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Saint Athanase d'Alexandrie
(Egypte), docteur de l'église catholique
295 - 373

Dictionnaire de Théologie Catholique
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1. ATHANASE (Saint), surnommé le Grand, patriarche d’Alexandrie, père et docteur de l’Eglise au IVe siècle. ― I. Notice biographique. II. Ecrits. III. Doctrine théologique.
I. NOTICE BIOGRAPHIQUE. ― Athanase s’est trouvé si étroitement lié aux grands faits de la controverse arienne que reprendre sa vie en entier serait faire double emploi. La présente notice a surtout pour but de résumer l’histoire du saint sur les points déjà développés et de la compléter sur d’autres. Des renvois à l’article ARIANISME suppléeront à la brièveté de l’esquisse.
Période antérieure à l’épiscopat. ― Athanase naquit en Egypte, suivant toute probabilité, à Alexandrie. La date de sa naissance peut se fixer maintenant avec plus de précision qu’autrefois, grâce à un très ancien éloge copte du saint, publié par le Dr O. von Lemm, dans les Mémoires de l’Académie impériale des sciences de Saint-Pétersbourg, 7e série, t. XXXVI (1888), n. 11 : Koptische Fragmente zur Patriarchengeschichte Alexednriens, p.36. D’après ce document, Athanase avait trente-trois ans, lors de son élévation à l’épiscopat, en 326 ou 328 ; sa naissance doit donc être fixée à l’année 293 ou 295. Les sources primitives ne donnent aucun renseignement sur les parents et sont très sobres de détail sur l’enfance même du futur docteur. L’histoire du baptême, administré par Athanase encore enfant à des compagnons de jeu et tenu pour valide par saint Alexandre, a pour premier narrateur Rufin, H.E., P.L., t. XXI, col. 487. Outre ce qu’il y a d’étonnant dans la décision de l’évêque, on se heurte à une vraie difficulté chronologique ; car Alexandre monta sur le trône patriarcal d’Alexandrie après Achillas, vers 312, alors qu’Athanase était déjà jeune homme. Des auteurs graves maintiennent le fond du récit, suivant en cela le bollandiste Papebroch, Acta sanctorum, t. I,
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maii, Anvers, 1680, p. 189. Ce qui est incontestable, c’est que l’enfant fut redevable à ses parents ou à l’évêque d’une éducation soignée, où la science humaine eut sa part, mais une part secondaire et subordonnée à l’étude approfondie des saintes Lettres. S. Grégoire de Nazianze, Orat., XXI, 6, P. G., t. XXXV, col. 1088.

Il paraît encore certain que, pendant sa jeunesse, Athanase eut des relations intimes avec le grand patriarche des anachorètes, saint Antoine, soit qu’il ait été quelques temps son disciple, soit plutôt qu’il ait fait près de lui, dans le désert, des séjours assez longs. Vita Antonii, præf., P. G., t. XXVI, col. 840. En même temps il était attaché au service de l’église d’Alexandrie ; d’après l’éloge copte, loc. cit., p. 30-32, il passa six ans dans l’office de lecteur, puis devint le secrétaire de saint Alexandre. Ce qu’on appelle ses ouvrages de jeunesse, les deux livres Contra gentes et De incarnatione Verbi, datent vraisemblablement de cette époque. Quand la controverse arienne éclata, entre 318 et 320, Athanase n’hésita pas sur le parti à prendre ; son nom se trouve parmi ceux des diacres qui souscrivirent à la lettre encyclique envoyée par saint Alexandre à ses collègues dans l’épiscopat, P. G., t. XVII, col. 580, et c’est un fait que la haine implacable des ariens contre Athanase commença dès-lors. Apol. contr. arian., 6, P. G., t. XXV, col. 257. Bientôt, le jeune secrétaire et conseiller intime suivit son vieil évêque au concile de Nicée, en 325 ; Il y conquit l’admiration générale, comme le rappelait aux moins égyptiens saint Cyrille d’Alexandrie, Epist., I, P. G., t. LXXVII, col. 16. Sa mission providentielle allait commencer, puisqu’il devait être l’historien et l’incomparable défenseur du credo nicéen.

Athanase évêque. ― Saint Alexandre mourut le 17 avril 328, date généralement admise aujourd’hui et fondée sur l’avant-propos syriaque des lettres pascales. P. G., t. XXVI, col. 1351. Quelques auteurs maintiennent l’ancienne date de 326, en invoquant divers témoignages qui attribuent à saint Athanase quarante-six ans pleins d’épiscopat, et surtout un passage de l’Apologia contra arianos, 59, P. G., t. XXV, col. 356-357, qui, dans sons sens naturel, semble placer la mort d’Alexandre cinq mois après le concile de Nicée. Voir A. von Gutschmid, Kleine Schriften, Leipzig, 1890, t. II, p. 427 sq., 440 sq.  ; F. Loofs, art. Athanasius, dans Realencyclopädie für protest. Theologie und Kirche, 3e édit., Leipzig, 1897, t. II, p. 195-196. Cette divergence est sans importance pour la suite de l’histoire. Athanase fut ordonné évêque d’Alexandrie le 8 juin. Comment s’était faite l’élection, il est difficile de le démêler clairement dans les récits divergents des auteurs. Saint Epiphane se trompe certainement, quand il donne, pour successeur à saint Alexandre, Achillas, Hær., LXIX, P. G., t. XLII, col. 220 ; est-il croyable, comme le veut E. Fialon, saint Athanase, Paris, 1877, p. 107 sq., quand il ajoute que les mélétiens profitèrent de l’absence de celui qu’ils redoutaient pour faire élire un certain Théonas, mort au bot de trois mois, Hær., LXVIII, 7, loc. cit., col. 195 ? Plus vraisemblable est le récit de Sozomène, H. E., II, 17, P. G., t. LXVII, col. 976 sq. ; Athanase absent fut désigné par le patriarche mourant, le peuple acclama ce choix, et les évêques orthodoxes le confirmèrent malgré l’opposition déterminée d’un fort parti mélétien et arien. C’est sans doute la pression morale, exercée par le peuple sur les prélats électeurs, qui donna lieu aux deux versions ariennes d’une prétendue ordination irrégulière et clandestine. Sozomène, loc. cit., Philostorge, H. E., II, 11 P. G., t. LXV, col. 474. On a le droit de s’en tenir à la déclaration formelle des évêques égyptiens, affirmant plus tard qu’ils avaient été eux-mêmes, comme toute la province ecclésiastique, témoins de l’unanimité avec laquelle les fidèles avaient demandé Athanase pour pasteur. Apol. contr. arian., 6, P. G., t. XXV, col. 260. Mais cette circonstance, jointe à la jeunesse relative de

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l’élu, explique les efforts d’Eusèbe de Nicomédie auprès de l’empereur Constantin, pour faire informer la nomination d’un redoutable adversaire à un siège aussi prépondérant que l’était alors celui d’Alexandre.

Le nouveau patriarche s’occupa d’abord de fortifier ses ouailles dans la foi et la vie chrétienne ; c’est l’objet unique de ses premières lettres pascales. P. G., t. XXVI, col. 1360 sq. L’avant-propos syriaque nous le montre aussi visitant successivement les diverses parties de son diocèse, la Thébaïde, la Pentapole et l’Ammoniaque, puis les régions inférieures, col. 1352. Beaucoup d’évêques et des foules nombreuses l’accompagnaient ; comme il se dirigeait vers le Saïd, saint Pacôme vint à sa rencontre avec ses religieux. Des liens de mutuelle estime et d’affectueuse charité s’établirent entre eux ; le grand législateur de la vie cénobitique vit dans le « père patriarche » un saint, « l’homme christophore » qu’il glorifia souvent ; il s’associa désormais à ses joies et à ses épreuves, l’appelant « le Père de la foi orthodoxe du Christ » et le faisant saluer par ceux de ses fils qui allaient à Alexandrie. Histoires de saint Pakhôme et de ses communautés, Documents coptes et arabes inédits, publiés par E. Amélineau, dans Annales du musée Guimet, Paris, 1889, t. XVII, p. 384-386, 589-590, 642-643, 678 ; 143, 267-268. C’est probablement encore au début de son épiscopat que saint Athanase ordonna Frumence évêque d’Axuma et lui confia d’évangéliser l’Abyssinie. Rufin, H. E., I, 9, P. L., t. XXI, col. 479 ; S. Athanase, Apol. ad. Constant., 31, P. G., t. XXV, col. 636.

Bientôt commença pour le patriarche cette vie militante qui ne fut plus désormais qu’une alternative incessante d’exils et de demi-tranquillité. Les attaques contre la validité de son élection furent comme un prélude ; après son refus de recevoir à la communion ecclésiastique Arius et ses partisans, la lutte s’engagea. Les mélétiens d’Egypte, alliés d’Eusèbe de Nicomédie, lancent contre le saint toute une série d’accusations mensongères et perfides : il a chargé les égyptiens d’une sorte d’impôt en les obligeant de fournir des linges de fil pour l’église d’Alexandrie, empiètement sur les pouvoirs impériaux ; il a même trempé dans un crime de haute trahison en faisant don d’un cassette remplie d’or à un rebelle nommé Philomène. Un délégué de l’archevêque, Macaire, se rend chez un certain Ischyras, faux prêtre qui usurpait les fonctions sacerdotales, pour le rappeler au devoir ; bientôt on invente une scène de violence brutale, où Macaire aurait renversé l’autel, brisé le calice et brûlé les saints Livres. Athanase dut se rendre à Nicomédie, vers la fin de 330 ; il y resta quelques temps et fut même souffrant, comme on le voit par le début de la seconde lettre pascale. P. G., t. XXVI, col. 1377 ; Chronicon, ibid., col. 1352. La justification fut complète, et l’accusé repartit pour Alexandrie avec une lettre où Constantin l’appelait un « homme de Dieu ». Apol., 62, P. G., t. XXV, col. 362. Mais les mélétiens ne se tinrent pour battus ; ils reprirent l’affaire d’Ischyras, et suscitèrent un autre cas, beaucoup plus grave : Athanase avait fait assassiner un des leurs, Arsène, évêque d’Hypsélé ; une main coupée, qu’ils promenaient partout, était la pièce à conviction. L’empereur chargea le censeur Dalmatius, son neveu, de faire une enquête ; elle n’eut pas de suite, car le prétendu mort avait été payé par les accusateurs pour se cacher dans un monastère. Athanase reçut de Constantin une lettre bienveillante, et ce triomphe lui valut la soumission extérieure et momentanée du chef des mélétiens, Jean Arcaph, et d’Arsène, le mort déterré. Apol., 65, sq., P. G., t. XXV, col. 365 sq. La lutte n’était que suspendue.

Premier exil, du 11 juillet 335 au 23 novembre 337. ― Après une tentative infructueuse pour faire comparaître Athanase à un synode tenu à Césarée en 334, les eusébiens réussirent à obtenir de l’empereur la convo-

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cation d’une nouvelle assemblée à Tyr ; l’évêque d’Alexandrie reçut l’ordre formel de s’y rendre, et partit le 11 juillet. Au synode, les eusébiens se posèrent en juges, et les mélétiens en accusateurs ; presque toutes les anciennes charges furent reprises, en particulier l’assassinat d’Arsène, ce qui valut au saint un nouveau et dramatique triomphe. Rufin, H. E., I, 17, P. L., t. XXI, col. 490. On regarde généralement comme douteux ce que cet historien ajoute touchant une accusation d’incontinence et sa piquante réfutation ; il n’en est pas question ni dans le récit de saint Athanase, ni dans les actes du synode. Sozomène, H. E., II, 25, P. G., t. LXVII, col. 1004 sq. ; Montfaucon, Animadv., IX, P. G., t. XXV, p. CLXVIII. Devant le parti pris de la majorité eusébienne, Athanase partit pour Constantinople, afin de faire appel à la justice de l’empereur. Il fut condamné à Tyr d’abord par défaut, puis définitivement, soit à Tyr soit à Jérusalem, après le retour des commissaires envoyés en Egypte. Défense lui fut faite de rentrer dans Alexandrie. Le succès se compléta bientôt. Arrivés auprès de Constantin, les chefs du parti eusébien produisirent contre Athanase un nouveau grief ; il aurait menacé d’affamer la ville impériale, en arrêtant le transport annuel des blés d’Alexandrie à Constantinople. Sans accepter les dénégations de l’accusé, l’empereur l’exila dans les Gaules, mais ne permît pas qu’on lui donnât un successeur. Voir ARIANISME, col. 1803 sq.

A Trèves, où il arriva le 6 novembre 336, Athanase fut accueilli avec la plus grande bienveillance par Constantin le jeune et l’évêque saint Maximin. Papebroch, dans sa Vita Athanasii, c. X, a signalé les récits légendaires qui se rattachent au séjour dans les Gaules du noble proscrit. Acta sanctorum, loc. cit., p. 202. Malgré la distance, celui-ci restait étroitement uni, par la correspondance comme par l’affection mutuelle, à ses amis et à ses fidèles d’Alexandrie ; la dixième lettre pascale, écrite en 332, avant le retour du saint, montre avec quels sentiments de foi, de tendresse et d’héroïsme chrétien le pasteur exilé soutenait et encourageait son troupeau. P. G., t. XXVI, col. 1397 sq. Et le troupeau fut fidèle au pasteur légitime ; les efforts tentés par les eusébiens pour imposer Arius aux Alexandrins échouèrent devant l’hostilité menaçante de ses derniers ; l’hérésiarque mourut à Constantinople en 336. L’empereur n’en resta pas moins inflexible à toutes les instances qu’on fît auprès de lui pour obtenir le retour du patriarche. Sa mort, arrivée le 22 mai 337, fut le signal de la délivrance. Peu de temps après, Athanase quittait Trèves, porteur d’une lettre louangeuse, adressée par Constantin le jeune aux Alexandrins et datée du 17 juin. Il fit son voyage à travers la Pannonie, eut une audience de l’empereur Constance à Viminacium, en Mésie, puis passant par la Syrie, rentra dans Alexandrie, aux acclamations du peuple, le 23 novembre. Son absence avait duré deux ans et quatre mois. Voir Gwatkin, Studies of Arianism, 2e édit., Cambridge, 1900, p. 140-142, note sur le retour d’Athanase en 337.

L’année suivante, au mois de juillet, saint Antoine vint à Alexandrie, pour se prononcer ouvertement contre les ariens et donner au grand défenseur de la foi orthodoxe un témoignage public de son estime et de son affection. Chronicon syriacum, P. G., t. XXVI, col. 1353 ; Vita S. Antonii, 69-71, P. G., t. XXVI, col. 942 sq. Les mélétiens et les ariens, excités par l’attitude énergique que dut prendre le patriarche et encouragés par l’élévation d’Eusèbe de Nicomédie au siège épiscopal de Constantinople, recommençaient en effet les hostilités. Non contentes de reprendre les anciens griefs, ils en formulaient de nouveaux, ceux-ci en particulier : Athanase avait occasionné des troubles et l’effusion du sang par sa rentrée dans Alexandrie ; il était remonté sur son siège sans y être autorisé par un jugement préalable de l’Eglise. Socrate, H.E., II, 3, P. G., t. LXVII, col. 190. Les

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eusébiens allèrent même jusqu’à faire ordonner comme évêque d’Alexandrie l’arien Pistus ; puis, vers la fin de 338, ils envoyèrent une ambassade au pape Jules Ier, pour lui présenter leurs accusations contre Athanase et solliciter la reconnaissance officielle de leur candidat. Le dossier comprenait les procès-verbaux de la commission que le synode de Tyr avait envoyée dans la Maréotide ; le pape en donna communication à l’accusé. Celui-ci réunit aussitôt à Alexandrie un concile de près de cent évêques ; dans un document précieux, ils mirent pleinement à jour l’inanité des accusations et l’innocence du patriarche. Apol., 3-19, P. G., t. XXV, col. 252 sq. Alors, le pape Jules convoqua les deux partis à un synode romain, où l’affaire serait instruite.

Second exil, du 16 avril 339 au 21 octobre 346. ― Entre temps, les eusébiens avaient marché de l’avant et, dans une réunion tenue à Antioche, vers la fin de janvier ou le commencement de février 339, constitué Grégoire de Cappadoce évêque d’Alexandrie. Les préparatifs de l’intrusion donnèrent lieu aux violences racontées dans l’article ARIANISME, col. 1808 sq. Athanase put s’échapper, le 19 mars, quatre jours avant l’arrivée de Grégoire, et, resta quelque temps caché aux environs d’Alexandrie ; il rédigea son Encyclica ad episcopos epistola, P. G., t. XXV, col. 219 sq., puis partit pour Rome aussitôt après la fête de Pâques (15 avril). Aussi des auteurs récents, comparant la date certaine du retour avec la durée que l’Historia acephala attribue au second exil, font commencer celui-ci au 16 avril. Voir A. Robertson, Select writings end letters of Athanasius, Oxford et New-York, 1892, Prolegomena, p. LXXXII. admis à présenter sa défense devant un synode romain, tenu vers la fin de l’an 340, l’archevêque d’Alexandrie eut la consolation de voir son innocence proclamée après une enquête soigneuse et détaillée. De leur côté, les eusébiens réunis à Antioche, dans l’été de l’année suivante, firent confirmer dans le synode in encæniis la déposition d’Athanase ; les canons 4 et 12 eurent spécialement pour but d’empêcher à tout jamais sa réintégration. Voir ARIANISME, col. 1809 sq.

L’exilé passa trois ans à Rome. Il y trouve de hautes sympathies, en particulier de la part d’Eutropium, tante de l’empereur d’Orient. Apol. ad Const., 6, P. G., t. XXV, col. 604. Son séjour dans la capitale du monde chrétien fut fécond, car les occidentaux s’attachèrent de plus en plus à la grande cause qu’ils voyaient en quelque sorte personnifiée dans Athanase. En outre, la présence de deux moins que le patriarche avait amenés avec lui, devint comme le point de départ de la vie monastique en Occident. Comme saint Jérôme le rappelait à la vierge Principia, Epist., CXXVII, 5, P. L., t. XXII, col. 1090, Marcella entendit alors, pour la première fois, parler des saints Antoine et Pacôme, comme des cloîtres de la Thébaïde. Cf. Grützmacher, Pachomius und das älteste Klosterleben. Ein Betrag zur Mönschgeschichte, Fribourg-en-Brisgau, 1896, p. 56. En même temps, Athanase recevait d’Alexandrie des lettres tout à la fois affligeantes et consolantes, affligeantes pour les tristes nouvelles de persécution arienne qu’elles apportaient, mais consolantes pour la fidélité et le dévouement dont elles témoignaient du côté des orthodoxes. De la correspondance du saint, il nous reste une note à Sérapion de Thmuis et deux lettres pascales. P. G., t. XXVI, col. 1412-1422.

En avril ou mai 342, Athanase fut appelé à Milan par l’empereur Constant ; il apprit le projet qu’avait formé ce prince d’obtenir de son frère Constance une grande réunion d’évêques des deux chrétientés. Au début de 343, le saint alla en Gaule conférer avec Osius, et tous deux partirent ensemble pour le concile de Sardique. Là, après entière révision de tout ce qui avait été dit pour ou contre lui, saint Athanase fut pleinement innocenté par la majorité orthodoxe. Pour notifier ce juge-

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ment, deux lettres furent adressées, l’une au clergé et aux fidèles d’Alexandrie, l’autre aux évêques d’Egypte et de Lybie. Apol., 37-43, P. G., t. XXV, col. 311 sq. De leur côté, les eusébiens, retirés à Philippopolis, lancèrent l’anathème contre les évêques précédemment déposés et leurs fauteurs. La persécution contre les orthodoxes ne fit que s’accroître en Orient. Les eusébiens obtinrent de l’empereur Constance des mesures particulièrement rigoureuses à l’égard d’Athanase et de ses prêtres les plus dévoués ; s’ils tentaient de rentrer dans Alexandrie, on devait les arrêter et les mettre à mort. Dans ces conjonctures, l’évêque proscrit ne pouvait pas songer à rejoindre son troupeau. De Sardique, il se rendit à Naïssus, en Mésie, où il célébra la fête de Pâques de 344, puis à Aquilée, où Constant l’avait appelé. Chronicon syriacum, P. G., t. XXVI, col. 1354 sq.

Les Pères de Sardique avaient envoyé à l’empereur Constance deux légats qui devaient solliciter la rentrée d’Athanase dans son diocèse. La conduite indigne d’Etienne d’Antioche à leur égard, surtout une lettre menaçante de Constant dont ils étaient porteurs, et les inquiétudes que la guerre de Perse lui causait alors, déterminèrent enfin Constance à céder. La mort de Grégoire de Cappadoce, survenue le 26 juin 345, favorisa encore la solution ; mais il fallut trois invitations successives pour triompher des hésitations du saint. Celui-ci, quittant enfin Aquilée, alla d’abord visiter à Trèves l’empereur Constant, son protecteur, puis il se rendit à Rome, où le pape Jules, heureux de son rappel et voulant lui donner une marque de sa haute estime, lui remit pour les Alexandrins une lettre des plus flatteuses. Athanase fit route par le nord, vers le milieu de l’été 345, passé par Adrinopole et atteignit Antioche, où il vit Constance. L’entrevue fut gracieuse ; le prince remit au saint pour les évêques d’Egypte et la communauté alexandrine, pour le préfet Nestorius et les autres fonctionnaires, des lettres bienveillantes qui annulaient toutes les mesures prises auparavant contre le patriarche. Pendant ce séjour à Antioche, celui-ci ne voulut pas communiquer avec l’évêque arien Léonce ; il prit part, dans une maison particulière, aux offices des eustathiens. l’empereur l’ayant prié de céder une église aux ariens d’Alexandrie, il eut assez d’habileté pour ne pas froisser le prince et éluder la demande, en mettant comme condition qu’on ferait de même à Antioche pour les eustathiens, condition que les ariens ne jugèrent pas prudent d’accepter. Maxime de Jérusalem présidait un synode de seize évêques, quand le saint passa par cette ville ; il l’accueillit avec honneur et lui remit une lettre de félicitations, destinée aux Alexandrins. Apol., 51-57, P. G., t. XXV, col. 341 sq. Enfin, le 21 octobre 346, après plus de sept ans d’absence, Athanase rentrait dans sa ville épiscopale. Le peuple et les magistrats étaient allés très loin à sa rencontre ; il fut reçu comme personne ne l’avait jamais été. Chronicon syriacum, P. G., t. XXVI, col. 1355 ; S. Grégoire de Nazianze, Orat., XXI, 27, P. G., t. XXXV, col. 1114. Saint Pacôme était mort avant l’intrus Grégoire, le 9 mai 345 ; mais saint Antoine vivait encore et, voyant des moins de Tabenne qui se rendaient à Alexandrie, il les chargea de porter au patriarche de bienvenue. Acta sanctorum, t. III, maii, Anvers, 1680, p. 326 ; Annales du musée Guimet, loc. cit., p. 656 sq.

Les dix grandes années d’épiscopat, 347 à 356. ― La lettre pascale pour l’année 347 débute par un cri de reconnaissance : Benedictus Deus Pater Domini nostri Jesu Christi. Ce fut, en effet, après l’exil et la persécution, une période de calme relatif qui dura dix ans et dont le saint archevêque sut admirablement profiter. Il réunit d’abord un synode pour faire confirmer les décrets de Sardique, puis il poursuivit résolument une politique de ferme surveillance et de prudente conciliation, dont les effets furent désastreux pour le parti

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arien. Deux ou trois ans après, il était en communion avec plus de quatre cents évêques ; des adversaires signalés, tels que Valens et Ursace, voulurent même rentrer en grâce avec lui. Hist. arian., 26-28, P. G., t. XXV, col. 724 sq. Des écrits importants, comme l’Apologie contre les ariens et le traité sur les Décrets de Nicée, se rapportent à cette période. Il y eut aussi chez les Alexandrins, après le retour de leur père bien-aimé, un mouvement intense de ferveur religieuse qui porta beaucoup de monde vers la vie ascétique et monastique. Athanase le favorisa ; plusieurs fois il prit des moines pour auxiliaires, en les faisant monter sur le trône épiscopal, et la lettre que, dans une occasion de ce genre, il écrivit à Draconce, reste profondément instructive à plus d’un titre.

La mort de l’empereur Constant, en janvier 350, priva l’évêque d’Alexandrie d’un puissant protecteur et raviva l’ardeur des eusébiens. Des mesures énergiques prises contre des ariens ou des mélétiens, quelques ordinations faites par Athanase dans des diocèses dont il était le métropolitain supérieur, fournissaient un facile prétexte à de nouvelles accusations, Socrate, H.E., II, 24, P. G., t. LXVII, col. 263. Toutefois Constance, que la crainte de l’usurpateur Magnence portait à prendre des ménagements, n’entra pas alors dans ces vues ; il écrivit même au patriarche pour le rassurer : « Nous voulons, disait-il en terminant, que, conformément à notre décision, tu sois en tout temps évêque dans ton église. » Et d’une autre main : « Que la Divinité te conserve pendent de longues années, Père très aimé ! » Apol. ad Constant., 23, P. G., t. XXV, col. 624.

Mais, après la défaite de Magnence, en septembre 351, une nouvelle coalition se forma contre l’évêque d’Alexandrie ; Léonce d’Antioche, Acace de Césarée, Valens et Ursace en étaient les principaux chefs. Athanase essaya vainement de conjurer l’orage en députant à la cour Sérapion de Thmuis, accompagné d’évêques et de prêtres égyptiens ; Constance était trop prévenu contre l’accusé, et la mort de Magnence, en août 353, le laissa enfin libre de satisfaire sa rancune longtemps comprimée. On profitait, du reste, de tout pour l’irriter, comme nous le voyons par l’Apologie qui lui fut adressé plus tard par saint Athanase. Celui-ci avait eu des relations amicales avec l’empereur Constant ; on l’accusait d’avoir excité ce prince contre son frère Constance. Un envoyé était venu à Alexandrie de la part de Magnence, qui désirait gagner à sa cause le grand évêque ; on dénonçait ce dernier comme complice de l’usurpateur, malgré sa conduite loyale en toute cette affaire. Plus tard, en 354, dans un cas de force majeure, le patriarche permet la célébration du service divin dans une église construite sur un terrain impérial et n’étant pas encore consacrée ; c’est un nouvel empiètement et une profanation. On allait même au delà des accusations ; on tendait des pièges pleins de perfidie, comme de remettre à l’empereur une lettre fabriquée, où l’évêque d’Alexandrie était censé lui demander la permission de se rendre à la cour. L’autorisation une fois accordée, le refus d’Athanase de faire une démarche qu’il n’avait pas voulue et qu’il savait être un piège, devenait un grief de plus. A Rome, le pape Jules, ce fidèle défenseur et ami du saint patriarche, était mort le 12 avril 352 ; le 22 mai, Libère était monté sur le trône pontifical. On ne saurait regarder comme authentique la lettre Studens paci, où ce pape aurait, dès son avènement, invité Athanase à comparaître devant lui, et, sur son refus, l’aurait retranché de sa communion ; mais il est certains que les eusébiens lui transmirent leurs griefs contre l’évêque d’Alexandrie. En revanche, quatre-vingts évêques parlèrent en sa faveur dans un mémoire justificatif, envoyé à Rome. Les évènements qui suivent se rapportent à l’intervention de l’empereur Constance et ses procédés violents, d’abord à l’égard des évêques occidentaux dans le synode

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d’Arles, vers la fin de 353, et celui de Milan, au printemps 355, puis à l’égard d’Osius de Cordoue et du pape Libère, pour les amener à son double objectif : la condamnation d’Athanase et la communion ecclésiastique avec les prélats orientaux de son parti. Voir ARIANISME, col. 1819 sq.

Troisième exil, du 9 février 356 au 21 février 362. ― Depuis longtemps, une action décisive se préparait contre Athanase. Peu à peu, diverses mesures vexatoires avaient été prises contre sa personne ou contre ses amis et ses ouailles. Une première fois, dans l’été de 355, le notaire impérial Diogène, puis, le 5 janvier de l’année suivante, le général Syrianus étaient venus pour faire partir l’évêque, mais celui-ci, fort de la parole donnée après la mort de Constant, attendait un ordre écrit de l’empereur. Apol. ad Constant., 22, P. G., t. XXV, col. 624. Le dénouement fut le coup de main exécuté par Syrianus, dans la nuit du 8 ou 9 février, contre l’église de Théonas, où le patriarche se trouvait avec une nombreuse assistance. Ce fut comme par miracle que le saint, resté jusqu’au bout à son poste, put être soustrait par une poignée de prêtres et de moines aux cinq mille soldats qui avaient fait irruption dans l’église ou qui la cernaient. Vainement les catholiques d’Alexandrie protestèrent contre ces violences et les excès sans nom dont elles furent accompagnées ou suivies. Constance passa outre, et lança un édit pour faire rechercher Athanase et enjoindre à tous les évêques de quitter sa communion. Le siège patriarcal fut donné à l’arien Grégoire de Cappadoce, dont l’intrusion n’eut lieu que plus tard, le 24 février 357.

Après s’être caché quelques jours dans Alexandrie ou dans les environs, Athanase s’était enfui au désert. Il y composa son Apologia ad imperatorem Constantium, P. G., t. XXV, col. 593 sq. Ne pouvant croire à la complicité formelle de l’empereur en tout ce qui venait de se passer, il caressa d’abord le projet de se rendre à la cour, et même il se mit en route ; mais quand il eut appris les dispositions réelles et les desseins sanguinaires de Constance, il retourna dans le désert. Comment y vécut-il et qu’y fit-il ? Dans beaucoup de récits qui se rapportent à cette période, la légende s’est évidemment mêlée à l’histoire, comme le remarque Montfaucon, Vita Athanasii, an. 356, n. 10, P. G., t. XXV, p. CXXIX sq. : mais, au fond de tout cela, il reste que, poursuivi à outrance par les émissaires de l’empereur, le fugitif courut de grands dangers et dut souvent changer de retraite. Les moines et les solitaires de la Haute Egypte, tout dévoués à celui que saint Pacôme avait tant de fois glorifié et auquel saint Antoine mourant avait légué sa tunique, furent le principal instrument de la providence dans la conservation du grand proscrit, plusieurs se laissèrent torturer plutôt que de le trahir. Acta sanctorum, t. III, maii, Anvers, 1680, p. 330, Annales du musée Guimet, t. XVII, p. 679 sq. Mais, comme on l’a remarqué dans l’histoire de l’arianisme, toujours fugitif et toujours poursuivi, le grand champion de la foi de Nicée n’en resta point l’âme du mouvement de résistance à l’hérésie triomphante et montée sur le trône impérial. Il suffit de jeter un coup d’œil sur la liste de ses ouvrages et leur date, pour comprendre quel parti le saint docteur tira de ce séjour forcé dans le désert. « C’est de là qu’Athanase encourageait quelques évêques d’Egypte zélés pour la cause ; qu’il adressait des lettres apostoliques à son église d’Alexandrie ; qu’il répondait savamment aux hérétiques ; qu’il lançait des anathèmes contre les persécuteurs. . . Du fond de sa cellule, il était le patriarche invisible de l’Egypte. » Villemain, Tableau de l’éloquence chrétienne au IVe siècle, 2e édit., Paris, 1849, p. 102. L’avant-propos syriaque des lettres pascales nous apprend quelque chose de plus. Athanase ne craignit pas de se rendre à Alexandrie, peut-être après le départ de l’intrus Georges (2 octobre 358), et d’y

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séjourner assez longtemps. Chronicon syriacum, à l’année 358, P. G., t. XXVI, col. 1357. Quelques auteurs, se fondant sur cette phrase du traité De synodis, n. 1 : άπερ έώραχα χαì έγνων άχριζώς, P. G., t. XXVI, col. 681, ont même cru qu’il assista secrètement au concile de Séleucie, en 359. Tillemont, Mémoires, Paris, 1702, t. VIII, p. 194. C’est, semble-t-il, prendre trop à la lettre l’expression alléguée, et en tirer une conclusion peu vraisemblable. Voir Montfaucon, Vita Athan., ann. 359, n. 4, P. G., t. XXV, p. CXLI. Ajoutons toutefois, que l’éloge copte, publié par le Dr O. von Lemm, op. cit., p. 44, parle d’un séjour du saint en Isaurie et à Séleucie même, mais sans préciser l’époque.

L’empereur Constance mourut le 3 novembre 1861. Athanase bénéficia de l’édit de rappel, rendu par Julien en faveur de tous les évêques exilés. Le siège d’Alexandrie était libre ; car Grégoire de Cappadoce, rentré dans cette ville le 26 novembre, avait été, trois jours après, saisi par le peuple, emprisonné, puis massacré d’une manière barbare, le 24 décembre. Athanase n’eut qu’à reparaître dans Alexandrie, le 21 février suivant, pour être acclamé. Sans perdre de temps, il s’occupa de rétablir l’ordre et de réparer les ruines spirituelles que l’arianisme politique de Constance avait accumulées. Il trouva dans Eusèbe de Verceil digne de lui. De là, quelques mois après, ce fameux synode d’Alexandrie, précédemment analysé et apprécié sous le rapport de son importance dogmatique et de son influence historique dans l’issue finale de la controverse arienne. Voir ALEXANDRIE (Conciles d’), col. 802 ; ARIANISME, col. 1832 sq.

Quatrième exil, du 24 octobre 362 au 5 septembre 363. ― Julien l’Apostat ne put supporter longtemps l’immense influence qu’exerçait Athanase « l’ennemi des dieux. » Son dépit éclata dans une lettre adressée au préfet d’Egypte, Ecdicius : « Je n’apprendrais rien de ce que tu fais qui me fût plus agréable que l’expulsion hors de tous les points d’Egypte de cet Athanase, de ce misérable, qui a osé, sous mon règne, baptiser des femmes grecques de distinction. » Bientôt il trouve un biais pour se défaire de l’ennemi abhorré, sans paraître violer la lettre même de son édit. : « Nous avions permis depuis peu aux Galiléens, chassés par Constance, d’heureuse mémoire, de revenir non pas à leurs églises, mais dans leur patrie. Cependant, j’apprends qu’Athanase, cet audacieux, emporté par sa fougue accoutumée, est venu reprendre ce qu’ils appellent le trône épiscopal, au grand déplaisir du peuple religieux d’Alexandrie. Nous lui signifions donc l’ordre de sortir de la ville, à partir du jour même où il aura reçu ces lettres de notre clémence, et sur-le-champ. S’il reste à l’intérieur de la ville, nous prononcerons contre lui des peines plus fortes et plus rigoureuses. » Vainement les Alexandrins adressèrent-ils au monarque leurs humbles supplications ; ils ne firent qu’augmenter le dépit de l’Apostat qui, dans sa réponse, se trahit vivement : « Plût au ciel que la dangereuse influence de l’école impie d’Athanase se bornât à lui seul ! Mais elle s’exerce sur un grand nombre d’hommes distingués parmi vous ; chose facile à expliquer, car de tous ceux que vous auriez pu choisir pour interpréter les Ecritures, il n’y en a pas de pire que celui que vous réclamez. Si c’est pour ses talents que vous regrettez Athanase (car je sais que c’est un habile homme) et que vous me faites de telles instances, apprenez que pour cela même qu’il a été banni de votre ville. » Lettres, 6, 26, 51 ; Œuvres complètes de l’empereur Julien, trad. Talbot, Paris, 1863.

Le proscrit était parti le 24 octobre, en consolant ses amis par ce mot d’espérance : « Léger nuage qui passera bientôt. » La fuite eut son côté dramatique : poursuivi sur le Nil par les émissaires d’Ecdicius, et se voyant près d’être atteint, il fait retourner la barque dans la direction de ses adversaires qui le croient déjà loin, et leur échappe par son sang-froid et la hardiesse de cette

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manœuvre. Socrate, H. E., III, 14, P. G., t. LXVII, col. 415. Après s’être caché tout près d’Alexandrie, il gagna Memphis, d’où il écrivit sa lettre pascale pour 363, puis s’enfonça dans la Thébaïde. Chronicon syriacum, ann. 363 ; Hist. acephala, n. 11, P. G., t. XXVI, col. 1358, 1446. Tandis qu’il approchait d’Hermopolis, les évêques, le clergé, les abbés Théodore et Pammon avec leurs moines, vinrent à sa rencontre et lui firent une réception solennelle. Ce fut alors qu’Athanase visita l’île de Tabenne et son célèbre monastère ; il examina les règles et se fit rendre compte de tout, s’intéressant aux plus petits détails de la vie monastique. Il garda de cette visite un profond souvenir ; quand Théodore mourut, en 368, il s’empressa d’envoyer à l’abbé Horsisius et à ses moines une lettre de condoléance et d’encouragement. Epist. ad Orsisium, P. G., t. XXVI, col. 978 sq. ; Annales du musée Guimet, loc ; cit., p. 268 sq., 293, 332, 704 sq. Vers le milieu de l’été, durant une course sur le Nil où sa vie était en danger, le patriarche apprit de saint Théodore que son exil allait finir. Julien venait de périr dans la guerre de Perse, le 26 juin 363. Narratio Athanasii ad Ammonium, P. G., t. XXVI, col. 980 sq.

L’avènement de Jovien fit donc passer le nuage. Athanase fut officiellement autorisé à reprendre son siège épiscopal, soit immédiatement, soit après son entrevue d’Antioche avec le nouvel empereur. Gracieusement accueilli, il composa, sur la demande du prince, une exposition de la foi orthodoxe, Ad Jovianum de fide, P. G., t. XXVI, col. 813 sq. Les pétitions adressées contre lui à l’empereur par les ariens d’Alexandrie et leur chef Lucius, restèrent sans effet. Mais Jovien mourut subitement dans la nuit du 16 au 17 février 364.

Cinquième exil, du 5 octobre 365 au 31 janvier 366, et dernières années. ― L’épreuve revint avec l’édit du 5 mai 365. L’empereur Valens, gagné à l’arianisme politique, bannissait tous les évêques déposés par Constance et rappelés par Julien. A cette nouvelle, le peuple d’Alexandrie s’assembla en tumulte pour demander au gouverneur de la province qu’on lui laissât son patriarche. Le gouverneur promit d’en écrire à Valens, et les esprits se calmèrent. Mais Athanase, averti sans doute de ce qui se tramait dans l’ombre, quitta secrètement la ville, le 5 octobre ; la nuit suivante, le gouverneur et le commandant militaire faisaient envahir l’église de saint-Denys, où l’évêque exerçait habituellement ses fonctions. Celui-ci s’était retiré dans une campagne située près de la nouvelle rivière ; elle renfermait le caveau où son père avait été enterré, il y resta caché. Socrate, H. E., IV, 13 ; Sozomène, H. E., VI, 12, P. G., t. LXVII, col. 495, 1325. Bientôt les regrets et les réclamations du peuple furent tels que Valens craignit une sédition ; il prit le parti de céder aux Alexandrins, et donna l’ordre de ne plus inquiéter Athanase. Le patriarche rentra dans Alexandrie, le 1er février 366, « désormais trop grands pour être persécuté ou protégé par l’empire. » La fin de son pontificat ne fut troublée que par des incidents sans importance. Si, dans un jour d’émeute, le 21 juillet 366, les païens brûlèrent l’église impériale, achevée par Grégoire de Cappadoce, ordre est donné de punir les incendiaires et de reconstruire l’édifice ; Athanase lui-même jette les fondements d’une autre église, consacrée le 7 août 370 et destinée à porter son nom. Si, en septembre 367, l’arien Lucius essaie de rentrer dans Alexandrie, cette tentative n’a d’autre résultat que de le faire expulser du territoire égyptien.

Le grand docteur alexandrin resta jusqu’au bout le soutien de la restauration nicéenne et le chef vénéré des orthodoxes d’Orient. Voit-il les évêques d’Afrique exposés à se laisser surprendre par ceux qui prétendaient substituer le symbole de Rimini à celui de Nicée, il réunit un synode, en 368 ou 369, et rédige l’Epistola ad Afros. C’est à son instigation que le pape Damase, après avoir déposé Valens et Ursace, procède aussi contre Auxence, l’évêque arien de Milan. C’est à lui que saint

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Basile s’adresse, avec quelle confiance te quelle vénération ! quand il entreprend d’intéresser Rome et les évêques d’Occident au lamentable état des églises orientales, celles d’Antioche surtout. Athanase, de son côté, est plein d’estime et d’affection pour le grand cappadocien, destiné à continuer son œuvre par lui-même et par ses brillants disciples, il le défend, quand des moines exagérés méconnaissent la prudent réserve de l’évêque de Césarée dans une situation difficile. Epist. ad Joannem et Antiochum, ad Palladium, P. G., t. XXVI, col. 1165 sq. C’est encore au patriarche d’Alexandrie que son vieux compagnon d’armes, Marcel d’Ancyre, envoie une députation pour lui soumettre sa profession de foi, et grande dut être sa joie de la voir favorablement accueillie. Voir ARIANISME, col. 1841. Si les deux livres De Incarnatione Domini Nostri Jesu Christi sont réellement d’Athanase, il sut attaquer dans Apollinaire de Laodicée l’erreur manifeste en épargnant la personne et le nom même d’un ancien ami. Ce mélange de condescendance et de fermeté se retrouve dans le gouvernement du saint. Il passe facilement sur une irrégularité commise dans l’élection épiscopale d’un jeune officier, Sidérius, qu’il voit propre à faire beaucoup de bien, mais il excommunie solennellement un gouverneur de Lybie cruel et licencieux. Synesius, Epist., LXVII, P. G., t. LXVI, col. 1418 ; S. Basile, Epist., LXI, P. G., t. XXXII, col. 416.

Enfin, cet homme contre lequel tant de puissances s’étaient conjurées, cet évêque qui avait passé tant d’années dans l’exil, souvent au milieu des plus grands dangers, mourut dans son lit, suivant la naïve expression du martyrologue romain, en l’année 373, le 2 mai, peut-être dans la nuit du 2 au 3. Chronicon syriacum, P. G., t. XXVI, col. 1360 ; Histor. acephala, 17, col. 1448. Au dire de saint Cyrille, il avait gouverné l’église d’Alexandrie quarante-six ans pleins, έφ’ όλοις έτεσι τεσσαράχονταχαì έξ. Epist., I, P. G., t. LXXVII, col. 13. En mourant, il exprima le désir, favorablement accueilli par le clergé et le peuple, d’avoir pou successeur Pierre, l’un de ses prêtres et le fidèle compagnon de ses travaux apostoliques.

Telle fut, dans ses lignes essentielles, la vie de saint Athanase. Contentons-nous ici d’emprunter ce jugement au Grand Dictionnaire universel du XIXe siècle : « Quelque opinion qu’on professe sur le fond des questions, on n’en doit pas moins admirer la constance de ce mâle soldat, qui ne connut jamais de repos, et qui, des quarante-six ans de son épiscopat, en passa vingt en exil et le reste en combats incessants contre les ariens. »
 
 

I. SOURCES PRIMITIVES pour la vie de saint Athanase. ― En premier lieu, ses écrits ; puis son panégyrique prononcé à Constantinople, vers l’an 380, par saint Grégoire de Nazianze. Orat., XXI, P. G., t. XXXV, col. 1081 sq. ; S. Epiphane, Hær., LXVIII, 7-11 ; LXIX, 11 ; LXXII, 4 ; LXXVII, 2 sq. P. G., t. XLII, col. 194 sq., 219, 387, 642, sq. ; l’Index ou Chronique syriaque des Lettres pascales, et l’Historia acephala, cités souvent au cours de cet article ; les Histoires ecclésiastiques, de Ruffin, Socrate, Sozomène et Théodoret.

II. BIOGRAHIES. ― Montfaucon a édité trois vies grecques et une vie traduite de l’arabe, qui toutes ont peu de valeur. P. G., t. XXV, Prologomena, p. LIV sq., CLXXXV, sq. Au XVIIe siècle commencent les études importantes : G. Hermant, La vie de saint Athanase, patriarche d’Alexandrie, 2 in-4°, Paris, 1671, 1679 ; D. Papebroch, S. Athanasii vita, dans Acta sanctorum, t. I, maii, Anvers, p. 186-258 ; B. de Montfaucon, Vita S. Athanasii, comme préface à sa grande édition des œuvres du saint docteur, P. G., t. XXV, Prolegomena, p. LIX sq. ; Tillemont, Mémoires, Paris, 1702, t. VIII, p. 1-258 ; Ceillier, Histoire générale des auteurs sacrés, 2° édit., Paris, 1865, t. IV, p. 89-233 ; J. A. Möhler, Athanase le Grand et l’église en son temps en lutte avec l’arianisme, trad. Jean Cohen, 3 in-8°, Paris, 1840 ; 2 in-8°, Bruxelles, 1841 ; F. Böhringer, Athanasius und Arius oder der erste grosse Kampf der Orthodoxie une Heterodoxie, in-8°, Stuttgart, 1874 ; E. Fialon, Saint Athanase, in-8°, Paris, 1877 ; A. Robertson, Select writings and letters of Athanasius, Prolegomena, bonne notice et chronologie soignée, in-4°, faisant

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partie de A select library of Nicene and Post-Nicene Fathers of the Christian Church, IIe série, Oxford et New-York, 1892, t. IV ; articles Athanasius, de Lüdtke, dans Kirchenlexikon, 2° édit., Fribourg-en-Brisgau, 1882, t. I ; de F. Loofs, dans Realencyklopädie für Protest. Theologie und Kirche, 3° édit., Leipzig, 1897, t. II ; de W. Bright, dans A dictionary or Christian biography, 2° édit., Londres, 1900, t. I. ― Biographies populaires : Saint Athanase. Histoire de sa vie, de ses récits et de son influence sur son siècle, in-8°, Lille, 1848 ; l’abbé P. Barbier, Vie de saint Athanase, patriarche d’Alexandrie, docteur et père de l’Eglise, in-12, Paris, 1888 ; R. Wheler Bush, Saint Athanasius, dans la collection The Fathers for English readers, in-18, Londres.
 
 

II. ECRITS : Contenu général, chronologie et authenticité d’après l’état actuel de la critique. ― Considérée dans son objet, l’œuvre du grand docteur alexandrin peut se diviser en traités dogmatiques, polémiques, historiques, moraux et exégétiques, bien qu’aucune de ces divisions, sauf la dernière, ne soit rigoureuse. Sous le rapport critique, une autre division s’impose, celle qui range les ouvrages transmis sous le nom d’Athanase en deux classes : d’un côté, les écrits authentiques, de l’autre, les écrits douteux ou apocryphes.
 
 

TABLEAU GENERAL SUIVANT L’ORDRE CHRONOLOGIQUE :
 
 

v. 318 (? 323). Oratio contra gentes et de incarnatione Verbi.

328-335 ? In illud. Matth., XI, 27 : Omnia mihi tradita sunt.

id. Expositio fidei (?).

id. Sermo major de fide (?).

328 à 373. Epistolæ heortasticæ.

339. Encyclica ad episcopos epistola.

v. 350 . Apologia contra arianos.

350-351. De nicænis decretis.

id. De sententia Donystii.

350-353. Epistola ad Amunem.

354-355 Epistola ad Dracontium.

356. Epistola ad espiscopos Ægypti et de Lybiæ.

357. Apologia ad Constantium.

id. Apologia de fuga.

357-358. Historia arianorum ad monachos.

358. Epistola de morte Arii.

v. 358. Epistola ad monachos.

359-360. Epistolæ ad Luciferum.

356-361 (? 338-339). Orationes adversus arianos.

v. 359. Epistolæ ad Serapionem.

359. De synodis.

362. Tomus ad Antiochenos.

id. Epistola ad Rufinianum.

363. Epistola ad Jovianum.

363. 364. Epistolæ ad Orsisium.

365 (? 357). Vita sancti Antonii.

v. 365. De incarnatione Verbi Dei et contra arianos (?).

id. Liber de Trinitate et Spiritu Sancto (?).

369-370. Epistola ad Afros.

370-371. Epistola ad Epictetum.

v. 371 Epistola ad Adelphium.

id. Epistola ad Maximum.

v. 372. Contra Apollinarium libri II (?).

id. Epistola ad Joannem et Antiochum.

id. Epistola ad Palladium.

? Ad Marcellinum de interpretatione Psalmorum.
 
 

I. ECRITS AUTHENTIQUES. ― La liste suivante comprendra, à quelques exceptions près, les ouvrages contenus sous la rubrique genuina dans les tomes XV et XXVI de la Patrologie grecque éditée par Migne. L’astérisque signalera les écrits qui, maintenus généralement comme authentiques, sont cependant, de la part de quelques érudits, l’objet d’attaques et de défiances.

Oratio sive liber contre gentes * ; Oratio de incarnatione Verbi, P. G., t. XXV, col. 1-95, 96-198. ― Deux traités qui ne sont en réalité que la double partie d’une apologie générale du christianisme, et qui sont désignés sous un titre commun, Adversum gentes duo libri, par saint Jérôme, De viris illust., 87, P. L., t. XXIII, col. 693.

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C’est l’œuvre de jeunesse d’Athanase, composée suivant l’opinion commune, vers 318, avant la naissance de l’arianisme, et suivant quelques-uns, quatre ou cinq ans plus tard, peu de temps avant le concile de Nicée. Dans le premier livre, Athanase réfute l’hellénisme, en montrant l’origine, le progrès et l’extravagance de l’idolâtrie ; il lui oppose la connaissance de l’unique vrai Dieu, connaissance qu’il fonde sur la nature de notre âme et sur la considération du monde comme révélation extérieure de Dieu. Dans le second livre, l’auteur montre dans l’incarnation la réparation de l’œuvre primitive détruite par le péché ; c’est pour rendre l’homme le principe de la vie et de la vraie connaissance de Dieu, que le Verbe s’est incarné, est mort et ressuscité. Aux juifs incrédules sont opposées les prophéties ; aux gentils, les principes qu’ils admettent et les fais historiques qui se rapportent à la propagation du christianisme. La provenance athanasienne de cet écrit a été vivement contestée par J. Dräseke, professeur au collège de Wandsbeck ; l’auteur aurait été Eusèbe d’Emesse. Les arguments en faveur de cette thèse, tirés surtout du style, des idées philosophiques ou théologiques et de la maturité que supposent les livres en question, ont été presque universellement rejetés comme insuffisants.
 
 

Voir, pour l’attaque : J. Dräseke, Athanasiana, dans Theologische Studien und Kritiken, Gotha, 1893, p. 251-315, et Athanasios pseudepigraphos, dans Zeitschrfit für wissenschaftliche Theologie, Leipzig, 1895, p. 517-537 ; V. Schultze, Die Jugendschrfiten des Athanasius, dans Theologisches Literaturblatt, Leipzig, 28 avril 1893, XIV Jahrg., col. 191. ― Pour la défense : G. Krüger, compte-rendu dans Theologischer Jahresbericht, Brunswick, 1895, t. XIII, p. 194 ; 1895, t. XV, p. 179 ; F. Hubert, Die Jugendschrift des Athanasius, dans Zetischrift für Kirchengeschichte, 1895, t. XV, p. 561-566 ; F. Laubert, Dit Echteheit der beiden apologetischen Jugendschriften des hl Athanasius, dans Revue internationale de théologie, Berne, 1895, p. 127-136 ; C. Weyman, compte-rendu dans Byzantinische Zeitschrift, Leipzig, 1896, t. V, p. 223-225 ; A. Stücken, Athanasiana, dans Text und Untersuchungen zur Geschichte der altchritl. literatur, nouv. série, Leipzig, 1899, t. IV, fasc. 4, p. 1-23 ; K. Hoss, Studien über des Schrifttum und die Theologie des Athanasius auf Grund einer Echtheitsuntersuchung von Athanasius contra gentes une de incarnatione, Fribourg-en-Brisgau, 1899, p. 1-95
 
 

In illud. Matth., XI, 27 : Omnia mihi tradita sunt a Patre meo, etc. P. G., t. XXV, col. 207-220. ― Traité, incomplet peut-être, où sont combattues les fausses interprétations que les ariens donnaient à ces paroles de Notre Seigneur. Saint Athanase les entend du Christ, de son œuvre médiatrice et de sa glorification ; il prouve l’unité substantielle du Père et du Fils par ce texte de saint Jean, XVI, 15, Omnia quæcumque habet Pater mea sunt. Le début de l’écrit montre qu’il a été composé du vivant d’Eusèbe de Nicomédie, par conséquent avant l’année 342 ; Montfaucon, dom Cellier et autres auteurs le placent avant l’ouvrage qui suit. L’authenticité est contestée par Hoss, Studien, p. 50-51.

Encyclica ad episcopos epistola. P. G., t. XXV, col. 219-240. ― Dans cette lettre remarquable, Athanase dénonce l’intrusion de l’évêque arien Grégoire de Cappadoce sur le siège d’Alexandrie, et décrit les violences de toute sorte qui l’accompagnèrent. Le saint la composa avant son départ pour Rome, alors qu’il était encore caché aux environs d’Alexandrie, par conséquent, peu de temps après Pâques 399, Grégoire était entré dans la ville le 23 mars de cette année. Chronicon syriacum, P. G., t. XXVI, col. 1353-1354.

Apologia contra arianos, P. G., t. XXV, col. 240-410. ― Pièce historique de première valeur, à cause des nombreux documents qu’elle renferme ; aussi cette apologie est-elle appelée Syllogus, ou collection, dans les Acta sanctorum, t. I, maii, Anvers, 1680. Le saint y discute et réduit à néant toutes les accusations personnelles dont les ariens l’avait chargé à

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à Tyr et à Philippopolis. Elle fut composée vers l’an 350, après le retour du second exil, C. LX, LXI, et après la rétraction de Valens et d’Ursace, c. LXXXVIII, mais avant leur rechute en 351. Les chapitres LXXXIX, XC, où la chute de Libère et d’Osius est racontée, ont été ajoutés plus tard, d’où controverse sur leur provenance athanasienne. Hefele, Histoire des conciles, trad. Goschler et Delarc, Paris, 1869, t. II, p. 63-64.

Epistola de nicænis decretis, P. G., t. XXV, col. 411-476. ― Le titre grec indique en ces termes l’objet de cette lettre : « Que le concile de Nicée, vu la malice des eusébiens, a formulé comme il fallait et selon la piété ce qu’il a défini contre l’hérésie arienne. » C’est la justification, en même temps que l’histoire, du terme όμοούσιος, inséré par les Pères de Nicée dans leur symbole. Document précieux, pour connaître le sens de la définition et la manière dont on fut amené à choisir ce terme fameux. Voir ARIANISME, col. 1795 sq. Cet ouvrage fut composé après le retour du second exil et pendant la période de calme relatif qui suivit, mais quand déjà le saint prévoyait un retour agressif de la part de ses ennemis, c. II ; on peut donc le placer entre les années 346 et 355, vers 350 ou 351.

Epistola de sententia Dyonisii, P. G., t. XXV, col. 477-522. ― Cet écrit fut occasionné par l’abus que faisaient les ariens de la lettre adressée vers 260 par saint Denys d’Alexandrie aux évêques Euphranor et Ammon. De là ce titre complet de l’opuscule : « De Denys, l’évêque d’Alexandrie, que son sentiment était, autant que celui du concile de Nicée, contraire à l’hérésie arienne, et que les ariens le calomniaient qui le disent de leur avis. » Athanase affirme, n. 10, que son illustre prédécesseur, en employant les expressions alléguées, parlait non pas du Verbe, mais du Christ considéré dans sa nature humaine. Il s’attache surtout à montrer l’opposition réelle de sentiments entre Denys et les ariens. Ce traité fut composé vers la même époque que le précédent, aussitôt après, suivant les uns, ou, suivant les autres, peu auparavant.

Epistola ad Dracontium, P. G., t. XXV, col. 522-534. ― Draconce, abbé d’un monastère, avait élu évêque d’Hermopolis ; il prit la fuite et se cacha. Athanase lui écrivit cette lettre, intéressante par ce qu’elle montre dans le saint de sérieux, de bon sens et d’affectueuse tendresse. Draconce est prémuni contre certains esprits qui prétendaient voir dans l’épiscopat une cause de péché, oui qui s’imaginaient ne pas trouver matière au renoncement chrétien en dehors de la vie monastique. Ainsi encouragé l’évêque élu accepta le fardeau et eut bientôt l’occasion de devenir confesseur de la foi. Cette lettre fut écrite avant la fête de Pâques de 354 ou 355.

Epistola ad espiscopos Ægypti et de Lybiæ, P. G., t. XXV, col. 535-594. ― Après avoir échappé providentiellement au coup de main du gouverneur Syrianus, dans le anuit du 8 au 9 février 356, Athanase écrivit cette lettre aux évêques d’Egypte et de Libye, pour les prévenir contre les menées secrètes de ariens et particulièrement contre l’acceptation d’un symbole que ceux-ci se disposaient à mettre en circulation et à imposer sous peine de bannissement ; il engage les pasteurs à garder fermement la foi de Nicée, et réfute brièvement l’hérésie. Cet écrit fut composée avant le 24 février 357, jour où Grégoire de Cappadoce fit son entrée dans Alexandrie, mais quand déjà on parlait de la nomination de cet intrus, n. 7.

Apologia ad imperatorem Constantium, P. G., t. XXV, col. 594-642. ― On a vu plus haut quels chefs d’accusation les ennemis du patriarche portèrent contre lui auprès de Constance, quand la mort de son frère Constant et de l’usurpateur Magnence l’eut laissé seul maître de l’empire, et comment ces dénonciations amenèrent le troisième exil d’Athanase. Réfugié au désert, celui-ci composa cette apologie, dont le ton calme et digne, le

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style simple et incisif, l’éloquence mâle et pénétrante font l’une des pièces les plus achevées que le saint ait écrites. Elle est précieuse aussi pour les renseignements qu’elle nous donne de la vie d’Athanase. Il l’acheva, pendant que Grégoire de Cappadoce était à Alexandrie, n. 27 sq., vraisemblablement dans l’été 357.

10° Apologia de fuga sua, P. G., t. XXV, col. 643-680. ― Athanase avait fui devant les satellites de Syrianus ; ses ennemis ne manquèrent pas d’y chercher une occasion de le décrier, en le représentant comme un peureux et un lâche. La réponse fut cette apologie, célèbre chez les anciens auteurs et qui, pour le mérite, ne le cède guère à la précédente. Avec quelle dignité le noble fugitif démasque les véritables sentiments de ses calomniateurs, et leur oppose la doctrine du Christ, son exemple et celui des saints ! puis, reprenant l’offensive, avec quelle vigueur il dépeint les fureurs sauvages de ses persécuteurs et leurs tristes exploits ! Cette apologie fut composée avant la mort de Léonce d’Antioche, ou du moins avant que cette mort ne fût parvenue à la connaissance d’Athanase, n. 1, probablement vers la fin de 357.

11° Epistola et Historia arianorum ad monaachos *. P. G., t. XXV, col. 691-796. ― Deux écrits qui paraissent intimement liés, comme serait un livre et une préface ou une lettre d’envoi ; dans certaines catalogues anciens, ils sont compris sous cette simple rubrique : Epistola ad monachos sive ad solitarios. Le titre d’Histoire des ariens n’est pas authentique, mais il exprime bien l’objet du livre, composé pour satisfaire aux désirs des moines de la Thébaïde et nullement destiné, dans la pensée de son auteur, à la publicité. C’est un résumé de la persécution arienne, contre les orthodoxes depuis l’année 335 jusqu’à l’année 357, résumé oratoire où les mouvements passionnés de l’éloquence trahissent souvent l’indignation d’un noble cœur en face des vilenies dont il a été témoin et des maux causés à l’Eglise par l’hérésie. Les circonstances où se trouvait Athanase et le but polémique qu’il poursuivait en composant cet écrit, expliquait suffisamment qu’on n’y trouve pas le ton calme et froid d’un simple historien : « Pourquoi demander ce qu’il ne peut donner à un orateur contraint par les iniquités de ses ennemis de démasquer leurs intrigues et leurs calomnies, de justifier sa doctrine et ses actes, et de faire le récit d’événements dont il a été héros ou la victime ? » E. Fialon, Saint Athanase, p. 209. La manière brusque dont s’ouvre le livre fait a fait croire au plus grand nombre que les premiers chapitres manquent ; d’autres préfèrent voir dans l’Historia arianorum une continuation de la seconde partie de l’Apologia contra arianos. Robertson, Select writings and letters of Athanasius, p. 266. Quand saint Athanase composa cet ouvrage, Léonce d’Autriche vivait encore et Grégoire de Cappadoce exerçait dans Alexandrie son pouvoir usurpé ; il faut donc le placer à la fin de 357 ou au début de 358. Le récit de la chute du pape Libère, n. 41, serait une addition postérieure, qui donne lieu à la même controverse que les additions faites à l’Apologia contre arianos. Des doutes soulevés çà et là contre l’authencité de ce livre ont été réfutés par A. Eichhorn, Athanasii de vita ascetica testimonia collecta, Dissertatio theologica, Halle, 1866, p. 57-62. Enfin, quelques auteurs se sont demandé si l’écrit n’aurait pas été composé par un ami ou secrétaire d’Athanase, sous sa direction toutefois, hypothèse insuffisamment établie.

12° Epistola ad Serapionem de morte Arii, P. G., t. XXV, col. 680-690. ― Sérapion, évêque de Thmuis et grand ami du patriarche, lui avait demandé des renseignements sur trois points : ses propres épreuves, l’hérésie arienne et la mort d’Arius. Pour les deux premiers points Athanase renvoie Sérapion à un ouvrage composé pour les moins et qu’il lui adresse, avec recommandation instante de ne pas le garder et de n’en point

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prendre de copie ; cet ouvrage ne peut être, en partie du moins, que l’Historia arianorum ad monachos. Le saint docteur fit-il, pour réfuter l’arianisme, un autre travail d’un caractère plus dogmatique ; et, s’il le fit, est-ce l’un des écrits qui nous sont parvenus ? Autant de problèmes sans réponse satisfaisante. Montfaucon, Admonitio in Epist. ad Serapionem, n. 1-3. Dans la lettre présente, Athanase répond à la troisième demande de son ami ; il raconte la mort d’Arius d’après ce qu’il en avait su par un de ses prêtres, présent à Constantinople lors de l’évènement. La lettre appartient à l’année 358. Récemment on a attaqué, non pas l’authenticité du document, mais la véracité de l’auteur ; nous n’aurions là qu’un récit de tendance, forgé par Athanase pour déprécier l’hérésie arienne en montrant le doigt de Dieu dans la mort de son fondateur, tandis qu’Arius et le héros du récit athanasien, saint Alexandre de Constantinople, seraient morts plusieurs années auparavant. On se contente seulement d’accorder à l’auteur de la lettre des circonstances atténuantes, la véracité ne comptant pas alors au nombre des vertus. Telle est la thèse de O. Seeck, Untersuchungen zur Geschichte des nicänischen Konzils, dans Zeitschrift für Kirchengeschichte, Gotha, 1896, t. XVII, p. 33 sq. Thèse inadmissible, soit en ce qui concerne la chronologie relative à la mort d’Arius et de saint Alexandre, voir ARIANISME, col. 1806, soit en ce qui concerne le caractère de saint Athanase. Assurément, il voit dans la fin d’Arius un châtiment providentiel et une condamnation divine de l’hérésie ; mais partir de là pour réduire tout le récit à une fiction d’adversaire peu scrupuleux, c’est dépasser les bornes de la critique objective.

13° Orationes IV adversus arianos *, P. G., t. XXVI, col. 10-526. ― Ces quatre discours ou livres, λόγοι, sont le principal ouvrage dogmatique qu’ait composé le grand docteur du Verbe. Dans la première partie, il expose la doctrine arienne, puis il prouve par l’Ecriture, en s’aidant aussi d’arguments rationnels, l’éternité, la consubstantialité et la génération divine du Fils. Dans la seconde et la troisième partie, il discute les passages scripturaires qui ont trait à ces questions fondamentales. Dans la quatrième, il insiste sur le rapport mutuel du Père et du Fils, en affirmant la distinction personnelle et en niant la séparation de nature. On place généralement la composition de cet ouvrage entre les années 356 et 361, pendant le troisième exil d’Athanase ; quelques auteurs récents estiment qu’il remonte à une époque antérieure et donnent les dates de 338 ou 339. Loofs, op. cit., p. 200 ; Stülcken, Athanasiana, p. 45 sq. Chez ce dernier la question se complique d’un problème beaucoup plus grave au sujet de l’authenticité, non pas de tout l’ouvrage, mais de l’Oratio IV. Dans un article de la Zeitschrift für wissenschaftliche Theologie, intitulé Maximus philosophus, 1893, t. XXXVI, p. 290-315, Dräseke a retiré ce quatrième livre à saint Athanase, pour l’attribuer à Maxime le philosophe. Sans admettre cette attribution fantaisiste, d’autres critiques ont nié pourtant la provenance athanasienne. Stülcken, loc. cit., p. 50-57 ; Hoss, Studien, p. 123-126. Ils invoquent la différence de style et de procédé intellectuel ou littéraire ; ils allèguent même une diversité de doctrine concernant la nature humaine du Christ ; l’intégrité de cette nature est nettement exprimée dans l’Oratio IV, 23, όλως ένανθρωπήσας, tandis qu’Athanase conçoit toujours l’union comme se faisant entre le Verbe et la chair ou le corps. Ces raisons sont loin d’être convaincantes ; la dernière, en particulier, suppose une opinion fausse sur la doctrine christologique du saint docteur. La différence de style et de procédé, fût-elle aussi grande que le disent ces critiques, prouverait tout au plus l’opinion émise par Newman, à savoir que le quatrième livre ne ferait pas un tout avec les trois premiers, mais serait plutôt une collection de matériaux ou de fragments divers qui se rattacheraient à la controverse eusébienne

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et marcelienne. Select treatrises of saint Athanasius in controversy with the Arians, Oxford, 1842, p. 498 sq.

14° Epistolæ ad Serapionem, P. G., t. XXVI, col. 525-576. ― Quatre lettres dogmatiques, adressées à l’évêque de Thmuis par saint Athanase pendant son troisième exil, entre 356 et 361, peut-être en 359, après l’opuscule De morte Arii. Ces lettres visent surtout une erreur signalée au patriarche par Sérapion, erreur qui consistait à faire de la troisième personne de la Trinité un être créé, esprit supérieur dont le rôle serait d’instrument au Verbe divin dans la sanctification des âmes. Athanase établit, dans la première lettre, la divinité du Saint-Esprit, en développant ce que disent de lui l’Ecriture et la tradition. Dans la seconde, il reprend d’une façon sommaire la doctrine orthodoxe sur la divinité du Verbe, longuement établie dans ses Discours contre les ariens ; dans la troisième, il résume brièvement les arguments en faveur de la divinité du Saint-Esprit. La quatrième est une réponse à de nouvelles arguties venant des hérétiques. Quelques critiques ont estimé que la seconde et la troisième lettre n’en faisaient primitivement qu’une seule, divisée ensuite par les copistes. Ceillier, op ; cit., p. 132. D’autres terminent la quatrième lettre au n. 7, et considèrent le reste, où il est question du péché contre le Saint-Esprit, comme un morceau indépendant. Stülcken, op. cit., p. 58-60. Voir le Monitum de Montfaucon, P. G, loc. cit.

15° Epistola de synodis, P. G., t. XXVI, col. 677-792. ― Le titre complet de cet ouvrage en indique l’objet principal. Saint Athanase y raconte d’abord ce qui s’est passé dans les « conciles célébrés à Rimini en Italie et à Séleucie en Isaurie » ; puis, à propose des symboles qui y furent rédigés, il établit un contraste saisissant entre la fixité de la foi définie à Nicée et l’instabilité de toutes ces professions de foi ariennes qui s’étaient succédé, depuis le début de cette hérésie jusqu’au diverses formules de Séleucie. Cette anarchie doctrinale n’aura de remède que dans une franche acceptation du credo nicéen, y compris l’όμοούσιος. Le saint docteur justifie ce dernier terme, mais en même temps montre une attitude conciliante à l’égard des homéousiens qui, comme Basile d’Ancyre, semblaient accepter la doctrine même de Nicée. Voir ARIANSIME, col. 1831. Ce traité fut composé vers la fin de 359, alors que le concile de Rimini n’avait pas encore pris fin, n. 55. Le passage contenant le formulaire de Niké et de Constantinople, n. 30-31, fut inséré plus tard. Montfaucon, Monitum, P. G., loc. cit.

16° Tomus ad Antiochenos, P. G., t. XXVI, col. 793-810. ― C’est la lettre synodale rédigée à l’église d’Antioche par saint Athanase, au nom des évêques d’Italie, d’Arabie, d’Egypte et de Libye réunis à Alexandrie, en 362, dans le célèbre concile des « confesseurs ». Voir ARIANISME, col .1833.

17° Epistola ad Jovianum, P. G., t. XXVI, col. 811-824. ― Exposé de la foi orthodoxe, composé à Antioche, en 363, sur la demande Jovien. Athanase propose à l’empereur comme règle de l’orthodoxie le symbole de Nicée, confirmé par le suffrage du monde chrétien ; il termine par une profession de foi explicite dans la divinité du Saint-Esprit et la Trinité consubstantielle.

18° Vita sancti Antonii, P. G., t. XXVI, col. 823-976. ― Ce fut pour des moines étrangers, πρός τούς έν τή ξένη μοναχούς, vraisemblablement les moines occidentaux d’Italie et des Gaules, que saint Athanase composa cette Vie célèbre, où il montre dans le patriarche des solitaires un modèle de sainteté, résume ses enseignements et raconte ses combats contre les démons. C’est une œuvre historico-ascétique, bien caractérisée par Grégoire de Nazianze, quand il dit de son héros, « qu’en décrivant les actions du divin, Antoine, il a promulgué, sous la forme d’une histoire, la règle de la vie religieuse. » Orat., XXI, 5, P. G., t. XXXV, col. 1088. Beaucoup d’au-

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teurs placent la composition de cet ouvrage vers 365 ; d’autres la rapportent plutôt, et non sans fondements, au troisième exil, vers 357. Il fut traduit en latin, du vivant même d’Athanase, probablement entre 365 et 370, par Evagrius, plus tard évêque d’Antioche. S. Jérôme, Vita S. Pauli, prolog. ; De viris illustr., 125, P. L., t. XXIII, col. 18, 712-713. Bientôt la Vita antonii alluma, dans l’Occident comme dans l’Orient, un véritable enthousiasme pour la vie ascétique et monastique. Malgré les nombreux témoignages de la tradition recueillis par Montfaucon, Monitum, col. 825 sq., l’authenticité et même la véracité de cette Vie ont été vivement attaquées de nos jours par quelques critiques, en particulier Weingarten, professeur d’histoire ecclésiastique à l’université de Breslau, et Gwatkin, qui lui refusent tout caractère historique et n’y voient qu’un écrit tendancieux du monachisme déjà constitué. Leurs arguments, souvent intrinsèques et souvent négatifs, ont été longuement discutés et victorieusement par divers érudits, catholiques et protestants.
 
 

Voir, pour l’attaque : H. Weingarten, Der Ursprung des Mönchtums im nachcontantinischen Zeitalter, d’abord dans Zeitschrift für Kirchengeschichte, 1876-1877, t. I, p. 1-35, 545-574, puis tiré à part, Gotha, 1877 ; H. Gwatkin, Studies of Arianism, 2° édit., Cambridge, 1900, p. 102-107. ― Pour la défense : C. Hase, Das leben des hl Antonius, dans Jahrbücher für protest. Theologie, 1880, p. 418-448 ; J. Mayer, Ueber Aehtheit und Glaubwürdigkeit der dem heil. Athanasius d. Gr. zugeschrieben Vita Antonii, quatre articles dans Der Katholik, Mayence, 1886, t. I, p. 495-516, 619-636 ; t. II, p. 72-86, 173, 193 ; A. Eichhorn, Athanasii de vita ascetica testimonia collecta, Halle, 1886 ; U. Berlière, Les origines du monachisme et la critique moderne, dans Revue Bénédictine, Maredsous, 1891, t. VIII, p. 53-57 ; A. Robertson, Select writings and letters of Athanasius, Oxford, 1892, p. 188-193 ; D. Wölter, Der Ursprung des Mönchtums, Tubingue et Leipzig, 1900, p. 6-12.
 
 

19° Epistola ad Afros, P. G., t. XXVI, col. 1027-1148. ― Lettre synodale, rédigée dans une réunion de quatre vingt-dix évêques d’Egypte et de Lybie. Elle avait pour but de prémunir leurs collègues de l’Afrique occidentale contre l’intrigue des homéens qui cherchaient à substituer le credo de Rimini à celui de Nicée. Athanase rappelle les titres de ce dernier et la véritable histoire de l’autre ; puis il défend brièvement la doctrine de la consubstantialité. Comme il y est fait mention d’un synode romain, tenu sous le pape Damase, où furent excommuniés Valens et Ursace, n. 10, cet écrit se rapporte à l’année 369 et 370.

20° Epistola ad Epictetum, P. G., t. XXVI, col. 1048-1070. ― Epictète, évêque de Corinthe, avait consulté saint Athanase au sujet de discussions christologiques qui s’étaient élevées dans son église. Les uns avaient prétendu que le Verbe s’était changé en chair, ou du moins avait subi dans l’Incarnation une certaine déchéance ; ils lui attribuaient un corps qu’il n’aurait pas pris de la Vierge Marie, mais qu’il aurait formé de sa propre substance et apporté du ciel ; ils concluaient que la chair du Verbe était consubstantielle à la divinité, et que celle-ci avait elle-même souffert. Le parti opposé avait soutenu que le Verbe habitait dans le Christ, comme dans les prophètes ou les saints ; autre aurait été le Verbe, et autre le Christ. Il y avait là deux courants d’idées, dont l’un se rattachait à des disciples d’Apollinaire, et l’autre à une théologie d’origine antiochienne. Voir G. Voisin, L’apollinarisme, Louvain, 1901, p. 65-66. Saint Athanase repousse avec la même énergie les deux conceptions, comme contraires à la foi catholique. En réfutant la première, il affirme avec la plus grande netteté que le Verbe est devenu vraiment homme, ayant pris de la Vierge Marie un corps semblable au nôtre, n. 7-8. Contre la seconde conception, il établit l’identité personnelle du Verbe et du Christ, n. 10-12. Comme on le voit par le début, la lettre a Epictète fut écrite vers 370 ou 371, après le synode ro-

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main qui anathématisa Auxence, l’évêque arien de Milan. Elle jouit dans l’antiquité d’une grande célébrité. Saint Epiphane l’a reproduite, Hær., LXXVII, P. G., t. XLII, col. 643 sq., et saint Cyrille d’Alexandrie en a défendu le vrai texte contre les altérations des nestoriens. Epist., XL, XLV, P. G., t. LXXVII, col. 200, 337.

21° Epistola ad Adelphium, P. G., t. XXVI, col. 1070-1084. ― Adelphius, évêque d’Onuphis, un confesseur de la foi, s’était trouvé en face d’une autre erreur. Sous prétexte que si le Verbe ne fait qu’un avec sa chair, il est une créature, ceux dont il s’agissait séparaient le Verbe de sa chair et ainsi divisaient le Christ. Tirant de là une conséquence pratique, ils refusaient d’adorer le corps du Sauveur. Saint Athanase approuve la condamnation de ces hérétiques, et montre qu’il faut adorer le Christ dieu et homme, ce qui n’est pas adorer une créature, mais le Verbe fait homme ; il ne faut pas séparer la nature humaine du Verbe, pour adorer le Verbe seul, mais il faut adorer le Verbe revêtu de la forme d’esclave qu’il a daigné prendre pour nous sauver. On accepte communément pour la composition de cet écrit la date approximative de 371, proposée par Montfaucon.

22° Epistola ad Maximum philosophum, P. G., t. XXVI, col. 1083-1090. ― Maxime le philosophe, le même apparemment qui tente plus tard de monter sur le siège épiscopal de Constantinople, avait écrit à l’évêque d’Alexandrie au sujet de divers hérétiques : les uns niaient que le Christ fût Dieu ; les autres considéraient le Verbe comme descendu sur un homme, mais non pas fait homme lui-même ; d’autres, enfin, voyaient dans le Christ un homme né de la façon ordinaire. Saint Athanase réfute brièvement ces erreurs ; il montre que le Christ crucifié est le Dieu de gloire, que tous l’adorer comme vrai Dieu, et que dans les actions du Christ la gloire et la puissance divine se manifestent en même temps que l’infirmité humaine. Cette lettre a beaucoup de points communs avec les deux précédentes et se rapporte, plus ou moins, à la même époque.

23° Epistolæ heortasticæ, P. G., t. XXVI, col. 1339-1450. ― Ce sont les fameuses Lettres pascales ou festales, dont la perte arracha tant de soupirs à Montfaucon : Hei ! quam pungit dolor anissi thesauri ! Au temps du célèbre bénédictin, il n’en restait en effet que quelques fragments grecs, se rapportant aux lettres XXII, XXIV, XVII, XXVIII, XXIX, XXXIX, XL, XLII-XLV ; parmi ces débris, l’extrait de la XXXIXe lettre avait une importance majeure, à cause du catalogue des Livres saints qu’il renferme. Mais, en 1842 et en 1847, on découvrit dans un couvent égyptien de la Nitrie, le couvent de Sainte Marie Mère de Dieu, une version syriaque de quinze lettres correspondant aux années 329 à 348. Ces Lettres pascales, qu’on a justement comparées aux mandements de carême de nos évêques, complètent un côté du ministère pastoral qui occupe peu de places dans les autres écrits de saint Athanase, celui de l’instruction morale ; ce sont de véritables homélies sous forme de circulaires, où tous les devoirs de la vie chrétienne se trouvent résumés dans de courtes exhortations. La version syriaque découverte en Egypte était précédée d’un avant-propos ou Index, s’étendant à tout l’épiscopat d’Athanase ; il indique pour chaque année l’époque de la célébration de la fête de Pâques, les consuls, le préfet d’Egypte et les principaux évènements relatifs à la vie du saint docteur. Cette chronique syriaque et une autre chronique, publiée par Maffei en 1738 et désignée habituellement sous le titre d’Historia acephala, constituent, avec les Episotalæ heortasticæ, des documents de premier ordre pour l’histoire de saint Athanase, surtout en ce qui concerne la chronologie.
 
 

La version syriaque trouvée en Egypte fut publiée par W. Cureton, The festal letters of Athanasius, discovered in an ancient syriac version, Londres, 1848. Le cardinal Mai en donna une traduction latine, reproduite avec ce qui reste des

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autres lettres dans la Patrologie de Migne. Deux autres traductions, l’une allemande, l’autre anglaise, se recommandant par les préfaces et les notes utiles qui les accompagnent : F. Larsow, Die Fest-briefe des heiigen Athanasius, Leipzig et Gœttingue, 1852 ; A. Robertson, Select writings and letters of Athanasius, p. 495 sq. Mgr Freppel a donné une Etude critique sur les Lettres pascales, dans Commodien, Arnobe, Lactance et autres fragments inédits, Paris, 1893. Pour certains problèmes historiques et chronologiques que soulève sur l’Index syriaque, voir d’un côté, Hefele, compte-rendu dans Theologische Quartalschrift, Tubingue, 1853, p. 146 sq. ; R. Sievers, Athanasii vita acephala, dans Zeitschrift für die historische Theologie, 1868, t. XXXVIII, p. 89 sq. ; de l’autre, Gwatkin, Studies of Arianism, 2° édit., p. 107-109.
 
 

24° Lettres diverses. ― La correspondance de saint Athanase a presque entièrement disparu ; ce qui nous en reste, en dehors des pièces déjà signalées, a peu d’importance. Voici les titres de ces lettres contenues dans le tome XXVI de la Patrologie grecque : Ad Amunem, col. 1169-1176, lettre de direction spirituelle, écrite avant 354, pour rassurer des moines qui se croyaient souillés par les illusions nocturnes, même involontaires ; Ad monachos, col. 1185-1188, lettre distincte de celle qui se trouve en tête de l’Historia arianorum, et écrite aux solitaires vers 358, pour les mettre en garde contre les hérétiques et leurs fauteurs ; Ad Luciferum, col. 1181-1186, deux lettres datant de 359 ou 360, où saint Athanase loue vivement l’évêque de Cagliari pour son zèle en faveur de l’orthodoxie ; Ad Rufinianum, col. 1179-1182, lettre où les décisions du concile d’Alexandrie de 362 sont communiquées à cet évêque ; Ad Orsisium, col. 978-982, deux lettres se rapportant aux années 363 et 364 et relatives, l’une à la visite du monastère de Tabenne par le patriarche, l’autre à la mort de saint Théodore ; Ad Joannem et Antiochum, ad Palladium, col. 1165-1168, deux lettres où le docteur alexandrin défend saint Basile contre d’injustes attaques, vers372 ; Ad Diodorum, col. 1261-1262, fragment d’une lettre à cet évêque de Tyr.

25° Ad Marcellinum de interpretatione Psalmorum, P. G., t. XXVIII, col. 10-46. ― Pieux et substantiel traité sur l’étude et l’usage des Psaumes, leur excellence, leur sens prophétique, la manière dont ils peuvent convenir à chacun dans les diverses circonstances de la vie. Ces avis sont mis dans la bouche d’un saint vieillard et adressées sous forme de lettre à un solitaire du nom de Marcellin. Malgré les doutes exprimés par quelques auteurs, l’ouvrage est généralement tenu pour authentique. Montfaucon, Monitum, col. 10 ; Bardenhewer, Les Pères de l’Eglise, trad. franç., Paris, 1899, t. II, p. 43 ; Hoss, Studien, p. 31. Mais il ne paraît pas qu’on puisse l’identifier avec l’écrit De titulis Psalmorum, dont parle saint Jérôme, De viris illustr., 87, P. L., t. XXIII, col. 731.

II. ECRITS DOUTEUX OU APOCRYPHES. ― Le tome XVIII de la Patrologie grecque contient les ouvrages classés par Montfaucon sous la double rubrique de Dubia et de Spuria. Les conclusions de savant restent vraies dans leur ensemble ; dans quelques cas seulement, la critique actuelle se montre moins conservatrice, soit en considérant comme douteux, ou du moins sujets à discussion, des écrits qu’il a maintenus parmi les authentiques, soit en proclament définitivement comme apocryphes d’autres écrits qu’il a maintenus parmi les authentiques, soit en proclamant définitivement comme apocryphes d’autres écrits qu’il avait seulement considérés comme douteux. De là trois catégories : écrits discutés ; écrits d’authenticité ; écrits apocryphes.

Ecrits discutés. ― J’entends par là plusieurs ouvrages sur lesquels le dernier mot n’est pas dit, mais qui présentent des difficultés assez sérieuses pour mériter l’attention des critiques mêmes conservateurs et justifier des études plus approfondies.

1. Expositio fidei, Έχθεσις πίστεως. P. G., t. XXV, col. 197-208. ― Symbole où se trouve contenue et expliquée la foi catholique sur les mystères de la Trinité et de l’Incarnation ; les développements sont directement

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opposés à l’arianisme et au sabellianisme. L’emploi de l’expression όμοιος τώ Πατρί fait généralement placer cette έχθεσις avant la formation du parti homéen, entre les années 325 et 358 ; divers érudits la rangent même parmi les plus anciens écrits d’Athanase. Mais elle contient diverses expressions moins conformes à sa théologie qu’à celle d’Antioche ; ce qui l’a rendue suspecte à quelques auteurs récents. J. Kunze, Marcus eremita¸Leipzig, 1895, p. 117, note 1, Stülcken, Athanasiana, p. 23-27 ; Hoss, Studien, p. 109-113.

2. Sermo major de fide. P. G., t. XXVI, col. 1261-1292. ― Ouvrage publié pour la première fois par Montfaucon, qui le présente comme « un excellent traité contre les ariens et autres hérétiques contemporains d’Athanase, ou, à l’aide de syllogismes et de dilemmes, le saint docteur écrase et réfute les erreurs de ces ennemis de la lumière ». P. G., t. XXVI, Prolegom., p. X. Il y est question de la divinité du Verbe et de son rapport à la nature humaine, puis d’un grand nombre de textes scripturaires, relatifs à ce double sujet. La plupart des critiques maintiennent simplement l’authenticité. Newman a pourtant estimé qu’il est difficile de voir dans cet ouvrage autre chose qu’une collection de petits fragments tirés d’autres écrits d’Athanase. Select treatrises of S. Athanasius, p. 500. Il a, du reste, une étroite parenté avec l’έχθεσις πίστεως. Aussi, les auteurs qui doutent de l’authenticité de l’έχθεσις doutent aussi du Sermo major, ou prétendent même y voir un écrit polémique contre l’apollinarisme, sorti des cercles antiochéens vers la fin du IVe siècle. Stülcken, Athanasiana, p. 28-40 ; Hoss, Studien, p. 104 sq.

3. Liber de incarnatione Verbi Dei et contra arianos. P. G., t. XXVI, col. 982-1028. ― Sorte de commentaire sur des textes doctrinaux, divisé en trois parties : réfutation des objections faites par les anoméens contre la divinité de Jésus-Christ ; preuves de la divinité du Saint-Esprit ; preuves scripturaires de la consubstantialité du Verbe. Ceux qui maintiennent l’authenticité de cet ouvrage, lui assignent comme date approximative l’année 365. Bardenhewer, Les Pères de l’Eglise, t. II, p. 38. Les doutes reposent surtout sur l’usage de quelques expressions qui ne semblent pas athanasiennes, et sur une interprétation du texte : Pater major me est, Jean, XIV, 28, différente de celle qu’on trouve dans Orat., I, 58. Stülcken, Athanasiana, p. 61-66 ; Hoss, Studien, p. 127-128.

4. Liber de Trinitate et Spiritu Sancto. P. G., t. XXVI, col. 1190-1218. ― On ne possède qu’une traduction latine de cet écrit, qui a beaucoup de rapport, pour la matière et la méthode, avec le précédent et avec les lettres à Sérapion. Les partisans de l’authenticité donnent la même date approximative que pour le Liber de incarnatione Verbi Dei. Bardenhewer, loc. cit. Les doutes viennent aussi des mêmes auteurs, Stülcken, loc. cit., p. 75-76 ; Loofs, dans Realencyklopädie für protest. Theologie, 3° édit. t. II, p. 201.

5. Contra Apollinarium libri II. P. G., t. XXVI, col. 1091-1166. ― Deux livres, dont les vrais titres sont, pour le premier, De incarnatione Domini nostri Jesu Christi, et pour le second, De salutari adventu Jesu Christi. Ni dans ces titres, ni dans le corps de l’ouvrage, il n’est fait mention d’Apollinaire, qui vivait encore ; c’est seulement une réfutation, substantielle et pénétrante, de diverses erreurs apollinaristes. La parfaite intégrité de la nature humaine du Christ est, en particulier, nettement défendue. D’après Montfaucon, cet écrit fut composé par saint Athanase vers l’an 372. L’authenticité est contestée de nos jours. Suivant Dräseke, ces deux livres auraient été rédigés à Alexandrie après la mort de saint Athanase, entre 373 et 377, par Didyme l’Aveugle et l’un de ses disciples, Ambroise, dont parle saint Jérôme, De viris illustr., 126, P. L., t. XXIII, col. 713. Sans suivre Dräseke dans ses conjectures ni accepter toutes ses objections, un grand nombre de critiques

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nient avec lui, ou du moins considèrent comme douteuse, la provenance athanasienne de l’écrit. Les principaux motifs sont : la différence de style et d’arguments, l’emploi de certaines expressions, comme celle de τρείς ύποστάσεις dans le sens de trois personnes, l’affirmation de la parfaite intégrité de la nature humaine dans le Christ. Cette dernière raison suppose un préjugé arbitraire au sujet de la doctrine christologique de saint Athanase. L’expression de τρείς ύποστάσεις appartient-elle au texte primitif ? Voir F. C. Conybeare, On the sources of the text of S. Athanasius, dans The journal of Philology, Londres, 1896, t. XXIV, p. 286. Les autres raisons sont discutables, soit en elles-mêmes, soit dans leur portée. Aussi des auteurs graves maintiennent fermement l’authenticité de l’ouvrage, ou n’accordent pas que la question soit définitivement tranchée.
 
 

Contre l’authenticité : J. Dräseke, Gesammelte patristiche Untersuchungen, Altona et Leipzig, 1889, p. 167 sq. , et Zur Athanasios-Frage, dans Zeitschrift für wissenschaftliche Theologie, 1895, t. XXXVIII, p. 238-69 ; G. Voisin, L’apollinarisme, p. 73-75, note modérée. ― Pour l’authenticité : F. X. Funk, compte-rendu dans Theologische Quartalschrift, Tubingue, 1890, t. LXXII, p. 312 ; A. Robertson, S. Athanasius on the incarnation, 2° édit., Londres, 1893, Introduction ; H. Sträter, Die Erlösungslehre des hl Athanasius, Fribourg-en-Brisgau, 1893, p.75-90 ; F. Lauchert, Die Lehre des hl Athanasius, Leipzig, 1895, p. XI, note 2 ; F. Kattenbusch, Das apolotische Symbol, Leipzig, 1894-1900, t. II, p. 223-975. ― Bardenhewer, Les Pères de l’Eglise, t. II, p. 40, constate seulement que l’authenticité soulève des objections.
 
 

Ecrits d’authenticité suspecte. ― Tels sont, en général, les ouvrages contenus dans le tome XXVIII de la Patrologie grecque sous la rubrique : Dubia. Il suffit, pour la plupart, d’indiquer le titre : Testimonia ex sacra Scriptura, de naturali communione similis essentiæ inter Patrem, Filium et Spiritum Sanctum, col. 29-80 ; Epistola catholica, col. 81-84 ; Refutatio hypocrisis Meletii et Eusebii Samosatensis adversus consubstantialitatem, col. 83-88 ; De æterna Filli et Sipritus Sancti cum Deo existentia, et contra Sabellianos, col. 95-122 ; De sabbatis et circumcisione, ex libro Exodi, col. 131-142 ; Homilia de semente,col. 143-168 ; Homilia in illud : Profecti in pagum, Matth., XXI, 2, col. 169-186 ; Homilia in passionem et crucem Domini, col. 185-250.

Le traité De virginitate, sive de ascesi, col. 251-282, mérite une mention spéciale. Un essai de réhabilitation a été tenté par A. Eichhorn, Athanasii de vita ascetica testimonia, p. 27 sq. Malgré quelques adhésions données à cette thèse, il semblerait plutôt acquis maintenant que l’ouvrage est apocryphe ; ce serait un traité anonyme, en conformité de doctrine théologique avec les formules cappadociennes des environs de l’an370, mais étroitement apparenté dans sa partie ascétique à la doctrine eusthatienne, condamnée par le concile de Gangres. Voir Mgr Batiffol, Le Περι παρθενίας du Pesudo-Athanase, dans Römische Quartalschrift für christliche Altertumskunde und für Kirchengeschichte, Rome, 1893, t. VII, p. 275-286.

Il faut aussi considérer, sinon apocryphe, l’Interpretatio in Symbolum, Έρμηνεία είς τό σύμζολον, contenue parmi les Fragmenta,P. G., t. XXVI, col. 1231-1232. A. Hahn, Bibliothek der Symbole und Glaubensregeln, 3° édit., Breslau, 1897, p. 137-138. D’après les recherches faites pas Caspari et Kattenbusch, op. cit., t. I, p. 273 sq., cette Έρμηνεία dériverait du Symbole donné par saint Epiphane à la fin de son Ancoratus, P. G., t. XLIII, col. 234-235, et serait peut-être l’œuvre d’un des premiers successeurs de saint Athanase.

Pour les divers écrits exégétiques, contenus dans le tome XXII de la Patrologie grecque, voir le Dictionnaire de la Bible, art. ATHANASE, t. I, col. 1208 sq. Pris du moins dans l’état où ils nous sont parvenus, ils ne semblent pas présenter de garantie suffisante d’authenticité.

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Ce sont, en dehors de la Lettre à Marcellin, tenue communément pour authentiques, les ouvrages suivants : Expositiones in Psalmos, col. 45-156 ; Fragmenta commentariorum in Psalmos, col. 547-590 ; Interpretatio Psalmorum, sive de titulis Psalmorum, col. 591-1344 ; Fragmenta in Job, in Canticum, in Matthæum, in Lucam, in Epist. I ad Corinthios, col. 1344-1404.

Ecrits apocryphes. ― Pour les nombreux ouvrages de ce genre, classés depuis longtemps parmi les Spuria, il suffit de renvoyer au tome XXVIII de Patrologie grecque, col. 437 sq. Un seul des ouvrages a donné lieu récemment à une discussion de quelque importance ; c’est le Syntagma doctrinæ ad monachos, col. 831-846. M. E. Revillout a vu, dans cet ouvrage, une partie des actes du concile d’Alexandrie de 362, partie disciplinaire ayant pour objet la réglementation de la vie religieuse sous la forme de l’ascétisme primitif ; l’ensemble même des actes de ce concile aurait formé la collection désignée sous le nom de Synodique de saint Athanase. Rapport sur une mission en Italie, dans Archives des missions scientifiques, 3° série, Paris, 1877, t. IV, p. 447 sq. : Le concile de Nicée d’après les textes coptes et les diverses collections canoniques, 2 in-8°, Paris, 1881, 1899. La thèse a été acceptée par A. Eichhorn, Athanasi de vita ascetica testimonia, p. 15 sq., et traitée d’assez vraisemblable par quelques érudits. Mais elle a trouvé aussi des adversaires convaincus et ne paraît pas êtres sortie indemne de leurs attaques. Voir F. X. Funk, compte rendu dans Theologische Quartlaschrift, Tubingue, 1887, t. LXIX, p. 362-364 ; A. Robertson, Select writings and letters of Athanasius, Prolegom., p. LIX ; surtout Mgr Battifol, Le « syntagma doctrinæ » dit de saint Athanase, dans Studia patristica, 2° fasc., Paris, 1890, p. 119 sq.

Aux écrits relégués par Montfaucon dans la classe des apocryphes il en faut joindre plusieurs autres, qu’il avait laissés parmi les dubia. Tels sont ceux où la critique moderne voit l’œuvre d’Apollinaire de Laodicée, et que ses partisans eurent l’habileté de faire passer sous le nom de saint Athanase. C’est le cas, certainement, pour les deux opuscules De incarnatione Verbi, P. G., t. XXVIII, col. 25-30, 89-96. Le premier est une sorte de symbole, où se trouve la célèbre expression Mίαν φύσιν τού Θεού Λόγου σεσχρχωμένην, unam naturam Dei Verbi incarnatam, employée dans un sens très différent par les monophysites et par saint Cyrille d’Alexandrie qui croyait à sa provenance athanasienne. De recta fide, ad reginas, P. G., t. LXXVI, col. 12-14. Le second opuscule est un petit traité antinestorien, où l’on remarque ces conceptions apollinaristes : Θεός έυ σχρχ. . . ένών έαυτόν πρός τήν σάρχα. . . τώ πνεύματι Θεον, χαι άνθρωπον τή σαρχί. . . C’est encore le cas, très probablement, pour l’opuscule Ότι είς ό Χριστός, Quod unus sit Christus, col. 121-132. Voir G. Voisin, L’apollinarisme, part. II, c. I, § 2 ; c. II, § 2-3.

Enfin, depuis les nouvelles recherches faites sur l’histoire du canon scripturaire, on ne peut plus douter du caractère apocryphe de la Synopsis Scripturæ sacræ, col. 281-438, résumé clair et souvent très profond des Livres saints, où quelques auteurs avaient prétendu voir la Πυχτία τών θείων γραφών, dont parle Athanase dans l’Apologia ad Constantium, 4, P. G., t. XXV, col. 600. Cet écrit pseudépigraphe reste anonyme et paraît appartenir à la fin du Ve siècle. T. Zahn, Geschichte des Neutestamentlichen Kanons, Leipzig, 1890, t. II, p. 302-318.
 
 

1. Editions. ― La principale édition des Œuvres de saint Athanase est celle des bénédictins de Saint-Maur, J. Lopin et B. de Montfaucon, 3 in-fol., Paris, 1698. Elle fut réimprimée, avec compléments, en 1777, à Padoue, par les soins de l’évêque de cette ville, N. A. Giustiniani. Migne a profité de ces travaux et de plusieurs autres, ceux surtout du cardinal Mai, dans sa Patrologica græca, 4 in-4°, Paris, 1857. Pour les éditions plus an-

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ciennes, voir Montfaucon, P. G., t. XXV, Prolegom., p. XVI ; pour les éditions partielles, Bardenhewer, Les Pères de l’Eglise, t. II, p. 47 sq. ; A. Robertson, Select writings and letters of Athanasius, Prolegom., p. XI-XII.

2. Traductions. ― L’Allemagne possède une traduction complète des œuvres du saint docteur dans Sämmtliche Werke der Kirchenväter, Kempten, 1836-1837, t. XIV-XVIII ; de plus, la traduction d’un choix d’écrits, par J. Fisch et A. Richard, dans Bibliothek der Kirchenväter, 2, vol. Kempten, 1872-1875. L’Angleterre a des traductions remarquables accompagnées d’introductions et de notes précieuses : Select treatrises of S. Athanasius, in controversy with the Arians, et Historical tracts. . ., Oxford, 1842-1843, dans la collection Library of the Fathers ; Select writings and letters of Athanasius. . ., Oxford, 1892, dans la collection Library of Nicene and Post-Nicene Fathers. On n’a, en France, que des traductions partielles : la Vie de saint Antoine, par Robert Arnauld d’Antilly, dans les Vies des saints Pères du désert, Paris, 1668, 1680 ; l’Apologie à Constance, les deux Livres contre Apollinaire, la Lettre encyclique aux évêques d’Egypte et de Libye, le Premier discours contre les ariens, dans la collection des Chefs-d’œuvre des Pères, t. III ; les deux Apologies de saint Athanase à l’empereur Constance et sur sa fuite, dans E. Fialon, Saint Athanase. On trouve des extraits et des analyses dans la Bibliothèque choisie des Pères de l’Eglise grecque et latine, par N. S. Guillon, 1828, t. V, p. 172-257. Sur les traductions arméniennes, voir Tajézi, Des h Athanasius, Patriarchem von Alexandrien, Reden, Briefe und unechte Schriften, Venise, 1899.

3. Ouvrages à consulter. ― S. Jérôme. De viris illustr., 87, P. L., t. XXIII, col. 693 ; Photius, Biblioth., cod. 32, 139, 140, P. G., t. CIII, col. 64-420 ; Montfaucon, préface générale et remarques préliminaires avant chaque ouvrage : L. Ellies Dupin, Nouvelle bibliothèque des auteurs ecclésiastiques, Utrecht, 1731, t. II, p. 35-60 ; C. Oudin, Commentarius de scriptoribus ecclesiasticis, Leipzig, 1722, t. I, col. 325-390, Dissertatio de operibus sancto Athanasiano attributis ; G. Cave, Scriptorum ecclesiasticorum historia litteraria, Oxford, 1740, t. I, p. 191-198 ; Ceillier, Histoire générale des auteurs sacrés, 2° édit., Paris, 1865, t. IV, p. 105 sq. ; Fessler-Jungmann, Insitutiones patrologiæ, Inspruck, 1890, t. I, p. 392 sq. ; Bardenhewer, op. cit., t. II, p. 37 sq. ; P. Battifol, La littérature grecque, Paris, 1897, p. 264, 327 ; F. Wallis, On some mss. of the writings of S. Athanasius, dans The journal of theological studies, oct. 1901 et janv. 1902.
 
 

III. DOCTRINE DE SAINT ATHANASE. ― I. TRAITS CARACTERISTIQUES. ― La théologie de saint Athanase ne se présente pas sous la forme d’un corps de doctrine systématiquement relié. Son rôle ayant été celui d’un homme d’action, ses écrits furent en général des écrits de circonstance, composés pour défendre la foi ou satisfaire à ses devoirs d’évêque. Et pourtant, peu de docteurs ont eu sur l’orientation et le développement de la dogmatique chrétienne une influence aussi profonde. Cela tient au rôle providentiel qui échut au saint ; par son propre mouvement, et plus encore par le cours des événements, il fut porté à fixer ses méditations et toute la vigueur de sa grande intelligence sur un problème aussi fondamental pour le christianisme que fécond dans sa portée théologique, le problème du Verbe incarné, Dieu fait homme et Sauveur du genre humain. Il considéra le Verbe sous tous ses rapports, dans son existence au sein du Père, dans l’œuvre de la création où il intervient comme Sagesse et Puissance du Père, dans l’œuvre de la rédemption qu’il accomplit comme Verbe fait chair. Envisagé de la sorte, Jésus-Christ devient un centre, auquel se rapportent les grandes lignes de la religion chrétienne : la trinité, la création et l’état primitif du genre humain, la chute et l’incarnation du rédempteur avec toutes ses conséquences. Aussi rien n’est plus facile que de tirer une large synthèse dogmatique de la doctrine de saint Athanase, en la rattachant soit à la personne du Verbe, comme fait Atzberger, Die Logoslehre des hl Athanasius, soit à son œuvre rédemptrice, comme l’ont fait Pell, Die Lehre des hl Athanasius von der Sünde une Erlösung, et Sträter, Die Erlösungslehre des hl Athanasius.

Athanase, docteur de l’Eglise, est avant tout théologien, et sa doctrine présente un caractère éminemment traditionnel ; dans une phrase, où l’élégance se joint à la vé-

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rité, on a dit « qu’elle est un chaînon d’or entre les enseignements plus anciens et la théologie postérieure au concile de Nicée. » Chaînon solide aussi, parce que, sans sacrifier les résultats acquis par les maîtres qui l’avaient précédé, Athanase fit passer la pureté de la foi par-dessus toute autre considération. En face d’hérétiques qui faussaient les dogmes catholiques par leurs conceptions d’écoles, il comprit la nécessité de replacer ces mêmes dogmes et de les défendre sur leur propre terrain, la révélation contenue dans l’Ecriture sainte et la tradition. Il sut dégager la doctrine catholique d’éléments parasites qui la gênaient et dont l’arianisme essaya de se prévaloir ; au Logos-démiurge et au Dieu abstrait de la philosophie, il opposa nettement le Logos de saint Jean et le Dieu de l’Evangile qui par son fils sauve le monde. Il a mérité le beau titre de Père de l’orthodoxie.

Il n’en est pas moins de son siècle et de son milieu, ce milieu alexandrin où se côtoyaient alors deux écoles célèbres, sur certains points rivales et sur d’autres se compénétrant mutuellement, soit par influence immédiate, soit par communauté de sources ; l’école néoplatonicienne avec son éclectisme philosophique, et l’école chrétienne du Didascalée où prédominait encore, mais modifiée déjà par des apports de provenance asiatique, la doctrine d’Origène. Elevé dans ce milieu, Athanase en subit d’abord l’influence littéraire et philosophique, sensible surtout dans son œuvre de jeunesse, le traité contra gentes et De incarnatione. Que de passages rappellent « le grand Platon », où témoignent de conceptions stoïciennes courantes à cette époque ! Sous le rapport théologique, Athanase trouvait à Alexandrie une école vivante et douée d’une physionomie propre. Origène resta pour lui un maître vénéré, dont on relit les œuvres même au désert. Ad Serap., IV, 9, P. G., t. XXVI, col. 650. Toutefois il ne l’acceptait pas les yeux fermés, sans discernement : « Ce qu’il a écrit, comme en cherchant et s’exerçant, ne doit pas être pris pour sa pensée propre. Mais lorsque, dans une discussion et une exposition, il définit et affirme sans hésitation, alors on possède la pensée du laborieux savant. » De decret. nicæn., 27, P. G., t. XXV, col. 466.

Par ailleurs, les circonstances placèrent souvent le saint docteur dans d’autres milieux. A Nicée d’abord, et plus longuement, durant son premier et son second exil, il prit contact avec les occidentaux et leur terminologie trinitaire et christologique. En Orient, il se trouva en face d’adversaires ou même en communauté d’action avec des amis formés à d’autres écoles, eusébiens, homéousiens, néoniciens d’Antioche ou de Cappadoce. Il y gagna en largeur de vues et d’esprit, mais sans cesser d’être alexandrin. C’est même en grande partie sous son influence que se précisèrent les traits généraux qui, bientôt, distinguèrent l’école égyptienne d’Alexandrie et l’école syrienne d’Antioche, et que le cardinal Hergenröther résume ainsi, dans son Histoire de l’Eglise, trad. P. Belet, Paris, 1880, t. II, p. 134 : « L’école d’Egypte, contrairement à l’opinion de Photin, qui n’admettait qu’une différence de degrés entre le Fils de Dieu et les saints, relevait la différence spécifique qui existe entre l’incarnation et l’influence purement morale que Dieu exerce sur l’homme, et insistait sur le caractère incompréhensible de cette union mystérieuse. L’école syrienne, conformément à la direction rigoureuse qu’elle suivait et contrairement aux idées gnostiques et apollinaristes, s’appliquait à démontrer que les deux natures en Jésus-Christ gardent leurs propriétés et échappent à toute confusion. Les Alexandrins insistaient volontiers sur l’union des deux natures et sur l’unité de l’Homme-Dieu ; les Antiochiens, sur la diversité permanente du divin et de l’humain ; les premiers, sur le côté mystérieux de l’Incarnation ; les autres sur son côté compréhensible, sur la dualité de l’être humain et de l’être divin. » Il faut

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tenir compte de ces considérations générales, quand on veut apprécier la théologie athanasienne.

II. PRINCIPAUX DETAILS. ― La biographie de saint Athanase et la liste de ses ouvrages nous ont fait connaître le fond de sa doctrine ; reste à en grouper sous divers chefs les points les plus saillants.

Théodicée, anthropologie. ― En réfutant le paganisme et en lui opposant le monothéisme chrétien, l’auteur de l’Oratio contra gentes établit, sur Dieu et sur l’homme, les vérités les plus essentielles. L’existence de Dieu, ses attributs essentiels et son action immédiate dans la création, la conservation et le gouvernement du monde, sont démontrés par des arguments qui, pour la plupart, sont restés dans l’enseignement traditionnel. Dieu crée par pure bonté, il créé dans son Verbe, qui est la sagesse même ; pas d’intermédiaires entre la puissance créatrice et son objet. le mal n’est point un être positif que Dieu ait créé ; il doit son origine à l’abus de la liberté contingente.

L’homme est composé d’un corps mortel et d’une âme raisonnable, spirituelle et immortelle : l’esprit n’est qu’une faculté de l’âme, τον έν αύτή (ψυχή) νούν, n. 34, P. G., t. XXV, col. 61. Par sa raison l’homme peut s’élever à la connaissance de Dieu, en prenant pour point d’appui ou le monde extérieur ou sa propre âme ; car le monde porte l’empreinte du Verbe, Sagesse du Père, et dans l’âme surtout brille, comme dans un miroir, l’image du Verbe. Saint Athanase explique peu ce qu’il entend par cette contemplation du Verbe dans l’âme humaine ; il semble placer le lien objectif de cette connaissance entre notre propre raison dont l’âme a conscience, et le Verbe considéré comme Raison divine dont la nôtre n’est qu’une participation. Du reste, il ne prouve pas l’existence personnelle du Verbe ; il la suppose, ou comme connue par la foi, car il est écrit pour un chrétien, ou comme admise par la philosophie de son temps. Il insiste beaucoup et à plusieurs reprises sur la nécessité de la pureté du cœur, pour s’élever à Dieu. Sur la philosophie de saint Athanase et ses rapports avec la doctrine platonicienne, voir E. Fialon, Saint Athanase, c. X ; Ritter, Histoire de la philosophie chrétienne, trad. J. Trullard, Paris, 1844, l. V, c. II ; G. Teichmüller, Aristoteliche Forschungen, III, Halle, 1873, c. IV, § 5, et Studien zür Geschichte der Begriffe, Berlin, 1874, p. 166-169 ; A. Aall, Geschichte der Logosidee in der christlichen Litteratur, Leipzig, 1899, p. 468 sq.

Etat primitif, chute originelle. ― L’homme, créé à l’image du Verbe, n’était pas seulement doué d’une âme spirituelle et raisonnable ; il avait encore reçu de quoi vivre selon Dieu et à l’abri du mal, de la mort en particulier, dans le paradis terrestre. Pour comprendre dans toute cette extension le contenu de cette extension le contenu de cette grâce initiale, il faut examiner dans saint Athanase et l’œuvre de rédemption et les conséquences de la chute originelle, telles qu’elles ressortent de l’ensemble de sa doctrine. Exprimée déjà substantiellement dans l’Oratio de Incarnatione Verbi, cette doctrine se précise et se développe dans les Discours contre les ariens, les Lettres pascales et autres ouvrages du saint docteur. On voit alors très clairement que, pour Athanase, l’état primitif renfermait, outre la nature, les dons appelés maintenant préternaturels et la filiation divine par la grâce. Voir G. A. Pell, Die Lehre des hl Athanasius von der Sünde und Erlösung, Introduction, p. 3 sq.

Mais Dieu avait imposé au premier homme une loi, dont l’observation fidèle devait être pour lui la condition du bonheur parfait et de l’immortalité. . trompé par le démon, l’homme se sépara du Verbe et transgressa le précepte divin ; il perdit les dons reçus, et fut réduit à sa condition naturelle, είς τό χατά φύσιν. De incarn., 4, P. G., t. XXV, col. 104 ; Orat. contr arian., III, 38, P. G., t. XXVI, col. 406. Par le fait même, le principe de la corruption et de la mort fut dans l’humanité. Le pé-

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ché d’Adam et ses conséquences passeront désormais à ses descendants : « Toutes les hommes, depuis Adam, sont morts et resteront morts. . . Adam péchant, le péché s’est transmis à tous les hommes. » Orat. contr. arian., I, 44, P. G., t. XXVI, col. 103-118. A la vérité, ni la puissance de connaître Dieu ni la liberté ne furent perdues ; mais les homes ne firent qu’abuser de plus en plus de ces dons et tombèrent dans la plus effrayante corruption. De incarn., 12, P. G., t. XXV, col. 116-117. Il fallait un sauveur.

Incarnation. ― On l’a déjà remarqué, la doctrine de saint Athanase sur le Verbe incarné est le centre de toute sa théologie, comme sa foi en ce Verbe fut l’âme de sa vie militante. C’est par ce côté surtout qu’il attaqua l’arianisme, montrant que la négation de la divinité du Verbe mettait cette hérésie en opposition avec les sentiments les plus intimes des vrais chrétiens ; qu’elle élevait une barrière infranchissable entre Dieu et nous, puisque , suivant la sainte Ecriture, nous ne connaissons le Père que par le Fils ; qu’elle annihilait en réalité l’ouvre de la rédemption, puisque nul autre qu’une personne divine ne pouvait réformer en nous l’image primitive, détruite par le péché, et nous faire enfants de Dieu. C’est donc sous l’aspect sotériologique que saint Athanase considère d’abord le Verbe incarné. « C’est pour notre salut qu’il s’est manifesté dans un corps humain. » De incarn., 1, P. G., t. XXV, col. 98. « Quand même rien n’eût été créé, le Verbe de Dieu n’en existait pas moins, et le Verbe était Dieu. Mais il ne se serait pas fait homme, si le besoin des hommes ne l’y avait pas forcé. » Orat. contr. arian., III, 56, P. G., t. XXVI, col. 268. Par le péché d’Adam, le genre humain avait perdu les dons spéciaux de l’état originel ; il était tombé sous la loi de la corruption et de la mort. Dieu, qui avait porté la loi, ne pouvait, sans se contredire en quelque sorte, accorder un simple pardon, solution qui, du reste, eût manqué d’efficacité suffisante ; l’homme ne pouvait se refaire lui-même à l’image primitive. Et pourtant il convenait à la bonté divine de ne pas laisser périr son œuvre de prédilection. Le Verbe, lui, pouvait refaire en nous sa propre image, et, en se faisant homme, poser dans le genre humain un principe de résurrection et d’immortalité. En même temps, par sa vie et sa mort, il serait Verbe et Sagesse de Dieu, c’est-à-dire, il manifesterait son Père aux hommes, et leur servirait lui-même de modèle.

Dans l’Oratio de incarnatione, Athanase met principalement en relief un aspect de la rédemption suggéré tout d’abord par le récit de la Genèse et développé par saint Irénée et l’école asiatique ; l’aspect physique, ayant pour objet le passage de la corruption à l’incorruptibilité, de la mort à l’immortalité. Mais cet aspect n’est nullement exclusif ; dans ce même écrit, le corps du Christ est considéré comme hostie et victime, ίερεϊον χαι θύμα, son œuvre est envisagée comme une rénovation, et la formule célèbre apparaît déjà : « Le Verbe s’est fait homme, pour que nous puissions être déifiés, » Aύτός γάρ ένηνθρώπησεν, ϊνα ήμεις θεωποιηθώμεν. P. G., t. XXV, col. 112, 192. Grandes idées, que le saint docteur ne cesse pas ensuite de rappeler ou de développer, dans ses Lettres pascales, comme dans ses Discours contre les ariens.

La doctrine christologique de saint Athanase se relie naturellement à sa doctrine sotériologique. Le Verbe incarné est et doit être l’Homme-Dieu, ό έχ Μαρίας Θεός άνθρωπος. Orat. contr. arian., IV, 36, P. G., t. XXVI, col. 524. Dieu, pour refaire en nous l’image du Verbe, pour nous manifester le Père, pour nous déifier. Homme, pour payer la rançon du péché en souffrant dans son corps, et placer dans l’humanité un principe d’immortalité, mais aussi pour être parmi nous une manifestation visible de l’invisible divinité. De là, dans un seul et même sujet, cette union substantielle et inséparable du divin et de

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l’humain, si fortement accentuée dans la théologie athanasienne. Si les expressions de temple, de demeure, de vêtement, d’instrument s’y rencontrent, appliqués à l’humanité du Christ, rien dans le contexte ou dans la doctrine générale qui ne soit radicalement opposé au nestorianisme. « Le Verbe s’est fait homme, mais il n’est pas venu dans un homme. » Orat. contr. arian., III, 30, P. G., t. XXVI, col. 388. Toutes les conséquences de l’unité ontologique du Christ apparaissent. Communication des idiomes fréquemment appliquée ; c’est le Verbe qui crée et qui ressuscite les morts ; c’est le Verbe qui a faim et qui souffre. Maternité divine de Marie, τής Θεοτόχου Μαρίας. Orat. contr. arian., III, 14, 29, 33, P. G., t. XXVI, col. 350, 386, 394. Action théandrique nettement formulée. Ibid., 31-32, col. 390-391 ; Epist., IV, ad Serap., 14, P. G., t. XXVI, col. 656-657. Adoration de l’humanité sacrée du Sauveur, enseignée et défendue formellement. Epist. ad Adelphium, P. G., t. XXVI, col. 1074 sq.

Mais n’y aurait-il pas excès dans le sens contraire ? n’est-ce pas préparer la voie au monophysisme, que d’employer des expressions comme φυσιχή ένωσις ? Contr. Apollin., I, 10, P. G., t. XXVI, col. 1110. Quel que soit que l’auteur de cet ouvrage, Athanase ou l’un de ses disciples, sa véritable pensée ne peut faire de doute ; il entend affirmer une union vraiment substantielle dont les termes sont, d’un côté le Verbe, et de l’autre la nature humaine dans sa pleine intégrité ; φυσιχή ένωσις, ne dit donc pas unité de nature. A cette question, toutefois, se rattache un point important de la doctrine christologique d’Athanase. Que la complète dualité des natures dans le Christ soit contenue dans les deux livres contre Apollinaire, c’est un fait : τελειος Θεός χαί τελειος άνθρωπος ό Χριστός, I, 16, P. G., t. XXVI, col. 1121. Mais la paternité de cet ouvrage est contestée au saint docteur, et pour cela même. On a prétendu que, dans ses écrits authentiques, il ne reconnaît pas d’âme humaine dans le Christ ; le Verbe s’est fait homme en ce sens qu’il s’est uni à un corps, mais lui-même tient lieu d’âme raisonnable. Les termes du composé théandrique seraient donc, d’un côté la personne du Verbe, de l’autre ce que saint Athanase appelle τό άνθρώπινον, l’élément humain du Christ, c’est-à-dire σάρξ σώμά, la chair ou le corps. En un mot, Athanase serait apollinariste. Opinion émise jadis par Baur, Die christliche Lehre von der Dreieinigkeit und Menschwerdung Gottes, Tubingue, 1841, t. I, p. 570 sq., et reprise tout récemment par A. Stülcken, Athanasiana, p. 90-106, et K. Hoss, Studien über das Shchrifttum und die Theologie das Athanasius, p. 76-79.

Cette thèse repose d’abord sur une interprétation abusive des termes σάρξ et σώμα. Athanase les emploie dans leur sens biblique, qu’il a expliqué lui-même : « C’est la coutume de l’Ecriture d’appeler l’homme Chair. » Orat. contr. arian, III, 30, P. G., t. XXVI, col. 388. Et ailleurs : « Dire : Le Verbe s’est fait chair, c’est dire : Le Verbe s’est fait homme. » Epist., II, ad Serap., 7 ; Epist. ad Epictet., 8, P. G., t. XXVI, col. 620, 1064. De là vient que, pour désigner l’élément humain dans le Christ, le saint docteur se sert indifféremment des termes chair, corps, humanité, et qu’il attribue l’ignorance et le progrès dans le Christ soit à la chair, soit à la nature humaine : Τής άνθρωπίνης φύσεως ής έστιν ίόιον χαί τό άγνοειν, . . . άγνοεινσ σαρχιχώς. Orat. contr. arian., III, 43, P. G., t. XXVI, col. 413, 416. A cette explication il faut joindre la doctrine générale d’Athanase sur l’incarnation qu’il désigne habituellement, non par le terme de ένσωμάωσις, mais par celui de ένανθρώπησις, exprimant l’idée de Verbe fait homme. C’est en effet l’idée du Verbe fait homme qui est à la base de cette doctrine ; homme semblable à nous par la nature, όμοιος χατά τήν φύσιυ τοϊς ανθρώποις, De incarn., 37, homme comme nous, ώς ήμάς ανθρώπον, Orat. contr.

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arian., I, 43,homme né de la Vierge Marie à notre ressemblance, χαθ όμοίωσιν ήμετέραν. Epist. ad Maximum, 2, P. G., t. XXV, col. 160 ; t. XXVI, col. 401, 1088. Et quand les ariens, pour prouver l’infériorité du Verbe, objectent le texte : Nunc anima mea turbata est, quelle est la réponse ? λέγων άνθρ ωπίνως, « c’est comme homme qu’il dit : Mon âme est troublée maintenant. »

Du reste, la question se posa en 362, au concile des confesseurs, à l’occasion de vues divergentes sur l’incarnation, échangées, semble-t-il, entre les représentants d’Apollinaire de Laodicée et des partisans de la doctrine antiochienne. Finalement les uns et les autres professèrent « que le Verbe du Seigneur n’est pas venu à la fin des temps dans un homme saint, comme il est venu dans les prophètes, mais que le Verbe lui-même s’est fait chair. . . Ils professèrent aussi que le Sauveur n’avait pas un corps sans âme, ni sans sentiment, si sans esprit, ούό άνόητου. Car il n’était pas possible que le Seigneur s’étant fait homme pour nous, son corps fût sans esprit ; ce n’est pas, en effet, le salut du corps seulement, mais aussi celui de l’âme que le Verbe a opéré ». Tomus ad Antiochenos, 7, P. G., t. XXVI, col. 804. L’attitude prise par l’évêque d’Alexandrie dans cette circonstance n’est pas douteuse, puisqu’il fit souscrire à Paulin d’Antioche un formulaire où se retrouve la profession de foi qu’on vient de lire. Ibid., col. 809 ; S. Epiphane, Hær., LXXVI, 20-21, P. G., t. XLIII, col. 672. C’est la même doctrine qui se retrouve, vers 370, dans la lettre à Epictète, n. 7 ; le Verbe s’est fait vraiment homme, άληθεία άνθρώπου γενομένου, parce qu’il devait procurer le salut de l’homme tout entier, âme et corps. P. G., t. XXVI, col. 1061. Si donc saint Athanase emploie de préférence, pour désigner l’humanité du Christ, les termes σάρξ et σώμα, ce n’est pas qu’il nie l’âme humaine du Sauveur ; mais il suit en cela l’usage biblique et traditionnel, et de plus, fidèle à sa propre conception sotériologique, il met en relief dans l’élément humain dans Christ le côté par où le Verbe s’est rendu visible aux hommes, par où il a souffert et est mort pour détruire la loi de la corruption et de la mort, c’est-à-dire le corps sensible et la chair passible. Voir G. Voisin, La doctrine christologique de saint Athanase, dans la Revue d’histoire ecclésiastique de Louvain, 15 juillet 1900 ; puis, L’apollinarisme, Louvain, 1901, p. 40-47.

Mais il faut reconnaître que, si le grand docteur alexandrin a soutenu en principe l’intégrité parfaite de la nature humaine du Christ, il n’a pas tiré toutes les conséquences de cette doctrine, par exemple en ce qui concerne la liberté, et même la volonté. La distinction des deux volontés ne se trouve formulée que dans De incarnatione et contra arianos, 21, ouvrage dont l’authenticité n’est pas admise par tous, et dans un passage cité par le VIe concile œcuménique, comme appartenant à un traité de saint Athanase sur ces paroles : Nunc anima mea turbata est. P. G., t. XXVI, col. 1021-1241. Le problème de l’impeccabilité du Christ n’est touché ex professo que dans les deux livres contre Apollinaire. Sur l’union même de l’élément divin et de l’élément humain dans l’unique personne du Verbe incarné, la théologie du saint évêque reste incomplète, comme sa terminologie. Il affirme l’union, mais ne l’explique pas, ce qui se conçoit, puisqu’il s’agit d’un mystère ; même il n’en détermine pas la nature d’une façon précise. Les grandes controverses christologiques des siècles suivants feront compléter l’œuvre.

Trinité. ― L’article ARIANISME suffit à montrer quelle fut, dans ses lignes générales, la doctrine trinitaire de saint Athanase. Arius enseignait une Trinité d’hypostases, en donnant à ce terme le sens de substances, ούσιαι, non seulement distinctes et séparées les unes des autres, mais différentes en leur nature. Au sommet, l’άγέννητος, seul incréé, seul éternel, seul vraiment Dieu. A cette conception qui détruisait réellement la Trinité

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chrétienne. Athanase oppose la trinité consubstantielle. Rien de créé ne peut être rangé dans la trinité, « car toute entière, elle est un seul Dieu. . . La trinité est indivisible. La divinité est une. Un seul Dieu sur tous, par tous, en tous. Telle est la foi de l’Eglise catholique. Car le Seigneur l’a fondée et enracinée dans la trinité, lorsqu’il a dit à ses apôtres : « Allez enseigner toutes les nations, les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. » SI le Saint-Esprit était une créature, il ne l’aurait pas rangé avec le Père, pour ne pas faire une trinité hétérogène, par le mélange d’un élément étranger. Est-ce qu’il manque quelque chose à Dieu pour qu’il s’adjoigne une substance étrangère avec laquelle il se fasse adorer ? Blasphème ! » Ainsi parlait Athanase contre les pneumatomaques, dans sa première lettre à Sérapion, n. 17, et sa troisième, n. 6, P. G., t. XXVI, col. 570, 634-635. C’est ce qu’il avait enseigné auparavant contre les ariens : « Il n’y a dans la trinité qu’une seule et éternelle divinité. » Orat. contr. arian., I, 18, ibid., col. 48. Et c’est en ce sens que, dès le début de sa carrière d’écrivain, il employait la doxologie traditionnelle qui unit les trois personnes personnes divines dans un même honneur, une même puissance et une même gloire. Orat. de incarn., 57, P. G., t. XXV, col. 97.

Les difficultés et les querelles suscitées d’abord par le mot όμοούσιος, puis par la question de terminologie relative aux termes, ούσιά, φύσις, ύπόστασις et πρόσωπον, ont été racontées à l’article ARIANISME. On a vu comment, dans ses traités De decretis nicænis, De synodis et sa lettre ad Afros, saint Athanase fut l’historien et le défenseur du terme consacré par le concile de Nicée. Dans sa pensée, l’όμοούσιος emportait certainement l’unité numérique de la substance divine. Voir J.F. Bethune-Baker, The meaning of Homoouisos in the « Constantinopolitan » Creed, dans Texts ans studies, Cambridge, 1901, t. VIII, n. I, p. 26-28. Mais il attachait moins d’importance au terme lui-même qu’au dogme dont il était l’expression. A part les ouvrages polémiques où il le défend contre les ariens et des semi-ariens, il se sert peu de l’όμοούσιος, à tel point que, dans les trois premiers discours contre les ariens, ce terme ne paraît qu’une seule fois. Orat., I, 9, P. G., t. XXVI, col. 29. Il se contente d’expressions équivalentes, comme όμοίας ούσιας, όμοιος χατ’ούσιαν, όμοιος χατά πάντα. Dans la querelle des trois hypostases, l’attitude du saint docteur fut très conciliante ; il suffit de rappeler la décision prise au concile d’Alexandrie de 362. Mais pour lui, il continue à identifier ούσια et ύπόσταστς. Epist. ad Afros, 6, P. G., t. XXVI, col. 1039. En réalité, la terminologie trinitaire d’Athanase s’arrête à la simple formule des symboles : un seul Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit. Ce sont là les termes scripturaires qu’il oppose aux termes équivoques des ariens, philosophant sur l’άγέννητος et le γεννητός ; Notre Seigneur, leur dit-il, « nous a ordonné d’être baptisés, non pas au nom de l’άγέννητου et du γεννητόυ, non pas au nom du créateur et de la créature, mais au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. » De decretis nicæn., 31, P. G., t. XXV, col. 474.

Si maintenant nous considérons les trois personnes divines dans leur rapport mutuel, c’est d’abord le Père et le Fils qui nous apparaissent, vrai Père et vrai Fils : « Ils sont deux, puisque le même n’est pas le Père et le Fils, comme le soutient Sabellius, mais le Père est Père, et le Fils est Fils. » Orat. contr. arian., IV, 2, P. G., t. XXVI, col. 470. Et parce que le Père est essentiellement Père, il engendre le Fils de toute éternité et nécessairement, mais sans division ni partage ; génération ineffable dont le docteur alexandrin n’essaie pas de sonder les mystérieuses profondeurs. Viennent ensuite les différents noms de la seconde personne, où se manifeste toujours de plus en plus son inséparable union à la première. C’est le propre Verbe du Fils, ϊόιος τού

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Θεού  ; non pas le Logos-démiurge des philosophes et des ariens, mais le Logos-Dieu, qui est la Raison même du Père et sa propre Sagesse, dans laquelle il a fait toutes choses. Et c’est aussi sa propre, parfaite et immuable image, άπαράλλαχτος είχών.

Le Saint-Esprit est surtout représenté en rapport immédiat avec le Fils. Pour Athanase, comme le Fils rentre dans le Père, le Saint-Esprit rentre dans le Fils, lui étant uni par l’identité de nature, de substance et d’opération : « Le Saint-Esprit est en même relation d’ordre et de nature avec le Fils que le Fils avec le Père. . . Rien qui n’existe et qui ne soit opéré par le Fils dans l’Esprit. . . L’Esprit étant dans le Verbe, il est manifeste qu’il est en Dieu par le Verbe. » Ad Serapion., I, 21, 31 ; III, 6, P. G., t. XXVI, col. 580, 601, 633. Aussi bien, la troisième personne dérive-t-elle de la seconde, comme celle-ci de la première. C’est l’Esprit du Verbe ϊόιος τού Λόγος ; qui procède du Père et que le Père donne par le Fils ; qui reçoit du Fils tout ce qu’il a, et que le Fils donne et envoie. Le Fils est même appelé la source du Saint-Esprit, παρά τώ Θεώ Πατρί όντα τόυ Υιόυ τήν πηγήν τόυ άγίου Πνεύματος, mais dans un ouvrage dont l’authenticité est contestée, De incarn. et contr. arian., 9, P. G., t. XXVI, col. 1000. Comment ne pas reconnaître, en cet ensemble de témoignages, l’équivalent du dogme catholique de la procession du Saint-Esprit ab utroque ? Voir Th. de Régnon, Etudes de théologie positive sur la sainte Trinité, 3° série, Paris, 1898, étude XXI, c. I.

Quand le saint docteur expose ces réalités transcendantales, sa pensée se meut dans un ordre de comparaisons et d’analogies qui emprunte soit à l’Ecriture soit à des images courantes dans le milieu alexandrin. C’est la splendeur qui sort du soleil, sans que la subsistance de ce dernier se divise ou diminue ; elle reste entière, et la splendeur est également entière. C’est le fleuve engendré d’une source : la source n’est point le fleuve, et le fleuve n’est point la source ; mais l’une et l’autre sont une seule et même eau qui coule de la source dans le fleuve. Ainsi la divinité passe du Père au Fils sans division ni partage. De même, s’il s’agit des trois personnes à la fois : ce n’est pas reconnaître trois soleils, que d’admettre un soleil, sa splendeur et une lumière qui procède du soleil dans sa splendeur. Comparaisons et analogies qui font appeler la théologie alexandrine, et celle d’Athanase en particulier, une théologie « dynamique », parce qu’elle présente la divinité comme une vie d’où pullulent toutes les perfections divines.

La méthode théologique dont se sert notre docteur pour prouver la divinité du Fils contre les ariens et celle du Saint-Esprit contre les macédoniens, est aussi simple que concluante. Il leur oppose les témoignages de l’Ecriture qui attribuent soit au Fils, soit au Saint-Esprit les caractères de la divinité, et conclut qu’ils sont consubstantiels à Dieu le Père. La seconde et la troisième lettre à Sérapion, résumé des preuves relatives à la divinité du Fils et du Saint-Esprit, sont un modèle du genre. Le reste est travail de défense, consistant surtout dans l’explication des textes scripturaires que les ariens et les macédoniens invoquaient ou objectaient. Une distinction mérite d’être signalée, car elle est pour Athanase la clef qui ouvre l’intelligence des textes s’appliquant au Verbe incarné ; c’est la distinction fondamentale que fournit la dualité des natures dans le Christ. Il se dit un avec le Père, il créé, il vivifie, il sanctifie ; entendez cela de Dieu, θείχώς. Il se dit inférieur au Père, il ignore et progresse, il souffre et meurt ; entendez cela de l’homme, άνθρωπίνως. En outre, les théophanies de l’Ancien Testament demeurent dans la théologie athanasienne, mais comprises en un sens qui tient le milieu entre la conception des anciens apologistes qui les rapportaient immédiatement au Verbe et celle de saint Augustin qui les rapporte toutes aux anges. Il faut distinguer dans

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les apparitions sensibles, celui qu’on voit et celui qui parle ; on voit un ange sous une forme empruntée, mais en lui c’est le Verbe qui parle. Orat. contr. arian., III, 12-14, P. G., t. XXVI, col. 346-251. J. Tixeront, Histoire des dogmes, Paris, 1909, t. II, p. 67-75.

Grâce. Eglise. Sacrements. ― Le Verbe incarné continue son œuvre ici-bas de deux façons : au dedans, par la grâce ; au dehors, par l’Eglise et les sacrements. Dans ses écrits dogmatiques, Athanase ne s’occupe pas directement de la grâce actuelle, mais il en suppose plus d’une fois la nécessité, surtout quand il met dans tout son jour le profond abaissement où le genre humain était réduit avant la venue du rédempteur. Il est plus explicite dans les écrits moraux ; ainsi les lettres pascales montrent dans la grâce un principe de force et d’illumination qui reste toujours en notre pouvoir. Epist., III, 3 ; V, 1, P. G., t. XXVI, col. 1373-1380. Dans la vie de saint Antoine, parlant des victoires de ce héros chrétien, le biographe ajoute : « Le Seigneur était son aide, συνήργει γάρ ό Κύριος αύτώ ; le Seigneur qui pour nous s’est fait chair, et nous fait triompher de Satan en notre corps, en sorte que quiconque lutte bien peut dire : « Ce n’est pas moi, mais la grâce de Dieu avec moi. » Vita Anton., 5, P. G., t. XXVI, col. 849. Certaines imputations de semipélagianisme sont repoussées par Möhler, Athanase le Grand, trad. franç., t. III, p. 257 sq.

La grâce sanctifiante rentre dans la doctrine sotériologique du saint docteur sous l’idée multiple de nouvelle création, déification, filiation, adoption, sainteté, etc. Elle est nous est communiquée par le Fils dans le Saint-Esprit : « Dans le Saint-Esprit, le Verbe glorifie la créature ; déifiant les hommes et les faisant fils, il les conduit au Père. . . C’est en participant du Saint-Esprit que nous avons la charité du Père, et la grâce du fils, et la communication du Saint-Esprit lui-même. » Epist., I, ad Serap., 25, 30, P. G., t. XXVI, col. 589, 600. Grâce et communication de l’Esprit se perdent par le péché, et se recouvrent par pénitence. Orat. contr. arian., III, 25, ibid., col. 376.

Si de la grâce, principe intérieur de vie surnaturelle, nous passons à l’Eglise, c’est comme une théologie en action qu’il faut voir en saint Athanase. Sa vie entière, sa vie d’évêque surtout, ne fut qu’un grand acte de dévouement à la sainte Eglise de Jésus-Christ, une, catholique, apostolique et romaine. Sa conduite témoigne de son respect et de sa subordination à l’égard de l’évêque de Rome et de son siège qu’il appelle άποστολιχός θρόνος. Histor. arian., 35, P. G., t. XXV, col. 733. Ses grandes indignations furent contre ces prélats ariens qui, par leur ambition personnelle, leur servilité à l’égard des princes et la multiplicité de leurs symboles, sacrifiaient l’indépendance de l’Eglise et brisaient l’unité de régime et l’unité de foi. Les vrais chrétiens ne déchirent pas la tunique du Christ ; ils mangent la Pâque du Seigneur dans une seule maison, l’Eglise catholique. Ils ne forment qu’une bergerie, sous un seul chef qui est le Christ. Epist. heort., V, 4, P. G., t. XXVI, col. 1382 ; Tomus ad Antioch., 8, ibid., col. 806. Leur foi est la foi catholique, que les apôtres ont transmise par les Pères, έχ τών άποστόλων διά τών Πατέρων. Epist., II, ad Serap., 8, P. G., t. XXVI, col. 620. Aussi l’un des premiers arguments du saint docteur contre les hérétiques consiste à leur opposer la catholicité et l’apostolicité de la doctrine qu’ils rejettent. En face de leurs « inventions », il dit d’abord : « Pour leur répondre il suffit de ces quelques mots : Ce n’est point là la foi de l’Eglise catholique, ce n’est point là la foi des Pères. » Epist. ad Epictet, 3, P. G., t. XXVI, col. 1056. Par conséquent, ayant renoncé à la foi apostolique, les hérétiques et les schismatiques n’appartiennent plus à l’Eglise catholique ; on ne doit pas les appeler chrétiens, mais ariens ou de tout autre nom de leur secte. Orat. ad arian., I, 1-2 ; III, 28, P. G., t. XXVI, col. 14-15, 384. On doit éviter leur commu-

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nion. Epist. ad monachos, ibid., col. 1188. Attitude où l’on a dénoncé la haine théologique et la domination dogmatique qui adjoint aux données des textes sacrés le produit de conceptions métaphysiques ; en réalité il n’y a là que la conviction profonde que l’Eglise catholique et ses défenseurs ont de l’origine des divine des vérités en jeu.

Les sacrements ont été donnés par Notre Seigneur à son Eglise comme des signes sensibles de la grâce et des principes extérieurs de sa sanctification. Saint Athanase ne parle pas de tous ceux que le dogme catholique reconnaît ; arguments négatifs dont certains protestants, comme H. Voigt, n’ont pas manqué d’abuser contre l’Eglise romaine. Il mentionne surtout le baptême, principe de rénovation et de régénération spirituelle, Orat. contr. arian., III, 33 ; Epist., IV, ad Serap., P. G., t. XXVI, col. 396, 655. A-t-il tenu que la validité de ce sacrement dépendait de la foi du ministre ? Beaucoup le concluent d’un passage où, parlant du baptême donné par les ariens, même selon la formule traditionnelle, il se refuse à y voir un vrai baptême : « Car ce n’est pas celui qui dit : Seigneur, qui donne, mais celui qui, avec le nom tient la vraie foi. » Orat. contr. arian., II, 42-43, P. G., t. XXVI, col. 236-237. Néanmoins, on est en droit de se demander s’il s’agit de la validité, ou seulement de l’efficacité du serment ; on ne voit pas qu’en pratique, soit en général, soit au concile des confesseurs en particulier, il ait été question d’imposer un nouveau baptême aux ariens qui revenaient à l’Eglise. Voir Montfaucon, Prolegom., P. G., t. XXV, p. XXXI.

L’Eucharistie apparaît plusieurs fois dans les œuvres incontestées d’Athanase. Il parle des sanctuaires chrétiens qui ont pour ornement le sang du Christ et la célébration de ses mystères. Apol. contr. arian., 5, P. G., t. XXV, col. 256. Dans ses Lettres pascales, c’est une perpétuelle antithèse entre la Pâque des juifs et la Pâque des chrétiens, comme entre l’ombre et le corps, la figure et la réalité, la prophétie et l’accomplissement : « Notre Seigneur est le pain céleste, et devient l’aliment des chrétiens, suivant ces paroles : « Si vous ne mangez ma chair et ne buvez mon sang » . . . Notre Seigneur promit à ses apôtres de leur faire manger désormais non plus la chair d’un agneau, mais sa proche chair, en disant : « Prenez, manges et buvez ; ceci est mon corps et mon sang. » Epist., I, 5 ; IV, 4 ; P. G., t. XXVI, col. 1364-1379. Comment ne pas voir le sacrifice eucharistique dans cette phrase : « Maintenant nous n’immolons pas un agneau matériel, mais ce véritable agneau qui a été immolé, Notre Seigneur Jésus-Christ ? » Et comment ne pas voir la préparation à la communion pascale dans cette exhortation : « Mais pour être dignes de nous approcher de l’agneau divin, et de toucher au mets céleste, purifions nos mains et notre corps, ayons la conscience pure de tout mal. » Epist., IV, 9 ; V, 5, ibid., col. 1365-1383. Voir encore Orat. contr. arian., IV, 36 ; De incarn. Verbi Dei et contr. arian., 16 ; et le passage cité par Théodoret, P. G., t. XXVI, col. 524, 1012, 1240. Si, dans la quatrième lettre à Sérapion, n. 9, saint Athanase parle de nourriture céleste et d’aliment spirituel, tout le contexte montre qu’il ne nie pas la réalité de la chair eucharistique, mais qu’il a seulement en vue l’état particulier où elle se trouve et les effets qu’elle destinée à produire en ceux qui la reçoivent. Möhler, Athanase le Grand, trad. franç., Paris, 1840, t. III, p. 263 sq.

Au sujet de la pénitence, deux textes sont attribués au saint docteur, tirés l’un d’une Chaîne sur Jérémie, l’autre d’une homélie sur ces paroles : Profecti in pa gum, P. G., t. XXVI, col. 1316 ; t. XXVIII, col. 184. Dans le premier, l’effet de l’absolution sacerdotale est comparé à celui du baptême ; dans le second, le pouvoir de remettre les péchés est attribué aux disciples de Jésus. Mais l’authenticité de ces textes est en question. Enfin,

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par ce qui est raconté d’Ischyras dans l’Apologia contra arianos, 11-12, P. G., t. XXV, col. 270, nous voyons que l’ordination se pratiquait par l’imposition des mains, et qu’on tenait pour nulle l’ordination sacerdotale faite par un simple prêtre.

Sainte Ecriture. ― Comme archevêque d’Alexandrie, Athanase nous a laissé, dans sa lettre pascale pour l’année 367, un catalogue des Livres saints de l’Ancien et du Nouveau Testament. P. G., t. XXVI, col. 1436. Complet pour le Nouveau Testament, ce catalogue ne comprend pour l’Ancien Testament que les livres contenus dans le canon juif, avec cette particularité toutefois que le livre de Baruch s’y trouve et que celui d’Esther y est omis. » « Ce sont là les sources du salut. » Viennent ensuite les livres non canoniques, ού χανονιζόμενα, mais lus officiellement aux catéchumènes : la Sagesse, l’Ecclésiastique, Esther, Judith, Tobie, la Doctrine des Apôtres et le livre du Pasteur. En dernier lieu, les apocryphes, « inventions des hérétiques. » Ajoutons que dans ses écrits le saint docteur a fait usage, même dogmatiquement, de tous les deutérocanoniques de l’Ancien Testament. Cornley, Historica et critica introductio in U. T. libros sacros, 2° édit., Paris, 1894, t. I, p. 99-101 ; T. Zahn, Athanasius und der Bibelkanon, Erlangen et Lepizig, 1901. Cf. Revue d’histoire ecclésiastique de Louvain, 15 janvier 1902, p. 147-148.

Toujours, dans ses discussions avec les hérétiques, Athanase met en première ligne l’Ecriture. Mais il est loin d’admettre le principe du libre examen ou de l’exégèse rationaliste : « Les hérétiques, dit-il dans sa seconde lettre pascale, n. 6, lisent bien les Ecritures, mais ils ne tiennent pas compte de l’interprétation des saints ; les entendant selon des traditions humaines, ils en ignorent le vrai sens et tombent dans l’erreur. » P. G., t. XXVI, col. 1370. A ceux qui veulent pénétrer dans l’esprit de l’Ecriture, il faut encore, comme disposition préalable, la pureté de cœur et l’intégrité des mœurs.

L’exégèse du docteur alexandrin se ressent de son milieu par l’usage de l’interprétation allégorique, surtout dans son œuvre de jeunesse et ses écrits moraux. Dans ses lettres pascales il excelle, comme l’a remarqué Mgr Freppel, Commodien, p. 159, « à saisir les points de contact et à tracer les lignes de séparation qui existent entre l’ancienne et la nouvelle alliance. Son esprit subtil et pénétrant devin sans peine le sens spirituel des observances mosaïques. » Mais, dans ses traités dogmatiques, saint Athanase tranche fortement sur l’école d’Alexandrie par le souci du sens littéral. Il rappelle souvent à l’ordre les ariens, en les avertissant que, pour bien entendre un auteur sacré, il faut considérer à quelle occasion et de qui il a parlé, et quelle raison il a eue d’écrire. Sa propre exégèse, sans être partout irréprochable, est habituellement solide, suggestive et d’une grande valeur théologique. Il ignorait évidemment l’hébreu et s’en tient, pour l’Ancien Testament, à peu près exclusivement au texte de la version des Septante. Sur l’explication et l’emploi de l’Ancien Testament par Athanase, voir Atzberger, Die Logoslehre, appendice, p. 233-246.

III. GRANDEUR D’ATHANASE. ― Dans sa Défense de la Tradition et des saints Pères¸ Bossuet, a dit que « le caractère de saint Athanase, c’est d’être grand partout ». Le mot est vrai de l’homme, de l’écrivain, du docteur, du saint.

Athanase fut grand comme homme, par la trempe de son caractère et sa vigueur intellectuelle, par le dévouement total et désintéressé à une noble cause, par les qualités qui font les hommes d’influence et d’action. « Il fut du nombre de ces esprits vigoureux, tels que les réclament les époques décisives. Constamment, pendant sa vie si remplie de vicissitudes, il se montra prêt à endurer les dernières souffrances pour sa conviction ; et il y demeura inébranlable ; il s’efforça de le défendre contre toutes les attaques, d’entraîner sur ses pas les esprits

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oscillants ; et persuadé de la haute importance de sa mission, animé en même temps d’une sage condescendance, il était, à ce double titre, éminemment propre à marcher à la tête de son parti, et à soutenir dans cette difficile position. La grandeur de son caractère est hors de doute. » Ritter, Histoire de la philosophie chrétienne, trad. J. Trullard, Paris, 1844, t. II, p. 26.

Athanase fut grand comme écrivain. Non qu’il ait été un littérateur de profession, ce fut plutôt un penseur et, dans ses écrits comme dans sa conduite, un homme d’action ; mais cela même donne à sa langue un cachet particulier et des qualités solides qui l’ont fait admirer par les plus grands maîtres. « Son style, dit Photius, est clair, sobre et précis, mais en même temps nerveux et profond ; sa dialectique est puissante, et sa fécondité merveilleuse. Il argumente, non à la manière d’un écolier, en suivant pas à pas les règles de la logique ; mais en maître, et avec magnificence. » Biblioth., cod. 140, P. G., t. CIII, col. 420. Erasme partageait l’admiration de Photius et louait en particulier cette éloquence forte de choses allant droit au but, totus est in explicanda re. D’autres ont relevé de don particulier que possède Athanase d’allier dans un style clair et simple la mâle éloquence de la phrase antique et les pittoresques images de la Bible. Voir E. Fialon, Saint Athanase, Etude littéraire, c. XI ; Montfaucon, De stylo Athanasii, P. G., t. XXV, Prolegom., p. XXIII sq.

Athanase fut grand comme docteur. Ce n’est pas à prouver, quand ceux au front desquels brille cette auréole, se sont inclinés devant lui. Ils l’ont appelé le grand illuminateur, pilier pierre fondamentale de l’Eglise. Voir les Elogia veterum, P. G., t. XXV, Prolegom., p. CCLXXIV sq. Peu d’hommes tiennent, en effet, dans l’histoire de l’Eglise, une place plus importante. Dieu lui donna la mission de défendre une cause d’une exceptionnelle grandeur ; il fut digne de ce choix, et, par un juste retour, la grandeur de la cause a rejailli sur le champion du Verbe incarné.

Athanase fut grand comme saint. Le récit de sa vie est un panégyrique, a dit justement Möhler, et Grégoire de Nazianze a pu commencer son célèbre discours par ces paroles : « Louer Athanase, c’est louer la vertu, même. N’est-ce pas, en effet, célébrer les louanges de la vertu, que de faire connaître une vie qui réalisa toutes les vertus ensemble ? » Orat., XXI, P. G., t. XXXV, col. 1082. Dans cette sainteté, comme dans cette vie, une passion fit l’unité, celle dont le duc de Broglie a dit : « Athanase était enflammé, dès sa jeunesse, de la passion qui fait les saints, l’amour de Jésus-Christ. » Cet amour du Verbe incarné explique tout Athanase. Il explique ses travaux, ses joies et ses épreuves, ses amitiés et ses sympathies. Il explique aussi ses antipathies, ses indignations, sa haine réelle de l’hérésie et ses invectives contre ceux qui l’entretenaient ; il les explique, comme l’amour de Jésus-Christ pour son père céleste explique le fouet levé contre les vendeurs du Temple et les Væ Vobis lancés aux pharisiens hypocrites ou endurcis.

Athanase reste l’une des plus grandes et des plus nobles figures dont s’honore l’humanité. Avec saint Théodore Studite, Iambi, LXXI, P. G., t. XCIX, col. 1800, nous pouvons saluer en lui un vaillant athlète dont les travaux sont au-dessus de toute louange ; la gloire des docteurs ; un géant qui, luttant pour Dieu a triomphé des plus redoutables ennemis.
 
 

Τίς τούς άγώνας τών πόνων τών σών φράσοι,

Ώ πενταθλητά τών διδασχάλων χλεός ;

Ύπέρ Θεοϋ γάρ ώς γίγας δραμών μέγας,

Στεφηφορών χαθεϊλες έχθρούς παγχάχους.
 
 

I. Etudes sur la doctrine de saint Athanase. ― 1° Parmi les catholiques : Montfaucon, Præfat., IV, P. G., t. XXV, p. XXVIII sq. ; dom. Cellier, Hist. gén. des auteurs sacrés, 2° édit., Paris, 1865, c. II, a. 6 ; abbé Barral, Etude sur saint Athanase le Grand, in-8°, Paris, 1863 ; Gott das Wort und sein schöpferisches, wieder-

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herstellendes und weltregierendes Walten, nach dem hl Athanasius dargestellet, par un prêtre catholique, in-8°, Munich, 1879 ; L. Atzberger, Die Logoslehre des hl Athanasius, ihre Gegner und unmittelbaren Vorläufer, in-8°, Munich, 1880 ; G. A. Pell, Die Lehre des hl Athanasius von der Sünde und Erlösung. Eine dogmengeschichtliche Studie, in-8°, Passau, 1888 ; H. Sträter, Die Erlösungslehre des hl Athanasius. Dogmenhistorische Studie, in-8°, Fribourg-en-Brisgau, 1894 ; F. Lauchert, Die Lehre des hl Athanasius des Grossen, in-8°, Lepizig, 1895 ; J. Schwane, Dogmengeschichte der patristichen Zeit, 2° édit., Fribourg-en-Brisgau, 1895, passim, table, p. 883. ― Parmi les protestants : H. Voigt, Die Lehre des Athanasius von Alexandrien, in-8°, Brême, 1861 ; C. Vernet, Essai sur la doctrine christologique d’Athanase le Grand, in-8°, Genève, 1879 ; A. Eichhorn, Athanasii de vita ascetica testimonia collecta, in-8°, Halle, 1886 ; J. A. Dorner, History of the development of the doctrine on the person of Christ, trad. angl., Edimbourg, 1897, part. I, t. II, passim ; A. Harnack, Lehrbuch der Dogmengeschichte, 3° édit., Fribourg-en-Brisgau, 1894, t. II, passim ; A. Stülcken, Athanasiana, et K. Hoss, Studien über das Schrifttum und die Theologie des Athanasius, déjà cités.

II. Etudes diverses, se rapportant d’une façon plus générale à la personnalité, au caractère, à l’influence d’Athanase. ― 1° Catholiques : Möhler, Athanase le Grand, déjà cité ; Hergenröther, Athanasius, der Grosse, dans Görres-Gesellschaft, Vereinschrift für 1876, p. 1-24. 2° ― Protestants : F. Böhringer, Athanasius und Arius, déjà cité ; J. Kaye, Some account of the concil of Nicæa, in connexion with the life of Athanasius, in-8°, Londres, 1853 ; Stanley, Lectures on the History of the Eastern Church, Londres, 1861, 7° lect. ; Farrar, Lives of the Fathers, Edimbourg, 1889, t. I, p. 445-571 ; G. Krüger, Die Bedeutung des Athanasius, dans Jahrbücher für protestantische Theologie, 16° année, Brunswig, 1890, p. 337-356 ; Robertson, Select writings and letters of Athanasius, Prolegom., c. IV.

Voir encore, pour divers ouvrages et articles non cités au cours de cette étude, U. Chevalier, Répertoire des sources historiques du moyen-âge. Bio-bibliographie, au mot Athanase, et Supplément, col. 2429.

X. LE BACHELET.
2. ATHANASE (Symbole de saint). ― I. Noms. II. Texte. III. Unité. IV. Origine : 1° date, 2° lieu de composition, 3° auteur. V. Autorité.
I. NOMS. ― Nous avons sous le nom de saint Athanase un symbole de foi dont le texte est entré dans le bréviaire romain : c’est le Quicunque vult salvus esse. Plusieurs anciens manuscrits du VIIIe siècle ne lui donnent aucun titre ; dans d’autres manuscrits, généralement plus récent (IXe ou Xe siècle), on trouve les appellations de Fides catholica, Fides sancti Athanasii, Fides sancti Athanasii episcopi, Fides catholica sancti Athanasii episcopi, Fides catholica edita a sancto Athanasio Alexandriæ episcopos, ou même Hymnus Athanasii de fide Trinitatis, etc. ; et l’opinion qui l’attribue à saint Athanase est certainement fort ancienne, puisque l’auteur du commentaire de l’Oratoire (ms. du Xe ou XIe siècle), que l’on soupçonne d’être Théodulfe d’Orléans († 821) affirme qu’il le lui a toujours attribué dans les anciens manuscrits : Traditur enim quod a beatissimo Athanasio alexandrinæ ecclesiæ antestite sit editum : ita namque semper eum vidi prætitulatum etiam in veteribus codicibus. Burn, The athanas. creed, p. LIV. Cependant un psautier de Cambridge (272 O. 5), du IXe siècle, donne : Fides sancti Anasthasii espicopi, leçon que dom G. Morin (Science catholique, 15 juillet 1891, p. 679, 680) a signalée ailleurs ; et un manuscrit du XIVe siècle, édité par Montfaucon, P. G., t. XXVIII, col. 15573, 1593, et qui porte en regard une traduction française, fait précéder cette traduction de la note : Ce chant fut sainct Anaistaise qui apostoilles de Rome, tandis qu’il donne au texte latin le titre de Canticum Bonefacii, désignant sans doute par là le grand évêque de Mayence martyrisé en 755, qui aura répandu dans les Gaules l’usage du Quicunque comme chant d’office. Dom G. Morin, loc. cit., p. 679.
II. TEXTE. ― Voici maintenant le texte du Quicunque tel qu’il se dégage des manuscrits des VIIIe et IXe siècles et des plus anciens commentaires. Je l’emprunte à M. Burn, op. cit., p. 4-6, en conservant sa numérota-
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tion des articles. Elle nous servira pour les discussions qui vont suivre.
 
 

1. Quicunque vult salvus esse ante omnia opus est ut teneat catholicam fidem, 2. quam nisi quisque integram inviolatamque servaverit absque dubio in æternum peribit. 3. Fides autem catholica hæc est ut unum deum in trinitate et trinitatem in unitate veneremur : 4. neque confudentes personas, neque substantiam separantes. 5. Alia est enim persona patris alia filii alia spritus sancti, 6. sed patri et filii et spritus sancti una est divinitas, æqualis gloria, coæterna majestas. 7. Qualis pater talis filius talis et spiritus sanctus. 8. Increatus pater increatus filiius increatus et spiritus sanctus. 9. Immensus pater immensus fillius immensus et spiritus sanctus. 10. Æternus pater æternus fillius æternus et spiritus sanctus : 11. et tamen non tres æterni sed unus æternus. 12. Sicut non tres increati nec tres immensi sed unus increatus et unus immensus. 13. Similiter omnipotens pater omnipotens filius omnipotens et sipritus sanctus, 14. et tamen non tres omnipotens sed unus omnipotens. 15. Ita deus pater deus filius deus et spiritus sanctus. 16. et tamen non tres dei sed unus est deus. 17. Ita dominus pater dominus filius dominus et spiritus sanctus, 18. et tamen non tres domini sed unsu est dominus. 19. Quia sicut singillatim unamquamque personam et deum et dominum confiteri christiani veritate compellimur, ita tres deos aut dominos dicere catholica religione prehibemur. 20. Pater a nullo est factus nec creatus, nec genitus. 21. Filius a patre solo est, non factus nec creatus sed genitus. 22. Spiritus sanctus a patre et filio, non factus nec creatus nec genitus sed procedens. 23. Unus ergo pater non tres patres, unus filius non tres filii, unus spiritus sanstus non tres spiritus sancti. 24. Et in hac trinitate nihil prius aut posterius, nihil maius haut minus, sed totæ tres personæ coæternæ sibi sunt et coæquales : 25. ita ut per omnia sicut iam supradictum est et trinitas in unitate et unitas in trinitate veneranda sit. 26. Qui vult ergo salvus esse ita de trinitate sentiat. 27. Sed necessarium est ad æternam salutem ut incarnatiom quoque domine nostri Iesu Christi fideliter credat. 28. Est ergo fides recta ut credamus et confiteamur quia dominus noster Iesu Christi dei filius deus pariter et homo est. 29. Deus est ex substantia patris ante sæcula genitus, et homo est ex substantia matris in sæculo natus. 30. Perfecus deus, perfectus homo ex anima rationali et humana carne subsistens. 31. Æqualis patri secundum divinitatem, minor patri secundum humanitatem. 32. Qui licet deus sit et homo non duo tamen sed unus est Christus. 33. Unus autem non conversione divinitatis in carne sed assumptione humanitatis in deo. 34. Unus omnino non confusione substitiæ sed unitate personæ. 35. Nam sicut anima rationalis et caro unus est homo, ita deus est homo unus est Christus : 36. qui passus est pro salute nostra, descendit ad inferna, resurrexit a mortuis, ascendit ad cælos, sedet ad dexteram patris : 37. inde venturus judicare vivos et mortuos, 38. ad cujus adventum omnes homines resurgire habent cum corporibus suis et reddituri sund de factis propriis rationem. 39. Et qui bona egerunt ibunt in vitam æternam, qui vero mala in ignem æternum. 40. Hæc est fides catholica quam nisi quisque fideliter firmiterque crediderit salvus esse non poterit.
 
 

III. UNITE. ― La première question qui se pose pour ce texte, et qu’il faut traiter avant celle de son origine, est la question de son unité. Il suffit, en effet, d’un regard superficiel pour voir que le Quicunque se divise en deux parties bien distinctes : l’une (1-26), qui expose la doctrine trinitaire, l’autre (27-40), qui expose la doctrine christologique. Ces deux parties sont-elles de la même plume, et la composition entière est-elle d’un seul jet ? Plusieurs critiques l’ont nié et le nient encore. Citons parmi les anglais MM. Swainson et Lumby, et entre les allemands, M. Harnack. D’après eux, il y aurait eu primitivement deux écrits distincts et indépendants, l’un trinitaire, l’autre christologique. Le premier daterait, dans sa rédaction fondamentale, du Ve siècle ; l’origine du second est complètement obscure. Après avoir cheminé isolément, ils auraient été, dans les premières années du IXe siècle, soudés ensemble de façon à présenter une composition continue. Le texte en resta flottant et indécis pendant quelques temps ; puis il atteignit vers l’an 850 sa forme actuelle et définitive. C’est la date donnée par M. Lumby, History of the creeds, 3° édit., 1887, p. 259 sq. M. Harnack, qui s’était d’abord, comme lui, arrêté au IXe siècle, Dogmengeschichte, t. II, p. 299, a depuis modifié son opinion, et il accorde dans

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son troisième volume, p. 270, que l’union des deux parties a pu se faire dès le VIe siècle.

Sur quoi s’appuie l’avis de ses critiques ? Leurs arguments sont de diverse nature : 1° D’abord certaines citations du Quicunque qui supposent, par leur teneur, que l’écrivain, en les faisant, n’avait sous les yeux qu’une des deux moitiés du texte complet : a) Le manuscrit de Vienne 1261 du XIIe siècle : c’est une collections de sermons et d’écrits attribués à saint Augustin. Dans un de ces sermons l’orateur cite du Quicunque l’article 3, puis plus loin les articles 1-6, 24, 26, sur quoi il se met à parler des épreuves de la vie, fait une description du jugement, et conclut sans un mot sur la deuxième partie du symbole. b) La profession de foi que Denebert, évêque élu de Worcester, présenta à Ethelhard, archevêque de Cantorbéry, vers l’année de 798. Il y récite les articles 1, 3-6, 20-22, 24, 25 du Quicunque, puis promet d’observer les décrets des papes et de garder la foi et la discipline des six conciles généraux. Des articles du symbole sur l’incarnation, rien. c) Le fragment de Trèves (Bibliothèque nationale, 3836, VIIIe siècle) ; le copiste qui l’a écrit nous dit qu’il l’a trouvé dans un manuscrit plus ancien à Trèves : Hæc invini Treviris in uno libro scriptum sic incipiente Domini nostri Ihesu Christi, et reliqua. Suit le texte, qui comprend la dernière partie de l’article 27, Domini nostri Ihesu Christi fideliter credat, jusqu’à la fin : le verset 35 seul est omis. d) Ajoutons que le plus ancien commentaire que nous ayons du Quicunque, celui qui porte le nom de Fortunat ou d’Euphronius (Ve siècle ?) omet l’explication des articles 2, 12, 14, 20-22, 24 en partie, 27. Le commentaire de Troyes (c. 780-820) omet également celle des articles 2, 12, 20-22, 26, 27. Ces deux commentaires connaissaient-ils donc les versets qu’ils n’expliquent pas ? ― 2° Le second ordre d’arguments est tiré du silence des auteurs. Si le Quicunque a existé complet au VIIIe siècle, comment des hommes comme Paulin d’Aquilée, Alcuin, Raban Maur l’ont-ils ignoré ? Comment un pareil document, se réclamant au nom d’Athanase n’a-t-il pas joui de plus d’autorité, n’a-t-il pas été plus souvent cité et exploité ? Comment surtout ne s’en est-on servi comme d’une arme victorieuse contre l’adoptianisme ? ― 3° Enfin M. Harnack a fait valoir, dans le même sens, des considérations tirées de la structure même du texte. Ce texte manque d’unité organique : la doctrine sur l’incarnation n’est nullement annoncée d’abord : la fides catholica c’est la Trinité seulement : fides autem catholica hæc est ut unum deum in trinitate, etc. Avec l’article 26 : qui vult ergo salvus esse, lequel est un retour à l’article 1, s’achève évidemment tout le dessein de l’auteur primitif. Les articles 27 et 28 qui rattachent les deux parties sont un lien factice. On remarque d’ailleurs entre ces deux parties des expressions différentes pour signifier la même idée : comparez, par exemple, 1 et 2 avec 27, 28 et 40.

Tels sont les arguments des critiques qui voient dans le Quicunque une œuvre composite. Ces arguments sont-ils décisifs ? Je ne le pense pas. 1° Notons d’abord que l’existence de quatre manuscrits, au moins, du VIIIe siècle comprenant le texte entier (Paris, Bibl. nat., 13159 [795-800] ; Paris, Bibl. nat, 1451, [c. 796] ; Milan, Bibl. ambr., O. 212 [VIIIe siècle] ; et l’original du Psautier d’Utrecht, Claudius, C. VIII [la copie est du commencement du IXe siècle]) ruine par la base l’opinion qui rejette au IXe siècle la soudure des deux parties, et infirme l’argument tiré des citations incomplètes. Mais, d’ailleurs, il est certain : a) qu’on ne saurait baser aucune conclusion sur le manuscrit de Vienne 1261, le sermon dont il s’agit n’étant pas identifié et ses citations étant fort libres ; b) que le fragment de Trèves est mutilé au commencement, et qu’on ignore ce qu’il contenait avant ce qu’il en reste ; c) que la profession de foi de Denebert est écourtée même pour la partie du symbole qu’elle

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cite, et que l’on peut supposer à l’évêque de Worcester de bonnes raisons pour n’avoir pas cité la seconde ; d) enfin, que le texte contenu dans les commentaires de Fortunat et de Troyes, s’il peut, en raison de ses lacunes, servir à prouver l’existence d’un développement ultérieur du texte primitif, fournit aussi une preuve péremptoire que, dans la première rédaction, les deux parties, trinitaire et christologique, étaient représentées. ― 2° Le second ordre d’arguments n’est pas plus convaincant ; car s’il est vrai que Raban Maur et Eginhard semblent semblent ignorer le Quicunque, leurs contemporains le connaissent, et Alcuin et Paulin d’Aquilée, s’ils ne citent pas ad verbum, s’en rapprochent du moins singulièrement et pourraient bien s’en être inspirés. Pour l’autorité dont devait jouir le Quicunque, même sous le nom d’Athanase, il est difficile de la définir au juste. Son usage, dans la liturgie, tout était local, on l’a considéré sans doute d’abord comme un chant d’église que comme un symbole authentique, marchant de pair avec celui de Nicée par exemple. Ajoutons que si ses principes (articles 32-35) condamnaient d’avance l’adoptianisme espagnol, comme le faisaient d’ailleurs ceux de saint Augustin et de saint Ambroise, il ne fournissait pas contre cette hérésie de trait direct. ― 3° Quant aux observations de M. Harnack, il est exact que le Quicunque n’a pas été rédigé, comme le symbole des apôtres ou celui de Nicée, dans une unité littéraire et organique qui en maintienne liés les divers énoncés : Credo in Deum. . . et in Iesum Christi. . . et in Spritum Sanctum ; mais c’était là une conséquence nécessaire du développement donné aux doctrines trinitaire et christologique, et surtout de la forme sentencieuse adoptée pour les formuler : on n’en saurait rien conclure contre l’unité de composition. Nous avons d’ailleurs de ce même procédé un exemple analogue et frappant : c’est celui de la Fides Romanorum attribuée à saint Damase, et qui est plutôt de saint Phæbade d’Agen († c. 392). Les deux parties qui regardent la trinité et l’incarnation sont si peu jointes ensemble dans la rédaction, que plusieurs manuscrits ont mis un Explicit à la fin de la première, pour commencer ensuite la seconde avec le titre Incipit ejusdem sermo. V. Burn, op. cit., p. 61, 62. A-t-on le droit cependant de dire que l’écrit n’est pas d’un seul jet ? Nullement. Et pas davantage pour le Quicunque. Dans celui-ci la fides catholica de l’article 3 s’applique aussi bien à la deuxième qu’à la première partie du symbole. Divisons cet article, et mettons, par la pensée, un primo après hæc est ; qu’est-ce qui peut nous en empêcher ?

On n’a donc pas apporté, croyons-nous, contre l’unité de composition du Quicunque, de preuve qui l’ébranle sérieusement. Est-ce à dire que, depuis son origine, le texte n’en as subi aucun développement ? Je n’oserais l’affirmer, alors que le symbole des apôtres lui-même a connu ce genre d’altération. Le commentaire de Fortunat, qui représente peut-être la plus ancienne forme du Quicunque, offre, comme on l’a vu, des lacunes importantes. Quelques-unes s’expliquent sans peine ; d’autres omissions, celle surtout des articles 20-22, se comprennent moins bien, et il est prudent, semble-t-il, de ne pas donner ici une solution trop radicale. Des énumérations comme celle des versets 8, 9, 10, 15, 17 pouvaient aisément être multipliées même par de simples copistes, sans que le fond doctrinal fût d’ailleurs modifié.

IV. ORIGINE. ― L’origine du Quicunque serait immédiatement fixée dans le temps et l’espace, si nous pouvions nommer son auteur. Ne le pouvant pas, au moins directement, force nous est d’en rechercher séparément la date approximative et la partie, rétrécissant ainsi le champ des hypothèses, et déterminant, sinon un écrivain, du moins un groupe d’écrivains à qui l’on doive vraisemblablement l’attribuer.

Mais d’abord il faut écarter sur cet auteur les opinions

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certainement fausses. De ce nombre est, sans conteste, l’opinion, régnante jusqu’à Vossius (1642), qui a vu dans le Quicunque l’œuvre de saint Athanase. Cette conclusion étant de celles qui ne se discutent plus, je ne m’y arrête pas davantage. On peut seulement se demander pourquoi notre symbole porte le nom du grand évêque d’Alexandrie, et la réponse est aisée, si l’on remarque que ce nom est intimement lié non seulement au triomphe de la doctrine du consubstantiel, mais aussi aux premières luttes christologiques de l’apollinarisme. La doctrine de l’incarnation, en réalité, ne doit guère moins à saint Athanase que celle de la trinité. ― Bien plus, loin d’être l’œuvre de saint Athanase, le Quicunque n’appartient même pas à l’Eglise grecque. Les grecs ne l’ont connu que fort tard, et les textes qu’ils en possèdent, peu concordants entre eux, présentent tous les caractères de traductions. Voir P. G., t. XXVIII, col. 1579, 1581, 1585, 1587, où l’on trouvera quatre de ces traductions éditées par Montfaucon. Cf. Caspari, Quellen zur Geschichte des Taufsymbols, t. III, p. 263-267. Que l’on remarque maintenant l’affirmation catégorique, bien que discrète, de la procession du Saint-Esprit a patre et filio (a. 22), l’égalité rigoureusement maintenue, on seulement dans les termes, mais dans tout le ton du symbole, entre les trois personnes divines, l’absence de όμοούσιος et, comme nous le verrons tout à l’heure, le cachet augustinien de toute cette théologie ; ce sont là des indices infaillibles qui ne sauraient nous tromper, et qui, indépendamment de ce qui nous reste à dire, devraient nous empêcher de voir dans le Quicunque un produit de l’Eglise orientale.

C’est donc chez les latins qu’il faut chercher la patrie et l’auteur. Voyons d’abord à quelle date.

I. DATE. ― Nous ne trouvons, avant le Ve siècle, aucune trace du Quicunque. En revanche, nous voyons, dans notre symbole, l’apollinarisme clairement visé et condamné au verset 30 ; et dans les versets 8-18 ce symbole emprunte si visiblement les procédés de styles et les expressions mêmes de saint Augustin (voir plus loin), qu’il faut nécessairement supposer qu’il lui est postérieur ou contemporain. N’oublions pas, d’ailleurs, que c’est le grand évêque d’Hippone qui, le premier, a formulé nettement la procession du Saint-Esprit a patre et filio, et en a, par son autorité, rendu dans l’Eglise latine la doctrine universelle. Tout ceci nous reporte, pour la composition du Quicunque, aux années 420-430 au plus tôt. ― Maintenant les articles 32-35 ne nous obligent-ils point à descendre plus bas, après le premier éclat des hérésies nestorienne et eutychéenne qui semblent y être en cause ? M. Burn, loc. cit., p. LXXIV, suivant ici Waterland, p. 144, ne le pense pas. Il croit qu’une préoccupation antiapollinariste suffit à expliquer ces versets, surtout le verset 34. Il ne voit, dans tout ce passage, rien qui aille expressément contre ces hérésies ; et j’avoue que si l’on veut ne s’en tenir uniquement à la doctrine et aux expressions qui la traduisent, on trouve, en effet, celles-ci toutes entières déjà dans saint Augustin sans aucun vue ultérieure sur Nestorius ou Eutychès. Voyez, par exemple, Enchiridion, XXXV, P. L., t. XL, col. 250 ; In Joa., tr. XXVII, 4, t. XXXV, col. 1617 ; Serm., CLXXXVI, 1, t. XXXVIII, col. 999 ; Epist., CXL, c. IV, n. 12, t. XXXIII, col. 542-543. L’évêque d’Hippone a employé, lui aussi, pour éclairer l’union du Verbe et de l’humanité en J.-C., l’exemple de l’union du corps et de l’âme en nous. Epist., CXXXVII, c. III, n. 11, t. XXXIII, col. 520 ; In Joa., tr. XIX, 15, t. XXXV, col. 1553. Cela est vrai ; mais si les seuls écrits de saint Augustin peuvent expliquer le fond et la forme du développement christologique du Quicunque, ils ne suffisent pas à expliquer l’existence de ce développement lui-même, et pourquoi l’auteur l’a introduit ici. Pour que cet auteur ait jugé indispensable d’insister sur ce point, et de nous dire solennellement, comme il l’a fait pour la trinité :

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Sed necessarium est ad æternam salutem ut incarnationem quoque Domini nostri Jesu Christi fideliter credat, il faut qu’il y ait eu quelque raison particulière et pressante. On allègue comme raison, je le sais, d’un côté l’apollinarisme qui n’était au fond que le monophysisme, et de l’autre, certaines doctrines de Léporius et de Julien d’Eclane qui touchaient de bien près au nestorianisme, si elles n’étaient le nestorianisme lui-même. Mais n’est-ce pas accorder à ces erreurs, aux dernières surtout, trop d’importance que de les supposer en cause dans le développement dogmatique dont nous nous occupons ? Mieux vaut, ce me semble, descendre au moins jusqu’à la période nestorienne de 430-440, pour fixer le terminus a quo de la rédaction du Quicunque.

M. Harnack, Dogmengeschichte, t. III, p. 270, voudrait nous faire descendre plus bas encore, et nous entraîner jusqu’au commencement du VIe siècle, du moins pour la partie christologique de notre symbole. Il s’appuie sur la présence au verset 36 des mots QUI PASSUS EST, descendit AD INFEROS, sedet ad dexteram dei patris OMNIPOTENS, qui représentent la recension gallicane et plus récente du symbole des apôtres, et des mots pro nostra salute, écrits sous l’influence du symbole de Constantinople. Mais ces observations ou bien n’ont pas d’objet, ou bien n’ont pas la portée qu’il leur donne. La clause passus est n’est pas, il est vrai, dans le vieux symbole romain, ni dans celui d’Aquilée vers 390, mais elle se trouve dans le symbole de l’Eglise de Milan, Hahn, Bibliothek der Symbole, § 20, 21 et dans un symbole africain de saint Augustin, Serm., CCXIV, 7, ibid., col. 1069, dont le Quicunque, nous l’avons dit, est largement tributaire. L’ancienne et vraie leçon du Quicunque n’est pas descendit ad inferos, mais bien ad inferna ; ce n’est pas sedet ad dexteram dei patris omnipotens, mais bien ad dexteram patris ; et quant au passus est pro nostra salute (pro salute nostra), il suffit de remarquer que ces mots ne se trouvent non pas seulement dans le symbole de Constantinople, mais aussi dans celui de Nicée, connu certainement en Occident au Ve siècle.

On peut donc retenir la date de 430 comme la plus haute qu’il soit possible d’assigner au Quicunque. La plus basse sera naturellement fixée par les premières mentions ou citation que nous en trouverons dans les auteurs. Or la plus ancienne est peut-être ce commentaire de Fortunat dont il a été plusieurs fois question. Malheureusement, il est impossible de dire au juste à quelle époque appartient ce document. Le nom de Fortunat n’est donné que par un seul manuscrit, celui de Milan, Ambros. M. 48, 78, IXe siècle, et le biographe de l’évêque de Poitiers n’a conservé aucun souvenir d’un commentaire du Quicunque écrit par lui. Un autre manuscrit de Saint-Gall, aujourd’hui perdu, mais édité par Godalst, Manuale biblicum, Francfort, 1610, attribuait ce commentaire à Euphronius : Euphronii presbyteri expositio fidei catholicæ beati Athanasii. Dom. G. Morin, loc. cit., p. 676, a vu dans cet Euphronius un ami de Fortunat, Euphronius, évêque de Tours, élu en 555, mort vers 572 ; M. Burn, plutôt Euphronius, évêque d’Autun (450-490). Cette dernière opinion supposerait que le Quicunque a été composé vers le milieu du Ve siècle. Mais rien n’est certain. ― Que si l’on fait abstraction du commentaire de Fortunat, on trouve notre symbole signalé dans le célèbre canon du concile d’Autun tenu vers 670, sous l’évêque saint Léger : Si quis presbyter, aut diaconus, subdiaconus, clericus, symbolum quod, sancto inspirante spiritu, apostoli tradiderunt, et fidem sancti Athanasii præsulis irreprehensibiliter non recensuerit, ab episcopo condamnetur. Burn, loc. cit., p. LXXVIII. Cf. Mansi, Concil., t. XI, col. 125. En 633, le quatrième concile de Tolède en incorpore dans sa déclaration doctrinale des fragments dont on ne sau-

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rait méconnaître l’origine, Mansi, Concil., t. X, col. 615 et 616 ; et le président du concile, saint Isidore de Séville en a fait mention dans deux lettres, Epist., VI, 4, au duc Claudius, P. L., t. LXXXIII, col. 903 ; Epist., VIII, 3, à l’évêque Eugène, ibid., col. 908, dont on a contesté, mais sans raison suffisante, l’authenticité. Enfin, nous trouvons notre symbole cité ici dans le sermon CCXLIV, faussement attribué saint Augustin, et qui est, vraisemblablement, de saint Césaire d’Arles († 542), P. L., t. XXXIX, col. 2194. Cf. dom Morin, loc. cit., p. 677, et Revue bénédictine, octobre 1901, p. 341-342 ; Burn, loc. cit., p. LXXXIII. C’est la plus ancienne citation verbale certaine que nous connaissions. Elle permet de placer la composition du Quicunque entre les années 430-530 environ. Que si maintenant l’on observe que la comparaison de l’union du corps et de l’âme de l’article 35 est tombée en défaveur après Eutychès, et a provoqué une certaine défiance, on jugera sans doute à propos de reporter un peu plus haut le dernier terme de cet intervalle, vers l’an 500 environ. Le Quicunque serait un écrit du Ve siècle (430-500).

II. LIEU D’ORIGINE. ― Quelle patrie lui assigner ?

Ici tous les indices concourent à nous marquer la Gaule, et dans la Gaule, cette partie qui gravite autour d’Arles, comme le lieu d’origine probable du Quicunque. Si l’on excepte, en effet, le quatrième concile de Tolède et saint Isidore de Séville, il est remarquable que c’est en Gaule ou dans les diocèses qui la joignent que notre symbole est presque exclusivement mentionné et cité jusqu’au Xe siècle. Après Césaire d’Arles († 542) et le concile d’Autun (c. 670), nos témoins sont Denebert de Worcester (c. 798), Hincmar de Reims (845-822), Adalbert de Térouanne (870), Riculfe de Soissons (889), Ratramne de Corbie (868), Enée de Paris (868), Théodulfe d’Orléans († 821), Benoît d’Aniane (821), Agobard de Lyon († 840), Florus, diacre de Lyon (834), Réginon, abbé de Prum (892), etc. De même, les premiers commentaires semblent avoir été écrits en France, où se rencontrent dans des manuscrits et psautiers gallicans. D’autre part, si nous examinons le Quicunque, il nous apparaît comme largement tributaire de la théologie et de la terminologie augustiniennes, mais il nous apparaît aussi tributaire de la théologie et de la terminologie de ce groupe d’écrivains qui se rattache à Lérins, et surtout de Vincent de Lérins lui-même. Les ressemblances entre le Commonitorium et notre symbole sont telles, qu’Antelmi (1693) a pensé que les deux écrits sont du même auteur. Cf. Poirel, De utroque Commonitorio Lirinensi, Nancy, 1895, p. 204-206. M. Burn, loc. cit., p. 48 sq., a dressé un tableau des loca parallela que présentent, d’un côté, le Quicunque, de l’autre saint Augustin, saint Vincent de Lérins, Fauste de Riez, et saint Eucher. Dom Morin a comparé aussi ce symbole avec les passages analogues de saint Césaire d’Arles. Le symbole d’Athanase et son premier témoin : saint Césaire d’Arles, dans la Revue Bénédictine, octobre 1901, p. 347-363. Je me borne à citer quelques-uns des textes les plus frappants de saint Vincent et de saint Augustin en le faisant précéder, pour abréger, du numéro de l’article auquel ils se rapportent.

3. 4. Vinc., Commonitorio, 16, P. L., t. L, col. 659 : Catholica Ecclesia. . . unum Deum in trinitatis plenitudine, et item trinitatis æqualitatem in una divinitate veneratur : ut neque singularitas substantiæ personarum confundat proprietatem, neque item trinitatis distinctio unitatem separet deitatis.

5. 6. Vinc., ibid., 13, col. 655 : quia silicet alia est persona patris, alia filli, alia spiritus sancti : sed tamen patris et filii et spiritus sancti non alia et alia sed una eademque natura.

10. Aug, Serm, CV, 3, 4, P. L., t. XXXVIII, col. 620 : æternus pater, coæternus filius, coæternus spiritus sanctus.

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13. 14. Aug., De trin., V, 8, 9, P. L., t. XLII, col. 917 : Itaque omnipotens pater, omnipotens filius, omnipotens spiritus sanctus ; nec tamen tres omnipotentes, sed unus omnipotens. Cf. ibid., VIII, 1, col. 947.

15. 16. Aug., De trin., VIII, 1, P. L., t. XLII, col. 947 : Deus pater, deus filius, deus spiritus sanctus. . ., nec tamen tres dii. Cf. ibid., I, 5, 8, col. 824.

17. 18. Aug., Cont. Maximin., II, 23, 3, P. L., t. XLII, col. 798 : Sic et dominum si quæras singulum quemque respondeo, sed simul omnes non tres dominos deos, sed unum dominum deum dico.

23. Aug., Cont. Maximin., II, 23, 3, col. 798 : In illa quippe trinitate quæ deus est, unus est pater, non duo vel tres ; et unus filius, non duo vel tres ; et unus amborus spiritus, non duo vel tres.

28. Aug. Enchirid., XXXV, P. L., t. XL, col. 249 : Christus Iesus, dei filius est et deus et homo.

29. Vinc., Commonit., 13, P. L., t. L, col. 656 : Idem ex patre ante secula genitus ; idem in seculo ex matre generatus.

30. Vinc., Commonit., 13, ibid. : Perfectus deus, perfectus homo. In Deo summa divinitas in homine plena humanitas. Plena inquam, humanitas, quippe quæ animam simul habeat et carnem.

31. Aug., Epist., CXXXVII, c. III, n. 12, P. L., t. XXXIII, col. 520 : Æqualem patri secundum divinitatem, minorem autem patre secundum carnem, hoc est secundum hominem.

33. 34. Vinc., Commonit., 13, ibid. : Unus autem non corruptibili nescio qua divinitatis et humanitatis confusione, sed integra et singulari quadam unitate personæ. Aug., Serm., CLXXXVI, 1, P. L., t. XXXVIII, col. 999 : Idem Deus qui homo, et qui Deus idem homo, non confusione naturarum sed unitate personæ.

35. Aug., In Joa., tr. XXXV, 3, P. L., t. LXXVIII, col. 1836 : Sicut enim unus est homo anima rationalis et caro ; sic unus est Christi deus et homo.

Ces rapprochements parlent assez d’eux-mêmes : que l’on veuille bien seulement, pour en sentir toute la force, lire les passages complets d’où ils sont pris. Maintenant, remarquons à l’article 4 le mot substantia : neque confudentes personas, neque substantiam separantes. Bien que saint Augustin ait employé ce mot dans le sens d’essentia, en parlant de la Trinité par exemple, De trinit., V, 9, 10, P. L., t. XLII, col. 917, 918, il ne le regardait pas cependant comme absolument propre à exprimer ce mystère : Unde manifestum est, dit-il, Deum abusive substantiam vocari ut nomine usitatiore intelligatur essentia, quod vere ac proprie dicitur, ita ut fortasse solum Deum dici oporteat essentiam, De trinit., VII, 5, 10, ibid., col. 942 ; et dans le même ouvrage, VII, 6, 11, ibid., col. 943, 945, il prend substantia comme synonyme de persona : tres simul illæ substantiæ sive personæ. En Gaule, au contraire, le mot était accepté comme équivalent à essentia ou natura. Saint Vincent, Commonit., 12, P. L., t. L, col. 654, et Fauste de Riez, De Spir. sancto, I, 4, 5, P. L., t. LXII, col. 13, 14, l’emploient couramment dans ce sens, et avant eux saint Hilaire de Poitiers, De synodis, 12, P. L., t. X, col. 489, 490, l’avait employé de même. Si l’on observe enfin que l’école de Lérins jette son grand éclat précisément à l’époque que nous avons assignée à la composition du Quicunque, que son premier maître Honorat est mort en 429, saint Hilaire d’Arles en 449, saint Vincent de Lérins en 450, saint Eucher en 449 ou 450, saint Loup de Troyes en 476, Fauste de Riez en 493, Césaire d’Arles, en premier, on s’en souvient, qui ait cité notre symbole, en 542 ; si l’on observe que le mot propriis, au verset 38 (et reddituri sunt de factis propriis rationem), pourrait bien avoir été mis là, ainsi que l’a suggéré M. Harnack, Dogmengesch., t. III, p. 270, comme une discrète protestation contre les doctrines outrées de l’augustinianisme ; si l’on observe, dis-je, tout cela, il sera difficile

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d’échapper à cette conclusion que c’est dans le cercle des écrivains qui se rattachent à Arles et à Lérins, au Ve siècle, dans un milieu où les ouvrages de saint Augustin sont lus et appréciés, mais où sa doctrine du péché originel soulève pourtant des objections, qu’ a été rédigé notre symbole. M. Künstle a voulu depuis en faire un écrit antipriscillinariste, publié en Espagne.

III. AUTEUR. ― Cette conclusion résout déjà en partie la question de l’auteur. Pouvons-nous la préciser davantage, et, entre les noms que nous venons de citer, en choisir un pour le substituer, en tête du Quicunque, à celui d’Athanase ? Antelmi, nous l’avons vu, s’arrêtait à celui de saint Vincent de Lérins ; Waterland lui préférait celui d’Hilaire d’Arles ; M. Burn, qui regarde le symbole comme antérieur au nestoriasnisme, a avancé timidement celui d’Honorat lui-même. Mieux vaut, pensons-nous, nous contenter ici des résultats fournis par l’étude qui précède, et ne pas aller au-delà de ce que l’histoire nous apprend.

V. HISTOIRE ET AUTORITE. ― Ce qui a été dit jusqu’ici des citations et des commentaires du Quicunque nous renseigne déjà sur son histoire et l’autorité dont il a joui depuis le VIe siècle. Parti de la Gaule, il ait possible qu’il ait été, dès ce même VIe siècle, connu en Afrique. Saint Fulgence († 533), s’il ne le cite pas, s’en rapproche beaucoup. Epist., XIV, 6, ad Ferrand., P. L., t. LXV, col. 397. Au VIIe siècle, le symbole pénètre en Espagne (quatrième concile de Tolède), pendant qu’en France le concile d’Autun (c. 670) en impose aux clercs l’étude et l’intelligence. Au VIIIe siècle, nous le trouvons en Allemagne, où saint Boniface, peut-être, l’introduit comme chant d’église. C’est vers cette époque également que l’Angleterre le connaît, et que l’on commence à en écrire des commentaires. Au IXe siècle, les prescriptions se multiplient qui font aux clercs une obligation de la savoir par cœur, de le comprendre, et de pouvoir l’expliquer verbis communibus (synode de Reims de 852 dans Hincmar, P. L., t. CXXV, col. 773). Hayton, d’abord abbé de Reichenau, puis évêque de Bâle, en impose aux clercs la récitation chaque dimanche à Prime : omni die dominico, ad horam primam recitetur, P. L., t. CXV, col. 11, et l’évêque de Brême, Anskar, recommande en mourant de le chanter. P. L., t. CXVIII, col. 1010. Au Xe et au XIe siècle ce n’est pas les dimanches seulement, mais tous les jours, que se récite à Prime le Quicunque dans les églises ultramontaines. Battifol, Hist. du brév. rom., Paris, 1892, p. 183. L’Italie l’avait connu dès le IXe siècle ; il ne pénétra que plus tard dans l’office romain.

Ainsi, dès le VIIe siècle, le Quicunque a conquis sa place comme objet d’étude obligatoire pour le clergé ; au IXe siècle, et même à la fin du VIIIe siècle, il fait son entrée dans la prière publique. L’autorité qu’on lui attribue est évidemment celle qui s’attache à l’écrit d’une grand évêque comme Athanase, sanctionnée et adopté par l’Eglise : c’est à la fois celle d’un chant, d’une œuvre liturgique devenue officielle, et un symbole proprement dit. Cette dernière signification s’accentue davantage à mesure qu’approchent les temps de la scolastique. Agobard († 840), en le citant contre Félix d’Urgel, le regarde bien évidemment comme une règle de foi. Aux sept commentaires que nous connaissons jusqu’au IXe siècle, ceux de Fortunat, de Troyes, de l’Oratoire, de Bouhier, d’Orléans, de Paris et de Stavelot, le moyen âge, jusqu’au XVIe siècle, en ajoutera une vingtaine, parmi lesquels ceux d’Abélard, de saint Bernard, d’Alexandre de Halès, de Pierre d’Osma, de Denys le chartreux. Saint Thomas d’Aquin citera, dans sa Somme théologique, le symbole de saint Athanase comme une autorité à laquelle il n’y a rien à expliquer. Luther lui-même se demandera si depuis les apôtres « rien de plus important et de plus magistral » a jamais été écrit : les Anglicans le feront entre dans leur « Livre de la commune prière ». Cette œuvre d’un théologien inconnu, par la netteté puissante

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avec laquelle elle expose et, pour ainsi dire, burine la doctrine de la trinité et de l’incarnation, a conquis l’autorité qui s’attache aux définitions des conciles et aux infaillibles enseignements de l’Eglise. Voir SYMBOLE.
 
 

Ce sont surtout les Anglais qui, dans ces derniers temps, et à la suite des controverses soulevées par le rapport de la commission rituelle de 1867, ont étudié la question du Quicunque, et c’est dans la livre de M. Burn, le dernier paru, que j’ai puisé en grande partie les éléments surtout paléographiques de cet article. Voir d’ailleurs, et par ordre de date, les principaux ouvrages à consulter : G. Vossius, De tribus symbolis, 1642 ; Quesnel, De symbolo Athanasiano, 1675 ; Antelmius, Nova de symbolo athanasiano disquisitio, 1693 ; Montfaucon, Diatribe in symbolum Quicunque, dans Opera S. Athanasii, 1698, t. II ; Muratori, Dissertatio de auctore symboli Quicunque, dans Anecd. latin., 1698, t. II ; Waterland, Critical history of the athanasian creed, Cambridge, 1724 ; nouv. édit., Oxford, 1870 ; Maria Speroni, De symbolo vulgo sancti athanasii, diss. I, 1750 ; Harvey, The history and theology of the three creeds, Londres, 1854 ; Stanley, Contemporary review, août et nov. 1870 ; Brewer, The athanasian creed vindicated, Londres, 1871 ; Ffoulkes, The athanasian creed, 1871 ; Swainson, The literary history of the nicene and apostles’ creed, and that commonly called the creed of saint Athanasius, Londres, 1875 ; Ommaney, History of the athanasian creed, Londres, 1875 ; The early history of the athanasian creed, Londres, 1880 ; Lumby, History of the creeds, 1877 ; 3° édit 1887 ; dom G. Morin, Les origines du symbole Quicunque, dans la Science catholique, juillet 1891 ; Heurtley, History of the earlier formularies offaith, Oxford, 1892 ; Burn, The athanasian creed and its early commentatories, Cambridge, 1896, dans la collection des Texts and studies, t. IV, n. 1. ― Œuvres plus générales : Köllner, Symbolik, Hambourg, 1837 ; Ph. Schaff, The creeds of christendom, 1877 ; Caspari, Ungedruckte. . . Quellen des Taufsymbols, Christiania, 1866-1875 ; Loofs, Realencyklopädie, 3° édit., t. II, p. 177-194 ; Harnack, Dogmengeschichte, 1893 ; Künstle, Antipriscilliana.

J. TIXERONT.
Oeuvres de saint Athanase en latin

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