de sacri-fier, donné aux prêtres,
ne se prouvait pas seulement par l'Écriture, mais par la tradition.
Mais ce P. Forero fut écoulé avec défaveur, parce
qu'il avait contre hii l'opinion
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
497
générale. Entre autres, Mefchior Corneille, théologien
du roi Sébastien , fit uo discours remarquable, où il démon-tra
que le texte de Malachie a été ainsi entendu par le se-cond
concile de Nicée, et que Jésus-Christ, en pronon-çant
ces paroles: «Hoc facite in meam commemoratio-nem, » a particulièrement
ordonné à ses apôtres de consa-crer le pain et le vin.
III. On posa ici la question de savoir si le concile devait faire
précéder ses canons de la doctrine, et on décida qu'il
Je ferait, parce que sa mission était aussi d'enseigner, éclairant
ses décisions de motifs qui devaient servir non de fondement à
notre foi, mais de défense contre les atta-ques des hérétiques.
La grande question fut ensuite celle-ci : si Jésus-Christ s'est
offert lui-même pour nous dans le sacrifice de la cène, comme
le disait Salmeron, ou dans celui de la croix, comme le soutenait Soto.
IV. Lesopposans à l'institution du sacerdoce lors de la cène,
furent Guerrero, Duinius et autres, qui préten-dirent que ce point
était douteux et contraire au sentiment de plusieurs Pères.
Les mêmes Guerrero et Duinius n'ad-mettaient pas non plus <jue
Jésus-Christ se fût offert lui-même à son père
dans la cène. Ajala ne voulait pas qu'on dît que, dans ce
sacrifice, s'accomplirent tous ceux delà nature et de la loi, parce
que, d'abord, cela ne pouvait se prouver ni par l'Écriture ni par
la tradition, et puis qu'on semblait déroger ainsi au sacrifice
de la croix.
V. Soave dit que ce décret du concile qui déclare
que Jésus-Christ s'offrit lui-même dans la cène, fut
combattu par vingt-cinq Pères; mais Palavicin écrit qu'il
ne le fut que par les deux déjà nommés, Guerrero et
Duinius, comme les actes en font foi. Mais venons à ce qu'enseigne
et décide ensuite le concile. Dans le chap.l, parlant de
xm
52
498
TRAITÉ
l'institution de la messe, il dit que, le sacrifice de l'ancienne loi
étant imparfait, il élail nécessaire de créer
un autre prêtre, selon l'ordre de Melchisédechs notre Seigneur
ïé-sus-Christ , qui pût perfectionner en sainteté
tous ceux qui devaient se rendre saints. D'où le Sauveur, bien qu'il
dût s'offrir à Dieu une fois sur la croix pour racheter les
hommes, néanmoins, comme par sa mort il ne devait pas tei miner
son sacerdoce, il s'offrit à son père dans la der-nière
cène, soiis les espèces du pain et du vin, se décla-rant
alors le pontife éternel, selon l'ordre de Melchisedech, et laissa
ainsi à l'Église un sacrifice qui pût représenter
ce-lui de la croix, en conserver la mémoire, et en même temps
servir à nous appliquer les mérites de ce sacrifice pour
la rémission des péchés que nous commettons chaque
jour : « Quoniam sub priori testamento, teste apostolo (Hebr. »
vu.), propter levitici sacerdotii imbecillitatem consum-» matio non
erat; opporluilsacerdotem alium secundum » ordinem Melchisedech surgere
Dominum nostrum Jesum » Christum, qui posset omnes, quotquot sanctificandi
es-» sent, ad perfectum adducere. Is igitur Deus et Dominus »
noster, etsi semel seipsum in ara crucis, morte interce-» dente,
Deo Patri oblaturus erat, ut aeternam illic redemp-» tionem operaretur
: quia tamen per mortem sacerdotium » ejus exlinguendum non erat,
in cœna novissima, qua » nocte tradebatur, ut dilectae sponsae suae
Ecclesiae visi-» bile relinqueral sacrificium, quo cruentum illud
reprae-» sentarelur, ejusqùe memoria permaneret, atque illius
«salutaris virtus in remissionem eorum, quae a nobis » quotidie
committuntur, peccatorum applicaretur ; sacer-» dotem secundum ordinem
Melchisedech se in aeternum » constitutum declarans, corpus et sanguinem
suum sub > speciebus panis et vini Deo Patri obtulit. »
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
499
VI. A cette première partie du chap. 4 appartient le can.
4, qui porte : « Si quis dixerit, in missa non offerri » Deo
verum et proprium sacrificium ; aut quod offerri » non sit aliud,
quam nobis Christum ad manducandum » dari : anathema sit. »
VII. Ainsi, des paroles du concile qui viennent d'être
rapportées il résulte que la messe est un vrai sacrifice
spécial, dans lequel Jésus-Christ est le prêtre selon
l'ordre de Melchisedech, ainsi que David l'avait prédit : «Tu
es » sacerdos in aeternum, secundum ordinem Melchise-»
dech , » et comme l'apôtre l'écrit (Hébr. 5,
6 et 7. 14). Il est dit selon l'ordre de Melchisedech, parce que Melchi-sedech
offrit en sacrifice du pain et du vin (Gènes. 14.43.) : «
Melchisedech enim protulit panem et vinum; erat enim » sacerdos Altissimi.
» La particule enim démontre claire-ment que ce sacrifice
fut de pain et de vin. Si donc le Rédempteur a été
prêtre selon l'ordre de Melchisedech, il faut reconnaître qu'il
a institué ce sacrifice dans la der-nière cène, en
s'offranl lui-même au Père sous les espè-ces du pain
et du vin ; car on ne peut assigner un autre temps où il ail fait
un pareil sacrifice.
VIII. Suit l'autre partie du chap 4 , où il est dit que
Jésus-Christ, sous les espèces du pain et du vin, donna son
corps à manger et son sang à boire aux apôtres, les
constituant ainsi prêtres, eux et tous leurs successeurs dans le
sacerdoce, afin qu'ils continuassent ensuite à of-frir ce même
sacrifice, en vertu de ces paroles : «Hoc facile »in meam commemorationem.
» (Luc. XII. 49.) Ainsi, après avoir célébré
la Pâque antique, que les Hébreux ob-setvaient en mémoire
de leur sortie d'Egypte, il institua la Pâque nouvelle, c'est-à-dire
le sacrifice de lui-même, qui devait être offert dans l'Église,
par le moyen des prè-
32.
???
TRAITÉ
tres, en mémoire de son passage de ce monde vers son Père,
quand il nous racheta de son sang : et c'est là celte hostie sans
tache , qui ne peut être souillée par l'indignité de
ceux qui l'offrent, et que le Seigneur prédit, dans Mala-chie, devoir
être offerte en tous lieux en son nom; ce que l'apôtre indique
clairement ( I. Cor. X. 21. ) par ces pa-roles : « Non potestis mensae
Domini esse participes et » mensas daemoniorum, » entendant
par cette table l'autel où le sacrifice s'opère. A quoi correspond
cet autre pas-sage (Hebr. XIII. 10.) : « Habemus altare, de quo edere
» non habent potestatem qui tabernaculo desserviunt. » Cette
dénomination d'autel suppose nécessairement une victime et
un sacrifice. Aussi le concile de Trente conti-nue ainsi le chap. 1 : «
Ac sub earumdem rerum symbo-» lis, apostolis, quos tunc novi Testamenti
sacerdotes » constituebat, ut sumerent ( corpus et sanguinem suum
) » tradidit; ei eisdem, eorumque insacerdotio successori-»
bus, ul offerrent praecepit per haec verba : « Hoc facite »
in meum commemorationem, » ut semper catholica » Ecclesia intellexit,
et docuit ; nam celebrato veteri pas-» cha, quod in memoriam exitus
de ^Egypto multitudo » filiorum Israel immolabat, novum instituit
pascha -, » seipsum ab Ecclesia per sacerdotes sub signis visibilibus
» immolandum in memoriam transitus sui ex hoc mnndo » ad Patrem,
quando per sui sanguinis effusionem nos » redemit, etc. Et haec quidem
illa munda oblatio est, » quae nulla indignitate offerentium inquinari
potest ; » quam Dominus per Malachiam nomini suo, quod ma-ii gnum
futurum esset in gentibus, in omni loco offeren-» dam praedixit :
et quam non obscure innuit apostolus » Corinthiis (I. Cor. ?. 21.),
cum dicit non posse eos, » qui participatione mensae daemoniorum
polluti sunt,
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
504
» mensae Domini participes fieri : per mensam altare »
utrobique intelligent. Hœc denique illa est, quai per » varias sacrificiorum
, natura? et legis tempore simililu-» dines figurabatur ; utpote
quae bona omnia per illa signi-» ficala, velut illorum omnium consummatio
ei perfectio, » complectitur. »
A celte partie du chap. 1 correspond le can. 2. 11 y est dit : «
Si quis dixerit, illis verbis, hoc facile in meam » commemorationem,
Christum non instituisse apostolos » sacerdotes; aut non ordinasse,
ut ipsi, aliique sacerdo-» tes, offerrent corpus et sanguinem suum
: anathema » sit. »
IX. Quelques-uns dans le concile objectèrent, comme nous l'avons
dit, que ces paroles, « hoc facile in meam » commemorationem,
» ne prouvaient pas suffisamment que Jésus-Christ eûl
fait un vrai sacrifice c'est-à-dire que dans la cène nons-eulement
il eût donné son corps en nourriture àsesapôlres,
mais qu'il l'eût aussi offert au Père pour la rédemption
du monde. Mais ce doute fut repoussé par les aulres ; car il est
certain que Jésus-Chrisi sacrifia véritablement son corps
au Père dans la cène, autrement il n'eût point été
prêtre selon l'ordre de Melchisedech, ni la figure de l'agneau pascal.
En oulre cela se prouve par ces paroles de S. Luc : « Hoc estcor-»
pus meum, quod pio vobis datur, ( Luc. ???. ) » et cel-les-ci de
S. Paul : « Quod pro vobis frangitur. » ( I Cor. II. ) Les
mots datur et frangitur ne signifient pas seule-ment être donné
ou rompu en nourriture, mais donné et rompu en sacrifice, car il
n'est point dit vobis datur et frangitur, mais pro vobis, outre que l'expression
frangitur ne convient point au corps de Jésus-Christ sinon sous
l'es-pèce du pain, comme l'observe S. Chiysostôme. (Hom.
502
TRAITE
24. ) Et il est certain que l'apôtre en disant frangitur a eu
en vue l'espèce du pain, comme il le dit dans un autre endroit (
I. Cor. x. 16. ) : « Panem quem frangimus etc. » II est dit
aussi dans les Actes ( AcU 2. ) : « Frangebant » circa domos
panem. » Si donc le Chrjst se sacrifia lui-même dans la cène
et dit ensuite : « Hoc facile in meam » commemorationem, »
le mot hoc démontre que les apôlres et les prêtres leurs
successeurs devaient faire ce qu'avait fait le Seigneur, c'est-à-dire
l'offrir en sacrifice sur l'autel. Et c'est sans raison que les hérétiques
disent que Jésus-Christ fut seuFappelé prêtre selon
l'ordre de Melchi-sedech ; parce que les prêtres ne sont pas proprement
les successeurs du sacerdoce de Jésus-Christ, mais seulement ses
ministres ; car il est ceriain que c'est Jésus-Christ lui-même
qui est le principal sacrificateur, alors que les prêtres officient.
X. C'est en vain aussi qu'on prétend que l'oblationpure
de Malachie s'entend des aumônes et autres bonnes œu-vres qui sont
offertes à Dieu avec une intention droite ; parce que celles-ci
sont toujours agréables à Dieu et ja-mais repoussées,
tandis que Malachie dit ( 1.10.) : « Et » munus non suscipiam
de manu vestra : » il ne parle donc pas des bonnes oeuvres, mais
des anciens sacrifices que dès-lors Dieu rejetait pour l'oblation
pure du sacrifice de l'autel qui devait lui être offerte en tous
lieux : « Et in » omni loco sacrificatur et offertur nomini
meo oblatio » munda ; » paroles qui réfutent encore
l'autre fausse in-terprétation des hérétiques qu'il
s'agit du sacrifice de la croix , puisque le sacrifice de la croix, ne
s'offre pas en tout lieu, mais a été offert seulement sur
le Calvaire et une seule fois.
XI. Danslechap. 2, le concile enseigne que la messe
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
esl un sacrifice visible, propitiatoire pour les vivans et pour les
moris, et il s'exprime ainsi : « Et quoniam in di-» vino hoc
sacrificio, quod in missa peragitur, idem ille » Christus continetur,
et incruente immolatur, qui in » ara crucis semel seipsum obtulit
; docet sancta syno-» dus, sacrificium istud vere propiliatorium
esse, per » ipsumque fieri, ut si cum vero corde et recla fide...
» poenitentes ad Deum accedamus, misericordiam conse-» quamur,
etc. Hujus quippe oblatione placatus Dominus » gratiam ei donum poenitentia?
concèdent, crimina et » peccata , eliam ingentia, dimittit
; una enim eademque » est hostia, idem nunc offerens sacerdotum ministerio,
» qui seipsum tuncin cruce obtulit, sola offerendi ratione »
diversa. Cujus quidem oblationis, cruentae inquam, » fructus per
hanc uberrime percipiuntur: tantum abest, » iit illi per hanc quovis
modo deiogelur. Quare non so->: Ium pio fidelium vivorum peccatis, poenis,
salisfactio-» nibus,- et aliis necessitatibus, sed ei pro defunctis
in » Christo nondum ad plenum purgatis, rite, juxta apos-»
tolorum traditionem, offertur. »
XII. Ainsi donc c'est par la messe que les fruits de la croix sont
appliqués aux fidèles, et les novateurs sont dans l'erreur
lorsqu'ils disent que le fruit delà croix esl appli-qué à
tous et que par là le sacrifice de la croix suffit non-seulement
à la rédemption, mais à l'application de ses fruits,
ce qui rend inutile celui de l'autel-. Car on leur ré-pond que,
selon la doctrine du concile, le sacrifice de la messe est le même
que celui de la croix; il n'y a de diffé-rence enlre eux que la
manière avec laquelle ils sont of-ferts; de sorte que celui de l'autel
ne déroge en rien à ce-lui delà croix. Le sacrifice
de l'autel n'a pas non plus élé inslilué pour suppléer
à une insuffisance de celui de la
504
TRAITÉ
croix, mais seulement comme moyen de nous appliquer le mérite
du sacrifice du Calvaire.
XIII. Les novateurs disent que le sacrifice de l'autel
n'est appelé sacrifice que parce qu'il est une figure, une mémoire
de celui de la croix. Mais c'est là une erreur, parce que, bien
que le concile de Trente dise que la messea été instituée
« in memoriam et reprsesenlationem » du sacrifice de la croix,
avec cela il est de foi que la messe est un véritable sacrifice
par soi et réel, par la présence de laviclime, qui contient
la réelle oblalion de Jésus-Christ qui s'y offre lui-même
sous les espèces du pain et du vin; en sorte que ce n'est pas là
seulement la représentation du sacrifice sanglant, mais la vraie
oblalion de Jésus-Christ réellement présent, comme
il fut présent sur le Calvaire , aussi le concile dit-il :
« Idem ille Christus continetur » qui in ara crucis semel
seipsum cruente obtulit.
XIV. Le concile déclare ensuite clairement que le
sacri-fice de l'autel nous obtieni tous les biens spirituels et tem-porels,
par ces paroles: « Peccata eliam ingentia dimit-tit, » non
pas directement, comme l'expliquent commu-nément les docteurs, mais
indirectement en tant que Dieu par le sacrifice de l'autel
nous accorde la grâce qui porte l'homme à la contrition et
à se purifier dans le sa-crement de la pénitence. Quant à
la peine temporelle qui reste à subir après le paidon du
péché, elle est re-mise sinon en tout, du moins en partie
en vertu du sa-crifice delà messe, comme cela est prouvé
par l'exemple des défunts à qui la messe profile encore quoiqu'ils
ne soient plus capables de mériter par eux-mêmes.
XV. Acechap. 2 correspond le can. S, qui porte : «
Si » quis dixerit, missae sacrificium tantum esse laudis et »
gratiarum actionis, aut nudamcommemorationem sa-
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
50a
» crificiiin cruce peracti, non autem propilialorium ; vel »
soli prodesse sumenti ; neque pio vivis et defunctis, » pro peccatis,
poenis, satisfactionibus et aliis necessilati-» bus offerri debere
: anathema sit.
Parce terme de nécessité il faut entendre aussi les au-tres
biens temporels que Dieu, en vertu du sacrifiée, dis-pense aux fidèles,
selon qu'il sait qu'ils peuvent leur être utiles pour leur sâlut.
XVI. D'ailleurs que la messe soit un véritable sacrifice
propitiatoire, c'est-à-dire qui rende Dieu propice à nous
pardonner non-seulement les peines, mais aussi les fautes comme le déclare
le concile dans ce chap. 2, cela se prouve par l'institution même
de l'eucharistie, faite spé-cialement en rémission des péchés
: « Hic est sanguis » meus qui pro multis effundetur
(ou même comme » porte le texte grec, effunditur) in remissionem
pecca-» torum. » II est dit effundetur par rapport au sacrifice
sanglant et effunditur pour le sacrifice non sanglant de chaque messe.
L'un et l'autre est réputé en rémission des péchés;
mais dans celui de la croix Jésus-Christ a payé le
prix de notre rédemption, dans celui de l'autel la valeur de ce
prix nous est appliquée. Ce sacrifice étant donc propitiatoire
est aussi impélratoire de nouvelles grâces, comme le
disent généralement les Pères, S. Cy-rille,
S. Chrysoslôme , S. Ambroise, S. Jérôme
et S. Augustin cité par Bellarmin.
XVII. Il est dit encore dans ce chap. 2 : « Non solum »
vivorum sed pro defunctis, etc. » et la môme chose est répétée
dans le can. 3. Cela est prouvé non-seulement par le lib. II des
Machabèes, cap. xu. f. 45, où on lit : « Collatione
facta, duodecim millia dragmas argenti » misit ad Hierosolymam
offerri pio peccatis mortuorum
506
TRAITÉ
» sacrificium. Sancta ergo et salubris est cogitatio pio de-»
fundis orare, ut à peccatis solvantur. » Mais encore par la
constante tradition de l'Église, comme l'atteste S. Augustin en
plusieurs endroits et spécialement dans le livre de Cura pro Mortuis
(cap. 1. num. 3.), El S. Chry-sostômequi (Hom. 3. in epist, ad Philip.)
écrit : « Non » frustra ab apostolis sancitum esi, ut
in celebralione » mysleriorum memoria fiat eorum qui hinc discesse··
» runt; » en effet, on retrouve dans les liturgies de S. Jacques
et de S. Clément et dans toules les autres, la' commémoration
que l'on fait aujourd'hui pour les moris. Calvin dit : « Defuncios
nihil accipere, nihil manducare.» Cela prouve seulement que les moris
ne peuvent participer à la nourriture eucharistique, mais non pas
qu'ils ne puissent pas participer aux fruits du sacrifice. Terlullien (de
Coron, inilit.) écrit touchant la recommandation des défunts
à la messe : « Hunc ritum ex consuetudine re-» tentum
traditio est aucirix, consuetudo conformatrix. » Et il ajoute : «
Oblationes pro defunctis pro nalaliliis » annua die facimus. »
El S. Alhanase (Serm. de défunt.) : « Incruenlae hostiae oblatio
propitiatio est. » S. Épiphane écrit (Haeresi, 75.
) que même l'Église antique condamna comme une hérésie
l'opinion d'Arius qui disait qu'on ne pouvait offrir le sacrifice pour
les moris. S. Cyprien (lib. \. epist. 9.) dit : Sacrificium celebrari pro
defunctis » in altari. » S. Augustin parle de môme dans
son Enchirid., cap. HO. Mais nous parlerons plus au long sur ce sujet en
traitant du purgatoire dans la vingt-cin-quième session.
CONTRE LES KÉKÉHQUES.
307
De l'efficacité du sacrifice de la messe.
XVIII. Bellarmin (lib. 6. cap. 4) dit que le sacrifice de la
messe est offert triplement: par Jésus-Christ, par. l'Église
et par le prêtre ; mais non de la même manière. Jésus-Christ
l'offre comme pontife ou principal sacrifica-teur par le moyen d'un homme
son ministre : l'Église l'offre, non comme prêtre, mais comme
peuple par le moyen du prêtre ; le prêtre enfin l'offre comme
ministre de Jésus-Christ et comme intercesseur pour tout le peuple.
Jésus-Christ est cependant toujours le premier offrant dans le sacrifice
de la messe où il s'offre perpétuellement sous les espèces
du pain et du vin par le moyen des prêlres ses ministres (comme le
dit le concile : « Idem offerens Christus sacerdotum ministerio »),
lesquels, en sacri-fiant , représentent sa personne ; d'où
le concile de Latran dit ( in cap. Firmiter, de Sum. Trin.) : « Simul
(Christus) » est sacerdos et sacrificium, ? 11 convenait en effet
à la dignité d'un tel sacrifice d'être principalement
offert, non par des hommes pécheurs, mais par un pontife su-prême
non sujet au péché : « Talis decebat ut nobis esset
» pontifex, sanctus, innocens, impollutus. » (Hebr. ?. 26.)
On distingue ensuite dans Je peuple trois manières d'of-"frir le
sacrifice : habituellement par ceux qui étant absens désirent
que le sacrifice soit offert; actuellement pour ceux qui assistent à
la mjesse, et .causalement par ceux qui sont cause que la messe se célèbre.
XIX. La messe a son effet « ex opere operato, c'est-à-dire
par elle-même et indépendamment du mérite du
prêtre et cela est la conséquence de la divine promesse ?
« Hic est sanguis meus novi testamenti, qui pro multis
508
TRAITÉ
» effundetur in remissionem peccatorum. » (Matth. xxvi.
28. ) Aussi le concile dit-il dans le chap. 2 cité : « Hujus
» quidem oblationis cruentae fructus per hanc uberrime » percipiuntur.
» Et pea importe que l'effet n'en soit pas instantané ni profitable
à tous, il suffit que cet effet soit infaillible de la part du sacrifice;
cela veut dire que le sacrifice pour avoir son effet requiert une certaine
dispo-sition dans l'homme sans laquelle il n'en reçoit pas de fruit;
mais celte privation vient du défaut de l'homme, non de celui du
sacrifice.
XX. Le sacrifice peut avoir son effet « ex opere operato »
de deux manières : 1 " si celle opération esl un acte matériel
produisant directement l'effet et c'est ainsi qu'opèrent les sacremens
; 2° si ce moyen, sans produire immédiatement l'effet, dispose
infailliblement Dieu à produire l'effet in-dépendamment de
la bonté du minisire. C'est ainsi que la messe opère «
ex opere operato; » elle n'oblient pas, par exemple, la justification,
comme le fait la pénitence qui justifie immédiatement le
pénitent disposé par la con-trition; mais elle l'obtient
médialemeQt, comme l'en-seigne S. Thomas (in 4. Sent dist. 42. q.
2. ad. 4) et comme cela esl admis par l'opinion commune. Aussi dans ce
chap. 2 le concile dit : « Per hoc sacrificium, » peccata etiam
ingenlia dimitti, quia Deus hoc sacri-» ficio placatus gratiam et
donum poenitentiae concedit, » et il en donne la raison : «
Quia eadem esl hostia, et » idem offerens, qui fuit in cruce. »
C'est pourquoi l'effet ne dépend pas de la bonté du minisire.
La messe d'ail-leurs opère en cela par voie d'impétralion
; mais celle impéliation esl infaillible parce qu'elle esl demandée
par Jésus-Christ et qu'aucun obstacle ne peut venir de la part de
ceux qui profèrent les prières.
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
609
XXI. Peu impone du reste l'objection de Chemnice que si la messe
remet les péchés, les sacremens devien-nent inutiles ; car
on répond que cela serait vrai si les péchés étaient
remis immédiatement; mais la pénitence demeure toujours nécessaire
pour cette rémission. La messe obtient certainement et infailliblement
un secours spécial aux pécheurs qui correspond à leurs
dispositions et si alors le pécheur résiste à la grâce,
ce sera par sa faute que le sacrifice n'aura point opéré.
Quand aux biens temporels, Dieu les accorde toujours quand ils sont utiles
au salut. Il n'est pas nécessaire, comme nous l'avons dit, que le
ministre soit juste pour que les effets de la messe soient obtenus; car
elle est offerte principalement par Jésus-Christ, et par-là
, encore que le prêtre soit pé-cheur, la messe opère
par soi « ex opere, operato; » néanmoins la justice
du ministre aide toujours à l'impé-tration « ex opere
operantis. »
XXII. Selon l'opinion la plus générale parmi les théolo-giens,
l'effet de la messe est borné et c'est pour cela que la pratique
universelle de l'Église est de réitérer souvent le
sacrifice pour obtenir le même bienfait : à la différence
du sacrifice de la croix qui fut d'une valeur infinie et qui pour cela
ne fut pas répété. La meilleure raison ensuite à
donner de ce que l'effet de la messe est borné, c'est que telle
est la volonté de Jésus-Ghrist qui a voulu n'ac-corder ainsi
sa grâce que dans une certaine mesure, n'ap-pliquant chaque fois
qu'une partie des mérites |de sa passion, afin que les hommes soient
portés à offrir plus souvent ce sacrifice.
XXIII. On demande pour quelles personnes la messe peut être
offerte? Il est certain, comme nous l'avons vu, et comme l'enseigne le
concile, que la messe peut être
510
TIUITÉ
offerte pour tous les catholiques \ivans quoique pé-cheurs et
pour tous les défunts, comme il est dit dans le canon de la messe.
« Pro omnibus onhodoxis, atque ca-» tholicae fidei cultoribus.
» II est également certain d'autre part qu'elle ne peut être
offerte pour les damnés puisque leurs fautes et leurs peines sont
irrémissibles. De même, elle ne peut s'offrir pour les hérétiques
puisque l'Église (cap. a nobis, de sent, excomm.) a défendu
de l'offrir pour les excommuniés ; or les héréîiques
le sont tous. Cependant le sacrifice est offert pour eux indirectement
par ces pa-roles de l'offertoire du calice: «Offerimus pro totius
mundi » salute. »
XXÏV. Pour ce qui est des infidèles, Bellarmin pense que
la messe peut être valablement offerte pour les princes non chrétiens,
comme l'écrit S. Chrysoslôme (Hom. 6. in. ep. ad Tim.) et
Tertullien (lib. ad scapulam), où il dit : « Sacrificamus
pro salute imperatoris; » outre que dans la loi ancienne, on offrit
des sacrifices pour Darius (lib. 1. Esdrœ cap. 6.), et pour Héliodore
(lib. 2. Ma-chab. cap. m.). El cela n'est pas contredit par ces paroles
de S. Augustin (lib. 4. De orig. an. cap. 9.) : « Quis of-»
ferat sacrificium corporis Christi, nisi pro iis qui sunt » membra
Christi? » Car, dit Bellarmin, le saint ne parle pas ici des gentils
vivans, mâisdes morts, pour lesquels cer-tainement on ne peut prier
à la messe. Du reste, ajouta-t-il, le sacrifice de la messe peut
bien s'appliquer pour la conversion des gentils comme pour celles des héré-tiques.
XXV. Passons au chapitre 5 où il est question de la messe en
l'honneur des saints : voici ce qu'on y lit : « El » quamvis
in honorem et memoriam sanctorum nonnullas » interdum missas ecclesia
celebrare consueverit, non ta-
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
811
» men illis sacrificium offerri docet, sed Deo soli, qui illos
» coronavit; unde nec sacerdos dicere solet, offero tibi »
sacrificium, Petre, vel Paule; sed Deo de illorum vic-» loriis gratias
agens, eorum patrocinia implorat ; ut ipsi » pro nobis intercedere
dignentur in coelis, quorum me-» moriam facimus in terris. »
A celle partie du chap. correspond le can. 5., où il est dit : «
Si quis dixerit, » imposturam esse, missas celebrare in honorem sanclo-»
rum, et pio illorum intercessione apud Deum obli-» nenda, sicut Ecclesia
inlendil : anathema sit. »
Le sacrifice de la messe est un culle suprême qui ne peut être
offert qu'à Dieu seul, en signe de son pouvoir suprême; aussi
en disant la messe d'un tel saint, on emend qu'elle est offerte en son
honneur, mais à Dieu seul, ainsi l'explique S. Augustin (lib. 8.
De civ. Dei cap. 27). Telle est la tradition et l'antique usage de l'Église,
comme le constatent les anciennes liturgies. C'est avec juste raison ensuite
que l'Église offre la messe en l'honneur des saints., autant pour
remercier Dieu des grâces qu'il leur a faites que pour implorer près
du Sei-gneur leur intercession et en même temps pour nous ani-mer
à suivre leur exemple en en rappelant la mémoire.
XXVI. Dans le chapitre 4, il est parlé du canon de la messe,
et on repousse les calomnies des hérétiques, qui le donnent
comme plein d'erreurs et d'inutilités : il est dit au contraire
qu'il ne contient rien qui ne respire la sainteté et la piété
: *. Et cum sancta sancte administrari » conveniat, sitque hoc omnium
sanctissimum sacrifì-» cium, Ecclesia catholica, ul digne
reverenterque offer-» relur, ac perciperetur, sacrum canonem multis
anle » seculis instituit ila ab omni errore purum, ut nihil in »
eo contineatur, quod non maxime sanciitaiem ac piela-
512
TRAITÉ
» tem quandam redoleat, mentesque offerentium in Deum »
erigat; is enim constat, cum ex ipsis Domini verbis » tum ex apostolorum
traditionibus, ac sanctorum quo-» que pontificum piis institutionibus.
» A cette partie du chapitre 4 correspond le can. 6, où il
est dit : « Si quis » dixerit, canonem missae errores continere,
ideoque abro-» gandum esse : anathema sit.
XXVII. Et d'abord le seul nom de canon répugne aux novateurs
en ce qu'il indique une règle fixe et certaine. Ils voudraient qu'il
fût libre à chacun de réciter à la messe les
prières qui lui conviendraient le mieux. De là Chemnice blâme
le concile de Trente qui déclare que le canon de.la messe a été
composé, partie des paroles mêmes de Jésus-Ghrist;
partie de celles des apôtres et des pon-tifes. Il suppose qu'un certain
Scholastique fut l'auteur du canon, parce que S. Grégoire
(lib. 2, ep. 54) écrit : « Precem Scholastici recitari super
oblationem. » Erreur évidente, car S. Ambroise, S. Optât
et S. Grégoire lui-même, ainsi que plusieurs autres anciens
auteurs, appel-lent le canon de la messe; ordre, règle et canon.
Il est vrai que le canon grec de la messe diffère en plusieurs parties
du nôtre, car on fait usage en Grèce de la liturgie de S.
Basile ou de S. Chrysoslôme ; de même qu'à Milan de
celle de S. Ambroise, à Tolède en Espagne de celle dite Mosarabe,
et à Rome de celle qui est commune à l'Église latine;
mais tous ces canons differens ont été concédés
et approuvés par les souverains pontifes ; ils ne diffèrent
en rien d'essentiel et ne contiennent aucune erreur.
XXVIII. Quant à ce Scholaslique que Chemnice donne pour auteur
du canon, d'après les paroles de S. Gré-goire , il faut savoir
qu'il est en question si S. Grégoire a voulu employer ce mot de
Scholaslique comme un nom
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
813
propre, ou comme exprimant une qualité comme maître ou
docteur ce qui est plus croyable, puisque le même S. Grégoire
appelle aussi S. Matthieu scholastique. Outre que Bellarmin remarque que
ces paroles de S. Grégoire : « Precem Scholastici recitari
super oblationem, Ï ne s'en-tendent pas de tout le canon, mais mieux
des trois orai-sons qui se disent avant la communion , car Micrologus écrit,
cap. 18. que ces trois oraisons sont hors du canon. Du reste, il est certain,
dit encore Bellarmin (lib. 6. cap. 19 ) que les apôtres au commencement
en célébrant la messe n'ajottlaient aux paroles de la consécration
que le seul Pater noster, bien que plus tard ils aient ajouté d'autres
prières entre autres celles pour les morts, selon le témoignage
de S. Chrysoslôme qui atteste (Hom. 3. in epist, ad Philip.) que
l'oraison pour les morts que l'on dit à la messe vient par tradition
des apôtres. S. Isidore (lib. 1. De offic. cap. 15) affirme que ce
fut S. Pierre qui donna à l'Église une forme pour célébrer
la messe en y ajoutant certaines prières et certains rites. Les
pontifes y ajoutèrent ensuite d'autres prières jusqu'à
S. Grégoire-le-Grand, qui fut le dernier (comme le rapporte Wilfrid
(de observ. eccl. cap. 22) qui ajouta au canon ces paroles : « Diesque
nostros in tua pace disponas. » Ainsi donc, bien que les anciennes
liturgies portent les noms d'au-teurs differens, comme' de S. Basile, de
S. Chrysoslôme, de S. Ambroise, de S. Gélase, de S. Grégoire
(c'est notre liturgie romaine) et de S. Isidore, ces saints néanmoins
ne composèrent pas de nouvelles liturgies, mais ils rédui-sirent
celle qui existait de leur temps à une meilleure forme, comme le
prouve Bellarmin à l'endroit cité.
XXIX. Dans le chapitre 5 il est parlé des cérémonies
solennelles du sacrifice de la messe ; et il est dit que la xix.
33
514
TRAITÉ
nature de l'homme exigeant des signes extérieurs pour élever
son esprit à la méditation des myslères divins, la
sainte Église a, en conséquence, institué quelques
rites pour la célébration de la messe, et spécialement
celui de réciter à haute voix certaines prières et
d'autres à voix basse. Elle a ordonné en outre diverses cérémonies
, comme les bénédictions, les lumières, les vêtemens,
etc, selon la tradition et la discipline anciennes, pour conser-ver ainsi
la majesté du sacrifice et afin que les fidèles fus-sent
excités à contempler les grandes choses qu'il contient :
« Cumque natura hominum (ce sont les paroles du concile) »
ea sit, ut non facile queat sine adminiculis exterioribus » ad rerum
divinarum meditationem sustolli -r propterea » pia mater Ecclesia
ritus quosdam, ut scilicet quaedam » submissa voce, alia vero elatiore,
in missa pronuntia-» renlur, instituit. Caeremonias item adhibuit,
ul mys-» ticas benedictiones, lumina thymiamata, vestes, alia-»
que id genus multa ex apostolica disciplina, et tradi-» tione, quo
et majestas lanli sacrificii commendaretur, et » mentes fidelium
per haec visibilia religionis et pietatis » signa ad rerum altissimarum
, quae in hoc sacrificio » latent, contemplationem excitarentur.
» A. ce chap. 5 correspond le can. 9., dans lequel on dit anathèmecontre
ceux qui condamnent le rite suivant ìequeì on récite
à voix basse une partie du canon et spécialement les paroles
de la consécration.
XXX. Calvin (Ub. 4. inslit. cap. 17. § 43) avoue que les cérémonies
de la messe sont d'une haute antiquité, et ne sont pas éloignées
du temps où les apôtres vivaient. Néanmoins, il les
appelle « rubiginem coenae Domini » natam ex procacitale humanae
confidentias. » Luther et ses sectateurs ne rejettent pas toutes
les cérémonies, car,
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
51 ?
dans leurs.messes, ils en observent quelques-unes; mais Luther (lib.
De capi. Bab.) dit que la messe doit se dire en jmitaiion de celle que
célébra Jésus-Christ, sans vêle-ment, sans actes,
sans chant. Il ne rejette pourtant pas l'usage des lumières, de
l'encens et autres choses sembla-bles; en quoi il est en contradiction
avec lui-même. 11 est peu probable, comme on l'a pensé, qne
l'usage des flam-beaux ait eu pour cause l'obscurité des lieux où
on célé-brait la messe dans les premiers temps, et que celui
de l'encens vienne de la nécessité de combattre les exhalaisons
de ces lieux souterrains; car ces cérémonies, et autres semblables
" furent principalement instituées datis des vues toutes spirituelles,
comme les lumières en signe de vénération pour la
majesté du sacrement, et pour figurer . la lumière de l'Évangile,
comme dit S. Jérôme (ad Vigi-lant, tom. 4. §2. p. 289)
: « Per tolas Orientis ecclesias, » quando lëgenduhi est
Evangelium, accenduntur lumi-
» naria.....et sub lypo luminis, illa lux ostenditur, o De
même, S. Thomas, parlant de l'encens, dit qu'on le brûlait,
«ad reprsesentandum effectum gratiae. » (?. ?. q. 85. a. 5.
ad. 2.^Chemnice admet la bénédiction des espèces et,
aussi la récitation des psaumes, du symbole, et ,des autres prières
(qui ne sont pas proprement cérémo-nies). Il admet encore
les vêlemens, les vases sacrés et les autres ornemenss niais.il
tient que ces choses sont ar-bitraires, et non de nécessité.
Il appelle, au reste, su-perstitieux etimpies les rites de l'offrande pour
les vivans et pour les morts, de l'invocation des saints, de la satisfaction
pour les âmes du purgatoire, etde la bénédiction de
l'eau. XXXI. Nous disons, nous, que ces choses ne sont point par elles-mêmes
et intrinsèquement nécessaires, mais que l'Église
a bien pu les prescrire, et que nous sommes obli-
53;
S . 6
TRAITÉ
gés à les observer. Le concile de Trente dit que plusieurs
sont de tradition apostolique. Et il n'importe que S. Paul (I. Cor. n)
n'en fasse pas mention; car l'apôtre parle seulement de ce que fit
le Sauveur, et ces traditions ne commencèrent qu'après son
ascension. Quant aux vête-mens, ils étaient prescrits déjà
dans l'ancienne loi aux prêtres sacrificateurs ; et dans la nouvelle,
il est cer-tain que leur usage est très-ancien, comme il est constant,
par les nombreux auteurs que cite à ce sujet Bellarniin (lib. 6.
cap. 24), que S. Grégoire (comme le rapporte Jean diacre dans la
vie de ce saint lib. 2. c. 57) envoya en Angleterre des vêlemens
et des vases pour célébrer la messe. S. Jérôme
(contra Pelagian. lib. 1) écrit qu'à la messe les prèlres
et le clerc portaient des vêlemens Wancs ; et S. Chrysostôme(hom.
85) donne les oraisons que doit réciter le prêtre en prenant
les habits sacrés.
XXXII. Pour les temples et les autels, les novateurs les admettent,
mais ils en réprouvent la consécration. Bellarmin prouve
cependant (cap. 14) qu'elle est très-ancienne , comme aussi l'usage
des vases sacrés. En vain Calvin oppose-t-il ces paroles de S. Ambroise
: « Aurum » sacramenta non quaerunt. » (Lib. 2. de offic.
cap. 28.) Le saint ne réprouve pas les vases d'or,- mais il dit
que, pour la validité des sacremens, l'or est inutile; qu'aussi
dans le, cas de nécessité, on peut vendre les vases sacrés.
Du veste, jusque-là il les conservait.
???1?. Un autre rite rejeté par Luther et Calvin, c'est le jeûne
avant la célébration : Luther dit qu'il suffît qu'on
n'ait pas abusé de nourriture ou de boisson. Si le respect du sacrement,
écrit-il, exigeait cela, on aurait aussi à éviter
de respirer,, parce que l'air entrerait dans le corps avant Jésus-Clirisl.
Étrange paradoxe! dans l'absorption
CONTRE LES HÉRÉTIQUES,
517
de l'air il n'y a aucune irrévérence ; mais il y en a,
certes, à prendre une nourriture terrestre avant la céleste.
L'u-sage ?? jeûne est très-ancien, comme l'attestent Terlul-lien
(in lib, 2. ad uxor.), S. Cyprien (lib. 2. epist. 5), S. Chrysoslôme
(Hom. 27. in prior, ad Corinih. et ep, 2. ad Cyriae.), et S.: Augustin
(ep. 118. cap. 6), qui dit que ce jeûne fut institué par les
apôtres, inspirés du Saint-Espril, et que jusqu'alors il avait
été observé dans toute l'Église, en honneur
de ce grand sacrement. 11 fût pres-crit aussi par les plus anciens
conciles, comme par le troi-sième de Carthage, le deuxième
de Mâcon ,1e premier de Brague , le quatrième de Tolède,
et enfin le concile géné-ral de Constance, qui défendit
formellement de célébrer après a\oiï bu ou mangé.
Mais, disent les novaieuis, lé-sus-Christ célébra
après la cène; mais ce fut la cène pas-cale qui se
célébrait en mémoire de la sortie d'Egypte, et celle-là
ne se pratique plus. Cependant S. Paul (I. Cor. H) admet, dira-t-on , le
manger avant la communion, lorsqu'il dit: «Si quis esurit, domi manducet.»
Mais cela ne signifie pas qu'on dût manger d'abord et com-munier
ensuite ; cela veut dire, comme l'expliquent S. Chrysoslôme, Théophylacle
et autres, que si quelqu'un est pressé de la faim et ne peut attendre,
il se relire chez lui pour manger.
XXXIV. Pour ce qui est des cérémonies qui s'obser-vent
en disant la messe, comme les élévations des mains ou des
yeux , les inclinations et les génuflexions, etc., on en trouve
plusieurs exemples dans les Écritures. Bel-larmin, au ehap. 15,
fait remonter à une très-haute an-tiquité l'élévation
de l'hostie et du calice, la fraction du pain consacré, et son mélange
avec le sang, comme aussi le chant et le son des insirumens qui étaient
déjà en
518
TRAITÉ
usage sous l'ancienne loi. Pieire, mailvr, réprouve la musique
comme cérémonie judaïque; mais Bellarmin ré-pond
que les cérémonies qui n'élaienl que les figures des
réalités de la loi nouvelle sont seules à rejeter,
mais non les autres, qui sont d'institution naturelle, comme le chant des
louanges de Dieu, l'encens, les génuflexions, frapper la poitrine,
etc.
XXXV. Uanslechap. 6 ilesl question de la messe privée, dans
laquelle le prêtre seul communie, il y est dit : « Optaret
» quidem sacrosancta, synodus, ut in singulis missis fi-» deles
adstantes ,??? 'solum spirituali affectu,, sed sacra-» mentali etiam
eucharistiae perceptione communicarent, y> quo ad eos sanctissimi hujus
sacrificii fructus uberior » proveniret. Nec tamen, si id non semper
fiat, propterea «missas illas, in quibus solus sacerdos sacramentaliter
» communicat, ul privatas, ei illicitas damnat, sed pro-» bal,
atque commendat; siquidem illae quoque missae » vere communes censeri
debent : partim quod in eis po-» pulus spiritualiter communicet :
partim vero, quod a » publico Ecclesiae ministro, non pro se tantum,
sed pro » omnibus fidelibus qui ad corpus Christi pertinent, ce-»
lebrenlur. » A celte partie du cliap. 6 appartient le can. 8., qui
porte : « Si quis dixerit, missas, in quibus » solus sacerdos
sacramentaliter communicat, illicitas esse, » ideoque abrogandas:
anathema sit. » Apropremenl par-ler, (ou(esles messes peuvent être
appelées publiques, en ?? sens que le sacrifice est public étant
offert pour toute l'Église ; parce qn'encore le ministre esl public,
puisqu'à l'autel il ne célèbre pas pour lui seul,
mais pour tous les fidèles, comme le dit le concile de Trente :
« Quod a pu-» blico Ecclesia? ministro, non pro se tantum,
sed pro » omnibus fidelibus celebrentur. » Cela se prouve encore
par l'antique usage de l'Église, comme nous le voyons dans le
concile d'Agde, lenu en 511, et le douzième de Tolède (can.
5, etc.). La raison elle-même le confirme, puisque, par sa nature
, le sacrifice n'exige que la seule personne du prêtre, et non la
présence de ceux pour qui il est offert.
XXXVI. Luther faisait une distinction : il appelait messe publique
celle qui se célébrait avec le chant et l'assistance des
ministres, et dans laquelle tous les fidèles commu-niaient. La messe
privée était, selon lui, celle qui se disait sans chant,
ou dans un oratoiie particulier, ou même celle dans laquelle le prêtre
seul communiait. Celle-ci il la réprouve comme illicite (lib. de
miss, priv.), et ses sectateurs ont dit de même; mais leur opinion,
comme nons l'avons vu, fut condamnée dans le canon 8.
XXXVII. C'est une erreur évidente de dire que la messe
dans laquelle le prêtre seul communie est illicite, puisque la dîspensation
de la victime aux assistens n'esj point de l'essence du sacrifice, comme
est sa consécration et sa consommation. El même dans l'ancienne
loi (Levi l. vi. 1.), quand on offrait le sacrifice pro peccato, le peuple
ne mangeait point de la victime, et cependant c'était bien un
véritable sacrifice.
XXXVIII. Les adversaires objectent premièiemenl que
cela est contraire à l'institution faite par Jésus-Christ;
puisque dans la cène, il communia tous ceux qui étaient présens,
et leur dit : « Quemadmodum ego eci, ita et » vos faciatis.
» ( Joan. XIII. 15. ) On îépond c ue par ces paroles,
le Seigneur n'a pas voulu ordonner q ie l.\ messe se célébrât
avec toutes les circonstances avec lesquelles il la célébra
lui-même; autrement toutes les messes de-vraient se dire après
le repas du soir, de nuit, à| l'exclusion
520
TRAITÉ
des femmes, etc. Le Seigneur a seulement prescrit que le célébrant
communiât toujours et ne refusât pas la commu-nion à
qui la demanderait.
XXXIX. Chemnice objecte que, comme le ministre de la parole divine
(qui est aussi ministre public) ne peut prê-cher sans la présence
du peuple ; de même le prêtre ne peut sacrifier et participer
au sacrifice, sinon en la pré-sence d'autres participans. On répond
qu'autre chose est sacrifier, autre chose prêcher : la prédication
est un acle qui s'adresse aux hommes, le sacrifice est offert à
Dieu; d'autant que le sacrifice est comme l'oraison qui profile même
aux absens.
XL. On oppose encore que la messe privée est con-traire à
l'ancienne pratique de l'Église, puisque dans l'ép. I. ad
Cor. xi. 20, la cène du Seigneur est distinguée de la cène
privée : « Jam non est dominicam coenam » manducare.
» Déplus au can. 9 ou 10 des apodes, et dans le can. Peracta,
dis t. 2 deconsecr. Il parait qu'on ex-cluait de la messe ceux qui ne communiaient
pas. On répond sur le premier point, qu'il est là question,
non de la communion, mais des agapes, où les riches invitaient les
pauvres par motif de charité, à manger avec eux; et de là,
S. Paul blâmait ceux qui n'agissaient pas ainsi chari-tablement :
« Unus quidem esurit, alius autem ebrius est. » Num quid domos
non habetis ad manducandum et » bibendum? aut ecclesiam Dei contemnitis
et confun-» dilis eos qui non habent? » Ainsi l'apôtre
parlait de la cène privée par laquelle on imitait celle que
le Seigneur, à la dernière Pâque, mangea avec ses disciples
: et bien qu'il eût parlé de l'eucharistie, il blâme
ensuite ces cènes pri-vées desquelles plusieurs étaient
exclus, mais non celles dans lesquelles tous n'intervenant pas, aucun n'est
exclu,
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
524-
comme nos messes. En second lieu, on répond que dans ]e can.
9 apostolique, et dans le can. Peracta, bien que Ja communion y soil exigée
de tous les assislans, néan-moins, il n'est point ordonné
aux prêtres de s'abstenir du sacrifice, s'il n'y a point d'assistansqui
veuillent commu-nier. Anciennement, le sacrifice était interdit
seulement aux prêtres qui ne communiaient pas eux-mêmes, on
le voit par le can. 5 du douzième concile de Tolède, où
il est dit : « Quale erit sacrificium , cui nec ipse sacrificans
par-» licipassedignoscelur? «Donc, déjà il était
question de messe dans laquelle personne ne communiait, cependant ce concile
date de 900 ans en çà.
XLI. On ne peut donc rien objecter contre la messe privée, sous
quelque rapport qu'elle le soit : 1° Sous le rapport du lieu, puisque
d'abord, Jésus-Christ célébra dans une maison particulière,
et que les actes disent des apôtres (Act. ?.) : « Frangebant
circa domos panem ; » qu'ensuite les ponlifes, au temps des persécutions,
célé-braient aussi dans les maisons, dans les grottes et
dans les prisons, et qu'au rapport de Bellarmin S. Grégoire-de-Nazianze,
S. Ambroise et autres dirent la messe dans des maisons particulières.
XL1I. 2° Par rapport au temps; c'est-à-dire que la messe
soil dite aux jours non fériés. Les adversaires ont coutume
de ne célébrer que le dimanche ; mais du reste ils ne ré-prouvent
pas la messe quotidienne, et ce serait bien à tort qu'on l'improuverait,
car l'usage de la messe quotidienne est prouvé être celui
de l'Église, comme l'attestent S. Chry-soslôme (ad Ephes.
hom. 5), S. Jérôme (in cap. 1. ad Tit. ) et autres.
XLIII. 5° Par rapport à la/n pour laquelle elle est dite,
lorsqu'elle est appliquée à une personne privée ou
à un objet
522
TRAITÉ
particulier. Mais cela ne peul cire reproché parce que toutes
les messes s'offrent pour tous les fidèles vivans et morts (les
damnés exceptés) comme on le voit dans les mis-sels. Ainsi
si la messe est appliquée plus particulièrement à
une personne qui en recevia plus de fiuit, tous les autres ne laisseront
pas d'y participer. Cet usage exista de toute antiquité, comme on
le voit dans le Lévitique aux chap. 4 et 5, où il est parlé
des sacrifices pour le prince, pour le piètre, etc. Job (cap. i.)
sacrifiait pour ses fils. Et dans la nouvelle loi, il esl constant que
la messe se célé-brait aux anniversaires des saints; S. Augustin
(hi). 9. conf. cap. 12.), parlant de sa sainte mère défunte,
écrit : « Cum offerretur pro ea sacrificium, etc. »
XLIV. 4° Par rapport au défaut d'a&sistans. Mélanchton
blâme l'Église romaine parce qu'elle fait dire la messe sans
le concours de tout le peuple; mais les autres luthé-riens n'ont
point de scrupule sur ce point. Du reste, nous savons que S. Àmbroise
célébra dans la maison d'une dame romaine; S. Maris célébra
dans sa cellule, comme l'atteste Théodoret. El S. Grégoire
(lib. 4. ep. 43) in-terdit aux monastères la célébration
avec le concours du peuple, afin que les religieux ne fussent pas distraits
de leur recueillement.
XLV. 5°Ence que la messe soit dite dans la même église
outre la messe paroissiale. Les luthériens condamnent la multiplicité
des messes; mais à tort, parce que de tout temps il y a eu plusieurs
prêlres dans l'Église et qu'il n'est point à croire
que l'un ou quelques-uns d'eux célé-brassent et que les autres
s'abstinssent. Cela se démontre encore par le nombre si grand des
églises et la multipli-cité des autels dans chacune d'elles,
comme il en esl fail meniion dans S. Ambroise (episl. 53), S. Grégoire
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
523
(lib. 5. ep. 50), et S. Léon (episl, 81. ad Dioscor).
XLVI. Et enfin en ce que le prèfre seul communie ; puisque,
comme nous venons de le voir, dans la messe privée se retrouve toute
l'essence et l'intégrité du sacri-fice institué par
Jésus-Christ. Mais ils opposent le texte : « Christus semel
oblatus est. » (Hebr. ix. 28.) S.Paul parle ici du sacrifice de la
croix dont Jésus-Christ a voulu que la mémoire fût
renouvelée dans le sacrifiée del'auiel par lequel le fruit
du sacrifice.de la croix est appliqué aux fidèles.
XLVII. Dans le chap. 4 il est parlé de l'eau qui doit être
mêlée au vin : « Monel deinde sancta synodus, prce-»
ceptum esse ab Ecclesiae sacerdotibus, ut aquam vino » in calice
offerendo miscerent : tum quod Christum Do-» minum ita fecisse credatur;
tum etiam quia e latere » ejus aqua simul cum sanguine exierit, quod
sacramen-» tum hac mixtione recolitur; et cum aquae in apocalypsi
» beaii Joannis populi dicantur, ipsius populi fidelis » cum
capite Chrislo, unio repraesentatur. »
XLVIII. Dans le chap. 8 on dit qu'il ne convient pas que la messe soit
dite en· langue vulgaire; mais il est recommandé aux pasteurs
de faire une instruction sur quelqu'un des passages qui se lisent à
la messe : « Etsi » missa magnam contineat populi fidelis eruditionem,
non » tamen expedire visum est Patribus, ut vulgari passim »
lingua celebraretur. Quamobrem , retento ubique cujus-» que Ecclesiae
antiquo, et a sancta romana Ecclesia , » omnium ecclesiarum maire
et magistra, probato ritu, » ne oves Christi esuriant, neve parvuli
panem petant, » et non sit qui frangat eis ; mandat sancta synodus
pas-» (oribus et singulis curam animarum gerentibus, ut » frequenter,
inter missarum celebrationem, vel per se
524
» vel per alios, ex iis quae in missa leguntur, aliquid »
exponant; atque inler cetera sanctissimi hujus saciificii » mysterium
aliquod declarent, diebus praesertim domi. » nkis, et festis. »
XLIX. A ce chap. 8 correspond en partie le can. 9 qui décide
de trois choses : de la récitation à voix basse, de l'emploi
de la langue vulgaire et de la mixtion de l'eau dans le calice : «
Si quis dixerit, Ecclesiae romanae » ritum, quo submissa voce pars
canonis, et verba conse-» elationis proferuntur, damnandum esse ;
aut aquam » non miscendam esse vino in calice offerendo, eo quod
» sit contra Christi institutionem : anathema sit. »
L. Les novateurs soutiennent que l'on doit se servir totalement de
la langue vulgaire pour célébrer la messe, bien que Luther
(lib. de form. missas) laisse ce point à la volonté du célébrant,
mais c'est avec juste raison que l'Église romaine a précisément
ordonné le con-traire; parce que (selon la remarque de Bellarmin,
(Dé missa. cap. 11.) l'oblation de la messe consiste plutôt
dans le fait que dans les paroles ; car l'acte même par lequel est
présentée la victime, c'est-à-dire Jésus-Christ
sur l'autel est la vrai oblalion, sans le concours des pa-roles. Pour ce
qui est de la consécration, les paroles sont nécessaires
; mais celles-ci ne se prononcent pas pour l'instruction du peuple, elles
ne servenlqu'àopérer le sacri-fice. Les paroles même
de l'oblation né s'adressent point au peuple, mais à Dieu,
qui entend toutes les langues. Les Hébreux eux-mêmes, dans
les cérémdrn'es publiques de leur religion n'ont point quitté
l'usage de la langue hé-braïque, quoiqu'elle eût cessé
d'être vulgaire parmi eux depuis la captivité de Babylone.
De plus, l'usage en Orient a toujours été de célébrer'
en langue grecque ou
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
ebaldéïque et en Occident en langue latine; et cela n'a
pas cessé d'avoir lieu au temps ou parmi ces peuples ces langues
ont cessé d'être vulgaires.
LI. Et cela fut nécessaire, par exemple, quant à la langue
latine, en Occident, afin de conserver la com-munication entre les églises
; autrement un Allemand ne pourrait célébrer en France. Ajoutons
que souvent une langue ne peut rendre la force d'expression d'une autre,
et qu'ainsi, en disant la messe en divers idiomes il serait difficile de
conserver l'identité du.sens des paroles. Ajoutons encore que celaiut
nécessaire afin de conserver l'uniformité constante des rites
de l'Église dans l'admi-nistration des sacremens et d'éviter
ainsi les schismes; sans cela il serait né une extrême confusion
dans celte translaction pour chaque nation du Misse^ romain en son propre
idiome. Aussi les évêques de France supplièrent, d'un
commun accord, Alexandre VÎI, en 4661, de sup-primer la. traduction
du Missel romain faite en langue française en 1660 par le docteur
Voisin; et de fait, le 42 janvier de celte même année cette
condamnation eut lieu. LU. On oppose que dans le quatrième concile
de Latran, en 1245, au chap. 9, il est permis à toute nation de
célé-brer l'office en langue vulgaire. Il faut ici lever
toute équi-voque : le concile parle là seulement 4es Grecs
et des Latins qui habitaient leurs propres cités, et c'est à
eux seuls que la permission fui accordée, avec injonction à
chaque nation de ne célébrer que dans sa langue grecque ou
latine. LUI. Pierre Soave dit que si les décrets de celle ses-sion
ne fournirent point matière à discussion, c'est qu'ils étaient
rédigés en style si obscur qu'on ne pouvait par-venir
à les comprendre. Mais d'abord c'est là
une calomnie; car ces décrets sont si clairs qu'un lecteur quel-
526
TRAITÉ
conque , du plus médiocre entendement, peut les com-prendre.
Il ajoute que la prohibition de la célébration de la messe
en langue vulgaire a élé seule contredite en peu de mois
par les praestans. Mais si ces derniers ont dit qWl-ques mois, lui Sdàvese
lève audacieusement sur ce point contre l'Église cl contre
Ses pontifes , en se permettant de dire qu'ils avaient soumis le ciel à
la terre. Et il s'efforce de démontrer que toutes les longues furent
d'abord vul-gaires, afin d'en conclure que la messe fut dans ce pre-mier
temps célébrée en langue vulgaire. Biais cela n'est
point contesté par les catholiques, et ce n'est pas là l'opi-nion
condamnée par le concile. Dans le can. 9., il no condamne que ceux
qui soutiennent « lingua tantum vul-» gari missam celebrari
debere. » El cela était justement moihé par l'antique
usage de l'Église de célébrer en grec et en latin
, même depuis que ces langues ne furent plus parlées; et par
les considérations suivantes : d'abord parce que,' comme nous l'avons
dit, il arrive souvent qu'une langue ne p%ut rendre le sens d'une autre;
d'où, si l'on voulait dans chaque nation se servir de l'idiome qui
lui est propre, on ne pourrait conserver l'identité des sens ni
par suite l'unité dans l'Église; et de nombreuses con-troverses
et des scandales en naîtraient. C'est par cette raison que les lois
civiles elles-mêmes ne se traduisent pas ei sont conservées
dans leur langue originelle. En outre, si chaque nation usait de son propre
idiome, les prêtres ne pourraient communiquer entre eux d'un pays
à un autre. Enfin, il ne convient point que les mystères
de notre foi soieni chaque jour exposés au peuple en langue vulgaire,
sans que les instituteurs sacrés ne les lui expli-quent belon sa
capacité.
LJV. Soave accuse ensuite faussement de contradiction
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
527
deux lettres éerites par des papes. La première de Jean
VIII (epist. 47. voyez Baronius à l'année 880), où
ce pape concède aux Slaves (peuple dont les Bohémiens sont
venus) de dire la messe et l'office en langue slave. Mais celle con-cession
même fait voir qu'alors il n'élait pas licite de cé-lébrer
en langue vulgaire sans un privilège spécial; pri-vilège
qui fut accordé à ce peuple sur les instances de S. Méthodius
qui depuis peu l'avait converti, et de plus le pape leur accordait celle
permission parce qu'il n'y avait point encore pnrmi eux assez de prêlres
qui pussent offi-cier en latin.
LV. La seconde lettre est de Grégoire VII ( lib. 7. epist. 11.
), lequel écrit à ces mêmes peuples, mais deux cenls
ans après, quand la religion élail généralement
ré-pandue et en même temps la connaissance de la langue latine,
qu'il ne-peut consentir à la célébration des offices
divins en slave vulgaire, et il en donne pour raison que Dieu a voulu que
l'Écriture fût obscure en quelques en-droits, parce que si
elle avait élé à la^porlée de chacun, elle
eût peut-être été exposée à certains
mépris ou au moins, mal entendue des esprils exercés, elle
les eût induits en erreur. Apiès cet examen des deux lettres,
où se trouve la conlradition , Grégoire VII ajoute ensuite
que la peimission accordée auliefois n'est point par elle-même
une raison suffisante de la continuer; car l'Église primitive a
accordé beaucoup de choses qui plus lard mieux examinées
ont élé îedressées. Mais ici Soave s'é-lève
avec une nouvelle fureur contre Grégoue VII, et il s'écrie
: « Ainsi donc, les bonnes institutions sont lépu-»
tées des corruptions et tolérées seulement pai-l'antiquité?
» Et les abus introduits depuis seront préconisés»
comme » des améliorations payfaiies! » Voilà
comme il cracliele
528
TRAITE
venin qu'il conservait contre l'Église. Mais où donc
S. Gré-goire a-t-il appelé corruption cet aniique usage?
La vérité est qu'il l'a dit corrigé ; — et cela ne
s'entend pas d'illiciie à lieiie, mais de bon à meilleur
; de la même serle qu'on dit qu'une loi du Digeste a été
corrigée par le Code et qu'un canon des décrélalesa
été corrigé dans le sixième, sans pour cela
taxeir la première loi ou le premier canon de corruption (1). Et
puis, comment Soave peut-il s'ou-blier jusqu'à appeler abus introduit
la prohibition de la langue vulgaire appuyée par tant de motifs.
LVI.-Au chapitre 8 correspond le can. 9, où l'on con-damne ceux
qui prétendent que le rite de réciter à voix basse
une partie du canon de la messe est blâmable, que la messe ne doit
être dite qu'en langue vulgaire, et que l'on ne doit point mêler
l'eau avec le vin dans le calice avant de l'offrir : « Si quis dixerit,
Ecclesiae romanse » ritum, quo submissa voce pars canonis et verba
consc-ii «rationis proferuntur, damnandum esse : aut lingua »
tantum vulgari missam celebrari debere : aulaquamnon » miscendam
esse vino in calice offerendo, eo quod sit » contra Christi institutionem
; anathema sit. Ï Quant à la célébration de la
messe en langue vulgaire, nous en avons assez parlé jusqu'ici dans
ce chap. 8. Pour la mixtion de l'eau dans le calice, Alexandre I en rend
raison dans le can. « in sacramentorum, elc. de consecr. disl. 2,
où ce pape s'exprime : « In sacramentorum oblationibus quae
» inter missarum solemnia Domino offeruntur, passio » Domini
miscenda est, ut ejus, cujus corpus et sanguis
(1) Pour comprendre cette controverse, il faut savoir que l'ex-pression
dont se sert S. Grégoire peut, par une légère altération,
signifier corruption au lieu de corrige: ce qui n'a point lieu en français.
{Note du traducteur.)
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
529
» conficitur, passio celebretur : ila ut repulsis opinioni-»
bus superstilionum, panis tantum, et vinum aqua per-» mixtum in sacrificium
offerantur. Non enim debet ( ut » a patribus accepimus, et ipsa ralio
docet ) in calice Do-y> mini aut vinum solum, aut aqua sola offerri, sed
» utrumque permixtum, quia utrumque ex latere ejus in » passione
sua profluxisse legitur. »
LYJI. Enfin, quant à la récitation, à voix basse,
d'une partie du canon, et spécialement des paroles de la consé-cration
, déjà mention en a été faite dans le chap.
5, où il est dit que, parmi les rites de l'Église, était
celui-ci : « Ut scilicet quaedam submissa voce, alia vero elatiore
in » missa pronuntiarentur. » Mais Chemnie veut, ainsi que
d'aulres opposans> que cela soit contraire à l'institution deJésus-ChTÌst.
Or, le concile de Trente nous enseigne le contraire, selon les documens
qui nous restent de I'anti-quilé. Dans la liturgie de S. Cbrysoslôme,
à un endroit de la messe se trouve cette prescription : «
Sacerdos oret » secreto. » Et la même chose est encore
dans la lituigie de S. Basile. Dans l'Église latine, nous avons
l'Épîire pre-mière d'Innocent I, dans laquelle ce pape,
s'adressant à l'évêque Eugubino, dit expressément
que la panie prin-cipale de la messe est secfète. En vain dirait-on,
avec Chemnie, que cela est contraire à l'institution de Jésus-Christ
, qui prononça à haute voix les paroles de la con-sécration
: « Hoc est corpus meum ; hic est calix, etc., » puisqu'alors
cette circonstance était nécessaire pour ap-prendre aux apôtres
le rite de la consécration. Et cela est encore pratiqué parles
évêques dans l'ordination des prê-tres ; mais la chose
n'est point étendue aux messes qui se célèbrent pour
le peuple. II est vrai que, dans l'Église grecque, les paroles de
la consécration sont prononcées à xix.
34
530
TRAITÉ
haute voix. Mais qu'importe cela? Nous ne disons pas que ce rite est
illicite, nous soutenons qu'il ne l'est pas de dire ces paroles à
voix basse ; nous devons donc, en ce point, obéir à l'Église
selon ce qu'elle a prescrit respec-tivement aux Grecs etaux Latins. Oulre
que, dans l'Église grecque, îl est ordonné de dire
à voix basse d'autres pa-roles de la messe. Le cardinal Bona (lib.
2. cap. 43. rerum liturg.) pense que l'usage de dire le canon à
voix basse commença dans le dixième siècle. D'autres,
cepen-dani, disent qu'on ne peut prouver par aucun document ancien que,
dans les premiers temps, tout se soit dil à haute voix. Du reste,
que l'usage de dire à voix basse le canon soit ou non du dixième
siècle , il doit nous suffire de savoir que toute l'Église
d'Occident l'a ainsi pratiqué depuis 800 ans, et que celte doctrine
et cet usage ont élé confirmés comme règles
fixes par le concile de Trente.
LV1II. Joignons ici quelques autres noliops, touchant le mode antique
de la célébration de la messe, et sur les oblatione dans
les églises d'Orienl. Et d'abord, les églises grecques consistaient
en trois parties, le vestibule, la nef et le sanctuaire. A présent,
cependant, à cause de la pauvreté des peuples, elles n'ont
plus que la nef et le sanctuaire, lequel en est séparé par
une grande balus-trade divisée en trois parties. Là, n'entrent
que les évê-ques , les prêtres et les diacres. L'autel
ôsl isolé dans le milieu. A droite, en entrant,est un petit
autel nommé protesis , ou proposition, où se préparent
le pain el le vin pour la messe. A gauche, est un autre petil autel pour
les babils sacrés, et tout ce qui sert au sacrifice. Le diacre,
vêtu, prépare le pain dans la palène, sorte de grand
bas-sin. Le pain est rond ou carré, ou en forme de croix, et toujours
au moins la forme de la croix y est empreinte. Le
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
prêtre, alors, plonge un couleau, en plusieurs sens, clans le
pain , et, à chaque incision, le diacre dit : Prions Dieu. Puis
le prêtre tranche un morceau de la croûte, en pro-nonçant
ces mots : « Parce que sa vie fut retranchée de la »
terre. » Et le diacre répond : Sacrifiez, Seigneur. Ensuile
le piètre dépose l'hostie dans le bassin, et l'incisant de
nouveau, il dit : « un des soldats lui ouvrit le coté, et
il » en sortit aussitôt du sang et de l'eau. > Et le diacre
ré-pond : Bénissez, Seigneur ; et en môme temps il
met le vin et l'eau dans le calice. Le prêtre, enfin, découpe
plu-sieurs parcelles dupoin , puis il encense les offrandes et le voile
qui doit les couvrir.
L1X. Parlons maintenant des oblations. Après qu'on avait fait
sortir de l'église les catéchumènes et les pénitens
publics qui ne pouvaient assister à Ja messe des fidèles,
une fois les portes fermées, et pendant que le,chœur chantait l'offerloiie
et les autres versets, l'évêque recevait les of-frandes. Ces
offrandes se composaient d'abord d'objets di-vers, mais ensuile il fut
réglé qu'on ne recevrait plus en oblation que du pain et
du vin, dont une portion servait pour le sacrifice et la distribution aux
communians, et le reste était conservé. C'est ce que dit
le P. Le Brun dans son livre des Liturgies (t. 1. p. 286. ) Et cela dura
jus-qu'au neuvième siècle. Anciennement on recouvrait les
offrandes avec le corporal, qui de là se nommait pallium,' d'où
vint depuis le nom de palla, donné au carré de lin sur lequel
on place aujourd'hui le calice, et qu'on appelle aussi animella. Les Chartreux
ont conservé jusqu'à pré-sent l'usage antique du grand
corporal pour couvrir le calice.
LX. Les paroles de la consécration furent toujours pro-noncées
à voix basse. Le P. Chalon écrit, dans son Hie-
34.
532
TRAITÉ
toire des Sacrement, que ces paroles de la consécration ne s'écrivaient
point dans les liturgies, mais se transmet-taient de vive voix entre les
prêtres ; et cela dura depuis le temps des apôtres jusqu'au
quatrième siècle, où on lut un canon semblable au
aôtre. L'eucologue des Grecs pour la messe ne diffère de noire
canon qu'en ce que l'oraison « Fiat corpus et sanguis Domini nostri
Jesu Christi » s'y prononce après les paroles de la consécration
, « Hoc est » corpus meum ; » tandis que, dans notre
canon, elle se récite auparavant, et aussitôt après
les parolea, Quam oblationem, etc. Il faut noter ici ce que nous avons
déjà fait remarquer, que si quelques Pères ont dit
que la transsub-stantiation s'opérait par la prière du prêtre,
Fiat cor-pus, etc., ils n'ont ainsi parlé que parce que les paroles
de Jésus-Christ, « Hoc est corpus meum, » étaient
déjà comprises et annexées à cette prière,
comme on le voit dans toutes les liturgies. Notons également que
le cardinal Bessarion, qui assistait en 1438 au concile de Florence, expliqua
que, selon la doctrine de S. Jean Chrysostôme, ces Pères,
aussi bien que nous, tenaient pour vrai que les paroles, « Hoc est
corpus meum, » et les autres, Hic est calix, opéraient la
transsubstantiation de la substance du pain et du vin en celle du corps
et du sang de Jésus-Christ. Le rite des Cophtes, suivi par d'autres
orien-taux , louchant la consécration, diffère un peu du
nôtre. Le prêtrç dit: // le bénit; et le peuple
répond : Amen. Le prêtre reprend : « Et le donna à
ses disciples, en di-» sant : Ceci est le corps, qui est brisé
et donné pour la » rémission des péchés
; » et le peuple répond : « Amen! » nous le croyons
ainsi. »
LXI. Remarquez encore que S. Grégoire (au chap. 22, de rebus
eccles.) écrit ces paroles : « Fuit mos apostolo-
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
555
» runi, solummodo ad orationem dominicalem hostiam » oblationis
consecrare. » De là Strabon conclut à faux que les
apôlres célébraient, comme on le fait au vendredi-sainl,
sans prononcer les paroles du Christ, « Hoc est » corpus meum.
» Mais S. Grégoire ne dit pas que les apô-lres consacraient
avec la seule oraison dominicale, mais » solummodo ad orationem dominicalem
; » c'est-à-dire, pendant qu'on récitait le Pater noster,
sans exclure les pa-roles de Jésus-Christ. S. Chrysoslôme
et Procule, son suc-cesseur, écrivent que les apôlres, à
la messe, outre le Pater noster, ajoutaient d'autres hymnes et prières.
554
TRAITÉ
XXHP SESSION.
Du sacrement de l'ortlre.
I. Les hérétiques modernes ont fait tous leurs
efforts pour soutenir qu'il fallait rejeter du nombre des sacte-mens celui
de l'ordre. Aussi le concile a-l-il voulu que celle matière fût
examinée avec beaucoup de soin et d'exac-titude, en plusieurs sessions,
et par les théologiens de toutes les classes. Avant tout, on posa
sept articles , qui contenaient toutes les erreurs mises en avant par ceux
qui combattaient le sacrement de l'ordre.
II. Art. i. Que l'ordre n'est point un sacrement, mais seulement
un rite pour l'élection des ministres de la pa-role de Dieu et des
sacremens. Art. u. Que l'ordre est une invention humaine, établie
par des personnes ignorantes des matières ecclésiastiques.
Art. m. Que l'ordre n'est point un sacrement unique, et que les ordres
inférieurs ne tendent point comme degrés à la prêtrise.
Art. iv. Qu'il n'y a point d'hiérarchie ecclésiastique, mais
que tous les chrétiens sont prêtres, et que pour l'élection
il faut la no-mination du magistrat et le consentement du peuple;qu'au
reste, que celui qui a été prêtre peut redevenir laïque.
Art. v. Que dans le Nouveau-Testament il n'y a pas de sa-cerdoce visible,
ni de pouvoir donné pour consacrer et offrir le corps de Jésus
Christ, ou pour absoudre les pé-chés, mais seulement la mission
de prêcher l'évangile ;
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
535
et que ceux qui ne prêchent plus cessent d'être prêtres.
Art. vi. Que l'onction et toutes les autres céiémonies ne
sont point requises pour conférer les ordres ; bien mieux, qu'elles
sont inutiles et damnables, ei que l'ordre ne donne point l'Esprit saint.
Art. vu. Que les évêques ne sont point supérieurs aux
prêtres, qu'ils n'ont point le pouvoir d'or-donner, et que s'ils
l'ont, les prêtres l'ont également ; que les ordinations faites
par eux sans le consentement du peu-ple ne sonl point valables.
III. Ensuite, dans la première assemblée qui se tint,
Salmeron prit la parole et dit : premièrement, que le sa-crifice
et le sacerdoce sont non-seulement joints entre eux, mais inséparables
; en sorte que la doctrine qui admet l'un admet nécessairement l'autre.
Secondement, que S. Augustin ( lib. 19. de civ. Dei) dislingue l'ordre
or-dinaire dans lequel les choses sont disposées, et l'ordre ecclésiastique
par lequel le diaconat est discerné de la prêtrise, et celle-ci
de l'épiscopat. On nomme aussi ordre la cérémonie
sacrée, comme écrit le maître des sentences, par laquelle
on confère le pouvoir dans l'Église, et il dit que l'ordre
pris dans celte dernière signification élail un véritable
sacrement, comme il le prouve par les textes de S. Paul : « Noli
negligere, etc., resuscites, etc., » et par le concile de Florence
el le quatrième de Carlhage. Troi-sièmement, il démontre
que ce sacrement avait été insti-tué par Jésus-Christ,
en rappelant la doctrine des Pères, el celle du concile lui-même
dans la session précédente, la vingt-deuxième. En
outre par les paroles de S. Luc (XX.II. 19.) : « Hoc facile in meam
commemorationem, » et celles-ci : « Accipite Spiritum sanctum
: quorum rerni-» sentis peccata, elc. » (Jo. xx. 23.), par
lesquelles le Seigneur, avec le souffle de l'Esprit-Saint ( insufflavit
in
636
TRAITÉ
eos ), communiqua à ses disciples le pouvoir dans le corps mystique,
c'esl-à-dire d'absoudre les péchés. Il dit, qua-Irièmenl,
que comme on le voit dans le dernier chapitre de S. Marc, lorsque Jésus-Christ
donna mission à ses apôtres et les bénit, il institua
par-là les évêques, comme l'enseignent S. Augustin
et S. Clément Romain au lib. 8. des Constitutions Apostoliques ;
et cela devait être, puis-qu'en les envoyant prêcher et fonder
l'Église, il leur fallait nécessairement le pouvoir de créer
de nouveaux prêlres et évêques. Cinquièmement,
il ajouta que le diaconat est un véritable sacrement, selon ces
paroles des Actes (e. vi. 6.) « Orantes imposuerunt in manus, »
imposition par laquelle, en vertu du sacrement, la grâce de l'Espril-Sainl
se communique à eux, ainsi qu'il est dit plus bas de S. Etienne
ordonné alors diacre : « Erat plenus Spi-ritu sancto et praedicabat.
» II combattit celle fausse opi-nion que les diacres n'élaient
ordonnés que pour soigner les repas terrestres, tandis qu'ils étaient
préposés à la table sainte du sacrement de l'autel
et recevaient dans ce temps-là la faculté de distribuer l'eucharistie
selon le témoignage de S. Clément, Evariste, S. Ignace, martyr,
S. Cyprien, S. Jérôme, du concile de Néocésarée
et de Bède. El si, dans quelques canons du sixième concile,
il est fait men-tion de la charge qu'ils avaient de pourvoir à la
nourri-ture des veuves, Salmeroh dit que ces canons n'avaient jamais été
reçus par l'Église, et qu'en outre on pouvait admettre que
les diacres aient eu alors la double charge de pourvoir à la nourriture
temporelle et à la table sainte. IV. La même conclusion se
lire à l'égard de S. Paul et de S. Barnabe quand il leur
fût dit : Ite et prœdicale, puisqu'alors on leur imposa les mains
et qu'il leur fut ensuite commandé d'aller prêcher, ce qui
ne pouvait s'en-
CONTRE LES HÉRÉTIQUES
837
tendre du sacerdoce qu'ils avaient déjà reçu,
mslis bien par conséquent de l'épiscopat. El puis, il est
d t d'eux qu'ils inslituaient des prêtres dans les cités,
ce qui est le propre des évêques. Salmeron dit en terminant
que l'ordination imprime un caractère spirituel : d'où il
con-clut que l'ordre n'est point une simple éleclicn pour prêcher
la parole divine, mais un véritable sacement, un caractère
conféré par le pouvoir donné par Dieu à l'É-glise.
En outre, il est impossible de dire que les prêtres et les diacres
puissent être constitués par les magistrats laïques,
puisque leur pouvoir tout surnaturel est e e paître le troupeau de
l'Église, comme il fut dit à S. Pierre le pre-mier pasteur.
C'est pourquoi ce chois fut inlsrdit au peuple dans le huitième
concile de Latranet celui de Flo-rence. Que si quelquefois le peuple lès
a élus, <ela s'est fait par concession apostolique, mais ensuite
le droit de confirmer ce choix et de donner le pouvoir spirituel n'ap-parlenail
qu'à l'Église.
V. Pierre Solo, dominicain, discourut dans lai seconde ' assemblée
: il dit, contre le quatrième article, que la hié-rarchie
existait dans l'Église, c'est-à-dire la prééminence
du pouvoir des évêques sur les prêtres, selon ce q ii
est dit de S. Paul: « Posuit episcopus regere Ecclesiam.» ?
Act. xx. 21.). Il cite en outre ces paroles de l'apôtre : «
Obedite » praepositis vestris, et subjacete eis, etc. » (fletr.
xxm. 17). Donc, il y a dans l'Église des supérieurs à
qui on doit obéir. Et qn'on n'oppose pas ce que dit S. Pierre (I.
Ep. II. 9.) : « Vos autem genus electum, regale sacerdo-» tium,
etc., » car, dit Solo, cela s'entend du sacerdoce corporel non du
spirituel. Il parla ensuite sur l'article cinq el prouva que, dans l'Église,
il y avait un véritable sacerdoce. Ensuite, il soutint contre Salmeron
que réelle-
538
TRAITE
ment dans le principe le peuple élisait les ministres et il
le prouva par ces paroles : « Tunc piacuil apostolis, et »
viris senioribus cum omni Ecclesia, eligere viros ex eis, » ei mittere
Antiochiam » (àcl. xv. 22.). Il prétendit que c'était
là la véritable tradition apostolique; mais il fm eomballu
par Melchior Cornélius, envoyé du roi de Por-tugal, qui soutint
que le peuple assistait seulement à l'é-' leclion, pour en
rendre un juste témoignage, mais qu'il n'y participait pas.
VI. Dans l'assemblée suivante, ce même Cornélius
parla et dit que cette onction des piètres, dont les hérétiques
font mépris, est mentionnée dans les écrits du pape
Fabien, de S. Denis et d'Innocent III. (cap. 1. de sacra unct.). 11 prouve
que l'évêque est supérieur au prêtre et répond
à l'objection que S.Jérôme dans un endroit paraît
les tenir pour égaux l'un à l'autre, en opposant que dans
plusieurs autres endroits 1e S. docteur parle de la prééminence
des évêques, et que dans le passage en question le Saint entend
parler seulement de ce pouvoir qu'ont en effet également les prêtres
et les évêques. Enfin, lorsque dans les réunions susdites
et d'autres postérieures, on eût amplement discuté
les sept articles des novateurs, le concile forma quatre chapitres et huit
canons sur le sacrement de l'ordre.
Chap. Ier. —De l'institution du sacerdoce de la loi nouvelle.
Vil. Dans ce chapitre ? il est dit que le sacrifice et le sacerdoce
ont une telle connexion que dans toute loi on les retrouve toujours ensemble.
Que le sacrifice de l'eu-charistie étant extérieur ei visible
selon l'institution du Seigneur, il fallait aussi reconnaître qu'un
sacerdoce ex-térieur et visible avait été institué
par Jésus-Christ, qui
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
539
par-là a donné à ses apôtres et à
leurs successeurs le pou-voir de consacrer et d'absoudre, selon que le
démontrent les saintes Écritures et que l'enseigne la tradition
: » Sa-» crificium et sacerdolium ita Dei ordinatione conjuncla
» sunt, ut utrumque in omni lege exlilerit. Cum igitur » in
novo Teslamento sanctum eucharistiae sacrificium vi-» sibile ex Domini
institutione catholica Ecclesia acce-» peril ; fateri eliam oportet,
in ea novum esse visibile » ei externum sacerdolium, in quod vetus
translatum » est. Hocaulem ab eodem Domino salvatore noslro insli-»
tulum esse, alque apostolis eorumque successoribus in » sacerdotio
potestatem traditam, consecrandi, offerendi » et ministrandi corpus,et
sanguinem ejus, necnon et » peccata dimittendi, çl remittendi,
sacrae litterae osten-» dunt, et catholicae Ecclesiae traditio semper
docuit. »
"VIII. Au chap. ? se rapporte le can. d , où on lil : «
Si » quis dixerit, non esse in novo Testamento sacerdolium »
visibile et externum; vel non esse poleslalem aliquam » consecrandi
et offerendi verum corpus et sanguinem » Domini, et peccata remittendi,
ei retinendi; sed oi'fi-» cium lanlum, et nudum ministerium praedicant,
» prorsus non esse sacerdotes : anathema sit. »
IX. Le can. 8 concerne aussi ce chapitre, il porte : «
Si » quis dixerit, episcopos, qui auctoritate romani ponli-»
ficis assumuntur, non esse legitimos, et veros epis-» copos, sed
figmentum humanum : anathema sit. »
X. Ainsi donc Jésus-Christ fut le véritable auteur
du sa-cremenl de l'ordre et il a investi du pouvoir de l'exeiccr ses apôlres
ei leurs successeurs, en leur donnant celui de consacrer et d'offrir le
sacrement de l'autel par ces paroles : « Hoc faciteinmeam'commemorationem,
» (Luc. xxn. 19.) ainsi que la faculté d'absoudre les péchés
par celles-ci :
540
TRAITÉ
«; Accipite Spiritum Sanctum j quorum remiseritis pec-»
cala, remittuntur eis : et quorum retinueritis, retenta » sunt, »
(Jo. xx. 23.)
Chap. II.—Des sept ordres.
XI. Dans le chapitre 2 il est dit que le ministère du saint
sacerdoce étant une chose divine, il fut convenable que dans l'Église
il y eût plusieurs ordres de ministres qui servissent et aidassent
les prêtres, c'est-à-dire les tonsu-rés , les ordres
mineurs et les ordres majeurs, comme il en est fait mention dans les Écritures.
Personne n'ignore que, dès les premiers temps de l'Église,
on exerça les ordres particuliers de sous-diacre, d'acolyte, d'exorciste,
de lecteur et de portier, comme en font souvent mention les Pères
et le sacré concile lui-même ; bien qu'ils ne soient pas tous
égaux, puisque le sous-diaconat est compté parmi les ordres
majeurs par les Pères et les conciles, lesquels font aussi très-souvent
mention des autres ordres inférieurs : « Cum autem divina
res sit tam sancti sacer-» dolii ministerium, consentaneum fuit,
quo dignius, et » majori cum veneratione exerceri posset, ut in Ecclesiae
» ordinatissima dispositione plures et diversi essent mi-»
nostrorum ordines, qui sacerdotio ex officio deservirent; » ita distributi,
ut qui jam clericali tonsura insigniti essent » per minores ad majores
ascenderent : nam non solum » de sacerdotibus, sed et de diaconis
sacrae litterae apertam » mentionem faciunt ; et quae maxime in illorum
ordi-» natione attendenda sunt, gravissimis verbis docent, ei »
ab ipso Ecclesiae initio sequentium ordinum nomina , » atque unius
cujusque eorum propria ministeria, sub-» diaconi scilicet, acolythi,
exorcistae, lectoris, et ostiarii,
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
541
» in usu fuisse cognoscuntur, quamvis non pari gtadu; »
nam subdiaconatus ad majores ordines a Patribus, et » sacris conciliis
refertur, in quibus, et de aliis interio-» ribus, frequentissime
legimus. »
XII. Au chap. n correspond le can. 2, où il est dit :
« Si quis dixerit, praeter sacerdotium non esse in Ecclesia »
catholica alios ordines et majores, et minores, per » quos, velut
per gradus quosdam, in sacerdotium ten-» datur : anathema sit. »
XIII. Tous les ordres ecclésiastiques majeurs et mineurs
se rapportent à la confession, administration et consé-cration
de la sainte eucharistie, c'est à cette fin qu'ils ont tous été
institués, comme l'enseigne S. Thomas, et c'est pourquoi l'ordre
se définit : « Ordo est ritus sacer quo » spiritualis
potestas confertur ad ea, quae ad eucharistiae » confeclionem et
dispensationem pertinent. »
Pierre Soave prétend que beaucoup trouvèrent étrange
celte déclara lion du concile que les ordres mineurs n'é-taient
que des degrés vers les supérieurs, et tous des degrés
vers la prêtrise ; car, dit-il, anciennement plusieurs clercs restaient
dans ces ordres et ne passaient pas à la prêtrise. On répond
que le concile ne dit pas que les ordres majeurs et mineurs ne sont que
de purs degrés au sacerdoce, mais qu'il dit que dans l'Eglise il
y avait plusieurs ordres mi-neurs et majeurs par lesquels comme par certains
degrés on arrivait au sacerdoce. D'où il ne s'ensuit pas
que plusieurs ne pussent rester dans les grades inférieurs.;
542
TRAITE
Cbap III. — Où il est enseigné que l'ordre est im véritable
sacrement.
XIV. Dans le ehap. m le concile déclare que l'ordre est
un véritable sacrement, comme cela est prouvé par l'Ecri-ture,
par la tradition et par le sentiment uniforme des Pères. Il dit
encore que, par l'ordination sacrée, avec l'emploi de la parole
et des signes extérieurs, la grâce est conférée
aux ordonnés ; d'où on ne peut douter que l'ordre soit un
des sept sacremens, comme nous l'atteste l'apôtre dans
ces paroles qu'il adresse à Timothee : « Admoneo le
ut resuscites gratiam Dei quae est in te » per impositionem manuum
mearum , etc. ? (2. Tim. 1. et 6. ) « Cum scripturae testimonio,
apostolica traditione, » et patrum unanimi consensu perspicuum sil,
per sacram » ordinationem, quœ verbis et signis exterioribus perfi-»
cilur, gratiam conferri : dubitare nemo debet, ordinem » esse vere
et proprie unum ex septem sanct&e Ecclesiae » sacramentis; inquit
enim apostolus : Admoneo le, ut » resuscites gratiam Dei, quae est
in le per impositionem » manuum mearum ; non enim dedit nobis Deus
spiritum » timoris, sed virtutis, et dilectionis, et sobrietatis.
»
XV. A ce cbap. m correspond le can. 5 et 5. Le can. 5 porte :
« Si quis dixerit, ordinem, sive sacram ordina-» tionem, non
esse vere et proprie sacramentum a Christo » Domino institutum, vel
esse figmentum quoddam hu-» manum excogitatum a viris rerum ecclesiasticarum
im-» peritis; aut esse tantum ritum quemdam eligendi mi-»-nistros
verbi Dei, et sacramentorum : anathema sit. »
XVI. Dans le can. 5 il est dit : « Si quis dixerit, sacram »
unctionem, qua Ecclesia in sacra ordinatione ulilur, non
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
» tanlum non requiri, sed contemnendam et perniciosam »
esse, similiter et alius ordinis caeremonias : anathema » sit. »
XVII. Que l'ordre soil un véritable sacrement, il ne peut
s'élever là-dessus le moindre doute puisqu'il n'y manque
aucune des conditions requises : 1° le signe sen-sible qui est ici
l'imposition des mains (et aussi suivant d'autres la tradition des insluimens)
avec la forme qui est l'oraison que prononce l'évêque, comme
il est dit dans les actes, de l'ordination des diacres : « Orantes
imponenies-» que eis manus, dimiserunt illos. » (Aclor. ???.
3.) Et de même pour l'ordination de Paul et de Barnabe. (Aclor. xiH.
5.) 2° La promesse de la grâce, comme nous l'atteste l'apôtre
qui, écrivant à Timothee, dit : « Noli »> negligere
gratiam, quae in te est, quae data est tibi per » prophetiam cum
impositione manuum presbyterii. » (1. Tim. iv. 14.) Et puis S. Jean
rapportant ces paroles du Sauveur : « Accipite Spiritum Sanctum :
quorum re-» miseritis peccata, etc. » o° L'institution
divine, comme on la lit dans les Actes (xm. 2.) : « Ministrantibus
au-» lem illis Domino, et jejunanlibus, dixit illis Spiritus »
sanctus: Segregate mihi Saulum et Barnabam, in opus, » ad quod assumpsi
eos. Tunc jejunanles et orantes, im-» ponentesque eis manus, dimiserunt
illos.
XVIII. Pour ce qui est de la matière de ce sacrement, les Grecs
n'en ont jamais assigné qu'une, l'imposition des mains; mais parmi
les Latins il y a eu diverses opi-nions. Les uns veulent que la matière
consiste dans la tradition des inslrumens ; que les paroles de l'évêque
qui l'accompagnent soient la forme et que l'imposition des mains ne soil
que la matière accidentelle. D'autres veu-lent que la matière
essentielle soit la seule imposition des
544
TRAITE
mains avec la prière de l'évêque qui en est la
forme, et que la tradition des instrumens avec les prières qui y
sont jointes ne soient que la matière et la forme adventices accidentelles
ou intégrantes pour exprimer plus aniple. ment les effets du pouvoir
conféré. La troisième opinion est celle qui, pour
matière, requiert l'une avec l'autre et l'imposition des mains et
la tradition des instrumens comme étant toutes deux parties essentielles
du sacrement avec les oraisons annexées qui en sont la forme. Dans
la pratique c'est cette dernière opinion qu'il faut suivre. Du reste
, l'opinion pour nous la plus probable est la seconde, savoir que l'imposition
des mains est la seule matière essentielle, comme cela se prouve
par les paroles de l'Ecri-ture déjà rapportées : «
Tunc jejunantes et orantes, impo-» nenlesque eis ( c'ésl-à-dire
à Paul et à Barnabe) ma-ii nus, dimiserunt illos. (Aclor.
xin. S.)Noli negligere » gratiam, quae in le est, quae data est tibi
per prqphe-» dam,cum impositione manuum presbyterii. (l.Tim. »
iv. 14.) Admoneo te, ut ressuscites gratiam Dei, quae » est in
te, per impositionem manuum mearum. » (2. Tim.
i. 6.) Et S. Ambroise : « Homo imponit manum, » Deus largitur
gratiam. » (De dignit. sacerdot.) Tour-nely (tom. 2, de Sacram, p.
550 et seq.) a recueilli là-dessus de nombreuses sentences des saints
Pères et dit que même dans l'Église latine, avant le
dixième siècle, on n'usait que de la seule imposition des
mains. Bellarmin suit la même opinion, et Maldonal (de Ordine, p.
1. qu. 5.) va jusqu'à dire que cette opinion est de foi. Estius
dit (in 4. sent. dist. 24.) que ceux-là sont dans l'erreur qui veulent
confondre l'imposition des mains avec l'action de présenter les
inslrumens. Ainsi d'après notre opinion la seule imposition est
la matière de l'ordre, et la forme
COHTBE tES HÉRÉTIQUES.
est l'oraison par laquelle l'évêque invoque l'Esprit Sainl.
Quoi donc, répliquent nos adversaires, les paroles de l'évê-que
par lesquelles il transmet le pouvoir de sacrifier : « Accipe potestatem
offerre sacrificium, etc., » et d'absou-dre les péchés
: « Accipe Spiritum Sanctum, quorum » remiseris peccata, remittuntur
eis, etc., » ne sont point les formes du sacrement? Non, répondons-nous;
mais ce sonl des déclaralions que fait l'évêque du
double pouvoir conféré par l'imposition des mains et l'oraison
qui l'ac-compagne.
XIX. Du reste, on doit, tout balancé, suivre la troi-sième
opinion que dans l'ordination des prêtres et des diacres il soit
nécessaire à la fois d'imposer les mains et de faire la tradition
des inslrumens ; elle est d'ailleurs con-firmée par ce qui est dit
dans le décret d'Eugène IV : « Sextum (sacramentum)
est ordinis, cujus materia est » illud per cujus traditionem confertur
ordo. » L'Église latine pratique la tradition des înslruinens,
au moins depuis 600 ans comme on le voil dans l'ordinaire romain et dans
d'aulres riluels. Merlin écrit : « Si conjecturis locus »
est, anni sunt septingenli circiter, cum initium huic » addilamenlo
factum est. » Et re P. Maftenne : « Hanc » instrumentorum
traditionem praesentiam reperi in pon-» lificali Radbodi noviomensis
episcopi ab annis octin-» geniis. » Mais tout cela n'en prouve
que mieux que la tradition n'esl pas essentielle, puisque, pendant le cours
de Iant de siècles antérieurs, on n'en trouve aucune men-tion
, ni aucune déclarulion que le défaut de celle tradition
ait invalidé une ordination. Et il paraît que le concile de
Trente a lui-même adhéré à cette opinion, car
dans la session 14 au chap. 5, en expliquant quels sonl les mi-nistres
de l'cxlrôme-onction, il dit que ce sonl » sacerdotes ???
35
S46
TRAITÉ
» ab ipsis (episcopis) ri le ordinati per impositionem ma-
» nuum presbyterii » qui est la seconde imposition des
mains que fait l'évêque dans la messe d'ordination, alors
qu'avec trois autres prêtres il étend les mains sur les
ordinans.
XX. C'est ainsi que nous lisons dans les actes que les diacres
furent ordonnés par les apôtres : « El orantes im-posuerunt
eis manus (act. 6. 6). C'est pourquoi nous disons que le sous-diaconat
n'est pas un sacrement, puis-que dans l'ordinalion des sous-diacres, on
ne fait point l'imposition des mains, comme semble l'avoir assez mo-tivé
Urbain II dans le concile de Bénévent, lorsqu'il dit : «
Super his solis (scilicet sacerdotibus et diaconis) prae-» ceplum
apostolicum habemus. » El là dessus, Juénin (De sacr.
ord. qu. 4 concl. 5 p. 438) écrit que pendant douze siècles,
dans l'Église latine, le sous-diaconat n'a pas été
compté parmi les ordres majeurs, comme aujour-d'hui même par
les Grecs.
XXI. Chemnice objecte que les apôtres imposaient les mains
à ceux qu'ils ordonnaient, non pour leur conférer un sacrement,
mais en signe de recommandation à Dieu. Mais Bellarmin répond
que les Actes des Apôtres , au chap. 6, distinguent fort bien l'oraison
de l'imposition des mains; et cela est encore plus clairement exprimé
dans ce passage de l'épître première à Timothee
(v. 22 ), où on lit : « Nemini cilo manus imposueris, neque
communi-» caveris peccatis alienis. » On ne peut dire «
communi-» care peccatis alienis » de celui qui prie pour un
autre, quelqu'indigne qu'il soit, mais seulement de celui qui ordonne un
indigne. Chemnice dit encore que dans l'Écri-ture on trouve la promesse
de la grâce faite aux ordonnés, mais non celle de la grâce
justifiante comme doit la donner
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
647
tout sacrement. Bellarmin répond de nouveau que, quand Jésus-Christ
donna à ses apôtres le pouvoir de remettre les péchés
qui est une partie du sacerdoce, il leur dit : « Acci-« pite
Spiritum Sanctum : » or, il est certain que> dans l'Écriture,
celte expression Esprit-Saint ne désigne jamais un don que n'accompagnerait
pas la grâce justifiante, et qui pourrait exister avec le péché.
XXII. Au contraire, nous pourrions dire justement, avec Bellarrain
et Juénin à l'endroit cité (concl. 6.), que
l'épiscopat est un véritable sacrement (contre l'opinion
d'autres qui disent qu'il n'est qu'une extension du sacer-doce) puisque
nous avons pour l'épiscopat, d'abord l'ins-titution divine dans
ces paroles : « Posuit episcopos regere * Ecclesiam Dei ; »
nous avons ensuite le rite sensible par lequel l'apôtre dit lui-même
que Timothee fut ordonné évêque; « Admoneo te,
ut resuscites gratiam, quae data « est tibi per impositionem manuum
mearum (II. Tim. XLI. 6. ), » lesquelles paroles renferment aussi
la promesse de la grâce.
Chap. IV___De la hiérarchie ecclésiastique et de l'ordination.
XXIII. Dans ce chap. 4, le concile dit que, comme il est certain que
le sacrement de l'ordre imprime un caractère, il condamne ceux qui
prétendent que les prêtres du nou-veau Testament ne reçoivent
qu'un pouvoir temporaire, en sorte qu'ils redeviennent laïques s'ils
cessent d'exercer le ministère delà prédication. Comme
aussi il condamne ceux qui avancent que tous les chrétiens sont
prêtres, ou que tcus les prêtres ont le même pouvoir,
confondant les degrés de la hiérarchie ecclésiastique,
contre ces paroles de S. Paul : « Non omnes apostoli etc. »
II déclare de plus
35.
548
TRAITE
que, oulre les grades ecclésiastiques, les évêques,
comme successeurs des apôlres, appartiennent principalement à
cet ordre hiérarchique, ayant été préposés
par le Saint-Esprit pour régir l'Église de Dieu; que par
là, ils sont supérieurs aux prêtres, et peuvent conférer
les sacremens de la confirmation et de l'ordre, et faire plusieurs autres
choses interdites à leurs inférieurs. Le concile déclare
enfin, que dans l'ordination, tant des évêques que des autres
ordres, l'autorité du peuple ou de tout autre pouvoir sé-culier
n'est point requise essentiellement, et que tous ceux qui, par leur propre
autorité , s'ingéreraient de s'é-lever aux ordres,
seraient des larrons, parce qu'ils ne seraient point entrés par
la porte. Voici les paroles du concile : « Quoniam vero in sacramento
ordinis, sicut in » baptismo et confirmatione, character imprimitur,
qui » nec deleri, neque auferri potest; merito sancta synodus »?
damnat eorum sententiam, qui asserunt novi Tesla-» menti sacerdotes
lemporariam tantum modo potestatem » habere; et semel riie ordinatos,
iterum laicos effici » posse, si verbi Dei ministerium non exerceant.
Quodsi » quis omnes christianos promiscue novi Testamenti sacer-»
dotes esse, aut omnes pari inîer se potestate spirituali »
prœdilos affirment; nihil aliud facere videtur, quam » ecclesiasiicam
hierarchiam, quae est ul castrorum acies » ordinata confundere; perinde
ac si, contra B. Pauli » doctrinam, omnes apostoli, omnes prophetae,
omnes » evangelistae, omnes pastores, omnes sint doctores. »
Proinde sacrosancta synodus declarat prœter casteros » ecclesiasticos
gradus, episcopos, qui in apostolorum » locum successerunt, ad hunc
hierarchicum ordinem » prcecipue pertinere, et positos sicut idem
apostolus ait, » Spiritu Sancto, regere Ecclesiam Dei : eosque presbyteris
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
549
» superiores esse, acsacramentumconfirmationisconferre, »
ministros ecclesiae ordinare; alqueilla pleraque peragere » ipsos
posse, quarum functionum potestatem reliqui in-» ferions ordinis
nullam habent. Docet insuper sacro-» sancta synodus, in ordinatione
episcoporum, sacer-» dotum, etcselerorumordinum , nec populi, neccujusvis
» secularis potestatis et magistratus consensum, sive vo-»
cationem, sive auctoritatem ita requiri, ut sine ea irrita » sit
ordinatio: quin potius decernit, eos, qui tanlum-» modo a populo,
aut scculari potestate, ac magistratu » vocati et instituti ad haec
ministeria exercenda ascendunt, » et qui ea propria temeritate sibi
sumunt, omnes non » ecclesias minislros, sed .fures, et latrones
per ostium » non ingressos, habendos esse. »
XXIV. Au chap. 4 correspondent les can. 4, 6 et 7. Le can. 4
porte : « Si quis dixerit per sacram ordinatic-» nem non dari
Spiritum Sanctum ; ac proinde frustra » episcopos dicere : accipite
Spiritum Sanctum; aut per » eam non imprimi characterem; vel eum
qui sacerdos » semel fuit, laicum rursus fieri posse : anathema sit.
XXV. Dans le can. 6. il est dit : « Si quis dixerit, in
» Ecclesia catholica non esse hierarchiam divina ordina-» lione
institutam, quae constat ex episcopis, presbyteris, » et ministris
: anathema sit. »
XXVI. Dans le can. 7. on Iit : « Si quis dixerit, epis-»
copos non esse presbyteris superiores, vel non habere » potestatem
confirmandi et ordinandi; vel eam, quam » habent, illis esse
cum presbyteris communem ; vel » eam, vel ordines ab ipsis collatos
sine populi, vel po-» teslatis secularis consensu, aut vocatione,
irrilos esse; » aut eos, qui nec ab ecclesiastica et canonica potestate
» rite ordinati, nec missi sunt, sed aliunde veniunt, legi-
5ëO
TRAITÉ
» timos esse verbi, et sacramentorum ministros : ana-»
thema sit. »
XXVII. Pierre Soave se révelte contre ce mot de hié-rarchie,
sous lequel le concile comprend tous les ordres et grades ecclésiastiques,
et là-dessus il dit : « Le mot hiérar-» chie
est une expression étrangère, pour ne pas dire con-»
traire aux saintes Écritures et à l'usage de l'Église
» ancienne : elle a été inventée par un homme
( c'est Denis » l'Aréopagite qu'il veut dire) qui, sans doute,
estancien » aussi, mais dont on ne sait guère, ni qui il fut,
ni à » quelle époque il vécut ; au demeurant,
écrivain am-» poule, et dont cette expression, pas plus que
les autres » qu'il a inventées, n'a été employée
par aucun auteur de » la même antiquité. Or, pour suivre
la façon de parler » de Jésus-Christ et des apôlres,
ce n'est point hiérarchie » qu'il fallait dire, mais hiérodiaconie
ou hiérodulie. » Puis il ajoute: « Pierre-Paul Vergerius,
dans la Valleline, faisait » le sujet de ses prédications
de ces objections, et d'autres » encore contre la doclrine du concile.
»
XXVIII. Soave s'appuie ici de Vergerius, un hérétique
! homme qui avait à peine une teinture des lettres, mais, plein
d'audace, comme on le voit par ses livres, dont il n'est personne qui ne
soit révolté. Au reste, le mot hiérarchie fut justement
employé par S. Denis, qui en fit même le litre d'un de ses
principaux ouvrages qui fut généralement estimé des
savans. Quelques-uns ont douté que l'auteur de ce livre fût
véritablement S. De-nis l'Àréopagite, mais on trouve
des preuves nombreu-ses de cette authenticité, dans les saints Pères
et les conciles. S. Grégoire, dans son homélie 34, le nomme
Y antique et vénérable Père, et cite cet ouvrage,
comme ve-nant de lui ; autant en fit S. Martin, pape, dans le concile
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
551
de Rome ; S. Agalhon, dans l'épître à Constantin
IV, em-pereur; Nicolas I, dans son épître à l'empereur
Michel ; le sixième synode général, dans son acle
4 ; le septième synode dans son acte 2. De plus, S. Maxime, moine,
et S. Tho-mas oni commenté cet, ouvrage dé S. Denis. Mais,
quand bien même ce livre ne serait pas en effet de ce saint, il suffirait
de l'estime qu'en a témoigné l'Église, pendant tant
de siècles, pour que le concile ne répugnât pas à
adopter une expression aussi juste, aussi appropriée à sa
pensée. S. Maxime, 900 ans avant le concile, daus ses commentaires
sur S. Denis, a discouru spécialement sur celle matière;
S. Bonaventure, 300 ans avant le concile, a écrit là-dessus
un traité avec ce titre de hiérarchie, et Jean Scoi emploie
la même expression dans la défìnilion qu'il donne de
l'ordre, en disant qu'il est le pouvoir de mettre à exécution
tout acte spirituel dans la hiérarchie ecclé-siastique.
XXIX. Soave voulait que dans le mot hiérodiaconie, qui signifie
le corps des diacres dans l'Église, s'entendît de tout l'ordre
ecclésiastique, disant qu'il serait plus con-forme à l'humble
façon de parler de Jésus-Christ et de l'Église. Mais
nous voyons dans l'Écriture elle-même l'ordre du diaconat
placé en troisième rang après les prêtres et
les évêques ; comment donc le concile eût-il pu se servir
du mol hiérodiaconie, en parlant de l'ordre en-tier ecclésiastique,
composé des évêques , des prêtres et des diacres,
sans confondre la partie inlérieure avec les deux supérieures?
Mais, Soave blâme bien injustement"le concile d'avoir employé
ce mot hiérarchie (qui signifie principauté), à cause
qu'il serait contraire au langage de Jésus-Christ et de l'Écriture
: car, en condamnant ainsi cette expression de principauté, il devait
en même temps
TRAITÉ
condamner la plupart àes saints Pères, S. Cyrille d'A-lexandrie,
S. Jérôme, S. Hilaire, S. Augustin, S. Gré-goire, Bède,
et autres, qui appellent les pontifes et les évêques princes
de l'Église. El quand Soave dit que le concile ne devait pas se
servir d'une expression qu'aucun autre concile n'avait employée,
à part les autres réponses qu'on peut lui faire, il aurait
dû savoir que dans le huitième synode, en deux endroits (actes
6 et 10), on a fait usage de ce mot : dans, l'acte 6, on appelle Nectaire,
Ambroise et Nicephore, mémorables hiérarches, et dans l'acte
10 auchap. 14, le nom d'hiérarchique donné aux anges, est
aussi appliqué aux évêques de l'Église.
XXX. Mais, laissons là les absurdités de Soave, et voyons
les objections que font les hérétiques, aux choses enseignées
dans ce chap. 4 du concile. Ils disent en pre-mier lieu, comme nous l'avons
déjà rapporté, que tous les chrétiens sonl
prêtres selon le texte de S. Pierre : « Vo-» autem genus
electum regale sacerdotium, gens sancta, etc. (I. Petr; II. 9.) Mais on
répond que dans cet endroit les laïques sonl improprement appelés
prêtres, parce que c'esl improprement qu'on dit qu'ils sacrifient,
en offrant à Dieu leurs louanges, leurs prières et leurs
bonnes œuvres. Ypici comme tout cela est clairement expliqué par
S. Au-gustin : « Episcopi et presbyteri pioprie vocantur sacer-»
doies ; sed sicut omnes christiani dicuntur propter mys· »
ticum chrisma; sic omnes sacerdotes, quoniam membra » sunt unius
sacerdotis, de quibus apostolus dixit : regale » sacerdotium (lib.
20. De civil. Dei. e. 10). ? Gela se prouve encore parces paroles du Seigneur
à ses apôtres : « Hoc facile in meam commemorationem.
» (Lucxxii.) Donc, tous les chrétiens ne sont pas prêtres.
Nons avons encore l'exemple de S. Paul et S. Barnabe qui, ordonnés
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
553
évêques par les apôtres dans Antioche, ordonnèrent
plu-sieurs prêtres : « Et cum constituissent illis per singulas
» ecclesias presbyteros, et orassent cum jejunalionibus, »
commendaverunt eos Domino in quem crediderunt. » (Act. xiv. 22.)
Tous les fideles ne sont donc pas prêtres.
XXXI. Les hérétiques disent, en second lieu , que les
évêques et les prêtres sont totalement égaux
: erreur, puis-que les évêques, de droit divin, sont supérieurs
aux prê-tres , en leur qualité de successeurs des apôtres,
tant pour le pouvoir de l'ordination que pour la juridiction, selon la
tradition apostolique et le témoignage de S. Léon et de S.
Grégoire, S. Jérôme écrit : « Quid facit
episcopus, ex-» cepta ordinatione, quod non facit presbyter?»
Voilà donc l'évêque supérieur au prêtre,
au moins quant à l'ordination. Pour la juridiction, nous avons ce
passage de S. Paul, dans son épître à Timothee : «
Adversus pres-byterium accusationem noli recipere, nisi duobus aut »
tribus testibus. » (I. Tim. v. 19.) Aélius fut le premier
qui émit cette opinion erronée, que les prêtres étaient
égaux aux évêques; et pour cela, il fut compté
au nom-bre des hérétiques par S. Augustin. (De liserés,
cap. 53.) L'opinion contraire est exprimée par S. Ignace, martyr,
S. Cyprien, S. Jérôme. Elle l'est également par S.
Clé-ment (Epist. 4. ad fratrem Dom.), où on lit : «
Epis-» copos vicem apostolorum gerere, discipulorum prefeby-»
teros. » S. Épiphane (Hœres. 75) écrit : « Episcopum
et » presbyterum aequalem esse, quomodo erit possibile? » S.
Ambroise (cap. 5. in ep. 1. ad Tim.) dit : « Posl epis-copum diaconi
ordinationemsubjicit, quare? nisi quia » episcopi et presbyteri una
ordinatio est, sed episcopus » primus est, ut omnis episcopus presbyter
sit, non ta-
S54
TRAITE
» men omnes presbyteri episcopi. » Le concile de Trente,
comme nous l'avons déjà noté, condamne, dans le can.
7, ceux qui disent : « Episcopos non esse presbyteris supe-sriores;
vel eam (potestatem) quam habent, illis esse » cum presbyteris communem.
» El dans le chap. 4 même il paraît déclarer expressément
que cela est de droit divin.
XXXII. On objecte en premier lieu que l'Écrituie ne fait pas
de distinction des évêques et des prêtres ; d'où
il faut conclure] qu'ils sont égaux. Nous ne nions pas que, quanta
offrir le sacrifice eucharistique, et à quelques au-tres fonctions,
les évêques et les prêtres ne diffèrent en rien
; et c'est quant à ces choses qu'ils sont confondus dans l'Écriture,
mais non pour ce qui est de l'ordination et de la juridiction. On objecte
en second lieu que S. Jé-rôme écrit expressément
que le prêlre est autant que l'é-vêque ·. «
Idem presbyter qui episcopus. » Nous répon-drons, 1° que
ces mots ne se trouvent pas dans les œu-vres du saint, de l'édition
de Rome et de Cologne, mais seulement dans celle de Bàle, qui reçut
plusieurs correc-tions d'Erasme, de Roleidam. 2° Nous dirons avec Jué-nin
(De sacr. ord.) que les prêtres de l'Église primitive recevaient
en acte second, c'est-à-dire en pratique, le pouvoir d'exercer la
juridiction des évêques; mais, en première action,
elle appartenait tout entière aux évêques. Les luthériens
eux-mêmes n'accordent pas à tous leurs prê-tres ou ministres,
comme ils les nomment, le pouvoir d'ordonner, mais seulement à ceux
qu'ils appellent surin-tendans; bien qu'un d'eux, Lomer, dise qu'ils ne
recon-naissent pas de prêtres, et il parle juste, car ils ne peu-vent
se vanter d'avoir parmi eux d'évêques légitimement
ordonnés.
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
555
XXXIII. Quant à savoir ensuite si les simples prêtres
peuvent, par dispense, donner les ordres mineurs, comme on dit que quelques
abbés religieux en ont le privilège, c'est une question.
Du reste, il est certain, comme nous l'avons vu plus haut dans le chap.
4 et le can. 7 , que le concile déclare que le ministre de l'ordre
est l'évêque; et cela est confirmé par la tradition
de tous les temps· Aussi, ce n'est pas sans raison que Juénin
(De sacr. ord. qu. 4. in fin. concl. 2. p. 449.) lient pour certain que
le sim-ple prêtre ne peut être le ministre, même extraordinaire,
de l'ordre.
XXXIV. On objecte, 1° que, dans le premier concile de Nicée,
et particulièrement dans l'épître adressée à
l'Église d'Alexandrie, il est dit que le pouvoir ordinandi et eos
qui clero digni fuerint nominandi, élait accordé aux prêlres
qui n'avaient pas adhéré au schisme de Mélèces.
Tournely répond (pag. 363, in fin.) que ce pouvoir n'était
pas ce-lui d'ordonner les minisires de l'Église, mais seulement
d'approuver et de confirmer, par leur suffrage, l'éleclion du peuple,
sans attendre l'approbation des autres mem-bres du clergé ; et il
ajoute qu'il regarde comme faux ou altéré le can. 13 du concile
d'Ancyre, où il serait dit : « Non » licere nec presbyteris
civitatis ordinare sine litteris epis-» copi in unaquaque parochia;
» et qu'on doit lire: « Sed » nec presbyteris civitatis
sine lii Ieris episcopi in unaquaque » parochia aliquid agere, »
interprétation conforme à la discipline antique, laquelle
interdisait aux prêlres l'exer-cice de leur propre ministère
en présence de l'évêque, si-non par ses ordres.
XXXV. On objecte, 2° qu'Eugène IV, dans son décret
adressé aux Arméniens, dit que l'évêque est
le ministre ordinaire du sacrement de l'ordre ; d'où on conclut
que
556
TRAITÉ
les prêtres peuvent être ministres extraordinaires. On
ré-pond que, par ces paroles, le pontife n'a point voulu af-firmer
que les prêlres pussent être les minisires extraordi-naires
de l'ordre.
XXXVI. On objecle , 5o qu'Innocent VIII, en 1489, donna la faculté
à l'abbé de Cileaux de conférer le diaconat et le
sous-diaconal à ses moines ; et Vasquez (in 5. P. S. Th. Disp.245.
cap. A) atlesle qu'il a vu celle bulle, qui est conservée dans leur
collège de Alcala de Henares. Mais l'exis-tence de celle bulle a
élé mise en doulepar S. Thomas, Syl-"v'ius, Navarre el autres
; et Tournely (pag. 368) dil que nulle part on ne (rouve un autre exemplaire
de celle bulle, pas même dans le Bullaire; de plus, que, dans la
supplique de l'abbé, il n'est articulé aucune autre demande
que celle de renouveler leur privilège de pouvoir ordonner leurs
moines de la première lonsureel des ordres mineurs; d'où
il suivrait que tout le resle esl faux ; d'autant plus que le concile de
Trente (sess. 23. cap. 40. de reform.) défend aux abbés de
conférer la première tonsure et les ordres mineurs à
d'autres qu'à leurs moines.
XXXVII. On oppose l'axiome : « Qui potest majus, ??-? lest
et minus. » Or, le prêtre peut consacrer l'Eucha-ristie; il
peut remettre les péchés, qui sont choses plus grandes ei
plus élevées que l'ordre. Pourquoi donc ne pourrail-il pas
ordonner? 11 faut ici distinguer : qui peut le plus, peut aussi
le moins, dans le même génie ou le même ordre.
Par exemple, qui peut absoudre les péchés plus graves , peut
aussi absoudre les plus lé-gers ; mais cela n'arrive pas quand le
genre des choses change : certainemeni c'est une plus grande chose de re-met
ire les péchés que de ressusciter les morts; mais, avec cela,
les prêlres n'ont pas le pouvoir de ressusciter. El, en
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
557
parlant même des choses de môme genre, le simple prê-tre
peut absoudre les péchés, mais non les péchés
ré-, serves.
XXXVIII. En outre, à la fin de ce même chap. 4, le concile
dit que, pour l'ordination des ministres sacrés, « Nec populi,
nec cujusvis secularis potestatis, et magis-tratus consensum, sive vocationem,
sive auctoritatem » ita requiri, ut sine ea irrita sit ordinatio
: quin potius » decernit, eos qui tantummodo a populo, aut seculari
» potestate, ac magistratu vocati, et instituti, ad haec »
ministeria exercenda ascendunt, et qui ea propria te-» meritate sibi
sumunt, omnes non Ecclesias ministros, » sed fures et latrones per
ostium non ingressos habendos » esse. »
La vocation extraordinaire est celle par laquelle Dieu ordonne immédiatement,
comme fut celle de S. Paul; l'ordinaire est celle qui règle les
supérieurs qui régissent l'Église, comme sont le pape
et les évêques; d'où il suit que la religion enseignée
par Luther et Calvin est certai-nement fausse, puisque ces promulgateurs
l'ont enseignée sans vocalion ordinaire ni extraordinaire. Les luthériens
veulent que l'on reçoive la vocalion de minislre de la re-ligion
du suffrage du peuple et de l'autorité du magistrat. Mais leur erreur
est palpable, parce que de tels ministres doivent êlre appelés
de la même manière que Jésus-Christ appela ses disciples,
et leur donna mission de fonder son Église , sans recours à
aucun consentement du peuple ou du magistrat. Nulle part on ne lit qu'un
prêtre ait jamais été ordonné par un autre que
par un évêque. S. Clément (dansle can. 1 ) dit : «
Presbyter ab uno episcopo ordine-» lur. » Et S. Arnbroise (in
cap. S. ep. 1. ad Tim.) écrit : « Neque enim fas erat, ut
inferior ordinet majorem ; nemo
S58
TRAITÉ
» enim tribuit, quod non habet. » Aussi le Seigneur dit
à ses disciples, en leur ordonnant de propager la foi, et leur donnant
le pouvoir de consacrer les évêques et les prêtres :
« Sicut misit me pater, et ego mitto vos. » ( Jo. xx. 21.)
XXXIX. Il est vrai que, dans les premiers temps, le peu-ple assistait
à l'élection des ministres; mais c'était là
une concession purement gratuite, comme aujourd'hui encore quelques laïques
jouissent du privilège de nommer ou pré-senter à certains
bénéfices ecclésiastiques ; mais ils n'ont jamais
pu eux-mêmes instituer ni ordonner. Aussi, quand le peuple assistait
aux élections, il n'y faisait rien de plus que d'attester hautement
la moralité des ordinans, selon ces paroles de l'apôtre :
<v Oportet illum et testimonium » habere bonum ab iis qui foris
sunt. » (I. Tim. HI. 16.) Et, de fait, ce sérail un véritable
désordre de voir les bre-bis se choisir leur pasteur.
§ I«. Du célibat pratiqué dans l'Église
par les clercs qui ont reçu les ordres majeurs.
XL. Luther et tous les novateurs, improuvent l'Église, en ce
qu'elle oblige ceux qui reçoivent les ordres majeurs an célibat.
Us soutiennent qu'il est impossible à des hommes sains, d'observer
le célibat, sans un vrai miracle, et de là ils concluent
que le mariage est nécessaire à tous, et que la continence
obligée des ecclésiastiques est cause de mille désordres
et de mille crimes. Mais, quoi qu'en disent ces nouveaux maîtres
dans la foi, il n'en restera pas moins certain que le célibat est
un état plus parfait. El si le calviniste Picénin demande
comment on peut prouver que le célibat soit plus parfait ? nous
le prouverons d'abord
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
5S9
avec S. Paul (I. cor. vu. ), lequel conseille à tous ceux qui
sont continens d'embrasser l'état du célibat; comme il l'avait
fait pour lui-même. « Volo enim omnes vos esse » sicut
me ipsum. Dico autem non nu plis aut viduis, » bonum est illis, si
sic permaneant, sicut et ego : quod » sise non continent nubant.
» (Ibid. f. 8 et 9.) Et puis il ajoute : « Solutus es ab uxore?Noliqucerere
uxorem. » Puis encore au verset 35, il déclare de nouveau,
que l'état conjugal est bon, mais que le célibat est meilleur
: « Igi-» luretqui matrimoniojungitvirginemsuam, benefacit,
» et qui non jungit, melius facit. »
XLI. La raison vient également démontrer l'excellence
du célibat. Le même apôtre dit que celui qui est lié
à une femme, ne peut moins faire que de s'occuper des choses du
monde, et de s'employer pour plaire à son épouse, et ainsi
son cœur se trouve divisé entre le monde et Dieu ; au lieu que celui
qui n'a point de femme n'est attentif qu'à plaire à Dieu,
et ainsi son cœur n'est point divisé, mais est tout à Dieu
: « Qui sine uxore est sollicitus est quae Do-» mini sunt,
quomodo placeat Deo; qui autem cum uxore » est, sollicitus est quae
sunt mundi, quomodo placeat » uxori et divisus est. » (Ibid.
f. 53.) L'apôtre termine en disant qu'il ne prétend obliger
personne au célibat, mais qu'il le conseille à ceux qui veulent
servir Dieu sans empêchement, avertissant par là que les gens
mariés ont mille empêchemens à servir Dieu comme ils
le voudraient.
XL1I. Si donc le célibat convient à tout séculier
qui veut se donner entièrement à Dieu, et le servir sans
em-pêchement, combien plus convient-il aux prêtres qui, par
état, doivent être tout entiers à Dieu , et leut occupés
des choses qui se rapportent à sa gloire? Les prêtres et lévites
560
TRAITÉ
de l'ancienne loi devaient, pendant l'année où ils servaient
au temple, se tenir séparés de leurs femmes, et Dieu punit
les fils d'Hélie pour avoir manqué à ce précepte:
or, combien n'est-il pas plus juste que les prêtres de la nou-velle
loi, qui sont assignés pour le sacrifice de l'agneau divin, soient
étrangers aux femmes? S. Paul voulait que les gens mariés
eux-mêmes observassent la continence à de certains temps,
pour mieux s'appliquer à l'oraison : « Nolite fraudare invicem,
nisi forte ex consensu ad » tempus, ut vacetis orationi. »
(I. Cor. vu. 5.) Or, combien plus le prêtre, doit-il être détaché
des choses du monde pour vaquer au service de l'aulel de la divine ma-jesté,
et veiller au bien commun du prochain en prêchant, confessant, assistant
les moribonds, toutes charges qui exigent des soins constans, et un étal
continuel d'oraison, qui seul peut les faire bien opérer. S. François
de Sales avait entrepris la conversion d'une vieille hérétique
qui, après l'avoir fatiguée de mille objections et difficultés,
en vint à lui exposer celle qui lui paraissait la plus grave, et
c'était qu'elle ne pouvait concevoir pourquoi l'Église avait
défendu le mariage aux ecclésiastiques? Le saint lui ré-pondit
: « Ma sœur, si j'eusse été marié, chargé
d'une femme et de mesenfans,aurais-je pu passer si long-temps à
écouler et à résoudre vos doutes et vos objections,
en si grand nombre? Assurément non. » Ainsi, il la satisfit
et lui ferma la bouche. Aussi, l'apôtre voulut que les évê-ques,
les prêtres et même les diacres, observassent la continence,
elil en écrit ainsi à Timothee : « Oportet ergo »
episcopum irreprehensibilem esse, unius uxoris virum, » sobrium,
prudentem, ornatum, pudicum, etc. » (S. ad Tim. m. 2.) Et parlant
des diacres, il dit de même : « Dia-» conossimiliter
pudicos, etc. » (Ibid. f. 8. )
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
561
XLIII. Dans l'Église grecque, l'usage a été que
les évê-ques s'abstinssent de contracter mariage, ou d'en
user s'ils l'avaient contracté. Quant aux prêtres, s'ils se
trouvaient mariés avant d'entrer dans les ordres, on leur permettait
l'usage du mariage; mais ils ne pouvaient le contracter, une fois ordonnés.
Voilà pour l'Église grecque; mais dans l'Église latine,
jusqu'à nos jours, il n'a été permis aux prêtres
et aux diacres, pas même d'user du mariage déjà contracté.
Voici ce qu'écrit S. Clément dans le can. 27. Apost. : «
Innuptis, qui ad clerum provecti sunt, prœcipi-» mus ut solis lectoribus
et cantoribus liceat, si voluerint, » uxores ducere ; » d'où
on voit combien est faux ce qu'a-vance Picenin, que S. Pierre et tous les
apôtres eurent et retinrent des femmes, puisque le seul S. Pierre
en eut une, comme on le sait par sa belle-mère, nommée dans
l'Évangile, et qu'après son apostolat il la quitta, comme
nous l'apprend Terlullien : « Petrum solum invenio mari-» tum
per socrum, cseleros, cum maritos non invenio, aut » spadones inlelligam
necesse est aut continentes. » (Tert. Monogam. cap. 8. ) S. Jérôme
accorde à Jovinien (ex su-perfluo) que les autres apôtres
avaient eu des femmes, mais il ajoute qu'après avoir embrassé
l'apostolat ils les quittèrent : « Petrus, etcaeteri apostoli,
ut ei ex superfluo » interim concedam, habuerunt quidem uxores, sed
quas » eo tempore acceperant, quo Evangelium nesciebant. Qui »
assumpti postea in apostolatum relinquerunt officium » conjugale.
» La pratique constante de l'Église latine, af-firme S. Jérôme,
a toujours été qu'à l'exemple des apô-tres,
les évêques, les prêtres et les diacres fussent choisis
vierges, ou du moins qu'ils observassent la continence après leur
élection : « Apostoli vel virgines fuerunt, vel ? post nuptias
continentes ; episcopi, presbyteri, diaconi, xix.
56
562
TRAITÉ
» aut virgines eliguntur, aut vidui, aut certe post sacerdo-»
tium in aeternum pudici. » (S. Hieron. ap. pro libris conira Jovin
ad Pammach. in fin.) Nous voyons encore que la conlinence fut ordonnée
par le deuxième concile de Carlhage, au can. 2, où il est
dit ; « Omnibus placet ut » episcopi presbyteri, diaconi, vel
qui sacramenta con-» treclant, pudicilise custodes, etiam ab uxoribus
se absli-» neant. Et praemittitur; ut quod apostoli docuerunt, et
» ipsa servavit antiquitas, nos quoque custodiamus. » La môme
chose esl clairement établie par le premier de Nicée (can.
13), où il est dit que les ecclésiastiques ne doivent point
admettre de femmes dans leurs maisons : « Praeter » matrem,
sororem , amillam; » donc les femmes étaient exclues. La même
chose fui décidée par les conciles d'Aix-la-Chapelle, de
Mayence et de Worms. Les cenluriateurs en ont donc imposé, lorsqu'ils
ont avancé que l'usage du célibat avait été
introduit un peu avant l'an 400, mais avec une grande résistance
de la part du clergé, dont plu-sieurs membres se montrèrent
désobéissans.
XL1V. Du reste, le célibat ecclésiastique se trouve en-core
confirmé par le pape Sirice (Epist, ad Himcr. Tarra-con.), par Innocent
I (Ep. 1. ad Vitric.), et par S. Léon (Ep. ad Anasl.), comme aussi
par les conciles de Turin, de Carthage, de Tours, de Tolède, et
plusieurs autres ci-lés par le cardinal Golli dans son livre de
la Vraie Église etc. (loin. 2. art. 5. § 4. n. 14), et qui
ont ordonné la conlinence aux évêques, aux prêtres
et aux diacres, puis-que le sous-diaconat ne fut déclaré
ordre sacré que dans le douzième siècle, et empêchement
dirimant au mariage par le premier concile de Latran , en 4125 (can. 21
), et le deuxième de Lalran, en 1139(can. 7). Picenin pré-tend
que Polydore Virgile (lib. 5. de invent, cap. 4) a
CONTKE LES HÉRÉTIQUES.
563
écrit que l'usage du mariage des prêtres se conlinua jus-qu'au
temps de Grégoire VII; mais ici Poiydore ne parle que des seuls
prêtres de la synagogue, ei Grégoire ne porta point sur ce
sujet une loi nouvelle; il s'attacha à remellre en vigueur l'ancienne,
comme l'affirme Lambert dans ses Annales, où, parlant de ce pontife,
il dit : « Hil-» debrandus decreverat, ut, secundum inslilula
anliquo-» ium canonum .presbyteri uxores non habeant.» Le célibat
des ecclésiastiques fut d'abord de conseil, puisdeprécepte.
XLV. Picenin assure avec audace que plusieurs anciens évêques
eurent des femmes, et les gardèrent; et puis, de tout ce nombre
d'évêques mariés, il n'en cite que deux, Grégoire
de Nazianze et Démélrien. Il prétend que Gré-goire
le jeune était né de Grégoire l'ancien, au temps de
l'épiscopat de celui-ci ; mais le cardinal Golti, dans le tom. 3
de la Vraie Église, etc. (art. 5. § 3, p. 220.), prouve, par
des documens certains, que S. Grégoire le fils ne pouvait avoir
élé engendré depuis l'épiscopat de son père;
tandis que, de son côté, Picenin ne s'attache nullement à
prouver, comme il aurait dû le faire, que Grégoire l'ancien
avait eu un fils depuis son épiscopat, comme il le prouve seulement
pour Démélrien. Et d'ail-leurs, il est hors de doute que
dans ces temps-là, si quel-quefois on élut évêques
des hommes mariés, ce n'était que sous la condition de se
séparer de leurs femmes après leur élévation
à l'épiscopat; et c'est ce que nous atteste S. Jérôme,
lequel, écrivanl contre Vigilante, dil : ? Orien-» lis Ecclesiae
JEgypû, aut sedis apostolicae, aut virgines » clericos accipiunt,
aul continentes. » 11 est vrai que l'É-glise a vu avec douleur,
en Angleterre, au temps de la reine Elisabeth, beaucoup d'évêques
prendre ou garder des femmes pendant leur épiscopat. Mais, comme
l'écrit
36.
564
TRAITÉ
Sanderus ( lib. 3. de Schism. anglic. pag. 403 et 404), à. celte
époque, on n'eût pas trouvé un homme honnêle
qui donnât sa fille à un évoque, pensant que de pareilles
unions étaient plutôt un concubinage qu'un véritable
ma-riage. Elisabeth elle-même, tout en favorisant le mariage de ses
évêques, ne permettait pas à leurs femmes l'entrée
de sa cour.
XLVI. Mais venons aux objections de nos adversaires. On oppose d'abord
ce texte de la Genèse (1.22.) : « Cres-» cite et multiplicamini.
» Donc le mariage est commandé à tous. On répond
que ce ne fut pas là un précepte, mais une bénédiction
pour la propagation de la race humaine, et même des animaux; car
une semblable bénédiction leur fut aussi adressée;
et si jamais ce fut un précepte pour les hommes, il fut borné
au temps où le genre humain commençait, Mais depuis lors,
le précepte n'a point obligé chaque homme en particulier,
mais le genre humain en général; autrement Élie, Jérémie,
S. Jean-Baptiste, et tant d'autres qui s'abstinrent du mariage, auraient
péché en cela ; ce que nul ne se permettra de dire
XLYII. 2* Objection. Mais, dit-on, les patriarches,hom-mes si saints,
et les prêtres de l'ancienne loi, étaient tous dans les liens
du mariage. Si cet argument avait quelque va-leur, on pourrait dire aussi
qu'il serait loisible à nos prêtres d'avoir plusieurs femmes,
puisque ces patriarches et ces prêtres anciens en avaient légitimement
plusieurs. Et en effet, l'impie Bernardin Ochin raisonnait ainsi; mais
quand il voulut propager cette erreur dans Genève, il en fut chassé
par les habitans, comme blasphémateur. Dieu élut Abraham,
Isaac, Jacob, et les autres descendam d'A-braham , pour propager la race
dans laquelle devait s'in-carner le Verbe divin, suivant la promesse de
Dieu à Abra-
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
565
ham : « In semine tuo benedicentur omnes gentes. (Genes. ???.
18.) Jésus-Christ, au contraire, appela ses disciples, non pour
propager une race, mais la foi parmi les na-tions , par la prédication
: « Euntes docete omnes gen-» tes. » (Math, xxvm 19.)
Ainsi les patriarches seuls eu-rent besoin de femmes, non les apôtres.
De même aussi, pour parler des prêtres anciens, le Seigneur
permit le mariage à Aaron et aux lévites, voulant restreindre
le sa-cerdoce à leur seule tribu, ce qui nécessita que les
prêtres prissent des femmes pour perpétuer ce sacerdoce antique.
Mais le sacerdoce de la loi nouvelle n'est point restreint à une
race particulière ou à un seul peuple, et dans celte loi
ce n'est point la filiation qui donne le sacerdoce, mais la vocation divine.
XLYIII. En troisième lieu, on oppose ce que S. Paul écrit
à Timothee, touchant les évêques et les diacres: «Oportet
episcopum esse unius uxoris virum (I. Tim. II. 5.) Diaconi sint unius uxoris
viri. » (Ibid. v. 12.) Mais ces textes de l'apôlre ne sont
pas un précepte fait aux évêques et aux diacres d'avoir
une femme, mais seulement urie inlerdiction de choisir aucun évêqne
ou diacre qui aurait eu plusieurs femmes et serait bigame. C'est ainsi
que l'explique S. Jean-Chrysoslôme. (Hom. ?. 1. ad Tim.) Quand S.
Paul veut que l'évêque soit marié à une seule
femme, il n'ordonne certes pas aux évêques d'être mariés
: « Non hoc veluti sanciens dicit, quasi non » liceat absque
uxore episcopum fieri. » Autrement, tant d'anciens et saints évêques,
qui gardèrent toujours la con-tinence, ou n'auraient pas entendu
le sens des paroles de l'apôtre, ou auraient péché
en ne s'y conformant pas. S. Jérôme fait la même réponse
à Jovinien, qui opposait ce même texte de S. Paul ; et le
saint observe que l'npôlrc
566
TRAITÉ
ne dil pas « EJig.'ilur episcopus, qui imam habeat uxo-»
rem, ci filios facial, sed qui unam habuerit uxorem » unius uxoris
virum; qui unam uxorem habuerit, non «habeat.» (Lib. I adv.
Jovinian. in cap. 5.) Notez non habeat el S. Chrysoslòme (?? ?.
Tim. 5 et in cap. 1 ad Tim.) fait la même remarque, savoir que bien
que ces évoques ou diacres aient pu avoir une seule femme, chacun
d'eux devait s'en séparer après son ordination.
XLIX. On oppose en quatrième lieu un autre texte de S. Paul,
où on lit : « Doctrinam dœmoniorum.,.. prohi-» benlium
nubere. »(l.Tim. iv.lel 5.) Mais cela s'entend de ceux qui prétendent
astreindre de force les laïques au célibat, ce qui ne peut
s'appliquer au cas de ceux qui, spontanément, ont embrassé
l'état ecclésiastique. Mais, dit Picenin, si l'apôlre
dit que le mariage esl honorable danslous: « Honorabile connubium
in omnibus, » (Hébr. 13. 4.) commenl peut-il ne pas l'être
dans un évêque, un prêtre ou un diacre? On répond
que l'évêque, le prêlre ou lo diacre devant être
entièrement occupés de cœur el de pensée aux choses
de Dieu el de l'Église, dont ils sont les minisires sacrés,
le mariage serait pour eux inconvenant puisqu'il leur apporterait des causes
de détournement, l'amour d'une femme , le soin des enfans , l'entrelien
de la famille. C'est donc avec sagesse que l'Égîise a défendu
le mariugeà ses ecclésiastiques, qui ont volontairement em-brassé
leur état.
L. Cinquièmement. On oppose cet autre texte de S. Paul (I cor.
ix. 5.) : « Numquid non habemus potestatem » mulierem sororem
circumducendi, sicut etcseieri apos-» loli et fratres Domini et Cephas?
» Ainsi, dit-on, Pierre et les »utres apôtres pouvaient
mener avec eux leurs femmes. Mais l'apôtre ne dit pas : « Mulierem
conjugem, vel
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
567
» uxorem, » mais : « mulierem sororem, s Ccssceurs
étaient de pieuses femmes, qui accompagnaient les apôtres,
et leur préparaient leurs alimens, comme l'indique le verset précédent
: « Numquid non habemus potestatem mandu-» candi et bibendi?
» C'est ainsi que ce texte est expliqué par S. Chrysoslôme,
Théodore!, Théophile et S. Augustin (Deop. monach. 4 et 5),
ainsi que par Tertullien qui l'a ainsi écrit avant tous (De monogamia
cap. 8.) : «Non » uxores demonstrat ab aposlolis circumduclas....
Sed » simpliciter mulieres, qui illis eodem instituto quo et »
Dominum comilanles, ministrabant. » Clément d'A-lexandrie
écrit de même (1. S. stromol.) : « Nonutuxores »
sed ut sorores circumducebanl mulieres. » ?? S. Jérôme:
« Perspicuum est non uxores intelligi, sed eas, quae de sua »
substantia ministrabant. » (Lib. 4 contra Jovinian.) Il répond
ainsi, à ce même Jovinien qui lui opposait ce texte de S.
Paul. : « Et ostendit eas germanae in spiritu » fuisse, nonconjuges.»
(Ibid.) Outre cela, Picenin oppose encore le can. Omnino, dist. 31 où
Léon IX dit : « Non » licere episcopo, presbytero, diacono,
subdiacono pro-» piiam uxorem causa religionisabjicere a cura sua.
» Mais il ne remarque pas que ces paroles ne vont pas du tout à
son but ; car le pontife ajoute immédiatement : « Scilicet
» ut ei victum et vestitum largiatur non ut cum illa, ex. »
more, carnaliter jaceal; » El le pontife conclut ainsi, touchant
le texte de S. Paul cité plus haut : « Vide inspi-»
ciens, quia non dixit : Numquid non habemus po-» leslalem sororem
mulierem amplectendi sedcircumdu-» cendi, scilicei ut de mercede
praedicationis suslentarentur » ab eis; nec tamen foret deinceps
ìnler eos carnale con-» jugium. » LI. On objecte sixièmement
que dans le can. 3 du premier
568
TRAITÉ
concile de Nicée, il est dit que nul n'avail dû se séparer
de sa femme, laissanl la liberté àPanuzziusde se marier,
et se bornant à défendre, par ce canon, l'abus des femmes
étrangères: « Nolite episcopo, presbylero, diacono,
sub-» inlroduclam habere mulierem. » Mais le cardinal Gotti,
danslet. 4, p. 222. n. 10, invoque Socraleet Sozomène, lesquels
ont écrit que les Pères du concile permirent aux évêques,
aux prêtres, aux diacres, de se servir des femmes qu'ils avaient
déjà (comme il esl permis aux Grecs), mais non de les prendre
depuis leur ordination, comme le veu-lent les adversaires, en s'appuyanl
de l'exemple de Panuz-zius. Duieste, le cardinal Baronius regarde comme
suspecte l'histoire de Panuzzius, et avec raison ; car, dans le can. 5
précédent, du même concile, onne trouve rien dedéterminé
en faveur des femmes des évêques ; mais on y défend
aux ecclésiastiques d'avoir chez eux, d'autres femmes que leur mère,
leur sœur, et leur tapie. « Interdixit per omnia » magna synodus,
non episcopo, non presbylero, non » diacono, nec alieni omnino qui
in clero est, licere sub-» introductam habere mulierem, nisi forleaut
matrem, » aul sororem, aut amiltam, vel eas tantum personas, quae
» suspicionem effugiunt. »
§ II. Du vœu de continence.
LU. Luther improuve ce vœu comme téméraire, les hommes,
selon lui, ne pouvant absolument l'observer, et delà, il aliaque
l'Église qui, dans tous les siècles, ou a commandé,
ou a au moins approuvé la continence dans ses ministres. Les plus
grands saints qui ont brillé dans l'Église, sont ceux qui
ont fait partie du clergé, ou d'un ordre religieux, et ont observé
le vœu de chas-
CONTRE LES HÉRÉTIQUES·
569
leté. Picenin dit que la nature nous appelle au port du mariage,
et il dit bien, dans le sens de la nature char-nelle et animale, mais non
dans celui de la n£ Iure rai-sonnable et sage. Il serait sans doute
téméraire, ce ui qui se confierait dans ses propres forces,
pour faire et .garder un tel vœu ; mais non, celui qui, avec l'apôtre
dirait, se con-fiant en Dieu : « Omnia possum in eo qui me conifortat.
» (Phil. iv. 13.)
LUI. Nos ecclésiastiques et nos religieux, en aisant ce vœu,
n'ont pas la présomption de l'accomplir par leurs propres forces
; mais ils ne cessent point de prier humble-ment la divine bonté
qui les a appelés à faire ce vœu, de leur prêter Îe
secours nécessaire pour persévérer lans une exacte
continence; et Dieu ne les laisse pas maiquerdu secours nécessaire
pour lui rester fidèles. Le oncile de Trente (sess. 24. can. 9)
condamne ceux qui disent : « Posse omnes contrahere matrimonium qui
noi sentiunt » se castitatis, etiam si eam voverint, habere donum
: » anaihema sit ; cum Deusid recte petentibus non deneget, »
nec patiatur nos supra id quod possumus tentari. «Ainsi, le Seigneur
ne manquant jamais à donner la grâce de per-sévérance
à qui la lui demande avec sincérité, s quelque ecclésiastique
vient à faillir à son vœu, la faute er est toute à
lui. Les novateurs veulent que le maintien di ce vœu soit une chose impossible,
el soutiennent qu'il est con-traire à l'ordre de Dieu. Mais alors,
tant de saints que nous honorons aujourd'hui sur les autels, et qi i ont
fait un tel vœu, ont donc transgressé les ordres célestes?
Et si le célibat est contraire à l'ordre divin, comment S.
Paul a-l-il pu dire qu'il valait mieux que le mariage? « Igitur »
et qui matrimonio jungit virginem suam bene facit, el • qui non jungit,
melius facit. » (I. Cor. II. 38.)
570
TRAITÉ
Comment cet apôtre pouvait-il conseiller aux veuves de ne pas
se remarier, disant qu'en cela il parlait suivant l'esprit de Dieu? «
Beatior autem erit, si sic permanserit, » secundum meum consilium
; pulo autem quod et égo » spiritum Dei habeam. » (Ibid.
f. 40.) Ce n'est donc point une témérité que le vœu
de continence, quand on se confie à Dieu , et qu'on observe ainsi
le conseil de l'apôtre; c'est bien plutôt une témérité,
et une grande témérité, que d'improuver ceux qui suivent
ce conseil, exalté non-seu-lement par S..Paul, mais par le sauveur
lui-même, lors-qu'il dit : « Pt sunt eunuchi, qui seipsos castraverunt
» propter regnum coelorum. » (Malt. xix. 42.)
LIV. Mais comment l'Église peut-elle défendre le ma-.
riage? L'Église ne le défend pas aux personnes libres ; elle
dit ftvec l'apôtre : « Qui vult, nubal, ta ? lu m in Domino.
» (I Cor. vu. 59. ) Pour celui qui, volontairement, s'est lié
par le vœu de chastelé, l'Église lui commande de le garder,
et le châtie avec justice s'il y manque. Personne n'est lenu à
faire des vœux ; mais si quelqu'un s'engage ainsi, pour une chose envers
Dieu, le Seigneur exige qu'il tienne sa promesse: « Si quid vovisti
Deo, ne moreris reddere; » displicet enim ei infidelis et stulta
promissio ; sed quod-» cumque voveris, redde. » (Eccle. v.
5.)
§ III. Notions sur les anciennes coutumes touchant le sacrement
de l'ordre.
LV. Aux premiers temps de l'Église, il n'y avait que des évêques,
des prêtres et des diacres. Dans le concile de Rome, sous le pape
Sylvestre, il est aussi fait menlion des sous-diacres, des acolytes, exorcistes,
lecteurs, portiers et gardiens des martyrs, En Afrique, en place des gardiens,
CONTRE LES fiËRÉTiQUES.
571
il y avait l'ordre des psa'msles ou chantres. Ces ordres étaient
plus ou moins nombreux, suivant les lieux et les temps. Les Grecs n'eurent
que les évêques, les prêtres, les diacres, les sous-diacres
et les lecteurs, comme l'écrit S. Denis (c. 5). Du reste, on peut
dire que tous les ordres mineurs sont d'institution divine , puisque Jésus-Christ,
en donnant à ses apôtres la mission d'établir son Église,
leur donna en i%me temps le pouvoir d'instituer les ministres qui paraîtraient
nécessaires à la célébration et à la
dignité des saints mystères. Le sous-diaconat, jus-qu'au
douzième siècle, ne fut pas ordre sacré, puisque dans
le concile de Bénévenl, en 1091, il est dit que la prêtrise
et le diaconat sont les seuls ordres sacrés, et Pierre le Chantre,
qui mourut en 1197, écrit (lib. de verb. mirif. ) que le sous-diaconal
venait d'être récemment dé-claré sacré.
Les Grecs ordonnent les sous-diacres, el les lecteurs avec l'imposition
des mains. Wiclef, Luther et Calvin ne font aucune distinction d'ordres
entre les clercs elles laïques, sinon d'après la volonté
des supérieurs.
LVI. Anciennement on n'ordonnait que ceux qui étaient précisément
nécessaires au service des églises de l'évêque,
en sorte que l'ordonné était de suite mis en fonction de
sa charge. Les ordinations sans emploi furent prohibées par le concile
de Chalcédoine. Celte discipline resla en vigueur jusqu'au onzième
siècle. Et le concile de Trente, (sess. 25. de réf. cap.
16.) considérant que la discipline s'était relâchée
sur ce point, statua que nul ne serait or-donné sans bénéfice
et que seulement en cas de nécessité ou d'utilité
pour l'Église quelques-uns pourraienl être ordonnés
avec leur patrimoine. Anciennement, pour les prêtres, on exigeait
l'âge de 50 ans, 25 pour les diacres, et pour les évêques
50, selon les constitutions apostoliques
TRAITÉ
(lib. 2. e. 1); mais pour les évêques l'âge fut
ensuite réduit à 50 ans.
LVII. Quant aux ordres intermédiaires, comme le rap-porte le
P. Marlene (lib. 1. cap. 8. art. 3), le pape Zosime régla que celui
qui dès l'enfance aurait été attaché au service
de l'Église resterait au grade de lecteur jusqu'à l'âge
de 20 ans au moins. Puis celui qui serait entré plus âgé
au service de l'Église devait rester cinq ans lecteur ou exorciste;
quatre ans encore acolyte ou sous-diacre, et en-suite il pouvait recevoir
le diaconat dans lequel il restait encore cinq ans après lesquels
il pouvait être élevé au sa-cerdoce si l'évêque
l'en jugeait digne. Cependant la né-cessité du service de
l'église, même dans les anciens temps, faisait abréger
le temps des promotions surtout quand on entrait dans le clergé
après avoir mené la vie monastique, comme l'écrit
le pape Gélase (epist. 9. cap. 1 ). Ancien-nement même on
ne faisait pas de difficulté d'élever à la prêtrise,
sans qu'ils eussent été diacres, ceux qui étaient
distingués par un grand mérite, d'après l'opinion
que les ordres supérieure contenaient virtuellement les infé-rieurs,
et ce fut ainsi spécialement que S. Cyprien et S. Augustin furent
ordonnés prêtres. Quant au temps fixé pour les ordinations,
le pape Gélase écrit (epist. 9. cap. H ) que les ordinations
des prêtres et diacres ne peu-vent se faire que pendant les jeûnes
du quatrième, du septième et dixième mois, et en outre,
au commence-ment du carême et dans la semaine médiane, le
samedi au soir. La même chose fut décidée dans le concile
de Rome sous le pape Zacharie.
LV1II. La tradition des inslrumens accompagnée de la formule
: « Accipe potestatem, etc., » ne date pas de plus de 500 ans,
d'après le P. Morin (de ordin. exerc.
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
573
6. c. 2. ), et le même auteur (ex. t. c. 2. ) dit que l'im-position
des mains qui se fait après la communion de la messe avec la formule
: « Accipe Spiritum Sanc-» tum, etc., » est plus récente
encore que la tradition des instrumens. Morin écrit aussi (ex. 3.
c. 1.) qu'avant le neuvième siècle, aucun rituel ne fait
mention desinslru-mens avec lequels on ordonne aujourd'hui les prêtres
et les diacres, mais seulement de l'imposition des mains.
574
TRAITÉ
XXIV SESSION.
Du sacrement de mariage.
I. Avanl d'en venir à dresser les canons louchant cesacre-meni,
le concile voulut dans une coiirle explication expo-ser la vraie doctrine
de la manière suivante : Le premier père du genre humain,
inspiré du Saint-Esprit, déclara indissoluble et perpétuel
le lien du mariage , alors qu'il dit : « Hoc nunc os ex ossibus meis
et caro de carne mea... » quamobrem relinquet homo patrem suum et
malrem et » adhaerebit uxori suai et erunt duo in carne una. * (Gen.
II. 23.) Puis le Sauveur nous a enseigné plus clairement encore
que dans le mariage deux peisonnes étaient jointes pour ne foire
qu'une même chair; car, rapportant ces dernières paroles
comme proférées par Dieu même, il dit : « Itaque
jam non sunt duo, sed una » caro. » (Mallh. 19. Marc. 40.);
et de suite il confirme ainsi la perpétuité du lien, déjà
déclarée par Adam : « Quod ergo Deus conjunxit,
homo non separet. » (Matth. xix. 6.)
II. Quant à la grâce qui sanctifie les conjoints
et rend indissoluble leur union, le même Jésus-Christ, auteur
des sacremens, nous l'a méritée par sa Passion, ce que l'apôtre
exprime foit bien dans ce passage : « Viri, diligite » uxores
vestras, sicut Christus dilexit Ecclesiam, et » seipsum tradidit
pio ea ; » ajoutant aussitôt : « Sac/a-
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
575
» mentum hoc magnum est ego autem dico in Christo et »
in Ecclesia. » (Ephes. 5. 32. )
HI. Étant donc certain que le mariage sous la nouvelle loi est
supérieur en grâce, par Jésus-Christ, aux mariages
anciens, c'est à bon droit que les sainls Pères, les con-ciles
et la tradition de toute l'Église ont toujours enseigné qu'il
devait être compté parmi les sacremens de la loi nouvelle,
contre les novateurs qui non-seulement ont mal parlé de ce sacrement,
mais qui, selon leur coutume, et alléguant faussement l'Évangile,
admettant la liberté de la chair, au grand scandale des fidèles
* ont avancé les pro-positions les plus contraires au sentiment
de l'Église ca-tholique et a la pratique approuvée par les
apôtres. C'est pourquoi le concile, voulant s'opposer à leur
audace, a jugé bon d'exterminer leurs erreurs par les anathèmes
suivans;
IV. Dans le can. 4 il est dit : « Si quis dixerit matri-»
rnonium non esse verum et proprie unum ex septem » legis evangelicae
sacramentis a Chrislo Domino insiitu-» tum, sed ab hominibus in Ecclesia
inventum , neque » gratiam confère : anathema sit. »
V. Les anciens hérétiques condamnaient le mariage
comme dangereux et blâmable ; mais Dieu lui-même dès
le commencement du monde l'a déclaré bon et louable, par
ces paroles : « Dixit quoque Dominus Deus : Non est » bonum
hominem esse solum ; faciamus illi adjùiorium » simile sibi.
(Gen. II. 48. ) El cela est confirmé par l'a-pôtre : «
Igitur et qui matrimonio jungit virginem suam » bene facit. »
(I. Cor. vu. 38.) Luther et Calvin et leurs sectateurs ne nient pas que
le mariage ait élé institué par Dieu , mais ils nient
qu'il soit un sacrement. Launoix, de son côté, dans son traité
(De regia in malr. pol. par. 4.
576
TRAITÉ
a. 2. c. 11.) donne dans l'excès opposé en s'efforçant
de prouver que même avant Jésus-Christ, et sous la loi na-turelle,
le mariage était un sacrement. Erreur; car si les anciens ont donné
le nom de sacrement au mariage, ils l'ont ainsi appelé improprement
en tant que le mariage est pris pour une chose spirituelle ou conduisant
aux biens spirituels. Il n'est pas dputeux que le mariage, indissolu-ble
en tant que contrat naturel, tire son origine de la loi naturelle; puisque,
par le mariage, la propagation de la race humaine est favorisée
et l'éducation des enfans plus assurée ; aussi la fornication
est condamnée même par la loi naturelle. Or tout ce qui appartient
à la nature se rap-porte à Dieu, auteur et de la nature e(
du mariage : « Re-» linquethomo (dit Adam) patrem suum et matrem,
et » adhaerebit uxori suae, et erunt duo in carne una, » (Gen.
25.) Aussi le concile de Trente (sess. 24. sub initio ) a-t-il dit : «
Quibus verbis perpetuum et indisso-» lubilem esse matrimonii nexum
primus parens, divini » Spiritus instinctu, pronuntiavit. »
Et c'est là ce qui mo-tivait le reproche que Jésus-Christ
faisait aux Pharisiens qui lui demandaient s'il était permis de
répudier sa femme : « Non legistis... dimitlet homo patrem,
etc.? » comme nous venons de le rapporter, et puis il ajouta : «
Quod » ergo Deus conjunxit, homo non separet. » (Matth. xix.
4.) Mais tout cela ne fait pas comme le prétend Launoix que le mariage
ait été sacrement avant l'Évangile.
VI. De leur côté, les novateurs errent aussi (comme nous
l'avons dit) en refusant au mariage la qualité de sa-crement. Il
suffit pour établir cette qualité de voir qu'il possède
tout ce qui constitue les vrais sacremens, savoir : 1° qu'il y ait
un signe sensible d'une chose surnaturelle, 2° qu'il ait été
institué par Jésus-Christ ; S" qu'il soit ac-
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
577
compagne de la promesse de la grâce. Or, 1. dans le ma-riage
il y a un signe sensible qui est le consentement exprès des époux
et qui est symbole d'une chose surnaturelle, c'est ce que nous témoigne
S. Paul : « Sacramentum hoc » magnum est; ego autem dico in
Christo et Ecclesia. » ( Ephes. v. 32. ) Luther et Calvin objectent
ici que le mot sacrement en grec signifie seulement mystère ou chose
se-crète. Mais Bellarmin répond avec raison (De matr. cap.
1. controv. 1. ) que dans l'endroit cité le mariage est démon-tré
sacrement non pas seulement par le mot de sacrement, mais par loute la
contexture du passage qui fait voir que le mariage n'est pas seulement
le signe d'un contrat naturel mais aussi d'une chose surnaturelle, puisque
l'apôtre ajoute immédiatement : ? Ego autem dico in Christo
» et iu Ecclesia ; » paroles qui démonlrenl clairement
que le mariage n'est point un simple mystère, mais le sym-bole d'une
chose surnaturelle, Bellarmin fait ensuite cette réflexion fort
juste, que pour cela l'apôtre après les pa-roles : «
Propter hoc relinquet homo patrem et matrem » suam, et adhaerebit
uxori suae, et erunt duo in carne » una, » ajoute aussitôt
: « Sacramentum hoc magnum » est : ego autem dico in Christo
et in Ecclesia. (Ephes. v. 31 et 52. ) Le pronom hoc se rapporte nécessairement
à ce qui précède : « Relinquet homo , etc. »
S. Paul dit sacra-mentum hoc; c'est-à-dire que l'abandon par l'homme
de son père et de sa mère pour vivre avec son épouse,
magnum est. Et pourquoi grand ? Parce que ce sacrement repré-sente
l'union de Jésus-Christ avec son Église. Mais, dit Érasme,
quel grand mystère y a-t-il à dire qu'un homme se joinî
à une femme. Bellarmin répond que le mystère ne consiste
pas dans la conjonction charnelle des époux, mais dans la qualité
de celle union d'être indissoluble par xix.
37
578
TRAITE
où elle représente la conjonction perpétuelle
de Jésus-Christ
et de l'Eglise.
VII. Tout cela est enseigné de même par les saints
Pères. Bans le commentaire attribué à S. Ambroise,
il est dit : « Mysterii saeramenlum grande in unitate viri ac feminae
» esse significat. » S. Jérôme, sur ce passage,
écrit : « Id » ipsum per allegoriam in Christo interpretatur
et inEc-» clesia, ut Adam Christum et Eva prœfiguraret Eccle-y> siam.
» Kt ici s'appliquent ces paroles de S. Grégoire de Nazianze
: « Scio quia locus iste ineffabilibus plenus » sit sacramentis,
et divinum cor quœrat interpretis; ego » autem pro pusillanimitale
sensus mei in Christo interim » illud et in ecclesia intelligendum
puto. Proinde magnum » mysterium (ajoute Bellarmin ), de quo Paulus
loquitur, » in ipso conjugio ponit, quatenus Christi et Ecclesiae
» coniunctionem repraesentet. » De même S. Jean Chry-soslôme
(hom. 20 in epist, ad Ephes.) reconnaît l'exis-tence d'un grand mystère
dans le mariage. De plus, Luce III, pape, avant l'année 400,
dit que celui-là pense différemment que l'Église,
qui nie que le mariage soit un sacrement. La même chose se retrouve
dans S. Justin (Dial. cum Triphone), S. Clément d'Alexandrie (lib.
S Strom.), S. Ambroise (lib. 1 De Abraham cap. 7) ; et S. Augustin (lib.
1 De nupt. et concup. c. 40), écrit: « Saeramenlum nuptiarum
commendatur fidelibus con-» jugalis; unde dicit apostolus : Viri
diligite uxores ves-» Iras.» Etdansunaulreendroit (Defideetoper.
cap. 7.), il dit : « In Ecclesia nuptiarum non solum vinculum, sed
» etiam sacramentum commendatur. »
VIII. Chemnice objecte qu'avant S. Augustin / aucun Père
n'a appelé le mariage un sacrement; mais il se trompe : car
S. Léon I, qui vivait 150 ans avant S. Augus-
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
579
tin, appelle sacrement le mariage, et S. Chrysostôme qui fut
aussi antérieur à S. Augustin (hom. 20 in ep. ad Ephes.)
s'exprime ainsi : « Mysterium magnum esse in » conjugio insolubili
viri et feminœ. » S. Ambroisequi précéda S. Augustin
et S. Chrysoslôme écrit (Ex comment, in cap. 5 ad Ephes. lib.
1 De Abraham cap. 7.) : « Qui » sic egeril,.peccal in Deum,
cujus legem violât, et gratiam » solvit ; et ideo, qui in Deum
peccat, sacramenti coelestis » amittit consortium. » Le pape
S. Syrice (ep. cap. A) parle de même, et condamne comme sacrilège
de con-tracter un nouveau mariage du vivant du preaiier conjoint : la même
chose est dite par Innocent I (ep. 9 ad prob.) et S. Cyrille (lib. 2 in
Joann. cap. 22). Nous savons encore que le mariage a été
reconnu comme sacrement par le concile de Constance (sess. 15), par celui
de Florence1, dans le décret d'Eugène IV aux Arméniens,
et parle con-cile de Trenle (sess. 24 sub initio), où il est dit
que le mariage » merito inter nova legis sacramenta anrwmeran-»
dum sanctissimi Patres nostri, concilia, et universalis » Ecclesiae
traditio semper docuerunt, » Et la plus grande preuve que le mariage
soit un sacrement, c'est le consen-tement et l'autorité de l'Église
universelle, tant grecque que latine.
IX. Ainsi donc, on ne peut nier la première condition qui est,
que dans le mariage il y a un signe sensible fi-gurant une chose surnaturelle.
En second lieu , on ne peut nier non plus que le mariage ait été
institué par Jésus-Christ et élevé à
la dignité de sacrement, ou quand le Sauveur assista aux noces de
Cana elles bénit, ou même quand irramena le mariage au premrer
élal d'Adam , en disant : « Dimittet homopatrem et matrem,
et adhaerebit » uxori suœ, et erunt duo, in carne una. » Et
qu'il
37.
S80
TRAITÉ
ajouta : « Quod ergo Deus coniunxit, homo non separet. »
(Mallh. xix. 5 et 6.)
X. Troisièmement, on ne peut douter qu'au mariage ne soit attachée
une promesse de grâce. Cela se déduit de ce que dit l'apôtre(I.
Tim. ?. ?5) : « Salvabitur per fi-» liorum generationem, si
permanserit in fide et dilec-» tione, et sanctificatione, cum sobrietate.
» Tous dons qui sont les fruits de la grâce du sacrement. La
promesse de la grâce est encore contenue dans la déclaration
que fait le Seigneur de l'indissolubilité du mariage, au même
chapitre de S. Matthieu (xix. f. 9). « Dico autem vobis » quia
quicumque dimiserit uxorem suam, nisi ob forni-» cationem, et aliam
duxerit moechatur. On ne peut en effet, supposer que le Seigneur ait constitué
le mariage indissoluble, sans y attacher la grâce, puisque, sans
un secours humain, il eût été impossible aux forces
hu-maines d'observer celle indissolubilité. Disons en outre, que
sans la grâce, le mariage n'eût pas été un remède
contre la concupiscence, car, par lui-même, il servirait plutôt
à l'allumer qu'à l'éteindre. Aussi le concile de Trente
(sess. 24 sub initio), dit que Jésus-Christ, l'auteur des sacremens,
nous a, par sa passion, mérité la grâce « quae
naturalem illum amorem perficeret, et indissolu-» bilem unitatem
confirmaret. » Selon l'exhortation de l'apôtre : « Viri,
diligite uxores vestras , sicut Christus » dilexit Ecclesiam. »
(Ephes. v. 25.) Et puis le concile ajoute: « Cum igitur matrimonium,
in lege evangelica » veteribus connubiis per Christum gratia praestet;
me-» rilo inler novae legis sacramenta annuntiandum, etc. XI. Dans
le can. 2 il est dit : « Si quis dixerit licere » christianis
plures simul habere uxores, et hoc nulla lege » divina esse prohibitum
: anathema sit. » La polygamie
CONTKE 1ES HÉRÉTIQUES.
581
est de deux sortes : successive, ou simultanée. La succes-sive
est licite comme l'apôtre le déclare : « Dico autem
» non nuptis et viduis : bonum est illis si sic permaneant »
sicut ego; quodsi non se continent nubant; melius est » enim nubere,
quam uri. » ( I. Cor. vu. 8 et 9.) Paroles où l'on voit que
l'apôtre conseille à ceux qui iie sont pas mariés de
se passer du mariage, mais ne le leur défend pas. D'autre part,
la polygamie simultanée, c'est-à-dire d'avoir à la
fois deux femmes ou deux maris, est entiè-rement prohibée
par la loi nouvelle, comme opposée même à la loi naturelle.
Luther dit dans son explication de la Genèse, au chapitre xvi, et
les anabaptistes pensent comme lui, que l'Église, vu l'exemple des
patriarches, ne peut condamner la multiplicité des femmes ; mais
Jésus-Christ dit le contraire dans S. Matthieu (xix. 9) : «
Dico » autem vobis quia quicumque dimiserit uxorem suam, »
nisi ob fornicationem, et aliam duxerit, moechatur.» Et plus haut,
dans le même chapitre xix, t· 3, les pharisiens lui ayant
demandé : « Si licet homini dimittere uxorem » suam
quacumque ex causa, » le Seigneur leur répond : « Non
legistis quia qui fecit hominem ab initio, mascu-» Ium et feminam
fecit eos et dixit : propter hoc dimittet » homo patrem et matrem,
et adhaerebit uxori sua ? Itaque » jam non sunt duo, sed una caro.
Quod ergo Deus con-» junxit, homo non separet. » Or, si l'homme
se joignait à plusieurs femmes, « non esset una caro, »
comme s'accordent à le dire tous les saints Pères cités
par Bellar-min(cap. 10. De malrim.). On ne nie point que les pa-triarches
et les autres Juifs n'aient eu plusieurs femmes et légitimement,
comme l'atteste le Deuteronome, xxr, 15. Mais, Dieu le leur permit alors,
par dispense, selon les circonstances convenables de ces premiers temps,
comme
582
TRAITÉ
l'écrit S. Augustin (lib. S. de doclr. Christ, c. 17.) Aussi,
voyons-nous que Dieu dit à Abraham qu'il eût à suivre
les conseils de Sara, son épouse : « Audi vocem » ejus.
» (Gen. xxi. 12.) Et que Sara lui persuada de prendre aussi pour
femme Agar, sa servante. Mais, dira-t on, si la polygamie simultanée
est opposée même à la loi naturelle, comment pouvait-elle
être permise aux pa-triarches? On répond que la polygamie
est opposée aux fins secondaires du mariage, mais non à la
principale qui est la propagation de l'espèce, laquelle fin importait
sur-tout au temps des Juifsqui, comme nous l'avons dit avec S. Augustin,
a été spécialement considéré.
XII. Il n'est pas vrai ensuite que les patriarches eussent une seule
épouse, et que leurs autres femmes fussent pu-rement des concubines
pour la génération. Tournely (De malr. qu. v. pag. 528. in
fine) répond que s'il en eût été ainsi, ils
auraient violé le lit conjugal : ils avaient des femmes de deux
ordres; du premier, était une épouse unique, épousée
avec solennité, et dont les fils recueillaient seuls l'héritage
paternel; puis les femmes du second ordre étaient épousées
d'une manière toute privée, et leurs enfans n'entraient point
en partage de l'hérédité, mais seulement recevaient
des secours ou dons parliculiers de leur père, comme il esldil d'Abraham
(Gènes, xxv. 6.): « Dedit Abraham cuncta, quae possidebat,
Isaac; filiis » autem concubinarum largitus est munera. * Ces se-condes
femmes étaient appelées, tantôt concubines, et tantôt
épouses, comme on le voild'Agar, Cetura, Balael Zelf.1, secondes
femmes d'Abraham. Et Dieu lui-même dit à David : « Dedi
uxores Domini tui insinumtuum. » (II. Reg. xii.) Du reste, comme
il a été dit, la loi évan-gélique a totalement
interdit d'avoir plusieurs femmes.
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
585
Malgré lout cela, Luther (auquel adhérèrent ensuite
Mé-lanchlon elBucer) eul l'audace de donner permission par un rescrit
formel (rapporté par Bossuet, dans son livre des Variations de l'Hérésie,
etc.) à Philippe, landgrave de Hesse, de se marier avec une seconde
femme, du vivant de la première, ce qui, certainement est contre
le droit divin positif, et comme nous le croyons aussi, contre le droit
naturel, bien que Juénin le pose eh question (lom. vu. De malr.
p. 459 in fine v. Quaeres).
XIII. Dans le can. 5 il est dit : « Si quis dixerit, eos
» tantum consanguinitatis gradus , qui Levitico expri-» munlur,
posse impedire matrimonium contrahendum; » et dirimere contractum
; nec posse Ecclesiam in non-» nullis illorum dispensare; aut consliluere,
ul plures » impediant, et dirimant : anathema sit. »
XIV. El dans le can. 4 on lit : « Si quis dixerit,
» Ecclesiam non poluisse constituere impedimenta ma-» trimonium
dirimentia, vel in iis constituendis errasse : » anathema sit. »
XV. Pierre Soave, discourant sur ces deux canons, fait l'objection
suivante : « Mais si le contrat du mariage est un sacrement antérieurement
à l'Évangile et à l'Église, comme l'Église
ne peut altérer un sacrement, elle ne peut non plus altérer
ce contrat (1). »
XVI. Nous répondons à celte objection : «
Première-ment; il n'esl pas vrai qu'avant l'Évangile le mariage
fût un sacrement. Tous les sacremens ont été inslilués
par
(1) II ne faut pas donner ici et dans ce qui suit au mot contrat son
sens vulgaire français. On doit entendre par là la convention
humaine et matérielle de se prendre l'un l'autre pour époux.
{Noie du traducteur,)
584
TRAITÉ
Jésus-Christ, et parmi eux le mariage. II est certain en-suite
que dans le mariage, le contrat est par sa nature distinct du sacrement;
en sorte qu'à proprement parler, le conlral peut exister sans le
sacrement, bien que cela n'est et n'a jamais été permis par
l'Église. Il est vrai aussi que 1P pouvoir de l'Église iie
s'étend pas jusqu'à l'altéra-tion des sacremens ;
mais elle peut bien altérer le conlral, en y apportant certaines
conditions ou limites, et par là empêcher que le conlral ne
soil sacrement, comme il était auparavant ; et alors elle ne change
pas la matière du con-sentement, mais elle rend les futurs époux
inhabiles à contracter mariage. Ainsi, l'Église peut poser
des lois et déterminer quelle sorle de conlral peut légitimement
constituer le mariage. D'où il vient, comme conséquence nécessaire,
que, comme elle peut établir des empôchemens opposans et môme
des dirimans, comme le dit le concile, non pas « de jure divino,
» mais seulement « de jure « humano, » elle peut
aussi relever par dispense de ces empêchemens. (Voyez Juénin.
De rnatrim. p. 469 in princ. et p. 471. t· Quaeres.)
XVII. Dans le can. 5 on lit : « Si quis dixerit propter »
haeresim, aut molestam cohabitationem, aut affectatam » absentiam
a conjuge, dissolvi posse matrimonium : » anathema sit. »
XVIII. Le lien du mariage est, de droit naturel, indis-soluble
et entre les fidèles et entre les infidèles, selon que Dieu
l'a déclaré à Adam : « Relinquet homo patrem
suum » et matrem, et adhaerebit uxori suœ, et erunt duo in »
carne una. » (Gènes, H. 23.) Comme nous l'avons dit plus haut,
celui qui contracte un double mariage ne fait plus une seule chair, mais
au contraire il la divise. Il y a celte seule différence, entre
le mariage des fidèles et celui
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
585
des infidèles, que ce dernier peut être rompu, dans le
cas où, l'un des époux se convertissant, l'autre ne veut
plus cohabiler ou y consent « sed non sine blasphemia divini «nominis,
» ou que celui-ci s'altacheà induire sonconjoinl à
pécher. Dans ces trois cas (qui sont noies dans le chap. Quanto
7. De divort.) le fidèle peut contracter mariage avec une autre
personne fidèle, et cela se'conclut des pa-roles de l'apôtre
: « Et si qua mulier fidelis habet virum » infidelem, et hic
consentit habitare cum illa , non di-
» miilal..... Quodsi infidelis discedit, discedat; non
» enim servituti subjeclus osl frater aut soror in hujus * modi.
» (I. Cor. vu 15 et 15.) Du reste la conver-sion des deux époux
est loin de dissoudre le mariage comme le déclare Innocent III (
in cap. Gaudemus 8. eodem tit. de divort. ) par ces paroles : « Per
baptismum, » non solvuntur conjugia, sed dimittuntur crimina. »
Mais le mariage entre fidèles ne se rompt jamais, encore que l'un
des époux embrasse l'hérésie ou même l'idolâtrie,
comme il a été dit plus haut dans le can. 5, puisque outre
la loi naturelle dictée par Dieu à Adam, il y a la loi divine
positive imposée par Jésusr-Christ en ces termes : «
Quod Deus conjunxit, homo non separet (Marc. x. 4.), et de plus déclarée
par S. Paul. (I. Cor. vu. 59.) Le mariage avec les hérétiques
est valide, mais il n'est point permis aujourd'hui, à moins que
le pape n'accorde des dispenses en vue du bien commun, comme on en a vu
plusieurs exemples (voyez Tournely. De matrim. page 500). Quant à
savoir si le mariage régulier et non con-sommé peut être
dissout, il en sera question dans le canon suivant.
XIX. Dieu permit encore aux Juifs la répudiation qui emporte
la dissolution du lien, à la différence du divorce
586
TRAITÉ
qui n'entraîne que la séparation de corps. Cela se voit
dans le Deutéronome (xxiv. \) où on lit que les Juifs pouvaient
dato libello prendre une aulre femme et ren-voyer de la maison la première
: « Si acceperit liomo uxo-» rem, et habuerit eam, et non invenerit
graliam ante » oculos ejus, propter aliquam fcediialem, scribet libel-»
Ium repudii, et dabit in manus illius, et dimittet eam » de domo
sua. » (Deut. xxiv. i.) Et dans ce cas, la femme pouvait se marier
à un aulre. (Voyez Tournely. De malr. coin pend. pag. 436. prob.
2. ) En outre Juénin écrit (tom. 7. De maliim. art, 2. concl.
1. p. 461), qu'il était bien permis aux Juifs de prendre une aulre
femme, mais qu'ils péchaient, « si ductas uxores dimitterent
a » domo et thoro. * Une telle répudiation fut ensuite ré-prouvée
par Jésus-Christ dans la loi nouvelle. Les phari-siens faisaient
deux questions au Seigneur : la première, si le mari pouvait chasser
sa femme de son lit; la seconde s'il pouvait en épouser une aulre.
Jésus-Christ répondit à la première question
qu'il était permis pour cause d'adul-tère de la femme de
se séparer d'elle, et sur la seconde, qu'il n'élail point
permis de reprendre une autre femme du vivant de la première : «
Dico aulem vobis quia qui-» cumque dimiserit uxorem suam nisi ob
fornicationem, » et aliam duxerit, moechatur. » (Matth. xix.
9.) Et ici, il faut remarquer que les paroles « nisi ob fornicationem
» doivent se joindre au membre de phrase précédent;
« qui-» cumque dimiserit uxorem suam, » c'est-à-dire
que celui-là pèche qui se sépare de sa femme «
nisi ob fornicalio-» nem, » ei non pas au membre suivant «
et aliam duxerit, » c'est-à-dire qu'il soit licite ob fornicationem
de prendre une autre femme, parce qu'en agissant ainsi, moechatur. Mais
les pharisiens répliquaient ; « Quid ergo Moyses maii-
» davit dare libellum repudii et dimittere? » A uuoi le
Seigneur répondit : « Quoniam Moyses ad duritiam cordis »
vestri permisit vobis dimittere uxores vestras : ab ini-» lio autem
non fuit sic. » (Matth. xix 7. et 8. Ainsi, dans la loi nouvelle,
plus parfaite qne l'ancienne, Jésus-Christ prohibe la répudiation
et ramène le mariage à son premier état.
XX. Au can. 6 on lit : « Si quis dixerit, matrimonium »
ralum, non consummatum, per solemnem religionis » professionem alterius
conjugum non dirimi : anathema » sit. » Le mariage régulier
des infidèles peut bien être rompu à leur volonté,
non celui des fidèles, piirce que par le baptême il est rendu
ferme et indissoluble, sauf le cas où l'un des conjoints fait profession
religieuse, :ar alors le mariage est dissout. Mais comment cela peut-i
être, si le mariage entre fidèles est indissoluble ? On rép
md que dans ce cas il est rompu non par volonté humaire, mais par
celle de Dieu, qui dispense alors en vue de h perfec-tion de l'état
religieux. Pour cela, l'Église accorde aux conjoints deux mois afin
de délibérer s'ils veulent réelle-ment entrer en religion,
pendant lequel délai ils ne sont point tenus de consommer le mariage.
Si ensuite le papo peut rompre par dispense un mariage régulier,
l<s uns le nient, un plus grand nombre de graves auteurs l'affirment
comme Bellarmin, Gaétan, Navarre, Sanchez, les doc-teurs de Salamanque
et d'autres, alléguant que e pape, comme vicaire de Jésus-Christ,
peut bien dispen ser pour des choses qui, bien qu'elles soient de droit
di rin , ont pour origine une volonté humaine, pourvu toutelòis
qu'il y ait une cause grave et importante. El cela, parce que, dit le P.
Pichler avec raison , les noces revi lent du droit les actes du,mariage,
néanmoins le mariage consiste
588
TRAITE
principalement dans l'union des volontés et dans le lien perpétuel
des âmes et non pas dans l'usage matériel qui en est seulement
la conséquence : « Matrimonium consistit » in consensu
mutuo, dato jure ad actus conjugales; unde » copula actualis est
tantum aliquid consequens, et usus » dati juris. » El S. Thomas
le confirme en ces termes : « Conjunclio illa viculum est quo conjuges
ligantur for-» maliler, non effective. » (Suppl. quœst. 44.
a. 4. ad. 1.) De là vient que la bienheureuse Vierge resta toujours
vierge et fut néanmoins véritablement la femme de S. Jo-seph,
comme le Seigneur lui-même le déclara à ce saint :
« Joseph fili David, noli timere accipere Mariam conju-» gem
tuam. » (Matlh. ?. 20.) Aussi S. Augustin écrit-il sur ce
texte (1. 6. c. 16. n. 52. et lib. 4. denupt. c. 46) : « Conjux vocatur
ex prima fide desponsationis, quam » concubitu nec cognoverat, nec
fuerat cogniturus. » Juénin dit cependant (t. 7. De matr.
pag. 458. quser. 5) que le contrai de mariage doit avoir pour objet au
moins indirectement la génération, puisque chaque contractant
donne droit à l'autre sur sa personne et consent ainsi in-directement
à ce qu'il use de ce droit pour la génération ; et
il ajoute que Marie contracta son union avec S. Joseph en tant qu'elle
savait par révélation divine que le saint n'userait jamais
d'un tel droit. C'est pourquoi S. Thomas croit que le vœu de chasteté
fut fait par la bienheureuse Vierge, non avant, mais après son mariage.
XXL Mais revenons au susdit can. 6 Pierre Soave affirme que plusieurs
témoignèrent leur élonnement de voir posé comme
article de foi que le mariage non con-sommé pouvait être rompu
pour cause de profession so-lennelle; laquelle solennité, dit-il,
est seulement d'insti-tution eccléaiastique, selon Bonifaee VIII.
Mais S. Thomas
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
589
répond avec plusieurs autres doctes théologiens que la
solennilé du vœu religieux est d'institution ecclésiastique
en ce qui regarde les rites, mais qu'elle est divine si l'on considère
l'objet du vœu, puisqu'elle consacre immua-blement l'homme à Dieu
et partant dans le mariage con-tracté elle le dégage du lien.
Le cardinal Bellarmin dis-tingue fort bien entre le vœu simple de chasteté
el le vœu solennel qui rompt le mariage. La simple promesse oblige sans
doute, mais elle ne transfère pas le droit de propriété
à celui à qui on promet ; el en effet, si quelqu'un promet
quelque chose à un ami el la donne à un autre, il pèche,
mais la chose ainsi détournée profite au donataire. Et par-là
tombe la proposilion erronée de Lulher qui déclarait nul
le mariage contracté avec une autre personne que celle à
qui on s'était fiancé; car les fiançailles ne sont
que simple promesse et ne transfèrent pas le droit sur la per-sonne.
Par le vœu solennel, le religieux change son état, en se consacrant
lui-même à Dieu et à l'Église, laquelle peut
ensuite le contraindre à l'observation de son vœu, même judiciairement,
ce qui ne résulte pas d'une simple promesse. Cela a été
ainsi déclaré par Alexandre III dans le troisième
concile de Lalran où on lit (in append. par. 5.
c. \ ): « Post consensum illum legitimum de prœ-» senti datum
licitum est alteri monasterium eligere..... » dummodo inter eos carnis
commixlio non intervenerit : » et alteri si servare noluerit continentiam,
licitum esse » videtur, ul ad secunda vola transire possit. »
La même chose est déclarée par Innocent III (cap. ex
parla, de con-vers. conjug. ) et par Grégoire-le-Grand (causa 26.
qu. 2. can. decreta), et plus au long par Boniface VIII (cap. un. de volo
in sexto) où, bien que le ponlife dise : « Quod » voti
solemnitas ex sola conslitulione Ecclesiae est in-
590
TRAITE
» venta, » cela doit s'entendre, comme nous l'avons ex,
pliqué plus haut avec S. Thomas et autres, quant aux rites de la
solennité, non quanta son essence el à l'effet du vœu solennel
qui coiisaere immuablement la personne à Dieu : el cela est confirmé
par plusieurs exemples de saints. Voyez Tournely, pag. 545, vers. 2 Probatur,
qui ensuite à la pag. 546 Quseres. i , demande quo jure cela est
ainsi; et il répond que cela n'est point une conséquence
de la loi naturelle el non plus uniquement de la loi ecclé-siastique,
laquelle n'en est point l'origine; mais que la chose est de loi divine
positive en faveur de la profession religieuse : el celle doctrine est
tenue pour établie sur la tra-dition selon la règle de S.
Augustin (lib. 4.Debapt. cap. 26.) communément acceptée :
« Quod universa tenet Ecclesia » nec conciliis institutum;
sed semper retentum est, non-» nisi auloritale apostolica traditum
rectissime creditur. »
XXII. Dans le can. 7 on dit : « Si quis dixerit, Ecclesiam »
errare, cum docuit, et docet, juxta evangelicam et apos-tolicam doctrinam,
propter adulterium alterius conjuguai » matrimonii vinculum non posse
dissolvi ; et utrumque, » vel etiam innocentem qui causam adulterio
non dedit, » non posse, altero conjuge vivente, aliud malrimonium
» contrahere ; maecharique eum qui dimissa adultera aliam »
duxerit; et eamquce, dimisso adultero, alio nupserit : » anathema
sit. »
XXIII. Quelques-uns ont émis cette opinion erronée
que par l'adultère de l'un des conjoints le mariage était
aussi rompu el ils le Concluent de ces paroles de Jésus-Christ :
« Quicumque dimiserit "uxorem suam, nisi ob fornicatio-» nem,
et aliam duxerit, msechalur. » (Mallh. xix. 9.) Launoix dans son
traité (Dereg. in malrim. pot pag. 452.) cherche audacieusemenl
à prouver que jusqu'au concile
CONTRE LES &ÉRÉTIQUES.
ë9Î
de Trente les auteurs avaient soutenu que par les paroles « nisi
ob fornicationem, » la rupture du mariage par l'adultère était
déclarée. Mais Tournely (Dematr. p. 541) dit que Launoix
ici, comme dans plusieurs autres de ses propositions, « profecto
castigandus et censura notandus » est. » II est dit dans S.
Marc (x. 11) : « Quicumque » dimiserit uxorem suam et aliam
duxerit, adulterium » committit; » et dans S. Luc on lit (xvi.
15) : « Omnis » qui dimittit uxorem suam, et alteram ducit,
mse-» chatur. » Ces propositions sont générales
et n'admettent pas d'exception, comme le remarque S. Augustin (lib. 1.
de adult. cap. 9). Et elles confirment pleinement l'expli-cation que nous
avons donnée plushautdes'paroles prises de S.Matthieu, « nisi
ob fornicationem » qui doivent être rapportées au dimiserit
qui précède, et non au duxerit qui suit, c'est-à-dire
que le mari, pour cause d'adultère de sa femme, peut la chasser
de son lit par le divorce (1), mais non en prendre un autre comme si le
lien était rompu.Celase retrouve encore dans S. Paul (I.Cor. vii.10.)
: « Iis autem qui matrimonio juncli sunt, praecipio non » ego,
sed Dominus, uxorem a viro non discedere. » Et au verset 59 : «
Mulier alligata est legi, quanto tempore » vir ejus- vivit. »
D'où S. Augustin (lib. 2. De adult. cap. 5.) écrit : «
Nullius viri posterions mulier esse inci-» pit, nisi prioris esse
desierit. » Et le concile de Trente dans le susdit can. 7 condamne
ceux qui disent : « Propter » adulterium vinculum posse dissolvi.
» Launoix prétend que ce canon regarde la discipliné
non le dogme; mais Tournely lui répond ( pag. 541) que dan§
ce canon 7 il
(1) Ce mot n'a point ici le sens des lois françaises : c'est
la sé-paration de corps.
592
TRAITÉ
est dit que l'Église ? docuit et docet, juxla evangelicam »
et apostolicam doctrinam, propter adulterium vinculum ? non posse dissolvi.
» L'erreur s'oppose au dogme, l'abus à la discipline; donc
en disant que l'Église n'erre pas en enseignant cela, c'est déclarer
que cette doctrine regarde le dogme.
XXIV. Dans le can. 8, il est dit : « Si quis dixerit Eccle-»
siam errare, cum ob multas causas separationem inler » conjuges,
quoad chorum, seu quoad cohabitationem, » ad certum incertumve tempus
fieri posse decernit : ana-» thema sit. »
XXV.Xesjustes causes pour opérer le divorce sont au nombre de
quatre. La première est l'apostasie de la foi, selon l'apôtre
: « Haerilicum hominem post unam et se-» cundam correptionem
devita.» (Àd. tit. ??. 10.) La se-conde est le cas où
l'époux « nolit cohabitare sine injuria » Creatoris,
vel perverlendo ad peccatum > » comme il est dit au chap. Quanto
de divort. La troisième est l'adultère de l'un des conjoints,
comme on le voit dans S. Matth. : « Quicumque uxorem dimiserit, nisi
ob fornicationem, «moechatur.» (Mailh. xix. 6.) La quatrième,
enfin, peut être prise des sévices qui mettraient la vie en
dan-ger. Chemnice réprouve le divorce pour toute cause, quel-que
juste qu'elle soit, mais il faudrait qu'il pût trouver une autorité
pour appuyer son opinion; car l'Écriture, les Pères et tous
les théologiens y sont contraires.
XXVI. Dans le can. 9, il est dit : « Si quis dixerit, cle-»
ricos in sacris ordinibus constitutos, vel regulares cas-» tilatem
solemniter professos, posse matrimonium con-» trahere, contractumque
validum esse, non obstante lege » ecclesiastica, vel voto : etopposiìum
nil aliud esse, quam » damnare matrimonium, posseque omnes contrahere
ma-
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
593
» trimonium, qui non sentiunt se castitatis, etiamsi eam »
voverint, habere donum : anathema sit : cum Deus id » recte petentibus
non deneget, nec patiatur nos supra id » quod possumus tentari. »
XXVII. Soave se récrie contre ces dernières paroles,
et il objecte témérairement que l'Évangile dit que
Dieu ne donne point la chasteté à tous, et que S. Paul exhorte
ceux qui n'étaient pas capables do la conserver de se pré-munir
par le mariage, et non de la demander à Dieu, ce qui eût été
plus facile si celle demande eût dû être in-failliblement
exaucée. Que de faussetés en peu de paroles! Premièrement,
le concile ne parle pas des séculiers qui, lorsqu'ils ne se sentent
pas appelés au célibat, sont juste-ment invités par
l'apôtre à se marier, pour éviter leur damnation: «Quodsi
non se continent, nubant; melius est enim nubere quam uri.» (I. Cor.
vu. 9.) Il parley au contraire, des ecclésiastiques promus aux ordres
sa-crés , et des religieux, lesquels ont volontairement fait vœu
de chasteté. En second lieu, le concile ne parle pas du don de chasteté
concédé à un fidèle par grâce efficace,
celui-là ne se donne pas à tous ; mais il parle de l'effet
de la prière, au moyen de laquelle on obtient la force d'observer
le vœu; et cela contrairement à Luther, qui excusait le contrevenant
à son vœu, parce qu'il ne sen-tait pas en lui la grâce nécessaire
pour le garder. C'est pourquoi le concile dit que celui qui est tenté
d'of-fenser la chastelé doit s'adresser à Dieu, qui ne permet
pas alors qu'on soit tenlé au-dessus de ses forces. D'ail-leurs,
Soave est ici en opposition de sentiment avec tous les Pères et
les divines Écritures, qui, en cent endroits de l'ancien et du nouveau
Testament, nous exhortent à recourir à Dieu dans nos besoins,
nous promellanl que la xix.
38
894
TRAITE
prière humble et persévérante est toujours exaucée.
Ce qui est dit dans ce canon est, de plus, conforme à ce que le
concile avait déclaré dans la sixième session, cap.
11 : « Deus impossibilia non jubet, sed jubendo monet, et »
facere quod possis et petere quod non possis et adju-» vat ut possis.
»
XXVIII. Quant à la convenance que les minisires de l'Église
ne soient point liés par le mariage, et aux jusles motifs que l'Église
a eus d'obliger ceux qui sont dans les ordres à garder la continence,
j'en ai dit assez précédem-ment, à la fin de la treizième
session qui précède, et où il est traité du
sacrement de l'ordre.
XXIX. Dans le can. 10 il est dit : «
Si quis dixerit, » statum conjugalem anteponendum esse statui virginila-»
iis, vel caelibatus ; et non esse melius et beatius ma-» nerein virginitate,
aulcaelibalu quam jungi mali'imo-» nio : anathema sit. »
XXX. Celui qui avance les choses condamnées dans ce canon
est opposé complètement à l'apôtre qui dit :
« Igi-» lur et qui matrimonio jungit virginem suam, bene fa-»
cit; et qui non jungit melius facit... Beatior autem » erit, si sic
remanserit, secundum meum consilium. » Et il l'est encore au Sauveur
lui-même, qui a dit : « Sunt » eunuchi, qui seipsos castraverunt
propter regnum cœ-» lorum. Qui polest capere capiat. » (Malth.
xix. 42.)
XXXI. Dans le can. 11 on lit : « Si quis dixerit pro-»
hibitionem solemnilalis nuptiarum certis anni lempori-» bus superstitionem
esse tyrannicam ab ethnicorum su--» perstilione profectam; aut benedictiones
et alias cœre-» monias, quibus Ecclesia in illis ulilur, damnaverit
: » anathema sit. .»
XXXII. Et dans le can. 12, le concile dit : « Si quis
CONTRE 1ES HÉRÉTIQUES.
» dixerit causas matrimoniales non spectare ad judices »
ecclesiasticos : anathema sit. » Le cardinal Bellarmin distingue
: les causes matrimoniales purement civiles, et où il n'est question
que de la succession des biens, dë*s dots ou de l'hérédité,
regardent les tribunaux civils; mais les causes qui touchent au contrat
de mariage lui-même (1), comme sont celles où il est question
de sa validité, des empèchemens, des degrés de consanguinité
ou d'affinité, regardent les tribunaux ecclésiastiques, parce
que le con-trat de mariage ne se séparant pas du sacrement dont
il est le fondement nécessaire, toutes les causes susdites sont
spirituelles ; puisque statuer sur la validité du contrat, c'est
décider de celle du sacrement.
XXXIII. Le concile passe ensuite à la formation du dé-cret
de réforme touchant le mariage, et qui contient dix chapitres. Dans
le chap. 1, il déclare que les mariages clandestins, c'est-à-dire
ceux faits avant le concile, avec le seul consentement des conlractans
.sans la présence du curé ei des témoins, sont de
réguliers et véritables maria-ges ; et de même les
mariages contractés par des fils de famille sans le consentement
de leurs parens. Pour l'ave-nir, il prescrit qu'avant de contracter il
soit fait trois an-nonces publiques du futur mariage, pour voir s'il y
a quelque empêchement, que le mariage soit contracté devant
le curé et deux ou trois témoins, et que le curé,
après avoir reçu le consentement des époux, dise :
« Ego » vos in matrimonium conjungo, in nomine Patris et Fi-»
lii et Spiritus Sancti, » ou même se serve d'autres paro-les
, mais suivant le rite usité dans chaque pays. Il donne
(?) Voir la note plus haut sur le sens du mot contrat. C'est le mariage
lui-même dans son essence.
38.
596
TRAITÉ
ensuite aux ordinaires la faculté de dispensa· pour juste
cause des publications dont il vient d'être parlé. Quanta
ceux qui tenteraient de contracter sans la présence du curé
et des deux ou trois autres témoins, le concile déclare leur
mariage invalide, et eux-mêmes inhabiles à contrac-ter à
l'avenir. Dans ce même chapitre, sont également prescrites
d'autres choses de moindre importance, et que l'on retrouve dans le chapitre
suivant.
XXXIV. Caput i : « Tametsi dubitandum non est, clan-» destina
matrimonia, libero contrahentium consensu » facta, rata et vera esse
matrimonia , quandiu Ecclesia » ea irrita non fecit; et proinde jure
damnandi sunt illi, » ut eos sancta synodus anathemate damnat, qui
ea vera »-ac rata esse negant; quique falso affirmant, malrimo-»
nia a filiis familias sine consensu parentum contracta, » irrita
esse, et parentes ea rala vel irrita facere posse : ni-» hilominus
sancta Dei Ecclesia ex justissimis causis illa «semper detestata
est, atque prohibuit. Verum, cum » sancta synodus animadvertet, prohibiliones
illas prop-» 1er hominum inobedientiam jam non prodesse ; et gra-»
via peccata pevpendat, quae ex eisdem clandeslinis con-» jugiis 01
Ium habent ; praesertim vero eorum qui in » statu damnationis permanent,
dum priore uxore, cum » qua clam condixerant, relicta, cum alia palam
con-» trahunt, et cum ea in perpetuo adulterio vivunt : cui »
maio, cum ab Ecclesia, quae de occultis non judicat, » succum non
possit, nisi efficacius aliquod remedium » adhibeatur ; idcirco sacri
Lateranensis concilii, subln-» nocentio HI celebrati, vestigiis,
inhaerendo, praecipit ut » in posterum , antequam matrimonium contrahitur,
1er » a proprio contrahentium parocho tribus continuis die-»
bus festivis in Ecclesia inler raissarum solemnia publice
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
î>97
» denuntietur, inter quos matrimonium sit contrahendum: »
quibus denunlialionibus factis, si nullum legitimum » apponatur impedimentum,
ad celebrationem matrimo-» nii in facie Ecclesiae procedalur; ubi
parochus, viro et » muliere interrogatis, et eorum mutuo consensu
intel-» leclo, vel dicat : « Ego vos in matrimonium conjungo,
» in nomine Patris, et Filii, et Spiritus Sancti, » vel aliis
» utatur verbis, juxla receptum unius cujusque provinciae »
ritum. Quod si aliquando probabilis fuerit suspicio, » matrimonium
malitiose impediri posse, si tot praecesse-» rinl denuntiationes
; tunc vel una tantum denunlialio » fiat, vel saltem parocho, vel
duobus vel tribus tesiibus » praesentibus matrimonium celebretur.
Deinde ante il-» lius consummationem denunlialiones in Ecclesia fiant,
» utsi aliqua subsunt impedimenta, facilius detegantur ; »
nisi ordinarius ipse expedire judicaverit, ul pisediciae » denuntialiones
remittantur : quod illius prudentiae et ju-» dicio sancta synodus
relinquit. Qui aliter, quam prae-» sente parocho vel alio sacerdote,
de ipsius parochi seu » ordinarii licentia, et duobus vel tribus
testibus malri-» monium contrahere attentabunt·, eos sancta
synodus » ad sic contrahendum omnino inhabiles reddit, et hu-»
jusmodi contractus irritos et nullos esse decernit, prout » eos praesenti
decreto irritos facit, et annulai. Insuper » parochum , vel alium
sacerdotem, qui cum minore les-» lium numero, et testes qui sine
parocho vel sacerdote » hujusmodi contractui interfuerint, necnon
ipsos con-» trahentes graviter arbitrio ordinarii puniri praecipit.
Prae-» terea eadem sancta synodus horlalur, ut conjiìges ante
» benedictionem sacerdotalem , in templo suscipiendam, » in
eadem domo non cohabitent : statuitque benedictio-» nem a proprio
parocho, fieri ; neque a quoquam , nisi
g98
TRAITÉ
» ab ipso parocho, vel ab ordinario, licentiam ad prœ-»
dictam benedictionem faciendam alio sacerdoti concedi » posse, quacumque
consuetudine, eliam immemorabili, » quae potiuscorruptela dicenda
est, vel privilegio, non » obslanle. Quod si quis parochus, vel alius
saceidos, sive » regularis sive secularissil etiam si id sibi ex
privilegio » vel immemorabili consuetudine licere contendat, alie-»
rius parochiae sponsos sine illorum parochi licentia ma-» trimonio
coniungere, aut benedicere ausus fuerit; ipso » jure tandiu suspensus
maneat, quandiu ab ordinario » ejus parochi, qui matrimonio interesse
debebat, seu a » quo benedicto suscipienda erat, absolvalur. Habeat
pa-» rochus librum, in quo conjugum et testium nomina, » diemque
et locum contracti matrimonii describat, quem » diligenter apud se
custodiat. Postremo sancta synodus » conjuges hortatur, ul antequam
contrahant vel saltem » triduo anle matrimonii consummationem, sua
peccata » diligenter confiteantur, et ad sanctissimum eucharistiae
» sacramentum pie accedant. Si quae provincias aliis, » ultra
praedictas, laudabilibus consuetudinibus et caere-» moniis hac in
re utuntur, eas omnino retineri sanc-» ta synodus vehementer optat.
Ne vero haec tam salu-» bria praecepta quemquam laleant, ordinariis
omnibus » praecipit, ul cum primum potuerint, curent hoc de->; cretum
populo publicari ac explicari in singulis sua-» rum dioecesum parochialibus
ecclesiis, idque in primo » anno, quam saepissime fiat; deinde vero
quoties expe-» dire viderint. Decernit insuper, ut hujusmodi decretum
» in unaquaque parochia suum robur post triginta dies » habere
incipiat, a die primae publicationis, in eadem » parochia factae
numerandos. » XXXV. Ainsi premièrement, quant aux mariages
clan-
CONTBE LES HÉRÉTIQUES.
599
destins, le concile déclare que bien que l'Église les
ait toujours blâmés et défendus, cependant ils étaient
d'abord vrais et réguliers, c'esl-à-dire de véritables
sacremens, et il prononce l'excommunication contre ceux qui le nient. Ici,
Pierre Soave simule encore une grande surprise et dit que beaucoup de membres
(c'esl-à-dire lui seul) ne concevaient pas que l'on pût déclarer
que les mariages clandestins étaient des sacremens et en même
temps qu'ils fussent blâmés. Mais on répond que, de
même que si une personne liée par un vœu simple de chasteté
ou par des fiançailles se marie néanmoins au mépris
de ces promesses, elle pèche et cependant son mariage est bien sacrement
; de même aussi avant le concile ces mariages clandestins étaient
de véritables sacremens bien qu'illicitemenl faits. — Soave fait
ensuite celte objection, comment l'Église pouvait-elle changer la
subslance du sacrement et faire que le consentement muluel en quoi cette
sublance consiste ne fût plus matière suffisante? On répond
que le concile ne change pas la malière, mais déclare les
future époux in-habiles à contracter mariage contre la loi
de l'Église; parce que, comme il a été dit plus haut,
l'Église peut bien poser certaines conditions, non au sacrement,
mais au contrat de mariage, à défaut desquelles ce contrat
soit nul, et alors le consemement n'est point la malière propre
et suffisante du contrat, et partant du sacrement non plus. Aussi le concile
déclare : « Qui aliter, quam praesente pa-» rocho, vel
alio sacerdote, de ipsius parochi seu ordinarii » licentia et duobus
vel tribus testibus malrimoninm con-» trahet e attentabunt, eos sancla
synodus ad sic conlra-» bendum omnino inhabiles reddit, et hujus
modi con-» iraclus nullos esse decem il."» Il faut avenir ici
que celle
600
TRAITÉ
déclaraiion n'a pas de valeur dans les lieux où le concile
de Trente n'est pas reçu.
XXXVI. En second lieu, pour les mariages contractés par les
fils de famille sans le consentement de leurs pa-rens, quoique le concile
reconnaisse qu'ils ont aussi tou-jours éié blâmés
et prohibés par l'Église, néanmoins, il les déclare
valides et prononce l'excommunication contre ceux qui les disent nuls.
Celle déclaration avait déjà été faite
par le pape Nicolas I. (adcons. Bulgar. c. S) et par Innocent III (cap.
luaa fraternitatis desponsal.). Ordinai-rement cependant, ces sortes de
mariages , comme l'en-seignent S. Léon et Clément III, sont
illicites, tant en raison du dommage public, que de l'irrévérence
commise cnveis les parens. Nous disons ordinairement, parce que dans le
cas où les parens auraient injustement refusé leur consentement,
ils deviennent alors licites. Les novateurs, et spécialement Chemnice,
disent qu'un tel mariage ne peut-être valide n'ayant point Dieu pour
auteur. On ré-pond que Dieu peut èlre auleur du mariage de
deux ma-nières, en tant qu'il est sacrement, cl en Iant qu'il est
un contrat licite. Pour le sacrement, il suffit que l'on rem-plisse les
conditions auxquelles Dieu a attaché sa validité. Quant à
la régularité du contrat, quand le mariage est contracté
sans justes causes par les enfans contre la vo-1 on lé de leurs
parens, alors Dieu n'est certainement pas auteur de ce péché
; mais le mariage est valide bien qu'il-licite. Les prélats fiançais
disaient dans le concile que ces mariages étaient illicites sous
le rapport de la discipline, non du dogme (comme le prétendent des
novateurs), et ils voulaient en conséquence qu'ils fussent déclarés
nuls. Mais le concile les déclara valides el Tournely (De malrim.
png. 555) affirme que par les édils en France les mariages
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
601
des enfans contre la volonté de leurs parens ne sont pas nuls
de fait : et le clergé gallican déclara que les édits
re-gardaient le contrat civil seulement, sans préjudice de la validité
du mariage. Le cardinal Palavicin rapporte qu'on avait dit d'abord dans
le concile que les fils de famille ne devaient pas pouvoir contracter mariage,
savoir les garçons avant l'âge de dix-hui l ans et les filles
avant seize, et en outre s?ns avoir le con&enlementdu père ou
de l'aïeul paternel, à moins d'absence ou d'injuste refus de
ceux-ci : mais le con-cile changea celle disposition et décida comme
on l'a vu. XXXVII. Troisièmement, le concile a décidé
qu'à l'a-venir les mariages pour être valides devaient être
contrac-tés en présence du curé ou d'un autre prêtre
ayant sa per-mission, lequel doit prononcer ensuite ces paroles : «
Ego » vos conjungo, etc., ? et il déclare inhabiles à
contracter entre eux les futurs époux qui auraient tenté
de célébrer leur mariage sans la présence du curé
et de deux ou trois témoins. D'où il suit que de pareils
mariages n'ont pas même la valeur de simples fiançailles.
On sait d'ailleurs là-dessus que le conseil de France ordonna aux
orateurs du roi de faire en son nom des instances auprès du con-cile
pour qu'il déclarât nuls les mariages contractés sans
la présence du prêire et de trois autres témoins; ces
en-voyés en firent la demande dans l'assemblée générale,
appuyés encore par le cardinal de Lorraine, et par suite intervint
la décision du concile qui déclare en effet nuls les mariages
contractés sans la présence du curé et des témoins.
En sorte que si, lorsque les époux se donnent mutuelle-ment leur
consentement, le prêtre dort ou n'entend pas, le mariage est invalide.
Quant à sa validité dans le cas où le prêtre
n'assisie qu'avec répugnance, selon la doclrine qui veut que le
prêtre soit le minisire du mariage,· il serait
602
TRAITE
encore invalide; mais selon notre doctrine, à nous, que les
contrectans sont les ministres, il serait valide, d'après le décret,
au surplus, de la S. C. du concile, au rapport de Fagnan (in cap. Quod
nobis, de clandestin, n. 54). Pierre Soave dit que plusieurs trouvèrent
étranges les pa-roles prescrites au curé par le concile :
« Ego vos con-» jungo, etc, » faisant ainsi un article
de foi qu'elles sont la forme du sacrement. Mais on répond que l'Église
n'a point entendu déclarer qu'il est de foi que telle soit la forme
du sacrement de mariage; car la doctrine que les époux eux-mêmes
et non le prêtre sont les ministres du mariage est la plus commune,
.et l'opinion contraire est même notée de censure par beaucoup
d'auteurs, comme nousl'allons voir.
XXXVIII. Traitons donc ici cette question, si les mi-nistres du mariage
sonl les conlraclans Ou le prêtre qui assiste. La première
opinion veut que ce soit le prêtre et que la forme consiste dans
les paroles : « Ego irt mairimo-» nium vos conjungo, etc. ;
» c'est le sentiment de Tour-nely (De matr. q. 5. concl. 2. pag.
502) et de Melchior Cano (Deloc. theol. lib. 8. cap. 5), ainsi que d'Eslius,
Pierre de Marca > Sylvius, Maldonat et autres, avec le pape Sirice (Epist,
ad himer. ); où ce gontife dit que sans la bénédiction
du prêtre, « nuptiae non carent suspicione for-» nicariae
vel adulterae conjunclionis » et Terlulien qui dit (lib. 2) : Ad
uxorem cap. ult. que la bénédiction « aut signat aut
sanctificat matrimonium. » Tournely ajoute que dans tous les sacremens
le prêtre est le mi-nistre; et puis, si les contraclans étaient
eux-mêmes les ministres, il arriverait que la femme administrerait
le sa-crement , ce qui, selon lui, répugne à la nature du
sa-cremenL
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
603
XXXIX* Pour nous, notre opinion est que lescontrac-tans eux-mêmes
sont les ministres du mariage : que la ma-tière de ce sacrement
est le don qu'ils se font mutuelle-ment de leur personne, et la forme,
l'acceptation de ce don. Cette doctrine, dont j'ai parlé au long
dans ma morale (lib. 6. cap. 2. num. 897), Melehior lui-même la qua-lifie
de générale, ainsi que Bellarmin qui déclare l'opi-nion
contraire nouvelle et fausse. Merbesius atteste que la doctrine de Canus
n'avait jamais été tenue comme fondée par aucun théologien
avant lui, que Velasquez et Ledesma pensent qu'elle ne peut-être
défendue sans blâme et Soto et Wigaudl, de même que
Vega, Lopez, Enriquez et Ma-nuel, la nomment téméraire. Notre
opinion est aussi celle de Juénin (t. 7. De. matr. p. 458. concl.
4), où il dit que la forme consiste dans les paroles et signes par
les-quels les époux expriment leur consentement. Elle est celle
encore de Cabassut, de Frassen, de Gonet, de Suarez, de Holzman, du cardinal
Golti, de Benoît XIV (De synod. 1. 7. c. 48) et d'autres docteurs
en très-grand nombre, et spécialement de S. Thomas qui dit
(in 4 sent. dist. 26. qu. 2. a. 4. ad 1) : « Yerba quibus consensus
matrimo-» nialis exprimitur, sunt forma hujus sacramenti, non \»
«utem benedictio sacerdotis, quse est quoddam sacra-» mentale,
» c'est-à-dire cérémonie sacrée requise
d'après le précepte de l'Église et nous disons que
c'est ce qu'en-tendent les saints Pères lorsqu'ils parlent de la
nécessité et de la bénédiction du prêtre.
Nous ajouterons pour ré-pondre à Tournely que Dieu a constitué
les ministres des sacremens suivant la nature de ceux-ci, et que puisque
le mariage consiste dans un contrat élevé à la dignité
de sa-crement , le Seigneur a voulu que les contractons eux-
604
TRAITÉ
mêmes, par la formation du contrat, en soient les mi-nistres.
XL, Notre opinion s'appuie d'abord sur le chapitre Quanto, de divort.,
où Innocent III enseigne que: « Et » si matrimouium
infidelium verum exislal, non lamen » est ratum. Inter fideles aulem
verum et ratum existit, » quia sacramentum fidei, quqd semel est
admissum, » nunquam amittitur, sed ratum effici! conjugii sacra-»
mentum (notez ces mots) ut ipsum in conjugibus illo » durante perduret.
» Ainsi, anciennement entre fidèles le mariage clandestin
était vrai et conclu (c'est-à-dire in-dissoluble) en tant
qu'il était sacrement : « Ralum efficit » conjugii sacramentum.
» Si donc avant le concile, le mariage contracté sans prêtre
a pu être vrai sacrement, on est bien forcé de conclure que
les conlractans en étaient eux-mêmes les ministres. En vain
les adversaires nous disent-ils que ce sacramentum fidei, ce n'était
pas le sa-crement du mariage, mais le sacrement du baptême qui le
rendait complet; car il n'est pas vrai que le baptême subséquent
rendît valables et indissolubles les mariages entre infidèles,
et en effet, Cardenas et autres, et particu-lièrement le pape Benoît
XIV (De synod. lib. 6. cap. 4 num. 5) rapportent plusieurs exemples de
souverains pontifes, comme Urbain VIII, Pie V et Grégoire XIII,
ijiui, même après la conversion des conjoints à la
foi, ont déclaré pour justes causes leurs mariages rompus;
ce qu'ils n'auraient certainement pu faire, si ces mariages avaient été
rendus indissolubles par le baptême. Donc, le seul sacrement rend
les mariages indissolubles,
XLI. Notre seconde preuve se tire du concile de Florence, où
il est dit : « Causa efficiens matrimonii regulariter est »
mutuus consensus per verba de praesenti expressus. » Si
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
605
donc les conlractans sont cause efficiente du mariage, ils sont eux-mêmes
les minisires, non-seulement du contrat (comme le veulent nos adversaires),
mais aussi du sacre-ment; puisque le concile enlend ici donner l'explicalion,
non du contrat, mais du sacrement : « Septimum eslsa-» cramenlum
matrimonii, etc.
XLII. Nous tirons notre troisième preuve des paroles du concile,
dans ce môme chap. 1 : « Qui aliter quam prse-» sente
parocho etc., matrimonium contrahere allenla-» bunt,eos sancta synodus
omnino inhabiles reddit elhu-» jus modi contractus nullos esse decernit.»
Il suffit donc, d'après ces paroles mêmes, que les époux
contractent, prcesenle parocho, pour que le mariage soit valide, encore,
que le curé ne parle pas, ou même n'assisle qu'avec répu-gnance;
et selon la pratique actuelle de l'Église, de tels mariages sont
en effet valides et véritablement sacre-ment.
XLIII. Quatrièmement, nous nous appuyons encore sur ces aulres
paroles que le concile ordonne au curé de pro-noncer , au moment
de la célébration : « Ego vos, in ma-» Irimonium
conjungo, etc. » el puis ces aulres paroles qui suivent: «
Vel aliis ulalur verbis, juxla receptum unius » cujusque provinciae
rilum. » Ce qu'il n'aurait cerles pas pu dire, s'il eût entendu
que les premières fussent la forme du sacrement, car il est absurde
de penser que le concile ait voulu admettre comme aulant de formes sacra-mentelles
loules celles usitées dans divers pays. Cet ar-gumenl a paru assez
évident à Palavicin (lib. 23. cap. 4 à), pour prouver
que les conlractans, et non le prêtre, sont les ministres du mariage.
En oulre, Benoît XIV (Desyuod. 1. 8c.lSn.8) raisonne ainsi : «
H arrive souvent, dit-il, que les époux conlraçienl, «
reluclante parocho, ac lesli-
606
TRAITÉ
» bus fortuito adstantibus. * Or, dans un tel cas, sui-vant Canus,
ces mariages seraient de simples contrats et non des sacremens ; mais l'Église,
ajoute Benoît, les tient pour de vrais sacremens, et n'entend pas
qu'ils soient ensuite renouvelés en présence du curé
: et c'est pour cela que, comme on le sait, la grande pénitencerie,
quand elle concède la faculté de révalider un mariage,
à cause de quelque empêchement caché, ne manque pas
d'opposer cette condition : « Secreto, et sine praesentia parochi
et » testium reconvalidetur. » Et il en doit être ainsi,
comme le remarquent le même Benoît, Van Espen, Haberi, Pontas
et Tournely lui-même, et comme il se déduit de plusieurs décisions
de la S. G. du concile. Je sais que Benoît, bien qu'il adopte l'opinion
que nous soutenons , donne néanmoins l'opinion opposée comme
probable, dans ce traité du synode, où d'ailleurs il parle
comme homme privé; mais je trouve dans son bullaire, où il
parle comme pontife, que dans sa lettre à l'archevêque de
Gpa, commençant par ces mots : « Paucis ul habetur »
(Voyez t. 4 du bullaire, p. 27), il dit expressément que la matière
du sacremenl de mariage est le don mutuel des personnes exprimé
par des paroles ou par des signes, et la forme, l'accepta lion réciproque
: « Materia est mutua cor-» porum traditio, verbis ac nutibus
assensum exprimen-» libus et mutua corporum acceptatio forma. »
Ceux qui voudront connaître la réfutation des autres argumens
de nos adversaires, la trouveront dans mon Traité de Morale, à
l'endroit déjà cité.
XLIV. Le curé assistant peut être celui du domicile de
l'homme, ou de celui de la femme; mais l'usage veut que ce soit celui de
la femme; toutefois avec l'agrémentde celui de l'homme. (Voyez Tournely.
De malr. pag. 580. quser. 2. )
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
607
Au reste, un curé étranger à la paroisse des époux,
qui assislerailà leur mariage sans les lettres testimoniales du
curé de l'un des époux, pécherait gravement, et le
ma-riage serait nul. Cependant, les noces célébrées
devant le curé de l'un des époux, mais dans une autre paroisse,
seraient valides, d'après la décision du concile de Trente,
dans ce même chapitre 1; car la célébration du mariage
est un acte de juridiction libre qui peut s'exercer en tout lieu.
XLV .Passons maintenant aux aulreschapilres du concile. Dans le second,
ilesl traité de la parenté spirituelle, et de la question
de savoir entre quelles personnes elle se con-tracte; il y est dit : «
Docet experientia propter multiludi-» nem prohibilionum mulioties
in casibus prohibitisigno-» ranler contrahi matrimonia : in quibus
vel non sine » magno scandalo dirimuntur. Volens itaque sancta sy-»
nodus huic incommodo providere, et a cognationis spi-» ritualis impedimento
incipiens, statuit, utunus tantum » sive vir,sive mulier, juxta sacrorum
canonum instituta, » vel adsummum unus et una baptizatum de baptismo
sus-» cipiant: inler quos ac baptizatum ipsum, et illius pa-»
trem et malrem, nec non inter baptizanlem et baptiza-» tum, baptizatique
patrem ac matrem tantum spiritualis » cognatioconlrahaiur. Parochus,
antequamad baptismum » conferendum accedat, diligenter ab iis, ad
quos specia-li bit, sciscilelur, quem vel quos elegerint, ut baptiza/um
» de sacro fonte suscipiant; et eum vel eos tantum ad » illum
.suscipiendum admittant, ei in libro eorum no-» mina describat ;
docealque eos quam cognationem con-» Iraxerinl, ne ignorantia ulla
excusari valeant. Quod si » alii ullra designatos baptizatum teligerint,
cognationem » spiritualem nullo pacto contrahant; constitutionibus
in
608
TRAITÉ
» contrarium facientibus noo obstantibus. Si parochi »
culpa vel negligenlia secus factum fuerit, arbitrio ordi-» narii
puniatur. Ea quoque cognatio, quae ex confirma-» lione contrahitur,
confirmantem et confirmatum, illius-» que patrem et matrem, ac tenentem
non egrediatur : » omnibus inler alias personashujusspirilualis cognationis
» impedimentis omnino sublatis. »
XLVI. Le chapitre 3 concerne l'empêchement par égard pour
l'honnêteté publique, et il le restreint comme il suit : «
Iustitiae publicae honestatis impedimentum, ubi sponsa-» lia quacumque
ratione valida non erunt, sancta syno-» dus prorsus tollit ; ubi
autem valida fuerint, primum » gradum non excedant, quoniam in ulterioribus
gradi-» bus jam non polest hujusmodi prohibitio absque dis-»
pendio observari. »
XLVI1. Dans le chapitre 4, il est dit que l'affinité par commerce
illicite est restreinte au second degré : « Prœ-» lerea
sancta synodus , eisdem , et aliis gravissimis de » causis adducta
impedimenlum , quod propter affìnila-» tem ex fornicatione
coniractam inducitur, et malrimo-» nium postea factum dirimit, ad
eos tantum, qui in » primo et secundo gradu coniunguntur, restringit;
in ul-» terroribus vero gradibus statuit, hujusmodi affinilaiem »
matrimonium posiea contractum non derimere- »
XLVIII. Le chapitre 5 interdit le mariage dans les de-grés prohibés,
et fixe les cas de dispense :« Si quis intra » gradus prohibilos
scienter matrimonium contrahere pra> » sumserit, separetur, et spe
dispensationis consequendam » careat ; idque in eo multo magis locum
habeat, qui non » tantum matrimonium contrahere, sed etiam consum-»
mare ausus fuerit. Quodsi ignoranter id fecerit, siqui-» dem solemnilales
requisitas in conlrahendo matrimonio
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
609
» neglexerit, eisdem subiciatur poenis ; non enim dignus »
est, qui Ecclesiae benignitatem facile experiatur, cujus » salubria
praecepta temere contempsit. Si vero solemnita-» tibus adhibitis,
impedimentum aliquod postea subesse » cognoscatur, cujus ille probabilem
ignorantiam habuit; » tunc facilius cum eo, et gratis dispensari
poterit. In ron-» lrahendis matrimoniis vel nulla omnino detur dispen-»
satio, vel raro ; idque ex causa, et gratis concedatur. In » secundo
gradu nunquam dispensetur, nisi inter magnos » principes, et ob publicam
causam. »
XLIX. Le chapitre 6 contient plusieurs dispositions con-tre les ravisseurs
: « Decernit sancta synodus, inler rapto-» rem, et raptam,
quandiu ipsa in potestate raptoris » manserit, nullum posse consistere
matrimonium. Quod » si rapta a raptore separata, et in loco tuto,
et libero » constituta, illum in virum habere consenserit, eam »
raptor in uxorem habeat ; et nihilominus raptor ipse ^ » ac omnes
illi consilium, auxilium, et favorem prse-» bentes, sint ipso jure
excommunicati, ac perpetuo in-» fames, omniumque dignitàlum
incapaces; et si clerici » fuerint, de proprio gradu decidant. Teneatur
praeterea » raptor mulierem raptam, sive eam uxorem duxerit ; »
sive non duxerit, decenter arbitrio judicis doiare. »
L. Le chapitre 7 décide que les vagabonds ne seront mariés
qu'après examen et avec prudence : « Multi sunt, » qui
vagantur et incertas habent sedes : et ut ifnprobi sunt » ingenii,
prima uxore relicta, aliam, et plerumque plu-» res illa vivente,
diversis in locis ducunt. Cui morbo » cupiens sancta synodus occurrere,
omnes, ad quos spec-» tat, paterne monet, né hoc genus hominum
vagantium » ad matrimonium facile recipiant : magistratus etiam se-»
culares hortatur, ut eos severe coerceant. Parochis au-xix.
39
610
TRAITÉ
» tem praecipit, ne illorum matrimoniis intersint, nisi »
prius diligentem inquisitionem fecerint, et re ad or-» dinarium delata,
ab eo licentiam id faciendi oblinue-» rint. »
LL Dans le chapitre 8, des peines graves sont décernées
contre le concubinage : «Grave peccatum est, homines » solutos
concubinas habere; gravissimum vero, et in » hujus magni sacramenli
singularem contemptum ad-» missum, uxoratos quoque in hoc damnationis
statu vi. » vere, ac audere eas quandoque domi etiam cum uxori-»
bus alere, et retinere , quare, ul huic tanto mnlo sancta » synodus
opportunis remediis provideat, statuit hujus-» modi concubinarios
tam solutos, quam uxoràios, cu-» juscumque status, dignitatis,
et conditionis existant, si » postquam ab ordinario, etiam ex officio,
ter ad monili » ea de re fuerint, concubinas non ejecerinl, seque
ab ea-» ru m consuetudine non sejunxerinl, excommunicatione »
feriendos esse ; a qua non absolvantur donec reipsa ad-» monitioni
factae paruerint. Quodsi in concubin&lu, per » annum, censuris
neglectis, permanserint contra eos ab » ordinario severe pro qualitate
criminis procedalur. Mu-» lieres, sive conjugales sive solulae, quae
cum adulteris » seu concubinariis publice vivunt, si ter admonitae
non » paruerinl, ab ordinariis locorum, nullo etiam requi-j> rente,
ex officio graviter pro modo culpae puniantur et » extra oppidum,
vel dioecesim, si id eisdem ordinariis » videbitur, invocato (si
opus fuerit) bracchio saeculari, » ejiciantur ; aliis poenis contra
adulteros et concubinarios » inflictis in suo robore permanentibus.
»
LU. Le chapitre 9 défend aux seigneurs temporels et magistrats
tout acte contraire à la liberté du mariage : « Ita
plerumque temporalium dominorum , ac magistra-
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
611
» luum mentis oculos terreni affectus, atque cupiditates »
excaecant, ut viros ei mulieres sub eorum jurisdiclione » degentes,
maxime divites, vel spem magnae haereditatis » habentes, minis et
poenis adigant cum iis matrimonium » invilos contrahere, quos ipsi
domini, vel magistratus » illis praescripserit. Quare cum maxime
nefarium sit » matrimonii libertatem violare, et ab iis injurias
nasci, » a quibus jura expeclanlur, praecipit sancta synodus om-x>
nibus cujuscumque gradus, dignitatis, et conditionis » existant,
sub anathematis poena , quam ipso facto in-» currant, ne quovis modo
directe, vel indirecte, subdi-» los suos, vel quoscumque alios cogunt
quominus libere » matrimonia contrahant. »
LUI. Dans Je chapitre 10, sont prohibées les célébra-lions
de mariages dans certains temps : « Ab adventu Do-» mini nostri
Jesu Christi usque in diem Epiphaniai et » a feria quarta cinerum
usque in oclavam paschalis in-» clusive, antiquas solemnium nuptiarum,
pr'ohibiliones » diligenler ab omnibus observari sancta synodus praeci-»
pit : in aliis vero temporibus nuptias solemniter celc-» brari permittit
: quas episcopi ul ea qua decet modestia » et honestatem fiant, curabunt
: sancta enim res est ma-» trimonium, et sancte tractandum. »
612
TRAITÉ
XXVe SESSION.
Décret touchant le purgatoire.
I. Déjà le concile, dans la sixième session, au
can. S0, avait enseigné qu'il y avait un purgaloire, en pronon-çant
l'analhème contre ceux qui prétendent qu'après la
justification et la rémission de la peine éternelle, il ne
restait plus dans le pécheur aucune trace du péché
qui né-cessitât d'y satisfaire, par une peine temporelle,
dans cette vie ou dans l'autre, au purgaloire, avant d'entrer dans le ciel
: « Si quis post acceptam justificationis gratiam, cui-» libet
peccatori poenitenti ita culpam remitti, et reatum » aeternae poenas
deleri dixerit ul nullus remaneat reatus » poenae temporalis exsolvenda?,
vel in hoc seculo, vel in » futuro in purgatorio, antequam ad régna
coelorum adi-» tus patere possit : anathema sit. » Aussi, dans
le pré-sent décret, il est dit que l'Église catholique,
inspirée par le Saint-Esprit et appuyée sur les Écritures,
les traditions, les saints Pères et les conciles, et enfin dans
le concile actuel, ayant enseigné qu'il y avait un purgatoire (Sess.
6, can. 50), et que les âmes qui y sont retenues recevaient un grand
soulagement des prières des fidèles, et spécialement
du sa-crifice delà messe, elle commande aux évêques
d'instruire les peuples de la saine doctrine touchant le purgatoire, laissant
de côté les questions trop subtiles, et ne permet-tant pas
qu'il soit mis en avant aucune proposition qui
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
615
ne soit certaine, et sans apparence même de fausseté.
Le concile prohibe ensuite toutes les choses qui appartiennent à
la superstition et à un lucre honteux, et il enjoint aux évêques
de veiller à ce que les prêtres satisfassent avec di-ligence
et dévotion aux suffrages que les fidèles ont desti-nés
aux défunls.
II. Voici les paroles du concile : « Cum catholica Ec-»
clesia Spiritu Sancto edocta, ex sacris litteris, et anti-» qua patrum
traditione, in sacris conciliis, et novissime » in hac oecumenica
synodo docuerit, purgatorium esse, » animasque ibi detentas, fidelium
suffragiis, polissi-» mura vero acceptabili altaris sacrificio juvari
; praecipit » sancta synodus episcopis, ut sanam de purgatorio doc-»
Irinam a sanctis Patribus, et sacris conciliis traditam, » a Christi
fidelibus credi, teneri, doceri, et ubiqueprae-» dicari diligenter
studeant. Apud rudem vero plebem » difficiliores ac sublimiores quaestiones
quaeque ad aedi-» fìcalionem non faciunt, et ex quibus plerumque
nulla » fit pietatis accessio, a popularibus concionibus seclu-»
dantur. Incerta item, vel quae specie falsi laborant, » evulgari
ac tractari non permittant. Ea vero, quae ad » curiositatem quamdam,
aut superstitionem spectant, » vel turpe lucrum sapiunt, tanquam
scandala et fide-» lium offendicula prohibeant. Curent autem episcopi,
» ul fidelium vivorum suffragia, missarum scilicet sacri-»
ficia, orationes, eleemosynae, aliaque pietatis opera, » quae a fidelibus
pro aliis fidelibus defunctis fieri consue-» verunt, secundum Ecclesiae
instituta pie et devote fiant ; » et quae pio illis ex testalorum
fundationibus, vel alia » ratione debentur, non perfunctorie, sed
a sacerdotibus, » et Ecclesiae ministris, et aliis, qui hoc praeslare
lenen-» lur, diligenter et accurate persolvanlur. »
614
TRAITE
III. Qu'il y ait un purgatoire, c'est un dogme que les cailioliques
tiennent pour certain et de foi en opposition aux anciens Albigeois el
Vaudois, et contre les novateurs modernes qui le nient el le regardent
comme une inven-tion de nos prêtres en vue du gain des messes et
des fu-nérailles. Luther, cependant, l'a admis dans un temps, savoir
lors de la discussion soutenue à Leipsick, le 6 juillet 1519. 11
n'est point vrai que le purgatoire soit nié par les Grecs schismaliques;
ils nient seulement qu'il y ail des feux qui purgent les âmes ; du
reste les rabbins eux-mêmes, suivant le cardinal Golli (dans sa Vraie
Église. l. 2. par. 4. p. 519), confessenl qu'il y a un purgaloire.
IV. Une première preuve de ce dogme se tire du tgxte de
S. Matthieu (v. 25. el 26), où il est dit : « Esto consen-»
iiens adversario luo cilo, dum es in via cum eo; ne » forte in carcerem
mittaris. Amen ilico tibi non exies » inde., donec reddas novissimum
quadrantem. » Donc il y a dans l'autre vie une prison, dont on sort
à la fin , après avoir saiisfait à l'expiation de
tout péché léger; il est certain, d'ailleurs que les
péchés véniels sont punis-sables de leur nature, et
que si celui qui en est chargé en mourant ne peut être condamné
à l'enfer, comme étant encore ami de Dieu, il ne peut non
plus aller au ciel où « nihil coinquinatum introibit. »
(Apoc. xxi.) Il y va donc au purgatoire, dans lequel il se purifie de toute
tache. Et la même chose peut se dire des péchés graves
pardonnes quant à la faute, mais non suivis de la satisfaction com-plète
quant à la peine non entièrement subie. Tertullien (De anima,
cap. ull. ) parlant sur ce même texte de S. Matthieu, écrit·:
« In summa cum carceiem illum , » quem evangelium demonstrat,
inferos intelligimus, et » novissimum quadrantem modicum quoque delictum
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
61 ?
» mora resurrectionis iìiic luendum interprelemur, nemo
» dubilabit animam aliquid pensare penes inferos. » La même
chose est confirmée dans l'évangile de S. Luc (xn. 58. et
59), où on lit : « Cum autem vadis cum adver-» sario
luo ad principem, in via da operam liberari ab » illo, ne forte trahat
le ad judicem, et judex tradat le » exactori et exactor mittat te
ad carcerem. Dico tibi non » exies inde, donec etiam novissimum minutum
reddas. » Y. Une seconde preuve se lire de l'évangile de S.
Mat-thieu (xii. 52), où on lit : « qui autem dixerit (verbum)
» contra Spirilum Sanctum non remittetur ei in hoc se-» culo,
neque in futuro. » Ce qui prouve certainement le purgatoire comme
l'expliquent S. Augustin (1. 21. De civ. Dei, c. 24. et 1. 6, ad Julian,
c. 5), S. Grégoire (1. 4. dial. c. 59), Bède (in c. 3. Marci)
, et S. Ber-nard (Hom. 66. in canlic). Mais l'impie Pierre, mar-tyr, écrit
que ces paroles sont exagérées. De celle façon , nous
pourrions trouver que ce qu'on lit dans S. Matthieu (xxv. 46) : «
Ibunt hi in supplicium aeternam,» est aussi de l'exagération
et qu'ainsi il n'y a pas d'enfer. Ils ob-jectent en outre que dans l'évangile
cité, il est question des péchés contre le Saint-Esprit,
qui sont des péchés graves, ceux-là donc seront encore
remis dans le purga-toire? On répond que la faute seule est remise
dans cette vie, et encore ne se remet-elle point sans une vive détes-taiion
·, puis, dans l'autre vie les fautes vénielles sont seules
remises, et elles ne le sont pas par le moyen des peines, mais par le premier
acte d'amour de Dieu que fait l'ame en quittant celle vie, lequel acte
plein de ferveur contient aussi lu détestaiion des fautes. Quanl
aux péchés mortels ils ne se remettent point dans l'autre
vie ; mais s'ils ont déjà été remis dans celle-ci,
la peine temporelle qui res-
616
TRAITÉ
(ait à subir pour la satisfaction peut être remise dans
le purgatoire.
VI. Troisièmement, on apporte en preuve ce qui est dit
aux Actes des apôtres (2. 24) : « Quem Deus suscitavit, »
solutis doloribus inferni. » Cela ne peut s'entendre des justes qui
étaient aux lymbes ; car ils n'y souffraient au-cune peine. Il faut
donc entendre que le Seigneur en dé-livra quelques-uns du purgatoire
et de ces peines dont on peut être délivré, non de
celles de l'enfer dont on ne l'est jamais.
VII. Une quatrième preuve ressort du texte de S. Paul
(I. Cor. m. 42.) : « Si quis autem superaedificat super » fundamentum
hoc, aurum, argentum , lapides pretio-» sos, ligua, fœnum, stipulam,
uniuscuiusque opus ma-» ni festum erit. Dies enim Domini declarabit,
quia in igne » revelabitur, etuniuscujusque opusquale sit, ignispro-»
babil. Si cujusopusmanserit, quodsuperœdificavit, mer-» cedem accipiet
si cujus opus arserit, detrimentum palie-» tur : ipse autem salvus
erit, sic tamen quasi per ignem. » S. Augustin (lib. de fide et op.
e. 46. enchirid. e. 68) dit que l'apòlre veut ici distinguer les
chrétiens qui fabriquent avec des matériaux solides comme
l'or, l'argent, les pierres précieuses qui signifient les saintes
œuvres, et il dit que de tels ouvrages ne peuvent être détruits
par le feu; mais que ceux qui édifient sur le bois et le foin ,
par quoi sont figurés les péchés véniels ou
mortels, s'ils n'ont point com-plètement satisfait quant ù
la peine temporelle, en sorte qu'il reste quelque chose au feu à
consumer, ils seront pu-rifiés par le feu de telle sorte que le
pécheur sera un jour sauvé par le moyen du feu : «
Ipse autem salvus erit, sic » tamen quasi per ignem. » S. Ambroise
(serm. 20. in psalm. 418) écrit : « Sed cum Paulus dicit :
Sic tamen
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
617
» quasi per ignem ; ostendit quidem illum salvum futu-»
rum, sed poenam ignis passurum , ut per ignem pur-» galus fiai salvus,
et non sicut perfidi aeterno igne in » perpetuum torqueatur, »
S. Augustin parle de même (in psalm. 37) sur le texte cité
: « lia plane, quamvis » salvi per ignem, gravior tamen est
ille ighis, quam » quidquid potest homo pali in hac \ila. »
Le passage est expliqué de même par S. Jérôme
(in 4. cap. amos), S. Bonavenlure, S.Anselme, S. Thomas et autres Pères.
VIII. Une cinquième preuve se trouve dans ce passage des
Machabées (II. Macch. xii. 45 et seq.), qui porte que Judas Machabée
envoya à Jérusalem douze mille drachmes d'argent, qui devaient
être employées aux frais d'un sacrifice offert pour ses soldats
morts dans les com-bats. « Et facta collatione, duodecim millia drachmas
ar-» genti misit Jerosolymam offerri pro peccatis mortuorum »
sacrificium, bene, et religiose de resurrectione cogitans... » Et
quia considerabat, quod hi qui cum pietate dormilio-» nem acceperant,
optimam haberent repositam gratiam. » Sancta ergo, et salubris est
cogitatio pro defunctis exo-» rare, ut a peccatis solvantur. »
Notez ces mots : « Ut a » peccatis solvantur. »
IX. Les novateurs opposent que ce livre des Machabées
n'est point canonique, parce qu'il ne se retrouve pas dans le canon hébraïque.
On répond que si ce livre ne fut pas canonique chez les Hébreux,
il l'est pour l'Église catho-lique, puisque le troisième
concile de Carthage, dans son can. 47 , le compte parmi les livres divins.
Il est aussi compté pour tel par Innocent I (epist, ad Exuper. cap.
ult. ) et le pape Gélase, dans le décret des livres canoni-ques
qu'il publia dans un concile de 70 évêques, et de même
par S. Augustin (lib. 18 De civ. Dei. cap. 56) et
618
??????
S. Isidore(lib. 6. elymol. c. 1. De verb. Dei vide cap. 1
et 15).
X. On objecte en second lieu que Judas ne parlait pas du purgatoire,
mais seulement delà résurrection, comme il parait par ces
mots : « Bene et pie de resurrectione cogi-» (ans. »
On répond que, quoique le purgatoire ne soit pas ici nommé,
il y est bien évidemment entendu el dé-claré; car
Judas fait prier expressément pour les âmes de cesdéfunis,
afin qu'elles soient délivrées de péché, comme
on le voit à la fin du même chap. 12, vers. 46 : « Sancta
- » ergo et salubris est cogitatio pio defunctis exorare, ut
a » peccatis solvantur. »
XI. On objecte troisièmement qu'il ne s'agit pas ici d'une
loi, mais seulement de l'exemple de Judas, qui fil prier pour les morts
; or, nous ne sommes pas tenus de suivre l'exemple d'un bomme, par cela
seul qu'il est rap-porté dans l'Écriture. Le cardinal Bellarmin
(lib. 1. De purgat. ) répond que l'argument n'était pas seulement
pris de l'exemple de Judas, mais de l'usage de l'antiquité el d'un
rite solennel de l'Ancien-ïeslamenl, car on y lie : « Omnes
qui cum Juda erant ad preces conversi ; » el puis : « El facta
collatione Judas misit, eic. ; » ce qui signifie que tous les autres
concoururent avec Judas à donner celle assistance aux morts. 11
faut ajouter le témoignage de l'É-criture sainte elle-même,
qui nomme sainle et salutaire la prière qui a pour but de délivrer
les morts de leuis péchés.
XII. Le purgatoire se prouve enfin par ce même déciel
du concile, où il esl enseigné que les âmes qui y sont
re-tenues reçoivent un grand soulagement de l'assislaace des fidèles,
el surtout des messes : « Animasque ibi detentas » fidelium
suffragiis, potissimum vero acceptabili altaris
CONTRE LES HÉRÉIIQUES.
619
» sacrificio juvari. » Et cela est confirmé par
la commune tradition des Pères et par la pratique universelle de
l'É-glise. Voici ce qu'écrit S. Augustin, parlant de l'assis-tance
que les fidèles prêtent aux trépassés (serm.
32 De verb. Apost.) : « Orationibus sanctae Ecclesiae, et sacrifi-»
cio salutari ex eleemosynis, quae pio defunctorum spi-» ritibus erogantur,
non est dubitandum mortuos adju-* vari. Hoc non est negandum, non est dubium
, non est » dubitandum ; boc enim a Patribus traditum universa »
observat Ecclesia. » Et, dnns un autre endroit, il dit : «
Si nusquam in Scripturis veteribus omnino legeretur, » non pauca
tamen est universae Ecclesia?, quae in bac » consuetudine daret,
auctoritas, ubi in precibus sacer-» dotis, quae Domino Deo ad ejus
altare fundunlur. »(S.Au-gusl. lib. de cura pio mort. cap. i. ) Terlullien
(demo-nogamia. cap. ??) dit que la femme doit prier pour l'ame de son mari
défunt, implorer pour lui du soulage-ment , et offrir le sacrifice
à tous les anniversaires : « Enim » vero et pro anima
ejus oral et refrigerium interim ad-» postulat ei..., ei offeret
annuis diebus dormitionis ejus. » En oulre, le même Terlullien
(de corona milil. cap. 5), parlant des pratiques de l'Église, dil
: « Harum ei alia-» ium disciplinarum si legem exposlules ,
Scripturarum » nullam invenies » ( parce qu'en effet on n'en
trouve poinl dans l'Écriture la loi ou le précepte) : «
Traditio tibi prae-» tenditur auclrix, consuetudo confirmalrix, fides
obser-» valrix; » et parmi ces pratiques, il comptait oblationes
pro defunctis. De plus, le même auteur ( lib. de exhorl. ad Caslit.cap.il),
parlant à un mari qui avait perdu une pre-mière femme el
qui en avail une autre vivante, écrivait ; « Stabis ergo ad
Deum cum loi uxoribus, quoi illas ora-» tione commémoras,
ei offere pro duabus, ei comme-
620
TRAITÉ
» morabis illas duas per sacerdotem.... et ascendit sacri-»
ficium tuum libera fronte. »
XIII. S. Cyprien(lib.l. epist. 9.) écrit : « Neque
enim » ad altare Dei meretur nominari in sacerdotum prece, qui »
ab altari sacerdotes avocare voluit. » II parle là d'une personne
morte. Donc, de son temps, on priait déjà pour les morts,
à la messe. S. Chrysostôme dit (hom. 5. in ep. ad Philip.
) : « Non frustra ab apostolis sancitum est, » ut in celebratione
venerabilium mysteriorum memoria » fiat eorum qui discesserunt. »
Et dans un autre endroit (hom. 21. in Acta) : Non frustra preces, non frustra
elee-» mosyna, ut nos mutuum juvemus. » Et ailleurs (hom. 41.
in 1. ad cor.) : » Non est temere hoc excogitatum, nec » frustra
in memoriam mortuorum sacra mysteria cele-» bramus... nam si Jobi
illius liberos patris victima pur-» gavit, quid dubiles, et nobis
quoque, si prodormien-« libus offeramus, solatii quiddam illis accessurum?
» S. Jérôme dans ses commentaires
sur les proverbes (in cap. prov. 11.) où on lit : « Mortuo
homineimpio, » non erit ultra spes ; » écrit : «
Notandum autem, quod » etsi impiis post mortem spes veniae non est;
sunt tamen » qui de levioribus peccatis post mortem poterunt absolvi,
» vel poenis castigati, vel suorum precibus, et eleemo-» synis,
missarumque celebrationibus. » Si ces commen-taires ne sont pas de
S. Jérôme, on les attribue au moins au vénérable
Bède.
XIV. S. Grégoire de Nysse (Orat. de mort.), parlant des hommes
qui mènent une sainte vie, dit : « In praesenti » vita
sapientia studio, vel precibus purgatos, vel post » obitum per expurgantis
ignis fornacem expialos, ad » sempiternam felicitatem pervenire.
» Picenin avance avec audace que ce passage ne résout pas
la question,
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
621
parce que, dit-il, le saint pensait comme les autres Grecs que les
damnés eux-mêmes sortiraient un jour de l'enfer. Mais que
ce saint est éloigné d'une pareille tache d'origé-nisme
! Il dit en effet dans un autre endroit, de M. Magd.) : « Absurdum
enim est... eos qui animi curam gerunt, » incertum mortis diem non
advertere, et ardore excru-» ciantis illius ignis, qui in aeternum
comburit (notez ces » mots) et nullum unquam refrigerium admittit.
» De plus, S. Àmbroise, parlant de la mort de Valenlinien,
écrit : « Date manibus sacra mysteria , pro requiem ejus »
poscentes affectu : animam piam nostris oblationibus » prosequamur.
» Calvin ne nie pas que les saints Pères n'aient donné
le dogme du purgatoire où les âmes sont purifiées comme
étant de tradition apostolique : mais il dit témérairement
que les saints Pères eux-mêmes « aliquid humani passi
sunt, » sans doute, selon lui, en donnant créance à
des choses fausses ou superstitieuses. Mais \enons aux objections que font
les hérétiques contre l'existence du purgatoire.
XV. La première objection des novateurs est que l'É-criture
ne fait mention que de deux lieux dans l'autre \ie, le paradis et l'enfer
et jamais du purgatoire. « Si cecide-» rit lignum ad austrum,
aut ad aquilonem, in quocum-» que loco ceciderit, » (ibi erit.
Eccl. 14.) On répond que l'Écriture parle ici des deux réceptacles
éternels où après le jugement les âmes seront
placées définitivement, alors qu'il n'y aura plus de purgatoire.
Outre, comme l'observe très-bien Bellarmin, qu'on peut justement
dire de ceux qui meurent débiteurs seulement de peines tem-porelles
qu'ils tombent au midi du salut éternel, non vers l'aquilon de la
mort éternelle, puisqu'il leur reste seule-ment à satisfaire
leur delte temporelle.
622
TRAITÉ
XVI. On oppose en second lieu ce passage de YApun-hjpse (14 S.) :
« Beali mortui qui in Domino moriun-» lur ! Amodo jam dicit
Spiritus ut requiescant à labori-» bus suis. » On peut
répondre ici avec S. Anselme sur ce passage, qu'il ne s'y agit pas
du temps de la mort, mais de celui du jugement dernier duquel parle S.
Jean et auquel, dit-il, se rapporte l'expression amodo. Mais la meilleure
réponse est que le texte cité ne s'entend pas de tous ceux
qui meurent dans la grâce, mais seulement des parfaiis, qui par leurs
persévérance et leurs bonnes œuvres sonl sortis de celle
vie sans aucune souillure.
XVII. On objecte troisièmement que dans l'autre vie aucun
péché n'est remis, d'abord parce qu'à ce terme on
est hors de la voie, puis parce qu'alors il n'y a plus de pénilence
sans laquelle aucun péché n'est remis. On ré-pond
(avec certains docteurs) qu'après la mort, l'ame, bien qu'elle nesoit
plus dans la voie, néanmoins, par un amour parfait de Dieu et la
détestalion du péché, que l'on voit alors tel qu'il
est, peut êlre lavée de toute faute. On peut dire aussi (avec
d'autres théologiens) que les âmes du purgatoire sonl encore
en quelque manière dans la voie, n'étant point arrivées
à leur dernier terme, qui est la possession de la béatitude
éternelle ; et ainsi elles peu-vent exercer la pénilence
par laquelle leurs fautes leur se-raient remises ; mais la première
réponse semble plus juste.
XVIII. On objecte quatrièmement que les fautes étant
remises par les mérites de J-ésus-Christ qui sont infinis,
il ne doit rester à satisfaire par aucune peine. On répond
que bien que les faules soient remises par les mérites de Jésus-Cfirist,
néanmoins la justice veut qu'il soit satisfait par la peine temporelle
due au péché. Mais on îéplique :
CONTRE LIS ÏIÉRÉTIQUES.
623
Si la rémission des peines s'obtient pav le moyen de notre satisfaction,
alors on pourra dire ou que celle rémission n'est pas produite parla
satisfaction de Jésns-Chrisi, mais par nos piopres œuvres de satisfaction,
ou au moins que tout péché est remis par deux satisfactions,
celle de Jésus-Christ et la nôtre. La réponse est que
la satisfaction de Jésus-Christ suffirait certainement à
nous libérer de toute obligation de peine; mais le Seigneur a voulu
que nous ajoutassions notre propre satisfaction qui d'ailleurs n'a de valeur
pour nous libérer des peines dues que celle qu'elle emprunte de
la satisfaction fournie par Jébiis-Chrisl.
XIX. On objecte cinquièmement que la peine est pour la
faute, qu'en conséquence où il n'y a plus de faute il n'est
plus besoin de satisfaire par une peine. On répond que le péché
nous f.ùl contracter deux dettes ou deux condamnations : celle de
la faute, et celle de la peine. Dieu remet la condamnation de la faute
au pécheur contrit et l'admet de nouveau dans son amitié,
enjnême temps il lui remet la peine éternelle; mais c'est
avec justice qu'il exige ensuite que le pécheur satisfasse à
la peine tempo-relle, de même qu'un prince reçoit en giâce
un sujet cou-pable, mais l'oblige à subir quelque punition.
XX. On objecte sixièmement qu'il faut les mêmes
con-ditions pour mériter que pour satisfaire; mais dans le pur-gatoire
on ne peut mériter, on ne peut donc non plus sa-tisfaire. La réponse
est que quoique dans le purgatoire on ne puisse mériter, puisque
pour mérilei il faut la liberté et être dans la voie
; on peut néanmoins y payer la peine due, laquelle ne sera pas méritoire,
mais satisfacere. 11 est vrai que duns cette vie le Sçigneur récompense
en nous même les actes satisfacloircs parce qu'ils SOQI volon-taires
et par conséquent méritant; mais dans l'autre vie,
624
TRAITE
où on est hors de la voie, les âmes ne satisfont pas par
leur propre détermination, mais comme contraintes par la nécessilé
de la salisfaclion et en conséquence elles ne méritent pas.
XXI. Septièmement, on oppose le texte d'Ézéchiel(xvin.
21. et seq. ) ; « Si autem impius egerit poenitentiam.....
» omnium iniquitatum ejus quas operatus est non recor-»
dabor. » Si Dieu déclare ne plus se souvenir des fautes du
pécheur repentant, il ne pense pas à en exiger aucune peine.
Il faut répondre avec Bellarmin que l'oubli de l'iniquité
emporte de la part du Seigneur la cessation de son inimitié contre
le pécheur, mais non la remise de toute peine justement due.
XXII. Huitièmement, on oppose un autre texte de S. Paul
(H. Cor. ?.) : « Si domus terrena nostra habila-» tionis dissolvitur,
habemus domum non manufactam » aeternam in coelis. » Donc après
la mort on ne va pas au purgatoire, mais au ciel. On répond avec
le même cardinal Bellarmin qu'ici l'apôtre n'entend dire autre
chose sinon que le ciel est ouvert pour nous, après la mort, non
avant, comme le prouvent les paroles sui-vantes : « Si tamen vestiti,
et non nudi inveniuntur. » Mais les autres qui après la mort
ne se trouvent pas velus de la robe nuptiale, c'est-à-dire non complètement
purs « salvantur per ignem, » comme dit l'apôtre en un
autre endroit (voyez au num. 7).
XXIII. Neuvièmement, on oppose ce que dit S. Am-broise(lib.
De bono mort. cap. 2) : « Qui enim hic non » acceperit remissionem
peccatorum illic non erit, nimi-» rum in patria beatorum. »
Donc, dit-on, jamais dans l'autre vie les péchés ne sont
remis à celui à qui ils ne le furent point dans celle-ci,
et ainsi, selon S. Ambroise,
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
625
le purgatoire auquel nous croyons n'existe pas. On répond que
le saint entend parler de ces pécheurs qui sortent de la vie avec
des fautes graves, comme il paraît clairement par les paroles suivantes
du même saint : « Non erit au-» leni, quia ad vitam aeternam
non potuerit pervenire, » vita aeterna remissio peccatorum est. »
La rémission des péchés se nomme la vie éternelle
inchoata.
XXIV. On demande 1° quel est le lieu où les âmes
se purifient? Il y a trois opinions là-dessus : les uns veulent
que chacun subisse sa peine au lieu même où il a péché.
Cela est fort probable; sinon pour tous, du moins pour quelques-uns, selon
les jugemens divins, et comme nous en avons divers exemples rapportés
par les auteurs et spé-cialement par S. Grégoire. D'autres
disent que le purga-toire est au même lieu que l'enfer : ce qui est
aussi pro-bable ; et ce n'est point un obslacle que la présence
de pécheurs condamnés à souffrir éternellement
; la même prison peut bien contenir les condamnés à
perpétuité et ceux qui ne le sont que pour un temps. Enfin
on dit en-core, et ceci est l'opinion la plus commune, que le purga-toire
est un lieu a part, supérieur à l'enfer, mais égale-ment
sous terre, appelé par l'Église le lac profond : «
Libera animas defunctorum de poenis inferi et de pro-» fundo lacu.
» II y en a qui pensent que le purgatoire,
•pour quelques âmes souillées de très-légères
fautes, ne consiste qu'à être privées de la vue de
Dieu. Le vénérable Bède rapporte qu'une ame fut vue
dans un lieu agréable» niais hors du ciel. Denis le chartreux
en rapporte plu-sieurs exemples, et Bellarmin dit également que
la chose n'est point improbable.
XXV. Une deuxième question porte sur la durée des
peines du purgatoire. Oiigène (lom. 14 in Lucam.) dit
xix.
40
626
TRAITÉ
qu'après le jour de la résurrection, les âmes auront
en-core besoin d'un sacrement qui les purifie, pour qu'elles entrent dans
la gloire; mais S. Augustin réfuie celle opi-nion en disant (1.21.
de civ. Dei. cap 46.) qu'il ne peut être salisfail par des peines
qu'avant le jugement final. D'un autre côlé, Dominique Soto
dit que les peines du purga-toire n'outrepassent pas dix ans, quelque graves
qu'eues soient; mais cette opinion n'a aucune probabilité ; car
bien que Dieu puisse en augmentant l'intensité de la peine, faire
qu'une ame reste purifiée de tous ses péchés, comme
sans doute il l'a fait pour plusieurs; néanmoins, ordi-nairement
dans le purgatoire, les grands pécheurs souf-frent pendant plus
de dix ans et de vingt ans, comme le prouvent plusieurs visions qu'on lit
dans Bède (1. 5 his-toriarum) où on voit que plusieurs âmes
avaient été con-damnées à souffrir jusqu'au
jour du jugement. Cette opi-nion est pleinement confirmée par la
pratique de l'Église, qui veut qu'on ne cesse point les prières
pour les trépassés, encore qu'ils soient morts depuis cent
et deux cents ans. XXVI. On demande en troisième lieu, par quelles
peines les âmes seront purifiées dans le purgatoire. Luther
voulait qu'elles fussent tourmentées par le désespoir, mais
cela est faux. Puis quelques catholiques disent que cer-taines âmes
sont affligées par l'incertitude où elles sont de leur salut;
mais Bellarmin, avec tous les théologiens, prouve savamment que
toutes les âmes du purgatoire sont certaines de leur salut. La raison
en est que chacune, dans le jugement particulier qu'elle a subi, a reçu
la sen-tence de son salut ou de sa perle éternelle. La certitude
du salut, écrit saint Bonavenlure, allège beaucoup la peine
de ces saintes âmes, et l'amour qu'elles ressentent pour Dieu leur
donne cette certitude. II est cerlain, en outre,
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
627
que leur plus grande peine est celle du dam, c'est-à-dire d'être
relardées de la vue deDieu. H est certain aussi qu'elles souffrent
de la peine des sens, parce que tout péché étant une
conversion vers les créatures, il est jusle qu'on en soit puni par
les créatures mêmes. Quant à savoir si le feu du purgatoire
est corporel, ou purement métaphori-que, et signifie les terreurs,
les angoisses, ou les remords de la conscience, comme le pensent quelques-uns,
l'Église n'a point décidé la question, mais, comme
l'écrit Bellar-min, l'opinion générale des théologiens,
c'est qu'il est réel et matériel. S. Grégoire dit
expressément (1. 4. dialog. c. 29. ) que ce feu est corporel, et
S. Augustin pense de même (de civ. Dei. lib. 2. cap. 20.). Il faut
ajouter que, dans l'Écriiure, les peines des pécheurs dans
l'autre vie sont toujours appelées feu ; et c'est une règle
bien connue" que l'Écriiure doit êlre prise dans son sens
littéral, loules les fois que ses paroles peuvent recevoir ainsi
une expli-cation.
XXVII. On demande encore si les âmes du purgatoire sonl
tourmentées réellement par les démons. S. Thomas (in
4 sent. disl. 20 a 1 ad 5.) dit que non, parce que ces âmes ayant
triomphé des démons en celle vie, il ne convient poinl qu'elles
soient affligées par ces mêmes dé-mons. Nonobstant
cela, il y a plusieurs révélations rap-portées par
Denis lecharlreux, le vénérable Bède et S. Ber-nard
qui représentent lésâmes du purgatoire comme affli-gées
par les démons.
XXVIII. Quant à la gravité des peines du purgatoire,
S. Augustin écrit (in psalm. 37), parlant de la peine du feu : «
Gravior tamen ille ignis, quam quidquid potest » homo pali in hac
vita. » La même chose est dile par S. Grégoire, et se
trouve confirmée dans les révélations de
40.
628
TRAITÉ
Bède et de sainle Brigitte. El S. Thomas (in 4. dist. 20. 7.
2 a 2.) écrit que la plus petite peine des sens dans le pur-gatoire
surpasse la plus grande qu'on puisse souffrir en celle vie, et cela, outre
la peine du dam qui, certainement en purgatoire comme en enfer, est bien
supérieure encore à toute peine des sens; néanmoins
S. Bonavenlure (in 4 disl. 20 a 1 qu. 2.) dil que loule peine infligée
dans le purgatoire, n'est pas plus grande que toutes celles de cette \ie,
et cette opinion plaît à Bellarmin, parce que la peine d'être
privé de la vue de Dieu, quelquegrande qu'elle soit, est singulièrement
allégée par la certitude d'en jouir un jour, et il ajoute
que, pour une ame en purgatoire, plus le jour de sa délivrance approche,
et plus sa peine en de-vient légère. Les paroles suivantes
de S. Augustin sont conformes à cette pensée (in enchirid.
cap. 112.) : Mi-» nimam poenam damni, si tamen aeterna sit, majorem
» esse omnibus poenis hujus vitae. » Notez ces mots, «
si » tamen aeterna sit ; » donc la peine même du dam
dans le purgatoire n'est pas toujours plus grande que toutes les peines
de cette vie.
Des prières offertes par les fidèles pour les âmes
du purgatoire.
XXIX. Nous avons déjà beaucoup parlé sur ce point,
dausles numéros précédens, où nous avons prouvé
l'exis-tence du purgatoire. Il reste à en dire ici quelques choses
particulières. Arius fut le premier qui nia l'utilité des
prières pour les morts : mais il fut tenu pour hérétique,
comme l'atteste S, Epiphane(hœres. 75.). Les prolestans disent de même,
mais l'Église affirme, « ex sacris litteris, Ì> et
antiqua Patrum traditione, in sacris conciliis, elno-» vissime in
hac oecumenica synodo purgatorium esse,
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
629
» animasque ibi detentas fidelium suffragiis, potissimum »
vero acceptabili altaris sacrificio juvari. » Notis l'avons aussi
prouvé plus haut, par l'autorité du texte des Maccha-bées
(1. 2. c. 12. n. 46. ) : Sancta ergo et salubris est co-» gitalio
pro defunctis exorare ul a peccatis solvantur; » (voyez au num. 8.)
et par l'autorité de tous les saints Pères qui attestent
que telle a été la tradition et la pratique universelle de
l'Église. S. Augustin parlant du soulage-ment que les défunts
reçoivent de l'assistance des vi vans écrit(Serm. 32 de verb.
apost.) : « Orationibus sanctae » ecclesiae et sacrificio salutari,
et eleemosynis, quae pio » defunctorum spiritibus erogantur, non
est dubitandum » mortuos adjuvari. Hoc non est negandum, non estdu-»
bium, non est dubitandum : hoc enim a Patribus tradi-» tum universa
observat Ecclesia. » Et plus loin, il ajoute : « Sed si nusquam
in scripturis veteribus omnino legere-» lut; non pauca tamen est
universas Ecclesiae, quae in » hac consuetudine daret, auctoritas;
ubi in precibus sa-» cerdotis, quœ Domino Deo ad ejus altare funduntur,
» locum suum habet etiam commendatio mortuorum. »
Cette seule autorité de S. Augustin (sans celles rappor-tées
déjà plus haut) suffirait à établir la vérité
de celte assistance. Les autres citations des saints Pères faites
plus haut à partir du numéro 12, confirment celle vérilé
: de plus, dans toutes les liturgies des apôtres, on retrouvé
les prières pour les trépassés.
XXX. On oppose les paroles de la prière pour les moris, que
l'Église récite à la messe : t Libera me, Domine,
de » morte aeterna, in die illa tremenda... dum veneris ju-»
dicare seculum per ignem. » Donc, disenl les adver-saires, par le
moyen de ces prières lésâmes condamnées à
l'enfer peuvent aussi être délivrées. Nous répondons
que
650
TRAITÉ
ces paroles ne se rapportent pas au lemps présent, où
se dit la messe, mais au moment de la mort, comme si l'ame n'avait pas
encore quille la vie, ou.à celui du juge-ment dernier.
XXXI. On objecte encore, que de même que Dieu ne punit
pas un homme pour les faules d'un aulre, il n'ac-cepie pas non plus l'œuvre
de l'un pour l'autre. On répond que l'argument tombe de lui-même;
car punir l'un pour l'autre serait une injustice; mais accepter l'œuvre
de l'un offeite pour l'autre, n'est point contre la justice, c'est au contraire
un bon fondemenl de charité parmi les hommes, et une chose conforme
à la divine miséricorde.
XXXII. On fait ici une dernière question : si les âmes
du purgatoire peuvent à leur tour prier pour nous. S. Tho-mas l'Angélique
(in 2. 2 q. 82 a 41 ad 3.) dit que les âmes du purgatoire, se trouvant
obligées de satisfaire par leurs peines à leur propre detle,
ne peuvent prier pour nous : « Non sunt in statu orandi, sed magis
ut orelur » pro eis. » Telles sont ses paroles : mais beaucoup
d'au-tres graves auteurs comme Bellarmin, Sylvius, le cardinal Golli, etc.,
disent que bien que ces âmes soient dans un état qui les rend
inférieures à nous, puisqu'elles ont besoin de nos prières,
néanmoins, comme chéries de Dieu, elles peuvent aussi prier
pour nous; et que l'on doit pieusement croire que le Seigneur leur permet
l'oraison, afin qu'elles prient pour nous, el qu'ainsi enlre nous et elles
se con-serve ce saint commerce de charité.
XXXIII. Dans le même décret de la susdite session vingt-cinquième,
le concile, après avoir parlé du purgatoire, parle aussi
de l'invocation des saints el de la vénération qu'on doit
avoir pour leurs reliques et pour les saintes images.
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
631
De invocatione, veneratione, et reliquiis sanctorum, et sacris imaginibus.
?. « Mandat sancta synodus omnibus episcopis, etcse-» Ieris
docendi munus curamque sustinentibus, ut, juxla » catholicae et apostolicae
Ecclesiae usum , a primaevis » christianae religionis temporibus
receptum, sanctorum-» que Patrum consensionem, et sacrorum conciliorum
» decreta, in primis de sanctorum intercessione, invoca-» lione,
reliquiarum honore, et legitimo imaginum usu, » fideles diligenter
instruant, docentes eos sanctos, una » cum Christo regnantes, orationes
suas pro omnibus » Deo offerre, bonum atque utile esse suppliciter
eos in-» vocare : et ob beneficia impetranda a Deo per filium ejus
» Iesum Christum Dominum nostrum, qui solus noster » redemptor
et salvator, est ad eorum orationes, opem, » auxilium confugere :
illos vero qui negant, sanctos, » aeterna felicitate in cœlo fruentes,
invocandos esse; aut » qui asserunt, vel illos pio hominibus non
orare; vel » eorum, ul pro nobis etiam singulis orenl, invocalio-»
nem esse idololatriam, vel pugnare cum verbo Dei et » hominum Jesu
Christi ,· vel stultum esse, in ccelo regnan-» libus voce;
vel mente supplicare ; impie sentire, sanc-» torum quoque martyrum,
et aliorum cum Christo yi-» venlium sancta corpora, quae viva membra
fuerunt » Christi, et templum Spiritus sancti, ab ipso ad aeter-»
nam vitam suscitanda et glorificanda , a fidelibus \&-» neranda
esse ; per quae multa beneficia a Deo homini-» bus praestantur :
ita ut affirmantes sanctorum reliquiis «'venerationem atque honorem
non deberi, vel eas alia-» que sacra monumenta a fidelibus inutiliter
honorari, » atque eorum opis impetrandae causa sanctorum mémo-
652
TRAITÉ
» rias frustra frequentari : omnino damnandos esse, prout »
jam pridem eos damnavit, et nunc etiam damnat Ec-» clesia. Imagines
porro Christi, deiparae Virginis, et » aliorum sanctorum in templis
praesertim habendas, et » retinendas, eisque debitum honorem et venerationem
» impertiendam; non quod credatur inesse aliqua in iis » divinitas,
vel virtus, propter quam sint colendae; vel » quod ab eis sit aliquid
petendum ; vel quod fiducia » in imaginibus sit figenda ; veluti
olim fiebat a genti-» bus, quae in idolis spem suam collocabant :
sed quoniam » honos, qui eis exhibetur, refertur ad prototypa, quas
» illae reprœsentant, ita ut per imagines, quas osculamur, »
et coram quibus caput aperimus, et procumbimus, » Christum adoremus,
et sanctos, quorum illae similitu-» dinem gerant, veneremur : id
quod Conciliorum, proe-» sertim vero secundae Nicenae synodi, decretis
contra » imaginum oppugnatores est sancitum.
II. » Illud vero diligenter doceant episcopi, per his-»
torias mysteriorum nostrae redemptionis, picturis, vel » aliis similitudinibus
expressas, erudiri, et confirmari » populum in articulis fidei commemorandis,
et assidue » recolendis ; tum vero ex omnibus sacris imaginibus ma-»
gnum fructum percipi : non solum quia admonetur » populus beneficiorum
et munerum, quae a Christo sibi » collata sunt; sed etiam quia Dei
per sanctos miracula et » salutaria exempla oculis fidelium subiiciuntur
: ut pro » iis Deo gratias agant, ad sanctorum imitationem vitam
* moresque suos componant; excitenturque ad adoran-» dum ac diligendum
Deum, et ad pietatem colendam. » Si quis autem his decretis contraria
docuerit, aut sen-» serit; anathema sit. In has autem sanctas et
salutares » observaliones si qui abusus irrepserint, eos prorsus
abo-
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
635
» leri sancta synodus vehementer cupit ; ita ut nulla; falsi
» dogmatis imagines, et rudibus periculum erroris occa-» sionem
praebentes statuantur. Quodsi aliquando histo-» rias, et narrationes
sacrai Scriplurœ, cum id indoctae » plebi expedire!, exprimi et figurari
contegerii, doceatur » populus non propterea divinilalem figurari,
quasi corpo-» veis oculis conspici; vel coloribus, aut figuris exprimi
» possit. Omnisporrosuperslilioinsanctorum invocatione, » reliquiarum
veneratione, et imaginum sacro usu tol-» lalur; omnis turpis quteslus
eliminetur; omnis denique » lascivia vitetur ·, ita ut procaci
venustate imagines non » pinganlur, nec ornentur; et sanctorum celebratione,
» ac reliquiarum visitatione homines ad commessaliones » alque
ebrietates non abutamur ; quasi festi dies in lio-» norem sanctorum
perluxum ac lasciviam agantur. Pos* » tremo, tanta circa liaìc
diligentia et cura ab episcopo » adhibeatur, ul nihil inordinatum,
aut prseposlere et » lumulluarie accommodatum, nihil profanum, nihil-»
que inhonestam appareat ; cum domum Dei deceat sanc-» tiludo. Haec
ut fidelibus observentur, statuit sancta sy-» nodus, nemini licere
ullo in loco, vel ecclesia, etiam » quomodo libet exempta, ullam
insolitam ponere vel » ponendam curare imaginem, nisi ab episcopo
appro-» bala fuerit; nulla etiam admittenda esse noVa miracula, »
nec novas reliquias recipiendae, nisi eodem recognos-» cente et approbante
episcopo, qui simul atque de iis » aliquid compertum habuerit, adhibitis
in consilium » theologis, et aliis piis viris, ea facial, quœ veritati
ei » pietati consentanea judicavit. Quodsi aliquis dubius aut »
difficilis abusus sit extirpandus : vel omnino aliqua de » iis rebus
gravior quaestio incidat; episcopus, antequam » controversiam dirimat,
melropolitani et comprovin»
634
TRAITÉ
» cialium episcoporum in concilio provinciali sententiam »
expectet : ita tamen iit nihil, inconsulto sanctissimo » romanorum
pontifice, novum, aut in Ecclesia hactenus » inusitatum, decernatur.
»
III. Nous allons traiter ici en quatre paragraphes. l°Du
culte des saints. 2° De leur invocation. 5° De leurs re-liques.
4° Des saintes Images.
§ Iif. Du culte dû aux saints.
IV. Le premier qui nia le culte dû aux saints fui Simon le magicien
qui exigea de ses disciples qu'ils cessassent d'ho-norer les images des
saints, pour honorer la sienne et celle d'Hélène, sa femme.
Calvin et ses sectateurs nièrent de-puis qu'on dût faire aucune
prièréaux saints. On distin-gue la vénération
de la louange et celle ci de l'adoration. La vénération
s'exprime par des signes extérieurs, la louange par
des paroles, et l'adoration non-seulement com-prend l'une et l'autre, mais
comprend aussi la vénération intérieure, et celle-ci
doit être exercée sans doute à l'égard des saints,
à cause de leur excellence surnaturelle. Les hérétiques
nous lancent celle calomnie que nous rendons aux saints le même honneur
qu'à Dieu ; mais BOUS disons, nous, qu'aux saints est dû,
à raison de leurs vertus sur-naturelles, le culte appelé
de dulie; à la mère de Dieu celui d'hyperdulie, à
raison des dons et vertus plus sublimes que possédera bienheureuse
Vierge, et enfin que le culie de latrie se doit à Dieu seul pour
ses infinies perfections, ainsi qu'à Jésus-Christ, à
cause de l'union hypostalique de sa chair avec la dignité du Verbe.
Ces differens cultes soûl appelés religieux à la différence
des honneurs civils que l'on rend aux hommes eminens en vertus naturelles
CONTRK LES HÉRÉTIQUES.
635
ou des honneurs politiques dus aux princes el aux ma-gistrats à
raison de leur dignité.
V. Quant à la question, si les saints doivent être
seule-ment vénérés, ou peuvent encore être adorés,
c'est une vaine dispute de mots ; il suffit que Dieu soit seul adoré
d'un culte de latrie, comme notre souverain Seigneur, et les sainls du
culle de dulie, comme étant les serviteurs de Dieu et nos intercesseurs
auprès de-sa divine majesté. Du reste, dans le septième
synode, au deuxième concile de Nicée, acte 6, il est dit
: « Sive igitur placebit salula-» tionem, sive adorationem
appellare, idem illa profecto » erit, modo sciamus excludi lalriam;
haec enim est alia » a simplici adoratione, ut alibi est ostensum.
»
VI. Luther (écrivant sur le vingt-troisième dimanche
après la Pentecôte) appelle chose diabolique tout culle iendu
aux sainls, et les cenlurialeurs le nomment idolâtrie. D'autres luthériens
admettent que les sainls méritent un culte spécial, et particulièrement
la sainte Vierge, qui a prédit sur elle-même : « Beatam
me-dicent omnes gene-» rationes; » mais ils ne veulent pas
que ce culte soit re-ligieux, el en conséquence ils réprouvent
les invocations, les pèlerinages, el toutes les autres pieuses pratiques.
Mais nous voyons dans l'Écriture qu'Abraham adora les anges. (Gènes,
xix. 1.) Saùl adora l'ame de Samuel. (II. Reg. cap. 28.) Les fils
des prophètes ayant appris que l'esprit d'Élie était
passé dans Elysée, l'adorèrent. Dieu lui-même
honore les sainls, comme il est dit dans S. Jean : « Si quis mihi
ministraverit, honorificabit illum Paler » meus. » (Joan. xn.
26.) Si Dieu honore ses serviteurs, comment nous serait-il défendu
de les honorer?S. Am· broise écrit : « Quisquis honorat
martyres, honorat Chris-» tum.» (Serm. in fin.) S. Cyprien
écrit: «Sacrificia
636
ÏRAIIE
» pfo eis semper offerimus, quoties martyrium, passio-»
nes, et dies anniversaria commemoralione celebramus. (Lib. 4. epist. 5.)
S. Jean Damascène : « Honorandos » esse sanctos, ulservos,
amicos, et filios Dei. » (Lib. 4. (Orlhod. fid. e. 16.) S. Basile
: « Ecclesia per hoc quod » eos honorat qui praecesserunt,
praesentes impellit. » (Orat. in 1. Mamanlem.)S. Jérôme
: « Honoramus servos, » ut honor servorum redundet ad Dominum.
» (Epist, ad Riparium.) Theodoret : « Àlqui nos Graeci
homines, nec » hostias marlyribus, nec libamina ulla deferimus; sed
» ut sanctos homines, Deique amicissimos honoramus. » (Lib.
8. de Graec.) S. Augustin : « Memorias martyrum » populus christianus
religiosa solemnitate concelebrat. » (Lib. 20. contra Faustum, e.
21. )
L'autorité de tant de saints Pères doit bien nous con-vaincre
que nous pouvons, que nous devons môme hono-rer les saints d'un culte
religieux, tant pour leur excel-lence surnaturelle que pour la grâce
sanctifiante dont ils seront éternellement doues, et pour la jouissance
qu'ils ont et qu'ils auront à jamais de la vue de Dieu.
VII. On oppose premièrement ce que dit l'apôtre (I. Tim.
1.): «Soli Deo honor et gloria.» Nous répon-drons ,
comme nous l'avons déjà fait, qu'à Dieu seul est dû
tout honneur pour sa sainteté infinie et incréée,
mais que cela n'txclul pas l'honneur dû aux saints po'ur la sain-teté
que Dieu leur communique. On voit par là combien est absurde ce
que disent les hérétiques, que le culte que nous rendons
aux sainls diminue celui que nous devons à Dieu, puisque, comme
le dit S. Jérôme (à l'endroit cité dans le n*
7), l'honneur qu'on rend aux sainls re· tourne à Dieu, comme
à l'auteur de la sainteté. C'est ainsi que S. Augustin répond
à ceux qui disaient qu'en
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
637
honorant S. Pierre, on manquait à l'honnekir dû à
Jé-sus-Christ : « In Petro (dit le saint) quis hororalur,
nisi » ille defunctus pro nobis? Sumus enim chr sliani, non »
pelriani. » (Epist.252.)
VIII. On objecte en second lieu, qu'en honorant les saints, nous
commettons une véritable idolâtrie, puisque notre vénération
va jusqu'à leur offrir le sacrifice de la messe. Mais tout cela
est faux ; ce n'est qu'à Dieu que nous offrons des messes, comme
à notre souverain Sei-gneur. Elles peuvent ensuite lui être
offertes dans le but spécial de lui rendre grâce des dons
qu'il a faits à ses saints, et à le prier de daigner, par
leur intercessi ?, nous ac-corder aussi les grâces que nous desirons.
Ht ainsi, bien que beaucoup d'églises et d'autels soient soi s l'invocation
d'un saint, ces églises et ces autels n'en so t pas moins érigés
en l'honneur de Dieu.
IX. Troisièmement, on objecte que noua rendons à
la bienheureuse Vierge l'honneur qui n'est du qu'à Dieu et à
Jésus-Christ, puisque nous l'appelons co-réaemptrice, mé-diatrice,
et notre espérance. On répond que nous la nom-mons co-rédetnptrice,
non parce que Marie a partagé avec Jésus-Christ l'œuvre de
la rédemption des hommes, mais parce que, comme l'écrit S.
Augustin (lib. de sancta Virginil. c. 6), étant mère de notre
chef Jésus-Christ, et ayant coopéré, par sa charité,
à'ia naissance spirituelle des fidèles à la grâce
dans le sein de l'Église, elle est devenue aussi notre mère,
et un chef dont nous sommes les membres : « Sed plane mater membrorum
ejus (quae » nos sumus) quia cooperata est charilate, ul fideles
in » Ecclesia nascerentur, qua illius capitis membra sunt. »
Étant mère selon la chair du Sauveur, elle est devenue aussi
la mère spirituelle de tous les fidèlep. Dans (ouïe
sa
6S8
TRAITÉ
vie, celle vierge sublime, par sa charité envers les hom-mes,
coopéra à leur salut, spécialement quand, sur le calvaire,
elle offrit pour nous la vie de son fils au Père éternel.
Nous l'appelons encore médiatrice, non de justice, mais de grâce,
Jésus-Christ étant seul médiateur de jus-tice, comme
ayant seul, par ses mérites, obtenu la ré-conciliation de
Dieu avec les hommes. Marie est média-trice de grâce auprès
de Dieu, comme le sont aussi tous les saints ; mais plus puissante que
les saints, dont les prières ne sont que des supplications de serviteurs,
tandis que les prières de Marie sont les prières d'une mère,
qui ne sont jamais repoussées, comme le dit S. Bernard : «
Quaeramus gratiam et per Mariam quaeramus, quia ma-» 1er est, et
fruslari non potest. » Aussi, S. Pierre Da-micns lui dit-il: «Domina,
nihil tibi impossibile', cui » possibile est etiam desperalosad spem
salutis relcvare; » nam filius nihil negans honorat. » Et c'est
dans le même sens qu'il faut entendre ces autres paroles que lui
adresse le même saint (et qui font tant d'horreur au calviniste Picenin):
«Accedis ad illud commune propitiatorium, » Domina, non ancilla
: imperans,' non rogans.
X. Quatrièmement, on objecte que les saints ne doi-vent pas
recevoir le culte de dulie que nous leur rendons, parce que nous ne sommes
pas serviteurs des saints, mais co-servifeurs avec eux. On répond
que nous ne sommes les serviteurs que de Dieu, notre souverain Seigneur;
mais, impaifailemenl parlant, nous pouvons bien noi'S dire les serviteurs
des saints, à raison de leur excellence pure de toute tache, et
plus encore à raison du royaume céleste qu'ils possèdent
et posséderont éternellement; tan-dis que nous, sur cette
(erre, nous ne sommes point exempts de péchés, et n'avons
pas la certitude de nous
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
659
voir au nombre des bienheureux. C'est donc justement que nous honorons
les saints du culte de dulie.
§ II. De l'invocation des saints.
XI. Vigilance, et après lui Wicleff, oni dit que l'invo-cation
des saints était une chose vaine et inutile; mais le concile de
Trente, dans son décret rapporté plus haut, ordonne aux évêques
d'enseigner le contraire ; savoir : « Sanclos una cum Chrislo regnantes
orationes suas pio » hominibus Deo offerre ; bonum atque utile esse
eos sup-» pliciter invocare. » Si c'est chose utile que de
recom-mander sans cesse les fidèles vi vans aux prières des
autres fidèles, à plus forte raison nous sera-t-il avantageux
d'in-voquer les saints, afin qu'ils nous aident de leurs puis-santes prières.
S. Paul se recommandait aux prières de ses disciples : « Orationi
instate orantes simul et pio no-» bis.» (Coloss. iv. 2.) Et
ailleurs, il écrit aux Romains: « Obsecro vos, fratres....,
utadjuvetis me in orationibus » pro me apud Deum. » (Rom. xv.
30.) Dieu lui-même exhorte les amis de Job à recourir à
ses prières, par les-quelles il leur promet d'user envers eux de
miséricorde : « Ile ad servum meum Job. Job autem servus meus
ora-» bit pro vobis ; faciem ejus suspiciant ut non vobis im-»
pulelur stullilia.» (Job. XLH. 8.) Or; si les prières des
vi-vans, dit S. Jérôme, peuvent nous obtenir les grâces
di-vines , auront-elles moins de valeur lorsque ceux-ci auront été
appelés à régner avec le Christ : « Moyses sexcenlis
mil-» libus impetrat a Deo veniam ; et Stephanus pro pecca-»
toribus veniam deprecatur : postquam cum Chrislo esse » cœperinl,
minus valebunt? (S. Hiéron. contra vigilant.)» Lomer, luthérien,
dit que nous invoquons les saints, non
640
TRAITÉ
seulement comme intercédant, mais aussi comme nous aidant. Mais
qu'importe? les saints nous aident, non par leur propre vertu, mais par
leur intercession, au moyen de laquelle nous recevons les grâces
divines.
XII. On lit dans Jêrémie : « Si steterim Moyses
et Sa-» muel coram me, non est anima raea ad populum isluin. »
(Jerem. xv. 1.) Si Moïse et Samuel prièrent pour le peu-ple
et si le Seigneur les exauça, comment les hérétiques
peuvent-ils dire que nous n'avons dans l'Écriture aucun document
qui prouve que les saints déjà moris prient pour les vivans
1 Judas Macchabée aperçut dans une vision le pontife Onias
et le prophète Jérémie qui priaient pour les Juifs,
comme on le lit dans le lib.2. Macchab.A cela Calvin n'a su répondre
que par l'assertion que ce livre des Mac-chabées n'est point canonique.
Les hérétiques disent bien que les anges et les saints prient
pour nous, mais d'une manière générale. Gependanl
le conlraire est prouvé dans Tobie au chap. 12, dans Daniel au chap.
10, dans S. Matthieu au chap. 18, et dans l'Apocalypse au ch, 8, où
on lit que les anges et les saints ont prié pour des hommes en particulier.
XIII. Qu'ensuite l'invocalion des saints soit confirmée
par la tradition, cela se prouve par l'autorité des saints Pères.
S. Ambroise (in precal. 2. praepar. ad missam. ) dit : « Ut efficax
mea sit deprecatio, beatae Mariae virginis » suffragium peto, quam
tanti meriti esse fecisti, etc., » apostoloium intercessionem imploro,
etc. » S. Chrysos tome dans sa liturgie invoque souvent les prières
de la bienheureuse Vierge et des autres saints. S. Augustin dans ses méditations,
cap. 40, fait celle prière : « Sancia el » immaculata
Virgo Dei genitrix Maria, inlervenire pio » me digneris. Sancte Michael,
sancte Gabriel, sanctis·
.CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
641
» simichori angelorum, atque patriarcharum, apostolo-»
ium, martytum, confessorum, etc., per illum qui vos » elegit, vos
rogare praesumo, ut pro me supplicare di-» gnemini, etc. »
Pareille chose se lit dans S. Athanase, S. Cyprien, S. Hilaire, S. Basile,
S. Ëpiphane et plu-sieurs autres Pères. En outre, les Pères
du concile de Chalcédoine (act. 11.) disaient : * Flavianus posl
mortem » vivit, martyr pro nobis orel. » Les Pères du
sixième synode disent aussi : « Christianus, solo Deo creatore
» suo adorato, invocet sanctos, ut pro se intercedere » apud
M. D. dignentur. » On lit encore dans l'Anli-phonaire de Grégoire
(lom. 3. fol. 690) : « Sancta Dei » genitrix virgo Maria, ora
pro nobis; precibus quoque » apostolorum, martyrum, etc., suppliciter
petimus. » De plus, Hincmar écrit que S. Rémi, quand
il baptisa Clovis récita les litanies des saints. Picenin blâme
nos lita-nies , nos hymnes, nos prières, disant qu'elles s'adressent
aux saints, sans nommer Jésus-Christ. Mais il voit bien mal, car
toutes ces prières en l'honneur des saints, ou commencent par l'adoration
de Dieu, ou finissent par le souhait de gloire à la très-sainte
Trinité. Ce qui déplaît en-core à Picenin, c'est
que nous répétions si souvent Y Ave Maria, comme si nous
voulions faire l'office d'anges en an-nonçant à.la bienheureuse
Vierge l'incarnation déjà faite. Mais il est clair que nous
ne prétendons pas faire l'office d'anges, ni annoncer à Marie
l'incarnation, nous voulons seulement, en lui répétant ce
salut qui lui est si cher, obtenir d'elle sa puissante intercession, sachant
que toutes les louanges que nous adressons à la Mère remontent
au Fils, lequel se plall à ce que nous l'invoquions souvent pour
nous accorder ses dons en faveur d'elle.
XIV. S. Augustin (lib. de cura pro mortuis, 16.), par-xix.
41
642
TRAITÉ
Iant de S. Félix, écrit : « Non solum beneficiorum
effec-» tibus, verum etiam ipsis hominum aspectibus con-» fessorem
apparuisse Felicem, cum a Barbaris Nola » oppugnaretur, audivimus
non incertis Tumoribus, sed » testibus certis. » De semblables
exemples d'apparition de saints à ceux qui les invoquaient dévoiemenl
et qui en ont obtenu les'grâces qu'ils demandaient sont rapportés
par S. Grégoire de Nice, dans la vie de S. Grégoire de Neo-césarée,
par Théodorel ( Hist. 1. 5. cap. 24.), par Evodius, par Lucien et
par S. Ambroise, écrivant sur la vie de S. Gervais et S. Protais.
XV. Picenin réplique : Vous catholiques, vous adressez vos prières,
non à Dieu, mais aux saints, et vous les invoquez comme s'il dépendait
d'eux de vous accorder les grâces et le salut éternel. Mais
nous savons bien que Dieu seul est le dispensateur des grâces, et
nous ne recou-rons aux saints que comme à des intercesseurs qui,
principalement par les mérites de Jésus-Christ nous obtiennent
ces grâces; c'est ainsi que les saints sont nos médiateurs
auprès du principal médiateur qui est Jé-sus-Christ,
lequel par ses mérites infinis nous obtient tous les dons que nous
recevons ; aussi l'Église prie Dieu, non par les saints, mais par
Jésus-Christ : « Concede nobis » Deus intercessione
S. ?. hoc beneficium per Christum » Dominum nostrum. » Et quand
elle prie par les mérites des saints elle enlend que par l'amitié
de Dieu qu'ils possè-dent ils sont plus puissans pour nous obtenir
les grâces. Quand elle dit : « Sanale mentes languidas, augete
nos » virlulibus, » comme on le voit dans l'hymne des apô-tres,
elle n'entend point que ce sont les saints eux-mêmes qui peuvent
nous guérir de notre tiédeur et accroître en nous les
vertus, mais seulement qu'ils peuvent par leurs
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
G45
prières nous obtenir ces grâces. S. Paul, parlant de lui-même
(Rom. xi. 14.), dit : » Et salvos esse facerem ali-» quos ex
illis » 11 dit aussi (I. Cor. ix. 22.) : «Ut omnes »
facerem salvos. » Comment les sauver? en les aidant de ses prédications
et de ses prières.
XVI. Qu'il soit utile d'invoquer les saints, c'est un dogme de foi,
comme nous l'avons vu; mais S. Thomas pose cette question : Si non-seulement
nous pouvons, mais si encore nous sommes tenus d'invoquer les saints, leur
intercession étant nécessaire à notre salul : «
Utrum de-» beamus sanctos orare ad interpellandum pro nobis? »
et il répond ainsi : « Ordo est divinitus institutus ia rebus
» secundum Dionysium, ut per media ultima reducantui » in Deum.
Unde cum sancti, qui sunt in patria , sint » Deo propinquissimi,
hoc divinae legis ordo requirit, ut » nos qui manentes in corpore
peregrinamur a Domino, » ÌIL eum per. sanctos medios reducamur
; quod quidem » contingit, dum per eos divina bonitas suum effectum
» diffundit.. » Puis il ajoute : « Et quia ìeditus
noster in » Deum respondere debet processit! bonitatum ipsius ad
» nos, sicut mediantibus sanctorum suffragiis Dei bene-» ficia
in nos deveniunt, ita oportet nos in Deum reduci, » ut iterato beneficia
ejus sumamus mediantibus sanctis. » (S. Thom. in 4. sent. disl. 45.
qu. 3. art. 2.) Notez ces paroles : « Sicut mediantibus sanctorum
suffragiis Dei be-» neficia in nos deveniunl, ita oportet nos in
Deum reduci, » ut iterato beneficia ejus siwnamus mediantibus sanctis.
» Ainsi, selon le sainl docteur, l'ordre de la loi divine veut que
nous, mortels, par le moyen des saints, nous retournions à Dieu
et nous nous sauvions en recevant par leur média-tion les secours
nécessaires pour notre salut. Quanta l'ob-jection que se fail S.
Thomas (ad primum), savoir, qu'il
41.
644
TRAITÉ
semble superflu de recourir aux sainls, puisque Dieu est infiniment
plus qu'eux miséricordieux et disposé à nous exaucer;
il répond que le Seigneur dispose ainsi les choses, non certes par
défaut de puissance, mais pour conserver l'ordre régulier
et qu'il a universellement établi, d'agir par le moyen des cause&secondes
: « Non est propter defec-» Ium misericordiae ipsius, sed ut
ordo praedictus conser-» velur in rebus. »
XVII. C'est d'après cette autorité de S. Thomas, que
Co-let, continuateur de Tournely (lom. i de relig. cap. 2. de orat. ar.
4. q. 1.) dit que si Dieu seul doit être prié comme auteur
de toute grâce, néanmoins, nous sommes tenus aussi de recourir
à l'intercession des saints, pour observer l'ordre établi
par le Seigneur pour notre ralut, savoir que les in-férieurs se
sauvenien implorant l'aide des supérieurs: « Quia »
lege naturali tenentur eum ordinem observare, quem » Deus instituit
; at constituit Deus, ul ad salutem inferio-» res perveniant, implorato
superiorum subsidio. »
XVIII. El si cela est vrai pour les sainls, ce l'est bien plus
encore quand il s'agit de l'intercession de la mère de Dieu, dont
les prières valent certainement auprès de lui plus quo celles
de tous les saints; car, dit S. Thomas (epist. 8), les sainls, à
proportion de leur metite, pefvenl en sauver beaucoup d'autres; mais Jésus-Christ,
et avec lui sa sainte mère, ont mérité celte grâce
suprême, de pouvoir sauver tous les hommes : « Magnum est enim
in quolibet sancto, ? quando habet tantum de gratia, quod sufficere! ad
salu-» tem multorum ; sed quando haberet tantum quod suffi-»
ceret ad salutem omnium, hoc est maximum; et hoc est in » Christo
et in beata Virgine. » El S. Bernard (serai, in Dom. in fia oct.
Assumpt.) s'adressant à Marie, écrit : « Per »
te accessum habemus ad fili um, invenliix gratiae, mater
CONTRE LES" nÉIÏÉTIQUES.
645
» salutis, ulperlenossuscipiat, qui perle datus est nobis.»
Nous enseignant ainsi que, comme nous avons accès auprès
du Père, par le moyen du fils qui est le médiateur de justice,
de même nous avons accès auprès du fils, par le moyen
de sa more qui esl médiatrice de grâce, et qui, par son intercession,
nous obtient les biens que Jésus-Christ nous a mérités.
En conséquence, le même S. Ber-nard (serm. de aquse duel.)
dit que Marie a reçu de Dieu deux plénitudes de grâce
: la première, dans l'incarnation du Verbe qui s'esl fait homme
dans son 3eia ; la seconde, dans l'immensité des grâces que
nous recevons par l'inter-cession de celle divine mère. Aussi le
saint njoute-l-il : « Totius boni plenitudinem (Deus) posuit in Maria,
ut » proinde si quid spei nobis est, si quid gratiae, si quid »
salutis, ab ea noverimus redundare, quae ascendit delì-» ciis
afiluens, hortus deliciarum, ut undique fluant et » effluant aromata
ejus, charismata scilicet gratiarum. » En sorle que tout le bien
que le Seigneur nous accorde, nous vient par l'intercession de Marie. El
pourquoi cela? Parce que Dieu l'a ainsi voulu, répond le même
saint : « Sic est voluntas ejus, qui totum nos habeie voluit per
» Mariam. » Mais une raison plus spéciale est donnée
par S. Augustin qui écrit que Marie est à bon droit appelée
notre mère, puisque par sa charité elle a coopéré
à ce que nous naissions à la vie de la grâce, nous
fidèles, membres de noire chef, Jésus-Christ : « Sed
plane matrem membro· » rum ejus (quae nos sumus) quia cooperata
est charilate, » ut fideles in Ecclesia nascerentur, qui illius capitis
» membrasunt. » (S.Aug.l.5.desymb.adcilec.cap.4.) El ainsi,
comme Marie a coopéré par sa chaiiié à la nais-sance
spirituelle des fidèles, de même Dieu a voulu qu'elle coopérât
par son intercession à leur faire ob enir la vie de
646
TRAITE
la grâce en ce monde, et la vie de la gloire dans l'autre. C'est
pourquoi l'Église, en la saluant, la nomme notre vie. notre amour,
notre espérance : « Vita, dulcedo et spes » nostra,
salve. * Delà, S. Bernard disait en parlant de lui-même {cil.
serm. deaquaed. ) : « Filioli, haec peccato-» rum scala, haec
maxima mea fiducia, hœc Iota ratio spei » meae. » II l'appelle
échelle ; parce que de même qu'en montant à une échelle
on ne peut atteindre le troisième échellon qu'en posant le
pied d'abordsiir le second, elle second qu'en s'appuyanl sur le premier,
de même on ne parvient à Dieu que par le moyen de Jésus-Christ
et au Christ que par le moyen de Maiie. Il la nomme ensuite « sa
plus grande assurance él tout le fondement de son » espoir,
» parce que Dieu (comme il le croil), veut que toutes les grâces
qu'il nous dispense passent par la main de Marie. Et enfin, il conclut
en disant : « Quae-» ramus gratiam, et per Mariam quaeramus;
quia quod » quaerit invenit et frusirari non potest. »
XIX. Les hérétiques objectent premièrement, que
les saints dans le ciel n'entendent point nos prières. Voici les
paroles de Calvin : « Ils n'ont point les oreilles assez »
grandes pour pouvoir nous entendre. » Mais l'Écriture nous
apprend le contraire; l'ange Raphaël dit à Tobie : * Quando
orabas cum lacrymis, ego obtuli orationem » tuam Domino. »
(Tob. Xii. 42.) De plus on lit dans Y Apocalypse (c. 5. v. 8.), que vingt-quatre
vieillards te-naient « singuli citharas, et phialas aureas plenas
odo-» iumentorum quae sunt orationes sanctorum. »llsavaienl
des vases pleins de parfums : ces parfums sont nos priè-res qui
s'élèvent comme la fumée dé l'encens, dit David
(psalm. 140. 2.) : « Dirigatur oratio mea sicut incensum »
in conspectu tuo. » Mais ils répliquent que Dieu seul
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
64?
connaît nos pensées et nos prières : « Tu
nosli solus cor » nostrum. » (111. Regum. 8.) Nous répondons
que ï)ieu seul connaît par sa nature nos pensées, mais
les saints les connaissent par communication. D'autres veu-lent que les
saints n'aient connaissance de nos prières que par la révélation
que leur en fait le Seigneur! Mais S. Grégoire soutient que les
saints entendent nos prières en Dieu même, qu'ils voient pleinement
: « Quia quae » intus omnipotentis Dei claritatem vident, nullo
modo » credendum est, quod sit forte aliquid quod ignorent. »
Quid est quod ibi nesciant, ubi scientem omnia sciunt? » (S. Grég.
Mor. 1. 12. cap. 15. Apud S. Thoni. p. 1. q. 89. a 8.) S. Augustin dit
néanmoins que les saints con-naissent plutôt nos prières
par le ministère des anges : » Deus omnipotens, qui est ubique
praesens, nec concre-» tus nobis, exaudìens martyrum preces
per angelica mi-» nisteria usquequaque diffusa, praebet hominibus
ista » solatia, quibus inhujus vitae miseria judical esse prae-»
benda, et suorum media martyrum, ubi vult quando » vult quomodo vult
maximeque per eorum memorias , » quoniam hoc novit expedire nobis
ad aedificandam » fidem Christi, pro cujus illi confessione sunt
passi, » mirabili atque ineffabi Ii potestate ac bonitate commen-»
dat. » (S. Ang. L de cura pro mort. c. 15.)
XX. Deuxièmement, Calvin objecte (lib. 3. cap. 20. instit.)que
le troisième concile de Carthage, ch. 23, dé-fend de diriger
à l'autel, les prières, à d'autres qu'au Père
éternel, et que cela est confirmé par S. Augustin (lib. 22.
De civ. Dei, cap. 11,), leqqel dit que les saints ne sont pas invoqués
par le prêtre qui sacrifie. On répond que le concile cité
ne parle point de l'invocation dessainis, mai» qu'il dit seulement
que le prêtre en sacrifiant ne doi
648
TRAITÉ
s'adresser ni à la personne du Fils, ni à celle du Saint-Esprit,
mais à celle du Père, comme on le fait aussi à présent
: quand on sacrifie c'est toujours à toute la Triniié qu'on
sacrifie. Qu'ensuite dans le sacrifice Dieu seul soit invoqué comme
celui à qui le sacrifice est offert, cela n'empêche pas qu'on
invoque les sainls afin qu'ils prient pour nous , comme l'écrivent
S. Augustin (tract. 84 in Joan. etserm. 17.)elS.Cyrille (Calhec.)Eld'ailleursdans
les anciennes liturgies et notamment celle de S. Chrysos-tôme, on
trouve l'invocation des saints.
XXI. Troisièmement, les hérétiques objectent
que le Seigneur est très-prompt à nous exaucer : «
Petite et ac-» cipielis : quaerite et invenietis. » Donc, disent-ils,
à quoi servent les intercessions des sainls sinon à diminuer
notre confiance en Dieu ? Et ils appuient cette réflexion des paroles
de S. Chrysoslôme (homil. de profectu evang.) : « Certum non
opus tibi patrinis apud Deum.... Seducet » solus sis, omnino tamen
voti compos eris. » On répond que, bien que Dieu soit très-prompt
à nous exaucer et qu'il n'ait pas besoin pour cela des sainls; néanmoins
il est encore plus prompt à exaucer les prières des sainls
que les nôtres, à raison de leurs mérites supérieurs
: aussi le Sei-gneur dit aux amis de Job : « Et ile ad servum meum
Job. » Job autem servus meus orabitpro vobis, etc. »(Job.xxiv.
8. ). D'ailleurs S. Chrysoslôme à l'endroit cité reprend
ces riches qui font des aumônes aux pauvres, afin qu'ils prient pour
eux, et le saint les avertit qu'il vaul mieux qu'ils prient pour eux-mêmes
que par le moyen des pauvres.
XXII. Quatrièmement, on objecte que Jésus-Christ
a voulu que nous adressassions nos prières au Père éternel
seul : « Sic orabitis : Pater noster, qui es in coelis, etc. »
(Matth. vi. 9). Cet argument prouve trop, car si on le pre-
CONTRE LES HÉnÉTIQuES.
649
naît entier, il prouverait que nous ne pouvons pas même
invoquer dans nos prières le fils de Dieu ni le Saint-Esprit; mais
nul ne prétend cela, pas même les prolestans de Mag-dcjfeourgqui
font l'objection. (Centur. 1. lib. 1. cap. 4.)
XXIII. Cinquièmement, on objecte qu'il n'existe aucun
précepte de se recommander aux saints , ni aucune pro-messe d'être
exaucés de Dieu en recourant à eux. Nous répondrons
que s'il n'y a point de précepte, il n'y a pas non plus de défense'de
recourir aux saints, défense que font les hérétiques;
et bien qu'il n'y ait pas de promesse positive d'être exaucés,
nous savons du moins que Dieu lui-même a plusieurs fois exhorté
les hommes à recourir à l'intercession de ses serviteurs
: et notamment, comme nous l'avons déjà vu lorsqu'il dit
aux amis de Job : « Ile » ad servum meum Job. Job aulem servus
meus orabit pro » vobis et ego suscipiam faciem ejus.» (Job.
cap. ult. ?. 8.).
XXIV. Sixièmement, on objecte que les saints, dans le
ciel, ne peuvent plus mériter et par conséquent ne peuvent
demander aucune grâce, ni pour eux, ni pour d'autres. Il est vrai
qu'ils ne peuvent plus mériter, p; r-e qu'ils sont hors delà
voie; mais à cause de leurs mérites pré-cédons
, ils peuvent obtenir les grâces que nous demandons à Dieu,
par leur médiation. C'est en vain qu'on dirait que le Seigneur les
a pleinement récompensés de leurs mé-rites acquis
pendant leur séjour sur la terre ; car parmi les rémunérations
que Dieu leur dispense, nous compterons celle de pouvoir obtenir pour les
fidèïesijui les honorent, ce qu'ils demandent par leur intercession.
XXV. Septièmement, on objecle que l'invocation des saints
est une injure faite à Dieu. L'apôtre, dit-on, écrit
(Rom. xx. 14.) : « Quomodo ergo invocabunt, in quem » non crediderunt.
» Nous ne devons donc invoquer que
650
TRAITÉ
ceux en qui nous croyons : or nous ne croyons qu'en Dieu ; donc, ou
nous devons n'invoquer que Dieu seul, ou nous devons croire que les saints
sont des dieux. Mais on répond que ce n'esl point faire injure aux
monarques que de chercher des intercesseurs auprès d'eux, qu'au
con-traire c'est honorer à la fois eux et les intercesseurs. Au-trement,
S. Paul aurait fait lui-même injure à Dieu en se recommandant
à ses propres disciples comme on le voit en plusieurs endroits de
ses épîlres. A'u reste, dans le pas-sage cité, l'apôtre
ne dit autre chose sinon que celui-là ne peut invoquer Dieu, qui
ne croit pas en lui.
XXVI. Huitièmement, on fait celle objection. S. Paul dit : «
Unus est mediator Dei et hominum, homo Christus » Jésus »
(I. Tim. II. 5.). Ainsi, en prenant les saints pour nos médiateurs,
au moins faisons-nous injure à Jésus-Christ qui est notre
unique médiateur. La réponse est que nous n'entendons pas
en invoquant les saints, qu'ils pren-nent la place de Jésus-Christ
en intercédant pour nous auprès de Dieu ou môme afin
qu'ils aident Jésus-Chrisl à nous obiénir les grâces
divines, mais nous les prenons seu-lement comme médiateurs auprès
de Jésus-Chrisl, lequel est notre principal et unique médiateur,
celui dont les mérites infinis nous procurent les grâces.
Nous invoquons seulement les saints comme intercesseurs auprès de
Jésus-Christ ou auprès de Dieu, afin que nous puissions plus
fa-cilement être exaucés de Dieu par les mérites du
Sau-veur. Il y a deux modes de médiation : la première en
payant la dette de celui qui devait satisfaire; la seconde en priant le
créancier de tenir qu itle ledébiteurde ce qu'il doit. Jésus-Chrisl
est notre médiateur suivant le premier mode, ayant par sa mort payé
toutes nos dettes ; et c'est en ce sens que l'apôtre dit que notre
unique médiateur esl Je-
CONTRE ISS fiÉRÊTIQUES.
651
sus-Christ, comme on le lit dans la suite du passage : « qui
dedit semetipsum redemptionem pio nobis. » Les saints peuvent aussi
être nos médiateurs, mais selon le second mode, c'est-à-dire
purement médiateurs de grâce, à la diflërence
de Jésus-Christ qui est médiateur de jus-tice; car le Père,
d'après le pacte fait avec son fils, est tenu de l'exaucer en tout
ce qu'il lui demande à raison de ses mérites. D'ailleurs,
S. Grégoire de Nazianze n'hé-site pas à appeler les
saints martyrs médiateurs enlre nous et Dieu, comme Moïse n'hésita
pas à se nommer lui-même médiateur entre les Hébreux
et Dieu : « Ego sequester et » medius fui inler Dominum, ei
vos, in tempore illo. » (Deuter. ?. ?.) Mais toujours est-il vrai
que toutes les grâ-ces que les saints nous obtiennent sont obtenues
par la médiation de Jésus-Christ.
XXVII. Neuvièmement, on oppose que le concile de Laodicée
inlerdil l'invocation des anges suivant la doctrine de S. Paul, qui écrit
: « Nemo vos seducat volens in hu-» mililate et religione angelorum,
etc. » (Coloss. ?. 48.) Et ce passage de S. Chrysostôme (nom.
5. in Matth. ) : « Deus salutem nostram non tam aliis pro nobis rogan-»
tibus vult donare, quam nobis. » On répond que S. Paul condamne
dans le passage cité l'idolâtrie de Simon le magicien, lequel
disait que certains anges qui, suivant lui, avaient fabriqué le
monde, devaient être adorés comme des dieux inférieurs;
c'est ainsi que S. Jérôme et d'autres Pères expliquent
ce passage. Quant à S. Chrysos-tôme, il parle de ceux qui,
sans prier pour eux-mêmes, veulent se sauver avec les prières
des autres ; aussi ce saint ajoute : « Haec dicimus, non ut supplicandum
esse sanctis » negemus, sed nedormientes ipsi aliis tantummodo nos-»
Ira curanda mandemus. »
652
TRAITÉ
XXVIII. Dixièmement, on oppose ce que dit Jérémie
que c'est en Dieu seul, non dans les hommes, que nous devons placer noire
espérance, le Seigneur maudissant celui qui se confie à la
créature : « Maledictus homo qui » confidit in homine.
» (Jérém. XVII. 5.) Nous répondons que nous
nous confions uniquement en Dieu comme au-teur de loules les grâces,
et en Jésus-Christ comme notre principal médiateur; puis
nous nous confions aux saints comme intercesseurs ou seconds médiateurs,
dont les prières peuvent, mieux que les nôtres, obtenir les
grâces, parce qu'elles sont plus efficaces et plus agréables
à Dieu. Cerlainement celui qui met son espérance dans l'homme,
indépendamment de Dieu, sera maudit; mais non celui qui, sachant
que loules les grâces nous viennent de Dieu, se recommande aux saints,
afin d'obtenir, par leur inter-cession , les dons qu'il désire.
5 III. De Ja vénération due aux reliques des Fainfs.
XXIX. Les luthériens disent que les reliques des saints doivent
êlre traitées avec révérence, mais ne doivent
pas recevoir un culte religieux, comme de les baiser, de les porter en
procession, de s'agenouiller en leur présence ou de brûler
des cierges devant elles. Nous disons qu'il fluit distinguer le culte religieux
absolu, qui se rend à cause de l'excellence propre et essentielle,
et le aille respectueux, qui se rend à une chose en considération
d'une aulre. C'est ce dernier qu'on rend aux reliques par respect pour
les saints qu'on vénère en elles. Nous'lisons dans les Actes
des Apôtres (c. xix. v. 12.) que les ceintures cl les suaires de
S. Paul se poriaient chez les malades pour opérer leur guérison
: « Ita ut etiam super languidos deferrentur a
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
653
» corpore ejus sudaria et semicinctia (ceintures étroites)
* etrecedebanlab eis languores, et spiritus nequam egre-» diebantur.
» Ce qui fait dire à Grotius (adnot. ad art. 20. consult.
Cassandr.) que Dieu.lui-même a voulu en cela nous prévenir
en honorant "les reliques des saints : « In hac re hominibus Deus
ipse prseivit, reliquias sanclo-» rum honorando. » En outre,
nous avons dans l'Écri-ture (4. Reg. il. 14.) que les eaux du Jourdain
respec-tèrent le manteau d'Élie : « Et pallio Elise,
quod ceciderat » ei percussit aquas, et non sunt divisée.
» Or, si le Sei-gneur a voulu que les vciemens de ses saints fussent
ho-norés même de la vertu des miracles, combien mieux voudra-l-il
que nous honorions les reliques des corps des saints qu'il a revêtus
d'unegloire divine? Et il faut noter ici que, d'après lès
exemples pris plus haut dans l'Écriture, vous vénéforis
à juste litre non-seulement les os des saints, mais encore leurs
vêlemens, leurs bâtons et autres objets sanctifiés par
l'usage qu'ils en ont fait, ou seulement qu'ils ont touchés, commeant
les inslrumensdu supplice des martyrs.
XXX. La vénération pour les reliques des saints se prouve
par la tradition des Pères. S. Clément (lib. 6. const. apost.
cap. 50. ) écrit : « Eorum, qui in Deo vivunt, » nec
reliquiae sine honore manent. » S. Chrvsosiôme (hom. 40. in
ss. Invent, el Maxim.) « Saepe eos invisa-» mus, capsulam allingamus,
magnaque fide reliquias » eorum contingamus, ut inde benedictionem
aliquam » assequamur. » S. Augustin (epist. 103. videl. 22.
e. 8. de civ. Dei) : « Reliquia beali marlyiis Stephani, quas »
non ignorat sanctitas vestra sicut el nos fecimus, quam » convenienter
honorare debeatis. » El dans un autre en-droit (lib. 1. de civil.
Dei, cap. 13.) il dit que les reli-
654
TRAITE
ques des sainls doivent être vénérées comme
étant les vases et les instrumens dont l'Esprit saint s'esl servi
pour l'œu-vre de sa gloire : « Quibus tanquam organis et vasis ad
» omnia bona opera usus est. » S. Jérôme (çpisl.
11. ad Riparium ) : Christianos solum Deum honorare, sed » martyres,
et reliquias eorum venerari, quorum honor » ad Dominum redundat,
qui dixit : Qui vos suscipit me » suscipit. » Le même
saint docteur écrivant contre Vigi-lance, qui appelait les catholiques
idolâtres parce qu'ils vénéraient les reliques des
saints, comme les gentils véné-raient les idoles : «
Idololatras appellat ejus modi homi-» nes ; illud fiebat idolis et
ideo detestandum est ; hoc » fit mariyribusel idcirco recipiendum
esl. » On retrouve la même opinion dans S. Alhanase, S. Basile,
Eusèbe et S. Grégoire deNice, ciléparBellarmin(lib.derelig.etimag.
ss.), lequel cite encore à l'appui le deuxième concile de
Nicée, le cinquième de Carthage et le troisième de
Brague.
XXXI. Dans les premiers siècles, les chrétiens
forcés par les gentils s'abstenaient des démonstrations publiques
du culte et entr'aulres des marques de vénération pour les
reliques; mais les persécutions s'élant apaisées daus
le quatrième siècle, on exhuma les premiers
les os de S, Etienne qui furent portés en grande vénération
par divers lieux où ils opérèrent beaucoup de miracles,
comme l'atteste S. Augustin (de civ. Dei. cap. 8.) ; les disciples de S.
Polycarpe"donnèrent également leurs soins à recueil-lir
les reliques du saint et les conservèrent daivs le lieu spécial
ubi docebat, comme on le voit dans la lettre de l'église de
Smyrne, qu'on lit dans Eusèbe (hist. lib. 4. cap. 15.)
XXXII. L'hérétique Amesius objecte que Dieu cacha
le corps de Moïse afin qu'il ne fût pas honoré par les
Juifs.
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
On répond que cela fut ainsi, parce qu'en ce temps les Juifs
étaient très portés à l'idolâtrie d'où,
pour qu'ils n'a-dorassent pas les restes de Moïse comme une chose
divine, Dieu voulut qu'ils restassent cachés. Du reste, Dieu lui-même,
après la captivité de Babylone, illustra les sépulcres
d'Isaïe, de Jérémie et d'Ezéchiel, et régla
le culle que devaient recevoir leurs restes. Et quand l'Écriture
dit que le Seigneur « corpus Moysis sepelivit » ; c'est bien
nous enseigner que les corps des saints doivent être honorés.
XXXIII. On objecte en second lieu que Jésus-Christ reprit
les pharisiens de ce qu'ils ornaienl les sépulcres des sainls :
« Yse vobis... qui aedificatis sepuichra prophela-» rum, et
ornatis monumenta justorum. » (Malth.xxm. 29.) On répond que
Jésus-Chris! reprenait les pharisiens à cause de leur hypocrisie,
parce que, se contentam de ces démonstrations extérieures,
ils ne pratiquaient point les vertus, et se donnaient par ce culte extérieur
une fausse apparence de sainteté.
XXXIV. Amesius objecte encore que la plus grande partie des reliques
sont fausses et supposées, et qu'il arrive souvent qu'au lieu des
os des sainls on adore les os de voleurs ou de chiens. On répond
que d'abord il n'est point vrai que les reliques soient fausses spécialement
si ce sont des reliques exposées avec l'autorisation des évê-ques
(qui en cela sont très-prudens et éclairés), et le
dé-cret du concile dans cette session défend qu'aucune reli-que
soit exposée sans cette autorisation. On répond en second
lieu que si quelque relique peut être supposée par erreur
ou malice, il ne faut pas pour cela refuser d'hono-rer toutes les autres
à l'égard desquelles on ne peut avoir aucun soupçon,
et enfin si par cas quelque relique n'élait pas vraie, il suffit
pour justifier la vénération qu'on lui
656
TRAITE
porle, de l'intention qu'on a d'honorerle saïnlàqui on
croit qu'elle appartient ; car nous ne vénérons les reliques
que sous celte condition tacite, qu'elles soient vraies.
§ IV· De la vénération des saintes images.
XXXV. Dans les temps les plus rapprochés de nous, le premier
qui poursuivit les saintes images fut André Car-lostadt, en l'an
1522, comme l'écrit Jean Coclhée dans la vie de Luther. Garlosladt
fui suivi par quelques zuin-gliens et magdebourgeois et par Calvin,»
qui, et tous ses sectateurs avec lui, réprouva fortement le culte
des images. Mais bien auparavant, en l'an 781, une grande gueire fut faite
aux images parles empereurs Léon l'Isaurien et Cons-tantin Copronyme,contrelesquelsensuileon
tint leseplième concile ou le deuxième de Nicée (sous
le pape Alexandre), lequel ne fut pas d'abord reçu en France, où
la doctrine sur ce point n'était pas bien entendue; quand elle le
fut mieux, le concile fui accepté et tenu pour œcuménique
comme il l'était. Et dans l'Occident, on tint le concile de Rome
sous GrégoireII, dans lequel siégèrent mille évêques,
et qui pa-reillement condamna l'hérésie des iconoclastes,
XXXVI. Les hérétiques nous condamnent comme ido-lâtres
parce que nous vénérons les saintes images, et ne veulent
pas distinguer entre l'idole et l'image : l'idole est un simulacre ou image
(selon l'Écriture ) dans laquelle on adore une fausse divinité;
mais l'image sacrée est une re-présentation de l'original
qui est directement vénéré : de sorte que l'image
est la figure d'un prototype existant; l'i-dole au contraire est la figure
d'un prototype ou d'un Dieu qui n'exisle pas. Ainsi le culle rendu à
l'image se rap-porte toujours à son prototype, c'en esl comme l'exem-plaire
que l'on adore : aussi est-ce à tort que Durand dit
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
que dans l'image c'est le prototype seul qui doit être ??-néré
et non du tout l'image : ce qui est contraire à la doc-trine commune
des catholiques, parce que bien que le culte se rende toujours au prototype,
on peut étendre sa vénération jusqu'à son image.
XXXVII. Calvin avance que dans les cinq premiers siècles de
l'Église l'usage des images fut inconnu. Mais il est démenti
par Terlullien, qui (lib. de pudicil.) atteste en deux endroits que sur
les calices des églises catholiques était empreinte la figure
de Jésus-Christ, sous la forme d'un pasteur portant une brebis sur
les épaulés. Le culte des images se prouve ensuite par la
tradition apostolique et par Ja pratique perpétuelle de l'Église,
comme l'atteste le septième concile dans les actes 2 et S, et dans
le septième oùilfaitcelledéclaralion* Nossanctissimorum
patrum doc-» trinae insislentes, et catholicae Ecclesiae, in qua
sanctus » Spiritus inhabitat, traditionem observantes, definimus,
» venerandas, et sanctorum imagines in templis Dei col-» locandas
tum parietibus et tabulis j tumin aedibus pri-» valis, in viis publicis,
etc., quo omnes illis honorariam » adorationem exhibeant, non veram
lalriam ; imaginis » enim in proiolypum redundat. Sic disciplina
vel tra-» ditio catholicae Ecclesiae, quos a finibus usque ad fines
» Evangelium suscipit. » De plus, dans ce même concile,
acte 6, on lil que S. Epiphane, qui vivait dans le cinquième siècle,
disait : « Usque adeo venerandarum imaginum ob. » servalio
in Ecclesia obtinuit, ut ab eo haec usque lem-» pora recepta fuerit.
» Etsi, selon la règle de S. Augus-tin dont nous avons parlé,
les usages dont on ignore l'auteur, doivent être supposés
de tradition apostolique; cela peut bien être appliqué à
la vénération pour les saintes images. S. Basile confirme
celle vérité (in Julianum) : xix.
4r2
658
TRAITÉ
« Historia simaginum illorum (apostolorum ei martyrum) »
et palamadoro. Hoc enim nobis traditum a sanctissimis » apostolis
non est prohibendum; sed hi omnibus eccle-» siis nostris horum historias
eligimus. » S. Jean Chry-sosiome(tom. 5. in liiurg.) dit : «
Sacerdos conversus » ad Christi imaginem inlerduo osiia inflexo capite
cum » exclamatione dicit hanc orationem, etc. » Nicéphore
(lib. 6. cap. 16.) atteste que S. Luc peignit l'image de la bienheureuse
Vierge , et on dit que celte image se voit à Rome dans l'église
de Sainle-Marie-Majeure. De plus, S. Alhanase, bibliothécaire de
Rome, dans la préface du septième synode écrit ainsi
au pape Jean VIII, successeur d'Adiien II : « Quai super venerabilium
imaginum ado-» ratione praesens synodus docet, haec et apostolica
vestra » sedes, sicut nonnulla scripta innuunl, antiquitus tenuit,
» et universalis Ecclesia semper venerata est, et hactenus »
veneratur. »
XXXVIII. En confirmation de celle vérité, Sozoïpène
(lib. 5. cap. 20.) el Niçéphore (lib. 10. cap. 50.) écri-vent
qu'au temps de Julien l'aposial les chrétiens retirè-rent
dans l'Église la statue de Jésus-Christ qui était
près de Pemade ce qui arriva avant l'an 400. Pareillement, Eusèbe
dans la vie de Constantin (lib. 5 el 4. ) écrit que dans les églises
bâties par Comianlin dans la Palestine, on voyail plusieurs saintes
images tant d'or que d'argent. S. Grégoire de Nazianze (epist. 49.
ad Olympium ) se plaint de ce que l'on devait démolir la ville de
Césavée, où plusieurs statues avaient été
vénérées dans le temps, et il ajoute : « Si
statuai deiiciantur, hoc nos excruciat· » S. Damase écrit,
dans la vie de S. Sylvestre, que Cons-tantin plaça dans l'église
deLalran plusieurs statues d'ar-genl du Sauveur, des douze apôtres
el des qualre évangé-
CONTRÉ LES HÉRÉTIQUES.
659
listes. Dans le septième synode (act. 6.), il est rapporlé
que les disciples de S. Epiphane élevèrent un temple sous
son invocation et y placèrent sa statue. De plus, Nicé-phore
écrit (lib. 14. cap. 2.)que l'impératrice Pulchérie
Augusta posa dans le temple qu'elle avait fait bâtir à Conslanlinople
l'image de la mère de Dieu que Eudoxie lui avait envoyée
de Jérusalem. On raconte encore que notre Sauveur laissa empreinte
sa figure sur un linceul et l'envoya au roi Abgar. Plusieurs modernes nient
ce fait, mais il est donné pour certain par Damascène (lib.
4. de imagin.)et comme le dit Evagrius, qui aussi le lient pour certain
(lib. 4. cap. 26.), le fait fut prouvé par un grand miracle opéré
dans Edesse. Théodorel dans son his-toire religieuse, et particulièrement
dans la vie de S. Si-meon Stylite, raconte qu'à Rome, dans toutes
les bou-tiques, on voyait appendues les images de ce saint
XXXIX. Les hérétiques trouvent très-mauvais que
nous représentions Dieu et la Trinité sous une forme corporelle.
Mais nous savons que Jacob vit sous une pareille forme le Seigneur appuyé
au haut de {'échelle par laquelle mon-taient et descendaient les
anges : « Et Dominum (vidit) » innixum scalae dicentem sibi
: Ego sum Dominus Deus » Abraham, eic. » (Genes. XXYIII. 13.);
et dans l'Exode (xxxin. 24.) il est dit : « Tollamque manum meam,
et » videbis posteriora mea : faciem autem meam videre non »
poteris. » De plus, dans S. Matthieu on lit que lors du baptême
de Jésus-Christ par S. Jean, le Saint-Esprit ap-parut sous la forme
d'une colombe : « Baptizatus autem » Jésus... et vidit
Spiritum Dei descendentem sicut colurn-» bam » (Malth. m. 16.).
Le septième synode approuva la représentation du Saint-Esprit
sous celle forme de co-lombe. On trouve encore dans Daniel que Dieu est
repré-
42.
660
TRAITÉ
sente sous la forme d'un vieillard à cheveux blancs, assis sur
son trône : « Antiquus dierum sedens in throno, cujus »
vestimentum candidum quasi nix, et capilli quasi lana » munda »
(Daniel vu. 9.). De plus, nous voyons que l'Ecriture donne à Dieu
des membres humains; or si ??-. criluic attribue ainsi une forme humaine
à Dieu, pour-quoi ne fourrait-elle être représentée?
Le concile de Trente dans cette session vingl-cinquième a admis
les images de Dieu spécialement pour représenter les traits
de l'histoire sainte ; mais il veut qu'en môme temps on instruise
le peuple à ne pas croire que la divinité puisse réellement
être représentée, comme si elle pouvait être
vue des yeux du corps : « Quod si aliquando historias, et narrationes
» sacrae Scripturae, cum id indoctae plebi expediret, exprimi »
et configurari contigerit, doceatur populus non praeterea » divinitatem
figurari, quasi corporis oculis conspici, vel » coloribus aut figuris
exprimi possit. » Ainsi, lorsque nous représentons la Sainte-Trinité,
nous ne prétendons pas offrir l'image de Dieu tel qu'il est, mais
nous voulons amener le peuple à la connaissance de Dieu par ces
sym-boles analogues.
XL. Quelques-uns pensent que les saintes images doi-vent être
honorées du même culle que l'original qu'elles représentent
; qu'ainsi les images de Dieu doivent recevoir le culle de latrie, celles
de la bienheureuse Vierge le culle d'hyperdulie, et celles des saints le
culle de dulie ; mais la meilleure opinion est celle que partage Bellarmin,
savoir, que les images doivent bien recevoir un degré différent
de vénération suivant l'original qu'elles représentent
; mais c'est improprement et non proprement (comme on le re-marque dans
le septième synode) que celle différence de culle doit être
observée (selon la différence de l'priginal),
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
661
de même que l'envoyé d'un roi reçoit les honneurs
dus à ce roi, mais improprement. Du reste S. Thomas (II. 2. qu.
81. a 3. ad. 3) résout mieux que tous celte diffi-culté,
en disant, selon la première opinion, que le même culte dont
on honore Dieu et les sainls, de latrie ou de du-lie, peut bien être
rendu à leurs images; mais qu'à l'é-gard des prototypes
l'adoration est absolue, et à l'égard des images, seulement
relative; ce qui lève tout doute.
LXI. Disons ici quelque chose en particulier du signe de la croix.
Certainement les reliques ou parcelles du bois de la vraie croix sur laquelle
est mort Jésus-Christ, par le contact qu'elles ont eu avec le corps
sacré méritent plus de vénération que les autres
reliques; comme aussi l'on doit plus de vénération au signe
de la croix (1) qu'aux images des sainis. Mais ici les hérétiques
nous attaquent et disent que si l'on doit honorer toute image de la croix
parce que Jésus-Christ est mort sur une croix, on devra aussi vénérer
toute corde, tout fouet, tout clou, tout sépulcre, parce que le
Seigneur fut tourmenté avec des cordes, des fouets et des clous,
et qu'un sépulcre reçut son corps. On répond que toutes
les cordes, les fouets, les clous et les sépulcres ne sont point
faits pour représenter ceux de Je sus-Christ comme sont faites les
croix, et par là les croix seules ont la qualité d'images
et doivent être vénérées. Dieu lui-même
veut que le signe de la croix soit honoré, d'après ce que
nous lisons dans S. Matthieu (xxiv. 30) : « Et tunc apparebit signum
Filii hominis in cœlo. » Tous les anciens entendent par ce signe
du Fils de l'homme, le signe de la croix, contre l'opinion de Calvin ;
aussi, dans
(1) On entend ici par signe de Ja croix, non pas seulement celui que
l'on fait sur soi avec la main, mais toute image ou «'présen-tation
de la croix.
662
TRAITÉ
trois synodes : les sixième, septième et huitième,
on dressa des canons spéciaux pour la vénération des
croix.
XLII. Mais, réplique-l-on, la croix de Jésus-Christ de*
vrait bien plutôt être détestée qu'adorée,
puisqu'elle fut l'instrument dé tant de douleurs et d'ignominie.
Car, dit-on, un fils se montrerait non respectueux envers son père,
mais irreverenti s'il honorait le gibet où son père aurait
été supplicié ! On répond que la croix, bien
qu'elle fût une ignominie pour Jésus-Christ dans l'intention
des Juifs, fut cependant un instrument de triomphe par la rédemplion
du monde qui s'opéra sur elle. C'esl pourquoi nous la vénérons
avec justice, non comme ignominieuse, mais comme glorieuse pour notre Sauveur.
Outre que la croix est devenue glorieuse par le contact de Jésus-Christ.
Donc, diront les incrédules, l'âne sur lequel Jésus
entra à Jérusalem est aussi devenu glorieux ! S. Aihanase
répond : « Non per asinum Christus diabolum devicit -, et
dœmO' » nes, neque in eo salutem operatus est, sed in cruce. »
(S. Alhan. 1. qusesl. ad Antioch. qu. 1. 5.) On objecte en-core contre
les reliques de la croix, que si l'on rassem-blait toutes les parcelles
qui en sont éparses sur la terre, on aurait plusieurs fois autant
de bois que celui qui com-posait la croix; à ce sujet le cardinal
Gotti dit que quel-que nombre de parties que l'on déiache de la
croix le bois sacré ne diminue point et là dessus il invoque
l'autorité de S. Cyrille de Jérusalem, lequel affirme que
ce bois sa-cré : « ad hodiernum diem apud nos apparens, et
apud » eos qui secundnm fidem ex eo capientes, hunc univer-»
feuin orbem jam repleverunt, » à l'exemple de la multi-plication
des pains.
XL1II. Mais à quoi servent les images quand nous avons les originaux.
Elles servent à conserver en nous qui som-
CONTRE LÈS HÉRÉTIQUES.
663
mes guidés par nos sens, la mémoire de Jésus-Christ
et des saints, qui nous enseignent les vertus que nous devons pratiquer,
et en même temps elles nous rappellent que nous devons les invoquer
dans nos besoins. S. Grégoire de Nysse dit, dans son oraison adressée
à Théodore, que même les simples peintures appendues
aux murailles ne laissent pas, bien que muettes, de parler et de nous être
utiles : « Solet enim etiam pictura tacens in pariete loqui, maxi-»
meque prodesse. » Mais le concile de Trente (décret, de invocatione
sancl. ) démontre bien mieux encore l'utilité des saintes
images lorsqu'il dit : « Illud vero diligenter » doceant episcopi,
per historias mysteriorum nostra re-» demplionis, picturis vel aliis
similitudinibus expressas, .» erudiri ei confirmari populum in articulis
fidei corome-» morandis> et assidue recolendis ; tum vero ex omnibus
» saevis imaginibus magnum fructum percipi, non solum » quia
admonetur populus beneficiorum et munerum, » quse a Christo sibi
collata sunt ; sed etiam quia Dei per » sanctos miracula , et salutaria
exempla oculis fidelium » subiciuntur, ut pio iis Deo gratias agant,
ad sanctorum » imitationem vitam moresque suos componant, exciten-»
turque ad adorandum ac diligendum Deum, ac pietatem » colendam. Si
quis autem his decretis contrarie do-» cuerit, aut senserit, anathema
sit. »
XLIV. On objecte premièrement que l'Écriture défend
tout culte religieux des images : « Non adorabis ea ei non »
coles. » (Deuler. v. 9.) Les mots non adorabis défendent,
ajoute-t-on, tout culte extérieur, et par ceux-ci, non cotes, loul
culte intérieur. On répond que dans ce passage l'É-criture
défend le culte d'idolâtrie que les gentils rendaient aux
statues, croyant qu'il existait en elles quelque vertu divine; mais que
cela ne s'entend point du culte religieux
664
TRAITÉ
rendu aux saintes images et rapporté aux originaux qu'elles
représenlent. Ce fut le grand penchant des Juifs pour l'ido-làlriequi
leur fit défendre d'adorer les images; aussi Jo-sephe l'historien
écrit que dans ce temple même il n'y avait pas d'images, bien
que d'ailleurs on y eut figuré des chérubins vraies images
d'anges. Du reste, tout dan-ger d'idolâtrie ayant cessé aujourd'hui,
avec lui a cessé le précepte cérémonial donné
aux Juifs.
XLV. On objecte en second lieu que l'image étant vé-nérée
comme représentant son prototype, on ne peut vé-nérer
l'image elle-même. La réponse est que les images sans relation
avec les originaux qu'elles représenlent ne méritent certainement
aucun honneur, mais elles en mé-iitent par celle relation ; car
alors, comme le dit S. Tho-mas (3. p. q. 23. a. 3.), ou l'on adore le prototype
de l'image, ou bien celle image pour son prototype, ce qui revient toujours
au culte relatif.
XLVI. On oppose troisièmement que dans le concile d'Elvire (
en 305, au can. 26.) il est défendu de placer des tableaux sur les
murs des églises. On répond que cette défenseful faite
pourplusieursmotifs qui n'existent plus au-jourd'hui ; elle lui faite surtout
pour que les gentils ne pen-sassent pas que les chrétiens adoraient
les images et simu-lacres, on même pour qu'ils ne profanassent pas
les ima-ges sacrées, car, dans ce temps, les persécutions
duraient encore, comme on le voit au can. 23 du même concile.
XLVII. On objecte quatrièmement que S. Grégoire, dans
une de ses lettres (lib. H. epist. 43. alias 9.) dé-fend l'adoration
des images. Mais S. Grégoire parle là de certaines images
à qui on rendait un culie supersti-tieux au grand scandale des fidèles,
comme on le voit par le texte même de la lettre. Du reste, nous voyons
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
665
que le même S. Grégoire (épître54du liv.
9.) envoya en présent à Secondinus une image du Sauveur,
et il dit dans sa lettre qu'il sait bien qu'il ne l'adorerait pas, comme
il adorerait Dieu, « sed ob recordationem filii Dei, ul in »
ejus amore recalescas. » II envoya de plus au même Secondinus
une croix et deux vêlemens ou deux bou-cliers où étaient
peintes les images du Sauveur et de la sainte Vierge, et des apôtres
S. Pierre et S. Paul.
XLVIII. On objecte cinquièmement que les Juifs, en adorant le
veau d'or, et les gentils (comme l'écrit Calvin) en adorant leurs
idoles, ne croyaient point que ce fussent là des divinités,
mais qu'ils entendaient honorer le vrai Dieu. On répond que les
Juifs, comme les gentils, en adorant de fait ces images, ou adoraient de
faux dieux ou au moins leur croyaient quelque verlu divine ca-chée,
car ils plaçaient leur confiance et leur espoir dans ce bois et
dans ces pierres, les prenant pour dernier terme de leur adoration, ce
qui était une véritable ido-lâtrie. De là Daniel
écrit (v. A.) : « Bibebant vinum et » laudabant deos
suos aureos. » David écrit des Juifs : « Et commixti
sunt inter gentes.... et servierunt sculp-» lilibus eorum. »
(Ps. cv. 35 et 56.) C'est pour cela que Moïse élait toujours
sollicité par eux en ces termes : « Fac nobis deos, qui nos
praecedant. » (Exod. xxxn. 23.) Jéroboam, pour les détourner
du vrai Dieu, érigea deux veaux d'or, et leur dit : « Nolite
ultra ascendere in » Jérusalem ; ecce dii tui, Israël,
qui le eduxerunt de » terra Jïgypli. » (III. Reg. xn.
28.) De même Aaron parlant du veau d'or, leur adressait ces paroles:
« Hi » sunt dii tui qui te eduxerunt de terra iEgypli. »
(Exod. xxxn. 4.) Rien de pareil chez les calholiques qui ne croient point
à aucune vertu cachée des saintes ima-
666
TRAITÉ
ges ; le culte qu'ils leur rendent étant tout relatif à
leurs prototypes : c'est pourquoi la vénération qu'on témoigne
pour les images n'est point défendue; mais au contraire agréée
par Dieu, ce qui paraît par les nombreux miracles que le Seigneur
se complaît à opérer par leur moyen. Dire ensuite que
tous ces miracles sont faux, cela ne se peut sans la plus grande témérité.
XLIX. Sixièmement, Calvin fait cette objection : Mais puisque
les images n'ont aucune vertu cachée, à quoi sert de recourir
à une image plutôt qu'à une autre, si-non à
faire de longs pèlerinages. On répond que cela ne vient pas
de la vertu particulière de telle ou telle image, mais de la volonté
du Seigneur qui se complaît souvent à répandre plus
de grâces par le moyen de telle image que de telle autre, selon ses
desseins divins; qu'ainsi il inspire aux âmes plus de dévotion
pour (elle image que pour une autre.
Des indulgences.
L. Dans celle vingt cinquième session, on fit aussi un décret
touchani les indulgences dans lequel on dit que l'Église ayant reçu
de Jésus-Christ le pouvoir de conférer les indulgences dont
l'usage remonte aux plus anciens temps et a été approuvé
par les synodes comme éminem-ment salutaire, le concile enseigne
et recommande sa conservation et condamne par l'anathème l'assertion
que les indulgences sont inutiles ou que l'Église n'a pas le pouvoir
de les accorder. Il entend cependant qu'il soit fait justice des abus,
elc. « Cum potestas conferendi in-» dulgeniias a Christo Ecclesiae
concessa sit, atque » hujusmodi potestate divinitus sibi tradita,
antiquissi-
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
667
» mis eliam temporibus illa usa fuerit : sacrosancta sy-»
nodus indulgentiarum usum, christiano populo maxime » salutarem,
sacrorum conciliorum auctoritate probatum, ·» in Ecclesia
retinendum esse docet et praecipit ; eosque » anathemate damnat,
qui aut inutiles esse asserunt, vel » eas concedendi in Ecclesiae
potestatem esse negant : in » his tamen concedendis moderationem,
juxta veterem » et probatam in Ecclesia consuetudinem, adhiberi cupil
; » ne nimia facilitate ecclesiastica disciplina enervetur. »
Abusus vero qui in his irrepserunt, et quorum occa-» sione insigne
hoc indulgentiarum nomen ab haereticis » blasphematur, emendatos
et correctos cupiens praesenti » decreto generaliter stituit, pravos
quaestus omnes pio » his consequendis, unde plurima in christiano
populo » abusuum causa fluxit, omtiino abolendos esse. Caeleros »
vero, qui ex superstitione, ignorantia, irreverentia, aut » aliunde
quomodocumque provenerunt, cum ob multi-» plices locorum et provinciarum,
apud quas hi com-» mittuntur, corruptelas commode nequeant specialiter
» prohiberi, mandat omnibus episcopis ut diligenter » quisque
in prima synodo provinciali referat : ut, alio-» rum quoque episcoporum
sententia cognita, statim ad » summum romanum pontificem deferantur,
cujus auc-» torilale et prudentia, quod universali Ecclesiae expe-»
diei, slatueiur : ut ita sanctarum indulgentiarum » munus pie, sancte
et incorrupte omnibus fidelibus M dispensetur. »
LÏ. Voilà la pierre de scandale, voilà ce qui donna
naissance aux premières erreurs et la cause de l'horreur morlelle
que Luiher et ses seclaleurs ont gardée pour le seul mot d'indulgence
que d'ailleurs ils ont à peine com-pris. Le luthérien Gérard,
second ministre des novateurs,
668
TRMTÉ
prétend que nous disons que Jésus-Chvist a satisfait
pour nos fautes, mais que pour les peines éternelles et tem-porelles
il nous a laissé l'obligation de satisfaire nous-mêmes; qu'ainsi,
pour nous exempter de ces peines, nous avons inventé les indulgences
par lesquelles (en nous les procurant de Rome à prix d'argent) nous
espé-rons que ces peines nous sont remises. On répond que
notre Sauveur, bien qu'il ait spécialement salisfail pour nos fautes
et pour la peine élernelle qu'elles nous ont méritée,
a néanmoins salisfail aussi pour la peine tem-porelle qui nous est
due, quoique ordinairement celle satisfaction de Jésus-Christ ne
s'applique à la rémission de la peine temporelle, qu'avec
concours de notre propre satisfaction ou au moyen des indulgences qui nous
sont concédées par le vicaire de Jésus-Christ. Il
est ensuite de toute fausseté que les indulgences soient une pure
in-vention des catholiques; elles ont été enseignées
par Jésus-Christ lui-môme et par l'Église, par une
constante tradition. II est aussi faux que nous achetions ces indul-gences,
car elles sont de fait concédées gratuitement comme tout
le monde le sait,
LU. En outre nous disons que, selon la véritable doc-trine enseignée
par l'Église, les indulgences nous valent la rémission de
la peine temporelle qui nous reste à subir pour les péchés
qui nous sont remis quant à la faute; et cela se fait par l'applicalion
des mérites de Jésus-Christ, dont l'Église lient le
trésor en dépôt, Jésus-Christ lui-même
ayant donné à son vicaire le pouvoir de dispenser les indulgences
aux fidèles. Dans ce trésor, il faut aussi compter les mérites
des saints, qui, dans celte vie, ont pleinement satisfait pour leurs fautes.
Et cela est ainsi, non certes que la satisfaction de Jésus-Chrisl
(laquelle fut
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
669
infinie) ne soit suffisante, mais afin que les mérites de ces
saints ne restent pas inutiles; et à celle fin Noire-Sei-gneur les
reçoit pour salisfaciion aux délies des autres.
LUI. Bellarmin dit (lorn. 2. 1. de Indulg.) que toute bonne œuvre porte
en soi le mérite et la salisfaciion. Quant au mérite, nul
n'en doute chez les catholiques, car nous voyons dans S. Matlhieu (xxv.
34) que le Seigneur loue lui-même les mériies de ses élus,
et les admet à raison de ces mériies à partager son
royaume : « Possi-» dele paratum vobis regnum.... Esurivi enim
et dedis-» tis mihi manducare, etc. » Et S. Paul (Rom. II.
6) écrit : « Et qui reddet unicuique secundum opera sua. »
Pour ce qui est de la salisfaciion, nous avons ce texte du livre deTobie
(rv. 41) : « Eleemosyna ab omni pec-» cato et à morte
liberat. » El nous lisons dans l'Ecclé-siastique (ni) : «
Sicut aqua exiinguil ignem, ita elee-» mosyna extinguit peccatum.
» D'oi|J>. Cyprien a écrit : (serm. de eleem.) : « Eleemosynis,
atque operibus juslis, » delictorum flamma sopilur. » S. Thomas
enseigne (pag. 1. qu. 21. art. 1) que la juslice commulative est due aux
bonnes œuvres salisfacloires, ei la justice dislri-butive aux méritoires.
De là, si l'œuvre est méritoire, elle ne peut être
appliquée à d'autres ; mais celle applica-tion peut avoir
lieu pour l'œuvre de salisfaciion, car un prince peut bien recevoir la
satisfaction pour une chose due, de la part d'un autre que le débiteur.
LIV. Il est cerlain, comme le déclare Clément VI dans
la conslilutionexlravaganle qui commence par le mol Uni-genitus (de pœnit.
el rem.), que l'Église possède un trésor infini de
satisfaciens venant de Jésus-Christ ; mais qu'elle a encore les
salisfaclions surabondantes de la bienheureuse Yierge qui, ayant été
exemple de toute faute actuelle,
670
TRAITÉ
comme le croit l'Église (sess. 6. can. 13. in Trident.), n'avait
pas à satisfaire pour soi ; et enfin la satisfaction des saints,
lesquels, comme il a déjà été dit, par les
bon-nes œuvres de leur vie, ont satisfait au-delà de la peine due
à leurs fautes.
LV. Il est également certain que l'Église a le pouvoir
d'appliquer ce trésor aux âmes des fidèles. Cela se
prouve d'abord par l'article du symbole de la communion des saints , qui
démontre que les œuvres de satisfaction de l'un peuvent êlre
appliquées à un autre par l'effet de la charité mutuelle,
qui forme cette communion des saints. Qu'ensuite les pasleurs de l'Eglise
aient le pouvoir d'ap-pliquer aux fidèles les salisfaclions qui
forment son tré-sor, cela se déduit du pouvoir des clefs
donné à S. Pierre et à ses successeurs, par ces paroles
: « Quodcumque » solveris super terram , erit solutum et in
coelis. » (Malth. xvi. 19.) Ce qui emporte le pouvoir de délivrer
les âmes de tout lien qui les empêche d'entrer dans la gloire
des bienheureux. S. Pierre reçut le pouvoir de dé-lier, même
dans les cieux ; ce pouvoir comprend donc la rémission, non-seulement
de la faute, mais aussi de la peine, dont la satisfaction non encore accomplie
empêche l'ame de posséder la gloire. Et c'est là ce
qu'opère le bé-néfice des indulgences appliquées
aux âmes. La condam-nation, quant à la faute, ne peut être
remise sans le sa-cremenl de la pénilence, puisque , pour opérer
cette ré-mission , il faut une infusion de la grâce ; mais
la ré-mission de la peine peut avoir lieu hors du sacrement, puisqu'elle
n'exige pas une grâce nouvelle.
LVI. Quant à l'usage constant dans l'Église d'accorder
des indulgences, il est prouvé , par l'exemple de ce pé-cheur
incestueux de Corinlhe, dont les amis, témoin*
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
671
«
de sa pénitence, prièrent S. Paul de lui remettre la
peine méritée. « Ne tristitia absorbeatur. »
Et l'apôtre le leur concéda en disant : « Cui autem
aliquid donastis et ego; » nam et ego quod donavi, si quid donavi,
propter vos ? in persona Christi. » (II. Cor. II. 10.) Ce que l'apôlre
appelle un don, nous l'appelons indulgence. S. Gré-goire, dans le
septième siècle, cité par S. Thomas (in 4. sent. dist.
20. qu. 1. a 3. q. 2), concéda plusieurs indul-gences nux stations,
et S. Léon III, vers l'an 800, comme le rapporte Surins, dans la
vie de S. Swibert, et comme l'atteste S. Thomas, à l'endroit cité,
en accorda plusieurs autres. Urbain II, suivant S. Antonin, accorda indul-gence
plénière à ceux qui parlaient pour la guerre sacrée.
Et que l'on ne s'étonne pas si les Pères ne font pas une
mention expresse des indulgences : c'est qu'alors on ap-pliquait dans toute
leur rigueur les canons pénilentiaux auxquels ensuite, ? cause de
la faiblesse humaine, ont succédé de plus nombreuses indulgences.
LVH- Déplus, on lit dans le prem-ier concile de Nicée,
au can. 11. alias 12 : « Licebìt episcopo de his aliquid »
humanius cogitare. » Le concile établit que les vrais pénilens
pourront obtenir des évêques la rémission des peines
qu'ils auront encourues. On lit des dispositions pareilles dans le concile
d'Ancyre et dans celui de Laodi-cée. En outre, le pape Sergius,
qui siégeait en 844, ac-corda d'autres indulgences. Et il ne faut
pas croire que les ponlifes établissaient cel usage des indulgences
de leur chef et sans exemple précédent. On voit plus tard
le con-cile de Clermonl, en 1096, accorder aussi indulgence plénière
à tous ceux qui allaient soutenir la guerre sa-crée. Déplus,
en 1116, Pascal II, dans le concile général de Lalran, concéda
quarante jours d'indulgence à ceux
672
qui assistaient à l'assemblée; et dans le concile suivant
de Latran, en 1213, Innocent III accorda indulgence plé-nière
à tous ceux qui allaient au secours de la ^erre-Sainte ; comme aussi
Martin V, dans le concile de Cons-tance, accorda une indulgence plénière,
ainsi qu'on le voit dans la seconde Clémentine. Terlullien fait
également mention des indulgences, lorsqu'il dit(Iib. ad Martyres):
« Quam pacem quidam in Ecclesia non habentes, a » marlyribus
in carcere exorare consueverunt. » El S. Cyprien dit (lib. S. ep.
15) : « Poenitenti operanti, ro-» ganli, potest clementer ignoscere,
potest in acceptum re » ferre quidquid pio talibus ei petierint martyres
et fece-» rint sacerdotes. » Ainsi les évêques
appliquaient les mériles des martyrs à la satisfaclion due
par les pécheurs pénitens.
LVII1. On objecte premièrement que les mérites de Jésus-Christ
et ceux des saints qui sont dans le trésor de l'Eglise ont été
déjà suffisamment rémunérés par Dieu.
Donc il n'esl d'aucune utilité qu'ils soient dans le trésor
des indulgences. La réponse à celle objection a été
déjà faite plus haul; c'esl que les œuvres de Jésus-Christ
el celles des saints oni été non-seulement méritoires,
mais satisfecloires. Aussi bien que comme méritoires elles aient
été déjà rémunérées ;
néanmoins , quant à leur valeur pour la satisfaction, si
elles n'éiaienl appliquées au bé-néfice des
pécheurs, elles resteraient inutiles, tant celles de Jésus-Christ
que celles des saints qui ont satisfait au-delà de leur peine temporelle
: c'esl pourquoi elles s'a-joulent au trésor de l'Église,
et par le moyen des indul-gences elles sont appliquées aux autres.
L1X. On objecte deuxièmement que (oui péché mortel
entraîne un dommage infini pour l'ame qui l'a commis,
CONTRE LES HÉRÉ^QUES.
675
d'où il a fallu, pour que ce péché fût remis,
la satisfac-tion infinie de Jésus-Chiist. Si cela était vrai,
la passion du Sauveur n'aurait pu satisfaire que pour un seul péché
mortel, puisque seul il eût absorbé tous les mérites
de Jésus-Christ. Il faut donc répondre que les mérites
dé Jésus-Christ étant d'une valeur infinie suffisent
à satisfaire pour tous les péchés des hommes, fussent-ils
infinis. Aussi S. Jean écrit : « Et ipse est propitiatio pro
peccatis nos-» Iris; non pro nostris autem tantum, sed etiam pro
totius » mundi. » (I. Jo. ii. 2.) Outre que la vraie doctrine
est que le péché mortel est un mal immense ( S. Thomas dit
: « Malitiae quasi infinitae, eu égard à la majesté
in-finie de Dieu qui est offensé ); mais il n'est pas réellement
infini : autrement tous les péchés mortels seraient égale-ment
graves, puisque l'infini ne peut croître ni diminuer.
LX. On objecte troisièmement que la satisfaction de Jésus-Christ
élant infinie, celles des saints sont inutiles dans le trésor
des indulgences. On répond que les satis-factions des saints ne
sont point jointes au liésor, parce que celle de Jésus-Christ
serait insuffisante, mais que le Seigneur a voulu, afin que ces satisfactions
ne restassent pas inutiles, qu'elles concourussent en quelque manière
à l'allégement des fidèles. D'autant plus (comme dit
Domi-nique Solo in 4. senu dist. 21. q. 1. art. 2.) que les mé-rites
de Jésus-Christ, bien qu'infinis, ne s'appliquent aux fidèles
que d'une manière finie (modo finito), et qu'ainsi les mérites
des saints peuvent trouver place dans les in-dulgences accordées.
LXI. Quatrièmement, on objecte qu'en opérant dç
bonnes œuvres, les saints n'ont fait que ce qu'ils de-vaient faire : aussi
Jésus-Christ nous dit-il ·? « Cum fece-» ïiiis
omnia quae piaecepla sunt vobis, dicite : Servi xix.
43
674
TRAITÉ
» inutiles sumus, quod debuimus facere, fecimus. » Ainsi,
ajouie-t-on, de ces mériles des sainls, il ne reste rien pour ajouter
au trésor et communiquer à d'autres. Nous avons déjà
répondu à cela (sess. vi. n. 94. en parlant du mé-rite
de nos bonnes œuvres), mais répliquons encore ici que bien que nous
soyons tenus d'obéir aux préceptes divins, néanmoins
Dieu récompense notre obéissance, et à plus forte
raison récompense-t-il les œuvres de suréro-gation auxquelles
nous n'étions pas obligés ; d'où vient que quand ces
mérites sonl plus que snffisans pour sa-tisfaire à nos propres
dettes, l'Église les applique au bé-néfice des autres.
LXII. Cinquièmement, on objecte que si les souffran-ces des
sainls ont pu satisfaire pour nos fautes, nous pou-vons les appeler nos
rédempteurs. Mais on ne saurait parler ainsi, puisque notre seul
rédempteur est Jésus-Christ : « Qui factus est nobis
sapientia a Deo, et juslitia » et sanctificatio et redemptio. »
(I. Cor. i. 32.) Quel-ques-uns ont cru pouvoir répondre que par
les indul-gences ce n'était point les satisfactions des sainls qui
nous étaient appliquées, mais que Dieu, en leur considé-ration,
usait pour nous de miséricorde. Celle proposition, mise en avant
par les docteurs de Louvain, fut condamnée parmi plusieurs autres
par PieV. Pour nous, nous répon-dons qu'il est hors de doute que
Jésus-Christ est noire seul rédempteur, que par ses mérites
nous sommes dé-livrés du péché et du démon,
en quoi consiste la vérita-ble rédemption. Du reste, il n'est
pas inconvenant de dire, que les sainls en quelque façon sont nos
rédemp-teurs en tant que par leurs satisfactions surabondantes ils
nous relèvent des peines que nous n'avons point en-core payées
en expiation de nos faules. En ce sens large,
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
nous pouvons appeler les saints nos rédempteurs, comme Daniel
exhorta Nabuchodonosor à se faire rédempteur de lui-même
en expiant ses péchés par des aumônes' : « Peccala
tua eleemosynis redime. » (Dan. iv. 24.)
LXI1I. On demande premièrement, si l'mdulg.nce est un paiement
ou une simple remise de la délit'. Sur ce point les opinions diffèrent.
Mais Bellarmin soutient que l'indulgence est tout ensemble et solution
et absolution de la peine due. Son caractère d'absolution résulte
du pouvoir d'absoudre donné par Jésus-Christ à ses
apôtres en ces termes : « Quodcumque solveritis supir terram,
» erit solutum et in coelis. » (Math. x\iu. 18.) Et Alexantire
111 le déchue ainsi dans le chapitre Quod au-tem consuluisti (de
poenil. et rem.), où ce pape dii qu'aucun supérieur ne peut
accorder des indulgences à d'auires qu'à ses subordonnés,
comme un juge ne peut absoudre que ceux qui sonl sous sa juridiction. De
même Mar-tin V, dans le concile de Constance, en accordant l'in-dulgence
plénière, la nomme absolutionem pknariam; Grégoire
VII, dans les concessions d'indulgences, se sert aussi le plus souvent
du terme d'absolution. Bellarmin dit encore que, quoique le pape à
l'égard des fidèles vi-vans donne les indulgences par mode
d'absolution, il pourrait néanmoins les donner aussi par mode désolation,
comme il le fait pour les âmes des défunts, pour lesquels
l'absolution n'a plus lieu, parce qu'ils ne sont plus sous la juridiction
; d'où vient que le pape leur applique à lilre de solution
(suffrage) et compensation de leurs dettes les indulgences tirées
du trésor de l'Église. Il pourrait agir de même à
l'égard des vivans; mais ordinairement cette application se fait
par mode de solulion (suffrage) aux défunts, et d'absolution aux
fidèles vivans.
45.
676
TRAITÉ
LXIV. On demande deuxièmement qui peut concéder les indulgences?
Pour l'indulgence pleniore, c'esl lu pape seul, « ex pleniludine
potestatis, » comme on le voit au chapitre Cum ex eo, (de pœnit.
et rem.) Quant aux in-dulgences partielles, dans le même chapitre
Cum ex eo, ei dans le chapitre Nostro (eod. lit.), on lit que les évê-ques
peuvent donner l'indulgence d'un an à la dédicace de leur
église et de quarante jours à son anniversaire, et celle
dernière de quarante jours, ils peuvent également l'accorder
dans d'autres cas. Voici les larmes du chapitre Cum ex eo : « Hunc
quoque dierum numerum (c'est-à-» dire quarante) indulgentiarum
lineus praecipimus nio-» derari, quae pro quibuslibet casibus aliquoties
conce-» duntur, cum romanus pontifex hoc in talibus mode-»
ramen consueverit observare. » El dans le chapitre Nostro, pariant
des archevêques, il est dit : « Nostro » postulasti cerlificari
responso, utrum per tuam provin-» ciam possis concedere remissionis
litteras generales? » Nos igitur, F. -J- breviter respondemus, quod
per » provinciam tuam libere potes hujusmodi concedere » litteras,
ita tamen, quod statum generalis concilii non » excédas. »
LXV. Si ensuite les évêques peuvent accorder ces in-dulgences
par eux-mêmes, de jure divino, ou par conces-sion du pape. Celte
question (comme le dit Bellarmin) dépend de celle autre, savoir,
si le pouvoir des évêques provient immédiatement de
Dieu ou médialemenl par le naoyen du pape : Bellarmin soulient que
c'est médiate-ment, mais l'opinion contraire est autant el peut-êlre
plus probable. Quelques-uns veulent que le& abbés de couvens
aient aussi ce pouvoir, de même que les curés et les confesseurs
; mais communément cela n'est pas ad-
CONTRE LES BÎRÉTIQtES.
677
mis, et dans le chapitre Accedentibus (de excess. prœlat.), il est
dit expressément que hors les évêques nul ne peut accorder
des indulgences. S. Thomas (in 4. sent. dist. 20. q. 1^ a 4. q. i.) dit
qu'il n'y a de véritables prélats que les évêques.
Les réguliers, même dispensés, peuvent bien participer
cnx indulgences accordées par les évêques en commun
; mais si les œuvres enjointes ije peuvent s'accorder avec l'observance
de leur règle, il leur faut la licence du supérieur régulier,
comme le dit S. Thomas. LXVI. Pour la concession des indulgences, il faut
une jusle cause, môme quand le pape les accorde ; parce qu'elles
dépendent du droit divin. Il n'est pas d'ailleurs nécessaire
que les œuvres enjointes pour gagner l'indul-gence égalent la satisfaction
due par chacun ; mais il est toujours besoin d'une certaine proportion.
Néanmoins S. Thomas (in 4. sent. dist. 20. qu. 1. a. 5. q. 2.),
sou-tient avec S. Anlonin, Paludanus, Durand et Turrecre-mala, que toute
œuvre enjointe suffit, pour faible qu'elle soit; mais d'autres avec S.
BonavenXure veulent une plus grande proportion. Ainsi Gerson, Richard,
Ojelan, etc., cités par Bellarmhi, disent que si l'indulgence est
majeure et l'œuvre légère, elle ne se gagne pas. Dans le
concile de Trente il est dit que les indulgences doivent être ac-cordées
selofl l'usage antique où elles étaient rares. Inno-cent
III, au chapitre Cum ex eo (de pœnit. et rem.), dit que le pape no doit
concéder ordinairement que des in-dulgences d'un an. Bellarmin se
range à la seconde opinion ; mais il dit que l'œuvre enjointe qui
remplit le but de l'indulgence suffit pour la gagner, encore qu'elle ne
soit pas proportionnée, comme il arrive pour l'in-dulgence plénière
accordée àceux qui assistent à la cano-nisation des
sainls : celte assistance, bien qu'elle ne soit
678
TRAITÉ
pas proportionnée, accomplit la fin de l'indulgence, la-quelle
est accordée pour que le peuple en assistant à la canonisation
se confirme dans la foi. En outre, quand l'indulgence est accordée
à quelqu'un en particulier, il est besoin alors de proportionner
l'œuvre enjointe ; mais quand elle est accordée en général,
il n'est pas nécessaire que l'œuvre de chacun soit proportionnée
à l'indulgence, mais que l'ensemble des œuvres de tous le soit à
la fin pour laquelle l'indulgence est accordée. Il n'appartient
pas ensuite aux subordonnés de juger de la justice de la cause pour
laquelle l'indulgence est ac-cordée, mais chacun doit la présumer
juste.
LXVII. II est nécessaire pour gagner l'indulgence que l'œuvre
enjointe soit satisfactoire, et que celui qui la reçoit soit en
état de grâce. Quelques-uns nient cette der-nière condition,
et disent que l'indulgence ne s'appuie pas sur la satisfaction du fidèle,
mais sur celle de Jésus-Christ et des saints. Mais Bellarmin, avec
plus de raison, l'çxige par le motif que les œuvres d'un ennemi
ne peu-vent plaire à Dieu : il en excepte toujours le cas où
^'œu-vre remplit la fin de l'indulgence, comme serait celle accordée
aux personnes qui concouraient par leurs au-mônes à l'édification
d'une église ou d'un autre saint lieu; mais pour gagner actuellement
l'indulgence, il est toujours nécessaire que la personne se mette
au moins, après son obtention, en élat de grâce.
Quand il est dit dans la formule de l'indulgence, « poenitentibus
et con-» fessis, » plusieurs veulent qu'il suffise alors-de
la con-trilion ; mais Bellarmin regarde comme plus probable que la
confession est nécessaire, et ainsi parlent Cajelan, Navaire et
autres. BenoîiXIV (in constil. Inler prseteri-
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
679
los, § 3, voyez son Bullaire, lom. 5. p. 140.) averlil pour le
jubilé de l'année sainle que par les paroles, « vere
poenitentibus et confessis, » on doil enlendre la confession actuelle.
680
TRAITÉ
TRAITE SUPPLEMENTAIRE.
(XVI· KT DERNIER. )
De l'obéissance due aux décisions du concile, qui sont
celles par conséquent de l'Église catholique romaine, hors
de laquelle il n'y a point de salut.
I. L'Église ne peut être vraie qu'autant qu'elle est une,
qu'elle enseigne une seule doctrine, une seule foi. « Una »
fides (écrit l'apôlre), unum baptisma , unus Deus. »
(Ephes. iv. 5.) Ainsi de toutes les églises qui enseignent des doctrines
diverses, puisque la vérité est une, une seule Église
peut être la vraie, celle hors de laquelle il n'y a point de salut,
comme l'écrit Calvin lui-même. Or, pour prouver quelle est
cette vraie Église sous la loi nou-velle de l'Évangile ,
il faut voir d'abord quelle a été la première Église
fondée par Jésus-Christ; car celte pre-mière trouvée,
on sera forcé de convenir qu'elle est la seule vraie; qu'ayant été
d'abord la vraie, elfe a dû tou-jours l'être ; puisqu'à
elle seule a été faite par le Sau-veur la promesse que les
portes de l'enfer (c'est-à-dire les hérésies ) ne
pourraient la renverser, suivant ces pa-roles adressées à
S. Pierre : « Tu es Petrus et super hanc » petram aedificabo
Ecclesiam meam, et portae inferi non » prœvalebunl adversus eam.
» (Matth. xvi. 18.) D'où S. Paul dit, dans son épître
à Timothee, que celle Eglise, fondée par Jésus-Christ,
esl la colonne et la base de la
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
681
vérité : « Scias quomodo oporteat te in domo Dei
conser-» vari, quae est Ecclesia Dei vivi, columna et firmamen-»
tum veritatis. » (I. Tim. m. 15.)
II. Voyons donc quelle a été cette première
Eglise fon-dée par Jésus-Christ. Dans toute l'Histoire Sacrée
on ne trouve point d'autre Eglise qu'on puisse appeler première
que la catholique romaine : et au contraire on y voit que toutes les autres
Eglises fausses et hérétiques sont sorties d'elle plus lard
et s'en sont séparées. C'est celte Eglise que S. Paul désignait,
qui fut propagée par les apôtres et puis gouvernée
par les pasteurs, délégués par les apôtres eux-mêmes
pour la régir : « Ipse dedit quosdam » quidem apostolos,
alios autem pastores... in sedificalio-» nem corporis Christi. »
(Ephes. iv. 12.) Or ce caractère ne peut se trouver que dans l'Eglise
romaine, dont il est incontestable que les pasteurs descendent par une
succes-sion légitime el non interrompue des apôlres à
qui Jésus-Christ a promis son assislance jusqu'à la fin du
monde : « Et ecce vobiscum sum usque ad consummationem sse-»
culi. » (Matlh. XXVIII. 20.) D'où S. Irénée
écrit : « Per » Romre fundatam Ecclesiam , quœ habet
ab aposiolis » traditionem, et fidem, per successionem episcoporum,
» provenienlem usque ad nos, confundimus omnes eos, » qui per
ccecitalem, elmalam conscienliam, aliter quam » oportet, colligunt.
» (Lib. 3. cap. 4.) El voilà ce qui confirmait S. Augustin
dans la ferme croyance que l'E-glise romaine est la vraie Eglise de Jésus-Chrisl.
Aussi dit-il (Epist, fundam, e. 4. ?. 5.) : « Tenet me in ipsa »
Ecclesia ab ipsa sede Petri, usque ad praesentem epis-» copalum,
successio sacerdotum. »
III. Cette vérilé que l'Eglise catholique romaine
est la première.fondée par Jésus-Christ, n'est pas
même niée
682
TRAITÉ
par les hérétiques. Voici ce qu'écrit le grand
ministre lu-thérien Gérard, en parlant de l'Eglise romaine
: « Cer-» Ium quidem est primis quingeniis annis veram fuisse,
» et apostolicam doctrinam tenuisse. » (De eccles. cap. 44.
sect. 6.) Les hérétiques soutiennent donc ce que du temps
de S. Augustin avançait l'hérésiarque Donat, sa-voir
que l'Eglise romaine fut vraie jusqu'au cinquième siècle,
ou comme disent d'aulres jusqu'au troisième ou au quatrième;
mais qu'ensuite elle fut faussée par les altérations inlroduites
par les catholiques dans les dogmes de la fui. Ainsi pendant neuf siècles
le Seigneur a pu permeiire que les hommes vécussent sans Eglise
jusqu'à ce que vinssent ces nouveaux illuminés réformateurs
de la foi, comme se vante de l'être Luther, Zuingle, Calvin et autres
semblables novateurs? Mais comment a pu fail-lir celle Église que
S. Paul, comme nous venons de le voir, appelle la colonne et le fondement
de la vérité? celle Église conlre laquelle Jésus-Christ
a promis que ne prévaudraient point l'enfer et l'hérésie?
Non celle Église, suivant les promesses de Jésus-Christ,
ne pouvail ni être faussée ni faillir. La vérité
est, comme le dit S. Jérôme, que ce sont loules les autres
fausses églises, séparées de celle de Rome, qui ont
failli et erré : « Ex hoc ipso, » écrit ce saint
docteur parlant des hérétiques, « quod » poslea
instituti sunt, eos se esse judicant, quos apos-» tolus futuros praenuntiavit,
» c'est-à-dire de faux pro-phèles. C'est par cet argument
que la première Église fon-dée par le Sauveur ne peut,
suivant ses promesses, faillir, que S. Augustin confond les donatisles.
D'où un savant auteur dit fort bien (le P. Pikler. Theol. dogm.
conlrov. S. De Eccles. in prsefat.), que pour convaincre toutes les sedes
d'hérétiques, il n'y a point de voie plus sûre
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
683
que de leur faire voir que noire Église catholique a élé
la première fondée par Jésus-Christ ; car, cela prouvé,
il l'esl également qu'elle esl la seule vraie et que touies les
autres qui se sonl séparées d'elle sonl certainement dans
l'erreur. Après la mort de Charles II, roi d'Angleterre, on trouva
renfermé dans une cassette un papier où il avait écrit
de sa main : « Le Christ ne peut avoir sur celle lerre » qu'une
seule Eglise (cela me paraît évident); et celle » unique
Eglise ne peut être autre que l'Eglise romaine » catholique;
de là je pense que la seule question est de » savoir où
est celle Eglise à laquelle nous faisons pro-» fession de
croire,, ei puis de croire tout ce qu'elle nous » propose. »
El convaincu par ce raisonnement, le roi Charles finit par embrasser la
foi catholique.
IV. Mais, malgré cela, les novateurs, pressés par cet
ar-gument, ont inventé une autre objection, et ils disent que l'Eglise
qui a failli est l'Eglise visible, non l'invisible, qui se compose des
prédestinés comme le veulent les cal-vinistes, ou des justes
suivant les luthériens confessio-nisles. Toutes choses opposées
à l'Evangile qui déclare que l'Eglise militante est composée
de justes et de pé-cheurs, ce qui fait qu'elle est figurée
lanlôt par l'épi qui contient le froment et la paille, tantôt
par un champ où croissent le blé ou l'ivraie. Jean-Baptiste
Groffius (cité par Pikler), dans un de ses écrits publié
en 1695, déclare avoir prié plusieurs fois les prédicans
de lui faire voir quelque lexte de l'Ecriture où fut indiquée
celle Eglise invisible inventée par les réformateurs, el
il ajoute qu'il n'a jamais pu l'obtenir. Mais comment cela eût-il
pu être, puisque Jésus-Christ, parlant des apôtres qu'il
laissait au monde pour être les propagateurs de son Eglise, leur
dit ; « Voseslislux mundi. Non potest civitas abscondi super
684
TRAITÉ
» montem posita. » (Malth. ?. 44.) Une ville bâtie
sur une moniagne ne peut être cachée aux yeux des hommes;
ainsi par là il déclarait que l'Eglise ne peut pas cesser
d'être visible à tous. Il déclare la même chose
en donnant le pouvoir des clés à S. Pierre et à ses
successeuis par ces paroles : « Et tibi dabo claves regni coelorum
: et quod-» cumque ligaveris super terram erit ligatum et in cœ-»
lis; et quod solveris super terram eril solutum et in » coelis. »
(Malih. xvi. 48.) D'où Bossuel écrit, dans sa conférence
avec le ministre Claude qu'il fit ensuite im-primer, qu'il fut entre eux
reconnu pour vrai et établi que la vraie Eglise de Jésus-Chrisl
éiail celle qui exerçait extérieurement le pouvoir
des clés.
V. 11 a toujours été nécessaire et ille sera toujours
que TEglisp soit visible, afin que chacun puisse en tout temps appiendre
la vraie doctrine sur tous les poinis de la foi et les préceptes
de morale de la bouche des pasteurs, comme aussi recevoir les sacremens,
être dirigé dans la voie du salut, éclairé et
repris dans ses erreurs. Autrement, si dans un temps quelconque l'Eglise
était cachée et in-visible, à qui pourraient recourir
les hommes pour savoir ce qu'ils ont à croire, ce qu'ils ont à
faire ? « Qutjmodo » credent ei (écrit l'apôtre),
quem non audierunt? Quo-» modo autem audient sine praedicante? (Rom.
x. 44.) Si les maîtres sont cachés et inconnus, comment les
peu-ples peuvent-ils êlre instruits des maximes du salut? S. Paul
écrit encore: « Obedile praepositis vestris etsub-»
jaceteeis; ipsi enim pervigilant, quasi rationem pro » animabus vestris
reddituri. » (Hsebr. xiu. 47.) Or, comment les chrétiens pourraient-ils
rendre à leurs pré-lats celle obéissance commandée
par S. Paul, si l'Eglise était cachée et invisible aux yeux
des hommes et les pas-
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
68S
leurs avec elle? Mais non , le même apôlre dit que le Sei-gneur
a établi dans son Eglise des apôtres, des pasteurs, des docteurs
visibles, afin d'enseigner la vraie et de con-duire le troupeau dans la
droite voie du salut pour qu'il ne soit pas égaré par les
maîtres de l'erreur : « Et ipse
» dedit quosdam apostolos..... alios autem pastores et
» doctores, etc.....ul jam non simus parvuli fluctuan-
» tes, et non circumferamur omni vento doctrinae, in ne-»
quilia hominum , in astutia ad circumventionem er-» roris. »
(Ephes. iv. 11.)
VI. Mais ce qui a rendu principalement nécessaire que
l'Église et ses pasteurs fussent toujours présens et visibles,
c'est qu'il fallait un juge infaillible qui tînt de Dieu le pouvoir
de décider les questions qui devaient s'élever par intervalle,
et «nu jugement duquel tous dussent ainsi né-cessairement
se soumettre; autrement il n'y aurait point eu de règle certaine
de foi pour nous apprendre quels sont les vrais dogmes qu'il faut croire,
les vrais préceptes qu'il faut observer; et parmi les fidèles
mêmes il y aurait eu dissension, puisque le juge manquant ou étant
faillible, nul ne se serait soumis à son jugement, sinon quand ce
jugement aurait été conforme au sentiment privé de
celui-ci. Mais si les décisions sur les points de la foi et les
pré-ceptes moraux devaient être conformes au sentiment
propre de chacun, tous les hommes certes demeureraient en division et en
discorde sur leur croyance, et ainsi la foi n'aurait rien que d'incertain
et d'ambigu.
VII. Celte nécessité d'un juge infaillible des
poinls de foi a é(é reconnue par Les prétendus réformés
eux-mêmes, comme l'écrit Bossuel ; lequel rapporte que dans
le livre composé par les calvinistes sur la Discipline de la Religion
réformée, il y a deux actes ou statuts faits par eux ; le
686
TRAITÉ
premier, « Que les questions de doctrine seraient décidées
» à l'aide de la parole de Dieu (si cela se pouvait) dans
le » consistoire; sinon l'affaire ser.til portée au colloque
et » de là au synode piovincial, -et enfin nalioral, où
la ré-» solution définitive serait faite avec la parole
de Dieu , » décision à laquelle si quelqu'un refusait
d'acquiescer » dans tous les poinls et en abjurant expressément
ses » erreurs, il serait retranché de l'Église. »
Le second acte ou statut poriait condamnation des indépendans :
ceux-ci soutenaient « que chaque église particulière
devait segou-» verrier par elle-même sans dépendre de
qui que ce soit. » Mais celte proposition fut formellement condamnée
par les calvinistes eux-mêmes dans le synode de Charenton, «
comme préjudiciant à la vraie Église et autorisant
à foi-» mer autant de religions qu'il y aurait de paroisses.
» Aussi le célèbre Puffendorf lui-même, quoique
protestant, fait-il l'aveu suivant : « Ponlificiorum melior est conditio
» quam prolesiantium ; illi pontificem Ecclesiae ut caput »
omnes agnoscunt; protestantes contra, capite desti tu ii, » fluctuant
fcede lacerati et discerpli. Ad suum unaquse-n que respublica arbitrium
omnia administrat et mode-» ratur. » (De mon. pont. pag. 154.)
VIII. Le calviniste Jurieu, voyant qu'il ne pouvait nier que la vraie
Église de Jésus-Christ ne saurait être parmi les sociélés
séparées de l'Église romaine, qui fut la première
de toutes, a inventé un autre faux système, lequel a été
spé-cialement embrassé par les sectes calvinistes, et qui
con-siste à dire que toutes, ou presque toutes ces sociélés
ne différant pas sur les principaux points delà foi, n'élaient
point sorties ni séparées de l'Église romaine, mais
étaient l'Église elle-même. De même, dit-il,
que, dans l'Église romaine, il y a plusieurs doctrines suivant les
diverses
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
687
écoles de thomistes, sco:istes, augustiniens et autres, el que
malgré cela la même foi est professée; de même
parmi nous la foi el l'Église sont une, bien que les canons el ladiscipline
diffèrent. Lorsqu'ils parlent ainsi on peut bien leur appli-quer
ce que dit S. Augustin aux hérétiques de son leinps (lib.
43. contra Fausl. cap. 5) : « Quod vultis, creditis : » quod
non vultis, non crediditis; vobis potius quam Evan-» geliocreditis.
» Maisnous répondons à ce nouveau maître de foi,
au sieur Jurieu, que si, chez les catholiques, il y a diverses écoles
ei des opinions différentes, leurs discus1-sïons n'ont lieu
que sur des points non encore décidés par l'Église;
mais tous s'accordent à reconnaître les articles de foi qu'elle
a déterminés. Par exemple, toutes les écoles confessent
la nécessité de la grâce pour toute bonne oeuvre, et
le libre arbitre de l'homme ,r choses que nous tenons pour articles de
foi ; comment ensuite la grâce produit son effet, si c'est par le
consentement libre de l'homme ou par elle-même; si encore celle efficacité
dépend d'une prédélerminalion physique ou de la délectation
victorieuse; et si .celle délectation est victorieuse moralement
ou rela-tivement (comme tout cela est expliqué dans notre Traité
supplémentaire à la sess. 6 du concile sur la justification
), toutes ces controverses roulent sur des poinlsnon décidés
par l'Eglise, et dans ce moment elles ne sont point con-traires à
la foi.
IX. Mais examinons quels soni précisément les points
que Jurieu lient pour fondamentaux et ceux qui ne le sont pas, suivant
lui. Quant aux fondamentaux, il ne les dé-signe pas ou ne les désigne
que confusément en s'expri-mant ainsi : « Un article fondamenlal
est celui d'où dépend » la ruine de fa gloire de Dieu
et l'anéantissement de la fin » dernière de l'homme.
» Mais autant qu'on peut les re-
688
trouver dans ses écrils, il y a suivant lui quatre points fondamenlaux
: le myslère de la Trinité, celui de l'In-carnation , la
récompense éternelle des justes et la peine éternelle
des pécheurs après celte vie. Pour nous, nous disons qtie
non-seulement ces articles, mais tous ceux pro-posés par l'Église,
comme points de foi, doivent être crus fermement par les fidèles
avec un égal assentiment et qu'ils son; tous fondamenlaux; c'est
pourquoi toutes les sectes dis-cordantes qui ont rejelé ces points
ont été déclarées héréti-ques
ei séparées de l'Église catholique, et suivant les
Pères et suivant les conciles, elspécialemenlleconcilepremierdeNi-cée,
can. 8, premier de Consianlinople, can. 6, et deuxième de Consianlinople,
act. 5. De même au*temps du pape Vic-tor, au deuxième siècle,
on sépara de l'Eglise romaine les asialiques dils quatordécimains,
qui voulaient que l'on célé-brai la pâque au quatorzième
jour de la lune de mars et non le dimanche suivant, comme le fait l'Église
catholique, pour ne pas se conformer ù la pàque des Juifs.
Dans le deuxième concile de Carlhage on condamna les nova tiens,
qui niaient la rémission aux victimes des persécutions. Dans
le deuxième de Consianlinople on sépara de l'Église
ceux qui soutenaient que les âmes étaient créées
avant la formation des corps, can. 1 ; et ceux qui disaient que les cieux
et les étoiles étaient animés, can. 6. En outre, nous
lisons dans l'Évangile de S. Matthieu (cap. xvm. 17.): « Si
Ecclesiam non audierit... sit tibi sicut ethnicus. » II suffi ? de
ne pas accepter les décisions dogmatiques de l'É-glise pour
èlre rejelé hors de l'Église, laquelle (dit S. Paul,
Ephes. îv. 4. ) ne formant qu'un seul corps ne peui avoir qu'un seul
esprit.
X. Mais, dit Jurieu : « La distinction entre les points »
fondamentaux et ceux qui ne le sont pas est une que»-
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
689
» tion épineuse et difficile à résoudre.
» II dit aussi : « 11 » n'appartient pas à l'Eglise
de décider quels sonl 1 IS poinis » fondamentaux ; car ils
sont tels par leur nature. » Mais nous demandons qui en décidera?
sera-ce le jugement privé de chacun ? S'il en est ainsi, combien
y auia-l-il de décisions toutes contraires l'une à l'autre?
des milliers. Et voilà qu'il se trouvera autant d'Eglises, autan!
de reli-gions que de décisions sur les divers poinis. Non ( éplique
Jurieu) il n'appaitienl à personne de décider quels sont
les points de foi fondamentaux, puisque ces poin s « sont »
tels par leur nature. » Mais s'ils sont lels par leur nature, pourquoi
dil-il lui-même que « la distinction e itre les » poinis
fondamentaux el les autres est une quest on épi-» neuse et
difficile à résoudre? » Qui décidera quels sont
ces poinis fondamentaux par leur nature? Ces poinisseront ou evidens ou
obscurs : s'ils sonl evidens, ils ne jeuvent être le sujet r d'une
question épineuse et difficile à ré-» dre, »
et s'ils sont obscurs, ils ont besoin d'être déci* dés.
Tout cela démontre combien est inconsistant ce nou-veau système
de Jurieu, nouveau même pour les ré ormes, lesquels avant
lui ne se sonl jamais dits joints à l'Église romaine,mais
au contraire se sont vantés d'en eue sépa-rés, parce
que, suivant eux, depuis le Iroisièmt , qua-trième ou cinquième
siècle, elle était devenue église adul-tère
(ce sont leurs expressions), siège de l'an christ, infectée
d'erreurs et d'idolâtrie.
XI. En outre, comment Jurieu peut-il dire que toutes les Eglises réformées
3onl une seule el même Église qui professe la même foi,
quand les théologiens de Zurich dans leur préface apologétique
adressée aux Eglise: réfor-mées en 4578, déclarent
que, parmi eux, il y a plu-sieurs controverses sur les poinis fondamentaux,
par xix.
44
690
TRAITÉ
exemple, touchant la personne de Jésus-Christ, l'union et la
distinction des deux natures divine et humaine et autres? Aussi avouent-ils
que leurs discussions en sont venues au point que plusieurs hérésies
anciennement con-damnées se sont reproduites parmi eux. Voici leurs
pro-pres paroles : « Tanlo furore contenditur, ut non paucae »
veterum haereses, quae olim damnat»' fuerunt, quasi » ab inferis
revocatas, caput attollant. » De plus, Jean Slurmius, protestant,
pariant aussi des controverses entre leurs Eglises, dit : « Praecipui
articuli in dubium vocan-» tur, et mullse haereses in Ecclesiam Christi
invehuntur; » plana ad atheismum paratur via. » Et cet auteur
était prophète en cela ; car en effet aujourd'hui une bonne
par-tie des réformés sont tombés dans l'athéisme,
comme on le voit dans les livres qu'ils publient continuellement, car,
en vérilé, avec le temps les choses ont bien changé,
au point que les réformés eux-mêmes ont reconnu le
peu de fondemens de leur prétendue religion évangélique,
et de là ils se sont abandonnés au pur athéisme ou
maté-rialisme , niant tout article de foi et disant que tout est
matière; par conséquent qu'il n'y a ni Dieu, ni ame, ni autre
vie pour nous que la vie présente; c'est ainsi qu'ils ont cherché
à écarter leurs remords de la vie brutale qu'ils menaient.
Mais en vain travaillent-ils avec effort à éloigner ce remords
de leur conscience, ils ne pourront y parvenir. Tout ce qn'ils peuvent
faire, c'est d'arriver au doute sur l'existence de Dieu et la réalité
d'une vie éternelle; mais de se persuader positivement le contraire,
cela ne leur sera jamais possible; car la simple raison naturelle nous
crie qu'il est un Dieu créateur de (oui et juste rémunérateur
du bien et du mal et que nos âmes sont éternelles et immortelles.
Au résumé, ces malheureux
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
691
Croient trouver la paix en se figurant qu'il n'y a pas de Dieu, afin
de n'avoir aucun censeur el vengeur de leurs fautes ; mais celle paix ils
ne l'auront jamais, car le doute seul, s'il y a un Dieu, suffira pour les
tourmenter sans cesse par la crainte de sa vengeance.
XII. THais revenons à notre point. Suivant donc les novaleurs
eux-mêmes, les principaux points de la foi sont mis en douie parmi
eux, et de fait, comme Je rapporte le cardinal Golli dans son savant ouvrage
(la vraie Église, ch. 8. § 1. n. 9.), leslulhériens
reconnaissent une seule personne dans Jésus-Christ : Calvin el Bèze
en admettent deux, d'accord en cela avec l'impie Nestorius. Luther el beaucoup
de ses seclaleurs disent que dans Jésus-Christ la nature divine
elle-même souffrit et mourut, mais Bèze avec raison repousse
cet horrible blasphème. Calvin fait Dieu auteur du péché
: les luthériens disent que c'est là blasphémer. Luther
dit que Jésus-Christ, même comme homme, esl en plusieurs lieux,
et Zuingle en cela le con-damne. Lulher admet trois sacremens, le baptême,
la cène el la pénitence; Calvin admet le baptême el
la cène, mais il rejette Ja pénitence; d'un autre côte
il admet l'ordre que rejelle Luther. De plus, Lulher confesse qu'on doit
adorer dans l'Eucharistie la présence réelle de Jésus-Christ;
mais Calvin appelle cela une idolâtrie. Melanch-ton (auquel Lulher
s'unit depuis) dit que les bonnes oeuvres sont nécessaires pour
le salut ; mais les calvinistes tiennent que les bonnes œuvres sont de
convenance, non de nécessité. Il faut donc dire que loules
ces nouvelles églises réformées, élanl en contradiction
sur de tels ar-ticles, errent sur les poinls principaux de la foi. El en
effet Calvin appelle les luthériens imposteurs et même idolâ-tres,
pavee qu'ils adorent Jésus-Christ clans l'eucharistie
44.
692
TRAITÉ
ei d'autres pari Luther appelle les zuingliens et autres sa-cramentaires,
sedes damnées, blasphémateurs et héré-tiques
; voici ses termes : « Haereticos censemus omnes » sacramenlarios,
qui negant corpus Christi ore carnali » sumi in eucharistia. »
(ApudHospin. par. 2. hist. sa-cramen. p. 326. ).
XIII. Combien au contraire la vérilé de l'Église
catho-lique paraît démontrée quand on voit la constante
uni-foi mité de sa doctrine sur les dogmes de la foi, conservés
depuis l'origine de la fondation de l'Église par Jésus-Christ.
Elle a été la même dans tous les temps; en sorte que
les vérités que nous croyons aujourd'hui oni été
crues également dans les premiers siècles, comme le libre
ar-bilre, la vertu des sacremens, la présence réelle de Jésus-Christ
dans l'eucharistie, l'invocation des saints, la vé-néralion
pour leurs reliques et les saintes images, l'exis-tence du purgaloire et
autres semblables. Les novateurs appellent erreurs ces vérités
de la foi ; mais comment ces erreurs auraient-elles pu exister dans les
premiers siècles de notre Église, temps où nos adversaires
eux-mêmes avouent qu'elle fut la vraie Église de Jésus-Christ.
Ils disent à cela, comme le rapporte Bellarmin (denotis Ec-clesiae,
cap. ?. ) que ces erreurs furenl comme des taches, c'est-à-dire
de légers défauls, sur le visage de l'Église nais-sante.
Ainsi, adorer la présence de Jésus-Christ dans l'eu-charistie,
vénérer la croix el les images ne furent, dans ces premiers
siècles, que de simples taches? El comment ces taches sont-elles
devenues ensuite d'infâmes idolâtries, comme les adversaires
les appellent aujourd'hui? Com-ment des idolâtries peuvent-elles
être appelées de simples lâches? El comment Dieu a-l-il
pu permettre que de si énormes erreurs régnassent dans son
Église, depuis son
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
693
origine jusqu'à ce que ces nouveaux maîtres, Luther, Zuingle
et Calvin vinssent les dissiper? Mais non, celte Église qui a été
dès le commencement la vraie, le sera toujours.
XIV. Mais votre Église catholique, disent les novateurs,
s'est arrogé Paulorilé de créer de nouveaux dogmes
de foi et de régler l'autorité de l'Écriture. Non,
l'Église ne crée et ne peut créer de nouveaux dogmes
de foi, mais seule-ment elle décide quels sont ceux que Dieu nous
a enseignés par le moyen de l'Écriture et de la tradition,
qui toutes deuxsontla parole de Dieu écrite et non-écrite.
Jamais non plus notre Église n'a entendu régler l'autorité
de la pa-role divine , mais seulement de déclarer appuyée
sur la tradition et l'assistance du Saint-Esprit quels dogmes nous devons
tenir être de foi. Le fameux calviniste Basnage nous rend
celle justice dans ses annales où il dit : « Partes
Ecclesiae sunt ìn ea re, non auctoritatis quidem , » quam
canon ex se habet, adjunctio, sed declaratio. » Ainsi donc l'Église
catholique en enseignant quel esl le sens véritable de l'Écriture
ne se met pas au-dessus de l'Ecriture; mais elle se place au-dessus des
jugemens des hommes privés, lesquels doivent obéira l'Église
à cause de l'autorité qu'elle a reçue de Dieu
XV. Mais, disent les novateurs : Ceci est un cercle vi-cieux
; car vous croyez l'Ecriture infaillible parce que l'E-glise le déclarej
et l'Eglise aussi infaillible parce que l'Ecri-ture le dit. Erreur. Cette
opposition ne sérail vraie que si on parlait à un infidèle
nianlà la fois l'infaillibilité et de l'Eglise et de l'Ecriture
; mais le cercle vicieux n'existe plus quand on parle à un chrétien
qui admet l'infaillibilité de l'Ecriture ; puisque cette Ecriture
elle-même déclare que la vraie Eglise ne peut errer et qu'ainsi
il est lenu de croire
694
TRAITE
loiil ce que l'Eglise enseigne et que dans celte croyance il ne peut
errer. Aussi S. Augustin disait : « Ego Evangelio » non credcrem,
nisi me Ecclesia3 moverit auctorilas. » (Lib. i. conlrov. epist.
Manich. c. 5.). Le véritable cercle vicieux est celui que font les
novateurs en disant que par l'Ecrilure se prouve le sens privé et
que le sens privé prouve l'Ecrilure; car l'une et l'autre proposition
sont fausses. Il est faux que le sens privé soil prouvé par
l'Ecri-ture, et il est encore plus faux que l'Ecriture se prouve par le
sens privé. El voilà pourquoi les Ecritures ne peu-vent servir
aux novateurs ; car en les expliquant non selon le jugement de l'Eglise,
mais d'après le sens privé de cha-cun, il y a pour eux autant
de croyances diverses que de peronnes privées. Aussi ne pouvons-nous
comprendre comment ils peuvent appeler hérétiques les sociniens,
les ariens et autres semblables, qui nient la Trinité et la di-vinité
de Jésus-Chrisl. Diront-ils qu'à l'égard de ces deux
points les Ecritures sont expresses et claires ; mais les so-ciniens leur
répondront que sur ces deux points les Ecri-tures ne doivent pas
s'enlendre littéralement, mais allégo-riquemenl. Or qui décidera
celle question, quand les hé-rétiques refusent de se soumettre
à la vraie Eglise qui seule peut la résoudre ? Ah ! si vous
ôlez la soumission à TEglise, il n'est plus aucune erreur
que vous puissiez Irailerde telle sur aucun ai(icle de foi.
XVI. Mais, répliquent-ils, l'Eglise romaine a, avec le temps,
déclaré de foi des choses qui ne l'étaient pas aupa-ravant
: donc elle n'a paséléconsfammeni uniforme dans le dogme.
On répond que si l'Eglise a déclaré, dans la suite
des temps plusieurs dogmes qui n'avaient pas été dé-clarés
encore, elle n'a point pour cela varié dans les choses de foi ;
car cela ne prouve pas que l'Eglise ait changé des
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
695
dogmes; mais seulement que sur le fondement ce l'Ecri-ture et de la
tradition et avec l'inspiration du Saint-Esprit elle a, dans la suite des
temps, déclaré de foi plu; icurs ar-liclœ qui jusque - là
n'avaient pas été l'objet d'une déclara-tion , mais
qui étaient déjà de foi avant que l'Eglise en eût
décidé.
XVII. Mais, ô Dieu! comment nes'aperçoivenl-ilspas, ces
nouveaux maîtres de la foi, que s'élant séparés
de l'Eglise catholique et ayant perdu la soumission , ils ont perdu avec
elle la règle de la foi ; en sorte qu'à présent, ils
n'ont plus de règle certaine pour distinguer c< qui est de foi
ou non. Toute leur règle de foi consiste da is l'Ecri-ture : mais
là est la source de leurs erreurs, parce que l'Ecriture seule ne
peut toujours suffire à reconnaître cer-tainement les dogmes
qu'il faut croire.
XVHI. Us disent donc que l'Ecriture sainte est l'unique règle
de la foi. On peut leur demander d'abord comment ils savent qu'il y a une
divine Ecriture, des livres écrils par des hommes et inspirés
de Dieu ? Gomment peuvent-ils établir la vérité de
l'Ecriture sainte? Sans doute par les prophéties et les miracles
qui y sont rappor es? Mais qui assure que ces prophéties n'ont point
été écr tes après les événemens?
Ces miracles par où savons-ru us qu'ils sont vrais? Comment enfin
prouver que les livres qui com-posent aujourd'hui l'Ecriture sainte ont
été vraiiaent ins-pirés de Dieu? Sera-ce par le texte
même de l'IScriture? Non, car ce texte ne peut servir à prouver
que cette Ecri-ture môme est divine, puisque c'est là ce qui
esi en ques-tion, à savoir si ce texte est vraiment de l'Ecriture
sacrée ou non.
XIX. En second lieu, quand il serait certain ? que l'E-criture sainte
existe, comment sauront-ils quels sont les
TRAITÉ
livres qui en font partie; car il est possible que quelque hérétique
y ait inséré un livre qui ne soit pas cano-nique ou même
canonique, mais non encore reconnu pour tel. Le canon catholique renferme
soixante-douze livres ; quarante - cinq du vieux Testament, et vingt-sept
du nouveau, comme nous l'assure le concile de Trente dans sa sess. 4. Ce
concile avait reçu ce canon tel que le donne le concile de Florence,
et ce dernier le tenait de celui de Rome sous le pape Gélase. A
ces con-ciles, il faut joindre le troisième de Carthage(selon d'au-tres
le cinquième ou le septième), lequel fut approuvé
dans le sixième concile œcuménique, où les Pères
décla-rèrent avoii reçu ce canon du pape Innocent
I, vivant en 402, et qui affirme le tenir des apodes par une constante
tradition qui, du reste, n'était point connue dans tous les pays
à ciusedes persécutions souffertes dans les trois siècles
précédens.
XX. Luther, de son chef, retrancha de ce canon plu-sieurs livres
faisant partie de l'ancien Testament, savoir : le livre deTobie, ceux de
Judith, delà Sagesse, de l'Ec-clésiastique, de Baruch et
des Macchabées; et dans le nou-veau Testament il rejette l'épître
de S. Paul aux Hébreux, l'épilre de S. Jacques, et celle
de S. Jude, ainsi que l'A-pocalypse de S. Jean. Or, nous demandons aux
luthé-riens comment ils prouvent que ces livres ne sont pas sa-crés,
et que ceux au contraire qu'ils admettent le sont? Ils ne peuvent certainement
le prouver par les autres Écri-tures où il n'est point déclaré
quels sont les livres sacrés ou les faux ?
XXI. Ils disent que le souffle particulier de l'Esprit
saint, qui les éclaire intérieurement, leur fait connaître
quels sont les vrais livres canoniques. Mais, si tout chré-
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
697
tien a cette lumière interne , comme ils le disent, pour-quoi
la refuserait-on à un arien, à un neslorien , à un
calviniste surtout, qui est aussi de celle religion préten-due réformée.
Or, les calvinistes, en opposition aux lu-thériens , reconnaissent
pour livres divins l'épître de S. Paul aux Hébreux,
celle de S. Jacques, celle de S. Jude, et l'apocalypse de S. Jean. Voire
esprit privé est donc bien obscur et bien trompeur, puisqu'il ne
se fail pas connaître également à tous? Et ainsi ,
si la vérité des Ecritures ne peut être connue que
par cet esprit privé, c'esl une chose incertaine qu'on veut connaître
par le moyen d'une autre plus incertaine encore.
XXII. En troisième lieu, quand même on saurait cer-tainement
quels sont les livres saints, comment les héré-tiques prouveront-ils
jamais que la version qu'ils adop-tent est légitime et exacte? La
Bible a été originairement écrite en trois langues,
hébraïque, grecque et latine. Les livres de l'ancien Testament
ont élé écrits en hébreu ; ceux du nouveau
l'ont élé en grec, exceplé l'évangile de S.
Mat-thieu , et l'épîlre de S. Paul aux Hébreux, écrits
en syria-que, et l'évangile de S. Marc, qui probablement le fut
à Rome en langue latine. En outre, il s'est fait plusieurs versions
de l'Ecriture ; mais la Vulgale seule a été déclaiée
authentique par le concile de Trente dans sa sess. IV; car, comme les savans
le remarquent, les textes hébreu et grec, selon les exemplaires
qui en restent, sont défectueux. Il est vrai que la Vulgale même,
suivant le pape Clémenl, n'est pas aujourd'hui exempte de loule
erreur ; mais il a élé décidé que ces erreurs
sont seulement accidentelles et non subsiantielles : ce que nous devons
croire fermement, nous appuyant sur la promesse de Jésus-Christ
que l'E-glise, s'exprimant par un concile, ne peut errer dans les
698
TRAITÉ
choses substantielles de la foi. Les hérétiques de leur
côté ont publié plusieurs versions latines, mais toutes
altérées et discordantes, non seulement avec la Vulgate ,
mais avec leurs propres versions latines, et leurs versions en langue vulgaire
encore plus défectueuses que les lali-nes ; en sorte que, dans leurs
diverses Ecritures, se trou-vent plusieurs passages ajoutés, plusieurs
passages omis, selon qu'il leur paraissait plus convenable pour appuyer
leurs doctrines. Or, comment, cela étant, peuvent-ils dire que leurs
Ecritures soient pures et légitimes?
XXIII.Qualrièmement,etencore, quand même vous seriez certains
d'avoir la version pure et correcte dans quelques exemplaires, comment
établirez-vous le vrai sens des Ecri-tures? S. Jérôme
nous dit que la loi de l'Evangile n'est pas dans les paroles de l'Ecriture,
mais dans le vrai sens de ces paroles : « Non putemus in verbis scripturarum
esse » Evangelium, sed in sensu.... interpretatione enim per-»
versa, de Evangelio Christi fit hominis Evangelium, aut, » quod pejus
est, diaboli. » Ainsi les paroles : « Pater » major me
est » (Jo. x. 28), comme les emend un ca-tholique, sont les paroles
de Dieu , et, comme les entend un arien, elles constituent une hérésie.
De même ces pa-roles : « Qui crediderit et baptizatus fuerit.
» (Marc xvi. 46), expliquées par un luthérien, sont
une hérésie ; avec le sens catholique elles sont une vérité
de foi.
XXIV. Il faut donc distinguer les sens divers de l'E-criture, comme
nous l'avons dit au commencement, en parlant sur la sess. IV. num. 53.
Autre est le sens lil'.éral, autre le sens mystique, et tous deux
peuvent être la pa-role de Dieu. Dans la plus grande partie des Ecritures,
le vrai sens est le littéral; néanmoins dans quelques passa-ges
le sens mystique est le seul vrai. Et cela arrive quand
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
699
la doctrine de l'Écriture ne peut ôtre entendue dans la
lettre même : d'autres passages encore sont vrais dans les deux sens,
comme celui-ci de S. Paul : « Abraham duos fi-» Hos habuit,
unum de ancilla^ et unum de libera... Quœ » sunt .per allegoriam
dicta :,haec enim sunt duo tesla-» menla, etc. » (Gai. iv.
22 et 24.)
XXV. Or, dans celte diversité de sens, quelle sera la règle
pour reconnaîlie le vrai ? Dans ce passage de S. Mat-thieu (xxvi.
26) : « Accipite et comedite , hoc est corpus » meum ; »
nous, catholiques, nous entendons le mot est ccmme indiquant le temps présent;
en sorte que toutes les paroles étant prononcées, le pain
n'est plus pain, mais est devenu le corps de Jésus-Christ, vrai,
réel et perma-nent ; et ainsi, tirant notre certitude de l'autorité
de l'E-glise, nous avons une ferme croyance dans l'Eucharistie. Mais Zuingle
entend ce mot est comme s'il y avait : Cela signifie mon corps, et, à
l'appui de cela, il cite un exem-ple tiré de l'Exode (11 et 12)
: « Est enim phase , id est » transitus. » Est phase,
c'est-à-dire, signifie passage. Lu-ther, au contraire, entend littéralement
le mol est, el lui donne le sens à'êlre, mais il ne l'entend
pas comme nous du temps présent où les paroles sont prononcées,
mais du futur quand le sacrement est administré, comme s'il y avait
: Cela sera mon corps; c'est-à-dire lorsque les fidèles le
recevront. Calvin, lui, entend le mot est comme indi-quant une figure,
c'est-à-dire cela est la figure de mon corps. Or, au milieu de tant
d'explications différentes, comment pourrions-nous savoir le vrai
sens du texte sans que l'autorité de l'Eglise nous le.déclare?
Sera ce par le sens privé, comme le disent les novateurs ? Mais
les pa-roles susdites, « Hoc est corpus meum », Luther les
en-tend réellement du corps de Jésus-Christ, et Calvin les
en·
700
TRAITE
tend au figuré. Ces deux chefs, comme le disent leurs sec-tateurs
, ont eu tous deux cette lumière intérieure du Saint-Espiit,
et tous les deux ont reçu mandai de Dieu de nous enseigner la vraie
foi ; mais l'un dit que dans ce pain il faut adorer Jésus-Christ
comme Dieu ; l'autre que l'ado-rer comme Dieu est une véritable
idolâtrie. A qui devons-nous croire de Luther ou de Calvin; lorsque,
comme ils le disent tous deux , il n'y a d'autre règle de foi que
l'E-criture et le sens privé? Et comment connaîtrons-nous
la vérité quand l'Ecriture peut avoir divers sens, et que
le sens privé est si trompeur et si douteux chez eux que l'un soutient
tout l'opposé de l'autre.
XXVI. Quelle foi pourrions-nous donc avoir dans ces faux maîtres
quand eux-mêmes , en se séparant de ??·» glise,
restent sans règle de foi? Et Bossuel fait avec rai-son la remarque
que, comme ces maîtres ont méprisé l'au-torité
de l'Eglise catholique, de même leurs disciples n'ont fait que peu
de cas de leur autorité, et, se divisant en sectes différentes,
ont formé plusieurs croyances et religions diverses.
Les luthériens, dans l'espace de 50 ans, se divisèrent
en trois sectes, de luthériens, semi-luthériens et antilulhé-riens.
Puis les luthériens se divisèrent encore en onze sectes,
les semi-luthériens en onze autres, et les anlilu-ihériens
en cinquante-six , comme le rapporte Lindanus. (Epist. Rorcem. in Luther.)
De môme, l'école des calvi-nistes se divisa bientôt
en plusieurs sectes, dont on compte plus de cent. On trouve spécialement
énuméré dans Noël Alexandre (hist. eccles. sec.
XV et XVI. c. 2. a. 17, § 5) en combien de sectes sont divisés
les calvinistes anglais. Il y a les puritains, qui suivent la doctrine
pure de Calvin ; les piscaloriens, qui furent déclaiés hérétiques
par les cal-
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
701
vinisles de France ; les anglo-calviniens, qui consacrent des évêques
el ordonnent des prêlres, choses rejelées par les autres calvinistes
; les independens, qui ne reconnaissent de supérieurs ni ecclésiastiques
ni poliliques; les anli-scripluaires, qui rejettent toutes les Ecritures;
les quakers, qui se vantent d'avoir sans cesse des révélations
el des extases; les rantères, qui regardent comme licite tout ce
à quoi nous pousse la nature corrompue. La Hollande se trouva avec
le temps divisée en deux partis d'arminiens et de gomarisles, bien
que plus lard, dans un certain conci-liabule tenu en 1618 , on condamna
Arminius comme schismalique. Grolius el le grand-pensionnaire Barnevelt
n'ayant pas voulu se soumettre, le premier fui mis en prison, el le second
décapité. Voilà la belle uniformité de foi
qu'ont entre elles toutes ces sociétés de novateurs! C'est
le produit de leur esprit d'orgueil qui fait que, comme leurs maîtres
se sont soustraits à l'obéissance de l'Eglise , eux aussi
secouent le joug de leurs maîirrs, et établissent de nouvelles
secles et de nouveaux sjslèmes.
XXVII. El en vain leurs prédicans ont-ils prétendu re-médier
à ce désordre par des monilions, des décrets, des
menaces, dépositions, excommunications, comme ils firent dans le
synode Vallon tenu par eux à Amsterdam en l'an-née 1690;
car les autres réformés se sont moqués de tout cela,
disant que les décrets, les dépositions, les censures appartenaient
au papisme et non à la réforme qui jouis-sait du privilège
de la liberté de conscience. Mais ils ne \oier.t pas que de celle
maudite et destructive liberté de. conscience sont nées toutes
ces innombrables sectes diver-ses d'hérétiques et même
de déistes el d'athées, qui ont rempli l'Angleterre, la Hollande
et la Germanie. Le mi-nistre Papin (dont la conversion fut l'œuvre de Bossuet)
702
TRAITE
fut tellement frappé à la vue des funestes conséquences
auxquelles il se voyait entraîné par la force de la liberté
de conscience, que soutenu par l'aide de Dieu , il revint en arrière
et retourna au sein de la première mère, l'Eglise catholique,
laquelle se rit de toutes ces nouvelles religions qui ne s'accordent pas
seulement entre elles et ne sont qu'un groupe d'erreurs que chaque mécréant
adapte se-lon son caprice et change comme il lui plaît ; en sorte
qu'à la fin tout se rédùil à se livrer par
le relâchemenl à tous les vices et à ne plus croire
à rien. C'est forl justement que l'évêque de Londres,
Edmond Gibson, écrit dans une lettre pastorale : « Entre le
relâchement et l'impiété il y » a un trop élroil
voisinage; » el M. de Fénélon, arche-vêque de
Cambray : Entré le catholicisme el l'athéisme il n'y a point
de terme moyen.
XXVIII. Mais quelle merveille que les disciples de Lu-ther et de Calvin
soient ainsi divisés sur les points de foi quand leurs maîtres
eux-mêmes sont aussi opposés l'un à l'autre que nous
l'avons vu ? Qu'on lise l'Histoire des Variations des églises réformées
écrite par Bossuel, évêque de Meaux, et on verra les
contradictions parlées et écrites contre eux-mêmes
par Luther el Calvin. Lés seules con-tradictions de Luther, appelé
par les réformés « la pre-» mière fontaine
de la foi pure, » et qualifié d'apôtre par Calvin, lequel
ne craignit pas d'écrire : « Res ipsa clamai, x nonLutherum
initio loculum, sed Deum per os ejus;» ces seules contradictions
émises en divers temps sur les choses de foi, suffisent pour démontrer
la fausseté de sa croyance. Il ne fil, tant qu'il vécut,
que ss contredire lui-même, réfutant ses propres doctrines,
spécialement tou-chant la justification, la valeur de la foi et
le nombre des sacremens. Sur le seul article de l'eucharistie on compte
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
703
jusqu'à (renie contradictions : aussi le prince catholique,
Georges de Saxe, répétait souvent ce mot fort jusle : «
Les » luthériens ne savent pas aujourd'hui ce qu'ils devront
» croire demain. » Que d'opinions toutes différentes
émi-ses par Calvin sur l'eucharistie ! on peut les voir dans l'ou-vrage
de Bossuel. Mais je me trompe en disant que tant de contradictions suffisent
à démontrer la fausseté de la croyance de ces nouveaux
réformateurs, puisqu'une seule conlradiclion doit faire voir qu'ils
n'étaient point inspirés de l'esprit de Dieu ; car Luther
fait cet aveu : « Qui semel » mentitur ex Deo non est. »'L'Esprit-Saint
est un, « et » negare seipsum non potest. » (II. Tim.
II. 13.) Combien donc Luiher se vanlail faussement d'avoir l'esprit de
Je-' sus-Christ, disant : « Cerlissimus sum, quod doctrina mea »
non sit mea, sed Christi. » Mieux aurait-il dit : diaboli. Mais comment
aurait-il pu avoir l'esprit de Jésus-Christ, puisque (comme le rapporte
Sanderus) il ne craignait pas de dire (pries, tom. 1) : « Ego nonamabam,
imo odie-» bam juslum, et punierilem peccatores Deum ; lacilaque,
» si non blasphemia, certe ingenii murmuratione indi-» gnabar
: atque adeo furebam saeva et perturbata con-» scientia. »
(Apud Sander. De visib. mon. lib. 7.)
XXIX. En résumé, ôlez l'autorilé de l'Église
et vous anéantissez tout l'effet de la révélalion
divine et de la rai-son naturelle elle-même ; car l'une et l'autre
pourront être interprélées par chacun à sa guise;
chacun pourra nier la irinilé des personnes divines, l'incarnation
du Verbe, l'immortalité de l'ame, l'enfer, le paradis, et tout ce
qu'il voudra. M. Rnmsay, parlant de Locke, dit, que quand un philosophe
ne se guide pas d'après l'aulorilé de l'Église, il
ne peul qu'errer. Un arminien (Jean Vylembogard, Epist, ad Lud. Colin,
elc.), parlant du synode de Dor-
704
TRAITÉ
drechl, s'exprime ainsi contre les réformés : «
Tous les » docteurs de la réforme, parmi lesquels on compte
comme » les principaux Calvin et Bèze, sont d'accord sur celle
» proposition générale, que tous les conciles et les
syno-» des , pour saints qu'ils soient, peuvent errer en ce qui »
regarde la foi. » Puis il n'hésite pas à dire : «
Le fonde-
» ment de la vraie réforme.....veut que nul ne puisse
ni
» ne doive se soumellre ni adhérer à aucun synode
que » sous celle condition, qu'après avoir attentivement exa-»
miné ses décrets en les comparant avec la parole de Dieu,
» qui seule peut servir de loi en matière de foi, il les (rou-»
vera conformes à celte parole.» D'un autre côié,
les ré-formés veulent que chacun soit lenu absolument de
se soumeliie à leurs synodes; mais comment se soumet-tra-t-on absolument
si chacun ne doit se soumettre que quand il aura éprouvé
que les décrets du synode sont con-formes à la parole de
Dieu? Aussi le même arminien con-clut ainsi : «Que s'ils changent
celte maxime, et s'ils » veulent que chacun se soumette absolument
à leurs sy-» nodes, alors ils n'ont plus rien de valable à
opposer aux » papistes et ils sont forcés de leur donner gain
de cause. » Je le répèle; une foisôlée
l'obéissance à l'Église, il n'y a point d'erreur qu'on
ne soit conduit à embrasser ou au moins à tolérer
dans les autres. C'esl là le grand argument qui (au rapport du P.
Valsec) convenit un ministre ré-formé de France. Ce minisire
voyant que le système de Calvin le portait nécessairement
à tolérer loule erreur, soit d'hérésie, soit
même d'apostasie, se fit catholique et publia ensuite un ouvrage
éminemment mile, intitulé : « Les deux voies opposées
en matière de religion. » Au reste, de ce système de
tolérance des réformés, qui permet à chacun
d'examiner si les décisions de l'Église sont con-
CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
705
formes aux Ecritures, est venue cette multitude d'impies qui, dans
le siècle passé et celui-ci, ont empesté de leurs
mauvais livres tous les pays où règne la réforme.
XXX. Quelque réformé répliquera : Mais parmi vous,
catholiques , nonobstant l'infaillibilité que vous attribuez à
l'Eglise romaine, il ne laisse pas d'y avoir beaucoup de déistes
et de matérialistes, au sein même de l'Italie. Nous répondrons
: Sans doute ; et plût à Dieu qu'il ne fût pas vrai
que parmi nous certains libertins pour vivre dans le désordre sans
remords de conscience (peine bien chère par laquelle s'achètent
les plaisirs criminels du péché) se sont joints à
la troupe misérable des incrédules. Mais d'où vient
un si triste résultat si ce n'est de ces livres ullramontains dont
je viens de parler, répandus partout pour infecter l'espril des
peuples? Cependant ces mécréans, quand iJs sont découverts,
ne sont pas tolérés chez nous comme parmi les hérétiques.Du
reste l'infaillibilité de notre Eglise n'en est pas moins propre
à extirper les erreurs contre la foi ; et les impies ne deviennent
tels que parce qu'ils n'o-béissent pas à l'Église
: à la différence de la religion pré-tendue réformée
qui ne saurait mettre un frein à la liberté de conscience,
d'après laquelle on ne croit que ce que l'on veut. Le faux principe
, que chacun peut faire l'examen des choses de la foi, ouvre à tous
la voie qui conduit à embrasser toute erreur, et à perdre
toute lumière de la foi.
xix.
45
ACTIONS DE GRACES A DIEC
Pour nous avoir fait le don de la sainte foi, et prière pour
qu'il augmente cette foi en nous.
? Sauveur du monde, je vous rends grâces pour moi et pour tous
les fidèles mes frères, de ce que vous nous avez appelés
et admis à vivre dans la vraie foi qu'ensei-gne la sainte Eglise
catholique romaine : « Bon Dieu » (vous dirai-je, avec S. François
de Sales), grands el » nombreux sont les bienfaits, par lesquels
vous m'avez » infiniment obligé envers vous el pour lesquels
je vous » rends grâces du fond de mon cœur; mais comment »
pourrai-je assez reconnaître celui de m'avoir éclairé
par » votre sainte foi ? Je tremble, ô Seigneur, en compa-»
ranl mon ingratitude avec un aussi grand bienfait. » Je vous en remercie
pourtant, ô mon Seigneur, autant que je le peux dans ma faiblesse,
et je vous prie de faire connaître à tous les hommes la beauté
de votre sainte foi. « O Dieu (s'écrie le même saint),
la beauté de votre » sainte foi me frappe tellement que j'en
meurs d'amour, >> et il me semble que je dois renfermer le don précieux
» que Dieu m'en a fait dans un cœur tout parfumé de »
dévotion. » Mais hélas! ô Jésus mon Rédempteur,
comBien peu d'hommes vivent dans celle vraie foi! ? Dieu, la plupart des
hommes restent ensevelis dans les ténèbres de l'infidélité
ou de l'hérésie! Vous vous êtes humilié jusqu'à
la mort et à la mort de la croix pour le
708
ACTIONS DE GRACES.
salut des hommes ; et ces ingrats ne veulent pas même vous connaître
! Ah ! je vous en supplie, ô Dieu tout-puissant, ô infini et
souverain bien, faites vous connaî-tre à tous, faites que
tous vous aiment.
O sublime mère de Dieu, Marie, vous êtes la prolec-trice
universelle des hommes ; voyez cette immense ruine des âmes que l'enfer
opère et va de plus en plus opérant de nos jours, en répandant
de nombreuses erreurs contre la foi par le moyen de tant de livres empoisonnés
qui circulent pour notre malheur jusque dans les royaumes catholiques;
ah! par pitié, priez votre Dieu, qui a tant d'amour pour vous ,
priez et obtenez un remède à de si grands maux : priez, 6
priez? car vos prières sont toutes puissantes auprès de Jésus,
votre fils, qui se plaît à vous exaucer en tout ce que vous
lui demandez.
FIN UU TOME DIX-NEUVIÈME.
TABLE.
But de l'ouvrage.
177
V· SESSION. — De l'Écriture et de la tradition.
179
§ Iep. De l'approbation des livres saints et des traditions.
ii.
§ II. De l'édition et de l'usage des livres -suints.,
187
§ III. De quelques notions utiles au lecteur sur les livres
canoniques de l'Écriture.
193
§ IV. Objections des adversaires des livres canoniques.
195 § V· Si les divines Écritures furent également
inspirées de Dieu tant pour les choses qui y sont contenues que
pour les paroles.
20Q
Réponses aux principales objections.
201
§ VI. Du sens des saintes Écritures.
203
§ VII. Des diverses versions de l'Écriture.
205
§ VIII. Où l'on expose en terminant les doctrines les plus
utiles à connaître sur la tradition.
208
Règles par lesquelles on reconnaît qu'une tradition est
humaine et non divine·
214
§ IX. Règles pour reconnaître si une tradition est
divine
et non humaine.
216
V« SESSION. — Du péché originel.
219
VIe SESSIO». — De la justification. — Préambule.
242
TRAITE SUPPLEMEMTAIKE. — Du mode d'opération de la grâce.
283 § Ier. Du système des thomistes.
ib.
Exposition des difficultés opposées au système
des tho-mistes.
285 S'il. Du système de Molina.
288 Difficulté opposée au système de Molina.
290 § III. Exposition du système des congruistes.
294 Difficulté qui contredit le système des congruistes.
295 § IV. Du système de Thomassin.
i'6.
710
TABLE.
Difficulté qui s'oppose au système de Thomassin.
296
§ Y. Du système des augustiniens : de la délectation
abso-lument victorieuse.
ib. Difficulté opposée au système des augustiniens.
297 § VI. Du système du P. Berti et de ses adhérens
: de la dé-lectation victorieuse relativement, c'est-à-dire
par la su-périorité du degré.
298 Difficulté qui se rencontre au système du P. Berti.
299 § VII. Où nous établissons notre doctrine que, pour
ac-complir les préceptes, la grâce efficace ab intrinseco
est nécessaire ; mais que cette grâce s'obtient par la grâce
suffisante de la prière.
306 VIIe SESSION. — Décret sur les sacremens.
323 Des sacremens en général.
ib. Du baptême.
337 De la confirmation ou saint-chrême.
349 XTII» SESSION. —Du sacrement de l'eucharistie.
361 XIVe SESSION. — Du sacrement de pénitence.
390 Chap. II. — De la différence entre la pénitence et le
bap-tême.
397 Chap. III. — Des parties de la pénitence.
398 Chap. IV. — De la confession.
424 Chap· VI· — Du ministre et de l'absolution.
440 Chap. VII.—De la juridiction et des cas réservés.
443 Chap. VIII. — De la satisfaction.
446 Chap. IX. — Des œuvres de satisfaction.
448 XIV* SESSION. — Du sacrement de l'extrême-onetion.
457 Chap. Ier- — De l'institution du sacrement de l'extrême-onetion.
457 Chap. II. — De l'effet de ce sacrement.
463 Chap. III. — Du ministre de l'extrême-onetion, et du
temps dans lequel elle doit être administrée.
466
XXI» SESSION. — De la communion scus l'une et l'autre es-pèce,
et de la communion des enfans.
476 XXIIe SÏSSION. — Du sacrifice de la messe.
496 De l'efficacité du sacrifice de la messe.
507 XXIIIe SESSION. — Du sacrement de l'ordre.
534
TABLE.
Cbap. Ier. — De l'institution du sacerdoce de la loi nou-velle.
538 Chap. II. —Des sept ordres.
540 Chap III. —Où il est enseigné que l'ordre est un véritable
sacrement.
542
Chap. IY. — De la hiérarchie ecclésiastique et de l'ordi-nation.
547 § IT. Du célibat pratiqué dans l'Église par
les clercs qui
ont reçu les ordres majeurs.
558
§ ?. Du vœu de continence.
568
§ III. Notion» sur les anciennes coutumes touchant le
sacrement de l'ordre.
570
XXIVe SESSION. — Du sacrement de mariage.
674
XXV« SESSION.—Décret touchant le purgatoire.
612
Des prières offertes par les fidèles pour les âmes
du pur-gatoire.
628 De invocatione, veneratione, et reliquiis sanctorum, et sa-cris imaginibus.
631 § Ier. Du culte dû. aux saints.
634 § II. De l'invocation des saints.
639 $ ??. De la vénération due aux reliques des saints.
652 § IV. De la vénération des saintes images.
656 Des indulgences.
666 TRAITE SUPPLEMENTAIRE (16· et dernier). — De l'obéissance
due aux décisions du concile, qui sont celles par consé-quent
de l'Eglise catholique romaine, hors de laquelle il n'y a point de salut.
680 Actions de grâces à Dieu pour nous avoir fait le don de
la sainte foi, et prière pour qu'il augmente cette foi
en nous.
707