Bible Fillion

LA PROPHÉTIE DE JOËL

(pour les commentaires, voyez la p. 359, note 1. Nous n'avons à signaler, comme ouvrage spécial, que Scholz, Commentar zum Buche des propheten Joel, Würtzbourg, 1885)


INTRODUCTION


La personne du prophète. — Son nom hébreu, Yô`el, est une contraction pour Yehovah’el, Jéhovah est Dieu, ou, Celui dont Jéhovah est le Dieu. Il était, comme il le dit lui-même (1, 1), fils de Phatuel (hébr., Petû’el), personnage entièrement inconnu. Il est moralement certain que Joël appartenait au royaume de Juda, et qu’il avait sa résidence à Jérusalem. Il ne fait pas la moindre allusion au royaume schismatique des dix tribus (s'il mentionne trois fois le nom d'Israël, 2, 27 et 3, 2, 16, c'est toujours d'une manière générale, pour désigner la nation théocratique tout entière); au contraire, il parle fréquemment de Sion, des habitants de Juda et de Jérusalem (cf. 2, 1, 15, 23, 32; 3, 1, 6, 8, 16, 17, 18, 20, 21), du temple et du culte qu’on y offrait à Dieu (cf. 1, 9, 13; 2, 14, 17; 3, 18).

On a parfois affirmé qu’il était prêtre, à cause de l’importance qu’il attache aux cérémonies religieuses et aux sacrifices (cf. 1, 13-14; 2, 15-17) ; mais ce fait ne démontre rien sous ce rapport. C’est comme prophète, et nullement comme ayant quelque autorité dans le sanctuaire, que Joël prêche le jeûne et la pénitence.

L’époque à laquelle il vivait. — « Ses prophéties ne sont pas datées; mais on peut regarder comme certain qu’elles sont les plus anciennes qui nous soient parvenues. Voici d’où on peut le conclure. 1° Elles sont antérieures à Isaïe. Ce dernier avait, en effet, les écrits de Joël sous les yeux : c’est ce qui résulte de l’énoncé du chap. 13, 6, du grand prophète, où l’on trouve reproduit littéralement un membre de phrase de Joël, 1, 15. 2° Amos aussi l’a imité. Il lui a emprunté les premiers mots de sa prophétie (cf. Am. 1, 2, et Joël, 3, 16); et, ce qui prouve que c’est Amos qui emprunte, c’est que ces mots, dans Joël, appartiennent évidemment au contexte...(comparez aussi Am. 9, 13 et Joël, 3, 18). Joël est donc antérieur à Amos, dont les écrits sont datés du règne d’Ozias de Juda, et de Jéroboam II d’Israël.

« Mais combien de temps avant Amos Joël a-t-il prophétisé ? On ne peut le déterminer avec quelque probabilité que par l’étude intrinsèque de sa prophétie. Parmi les ennemis de son peuple que Dieu châtiera un jour, Joël nomme l'Égypte, l’Idumée, Tyr, Sidon et les Philistins. Il passe sous silence les Syriens, menacés plus tard par Amos, I, 3-5, de la déportation en Assyrie, parce que, conduits par leur roi Hazaël, ils avaient fait une campagne contre Jérusalem, après s’être emparés de Geth, sous le règne de Joas (cf. 4 Reg. 12, 18 et ss.: 2 Par 29, 23 et ss.). Si Joël ne les mentionne pas, il est à croire que cette omission provient de ce qu’il a écrit avant que les Juifs eussent à se plaindre d’eux; de même que l’omission des Assyriens et des Chaldéens s’explique par le fait que ces deux peuples ne menacèrent les enfants de Jacob qu’à une époque postérieure. Nous sommes ainsi reportés au règne de Joas pour la date de Joël, et d’autres données nous confirment dans l’opinion que c'est sous ce roi, et sous ce roi seulement, avant la campagne d’Hazaël, qu’il a prophétisé: 1° Il ne s’élève pas contre les péchés occasionnés en Juda par la puissance assyrienne, objet des plaintes d’Osée et d’Amos; 2° il n’attaque pas non plus l’idolâtrie, à laquelle le peuple s’abandonna sous Joram, Ochozias et Athalie; 3° il suppose, au contraire, que Dieu est fidèlement servi. Ce sont là tout autant de traits qui ne conviennent qu’aux premiers temps du roi Joas, à cette époque où la religion juive, sous l’influence du grand prêtre Joïada, florissait dans tout son éclat. » (Man. Biblique, t. 2, n. 1072. Joas régna de 878 à 856 avant J.-C.)

Le style, qui est admirable et universellement vanté, atteste aussi l’âge d’or de la littérature hébraïque (« La pureté du langage, la régularité dans le parallélisme, l'élévation poétique et la vivacité du coloris, tout assigne à Joël un des premiers rangs dans la littérature prophétique »).

Le sujet et la division du livre. —- La prophétie de Joël forme un tout d’une parfaite unité. Elle a pour point de départ un double fléau qui ravageait alors le royaume de Juda, à savoir, une invasion de sauterelles et la sécheresse. A l’occasion de ces calamités, dont la première, qui était la plus désastreuse, est longuement et magnifiquement décrite, Joël exhorte les prêtres à ordonner un jeûne et des prières dans tout le pays. Là-dessus, il annonce tout à coup que Dieu, touché de compassion, mettra bientôt fin aux deux fléaux, et qu’il accordera à son peuple la pluie et de riches récoltes. Toutefois la bonté du Seigneur· ne s’arrêtera pas à ce premier bienfait. La pluie, qui fertilise, sera suivie, dans un avenir indéterminé, d’une abondante effusion de l’Esprit-Saint. D’autre part, le jour terrible des vengeances de Jéhovah éclatera contre les nations païennes qui s’étaient coalisées contre le peuple théocratique. Ces nations seront défaites, écrasées, tandis que Juda, totalement régénéré, verra son Dieu régner éternellement et pacifiquement dans Sion. Tel est le sujet, dont l’horizon va toujours s’éloignant de plus en plus.

Le livre se divise en deux parties, que le prophète lui-même a marquées par une petite note historique (2, 18-19a). La première partie, 1, 1-2, 17, contient un discours rempli d’exhortations plaintives. C’est une invitation à la pénitence, à l’occasion des deux fléaux qui désolaient Juda. La seconde partie, 2, 18-3, 21 , contient un discours plein de promesses, qui prédit à Sion de nombreuses faveurs temporelles et spirituelles, et à ses ennemis toute sorte de maux (pour une analyse plus complète, voyez notre Biblia sacra, p. 1004-1006. Il est bon de noter ici que le texte hébreu a été partagé en quatre chapitres au lieu de trois. Le second se termine après 2, 27 de la Vulgate; le troisième correspond à 2, 28-32; le quatrième, au chap. 3.)

4° Le livre de Joël a une importance particulière pour Israël et pour l'Église. Les Juifs y sont constamment représentés comme le peuple de Dieu, qui sera comblé de bénédictions de tout genre, s’il demeure fidèle à Jéhovah. Cette condition remplie, il aura beau souffrir momentanément, être à demi ruiné par les nations païennes, ses épreuves ne seront que transitoires, le bonheur lui sera rendu sous toutes les formes, et il deviendra le noyau et le centre d’un royaume théocratique qui sera vaste comme le monde et qui n’aura pas de fin. A l'Église il promet l’effusion de l’Esprit-Saint, et il décrit avec une magnificence incomparable d’expressions le jugement général de la fin des temps (cf. 2, 30 et ss.) : tableau auquel il ramène presque tout dans sa prophétie (cf. 1, 15; 2, 1-2, 10-11, 31; 3, 1 et ss.)