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Saint Augustin d'Hippone
Sermons

SERMON CCLXI. POUR LE JOUR DE L'ASCENSION. I. PRÊCHÉ A CARTHAGE, DANS LA BASILIQUE DE FAUSTE. ATTACHEMENT A JÉSUS-CHRIST.
 

ANALYSE. — Nous devons monter en esprit au ciel avec le Sauveur, premièrement parce qu'il est Dieu et secondement parce qu'il est homme. —  1° Il est Dieu; Dieu éternel, égal à son Père. Il faut donc pour le connaître nous purifier le coeur en renonçant aux passions désordonnées. — 2° Il est homme, la nature humaine ne fait en lui qu'une seule et même personne avec la nature divine ; ainsi nous ne pouvons l'aimer sans aimer à la fois notre Dieu et notre prochain. Témoignons-lui notre amour par nos oeuvres de miséricorde ; répondons de cette manière à la charité qu'il nous fait aujourd'hui.

 

1. La résurrection du Seigneur est notre espérance; son ascension, notre gloire. Nous célébrons aujourd'hui la solennité de l'Ascension; si donc nous célébrons cette fête du Seigneur avec droiture , avec fidélité , avec dévotion, avec sainteté et avec piété, montons avec lui et tenons en haut notre coeur. Or, en montant, gardons-nous de nous élever et de présumer de nos mérites comme s'ils nous étaient propres. Notre coeur doit être en haut, mais attaché au Seigneur, sans quoi il y serait livré à l'orgueil, au lieu qu'en demeurant sous l'aile de Dieu il est dans un sûr asile; car en le voyant monter nous disons au Seigneur : « Vous êtes pour nous un asile (1) ».

Il n'y a pour ressusciter que ce qui meurt; le Seigneur est donc ressuscité pour nous inspirer confiance, pour nous empêcher de désespérer à la mort et de nous croire alors au terme de toute notre vie. Nous étions inquiets sur le sort même de l'âme, et le Sauveur, en ressuscitant, nous a rassurés sur le sort de la chair elle-même. Ainsi il est monté. Qui est monté? Celui qui est descendu. Il est descendu pour te guérir; il est monté pour t'élever. Tu tombes si tu t'élèves toi-même; tu restes élevé si c'est lui qui t'élève : d'où il suit qu'élevé près du Seigneur, le coeur est dans un asile, et qu'élevé autrement, il est en proie à l'orgueil. Disons donc au Seigneur quand il ressuscite : « Vous êtes, Seigneur, mon espérance » ; et quand il monte au

 

1. Ps. LXXXIX, 1.

 

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ciel : « Vous avez établi bien haut notre refuge (1) ». Et comment serions-nous orgueilleux en tenant notre coeur élevé jusqu'à lui, puisqu'il s'est fait humble en notre faveur pour nous empêcher de demeurer orgueilleux

2. Le Christ est Dieu , il le sera toujours ; jamais il ne cessera de l'être, parce que jamais il n'a commencé. Si sa grâce peut donner un être éternel à ce qui a commencé, comment ne serait-il pas éternel; lui qui n'a commencé jamais? Qu'est-ce donc qui commence sans devoir finir ? Notre immortalité; elle aura un commencement, elle n'aura point de fin. Nous ne la possédons pas encore; mais une fois que nous la tiendrons, nous ne la perdrons pas. Donc, à plus, forte raison, le Christ sera toujours Dieu. Mais quel Dieu? quel Dieu? Dieu égal à son Père. Ne cherche pas à savoir quel Dieu quand il s'agit de l'Eternel; occupe-toi plutôt de sa félicité. Quel Dieu est le Christ? Comprends-le, si tu en es capable. Je vais te le dire néanmoins, je ne tromperai pas ton attente.

Tu demandes quel Dieu est le Christ ? Ecoute-moi, ou plutôt écoute avec moi; écoutons l'un et l'autre; apprenons tous deux. Si je parle et si vous écoutez, en concluez-vous que je n'écoute pas avec vous? En m'entendant dire que le Christ est Dieu, tu veux donc savoir quel Dieu il est? Apprends-le avec moi , je ne te dis pas de m'écouter, mais d'écouter avec moi. A cette école, nous sommes tous condisciples ; le ciel est la chaire de notre Maître. Apprends enfin quel Dieu est le Christ. « Au commencement était le Verbe ». Où était-il? « Et le Verbe était en Dieu ». Mais chaque jour n'entendons-nous pas des verbes? Ne t'arrête pas à des idées pareilles, à ces idées communes, car « le Verbe était Dieu (2) ». Je cherche à savoir quel il était. Je crois bien maintenant qu'il est Dieu ; mais quel Dieu est-il? C'est ce que je cherche: « Cherchez constamment sa face (3) »;. Qu on ne perde pas, qu'on gagne en le cherchant. On y gagne quand on le cherche avec pinté. Qu'est-ce que le chercher avec piété ? Qu'est-ce que le chercher par vanité ? La piété le cherche en croyant, la vanité en disputant. Si tu voulais contester avec moi et me dire : Quel est, quel est le Dieu que tu adores? Montre-moi le Dieu

 

1. Ps. XC, 9. — 2. Jean, I, 1. — 3. Ps. CIV, 4.

 

que tu sers, je te répondrais: Je pourrais le montrer, mais à qui ?

3. Je n'oserais me vanter moi-même d'avoir compris ce que tu cherches. Je voudrais seulement, dans la mesure de lues forces, marcher sur les traces de ce grand athlète du Christ, de cet apôtre Paul qui disait : « Je n'estime pas, mes frères, avoir atteint le but moi-même ». Moi-même? Qu'y a-t-il dans ce moi-même? Moi-même qui « ai travaillé plus qu'eux tous ». Je le sais, ô Apôtre ; tu parles ainsi pour exprimer la vérité, ce n'est point par orgueil. Veux-tu te convaincre, mon frère, de l'esprit qui l'anime? Après ces mots : « J'ai travaillé plus qu'eux tous», il semble supposer que nous lui demandons : Mais qui es-tu ? Et il répond: « Or ce n'est pas moi, mais la grâce de Dieu avec moi (1) ». Eh bien ! cet Apôtre en qui la grâce de Dieu affluait si abondamment, qu'appelé le dernier il a travaillé plus que tous ceux qui l'avaient été avant lui, n'hésite pas à dire : « Je n'estime pas, mes frères, avoir atteint le but moi-même ». Voilà ce qu'il y a dans ce moi-même, il n'atteint pas, il ne comprend pas ; car la faiblesse humaine ne saurait comprendre. Lorsqu'ensuite élevé jusqu'au troisième ciel il y entendit des paroles qu'un homme ne saurait répéter, il ne dit pas moi-même; que dit-il? « Je sais un homme qui, il y a quatorze ans (2) ». Je sais un homme; il était lui-même cet homme ; et en semblant parler ainsi d'un autre, il ne perd rien.

Donc aussi, garde-toi de contester, de disputer en me demandant quel Dieu j'adore. Mon Dieu n'est pas une idole, pour que je puisse te dire en étendant le doigt: Voilà le Dieu que je sers; il n'est non plus ni un astre, ni une étoile, ni le soleil, ni la lune, et je ne puis te le montrer du doigt ni te dire : Voilà le Dieu que j'adore. Il ne s'agit pas ici d'étendre le doigt, mais de tendre l'esprit. Considère cet Apôtre qui ne le comprend pas, mais qui pourtant le cherche, le poursuit, soupire après lui, le désire et le convoite; considère-le, vois ce qu'il tourne du côté de son Dieu; si c'est son doigt ou son âme. Que dit-il? « Je n'estime pas l'avoir atteint. Mais oubliant ce qui est en arrière et m'étendant vers ce qui est en avant, je tends à ce terme unique, à cette palme que m'offre la céleste vocation « de Dieu par le Christ (3) ». Je tends, je marche,

 

1. I  Cor. XV, 10. — 2. II Cor. XII, 2-4. — 3. Philip. III, 13, 14.

 

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je suis en route. Suis-le, si tu le peux; allons ensemble dans cette patrie où tu n'auras rien à me demander, ni moi à toi. Maintenant donc cherchons l'un et l'autre en croyant, afin de jouir plus tard l'un et l'autre en voyant.

4. Qui néanmoins t'a montré quel Dieu est le Christ? — Eh bien ! ce qu'il a daigné nous révéler par un de ses serviteurs; que par ce serviteur aussi il le révèle à mes confrères, à ses serviteurs comme moi. Il t'a été dit: « Au commencement était le Verbe ». Tu as demandé où il était, et on t'a répondu : « Le Verbe était en Dieu ». Pour t'empêcher de prendre ici le mot verbe dans le sens vulgaire que lui donne le langage humain, on a ajouté : « Le Verbe était Dieu ». Ce n'est pas assez pour toi, et tu demandes : Quel Dieu? « Tout a été fait par lui ». Aime-le ; tout ce que tu aimes vient de lui. N'aimons pas la créature en laissant de côté le Créateur; mais considérons la créature pour bénir le Créateur. Je ne saurais te montrer mon Dieu, mais je te montre, je te rappelle ce qu'il a fait : « Tout a été fait par lui ». Sans être nouveau, il a fait des choses nouvelles; éternel, des choses temporelles ; immuable, des choses muables. Regarde ces oeuvres, loues-en l'Auteur, et crois pour être purifié.

Tu voudrais le voir? C'est un bon, c'est un grand désir; je t'engage à l'avoir toujours. Tu voudrais le voir? « Heureux ceux qui ont le coeur pur, car ils verront Dieu (1) ». Ainsi, songe d'abord à purifier ton coeur; prends à coeur cette affaire, applique-toi à cette oeuvre, insiste pour l’accomplir. Celui que tu veux voir est la pureté même, et pour le voir tu as 1'œil impur. Tu te représentes Dieu comme une lumière immense et infinie, mais de la nature de cette lumière sensible; tu la supposes étendue à ton gré, sans rencontrer de limites que celles qu'il te plaît de lui fixer. Ah ! ce sont dans ton coeur de vains, d'impurs fantômes; bannis-les et les rejette. S'il te tombait de la poussière dans les yeux et que tu me demandasses à voir la lumière, ne faudrait-il pas auparavant te purifier la vue ? Il n'y a pas moins d'impureté dans ton cœur ; et l'avarice n'y est-elle pas quelque chose de bien impur? A quoi bon amasser ce que tu n'emporteras pas? Ignores-tu qu'amasser ainsi, c'est traîner

 

1. Matt. V, 8.

 

de la boue dans ton coeur ? Comment alors voir Celui que tu cherches ?

5. Tu me dis : Montre-moi ton Dieu. Je te dis à mon tour : Regarde un peu dans ton coeur. Montre-moi ton Dieu, reprends-tu. Regarde un peu dans ton coeur, répliqué je, et fais-en disparaître tout ce que tu y vois pour déplaire à Dieu. Ce Dieu voudrait venir en toi; écoute le Seigneur lui-même, écoute le Christ : « Moi et mon Père, dit-il, nous viendrons à lui et nous ferons en lui notre demeure (1) ». Voilà ce que Dieu te promet. Si je te promettais d'aller dans ta maison, tu l'approprierais; et lorsque Dieu veut venir dans ton coeur, tu es si indolent pour le lui purifier?

Il n'aime pas à habiter avec l'avarice, avec cette femme impure et insatiable dont tu suivais les ordres tout en cherchant à voir Dieu. Qu'as-tu fait de ce que Dieu t'a commandé? Que n'as-tu pas fait de ce que t'a commandé l'avarice? Qu'as-tu fait de ce que Dieu t'a commandé? Je vais te montrer ce qu'il y a dans ton coeur, dans ce coeur qui voudrait contempler Dieu. Je l'avais déjà insinué en disant: Je pourrais le montrer, mais à qui? Qu'as-tu fait,dis-je, de ce que Dieu t'a ordonné? Qu'as-tu différé de ce que t'a prescrit l'avarice ? Dieu t'a commandé de donner des vêtements à qui n'en a pas; tu as frémis : l'avarice t'a ordonné de les enlever à qui en avait; tu t'y es porté avec une sorte de frénésie. Te dirai-je qu'en obéissant à Dieu tu aurais obtenu ceci et cela ? C'est Dieu même que tu posséderais; oui, c'est Dieu que tu aurais si tu avais suivi ses ordres. Maintenant que tu as exécuté les ordres de l'avarice, qu'as-tu ? Je sais que tu vas me répondre : J'ai tout ce que j'ai enlevé. Tu possèdes ainsi pour avoir dérobé. Mais que peux-tu posséder chez toi quand tu t'es perdu toi-même? — Pourtant je possède. — Où? où? je t'en prie. Dans une chambre, sans douté, dans une bourse ou dans un coffre ; je n'en veux pas dire davantage. Où que ce soit enfin, tu ne l'as pas maintenant sur toi. Tu crois l'avoir dans ton coffre ; peut-être n'y est-il plus, et tu l'ignores; peut-être qu'en rentrant chez toi tu n'y trouveras plus ce que tu y as laissé. C'est ton coeur que j'ai en vue; qu'y possèdes-tu? Dis-le-moi. Quoi ! tu as rempli ton coffre-fort, et tu as mis ta conscience en lambeaux. Voici un homme rempli de biens; apprends à t’enrichir

 

1. Jean, XIV, 23.

 

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comme lui : « Le Seigneur a donné, dit-il, le Seigneur a ôté; comme il a plu au Seigneur, ainsi il a été fait : que le nom du a Seigneur soit béni (1) ». S'il avait tout perdu, où puisait-il ces perles précieuses qu'il offrait à son Dieu ?

6. Ainsi donc, purifie ton coeur autant que tu en es capable ; travaille, applique-toi à cette oeuvre. Afin d'obtenir que Dieu même le purifie pour y demeurer, prie, conjure, humilie-toi. « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu; il était en Dieu dès le commencement. Tout a été fait par lui, et sans lui rien ne l'a été. Ce qui a été fait était vie en lui; et la vie était la lumière des hommes; et la lumière luit dans les ténèbres, et les ténèbres ne l'ont point comprise ». Tu ne comprends pas cela. Voici pourquoi tu ne le comprends pas; c'est que « la lumière luit dans les ténèbres, et les ténèbres ne l'ont point comprise ». Que sont ces ténèbres, sinon les mauvaises actions? Que sont ces ténèbres, sinon les passions désordonnées, l'orgueil, l'avarice, l'ambition, l'envie? Ténèbres que tout cela; c'est pourquoi tu ne comprends pas. Quand la lumière luit dans les ténèbres, qui peut la voir?

7. Examine donc si tu ne pourrais pas saisir de quelque manière ces paroles: « Le Verbe s'est fait chair et il a habité parmi nous (2) ». C'est par l'humanité du Christ que tu -t'approcheras de sa divinité. Dieu est si élevé au-dessus de toi ; mais Dieu s'est fait homme; ainsi l'homme a rapproché ce qui était placé à une si grande distance. C'est dans la divinité que tu dois demeurer; et par l'humanité que tu dois y aller. Le Christ est ainsi et le terme et la route. Voilà pourquoi « le Verbe s'est fait chair et a habité parmi nous ». Il s'est uni à ce qu'il n'était pas, sans perdre ce qu'il était. En, lui l'humanité était visible, la divinité cachée. L'humanité a été mise à mort, et la majesté divine outragée; mais l'humanité est ressuscitée et la divinité s'est révélée. Songe à tout ce que le Christ à fait comme Dieu, à tout ce qu'il a souffert en tant qu'homme. S'il a été mis à mort, ce n'est pas comme Dieu, et pourtant c'est le Christ lui-même. La divinité et L'humanité ne font pas en lui deux personnes; autrement nous n'aurions plus la Trinité, nous

 

1. Job, I, 21. — 2. Jean, I, 1-14.

 

ferions une quaternité. L'homme est homme, et Dieu est Dieu ; mais le Christ est à la fois Dieu et homme; l'humanité et la. divinité ne forment en lui qu'une personne. N'es-tu pas un corps et une âme ? C'est ainsi que le Christ est homme et Dieu en même temps; ou bien encore il est tout à la fois corps, âme, et Dieu.

Lui-même d'ailleurs parle tantôt comme étant Dieu, tantôt comme ayant une âme, tan. tôt comme ayant un corps; et toujours comme étant une même personne. Comme Dieu, que dit-il? «De même que mon Père possède la vie en lui-même, ainsi a-t-il donné à son Fils d'avoir en lui-même la vie. Tout ce que fait le Père, le Fils le fait semblablement (1). — Moi et ton Père nous sommes un (2)». Que dit-il comme ayant une âme ? « Mon âme est triste jusqu'à la mort (3) ». Que dit-il comme ayant un corps ? « Renversez ce temple, et je le relèverai en trois jours (4). Touchez et voyez, car un esprit n'a ni chair ni os, comme vous m'en voyez (5)» . Il y a là des trésors de sagesse et de science.

8. La loi tout entière se résume sûrement dans ces deux préceptes : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton coeur, de toute ton âme et de tout ton esprit ; de plus, tu aimeras ton prochain comme toi-même. A ces deux commandements se rapportent toute la loi et les prophètes (6) ». Eh bien ! dans le Christ tu trouves tout cela. Veux-tu aimer, ton Dieu? Tu le peux dans le Christ: « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu ». Veux-tu aimer ton prochain? Avec le Christ tu le peux encore: « Le Verbe s'est fait chair et il a habité parmi nous ».

9. Ah ! qu'il nous purifie par sa grâce; qu'il nous purifie par ses secours et ses consolations. Par lui et en lui je vous conjure, mes frères, de multiplier les bonnes oeuvres, la miséricorde, les actes de libéralité, de bonté. Pardonnez promptement à qui vous offense. Que nul ne garde de colère contre autrui, pour ne pas s'interdire la prière devant Dieu. Nous avons besoin de tous ces avertissements, parce que nous sommes dans le mondé, parce que tout en avançant dans la vertu et en vivant dans la justice, nous ne sommes point ici sans péché. Par péchés nous n'entendons pas seulement les désordres qu'on appelle des crimes,

 

1. Jean, V, 26, 19. — 2. Ib. X, 30. — 3. Matt. XXVI, 38. — 4. Jean, II, 19. — 5. Luc, XXIV, 39. — 6. Matt. XXII, 37-40.

 

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tels que les adultères, les actes de fornication, les sacrilèges, le vol, le larcin, les faux témoignages; il est d'autres péchés que ceux-là. Ainsi il y a péché à regarder ce que tu ne devais pas voir; péché à écouter avec plaisir ce que tu ne devais pas entendre ; péché à arrêter ta pensée sur ce qui ne devait pas l'occuper.

10. Aussi Notre-Seigneur nous a-t-il donné, après le bain régénérateur, d'autres remèdes à prendre chaque jour. L'oraison dominicale est destinée à nous purifier chaque jour. Disons donc, mais disons avec sincérité, car c'est aussi un acte de charité : « Remettez-nous ce que nous vous devons, comme nous remettons, nous aussi, à ceux qui nous doivent (1).

Faites des aumônes, et pour, vous tout est pur (2) ». Rappelez-vous, mes frères, ce que le Seigneur dira à ceux qui seront à sa droite. Il ne les louera pas d'avoir fait telles et telles actions d'éclat: « J'ai eu faim, dira-t-il, et vous m'ayez donné à manger ». A ceux de la gauche il ne dira pas non plus: Vous avez fait tels et tels maux; mais ; « J'ai eu faim, et vous ne m'avez pas donné à manger (3) ». Ainsi donc les uns pour leurs aumônes obtiendront la vie éternelle; et les autres, les éternelles flammes pour n'avoir pas fait l'aumône. Choisissez aujourd'hui ou la droite ou la gauche.

 

1. Matt. VI, 12. — 2. Luc, XI, 41. — 3. Matt. XXV, 35, 42.

 

Quel espoir de salut peut nourrir celui qui tombe si fréquemment malade sans vouloir user de remède ?

Mais ce sont des maladies légères? — Elles n'en accablent pas moins par leur ruasse. — Je n'ai que des péchés légers. — Ne sont-ils pas en grand nombre? Combien de choses légères écrasent et font périr ? Qu'y a-t-il de plus léger que les gouttes de pluie ? Elles remplissent le lit des fleuves. Qu'y a-t-il de plus petit que les grains de blé ? Ils surchargent les greniers. Tu considères bien que tes péchés sont légers; tu ne remarques pas combien ils sont nombreux. Tu sais peser chacun d'eux; pourrais-tu les compter ? Dieu cependant nous a donné un remède de chaque jour.

11. Quelle miséricorde nous fait « Celui qui est monté au ciel et qui a rendu captive la  captivité même (4) » Comment a-t-il rendu la captivité captive? En tuant la mort. La captivité est devenue captive ; la mort est morte. Mais n'a-t-il fait pour nous que monter au ciel et que rendre captive la captivité même? Nous a-t-il ensuite laissés à nous-mêmes?

            Voici que je suis avec vous jusqu'à la consommation du siècle (1) ». Considère donc « les dons qu'il a faits aux hommes (2) ». Répands tes largesses et reçois le bonheur.

 

1. Matt. XXVIII, 28. — 2. Ps. LXVII, 19.

SERMON CCLXII. POUR LE JOUR DE L'ASCENSION. II. JÉSUS-CHRIST ET SA GLOIRE (1).
 

ANALYSE. — C'est bien aujourd'hui, la tradition en fait foi, que le Sauveur est monté au ciel. D'ailleurs ces paroles d'un psaume : « Elevez-vous, ô Dieu, au-dessus des cieux », ne sauraient s'appliquer qu'à lui, puisque il est la seule personne divine qui soit descendue et qui conséquemment puisse s'élever. Donc aussi les mots suivants : « Et que votre gloire couvre toute la terre », ne peuvent s'entendre que de son Eglise. Vraie Eglise de Jésus-Christ, elle est catholique par conséquent, ce qui suffit pour faire condamner les sociétés rivales qui ne le sont pas.

 

1. Fils unique du Père et coéternel à Celui qui l'engendre, invisible comme lui, comme lui immuable, tout-puissant comme lui et comme lui Dieu, vous le savez, on vous l'a appris, et vous le croyez fermement, le Seigneur Jésus s'est fait homme pour l'amour de nous; il a pris la nature humaine sans quitter sa divine nature, cachant sa puissance et montrant

 

1. Ps. LVI, 12.

 

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sa faiblesse. Vous le savez encore, s'il est né, c'était pour nous faire renaître, s'il est mort, c'était pour nous empêcher de mourir éternellement. Aussitôt après, c'est-à-dire le troisième jour, il est ressuscité; promettant de ressusciter nos corps à la fin des siècles. Il s'est montré à ses disciples, pour qu'ils le vissent de leurs yeux et le touchassent de leurs mains; il voulait ainsi les convaincre de ce qu'il s'était fait dans le temps sans rien perdre, de ce qu'il est dans l'éternité. Il vécut alors quarante jours avec eux, comme on vous l'a enseigné, allant et venant, mangeant et buvant, non plus par besoin, mais uniquement par puissance, et les convainquant de la réalité de sa chair qu'ils avaient vue faible sur la croix et qu'ils voyaient immortelle, depuis qu'elle était sortie du sépulcre.

2. C'est donc aujourd'hui que nous célébrons la solennité de son Ascension. Aujourd'hui encore il y a pour cette Eglise une solennité particulière, l'anniversaire de l'inhumation de saint Léonce, qui en est le fondateur. Mais que cette étoile veuille bien se laisser obscurcir par le soleil; parlons plutôt du Seigneur, comme nous avons commencé; un bon serviteur n'est-il pas heureux d'entendre louer son Maître?

3. Aujourd'hui donc, c'est-à-dire le quarantième jour qui suit la résurrection, le Seigneur est monté au ciel. Nous ne l'avons pas vu, croyons-le. Ceux qui l'ont vu l'ont publié, ils ont répandu ce fait dans tout l'univers. Vous connaissez ces témoins qui nous ont instruits, c'est d'eux qu'il avait été prédit . « Il n'est ni langue ni idiôme où on n'entende leur voix. Son éclat a retenti par toute la terre et leurs paroles se sont répandues jusqu'aux extrémités du monde (1) ». C'est ainsi qu'elles sont arrivées jusqu'à nous et nous ont fait sortir de notre sommeil. Aussi ce jour est-il une fête dans l'univers entier.

4. Rappelez-vous le psaume chanté. A qui y est-il dit : «. Elevez-vous, ô Dieu , au-dessus des cieux?» A qui s'adressent ces mots? Est-ce à Dieu le Père qu'il serait dit : « Elevez-vous », puisque jamais il n'a été dans l'abaissement? Ah ! c'est à vous de vous élever, vous qui avez été enfermé dans le sein de votre Mère, vous qui avez été formé dans les entrailles de Celle que vous avez formée; vous

 

1. Ps. XVIII, 4, 5.

 

qui avez été couché dans une crèche; vous qui avez, comme les petits enfants, puisé un lait véritable dans le sein maternel; vous qui portez le monde et vous laissiez porter par votre Mère; vous dont le vieillard Siméon reconnut les abaissements et loua les grandeurs; vous que la veuve Anne vit boire à la mamelle tout en vous proclamant le ToutPuissant; vous qui pour nous avez eu faim et soif et qui vous êtes fatigué pour nous, (pourtant est-il permis au Pain de souffrir de la faim, à la Fontaine d'endurer la soif et à la Voie de se fatiguer?) vous qui avez supporté tout cela pour l'amour de nous ;vous qui avez dormi sans toutefois sommeiller jamais, en veillant sur Israël; vous enfin que Judas a vendu et que les Juifs ont acheté, mais sans vous posséder; vous qui avez été saisi, garrotté, flagellé, couronné d'épines, suspendu au gibet, percé d'un coup de lance, mort et enseveli, « ô Dieu, élevez-vous au-dessus des cieux ».

Oui, élevez-vous, élevez-vous au-dessus des cieux, puisque vous êtes Dieu. Siégez dans le ciel, vous qui avez été attaché à la croix. Nous vous attendons pour nous juger, vous qu'on a attendu quand vous avez été jugé. Mais qui croirait cela, sans l'action de Celui qui tire l'indigent de la poussière et qui élève le pauvre au-dessus de la boue? Aussi est-ce lui qui élève aujourd'hui son corps jadis si pauvre et qui le place au milieu des princes de son peuple (1), avec lesquels il doit venir juger les vivants et les morts. Avec eux donc il place ce corps jadis indigent et il leur dit: « Vous serez assis sur douze trônes pour juger les douze tribus d'Israël (2)».

5. « Elevez-vous , ô Dieu , au-dessus des cieux ». C'est un fait accompli. Nous ajoutons : Nous n'avons pas vu et nous croyons cependant l'événement prédit autrefois par ces paroles : « Elevez-vous, ô Dieu, au-dessus des cieux »; mais n'avons-nous pas sous les yeux ce qui suit : « Et que votre gloire couvre toute la terre (3) ? » Qu'on ne croie pas le premier événement , si l'on n'est pas témoin du second. Que signifie cette « gloire qui couvre toute la terre », sinon que sur toute la terre s'étend votre Eglise , que sur toute la terre s'est répandue votre épouse avec sa majesté, votre bien-aimée , votre colombe, votre compagne ? Elle est: votre gloire. « L'homme, dit

 

1. Ps. CXII, 7, 8. — 2. Matt. XIX, 28. — 3. Ps. LVI, 12.

 

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l'Apôtre, ne doit point se voiler la tête, puisqu'il est l'image et la gloire de Dieu ; tandis que la femme est la gloire de l'homme (1)». Si la femme est la gloire de l'homme, l'Eglise assurément est la gloire du Christ.

Cette Eglise est la sainte Eglise catholique ; test elle qui est répandue par tout l'univers ; elle est la moisson qui grandit au milieu de l’ivraie. Ah ! regardez-la du haut du ciel, vous qui, pour l'amour d'elle, avez été raillé sur le gibet. Les Juifs alors se moquaient de vous, et vous priiez pour eux. Si en vous persécutant ils ont mérité cette faveur , que n'ont pas mérité ceux qui croient en vous ? Aussi avez-vous daigné leur faire cette promesse : « Et vous recevrez la vertu du Saint-Esprit survenant en vous, et vous me servirez de témoins ». Où? « A Jérusalem », où j'ai été mis à mort. A Jérusalem ? C'est trop peu; Tous n'avez pas donné une rançon si précieuse pour cette seule cité. Ajoutez donc à

 

1. Cor. XI, 7.

 

Jérusalem, cette ville est trop étroite pour contenir votre gloire. « A Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu'aux extrémités de la terre ». Nous voilà aux limites de la terre, pourquoi ne pas finir tes disputes?

Qu'on ne me dise plus: L'Eglise est ici. Tais-toi, parole humaine; écoute la divine parole « A Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu'aux extrémités de la terre ». C'est à ces traits que le Seigneur nous signale son Eglise, à nous qui sommes les derniers de ses serviteurs. C'est pourtant une mère qu'il recommande à ses enfants. Il prévoyait de futures querelles parmi ces fils ingrats; il voyait d'avance les hommes qui se partageraient le bien d'autrui. Pourquoi ne pas s'abstenir de partager ce qu'ils n'ont pas acheté ?

L'Eglise du Christ est donc, je le répète, mes très-chers frères, cette sainte Eglise catholique qui est répandue partout, cette Eglise qui conserve sa virginité et qui chaque jour donne la vie à des enfants.

SERMON CCLXIII. POUR LE JOUR DE L'ASCENSION. III. L'ASCENSION, NOTRE ESPÉRANCE.
 

ANALYSE. — Il est certain que par sa mort et par sa résurrection le Sauveur nous a délivrés en faisant perdre au démon les droits qu'il avait acquis sur nous. Mais s'il monte au ciel avec son corps de chair qui n'en est pas descendu, c'est pour nous faire entendre que nous y monterons à sa suite, puisque nous sommes ses membres; c'est pour nous exciter à prendre courage. En vue donc du bonheur, figuré par les quarante jours qu'il a passés sur la terre après sa résurrection, supportons généreusement les fatigues et les travaux que rappellent les quarante jours de jeûne qui ont précédé sa passion.

 

1. C'est en ressuscitant et en montant au ciel que Notre-Seigneur Jésus-Christ a fait briller sa gloire dans tout son éclat. Nous avons célébré sa résurrection le dimanche même de Pâques; nous célébrons son ascension aujourd'hui.

Ces deux jours sont pour nous des jours de tête; car si lé Sauveur est ressuscité, c'était pour nous apprendre à ressusciter comme lui; et s'il est monté, c'était pour nous protéger du haut du. ciel. Jésus-Christ est donc également notre Seigneur.et notre Sauveur, soit quand il est attaché à la croix, soit quand il règne au ciel comme aujourd'hui. Sur la croix, il versait notre rançon; au ciel, il rassemble ce qu'il a acheté; et lorsqu'il aura réuni tous ceux qu'il doit attirer à lui dans le cours des siècles, il viendra à la fin des temps, et, comme il est écrit, « il viendra en Dieu, avec éclat (1) ». Il ne viendra pas en se cachant, comme la

 

1. Ps. XLIX, 3.

 

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première fois, mais « avec éclat », comme dit le prophète.

Il devait, pour être jugé, se voiler d'abord; mais pour juger, il viendra avec gloire. Qui aurait osé le juger s'il était venu la première fois dans toute sa majesté ? Aussi l'apôtre Paul dit-il : « S'ils l'avaient connu, jamais ils n'auraient crucifié le Seigneur de la gloire (1) ». Mais s'il n'avait été mis à mort, la mort ne serait pas morte. C'est donc en triomphant que le diable a été vaincu. Il tressaillait, lorsqu'il réussit par ses séductions à faire condamner à mort le premier homme. Il lui donna la mort en le séduisant; mais en mettant à mort le second Adam, il délivra le premier , de ses chaînes. Voilà pourquoi cette victoire de Jésus-Christ Notre-Seigneur, ressuscitant et montant au ciel; c'est ainsi que s'est accompli l'oracle que vous venez d'entendre lire dans l'Apocalypse : « Le Lion de la tribu de Juda a vaincu (1) ». Il porte le nom de Lion, et il a été immolé comme un agneau ; Lion à cause de sa force, Agneau à cause de son innocence; Lion, parce qu'il est invincible, Agneau; parce qu'il en a la douceur. Or cet Agneau, quand on l'a mis à mort, a vaincu par sa mort même le lion qui rôde cherchant quelqu'un à dévorer. Car le diable aussi a été appelé lion, non pas à cause de sa force, mais pour sa férocité. Voici comment s'exprime saint Pierre : « Il faut vous tenir en éveil contre les tentations , car le démon, votre ennemi , rôde en cherchant quelqu'un à dévorer ». Et comment rôde-t-il? « Il rôde comme un. lion rugissant, cherchant quelqu'un à dévorer (3) ». Eh ! qui ne tomberait sous les dents de ce lion, si un autre lion, le Lion de la tribu de Juda, ne l'avait vaincu? Voilà donc le Lion contre le lion, l'Agneau contre le loup. A la mort du Christ, le diable tressaillit de joie, et c'est cette mort qui l'a vaincu. Elle a été pour lui comme une amorce, il était heureux de cette mort, en sa qualité de roi de la mort; mais cette mort qui le remplissait de joie a été pour lui un piège; il s'est laissé prendre à la croix du Seigneur; la mort du Sauveur a été pour lui l'hameçon fatal. Voilà en effet que ressuscite Jésus-Christ Notre-Seigneur. Où est la mort qu'on a vue suspendue à la croix? Où sont les dérisions des Juifs? Que sont devenus l'arrogance et l'orgueil qui

 

1. I Cor. II, 8. — 2. Apoc. V, 5. — 3. I Pier. V, 8.

 

 

secouaient la tête devant la croix et qui disaient : « S'il est le Fils de Dieu, qu'il descende de la croix (1) ? » N'a-t-il pas fait plus que ne demandaient ces railleries sacrilèges? N'a-t-il pas fait plus en sortant du tombeau qu'il n'eût fais en descendant de la croix?

2. Et maintenant, quelle gloire pour lui de monter au ciel et de siéger à la droite de son Père ! Si nous ne le voyons pas de nos yeux, nous ne l'avons pas vu non plus suspendu à la croix. C'est la foi qui nous rend certains de tout cela, c'est avec les yeux du coeur que nous le contemplons.

En effet, mes frères, vous l'avez appris, Notre-Seigneur Jésus-Christ est monté au ciel en ce jour : que notre coeur y monte avec lui, Ecoutons l'Apôtre : « Si vous êtes ressuscités avec le Christ, dit-il, cherchez les choses d'en haut, où le Christ est assis à la droite de Dieu; goûtez les choses d'en haut et non les choses de la, terre (2) ». De même qu'il est monté au ciel sans nous quitter, ainsi l'y accompagnons-nous avant même que se réalisent les promesses faites à notre corps. Il est, lui, élevé au-dessus des cieux; et s'il a dit: « Nul ne monte au ciel que Celui qui en est descendu, le Fils de l'homme qui est au ciel (3) »; ce n'est pas pour nous une raison de n'espérer point habiter, avec les anges, leur magnifique et céleste demeure. Ces paroles sont destinées à rappeler l'unité qui fait de lui notre Chef et de nous son corps. S'il monte au ciel, ce n'est pas pour se séparer de nous; car il en est descendu et il n'a garde de nous l'envier. Au contraire, il semble nous crier: Soyez mes membres, si vous voulez monter ici. Pour y arriver, déployons donc toute notre vigueur, aspirons-y de tous nos voeux. Songeons sur la terre qu'on compte sur nous dans le ciel. C'est alors que nous dépouillerons cette chair mortelle, dépouillons le vieil homme dès aujourd'hui. Le corps s'élèvera facilement au plus haut des cieux, pourvu que l'esprit ne soit pas accablé sous le fardeau de ses iniquités.

3. Je sais bien que, frappés des objections faites par les hérétiques, plusieurs se demandent comment le Seigneur, descendu du ciel sans corps, y est remonté avec son corps, ce qui semble contraire à ces paroles sorties de sa propre bouche:  « Nul ne monte au ciel que

 

1. Matt. XXVII, 40. — 2. Coloss. III, 1, 2. — 3. Jean, III, 13.

 

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« Celui qui en est descendu». Or, prétendent-ils, son corps n'est point descendu du ciel, comment donc a-t-il pu y monter (1) ? Mais Jésus n'a point dit : Rien ne monte au ciel que ce qui en est descendu; il a dit.: «Nul ne monte au ciel que Celui qui en est descendu» ; ce qui a rapport à la personne même et non à son vêtement. Le Seigneur est descendu du ciel sans le vêtement de son corps, il y est remonté avec ce vêtement. N'est-ce pas toujours la même personne qui est descendue et qui est remontée? Si, en nous unissant à lui comme ses membres, il n'a pas cessé pour ce motif d'être le même; à combien plus forte raison le corps qu'il a pris dans le sein de la Vierge ne saurait-il avoir en lui une personnalité différente. Quand un homme gravit une montagne, un mur ou tout autre lieu élevé, ne dit-on pas que celui qui y monte ainsi est le même que celui qui en est descendu, lors même qu'il serait descendu sans vêtements et qu'il remonterait couvert de ses habits; lorsqu'il serait descendu sans armes et qu'il remonterait tout armé? Or, de même qu’on peut dire de lui alors : Nul ne monte que celui qui est descendu, quoiqu'il remonte avec ce qu'il n'avait pas en, descendant; ainsi nul ne monte au ciel que le Christ, parce que nul autre que lui n'en est descendu, quoiqu'il ensuit descendu sans son corps et qu'il y remonte avec son corps, quoique nous devions y monter nous-mêmes; non pas en vertu de notre propre force, mais en vertu de l'unité contractée entre lui et nous. N'est-on pas deux, dans l’unité d'une seule chair? grand sacrement considéré dans le Christ et dans l'Eglise (2). Aussi le Christ dit-il lui-même : « Ainsi donc ils ne sont plus deux, mais une seule chair (3) ».

4. Pourquoi a-t-il jeûné au moment de la tentation, avant sa mort, et quand il avait besoin encore de nourriture; tandis qu'il a mangé et qu'il a bu après sa résurrection, aux jours de sa gloire, et quand il n'avait plus besoin d'aliments? C'est qu'il voulait en jeûnant nous montrer ce que nous devons souffrir, et en ne jeûnant pas nous donner une idée des

 

1. Voir Comb. chrét. chap. XXV. — 2. Eph. V, 31, 32. — 3. Matt. XI, 6.

 

délices qu'il goûte. Ces deux périodes de sa vie ont duré l'une et l'autre quarante jours. Ce fut en effet pendant quarante jours qu'il jeûna, lorsqu'avant sa mort il fut tenté dans le désert, ainsi qu'il est écrit dans l'Evangile (1); et pendant quarante jours aussi il vécut avec ses disciples après sa résurrection , allant et venant, mangeant et buvant, comme s'exprime saint Pierre dans les Actes des Apôtres (2). Ce nombre de quarante jours semble désigner ce qu'ont à parcourir de ce siècle ceux qui sont appelés à la grâce par Celui qui n'est pas venu abolir, mais compléter la loi. Cette loi contient effectivement dix préceptes. De plus la grâce de Jésus-Christ est répandue dans tout l'univers, et l'univers est divisé en quatre parties. Or dix multiplié par quatre donne quarante. Aussi « ceux que le Seigneur a rachetés ont-ils été rassemblés par lui de tous les pays, de l'Orient et de l'Occident, du Nord et du Midi (3) ». Ainsi donc lorsqu'avant sa mort il jeûna l'espace de quarante jours, il semblait crier : Abstenez-vous des désirs de ce siècle; et lorsque durant quarante jours encore il mangeait et buvait après sa résurrection, il semblait dire hautement : « Voici que je suis avec vous jusqu'à la consommation du monde (4)». Le jeûne s'unit en effet aux fatigues de la lutte, attendu que celui qui combat sur l'arène s'abstient de tout (5) ; et la nourriture se prend avec l'espoir de parvenir à cette paix qui ne sera parfaite qu'au moment où se sera revêtu d'immortalité ce corps dont nous attendons la rédemption. Nous ne nous glorifions pas encore de l'avoir obtenue, mais nous vivons dans cette espérance. Pour montrer en nous ce double mouvement, l'Apôtre a dit : « Que l'espoir vous porte à la joie, que l'affliction vous trouve patients (6) » ; joie désignée par la nourriture, affliction rappelée par le jeûne. Sitôt en, effet que nous sommes entrés dans la voie du Seigneur, jeûnons aux vanités du siècle présent; et nourrissons-nous des promesses du siècle à venir, n'attachant point ici notre coeur et puisant là haut ce qui doit l'alimenter.

 

1. Matt. IV, 1, 2. — 2. Act. I, 3, 4, 21. — 3. Ps. CVI, 2, 3. — 4. Matt. XXVIII, 20. — 5. I Cor. IX, 25. — 6. Rom. XII, 12.

 

SERMON CCLXIV. POUR LE JOUR DE L'ASCENSION. IV. POURQUOI L'ASCENSION.
 

ANALYSE. — Jésus-Christ en montant an ciel semble s'être proposé deux motifs. I. Ses Apôtres avaient pour lui une affection un peu trop humaine; ils voyaient plutôt en lui l'humanité que la divinité. Afin d'élever plus haut leur esprit et leur en, Jésus voulut disparaître du milieu d’eux et les habituer à considérer en lui le Seigneur plutôt que le frère. Car il est véritablement égal à Dieu; tant de passages de l'Ecriture le prouvent d'une manière péremptoire. II. Pour les confirmer dans la foi de sa résurrection il n'était pas nécessaire qu'il vécût avec eux quarante jours précisément. S'il n'est monté au ciel qu'après ce laps de temps, c'est que ces quarante jours. désignent toute la vie et que durant notre vie tout entière nous devons être fidèle à la foi de l'incarnation pour monter au ciel avec Jésus-Christ, pour y avoir comme lui, à la fin des siècles, notre corps glorifié. Gardons-nous donc de croire que Jésus-Christ soit réellement inférieur à son Père ; croyons pour être sauvés le mystère de la Trinité sainte.

 

1. Les divines Ecritures renferment de nombreux mystères; il en est que nous-mêmes devons étudier encore; il en est aussi que le Seigneur a daigné découvrir à notre humilité; mais nous n'avons point assez de temps pour les exposer aux regards de votre sainteté. Je sais que durant ces jours de fête principalement l'église est remplie d'hommes qui voudraient sortir avant d'être entrés, qui nous trouvent fatigants si nous prêchons un peu plus de temps qu'à l'ordinaire; et qui pourtant, quand il s'agit de leurs festins, se hâtent d'arriver, ne se plaignent pas d'y rester jusqu'au soir, n'en refusent aucun et n'en sortent jamais avec la moindre confusion. Nous ne voulons pas toutefois priver ceux qui viennent ici tout affamés, et tout en nous expliquant brièvement, nous dirons pour quel motif mystérieux Notre-Seigneur Jésus-Christ est monté au ciel avec le corps qu'il a fait sortir avec lui du tombeau.

2. Parmi les disciples mêmes du Sauveur, le démon ne manquait pas d'en porter quelques-uns à l'infidélité; il y en eut même un qui pour croire le Seigneur ressuscité avec le corps qu'il lui avait vu, ajouta plutôt foi à ses cicatrices encore toutes fraîches qu'à ses membres vivants (1). Par compassion pour leur faiblesse et pour les affermir, Jésus daigna, après sa résurrection, vivre avec eux durant quarante jours entiers, depuis le jour de sa passion jusqu'au jour actuel, allant et venant,

 

1. Jean,XX, 25.

 

mangeant et buvant, comme le dit l'Ecriture (1); et leur prouvant que ce qu'ils voyaient da leurs yeux après la résurrection était bien ce qui avait expiré sur la croix. Cependant il ne voulut pas les laisser dans la chair ni les retenir plus longtemps par les liens d'une affection charnelle. Les mêmes sentiments qui avaient porté Pierre à redouter pour lui les souffrances, portaient les Apôtres à désirer qu'il demeurât toujours corporellement au milieu d'eux. Ils voyaient avec eux un Maître qui les encourageait, un Consolateur et un Protecteur humain, de même nature qu'eut. Quand ils ne le voyaient pas de cette manière sensible, ils le croyaient absent, quoique néanmoins il remplisse tout de sa majesté, Sans aucun doute il les couvrait de sa protection, comme la poule abrite ses poussins sous ses ailes, ainsi qu'il a daigné s'exprimer lui même (2); car il s'est rendu semblable à la poule qui partage les faiblesses de ses poussins. Rappelez vus souvenirs : combien ne voyons-nous pas d'oiseaux se reproduire? Nul autre que la poule cependant ne s'affaiblit avec ses poussins, et c'est pour ce motif que le Sauveur s'est comparé à elle, lui qui en s'incarnant a daigné prendre sur-lui nos infirmités. Il fallait toutefois élever un peu plus haut l'esprit des disciples, les habituer à se faire de lui des idées plus spirituelles, à le considérer comme le Verbe du Père, Dieu en Dieu, et le Créateur de toutes choses. Le corps qu'ils voyaient

 

1. Act. I, 3, 4, 21. — 2. Matt. XXIII, 37.

 

était pour eux un voile. Sans doute ils avaient besoin d'être affermis dans la foi en vivant avec lui durant quarante jours; mais pour eux il était préférable encore qu'il se dérobât à leurs yeux, que du haut du ciel il leur vînt en aide comme leur Seigneur, après avoir vécu avec eux sur la terre comme leur frère, et qu'il les  accoutumât à le voir comme étant Dieu même. C'est d'ailleurs ce que fait entendre l'Evangéliste saint Jean à quiconque l'écoute avec attention et intelligence : « Que votre coeur ne se trouble pas, fait-il dire au Seigneur. Si vous m'aimiez, vous vous réjouiriez de ce que je vais à mon Père, parce que mon Père est plus grand que moi (1). — Mon. Père et moi, dit-il ailleurs , nous sommes un (2) ». Il s'attribue même, non pas en l'usurpant, mais parce qu'elle lui est naturelle, une telle égalité avec Dieu, qu'un disciple lui ayant dit « Seigneur, montrez-nous votre Père, et il nous suffit », il répondit : « Philippe, il y a si longtemps que je suis avec vous, et vous ne connaissez pas mon Père? Qui me voit, voit aussi mon Père (3) ». Qui me voit? Mais ceux qui l'ont crucifié ne l'ont-ils pas vu de leurs propres yeux? Qui me voit ne signifie-t-il donc pas : Qui me connaît, qui me contemple de l'oeil du coeur ? S'il y a en nous une  ouïe intérieure qu'éveillait le Seigneur quand il disait «Entende, qui a des oreilles pour  entendre (4) », car il n'y avait alors aucun sourd devant lui; il. y a aussi dans notre coeur un oeil secret qui a vu le Père quand il a vu le Sauveur, car le Sauveur est égal à son Père.

3. Ecoute l'Apôtre : il veut mettre en relief celte immense miséricorde qui l'a porté à se rendre infirme pour l'amour de nous et pour réunir ses petits sous ses ailes ; enseignant à tous ses disciples de compatir aux faiblesses des faibles, quand ils se sont élevés tant soit peu au-dessus des communes faiblesses, attendu que lui-même est descendu du haut du ciel pour se charger de nos infirmités. « Ayez en vous, dit donc l'Apôtre, les sentiments qu'avait en lui le Christ Jésus ». Daignez imiter le Fils de Dieu par votre compassion pour les petits. « Il avait la nature de Dieu » ; c'était dire qu'il était égal à Dieu, la nature n'étant pas au-dessous de celui qui la possède, autrement elle ne serait pas sa nature. Afin toutefois d'écarter toute espèce de doute, saint Paul

 

1. Jean, XV, 1, 28. — 2. Ib. X, 30. — 3. Ib. XIV, 8, 9. — 4. Matt. XI, 15.

 

continue et emploie le mot qui doit empêcher de s'ouvrir les bouches sacrilèges. « Il avait la nature de Dieu, dit-il, et il n'a pas cru usurper en se faisant égal à Dieu ». — « Il n'a pas cru usurper? » Que signifient ces mots, mes très-chers frères? Que par nature il est l'égal de Dieu. Qui donc a usurpé l'égalité divine? Le premier homme, celui à qui il fut dit: « Goûtez et vous serez comme des dieux (1) ». Il voulut par usurpation s'élever jusqu'à la divine égalité, et par un juste châtiment il perdit son immortalité. Celui donc pour qui cette égalité était naturelle « ne crut pas usurper en se faisant égal à Dieu » ; et dès qu'il ne l'usurpa point, dès qu'elle était en lui naturelle, il était avec son Père dans l'union la plus intime, il l'égalait au degré suprême.

Cependant qu'a-t-il fait ? « Il s'est anéanti lui-même, continue l'Apôtre, en prenant une nature d'esclave; et devenu semblable aux hommes, reconnu pour homme dans son extérieur, il s'est abaissé en se faisant obéissant jusqu'à la mort, et jusqu'à la mort de la croix (2) ». Ce n'était pas assez de dire jusqu'à la mort, saint Paul indique encore le genre de mort. Pourquoi l'indiquer? Le voici. Beaucoup sont prêts à la mort; beaucoup disent : Je ne crains pas de mourir ; je voudrais seulement expirer dans mon lit, entouré de mes fils, de mes petits-fils et des larmes de mon épouse. Ce langage semble ne pas repousser la mort; mais s'ils choisissent un genre de mort spécial, c'est qu'ils éprouvent une peur qui les tourmente. Le Sauveur aussi a choisi sa mort, mais la plus horrible de toutes. Au lieu que les hommes cherchent la mort la plus douce, il a cherché, lui, la mort la plus cruelle, celle que tous les Juifs avaient en exécration. , Il n'a pas craint d'être conduit à la mort par de fausses dépositions et par sentence judiciaire, lui qui viendra juger les vivants et les morts: il n'a pas craint de mourir au milieu des ignominies de la croix, afin de délivrer tous les croyants de toute ignominie. Voilà pourquoi « il s'est fait obéissant jusqu'à la mort et jusqu'à la mort de la croix ». Par nature néanmoins il est l'égal de Dieu : fort de la puissance de la suprême majesté, il est devenu faible par compassion pour l'humanité ; fort pour tout créer, il est devenu faible pour tout,restaurer.

 

1. Gen. III, 5. — 2. Philip. II, 5-8

 

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4. Revenons à ce qui est dit dans saint Jean « Si vous m'aimiez, vous vous réjouiriez de ce que je vais à mon Père ; car mon, Père est plus grand que moi ». Où est donc l'égalité dont parle l'Apôtre , dont parle le Seigneur même, soit en disant : « Mon Père et moi nous sommes un » ; soit en disant encore et ailleurs : « Qui me voit, voit aussi mon Père? » Comment expliquer ces mots: «Car mon Père est plus grand que moi ? » — Autant que le Seigneur daigne me le montrer, mes frères, ces paroles sont tout à la fois un reproche et une consolation. Les disciples étaient comme fixés dans l'humanité du Sauveur, et ils ne pouvaient penser à sa divinité. Pour qu'ils vissent Dieu en lui; il fallait éloigner l'humanité d'eux et de leurs regards, afin que rompant la familiarité qu'ils avaient avec l'humanité visible, ils apprissent, au moins en son absence, à s'occuper dé la divinité. Voilà pourquoi il leur dit: « Si vous m'aimiez, vous vous réjouiriez de ce que je vais à mon Père». — Pourquoi nous en réjouir? — Parce qu'en me voyant aller à lui, vous pourrez me considérer comme étant son égal (1). C'est pourquoi je vous rappelle qu' « il est plus grand que moi ». Oui, tant que vous me voyez dans mon corps, mon Père est sous ce rapport plus grand que moi. —Avez-vous compris ? N'oubliez pas que les Apôtres ne savaient guère penser qu'à l'humanité du Sauveur.

En considération de ceux de nos frères dont l'esprit est moins vif, je vais m'expliquer plus clairement. Que ceux qui ont compris supportent leur lenteur et imitent « ce Seigneur qui s'est humilié, quand il avait la nature de Dieu, et qui s'est fait obéissant jusqu'à la mort ».

« Si vous m'aimiez » ; que veulent dire ces mots? « Si vous m'aimiez; vous vous réjouiriez de ce que je vais à mon Père. — Si vous m'aimiez» , ne signifie-t-il donc pas: Vous ne m'aimez point? Mais alors qu'aimez-vous? La chair que vous voyez et que, pour ce motif, vous, ne voulez pas perdre de vue. Mais « si vous m'aimiez », moi, moi-même qui suis le Verbe existant dès le principe, existant en Dieu et Dieu même (2), comme le dit encore saint Jean; « si donc vous m'aimiez » en tant que je suis le Créateur de toutes choses, «vous vous réjouiriez de ce que je vais à mon

 

1. Voir De la Trinité, liv. I, ch. 7. — 2. Jean, I, 1.

 

Père ». Pourquoi ? « Parce que mon Père est plus grand que moi ». Tant que vous me voyez sur la terre, mon Père est à vos yeux plus grand que moi. Je veux donc me dérober à vos regards, soustraire à votre vue cette chair mortelle que j'ai prise pour partager votre mortalité, vous empêcher de voir ce vêtement dont je me suis couvert par humilité, mais en l'élevant au ciel pour vous montrer ce que vous devez espérer. Le Sauveur effectivement n'a point laissé ici la tunique dont il a voulu s'y revêtir. Eh ! s'il l'y avait laissée, qui espérerait la résurrection de la chair? Aujourd'hui même qu'elle est montée au ciel avec lui, il y a des hommes qui doutent encore de cette résurrection. Comment ! si Dieu est ressuscité; il ne ressusciterait pas l'homme? Qu'on, ne l'oublie pas, c'est par compassion que Dieu a pris un corps, tandis que le corps fait partie de la nature humaine. Nonobstant, Dieu a repris ce corps, il a confirmé ses disciples dans cette croyance, puis il l'a porté au ciel. Une fois donc ce corps sacré soustrait à leurs regarde, ils n'ont plus vu l'homme dans le Seigneur. Ce qui pouvait rester dans leurs coeurs d'affection charnelle s'est senti attristé. Mais ils se sont réunis et se sont mis à prier.

Jésus, dix jours après, devait leur envoyer le Saint-Esprit, afin que le Saint-Esprit les embrasât d'un amour tout spirituel en les délivrant de leurs regrets trop charnels. Ainsi leur apprenait-il alors à considérer le Christ comme étant le Verbe de Dieu, Dieu en Dieu et le Créateur de toutes choses ; ce qu'ils n'au. raient pu saisir tant que l'objet de leur amour trop sensible n'aurait point disparu de leurs yeux. Pour ce motif donc le Sauveur disait: « Si vous m'aimiez; vous vous réjouiriez de ce que je vais à mon Père, car mon Père à plus grand que moi ». Il est au-dessus de moi, considéré comme homme; comme Dieu, il est mon égal ; égal par nature et supérieur si on a égard seulement à l'humanité à laquelle s'est uni le Fils par miséricorde. Dieu, à la vérité, l'a abaissé, non-seulement au-dessous de lui, mais encore au-dessous des Anges, comme le dit l'Ecriture (1). Il n'est pas toutefois inférieur à son Père vainement croiriez-vous qu'en s'incarnant il a perdu quelque chose de son égalité avec lui, il n'en arien perdu, et en prenant une chair, en s'unissant à

 

1. Ps. VIII, 6.

 

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l’humanité, il n'a éprouvé aucun changement en lui-même. Quand on se revêt d'un habit, on ne devient point cet habit, on reste intérieurement tout ce que l'on était. Supposé qu'un sénateur prenne un vêtement d'esclave, parce qu'il ne lui serait point permis d'entrer dans an cachot avec son costume de sénateur pour y consoler un prisonnier; le voilà couvert du vêtement de la prison ; c'est par humanité qu'il se montre sous ces vils lambeaux ; mais son caractère de sénateur ne brille-t-il pas en lui avec d'autant plus d'éclat que par un sentiment de compassion plus vive il s'est plus abaissé? Ainsi en est-il de Notre-Seigneur: il et toujours Dieu, toujours le Verbe, la Sagesse et la Vertu de Dieu ; toujours occupé à gouverner le ciel, à diriger la terre et à remplir les Anges de bonheur ; tout entier partout, tout entier dans le monde, tout entier dans les prophètes, tout entier dans les patriarches, tout entier dans tous les saints, tout entier dans le sein d'une Vierge pour s'y revêtir de chair, pour s'unir à cette chair comme à une épouse, afin d'en sortir comme un époux du lit nuptial et de se fiancer l'Eglise comme ce vierge immaculée. C'est ainsi qu'en tant qu'homme il est inférieur à son Père, tout en restant son égal en tant que Dieu.

Ah ! défaites-vous donc de vos désirs trop humains. Il semble que le Seigneur ait dit à ses Apôtres : Vous ne voulez pas me quitter ; tous êtes comme celui qui ne veut pas se séparer de son ami et qui lui dit en quelque verte: Restez avec nous encore un peu de temps, car notre âme se ravive en vous voyant; mais il vous sera plus avantageux de ne plus voir ce corps et de songer davantage à ma divinité. Je m'éloigne de vous extérieurement ; mais intérieurement je vais vous remplir. Est-ce comme ayant un corps et avec son corps que le Christ entre dans le coeur ? C'est par sa divinité qu'il occupe le coeur ; c'est par son corps qu'il parle aux yeux et aux oreilles pour aller au coeur. Il est au dedans de nous pour nous convertir sincèrement à lui, pour nous donner sa vie et nous modeler sur lui, car il est le modèle incréé et universel.

5. Si donc il a vécu avec ses: disciples quarante jours après sa résurrection, ce n'est pas mus motif. Vingt, trente jours lui auraient suffi peut-être; mais quarante jours figurent le cours entier de ce monde, nous l'avons montré quelquefois, parce qu'ils sont le pro duit de dix multiplié par quatre. Je ne ferai que vous le rappeler, puisque vous m'avez entendu.

Le nombre dix, denarius, symbolise la sagesse dans sa plénitude. Mais cette sagesse est prêchée aux quatre parties du monde, partout l'univers. De plus le temps est divisé en quatre parties ; car il y a quatre saisons dans l'année, comme il y a dans le monde les quatre points cardinaux. Multipliez maintenant dix par quatre, voilà quarante. Aussi bien est-ce durant quarante jours que le Seigneur a jeûné, pour nous montrer que les fidèles doivent éviter toute espèce de corruption, pendant tout le temps qu'ils passent en cette vie (1). Pendant. quarante jours encore a duré le jeûne d'Elie (2), le représentant des prophètes, pour montrer aussi qu'ils enseignent le même devoir. Quarante jours aussi a jeûné Moïse (3), en qui se personnifiait la loi, pour rappeler également que la loi trace la même obligation. La marche du peuple d'Israël dans le déserta duré quarante ans. L'arche ou l'Eglise a flotté quarante jours sur les flots du déluge. Elle était formée de bois incorruptible ; ce sont les âmes des saints et des justes. Elle renfermait des animaux purs et impurs; c'est que durant toute cette vie et pendant que l'Eglise se purifie dans les eaux du baptême comme dans les.eaux du déluge, il est impossible qu'il n'y ait en elle des bons et des méchants. C'est donc pour cela que l'arche contenait des animaux purs et des animaux impurs ; mais une fois sorti de l'arche, Moïse n'offrit en sacrifice à Dieu que des animaux purs (4); ce qui doit nous faire entendre que si dans l'arche mystérieuse il y a maintenant des méchants mêlés aux bons, Dieu n'acceptera, après le déluge, que ceux qui se seront purifiés.

Considérez donc, mes frères, tout le temps actuel comme une période de quarante jours. Durant tout le temps que nous passons ici-bas, l'arche est battue par les flots du déluge ; elle semble voguer sur les eaux où elle a vogué quarante jours, pendant tout le temps. qu'il y a des chrétiens pour recevoir le baptême et se purifier. Or, en demeurant avec ses disciples l'espace de quarante jours, le Seigneur a daigné nous faire entendre que durant toute cette vie la foi à son incarnation est nécessaire à tous, à tous à cause de leur faiblesse. Si l'oeil

 

1. Matt. IV, 2. — 2. III Rois, XIX, 8. — 3. Exod. XXXIV, 28. — 4. Gen. VI-VIII.

 

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avait pu voir ici le Verbe qui était au commencement (1) », le voir, le saisir, l'embrasser, jouir de lui, il n'eût pas été besoin que ce Verbe se fit chair et habitât parmi nous ; mais la poussière de l'iniquité s'étant répandue dans l'oeil du coeur pour le fermer, l'empêcher de saisir le Verbe, de jouir de lui et conséquemment de le connaître ; il a daigné se faire homme afin de purifier cet oeil qui ne saurait le contempler aujourd'hui: L'incarnation du Christ est ainsi nécessaire aux fidèles durant cette vie, afin de les élever jusqu'à Dieu ; et il n'en sera pas ainsi lorsque nous contemplerons, ce Verbe dans sa gloire. Si donc il a vécu dans son corps quarante jours après sa résurrection, c'est qu'il fallait nous apprendre que la foi à son incarnation est nécessaire durant tout le temps que l'arche sacrée flotte en cette vie comme sur les eaux du déluge.

Voici toute ma pensée, mes frères : Croyez-en Jésus-Christ, le Fils de la Vierge Marie; croyez qu'après avoir été crucifié il s'est rendu la vie. Quel besoin de le questionner après la vie présente? La foi nous a tout appris, elle nous rend sûrs de tout; son enseignement est indispensable à notre faiblesse. Représentez-vous donc l'affection de cette poule mystérieuse qui abrite nos défaillances, comme la monture sur laquelle a été placé, par le compatissant voyageur, le malade meurtri (2). Où ce voyageur a-t-il placé le malade? Sur sa monture. La monture du Seigneur est sa propre chair. Une fois ce siècle écoulé, que te sera-t-il dit? Puisque tu as cru comme il fallait l'incarnation du Christ, jouis maintenant de la majesté et de la divinité du Christ. Quand tu étais faible je devais pour toi être faible; maintenant que tu es fort tu auras besoin de nie voir dans ma force.

6. Aussi bien dois-tu à ton tour quitter ta faiblesse, ainsi que te l'a dit l'Apôtre en ces termes : « Il faut que corruptible ce corps se revête d'incorruptibilité, et que mortel il se  revête d'immortalité. Car ni la chair ni le sang ne posséderont le royaume de Dieu (3)». Pourquoi ne le posséderont-ils point? Est-ce que la chair ne ressuscitera pas? Loin d'ici cette idée; elle ressuscitera, mais qu'arrive-t-il ? Elle est changée, elle devient un corps tout céleste, tout angélique. Les anges ont-ils donc un corps de chair? Mais distinguons. La

 

1. Jean, I, 1. — 2. Matt. XXIII , 37; Luc, X, 30-34. —  3. I Cor. XV, 53, 50.

 

chair qui ressuscitera sera cette chair qu'oc ensevelit, qui meurt; cette chair que l'on voit, que l'on touche, qui a besoin, pour s'entretenir, de manger et de boire; qui est malade, en proie à bien des souffrances; oui, c'est elle qui doit ressusciter pour l'éternel supplice des méchants et pour se transformer dans les bons. Et une fois transformée? Ce sera un corps céleste, et non plus une chair mortelle; car « il faut que corruptible ce corps revête l'incorruptibilité et que mortel il revête l'immortalité». On s'étonne que Dieu fasse; de cette chair un corps céleste, quand il a fait. tout de rien? Quand il vivait ici-bas, le Seigneur a changé l'eau en vin, et on s'étonnait qu'il pût changer la chair en corps céleste? Ne doutez donc pas que Dieu en soit capable. Avant d'avoir reçu l'existence, les Anges n'étaient rien; c'est à la Majesté suprême qu'ils doivent d'être ce qu'ils sont. Quoi ! Celui qui a pu te former quand tu n'étais pas, ne pourrait te rendre ce que tu étais, ni glorifier ta foi par égard pour son incarnation même?

Aussi, lorsque ce monde aura passé pour nous, se réalisera cette parole de saint Jean : « Mes bien-aimés, nous sommes les enfants de Dieu, et ce que nous serons ne paraît pas encore; nous savons seulement que quand le Seigneur apparaîtra, nous lui serons semblables, parce que nous le verrons tel qu'il est (1) ». Préparez-vous à jouir de cette vue; et en attendant, croyez au Christ incarné et croyez-y sans redouter d'être dupes de la moindre erreur. La vérité ne ment jamais; eh ! si elle mentait, près de qui irions-nous prendre conseil? Que ferions-nous? A qui aurions-nous fui? C est donc la Vérité même, le Verbe véritable, la véritable Sagesse, la véritable Vertu de Dieu; c'est « le Verbe qui s'est fait chair (2) » , chair véritable. « Touchez et ? voyez, dit-il lui-même, car un esprit n'a ni os ni nerfs comme vous m'en voyez (3)». Tout en lui était vrai, les os, les nerfs, les cicatrices, tout ce qu'on touchait et tout ce que révélait l'intelligence. — Si on touchait en lui l'humanité on y découvrait la divinité; si on touchait la: chair, on sentait la sagesse ; si on touchait la faiblesse, on adorait la puissance; tout était vrai: Ensuite pourtant sa chair est montée au ciel; mais il est notre Chef et ses membres le suivront. Pourquoi? C'est que ces membres

 

1. I Jean, III, 2. — 2. Ib. I, 14. — 3. Luc, XXIV, 39.

 

353

 

ont besoin de s'endormir pour quelque temps, afin de ressusciter tous ensemble au moment fixé. Si le Seigneur aussi n'avait voulu ressusciter qu'à cette époque, en qui croirions-nous? Quand donc il a voulu offrir à Dieu dans sa personne les prémices de ceux qui dorment, c'était pour que la vue de ce qu'il a reçu te fît compter sur ce qui t'est promis. Le peuple entier dé Dieu sera par conséquent alors égal et associé aux anges. Ah ! mes frères, que nul ne s'avise de vous dire: Ces insensés de chrétiens croient la résurrection de la chair; mais qui ressuscite? qui est ressuscité? qui est revenu des enfers pour vous dire ce qui s'y passe? C'est le Christ qui en est revenu. O malheureux, ô pervers, ô inexplicable coeur humain ! Si un aïeul ressuscitait, on le croirait; le Seigneur du monde est ressuscité, et on refuse de le croire !

7. Ainsi donc, mes frères, attachez-vous à la foi véritable, pure, catholique. Le Fils est égal au Père; au Père est égal aussi le Don de Dieu, l'Esprit-Saint; voilà pourquoi le Père, le Fils et le Saint-Esprit ne sont pas trois dieux, mais un seul Dieu; ils ne sont pas élevés graduellement au-dessus l'un de l'autre, ils sont unis par une même majesté et ne sont qu'un seul Dieu. Pour nous cependant, le Fils, « le Verbe, s'est fait chair et il a habité parmi nous ». Mais, « il n'a pas cru usurper en se faisant égal à Dieu; au contraire il s'est; humilié en prenant une nature d'esclave, et par son extérieur il a été reconnu pour homme (1)».

Voulez-vous vous convaincre encore, mes frères, qu'il y a dans la sainte Trinité égalité véritable, et que c'est uniquement en vue de son incarnation que le Seigneur a dit : « Mon Père est plus grand que moi (2)? » Pourquoi n'est-il dit nulle part de l'Esprit-Saint qu'il est inférieur au Père, sinon parce qu'il ne s'est point incarné? Réfléchissez à cela , sondez toutes les Ecritures , déroulez-en toutes les pages, lisez-en tous les versets, jamais vous n'y découvrirez que le Saint-Esprit soit au-dessous de Dieu. Si donc il y est dit que le Fils est au-dessous du Père, c'est que pour l'amour de nous il s'est amoindri, amoindri pour nous grandir.

 

1. Philip. II, 6, 7. — 2. Jean, XIV, 28.

SERMON CCLXV. POUR LE JOUR DE L'ASCENSION. V.
 

ANALYSE. — Lorsque le Seigneur ressuscité fut sur le point de, monter au ciel, ses Apôtres lui demandèrent à quelle époque il reviendrait dans sa gloire. Le Sauveur leur répondit que c'était le secret de son Père. Il ne voulut pas le leur apprendre, parce qu'il valait mieux pour eux l'ignorer ; mais il leur enseigna une vérité bien nécessaire à connaître, savoir, qu'ils établissaient l'Eglise et que l'Eglise serait, par eux répandue dans tout l'univers. Par respect pour ce testament du Christ, ne devrait-on pas reconnaître cette Eglise universelle ?  — De plus il a donné deux fois le Saint-Esprit à ses Apôtres, la première fois après la résurrection et la seconde fois après son ascension. Sans préjudice pour une interprétation meilleure et qui me satisferait moi-même davantage, je crois que c'était pour rappeler le double précepte de la charité, dont l'Esprit-Saint est la source. Mais on n'a point la charité quand on rompt l'unité. Qui ne serait frappé de toutes ces  recommandations que fait le Sauveur en leur de l’Eglise avant de quitter la terre ?

 

1. Nous allons, en ce jour solennel, réveiller des souvenirs et instruire la négligence. Aujourd'hui en effet nous célébrons avec pompe l'ascension du Seigneur au ciel. Car après avoir déposé et repris son corps, après être ressuscité d'entre les morts, Notre-Seigneur et Sauveur se montra plein de vie à ses disciples, qui avaient, à sa mort, désespéré de lui. Il se montra à eux, pour qu'ils le vissent de leurs yeux, le touchassent de leurs mains, et pour édifier leur foi en leur faisant voir la réalité. Mais ce n'eût pas été assez pour la (354) fragilité humaine et pour les hésitations des faibles, de ne montrer qu'un seul jour ce vivant prodige et de le faire, disparaître ensuite. Aussi, comme nous l'avons vu pendant la lecture des Actes des Apôtres, vécut-il encore sur la terre avec ses disciples pendant quarante jours, allant et venant, mangeant et buvant, non par besoin; triais pour les convaincre davantage de la réalité. Ce fut, le quarantième jour, celui dont nous faisons aujourd'hui mémoire, que sous leurs yeux, et pendant.qu'ils l'accompagnaient du regard, il monta au ciel.

2. Eux le voyaient monter avec admiration et en même temps avec joie, car la glorification du Chef est l'espoir des membres; et quand ils l'eurent perdu de vue, ils entendirent des anges leur dire : « Hommes de Galilée, pourquoi vous tenez-vous là, regardant au ciel ? Ce Jésus viendra de la même manière que vous l'avez vu aller au ciel (1) ». Que signifie : « Il viendra de la même manière ? » Qu'il viendra avec la même nature, afin que s'accomplisse cette prophétie de l'Ecriture : « Ils porteront leurs regards sur Celui qu'ils ont transpercé (2). Il viendra de la même manière ». Homme, il viendra vers les hommes; mais il viendra aussi comme Homme-Dieu. Il viendra tout à la fois comme homme et comme Dieu véritable, afin de rendre les hommes des dieux. C'est le Juge du ciel qui vient d'y monter, il a été annoncé par la voix de ses hérauts célestes. Donc, rendons bonne notre cause, et ne redoutons pas ses futurs arrêts. Il est monté réellement; ce sont les témoins oculaires qui nous l'ont appris. Parmi ceux qui n'ont pas été témoins de cet événement, il en est qui y ont ajouté foi; d'autres n'y ont pas cru et l'ont même tourné en dérision. « Car tous n'ont pas la foi (3) » ; et comme « tous n'ont pas la foi, le Seigneur connaît ceux qui sont à lui (4) ». Mais pourquoi contester que Dieu soit monté au ciel? Etonnons-nous plutôt qu'il soit descendu aux enfers. Etonnons-nous de la mort du Sauveur, et célébrons sa résurrection au lieu de nous en étonner. Nos péchés ont fait notre perte; le sang du Christ a été versé pour notre rançon; sa résurrection est notre espoir et son avènement sera pour nous la réalité. Ainsi donc attendons-le jusqu'à ce qu'il vienne de

 

1. Act. I, 2-11, 21. — 3. Zach. XII, 10 ; Jean, XIX, 37. — 3. II Thess. III, 2. — 4. II Tim. II, 19.

 

la droite de son Père où il est assis. Que notre âme altérée lui, dise : Ah! quand viendra. t-il? « Mon âme a soif du Dieu vivant (1) ». Quand viendra-t-il? Il viendra; mais quand? Tu soupires après sa venue; puisse-t-il te trouver préparé !

3. Gardons-nous toutefois , de croire que nous soyons seuls à désirer l'avènement de notre Dieu et à dire : Quand viendra-t-il? Ses disciples éprouvaient aussi le même désir. Si, maintenant que vous soupirez, que vous attendez, que vous êtes en suspens, que vous aspirez à l'époque où viendra le Seigneur notre Dieu, je pouvais vous le dire, quelle , idée n'auriez-vous pas de moi? Mais vous ne comptez pas, sur moi pour vous l'apprendre, ce serait vous tromper étonnamment. Ah ! si vous aviez là devant les yeux et sous la main Notre-Seigneur Jésus-Christ en personne, vivant et parlant dans,son corps, je n'en doute pas, vous lui exposeriez votre désir et vous lui, ; diriez : Quand viendrez-vous, Seigneur? Ainsi ses disciples l'interrogèrent-ils quand il était encore présent au milieu d'eux. Vous ne pouvez l'interroger comme ils l'ont interrogé; apprenez ce qui leur fut répondu. Ils étaient là et nous n'y étions pas; mais si nous nous en rapportons à eux, c'est pour nous comme pour eux qu'ils ont fait la demande et entendu la réponse. Sur le point d'accompagner du regard le Christ montant au ciel, ils lui dirent donc : « Seigneur, est-ce à cette époque que « vous vous rendrez présent:? » A qui parlaient-ils? Qui était sous leurs yeux? « Est-ce à cette époque que vous, vous rendrez présent? » Que signifie ce langage ? Jésus n'était-il pas présent quand ils le voyaient, quand ils l'entendaient, quand ils le touchaient même ? Que veut donc dire : « Est-ce à cette époque que vous vous rendrez présent? » C'est que les Apôtres savaient qu'au jugement dernier Jésus-Christ sera présent et visible pour les étrangers aussi bien que pour ses amis, au lieu qu'après sa résurrection il ne s'est montré qu'à ses disciples. Ils savaient donc, ils étaient persuadés par la foi qu'un temps viendrait où leur Maître jugerait, lui qu'on a osé juger; où il élirait et réprouverait, lui qu'on a mis au nombre des réprouvés; où il paraîtrait avec éclat devant les deux fractions de l'humanité, pour placer les uns à

 

Ps. XLI, 3.

 

355

 

droite et les autres à gauche, pour prononcer des sentences que tous entendront, pour offrir des récompenses qui ne seront pas pour tous et menacer de châtiments que tous n'auront pas à craindre. Ils savaient que tout cela arrivera; mais ils demandaient à quel moment. « Est-ce à cette époque que vous vous rendrez présent? » Présent, non pas à nous, puisque nous vous voyons, mais à ceux mêmes qui n'ont pas cru en vous. « Est-ce à cette époque que vous vous rendrez présent, dites-le nous, et à quel moment rétablirez-vous le royaume d'Israël ? » Ils demandaient donc «.Est-ce à cette époque que vous vous rendrez présent, et à quel moment viendra le règne d'Israël? » Quel est ce règne? Celui dont nous disons : « Que votre règne arrive (1) ». Quel est ce règne ? Celui dont il sera parlé en ces termes aux élus placés à droite : «Venez, a bénis de mon Père, recevez le royaume qui vous a été préparé dès l'origine du monde » ; au moment où il sera dit à la gauche: « Allez au feu éternel, préparé pour le diable et ses anges (2) ». Arrêt terrible ! arrêt épouvantable ! mais « la mémoire du juste sera éternelle, il n'aura rien à redouter de l'horrible sentence (3) ». Aux uns donc le bonheur, le malheur aux autres ; mais dans l'un et l autre arrêt le Seigneur dit également la vérité, parce qu'il parle également selon la justice.

4. Écoutons enfin la réponse faite aux disciples, si toutefois il a été répondu à leur question; et s'il n'y a pas été répondu, retenons ce qui leur a été dit, sans craindre ce qui doit arriver. « Seigneur, est-ce à cette époque que vous vous rendrez présent? » Quand arrivera le règne de vos amis, le règne des humbles, et jusques à quand durera l'arrogance des superbes? Voilà bien ce que vous demandiez vous-mêmes , ce que vous désiriez savoir. Examinons la réponse ; ne dédaignons pas, faibles agneaux, ce qui a été dit aux béliers du troupeau. Écoutons ce qu'a déclaré le Seigneur en personne. A qui ? A Pierre, à Jean, à André, à Jacques et aux autres Apôtres, tous si grands et si dignes, parce que la grâce les a rendus tels après les avoir trouvés indignes. Donc, à cette question : « Est-ce à cette époque «que vous vous rendrez présent , et quand a arrivera, le règne d'Israël », qu'a répondu le Seigneur? « Ce n'est pas à vous de connaître

 

1. Matt. VI, 10. — 2. Matt. XXV, 34, 41. —  3. Ps. CXI, 7.

 

les temps que le Père a réservés en sa puissance ». Quoi ! C'est à Pierre qu'il est dit « Ce n'est pas à vous », et toi, tu répètes: C'est à moi? « Ce n'est pas à vous de connaître les temps que le Père a réservés en sa puissance ». Vous croyez, et vous avez raison de croire qu'un jour arrivera ce règne. Quand arrivera-t-il? Que t'importe? Tiens-toi prêt pour le moment. « Ce n'est pas à vous de connaître les temps que le Père a réservés en sa puissance ». Ici, point de curiosité, il ne faut que de la piété. Que t'importe le moment? Vis comme si ce devait être aujourd'hui, et l'heure venue tu n'auras rien à craindre.

5. Admirez quel ordre et quelle sagesse dans ce Maître bon, incomparable, unique. Il ne dit pas ce qu'on lui demande, il dit ce qu'on ne lui demande pas. Il savait qu'ils ne gagneraient rien à connaître ce qu'ils désiraient, et il leur apprend, sans que même ils le demandent, ce qu'il était bon qu'ils sussent. « Ce n'est pas à vous de connaître les temps ». Que t'importe? La grande affaire est de se soustraire aux temps et tu les recherches? « Ce n'est pas à vous de connaître les temps que le Père a réservés en sa puissance ». Puis le Sauveur suppose qu'ils lui demandent: Qu'est-ce donc qui nous regarde? Écoutons, écoutons ici ce qui nous regarde nous-mêmes principalement. Ils ont interrogé le Seigneur sur ce qui ne doit pas se divulguer, et il leur apprend ce qu'ils doivent savoir. « Il ne vous appartient pas de savoir les temps que le Père a réservés en sa puissance ». Que vous appartient-il donc de savoir?

6. « Mais vous recevrez la vertu de l'Esprit-Saint survenant en vous, et vous me servirez de témoins ». Où? « A Jérusalem ». C'est ce que nous avions besoin de connaître; car il est ici question de l'Église; c'est elle que recommande le Fils de Dieu en prêchant l'unité et en condamnant la division. Il dit donc aux Apôtres; « Vous me servirez de témoins ». C'est à des coeurs fidèles, c'est aux instruments de Dieu, aux instruments de sa miséricorde qu'il dit : « Vous me servirez de témoins ». Où? « à Jérusalem », où j'ai été mis à mort; « dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu'aux extrémités de la terre ». Entendez, retenez bien cela. Soyez l'épouse et attendez l'Époux sans inquiétude. L'Église est cette épouse. Où doit-elle s'étendre, à la voix de ces témoins? Où doit-elle s'étendre? Plusieurs  (356) diront : La voici. Je les écouterais, si d'autres ne disaient également : La voici. Toi, que dis-tu ? Elle est ici. J'y cours, mais un autre m'arrête et me dit également : Elle est ici. Tu dis, d'une part: Elle est ici. Elle est ici, me dit-on d'autre part. Interrogeons le Seigneur, adressons-nous à lui. Que les parties se taisent; saisissons la réponse tout entière. L'un me crie d'un côté : Elle est ici. Non, répond-on d'un autre côté, c'est ici qu'elle est. A vous, Seigneur, de          parler ; faites connaître cette Eglise que vous avez rachetée, montrez-nous votre bien-aimée. Nous sommes invités à vos noces, montrez-nous votre fiancée, afin que nos contestations ne viennent pas troubler votre bonheur. Le Seigneur s'explique, il s'explique clairement; s'il aime qu'on l'interroge , il n'aime pas qu'on dispute. C'est à ses disciples qu'il parle et qu'il parle sans être interrogé, tant il est opposé aux querelles. Si d'ailleurs les Apôtres ne le questionnaient pas encore sur ce point, c'est peut-être parce que les voleurs n'avaient point porté encore la division dans son troupeau. Pour nous qui avons à la pleurer tant de ruptures, cherchons avec ardeur le lien de l'unité.

Donc, pendant que les Apôtres demandent quand aura lieu le jugement, le Seigneur leur apprend où est l'Eglise. Il ne répondait point à leur demande; mais il prévoyait nos douleurs. « Vous me servirez de témoins, dit-il, à Jérusalem ». Ce n'est pas assez. Vous n'avez pas donné une rançon si précieuse pour cette seule cité : « A Jérusalem ». Continuez. « Et jusqu'aux extrémités de la terre ». Te voici arrivé aux limites du monde, pourquoi n'y pas finir tes disputes? Qu'on ne me dise donc plus : C'est ici qu'elle est; non, mais c'est ici. Tais-toi, présomption humaine ; écoute la divine parole et attache-toi aux promesses réelles. « C'est à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu'aux extrémités de la terre ». A ces mots, « une nuée le déroba (1) », il ne fallait plus rien ajouter, pour n'occuper pas l'esprit d'autre chose.

7. Mes frères, on écoute ordinairement avec le plus vif intérêt les dernières paroles d'un père qui descend au tombeau; et on dédaigne les recommandations dernières du Seigneur montant au ciel ? Figurons-nous que notre Sauveur ait écrit son testament et qu'il y ait

 

1. Act. I, 8-9.

 

gravé ses dernières volontés. Il prévoyait que des fils ingrats contesteraient et qu'ils essaieraient de se partager l'héritage d'autrui. Et pourquoi ne trancheraient-ils pas dans ce qu'ils n'ont pas acheté ? Pourquoi ne briseraient-ils pas ce qui ne leur coûte rien? Pour lui, jamais il n'a consenti à ce qu'on divisât cette tunique sans couture, d'un seul tissu, depuis le haut jusqu'en bas (1). Elle est le symbole de l'unité , le symbole de la charité, et voilà pourquoi elle est tissue de haut en bas. La cupidité est un fruit de la terre, la charité vient du ciel. Eh bien ! mes frères, le Seigneur a écrit son testament; il a gravé ses dernières volontés. N'en serez-vous pas touchés, je vous en prie ? N'en serez-vous pas touchés comme nous lé sommes nous-mêmes? N'est-il donc pas possible que vous en soyez touchés?

8. Le Christ a été glorifié deux fois dans son humanité: la première, quand il est ressuscité d'entre les morts, le troisième jour; la seconde, quand il est monté au ciel sous les yeux de ses disciples. Ce sont là les deux circonstances principales où il a été glorifié. Il le doit être encore une fois à la vue de tous les hommes; c'est lorsqu'il apparaîtra sur son tribunal, L'Evangéliste, saint Jean avait dit de l'Esprit-Saint : « Or l'Esprit n'avait pas encore été donné, parce que Jésus n'était pas encore glorifié (2). — L'Esprit-Saint n'avait pas encore été ci donné». Pourquoi n'avait-il pas été donné encore? « Parce que Jésus n'était pas encore « glorifié ». — On attendait donc, pour donner l'Esprit-Saint, que Jésus fût glorifié. Aussi, glorifié deux fois, à sa résurrection et à son ascension, il a deux fois donné le Saint-Esprit. Il n'a donné qu'un même Esprit, il l'a donné seul et l'a donné à l'unité ; mais il l'a donné deux fois : la première, lorsqu'après sa résurrection il dit à ses disciples : « Recevez le Saint-Esprit- » , et qu'il souffla sur leur visage (3); voilà la première fois. Plus tard il leur promet encore. de leur envoyer l'Esprit-Saint, et il leur dit : « Vous recevrez la vertu de l'Esprit-Saint survenant en vous (4) » ; et ailleurs : « Restez dans la ville, car je vais accomplir la promesse de mon Père, celle que vous avez ouïe de ma propre bouche (5)». Et dix jours après son ascension,-il leur envoya le Saint-Esprit. Ce sera pour nous la fête solennelle de la Pentecôte:

 

1. Jean, XIX, 23, 24. — 2. Jean, VII, 39. — 3. Jean, XX, 22. — 4. Act. I, 8. — 5. Luc, XXIV, 49.

 

357

 

9. Attention, mes frères. On va sans doute me demander: Pourquoi a-t-il donné deux fois le Saint-Esprit ? — On a fait n cela. beaucoup de réponses, réponses humaines comme, l'étaient les. recherches. On a fait des réponses qui n'avaient rien de contraire à la foi,: bien différentes l’une de. l'autre, elles ne se sont point cependant écartées de la règle de la vérité. Assurerai-je que je connais pourquoi le Sauveur a donné deux fois l'Esprit-Saint ? Ce serait mentir. Je l'ignore sûrement. Il y a témérité à affirmer ce qu'on ne sait pas ; ingratitude à nier ce qu'on sait. J'en fais donc l'aveu, je suis encore à chercher pour quel motif le Seigneur a deux fois donné l'Esprit-Saint, et je désire arriver à plus de certitude que je n'en ai. Daigne cependant le Seigneur exaucer vos prières et m'aider à vous dire ce qu'il,veut bien m'accorder de penser: de ne sais donc pour quel motif. Mais j'ai une idée qui n'est pas la science, dont je suis bien loin d'être sûr. comme je le suis de, l'envoi de l'Esprit-Saint aux Apôtres; cette idée, je ne la tairai pas. Si elle est juste, que le Seigneur l'affermisse; s'il en est une autre qui paraisse plus, vraie, que le Seigneur nous la fasse connaître.

Je pense donc, main c'est seulement, une opinion, que si le Saint-Esprit a été donné deux fois, c'était par allusion aux deux préceptes de la charité. La charité est une, mais elle s'épanouit en deux préceptes: « Tu aimeras le Seigneur ton bleu de tout ton coeur et de toute ton âme » ; de plus: « Tu aimeras ton prochain comme toi-même. A ces deux commandements se rattachent toute la Loi et les Prophètes (1) ». La charité est une en deux préceptes ; l'Esprit-Saint est un aussi, et donné à deux reprises. La seconde fois n'a pas donné un Esprit autre que la première, comme la charité qui nous attache au prochain n'est pas différente de celle qui nous attache à Dieu; non, elle n'est pas différente, et celle que nous avons pour le prochain, est la même que nous avons pour Dieu. Dieu toutefois est bien au-dessus du prochain, et de ce que notre charité pour eux soit la même, il ne s'ensuit pas qu'ils se confondent. Il faut donc avant tout recommander le grand amour de Dieu pet après seulement l'amour du prochain; mais on, commence parce dernier pour aller au premier. « Si tu n'aimes pas ton frère que tu vois,

 

1. Matt. XXII, 37-40.

 

comment pourras-tu aimer Dieu que tu ne vois pas (1) ? » N'est-ce donc point pour nous former à l'amour du prochain qu'étant encore visible sur la terre et tout rapproché de ses disciples, le Sauveur leur donna le Saint-Esprit en leur soufflant sur la face; comme c'était surtout pour nous embraser de la charité dont on brûle dans le ciel, qu'il l'a envoyé du haut du ciel? Reçois, l'Esprit-Saint sur la terre; et tu aimes ton frère; reçois-le du haut du ciel, et tu aimes Dieu. Ce que tu as reçu sur la .terre vient pourtant du ciel aussi.; le Christ l'a donné parmi nous, mais cela vient du ciel, puisque nous le tenons de Ce-lui qui en est descendu. Il a rencontré ici à qui donner; mais il apportait d'ailleurs ce qu'il a donné.

10. Qu'ai-Je- encore à dire, mes frères ? Ai-je besoin de rappeler comment la charité relève du Saint-Esprit? Ecoutez Paul : «Ce n'est pas assez,. dit-il, nous nous glorifions encore des tribulations, sachant que la tribulation produit la patience, la patience la pureté, et la pureté l'espérance; or l'espérance ne confond point, parce que la charité de Dieu est répandue dans nos coeurs ». D'où vient cette charité, de Dieu répandue dans nos,coeurs? D'où vient-elle? Qui te l'a donnée ? Présumerais-tu qu'elle vient de ton fonds ? Eh ! « qu'as-tu que tu n'aies pas reçu (2) ? » D'où te vient donc la charité, sinon « du Saint-Esprit qui nous a été donné (3)? »

11. On ne,conserve cette charité que dans l'unité de l'Eglise. Les schismatiques ne l'ont point, comme l'enseigne l'Apôtre Jude : « Ce sont des gens qui se séparent eux-mêmes, dit-il, hommes de vie animale, n'ayant pas l'Esprit (4). — Qui, se séparent eux-mêmes ». Pourquoi se séparent-ils ? Parce qu' « ils mènent une vie animale et n'ont pas l'Esprit». Leurs dissolutions proviennent de ce qu'il n'y a pas en eux le lien de la charité. Ah ! elle est pleine de charité cette poule mystérieuse qui s'est affaiblie pour ses poussins, qui pour eux adoucit sa voix et étend ses ailes: « Combien de fois, dit-elle, j'ai voulu réunir tes enfants (5)». Les réunir, et non pas les diviser. Aussi bien dit-elle encore: « J'ai d'autres brebis qui, ne sont pas de ce bercail; il faut que je les amène aussi, afin qu'il n'y ait qu'un seul troupeau sous un seul pasteur (8)». Pour

 

1. I Jean, IV, 20. — 2. I Cor. IV, 7. — 3. Rom. V, 3-5. — 4. Jud. 19. — 5. Matt. XXIII, 37. —  6. Jean, X, 16.

 

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ce motif il n'écouta point ce frère qui l'invoquait contre son frère et qui lui disait: « Seigneur, dites à mon frère de diviser avec moi l'héritage. — Dites à mon frère, Seigneur». Quoi ? « De diviser avec moi l'héritage. — Dis donc, ô homme », reprit le Seigneur. Pourquoi en effet veux-tu diviser, sinon parce que tu es homme ? « L'un disant: Je suis à Paul ; l'autre : Et moi à Apollo, n'êtes-vous pas des hommes (1) ? — Dis donc, ô homme, qui m'a chargé de diviser l'héritage entre vous? » Je suis venu réunir et non pas diviser. « Aussi, je vous le recommande, gardez-vous de toute cupidité (2) ». C'est que la cupidité cherche à diviser, comme la charité à réunir; et cette recommandation: « Gardez-vous de toute cupidité », ne revient-elle pas à celle-ci: Remplissez-vous de charité ? Eh bien ! avec toute la charité que nous pouvons avoir, à notre tour nous invoquons le Seigneur contre notre frère; mais ce n'est pas pour dire, ni pour demander la même chose. « Seigneur, lui disait-on, dites à mon frère de diviser avec moi l'héritage ». Et nous, au contraire: Seigneur, dites à mon frère de conserver avec moi l'héritage.

12. Considérez donc, mes frères, ce que vous devez aimer surtout; ce que vous devez retenir avec force. Au moment où le Seigneur est glorifié par sa résurrection, il recommande l'Eglise ; il la recommande, quand l'Ascension va le glorifier encore; et quand il envoie l'Esprit-Saint du haut du ciel, il la recommande

 

1. I Cor. III, 4. — 2. Luc, XII, 13-15.

 

également. Que dit-il à ses disciples au moment de sa résurrection? « Je vous annonçais bien, quand j'étais encore avec vous, qu'il fallait que s'accomplit tout ce qu'il y a d'écrit sur moi dans la Loi, dans les Prophètes et dans les Psaumes. Alors il leur ouvrit l'esprit pour qu'ils comprissent les Ecritures, et il leur dit: Il est ainsi écrit, et c'est ainsi qu'il fallait que le Christ souffrit et qu'il ressuscitât d'entre les morts, le troisième jour ». Où est-il ici parlé de l'Eglise ? « Et qu'on prêchât en mon nom la pénitence et la rémission des péchés ». Où ? « Parmi toutes les nations, en commençant à Jérusalem (1) ». Voilà ce qu'il a dit après la gloire de sa résurrection. Et avant celle de son Ascension ? Vous l'avez entendu : « Et vous me servirez de témoins à Jérusalem, dans toute la Judée, la Samarie, et jusqu'aux extrémités de la terre (2) ». Enfin, le jour même de la descente du Saint-Esprit ? Une fois l'Esprit-Saint descendu, ceux qu'il remplissait de lui-même parlaient les langues de tous les peuples. Or chacun d'eux parlant. ainsi toutes les langues ne figurait-il pas l'unité qui devait s'établir entre toutes ?

Retenons cela, affermissons-nous, appuyons-nous là-dessus fortement et avec une charité inébranlable; puis louons le Seigneur dont nous sommes les serviteurs et répétons Alleluia. Mais sera-ce dans une partie de l'univers seulement ? Où commencera et où finira cette partie ? « Du levant au couchant bénissez le Seigneur (3) ».

 

1. Luc, XXIV, 44-47. — 2. Act. I, 8. — 3. Ps. CXII, 3.
 
 
 
 

source: http://www.abbaye-saint-benoit.ch/saints/augustin/index.htm

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