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Saint Augustin d'Hippone
Traité sur l'évangile de Saint Jean



SOIXANTE-TROISIÈME TRAITÉ.
DEPUIS CES PAROLES DU SEIGNEUR : « MAINTENANT LE FILS DE L’HOMME A ÉTÉ GLORIFIÉ », JUSQU’À CES AUTRES : « ET BIENTÔT IL LE GLORIFIERA ». (Chap. XIII, 31-32.)
GLORIFICATION DE JÉSUS.
 

Judas étant sorti du cénacle, et n’y ayant vu que les vrais apôtres, Jésus leur dit que dés lors il était glorifié; car la séparation du traître d’avec ses condisciples figurait la séparation qui doit s’établir entre les bons et les méchants, quand l’heure de la glorification finale aura sonné pour lui ; et comme Dieu le Père se trouvait honoré par la soumission de son Fils, au moment de la Passion, il devait le glorifier bientôt lui-même par le prodige de sa résurrection.

 

1. Tournons notre attention du côté de Dieu, et avec son secours, arrivons jusqu’à lui. Il est dit dans les saints cantiques « Cherchez Dieu, et votre âme vivra (1)». Cherchons-le pour le trouver, cherchons-le même après l’avoir trouvé. Pour le trouver, il faut le chercher, car il est caché; même après l’avoir trouvé, il faut le chercher encore, car il est immense. C’est pourquoi il est dit en un autre passage : « Cherchez son visage toujours (2)». Car il remplit celui qui le cherche en proportion de ce qu’il découvre; et celui qui le trouve devient capable de recevoir davantage, et il cherche de nouveau à se remplir, dès qu’il a commencé à recevoir avec plus d’abondance. En ce sens, ces mots : « Cherchez son visage toujours », marquent le contraire de ce qu’il est dit de quelques-uns qui, « apprenant toujours, n’arrivent jamais à la connaissance de la vérité (3) » ; ils s’accordent plutôt avec ce qui est dit ailleurs « Quand l’homme a achevé, c’est alors qu’il commence (4)». Ainsi doit-il en être de nous, jusqu’à ce que nous arrivions à cette vie où nous serons remplis si complètement, que notre capacité sera épuisée, et qu’étant parvenus à la perfection, nous ne pourrons plus faire de progrès. Alors nous sera montré ce qui doit nous suffire. Mais ici-bas, cherchons toujours, et n’attendons pas, comme fruit de nos découvertes, la faculté de mettre fin à nos recherches. Car nous ne disons pas qu’il ne faut pas toujours chercher Dieu, parce qu’on ne peut le chercher qu’ici-bas; mais nous disons qu’ici-bas il faut toujours le chercher, pour nous empêcher de penser que nous

 

1. Ps. LXVIII, 33.— 2. Id. CIV, 4.— 3. II Tim. III, 7.— 4. ECCLI. XVIII, 6.

 

pouvons cesser de le chercher. Ceux dont il est dit : « Apprenant toujours, ils n’arrivent jamais à la connaissance de la vérité », ne cessent, il est vrai, d’apprendre tant qu’ils sont ici-bas; mais quand ils seront sortis de cette vie, alors ils n’apprendront plus, mais ils recevront la récompense de leur erreur. Il est dit en effet : « Apprenant toujours, ils n’arrivent jamais à la connaissance de la vérité » ; c’est comme s’il était dit : Marchant toujours, ils n’arrivent jamais à la bonne voie. Pour nous, marchons toujours dans la voie, jusqu’à ce que nous arrivions où elle conduit ; ne nous arrêtons pas en chemin tant qu’elle ne nous aura pas conduits à notre demeure permanente : ainsi, en cherchant, nous avançons; en trouvant, nous arrivons à quelque chose; et en cherchant et en trouvant, nous arrivons à ce qui demeure, à l’endroit où il ne restera plus rien à chercher, et où notre perfection ne nous laissera plus aucun progrès à atteindre. Puisse ce prélude, mes très-chers, rendre votre charité plus attentive au discours que Notre-Seigneur adressa à ses disciples avant sa passion: il est très-profond, en effet, et celui qui est chargé de l’expliquer doit faire bien des efforts; celui qui y assiste ne doit pas l’écouter avec nonchalance.

2. Que dit donc le Seigneur, lorsque Judas fut sorti, pour faire au plus tôt ce qu’il avait à faire, c’est-à-dire pour livrer son Maître? Que dit le jour, quand la nuit fut sortie? que dit le Rédempteur, quand fut sorti le vendeur? « Maintenant », dit-il, « le Fils de l’homme a été glorifié ». Pourquoi « maintenant? » Est-ce parce que celui qui doit le livrer est sorti, et que ceux qui doivent se saisir de lui [713] et le mettre à mort vont arriver? « A-t-il » donc « été glorifié maintenant », parce qu’il va être humilié plus profondément; parce qu’il est sur le point d’être lié, jugé, condamné, bafoué, crucifié, mis à mort? Est-ce là une glorification? n’est-ce pas plutôt une humiliation? Pourtant, en nous faisant le récit des miracles que le Sauveur opérait, Jean ne nous a-t-il pas dit de lui : « L’Esprit-Saint n’avait pas été donné, parce que Jésus a n’avait pas encore été glorifié (1) ? » Il n’avait pas encore été glorifié lorsqu’il ressuscitait des morts; et maintenant qu’il va être mis lui-même au nombre des morts, est-il glorifié? Il n’avait pas été glorifié, lorsqu’il agissait en Dieu; et il est glorifié lorsqu’il va souffrir comme un autre homme? Il serait bien étonnant que ce fût là ce que le divin Maître voulait nous enseigner et nous apprendre par ces paroles. Pénétrons plus avant dans ce langage du Très-Haut, car il se montre quelque peu, pour que nous le trouvions, et il se cache ensuite pour que nous le cherchions, et que nous nous efforcions, à chaque pas, d’avancer de découvertes en découvertes. J’entrevois quelque chose qui nous figure un grand mystère. Judas est sorti, et Jésus a été glorifié; le fils de perdition est sorti, et le Fils de l’homme a été glorifié. Il était sorti, celui pour qui avaient été dits ces mots : « Vous « êtes purs, mais non pas tous (2) ». Celui qui était impur étant sorti, il ne resta que ceux qui étaient purs, et ils demeurèrent avec celui qui les avait purifiés. C’est ce qui arrivera lorsque ce monde, vaincu par Jésus-Christ, aura passé, et que dans le peuple du Christ il ne restera personne d’impur. L’ivraie sera alors séparée du bon grain, et les justes brilleront comme le soleil dans le royaume de leur Père (3). Le Seigneur prévoyait qu’il en devait être ainsi, et il voulait nous en montrer l’emblème dans la personne de Judas, qui s’éloignait comme l’ivraie qu’on sépare; et dans celle des Apôtres fidèles, qui restaient comme le bon grain. « Maintenant », dit-il, « le Fils de l’homme a été glorifié ». C’est comme s’il disait : Voilà ce qui arrivera au moment de ma glorification; pas un des méchants ne sera admis avec moi, et pas un des bons n’en sera séparé. Il ne dit pas : Voilà l’image de la glorification du Fils de l’homme; mais bien : « Maintenant, le Fils de l’homme

 

1. Jean, VII, 39.— 2. Id. XIII, 10. — 3. Matth. XIII, 43.

 

a été glorifié ». De même que l’Apôtre ne dit pas: La pierre signifiait Jésus-Christ; mais bien : « La pierre était Jésus-Christ (1) », il n’est pas écrit non plus : La bonne semence signifiait les enfants du royaume, ou bien, l’ivraie signifiait les enfants du méchant ; mais bien : « La bonne semence, ce sont les fils du royaume et l’ivraie, les fils des méchants (2) ». Aussi, comme, dans l’Ecriture, les choses représentées sont ordinairement appelées du nom de celles qui les représentent , le Sauveur s’est exprimé de la sorte, lorsqu’il a dit : « Maintenant, le Fils de l’homme a été glorifié ». Alors le méchant s’était éloigné, et les Apôtres fidèles étaient restés seuls avec lui, et par là se trouvait représentée sa glorification, telle qu’elle aura lieu quand, après la dernière séparation des méchants, il restera avec les saints dans l’éternité.

3. Lorsque le Seigneur eut dit : « Maintenant, le Fils de l’homme a été glorifié », il ajouta : « Et Dieu a été glorifié en lui». De fait, la glorification du Fils de l’homme consiste en ce que Dieu soit glorifié en lui. Car s’il ne se glorifie pas en lui-même, mais si Dieu est glorifié en lui, alors Dieu le glorifie en lui-même; c’est ce qu’il explique quand il ajoute et dit : « Si Dieu a été glorifié en lui, Dieu aussi le glorifiera en lui-même». C’est-à-dire, « si Dieu a été glorifié en lui », parce qu’il n’est pas venu faire sa volonté, mais la « volonté de celui qui l’a envoyé, Dieu aussi le glorifiera en lui-même », et la nature humaine, dont le Fils de l’homme est participant, et dont s’est revêtu le Verbe éternel, sera gratifiée de l’éternité immortelle. « Et bientôt », dit-il, « il le glorifiera ». Par ces mots, il prédit sa résurrection, qui ne devait pas, comme la nôtre, se trouver différée jusqu’à la fin du monde, mais qui devait avoir lieu immédiatement. Telle est cette glorification dont nôtre Evangéliste avait déjà parlé dans un passage que je viens de vous rappeler. L’Esprit-Saint n’avait pas encore été donné à ses disciples de la manière nouvelle dont il devait être donné après sa résurrection à ceux qui croiraient en lui; en voici la raison : c’est que Jésus-Christ n’avait pas encore été glorifié; c’est-à-dire que sa mortalité n’avait pas encore été revêtue d’immortalité, et que sa faiblesse temporelle n’avait pas été

 

1. I Cor. X, 4. — 2. Matth. XIII, 38.

 

714

 

changée en force éternelle. On peut encore entendre ce qu’il dit de la glorification : « Maintenant, le Fils de l’homme a été glorifié », en ce sens que le mot « maintenant » se rapporte, non à sa passion qui allait avoir lieu, mais à sa résurrection qui devait la suivre immédiatement. En ce cas, Jésus aurait regardé comme déjà accompli ce qui devait s’accomplir si prochainement. Pour aujourd’hui, que ce que nous avons dit suffise à votre charité. Quand Dieu nous en donnera l’occasion, nous vous entretiendrons de ce qui suit.
 
 
 

source: http://www.abbaye-saint-benoit.ch/saints/augustin/index.htm

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