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BIBLE FILLION

La Sainte Bible Commentée d'après la Vulgate et les textes originaux

LES LIVRES DES PARALIPOMENES

LES LIVRES DES CHRONIQUES


Leur unité.— Comme les livres de Samuel (voyez le tome 2, p. 205) et les livres des Rois (Ibid., p. 437), les livres des Paralipomènes ne formaient à l'origine qu'un seul et même écrit : nous en avons pour garants les auteurs du Talmud (Baba bathra, f.14), l'historien Josèphe (C. Apion., 1, 8), Manéthon (Ap. Euseb., Hist. Eccles., 4, 26), Origène (Ibid., 6, 25), saint Jérôme (Praef. Ad Domin. Et Rogat. : « Hoc primum sciendum, quod apud Hebraeos liber Paralipomenon unus sit, … qui apud nos propter magnitudinem divisus est. »), tous les manuscrits hébreux de la Bible. La division, qui est toute factice, n'est nullement exigée parle sujet : ce sont encore les Septante qui l'ont introduite (Παραλειπομένων πρώτη, δευτέρα. Le partage n'a pas été mal fait sous le rapport logique - entre les règnes de David et de Salomon-).

Leur nom. — Dans la Bible hébraïque notre double écrit est appelé Dibré hayyâmim, ou « Verba dierum », ainsi que traduit fort bien saint Jérôme (Loc. Cit.), c'est-à-dire, « Acta diurna », titre qui désigne, d'une manière générale, un journal politique analogue à ceux qui étaient régulièrement tenus dans certaines cours d'Orient. Comp. Esth. 2, 23; 6, 1; 10, 2. Toutefois il faut le prendre ici dans un sens large, car les Paralipomènes ne contiennent pas des annales suivies et complètes. Saint Jérôme avait d'abord adopté cette appellation hébraïque, se contentant de lui substituer le nom équivalent de « Chronique » (« Verba dierum, quod significantius Chronicon totius divinae historiae possumus appellare. » Prolog. Galeat.) : de là les mots Liber chronicorum, Chronica, qu'on trouve dans plusieurs éditions anciennes de la Vulgate, et aussi dans la plupart des traductions protestantes de la Bible. Mais le titre de Παραλειπομένα, ou Paralipomènes, placé en tête du livre par les traducteurs alexandrins, a prévalu de très bonne heure. Il est pourtant moins exact, car il signifie littéralement : « les choses omises » ; il tendrait par conséquent à faire regarder l'œuvre entière comme un simple supplément, destiné à combler les lacunes des livres des Rois (cette opinion semble avoir été assez générale chez les anciens écrivains ecclésiastiques. « Paralipomenon graece dicitur, quod praetermissorum vel reliquorum nos dicere possumus. » S. Isid. De Séville, Origin., 6, 1. Cf. Théodoret, Praef. In libr. Reg., etc), et nous verrons bientôt qu'il faut chercher plus que cela dans les Dibré hayyâmim.

Le sujet et le but. — Le livre des Paralipomènes s'ouvre par une rapide esquisse de l'histoire du peuple de Dieu depuis Adam jusqu'à David, sous la forme de tables généalogiques (1 Par. 1-9). Après avoir raconté la mort de Saül par manière de transition (1 Par. 10), l'auteur expose avec assez d'ampleur les événements du règne de David (1 Par. 11-29), puis il décrit plus ou moins longuement, selon que le demandait son plan, les règnes de Salomon, de Roboam, et de tous les rois de Juda jusqu'à Sédécias (2 Par. 1-36, ·1-2l); il conclut brusquement, par une citation abrégée de l'édit qui mit fin à la captivité babylonienne (2 Par. 36, 22-23). Rien du royaume schismatique d'Israël, au moins directement.

On voit, par ce sommaire, que les Paralipomènes occupent une situation unique dans l'Ancien Testament, puisque, dans l'ensemble, ils ne présentent pas un récit nouveau, mais qu'ils se contentent de reproduire une partie notable de l'histoire des Juifs, telle que l'avaient déjà relatée les quatre livres des Rois. Souvent il y a, de part et d'autre, répétition presque pure et simple des mêmes faits, avec des différences seulement verbales:


Liste des passages communs aux livres des Paralipomènes et des Rois :

1 Par. 10, 1-19

1 Reg. 31

2 Par. 1-6, 11-14

3 Reg. 15, 17-24

11, 1-9

2 Reg. 5, 1-3, 6-10

18, 2-34

22, 2-35

11, 10-47

23, 8-39

20, 31-21, 1

22, 41-51

13, 1-14

6, 1-11

21, 5-10, 20

4 Reg. 8, 17-24

14, 1-17

5, 11-25

22, 1-9

8, 25-29; 9, 16-28

15, 16

6, 12-23



17-18

7-8

22, 10-23, 21

11

19

10

24, 1-14, 23, 27

12, 1-22

20, 1-3

11, 1; 12, 26-31

25, 1-4, 17-28

14, 1-14, 17-20

20, 4-8

21, 18-22

26, 1-4, 21-23

14, 21-22; 15, 2-7

2 Par. 1, 2-13

3 Reg. 3, 4-15

27, 1-3, 7-9

15, 33-38

1, 14-17

10, 26-29

28, 1-4, 26-27

16, 2-4, 19-20

2

5, 15-32

29, 1-2

18, 2-3

3, 1-5

6, 1-7

32, 1-21

18, 13-19, 37

5, 2-7, 10

8

32, 24-25, 32-33

20, 1-2, 20-21

7, 11-22

9, 1-9



8

9, 10-28

33, 1-10, 2-25

21, 1-9, 18-24

9, 1-28

10, 1-29



9, 29-31

11, 41-43

34, 1-2, 8-32

22, 1-23, 3

10, 1-11

12, 1-24

35, 1, 18-24, 26-27; 36, 1-4

23, 21-23, 28-34

12, 2-3, 9-16

14, 21-31



13, 1-2, 22-23

15, 1-2, 6-8

36, 5-6, 8-12

23, 36-37; 24, 8-19

14, 1-2; 15, 16-19

15, 11-16




Toutefois les divergences ne sont pas moins considérables que les ressemblances, car souvent aussi les Paralipomènes omettent certains incidents, en abrègent ou en ajoutent d'autres (voyez quatre tableaux comparatifs dans le Man. Bibl., t. 4, n. 512), prouvant par là qu'ils ne forment pas seulement un écrit supplémentaire, destiné à compléter les narrations plus anciennes, mais qu'ils sont en réalité une œuvre entièrement personnelle et indépendante, composée dans un but spécial, qu'il est facile de découvrir.

Ce but, c'est de grouper, en les condensant, les principaux événements de l'histoire de la maison royale de David, afin de les présenter à Israël, au moment où l'exil de Babylone s'achevait, comme une précieuse instruction , comme un miroir révélateur où serait indiquée d'avance la conduite religieuse et morale de la nation théocratique, si éprouvée pour ses anciens péchés. Tout se ramène aisément à cette fin, qui n'est autre, on le voit, que de tracer le portrait idéal des Israélites régénérés, pour les aider à mener dans toute sa perfection, malgré les difficultés de l'heure présente, la vie sainte que Jéhovah leur avait prescrite et qui attirerait sur eux ses plus paternelles bénédictions.

De là les généalogies du début, pour leur montrer leur vraie place, si glorieuse, dans l'histoire du monde (autres listes généalogiques fréquentes dans le cours du récit. Cf. 1 Par. 11, 26-47; 12, 1-14; 14, 4-7; 15, 5-11, 17-24; 24, 7, 18, etc.). De là, les nombreux détails relatifs à la construction et à l'ornementation du temple, à l'organisation du culte, au service des Lévites; car la religion était pour Israël le foyer de sa vie (on a dit à juste titre que le récit est « ecclésiastique » dans les livres des Paralipomènes, « politique » dans ceux des Rois.) . De là, l'histoire du royaume schismatique des dix tribus passée sous silence, ce royaume ayant pris dès l'origine une attitude antithéocratique. De là, la part du lion faite à la biographie de David, le roi modèle, et de plusieurs autres bons rois, tels que Josaphat, Ézéchias et Josias. De là, enfin, les réflexions fréquentes par lesquelles l'historien souligne en quelque sorte les événements, pour en tirer des conclusions sous le rapport moral et pour montrer la main du Seigneur partout visible, en vue soit de châtier les crimes soit de récompenser les actes de vertu (voyez, par exemple, 1 Par. 10, 13; 11, 9; 12, 2; 13, 18; 14, 11-12; 16, 7; 17, 3, 5; 18, 31; 20, 30; 21, 10; 22, 7; 24, 18, 24; 25, 20; 26, 5, 7, 20; 27, 6, etc). Ce but établit très bien l'unité entre les différentes parties de l'ouvrage, reliant ensemble les généalogies et les récits.

La division. —- Les deux livres, envisagés collectivement, se divisent en deux parties d'étendue très inégale: 1° les tables généalogiques, 1 Par. 1-9; 2° l'histoire de David, de Salomon, et des rois de Juda jusqu'à la captivité de Babylone, 1 Par. 10-2 Par. 36. La seconde partie comprend trois sections : le règne de David, 1 Par. 10-29; le règne de Salomon, 2 Par. 1-9; les rois de Juda depuis Roboam jusqu'à Sédécias, 2 Par. 10-36.

Si l'on considère à part chacun des deux livres tels que les contient la Vulgate, on peut admettre les divisions suivantes :

Premier livre des Paralipomènes. — Deux parties : 1° les listes généalogiques, 1, 1-9, 44; 2° l'histoire du roi David, 10, 1-29, 30 (deux sections: les principaux événements du règne de David, 10, 1-21, 30; la fin du règne, 22,1-29, 30).

Second livre des Paralipomènes. — Deux parties aussi : 1° Histoire du règne de Salomon, 1, 1-9, 31 (trois sections: le Seigneur bénit le jeune monarque au début de son règne, 1, 1-17; construction et dédicace du temple, 2, 1-7, 22; principaux événements politiques du règne de Salomon, 8, 1;9, 31); 2° Histoire des rois de Juda depuis le schisme des dix tribus jusqu'à la captivité de Babylone, 10, 1-36, 23 (sept sections : règne de Roboam, 10, 1·12, 16; règnes d'Abias et d'Asa, 13, 1-16, 14; règne de Josaphat, 17,1-20, 37; règnes de Joram, d'Ochozias et de Joas, 21, 1-24 , 27; règnes d'Amasias, d'Ozias, de Joatham et d'Achaz, 25, 1-28, 27; règne d'Ézéchias, 29, 1-32, 33; les derniers rois de Juda, 33, 1-36, 23) (pour les détails, voyez le commentaire, et notre Biblia sacra, pp. 379-443).

La date de composition et l'auteur. — Les Paralipomènes ne furent certainement pas composés avant la fin de l'exil babylonien. En effet, 1° ils se terminent par une citation abrégée de l'édit de Cyrus, qui mit fin à la captivité des Juifs (2 Par. 36, 22-23); 2° ils donnent, au moins jusqu'à la troisième génération, la généalogie des descendants du saint et célèbre Zorobabel, qui ramena les premiers colons juifs sur le sol sacré dès la cessation de l'exil (1 Par. 3,19-24 (voyez le commentaire)); 3° les dariques, mentionnées 1 Par. 29, 7, comme monnaie courante, n'ont existé que sous la domination persane, par conséquent sous le règne de Cyrus; 4° le style est tout à fait semblable à celui des livres d'Esdras, de Néhémie et d'Esther, postérieurs à l'exil. La composition ne saurait donc remonter au delà de l'année 536 avant J.·C., et elle eut même lieu probablement un peu plus tard (vers le milieu du 5ème siècle); non toutefois aux dates tardives admises de nos jours par l'école rationaliste (la fin de la domination persane, l'ère des Séleucides, le règne d'Alexandre le Grand).

La tradition juive désigne unanimement Esdras comme l'auteur du livre des Paralipomènes, et la plupart des exégètes croyants, soit dans l'antiquité, soit de nos jours, ont adopté ce sentiment. Une comparaison établie entre le livre que nous étudions et les pages qui nous restent d'Esdras confirme étonnamment le témoignage traditionnel, car elle démontre de part et d'autre un même esprit (notamment, « le même goût pour les généalogies, pour tout ce qui tient au culte et à la tribu de Lévi. » Man. Bibl., t. 4, n. 504), une même méthode de composition, un trésor identique de locutions employées avec une signification qui est propre aux deux écrits. (la plus célèbre est kammišpât , pour signifier : « selon la loi de Moïse »).

Les sources des Paralipomènes. — Il faut distinguer. Pour les généalogies placées en avant du récit ou qui lui sont entremêlées, l'auteur a employé comme sources : 1° les livres historiques composés avant le sien; 2° des documents spéciaux, qui n'avaient pas été utilisés par les écrivains sacrés, car plusieurs de ses listes sont entièrement nouvelles (cf. 1 Par. 2, 18-24, 25-41, 42-45; 3, 17-24; 6; 7, 1-3, 6-12, 14-19, 20-29, 30-39; 8, 1-32, 33-39; 9, 35-44).

Pour le reste de l'ouvrage, ou pour l'histoire proprement dite, il a soin de signaler fréquemment les écrits auxquels il a puisé davantage. 1° Le « Livre des rois d'Israël et de Juda » (cf. 2 Par. 16, 11; 25, 26; 27, 7; 28, 26; 35, 27; 36, 8), appelé parfois « Livre des rois de Juda et d'Israël », ou, par abréviation, « Annales des rois d'Israël » (2 Par. 33, 18-19) compilation probable des deux documents si souvent cités dans les troisième et quatrième livres des Rois sous ces titres : « Livre des annales des rois de Juda, Livre des annales des rois d'Israël » (voyez le tome 2, p. 439). 2° Divers ouvrages historiques, composés presque tous par des prophètes et relatant l'histoire de tel ou tel règne distinct. Ce sont les fastes du roi David (l Par. 27, 24); les actes du Voyant Samuel, les actes du prophète Nathan, les actes de Gad le Voyant (I Par. 29, 29); le livre d'Ahias le Silonite, la vision du Voyant Addo (2 Par. 9, 29); les actes du prophète Séméias, le livre du Voyant Addo sur les généalogies (2 Par. 12, 15); le commentaire du prophète Addo (2 Par. 13 , 22); les actes de Jéhu, fils d'Hanan(1 Par. 20, 34); le commentaire du livre des Rois (2 Par. 24, 27); les actes d'Isaïe sur Ozias (2 Par. 26, 22); la vision d'Isaïe (2 Par. 32, 32); les actes d'Hozaï (2 Par. 33, 19). Nous ne saurions décrire au juste la nature et l'étendue de ces différentes compositions; on voit du moins qu'elles étaient contemporaines des faits qu'elles racontaient et qu'elles provenaient des hommes les plus autorisés. Leur emploi démontre les consciencieuses recherches de l'auteur des Paralipomènes. 3° Sans doute aussi, les quatre livres canoniques des Rois, bien qu'ils ne soient cités nulle part.

Valeur historique des Paralipomènes ; leur importance. - Malgré les garanties sérieuses que nous offre ce livre, sa véracité a été de nos jours l'objet d'attaques aussi injustes que violentes. Ce serait un écrit de tendance, qui colore l'histoire et dénature les faits; bien plus, qui est en contradiction avec lui-même ou avec les autres livres historiques de la Bible. Justice sera faite, dans le commentaire, de ces accusations que des exégètes protestants ont eux-mêmes pris la peine de réfuter. « La valeur historique des Chroniques, dit l'un d'eux, a été vengée de ces soupçons injustes; on reconnaît maintenant que l'auteur a travaillé partout d'après les sources, et qu'il n'est pas possible de lui attribuer des fictions ou des falsifications volontaires. »

Restent, il est vrai, un certain nombre d'erreurs dans les chiffres ou les noms propres (le commentaire signalera aussi les principales. Voyez le Man. Bibl, t. 4, nn. 507-508; F.Vigouroux, les Livres saints et la critique rationaliste, t. 4, pp. 60 et ss.), qui ne manquent pas de créer quelque embarras à l'interprète. Toutefois elles ne sont pas le fait de l'auteur, mais des copistes; et si elles abondent plus qu'ailleurs dans les Paralipomènes, cela tient à leur matière même, puisqu'ils contiennent tant de noms propres ou de chiffres, et que rien ne prête davantage aux fautes de transcription.

L'importance de nos deux livres ne saurait être mieux décrite que par les paroles suivantes de saint Jérôme (Epist. Ad Paulin) : « Paralipomenon liber, id est lnstrumenti Veteris epitome, tantus et talis est, ut absque illo, si quis scientiam Scripturarum sibi voluerit arrogare, seipsum irrideat; per singula quippe nomina juncturasque verborum et praetermissae in Regum libris tanguntur historiae, et innumerabiles explicantur evangelii quaestiones. » Donc, tout ensemble, importance historique en ce qui concerne les Israélites, et importance dogmatique en ce qui regarde le Messie, promis solennellement à David et figuré par plusieurs de ses nobles ancêtres.

Les auteurs à consulter sont peu nombreux, car les Paralipomènes ont été moins étudiés que les autres parties de la Bible. Pour les questions d'introduction, voyez Cornely, Historica et critica introductio in utriusque Testamenti libros sacros, t. 2, p. 311-350; pour l'explication détaillée, les Quaestiones de Théodoret, et les œuvres de Sérarius, Cornelius a Lapide, Calmet, Clair (Les Paralipomènes, Paris, 1880); pour la partie généalogique, P. de Broglie, Étude sur les généalogies bibliques, Paris,1888.