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Saint Robert Bellarmin
Les Controverses de la Foi Chrétienne contre les Hérétiques de ce Temps
Disputationes de controversiis christiniæ fidei adversus hujus temporis hæreticos.
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2018 02 09 21h27 début
LIVRE TROIS
L’ÉGLISE DISPERSEE SUR TOUTE LA TERRE

                                                                   CHAPITRE 1
                                                                 Le nom église
La controverse sur l’église militante a plusieurs parties.  On parlera d’abord de l’église elle-même; ensuite, de ses membres : les clercs, les moines, les laïcs.   Au sujet de l’église considérée en elle-même, dont nous entreprenons actuellement la dispute, il y a trois controverses principales.   La première porte sur le nom et la définition de l’église; la deuxième sur sa qualité, ou sa visibilité; la troisième, sur les notes qui la font connaître avec certitude.
 Indiquons d’abord les noms des auteurs qui ont écrit sur l’église, ou plutôt ceux dont nous avons lu les livres.   Saint Augustin (le livre de l’unité de l’église), saint Cyprien (le livre du même titre), et Optatus (six livres contre Parmenianus).  Parmi les auteurs récents, Thomas Waldensis (tome 1, livre 2, doctrine de la foi, chapitres 8,9 10),   Jean Driedo (livre 4, chapitre 2 sur les dogmes ecclésiastiqiues), Albert Pighius (controverse 3), le cardinal Hosius (dans la confession, l’explication du symbole, livre 5 contre les prolégomènes de Brentius),  Pierre a Soto (partie 1 de sa défense contre Brentius), Jean a Dauentria (dans réfutation 7 article de la confession augustinienne), Jean Cochlaeus (Philipique 4, et dans son livre sur l’autorité de l’Écriture et de l’église), Jean Eckius (au début de son enchiridion), Alfonsus a Castro (livre 6 contre les hérétiques), Melchior Cano (les lieux),  Jean de Louvain (explication du symbole), et tous les autres qui ont expliqué le symbole.  François de Tours (dans ses deux livres sur l’Église, et sur l’ordination des ministres).  Après eux, au cours de l’année 1577, nous avons disputé dans les écoles, de ces choses que nous mettons maintenant en lumière.   À la même époque, écrivit aussi sur ce sujet Grégoire de Valence, (dans son analyse de la foi catholique, partie 6), ainsi que d’autres.  Mais nos nombreuses occupations ne nous ont pas permis de les lire tous.
 J’en viens maintenant à la dispute annoncée.   D’abord le nom, en suite  la chose.  Le mot église, ecclesia, est un mot grec, qui vient d’un verbe qui signifie appeler.  L’Église est donc une convocation, ou une assemblée d’appelés.  On appelle le peuple de Dieu assemblée d’appelés,  parce que nul  ne se  joint à ce peuple de lui-même,  ou par une démarche personnelle, mais tous ceux qui y viennent sont prévenus par un appel de Dieu. Car, l’appel ou la vocation est le premier bienfait que les saints reçoivent de Dieu. « Ceux qu’il a appelés, a dit l’apôtre, il les a justifiés, et ceux qu’il a justifiés, il les a glorifiés. »   Et saint Luc (actes 2) : « Tout ce que notre Dieu a appelé. »  Voilà pourquoi les apôtres, dans leurs lettres, appelle souvent les chrétiens des appelés.
 Il y a trois choses à  noter au sujet de ce mot.  Le mot église, quant il est employé avec un autre mot, peut être pris dans un bon ou dans un mauvais sens. Car, on dit aussi « l’église des méchants » (psaume 25) comme on dit « l’église des saints », (psaume 88).   Mais quand il est employé seul et sans qualificatif,  il ne signifie que l’église du Christ, à l’exception d’un seul endroit (actes 19) où l’on parle d’un peuple de païens : « car c’était une église confuse. »   En second lieu, notons, avec saint Augustin (psaume 81) : « Dieu s’est assis dans la synagogue des dieux. »  Même si l’église de l’ancien testament et du nouveau est essentiellement la même, cependant, parce que le statut du nouveau testament est de loin plus excellent, les noms eux-mêmes sont distincts.  Car, le nom propre du peuple de l’ancien testament est synagogue, c’est à-dire congrégation.  Mais le peuple du  nouveau testament n’est jamais appelé synagogue, mais église, assemblée.  Le rassemblement est quelque chose qui est commun aux hommes et aux bêtes, mais la vocation est propre à l’homme.  Il importe peu que le peuple des Juifs dans l’ancien testament soit parfois appelé église, car, en hébreu, ces deux mots synagogue et église viennent du même verbe : rassembler.  Ce que nous traduisons synagogue vient du mot rassembler.  Semblablement, kahal, c’est-à-dire église, vient de kahal être rassemblé.  Deux mots différents, donc, qui signifient la même chose.
 Comme une cité signifie, pour nous,  tantôt  un rassemblement d’hommes, tantôt un lieu où habite ce rassemblement, de la même manière, dans les Écritures,  l’église signifie tantôt une assemblée d’hommes, (Romains 16 : « toutes les églises d’Asie vous saluent »), ou tantôt un lieu (Judith 6 : « Tout le peuple pria dans l’église pendant toute la nuit. ».  Mais, maintenant, nous ne  parlons de l’église qu’au sens d’assemblée des fidèles.
                                                                         CHAPITRE 2
                                                                  Définition de l’église
 Voilà pour le nom.   Au sujet de la chose elle-même, il y a cinq sentences hérétiques.  La première, que l’église soit le rassemblement des prédestinés, de sorte que tous les prédestinés et eux seuls sont de l’église.  C’est ce qu’on enseigné Jean Wyclif d’après Waldensem ( tome 1, livre 2, chapitres 8 et 9),  et Jean Hus (articles 1, 2,3, 5, 6, concile de Constance, session 15) : « Le réprouvé,  même s’il se trouve parfois dans la grâce selon la justice présente, ne fait, cependant, jamais partie de la sainte église.  Le prédestiné demeure toujours membre de l’église, même  si parfois il sort de la grâce adventice,  sans  jamais sortir de la grâce de la prédestination. »  La deuxième définition.  L’église est un rassemblement d’hommes parfaits, une multitude de fidèles qui n’ont aucun péché.  C’est ainsi que la définirent certains pélagiens, comme le rapporte saint Augustin (dans son livre sur les hérésies, chapitre 88) : « Ils vont jusqu’à dire que la vie des justes dans ce siècle n’a absolument aucun péché, et que c’est d’eux que dans ce monde mortel, l’église est constituée. »  Calvin attribue la même chose, en notre siècle, aux anabaptistes (livre 4, chapitre 1, verset 13 de ses institutions ».
 La troisième est que l’église est le rassemblement des justes, ou plutôt de ceux qui n’ont pas  failli dans la confession de la foi.  Cette définition se distingue de la précédente  en ce que la première exclut tous les pécheurs,  tandis que l’autre n’exclut que les pécheurs insignes.  C’est ce qu’ont pensé autrefois les novatiens, (Cyprien livre 4, épitre 1),  et les donatistes (Saint Augustin livre sur les hérésies, chapitre 69).  Je pense, personnellement, que Calvin s’et trompé ainsi que ceux qui pensent que les novatiens et les donatistes excluaient tout genre de péchés.  Car, saint Cyprien dit explicitement (livre 4, épitres 1 et2) ainsi qu’Épiphane, qu’ils ont gardé dans l’église les fraudeurs,  les adultères et les débauchés, et d’autres semblables.  Les seuls qu’ils ont expulsés sont ceux qui, pendant la persécution, ont apostasié.  Cette rectification n’est pas contredite par ce qu’enseignent saint Ambroise (livre 1 de la pénitence, chapitres 1 et 2) et Théodoret  (livre 3 sur les fables des hérétiques), à savoir « que les novatiens ont enlevé le pouvoir de remettre tous les péchés, sauf les plus légers. »  Car, même s’ils ne leur donnaient pas l’absolution pour leurs péchés graves, ils les retenaient quand même dans leur assemblée, à moins qu’ils n’aient péché contre la foi.  Et saint Augustin (dans son livre 3, chapitre 2 contre Parmenianus)  enseigne que les donatistes n’avaient pas horreur de tout, mais seulement des plus grands crimes, comme celui qu’ils reprochaient aux catholiques : d’avoir accueilli en leur sein ceux qui ont livré les livres divins.
 La quatrième définition est celle des Confessionistes,  qui, même s’ils condamnent verbalement les pélagiens, les donatistes et les novatiens , ont tiré leur sentence de leur hérésie. Car  les confessionistes  les pélagiens, --non tous les luthériens et les calvinistes--enseignent non seulement  qu’aucun péché n’est véniel par sa nature, mais que tous sont d’eux-mêmes mortels, mais véniels à cause de la miséricorde de Dieu, qui ne  les impute pas aux croyants.  C’est ce qu’ont enseigné Luther ( assert. article 31), Mélanchton (article 7, sur la différence entre un péché mortel et véniel), et Calvin (livre 2 des institutions, chapitre 8, versets 58, 59).   Deuxièmement, la confession augustinienne (article 7) enseigne que l’église est la congrégation des saints, qui croient véritablement et obéissent à Dieu.  Et, dans son apologie, Philippe s’efforce de montrer que les pécheurs n’appartiennent que nominalement à l’Église.  Brentius (dans son prolégomène contre Pierre a Soto) enseigne la même chose.  Ne s’oppose pas à ce que nous venons de dire ce que Brentius et Philippe enseignent aussi , à savoir que les bons sont mêlés aux méchants, car ces auteurs imaginent deux églises.   Une vraie à laquelle appartiennent les privilèges décrits dans l’Écriture, la congrégation des saints, qui croient vraiment et obéissent à Dieu, laquelle n’est visible qu’aux yeux de la foi. Une autre externe qui n’est l’église que de nom, et en qui se rassemblement  ceux qui ont en commun la profession de la foi et la pratique des sacrements, mais dans laquelle se trouvent les bons et les méchants.  Voilà pourquoi les mauvais ne peulent jamais faire partie de la vraie église, et voilà pourquoi Philippe ne dit pas que l’Église est formée de bons et de mauvais, mais que les mauvais s’immiscent dans l’église.  Et voilà pourquoi Brentius dit que les mauvais sont, en quelque sorte, dans l’église, mais non de l’Église.
 Luther (dans son livre sur l’église et les conciles, troisième partie) dit que « l’église est le peuple saint des chrétiens ».  Et pour montrer qu’il parle de la sainteté de chacun des membres, il donne la preuve suivante : le pape et les cardinaux ne sont pas de l’église, parce qu’ils ne sont pas saints.  Si donc seuls les justes font partie de l’église, et si tous les péchés, même les imperfections, sont des péchés mortels et rendent l’homme injuste,  il s’ensuit que seuls les parfaits, qui ne sont entachés d’aucun péché, sont de l’église.  Et c’est ce qu’enseignaient les pélagiens.    Troisièmement, les confessionistes disent, d’accord en cela avec tous les luthériens, que toutes les œuvres des hommes, même des justifiés, sont des péchés mortels.  C’est ce qu’enseigne la confession augustinienne (articles 6-10),  mais plus clairement Luther (assert art 32), de quoi il semble s’ensuivre qu’aucun homme n’est de l’église.  Car, si seuls les justes sont de l’église, nul homme n’est de l’église.  En effet, si seuls les justes sont de l’église, et s’il n’y a dans le monde aucun juste, puisque les œuvres de tous les hommes sont des péchés, quels sont ceux, je le demande, qui font l’église ?  Mais ils expliquent la chose facilement, eux, quand ils disent que les œuvres de l’homme juste sont toutes des péchés mortels, mais qu’elles ne sont pas imputées, si la foi est présente.  En conséquence, celui qui a la foi est en même temps très juste, et pécheur dans chacune de ses actions.  Les confessionistes ressemblent aux donatistes et aux novatiens d’une autre façon.  Car, comme ils n’excluaient pas, eux, de l’église tous les pécheurs, mais seulement ceux qui avaient commis l’idolâtrie, les luthériens n’excluent pas tous les pécheurs, mais seulement ceux qui ne croient pas vraiment.  Car, ils pensent, comme nous l’avons dit, qu’aucun crime n’est imputé aux croyants.
 La sixième définition est comme composée de toutes celles-là. Car, elle enseigne que l’église n’est formée que des seuls justes prédestinés.  Comme Calvin, qui enseigne trois choses.  La première.   Quand on a déjà eu la foi, on ne peut pas la perdre pendant toute l’éternité.  Et, en conséquence, tous ceux qui ont la foi sont nécessairement prédestinés.  C’est ce qu’il dit dans  ses institutions (livre 3, chapitre 2, versets 8, 9, 10, 11).   Or, c’est exactement ce qu’avait enseigné autrefois Jovinien (saint Jérome, livre 2, contre Jovinien).  Il enseigne, ensuite, que la vraie église ne peut être connue que par Dieu seul, et que son fondement est l’élection divine, qu’elle est formée des fidèles,  qui sont nécessairement au nombre des élus (livre 4, chapitre 1, verset 2,  et dans la petite institution, chapitre 8, verset et suivants).  Il enseigne ensuite qu’il y a, en plus, une autre église externe, dans laquelle sont les bons et les mauvais, comme ont dit, plus haut, les confessionistes.  Il l’enseigne cela dans le même livre et chapitre, et en plusieurs endroits.  Bucer semble penser de la même façon, car (dans le livre du règne du Christ, chapitre 5), il définit le royaume de Dieu comme étant la procuration du salut des élus de Dieu, que Dieu recueille sur la terre. De même Tilmann Heshusius, (livre des erreurs des souverains pontifes, lieu 12;  et livre 1 sur l’église, chapitre 3).
 Notre sentence à nous est la suivante. Il y a une seule église, et non pas deux.  Elle est l’unique, vraie assemblée d’hommes réunis par la profession de la vraie foi chrétienne, par la communion dans les mêmes sacrements, sous le régime de pasteurs légitimes, et principalement du vicaire du Christ sur la terre, le pontife romain.    De cette définition on peut facilement déduire quels sont les hommes qui appartiennent à l’église, et quels sont ceux qui ne lui appartiennent pas.  Il y a, en effet, trois parties dans cette définition : la profession de la vraie foi, la communion dans les sacrements, et la soumission à un pasteur légitime, le pontife romain.  La première partie exclut tous les infidèles, tant ceux qui n’ont jamais été dans l’Église, comme les Juifs, les turcs, les païens,  que ceux qui l’ont  été et en sont sortis, comme les hérétiques et les apostats.    La deuxième partie exclut les catéchumènes et les excommuniés, car ils ne sont pas admis à la communion des sacrements.   La troisième exclut les schismatiques qui ont la foi et les sacrements, mais qui ne sont pas soumis au pasteur légitime,  et qui professent donc la foi et reçoivent les sacrements à l’extérieur de l’église.  Tous les autres sont inclus, même les réprouvés, les criminels et les impies.
 La différence existant entre notre opinion et celle de nos adversaires consiste en ceci : tous les autres requièrent des vertus internes pour insérer quelqu’un dans l’église, et c’est pour cela qu’ils font de la vraie église une église invisible.  Quant à nous, nous croyons qu’on trouve, dan s l’église, toutes les vertus, la foi, l’espérance, la charité et toutes les autres.  Mais, toutefois, pour qu’on dise de quelqu’un qu’il fait partie de la vraie église, dont parlent les Écritures,  nous pensons que n’est requise aucune vertu intérieure, mais seulement la profession externe de la foi,   la communion dans les sacrements,  qui est perçue par les sens.  Car, l’église est une assemblée d’hommes aussi visible et palpable que l’assemblée du peuple romain, le royaume de France ou la république de Venise.  Il faut noter, à la suite de saint Augustin (collation 3), que l’église est un corps vivant, dans lequel nous nous tenons corps et âme.  Dans l’âme, sont les dons internes du Saint Esprit, et les vertus théologales; et dans le corps, la profession externe de la foi, la communion dans les sacrements.  De là vient que certains sont de l’âme et du corps de l’église, et donc unis au Christ-tête intérieurement et extérieurement.  Et ceux-là sont parfaitement de l’église.  Ils sont comme des membres vivants dans le corps, chacun participant plus ou moins à la vie.  D’autres n’ont que le commencement de la vie, comme s’ils avaient  la sensation sans avoir le mouvement, comme ceux qui ont la foi sans la charité, ce qui peut arriver.    D’autres sont du corps et non de l’âme, comme ceux qui n’ont aucune vertu interne, ou qui, mus par la crainte ou l’espérance, professent la vraie foi pendant un certain temps, et qui participent aux sacrements sous la direction des pasteurs.  De tels membres ressemblent aux cheveux, ou aux ongles, ou aux humeurs malignes du corps humain.
 Notre définition  comprend seulement cette dernière façon d’être dans l’église, car c’est le minimum qu’on peut requérir pour  pouvoir de dire de quelqu’un qu’il fait partie de l’église.  Il faudra donc prouver, par ordre, que ne font pas partie de l’église les non baptisés, les hérétiques, les apostats, les excommuniés et les schismatiques; et qu’appartiennent à l’église les non prédestinés, les non parfaits, les pécheurs même manifestes, les infidèles occultes,  s’ils ont la profession de la vraie foi, la communion dans les sacrements et la soumission aux pasteurs.
                                                                            CHAPITRE 3
                                                                          Les non baptisés
 C’est surement des infidèles non baptisés que  parle saint Paul, quand il dit  ((1 Cor 5) : « Car, qu’ai-je à voir avec ceux qui sont à l’extérieur ? » Il dit là que sont à l’extérieur tous ceux qui n’ont pas donné leurs noms au Christ par le baptême, mais suivent d’autres religions.  Parler des catéchumènes est chose un peu plus difficile, car ils sont fidèles, et peuvent être sauvés s’ils meurent dans cet état.  Et pourtant, hors de l’église, nul n’est sauvé, comme nul ne l’a été hors de l’arche de Noé, selon le concile du Latran, c.1 : « Il y a une seule église universelle des fidèles,  en dehors de laquelle absolument personne n’est sauvé. »  Or, il est certain que les catéchumènes ne sont pas dans l’église en acte et au sens propre du terme, mais seulement en puissance, comme un homme qui a été conçu, mais n’est encore ni formé ni né ne s’appelle un homme qu’en puissance.  Car, nous lisons (actes 2) : « Ceux qui ont reçu la parole ont été baptisés, au nombre d’environ trois mille. »  De même, le concile de Florence, dans son introduction,  enseigne que les hommes deviennent membres du Christ et sont incorporés à l’Église quand ils sont baptisés. »  Et c’est ce que les pères enseignent.
 Saint Grégoire (dans son panégyrique d’un saint) dit « qu’un catéchumène est un vestibule de piété, et qu’il ne peut pas être  appelé un fidèle tant qu’il n’entrera pas à l’intérieur par le baptême. »  Saint Jean Chrysostome (homélie 14 sur saint Jean) dit « qu’un catéchumène est étranger à un fidèle, et n’a rien avec lui en commun, ni la cité ni la table. »   Et Tertullien (dans le livre des prescriptions) reproche aux hérétiques de ne pas distinguer les fidèles des catéchumènes.  Saint Cyrille (livre 12 sur saint Jean, chapitre 50) enseigne que « les catéchumènes sont pour les chrétiens  ce qu’étaient, pour les Juifs, les incirconcis qui, à cause de cela, ne pouvaient pas se nourrir de l’agneau pascal. »  Saint Augustin (traité 4 sur saint Jean, et ailleurs) distingue les catéchumènes des fidèles.  Ce que font aussi d’autres pères.   Il apparait donc clairement que l’église est la congrégation des fidèles.  De plus, les catéchumènes n’ont droit à aucun sacrement, ni même à ceux qui sont communs à l’église universelle.  Les catéchumènes ne  sont donc  pas proprement de l’église en acte.  Comment se sauvent-ils, demanderas-tu, s’ils sont à l’extérieur de l’Église ?  L’auteur du livre sur les dogmes ecclésiastiques (chapitre 74) répond que les catéchumènes ne sont pas sauvés.  Mais cela parait un peu fort.  Saint Ambroise, dans son sermon sur la mort de Valentinien, affirme que peuvent être sauvés les catéchumènes, dont faisait partie Valentinien, quand il émigra de cette vie.
 Il faut donc chercher ailleurs une solution.  Melchior Cano affirme que les catéchumènes peuvent être sauvés car, même s’ils ne sont pas de l’église chrétienne proprement dite, ils font partie de l’église qui comprend tous les fidèles,  d’Abel jusqu’à la fin du monde.  Mais cette explication ne semble pas satisfaisante, car, après l’avènement du Christ, il n’y a de vraie église que celle du Christ.  Si donc les catéchumènes ne sont pas de celle-là,  Ils ne sont d’aucune.  Je réponds donc que quand on dit que hors de l’église, personne ne peut se sauver, il faut l’entendre de ceux qui ne sont de l’église  ni réellement, ni par le désir, comme l’enseignent communément les théologiens.   Les catéchumènes peuvent donc être sauvés, car s’ils ne sont pas de l’église réellement, ils le sont par le désir.  L’image de l’arche de Noé ne contredit pas cet enseignement, car comme on dit, toute comparaison cloche.  Voilà pourquoi saint Pierre lui-même qui compare le baptême à l’arche de Noé,  reconnait que, sans le baptême, quelques-uns ont été sauvés.  Mais, tu demanderas.  Comment se fait-il que saint Augustin (traité 4 sur saint Jean) admette que les catéchumènes sont dans l’Église ?  C’est vrai qu’il dit cela, mais, au même endroit, il les sépare des fidèles.  Ce qu’il a voulu dire c’est ceci : ils sont dans l’église non en acte, mais en puissance.   Et c’est ce qu’il a expliqué au début de son second livre sur le symbole,  où il compare les catéchumènes à des hommes conçus, mais non encore nés.
                                                                        CHAPITRE 4
                                               L’hérésie et l’apostasie
 Alphonse de Castro (dans son livre sur la juste punition des hérétiques, chapitre 24) enseigne que sont membres et parties de l’église même ceux qui professent publiquement une fausse doctrine.   Comme la fausseté de cette sentence saute aux yeux,  il sera facile de la réfuter.   Car, d’abord, l’Écriture, parlant de ce sujet (1 Tim 1), emploie le mot naufrage de la foi.  Par cette comparaison, elle fait comprendre  que, par la partie du navire de l’Église qui a été brisée, les hérétiques se sont engouffrés dans les flots.  Il y a aussi la parabole du filet qui se déchirait à cause de la multitude des poissons (Luc 5).  Ensuite, saint Paul  à Tite (3)  : « Après une première et une deuxième réprimande faite à un hérétique, évite-le,  sachant que celui qui se comporte ainsi est un orgueilleux et un délinquant, condamné qu’il est par son propre jugement. »  Dans ce passage, l’apôtre ordonne à un évêque d’éviter un hérétique, ce qu’il ne ferait certes pas s’il le croyait dans l’église.  Car, le pasteur ne doit pas éviter mais guérir ceux qui appartiennent à son troupeau.  Et il en ajoute la raison : c’est parce qu’un tel hérétique est opiniâtre, et déjà condamné par son propre jugement.  Ce qui veut dire, comme l’explique saint Jérôme, qu’il n’est pas expulsé de l’église par l’excommunication,  comme plusieurs autres pécheurs, mais qu’il s’expulse lui-même de l’Église.  De même, saint Jean 11 : « Ils sont sortis de nous, mais ils n’étaient pas de nous. »  C’est-à-dire : ils sont sortis de nous parce qu’ils étaient  avec nous dans la même église, mais qu’ils n’étaient pas de nous selon l’élection divine, comme saint Augustin l’expose dans son livre sur la bonne persévérance, chapitre 8.
 On prouve cela ensuite à partir du concile de Nicée (chapitres 8. Et 19). Il dit qu’on peut recevoir les hérétiques dans l’église,  s’ils veulent revenir, avec, toutefois, certaines conditions.  Nous avons aussi le concile du Latran (chapitre firmiter, de summa trinitate et de fide catholica) qui dit que « l’église est la congrégation des fidèles. »  Il est évident que les hérétiques ne sont en aucune façon des fidèles.  On peut le prouver aussi par l’enseignement des pères de l’église.  Saint Irénée (livre 3, chapitre 3) dit que Polycarpe avait converti  à l’Église  beaucoup d’hérétiques.   Ce qui suppose qu’ils étaient auparavant sortis de l’église.  Tertullien (au livre de la prescription) dit que si Marcion voulait revenir à l’église, il  ne le pourrait qu’ à la condition d’accepter que ceux qu’il avait pervertis retournent à l’église. Saint Cyprien (dans son épitre à Jubaianum, dit que, bien qu’ils ne soient pas dans l’église, les hérétiques revendiquent l’autorité de l’église à la façon des singes, qui, bien qu’ils ne soient pas des hommes, veulent être vus comme des hommes.  Saint Jérôme (dans son dialogue contre les lucifériens, vers la fin) : « Comme tu l’as toi-même entendu, ceux qui se disent du Christ  non par le nom de Jésus Christ, mais par n’importe lequel autre nom, comme les marcionites, les valentiniens,etc  sache qu’ils ne sont pas l’église du Christ, mais la synagogue de l’antichrist.  Saint Augustin (livre 4, chapitre 10, contre les donatistes) dit «  qu ’il arrive parfois  qu’un hérétique qui est à l’extérieur de l’église, n’agisse pas contre l’Église,  et qu’un catholique qui est à l’intérieur, agisse contre ».  Et, dans le livre de l’unité de l’Église (chapitre 4) : « Ceux qui ne croient pas que le Christ  venu dans la chair de la vierge Marie, de la semence de David, est ressuscité avec le corps dans lequel il avait été crucifié,  ne sont vraiment pas dans l’Église. »
 Il arrive, enfin, que, comme l’église est une multitude unie (un seul peuple, un seul règne, un seul corps), cette union consiste principalement dans la profession de la vraie foi,  des mêmes lois, et des mêmes rites.  Aucune raison ne permet donc de dire que sont  du corps de l’église ceux qui n’ont avec elle aucun lien.
 Mais d’autres enseignent le contraire.  D’abord, parce que Matthieu 13, dans la parabole de la zizanie, dit qu’on trouve dans le même champ du grain, de la paille et de la zizanie, lesquels représentent les bons catholiques, les mauvais et les hérétiques, comme l’exposent saint Augustin (question 2 sur Matthieu), saint Jérôme et saint Jean Chrysostome dans leurs commentaires de ce passage.  Que ce champ soit l’église, l’enseignent saint Cyprien (livre 3, épitre 3), et saint Augustin (livre 1, chapitre 34 contre Cresconium).  Je réponds que par zizanie, certains n’entendent pas les hérétiques mais les mauvais hommes qui sont dans l’Église, comme saint Cyprien (lieu cité, et livre 4, épitre 2), et saint Augustin, quand il ne parlait pas selon son opinion mais selon celle de saint Cyprien.  Que par zizanie, saint Cyprien n’entend pas les  hérétiques, on peut le  déduire de ce que dans les endroits où il dit que la zizanie est dans l’église, il affirme que les hérétiques ne sont pas dans l’église; et aussi de son intention.  Ces textes il les écrivait contre les novatiens qui ne voulaient pas admettre à la pénitence ceux qui avaient apostasié pendant les persécutions, parce qu’ils craignaient de communier aux péchés des autres.   C’est à ceux-là que saint Cyprien montre, par une parabole du Seigneur, que, dans l’Église, il n’y a pas seulement des hommes forts, mais même des imbéciles qui tombent de temps en temps, comme dans un champ où  il y a à la fois du froment et de la zizanie.   Mais même si cette explication ne mérite pas d’être condamnée,  et ne nous est pas contraire, il me semble préférable de répondre avec saint Augustin  (question 11 sur Matthieu), que le champ ne signifie pas l’église,  mais le monde universel.  Et, en ce qui a trait au mot zizanie, même si on a de bonnes raisons  d’y voir des hérétiques, il serait plus juste d’y reconnaitre des méchants de toutes sortes, qu’ils soient hérétiques ou pas. Car, le but de la parabole est de nous enseigner  qu’il y aura toujours des mauvais dans le monde,  et qu’il ne sera pas possible au zèle humain d’en purger complètement la terre avant le jour du jugement.   Notre Seigneur dit, d’ailleurs, que la zizanie représente les hommes méchants, c’est-à-dire tous ceux qui seront finalement jetés dans le feu éternel.
 Ils font ensuite l’objection suivante (1 Timothée 1) : « Dans une grande maison, il y a des vases d’or, d’argent, de bois, et de terre. »  Par le nom de maison, Paul semble entendre l’église, et par les vases de bois et de terre les hérétiques.  Car, il avait dit un peu auparavant : « Dont le discours se développe comme un cancer.  Hymmeneus est un de ceux-là. Et Philetus, qui sont sortis de la vérité. »  Que le nom de maison signifie l’église c’est ce  qu’enseignent saint Cyprien (livre 3, épitre 3, et livre 4, épitre 2) et saint Ambroise (en commentant ce passage) et saint Augustin (livre 2, chapitre 12, le baptême.)  Je réponds que les anciens ont donné des interprétations différentes de ce passage.  Celle des grecs, Chrysostome, Theophylacte qui, par le nom de maison n’entendent pas l’église, mais le monde, comme nous l’avons dit pour le champ où se trouve de la zizanie.  Une autre est celle des latins, de saint Cyprien, de saint Ambroise, de saint Augustin, qui entendent l’église par le mot maison.  Et bien que saint Augustin et saint Ambroise veuillent voir des hérétiques dans les vases de bois et de terre.  Et  Augustin explique là  (livre 3, chapitre 19 du baptême) qu’ils sont bien dans l’église quand il dit qu’ils sont dans l’église avant qu’ils en soient séparés par l’obstination et l’opiniâtreté, et que c’est ce temps que l’apôtre considérait, de sorte que ce ne sont pas tant des hérétiques que des errants qui sont dans l’église.  Il ajoute aussi qu’on peut dire qu’ils sont dans l’église après en être sortis, à cause de l’administration des sacrements, parce que même eux aussi administrent validement certains sacrements. Ce qui revient à dire qu’ils sont dans l’église à un certain point de vue, mais pas absolument parlant.  Saint Ambroise donne au mot église un sens large, et beaucoup plus étendu que le sens strict, c’est-à-dire celle qui comprend tous ceux qui, de quelque façon sont nommés chrétiens. A ce sujet, les païens ont coutume de dire que, dans l’assemblée des croyants, il y a beaucoup d’opinions différentes et de sectes.  Et, selon Cyprien (dont je crois l’explication plus proche de la vérité) les vases de bois et de terre ne représentent pas les hérétiques, mais les fidèles infirmes et débiles,  qui sont facilement séduits.  Ce que l’apôtre dit au sujet des différents vases qui sont dans une maison ne se rapporte pas à Hymenus et et Philetus, qui étaient sortis de la vérité, mais à cette autre phrase : « et ils faussèrent la foi de certains. »  Car, l’apôtre veut dire que le fait que certains ont été séduits ne signifie pas que tous sont en danger d’être séduits, car, dans l’église, il y a les forts et les faibles.
 Mais, tu diras qu’Augustin, qui voit dans les vases de bois et de terre des hérétiques, affirme avoir été amené à penser ainsi par les paroles de Cyprien dans l’épitre à Antonien, qui est la seconde (livre 4).  Je réponds que saint Augustin a estimé que c’était par Cyprien que ces paroles de l’apôtre avaient été référées à l’église : « dans une grande maison, il y a des vases ….et ces autres : « le discours desquels se développe comme un cancer », comme lui-même l’avait référé.  Mais, du reste, les paroles de Cyprien n’expriment rien de tel.  Et  que saint Cyprien n’a pas voulu dire que les hérétiques sont dans l’église, la même épitre nous le fait comprendre, où il écrit en toutes lettres : « Le novatien, du fait qu’il est hérétique, est en dehors de l’Église »
Le troisième argument.  L’Église peut juger et punir les hérétiques.  Ils sont donc dedans. « Car, dit l’apôtre, qu’est-ce qui me permet de juger ceux qui sont à l’extérieur ? »  De plus, les hérétiques retiennent le caractère du baptême et du sacerdoce.  Ils sont chrétiens et prêtres.   Je réponds que, bien qu’ils ne soient pas dans l’église, les hérétiques doivent quand même être, comme des brebis, du bercail duquel ils se sont échappés, et donc lui appartenir. Comme on a l’habitude dire que  cette brebis est de ce troupeau, même quand  elle se promène loin de son troupeau.  L’église peut juger ceux qui sont réellement à l’intérieur, ou qui doivent l’être, comme un pasteur peut contraindre à retourner au troupeau une brebis qui erre dans les montagnes loin du bercail.  Et un empereur peut forcer à revenir à son camp ou même suspendre un transfuge qui est passé à l’ennemi.  L’apôtre, lui, parle de ceux qui sont en dehors au point de ne jamais avoir été en dedans.
Et au sujet du caractère, je dis que les hérétiques retiennent, en dehors de l’église, les caractères indélébiles, comme retiennent les brebis perdues le caractère imprimé dans le dos,  et les déserteurs de l’armée les marques militaires.  Mais, ils ne sont pas, pour cela, de l’église, car ces caractères ne suffisent pas pour inclure quelqu’un dans l’église.  Car, dans le cas contraire, l’église serait présente même dans l’enfer.  Et cependant saint Thomas (3 p. q. 8, article 13) dit que les damnés ne sont membres du Christ ni en acte ni en puissance.  De plus,  le rôle du caractère n’est pas d’unir l’homme avec la tête mais d’être le signe d’une certaine puissance, et d’une certaine union.  Voilà pourquoi, dans l’enfer,  ceux qui ont été membres du Christ sont connus par ce signe.  Qu’il n’unisse pas, la chose est évidente, car il n’unit pas à l’extérieur, puisqu’il est invisible; et il n’unit pas non plus à l’intérieur, car il n’est ni un acte ni un habitus opératoire.  Voilà pourquoi saint Thomas place l’union interne dans la foi.
                                                        CHAPITRE 5
                                                    Les schismatiques
Quelques catholiques  se demandent si les schismatiques sont dans l’Église.  Qu’ils sont dans l’église, c’est ce qu’affirme Alphonse de Castro, au lieu cité.  Mais il est facile d’enseigner le contraire, au moyen des saintes lettres et de la tradition des pères.  Car, d’abord, quand dans Luc 5 on dit que les filets se rompaient, par la scission du filet et la sortie des poissons du filet, on entend un schisme ecclésial, et la sortie des hérétiques et des schismatiques de l’église, comme l’expose saint Augustin (traité 122 sur saint Jean).   De plus, l’Écriture  parle d’une seule bergerie, (Jean 10), un seul corps (Romains, 12), une épouse, une amie, une colombe (cantique des cantiques,  6).  Car le schisme scinde ce qui étaie un, et fait d’un tout des parties, comme le mot lui-même l’indique.   Car skizôn est séparer, et skisma est une fissure.  Les schismatiques ne sont donc ni dans ni de l’Église, car une partie séparée du corps n’est plus une partie du corps.  Voilà pourquoi saint Cyprien, dans son livre sur l’unité de l’église, dit splendidement  que l’église est représentée par  la robe sans couture du Christ, qui n’a pas été découopée, pour que nous comprenions que l’Église peut être divisée, mais pas de la façon dont le sont les vêtements, pour que toutes les parties demeurent également les parties d’un même tout.  Quand on coupe une branche d’un arbre, elle meurt instantanément, tandis que l’arbre continue à vivre.  Si on sépare un ruisseau d’une source, le ruisseau tarit bientôt, pendant que la source continue à couler. Un rayon qui se sépare du soleil s’éteint instantanément, pendant que le soleil continue à briller.   Mais, si tu prétends qu’une portion de l’église séparée est quand même l’église, tu crées plusieurs églises, ce qui est contraire à l’Écriture.
On le prouve, ensuite, avec les décrets du pape Pélage.  Il affirme explicitement que les schismatiques ne sont pas de l’Église (14, q. 1, le canon sur les choses honteuses, et celui sur le schisme). Se présente aussi le témoignage de toute l’Église qui, à Pâque, prie pour les hérétiques et les schismatiques, pour que Dieu daigne les rappeler à l’église catholique. Ce qu’elle ne ferait certainement pas si elle croyait qu’ils sont dans l’église catholique.  S’Impose ici aussi le témoignage du catéchisme romain, qui n’a pas une mince autorité dans l’église de Dieu.  En expliquant le symbole des apôtres, le dit catéchisme, en paroles très claires, sépare les schismatiques de l’Église.   On le prouve, de plus, par les témoignages de pères de l’Église.  Saint Irénée (livre 4, chapitre 62), après avoir dit dans les chapitres précédents, que l’homme spirituel juge tous les hérétiques et les schismatiques,  il passe en revue plusieurs hérésies, et parle même du schisme proprement dit.  Il conclut en disant : « Il jugera tous ceux qui sont en dehors de la vérité, c’est-à-dire de l’église. »   Saint Cyprien (livre 4, chapitre 9 à Florentin Papianus), dit : « L’Église est le peuple réuni au prêtre, le troupeau adhérant à son pasteur.  Voilà pourquoi tu dois savoir que l’évêque est dans l’église, et l’église dans l’évêque, et que ceux qui ne sont pas avec l’évêque ne sont pas dans l’église. »  Or, il est certain que les schismatiques ne sont pas avec l’évêque.  Ils ne sont donc pas dans l’église.
Saint Jean Chrysostome (dans son homélie 3 sur la première épitre aux Corinthiens), écrit : « La signification du mot schisme les blâme suffisamment,  et le nom même suffit pour les confondre.   Car ce ne sont pas plusieurs parties intègres qui sont faites, mais une seule, car plusieurs églises intègres formeraient plusieurs églises. » Et (dans son homélie 2 sur la lettre aux Éphésiens) il enseigne que les schismatiques ressemblent à une main coupée du corps, qui se dessèche bientôt. Et, ailleurs, il dit que les schismatiques sont dans une autre église, même s’ils acceptent la foi et les dogmes de la vraie église.  Saint Jérôme (chapitre 1 sur Amos), écrit : « Les schismatiques séparent de l’église de Dieu une multitude trompée.  Mais ils ne le font pas cela avec la même cruauté que les hérétiques. »  Et (au chapitre 3, sur l’épitre à Tite) : « Entre l’hérésie et le schisme, voici ce nous pensons être la différence.  L’hérésie a un dogme pervers; le schisme sépare pareillement de l’Église à cause d’une dissension épiscopale. »  Noter le mot : également.   Saint  Augustin (dans le livre sur la foi et le symbole, chapitre 10) écrit : « Nous croyons dans l’église, c’est-à-dire la catholique, car les hérétiques et les schismatiques  appellent aussi églises leurs assemblées. En pensant des choses fausses de Dieu, les hérétiques violent la foi elle-même; les schismatiques, eux, par leurs dissensions, se séparent de la charité fraternelle, même s’ils croient ce que nous croyons.  Voilà pourquoi, l’hérétique n’appartient pas à l’église catholique qui aime Dieu, et le schismatique n’appartient pas non plus à l’église qui aime le prochain. »
Optatus (dans le livre 1 contre Parménien) dit, en parlant des  schismatiques : « Après avoir déserté la mère catholique, comme vous avez fait, les fils impies sortent en courant et se séparent.  Amputés, par l’envie, de la racine de la mère de l’Église, ils se transforment en rebelles errants. »  Et, au livre 2, il compare les schismatiques à des branches séparées de l’arbre, à des ruisseaux séparés de la source, à des rayons séparés du soleil.  Fulgence (sur la foi, à Pierre, chapitres 38 et 39) : « Tiens très fortement, ne doute en aucune façon que non seulement les païens, mais même les Juifs, les hérétiques et les schismatiques qui finiront la vie présente en dehors de l’église, iront au feu éternel. »  Enseignent aussi la même doctrine Thomas Waldensis (tome 1, livre 2, chapitre 9),  Jean Driedo (livre 4 sur les Écritures et les dogmes ecclésiastiques), et d’autres plus récents.  On le prouve par cette dernière raison.   Car, c’est de la nature de l’église qu’elle soit une union des membres entre eux et avec leur tête.  Cette union, le schisme l’enlève, quand quelqu’un se sépare de la tête et des autres membres.  Que cette unité, essentielle à l’église, consiste dans l’union des membres entre eux et avec la tête, on le prouve ainsi.  Car, on trouve diverses sortes d’unité dans l’Église,   La première est l’unité en raison du principe, qui est le Dieu appelant (Jean 6 : « personne ne peut venir à moi si mon Père ne l’attire »).  La seconde, en raison de la fin dernière, ce qui est signifiée en Matthieu 20, par ce denier unique promis à tous les ouvriers.  La troisième, en raison des mêmes moyens, c’est-à-dire, la foi, les sacrements, les commandements, selon ce texte de saint Paul (Éphésiens 4) : « une foi, un baptême. »  La quatrième, en raison du même Esprit Saint, par lequel l’Église universelle est gouvernée comme par un recteur externe séparé ( 1 Corn 12) : « Il y a une division des grâces, mais le même Esprit ».  La cinquième, en raison de la tête, qui est un recteur conjoint interne.  Car, toute l’église obéit au même Christ, et à son vicaire.  Éphésiens 1 : « Il a donné une tête à toute son église. »  Et saint Jean : pais mes brebis.  La sixième, en raison de la connexion des membres entre eux, et surtout avec la tête, qui est le membre principal.  Romains 12 : « Nous sommes un seuls corps, et nous sommes chacun membres les uns des autres. »
Or, entre ces unités, celles qui font tout particulièrement que l’Église est une, ce sont les deux dernières.   Car, par la première, l’Église n’est pas une, mais d’un.  Par la deuxième elle est plus vers un,  qu’une.  Par la troisième, elle n’est pas une, mais plutôt par un.  Par la quatrième, elle est plutôt sous l’un qu’une.  Mais par la cinquième et la sixième, elle est proprement une, c’est-à-dire un corps, un peuple, une société.  Or, le schisme s’oppose à ces deux dernières unités.  Car, il y a un schisme quand un membre ne veut plus être membre du corps, ni  être sous sa tête.  En agissant ainsi, il enlève l’unité essentielle, et l’église elle-même.  Le schismatique n’est donc pas de l’Église.   Mais on objecte à cela que l’Église est une congrégation de catholiques, comme le pape Nicolas l’a définit (dans la consécration, dist 1, canon de l’église) : « les schismatiques sont catholiques, ils sont donc de l’Église. »   Je réponds d’abord  que, même s’ils ont la foi catholique, les schismatiques ne peuvent pas être appelés catholiques, à moins que cette foi, ils la professent dans l’église catholique, comme le montrent saint Augustin, et Optatus, dans les citations déjà données.  En second lieu, je dis que la définition donnée par le pape Nicolas,   n’est pas complète; et que son intention n’était pas de définir l’église, mais seulement d’exclure de l’église les hérétiques.  Comme le pape Innocent l’a fait aussi quand il dit que l’Église « est la congrégation des fidèles » (chapitre fermement, la sainte trinité et la foi catholique).
En second lieu, on objecte que les schismatiques, même s’ils ne veulent pas se soumettre au pape, veulent se soumettre au Christ, tête suprême de l’église; et que, même s’ils ne veulent pas communier avec cette église qui est sur terre, ils veulent quand même communier à l’église qui est dans le ciel, laquelle est la meilleure part de l’Église.  Ils n’enlèvent donc pas l’unité de l’Église, et ne sont pas tout à fait en dehors de l’église.  Et on confirme cet argument par un semblable.  Car, même si quelqu’un ne voulait pas demeurer sous son évêque particulier, ni communiquer avec l’église particulière, qui est sous son évêque, il peut vouloir  être sous le pontife romain, et communiquer avec l’église universelle.  Comment pourrait-on dire qu’ un tel est en dehors de l’Église ?   Je réponds que personne ne peut, même s’il le voulait, se soumettre au Christ et communier avec l’église céleste, s’il n’est pas soumis au pontife,  et ne communie pas avec toute l’église militante.  Car,  le Christ a dit (Luc 10) : « Celui qui vous écoute, m’écoute »  Et de plus, comme le Christ est la tête suprême quant à l’influx intérieur, puisque c’est lui qui insuffle dans ses membres le sentiment et le mouvement, c’est-à-dire la foi et la charité;  dans l’église militante, c’est le pape qui est la tête suprême quant à l’influx extérieur de la doctrine de la foi et des sacrements.  L’église triomphante est donc unie avec l’église militante, ou plutôt elle ne forme qu’une seule église avec elle.  Et, en conséquence, personne ne peut vouloir se séparer de l’une sans se séparer de l’autre.
Je réponds à sa confirmation que celui qui se sépare de l’église et d’un évêque particulier, se sépare nécessairement de l’église et de l’évêque universel, à moins qu’il ne se sépare d’une église ou d’un évêque hérétiques ou schismatiques.  Saint Cyprien a donc raison de dire (livre 4, lettre 9) : « C’est en vain que ceux qui n’étant  pas en paix avec leurs évêques,  se   vantent  d’être en communion avec l’église, qui est une et catholique, qui  ni n’est ni morcelée, ni divisée, mais qui est un tout organique, unifié par la colle  des prêtres agencés ensemble. »
                                                               CHAPITRE 6
                                                          Les excommuniés
Que les excommuniés ne sont pas dans l’église, l’enseignent le catéchisme romain, dans l’explication du symbole, Thomas Waldensis  (l livre 2, chapitre 9 de la doctrine de foi antique),   Jean de Turrecremata (livre 1, chapitre 3, sommes de l’église), Jean Driedo  (livre 4, chapitre 2, par 2 sur l’écriture et les dogmes ecclésiastiques), et quelques autres.   On le prouve d’abord par ce passage de Matth 18 : «S’il n’écoute pas l’église, qu’il soit pour toi comme un païen et un publicain. »  Selon les commentaires de tous, le Seigneur parle là des excommuniés. »  Or, les païens ne sont pas de l’église.  De même ce passage de saint Paul (1 Cor, 5) : « Pourquoi ne vous êtes-vous pas affligés au point d’enlever de votre assemblée celui  qui a fait cela ? » Et plus bas : « Ne savez-vous pas qu’un petit peu de ferment corrompt toute la masse ? » De même « Enlevez le mal de chez vous ! »   Par toutes ces paroles, saint Paul explique ce qu’est l’excommunication.  Car il a obligé d’excommunier celui qui avait couché avec la femme de son père.  Deuxièmement.  On le prouve avec l’aide du droit canon.  Le canon canonica , 11, q. 3) : « Suivant les canons institués, et les exemples des saints pères, par l’autorité de Dieu et le jugement du Saint-Esprit, nous éliminons les violateurs des églises de Dieu du sein de la sainte mère de l’église et de la compagnie de toute la chrétienté. »
En troisième lieu, à l’aide des pères de l’église.  Eusèbe (livre 5, chapitre 24 de son histoire de l’église),  racontant comment le pape Victor avait excommunié tous les asiatiques, écrit : « Il envoie des lettres par lesquelles il les sépare tous ensemble de l’alliance ecclésiastique. »  Et, plus bas, il ajoute : « Irénée dit à Victor, par manière de reproche,  qu’il ne faisait pas bien de couper de l’unité du corps de si nombreuses et de si grandes églises de Dieu. »  Épiphane (hérésie 42, qui est celle de Marcion), parlant de Marcion qui, avant d’avoir été hérétique, avait été un promoteur de la virginité, et qui avait quand même corrompu une femme qui avait voué la virginité perpétuelle, et qui fut, pour cela, excommunié par son père, écrit : « Il a été éjecté de l’église par son propre père.  Car son père était illustre par son excellente piété, et il persévérait dans la foi  en vivant honnêtement dans le ministère épiscopal. »  Saint Hilaire (chapitre 18) dans son commentaire de : « qu’il soit pour toi comme un païen », dit que Dieu a agi envers son peuple comme le Christ nous enjoint d’agir.  Car, d’abord il a resserré les rangs de son peuple, et de lui seul, quand il apparut aux Juifs avec majesté sur le mont Sinaï.  Ensuite, il s’adjoignit deux témoins, c’est-à-dire la loi et les prophètes.  De plus, il l’a dit à l’église, c’est-à-dire il a envoyé le Christ, le chef suprême de l’Église, qui prêcherait aux Juifs. Enfin, comme ils n’écoutaient pas le chef de l’église, il les a négligés et abandonnés comme des païens et des publicains ».  Par ces paroles, il montre que devenir un païen et un publicain, --ce qui se fait par l’excommunication—c’es être rejeté du peuple de Dieu, ne plus être gouverné par une providence divine toute particulière, par laquelle il gouverne l’église.
Saint Jean Chrysostome et Theophylactus, dans leurs commentaires de ce passage,  expliquent qu’être dit païen et publicain c’est être expulsé de l’église.  Saint Jérôme (dans le chapitre 3 à Tite),  écrit que les autres pécheurs sont chassés de l’église par l’excommunication, mais que les hérétiques et les schismatiques sortent d’eux même de l’église. Saint Augustin (dans son livre sur l’unité de l’église, chapitre ultime) dit que par l’excommunication, on sépare la brebis malade des brebis saines, pour qu’elle ne contamine pas les autres.  Saint Augustin cite aussi cette sentence  (11 q,.3, canon omnis) : « Tout chrétien qui est excommunié par les prêtres, est livré à Satan.  Comment ? Car le diable est en dehors de l’église comme le Christ est dans l’Église. »   Saint Anselme (chapitre 5, 1 aux corinth) dit, lui aussi,  qu’être livré à Satan c’est être expulsé de l’église par l’excommunication.
On le prouve, enfin, par la raison.  D’abord, par l’excommunication, les hommes sont privés des rapports spirituels que les hommes d’église ont entre eux, comme l’enseigne Tertullien (apologie, chapitre 39); et ils ne sont donc plus dans l’assemblée des fidèles.  Car, qu’est-ce que priver un citoyen de sa ville si ce n’est le priver  de toutes les sortes de relations qui existent entre les hommes d’une même cité ?  Ensuite, l’excommunication, tient, dans l’église, la place que la peine de mort tenait dans l’ancien testament, et dans les républiques temporelles.  Saint Augustin enseigne que  le « tu enlèveras le mal de chez toi », (Deutéronome 24) correspond  au : « tu enlèveras le mal de chez vous », de saint Paul (1 Corinth 5).  Troisièmement.  Parmi les peines que l’Église peut infliger, il n’y en a pas de plus grande que l’excommunication.  Car, être chassé de l’église est une peine plus lourde que toutes celles que peuvent subir ceux qui demeurent dans l’église.  Quatrièmement.  On ne peut lancer une excommunication que sur les contumaces et les incorrigibles, comme l’enseigne saint Augustin (dans la vraie religion, chapitre 6.)  Et c’est ce que tous les théologiens déduisent de Matthieu 18 : « S’il n’écoute pas l’église, qu’il soit pour toi comme un païen ou un publicain. »   L’excommunication est donc une éjection de l’église,   Car, si l’excommunication était une peine qui n’allait pas jusqu’à l’éjection, on s’en servirait parfois contre les homicides, les adultères, et d’autres criminels, même non contumaces.  Ajoutons que quand on absout les excommuniés, on dit : « Je te rends à l’unité de l’église et à la communion des membres. »  Ce qui signifie clairement que l’excommunié est séparé de l’unité de l’Église.
Mais on objecte qu’un excommunié peut retenir le baptême, la profession de foi, et la soumission aux prélats légitimes, et être donc ami de Dieu.  Et s’il a été injustement excommunié,  il peut, tout excommunié qu’il est, faire pénitence, et avoir les trois choses (dont nous avons parlé plus haut) avant d’être absous.   Il sera donc dans l’église tout en étant excommunié.  Je réponds qu’un tel est dans l’église en esprit, ou en désir, ce qui suffit pour le salut,  mais qu’il ne l’est pas corporellement, ou dans la communication externe, ce qui fait qu’un homme est proprement dans l’église visible, qui est sur la terre.   Saint Augustin (dans son livre sur la vraie religion, chapitre 6), écrit : « La divine providence permet souvent que même des bons hommes soient expulsés de l’assemblée chrétienne.  Quand ils supportent très patiemment ce déshonneur et cette injustice pour la paix de l’Église, sans rien innover qui soit hérétique ou schismatique, ils enseigneront aux hommes avec quelle affection, avec quelle sincérité de charité il faut servir Dieu.   Le père qui voit ce qui est secret  couronne ceux-là dans le secret. »
Ils objectent, en second lieu, que saint Augustin (dans son livre contre les donatistes, chapitre 20) dit : « Car, nous ne séparons pas du peuple de Dieu  ceux que, en les dégradant ou en les excommuniant,  nous réduisons  à un lieu plus humble, pour les punir. »  Je réponds que ce passage a été corrompu, et qu’on doit le lire ainsi : « Et quand  le bien de la paix et de la tranquillité de l’église ne nous permet pas de faire cela    nous ne négligeons pas pour autant l’église.  Mais, nous tolérons ce que nous ne voulons pas, pour pouvoir parvenir à ce que nous voulons,  en nous servant de la prudence du précepte du Seigneur, de peur que, si nous voulons avant le temps arracher la zizanie,  nous arrachions en même temps le froment. »   Mais, supposons que le texte n’a pas été corrompu.   On pourrait  répondre que, dans ce passage, par peuple de Dieu on n’entend pas la seule église militante, mais la multitude de tous ceux qui doivent être sauvés (les élus), qu’ils soient dans l’église, ou qu’ils puissent l’être.  Car, par l’excommunication, les pasteurs n’entendent pas  séparer les hommes du nombre des élus (de ceux qui doivent être sauvés), mais plutôt à chercher à assurer leur salut  par la punition.
Troisièmement.  L’excommunication est une médecine spirituelle instituée dans l’intérêt  de ceux qui sont excommuniés.  C’est ce qui fait dire à l’apôtre (2 thess) : «  Si quelqu’un n’obéit pas  à notre parole exprimée par la lettre, prenez-en note, et ne communiquez pas avec lui, pour sa plus grande confusion.  Ne le considérez pas comme un ennemi, mais corrigez-le comme un frère. »  Je réponds que même si l’excommunication sépare un homme de l’église,  elle n’enlève pas à celui qui a été expulsé la capacité de revenir à l’église, s’il veut faire pénitence.  L’église, par l’excommunication, sépare quelqu’un de son corps,  mais pour son plus grand bien, parce qu’elle espère  que la honte lui donnera l’humilité,  et que l’ humilité l’ incorporera de nouveau à l’église.
                                                           CHAPITRE 7
                                                        Les prédestinés
Que non seulement les prédestinés, mais aussi  les réprouvés  peuvent appartenir à l’église,  contrairement à ce qu’enseignent Wiclif, Hus et Calvin, on le prouve, d’abord, par des paroles très claires du Seigneur.  Car, en Matthieu 3, il compare l’église à un terrain ; « Il nettoiera son aire, et engrangera le froment dans son fenil,  et il brûlera la paille dans un feu inextinguible. »  Par le nom d’aire, on ne peut entendre que l’église, dans laquelle, cependant, se trouve de la paille, qui ne représente surement pas les élus, puisqu’elle sera brulée dans un feu inextinguible.  De même, dans Matthieu 13, on donne comme comparaison,  des filets jetés dans la mer, remplis de poissons de toutes sortes,  dont quelques-uns, qui n’étaient surement pas des prédestinés,  sont jetés dans la fournaise ardente.  De même, en Matthieu 12, on présente l’image d’un festin de noces, où entrèrent les bons et les mauvais, et où sont projetés dans les ténèbres extérieures ceux qui n’avaient pas la robe nuptiale.  Et le Seigneur conclut  par ces mots : « Il y a beaucoup d’appelés, et peu d’élus. »  C’est-à-dire que beaucoup sont dans l’église, qui est une convocation ou l’assemblée des appelés,  sans faire partie des élus.  De même, en  Matthieu 25, le Seigneur présente la comparaison  de dix vierges, dont cinq étaient prudentes.  Les vierges prudentes entreront au jour du jugement dans la salle des noces avec l’époux, mais les cinq écervelées seront exclues.  Au même endroit, est présentée la comparaison d’un troupeau, dans lequel sont des brebis et des béliers.  Selon l’explication même du Seigneur, les brebis représentent les élus, et les béliers les réprouvés.  Saint Paul (1 Cor 5) ordonne de chasser de l’église un inceste, mais il ne pouvait ni ne voulait faire d’un élu un réprouvé.   Car, il l’a expulsé pour qu’après s’être humilié, il retourne, et soit sauvé au jour du Seigneur, comme il est dit au même endroit.  De même (2 Timothée 2) : « Dans une grande maison, il y a des vases en or, en argent, en bois, et en terre, quelques-uns  pour la gloire, d’autres pour le déshonneur. »  Il n’y a aucune raison de douter que les vases faits pour la gloire ne soient les élus,  et les autres les réprouvés, même s’ils sont dans la même maison.
On confirme cela par saint Cyprien (livre 3, épitre 3,  et livre 4, épitre 2).  Il enseigne ouvertement  que dans la même église il  y a du blé,  et de la zizanie,  et qu’il est certain que la zizanie sera brulée,  et que les vases de bois seront déshonorés.  On lit la même chose chez saint Augustin (traité 45 sur Jean) : « Selon la prescience et la prédestination, combien de brebis à l’extérieur, et  combien de réprouvés à l’intérieur ! »  Il dit là que beaucoup de prédestinés sont à l’extérieur de l’église, et beaucoup de réprouvés à l’intérieur.  Il répète la même chose dans son livre 2 contre Cresconium (chapitre 34).   Se présentent, en plus, des exemples de Paul et de Judas.  Car, Jean Hus disait que Paul avait toujours été de l’église, et que Judas ne l’avait jamais été.  Paul lui-même (1 Tim 1, Galates 11, Cor 15) affirme avoir persécuté l’église du Christ, et Luc affirme la même chose de lui (Actes 9).  Je demande donc : cette église que Saul persécutait, était-elle, oui ou non, la vraie église de Dieu ?  Si c’était la vraie, il fut donc un temps où saint Paul n’était pas membre  de la vraie église.   Car comment aurait-il pu être de l’église qu’il persécutait de toutes ses forces ?  Si ce n’était pas la vraie, saint Paul et saint Luc mentent donc quand ils l’appellent l’église de Dieu tout court.   Voilà pourquoi saint Augustin  (sermon de la conversion de saint Paul) enseigne correctement que même s’il avait été prédestiné, saint Paul  a été un loup avant d’être un agneau.  Et saint Jean Chrysostome (homélie 6 sur Timothée 2) dit que saint Paul a été un vase de terre, qui a été transformé en or, et que Judas a été un vase d’or transformé en terre. Or, Judas était un réprouvé (actes des apôtres 1) qui a fait partie, pendant un certain temps, de la vraie église.  Car, comme il est dit, au même endroit,  Judas fut un des douze apôtres,  et il a été appelé évêque par le prophète David (psaume 108), choses qui ne peuvent pas être vraies s’il n’était pas dans l’église.   Voilà pourquoi saint Augustin  (psaume 3) dit que Judas a été un fils du Christ qui a persécuté son parent, comme Absalon a persécuté David.  Et, dans le livre de l’unité de l’église, chapitre 13, il dit : « Judas fut dans l’église où se trouvaient les autres apôtres. »
Se présente aussi un raisonnement.  Si la prédestination à elle seule fait qu’un homme est dans l’église, il s’ensuit que, s’ils ont été prédestinés,  les turcs, les juifs, les hérétiques et les autres impies sont de l’Église, et des membres vivants du Christ. Et que, au contraire, les saints et les pieux baptisés ne sont pas de l’Église, s’ils n’ont pas été prédestinés, ni ne sont des membres vivants du corps du Christ.  L’une et l’autre affirmation sont archifausses, et contraires à l’Écriture.  Car, que les non baptisés et les hérétiques ne sont pas dans l’église, nous l’avons montré plus haut.  Que les impies ne sont pas des membres vivants de l’église, c’est saint Paul qui le dit (Rom 8) : « Celui qui n’a pas l’esprit du Christ, n’est pas à lui. », c’est-à-dire un de ses membres. Que les impies n’aient pas l’esprit du Christ, mais l’esprit du diable, on le voit par leurs œuvres, car ils ne sont pas patients et chastes (toutes les œuvres de l’esprit) etc, mais adultères,  homicides, blasphémateurs, qui sont les œuvres de la chair (Galates 6).  Au contraire, que tous les hommes baptisés pieux sont membres du Christ, saint Paul l’enseigne (1 Cor 12) : « Nous avons tous été baptisés par un seul Esprit en un seul corps. »  Et Galates 3 : « Car vous êtes tous fils de Dieu par la foi dans le Christ Jésus. »  Et pourtant, il n’est pas croyable que tous ces Galates et tous ces Corinthiens aient été prédestinés.
Ensuite, saint Augustin dans son épitre à Dardanum : « Dans le corps du Christ, comme dans la vigne fertile du temple de Dieu qu’est l’église, des hommes sont nés non par les oeuvres de la justice qu’ils ont faites, mais en renaissant par la grâce,  ils sont transportés des grabats de la ruine au sommet de l’édifice. »  Et, dans le livre 2 contre Cresconium : « Loin de nous l’idée qu’ils puissent franchir les limites du jardin fermé, dont le gardien ne peut pas erre.  Mais s’ils avouent leurs péchés, et s’ils se corrigent, alors ils entrent, alors ils sont purifiés, alors ils  sont comptés parmi les arbres du jardin fermé, et les membres de l’unique colombe. »
On le prouve enfin par les inconvénients.  Car, si seuls les prédestinés étaient de l’église, toutes choses seraient incertaines,  car personne ne connaitrait ses frères, et les pasteurs ne connaitraient pas leurs ouailles, ni ne seraient connus d’elles.  Comme personne ne sait quels sont ceux qui sont prédestinés, personne non plus ne saurait quelles sont les véritables écritures, les vrais sacrements, la vraie foi.   Car, toutes ces choses dépendent du témoignage de la vraie église.  Mais, ils objectent à cela d’abord le cantique des cantiques (4) : « Jardin fermé, fontaine scellée, puits d’eau vivante. », choses, qui, sans aucun doute, sont dites de l’église.  Mais, saint Augustin applique tout cela aux seuls élus (livre 5, chapitre 27, le baptême).  Je réponds que l’Écriture, par une figure de style, attribue souvent au tout ce qui ne convient qu’à une partie.  En Matthieu 27, on dit des larrons qui étaient crucifiés avec Jésus qu’ils avaient blasphémé contre lui, alors qu’un seul (Luc 13) avait  blasphémé.  Saint Paul (Philippiens 2) : « Tous recherchent leur propre intérêt. »  Et pourtant plusieurs n’étaient pas tels parmi les nombreux saints qui vivaient alors, comme, par exemple, le diacre Philippe.  Je dis, ensuite, que ce qui est dit dans le cantique des cantiques, ne se rapporte pas nécessairement à l’église.  Certains textes se rapportent à la sainte vierge, d’autres à l’église, d’autres, et c’est ce qui est le plus probable,  à une âme parfaite.   Car, dans le chapitre 6 il est dit : « Soixante sont les reines, quatre-vingt les concubines, et innombrables les adolescentes.  Mais unique est ma colombe, ma parfaite, elle est la seule de sa mère,  son élue. »   En ce lieu, si,  par l’unique épouse tu entends l’église, qu’entendras-tu par reines, concubines et adolescentes, qui sont toutes chéries et aimées par l’époux ?  Par mère, donc, on entend l’église, par reines, concubines et adolescentes, les âmes imparfaites, mais fidèles et bonnes.  Car, il est dit au chapitre 1 : « À cause de quoi les adolescentes t’ont aimé. »  Et par la colombe unique, parfaite, l’épouse et la colombe, l’âme parfaite.  C’est dans ce sens qu’il est dit aussi (chapitre 2) : «  Comme le lys parmi les épines, ainsi est mon amie parmi les filles. »  Si par amie tu entends l’église, qu’entendras-tu par les autres filles ?  L’assemblée des infidèles ? Absolument pas.  On parle donc de l’âme parfaite,  qui demeure dans le même  jardin de l’église,  parmi  des femmes pécheresses.  Saint Augustin (dans son épitre 48), écrit : « On les appelle épines à cause de la méchanceté de leurs mœurs; on les appelle filles à cause de leur participation commune aux sacrements. »
Le deuxième argument.   L’arche de Noé fut une image de l’Église, comme l’enseigne saint Augustin (livre 5 du baptême, chapitre ultime).  Or, dans l’arche ne furent que ceux qui ont été sauvés du déluge.  Dans l’église,  il n’y a donc que les prédestinés.    Je réponds que les comparaisons ne s’appliquent pas en tout point.  Autrement, tout baptisé serait aussi prédestiné, parce que saint Pierre (1 Pierre 3) compare le baptême avec l’arche de Noé.  Et non seulement les bons, mais les mauvais aussi seraient sauvés,  parce que dans l’arche ont été sauvés les animaux purs et impurs.  L’arche se rapporte à l’église en ce que, en dehors de l’arche nul ne pouvait être sauvé, comme en dehors de l’église nul ne peut être sauvé, comme saint Augustin l’explique au livre cité, saint Cyprien (dans son livre sur l’unité de l’Église), et saint Jérôme (dans son épitre à Damase sur les trois hypostases). Et il n’y a pas à chercher d’autre image.
Troisième argument.   Le Christ n’est la tête que de l’église qu’il sauvera, et qu’il exhibera dans la gloire, au jour du jugement, n’ayant ni ride, ni tache,  comme il est dit dans Ephésiens 5.   Or, seul les prédestinés seront sauvés et glorifiés. Donc, seuls les prédestinés appartiennent  à l’église du Christ.  Je réponds que quand on dit que le Christ n’est la tête que de cette église qu’il sauvera,  ce « son église » peut signifier cette partie de l’Église qu’il sauvera,  et alors la proposition est fausse.   Car, il est la tête de tout son corps, même si certains membres cesseront d’être membres, et périront éternellement.   Ce « son église » peut aussi signifier toute l’église en tant qu’elle se distingue des autres assemblées d’infidèles, et alors la proposition est vraie.   Car, parce que quelques membres de cette église ne se sauveront pas,  il ne s’ensuit pas que le Christ ne sauve pas son église dont il est la tête.
Quatrième argument.   Le corps mystique ressemble à un vrai corps.  Or,  le vrai corps entier du Christ, avec toutes ses parties,  est sauvé et glorieux.  Donc le corps mystique doit être sauvé dans tous ses membres et parties.  Je réponds d’abord que toute comparaison cloche.  J’ajoute que comme le vrai corps du Christ est sain et sauf,  et glorieux dans toutes ses parties formelles, mais non dans toutes ses parties matérielles, car les parties matérielles  changeaient, comme on le constante en nous;  de la même façon le corps mystique sera sauvé dans ses parties principales,  qui sont les prophètes, les apôtres, les pasteurs, les docteurs etc.  Car, de toutes les sortes d’hommes quelques-uns seront sauvés, non cependant  toutes les parties matérielles que sont les hommes individuels.  Cinquième argument.   L’Église est un seul troupeau (Jean 10).  Les brebis ne sont que des prédestinés, comme saint Augustin l’enseigne (au traité 45), là où sont séparées les brebis des béliers.  Et Jésus (Jean 10) : « Mes brebis écoutent ma voix. »  Mais il arrive aussi de temps en temps que les brebis signifient autant les mauvais que les bons qui sont dans l’église, comme au dernier chapitre de l’évangile de saint Jean : « Pais mes brebis. » Et au psaume  73 : « Ta fureur s’est irritée sur tous tes pâturages. »  Et Ézéchiel (34). On y décrit toutes les brebis de Dieu.  Les unes sont grasses, d’autre maigres.  Il y en a qui sont saines et d’autres malades etc.  Si on prend le mot brebis dans ce sens, l’argument perd toute sa force.  Et nous répondons à la seconde que dans un bercail il n’y a pas seulement des brebis, mais aussi des béliers, comme l’indique Matthieu (25).  Car, en ce passage, on sépare les brebis des béliers, alors qu’auparavant ils étaient ensemble dans le même bercail.  Le bercail (ovile) tire son nom du mot brebis (oves), car, même s’il ne contient pas que des brebis, la plus grande partie en est. Semblablement, on appelle Rome une cité, même s’il s’y trouve un grand nombre de non citoyens.
Le sixième argument.   Jésus a dit en saint Jean 10 : « J’ai d’autre brebis qui ne sont pas de ce bercail ». Et en Jean 11 : « Jésus avait à mourir pour les Gentils. Mais, pas seulement pour la gentilité. Pour réunir en un seul corps les fils de Dieu qui étaient dispersés. »  Dans ces passages,  on donne le nom de prédestinés aux brebis  et aux fils de Dieu, même quand ils étaient plongés dans les erreurs des païens, parce que les prédestinés sont toujours de l’église.  De même 2 Timothée 2 : « Le Seigneur connait ceux qui sont siens. »  Et en 1 Jean 2 : « Ils sont sortis de nous, mais  ils n’étaient pas des nôtres,  car s’ils avaient été des nôtres, ils seraient demeurés avec nous. »  Donc, même avant qu’ils sortent, ils n’étaient pas des nôtres, mais faisaient semblant de l’être.  Et on le confirme par un texte de saint Augustin (livre sur la réprima de et la grâce, chapitre 9) où, en commentant ce passage, il dit : « Certains fils de Dieu, à cause d’une grâce reçue pour un temps, sont considérés comme étant de nous, mais ne sont cependant pas de Dieu. »  Et plus bas : « Ils sont sortis de nous,  mais ils n’étaient pas de nous, c’est-à-dire que quand ils vivaient parmi nous, ils n’étaient pas des nôtres.  De même, ils n’étaient pas des fils, même quand ils paraissaient l’être par leur profession et leur nom de fils. »  Et plus bas : « Parce qu’ils n’ont pas eu la persévérance, à la façon de ceux qui ne sont pas de vrais disciples du Christ, ils n’ont pas été non plus de vrais fils de Dieu, même quand ils semblaient l’être, et qu’ils étaient appelés ainsi. »  De plus  (dans le livre 3 de la doctrine chrétienne, chapitre 32), réfutant Triconius qui avait appelé le corps mystique du Christ, l’église, un corps bipartite, il dit : « Ce n’est pas ainsi qu’il doit être appelé, car il n’est pas vraiment le corps du Seigneur celui qui ne sera pas avec lui pendant toute l’éternité »
Je réponds que pour expliquer comme il faut ces textes, il faut faire deux distinctions.  La première, un homme peut être appelé brebis du Christ, fils, membre de deux façons.  Une, selon la prédestination; une autre selon la justice présente.  Cette distinction, on la trouve chez saint Paul (Romains 8), où il dit : « Celui qui n’a pas l’esprit du Christ, n’est pas un des siens. » Et, cependant en 2 Timothée 2, il dit au sujet des prédestinés : « Le Seigneur connait ceux qui sont siens. »  Le même peut donc être membre du Christ, et ne pas l’être.  Il sera son membre s’il est prédestiné; et il ne le sera pas, si, à tel moment de sa vie, il n’a pas son esprit.   Saint Augustin enseigne la même chose (livre 4, chapitre 3, sur le baptême) : « Selon la préscience, plusieurs  qui sont ouvertement en dehors, et qu’on appelle hérétiques,  sont meilleurs que plusieurs bons catholiques. »   Et (au traité 45 sur saint Jean), il écrit : « Selon la préscience ou la prédestination,  combien de brebis à l’extérieur !  Combien de loups  à l’intérieur ! » Voyez des choses semblables dans le bien de la persévérance (chapitre de la réprimande et de la grâce, chapitre 9).
La différence qu’il y a entre brebis et brebis est que celles qui  sont brebis, fils ou membres seulement selon la prédestination, ne le sont pas en acte, mais en puissance seulement.  La prédestination, en effet,  ne place rien dans l’homme, car elle est un acte qui demeure en Dieu seul. Or, ceux qui sont tels selon la justice présente, le sont actuellement et au sens fort du terme, car ils sont vraiment comme on les appelle.  C’est ce qu’enseigne saint Augustin (traité 45 sur saint Jean) : « Qu’ai-je donc dit quand je me suis exclamé : comme elles sont nombreuses les brebis à l’extérieur !  Combien de luxurieux seront chastes ! Combien de blasphémateurs croiront dans le Christ !  Maintenant ils entendent une autre voix, ils suivent d’autres !  Semblablement,  combien de ceux  qui louent maintenant à l’intérieur  deviendront des blasphémateurs !  Combien de chastes deviendront des adultères ! Combien tomberont parmi ceux qui se tiennent debout présentement !    Ils ne sont pas des brebis, si nous parlons de la prédestination ».  Vois comment en disant  que  ceux qui sont luxurieux maintenant seront chastes demain, il dit aussi  que ceux qui sont à l’extérieur seront dedans.  Et cette distinction répond suffisamment aux textes allégués.  Car, on dit là que certains sont des brebis et des fils, alors qu’ils n’étaient pas encore dans l’église, parce qu’ils étaient tels selon la prédestination, et qu’Ils l’étaient en puissance, et non acte ou au sens fort du terme.
Pour une raison semblable, quand saint Paul dit (2 Timothée 2) : « Le Seigneur connait les siens »,  on parle de ceux qui sont tels par la prédestination, non de toute l’église.  Car, au même endroit, il ajoute : « dans une grande maison, il y a des vases d’or, d’argent, de bois et de terre. »  Et semblablement, on dit qu’ils sont réprouvés  ceux qui sont sortis de l’église, qu’ils n’ont pas été des nôtres,  parce qu’ils ne l’ont pas été selon la prédestination, même s’ils l’ont été selon la participation aux sacrements avec la communauté.   Comment doit-on entendre ce qu’a dit l’auteur d’un ouvrage imparfait (dans l’homélie 21 sur Matthieu), où il affirme que celui qui tombe ne fut jamais un chrétien ?  Selon la prédestination.
L’autre distinction est la suivante.  On peut dire de quelqu’un qu’il est vrai fils de Dieu ou un membre du corps du Chris de deux façons.  La première, selon  la vérité de l’essence ou de la forme.  L’autre, selon la vérité de la fin,  ou de la permanence, comme disent certains.  Selon la vérité de l’essence, est fils de Dieu celui qui a la charité (1 Jean 4) : « Tout homme qui aime est de Dieu ».  Et, semblablement, par la vérité de l’essence, il est membre du Christ  celui qui vit du même Esprit (1 Corinth 12) : « Par un même esprit, vous avez tous été baptisés dans un seul corps. »  Mais, par la vérité de la fin est dit fils de Dieu celui qui obtient l’héritage.  Celui qui n’obtient pas l’héritage semble être un fils, mais il n’en est pas un.   Car, la fin de la filiation est l’héritage. « Car, s’il est fils il est héritier par Dieu. (Galates 4) »  De même, est membre par la vérité de la fin celui qui sera sauvé, car c’est pour cela que le Christ s’est  uni à son église, comme un corps à sa tête,  pour la sauver, comme saint Paul le dit aux Éphésiens (4).  En conséquence, celui qui est en état de grâce mais qui n’est pas prédestiné, est un vrai fils, et un membre selon la vérité de l’essence. Mais, selon la vérité de la fin, il n’est ni membre ni fils,   Inversement, celui qui n’est pas en état de grâce, mais qui est prédestiné n’est ni membre ni fils, selon la vérité de l’essence, mais il est l’un et l’autre selon la vérité de la fin.  À la première vérité se rapporte ce texte : « Celui qui conserve sa parole, c’est vraiment en lui que la charité de Dieu est parfaite. » À la deuxième se rapporte cet autre texte (Jean 8) : « Si vous demeurez dans ma parole, vous serez vraiment de mes disciples. »
Après ces précisions, il est facile de comprendre les paroles de saint Augustin qui disent que les justes non prédestinés ne sont ni de vrais fils, ni de vrais membres.  Car, il parle de la vérité de l’essence, non de celle de la fin.  Il s’explique lui-même en d’autres endroits.  Par exemple, au livre de la réprimande et de la grâce (chapitre 9), après avoir dit que les gens honnêtes non prédestinés, ne sont pas de vrais fils, il ajoute : « Non parce qu’ils ont simulé la justice, mais parce qu’ils ne demeurèrent  pas en elle. »  Et (au livre 3 de la doctrine chrétienne, chapitre 32), expliquant pourquoi il a dit que n’appartenaient pas vraiment au corps du Christ ceux qui ne seront pas avec lui éternellement, il écrit : « Ils sont maintenant en un seul, mais ils ne le seront pas toujours.  Car c’est ce serviteur que décrit l’évangile, dont se séparera le maître à son retour, et qu’il joindra aux hypocrites. »
                                                          CHAPITRE 8
                                            Ceux qui ne sont pas parfaits
Que, contrairement à la sentence des pélagiens et des anabaptistes,  les non parfaits peuvent être dans l’Église, il est facile de le prouver.  Car, s’ils n’étaient pas dans l’Église ceux qui ont une imperfection quelconque, il n’y aurait jamais eu d’église, il n’y en aurait pas aujourd’hui,  ni non plus dans le futur, sur cette terre. Car, à l’exception du Christ et de la sainte Vierge, qui, à eux seuls, ne font pas l’église,  il n’y a jamais eu personne, si saint soit-il dans cette vie, qui n’ait pas commis de péché véniel, qui n’enlève pas la justice et qui ne fait pas de l’homme un ennemi de Dieu, comme les pélagiens le pensaient.  C’est ce qu’attestent les divines Écritures.   Le psaume 31 : « Tu as remis l’impiété de mon péché, à cause de quoi te priera tout saint en temps opportun. »  Que signifie le « à cause de quoi »   si ce n’est à cause de la rémission du péché.  Il est donc saint, et il a quand même quelque chose à se faire pardonner.  (3 Rois 8) « Il n’y a pas d’homme qui ne pèche pas. »  Proverbe 24 : « Le juste tombe sept fois par jour, et se relève. »  Ecclésiast 7 : « Il n’y a pas d’homme juste sur la terre, qui fasse le bien et  qui ne pèche pas. »  En Matth 6.  Tous sont obligés de dire : « Pardonnez-nous offenses ». Jacques 3 : « Nous offensons Dieu, nous tous, en beaucoup de choses. » 1 Jean 1 : « Si nous disons que nous n’avons pas de péché, nous nous trompons, et la vérité n’est pas en nous. »  Ces témoignages sont tellement clairs qu’ils n’ont besoin d’aucune explication.
Le concile de Milet l’atteste aussi (canons 7 et 8),  où il est défini que les justes ne disent pas « pardonnez-nous nos péchés » seulement par humilité, mais en toute vérité, et non seulement pour les autres, mais aussi pour eux.  Les anciens pères de l’Église disent la même chose.  Saint Cyprien, dans son sermon sur l’aumône : « Celui qui dit qu’il n’a pas commis de faute est soit orgueilleux ou stupide. »  Saint Grégoire de Naziance (discours 2 contre Julien) : « Être absolument sans péché c’est quelque chose qui est au-dessus de la nature humaine que Dieu a créée. »  Saint Ambroise (sermon 16 sur le psaume 118) : « Un juste ne peut pas nier que personne n’est sans péché. »  Saint Jean Chrysostome (sur le psaume39) : « L’Église universelle n’est pas composée de parfaits.  Elle a aussi ceux qui s’adonnent à leurs aises et aux choses sordides. »  Saint Jérôme (livre 2 contre les pélagiens) : « Je concède qu’ils soient justes, mais je n’accepte pas qu’ils soient sans aucun péché. »  Et presque dans tout le livre 3, il prouve la même chose, même s’il admet qu’un homme peut, pendant un court laps de temps, être sans aucun péché, mais pas longtemps.    Saint Augustin (au livre de l’esprit et de la lettre, dernier chapitre) enseigne qu’il est possible à un homme, par un privilège singulier de Dieu, de vivre sans aucun péché.  Mais, en fait, il n’y a personne qui vive  ainsi,  ou qui a vécu ainsi, sauf Jésus-Christ.  Il dit la même chose (dans le livre sur la nature et sur la grâce (chapitre 16), où il excepte, toutefois, la sainte Vierge.  Et (dans les épitres 89 et 95, dans tout le livre de la justice parfaite, et dans le livre 1, chapitre 14, contre les deux épitres de Pélage) : « Aucun ministre ne pourrait être licitement ordonné dans l’église  si l’apôtre avait dit : si quelqu’un est sans péché, là où il a dit : si quelqu’un est sans crime, ou s’il avait dit  ceux qui n’ont pas de péchés, là où il a dit : ceux qui n’ont pas de crimes.  Car, je dirais que, dans cette vie, personne ne peut être sans péché. »    Saint Grégoire (livre 1 sur la morale de Job, chapitre 9) : « Dans cette vie il est permis à plusieurs d’être sans crime, mais sans péché, à personne. »
Il y a beaucoup d’arguments pour prouver le contraire.  Mais tous n’ont pas à être réfutés. Or, que quelqu’un puisse traverser cette vie sans péché,  c’est une chose impossible.  Ceux qu’on met de l’avant pour démontrer que par n’importe lequel péché on per la justice, ou que l’homme peut vivre sans commettre aucun péché d’aucune sorte, n’ont pas besoin maintenant  de réfutation, puisque plus tard nous montrerons que, dans l’église, il y a les meilleurs et les pires.   Un exemple tiré des cantiques : « Tu es toute belle mon amie, et il n’y a pas de tache en toi », et un autre des Éphésiens (5) : « Pour qu’il se présente à lui-même une église glorieuse sans tache ni ride. »  Ce passage le concile de Tolède 6 l’a appliqué à l’église catholique de ce temps, expliquant que c’est par la confession de la foi qu’elle est sans tache ni ride.  Je réponds à la première objection que cela s’applique soit à l’église par rapport à une  partie seulement, c’est-à-dire les âmes justes,  soit à l’âme parfaite, (ce qui me plait davantage). On dit, en effet, que l’âme juste est toute belle, ou par hyperbole, parce qu’elle est familière aux amants,  ou parce qu’une âme juste et parfaite n’est pas entachée de péchés mortels,  qu’elle évite les véniels, en autant que le peut la fragilité humaine.  Surtout si elle met tout son soin à effacer tout de suite les péchés qu’elle commet.  Même si ce n’est pas être totalement immaculé, ça l’est quand même selon la condition humaine, comme l’explique saint Augustin dans la perfection de la justice.  Personne, dans cette vie, n’est totalement parfait, et pourtant l’Écriture donne à beaucoup le nom de parfaits, qui étaient tels en tenant compte de la condition humaine  (Genèse 6) : « Noé fut un homme juste et parfait. »   Saint Paul (Philippiens 3) : « Nous tous qui sommes parfaits, mettons-nous bien cela dans la tête. »  On appelle même immaculés ceux qui ont surement commis des péchés véniels :  « Et je serai immaculé avec lui » (psaume 118). « Heureux les immaculés dans la voie » (Ephésiens 1) : « Il nous a élus en lui-même pour que nous soyons saints et immaculés dans la vérité. »
À la deuxième je réponds qu’on peut entendre ce passage de l’Église, non pas telle qu’elle est maintenant,  mais comme elle sera après la résurrection, comme l’expliquent saint Jérôme (chapitre 31 de Jérémie, vers la fin), saint Augustin (livre de la perfection de la justice, et ailleurs), sain Bernard (sermon 3 sur la fête de tous les saints).  Le concile de Tolède n’enseigne rien de contraire.  Car même si le concile a appliqué ce texte à l’église de son temps, il n’a pas défini qu’il fallait l’entendre dans ce sens.  Je dis ensuite qu’il est probable que l’Apôtre parle de l’église de ce temps, mais que, par synecdoque, il applique à toute l’Église ce qui ne convient vraiment qu’à une partie.  Car, ceux qui, maintenant, sont justes dans l’église, sont glorieux par la beauté de la grâce, qui est la gloire par anticipation et préparation, comme saint Paul l’avait expliqué avant.  Ils sont sans rides parce qu’ils ont été renouvelés par le baptême, et qu’après avoir rejeté le vieil homme, ils ont revêtu l’homme nouveau. Car les rides sont des signes de vieillesse.   En plus du concile de Tolède, saint Jean Chrysostome, saint Jérôme, et Théophylactus  commentent ce texte dans ce sens.
                                                          CHAPITRE 9
                                                  Les grands pécheurs
Dans l’unique et vraie église de Jésus Christ, on trouve non seulement des imparfaits, mais aussi de grands pécheurs, non seulement occultes, mais manifestes, contre l’erreur des novatiens, des donatistes, et des confessionistes.  On le prouve d’abord par les paraboles de l’aire, du filet, du banquet de noces, des dix vierges, et du bercail, déjà citées.  C’est par ces paraboles que les catholiques confondirent autrefois les donatistes, qui demeurèrent bouche bée, comme le rapporte saint Augustin.  De plus, il y a d’autres passages aussi convaincants, comme celui de Matthieu 18 : « Si ton frère pèche contre toi, reprends-le…..Dis-le à l’église, et s’il n’écoute pas l’Église qu’il soit pour toi comme un païen ou un publicain. »  On ne peut pas nier  que c’est à la vraie église que cette sentence s’applique, car, c’est de son église que parle le Christ.  Et il s’avère, que, dans cette église, se trouvent des pécheurs, et des pécheurs tels que la correction fraternelle ne les convertit pas, même avec le témoignage de deux témoins.  Mais ils demeurent quand même dans cette église tant qu’ils n’en ont pas été chassés par la sentence d’un prélat.  De même Matthieu 23.  Au sujet des mauvais supérieurs, le Seigneur nous ordonne de faire ce qu’ils disent, mais non ce qu’ils font.  Et, au chapitre 24, il décrit un mauvais serviteur qui frappe les autres serviteurs,  qui s’empiffre et qui s’enivre avec les ivrognes, et il dit : « Son maître viendra à un jour qu’il n’aura pas prévu.  Il le congédiera, et le placera avec les hypocrites. »  C’est des préposés de l’Église du Christ qu’il s’agit ici, comme l’enseignent saint Hilaire, saint Jérôme, saint Jean Chrysostome,  et d’autres commentateurs de ce passage.  De même (dans l’épitre 1 aux Corinthiens, chapitre 1), saint Paul dit qu’il écrit à l’église de Dieu qui est à Corinthe.  Et, il ajoute un peu après : «  On m’a fait connaitre qu’il y a des dissensions parmi vous. »  Et, au chapitre 5 : « On entend dire que parmi vous on trouve de la fornication, et une fornication telle qu’on ne la trouve pas parmi les païens : quelqu’un a pour épouse la femme de son père. »  Que diront-ils de ce passage ?  Que ce n’est pas la vraie église?  Que celle que l’apôtre appelle l’église de Dieu ne l’est pas vraiment ?  Que ce ne fut pas un grand pécheur, ou pas un pécheur public ? L’apôtre lui-même le dit.   Qu’il n’était pas dans l’Église ?  Or, l’apôtre ordonne qu’on expulse de tels hommes par l’excommunication : « Qu’il soit enlevé de parmi vous. »
De plus, dans l’Apocalypse (2 et 3), saint Jean écrit aux sept églises d’Asie, et leur fait des reproches au sujet de choses qui ne sont pas légères. Comme le note saint Augustin (livre 2, chapitre 10  contre Parmentien),   Ce ne sont pas seulement les églises qu’il blâme, mais aussi un préposé symbolisé par l’ange de l’église de Sardes : « Tu as le nom d’un vivant, mais tu es mort. Sois vigilant. »  Ajoutons que, au temps de l’ancien testament, ne manquèrent jamais de grands péchés dans le peuple de Dieu.  Et pourtant, nous ne lisons jamais  que Moïse, ou Samuel ou les autres prophètes qui vécurent à diverses époques, comme Marie, Anne, Élisabeth, Siméon. Zacharie, Jean-Baptiste, et d’autres justes que le Seigneur rencontra dans le peuple des Juifs,  nous ne lisons donc jamais qu’ils se soient séparés des autres méchants hommes pout ce qui est du temple, de l’autel, des sacrifices, etc,.  C’est donc dans la même assemblée des fidèles que demeuraient les bons et les méchants.  Saint Augustin s’est servi avantageusement de cet argument dans son débat.  On le prouve, en second lieu, par le témoignage de l’Église catholique,  qui vivait au temps de saint Augustin.  Saint Augustin rapporte, dans son livre sur les colloques, un débat célèbre qui eut lieu à Carthage entre 306 évêques catholiques, dont lui-même,  et 296 évêques donatistes.  Et cela, dès le premier jour.  Au troisième jour, les donatistes ont été forcés de reconnaître qu’il y avait dans l’Église des bons et des mauvais,  après que les catholiques aient mis en preuve les paraboles d’un filet qui contient de bons et de mauvais poissons.  Mais les donatistes répliquèrent qu’il n’y avait dans l’Église que des mauvais occultes, car, tant que le filet est dans la mer, on ne peut pas faire la distinction entre les bons et les mauvais, mais ce n’est que sur le littoral qu’on les voit et qu’on les sépare.   Le même saint Augustin dit que les catholiques ont répondu que c’est précisément à cause de cela que l’église est comparée à une aire dans laquelle on distingue la paille du froment, d’autant plus qu’on voit davantage la paille que le forment.  Elle est aussi comparée à l’arche de Noé,  dans laquelle, après la sortie du corbeau, qui représente les hérétiques, demeurèrent bien visibles les animaux purs et impurs.
Saint Augustin ajoute aussi  que les donatistes calomniaient les catholiques en les accusant de faire deux églises, une sur la terre, qui contiendrait des bons et des mauvais,  et une autre dans le ciel qui n’aurait que des bons.    Les catholiques répondirent qu’ils ne faisaient pas deux églises, mais qu’ils distinguaient deux époques de l’Église.  Ils dirent que la même unique et sainte église existe autrement aujourd’hui, et existera autrement dans le futur.  Elle a dans son sein des mauvais qui sont associés aux bons.  Plus tard, elle ne les aura plus.  Il n’y a pas non plus deux Christ parce qu’il fut un temps où le Christ qui est immortel fut mortel.  Cela vaut pour  nos confessionistes et nos calvinistes qui imaginent deux églises.
On le prouve, en troisième lieu, par les témoignages des pères de l’Église.   Saint Cyprien (livre 3 de l’épitre 3 à Maximin) : « Notre foi ou notre charité ne doivent pas empêcher  de les expulser de l’église, du fait que nous voyons qu’il y a de la zizanie dans l’Église. »  Saint Grégoire de Naziance (dans son apologie, avant le milieu) compare l’église à un gros animal composé de diverses bêtes, c’est-à-dire  de grandes, de petites, de sauvages, de domestiques,  pour montrer la grandeur du travail d’un évêque qui doit  guider toutes ces sortes d’hommes,  les parfaits, les imparfaits, les bons et les mauvais.  Saint Jean Chrysostome dit plusieurs choses semblables des péchés de ceux qui régissent l’Église, (livre 3 sur le sacerdoce).  Il dit la même chose dans son commentaire de cette phrase du psaume 39 : « Ils se sont multipliés plus que les cheveux de ma tête. »   « Ce n’est pas, non plus, de parfaits que l’église se compose,  mais elle a aussi ceux qui prennent leurs aises et se livrent à la débauche, ceux qui mènent une vie relâchée et dissolue, qui se font les esclaves des voluptés. Les uns et les autres sont en elle, puisqu’elle est un seul corps, une seule personne. »   Saint Jérôme (dans son dialogue contre les lucifériens, un peu passé le milieu) : « L’arche de Noé a été le type de l’Église, pour qu’en elle, soient les genres de tous les animaux, et dans l’église, des hommes de tous les pays et de toutes les mœurs.  Et comme là cohabitaient les léopards et les chèvres, les loups et les brebis, ici les justes et les pécheurs, c’est-à-dire des vases en or, en argent, en bois et en terre.
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Et saint Augustin (traité 6 sur saint Jean) : « Nous admettons, nous, que, dans l’Église catholique il y a des bons et des mauvais, comme le froment et la paille de la parabole.  Il dit la même chose  dans rétractations (2, chapitre 18), dans sont récit d’un débat, (chapitres 7 et 20), dans son livre sur l’unité de l’Église (chapitre 13, livre 18),  dans la cité de Dieu (chapitre 49), et ailleurs.   Saint Fulgence (livre sur la foi,  à Pierre, chapitre 43) écrit : « Tiens fermement, et ne doute en aucune façon que l’arche de Dieu est l’Église catholique, et qu’elle contiendra, jusqu’à la fin, du froment mêlé à la paille, c’est-à-dire que  des bons et des mauvais communieront ensemble dans les sacrements. »  Saint Grégoire (homélies 11 et 38) enseigne, et prouve par plusieurs arguments, qu’il y a des méchants dans l’Église.
 On le prouve, enfin, par la raison.  Car, s’il n’y avait que des bons dans l’Église, le sacrement de pénitence aurait été institué pour rien, puisqu’il n’est administré qu’à ceux qui sont dans l’église.  De plus, personne ne saurait avec certitude quels sont ceux qui sont dans l’église, car on ne sait pas qui sont les vrais bons et les vrais méchants.  De même, dès que des prélats tomberaient dans un péché, ils ne feraient plus partie de l’église, ils ne seraient donc plus prélats, et on ne serait plus obligés de leur obéir.  On peut dire la même chose de ceux qui leur sont soumis : dès qu’ils pècheraient, ils ne feraient plus partie du troupeau, et  il serait donc permis aux pasteurs de ne plus s’occuper d’eux.  On peut facilement imaginer la confusion et l’anarchie  qui en résulteraient.
 Ils nous objectent d’abord un texte d’Isaïe 52 : « Il n’ira pas plus loin, et il ne passera pas au travers de toi l’incirconcis ou l’impur. » Et, ce qui est ajouté : « Reculez, sortez»,  doit s’entendre de la séparation qui se fait obligatoirement par l’âme, les mœurs,  mais non d’une sortie corporelle du temple et d’un éloignement des sacrements.  Saint Cyrille semble donner une meilleure explication, qui pourtant ne diffère pas tellement de celle de saint Jérôme. Il enseigne qu’il faut l’entendre de la persécution temporelle qu’ont subie les Juifs, de sorte que  le sens serait celui-ci : quand tu reviendras de la captivité, il n’ajoutera pas d’autre chose, c’est-à-dire que pendant longtemps un persécuteur infidèle parcourra tes terres en les dévastant.  Mais, au sens mystique, il s’agit de l’église, et de la prédiction d’Isaïe que les portes de l’enfer ne prévaudront pas contre elle.   Car, les incirconcis et les hôtes immondes sont d’abord et avant tout des démons.  Pour une raison semblable,  le  Reculez, sortez,  on l’entend des Juifs, selon le sens historique,  qu’Isaïe exhorte à sortir de Babylone quand sera fini le temps de leur captivité.  Mais selon le sens mystique, on l’entend des chrétiens, qui, après le baptême, doivent se séparer des assemblées d’infidèles, des temples, des sacrifices, des mariages,  et de tout ce qui se rapporte à la religion.  C’est ainsi que saint Paul a compris ce passage, et qu’il l’a cité dans 2 Corinthiens 6, non de relations avec  un pécheur quelconque,  avec les seuls infidèles : « Ne vous mariez pas avec des infidèles. Car quelle par a un fidèle avec un infidèle ?  Quelle entente y a-t-il entre le temps de Dieu et les idoles ? »
 Et au sujet du seul pain qui n’est fait que du froment, je réponds que les comparaisons clochent.  La ressemblance qu’il y a entre un pain et l’église, comme l’expliquent saint Cyprien (épitre 6, livre 1, à Magnum), et saint Irénée (livre 3, chapitre 19), consiste en ceci : comme de plusieurs grains est fait un pain par l’eau, de la même manière, de plusieurs hommes par l’eau du baptême, ou par l’Esprit Saint, qui est aussi appelé eau (Ezéchiel 36, et ailleurs) est fait un seul peuple de Dieu.   Car, personne n’est dans l’église sans avoir été baptisé, et jusqu’à ce moment, nul ne participe aux dons internes et externes du Saint-Esprit.  Il n’est pas vrai, toutefois, que le vrai pain soit toujours boulangé seulement avec du blé.   Il arrive, de temps en temps, par la négligence ou par la malice de ceux qui font du  pain, que le blé soit mélangé avec de la graine de nielle,  comme la malice des vendeurs ajoute souvent de l’eau dans le vin.  On montre la même chose des paroles de saint Paul : « Un seul pain, et nous qui participons à un seul pain, nous sommes un seul corps. »  Or, de ce seul pain participent les bons et les mauvais, autrement saint Paul ne ferait pas de reproches à ceux qui communient indignement (1 Corinth 11).
Je dis, enfin, que les mauvais ne sont pas des membres vivants du corps du Christ, et  que c’est ce que signifient ces textes de l’Écriture.   Et  à ce qui est ajouté « ils sont donc membres de façon équivoque », plusieurs semblent concéder que les méchants ne sont pas de vrais membres du corps du Christ, mais seulement d’une certaine manière, de façon équivoque.  C’est ainsi que parle  Jean de Turrecremata (livre 1, chapitre 57), où il le prouve avec des citations d’Alexandre Ales,  de Hugues de Saint Victor, et de saint Thomas.  Enseignent la même chose Pierre a Soto, Melchior Cano et d’autres.  Même s’ils disent que les mauvais ne sont pas de vrais membres de l’église, ils enseignent quand même qu’ils sont dans l’église ou dans le corps de l’église, et qu’ils sont  des fidèles et des chrétiens.  Car les membres ne sont pas les seuls à être dans le corps, les humeurs le sont aussi, les dents et les poils, et tout ce qui n’est pas membre.  On ne les appelle pas fidèles ou chrétiens à cause de la charité, mais de la foi, ou de la profession de foi.   Et s’il en ainsi, il s’ensuit qu’un mauvais pape n’est pas la tête de l’Église, et que les autres évêques, s’ils sont mauvais, ne sont pas les têtes de leurs diocèses respectifs.  Car, la tête n’est pas un poil ou une humeur, mais un membre, et même le principal.  Et cela est contraire au concile de Constance (session 15) dans lequel est condamnée l’erreur XX11 de Jean Hus qui voulait qu’un mauvais pasteur soit un pasteur équivoque, et qu’un mauvais prélat ne soit  pas un vrai pasteur (erreur XXX).
 Je réponds qu’on peut considérer un pasteur de deux façons.  Une première.  Comme sont les choses en elles-mêmes, selon leur essence ou substance.  Une deuxième.  En tant qu’elles sont des instruments opératifs.  Car, par exemple,  l’œil d’un homme et celui d’un bœuf sont semblables quand à la substance, et différents quant  à l’espèce, en raison de la diversité des âmes.  Mais, en tant qu’instrument opératifs ils sont de la même espèce, ayant le même objectif.  Je dis donc qu’un mauvais évêque ou un mauvais prêtre ou un mauvais docteur sont des membres morts, non de vrais membres du corps du Christ, en ce qui a trait à la notion de membre, ou  une partie d’un corps vivant.   Mais ils sont de vrais membres en tant qu’instruments,  et le pape, l’évêque ou le prêtre sont de vraies têtes de l’église, les docteurs sont de vrais yeux, ou la vraie langue de ce corps.   Et la raison en est  que leurs membres demeurent vivants par la charité,  que les impies ne possèdent pas.   Ils sont des instruments opératifs par le pouvoir d’ordination, de juridiction qui peut exister sans la grâce.  Car, même si, dans un corps naturel, un membre mort ne peut  pas être un véritable instrument d’opération,  dans le corps mystique, il le peut.  Car, dans un corps naturel, les œuvres dépendent de la bonté de l’instrument, puisque  l’âme ne peut bien opérer que par de bons instruments, ni produire des œuvres sans instruments vivants.  Mais dans le corps mystique, les œuvres ne dépendent pas  de la bonté ou de la vie de l’instrument, puisque  l’âme de ce corps est le Saint-Esprit,  qui est capable de bien opérer par des instruments bons, mauvais, vivants et morts.
 La deuxième objection.  Dans le symbole,  on dit que l’église est sainte.   Elle n’est donc formée que de saints.  Ne suffit pas la réponse de ceux qui disent que l’église est sainte, parce qu’une partie est sainte, car on pourrait tout aussi bien dire qu’elle est scélérate, puisqu’une partie l’est.   Je réponds que l’église est appelée sainte et qu’elle l’est vraiment, car tous les matériaux utilisés pour sa construction sont saints.  Il faut trois choses pour instituer une église.  D’abord, le baptême, que personne ne peut nier qu’il est saint.  En deuxième lieu, la profession chrétienne, c’est à-dire les dogmes doctrinaux et moraux et les préceptes chrétiens.  Il est certain que cette profession la rend sainte, et elle seule.  Car, la profession de foi des Turcs, des Juifs, des païens, des hérétiques, n’est pas sainte.  Seule la profession chrétienne l’est.   Troisièmement,  l’union des membres et entre eux et avec la tête, au moins externe, en ce qui se rapporte à la religion.  Cette union, sans aucun doute possible, est sainte.  Elle est dite sainte, aussi, à cause des saints qu’elle contient, sans être obligée pour autant d’être appelée aussi scélérate, car cette dénomination se fait à partir du meilleur.  Et de plus, avoir des saints est quelque chose qui est propre à l’église, car elle est la seule à avoir de vrais saints.  Or, contenir aussi des mauvais, ce n’est pas quelque chose qui est propre à l’église, puisque cela convient aussi à d’autres.   On peut dire aussi qu’elle est sainte, parce qu’elle est entièrement consacrée à Dieu, et parce que sa tête, le Christ, est le Saint des saints.
 Troisième objection. « N’a pas Dieu pour père celui qui n’a pas l’église pour mère », comme saint Cyprien l’enseigne dans son livre sur l’unité de l’église;  et semblablement n’a pas l’église pour mère celui qui n’a pas Dieu pour père.   Mais les méchants n’ont pas Dieu pour père : « Car ceux qui sont mus par l’Esprit de Dieu, ceux-là sont fils de Dieu (Romains 8), et en Jean 8 : « Vous, c’est le diable qui est votre père ! »  Et en saint Jean 1 : « C’est en cela que sont manifestés les fils de Dieu et les fils du diable,  celui qui n’est pas juste n’est pas de Dieu ».  Or, seuls  les bons ont l’église pour mère, et donc seuls les bons sont dans l’église. »  Je réponds avec saint Augustin (dans son livre contre Adimantus, chapitre 5) qu’on peut entendre le nom de fils de trois façons dans l’Écriture.  Une première.  En raison de la production, que ce soit proprement une production ou génération, ou régénération.  Ainsi, le Christ Seigneur est dit proprement fils de Dieu parce qu’il a été engendré par son Père; et tous sont dits fils de Dieu en raison de la création.  Deutéronome 32 : «  N’est-il pas ton père celui qui t’a fait et créé ? » Et aussi, en raison de la nouvelle régénération, sont dits fils tous les justes, et seulement les justes, comme dans Romains 6. 1, et Jean 111.  La deuxième.  Certains sont fils en raison de l’imitation, comme en Galates 4, aux Romains 4.  Car l’apôtre appelle ici fils d’Abraham ceux qui imitent la foi d’Abraham.  Et Matthieu 5 : « Aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent, pour que vous puissiez être les fils du votre Père. »  Et, de cette façon, seulement les bons sont fils de Dieu, et les mauvais sont fils du diable, comme il est dit dans saint Jean 8. 1, et 3, aux lieux cités.   La troisième.  Certains sont dits fils en raison de la doctrine, comme en 1 Cor 4,  où l’apôtre appelle les Corinthiens mes fils, parce qu’il leur avait enseigné l’évangile.  Et en Galates 4 : « Mes petits fils, que j’enfante de nouveau, jusqu’à ce que soit formé le Christ en vous. »  Et, de cette façon, tous ceux qui sont dans l’église sont fils de Dieu et de l’église,  parce qu’ils tiennent la vraie doctrine de Dieu et de l’Église.  Mais, ils peuvent, cependant, être bons ou mauvais.  D’où, Isaïe 1 : « J’ai nourri des fils, et je les ai exaltai.   Mais eux m’ont opprimé. »  Et cantiques 2 : « Comme le lys entre les épines, ainsi est mon amie entre les fleurs. »  Les filles dont on parle ici sont des âmes chrétiennes, mais mauvaises.
 Après avoir précisé ces choses, on répond ainsi à l’argument.   S’il s’agit de fils de la doctrine, fausse est la déduction.  Car il n’est pas vrai que seuls les justes sont fils de Dieu, si on ne tient compte que de la doctrine.  Si on parle de fils de Dieu par la régénération, ou l’imitation, mauvaise est la conclusion suivante : donc seuls les bons sont dans l’église.  Car, dans l’Église il n’y a pas seulement des fils, mais des serviteurs, même si, à la différence des fils,  ils ne demeurent pas dans la maison éternellement (Jean V111).  Et c’est ce que pensait saint Cyprien.  Car, il n’a jamais voulu dire qu’il n’y avait dans l’église que des fils, mais que, en dehors de l’église, il n’existe pas d’autres fils.  Comme il n’y a aucun bon en dehors de l’église, même s’il y a des mauvais à l’intérieur.  Car, il voulait terrifier les hérétiques et les schismatiques, et leur faire comprendre qu’il  leur est impossible d’être bons ou fils à l’extérieur de l’église.
 Le quatrième argument. « Dans l’église de Dieu (saint Cyprien, livre 1, épitre 6 à Magnum), n’habitent que ceux qui sont d’un même cœur et d’une même pensée, comme le dit l’Esprit Saint dans les psaumes : « Dieu qui les fait habiter dans sa maison d’un seul cœur et d’une seule âme. »  Donc, les pécheurs qui suscitent des rixes, qui fomentent des rébellions, ne sont pas dans l’église. »    Je réponds  que saint Cyprien ne parle pas de n’importe laquelle concorde ou unanimité, mais de celle qui s’oppose à un schisme.  Car, il est question ici des schismatiques novatiens.  Des dissensions, des rixes, des échaufourrées,  il peut y en avoir dans l’église, et il s’en trouve souvent, comme l’atteste saint Cyprien dans son sermon sur ceux qui ont apostasié dans les persécutions, où, au nombre des  autres péchés qui étaient dans l’église, il indique  la méfiance réciproque nourrie par des haines invétérées.  Le cinquième argument est tiré de saint Jean Chrysostome et de Theophylacte, dans leurs commentaires de 2 Tim 2 (dans une grande maison, il y a des vases en or etc…)  Ils disent que cette grande maison ne signifie pas l’église, mais le monde, parce que dans l’église, il n’y a que des vases d’or et d’argent.   Je réponds qu’ils ne nient pas que les mauvais puissent être dans l’église, mais ils disent qu’il n’est pas nécessaire qu’ils soient dans l’église; que c’est  dans une grande maison que toutes ces choses son nécessaires.   De peur que quelqu’un pense que l’Église ne peut pas subsister sans mauvais, ces pères disent que, par maison, ils n’entendent pas l’église, mais le monde.  Car l’Église n’a pas un besoin essentiel de mauvais.  En effet, quand elle sera dans son state le plus avancé, au ciel, elle n’aura plus de méchants dans son sein.  Or, le monde est entaché par les mauvais, non par lui-même, mais par accident.  Car, s’il n’y avait pas de méchants dans le monde, les justes n’auraient pas où exercer leur patience, et Dieu sa justice.
 Le sixième argument vient de saint Jérôme qui dans son commentaire aux Éphésiens 5, dit ceci au sujet des mots : l’église est sujette au Christ : « C’est une chose glorieuse pour le Christ le fait de n’avoir ni tache, ni ride, ni rien de cette sorte.  Donc, celui qui est pécheur, ou  qui  est entaché de quelque saleté, ne peut pas être dit de l’église du Christ, ou soumis au Christ ».  Je réponds.  Saint Jérôme veut dire qu’on ne peut appeler mauvais ceux qui sont dans la partie de l’Église qui ne contient que les parfaits.  Car,  (Galates, chapitre 1), en expliquant  « Paul apôtre et Église de Galtatie »,  et voulant expliquer comment concordent entre elles les paroles de l’apôtre, qui tantôt loue toutes les églises, tantôt les critique vertement et les réprimande, saint Jérôme  dit qu’on peut entende le mot église dans deux sens,  plutôt qu’y voir deux églises : une  seule église dont l’Écriture parle différemment.  Car, c’est à toute l’église que l’Écriture attribue ce qui est propre aux parfaits :  n’avoir ni tache ni ride;  et ce qui est propre aux imparfaits :  de pécher et d’avoir besoin de correction.  Quand donc on loue l’église, il faut concentrer son attention sur cette partie qui contient les parfaits, et quand on la réprimande, il faut regarder celle qui contient les imparfaits.
 Le septième argument.   Pacianus, dans son épitre 3 à Sympronianum, dit que dans l’Église, il n’y a ni tache, ni ride, parce que, tant qu’ils ne se repentent pas  de leur vie antérieure, les pécheurs ne sont pas dans l’église, car, quand ils s’en repentent, ils sont déjà saints.   Je réponds qu’il ne parle pas de tous les pécheurs, mais seulement de ceux qui tombent dans l’hérésie, car, il avait dit auparavant que la raison pour laquelle l’église était sans tache et sans ride, c’est qu’elle ne contenait pas d’hérétiques.     Le huitième argument est tiré de saint Augustin (livre 2, chapitre 21, contre Cresconium ) : « Et à cause de cela, même à l’insu de l’église, ceux qui sont condamnés par le Christ à cause de leur mauvaise conscience, ne sont plus dans le corps du Christ qui est l’Église, car le Christ ne peut avoir de membres damnés. »  Il dit des choses semblables  dans le livre 2, dernier chapitre de contre Pétilien, dans le livre 4 du baptême, chapitre trois, dans le livre 6, chapitre 3, livre 7, chapitres 49 et 50, 51, dans le livre de l’unité de  l’église, dernier chapitre, dans le livre 3 de la doctrine chrétienne, chapitre 32, et ailleurs.
 Je réponds que, à cause de ces textes, non seulement Brentius et Calvin, mais même quelques catholiques imaginent deux églises.  Mais ce n’est que de l’imagination.   Car ni les Écritures, ni saint Augustin n’ont gardé de souvenir de deux églises, mais d’une seule seulement.   Il est certain que, dans le récit du troisième débat, quand les donatistes accusaient les catholiques de faire deux églises, une qui ne contient que les bons, et une autre qui contient des bons et des mauvais, les catholiques ont répondu qu’ils n’avaient jamais pensé à deux églises, mais pas en rêve.  Mais ils distinguaient des parties et des époques.  Des parties, parce que les bons et les mauvais appartiennent différemment à l’église, les bons étant la partie intérieure, et comme l’âme de l’église, et les pécheurs, comme la partie extérieure, et le corps de l’église.  Et ils donnaient des exemples de l’homme intérieur et de l’homme extérieur,  qui ne sont pas deux hommes, mais deux parties du même homme.
 Ils distinguaient aussi des époques, l’église étant autre maintenant qu’elle sera après la résurrection.  Car, actuellement, elle a des bons et des mauvais,  et alors elle n’aura que des bons. Et  ils donnaient comme exemple le Christ lui-même qui, bien qu’il ait toujours été le même, était, avant la résurrection, mortel et passible, et ensuite, immortel et impassible.  Cette doctrine saint Augustin la confirme en plusieurs endroits,  et l’explique par plusieurs comparaisons.  Car, dans le livre 7 contre les donatistes, chapitre 51, il dit que les bons sont dans la maison de Dieu qui est l’église de façon à être eux-mêmes la maison,  qui est construite de pierres vivantes; et que les mauvais sont dans la même maison, mais cependant comme n’étant pas eux-mêmes la maison.  Et, dans le livre sur l’unité de l’église, dernier chapitre,  il dit que les mauvais sont séparés de l’âme de l’Église, mais non du corps, ce qui veut dire qu’ils appartiennent à « l’homme extérieur » de l’Église, mais non à « l’intérieur. »  Et, dans le livre 3 de la doctrine chrétienne (chapitre 32), il explique ce passage du cantique des cantiques : « Je suis noire mais belle, comme les tentes de Cédar, comme la peau de Salomon. »  Notons qu’on ne dit pas qu’elle a été noire et qu’elle est belle, mais je suis noire et belle, parce que c’est une seule et même église, qui est tantôt noire comme les tentes de Cédar, à cause des pécheurs qui sont en elle, et tantôt belle à cause des peaux de Salomon,  c’est-à-dire des bons qu’elle a en elle.
 Le même saint Augustin (dans le traité 3 sur l’épitre de saint Jean), enseigne que les mauvais sont dans le corps de l’Église, «  non comme des membres, mais comme des humeurs fétides qui demeurent dans la poitrine, lesquelles sont vraiment dans le corps,  mais qui sont vraiment séparées des membres du corps ».  Ces paroles nous permettent de comprendre que quand saint Augustin dit que les mauvais ne sont pas dans l’église, il faut comprendre qu’ils ne le sont pas  comme le sont les bons, c’est-à-dire qu’ils ne le sont pas comme des membres vivants du corps.   Mais tu objecteras que (dans le livre 3 du baptême, chapitre 18, et dans le livre 1, chapitres 32 et 22, dans le livre 6, chapitre 3, et dans le livre 7, chapitre 51),  il enseigne que seuls les saints sont dans l’Église qui est fondée sur la pierre, et à qui sont données les clefs du royaume, et de laquelle il est dit : s’il n’écoute pas l’église, qu’il soit pour toi comme un païen ou publicain.  Je réponds que saint Augustin ne voulait dire rien d’autre  que tous les privilèges, qui sont concédés par Dieu à l’église universelle, l’ont été à cause des seuls saints, c’est-à-dire  pour l’utilité et l’avantage de ceux qui obtiennent le salut éternel.  Car le même saint Augustin répète souvent que même les mauvais chrétiens administrent validement les sacrements, et régénèrent donc les hommes, les délient et les lient etc.  C’est pourquoi, (dans le traité 5 sur saint Jean) il compare les mauvais ministres à un tuyeau par lequel circule l’eau, et il ajoute que même s’ils n’en tirent aucun profit,  il est quand même la cause que des herbes et des fleurs poussent.  Il enseigne la même chose dans le livre contre Marmenianus, chapitres 10 et 11.
 La neuvième objection est celle des magdebourgeois (centurie 1, livre 1, chapitre 4, colonne 171), où, à l’aide de textes de l’Écriture, ils prouvent qu’il y a deux églises, une des bons, et une des mauvais.   Car si, (dans Matth 5) on distingue la justice des disciples de celle des pharisiens, les pieux des hypocrites (Matth 6), la troupe de ceux qui marchent par la voie étroite, de ceux qui vont par la voie large, une maison fondée sur le sable, et une maison fondée sur le roc, il apparait clairement que l’église des mauvais n’est pas l’église du Christ sainte et unique, car la vraie église ne contient que des bons.   Je réponds qu’en aucun de ces passages, on ne distingue deux églises, mais seulement des qualités différentes de ceux qui sont dans la seule et même église.  Car, dans Matthieu 13, on distingue des bons et des mauvais poissons.  Mais les uns et les autres étaient dans le même filet qui est l’Église.  Dans la même église,  qui est constituée par la profession de la même foi, la communion des mêmes sacrements,  il y en a qui marchent par la voie large des vices, d’autres par la voie étroite des vertus.  Il y en a qui sont très pieux, d’autres hypocrites.   Certains ont la justice pharisaïque, d’autres  l’apostolique.   Ensuite, quelques-uns sont comme une maison fondée sur le roc, d’autres, comme une maison fondée sur le sable.  Ces deux maisons ne représentent donc pas deux églises, à moins que nous voulions faire autant d’églises qu’il y a d’hommes. Voici ce que dit le Seigneur : « Tout homme qui écoute ces miennes paroles et les met en pratique, sera semblable au sage qui a construit sa maison sur la pierre. »
 Dixième objection. Si l’Église est le corps du Christ, ne peuvent être ni parties ni membres de ce corps ceux dans lesquels le Christ n’opère rien.  Car, dans les impies et les hypocrites, il n’opère rien.  Ceux  qui sont de cette sorte ne peuvent donc pas appartenir à l’Église du Christ.   De même.  Il faut absolument distinguer le royaume  du Christ de celui du démon.  Or, comme tous les impies appartiennent au royaume du démon, seuls les pieux appartiennent au royaume du Christ, qui est l’église.   Je réponds qu’il n’est pas nécessaire que le Christ opère quelque chose dans chacun de ses membres, car il y a quelques membres qui sont morts et arides, et qui n’adhèrent aux autres que par une union externe.  Et même si le royaume du Christ est différent de celui du démon, les mêmes hommes peuvent appartenir aux deux.  Car ceux parmi les pécheurs qui persévèrent dans la foi catholique et la communion avec les autres fidèles, appartiennent au royaume du Christ, par  leur profession de foi, et au royaume du démon par la perversité de leurs mœurs.  Voilà pourquoi saint Augustin  dit (psaume 47) que les impies qui sont dans l’église, sont à la fois des fils et des étrangers.  Des fils, à cause de leur profession de foi,  des étrangers,  à cause de leur carence de vertus.
                                                                            CHAPITRE 10
                                                                    Les infidèles occultes
 Il reste encore les infidèles occultes, c’est-à-dire qui n’ont ni vertu chrétienne, ni foi interne, mais qui, pendant un certain temps, professent extérieurement la foi chrétienne, et qui sont mêlés aux vrais fidèles dans la communion des sacrements.  Ceux-là non seulement les confessionistes et les calvinistes enseignent qu’ils n’appartiennent en aucune façon à la vraie église,  mais même quelques catholiques, comme Jean de Turrecramata (livre 4 sur l’église, p. 2, chapitre 20).   Mais cet auteur semble n’ avoir dit rien d’autre que la foi est requise pour que quelqu’un soit uni d’une union interne avec le corps du Christ, qui est l’église, -- ce qui est vrai.
 Mais nous, nous suivons la façon de parler du grand nombre des docteurs.  Ils enseignent que ceux qui sont unis aux autres fidèles par la seule profession externe de foi, sont de vraies parties externes, et donc, des membres, même si ce sont des membres morts et arides du corps de l’Église.  Voir Thomas Waldensem (tome 1, livre 2, chapitre 9, numéro 10,  et chapitre 11, numéro 5), Jean Driedonem (livre 4 sur les écrits ecclésiastiques et les dogmes, chapitre 2, page 2),   Pierre a Soto (dans la confession catholique qu’il opposa à la confession de Vittemberg, chapitre de l’église,  et chapitre des conciles; et dans l’apologie pour la même confession, page chapitre 11.), le cardinal Hosius (lkvre 3, contre les prolélgomènes de Brentius), et Melchior Cano (livre 4 des lieux théologiques, chapitre ultime, à l’argument 12).
 On peut d’abord démontrer cette sentence par les paroles suivantes de saint Jean (1 Jean 2) : « Et maintenant, plusieurs sont devenus des antichrist.  Ils sont sortis de nous, mais ils n’étaient pas de nous, car s’ils avaient été de nous, ils seraient demeurés avec nous. »  En ce passage, saint Jean parle des hérétiques qu’il appelle antichrist, et il dit que,  avant de sortir, ils n’étaient pas vraiment de nous, c’est-à-dire qu’ils n’étaient pas catholiques par l’âme et la volonté, mais qu’ils étaient des hérétiques, des antichrist.  Ils sont cependant sortis de nous, car même s’ils n’étaient parmi nous ni par l’âme ni par  la volonté, ils étaient quand même parmi nous par la profession externe de la foi.   Mais après qu’ils nous eurent quittés, et qu’ils s’établirent à part en un schisme ouvert, ils cessèrent d’être de nous de toutes les façons possibles.  Et bien que saint Augustin applique parfois ces mots (pas de nous) à la prédestination, cependant, dans son commentaire de ce texte il y voit les hérétiques occultes : « Tous les hérétiques, tous les schismatiques sortirent de nous, c’est-à-dire sortent de l’Église.  Mais ils ne seraient pas sortis s’ils avaient été des nôtres.  Avant de sortir, ils n’étaient donc pas des nôtres, si avant qu’ils sortent ils n’étaient pas de nous.  Car, plusieurs sont à l’intérieur qui ne sont pas sortis, et qui sont quand même des antichrist. »
 Et plus bas : « Et ceux qui sont à l’intérieur sont surement dans le corps de notre seigneur Jésus-Christ, qui  a encore besoin de soins,  et dont la santé  ne sera parfaite qu’à la résurrection des morts.    Ils sont dans le corps du Christ comme des mauvaises humeurs.  Quand elles sont vomies, le corps recouvre sa santé.  De la même façon, quand les mauvais sortent, l’Église se relève. »  Et il dit : » Quand il les vomit, et que le corps se redressa, c’est de moi que sont sorties ces humeurs, mais elles n’étaient pas de moi.  Qu’est-ce donc : elles n’étaient pas de moi ?  Elles n’ont pas été coupées de ma chair, mais elles oppressaient ma poitrine quand elles étaient à l’intérieur. »  C’est de cette façon qu’il l’explique  dans le livre 3 sur le baptême, chapitre 19, et dans le traité 61 sur saint Jean.
 On démontre la même chose avec les témoignages des pères de l’Église.  Ils enseignent à l’unanimité que ceux qui sont à l’extérieur de l’Église n’ont aucune juridiction, aucune autorité dans l’Église.  Voir Cyprien (livre 1, épitre 6).  Optatus (livre 1 contre Parminianum), saint Ambroise (livre 1, chapitre 2, sur la pénitence), saint Jérôme dans son dialogue contre les lucifériens.  Saint dans l’enchridion (chapitre 65), Célestin pape (dans son épitre aux clercs de Constantinople, et dans une autre à Jean d’Antioche, que l’on trouve dans le tome 1 de concile d’Éphèse, chapitres 18, et 19.) Elles sont citées aussi par Nicolas 1 à l’empereur Michel.    Et ce fait bien attesté pose clairement la question suivante : comment peut-on penser ou imaginer que celui qui a la juridiction soit tête de l’église sans être membre de l’église ?  Car ne fut jamais tête qui ne fut jamais membre.  Il est certain aussi, quoi qu’en pense l’un ou l’autre, qu’un hérétique occulte, fut-il pape ou évêque,  ne perd ni sa juridiction ni sa dignité,  ni son nom de tête dans l’église, tant qu’il ne se sépare pas lui-même publiquement de l’église, ou qu’il n’en est  pas  séparé, après avoir été convaincu d’hérésie.  Voilà pourquoi Célestin et Nicolas, aux lieux cités, disent qu’un évêque hérétique, dès qu’il commence à prêcher son hérésie, ne peut lier ni délier personne; mais qu’avant qu’il commence à prêcher son hérésie publiquement, même s’il couvait déjà l’hérésie dans son cœur, il pouvait encore lier et délier.  Ce qui est confirmé par le canon audivimus, 24, qu 1, où nous lisons : « S’il tirait de son cœur une nouvelle hérésie, dès qu’il commence à la prêcher, il ne peut plus condamner personne. »  Ajoutons que si les hérétiques occultes ne pouvaient avoir aucune juridiction, seraient rendus incertains tous les actes qui dépendent de la juridiction, ce qui perturberait grandement l’église universelle.  Si donc celui qui n’est pas dans l’église ne peut pas avoir d’autorité dans l’église, et si un hérétique occulte peut en avoir, et si de fait il en a, un hérétique occulte peut certainement être dans l’église.
 On prouve la même chose  avec Origène, Augustin et Grégoire.  Origène (homélie sur Josué) : « Même ici, à Jérusalem, c’est-à-dire dans l’Église, il y a des Jébuséens, qui sont pervertis dans la foi et les actions. »  Il n’y a aucun doute qui  parlait des hérétiques occultes, car, il ajoute tout de suite après : « Car, nous ne disons pas  cela de ceux qui sont manifestement et ouvertement des criminels.. »  Saint Augustin (livre 3, chapitre 19 sur le baptême) : « Les ennemis de cette charité fraternelle, qu’ils soient ouvertement à l’extérieur,  ou qu’ils semblent être à l’intérieur, sont des pseudos chrétiens, et des antichrist, car, une fois découvertes leurs actions, ils sortent à l’extérieur de l’église.   Mais même si les occasions font défaut, quand  ils semblent être à l’intérieur, ils sont séparés de cette compagnie invisible de charité. »  En disant  des hérétiques occultes qu’ils paraissent être dans l’église, il ne veut pas dire qu’ils ne le sont pas réellement, mais pas de la façon dont ils le paraissent.   Car ils semblent être unis aux autres membres par une union externe et interne, alors qu’ils ne le sont que par une union purement externe.  Car, s’ils n’étaient en aucune façon réellement à l’intérieur, mais ne l’étaient qu’en apparence,   ils ne sortiraient pas vraiment quand ils s’en vont ouvertement, mais sembleraient sortir.  Or, saint Augustin dit que, que quand  ils trouvent une occasion, ils sortent à l’extérieur de l’église.  Et il ajout  que, même avant de sortir,  ils  étaient séparés  de la charité invisible, non de la communion externe de l’Église.  C’est ainsi qu’on doit entendre aussi ce que dit saint Augustin au livre 4, chapitre 16, où il enseigne qu’on doit juger que les hérétiques occultes sont séparés, même s’ils ne sortent pas.  Il parle, évidemment, de la séparation interne, non externe.  Et pour, Augustin, ce n’est pas une chose propre aux hérétiques occultes de ne pas être dans le corps du Christ, cela vaut aussi pour tous les pécheurs,  comme on le voit dans les lieux cités au chapitre précédent.  Saint Augustin continue, au lieu cité : « Voilà pourquoi saint Jean a dit qu’ils étaient sortis de nous, mais qu’ils n’étaient pas des nôtres.  Ce n’est pas parce que, en sortant, ils sont devenus étrangers,  mais c’est parce qu’ils étaient étrangers qu’il a déclaré qu’ils sont sortis. »  L’apôtre Paul dit aussi de ceux qui ont erré dans foi qu’ils étaient dans une grande maison.  J’ai donc de bonnes raisons de penser  qu’ils n’étaient pas encore sortis.
 Même  chose aux chapitres 4 et 10 : « Or, on appelle zizanie seulement ceux qui ont persévéré dans leur erreur jusqu’à la fin.  À l’extérieur, il y a beaucoup de froment, et à l’intérieur, beaucoup de zizanie. »  Le sens de ces paroles semble être celui-ci : à l’extérieur de l’Église, il y a beaucoup d’hérétiques manifestes qui se convertiront à la vraie foi.   Et dans l’église elle-même, il y a de nombreux hérétiques occultes qui ne se convertiront jamais.   Il dit la même chose dans le livre 1, chapitre 35 de la cité de Dieu : « Qu’elle se souvienne toujours que dans ses ennemis se cachent des citoyens futurs, car, de leur nombre , la cité de Dieu en a  aussi qui lui sont associés dans la communion des sacrements. »  Il faut observer là que, des ennemis qui sont en dehors de l’Église,  saint Augustin dit qu’ils sont des citoyens futurs, parce qu’ils ne sont pas encore citoyens.   Mais  ils le seront en leur temps.   Or, des ennemis qui se cachent dans l’Église, il ne dit pas qu’ils sont des ennemis futurs, mais présents, car ils sont dans la sainte église, même s’ils appartiennent au groupe des ennemis.
De plus, dans le traité 61, sur Jean, où nous lisons que, quand Judas sortit, Jésus fut troublé, il dit : « Par son trouble,  le Seigneur a daigné nous faire comprendre qu’il est nécessaire de tolérer les faux frères, la zizanie du champ du Seigneur, jusqu’au temps de la moisson, pour que, quand une cause urgente exige une séparation avant la moisson, cela se fasse sans perturbation de l’église.  Annonçant d’avance ce trouble des saints causé par les schismatiques et les hérétiques, quand un homme mauvais sortira de la masse du froment, dans laquelle il a été longtemps toléré, et qu’il sera abandonné par une séparation ouverte.  Le seigneur s’est troublé non dans sa chair, mais dans son esprit. »  Et, plus bas, il déclare comment Judas, qui était un des disciples du Seigneur, est le type des hérétiques : « Un par le nombre, non le mérite; un par l’espèce, non par la vertu. Par une association corporelle, non par un lien spirituel. Un compagnon par la proximité de la chair, non par l’unité du cœur. »  Et plus bas : « Est-il vrai qu’il est de nous et qu’il n’est pas de nous ? Qu’il est de nous selon un aspect, et qu’il n’est pas de nous selon un autre.   Selon la communion aux sacrements, il est de nous, mais selon la nature des crimes qui lui sont propres, il n’est pas de nous. »  De même, dans le livre sur les choses faites avec Emericus, chapitre 1 : « Quelques-uns qui sont toujours donatistes de cœur, exhibent une présence toute corporelle.  Ils sont à l’intérieur par la chair, et à l’extérieur par l’esprit. »
 Ensuite, dans le livre sur l’enseignement aux illettrés, chapitre 17, il distingue trois genres de chrétiens, les hérétiques occultes, les mauvais catholiques et les bons catholiques.  « Il y en a qui veulent être chrétiens pour plaire aux hommes de qui ils attendent de grands avantages, ou parce qu’ils ne veulent pas offenser ceux qu’ils craignent.  Mais ceux-là sont réprouvés, même si l’église les porte pendant un certain temps, comme un champ la zizanie, jusqu’au temps de la moisson.  S’ils ne se corrigent pas, et ne commencent pas à être chrétiens  pour obtenir le repos éternel, ils seront séparés à la fin.  Et qu’ils n’aillent pas s’imaginer qu’ils peuvent être dans l’arche avec le peuple de Dieu, car ils ne seront pas engrangés avec le blé, mais ils sont destinés au feu futur.  Il y en a d’autres qui sont meilleurs par l’espérance, mais qui n’ont pas un péril moins grand, ceux qui craignent déjà Dieu, ne se moquent pas du nom chrétien, et n’entrent pas dans la maison de Dieu en hypocrites, mais attendent dans cette vie la félicité. » Tu vois que les premiers de ces  deux sortes d’hommes ne craignent pas Dieu, se moquent du nom chrétien, entrent en hypocrites dans l’église, mais sont pourtant à l’intérieur et y demeurent, et sont comptés parmi les chrétiens, jusqu’à ce qu’ils soient séparés de l’église par une dissension publique.  Saint Grégoire (livre 13, morale, chapitre 4), expliquant ces versets de Job 16 : « mes rides témoignent contre moi » : « Que faut-il entendre par rides, si ce n’est la duplicité.  Dans la sainte église, ces rides sont ceux qui vivent une double vie, qui proclament ouvertement leur foi, mais la renient par leurs œuvres.  En  temps de paix, se rendant compte que cette foi est honorée par les puissants de ce monde.  Ils font semblant d’être croyants.  Mais quand une tempête soudaine d’adversités  frappe la sainte église, ils montrent tout de suite ce qu’ils cachaient dans leur âme perfide. »  Et plus bas : « Mais parce qu’elle garde dans le sein de la foi plusieurs réprouvés,  quand éclatera le temps de la persécution,  elle aura  à supporter comme ennemis ceux qu’elle semblait nourrir auparavant des paroles de la prédication.   Qu’il dise donc que mes rides témoignent contre moi, c’est-à-dire ceux qui m’accusent en me suivant, eux qui placés dans mon corps par leur duplicité,  n’enlèvent pas la malice qui est en eux. »  Et plus bas : « Même en temps de paix, l’église souffre des fausses paroles, du fait qu’il y en a en elle beaucoup qui n’ont pas foi dans les promesses de la vie éternelle,  et qui ont le front de se dire fidèles.  Mais quand le temps de la malice sévira, celui qui, par crainte, se refuse à contredire,  se montrera au grand jour, et  s’opposera ouvertement et publiquement aux paroles de la vraie foi. »
 Quatrièmement.  On le prouve par la raison.  Une comparaison avec le corps humain nous persuadera peut-être.   Car, l’église est semblable à un corps humain, comme l’enseigne saint Paul aux Romains (12), et 1 Cor 12.   Dans le corps humain, nous voyons des genres nombreux et variés de parties, de façon à ce que certaines vivent et sentent, d’autres vivent mais ne sentent pas, d’autres  ne vivent ni ne sentent, come tout chacun le sait.    Il n’y a rien donc qui empêche que, dans l’église, il y en ait qui aient la foi et la charité, d’autres la foi seulement, et d’autres qui n’ont même pas la foi, mais seulement l’union externe.  Ensuite, si ceux qui sont privés de la foi ne sont pas dans l’église, et ne peuvent pas y être, il n’y aura plus, entre nous et les hérétiques, de question sur la visibilité de l’église; vaines donc tant de débats célèbres d’érudits,  qui continuent encore à se produire.   Car tous ceux qui ont écrit jusqu’ici  reprochent aux luthériens et aux calvinistes de faire une église invisible.  On n’aura plus d’autre question à se poser.   Les luthériens et les calvinistes admettent certains signes visibles,  comme la prédication de la parole de Dieu, l’administration des sacrements, et enseignent constamment que là où on aperçoit ces signes, là se trouve la véritable église du Christ.   Mais parce qu’ils veulent que seuls les justes et les pieux appartiennent à la vraie église, personne ne peut savoir avec certitude quels sont les vrais justes et les vrais pieux, parmi les si nombreux qui paraissent justes et pieux à l’extérieur, alors qu’il est certain qu’un bon nombre ne sont que des hypocrites et des faux frères.  Voilà pourquoi les nôtres ont raison de conclure que c’est une église invisible qu’ils font.   De plus, pour les luthériens et les calvinistes, la justice consiste dans la seule foi.  C’est comme s’ils disaient que l’église est une assemblée de justes et de pieux, qu’elle est la congrégation des vrais croyants.  Qui donc ne voit pas que nous sommes tout  à fait d’accord avec eux quand nous excluons de l’église ceux qui n’ont pas la vraie foi dans leur cœur?
 Il est donc nécessaire que nous apparaisse avec une certitude infaillible quelle est l’assemblée des fidèles qui  est la vraie église.  Car, comme les transmissions des écritures, et tous les dogmes dépendent du témoignage de l’église, si nous ne savons pas avec certitude quelle est la vraie église, tout le reste sera incertain.  Et on ne pourra pas déterminer en toute certitude quelle est la vraie église, si la foi interne est requise dans un membre,  ou une partie de l’église.  Car, qui sait avec certitude dans quelles personnes se trouve cette foi.   Pour que quelqu’un appartienne à l’église n’est donc requise ni la foi, ni rien d’invisible ou d’occulte.  À cet argument, ils répondent de deux façons. Le premier.  On peut connaître l’assemblée des fidèles avec assez de certitude, de façon qu’on dise même qu’on la voit quand on aperçoit l’effet de la foi, lequel est la profession de foi.  Car, on dit qu’on voit un homme véritablement, même que quand on ne voit son âme que dans les effets.  Ils ajoutent ensuite qu’il n’est pas nécessaire  qu’on sache distinctement quels sont ceux qui font l’église, mais qu’il suffit que soit assigné un rassemblement dans lequel nous croyons que tous ceux qui s’y trouvent font partie de l’église.  Si on montrait à quelqu’un tout le peuple romain rassemblé dans le forum ou dans un théâtre, même si quelques étrangers s’y trouvent mêlés,  on pourrait dire qu’il a vraiment vu le peuple romain.
 Mais aucune de ces réponses n’est satisfaisante.  Il est facile de réfuter la première.  Car la connaissance par les effets n’est pas une connaissance certaine, mais conjecturale.  L’exemple de l’homme ne convainc pas, non plus, car les effets de la vie dans l’homme sont naturels, et nécessaires, tandis que les effets de la foi sont volontaires, et donc moins certains.   De plus, ce n’est pas l’homme lui-même que nous voyons, de façon à ce que nous soyons absolument surs que l’homme est celui que nous voyons.  Car, il se peut que quand nous pensons voir un homme, nous voyions un ange ou un démon en forme humaine.  Il est certain qu’Abraham, Loth et Tobie ont cru qu’étaient des hommes ceux qui étaient des anges. Nous, c’est une certitude infaillible que nous désirons au sujet de l’église, celle que nous avons non de l’homme lui-même, mais de sa figure, de ses couleurs externes, de son empreinte digitale et de son ADN, toutes choses qui ne peuvent tromper.  La deuxième réponse est insuffisante pour plusieurs raisons.  Car il peut arriver que croisse le nombre des hypocrites à un point tel qu’ils deviennent plus nombreux que les catholiques vrais et parfaits.  Personne alors ne pourrait dire vraiment que cette congrégation est l’église du Christ, du fait que, dans cette assemblée que l’on montre, la plus grande partie n’appartient pas  l’église.  Nul ne sait, non plus, quels sont les peu nombreux qui font l’église.  Et même s’il est préférable de croire que la plus grande partie de ceux qui professent la foi sont sincères, on ne peut en être certain.
 Deuxième raison.  Jamais toute l’église ne se rassemble en un seul lieu, de façon à ce qu’on puisse dire : c’est cette assemblée qu’est l’église.   Mais elle est éparpillée par divers lieux,  et d’aucune partie nous ne saurons avec certitude si elle n’est pas totalement sans foi.   Nous nous demanderons toujours : communie-t-elle vraiment avec la vraie église du Christ.   Ne répugne pas à ceci ce que j’ai affirmé ailleurs, à savoir que l’église romaine particulière ne peut pas être totalement privée de la vraie foi.  Car même cette église romaine particulière ne peut  être assemblée en entier à quelque part.  Elle est répartie en plusieurs basiliques, qui sont dans la ville de Rome.  Et nous ne savons certainement pas, de certitude infaillible, si dans cette assemblée où nous nous dirigeons, il n’y a pas des brebis sans foi dans le cœur.  Deuxième raison.   Car il peut aussi arriver qu’un concile général entier soit à l’extérieur de l’église.   Quoi d’étonnant si, parmi les milliers qui professent la foi chrétienne, trente ou quarante hommes présents au concile, sont privés de la vraie foi ?   De cette façon, des choses très connues par ailleurs, qui ont besoin d’être tout à fait sures,  seront mises en doute.  Comme nous l’avons noté dans la dispute sur les pontifes, il est certain que la raison pour laquelle Brentius nie toute autorité aux conciles, c’est que nous ne sommes pas certains que chacun de ces pères ait la vraie foi dans le cœur, et donc, soit de l’église.  Car ce n’est pas une fausse église qui est une colonne et un firmament de vérité, mais la vraie.
 Quatrièmement.   Parce que si nous ne savons pas clairement quels sont ceux qui constituent  l’église, nous ne saurons pas tellement  ce que fait l’église, mais où elle le fait, ou plutôt où elle se cache.  Ce qui ne suffit pas pour sauver la visibilité de l’église, dont nous parlerons dans le prochain chapitre.  Mais voyons déjà ce qu’on objecte.   Ils objectent d’abord, que le fondement et la quasi forme de l’église est la foi, comme le dit saint Paul (1 Cor 3) : « Comme un bon architecte, j’ai posé le fondement. » Et : « Personne ne peut poser un fondement autre que celui qui a été posé, le Christ Jésus. »   Et aux Éphésiens 2 : « Sur édifiés sur le fondement des apôtres et des prophètes, la pierre angulaire étant le Christ Jésus. »  Et, aux Éphésiens : « Un Dieu, une foi, un baptême. »  Je réponds que la forme de l’église n’est pas la foi interne (à moins de vouloir avoir une église invisible), mais la foi externe, c’est-à-dire la profession externe de la foi.   Ce qu’enseigne ouvertement saint Augustin (libre 19,  chapitre 1, contre Faustus), l’expérience aussi l’atteste : sont admis à l’église ceux qui professent la foi.  Dans les textes allégués, la foi n’est pas appelée forme, ou fondement de l’Église, mais fondement de la justice ou de la doctrine qui est dans l’église.   Ajoutons qu’en même temps  que les Écritures posent la foi, elles posent aussi la charité, et tous les dons du Saint-Esprit.  Et pourtant, aucun catholique n’enseigne que ne sont pas   dans l’église ceux qui n’ont ni charité ni dons du Saint-Esprit.
 Ils nous objectent en second lieu, la définition du concile du Latran (que l’on trouve dans le canon firmiter, de la sainte trinité et de la foi catholique) : « L’église universelle des fidèles est une, en dehors de laquelle personne ne se sauve. »   Cette définition est semblable à celle du pape Nicolas (consécration, dist 1, canon de ecclesia) : « L’église est une réunion de catholiques. Car ne sont pas des fidèles ceux qui n’ont pas la foi dans le cœur, même s’ils la professent de bouche. »  Je réponds que ce ne sont pas des définitions de l’Église, car tout ce que le concile du Latran a voulu affirmer c’est que l’église est une.  Il n’a pas cherché à définir avec précision ce qu’est l’église.  Il l’a appelée l’église des fidèles, parce que c’est par ce non que l’on distingue les baptisés de ceux qui sont manifestement infidèles, ainsi que des catéchumènes.  Car les anciens ne donnaient pas  aux catéchumènes le nom de fidèles, comme nous l’avons montré plus haut.  Voilà pourquoi c’est comme si le concile avait dit : il n’y a qu’une seule église de chrétiens, non plusieurs.  Ajoutons, en second lieu, qu’on peut entendre aussi le mot fidèle au sens de celui qui professe sa foi publiquement, comme nous le dirons bientôt du mot catholique.  Ajoutons, en troisième lieu, qu’on aurait pu dire, en toute vérité :  une est l’église des fidèles,  au sens de ceux qui ont la vraie foi dans le cœur.   Car l’église n’a l’intention de réunir que les fidèles.  Quand des chrétiens fictifs qui ne croient pas vraiment, se mêlent aux vrais, cela arrive sans qu’elle le veuille vraiment.  Car, si elle les connaissait, elle ne les admettrait pas, et elle les exclurait immédiatement,  s’ils entraient frauduleusement.
 Au sujet de la définition du pape Nicolas : l’église est une assemblée de catholiques, nous sommes forcés de dire qu’il appelle catholiques ceux qui professent la foi catholique,  quoi qu’il en soit de la foi interne.  Car il ordonne qu’on ne fasse pas d’églises, (des congrégations de fidèles, comme il explique), sans l’autorisation du siège apostolique.  Il est évident qu’on ne peut avoir d’assemblées de catholiques sans que soient appelés dans un même lieu ceux qui sont catholiques, c’est-à-dire ceux qui professent publiquement qu’ils sont chrétiens.    Ils nous objectent, en troisième lieu, des témoignages de pères de l’église qui disent que « les hérétiques ne sont pas de vrais chrétiens. »   Comme Tertullien (livre de la pudeur), saint Cyprien (livre 4, épitre 2), saint Athanase (sermon 2 contre les Ariens), saint Augustin (livre de la grâce du Christ, chapitre 2).  Et « que l’église du Christ ne peut être composée que de chrétiens. »  N’appartiennent donc pas à l’église ceux qui n’ont pas la vraie foi.   Je réponds que ces pères parlent des hérétiques manifestes, qui n’ont la foi du Christ ni dans le cœur ni dans la bouche.  Car le mot chrétien est un mot de profession, et sont dits chrétiens ceux qui témoignent publiquement de la loi et la foi du Christ,  et qui la suivent.
 Ils objectent, quatrièmement, qu’avant la venue du Christ,  appartenaient à l’église du Christ non seulement la synagogue, mais tous les Gentils, qui, dispersés ici et là,  rendaient un culte sincère à un seul Dieu.  Il semble suivre de là que la foi soit le lien de l’église, et que, en conséquence, celui qui ne l’a pas ne fait pas partie de l’église.  Je réponds que, pendant tous les siècles, les seuls à avoir constitué l’église de Dieu sont ceux qui étaient réunis dans la confession et la protestation d’une seule foi dans un seul Dieu, créateur du ciel et de la terre, soit par des sacrifices, soir par d’autres moyens.   Ils objectent enfin ceci.  La principale raison pour laquelle ne sont pas  inclus dans l’église des hérétiques occultes, semble être la suivante : on doit savoir d’une certitude infaillible quelle assemblée d’hommes est l’église.  Or, cette certitude on ne peut l’avoir, si l’on dit que les hérétiques occultes font partie de l’église.  Ce que l’on confirme par les arguments suivants.  Le premier.  Ne sont pas membres de l’église ceux qui n’ont pas été baptisés.  Or, personne ne sait avec certitude quels sont ceux qui ont été vraiment baptisés, parce que le caractère est invisible, et parce que, même quand ils est administré en public, peu sont présents qui voient ce qui se passe vraiment; et parce que les autres devraient se contenter d’une foi humaine.   La deuxième.  L’Église ne peut pas exister sans évêques et sans prêtres, comme l’enseigne saint Jérôme contre les lucifériens.  Or, qui connait avec certitude ceux qui sont les vrais évêques et les vrais prêtres, comme cela dépend de l’intention de l’ordinant et d’un caractère invisible ?   La troisième.   Les excommuniés ne sont pas dans l’église, comme nous l’avons enseigné plus haut.  Or plusieurs sont excommuniés de façon occulte, car, selon le code de droit canonique, ils sont excommuniés par le fait même, même si leur excommunication n’est pas proclamée publiquement.  Ce qui nous force à nous demander anxieusement quand nous voyons quelqu’un : est-il dans l’Église ou pas ?   La quatrième.  Il arrive souvent, ou il est certain que cela peut arriver, que des hérétiques manifestes se fassent passer pour des catholiques, et qu’ils se mêlent aux fidèles, comme les Juifs, les Turcs, les païens.  Ou nous disons que ces gens-là ne sont pas de l’Église, ou nous dirons que l’église est une assemblée d’hérétiques et de païens hypocrites.
 Je réponds à la première.   Pour que quelqu’un soit du corps de l’église, seul le baptême externe est requis, non le caractère.  Le baptême externe n’est pas non plus requis pour que soit considéré et soit de l’église, mais seulement pour qu’il y soit admis.  Car, si quelqu’un demande d’être admis à l’église, cela ne peut pas se faire sans le baptême.   Cependant, si quelqu’un affirme avoir été baptisé, et qu’on n’a pas de preuve du contraire, il sera admis aux autres sacrements, et il sera, par là, du corps de l’Église.  Et le signe en est que si, par après, on apprend qu’il n’a pas été baptisé, on l’expulse de la congrégation, s’il en est personnellement responsable.   Mais si c’est sans faute de sa part, on ne le repousse pas, mais om lui donne les connaissances qui lui font défaut.  Et on ne jugera pas qu’il n’a pas été dans l’église, mais qu’il y est entré autrement que par la porte ordinaire.  Voilà pourquoi Innocent 111 (canon apostolicam), a porté le jugement suivant sur un prêtre non baptisé.  Le prêtre non baptisé a vraiment été dans l’église, et il a été ordonné d’offrir pour lui le sacrifice comme pour les autres fidèles.
 Et saint Denys d’Alexandrie, (livre 7, chapitre 8 de l’histoire de l’église), a jugé qu’était vraiment dans l’église quelqu’un qui n’avait pas été baptisé, mais qui participait aux autres sacrements en tant que baptisé.  Cela semble être la sentence de Jean Driedon ( llivre 4, de l’écriture et des dogmes, chapitre 2, part 2) : « Tous ceux qui sont inscrits visiblement comme membres de l’église par le sacrement de la foi, qui conservent corporellement la paix avec le peuple chrétien, sont dits être dans l’église, tant qu’ils n’ont pas été séparés d’elle par une condamnation, ou tant qu’ne sortent pas d’eux-mêmes en méprisant et persécutant l’église. »   Il dit assez clairement que sont dans l’église non seulement les baptisés, mais tous ceux qu’on considère avoir été baptisés.  On pourrait aussi répondre, et mieux, que ceux qui n’ont pas été baptisés mais qui sont considérés comme des baptisés, sont dans l’église selon l’apparence extérieure seulement, c’est-à-dire de façon putative, mais non vraiment.  Il ne s’ensuit pas, cependant, que l’église soit invisible, car même si quelques-uns ne peuvent pas prouver qu’ils ont été baptisés, la très grande majorité le peut.  Et le baptême, par sa nature, est visible.
 À la deuxième confirmation, je réponds qu’on peut considérer deux choses dans les évêques.   La première. Ils tiennent la place du Christ, et c’est pourquoi nous leur devons obéissance; et ils ne peuvent pas nous tromper dans les choses qui sont nécessaires au  salut. La seconde.  Ils ont le pouvoir d’ordre et de juridiction.  Si on les considère de la première façon,  nous sommes certains d’une certitude infaillible, que ceux que nous voyons sont de vrais évêques, et nos pasteurs.  Car, à cela ne sont requis ni la foi, ni le caractère d’ordre, ni l’élection légitime, mais qu’ils soient considérés tels par l’église.   Car, ils sont évêques pour l’église, non contre.  Dieux assiste ceux qui sont tels pour qu’ils n’errent pas dans l’enseignement de la doctrine.  Ils sont donc de vrais évêques et pasteurs, non absolument parlant, mais par rapport aux trois choses dont nous avons parlé.  Ce qui est comme si nous aurions dit qu’ils ne sont pas en eux-mêmes de vrais évêques, mais que tant qu’ils sont considérés comme tels par l’église, nous leur devons obéissance, puisque même la conscience erronée oblige.  De même.   Ils tiennent la place du Christ de fait, non de droit, quand ils régissent réellement le peuple au nom du Christ. L’Église ne peut pas être trompée par eux, puisque l’église ne peut pas errer.  Et il faut suivre ceux que l’église présente comme de vrais pasteurs.  On peut prendre cela dans un bon sens : si ces évêques s’entendent tous sur une doctrine, ou s’ils sont des souverains pontifes.  Car, il n’est pas douteux qui certains évêques particuliers peuvent se tromper s’ils se séparent des autres.  Si on les considère de la deuxième manière, nous n’avons qu’une certitude morale qu’ils soient de vrais évêques, bien qu’ils soient certains, d’une certitude infaillible, que quelques-uns au moins, sont vrais. Autrement, le Christ aurait abandonné son église.   Mais suffit la première considération pour tenir que l’église est certaine et visible, en ce qui a trait à la tête et aux membres.
 Je  répons à la troisième confirmation,  qu’il est difficile d’imaginer que ces sortes d’hommes ne soient pas détectés sur-le-champ.  Même s’ils trompent l’église pendant une longue période de temps, elle ne pourra pas en recevoir de dommage, car l’église ne les range parmi les siens qu’à cause de la profession externe, (car elle ne juge pas des intentions).  Or, cette profession externe est en elle-même très sainte, même si elle été usurpée par eux.  Ils sont donc du corps de l’église, tant qu’ils sont joints aux fidèles par le lien de la profession  et de l’obéissance, qui lie l’église universelle, et la réduit en un seul corps.    Il ne s’ensuit pas qu’elle soit, pour autant, une assemblée d’hérétiques et de païens hypocrites.   Car, même si quelques-uns sont tels dans l’église, nous sommes certains d’une certitude de foi divine, que dans la même église, il y a un grand nombre  de vrais fidèles, pieux et élus.  Même dans le corps humain on trouve des ongles et des cheveux qui n’ont pas la vie, mais personne ne déduit de cette constatation, que dans un corps humain il n’y a que des ongles et des cheveux.
 Cela a été dit selon la sentence de Driedon.  Car, selon l’autre sentence, que nous venons tout juste de considérer plus vraie,  il faudra répondre que les Juifs, les Turcs, les païens et les hérétiques manifestes qui feignent d’être chrétiens et catholiques, ne sont de l’église que selon son apparence externe, ou d’une façon putative, mais pas véritablement.  Et il ne s’ensuit pas que l’église devienne invisible.  Car, même s’il arrivait qu’il soit nécessaire de savoir si, oui ou non,  des hommes de cette sorte sont des membres de l’église catholique,  on pourra les forcer à montrer leur admission à l’église, c’est-à-dire ou qu’ils ont été baptisés, ou réconciliés, toutes des choses qui sont visibles et accessibles aux sens externes.  L’autre raison porte sur la foi, et les autres vertus internes qui sont requises dans tous les membres de l’église. Ces membres font une église purement invisible, et connue par Dieu seul, comme Petrus a Solo a eu raison de l’objecter aux brentiens.
                                                         CHAPITRE 11
 On propose une autre controverse.  L’église est-elle toujours visible,  peut-elle errer ?
 Nous avons expliqué ce qu’est l’église.  Nous allons dire maintenant quelle elle est.  La dissension entre nous et les hérétiques consiste en trois choses.   La première.    Ils disent que la vraie église est invisible et connue de Dieu seul.  Frederic Staphylus  nous explique (dans sa première apologie, part 3) que les luthériens avaient fait, au début, l’église invisible, mais que, quand ils virent les conséquences absurdes qui en résulteraient, ils ont statué dans un concile secret qu’il fallait dire que l’église était visible, mais de façon telle qu’elle soit visible de nom, et invisible réellement.  Et d’abord,   Luther, dans son livre sur le serf arbitre,  répondit à Érasme qui lui opposait qu’il n’est pas croyable que Dieu ait abandonné si longtemps son église,  que Dieu n’avais jamais déserté son église;  que ce n’était pas la vraie église celle qu’on appelait communément église c’est-à-dire le pape, les évêques, les clercs et les moines, et la grande multitude des catholiques; mais que la vraie église était certains hommes pieux que Dieu conservait comme des reliques.  Et il est toujours arrivé dans le monde que la vraie église n’était pas celle qu’on disait être la vraie église, mais seulement quelques homes pieux.  Et (dans son livre contre Carharin), il dit que l’église est spirituelle, et qu’elle n’est perceptible que par la foi.  Dans son livre sur l’abrogation de la messe (partie 1), le même Luther parle ainsi : « Qui nous montrera l’église puisqu’elle est cachée dans l’Esprit, et qu’on  ne peut que croire ?  Comme quand on dit je crois en l’église sainte.
 Les magdebourgeois (centurie 1, livre 1, chapitre 4, colonne 170),  définissent l’église une assemblée visible.  Cependant, à la colonne 171, ils distinguent deux églises, et à la colonne 178, ils ajoutent que la véritable église est la plupart du temps un groupe restreint, et que la fausse est très achalandée, car  à la vraie, seuls participent  ceux qui entrent pas la porte étroite, c’est-à-dire ceux qui sont vraiment pieux, et que, par conséquent, l’église est invisible.  À la colonne 181, ils disent que, au temps du Christ, il y a eu, dans la vraie église, les pasteurs, les mages, Zacharie, Siméon, Marie, Anne, mais non les pontifes et les prêtres, car les premiers étaient pieux, et les autres, impies.  Philippe Mélanchton (dans les lieux, au lieu 12 qui est de l’église), il répète plusieurs fois que l’église est visible, mais il dit, cependant, au même endroit, que, dans les controverses, il faut soutenir que le verbe de Dieu est auprès de la confession de la vraie église; que cette vraie église n’est ni le pape, ni les évêques, ni la majorité du concile, mais quelques hommes pieux et élus, illuminés par Dieu.   Au même endroit, il dit que, au temps d’Élie, la vraie église était Élie, Élisée, et le petit groupe de ceux qui les suivaient, mais non la multitude des Juifs restante; et que, au temps du Christ,  l’église a été Siméon, Zacharie, les pasteurs, parce qu’ils étaient pieux.
 Brentius, (dans la confession de Vittemberg, chapitre sur les conciles), dit que l’église de Dieu a la promesse, mais qu’il ne faut pas s’en tenir aux jugements des conciles, parce que les élus y sont peu nombreux, et parce que souvent la plus grande partie l’emporte sur la meilleure.  Et, dans les prolégomènes : « Vois (en parlant à Petrus a Soro) ce qui fait l’église visible et perceptible aux sens.  Il faudra donc effacer cet article du symbole apostolique : je crois en l’église catholique sainte, et le reformuler ainsi : je vois et je sens l’église catholique. »  De même Calvin (livre 4, c.1 , verset 7 des institutions) : « Les saintes lettres parlent de l’église de deux façons.  Car, de temps en temps, quand ils se remémorent l’église, ils pensent à celle qui est vraiment devant Dieu. »  Et plus bas, parlant d’elle, il dit : « Il est nécessaire que nous croyions que l’église invisible n’est perceptible qu’aux yeux du seul  Dieu. »  Et, au verset 3 : « Du reste, pour percevoir l’unité de l’église, il n’est nul besoin de l’apercevoir avec les yeux de notre corps, ou de la palper avec nos mains. »
 En second lieu, ils enseignent que  l’église visible a erré dans la foi  et les mœurs au point d’être presque totalement détruite.  C’est ce que dit Calvin, dans la préface de ses institutions. « Il ne dévient pas peu du vrai quand ils ne reconnaissent, en fait d’église, que celle  qu’ils voient avec leurs yeux de maintenant. »  Et, plus bas : « Ils frémissent  à moins que l’église ne leur soit montrée du bout du doigt. »  Et plus bas : « Pourquoi ne pas plutôt permettre à Dieu, puisqu’il est le seul à savoir quels sont les siens,  d’enlever de la vue des hommes,  la connaissance extérieure de son église ? »  Ils enseignent en troisième lieu, que la vraie église, c’est-à-dire, l’invisible, ne peut ni dévier ni errer dans les choses qui sont nécessaires au salut, mais qu’elle peut errer dans le reste.  C’est ce qu’enseigne Calvin (livre 4, chapitre 8, verset 13, des institutions, et ailleurs. »  Nous autres, nous affirmons le contraire, et nous le prouverons par des arguments appropriés.
                                                                      CHAPITRE 12
                                                                 L’église est visible
 Que l’église est visible, on le prouve par toutes les Écritures.  Vous aussi vous avez trouvé le nom de l’église, et toujours par le nom de l’église, une assemblée visible est signifiée.  Et Calvin n’a pas pu et ne pourra jamais citer un seul texte où ce nom soit donné à une congrégation invisible.   Quand on dit dans Nombres 20 : « Pourquoi avez-vous fait sortir l’église dans le désert ? », il est certain que le mot église signifie ici ce peuple d’Israël très connu qui était sorti d’Égypte.  Même chose 3 rois 8, c’est manifestement de l’église visible que parle l’Écriture, quand elle dit : « Le roi tourna sa face et bénit toute l’église d’Israël, tandis que toute l’église d’Israël se tenait debout. »  Matthieu 16 : « Sur cette pierre, je bâtirai mon église. »  Que par le mot pierre on entende le Christ ou la confession de foi, comme le veulent les hérétiques,  ou Pierre, comme nous le croyons, nous,  le fondement d’un édifice est toujours quelque chose de sensible, et l’église est donc sensible, ou visible.  Car, même si, maintenant, nous ne voyons ni le Christ ni  Pierre, l’un et l’autre s’est autrefois offert à la vue, et chacun des deux est vu, aujourd’hui,  non en lui-même, mais en son vicaire ou son successeur.  Exemple.  Le roi de Naples n’est pas invisible même s’il est éloigné, car il est vu dans son pro roi.  Matthieu 18 : « Dites-le à l’église.  S’il n’écoute pas l’église, etc. »
 Il est sur que ni l’un ni l’autre ne pourrait être conservé si l’église était invisible (actes des apôtres 28) : « Prenez grand soin du troupeau universel, dans lequel l’Esprit Saint vous a placés en tant qu’évêques pour régir l’église du Christ. »  Comment auraient-ils pu régir une église qu’ils ne connaissaient pas ?  Actes 15 : «  Mis à part par l’église, ils parcouraient la Phénicie. »  Et, au même endroit : « Quand ils arrivèrent à Jérusalem, ils furent reçus par l’église. »  Et, au chapitre 18 : « Pierre monta et salua l’église. »  Comment ces textes pourraient-ils convenir à une église invisible ?  Saint Paul (1 Col 15, Galat 1,Philip 3)  dit qu’il a persécuté l’église du Christ, (actes ,chapitre 9).  Ensuite (1 Timothée 3) : « Je t’écris ces choses, fils Timothée,  pour que tu saches comment tu dois te comporter dans la maison de Dieu, qui est l’église du Dieu vivant. »  Et pour le faire, il devait savoir ce qu’elle était.  En second lieu, on le prouve par d’autres textes bibliques,  où l’église n’est pas nommée explicitement, mais seulement décrite.   Psaume 18 : « Il a placé son tabernacle dans le soleil. »  Selon saint Augustin (traité 2 sur l’épitre de saint Jean,), c’’est au grand jour qu’il a placé son église, car comme le soleil ne peut pas se cacher, l’église ne peut pas être cachée. De même, dans Isaïe (2), Daniel 2) et Michée (4), l’église est comparée à une montagne haute et imposante, qui ne peut en aucune façon se dissimuler.  Voir le commentaire qu’en donnent saint Jérôme et saint Augustin dans le traité un de l’épitre de saint Jean.  De même, dans Matthieu 5 : « Une ville construite sur une montagne ne peut pas être cachée. »  Saint Augustin (dans le livre sur l’unité de l’église, chapitre 14 et ailleurs) applique souvent cette image à l’église.  Ensuite, les paraboles du terrain, du filet, du troupeau montrent toutes que la vraie église, qui est le royaume des cieux, est visible.
 On le prouve, ensuite, par la naissance et la croissance de l’église.  Car, sans parler de l’ancien testament où  l’église était si visible que l’on portait dans sa chair le signe visible de la circoncision,  il est certain que, dans le nouveau testament,  l’église chrétienne était, au  début, tout entière dans les apôtres et dans les disciples du Christ,  qui étaient visibles au point où l’Esprit saint a pu descendre sur eux  le jour de la pentecôte.  Ensuite, à ceux-ci se sont adjoints visiblement, en un seul jour, trois mille hommes, et de nouveau cinq mille hommes, par la confession de la foi et le baptême, comme on le voit dans les actes (1, 2, 3, 4), et, par la suite, seuls furent comptés parmi les membres de l’église ceux qui, par le baptême et la  profession de foi, rejoignirent les premiers, ceux qui ne se sont pas éloignés par le schisme ou l’hérésie, ou qui  ne furent pas expulsés par l’excommunication.   Quatrièmement, on le prouve par la nature elle-même de l’église.  L’Église n’est pas une société d’anges ou d’animaux, mais d’hommes.  On ne peut pas parler de société d’homme à moins qu’elle ne se manifeste par des signes externes et visibles.  Car il n’y pas d’association à moins que ne se reconnaissent ceux qui se disent associés. Et ils ne peuvent se connaitre que si les liens de la société sont visibles et externes.   Et on le confirme par la façon de faire de toutes les sociétés humaines, car ce n’est que par des signes visibles que les hommes s’inscrivent à ces sociétés.  Voilà pourquoi saint Augustin dit contre Faust, chapitre 11 : « Les hommes ne peuvent s’associer sous aucun nom religieux, vrai ou faux, sans signe quelconque ou sacrement visible. »
 Cinquièmement.   Au temps du Christ, comme le veulent Philippe et Illyricus, l’église n’était que dans Zacharie, Siméon, Anne et Marie, et dans autres personnes pieuses, mais non dans les pontifes, ou la multitude des Juifs. Or, il appert que Zacharie, Siméon et les autres communiaient avec les pontifes dans le temple et les sacrifices (Anne ne sortait pas du temple; Marie allait à toutes les années au temple.  Le Christ lui-même envoyait les lépreux guéris aux prêtres,  et ils disaient : faites ce qu’ils disent.  Ou ils faisaient mal, eux, en communiant avec une fausse église, ou les luthériens agissent mal en ne communiant pas avec nous, en n’obéissant pas au souverain pontife.  Sixièmement.   On le prouve pas la nécessité.  Car nous sommes tous tenus, sous peine de mort éternelle de nous adjoindre à la vraie église, et d’y persévérer, c’est-à-dire d’obéir à sa tête, et de communiquer avec les autres membres. (Cyprien, la simplicité des prélats, saint Augustin, livre 4 du baptême, chapitre 1). Mais on ne peut pas faire cela si l’église est invisible.  Septièmement.  À partir de ce que nous avons dit dans une question précédente.  Si l’église est une congrégation d’hommes qui se servent de sacrements, et qui professent la foi du Christ, sous la conduite de pasteurs légitimes, il s’ensuit nécessairement qu’elle est invisible.  Et pour finir, les témoignages des anciens.  Origène (homélie 30 sur Matthieu) : « L’église est pleine d’éclairs de l’orient à l’occident ».  Saint Cyprien (livre sur l’unité de l’église) : « L’église, perfectionnée par la lumière du Seigneur, répand ses rayons sur toute la terre. »  Saint Jean Chrysostome (homélie 4, chapitre 6 d’Isaïe) : « Il est plus facile au soleil de s’éteindre qu’à l’église de s’obscurcir. »  Saint Augustin (livre 3, chapitre 5, contre l’épitre de Parmenius) : « Il n’y a pas d’autre assurance de l’unité que les promesses du Dieu qui déclare qu’une maison établie sur le sommet d’une montagne ne peut pas être cachée. »  Traité 1 sur la lettre de saint Jean : « Offensons-nous l’église en la montrant du doigt ? N’est-elle pas perceptible par tous ? »  Et, au traité 2 : « Que dire de plus aux aveugles qui ne voient pas une montagne si haute ?  Qui devant une chandelle posée sur un candélabre,  ferment les yeux ? »
                                                      CHAPITRE 13
                              L’église visible ne peut pas faire défaut
 Qu’une vraie église visible ne puisse pas faire défaut, on peut facilement le prouver. Il est à noter que plusieurs des nôtres ne prennent pas le temps de prouver que l’église ne peut absolument pas faire défaut.  Car, Calvin  et les autres hérétiques l’admettent cela, même s’ils disent qu’il faut l’entendre de l’église invisible.  Nous voulons donc prouver que l’église visible ne peut pas faire défaut.  Par le mot église nous n’entendons pas un ou l’autre des chrétiens, mais la multitude unie des chrétiens, dans laquelle sont  les prélats, et leurs sujets.
 On le montre cela, d’abord, par les écritures, où l’on parle explicitement de l’église.  Matth 16 : « Sur cette pierre j’édifierai mon église, et les portes de l’enfer ne prévaudront point contre elle. »  Saint Paul dit quelque chose de semblable (1 Timothée 3) : « Pour que tu saches comment te comporter dans la maison de Dieu, qui est l’église du Dieu vivant, la colonne et le firmament de la vérité. »  Dans les deux passages, il s’agit de l’église visible, comme nous l’avons montré, et, cependant c’est la vérité elle-même que nous avons entendue affirmer que les portes de l’enfer ne prévaudront point contre l’église. »  En second lieu, à partir d’autres passages,  où la promesse est clairement exprimée,  mais sans le mot église. Matthieu (dernier chapitre) : « Je suis avec vous jusqu’à la consommation du siècle. »  Ces paroles sont dites à l’église visible,  les apôtres et les autres disciples, ceux à qui il a parlé le jour de son ascension.  Mais comme ces hommes ne sont pas demeurés dans leurs corps jusqu’à la fin du monde, il est nécessaire que cette promesse ait été faite aussi à leurs successeurs.  C’est de la durée perpétuelle de l’église qu’entend ce passage saint Léon (épitre 31 à Pulchérie Auguste, et dans l’épitre à Constantin Auguste.)   De plus, saint Paul (Ephes 4) : « Lui-même en a fait quelques-uns apôtres, d’autres prophètes, d’autres évangélistes, pasteurs, docteurs,  pour le perfectionnement des saints dans le travail du ministère,  pour l’édification du corps du Christ, jusqu’à ce que nous accourrions tous  dans l’unité de la foi, et de la connaissance du Fils de Dieu, jusqu’à la taille de l’homme parfait, et à la mesure de l’âge de la plénitude du Christ. »   L’Apôtre enseigne là que demeureront dans l’église ces ministères de pasteurs et de docteurs,  la construction continuelle du corps du Christ, et donc une église visible, jusqu’au jour du jugement.  Car, s’il n’y avait que la seule église invisible, on ne trouverait pas ces ministères,  qui ne peuvent être exercés que si les pasteurs et les  agneaux se connaissent.  Et il faut noter que même si certains pères de l’église voient dans ce passage la mesure spirituelle du corps mystique, et certains plus récents la mesure corporelle des corps bienheureux (qui disent qu’ils seront de la taille qu’ils avaient à l’âge parfait ), tous entendent ce passage des derniers temps, quand sera complété le nombre des élus.  Voir Saint Autustin (livre 22, chapitres 15, 17, 18 de la cité de Dieu) où il touche à l’une et l’autre des explications.
 De plus, au psaume 47 : « Dieu l’a fondée pour l’éternité. » C’est-à-dire son église qui est sa cité, comme l’explique saint Augustin, et comme la chose elle-même le proclame.  Car tout le psaume porte sur la fondation de l’église chrétienne, en tant que connue, une cité visible, car elle commence ainsi : « Grand est le Seigneur et digne de louanges, dans la cité de notre Dieu, dans son saint mont : elle est fondée dans l’exultation de toute la terre. »  Et, de nouveau, en Isaïe, 61.  Que ce chapitre s’entend de l’église du nouveau testament le Christ l’a enseigné (Luc 4) quand il le cita dans la synagogue, et appliqua à sa venue le commencement de ce chapitre : « L’Esprit du Seigneur est sur moi. »  Le voici : « Je ferai avec eux une alliance perpétuelle, et on connaitra parmi les Gentils leur semence, et leur germe au milieu des peuples.  Tous ceux qui les verront les connaitront,  car ce sont eux qui sont la semence  qu’a bénie le Seigneur. »  Ce texte parle si clairement qu’il n’a pas besoin d’explication.  Car, comment sera invisible l’assemblée de laquelle il est dit : « Tous ceux qui les verront les connaitront, car ils sont la semence que le Seigneur a bénie. »
 Se présentent, en troisième lieu, des témoignages tirés de paraboles, qui, de l’avis de tous, signifient l’église.  Car, l’aire où se trouvent le grain et la paille,  le filet dans lequel sont les bons et les mauvais poissons,  le champ où se trouvent le froment et la  zizanie,  le festin où sont attablés les bons et les mauvais convives, et le bercail où se trouvent les brebis et les béliers,  signifient l’église visible, comme les hérétiques eux-mêmes le reconnaissent.  Car l’église invisible n’a pas de bons et de mauvais, mais seulement des bons, selon leur opinion.  Et ces mêmes paraboles enseignent que l’église visible ne périra jamais jusqu’au jour du jugement.  Car, en Matthieu 3, on lit : « Il nettoiera son aire, il ramassera le froment dans son fenil,  et les pailles, il les brulera dans un feu inextinguible. », ce qui ne peut arriver avant le jour du jugement.  Et (Matth 13) il est dit : « Laissez-les croitre tous deux jusqu’à la moisson. »  Et plus bas : « La moisson c’est la consommation des siècles. »  Et plus bas : « C’est ce qui arrivera à la consommation des siècle :  les anges sortiront et sépareront les mauvais du milieu des justes. »  Quatrièmement, on le prouve pas les textes de l’écriture qui parlent du royaume du Christ.  Le psaume 88 : « Son trône est comme le soleil devant mon regard, et comme la lune éternellement parfaite, et un témoin fidèle dans le ciel. » Au même endroit : « Et je placerai dans les siècles des siècles sa semence, et son trône comme un jour céleste. »   Daniel 2 : « Dans les jours de ces règnes. Dieu suscitera un royaume du ciel qui ne disparaitra jamais pendant toute l’éternité.  Et son royaume ne sera pas livré à un autre peuple. »  Et Luc 1 : « Et son règne n’aura pas de fin. »  On ne peut entendre ces textes que d’une vraie visible église du Christ qui ne passera jamais.  Car la vraie église est surement le royaume de Dieu.  Et on ne peut pas appeler église quelques hommes occultes, dispersés ici et là,  séparés les uns des autres, et qui ne se connaissent pas, comme est l’église invisible de  Luther.  Car, un royaume  est une multitude d’hommes rassemblés qui se connaissent les uns les autres.  De plus, dans le psaume 88 où il est question du règne éternel du Christ, on dit aussi qu’en  lui il y a des bons et des mauvais, et que, en conséquence, l’église est visible : « Si ses fils l’abandonnent,  ne gardent pas ma  loi et mes jugements, je les visiterai avec la verge de leurs  iniquités, et avec des coups de fouet leurs péchés.  Mais je n’éloignerai pas d’eux ma miséricorde. »  Ce passage saint Cyprien l’applique aux châtiments que l’église impose aux apostats.   Et aussi le chapitre 2 de Daniel où il est dit que le royaume du Christ est perpétuel, nous lisons aussi  que son royaume est une haute montagne,  qui remplit toute la terre, qu’Isaïe (chapitre 2)  et Michée (chapitre 4) ont appelé un mont manifeste, selon les septante.
 Cinquièmement, on le prouve par les témoignages des anciens. C’est ce qu’affirment Origène et saint Jean Chrysostome, aux lieux cités, mais plus clairement saint Augustin et saint Bernard.  Saint Augustin (préface, 101 débat 2), disputant contre les donatistes qui prétendaient que toute l’église visible avait péri, et était demeurée dans les seuls justes de l’Afrique, leur répondit : « Mais cette église qui fut celle de toutes les nations,  n’est plus et a péri, disent ceux qui ne sont plus en elle. O parole impudente !  Elle n’est pas parce que tu n’es pas dedans ? Vois à ce que ce ne soit pas pour cela que tu n’y es pas,   car elle sera, même si tu n’y es pas. »   Et plus bas, il fait parler l’église ainsi : « Combien de temps serai-je dans ce siècle ! Annonce-le-moi à cause de ceux qui disent qu’elle a été et qu’elle n’est plus.  Elle a apostasié et a péri chez toutes les nations. Elle me l’a annoncé, et ne fut pas vaine cette voix.  Qui me l’annoncera si ce n’est la Voie elle-même ?  Quand l’a-t-elle annoncé ?  « Je serai avec vous jusqu’à la consommation du siècle. »   Il dit des choses semblables dans son commentaire du psaume 147, et dans son livre sur l’unité de l’église, chapitres 13 et 20, et ailleurs.
 On ne peut pas répondre que saint Augustin parle de l’église invisible, car elle n’a pas péri et ne périra pas, comme l’admettent les donatistes eux-mêmes, car ils s’appliquaient à eux-mêmes ces mots du Seigneur Jésus : « Je serai avec vous jusqu’à la consommation du siècle. », comme saint Augustin le rapporte dans le lieu cité au psaume 101.   Saint Bernard (sermon 79 sur le cantique des cantiques) : « Il en est ainsi.  Alors et jusqu’à aujourd’hui n’ont pas fait défaut les chrétiens, ni la foi de la terre, ni la charité de l’église.  Les inondations, les ouragans sont venus et ils se sont rués sur elle avec impétuosité, mais elle n’a pas tombé, parce qu’elle est fondée sur la pierre, la pierre qui était le Christ.  C’est pourquoi ni les discours des philosophes, ni les insinuations perfides des hérétiques, ni les glaives des persécuteurs,  n’ont pu ni ne pourront la séparer de la charité du Christ. »  On ne peut pas entendre cela non plus de l’église invisible.  Car les glaives des tyrans ne peuvent pas la persécuter, ni la verbosité des philosophes, ni les subtilités des hérétiques.  L’église visible ne fera donc jamais défaut.  Que se présente Vincent de Lérins qui, dans son avertissement, reprend comme une grave erreur la sentence de Nestorius qui disait que « toute l’église s’était trompée dans le mystère de l’incarnation, parce qu’elle avait suivi des maîtres aveugles »
On le prouve, enfin, par la raison naturelle.  S’il ne restait dans le monde qu’une église invisible,   deviendrait aussi impossible le salut pour ceux-là qui se trouvent en dehors de l’église.  Car, ils ne peuvent être sauvés que s’ils entrent dans l’église, comme au temps de Noé, périssaient ceux qui n’allaient pas s’abriter dans l’arche.  Or, on ne peut pas entrer dans une église qu’on ne connait pas.  Ils n’ont donc aucun remède.   De plus,  c’est de la nature d’une vraie  église qu’elle soit visible.  Si donc l’église visible périt, il n’en restera plus d’autre.   Que dire d’autre ?   Ces hommes occultes qui constituent l’église invisible professent ouvertement la vraie foi et s’abstiennent du culte des idoles ou non ?  S’ils professent la foi, l’église n’est donc pas invisible, mais tout à fait visible, comme elle était au temps des martyrs.  S’ils ne professent pas la foi, il n’y a pas d’église, car il n’y a pas d’église vraie, dans laquelle ceux qui s’y trouvent ne sont pas bons, mais sont sauvés quant même.   Ils ne sont pas bons et ne sont pas sauvés ceux qui ne confessent pas la foi; qui y sont présents de cœur, mais qui, à l’extérieur, professent la perfidie et l’idolâtrie, comme le dit saint Paul aux Romains (10) : « Quand on croit de cœur pour être justifié, la confession orale apporte le salut. »  Et Matt 10 : « Celui qui me reniera devant les hommes, je le renierait devant mon père. »  Ce sont donc des propos contradictoires qui affirment en même temps que l’église existe,  et qu’elle manque de forme visible, à moins qu’on ne la place en dehors du monde, là où il n’a jamais été nécessaire de professer la foi.
                                                                 CHAPITRE 14
                                                     L’Église ne peut pas errer
Il nous reste à prouver que l’église ne peut pas errer du tout.   Il faut d’abord expliquer les sentences des adversaires et la nôtre.  Cette proposition de Calvin : l’église ne peut pas errer, est vraie si on la comprend en faisant deux restrictions.  La première. Si l’église ne propose pas de dogmes en dehors de l’Écriture, par exemple, si elle rejette les traditions orales et ne présente comme objet de foi que ce qui se trouve dans l’Écriture.  Il répond que l’église propose toujours fidèlement ce qui se trouve dans les  Écritures, dans les choses nécessaires au salut, mais pas dans les autres, et par conséquent, demeurent toujours dans l’église, certains nuages d’erreur.  La seconde restriction est la suivante. Si on n’étend pas  l’inerrance de l’église aux évêques qui sont les représentants de l’église, comme le disent les nôtres.  Car chaque évêque tient la place de son église particulière, ce que font tous les évêques.  C’est ce qu’enseigne Calvin (livre 4, chapitre 8, versets 11-15 de son institution majeure; et chapitre 8, versets 146, 148, 149, 150  de l’institution mineure.)  À cet endroit, il explique notre doctrine d’une façon mensongère et frauduleuse,  en nous faisant dire que l’église ne peut pas errer, qu’elle se serve de la parole de Dieu ou pas.  Car, il n’est pas sans ignorer que nous ne parlons pas de la parole de Dieu tout court, mais seulement de celle qui se trouve dans l’Écriture, et que nous disons que l’église ne peut pas errer soit qu’elle explique ce qui se trouve dans l’Écriture, soit qu’elle définisse des dogmes en dehors de l’Écriture.    Notre sentence est donc que l’égalise ne peut pas du tout errer, ni dans les choses absolument nécessaires, ni dans les autre qu’elle nous présente comme devant être crues ou mises en pratique,  qu’elles soient dans l’Écriture ou pas.   Quand nous disons que l’Église ne peut pas errer, nous l’entendons autant de l’universalité des fidèles que de l’universalité des évêques, de sorte que le sens de cette proposition est que ce que tous les fidèles considèrent comme de foi  est nécessairement vrai et de foi.  Et, semblablement, ce qu’enseignent tous les évêques  comme faisant partie de la foi, est nécessairement vrai et de foi.
Après ces explications,  prouvons cette vérité.   L’église universelle, en tant qu’elle contient tous les fidèles, comme le dit saint Paul (1 Tim 3) : « L’église de Dieu est une colonne et un firmament de la vérité. »  Calvin répond que l’église s’appelle une colonne et un firmament de vérité parce qu’elle conserve, comme un gardien très fidèle, la prédication de la parole de Dieu écrite,  et non parce qu’elle ne peut errer en rien.  Mais, au contraire, c’est de cette façon que les librairies sont des colonnes de vérité, celles qui conservent avec soin les écritures.  Mais, dans ce passage, l’apôtre ne pensait pas aux Écritures, mais disait tout simplement  qu’elle est une colonne et un firmament de vérité.  De plus, être une colonne est plus important qu’être un simple gardien, car c’est sur une colonne que s’appuie une maison, et si on l’enlève, la maison s’écroule.  Quand l’apôtre appelle l’église une colonne de vérité, il veut signifier que, pour nous, la vérité de la foi s’appuie sur l’autorité de l’Église; qu’est vrai ce que l’église approuve, et faux ce qu’elle réprouve.
 Ajoutons que l’église a été aussi une colonne quand n’existaient pas les Écritures.  D’où il suit qu’on ne dit pas colonne à cause de la garde des Écritures.  De plus, s’il est question de garde, saint Paul préfère comparer l’église à une arche plutôt qu’à une colonne.  Ensuite, en second lieu, l’Église est gouvernée par le Christ,  comme sa tête et son époux, et par l’Esprit-Saint, comme par son âme, comme on le voit dans Éphésiens (4) : « Un corps, et un Esprit. »  Et aux Éphésiens 5 : « L’homme est la tête de la femme, comme le Christ est la tête de l’Église. »  Donc, si l’Église errait dans les dogmes de la foi et des mœurs, il faudrait attribuer cette erreur au Christ et à son Esprit.  Voilà pourquoi  Jésus dit en saint Jean dit (16) : « L’Esprit de vérité vous enseignera toute vérité. »  Calvin répond que le Christ et l’Esprit Saint enseignent à l’église toute vérité absolument nécessaire, mais qu’il laisse toujours un certain flou.  Il ne suit pas de cela qu’il faille attribuer l’erreur au Christ ou à l’Esprit Saint, comme on ne leur attribue pas l’ignorance qui est certainement dans l’Église.  Je réponds.   Comme l’homme qui est la tête de la femme, n’est pas tenu d’enlever à son épouse toute forme d’ignorance, mais il est tenu d’enlever toute erreur de laquelle résulterait un grand mal, même si la femme aurait l’ignorance pour excuse.   De la même façon, le Christ est tenu à enlever de son église toute erreur qui engendrerait un grand mal, une erreur dans les choses de la foi.   Car, ce serait un grand malheur et un grand mal que l’église rende un culte à Dieu avec une fausse foi, puisque le culte divin consiste principalement dans la foi, l’espérance et la charité, comme saint Augustin l’enseigne dans l’enchiridion.
Troisièmement, nous sommes obligés sous peine d’anathème,  de croire tout ce que l’Église enseigne, comme on le voit en Matth 18 : « S’il n’écoute pas l’Église, qu’il soit pour toi comme un païen ou un publicain. »   Tous les conciles disent anathème à ceux qui n’adhèrent pas aux décrets de l’Église.  Ce serait une grande iniquité d’obliger, sous peine grave, de croire à des choses incertaines ou fausses.  Calvin répond que la raison pour laquelle il a ordonné d’écouter l’église, c’est parce qu’il savait qu’elle n’enseignerait jamais rien qui se trouve en dehors de la parole de Dieu. Mais, au contraire, (en omettant les nombreuses choses que j’ai dites dans la dispute sur les traditions), la vraie église enseigne que l’épitre aux Romains est la parole de Dieu, que l’épitre aux Laodicéniens n’est pas la parole de Dieu.  Et il en est de même  des évangiles de Marc et de Nicodème.  Et on peut dire la même chose d’enseignements qui n’ont jamais été écrits.  Ce n’est donc pas vrai que l’église n’enseigne rien en dehors de la parole écrite.   Quatrièmement.  Que l’Église soit sainte, le symbole des apôtres l’enseigne.  Or, cette sainteté consiste proprement dans la profession des dogmes.   Donc, la profession chrétienne ne contient que ce qui est saint, c’est-à-dire vrai  par rapport à la doctrine de la foi, et juste, par rapport aux préceptes moraux.  C’est en cela surtout qu’elle excelle sur toutes les professions  des philosophes, des païens, des Juifs et des hérétiques.  Tous ont des dogmes faux mêlés aux vrais.
Cinquièmement.  Si la sentence de Calvin était vraie, la plus grande partie des dogmes de foi pourrait être remise en doute.  Car, il y a plusieurs choses de foi qui ne sont pas absolument nécessaires au salut.  C’est une bonne chose de croire que les histoires de l’Ancien Testament et les évangiles du nouveau, comme ceux de Marc et de Luc, sont des écrits canoniques, et même des écritures divines.  Mais, ce n’est pas absolument nécessaire au salut, car, sans cette foi, plusieurs ont été sauvés, avant que les Écritures n’aient été écrites, et même après, au temps du nouveau testament, plusieurs nations barbares, dont parle saint Irénée (livre 3, chapire 4).  C’est une chose absurde, et que Calvin n’admettrait pas,   qu’on puisse douter des Écritures.  Ce n’est donc pas vrai que l’Église ne puisse errer que dans les choses qui sont nécessaires au salut.
On le prouve enfin avec les Pères de l’église, qui, comme nous l’avons démontré dans la question du juge des controverses, réfèrent tout le monde à l’église dans toutes les questions de foi, ce qu’ils ne feraient certainement pas, s’ils pensaient qu’elle peut se tromper. Tertullien (livre de la prescription) : « Toutes les églises qui ont erré, le Saint-Esprit n’a regardé aucune d’entre elles. »  Saint Augustin ( 1 contre Cresconium, c. 33) : « La vérité des Écritures est tenue par nous  quand nous faisons ce qui a plu à l’église universelle,  que l’autorité des Écritures recommande, de façon à ce que comme la sainte Écriture ne peut pas errer, tout homme qui craint de faillir à cause de l’obscurité d’une question,  consulte l’église , que sans ambiguïté l’Écriture démontre. »   Et, dans l’épitre 118 : « Disputer contre ce que pense l’église universelle, c’est à ce qu’il dit, une infamie d’une grande insolence. »   Et même que l’église, dans ses représentants, ne puisse pas errer, on le prouve ainsi.   Si tous les évêques erraient, toute l’église errait, parce que le peuple est tenu de suivre ses pasteurs, comme l’a dit le Seigneur en Luc 10 : « Qui vous écoute m’écoute », et en matth 23 : « Faites ce qu’ils vous disent. »  On le prouve aussi par l’épitre du concile d’Éphèse à Nestorius, où est forcé Nestorius, s’il veut satisfaire à l’Église, de confirmer par serment qu’il pense ce que pensent là-dessus les évêques d’Orient et d’Occident.  Et même par saint Augustin qui, (dans le livre 1 du baptême, chapitre 18), donne à un décret d’un concile général le nom de consentement de l’église universelle.  Et, avec raison, car l’Église n’enseigne ou ne décerne quelque chose que par des pasteurs, comme chaque corps par sa tête.  Voilà pourquoi, même dans 3 Rois 8, toute l’église d’Israël est appelée congrégation de saints, et d’anciens.  Et saint Jean Chrysostome explique ainsi ce passage de saint Matth : « Dis-le à l’église, c’est-à-dire au prélat. »  Mais nous avons parlé de cela plus longuement  dans les chapitres sur les conciles.
                                                          CHAPITRE 15
                  On réfute les arguments des promoteurs de l’église invisible
Il nous reste à détruire les arguments de nos adversaires.  Voici par quels arguments ils prouvent que l’église est invisible.   Saint Jérôme 31 : « Je donnerai ma loi dans leurs cœurs, je serai Dieu pour eux,  et ils seront pour moi un peuple. »    Dieu distingue là l’église de l’ancien testament de celle du nouveau, la première étant une congrégation externe, et ayant, pour cela, des lois écrites sur des tables de pierre externes.  La seconde fut celle d’un peuple intérieur qui, à cause de cela, avait sa loi écrite dans son cœur.  On voit la même chose en Luc 17 : « Le royaume de Dieu ne vient pas avec ostentation; et ils ne diront pas : le voici, ou voici l’église.  Car, le royaume de Dieu est à l’intérieur de vous. » Et Jean 4 : « L’heure viendra, et elle est déjà là,  quand les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité. »   L’église du nouveau testament ne consiste donc pas  dans un signe extérieur, ni n’est liée par des lieux, et des cérémonies corporelles.
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Hébreux 12 : « Car vous n’avez accédé ni à une montagne escaladable, ni à un feu accessible, mais au mont Sion, et à la cité du Dieu vivant. »  Il compare ici à la synagogue du mont Sinaï, visible et tangible, à  l’Église du mon Sinaï spirituel.  De même 1 Pierre 2 : « Et ils sont, eux, comme des pierres vivantes d’une maison spirituelle, un sacerdoce saint, offrant des hosties spirituelles à Dieu. » Cette maison c’est l’église.  Enfin, l’existence de l’église est un article de foi.  On ne la voit donc pas, mais on y croit.
Je réponds à la première partie de l’objection. Jérémie ne compare pas l’église avec  la synagogue, mais le nouveau testament avec l’ancien.    Le nouveau testament est d’abord et avant tout la  charité, qui est une loi écrite dans le cœur; l’ancien testament a  été d’abord et avant tout une loi extérieure, ou une loi écrite sur la pierre.  Cela est vrai. Mais, il ne s’ensuit pas que l’Église du nouveau testament soit invisible.  Comme le corps de n’importe lequel animal est visible, mais a plusieurs organes à l’intérieur que nous ne voyons pas, comme le cœur, le foie, les esprits vitaux, de la même façon l’Église visible a plusieurs parties invisibles, comme la foi, l’espérance et la charité.  Et bien que ces parties invisibles soient nécessaires à l’église, et seulement à elle,  elles ne le sont pas dans toutes les parties.   C’est comme pour le sens.  Même s’il est nécessaire à l’animal, et seulement à l’animal,  il n’est cependant pas présent dans toutes les parties.
À la deuxième je dis que par royaume de dieu (en Luc 17), il faut entendre ou la grâce, par laquelle Dieu règne maintenant dans le cœur des hommes, comme l’explique Theophylactus,  ou le Christ lui-même, comme l’enseigne Bède le vénérable.    Car, le Christ parle, en ce passage, de ses deux avènements.   Les pharisiens lui avaient demandé : « Quand viendra le royaume de Dieu ? », c’est-à-dire le royaume du Messie.   Le Seigneur leur a répondu que le Messie était déjà venu, et qu’il viendra de nouveau au jour du jugement.  Au sujet du premier avènement, il dit : « Le royaume de Dieu ne vient pas avec ostentation,  car le royaume de Dieu est à l’intérieur de vous. »  Ce qui veut dire que le Messie est déjà venu, qu’il est présent.   Au sujet du second, il ajoute : « Et on vous dira : il est ici, il est là.  Ne sortez pas.  Car comme un éclair dans le ciel  sera l’avènement du fils de l’homme. »
 À la troisième partie, je dis qu’on enseigne là que le culte principal de l’église sera intérieur.   Mais  on ne peut pas  déduire de cela que l’église sera invisible, comme nous l’avons déjà dit.  Il ne s’ensuit pas non plus qu’il faille rejeter tout culte extérieur, et détruire les temples externes.  En ce passage, ce n’est pas tant du lieu de prière que parle le Seigneur  que de la façon de prier, et du rite.  Car, s’il avait voulu dire que les vrais adorateurs  n’adoreront Dieu ni à Jérusalem ni sur le mont Garizim,  il aurait dit une fausseté.  Car, il est avéré que, après avoir reçu le Saint-Esprit, Pierre et Jean sont montés au temple de Jérusalem à l’heure neuvième de la prière, comme on le lit dans les actes des apôtres, 3.   Il est avéré aussi qu’il y a toujours eu en Palestine des chrétiens qui ont adoré Dieu à Jérusalem et sur le mont Garizim,  et partout où cela leur convenait.  Le sens est donc que ce n’est ni sur ce mont, ni à Jérusalem que vous adorerez le Père, c’est-à-dire ni  dans le rite des samaritains, ni dans le rite des Juifs, mais dans le rite des Chrétiens.  Ce rite consiste à adorer le Père en esprit et en vérité.  Ce qu’on peut entendre de deux façons.
 Saint Jean Chrysostome, saint Cyrille et Euthymius  opposent le « en esprit » aux cérémonies des Juifs,  en tant qu’elles étaient corporelles.  Et le « en vérité » aux mêmes cérémonies en tant que figures et ombres des choses futures.  Théophylacte, saint Thomas et Cajetan opposent le « en esprit » au rituel des Juifs qui portait surtout sur des choses externes et corporelles; et le « en vérité » au rituel des samaritains, qui était faux et erroné.  Ils adoraient, eux,  simultanément le vrai Dieu et les faux Dieux.  Voilà pourquoi le Seigneur dit que le rite du peuple chrétien sera principalement spirituel, et en même vrai et pur de toute erreur, même si un rite spirituel n’exclut pas des cérémonies corporelles, dans la mesure où elles servent à promouvoir un culte spirituel.    À la quatrième, je dis avec saint Jean Chrysostome, saint Thomas, et Theophylactus et d’autres,  que par le mont spirituel et la cité du Dieu vivant l’Apôtre n’entend pas l’église militante, mais triomphante, qui est composée d’esprits bienheureux.  Car, il compare la synagogue avec l’Église, et il dit que les hommes de l’ancien testament ont accédé au mont Sinaï corporel,  ont vu Dieu en quelque façon, par des images corporelles; mais que les hommes du nouveau testament ne sont pas montés réellement, mais dans l’espérance, vers le mont Sion spirituel, c’est-à-dire à la gloire des bienheureux, où l’on voit Dieu face à face.  Voilà pourquoi on a ajouté : « Et le nombre de milliers d’anges, et les esprits des justes et des parfaits. »
À la cinquième, je réponds qu’on peut dire, de deux façons, que quelque chose est spirituel.  Une première, selon la substance, quand on parle (Éphèse 6)  d’esprits mauvais dans le ciel.  Une deuxième, selon l’ordination à l’Esprit, car on oriente quelque chose en direction de l’Esprit, ou l’esprit est dominé par cette chose.  C’est ainsi que Paul (1 Cor 2) parle d’homme spirituel, et (1 Cor 15), de corps spirituel.  Et, en 1 Pierre 2, sont appelées hosties spirituelles toutes les bonnes œuvres, les aumônes et les jeûnes.   Quand Pierre dit que l’église est une maison spirituelle,  il entend le mot dans le deuxième sens.  Car, il veut que l’église ne soit pas seulement une maison formée de bois et de pierres, mais d’hommes consacrés à  Dieu. À la sixième, on peut dire que dans le symbole, on ne trouve pas seulement je crois dans l’église, mais « dans la sainte église. »  Or, sans doute possible, la sainteté de l’Église est invisible.  Mais on s’exprimerait mieux en disant que, dans l’Église, il y a quelque chose que l’on voit, et quelque chose qui n’est perçu que par la foi.  Car, nous voyons l’assemblée des hommes qui est l’église, mais que cette assemblée soit la vraie église du Christ, nous ne le voyons pas, mais nous le croyons.  Car la vraie église du Christ est celle qui professe la foi du Christ.  Nous le croyons cela, d’une foi ferme et très certaine.  Mais autre est croire, autre est voir.  Bien plus, ce « croire » est défini par l’Apôtre un argument de choses non apparentes.
Pour mieux nous faire comprendre, il faut noter que toute sentence sur la foi nait soit de deux propositions de foi, et alors la conclusion est évidente, ou de l’une qui est de foi et d’une autre qui n’est qu’ évidente, et la conclusion est alors en partie évidente, et en partie non évidente.  Comme la conclusion suivante : Les hommes qui professent maintenant la foi, sous le pontife romain, sont l’église du Christ.  Car, cette conclusion provient du syllogisme : l’église du Christ est une assemblée d’hommes professant la foi du Christ, sous la conduite des pasteurs légitimes.  Or, ceux qui, maintenant, sont soumis au souverain pontife,  sont cette assemblée.  Donc, ils sont l’église du Christ.  Dans ce syllogisme, la majeure est de foi,  et donc non évidente; et la mineure est évidente, car nous n’avons rien mis dans la mineure qui ne soit pas perceptible par les yeux ou par les oreilles.  On est donc en droit de conclure que la conclusion est en partie évidente, et en partie non évidente.  Ensuite, la chose elle-même ou (pour parler comme les logiciens),  ce « non complexe » duquel est prédiquée la raison ou la définition, est quelque chose de visible.  Et le « complexe », ou la connexion du prédicat avec son sujet, n’est tenu que par la seule foi.  Il ne manque pas d’exemples qui illustrent cela.  Cet homme qui est le Christ, Fils de Dieu,  les apôtres le voyaient,  mais qu’il était le Christ, le Fils de Dieu, ils ne le voyaient pas, ils le croyaient.  Voilà pourquoi il a été dit à Thomas, en Jean 20 : « Tu crois parce que tu m’as vu. »  Et, dans le symbole, nous disons : « Je crois en un seul baptême », c’est-à-dire dans l’aspersion de l’eau, et l’expression des paroles.  Car, nous ne voyons pas, mais nous croyons que  cette aspersion et que cette formule sont le baptême du Christ, un sacrement.
                                                              CHAPITRE 16
On réfute les arguments dont se servent les adversaires pour prouver que l’église peut faire défaut.
Que l’Église peut faire défaut et qu’elle a déjà fait défaut, ils le prouvent par les arguments suivants.  D’abord, au commencement du monde, toute l’Église ne consistait que dans Adam et Ève.  Or, l’un et l’autre perdirent la foi, et renièrent Dieu, comme l’attestent la Genèse (3) et les pères de l’église, comme saint Ambroise (livre sur le paradis, chapitre 6),  saint Augustin (enchiridion, chapitre 45),  et Prospère (au livre de la grâce de Dieu, avant le milieu).  Deuxièmement.  Au temps de Moïse, toute l’église a apostasié.  Car, c’est le grand prêtre Aaron qui a proposé qu’on adore un veau; et c’est tout le peuple qui a crié : « Voici ton Dieu, Israël. » (Exode 32).  Troisièmement.  Au temps d’Élie, toute l’église visible est disparue.  Car (3 Rois 19),  Élie a dit : « Je suis resté seul.  Et le Seigneur lui a répondu : je m’en suis réservé sept mille en Israël qui n’ont pas fléchi le genou devant Baal »   Il ne fait aucun doute qu’ils étaient occultes puisque Élie ne les connaissait pas.   Quatrièmement, par Isaïe : « Le bœuf connait son maître, et l’âne la crèche de son Seigneur.  Mais Israël ne me connait pas.   De la plante des pieds jusqu'au sommet de la tête, il n’y a rien en eux de sain. »  Et Jérémie 2 : « Ils sont confus les hommes de la maison d’Israël, leurs rois, leurs princes, leurs prêtres, et leurs prophètes.  Ils disent au bois : tu es mon père.  Pourquoi voulez-vous entrer avec moi en procès ?  Tous, vous m’avez abandonné, dit le Seigneur. »  Et en paral 15 : « Ils passeront plusieurs jours, en Israël, sans le Dieu vrai, sans prêtre, sans docteur et sans loi. »
Cinquièmement,  il a été prédit que cette église visible cessera (Daniel 9) : « Manqueront l’hostie et le sacrifice. »   Saint Luc 18 : « Quand le Fils de l’homme viendra, penses-tu qu’il trouvera de la foi sur la terre ? »  Et (2 Thess 2) : « À moins que ne vienne l’apostasie d’abord, et ne soit révélé l’homme du péché. »  Voilà pourquoi Calvin pense qu’il a été dit ce que nous lisons dans Jérémie 7 : « Ne vous confiez pas dans les paroles des menteurs qui disent : le temple du Seigneur, le temple du Seigneur ».   Comme les anciens Juifs ne crurent pas aux prophètes qui prêchaient la désolation,  parce qu’ils avaient  le temple de Dieu et les cérémonies externes, de la même façon nous nous glorifions d’avoir des temples anciens, les successions d’évêques, la foi apostolique,  et,  pendant ce temps là, nous ne faisons pas attention aux Écritures qui nous prédisent ouvertement la désolation.
Sixièmement.  Le concile de Bâle déposa Eugène comme hérétique, et tous ses adhérents,  et élut Félix.   Et, à la fin du concile, ce même Eugène retourna au siège apostolique sans élection canonique. Et c’est de lui que sont nés toux ceux qui, par après, furent papes, cardinaux et évêques.   À partir de ce moment, au moins, l’église qui adhère au souverain pontife n’a pas  été la vraie église.  Comme  il n’y avait plus d’église visible, il s’ensuit forcément que l’église avait péri.  Dans son institution, Calvin place cet argument en dernier, comme étant très fort.  Et il ajoute ces paroles : « Il est nécessaire qu’ils soient ici pris en faute.  Qu’ils définissent donc une autre église, ou qu’ils soient tous considérés par nous comme schismatiques ! »  Septièmement.  Ils présentent des textes des pères de l’église, et d’abord, le livre de saint Hilaire contre Auxence, vers la fin : « L’amour des murs vous séduit vainement, vous vénérez l’église de Dieu dans des toits et dans des édifices,  vous inscrivez y le mot paix.  À moi sont plus surs les monts, et les cavernes. »  Il dit là qu’en son temps, la vraie église a été obscurcie au point où on ne pouvait la trouver que dans les antres et les cavernes.  Ensuite, saint Jérôme, dans son dialogue contre les lucifériens, dit, parlant de ce temps : « Toute la terre gémit, et s’est étonnée d’être devenue arienne. »  De même saint Basile (épitres 69 et 70).  Saint Bernard (sermon 3 sur les cantiques) déplore les vices des prélats de ce temps, montrant suffisamment que,  à cette époque, chacun avait suivi sa propre voie, et qu’il n’y avait plus d’église visible.  Ensuite, saint Jean Chrysostome (homélie 49 sur Matth) enseigne qu’il n’y a pas de signe visible qui fasse reconnaitre la véritable église, et qu’on ne peut que recourir à l’Écriture.
Je réponds à la première objection.  Si le péché de nos premiers parents signifie la disparition de l’église,  ce n’est pas seulement l’église visible qui a fait alors défaut, mais aussi l’église invisible,  ce qui est contre nos adversaires.   Je dis, ensuite, que l’église n’existait pas encore, que deux être humains ne formaient pas une église.  Ils ne furent que le début de l’église, un commencement aussi matériel que formel.   Car, Adam fut le principe de l’église matérielle, puisqu’ il fut le premier à en faire partie.   Il fut aussi un principe formel, parce qu’il fut tête, ou docteur ou recteur du peuple de Dieu, tant qu’il vécut.  Or, la tête ne peut pas errer en enseignant une fausse doctrine; mais, elle pouvait errer en vivant mal, et en pensant mal, en tant qu’homme privé.   Et c’est cela seulement que nous voyons  arrivé à Adam.  Car, s’il a mal vécu, s’il a  mal pensé de Dieu,  il n’a pas mal enseigné.   À la seconde, au sujet du péché d’Aaron et de tout le peuple, je dis qu’à ce moment, ni la tête ni le corps de l’église n’ont fait défaut.  Car, la tête n’était que Moïse, qui n’a surement pas erré.  Aaron n’était pas encore prêtre, et c’est près cela qu’il l’est devenu, comme nous le montre Exode 40.    Le corps, non plus, n’a pas fait défaut, car tous les lévites furent immunes de ce péché, comme on le voit dans  le chapitre 32, où Moïse dit : « Si quelqu’un est du Seigneur, qu’il se joigne à moi.  Et tous les fils de Lévi se sont réunis à lui. »   À la troisième, au temps d’Élie, je nie le conséquent et l’antécédent de cet argument.  La conséquence qu’on en tire, parce que le peuple des Juifs et le peuple des chrétiens ne sont pas du même ordre.  Le peuple des Juifs, en effet,  n’était pas une église universelle, comme l’est le peuple des chrétiens, mais particulière, et, pour cette raison, même en dehors de ce peuple se trouvaient  des fidèles et des justes, comme Melchisédech et Job, et ensuite le centurion Corneille,  et l’eunuque de la reine de Candie, et d’autres.   Donc, même si l’entière synagogue des Juifs avait cessé de vivre, l’église ne serait pas disparue pour autant sur toute la terre.  Mais on nie aussi l’antécédent, car on ne peut démontrer que la synagogue des Juifs ait jamais fait défaut au complet jusqu’à la venue du Christ.  Après quoi,  elle n’est pas tant disparue,  que changée en mieux.
Au sujet d’Élie, je dis qu’Élie ne parle pas de tout le peuple des Juifs, mais seulement de cette partie qui était soumise au roi de Samarie.  Car, on lit dans 3 Rois qu’au temps d’Élie, ont régné à Jérusalem d’excellents rois, Asa et Josaphat.  Il est évident que, sous ces rois, il y a eu à Jérusalem des prêtres et un peuple qui persévéraient dans la vraie religion.  Voilà pourquoi quand Yahvé dit : je me suis laissé sept mille vivants, il ajouta : en Israël.   On appelait alors Israël ceux qui étaient sous le roi de Samarie, comme on appelait Judas ceux qui étaient sous le roi de Jérusalem.   Il est donc clair que Philippe s’est trompé quand il affirme, dans les lieux communs, au mot église, qu’au temps d’Élie, l’église n’était que dans Élie, Élisée, et quelques prêtres.   Et c’est cette erreur qu’a suivie Calvin dans la préface de ses institutions, lui qui base son argumentation principalement sur cet exemple.  À la quatrième, répond saint Augustin (dans le livre sur l’unité de l’église, chapitre 12, et dans son livre contre les donatistes, après le débat, chapitre 10).  Il enseigne que les prophètes et les apôtres ont réprimandé tout le peuple, comme si tous étaient mauvais, alors que beaucoup étaient bons.  Et, inversement, ils consolent tout le monde, comme si tous étaient bons, alors que beaucoup étaient mauvais. En Ézéchiel 3, il est dit : « Toute la maison d’Israël est effrontée et dure de cœur. »  Et cependant, on lit au chapitre 9 : « Mets le signe du tau sur le front de ceux qui gémissent et s’attristent à cause de toutes les abominations qui se trouvent parmi eux. »  Et, aux Galates 3 : « O Galates insensés,  qui vous a fascinés pour vous faire désobéir à la vérité ? »  Et, pourtant, au chapitre 6, il dit : « Frères, même si un homme est angoissé par un délit, vous qui êtes spirituels, instruisez-le dans un esprit de douceur. »  Et au texte des Paralipomènes,  je réponds d’abord qu’il n’est question là que du royaume d’Israël,  non du royaume de Judas.   Et ensuite, que l’Écriture parle peut-être  de ce qui arrivera après la venue du Messie, car, maintenant ils passent les jours sans Dieu, sans prêtre, sans loi.
 À la cinquième, je dis que nous ne nous glorifions pas dans les temples, dans la succession des apôtres et dans le siège apostolique à cause de qu’ils sont en eux-mêmes, mais à cause de la promesse du Christ : « Tu  es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon église. »  Cette promesse, les Juifs ne l’ont jamais eue.  Ce n’est pas vrai, non plus, que, à quelque part dans les Écritures, ait été prédite la ruine de l’église,  mais plutôt le contraire.   Et, au sujet du texte de Daniel, même si saint Hilaire (canon 25 dans Matthieu), Hyppolite,  et Apollinaire (selon saint Jérôme, chapitre 9 de Daniel) appliquent cette prophétie au temps de l’antichrist,  il n’en est pas moins certain qu’ils se sont trompés.  Car Daniel parle clairement de la destruction de Jérusalem, et de la cessation du sacrifice des Juifs.  Et c’est ainsi que l’expliquent saint Jean Chrysostome, Theophylacte, saint Jérôme dans leurs commentaires du chapitre 24 de Matthieu.  Saint Augustin (épitre 80 à Ésichius) et Eusèbe (livre 8 de la démonstration évangélique, chapitre 2), Clément d’Alexandrie, (livre 1 des Stromates), Tertullien (livre contre les Juifs, chapitre 5, et ailleurs,)  et la commune opinion des Hébreux, ainsi que Julius Africanus, selon saint Jérôme, au chapitre 9 de Daniel. »
 C’est cette solution que les hérétiques sont forcés d’admettre, car ne disent-ils pas que l’époque d’aujourd’hui est celle de l’antichrist, et qu’elle l’a été de plusieurs siècles, et que, cependant, n’ont pas cessés l’hostie et le sacrifice ?   S’ils sont logiques avec eux-mêmes, ils doivent donc entendre ce passage de Daniel non du temps de l’antichrist, mais de la destruction de Jérusalem, ce qu’on peut facilement déduire de l’évangile.   Car, on lit en Matth (chapitre 24) : « Quand vous verrez l’abomination de la désolation, prédite par le prophète Daniel, dans le saint des saints, que ceux qui sont en Judée fuient dans les montagnes. »  Saint Luc le présente de la même façon au chapitre 21 : « Quand vous verrez Jérusalem investie par une armée, sachez, alors, qu’approche sa désolation. Alors, que ceux qui sont en Judée fuient dans les montagnes ! »  Au sujet des paroles de Jésus en Luc 20 : « Penses-tu qu’il trouvera de la foi sur la terre ? »  Je dis que le Seigneur ne parle pas de la foi en elle-même, mais de la faible qualité de la foi, que l’on trouvera en peu de personnes.  C’est ainsi que l’expliquent saint Jérôme, dans son dialogue contre les lucifériens, et saint Augustin, dans son livre sur l’unité de l’église (chapitre 13).  Et, si nous disons avec Theophylacte,  que le Seigneur Jésus parle de la foi elle-même, et qu’il veut dire que peu de personnes seront fidèles aux temps de l’antichrist, il est question de peu de personnes et non d’aucune personne.  Peu de personnes font quand même l’église.   À la citation de saint Pau, je dis que, par le mot apostasie, il entend l’antichrist lui-même, comme l’expliquent saint Jean Chrysostome, Theodoret, Clément, Theophylactus, et saint Augustin (livre 20, chapitre 19 de la cité de Dieu).  Cette dissension ou séparation est employée par métonymie, car elle sera la cause que beaucoup se sépareront du Christ.
 Elle sera ou une dissolution de l’empire romain, comme l’expliquent saint Ambroise, Sedulius et Primasiius, c e qui est une sentence très probable.  Ou une défection de l’église non générale, mais particulière; non de tous, mais de beaucoup, des hérétiques occultes.  Car comme l’ont expliqué plusieurs anciens que cite saint Augustin dans la cité de Dieu (livre 20, chapitre 19) : plusieurs qui se trouvaient dans l’église en feignant la foi, en sortiront ouvertement pour professer publiquement l’hérésie.   De la même façon, quand viendra l’antichrist, tous les hérétiques occultes qui se trouveront alors dans l’église, se sépareront de l’église, et rejoindront l’antichrist.   À la sixième, je dis que le concile de Bâle fut légitime au commencement, car étaient présents le légat de l’évêque de Rome, et plusieurs évêques.  Au moment où il déposa Eugène et élut Félix,  il n’était plus un concile de l’Église, mais un conciliabule de schismatiques, de séditieux, et n’avait aucune autorité.  C’est le nom qu’on lui donne dans le dernier concile du Latran (session 11).  On peut donc affirmer qu’Eugène a toujours été le vrai pontife.  Et  Calvin ment effrontément quand il ose affirmer que ce concile a eu la même autorité et la même dignité jusqu’à la fin.  Car, tout d’abord, au moment où le concile a osé porter un jugement sur le pape, le légat du pape n’était plus présent, et les principaux évêques étaient sortis. C’est un certain cardinal d’Arles qui s’est attribué à lui-même le pouvoir de présider, et qui, voyant que les évêques étaient trop peu nombreux, fit entrer dans le concile une multitude de prêtres, de sorte que, contrairement  aux règles formelles des conciles anciens, ce pseudo concile en fut un de prêtres et non d’évêques.
 Ensuite, au même moment, un autre concile se tenait à Florence, présidé par le souverain pontife, et où  siégeaient des évêques latins et grecs incomparablement plus nombreux que ceux de Bâles.  Avec tous ces évêques, étaient présenta aussi l’empereur des Grecs, et le légat de l’empire des latins.  Il était donc impossible de douter où se trouvait le vrai concile.  Troisièmement, voulant lui aussi prononcer sa sentence, Dieu infligea à Bâle une si horrible peste que la plus grande partie des pères qui s’y trouvaient moururent, ou furent forcés de fuir.  C’est ce que rapporte Énée Sylvius dans son histoire du concile de Bâle, auquel il participa, et aussi les hérétiques de Bâle.  Ils pensent en faire un récit qui leur est favorable,  à cause de la condamnation du pape Eugène, mais il leur est plutôt nuisible.  Ajoutons que le concile de Bâle continué à Lausanne, se soumit à Nicolas, comme le montre la lettre du pape Nicolas.
 Passons, maintenant, aux citations des pères.   Je réponds d’abord à saint Hilaire ce que saint Augustin a répondu aux donatistes (épitre 48).   Les donatistes lui faisaient la même objection, à savoir que l’église s’était obscurcie par la multitude des scandales, mais tout en brillant dans ses membres  plus fermes.  En effet, au temps de Jule,  brillaient comme des étoiles Athanase, Hilaire, Eusèbe Vercellensis, et au temps de Damase, saint Ambroise, saint Basile, saint Grégoire de Naziance, saint Grégoire de Nysse, et d’autres en petit nombre, mais qui furent de fermes et constantes colonnes de la foi.  Je réponds que saint Ambroise ne parle, dans ce passage, que de l’église de Milan, dont beaucoup, parmi les simples, voyaient un catholique dans l’arien Auxence.  Il connaissait si bien l’art de jouer sur les mots qu’il paraissait arien aux ariens, et catholique aux catholiques.  Saint Hilaire veut donc dire qu’il ne faut pas croire Auxence, même s’il siège comme évêque, et prêche dans le temple.  Car, dit-il, il est préférable d’être dans des antres et des cavernes avec la vraie foi, que dans un temple de Dieu avec des hérétiques.  Et ce qui est dit d’une seule cité, d’une seule basilique, d’un seul évêque ne peut pas s’entendre de l’église universelle.  Car, il peut arriver, qu’un évêque, dans une ville et dans un temple, enseigne une hérésie,  mais pas que tous les évêques, dans toutes les villes et dans tous les temples du monde enseignent une hérésie.
Au sujet du texte de saint Jérôme, je dis que, dans ses paroles, il y a deux figures.  Une d’intellection, quand il dit : «  il gémit à cause de ces paroles », il appelle toute la terre une partie de la terre.  Une autre figure : un abus de termes, quand il dit : « toute la terre fut surprise d’être devenue arienne. »  Car, il appelle improprement ariens tous ceux qui, par ignorance, appuyaient les hérétiques.  Il parle, en effet, de cette multitude d’évêques qui se réunirent de partout à Ariminium, qui, trompés par les ariens, ont décrété qu’il fallait enlever le mot omoousios (consubstantiel), ne comprenant pas ce qu’il signifiait vraiment.  Ils ne furent surement pas des hérétiques, ils n’errèrent certainement pas dans la foi, sinon matériellement.  C’est comme si quelqu’un d’entre nous proférait un blasphème dans une langue étrangère, en pensant exprimer une pieuse pensée.  On ne pourrait pas dire qu’il a vraiment blasphémé.  Quand on fit comprendre  à ces mêmes évêques leur erreur, ils en ont reconnu la fausseté, ils rejetèrent immédiatement ce qu’ils avaient décrété, et, avec des larmes, demandèrent pardon pour leur blasphème.  Toute la terre n’était donc pas arienne, mais semblait l’être.  Au sujet du concile de Bâle,  je dis qu’il n’a pas déploré dans ses épitres les vices des catholiques, mais la misère de l’église,  causée par l’influence néfaste des hérétiques.   Et ce qui est dit, au même endroit,  contre les évêques, ne s’applique pas aux évêques catholiques, comme le pense Brentius, mais aux évêques ariens.
On a de bonnes raisons de croire que Brentius n’a pas péché par ignorance, mais par malice.  Car, au même endroit,  là où il enseigne que les évêques catholiques ne sont pas de  vrais évêques, il nous renvoie à l’histoire ecclésiastique de Ruffin (livre 11, chapitre 6) : un saint ermite, du mon de Moïse, n’a pas voulu être ordonné par l’évêque d’Alexandrie, car il était premier patriarche après le pontife romain.  Or, dans le même livre et chapitre, Ruffin dit que cet évêque d’Alexandrie était arien et un persécuteur acharné de catholiques, et que c’est pour cette raison que Moïse n’a pas voulu être ordonné par lui, mais par un autre catholique.  La fraude et l’impudence de Brentius ne sont donc pas excusables.  Au sujet de saint Bernard, je dis qu’il réprouve les vices des mœurs, non les vices de doctrine; et qu’il n’a pas pensé qu’à cause de cela, ces mauvais évêques n’étaient pas évêques.  A saint Jean Chrysostome, la réponse a déjà été donnée plus haut.  Ces paroles sont tirées d’une œuvre imparfaite qui a été composée par un hérétique, ou qui a été corrompue par un hérétique.   Voir l’homélie 48, où il appelle ouvertement hérétiques les consubstantialistes.
                                                        CHAPITRE 17
On réfute les arguments des adversaires avec lesquels ils prouvent que tous les pasteurs de l’église peuvent tous simultanément errer.
Que l’Église, ou que du moins tous  les pasteurs de l’église peuvent errer tous ensemble, ils le prouvent d’abord, parce que, au temps de Michée, tous les prophètes qui étaient au nombre de 400, errèrent, à l’exception de Michée, comme on le lit dans 3 Rois, 12.   En conséquence de quoi, l’église qui les suivait, comme elle le devait, fut donc par eux induite en erreur.  Ensuite, Isaïe 56 : « Leurs guetteurs étaient aveugles, ils ne surent rien. »   Troisièmement, dans la passion du Seigneur, le grand prêtre, avec tous les autres prêtres, ainsi que les anciens du peuple condamnèrent le Christ à la peine de mort (Marc 14.)  Et, séduit par les prêtres, tout le peuple cria qu’il fallait le crucifier (Marc 15).  Au même moment, les apôtres avaient perdu la foi, car le Seigneur, en Marc, fin, « leur reprocha leur incrédulité, et la dureté de leurs coeurs. » Et en Marc 26 : « Je serai pour vous tous un objet de scandale. »    Ajoutons que ne manquent pas les catholiques qui disent que l’église n’a  eu la  vraie foi pendant la passion du Seigneur, que dans la seule sainte Vierge, ce qui signifie qu’ils croient dans la seule chandelle qui demeure allumée dans l’office nocturne,  pendant le triduum d’avant Pâque.  C’est ce que disent Alexandre Alensis, ( 3 p. q. ultime, art 2) et Jean de Turrecremata (livre 1, chapitre 30, et livre 3, chapitre 61 sur l’église).  Mais ces arguments n’ont pas beaucoup de poids, et ne demandent pas de gros efforts pour être réfutés.
À la première affirmation, je dis d’abord  que ces 400 prophètes étaient manifestement de faux prophètes, ce que n’ignorait pas le roi Achab, qui les avait consultés, car, quand  le roi Josaphat lui demanda : « N’y a-t-il donc point ici de prophète du Seigneur, par qui nous pourrions interroger le Seigneur ? », le roi Achab répondit : «  Il en reste un, mais je le hais, car il ne me prophétise que du mal. »   Il est certain que si quelqu’un consultait, aujourd’hui, dans la Saxonie, 400 ministres luthériens sur la foi justifiante, et ensuite un seul catholique, il n’y aurait pas de quoi s’étonner si la plus grande partie errait.  Et comme, aujourd’hui, il ne s’ensuivrait pas que toute l’église a erré, même si erraient 400 ministres luthériens, parce que, à part  la Saxonie,  il y a beaucoup d’endroits où la vraie foi est prêchée, de même, au temps d’Achaz, on ne peut conclure que tous les docteurs des Juifs ont erré, même si 400 d’entre eux ont erré.  Il y avait aussi beaucoup de prophètes en Judée, et de prêtres à Jérusalem auxquels incombait le devoir de répondre aux consultations sur la loi du Seigneur.
  À la seconde, je dis que les paroles des prophètes sont des images, et son destinées à tous.  Ce qui ne veut pas dire qu’elles doivent être comprises par tous, mais par plusieurs, comme nous l’avons déjà dit.    À la troisième, je réponds que les prêtres et les pontifes n’ont pas reçu le privilège de non errance pour l’enseignement du peuple, du moins jusqu’au temps du Christ, car, quand le Christ fut présent dans le temple et enseigna, leur erreur n’eut plus les mêmes conséquences.   Cela semble même avoir été prédit par Jérémie (chapitre 18), quand il a dit : « La loi périra par le prêtre, la parole par le prophète, et le conseil par le savant. »  Mais, à cause de l’honorabilité de la fonction de pontife,  Dieu a pourvu à ce que la sentence du pontife Caïphe soit  dans un certain sens, même si non voulu par lui,  vraie et juste.  Car, en Jean 11, il est dit qu’il a prophétisé parce qu’il était le grand-prêtre de cette année-là.  Nous avons dit beaucoup plus de choses, là-dessus, plus haut, dans le livre sur les conciles.
En ce qui a trait au peuple qui a crié : crucifie-le, je dis que ce peuple ne fut pas composé uniquement de Juifs, mais de quelques-uns, seulement, et peut-être de la minorité d’entre eux.  Car, dans cette même ville, se trouvait un Nicodème, et un Joseph d’Arimathie, et beaucoup d’autres,  à qui cela déplaisait.  Et en dehors de Jérusalem, dans tout le reste de la Judée, et dans tous les pays, il y avait un grand nombre de Juifs dispersés,  qui ne savaient rien de la mort du Christ, et qui demeuraient donc, dans la vraie foi, et dans la religion.   Et, au sujet des apôtres, je dis que les apôtres n’étaient ni des apôtres, ni des nominés, mais seulement des parties de l’église matérielle, qui peuvent errer;  et qui n’étaient pas les seuls à constituer l’église.  Car, le statut de l’église du Christ, avec l’obligation d’entrer en elle, commença le jour de la pentecôte quand, après l’accomplissement de tous les mystères de notre sainte religion,  les apôtres commencèrent à prêcher publiquement  la foi du Christ et le baptême.   Voilà pourquoi même si, au temps de la passion du Christ, tous les apôtres avaient erré dans la foi, leur erreur n’aurait affecté en rien l’église universelle.
Je dis, en second lieu, qu’il n’est pas probable que les apôtres aient perdu la foi.  Car on lit qu’on ne leur a reproché que la foi dans la résurrection.  Cette foi, ils n’ont pas pu la perdre, puisqu’ils ne l’ont eue vraiment qu’ après la résurrection du Christ.    Même s’il leur avait souvent prédit avant qu’il ressusciterait, ils pensaient qu’il parlait en figure;  ils ne comprirent pas ce qu’il voulait dire, et  ils n’y crurent donc pas.  C’est bien ce que dit saint Luc.  Après avoir rapporté les paroles du Seigneur : « Ils le tueront, et le troisième jour, il  ressuscitera », il ajoute : « Mais ils ne comprirent pas ce qu’il voulait dire. »   Et nous lisons dans Jean 20 que, après avoir entendu Marie- Madeleine raconter que le corps de Jésus avait été enlevé du sépulcre, Pierre et Jean ont  couru vers le monument, et, en voyant les lignes et le suaire, ils crurent que le corps avait été enlevé par quelqu’un.   Car, dit Jean,  « ils ne connaissaient pas encore les écritures qui annonçaient qu’il devait ressusciter des morts. »  Ce qui veut dire qu’ils crurent que quelqu’un l’avait enlevé, parce qu’ils ne savaient pas qu’il devait ressusciter.  De plus, Jésus a dit à Pierre (Luc, 22) : « J’ai prié pour toi, pour que ta foi ne défaille pas. »  Comment est-il donc crédible que la foi de Pierre ait, cette nuit-là, chaviré complètement,  au point où il n’en serait plus rien resté  dans le cœur ?  De plus, Marie Madeleine brûlait d’une intense charité pendant ce triduum, (Jean 19, 20), et sans foi, il ne peut y avoir de charité.   Elle n’avait donc pas perdu la foi dans le Christ qu’elle avait auparavant.  Ce n’est donc pas dans la seule Vierge Marie qu’est demeurée la foi.
Ce qu’on lit dans Marc : « Il leur reprocha leur incrédulité », ne signifie pas qu’ils avaient perdu la foi qu’ils avaient,  mais qu’ils ont été lents à comprendre.  Le fait qu’ils n’aient pas cru, c’était certes, un certain péché, mais non  celui de l’infidélité au sens strict.  Et,  cet autre passage (Matt 16) : « Je serai pour vous tous un objet de scandale, » signifie le péché que les apôtres ont commis en fuyant, et en hésitant au sujet de la foi, à l’occasion de la passion de Notre Seigneur. Or, toute hésitation n’est pas un péché d’infidélité.  Seulement quand elle est délibérée.   Turrecremata m’étonne.  À cause d’un argument bien peu convaincant sur la chandelle,  il dit que c’est contre la foi de l’Église universelle de ne pas croire que la foi soit demeurée dans la seule Vierge Marie.  Car, Rupert (livre 5, chapitre 26 sur l’office divin), dit que la dernière chandelle s’éteignait elle aussi, en son temps.  Et il ajoute (chapitre 28), que, pendant ces trois nuits, après que toutes les lumières aient été éteintes,  on avait coutume d’allumer un nouveau feu d’un batte-feu.  Et que, par toutes ces lumières qui s’éteignaient peu à peu,  on signifiait les prophètes, que les Juifs ont tués en divers endroits; et que, en les tuant, ils faisaient des ténèbres pour leur esprit.  Et par la dernière, ils signifiaient le Christ. Et en le tuant, ils amassé pour eux des ténèbres extrêmement épaisses.  Par la nouvelle lumière que, à chacune de ces trois nuits,  ils tiraient d’un batte-feu,  ils signifiaient la nouvelle lumière des Chrétiens, qui, de la pierre Christ frappée par les Juifs, a jailli de nos esprits.
 Si, sans tenir compte de la tradition de l’église antique, ils veulent tirer un argument en leur faveur de l’usage actuel de la chandelle qui ne s’éteint pas, on peut répondre comme Abulanse (question 14, prologue sur saint Matthieu) : par cette chandelle, on signifie la sainte Vierge Marie  dans laquelle seule, comme on le croit pieusement,  fut explicitement, pendant tout  ce triduum, la foi dans la résurrection.   Mais il ne s’ensuit pas que, dans les autres, il n’y ait eu qu’erreur et infidélité, car ils n’étaient  tenus à croire explicitement à la résurrection qu’après sa promulgation et les preuves qui en furent données.  Surtout ceux qui vivaient loin de Jérusalem,  et qui n’avaient rien entendu du Christ.  Il semble donc périlleux de dire que la vraie  foi soit demeurée dans la seule Vierge Marie, parce que, alors, l’église aurait péri.   Car, une seule personne ne peut pas faire l’église, puisque l’Église est un peuple et le royaume de Dieu.  Et aussi, parce que ceux qui demeuraient loin de Jérusalem et qui avaient, jusqu’à ce moment, conservé la vraie foi,  ne pouvaient pas la perdre si tôt, sans faute de leur part.
2018 02 18 17h09 fin

FIN de l'Eglise dispersée sur toute la terre.
Suite = les Notes de la véritable Eglise de Jésus Christ (qui est la sainte Eglise catholique romaine et aucune autre)

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