BIBLE FILLION
La Sainte Bible Commentée d'après la Vulgate et les textes originaux
LE CANTIQUE DES CANTIQUES
1° Le nom et la forme générale du livre, son caractère canonique. - Le nom hébreu est Šir hašširim, que les Septante ont traduit d’une manière très littérale par άχσμα άσμάτων, et la Vulgate par Canticum canticorum. C’est là un superlatif à la façon hébraïque, pour signifier que « ce cantique dépasse tous les autres cantiques de l’Ancien Testament », comme le dit saint Bernard (de même saint François de Sales : « Ce divin ouvrage que, pour son excellente suavité, on appelle le Cantique des cantiques. »). Les exemples analogues ne manquent pas dans la Bible : Gen. 9, 25, serviteur des serviteurs; 3 Reg. 8, 27, les cieux des cieux; Eccl. 1, 1, vanité des vanités; Ez. 16, 7 (d’après l'hébreu), ornement des ornements; Dan. 8, 27, prince des princes; 1 Tim. 6, 15, roi des rois et Seigneur des seigneurs, etc. (dans la liturgie, le nom si gracieux de Vierge des vierges).
Ce nom désigne en même temps le caractère hautement poétique et lyrique du livre, puisqu’il fait du Cantique le šir par excellence de la Bible (voyez le tome 3, p. 483). Il montre aussi qu’on a parfois cherché bien à tort un drame proprement dit dans ces pages qui sont avant tout idylliques. Si le Cantique tient du drame, ce n’est, comme le livre de Job, que dans le sens large de cette expression (« Dramatis in modum », a dit Origène); car « le dialogue est trop intermittent, l’action trop lente, les surprises trop rares, l’intrigue trop absente, le dénouement trop peu saisissant, pour que le Cantique porte le nom de drame; c’est une idylle où se meuvent deux (principaux) personnages, un cantique dialogué..., voilà tout » (Mgr Meignan, Salomon, son règne, ses écrits. Paris, 1890, p. 402). Ses diverses parties sont donc des « chants », et nullement des actes ou des scènes, comme le voudrait l'école rationaliste.
Il règne dans le Cantique une parfaite unité, quoi qu’aient encore affirmé en sens contraire plusieurs membres de cette même école. Il est absolument faux de le regarder comme une réunion de pièces rapportées et originairement disparates, comme une sorte d’anthologie: c’est d’un bout à l’autre le même sujet, ce sont les mêmes personnages, ce sont les mêmes expressions retentissant à la manière de refrains et soudant ensemble très étroitement les parties du poème. Comp. 2, 7; 3, 5, et 8, 3; 2, 9, 17, et 8, 14; 2, 6, et 8, 3; 4, 5, et 6, 2; 1, 8; 5, 9, et 6, 1, etc. etc.
Rien n’est plus certain que le caractère canonique de ce petit volume, qui a toujours fait partie de la Bible soit chez les Juifs, soit dans l'Église chrétienne. Le Talmud signale, il est vrai, les hésitations de quelques rabbins à ce sujet; mais elles ne datent que du 2ème siècle de l'ère chrétienne, et le célèbre Akiba ripostait en ces termes énergiques: « A Dieu ne plaise! Jamais homme en Israël n’a contesté que le Cantique soit un livre sacré; car le cours entier des âges ne saurait rivaliser avec le jour où le Cantique a été donné à Israë1. Tous les hagiographes sont saints, mais le Cantique est sacro-saint (voyez L.Wogue, Histoire de la Bible et de l'exégèse biblique jusqu'à nos jours; Paris, 1881, p. 55 et 56). Quant à l’Église, les canons de ses conciles sont formels et indiscutables.
Dans la Bible hébraïque, le Šir hašširim fait partie des écrits dits Ketûbim, où il est placé à la suite de Job, comme le premier des cinq Megillôt (voyez le tome 1, p. 13). Dans les Septante et dans la Vulgate, il est rangé parmi les livres poétiques, entre l’Ecclésiaste et la Sagesse.
2° Le sujet. — C’est, d’une manière générale, l’amour mutuel de deux personnages, dont l’un est nommé Salomon, et l’autre, Sulamite: Le poète sacré raconte les péripéties diverses de leur attachement. Ils désirent s’unir par les liens du mariage; mais, pendant quelque temps, des obstacles se dressent devant eux et s’opposent à la consommation de leur union : les difficultés disparaissent toutefois; alors le mariage est célébré, et les deux époux goûtent pleinement la joie de s’appartenir à jamais l‘un à l’autre. Un « chant d’amour » retentit donc véritablement ici « dans toute la plénitude de sa beauté, de sa grâce et de sa force ». Ce petit drame intime est, en effet, raconté dans les termes les plus gracieux et les plus délicats. L’auteur a mis en œuvre, pour l'exposer, toutes les ressources que lui fournissaient la nature et l’art, son cœur et son esprit; aussi a-t-il réussi à réaliser une merveille littéraire et religieuse unique en son genre, que l'on ne cessera jamais d’admirer. Le Cantique est, de l’avis universel, l’un des plus beaux et des plus sublimes produits de l’art poétique, si ce n’est le plus beau de tous (c'est ce que Bossuet expose, dans la préface de son commentaire, en termes dignes du poème sacré : « Haec Salomonacationorotaeris amoenitas, agrorum ubertas, horti vernantes, irrigui; aquae, putei, fontes; odoramenta, sive arte confecta, sive quae sponte sua humus parturit; ad haec columbae, turturum voces, mella, lac, vina liquentia; postremo in utroque sexu formae honestas ac venustas, casta oscula, amplexus, amores tam pudici quam blandi; si quid horrescit, ut rupes, ferique montes, ac leonum cubilia, totum ad voluptatem, ac velut pulcherrimae tabulae ornatum varietatemque compositum. »).
Néanmoins, et surtout pour nous Occidentaux modernes, les images sont parfois si fortes, les teintes si crues et si vives, qu’un lecteur inexpérimenté en fait de choses orientales et bibliques pourrait croire, au premier abord, qu'il y a dans ce livre le récit d'une passion toute terrestre. Le nom de Dieu n’est pas même prononcé une seule fois directement dans les huit chapitres qui le composent (il est pourtant cité d'une manière indirecte dans un nom composé, d'après le texte hébreu. Cf. 8, 6, et le commentaire). Aussi avons-nous cru devoir citer, dès la première ligne de cette introduction (voyez la page 593, note 1), les graves recommandations d’Origène et de saint Jérôme concernant sa lecture. Chez les Juifs, une loi spéciale interdisait de le lire à tous ceux qui n’avaient pas encore atteint leur trentième année. Mais, si le Cantique n’a pas été écrit pour des âmes profanes et sensuelles, et s’ « il ne doit pas être mis indistinctement entre toutes les mains et sous tous les yeux », il respire, dans ses moindres détails comme dans son ensemble, une pureté immaculée, une sainte gravité; il n’y a rien en lui qui ne soit digne de l’Esprit de Dieu. De tout temps les âmes les plus chastes, les plus élevées, les plus saintes, en ont fait leurs délices, et s’en sont admirablement servies pour accroître leur amour envers Dieu (voyez, sous ce rapport, le Fragment du livre de sainte Thérèse sur le Cantique des cantiques, traduit par le R.P. Marcel Bouix, Paris, 1880, et divers passages des œuvres de saint Jean de la Croix et de saint François de Sales).
D'autres personnages que Salomon et la Sulamite nous sont présentés : ce sont surtout les frères de l’Épouse mystique, un chœur formé par des jeunes filles de Jérusalem, puis les amis de l’Époux. Le local de la scène change fréquemment: « nous sommes transportés tantôt dans les appartements du palais royal à Jérusalem, tantôt en plein air, dans les jardins, dans la rue, tantôt dans l'habitation champêtre de l'épouse. » Tout se passe en discours (dialogues ou soliloques); il n'y a pas de narration proprement dite, faite par le poète lui-même
3° Les différentes écoles d’interprétation. — « Le sens qu’il faut attacher au Cantique est l’objet de vives controverses. On peut rapporter à trois écoles principales tous les modes d’interprétation qui ont été proposés: l'école littérale, l’école mystique ou typique, et l’école allégorique » (Man. Bibl. , t. 2, n. 862).
L’école dite littérale, qu’on pourrait aussi appeler réaliste, s'en tient purement et exclusivement à la lettre du Cantique, c’est-à-dire à l’idée un mariage tout humain. Les premiers partisans de cette opinion furent, chez les Juifs, le fameux Schammaï et ses disciples, et, dans l'Église chrétienne, Théodore de Mopsueste; elle fut aussitôt condamnée soit par le sanhédrin, vers l'an 90 après J.-C., soit par le second concile général de Constantinople, en 553. Elle varie à l’infini dans les détails, et franchit parfois (c’est le cas de nos jours dans le camp des incrédules) les limites des convenances les plus vulgaires. Ainsi, tandis que Théodore de Mopsueste s’était contenté de voir, dans le Cantique, un épithalame composé pour célébrer le mariage de Salomon avec la fille du roi d'Égypte, sa principale épouse, d'autres ont banalement appliqué ce magnifique poème à l'union d'un berger et d'une bergère (c'est l'opinion la plus à la mode parmi les rationalistes); les mots sacrilèges de « chanson de corps de garde » (on reconnaît Voltaire à ce trait digne de lui) et de « chant érotique » ont même été prononcés.
C’est bien le cas de redire après Aben Esra : « Absit, absit, ut Canticum canticorum de voluptate carnali agat; omnia potius figurate in eo dicuntur. Nisi enim maxima ejus dignitas, inter libros Scripturae sacrae relatum non esset ; neque ulla de eo est controversia » (Praefat. In Cant. Cantic.) D’ailleurs les auteurs de ce système ont pris soin, nous venons de l’indiquer, de se réfuter les uns les autres par la multiplicité de leurs explications discordantes. Le fond même du livre les contredit aussi à chaque instant; car de nombreux traits du poème ne conviennent ni à Salomon ni à d’autres personnages purement terrestres, et deviennent par là même incompréhensibles, si l’on ne s’élève pas au-dessus du sens littéral: Ainsi le héros est tour à tour et sans transition, berger, chasseur, roi glorieux, pour redevenir subitement berger; sa fiancée erre seule la nuit par les rues de la ville, et se voit maltraiter par les gardiens, etc. Même en admettant que le récit, interprété simplement à la lettre, avait un but didactique et une portée morale, - par exemple, de mettre en relief l’idée de « l'unité essentielle du lien conjugal, la notion de l’amour vrai comme base de l'amour conjugal », et de condamner la polygamie admise en Orient et même chez les Juifs, - le système demeure faux et condamnable, car ce n’est là qu'un palliatif insuffisant.
« L’école mystique admet dans le Cantique un sens littéral, mais non d’une façon exclusive: l’union de Salomon avec la fille du roi d'Égypte, qui y est célébrée, n’est que le type d’une autre union, celle du mariage mystique du Sauveur avec son Église. Le représentant le plus célèbre de cette opinion est Bossuet, qui l’a exposée et défendue dans la préface de son commentaire sur le Cantique. Calmet aussi l'a adoptée... L'interprétation de l’école mystique n’est point condamnable comme la précédente; nous croyons néanmoins qu'elle n’est point la vraie » (Man. Bibl., t. 2, n. 864). En effet, la plupart des raisons qui vont contre l'école littérale vont aussi contre 1'école typique, puisqu’elle admet, elle aussi, un sens historique qui ne peut pas avoir existé.
L’école allégorique fournit seule une explication satisfaisante du Cantique des cantiques. S’élevant, conformément au sens du mot allégorie (espèce de fiction qui consiste à représenter un objet pour donner l'idée d'un autre. » De la double racine : άλλο, autre, et άγορεύω, je dis; exprimer une chose pour en faire entendre une autre) bien au-dessus de la lettre et de ses apparences, elle se refuse à voir dans ce poème l'histoire d’un fait réel, qui se serait passé tel qu’il est raconté, avec tous ses détails; pour elle, le mariage de Salomon et de la Sulamite n’est qu‘une figure destinée à représenter une vérité morale d’un ordre supérieur, qu'un voile qui recouvre un grand et profond mystère, qu’un noble vêtement pour orner une idée toute céleste. Sous ce rapport, « il en est du Cantique comme des paraboles de l'Évangile; le sens littéral n’a jamais été historique. » Prenant pour base de ses descriptions « les tendresses des époux, par le seul motif qu’elles sont la plus vive et la plus sensible image de l'affection à son plus haut degré », le poète sacré chante ici, uniquement et exclusivement, « les infinies condescendances du saint Amour incarné, de cet amour qui, s’abaissant d’abord sous une forme humaine pour nous visiter dans notre misérable état, afin de rechercher et de conquérir l’objet aimé, et qui, élevant ensuite avec lui jusqu’au sanctuaire céleste une humanité sanctifiée (Eph. 2, 6), attend finalement là-haut une invitation de l’Épouse mystique, pour revenir une seconde fois sur la terre et sceller l’union pour l‘éternité (Apoc. 22, 17). » En termes plus simples, le Cantique raconte le mariage mystique de Notre-Seigneur Jésus-Christ, ce Salomon idéal et parfait, avec l'Église, dont la Sulamite, si belle, si pure, si aimante, si fidèle, est un type admirable.
Le Christ et l'Église, leur amour mutuel, leur ineffable union : telle est donc l’idée vraie et directe de ce poème sublime, celle que la tradition catholique y a toujours vue avant tout autre concept. Mais on conçoit fort bien qu’en la généralisant ou en la particularisant, on ait pu en faire des applications diverses, quoique secondaires: en effet, le Cantique représente « tous les amours de Dieu pour l'humanité »; par conséquent, l’union de Dieu avec les hommes en général, l’union de Jéhovah et de la synagogue (telle est naturellement l'interprétation des exégètes juifs), l’union du Verbe et de la Vierge Marie, sa mère selon la chair (voyez saint François de Sales, Traité de l'amour de Dieu, l. 10, c.v.), et l’union du Christ avec l’âme fidèle (saint Bernard s'attache surtout à ce sens dans ces délicieuses homélies sur le Cantique). Mais il est bon de redire que le premier et principal objet du Cantique des cantiques est, comme l'écrivait saint Grégoire de Nysse, de « chanter, par l'inspiration divine, les louanges du Christ et de son Église » (« Totus hic liber est propheticus, dit Cornelius a Lapide, adeoque non est aliud quam continua prophetia de Christo et Ecclesia »).
Outre ce qui a été dit plus haut (p 595), d’après le fond même du livre, de l'impossibilité d‘une interprétation littérale, il est aisé d’appuyer l'interprétation allégorique sur les bases les plus sûres. 1° Des exemples ou comparaisons tout à fait analogues abondent soit dans l’Ancien Testament, soit dans le Nouveau. Souvent la Bible représente la nation juive « comme l’épouse ou la fiancée du Seigneur, même comme une mère ou une vierge, et elle qualifie la défection d'Israël comme une infidélité conjugale et une prostitution ». Elle nomme Jéhovah, dans le sens strict de l’expression, un « Dieu jaloux », qui menace du divorce son épouse mystique. Comp. Ex. 34, 15; Lev. 20, 5-6; Num. 15, 39; Ps. 73, 27 (d’après le texte hébreu); Is. 50, 1 ; 54, 6; Jer. 3, 1-11; 4, 30; Ez. 15, 16; Os. 2, 19-20, etc. Le Ps. 44 développe, mais d’une manière abrégée, absolument la même pensée que le Cantique, et sous la même figure. Dans le nouveau Testament, Jésus-Christ reçoit très expressément aussi le nom d’époux, et l'Église est mentionnée comme son épouse (cf. Matth. 9, 15; 22, 2-14, et 25, 1-13; Joan. 3, 29; 2 Cor. 11, 12; Eph. 5, 22 et ss.; Apoc. 19, 9; 21, 2, 9, et 22, 17). 2° Les anciens commentateurs juifs (le Targum, le Midraš, les rabbins, les grands docteurs du moyen âge) ont toujours expliqué le Cantique d’après le sens allégorique, ne comprenant pas qu‘on pût lui en donner un autre. 3° La tradition chrétienne n’est pas moins expresse et universelle sous ce rapport: « Communem omnium paene doctorum et Sanctorum sententiam esse » dit à bon droit Sanchez pour la caractériser. Origène, saint Cyprien, saint Athanase, saint Grégoire de Nysse, saint Jérôme, saint Ambroise, saint Augustin, Théodoret, saint Bernard, saint Thomas d’Aquin, en sont les plus glorieux témoins (pour les détails de cette preuve, voyez Grandvaux et Le Hir, le Cantique des cantiques, Paris, 1883, p. 13-43; Cornely, Introductio specialis in didacticos et propheticos V.T. Libros, p. 186-195). 4° Enfin on trouve mainte allégorie semblable dans la littérature ancienne et moderne de l’Orient, c’est-à-dire l‘amour divin chanté par des comparaisons empruntées à l'affection humaine et au mariage.
C’est donc cette grande pensée de l’union de Jésus-Christ avec son Église que l’on doit avoir toujours présente à l’esprit lorsqu’on lit les pages du saint Cantique. « Mox transiliant sensus humanos, atque ad excelsa se efferant, comme dit si délicatement Bossuet. Danda opera, ut ad divinum velox sit transitus. » (Praef. In Cant., 4).
4° L'auteur du Cantique. — Le titre même du livre l’indique clairement : Canticum canticorum Salomonis, et nous n’avons aucune raison grave de révoquer en doute l’authenticité de cette formule, qui est plus ancienne que la version des Septante. La tradition à peu près unanime des Juifs et de l’Église catholique attribue également au roi Salomon la composition du Cantique. Divers caractères intrinsèques confirment cette double assertion. Le style est certainement, dans son ensemble, « le pur hébreu de la meilleure époque, » digne par conséquent de 1‘âge d’or de la littérature hébraïque; digne aussi de Salomon, qui fut un si grand poète (cf. 3 Reg. 4, 33. Ici encore les rationalistes allèguent de prétendus aramaïsmes, afin de pouvoir retarder de plusieurs siècles l'époque de la composition; cette affirmation exagérée s'est présentée à propos de l'Ecclésiaste. Voyez la page 548, note 5). La description des splendeurs de Jérusalem, de la cour royale et de tout Israël convient très bien aussi au règne de Salomon, qui ne fut point surpassé sous ce rapport (cf. 1, 4, 8; 3, 7-11; 4, 4, 12-15; 8, 11, etc,). ll en est de même des détails si fréquents qui concernent le monde des plantes et celui des animaux, avec lesquels le roi Salomon était intimement familiarisé, d’après 3 Reg. 4, 33 (cf. 1, 11-16; 2, 1-5; 7-17; 4, 1-16, etc. 1). Ce fait est donc regardé comme indiscutable.
5° Il n’en est pas de même de la question relative au plan et à la division du livre, car elle a été tranchée de bien des manières. On remarque cependant çà et là des formules identiques, qui paraissent terminer ou commencer un chant; par exemple, Adjuro vos, filiœ Jerusalem... (2, 7; 3, 5, et 8, 4), et Quae est ista... (3, 6; 6, 9, et 8, 5). En les combinant avec les faits racontés, on peut partager le Cantique en six parties distinctes, qui paraissent assez complètes sous le rapport du fond et de la forme: Premier chant, 1, 1-2, 7; Second chant, 2, 8-3, 5; Troisième chant, 3, 6-5, 1; Quatrième chant, 5, 2-6, 8; Cinquième chant, 6, 9 8, 4; Sixième chant, 8, 5-14 (pour les subdivisions en paragraphes et en alinéas, voyez le commentaire, et notre Biblia sacra, p. 706-713. On a depuis assez longtemps abandonné la division trop factice de Bossuet en sept parties, qui correspondraient aux sept jours des fêtes nuptiales). Il y a, pour 1’idée, une gradation ascendante très sensible dans les différents chants; le Christ et l'Église vont s’entr’aimant de plus en plus et se manifestent toujours davantage leur céleste amour. Leur union devient plus étroite à chaque chant; au dernier, elle reçoit sa consommation et son couronnement dans le ciel.
6° Auteurs à consulter. — Aux premiers siècles, Origène, saint Grégoire de Nysse et Théodoret, dans l'Église grecque; saint Ambroise, saint Grégoire le Grand et le Vén. Bède, dans l'Église latine. Au moyen âge, Honorius d’Autun, saint Bernard, Nicolas de Lyre et saint Thomas d‘Aquin. Aux temps modernes, Pineda (Praelectio sacra in Cant., 1602), Sanchez (Lyon, 1616), Bossuet (Libri Salomonis... cum notis, Paris, 1693), Calmet. De nos jours Schaefer (Das Hohe Lied; Münster, 1876), Le Hir (Le Cantique des cantiques, précédé d’une étude sur le vrai sens du Cantique, par M. l’abbé Grandvaux; Paris, 1883), Mgr Meignan (Salomon, son règne, ses écrits; Paris, 1890); G. Gietmann (Commentarius in Ecclesiasten et Canticum canticorum; Paris, 1890).