www.JesusMarie.com
Saint Augustin d'Hippone
Sermons
SERMON CCLXXXI . SAINTE PERPÉTUE ET SAINTE FÉLICITÉ, MARTYRES. II. LEUR VICTOIRE MERVEILLEUSE.
 

411

 

ANALYSE. — Le courage viril qu'elles déploient dans leurs combats, malgré la faiblesse de leur sexe, ne peut être attribué qu'à Jésus-Christ, à qui elles étaient intimement unies. Ce qui rend ce courage plus digne encore d'admiration, c'est qu'en triomphant de tout, l'une triomphe de son vieux père en lui témoignant la plus filiale tendresse, et que l'autre triomphe miraculeusement d'un enfant nouveau-né.

 

1. Ce qui brille, ce qui l'emporte éminemment dans cette société de martyrs, c'est la vertu, c'est le nom de Perpétue et de Félicité, ces saintes servantes de Dieu ; car la couronne est plus glorieuse, quand le sexe est plus faible, et l'âme se montre assurément plus virile dans le corps d'une femme, lorsque celle-ci ne succombe pas sous le poids de sa fragilité. Combien elles avaient raison de se tenir intimement unies à l'Epoux unique à qui l'unique Eglise se présente comme une vierge chaste (1) ! Avec quelle raison elles lui demeuraient unies, puisqu'en lui elles puisaient la force de résister au démon, puisqu'ainsi, on voyait des femmes renverser l'ennemi qui par la femme avait abattu l'homme. En elles se montra invincible Celui qui s'est rendu faible pour elles. Pour les moissonner il les remplit de sa force, Lui qui pour les semer s'est anéanti lui-même. C'est lui qui les a élevées a tant de gloire et d'honneur, quand pour elles il a voulu entendre des outrages et des blasphèmes. C'est lui enfin qui a donné à ces femmes de mourir victimes de leur, courage et de leur fidélité, après que pour elles il a daigné dans sa miséricorde prendre une femme pour Mère.

2. Une âme pieuse aime à contempler comment la bienheureuse Perpétue, ainsi qu'elle assure l'avoir vu dans une de ses révélations, se trouva changée en homme pour lutter contre le démon. C'est que dans cette lutte elle aussi travaillait à devenir un homme parfait, à atteindre la mesure de l'âge et de la plénitude

 

1. II Cor. XI, 12.

 

du Christ (1). Aussi, pour n'oublier aucun moyen de la surprendre, dès que l'antique et opiniâtre ennemi qui avait trompé l'homme par la femme, se sentit aux prises avec cette femme d'un mâle courage, il essaya de la vaincre en recourant à un homme. 1 ne s'adressa point à son mari, dans la crainte que déjà citoyenne des cieux par l'élévation de ses pensées, elle ne soupçonnât en lui des désirs charnels qui la feraient rougir et dont elle triompherait aisément; c'est sur les lèvres de son père qu'il mit des paroles de séduction; il espérait qu'incapable de mollir sous les impressions de la volupté, le tueur religieux de la fille serait vaincu par la force même de sa piété. Mais la sainte répondit à son père avec une telle sagesse que, sans violer le précepte qui commande d'honorer les parents, elle ne se laissa point prendre aux ruses profondes où se cachait l'ennemi. Vaincu ainsi de tous côtés, l'ennemi fit frapper d'une verge le père de Perpétue; il voulait que si elle avait méprisé ses paroles elle souffrît au moins de ses douleurs. La fille gémit de l'injure faite à son vieux père; pour n'avoir pas cédé à ses représentations, elle n'avait rien perdu de son affection pour lui. Car ce qu'elle haïssait en lui, était l'aveuglement et non la nature, l'infidélité et non l'auteur de ses jours. Elle mérita donc plus de gloire en repoussant les remontrances insensées de ce père bien-aimé, qu'elle ne put voir frapper sans jeter un cri de douleur. Ainsi ce témoignage de sensibilité n'ôta rien à l'énergie de son courage, et

 

1. Eph. IV, 13.

 

412

 

il ajouta à son martyre un nouveau titre de louanges. Car « tout coopère au bien de ceux qui aiment Dieu (1) ».

3. Pour Félicité, elle était enceinte dans sa prison. Ses gémissements, quand elle accoucha, montraient bien qu'elle était femme; mais si elle ne fut pas exempte du châtiment infligé à Eve, elle fut secourue par la grâce accordée à Marie. Femme, elle souffrait ce qu'elle devait endurer; mais elle était soutenue par le Fils de la Vierge. Un mois avant d'être à terme, elle donna donc le jour à un enfant. Si la Providence voulut ainsi que le temps de ses couches fût devancé, c'était pour ne pas retarder le jour ni la gloire de son martyre. Oui, la Providence voulut que son enfant vînt au monde avant l'époque ordinaire, afin que Félicité fût rendue, comme il était juste, à ses illustres compagnons; sans elle, effectivement, ne semble-t-il pas que ces martyrs auraient manqué, non-seulement d'une compagne de plus, mais encore de la récompense qui leur était due? Les noms réunis de ces deux femmes désignent en effet le bon. heur assuré à tous ces saints. Pourquoi ont-ils tout bravé, sinon pour jouir d'une Félicité Perpétuelle ? Il est donc bien vrai que les noms de celles-ci expriment la destinée à la. quelle tous sont appelés. Aussi quoique ces martyrs fussent nombreux, ces deux noms ex. primaient seuls l'éternité, le bonheur de tous.

 

1. Rom. VIII, 28.

 
 

SERMON CCLXXXII. SAINTE PERPÉTUE ET SAINTE FÉLICITÉ, MARTYRES. III. POURQUOI RÉUNIES DANS UN MÊME MARTYR?
 

ANALYSE. — Si la divine Providence a voulu que sainte Perpétue et sainte Félicité souffrissent ensemble le martyre, c’est parce que leurs noms réunis désignent la récompense promise à tous les martyrs. Femmes et mères l'une et l'autre, elles ont montré un courage supérieur à leur sexe. D'autres martyrs ont souffert héroïquement avec elles; mais les noms de celles-ci ont du rester à ce jour, soit parce que leur énergie a mieux éclaté dans leur faiblesse, soit parce que leurs noms expriment la récompense assurée aux martyrs.

 

1. Nous célébrons aujourd'hui la fête de deux saintes martyres qui se sont distinguées par les vertus qu'elles ont fait éclater au milieu des tourments, et qui de plus désignent par leurs noms la récompense assurée à leurs pieux et généreux combats ainsi qu'à ceux de leurs compagnons. En effet Perpétue ou Perpétuelle et Félicité sont à la fois les noms de ces dent femmes et la récompense de tous les martyrs. Tous les martyrs déploieraient-ils  momentanément tant de courage pour lutter contre la souffrance et pour confesser la foi, si ce n'était pour jouir d'une Perpétuelle Félicité ? Aussi la divine Providence a fait en sorte que ces deux femmes fussent, non-seulement martyres, mais associées étroitement dans un même martyre; et il en devait être ainsi, afin qu'elles donnassent à un même jour la gloire de leurs noms, et qu'elles invitassent la postérité à célébrer leur mémoire dans une solennité commune. De même que l'exemple de leur glorieux combat nous- excite à les imiter; ainsi leurs noms témoignent de l'impérissable récompense que nous devons recevoir. Ah ! qu'elles se tiennent, qu'elles demeurent attachées l'une à l'autre; sans l'une nous n'espérons pas l'autre. Que servirait la Perpétuité sans la Félicité ? et sans la Perpétuité la Félicité ne serait que passagère. C'est assez, vu le temps dont nous pouvons disposer, sur le nom des martyres auxquelles ce jour est consacré.

2. Quant aux personnes mêmes qui portaient ces noms , on nous l'a dit en lisant leurs Actes et la tradition nous l'a appris: ces personnes de tant de mérite et de si hautes (413) vertus n'étaient pas seulement des personnes du sexe, c'étaient des femmes. Toutes deux mêmes étaient mères, nouvelle circonstance qui s'ajoutait à l'infirmité du sexe, pour les rendre plus sensibles à la souffrance, pour inspirer à l'ennemi, qui allait les attaquer sur tous les points , l'espérance qu'elles ne pourraient soutenir le poids accablant d'une persécution cruelle, qu'elles fléchiraient bientôt et deviendraient sa proie. Mais intérieurement aussi fortes que sages, elles surent déjouer ses ruses et abattre sa rage.

3. Au nombre de ces glorieux martyrs se trouvèrent aussi des hommes qui le même jour triomphèrent également des tourments avec un indomptable courage. Ce ne sont pas eux toutefois qui ont donné leurs noms à cette fête. Serait-ce que les deux saintes l'emportaient sur eux par la dignité de leurs moeurs? Non, c'est que ce fut pour le sexe faible un plus grand miracle de vaincre l'antique ennemi ; c'est encore parce qu'en combattant, la mâle vertu avait les yeux ouverts sur la Perpétuelle Félicité.

SERMON CCLXXXIII. FÊTE DES SAINTS MARTYRS MASSILITAINS. LES VRAIES VERTUS.
 

ANALYSE. — Les martyrs ont besoin principalement de deux vertus : de la patience pour supporter les tourments sans fléchir, et de la tempérance pour résister aux séductions de la volupté. Or, c'est Dieu, dit l'Écriture, qui peut seul donner ces deux vertus. Donc il n'y a de vrais martyrs que ceux qui souffrent pour la cause de Dieu, ou qui souffrent au sein de l'Église.

 

1. En admirant la force déployée par les saints martyrs dans leurs souffrances, ayons soin d'y montrer la grâce du Seigneur. Ces martyrs ne veulent pas qu'on les loue en eux-mêmes, mais uniquement dans Celui à qui nous disons : « Dans le Seigneur se glorifiera mon âme ». Ceux qui comprennent cela ne se laissent point aller à l'orgueil ; ils demandent avec tremblement, ils reçoivent avec joie, ils persévèrent et ne perdent pas la grâce. En effet , dès qu'ils ne s'enflent point d'orgueil, ils sont doux. Or, après avoir dit: « Dans le Seigneur se glorifiera mon âme », le prophète ajoute : « Que les hommes doux prêtent d'oreille et soient remplis d'allégresse (1) ». Eh ! que serait-ce que cette chair infirme, que cette masse de vers et de pourriture, si nous n'avions dit la vérité en chantant . « Mon âme sera soumise au Seigneur, car de lui vient ma patience (2)? » C'est la vertu qu'il a

 

1. Ps. XXXIII, 3. — 2. Ps. LXI, 6.

 

fallu aux martyrs pour supporter tant de maux en vue de la foi.

Deux choses en effet attirent ou poussent les hommes au péché : c'est la volupté ou la douleur; la volupté y attire, la douleur y pousse. Pour résister à la volupté, il faut la tempérance; la patience, pour résister à la douleur. Voici comment on porte au péché l'âme de l'homme : tantôt on lui dit : Fais cela et tu te procureras tel bien; et tantôt Fais cela, pour t'épargner cette peine. Ainsi la promesse précède la jouissance et la menace précède la douleur, et quand on pèche, c'est pour se procurer du plaisir ou éviter la souffrance. Afin donc de combattre ces deux genres de tentations, dont l'une consiste dans des promesses flatteuses, et l'autre dans de terribles menaces, le Seigneur a daigné nous faire aussi des. promesses et des menaces : il a promis le royaume des cieux; il a menacé des supplices de l'enfer. Si douce que soit la volupté, Dieu n'est-il pas plus doux? (414) Si cuisante que soit la douleur temporelle, le feu éternel n'est-il pas plus affreux? Au lieu donc de l'amour du monde ou plutôt de l'amour immonde, tu as autre chose à aimer, et autre chose à craindre que ce qui effraie dans le monde.

2. C'est peu d'être instruit, tu dois obtenir encore d'être secouru. Aussi le psaume que nous venons de chanter, nous a-t-il enseigné que de Dieu vient en nous la patience à opposer aux souffrances. Mais comment savons-nous que de lui nous vient aussi la tempérance nécessaire pour résister aux voluptés? Voici un témoignage fort clair : « Dès que je sus que nul ne peut être tempérant si Dieu ne le lui accorde, et que connaître l'auteur de ce don était déjà un effet de la sagesse (1) ». Ne s'ensuit-il pas que, si tu possèdes quelque grâce de Dieu sans reconnaître de qui elle te vient, tu ne seras point récompensé, puisque tu es un ingrat? Effectivement, si tu ne connais pas l'auteur de ce bienfait, tu ne l'en remercies pas; or, en ne l'en remerciant pas, tu perds même ce que tu possèdes. « A celui qui a, on donnera encore ». Qu'est-ce qu'avoir dans toute la force du terme ? C'est connaître de qui on a reçu ce que l'on a. « Mais à celui qui n'a pas », qui ne sait pas à qui il est redevable, « on ôtera même ce qu'il a (2) ». D'ailleurs, ce qu'expriment ces paroles du Sage : « Connaître l'auteur de ce don, était déjà un effet de la sagesse », l'apôtre saint Paul nous le redit en parlant de la grâce de Dieu conférée par l'Esprit-Saint.

3. « Pour nous, dit-il, nous n'avons pas reçu l'esprit de ce monde, mais l'Esprit qui vient de Dieu ». Puis, comme si on lui eût demandé : Comment les discerner ? il ajoute

« Afin que nous connaissions les dons que Dieu nous a faits (3)». Ainsi l'Esprit de Dieu est un Esprit de charité, tandis que l'esprit de ce monde est un esprit d’orgueil. ceux donc qui en sont animés résistent à Dieu et sont ingrats envers lui. Beaucoup possèdent des dons de lui , mais ils ne le servent pas : de là vient qu'ils sont malheureux. Parfois l'un a reçu des dons plus considérables, et l'autre, des dons moindres. Ces dons, par exemple, sont l'intelligence, la mémoire, car c'est Dieu qui les accorde. Ainsi tu rencontres homme dont l'esprit est pénétrant au plus

 

1. Sag. VIII, 21. — 2. Matt. XIII, 12. — 3. I Cor. II, 12.

 

haut degré, dont la mémoire incroyable excite la plus vive admiration : en voici un autre qui a peu d'intelligence et dont la mémoire est peu fidèle, il n'est sous ce double rapport que  médiocrement doué. Mais le premier est orgueilleux, le second est humble; l'un rend grâces à Dieu du peu qu'il a reçu, l'autre s'attribue à lui-même ses grandes facultés. Celui qui rend grâces à Dieu du peu qu'il a reçu, vaut incomparablement mieux que celui qui s'enorgueillit de ses grands dons. Aussi Dieu accorde-t-il beaucoup à celui qui lui rend grâces de peu; tandis que celui qui ne le remercie pas de beaucoup, perd même tout ce qu'il a. « Car à celui qui a, on donnera encore; mais à celui qui n'a pas, on ôtera même ce qu'il a ». Comment peut-il avoir et n'avoir pas? Il a sans avoir, quand il ne sait de qui il a reçu. C'est alors que Dieu lui retire son bien et lui laisse son iniquité.

Il est donc bien vrai que « nul n'est tempérant, si Dieu ne le lui accorde ». C'est la grâce à opposer aux voluptés. D'ailleurs « connaître quel est l'auteur de ce don est déjà un effet de la sagesse ». Non, «nul n'est tempérant si Dieu ne le lui accorde ». Voici maintenant la grâce à opposer aux douleurs: « Car c'est de lui, est-il dit, que vient en moi la patience » .

Par conséquent a espérez en lui, vous tous « qui formez l'assemblée du peuple ». Espérez en lui, ne vous appuyez pas sur vos forces. Confessez-lui les maux qui sont en vous, espérez de lui les biens qu'il vous faut. Si orgueilleux que vous soyez, sans son secours vous ne serez rien. Afin donc de pouvoir devenir humbles, « répandez devant lui vos coeurs » ; et pour ne pas demeurer en vous, ajoutez ce qui suit: « Dieu est notre aide (1) ».

4. C'est sur lui en effet que s'appuya pour vaincre le bienheureux martyr que nous admirons, dont nous honorons aujourd'hui la mémoire. Sans lui il n'aurait pas vaincu. Eût-il même sans lui triomphé des tortures, il n'eût pas triomphé du diable. Parfois en effet des hommes vaincus parle démon surmontent les tourments ; en eux ce n'est pas patience, c'est dureté. Mais Dieu vint en aide à notre saint martyr pour lui donner la vraie foi, pour le faire entrer dans la bonne cause, et, en faveur de cette bonne cause, le soutenir par la

 

1. Ps. LXI, 9.

 

415

 

patience ; car il n'y a de patience qu'autant qu'on est dans la bonne cause, et nul autre que Dieu ne donne la foi véritable.

L'Apôtre exprime en peu de mots que de Dieu nous viennent à la fois et la bonne cause pour laquelle nous devons souffrir, et la patience à supporter les souffrances. Il dit en effet, pour exhorter au martyre : « Car il vous a été donné pour le Christ ». Voilà la bonne cause: pour le Christ; pour le Christ, et non pour les sacrilèges qui s'élèvent contre le Christ, et non pour le schisme et l'hérésie qui combattent le Christ; car c'est le Christ qui a dit: « Qui ne recueille pas avec moi, dissipe (1) ». — « A vous donc il a été donné pour le Christ, non-seulement de croire en lui, mais encore de souffrir pour lui (2) ». Telle est la vraie patience. Aimons-la, tenons-y; et si nous ne l'avons pas encore, demandons-la; ainsi nous pourrons chanter : « Mon âme sera soumise à Dieu, car de lui me vient la patience ».

 

1. Luc, XI, 23. — 2. Philip. I, 29.

SERMON CCLXXXIV. LES SAINTS MARTYRS MARIEN ET JACQUES. DE DIEU NOUS VIENT LA PATIENCE.
 

ANALYSE. — 1° N'oublions pas, en louant les martyrs, de faire remonter jusqu'à Dieu la constance qu'ils ont montrée au païen des tourments; car c'est de Dieu que vient la patience, comme de lui viennent les autres dons faits aux hommes : l'Écriture ne cesse de le redire. 2° Afin donc de pratiquer la patience, les martyrs ont retiré leurs pensées de cette multitude d'objets où des se sont égarées depuis le péché, et ils ont fixé leur attention sur les délices que procure la possession de Dieu. C'est par là qu’ils  ont remporté une victoire si complète, que l'Église se recommande à leurs prières au lieu de prier pour eux. La victoire complète en effet est de triompher des tourments comme en a triomphé Jésus-Christ, pour nous servir de modèle. Par conséquent, n’imitons pas la présomption de Pierre, car elle l'a perdu; et demandons au Sauveur, dont le regard l'a converti, la patience dont nous avons besoin.

 

1. C'est aujourd'hui le moment de nous acquitter, avec la grâce de Dieu, de ce que nous devons. Quand les débiteurs sont d'aussi bonne volonté, pourquoi cette agitation parmi les créanciers ? Que tous les esprits soient tranquilles, et chacun pourra profiter de ce que nous déboursons.

C'est des souffrances et de la gloire des saints martyrs que nous devons vous parler. Puisqu'ils ont souffert avec tant de gloire, ne nous prêchent-ils pas la patience ? Ils avaient affaire ides multitudes en fureur; ayons affaire, nous, à des peuples bien disposés, car nous avons été témoins de leur foi. Il nous faut louer la constance des martyrs ; mais quelle éloquence suffirait à cet éloge? Comment exprimer par ma parole ce qu'a déjà produit la foi dans ses coeurs ?

D'où vient donc cette grande vertu de patience ? D'où vient-elle, sinon de l'auteur de tout don excellent ? Et quel est l'auteur de tout don excellent, sinon l'auteur de tout don parfait ? Aussi est-il dit dans l'Écriture : « La patience produit une oeuvre parfaite. Tout don excellent et tout don parfait descend du Père des lumières, en qui il n'y a ni changement ni ombre de vicissitude (1) » . C'est de la source immuable que descend la patience dans l'esprit muable de l'homme pour le rendre immuable. Comment l'homme peut-il plaire à Dieu, sinon par la grâce de Dieu ? Comment l'homme peut-il bien vivre, sinon en puisant à la fontaine de vie ? Par quoi l'homme peut-il être éclairé, sinon par l'éternelle lumière ? « Car c'est en vous, dit le prophète, qu'est la source de vie. — En vous » ; je pourrais dire

 

1. Jacq. I, 4, 17.

 

que la vie vient de moi, mais en parlant ainsi je me séparerais de vous. « C'est donc en vous qu'est la source de vie. — A votre lumière » encore, et non pas à la nôtre,  « nous verrons la lumière (1) ». Donc « approchez de lui, et vous serez éclairés (2)». Il est la source de vie approche, bois et vis. Il est la lumière, approche, saisis et vois. En ne buvant pas à cette fontaine, tu seras dans l'aridité.

2. Aussi est-ce là qu'ont puisé, qu'on bu nos martyrs; c'est là qu'ils se sont enivrés pour ne plus reconnaître leurs proches. Combien n'y a-t-il pas en effet de ces saints martyrs que leurs proches ont travaillé à séduire par leurs caresses, aux approches de leur passion, et de rappeler aux vaines et fugitives jouissances de cette vie temporelle ? Mais eux, après avoir bu avec avidité à cette source qui jaillit du sein de Dieu et s'être saintement enivrés, ne pouvaient que confesser le Christ ; ils ne reconnaissaient plus ces parents charnels qu'ils voyaient troublés par le vin de l'erreur, épris pour eux d'un amour aveugle et s'appliquant par leurs caresses à les détourner de la vie véritable, ils ne faisaient plus attention à eux.

            Telle n'était point la mère de Marien ; cette sainte femme n'était point du nombre de ces parents qui travaillent à persuader l'erreur, à flatter la chair, à témoigner un amour trompeur. Elle ne portait pas un vain nom, ce n'est pas en vain qu'elle s'appelait Marie. Sans doute elle n'était pas vierge, elle n'avait pas été fécondée par le Saint-Esprit; mais c'est en conservant sa pudeur qu'avec le concours de son mari elle était devenue mère d'un tel fils; et au lieu de l'en détourner par de perfides caresses, elle l'animait plutôt, par ses encouragements, à marcher vers l'éclatante gloire du martyre. Vous êtes donc sainte aussi, ô Marie : si vous n'avez pas tout le mérite de votre homonyme, vous en avez les désirs; vous aussi vous êtes bienheureuse. Elle a donné le jour au Chef des martyrs ; vous avez mis au monde un martyr de ce Chef. Elle est devenue la Mère du Juge souverain ; et vous, la mère d'un témoin de ce Juge.. Enfantement fortuné ! cœur plus fortuné encore ! Vous gémissiez en devenant mère; vous triomphiez de bonheur en perdant votre fils. Vous gémissiez en devenant mère ? Vous triomphiez en perdant votre fils ? Pourquoi cela ? Ah ! ce n'est point sans

 

1. Ps. XXXV, 10. — 2. Ps. XXXIII, 6.

 

raison; car vous ne le perdiez réellement pas. Vous ne souffriez point alors, parce que vous aviez la foi : c'est cette foi toute spirituelle qui éloignait de votre cœur la douleur charnelle. Vous saviez que vous ne perdiez pas votre fils, mais que vous l'envoyiez en avant; tout votre bonheur eût été de le suivre.

3. Nous admirons, nous louons, nous aimons de tels sentiments. O fortunés martyrs, qui vous les a inspirés ? Je sais que vous avez des coeurs d'homme; d'où vous viennent ces sentiments divins ? Selon moi, c'est de Dieu. Qui oserait dire que c'est de vous ? Qui voudrait vous perdre en vous donnant de fausses louanges ? On vous dirait que c'est de vous? Répondez: « Dans le Seigneur se glorifiera mon âme ». On vous dirait que c'est de vous? Répondez, si vous êtes doux; répondez: «Dans le Seigneur se glorifiera mon âme» ; répondez encore, au milieu du peuple de Dieu: «Que les hommes doux prêtent l'oreille et soient dans l'allégresse (1) ». On vous dirait que c'est de vous ? Répondez : « L'homme ne peut rien recevoir qui ne lui ait été donné du ciel (2) ». D'ailleurs à vous comme à nous le Seigneur Jésus a dit : « Sans moi vous ne pouvez rien faire (3) ». — « Sans moi vous ne pouvez rien faire ». C'est à vous également que s'adressent ces mots : reconnaissez le langage de votre Pasteur, évitez les flatteries du séducteur : je sais que vous déplait cet orgueil impie, inique, ingrat. Saints martyrs, vous avez souffert pour le Christ; mais c'est à vous et non au Christ qu'ont profité vos souffrances. Que vous manquerait-il, dit-on, si vous n'aviez pas reçu? Ah ! repoussez loin de vous ce poison du serpent ennemi. La langue qui parle ainsi est celle qui a dit : « Vous serez comme des dieux (4) ». C'est l'ingratitude du libre arbitre qui a jeté l'homme dans l'abîme: que l'arbitre délivré dise maintenant au Seigneur : « Vous êtes, Seigneur, la patience d'Israël (5) ».

Pourquoi tant d'orgueil, infidèle ? Tu supposes, en,louant la patience des martyrs, que c'est par eux-mêmes qu'ils sont patients? Ecoute plutôt l'Apôtre, le Docteur des Gentils et non le séducteur des infidèles. Tu loues donc dans les martyrs leur patience pour le Christ et tu la leur attribues ? Ecoute plutôt l'Apôtre s'adressant aux martyrs et apaisant le coeur des hommes. Ecoute-le, il dit: « Car il

 

1. Ps. XXXIII, 3. — 2. Jean, III, 27. — 3. Ib. XV, 5. — 4. Gen. III, 5. — 5. Jér. XVII, 15.

 

vous a été donné pour le Christ ». Ecoute : c'est la piété qui exhorte, ce n'est pas l'adulation qui séduit : « Il vous a été donné ». Remarque ce mot : donné. « Il vous a été donné pour le . Christ, non-seulement de croire en lui, mais encore de souffrir pour lui (1). — Il vous a été donné ». Que peut-on ajouter à ces mots ? « Il vous a été donné » : reconnais que c'est un don, pour n'être pas dépouillé si tu venais à usurper. « Il vous a été donné pour le Christ ». Pour le Christ, quoi, sinon de souffrir? Ce n'est pas une simple conjecture , écoute ce qui suit : « Non-seulement de croire en lui » : cette foi est aussi un don , ce n'est pas le seul; « mais aussi de souffrir pour lui », cela aussi vous a été donné ». Tourne le dos , martyr, à ce flatteur ingrat et infidèle; regarde ton Bienfaiteur généreux et attribue à Dieu le privilège d'avoir souffert pour lui, sans toutefois que tu lui aies offert ce qui vient de toi; dis-lui plutôt : « Dans le Seigneur se glorifiera mon âme; que les hommes doux, prêtent l'oreille et soient dans l'allégresse ». Si on demande à ce martyr : Que signifie : « Dans le Seigneur se glorifiera mon âme ? » N'est-ce pas te glorifier en toi ? Il répondra : « Mon âme ne sera-t-elle pas soumise à Dieu ? C'est de lui que me vient ma patience (2) » . pourquoi ma patience ?. Parce que j'ai ouvert mon coeur et que je l'ai reçue avec joie. C'est ainsi qu'elle, est de lui et de, moi ; elle est à moi d'autant plus sûrement que, j'avoue qu'elle vient de lui: Elle est à moi, mais je ne la tiens pas de moi. Pour garder le bienfait, je reconnais mon divin Bienfaiteur. Si je ne le reconnais pas, il me reprend le bien qu'il m'a donné, et par la faute de mon libre arbitre je reste avec le mal qui vient de moi.

4. Il est dit dans un livre digne de foi : « Dieu a fait l'homme droit, et les hommes se sont jetés d'ans des pensées sans nombre (3) . — Dieu a fait l'homme droit, et les hommes » :  comment, sinon. par leur libre arbitre ? « Et les hommes se sont, jetés dans des pensées sans nombre ». Après avoir dit que « Dieu a fait d'homme droit », l'écrivain sacré n'ajoute pas, comme on pouvait s'y attendre : Et les hommes se sont jetés dans des pensées perverses ou dans des pensées injustes , mais : « dans des pensées sans nombre ». A cause de cette multitude de pensées, « le corps qui se

 

1. Philip. I, 29. — 2. Ps. LXI, 6. — 3. Ecclé. VII, 30.

 

corrompt, appesantit l'âme, et cette habitation terrestre abat l'esprit livré à la multitude de ses pensées (1) ». Que Dieu nous délivre de cette multitude de pensées humaines; qu'il nous élève vers l'unité pour nous rendre un en lui au lieu de la multitude divisée que nous sommes. Qu'il nous embrase du feu de sa charité, pour nous attacher à lui dans l'unité d'un même coeur, pour ne pas nous laisser tomber de l'unité dans la division ni nous laisser aller à tout vent quand nous aurions laissé l'unité. C'est effectivement de cette unité que parlait l'Apôtre quand il disait: « Mes frères, je ne crois pas avoir atteint encore » ; quoi? «L'unité » Qu'elle unité? «Oubliant ce qui est en arrière, je m'étends et je marche vers ce qui est en avant (2) ». C'est vers l'unité , vers l'unité que je marche, dit-il ; mais je ne crois pas y être parvenu, car le corps qui se corrompt abat l'esprit livré à la multitude de ses pensées.

Voilà de quel côté allaient les martyrs; pleins d'ardeur, ils ne s'inquiétaient pas du bruit de la multitude, parce qu'ils aimaient l'unité. Reconnaissez quel désir les animait : « J'ai demandé au Seigneur une seule chose. — « Une seule». Adieu, ô multitude du siècle; « j’ai demandé une seule chose»; sans aucun doute une seule béatitude, une seule félicité, la seule  raie et non la multitude des fausses. « J'ai demandé une seule chose au Seigneur, je la lui demanderai encore ». Quelle est cette, seule grâce? « C'est d'habiter dans la maison de Dieu tous les jours de ma vie ». Et pourquoi? « Pour y contempler les joies du Seigneur (3) ». Lorsque les saints martyrs réfléchissaient à ces joies, tous les maux, toutes les amertumes, toutes les cruautés n'étaient plus, rien à leurs yeux. C'était le plaisir opposé au plaisir, le plaisir encore opposé à la douleur; car ce plaisir luttait à la fois et contre les rigueurs et contre les caresses du monde. Ils répondaient : Pourquoi me flatter? Ce que j'aime a plus de charmes que ce que tu me promets. J'entends Dieu ou plutôt son Ecriture qui me dit : « Qu'elles sont immenses, Seigneur, les jouissances que vous tenez en réserve pour ceux qui vous craignent (4) » Ici sans doute c'est encore une multitude, mais dans le bon sens, une multitude où il n'y a point de désaccord,

 

1. Sag. IX, 15. — 2. Philip. III, 13. — 3. Ps. XXVI, 4. — 4. Ps. XXX, 20, 27

 

418

 

une multitude reposant sur l'unité.

5. Ne vous étonnez donc pas de ceci, mes frères. Savez-vous à quel moment on fait mention des martyrs? L'Eglise ne prie pas pour eux; l'Eglise a raison de prier pour les autres fidèles défunts, endormis; elle ne prie pas pour les martyrs, elle se recommande plutôt à leurs prières, attendu qu'ils ont combattu fus qu'au sang contre le péché, ayant observé fidèlement cette parole de l'Ecriture : «Lutte pour la vérité jusqu'à la mort (1) ». Ils ont méprisé les promesses du mondé c'est peu; car c'est peu de dédaigner la mort, c'est peu, d'endurer des tourments; la victoire la plus glorieuse, la victoire coin pète est de, lutter jusqu'au sang.

Aussi bien pour tenter Notre-Seigneur, le prince des martyrs, l'ennemi commence par lui proposer ce qui le flatte : « Dis à ces pierres de se changer en pains. — Je te donnerai tous ces royaumes. — Voyons si les anges te recevront, car il est écrit : De peur que tu ne te blesses le pied contre la pierre ». Voilà bien les plaisirs du monde : le pain représente la concupiscence de la chair; la promesse des royaumes, l'ambition du siècle; l'excitation à la curiosité, la convoitise des yeux; tout cela vient du siècle, ce sont ses caresses et non ses rigueurs. Considérez le Chef des martyrs luttant pour 'nous apprendre a combattre, et nous soutenant dans sa miséricorde lorsque nous combattons. Pourquoi a-t-il souffert qu'on le tentât, sinon pour nous enseigner à résister au tentateur? Le monde te promet-il des voluptés charnelles?  Réponds-lui : Il y a plus de charmes en Dieu. Te promet-il des honneurs et des dignités profanes? Réponds : Rien n'est élevé comme le royaume de Dieu. Te promet-il de vaines et condamnables curiosités ? Réponds : Seule, la vérité de Dieu ne s'égare pas. Le Seigneur ayant subi cette triple tentation, par là raison que dans toutes les séductions du monde il y a toujours volupté, curiosité ou orgueil, que dit l'Evangéliste? « Toute tentation achevée »;  toute, c'est-à-dire toute tentation propre à flatter; car il restait un autre moyen de le tenter ; c'était de recourir à ce, qu'il y a de douloureux, de dur, de cruel, d'atroce, de plus affreux. Aussi l'Evangéliste sachant ce qui venait de se faire et ce qui devait se

 

1. Eccli. IV, 33.

 

faire encore, écrivit : « Toute tentation achevée, le diable s'éloigna de lui pour un temps (1) ». Il s'éloigna de lui , comme un serpent insidieux ; pour revenir à lui, comme un lion rugissant.   Mais il sera vaincu par Celui qui a foulé aux pieds le lion et le dragon (2). Il reviendra ,          il entrera dans Juda, et il en fera le traître de son Maître; contre lui il amènera les Juifs, non plus avec; des flatteries, mais avec dès menaces, et devenu maître de ses instruments, il criera parles lèvres de la multitude : « Crucifie-le, crucifie-le (3) ». Pourquoi nous étonner de voir ici encore le Christ victorieux ? N'était-il pas le Dieu tout-puissant?

6. C'est pour nous que le Christ a voulu souffrir. « Il a souffert pour vous, dit l'Apôtre, saint Pierre, en vous laissant son exemple, afin que vous marchiez sur ses traces (4) ». Il t'a appris à souffrir et c'est en souffrant qu'il te l'a appris. C'était trop peu de sa parole, s'il n'y avait joint son exemple. Mais quel exemple nous a-t-il, donné, mes frères? Il était suspendu à la croix, et les Juifs étaient remplis clé fureur contre lui; il était attaché par des clous aigus, mais sans rien perdre de sa douceur. Or, pendant qu'il était ainsi suspendu, contre lui ses ennemis se livraient à la fureur, ils vociféraient, ils le couvraient d'outrages. Il était au milieu d'eux comme leur unique et suprême médecin, et eux enrageaient contre lui de tous côtés comme des frénétiques. Tout suspendu qu'il fût, il les guérissait. « Mon Père, disait-il, pardonnez-leur, car, ils ne savent ce qu'ils font (5) ». Il priait ainsi, et pourtant il était sur la croix; il n'en descendait pas, car il formait avec son sang un remède pour ces furieux. Il priait et tout à la fois il exauçait sa prière compatissante, car s'il implorait son Père il exauçait avec lui. Or, Comme ses supplications ne pouvaient se répandre inutilement, il guérit âpres sa résurrection lés égarés qu'il avait tolérés sur la croix. Il monta au ciel, il envoya l’Esprit-Saint ; s'il ne s'était pas montré à ces aveugles, mais seulement à ses disciples, fidèles, c'était pour ne paraître pas insulter en quelque sorte ses meurtriers. Ne valait-il pas mieux enseigner l'humilité à ses amis, que de reprocher dés torts trop réels à ses ennemis ? Il ressuscita donc ; il fit plus alors que n'avaient demandé ces incrédules lorsque

 

1. Matt. IV, 1-11 ; Luc, IV, 1-13. — 2. Ps. CX, 13. — 3. Luc, XXIII, 21. — 4. I Pierre, II, 21. — 5 Luc, XXIII, 34.

 

d'un air injurieux, ils s'écriaient:« S'il est le Fils de Dieu, qu'il descende de la croix (1) ». Il ne voulut pas descendre de la croix et il sortit plein de vie du tombeau.

Il monta donc au ciel, il envoya delà. l'Esprit-Saint, il remplit de lui ses Apôtres, corrigea leur crainte et leur inspira la confiance. Ce fut alors qu'au lieu de continuer à trembler, Pierre acquit tout à coup l'énergie d'un prédicateur. D'où lui venait cette force? Examine Pierre quand il présume de lui-même, il renie; examine-le, quand Dieu lui vient en aide, il prêche. Si sa faiblesse a chancelé un instant, c'était pour abattre en lui la présomption et non pour détruire sa piété. Le Sauveur le remplit de son Esprit et fait de lui un prédicateur invincible. Il lui avait prédit , lorsqu'il présumait de lui-même , qu'il le renierait trois fois; c'est que Pierre comptait alors sur ses forces; il comptait, non sur la grâce de Dieu, mais sur son libre arbitre. Il s'était écrié effectivement : « Je resterai avec vous jusqu'à la mort (2) »; il avait dit, dans son abondance : «Jamais je ne fléchirai ». Mais Celui dont la bonne volonté lui avait donné ce courage généreux, détourna de lui sa face et il se troubla (3). « Le Seigneur, «est-il écrit, détourna sa face »; il montra Pierre a lui-même. Ensuite cependant il le regarda de nouveau et il affermit Pierre sur la Pierre.

Par conséquent, mes frères, imitons, autant que nous en sommes capables, l'exemple que le Seigneur nous a donné dans sa passion.

 

1. Matt. XXVII, 40. — 2. Matt. XXVI, 33-35. —  3. Ps. XXIX, 7, 8.

 

Nous le pourrons, si nous lui demandons secours; non pas en le devançant, comme Pierre présomptueux, mais en le suivant et en le priant, comme Pierre marchant dans la vertu. Lorsque Pierre eut jusqu'à trois fois renié son Maître, que dit l'Evangéliste? Remarquez-le : «  Et le Seigneur regarda Pierre, et Pierre se rappela (1) ». Que signifie : « Il le regarda ? » Réellement le Seigneur ne le regarda point corporellement comme pour réveiller ses souvenirs; non, ce n'est point là le sens : lisez l'Evangile. C'était dans l'intérieur de la maison qu'on jugeait le Sauveur, et c'était dans la cour que Pierre était tenté. Ce n'est donc point un regard corporel, c'est un regard divin que Jésus jeta sur Pierre; ce ne fut point un regard matériel, mais un regard de profonde miséricorde. Jésus, après avoir détourné la face, le considéra et il fut délivré. Ah ! c'en était,fait de ce présomptueux, si le Rédempteur ne l'avait regardé. Mais le voilà lavé dans ses larmes; corrigé et tiré de l'abîme, il prêche. Il prêche; après avoir renié; et d'autres croient, après s'être égarés. C'est l'effet produit sur ces frénétiques par le remède du sang divin. Ils boivent avec foi ce qu'ils ont répandu avec fureur.

C'est trop pour moi, dit-on, d'imiter le Seigneur. Eh bien ! avec la grâce du Seigneur, imite un autre serviteur, imite Etienne; imite Marien et Jacques. C'étaient des hommes, c'étaient des serviteurs comme toi; ils sont nés comme toi; mais ils ont été couronnés par Celui qui n'est pas né de la même manière.

 

1. Luc, XXII, 61.

SERMON CCLXXXV. SAINT CASTE ET SAINT ÉMILE, MARTYRS. IMITER LES MARTYRS.
420

 

ANALYSE. — Si nous célébrons la fête des martyrs, c'est pour nous exciter à marcher sur leurs traces. Or, ce qui fait le martyr, ce n'est précisément ni la souffrance ni la force d'âme c'est premièrement la cause pour laquelle il souffre, vérité que rendent manifeste les trois croix du Calvaire ; c'est secondement la grâce de Dieu, ce dont on voit des preuves convaincantes dans la chute et la victoire de saint Pierre, dans la chute et la victoire de saint Caste et de saint Emile. Donc, implorons la grâce de Dieu en nous adressant à Jésus et à ses martyrs, qui sont avec lui nos intercesseurs. Donc aussi restons fidèlement attachés à l'unité catholique : c'est là seulement qu'on peut être martyr, parce que là seulement se trouve la bonne cause qui sert à faire les martyrs.

 

1. Le courage qu'ont déployé les saints martyrs n'est pas seulement un grand courage, c'est un courage pieux; car il ne serait ni.salutaire, ni véritable et ne mériterait pas même le nom de courage si l'on combattait par orgueil au lien de combattre pour Dieu. Ce courage,donc des saints martyrs nous invite à adresser la parole à votre charité et à lui faire observer que nous devons célébrer les solennités des martyrs, en travaillant à nous faire un bonheur de les imiter et de marcher sur leurs traces. S'ils se sont montrés si forts, ce n'est pas à eux-mêmes qu'ils le doivent. La source où ils ont puisé n'est pas pour eux seulement; car Celui qui leur a donné peut nous donner aussi, puisqu'une même rançon a été versée pour nous tous.

2. Il faut donc vous rappeler d'abord, ce que vous devez vous rappeler souvent et n'oublier jamais, que ce qui fait le martyr de Dieu, ce n'est point le supplice qu'il endure, mais la cause qu'il défend. Ce ne sont point nos tourments, c'est notre justice qui plaît à Dieu; et en jugeant avec autant d'autorité que d'infaillibilité, il examine, non pas ce que chacun souffre, mais pourquoi on souffre. Si la croix du Seigneur est devenue notre symbole, ce n'est point à cause de ce qu'a enduré le Seigneur, c'est à cause du motif pour lequel il a souffert. Si c'était à cause des souffrances elles-mêmes, les souffrances des larrons qui enduraient le même supplice, auraient mérité le même honneur. Il y avait au même lieu trois crucifiés; au centre était le Seigneur, « mis au nombre des scélérats (1) », et de chaque. côté les deux larrons; mais la cause de chacun, des trois n'était pas la même. Tout près qu'ils fussent du Sauveur, les larrons étaient fort, loin de lui. Leurs crimes les avaient attachés à la croix; Jésus y était attaché pour les nôtres.

Que dis je? On vit assez clairement, dans la personne de l'un d'entre eux, ce que pouvait produire, non le supplice de la croix, mais,la piété d'un aveu. Sous le poids de la douleur un larron gagna ce qu'avait perdu Pierre sous l'impression de la crainte. Ce larron coupable fut attaché à la croix; mais ayant changé le motif de ses souffrances, il, acquit le paradis même. Ce qui,lui mérita ce changement, c'est qu'il ne méprisa point le Christ tout en le voyant condamné au même supplice. Les Juifs le méprisaient pendant qu'il faisait des miracles; le. larron crut en lui quand il était au gibet Dans son compagnon de supplice il reconnut le Seigneur, et il fit en croyant en lui violence au royaume des cieux. Le larron s'attacha donc au Christ au moment où tremblait la foi des Apôtres. Il mérita alors d'entendre ces mots : « Tu seras aujourd'hui avec moi dans le paradis ». Ah ! il ne s'était pas promis autant. Sans doute il se recommandait à une miséricorde immense; mais d'autre part il songeait à ce qu'il avait mérité. «Seigneur, dit-il, souvenez-vous de moi lorsque « vous serez entré dans votre royaume». Ainsi donc il s'attendait à souffrir jusqu'à l'entrée

 

1. Isaïe, LIII, 12.

 

421

 

du Seigneur dans son royaume, et tout ce qu'il demandait, c'était qu'au moins alors il lui fût fait miséricorde. Pénétré du souvenir de ses crimes, le larron par conséquent ajournait sa délivrance. Mais le Seigneur lui offrit ce qu'il était loin d'espérer; il semblait lui dire: Tu demandes que je me souvienne de toi lorsque je serai parvenu dans mon royaume; « en vérité, en vérité je te le déclare, aujourd'hui même tu seras avec moi en paradis (1) ». Sache à qui tu te recommandes. Tu supposes que je dois arriver; mais avant de- me mettre en marche je suis partout. Aussi, quoique sur le point de descendre aux enfers, je te mets en paradis aujourd'hui; sans te confier à personne, je te gardé avec moi. Il est vrai, mon humilité est descendue au milieu des mortels, au milieu même des morts; mais jamais ma divinité ne quitte le paradis.

C'est ainsi que les trois croix, représentaient trois causes bien différentes. L'un des larrons outrageait le Christ; l'autre confessait ses crimes et se recommandait à la miséricorde du Sauveur. Quant au Christ, sa croix placée entre les deux était moins un instrument de supplice qu'un tribunal; car c'est du haut de cette croix qu'il condamna le larron outrageux et qu'il délivra le larron devenu croyant. Redoutez d'outrager, soyez heureux de croire : ce qui vient de se faire au jour de l'humiliation s'accomplira au jour de la gloire.

3. Dieu distribue ses faveurs selon des desseins profonds ; nous pouvons ici admirer, nous ne saurions comprendre. D'ailleurs « qui a connu la pensée du Seigneur? Combien aussi ses jugements sont incompréhensibles et ses voies impénétrables (2) !» Même en suivant partout le Christ, Pierre se trouble et le renie; le Sauveur le regarde ensuite et il pleure; ses larmes effacent en lui les taches qu'y a faites la crainte. Ce n'était pas abandonner Pierre, c'était l'instruire. Au moment où le Seigneur lui demandait s'il l’aimait, Pierre avait présumé en lui-même qu'il était capable de mourir pour lui, et il s'en croyait capable par ses propres forces. Si donc son Guide divin ne l'avait laissé tant soi peu à lui-même, il n'aurait pas appris à se connaître. «Pour vous je donne ma vie », avait-il osé dire. Il y avait présomption à s'écrier ainsi qu'il donnerait sa vie pour le Christ, quand

 

1, Luc, XXIII, 42, 43. — 2. Rom. XI, 31, 33.

 

le Christ libérateur n'avait pas donné encore la sienne pour lui. Aussi se trouble-t-il, comme le Seigneur le lui avait prédit, sous l'impression de la crainte, et il le renie jusqu'à trois fois, après avoir promis de mourir pour lui. « Le Seigneur le regarda » ensuite, est-il écrit; et lui, pleura amèrement (1)». Le souvenir de son reniement devait lui être amer, pour lui rendre plus douce la grâce de sa délivrance. S'il n'eût été laissé à lui-même,:, il n'eût pas renié; et s'il n'eût été regardé, il n'aurait pas pleuré. Dieu déteste ceux qui. présument de leurs forces, et comme un habile médecin il enlève cette espèce de tumeur à ceux qu'il aimé . Cette opération est douloureuse ; mais elle rétablit la santé.

Aussi le Sauveur, après sa résurrection, confie-t-il ses brebis à Pierre, à ce renégat. Renégat pour avoir présumé, il devient pasteur pour avoir aimé. Pourquoi en effet le Seigneur lui demande-t-il trois fois s'il l'aime, sinon pour le pénétrer de componction sur son triple reniement ? Aussi Pierre obtint-il ensuite par la grâce de Dieu ce qu'il n'avait pu obtenir par la confiance en soi. Quand effectivement le Seigneur eut recommandé à Pierre, non pas les brebis de Pierre, mais ses propres brebis; quand il l'eut invité à les paître, non pas dans son intérêt propre, mais en vue du Seigneur, il lui annonça qu'il aurait la gloire, d'abord manquée par lui pour s'y être porté avec précipitation, de souffrir pour son honneur. « Lorsque tu auras vieilli, lui dit-il, un autre te ceindra et te portera où tu ne veux point. Or il parla ainsi pour désigner par quelle mort il glorifierait Dieu (2)».  C'est ce qui eut lieu. Après avoir effacé son reniement par ses larmes, Pierre parvint au martyre ; le tentateur ne put lui faire manquer ce que lui avait promis le Sauveur.

Quelque chose d'analogue est arrivé, selon moi, aux saints martyrs Caste et Emile, dont nous célébrons aujourd'hui la fête. Il est possible qu'eux aussi avaient présumé de leurs forces et que ce fut le motif de leur défection. Le Seigneur leur montra ainsi ce qu'ils étaient et ce qu'il était. Il réprima leur présomption et appela à lui leur foi, les secourut dans le combat et les couronna après la victoire. Déjà l'ennemi triomphait, à la première attaque; il les comptait parmi ses conquêtes,

 

1. Luc, XXII, 33, 61, 63. — 2. Jean, XXI, 18, 19.

 

422

 

quand ils cédèrent devant les tortures. Cependant le Seigneur eut pitié d'eux, et que ne leur accorda-t-il pas ? D'autres martyrs ont vaincu le diable au moment de la tentation; ceux-ci le vainquirent au moment de son triomphe.

Par conséquent, nies frères, souvenons-nous de ceux dont nous solennisons aujourd'hui la fête; cherchons à les imiter, non dans ce qui a amené leur défaite, mais plutôt dans ce qui a assuré leur victoire, Si les chutes des grands hommes ne restent pas ignorées, c'est pour inspirer quelque crainte aux présomptueux. Partout, du reste, on met avec soin l'humilité du Christ en relief devant nous ; car le salut que nous procure le Christ vient de son humilité. N'en serait-ce pas fait de nous, si le Christ n'avait daigné s'humilier pour nous ? Rappelons-nous donc qu'il ne faut pas nous fier à nous. Remettons entre les mains de Dieu ce que nous avons, et sollicitons de lui ce qui nous manque.

5. La justice des martyrs est parfaite; ils se sont perfectionnés dans leur martyre même aussi lie prie-t-on pas pour eux dans l'Eglise. On -y prie pour les autres fidèles défunts, on n'y prie pas polir les martyrs ; ils étaient si parfaits en nous quittant, qu'au lieu d'être nos clients ils sont nos avocats. Ce n'est point par eux-mêmes, c'est par leur union avec le Chef dont ils sont des membres sans tache. Car notre Avocat véritable est Celui-là seul qui intercède en notre faveur, assis qu'il est à la droite du Père (1).

Il est notre Avocat unique, comme il est notre unique Pasteur; car « il faut, dit-il, que j'amène encore les brebis qui ne sont pas de ce bercail (2)». Dès que le Christ est Pasteur, Pierre ne l'est-il pas? Pierre sûrement l'est aussi; les autres qui ont les mêmes titres que lui sont également et sans aucun doute pasteurs. S'il n'était pas pasteur, Jésus       lui aurait-il dit : « Pais mes brebis (3) ? » Toutefois le vrai pasteur est celui qui paît ses propres brebis. Or il a été dit à Pierre : «.Pais mes brebis», non pas les tiennes. Si donc Pierre est pasteur, ce n'est pas en lui-même, c'est comme membre du corps du Pasteur divin. Car en voulant paître ses propres brebis, à l'instant même il en aurait fait des boucs.

 

1. I Jean, II, 1; Rom. VIII, 34. — 2. Jean, X, 16. — 3. Ib. XXI,17.

 

 

6. Pour répondre à ces mots adressés à Pierre : « Pais mes brebis », il est dit au Cantique des cantiques : « Si tu ne te connais toi-même, ô la plus belle des femmes». Nous savons assurément à qui s'adresse ce langage, c'est même dans son sein que nous prêtons l'oreille. C'est à l'Eglise, en effet que parle ainsi le Christ, 1'Epoux à l'épouse. « Si tu ne te connais toi-même, ô la plus belle des femmes, sors (1) ». Quel langage désagréable : « Sors ! » — « Ils sont sortis du milieu de nous, est-il dit, mais ils n'étaient pas d'entre nous (2) ». A cette sombre parole: « Sors », est heureusement opposée cette parole de. félicitation : « Entre dans la joie de ton Seigneur (3) ». — « Si tu ne te connais toi-même, ô la plus belle des femmes », ô Eglise catholique qui l'emportes en beauté sur les hérésies; « si tu ne te connais toi-même, ô la plus belle des femmes, sors » ; je ne le chasse point, mais « sors ». Aussi nous ont-ils quittés, « ceux qui se séparent eux-mêmes du troupeau, hommes de vie animale, qui n'ont pas l'Esprit (4)». Il n'est pas écrit: ils ont été chassés, mais : « Ils nous ont quittés». C'est ce que fit d'ailleurs la divine justice dans la personne des premiers pécheurs. Comme s'ils fussent déjà entraînés par leur propre poids, Dieu les laissa aller du paradis terrestre, il ne les chassa point.

« Si donc tu ne te connais toi-même, ô la plus belle des femmes, sors» ; je ne te chasse pas, « sors ». Je voudrais te guérir en te cou. servant unie à mon corps ; tu veux, toi, qu'on en retranche ce membre pourri. Ceci s'applique à ces hommes qui devaient sortir afin de pouvoir se connaître et prendre ensuite des précautions pour rester unis. Eh! pour. quoi sont-ils sortis, sinon parce qu'ils ne se sont pas connus? S'ils s'étaient connus, ils auraient compris que ce qu'ils administraient n'était pas à, eux, mais à Dieu. — Je donne, dis-tu ; je donne ce qui est à moi, et comme c'est moi qui le donne, c'est chose sainte.Tu ne te connaissais pas, et pour ce motif tu es sorti. Tu n'as pas voulu prêter l'oreille à ces mots : «Si tu ne te connais toi-même, ô la plus belle des femmes ». Tu étais belle jadis, mais .c'est quand tu demeurais unie aux membres de ton Epoux. Tu n'as donc voulu ni en. tendre ni méditer ces paroles . « Si tu ne te

 

1. Cant. I, 7. — 2. I Jean, II, 19. — 3. Matt. XXV, 21. — 4. Jude,19. — 5. Gen. III, 23.

 

423

 

connais toi-même », si tu ne sais qu'il t'a rencontrée toute souillée, que de laide il t'a rendue belle, et blanche de noire que tu étais. « Qu'as-tu, en effet, que tu ne l'aies reçu (1) ? » Tu ne réfléchis pas au sens de ces mots ; « Si c tu ne te connais toi-même, sors ».

Tu t'es imaginé aussi que tu devais paître tes propres brebis, sans comprend b la portée de ces expressions adressées à Pierre: « Pais a mes brebis ». Vois donc ce qu'ajoute pour toi Celui qui pour toi avait tenu ce langage : « Sors sur les traces des troupeaux » ; non pas du troupeau, mais « des troupeaux ». Les brebis du Christ sont dans les pâturages où il n'y a qu'un seul troupeau sous un seul pasteur. « Sors », toi, « sur les traces des troupeaux » ; en proie à la division, aux dissensions, aux déchirements; tu sors sur les traces des troupeaux et pais tes boucs » ; non pas « mes brebis », comme Pierre, mais « tes boucs, sous les tentes des pasteurs », non sous la lente du Pasteur. Pierre entre avec charité ; tu sors avec animosité. Parce que Pierre s'est connu lui-même, il s'est pleuré pour avoir présumé de lui, aussi a-t-il mérité de recevoir

 

1. I Cor. IV, 7.

 

du secours. Toi, au contraire, « sors ». Lui paissait « mes brebis ; — pais tes boucs ». Il était sous la tente du pasteur; va « sous les tentes des pasteurs ». Pourquoi te vanter de tes souffrances funestes, puisque ta cause n'est pas la bonne cause?

7. Ainsi donc honorons les martyrs à l'intérieur, sous la tente du Pasteur, parmi les membres du Pasteur, comptant sur la grâce et non sur l'audace, sur la piété et non sur la témérité, avec constance et non avec opiniâtreté, avec l'esprit d'union et non de division. Donc encore, si vous voulez imiter les vrais martyrs, embrassez la cause qui vous permettra de dire au Seigneur : « Jugez-moi, Seigneur, et séparez ma cause de celle d'un peuple qui n'est pas saint (1) ». Séparez, non pas mes souffrances, car le peuple qui n'est pas saint en endure aussi; mais ma cause, car elle n'est pas celle de ce peuple. Oui, embrassez cette cause, tenez à la bonne et juste cause ; puis, avec l'aide du Seigneur, ne redoutez aucun tourment.

Unis au Seigneur notre Dieu, etc.

 

1. Ps. XLII, 1.
 
 
 

source: http://www.abbaye-saint-benoit.ch/saints/augustin/index.htm

www.JesusMarie.com