BIBLE FILLION
La Sainte Bible Commentée d'après la Vulgate et les textes originaux
EVANGILE SELON S.MATTHIEU
PREFACE
§ 1. — NOTICE BIOGRAPHIQUE SUR S. MATTHIEU.
S. Matthieu, que le témoignage unanime de la tradition (voir le § suivant) désigne comme l’auteur du premier Évangile, était probablement originaire de la province de Galilée (un ancien manuscrit parisien l'affirme comme un fait certain. Cf Coteler., Patr. Apostol. 1, 272), de même que la plupart des autres apôtres. Nous ne savons que très-peu des chose sur sa personne et sur sa vie. D’après S. Marc, 2, 14, il était fils d’Alphée (une ancienne légende mentionnée par Winer, Bibl. Realwoerterbuch, s. v. Matthaeus, nomme son père Rucus et sa mère Chirotia) ; d’où l’on a parfois conclu qu’il était frère de S. Jacques-le-Mineur (c'est l'opinion d'Euthymius Zigabenus, de Grotius, de Paulus, de Bretschneider, de Credner, de Doddrige, d'Alford, etc.), les Évangélistes nous présentant également cet apôtre comme un fils d’Alphée. Cf. Matth. 10, 3; Marc. 3,18; Luc 6, 15. Mais cette hypothèse est à bon droit rejetée par la plupart des exégètes. En effet, une simple ressemblance de nom est loin de suffire pour créer des relations si étroites, surtout lorsqu’il s’agit d’un nom très commun, tel qu’était alors celui d’Alphée chez les Juifs de Palestine. Au reste, ni l’Évangile, ni la tradition ne comptent S. Matthieu parmi les parents de Notre-Seigneur Jésus-Christ; et pourtant il eût été frère de Jésus dans le cas ou son père n’eût pas différé d'Alphée, père de S. Jacques (voir Matth. 13, 55-56 et l'explication. Cf. Winer, Bibl. Realwoerterbuch, s. v. Alphaeus.). Nulle part non plus nous ne voyons son nom rapproché de celui de S. Jacques-le-Mineur.
Matthieu est un nom d’origine hébraïque. Sa prononciation juive était Mattaï, םתי. Les Grecs, en y ajoutant une désinence masculine, l’ont transformé en Ματθαῖος (telle est l'orthographe la plus habituelle. Plusieurs critiques, s'appuyant sur les manuscrits B. et D. etc., écrivent Μαθθαῖος), d'où les Latins ont fait Matthaeus. Il signifie « don du Seigneur » et correspond par conséquent à Théodore ou Dieu-donné (comparez Matth. 19, 9 et ss. Avec le commentaire). L’auteur du premier Évangile ne se donne nulle part d’autre nom, et cependant, les récits parallèles de S. Marc, 2, 14 et ss. (voir le commentaire) et de S. Luc, 5, 27 et ss., nous apprennent qu’il avait porté celui de Lévi avant de s'appeler Matthieu. Les rationalistes, il est vrai, prétendent trouver dans cette divergence des récits une contradiction manifeste; d’autres commentateurs (dans les temps anciens, Héracléon, cité par Clément d'Alexandrie, Stromat. 4, 9. Origène, c. Cels, 1, 69, que l'on donne habituellement comme un adversaire de l'identité de Lévi et de S. Matthieu, la soutient au contraire ; cf. de Valroger, Introduction hist. et crit. aux livres du N. T. t. 2 p. 21. Dans les temps modernes, Grotius, annotat. In Matth. 9, 9 ; Sieffert, Ursprung des erst. Evang., Koenigsberg, 1832 p. 59 ; Michaelis, Einleitung, t. 2n. 935 ; Frisch, Dissertat. De Levi cum Matth. non confundendo, Lips, 1746) supposent que Lévi et Matthieu étaient deux personnages distincts. Mais nous n’aurons pas de peine à prouver, quand nous étudierons le fait de la conversion de S. Matthieu, d’après S. Matthieu lui-même, que ce sont là des suppositions entièrement gratuites. Comme S. Pierre, comme S. Paul, comme S. Marc, S. Matthieu aura eu successivement deux noms qui ont marqué deux périodes toute différentes de sa vie. Juif, il s’appelait Lévi ; chrétien et apôtre, il devint S. Matthieu. De même que S. Paul ne mentionne nulle part dans ses Epîtres le nom israélite qu’il avait reçu à la circoncision, de méme le premier Évangéliste se désigne seulement par son nom chrétien. Il le prend par anticipation, même avant de devenir l’Apôtre de Jésus. Les deux autres synoptiques, dont l’exactitude historique est d’ordinaire plus rigoureuse, distinguent au contraire entre la première et la seconde appellation.
Avant d’entendre l’appel de Jésus, Matthieu ou Lévi exerçait la fonction de publicain, c’est-à-dire de collecteur d’impôts. Cf. Matth. 9, 9 et les passages parallèles. Cet office, que les Romains regardaient comme un déshonneur (cf l'explication de Matth. 5, 46), les Juifs comme un affreux péché qui méritait l’excommunication(cf. Ibid. et 9, 10-11 ; 11, 19 ; 18, 17 ; 21, 32), semble lui avoir procuré une certaine aisance; témoin le somptueux festin que nous lui verrons donner au Sauveur après sa conversion. Il avait sa résidence à Capharnaüm (Matth. 9, 1.7.9 ; Marc. 2 1-43), son bureau tout auprès du lac de Tibériade (Marc. 2 13-14).
On connaît les touchantes circonstances qui firent du publicain décrié un des premiers disciples de Jésus. Si le divin Maître manifesta l’immensité de son amour et de sa miséricorde en appelant Lévi à sa suite, celui-ci se montra digne d'un tel choix par la promptitude et par la générosité de sa correspondance à la grâce. Il semble avoir été le septième apôtre d'après l’ordre de la vocation; Cf. Joan. 1, 37-51 ; Matth. 4, 18-22. C’est le rang que S. Marc, 3, 18, et S. Luc, 6,15; Cf. Act. 1, 13, lui assignent dans leurs listes. Quant à lui, il ne prend que le huitième et se place après S. Thomas. Cf. Matth.,10, 3.
Il n’est plus question de lui dans l’Évangile à partir de sa vocation à l'Apostolat. Son nom revient pourtant une dernière fois dans les écrits du Nouveau Testament à l'occasion de la descente du S. Esprit et de l’élection de S. Mathias. Que devint-il ensuite? Dans quelles contrées alla-t-il prêcher la bonne nouvelle? Les renseignements de la tradition sur ces deux points sont peu nombreux, incertains et parfois même contradictoires. D’après les. témoignages de Clément d’Alexandrie (Stromat. 6) et d’Eusèbe (Hist. Eccles. 3, 24 ; cf. Iren. Adv. Haer. 3, 1, 1), il serait d’abord demeuré quelque temps à Jérusalem : ce n’est que douze ou quinze ans après la Pentecôte qu’il se serait dirigé ἐφ'ἑτέρους. Les autres écrivains ecclésiastiques des premiers siècles lui font exercer son apostolat tantôt en Macédoine (Isidor. Hispal., de vita et morte sanctorum, c. 67), tantôt en Arabie, en Syrie, en Perse, dans le pays des Mèdes (cf. Cave, Antiq. apost., p. 553 et ss.), tantôt en Ethiopie (Rufin, Hist. Eccl. 10, 9 ; Socrate, Hist. Eccl. 1, 19).
Il règne une incertitude semblable relativement à sa mort. Tandis qu’Heracléon (Ap. Clem. Alex., Stromat. 4, 9) le fait mourir d’une manière naturelle, d’autres assurent qu’il termina glorieusement ses jours par le martyre (cf. Nicéphor. Hist. Eccl. 2, 41). L’Église s’est décidée en faveur de cette seconde opinion (Breviar. Rom. 21 sept. ; Cf. Martyrol. rom., ead. die. L'ouvrage apocryphe publié par Tischendorf sous ce titre : « Actes et martyre de S. Matthieu » est sans aucune valeur). Les Latins célèbrent la fête de S. Matthieu le 21 septembre, les Grecs le 16 décembre.
§ 2. — AUTHENTICITÉ DU PREMIER ÉVANGILE.
On a eu quelquefois recours à des preuves intrinsèques pour démontrer que S. Matthieu est réellement l’auteur de l’Évangile qui porte son nom. Les suivantes surtout ont été assez fréquemment alléguées. 1°S. Luc, 5, 29, raconte que Lévi, aussitôt après sa vocation à l'apostolat, donna un grand festin en l’honneur de Notre-Seigneur Jésus-Christ ; le premier Évangile mentionne ce repas, 9, 9 et suiv., mais sans désigner l’amphytrion. 2° S. Luc et S. Marc, comme il a été dit plus haut (voir le § 1), placent S. Matthieu au septième rang parmi les Apôtres; l’auteur du premier Évangile ne lui donne que le huitième. 3° Cet auteur est le seul qui ajoute au nom de S. Matthieu, dans sa liste des Apôtres, l’épithète humiliante de publicain. Ces détails minutieux, qui attiraient déjà l’attention d’Eusèbe et de S. Jérôme (voyez Patritii, de Evangeliis libri tres, Fribourg, p. 4 et suiv.), ont certainement leur force probante; mais il est bien évident qu’ils sont loin de suffire pour démontrer l’authenticité du premier Évangile. Nous ne les signalons donc qu’à titre de simple confirmatur. Les vrais arguments, quand il s’agit de prouver qu'un livre est authentique, ont toujours été et seront toujours les arguments d’autorité, ou les preuves extrinsèques. C’est donc spécialement sur ce genre de preuves que nous allons nous appuyer pour soutenir que l’Évangile dit de S. Matthieu est authentique sous sa forme actuelle.
Nous distinguerons, pour plus de clarté, les témoignages des écrivains orthodoxes, ceux des écrivains hétérodoxes, enfin le témoignage des Évangiles apocryphes.
1. Les témoignages des écrivains catholiques sont tantôt directs, tantôt indirects; directs quand ils affirment positivement que S. Matthieu a composé la première des quatre rédactions évangéliques; indirects quand ils se bornent à citer quelques passages de cette rédaction en leur attribuant la valeur de textes évangéliques.
1° Témoignages directs. — Le plus ancien est celui de Papias, disciple de S. Jean (S. Iren. Adv. haer. 5, 33, 4 ; Hieron. de Viris illustr. 100 18), mort l’an 130 de l’ère chrétienne. Ce saint évêque, dans un ouvrage intitulé Λογίων ϰυριαϰῶν ἐξηγήσεις, dont l’historien Eusèbe nous a conservé quelques fragments (Hist. Eccles. 3, 39), assure que S. Matthieu a exposé les λογία, c’est-à-dire 1’histoire de Jésus (Ματθαῖος μὲν οῦν ἑβραἱδι διαλέϰτω τὰ λογία διετάξατο, ἡρμήνεῦσε δ' αὐτὰ ὠς ἠν δυνατὁς εϰαστος. Tel est le passage complet. On a vivement discuté sur le sens de λογία. Il est faux que ce mot désigne simplement, comme le prétendent les rationaliste, les paroles et les discours du Sauveur. « Ce qui prouve que pour Papias, les λογία de S. Matthieu n'excluaient point la relation des faits, c'est que lui-même avait intitulé son ouvrage Commentaire des λογία du Seigneur, ce qui ne l'empêchait pas de s'occuper des faits, de rapporter des miracles, comme le démontrent les fragments conservés par Eusèbe. De plus, en mentionnant l'évangile de' S. Marc, qui certes comprenait des récits et des discours (λεϰθέντα ἡ πραϰθέντα), Papias n'en désigne pas moins les uns et les autres, comme pour S. Matthieu, par ce terme unique : ensemble des discours du Seigneur ; preuve évidente que, pour lui, le mot λογία n'exclut nullement la relation des faits. En outre, S. Irénée, Clément d'Alexandrie et Origène appellent également nos évangiles les λογία du Seigneur. Faut-il en conclure que la partie narrative était encore absente au 3ème siècle ? Il y a bien des années que Schleiermacher et Credner ont émis l'hypothèse dont M. Renan vient de se faire le tardif écho ; mais il y a longtemps aussi que Lücke, Hug, Thiersch, Maier et tant d'autres critiques en ont démontré la fausseté. » Freppel, Examen crit. De la Vie de Jésus de M. Renan, 2è édition, p 15 et 16. Cf. J. Langen. Grundriss der Einleit. In das N. Test. p. 12).
S. Irénée, l’illustre archevêque de Lyon, qui florissait vers la fin du second siècle, écrit dans son ouvrage contre les hérésies, 3, 1 :Ὁ μὲν δὴ Ματθαῖος ἐν τοῖς Ἑϐραίοις τῇ ἰδἰα διαλέϰτῳ αὐτῶν ϰαί γραφὴν ἐξἐνεγγϰεν εὐαγγελίου.
Clément d’Alexandrie, Stromat. 1, 21, affirme le même fait. Origène n'est pas moins explicite : Ώς ἐν παραδόσει μαθὼν περί τῶν τεσσάρων εὐαγγελίων, ά ϰαί μόνα ἀναντίῤῥητά ἐστιν ἐν τῇ... ἐϰϰλησία τοῦ Θεοῦ ὄτι πρῶτον μὲν γέγραπται τὸ ϰατὰ τὸν ποτὲ τελώνην, ὕστερον δὲ ἀπόστολον Ἰησοῦ Χριστοῦ Ματθαῖον (ap. Euseb. Hist. Eccl. 6, 25).
Eusèbe de Césarée, S. Cyrille de Jérusalem, S. Epiphane attribuent aussi à S. Matthieu, dans les termes les plus formels, la composition du premier Évangile. Ματθαῖος μὲν, dit Eusèbe, Hist. Eccl. 3, 24, παραδοὺς τό ϰατ αὐτὸν εὐαγγέλιον. Et S. Cyrille, Catech. 14, c. 15 : Ματθαῖος δ γράψας τὸ εὐαγγέλιον. Et S. Epiphane, haer 30, c. 3 : ὡς τὰ ἀληθῆ είπεῖν, ὅτι Ματθαῖος μόνος ἑϐραῖστὶ ἐν τῇ ϰαινῇ διαθήϰῃ ἐποιήσατο τὴν τοῦ εὐαγγελίου ἕϰθεσίν τε ϰαὶ ϰήρυγμα.
Mêmes affirmations dans l’Église latine. Tertullien appelle S. Matthieu « fidelissimus Evangelii commentator (De carne Christi, c. 22, Cf. cont. Marcion. 4, 2, 5) ». S. Jérôme, de vir. Illustr. c. 3 (Cf. comment. in Matth. , prolog), écrit de son côté : « Matthaeus, qui et Levi, ex publicano apostolus, primus in Judaea propter eos, qui ex circumcisione crediderant, Evangelium Christi... composuit. »
A ces assertions patristiques, qu'il serait aisé de multiplier, surtout à partir du quatrième siècle(voir Kirchhofer, Quellensammlung zur gesch. des neutesta. Canons, Zurich 1844, p. 86 et ss. ; Tischendorf, Wann wurden unsere Evang. verfasst, 4è édit. p. 9-40), nous ajouterons deux témoignages non moins directs et non moins probants. Le premier est contenu dans la pièce célèbre connue sous le nom de canon de Muratori, qui date certainement du second siècle. Elle mentionne expressément l’Évangile selon S. Matthieu parmi les écrits inspirés (cf. Tischendorf, l. c. p. 9). Le second témoignage se déduit des titres placés en tête du premier Évangile, soit dans le texte grec, soit dans les plus anciennes versions, telles que la Peschito syrienne et l’Itala. Ces titres, qui attribuent uniformément le premier Évangile à S. Matthieu (Εὐαγγέλιον ϰατὰ Ματθαῖον, Evangelium secundum Matthaeum, etc.), supposent que, dès l’origine de l’Église, le livre regardé aujourd’hui par tous les chrétiens comme l’œuvre du publicain Lévi, existait dans les rangs des fidèles sous le même nom et avec la même autorité.
2° Témoignages indirects.- Les écrivains ecclésiastiques des premiers siècles citent de nombreux passages du premier Évangile, les donnant comme des lignes inspirées : preuve que cet Évangile, sous sa forme actuelle, remonte au début du Christianisme.
Ici encore nous nous bornerons à signaler quelques exemples.
S. Clément pape, mort en 101, écrivait aux Corinthiens (1ère épitre, c. 46): Μνῄσθητε τῶν λογων Ίησοῦ τοῦ ϰυρίου ἡμῶν. Εῖπε γαρ· οὐαί τῶ ἀνθρώπῳ ἐϰείνῳ·ϰαλὸν ἦν αὐτῷ εί οὐϰ ἐγεννήθη, ἧ ἕνα τῶν ἐϰλεϰτῶν μου σϰανδαλσαι·ϰρεῖττον ἦν αὐτῷ περιτεθῆναι μύλον ϰαί ϰαταποντισθῆναι εἰς τὴν θάλασσαν, ἦ ἕνα τῶν μιϰρῶν μου σϰανδαλίσαι Il y dans ces paroles deux textes de S. Matthieu, 26, 24 et 18, 6, fondus ensemble. Comparez aussi Clem. Rom., 1 Cor. 13 et Matth. 6, 12.
S. Polycarpe, disciple de S. Jean, dit aux Philippiens (Epist. ad Philipp. c. 2) : Μνηνονεύσαντες δὲ ὧν εῖπεν ὁ ϰύριος διδάσϰων... Μὴ ϰρίνετε ῖνα μη ϰριθῆτε (Cf. Matth. 7, 1), ἐν ᾧ μέτρῳ μετρῆτε, ἀντιμετρηθήσεται ὑμῖν (Cf. Matth. 7, 2), ϰαί, ὅτι μαϰάριοι οἱ πτωϰοἱ ϰαἰ οἰ διωϰόμενοι ἕνεϰεν διϰαι ο σύνης, etc. (Cf. Matth. 5, 3-10). Voir encore Ep. ad. Philipp. c. 7, et Matth. 6, 13 ; 26, 41.
S. Ignace d’Antioche, ad Rom. c. 6, cite textuellement S. Matthieu, 16, 26. Comparez de même l’épître de S. Barnabé, c. 4 ad fin. et Matth. 20, 16; Athénagoras, Legat. pro Christ,- c. 11, 12, 22 et Matth. 5, 44 et ss.; Théophile d’Antioche, ad Antol. 3, 13-14 et Matth. 5, 28. 32. 44 et ss. Mais c’est surtout dans les écrits de S. Justin martyr qu’on trouve à glaner au point de vue qui nous occupe. Ils contiennent un nombre considérable de textes particuliers au premier Évangile, qui sont cités tantôt tels que nous les lisons aujourd’hui, tantôt après avoir été combinés les uns avec les autres, quoiqu’ils restent, même alors parfaitement reconnaissables. Il aurait été impossible à S. Justin de faire ces citations s’il n’avait eu sous les yeux un texte du premier Évangile semblable au nôtre (à propos des citations évangéliques de S. Justin, on pourra consulter avec fruit Semisch, die apostol. Denkwuerdigkeiten des Mart. Justin, Hambourg, 1848 ; Hilgenfeld, Krit. Untersuch ueber das Evang. Justin's, Halle, 1850).
On comprend maintenant que l’historien Eusèbe, Hist. Eccl. 3, 25, ait compté l’Évangile selon S. Matthieu parmi les livres canoniques dont l'authenticité était indiscutable. On comprend encore cette protestation indignée que S. Augustin adressait au Manichéen Faustus : « Quum cœpero Matthaei Evangelium recitare. .. continuo dices : illam narrationem non esse Matthœi, QUAM MATTHAEI ESSE DICIT UNIVERSA ECCLESIA AB APOSTOLICIS SEDIBUS USQUE AD PRAESENTES EPISCOPOS CERTA SUCCESSIONE PERDUCTA (cont. Faust, l. 28, c. 2)
2. S. Irénée (Adv. Haer. 3, 11, 7), parlant des témoignages rendus en faveur des Évangiles par les hérétiques de son temps, s’écriait avec une sainte allégresse:« Tanta est autem circa Evangelia haec firmitas, ut et ipsi haeretici testimonium reddant eis, et ex ipsis egrediens unusquisque eorum conetur suam confirmare doctrinam. » Pour nous, comme pour le grand docteur de Lyon, il sera consolant de voir l'authenticité des Évangiles, et tout d’abord celle de S. Matthieu, prouvée par les écrivains hétérodoxes des anciens temps (ici encore nous devons nous borner à de rapides indications. Les lecteurs désireux de traiter plus à fond cette question intéressante trouveront les matériaux groupés dans Hug, Einleitung in die Schriften des N. Test., 3è édit. p. 37-104, et dans Tischendorf, l. c. p. 43-71).
Le fameux Basilides, contemporain des derniers membres survivants du collége apostolique, cite S. Matthieu, 7, 6 (Ap. Epiph. Haer. 24, 5). Il connait aussi l’histoire des Mages telle que la raconte le premier Évangile (cf. Hippol. Philosoph. 7, 27).
Valentin, cet autre gnostique célèbre, qui vivait dans la première moitié du second siècle, appuie son système hérétique sur deux passages de S. Matthieu, 5, 18-19 et 19, 20 et ss. (cf. Iren. adv. Haer. 1, 3, 2 et s.). — Ptolémée, son disciple, connaît également plusieurs textes de notre Évangile : on peut s’en convaincre en comparant son « épître à flore », conservée dans les écrits de S. Epiphane (Haer. 33), avec Matth. 12, 25; 19, 8; 15, 5 et ss.; 5, 17. 39.
Isidore, fils de Basilides, mentionne (Ap. Clem. Alex. Strom. 3, 1) plusieurs versets que nous lisons au chapitre 19 (5. 10 et ss.) de S. Matthieu. Cerdo, autre hérétique du second siècle, cite (Ap. Theodor. Haeret. Fab. 1, 24, cf. Matth. 5, 38 et ss.) une partie du discours sur la montagne. D’autres sectaires moins connus, tels que les Ophites, les Naasséniens, les Séthiens, tous antérieurs au troisième siècle, cherchent aussi des bases pour leurs erreurs dans divers récits spéciaux au premier évangéliste (Pour les Ophites, voir Epiph. Haer. 37, 7. Pour les Naasséniens, Hippol. Philosophum. 5, 7 (cf. Matth. 19, 17 ; 5, 45) ; 5, 8 (cf. Matth. 13, 44 ; 23, 27 ; 27, 52 ; 11, 5 ; 7, 21 ; 21, 31 ; 2, 18 etc.). Pour les Séthiens, ibid. 5, 21 (cf. Matth. 10, 34)).
L’ouvrage hérétique connu sous le nom de « Homiliae Clementinae» contient plusieurs citations évidemment empruntées à l’Évangile selon S. Matthieu, dont quatre sont littérales, dix à peu près exactes, onze un peu plus libres (voir Semisch, die apostol. Denkwuerdigkeiten, p. 360 et ss.).
Tatien (cf. Clem. Alex. Strom. 3, 12) prétend démontrer d’après Matth., 6. 19, la légitimité de son rigoureux ascétisme. Bien plus, dans son « Diatessaron » qui est la plus ancienne de toutes les concordes évangéliques, il donne une large part au récit de S. Matthieu. Théodote et Marcion font aussi un usage très fréquent du premier Évangile (pour le premier, voir les œuvres de Clément d'Alexandrie, édit Potter, § 59, cf. Matth. 12, 29 ; § 12, cf. Matth. 17, 2 ; § 14 et 51, cf. Matth. 10, 28 ; § 86, cf. Matth. 25, 5. Pour le second, voir Tertull. adv. Marc 2, 7 ; 4, 17, 36 (cf Matth. 5, 45), 3, 13 (cf Matth. 2, 1 et ss.) ; 4, 7 ; 5, 14 (cf Matth. 5, 17) ; etc.).
Il n’est pas jusqu’aux écrivains juifs et païens qui n’aient connu l’œuvre de S. Matthieu et qui ne rendent témoignage à son antiquité. Tels sont d'une part Celse et Porphyre (Ap. Orig. adv. Cels. 1, 58 et 65); de l’autre les auteurs israélites du quatrième livre d’Esdras (cf. J. Langen, Judenthum in Palaestina, Fribourg, 1866, p. 137 et s. ) et de l’Apocalypse de Baruch (voir Langen, de apocalypsi Baruch Comment. Fribourg, 1867, p. 3 et s.).
3., Les évangiles apocryphes forment la troisième série des témoignages de l’antiquité chrétienne, favorables à l’authenticité du premier évangile canonique. Nulle part assurément ces livres ne mentionnent l'œuvre de S. Matthieu; néanmoins plusieurs de leurs récits semblent supposer son existence à l’époque ou ils furent eux-mêmes composés. Cela est particulièrement vrai des écrits connus sous les noms de Protévangile de S. Jacques, d’Évangile de Nicodème et d’Évangile selon les Hébreux. Par exemple, le chapitre 17 du « Protevangelium Jacobi » (voir Brunet, les Évangiles apocryphes, Paris, 1863, p. 111 et s.) a pour base naturelle Matth., 13, 55; le chapitre 21 est en corrélation parfaite avec Matth., 2. De même le chap. 26 avec Matth., 23, 35. Comparez aussi les chapitres 2 et 9 de l’Évangile de Nicodème (Ibid. p. 215 et ss.) avec Matth., 27, 19. 44-45. Quant a l’Évangile selon les Hébreux, il est probable, comme nous le dirons plus loin, qu’il doit directement son origine à la rédaction de S. Matthieu ; il en prouve donc l'authenticité (On trouvera le développement de ce troisième genre de preuve dans Tischendorf, l. c. p. 76 et ss. Voir aussi l'ouvrage du même auteur intitulé : de Evangel. Apocryph. Origine et usu, Hagae, 1851).
De tous les témoignages qui précèdent (le lecteur aura remarqué qu'ils appartiennent pour la plupart aux deux premiers siècles de l'ère chrétienne, circonstance qui rehausse encore leur autorité), nous pouvons conclure de la façon la plus péremptoire que le premier Évangile est authentique: Quiconque refuserait d’admettre la valeur des preuves que nous avons indiquées, devrait, s’il était conséquent avec lui-même, cesser de croire à l’authenticité de quelque livre que ce soit (voir dans Van Steenkiste, Comment. In Evang. sec Matth. Bruges, 1876, p. 13, un argument de prescription qui résume toute la thèse).
4. Et pourtant il s'est trouvé, à notre époque et en assez grand nombre, de soi-disant critiques qui n’ont pas craint de regarder l’Évangile selon S. Matthieu comme une supercherie littéraire de beaucoup postérieure à l’ère apostolique (dans les temps anciens, il n'y a guère que le Manichéen Faustus qui ait nié l'authenticité du premier Évangile ; cf. August. c. Faust. 17, 1. Au dire de Sixte de Sienne, Biblioth. Sancta, 7, 2, les Anabaptistes l'auraient pareillement rejeté comme apocryphe. Aujourd'hui ce ne sont pas seulement les rationalistes avancés, comme de Wette, Strauss et Baur, qui partagent ce sentiment ; des hommes habituellement modérés, tels que Lücke, Lachmann, Neander, l'admettent sans hésiter. Voir Langen, Grundriss der Einleit. P. 16). Ce fait est en lui-même assez étrange; mais ce qui l’est davantage encore, c’est qu’on prétende parler au nom de la science en formulant une telle assertion. Quels peuvent bien être les leviers scientifiques assez puissants pour renverser la croyance de dix-huit siècles? Aux arguments extrinsèques allégués plus haut, les adversaires du premier Évangile ne trouvent rien de sérieux à opposer. Toutes leurs preuves sont intrinsèques, et par la même subjectives, basées sur des appréciations personnelles. Il suffira de mentionner ici les principales; nous retrouverons les autres dans le commentaire, à propos des faits particuliers auxquels elles se rattachent.
1° Rien dans le premier Évangile n’annonce que l’auteur a été témoin oculaire des événements qu’il raconte. L’apôtre S. Matthieu aurait été plus précis sous le triple rapport des lieux, des dates, des personnes.
2° Le premier Évangile passe complètement sous silence des faits très importants de la vie de Jésus. Il ne dit rien, par exemple, de son ministère en Judée, de la résurrection de Lazare, de la guérison de l’aveugle-né, etc. C'est donc tout au plus un disciple des apôtres qui l’aura composé (Schneckenburger, Ursprung des erst. Kanon. Evangelium, Stuttgart, 1834).
3° Quelques actions ou paroles de Jésus sont relatées plusieurs fois en divers endroits de l’Évangile, quoique avec de légères variantes. Comparer 9, 32 et ss. avec 12, 2 et ss.; 12, 38 et ss. avec 16,1 et ss.; 14, 13 et ss. avec 15, 29 et ss.; 16, 28 avec 24, 34; 11, 14 avec 17, 11 et ss; 5, 32 avec 19, 9; 10, 40-42 avec 18, 5; etc. (De Wette, Weisse, Holtzmann).
4° Le premier Évangile contient des faits merveilleux, légendaires qu’un apôtre n’aurait certainement pas admis dans son récit (à cette assertion, l'on reconnaît le Dr Strauss ; voir Leben Jesu, passim. Voir aussi de Wette, Kurzgef. Exeget. Handbuch zum N. Test. t. 1, P. 5 4è édit.), Exemples: plusieurs apparitions d’anges dans les premières et les dernières pages de l’Évangile, l’histoire de la tentation de Jésus, ch. 4; le didrachme à la bouche du poisson, 17, 24 et ss.; la malédiction du figuier, 21, 18 et ss.; la résurrection de personnes qui étaient mortes depuis un certain temps, 17, 52 et ss.; etc.
5° Plusieurs prophéties de l’Ancien Testament, que l’auteur du premier Évangile voulait faire réaliser par Jésus, ont eu une influence visible sur la narration de certains faits. Voir 21, 7; 27, 3 et ss. Nouvelle preuve qu’aucun apôtre n’y a mis la main (De Wette, l. c. p. 6).
Il est aisé de répondre à toutes ces objections. — 1° Nous rencontrerons, presque à chaque page du premier Évangile maint passage ou mainte expression pittoresque dont on pourrait se servir pour prouver que le narrateur avait vu de ses propres yeux la plupart des faits qu’il a insérés dans son récit. Cf. 9, 9 et ss.; 12, 9-10, 13, 49; 13I, 1; 14, 24-32; etc. Si la rédaction de S. Matthieu, comparée à celles de S. Marc et de S. Luc, est en général moins précise et moins détaillée, cela vient de ce que son plan était plus spécialement dogmatique, comme nous le dirons plus bas. — 2° Les omissions qu’on reproche à l’auteur du premier Évangile ont été complètement volontaires de sa part, puisqu’il se proposait surtout de raconter le ministère public du Sauveur en Galilée. Il connaît pourtant et il signale en passant les voyages de Jésus en Judée; Cf.4, 12; 19, 1.— 3° Les répétitions alléguées proviennent tantôt d’une fâcheuse erreur de nos adversaires, qui ont identifié des choses tout à fait distinctes, tantôt de Notre-Seigneur Jésus-Christ lui-même, qui a certainement reproduit en différentes circonstances, durant sa vie publique, certaines paroles importantes qu’il voulait fixer dans l'esprit de ses auditeurs.— 4° et 5° Les deux dernières objections attaquent beaucoup plus la véracité du premier Évangile que son authenticité. Elles reposent d’ailleurs sur des idées préconçues, sur des préjugés dogmatiques, dont nous n'avons pas à nous occuper actuellement. — Tant qu’on n’aura pas d’autres motifs à faire valoir contre les saints Évangiles, et, grâce à Dieu, on n’en aura jamais d’autres à faire valoir, nous pouvons les regarder toujours avec confiance comme l’œuvre des saints personnages auxquels les attribue la tradition (on peut encore consulter avec fruit les ouvrages suivants sur l'authenticité de l'Évangile selon S. Matthieu : Olshausen, Apostolica Evangelii Matth. origo defenditur, Erlangen, 1835-1837 ; Davidson, Introduction to the New Testament. Lond. 1848-1851, t. 1, p. 60-111).
§ 3. — INTÉGRITÉ.
Vers la fin du 18° siècle et durant les premières années du 19°, plusieurs critiques, tout en admettant l’authenticité du premier Évangile considéré dans son ensemble, nièrent cependant qu’il fût en tout point l’œuvre originale de S. Matthieu (c'est l'anglais William qui passe pour avoir formulé le premier ce sentiment. Voir Davidson, l.c. p. 3 et ss. ; Danko, Historia revelationis Nov. Test. Vienne, 1867 p. 272 et ss. ; Patritius, de Evangeliis liber 1us, p. 29 et ss. L'authenticité des chapitres 1 et 2 du premier évangile est fort bien défendue dans les deux ouvrages suivants : Schubert, de infantiae. J. Chr. historiae a Matth. Et Luc. exhibitiae authentia, Griphisw, 1815 ; S.G. Müller, die Echtheit des erst. Kapitels des Ev. Matth.). Suivant eux, les deux premiers chapitres, qui racontent l’enfance de Notre-Seigneur Jésus-Christ, ne remonteraient certainement pas jusqu’à l’ère apostolique. Ils auraient été ajoutés à une époque plus ou moins tardive par quelque compilateur inconnu. Deux raisons principales étaient apportées par les partisans de cette singulière opinion. 1° Il est impossible d’établir une harmonie réelle entre les récits du premier et du troisième Évangile relatifs à l’enfance du Sauveur. L’un d'eux est donc nécessairement apocryphe; or ce ne peut être que celui de S. Matthieu, puisque S. Luc se donne « ex professo » 1, 1 et 2, comme l'historiographe des premières années de Jésus. 2° Les chapitres 1 et 2 de S. Matthieu manquaient dans l’Évangile des Ebionites (cf. Epiph. Haer. 30, 13. Cet Évangile est probablement le même que celui des Hébreux) et dans le Diatessaron de Tatien (cf. Théodoret, Haeretic. Fab. 1, 20 : τὰς τε γενεαλογίας περιϰόψας ϰαὶ τὰ αλλα, ὅσα ἐϰ σπέρματος Δαϐίδ ϰατα σάρϰα γεγεννημένον τὸν ϰύριον δείϰνυσιν.) ; preuve qu’ils n’étaient pas généralement regardés comme authentiques dans la primitive Église. Mais ces raisons sont sans valeur. Les contradictions qu’on a prétendu trouver entre la narration de S. Matthieu et celle de Luc n’existent qu’à la surface et en apparence, ainsi que nous le prouverons dans le commentaire (voir aussi Patritius, l.c. p. 236 et ss.). Quant à l’omission des deux premiers chapitres de S. Matthieu dans les sources indiquées plus haut, elle avait eu lieu évidemment dans un but dogmatique, ce qui lui enlève la signification qu’on voudrait lui prêter ici. Les Ebionites voulaient un Messie tout humain, Tatien était un fauteur avoué de l’erreur des Docètes. Pour les Ebionites et pour Tatien, la généalogie du Sauveur, l’histoire de sa conception virginale et de sa naissance, son adoration par des Mages, etc., contenaient des arguments formels contre leurs hérésies ; ils trouvèrent plus commode de supprimer ces faits d’un trait de plume. Une telle suppression est plutôt favorable que contraire à l’intégrité du premier Évangile. Du reste, le début du récit de S. Matthieu ressemble trop aux pages suivantes, soit au point de vue des idées (on y voit déjà paraître, à cinq ou six reprises, ces citations de l'Ancien Testament qui sont des caractères principaux du premier Évangile ; cf. 1, 22-23 ; 2, 4-6, 15, 17, 18, 23), soit sous le rapport de la diction (voir Fritzsche, Evangelium Matth. Lipsiae, 1826, P. 849 et ss.), pour avoir été inséré par un faussaire. Bien plus, ce début est supposé par la suite de la narration. Le verset 13 du chapitre 4 est inintelligible sans la fin du second chapitre (5.23). Le verset 1 du chapitre 3 ferait un très-mauvais exorde : il se rattache au contraire fort bien aux antécédents. M. J. P. Lange a donc dit avec raison que l’on pourrait tout aussi bien séparer la tête du corps que les deux premiers chapitres des suivants (Theolog. Homil. Bibelwerk. N. Test. 1 Theil, Evangel. Matth. 3è édit. p. 3). Si l’on ajoute à ces preuves intrinsèques le témoignage très-formel de plusieurs écrivains du second et du troisième siècle (S. Irénée et Origène citent divers passages de ces chapitres. De même le païen Celse, comme nous l'avons vu précédemment. Cf. Ellicott, Hist. Lect. p. 57 ; Mill, Myth. Interpretat. of the Gospels, p. 147-171), l’on comprendra que l’intégrité de notre Évangile soit complètement hors de conteste.
§ 4. — TEMPS ET LIEU DE LA COMPOSITION DU PREMIER ÉVANGILE.
Parmi les écrivains ecclésiastiques des premiers siècles, tous ceux qui ont eu la pensée d’établir une comparaison entre les quatre Évangiles au point de vue chronologique, assignent invariablement la priorité à celui de S. Matthieu. « Sacerdotali tuba, dit Origène (Hom. 7 in Jos. Edit. Ben. t. 2, p. 412 ; cf. Iren. adv. haer. 3, 1, 1), primus in Evangelio suo Matthaeus increpuit ». Et ailleurs : Ἀρξάμενοι ἁπὸ τοῦ Ματθαίου, ὅς ϰαὶ παραδέδοται πρῶτος λοιπῶν τοῖς Ἑϐραίοις ὲϰδεδωϰέναι τὸ εὐαγγέλιον τοῖς ἐϰ περιτομῆς πις τεύουσι (Comm. In Joann. t. 4, p. 132 ; cf. Euseb. Hist. Eccl. 6, 25). S. Augustin n’est pas moins formel sur ce point: « In conscribendo evangelio, quod divinitus ordinatum esse credendum est, ex numero eorum, quae ante passionem Dominus elegit primum atque ultimum locum duo tenuerunt, primum Matthaeus, ultimum Joannes, ut reliqui duo, qui ex illo numero non erant, sed tamen Christum in illis loquentem secuti erant, tanquam filii amplectendi ac per hoc in loco medio constituti, utroque ab eis latere munirentur (de consen. Evangel. Lib. 1, c. 2. De même S. Jérôme, De vir. illust. c. 3. Voir Arnoldi, Comment. zum Evang. des h. Matth. p. 34 et ss.). » Ces assertions sont confirmées par la place que l’Évangile selon S. Matthieu a toujours occupée dans le canon du Nouveau-Testament.
Mais à quelle époque précise a-t-il été composé? C’est ce qu’il est impossible de déterminer d’une manière certaine, parce que la tradition cesse d’être unanime sur ce point. Théophylacte (Praefat. ad Matth.) et Euthymius Zigabenus (Comm. ad Matth.) fixent son apparition huit ans après l’Ascension (M.Gilly, dans son Précis d'introduction générale et particulière à l'Écriture Sainte, Nimes, 1868, t. 3, p. 203, accepte cette date). Le « Chronicon paschale » et l’historien Nicéphore (Hist. Eccl. 2, 45) la placent vers l’an 45 ou 48; Eusèbe de Césarée (Hist. Eccl. 3, 24), au moment où les apôtres se séparèrent pour aller prêcher l’Évangile par toute la terre, c’est-à-dire environ 12 ans après la Pentecôte. Cosmas Indicopleustes (Ap. Montfaucon, Collect. nova patr. Graec. t. 2, p. 245. Cf. Patritii. de Evangel. Lib. 3, p. 50) pense qu’elle aurait eu lieu aussitôt après le martyre de S. Étienne : S. Irénée semble au contraire la reculer jusques après l’an 60, lorsqu’il dit que S. Matthieu publia son Évangile « quand Pierre et Paul prêchaient à Rome et y fondaient l’Église (Adv. Haer. 3, 1, 1) ». En effet, les deux apôtres ne se trouvèrent ensemble à Rome que vers l’année 66 ou 67 de l’ère chrétienne. Les écrivains modernes adoptent tantôt l'une, tantôt l’autre de ces dates. La plupart se rangent cependant à l’opinion intermédiaire d’Eusèbe, d’après laquelle notre Évangile aurait été écrit vers l’an 45. Ce qui est certain, c’est qu’il parut avant la prise de Jérusalem par les Romains, par conséquent avant l’an 70, puisque les chapitres 23 et 24 contiennent la prophétie de cet événement.
Des exégètes contemporains (Hug, Einleitung in die Schrift. des N. T. t.2, § 5 ; A. Maier, Einleitung, p. 67 ; etc) ont cru trouver dans plusieurs passages du premier Évangile, des indices d’une composition relativement tardive. Par exemple, l'expression « usque in hodiernum diem », 27, 8; 28, 15, qui désignerait, suivant eux, une époque de beaucoup postérieure à la résurrection du Sauveur, ou encore la parenthèse « qui legit intelligat », 23, 35, qui prouverait qu’au moment où l’évangéliste écrivait les derniers chapitres, les Romains s’avançaient déjà contre la Judée. Mais ces interprétations sont exagérées; ἕως τῆς σήμερον est une locution juive, qui indique sans doute qu’un certain temps s’est écoulé depuis une époque déterminée, mais sans exiger que ce temps soit considérable. Dix ans, vingt ans suffiraient pour la vérifier. Quant à l’autre passage, nous dirons, en l’interprétant, qu’il contient peut-être une réflexion de Notre-Seigneur Jésus-Christ lui-même. Du reste, eût-il été inséré par S. Matthieu, comme le croient un grand nombre de commentateurs, il signifie simplement que la catastrophe prédite par le Sauveur approchait, que ses symptômes précurseurs étaient visibles, non toutefois qu’elle était imminente.
On a toujours généralement admis que 1’Évangile selon S. Matthieu avait été composé en Palestine. Cela ressort très clairement des témoignages que nous a légués l’antiquité sacrée. Qu’il suffise de rappeler celui d’Eusèbe, Hist. Eccl., 3, 24 : Ματθαῖος μὲν γὰρ πρότερον Ἑϐραίοις ϰηρύξας, ὡς ἕμελλε ἐφʹ ἑτέρους ἰέναι...παραδοὺς τὸ ϰατʹ αὺτὸν εὐαγγέλιον, τὸ λοῖπον τῆ αὐτοῦ παρουσίᾳ τούτοις ἀφʹ ᾧν ἐστέλλετο διὰ τῆς γραφῆς ἀπεπλήρου. D'après la Synopse attribuée à S. Athanase, c’est à Jérusalem que le premier Évangile aurait été publié. « Comme cette ville fut le point central d’où rayonna dans tous les sens la parole évangélique, il est très vraisemblable que ce fut là aussi que ce premier Évangile vit le jour (de Valroger, Introduction historique et critique aux livres du N. Test., t. 2, p. 26).
§ 5. - DESTINATION ET BUT DE L'ÉVANGlLE SELON S. MATTHIEU.
L’opinion a prévalu, dans les temps anciens et modernes, que S. Matthieu, en écrivant son Évangile, avait surtout en vue ceux de ses compatriotes qui s’étaient, comme lui, convertis au christianisme. Les Juifs devenus chrétiens et surtout les juifs-chrétiens de Palestine, tel fut le cercle spécial auquel il s’adressa directement. Eusèbe de Césarée vient de nous le dire en termes exprès (voir la fin du § précédent). Nous avons lu plus haut (§ 2, 1, 1°) les paroles de S. Irénée et de S. Jérôme affirmant le même fait. Origène (Ap. Euseb. Hist. Eccl. 6, 25 : τοῖς ᾀπὸ Ίουδαῖσμον πιστεύσασι), S. Grégoire de Nazianze (Carm. 13, v. 31 : Ματθαῖος ἕγραψεν Εϐραίοις) et S. Jean Chrysostome (Hom. 1 in Matth.) le tiennent également pour certain. En un mot, la tradition n'a jamais hésité sur ce point. Or, les renseignements qu’elle nous a transmis sont corroborés d’une manière étonnante par le contenu, la forme, et, si l’on nous permet cette expression, le coloris du premier Évangile. Tout y indique « une œuvre judéo-chrétienne, composée pour des judéo-chrétiens (Gilly, l. c. p. 196 ; cf. Hug, Einleitung, t. 2, § 2). » Il est intéressant, sous ce rapport, de comparer l’œuvre de S. Matthieu avec celles de S. Marc et de S. Luc, qui avaient été primitivement écrites pour des lecteurs d’origine païenne. S. Marc entremêle son récit de notes archéologiques destinées à expliquer des expressions ou des coutumes juives, qui n’auraient pas été comprises en dehors du judaïsme : il définit le Corban, 7, 11, la Parascève. 15, 42, explique ce qu’il faut entendre par des mains communes,7, 2, etc. S. Luc multiplie de son côté les notes géographiques, parce que son ami Théophile, 1, 3, (Cf. Act. 1, 1), ne connaissait pas le théâtre de la vie du Sauveur. Il dit que Nazareth et Capharnaüm étaient des villes de Galilée. 1. 26; 4, 31; que le bourg d’Arimathie était en Judée, 25, 15.Il indique la distance qui séparait Emmaüs de Jérusalem. 24, 13. etc. (cf. Act. 1, 2 ; voir aussi Joann. 1, 38, 41, 42 ; 2, 6 ; 7, 37 ; 11, 18 ; etc). Rien, ou du moins à peu près rien de semblable dans S. Matthieu. Les chrétiens auxquels il destinait son Évangile étaient donc au courant de la langue, des mœurs et des localités de la Palestine ; c’étaient par conséquent d’anciens Juifs convertis. Si, en quelques rares endroits (1, 23 ; 27, 8, 33, 46), les mots hébreux sont accompagnés d’une courte interprétation, ce doit être le fait du traducteur qui fit passer dans l’idiome grec, l’œuvre araméenne de S. Matthieu (voir le § suivant). Si la doctrine des Sadducéens touchant la résurrection des morts est caractérisée d’une manière spéciale, 22, 23, cela provient de ce que la secte sadducéenne était relativement peu connue du peuple juif (cf. Jos. Ant. 18, 1, 4 ; Arnoldi, l. c. 58).
De même que l’auteur du premier Évangile a supprimé les détails qu’il croyait inutiles pour ses lecteurs, de même il a fortement appuyé surtout ce qui pouvait impressionner, intéresser davantage des chrétiens issus du judaïsme. Jérusalem est la ville sainte par excellence, Cf. 4, 5;27, 53. La Loi mosaïque ne sera pas détruite, mais transfigurée, ramenée à son idéal par le christianisme, cf. 5, 17-19. Le salut messianique a été prêché tout d’abord aux seuls Juifs, 10, 5 et s. : le ministère personnel du Sauveur leur a été spécialement réservé, 15, 25 : plus tard seulement, les Samaritains et les Gentils devaient entendre la prédication de l’Évangile. Par contre, et pour un motif analogue, les préjugés particuliers, les tendances mauvaises des Juifs ont été relevés et combattus à mainte reprise dans l'Évangile selon S. Matthieu. Ainsi, le premier évangéliste s'étend plus que les autres sur les discours dans lesquels Notre-Seigneur Jésus-Christ avait anathématisé les erreurs et les vices des Pharisiens, et opposé à leurs fausses interprétations sa doctrine toute céleste. « Ces discours, rapportés tout au long, n’avaient évidemment d’intérêt que pour des hommes vivant sous l’influence des doctrines et des coutumes pharisaïques, ne pouvaient s’adresser qu’à des lecteurs qu’il était urgent de soustraire a cette influence funeste (Vilmain, Études critiques sur les Évangiles, dans la Revue des sciences ecclésiastiques, Mai, 1867). » De là encore la mention de plusieurs faits ou paroles qui étaient des protestations vivantes contre la doctrine rabbinique d’après laquelle les Juifs seuls seraient sauvés par le Messie, à l'exclusion des païens; Cf. 2, 1 et ss. ; 4, 15 et 16 ; 8, 11 ; 28, 19 ; etc.
Le but et la destination d’un ouvrage sont toujours deux choses corrélatives. Écrit plus directement pour des Judéo-Chrétiens, le premier Évangile devait poursuivre un but spécial, conforme a l’origine, au caractère, aux besoins de ses lecteurs primitifs : c’est en effet ce qui a lieu. Sa tendance bien marquée, parfaitement visible à travers toutes les péripéties du récit, reconnue du plus grand nombre des exégètes, est de prouver historiquement que Jésus de Nazareth est le Messie promis aux Juifs par le Dieu de l'ancienne Alliance. Jésus a réalisé trait pour trait le grand idéal messianique des Prophètes : telle est la pensée fondamentale sur laquelle tout s’appuie, à laquelle tout est ramené dans le récit de S. Matthieu. Il est inutile de décrire l’intérêt que cette thèse, bien développée, pouvait présenter à des Juifs convertis, les services qu’elle pouvait rendre à la cause du Christianisme auprès des Israëlites demeurés incrédules. Mieux vaut indiquer rapidement la manière dont l'évangéliste est demeuré fidèle à son but depuis la première jusqu’à la dernière page. 1° Dès le début, il trace la généalogie de Jésus, afin de le rattacher ainsi à David et à Abraham, dont le Messie devait naître d'après les Prophètes. 2° Souvent, et d’une façon toute particulière, il mentionne les écrits de l’Ancien Testament, pour montrer que Jésus en a accompli tel ou tel passage messianique. Les formules dont il se sert alors sont significatives : « Hoc factum est, ut adimpleretur quod dictum est a Domino per prophetam »; 1, 22. Cf. 2, 15. 23; 3, 14, etc. « Tunc adimpletum est quod dictum est... »; 2, 17; 27, 9, etc. Il cite jusqu’à quarante-trois fois 1’Ancien Testament (parmi ces citations, treize sont tirées du Pentateuque, neuf des Psaumes, seize des écrits prophétiques) d’une manière directe, ce qui n’arrive que dix-neuf fois à S. Luc. 3° Dans la vie publique et dans la Passion du Sauveur, il aime à relever les traits par lesquels le divin Maître a plus ostensiblement manifesté son caractère messianique. Jésus a eu un Précurseur, 3, 3 et 11, l0; il a évangélisé de préference la province de Galilée qui avait autrefois tant souffert, 4, 14- 6; il a multiplié les miracles sous ses pas, 8, 17 ; 12, l7; volontiers il voilait son enseignement sous la forme des paraboles, 13, l4; i1 est entré un jour dans la capitale Juive triomphalement à la façon d’un roi, 21, 5-16; son peuple l’a rejeté, 21, 42, ses disciples l’ont abandonné, 26, 31-56 : tous ces faits et d’autres semblables, qui abondent dans le premier Évangile, prouvent que le but de S. Matthieu était bien de montrer l’accomplissement de la loi et des Prophètes par Notre-Seigneur Jésus-Christ. A ce point de vue, il est vrai de dire que cet Évangile « représente le côté juif de la doctrine chrétienne » (J. Langen, Grundriss der Einleitung, p. 28). Mais ce serait une erreur grossière d'ajouter avec quelques écrivains rationalistes (Schwegler, Nachapostol. Zeitalter, 1, 248 et s. ; Hilgenfeld, die Evangel. nach ihrer Entstehung, p. 106 et ss.) qu'il a judaïsé les idées du Christ et que tous ses éléments non-juifs sont des interpolations. S. Matthieu n'est pas plus un Pétrinien que S. Luc n’est un Paulinien (nos lecteurs savent que ces deux noms barbares, dérivés des noms de S. Pierre et de S. Paul, ont été inventés par les rationalistes pour désigner les prétendus partis qui se seraient formés dans l'Église chrétienne peu de temps après la mort du Christ, l'un favorable aux idées juives et conduit par S. Pierre, l'autre libéral, cosmopolite et dirigé par S. Paul. Voir Le Hir, Études Bibliques, t. 2, p. 293 et ss.), et ce n’est qu’en faussant l’histoire que l’on peut arriver à de pareilles conclusions. — Nous n’avons pas besoin de dire que, malgré le but indiqué plus haut, l’œuvre de
S. Matthieu ne saurait être comparée à un écrit exclusivement dogmatique. L’auteur ne s’adresse pas seulement à l’esprit pour prouver que Jésus est le Messie promis, il s’adresse peut-être plus encore au cœur pour persuader que l’on doit vivre conformément à la doctrine du Christ (cf. Reithmayr, Einleitung in die canon. Buecher des N. T. p. 356 ; de Valroger, l. c. p. 25). Au reste, sa méthode demeure avant tout historique.
6. — LANGUE DANS LAQUELLE FUT ÉCRIT LE PREMIER EVANGILE.
Ce point, sur lequel il n'exista pas le moindre doute pendant des siècles nombreux, est devenu, depuis la Renaissance, le plus difficile et le plus compliqué (« Der intricateste Punkt », dit à bon droit M. Reithmayr, l. c. Voir sur cette question Schubert, Dissertat. qua in sermonem quo evangel. Matth. conscriptum fuerit inquiritur, Gotting. 1810; Grawilz, Sur la langue originale de l’Evang. de S. Matthieu, Paris, 1827; Roberts, Discussions on the Gospels. Lond. 1864; Tregelles, the original Language of S. Matth. ; les Introductions de J. Langen, Hug, A. Maier, du P. de Valroger, de M. Glaire, etc.) de tous ceux que l’on traite dans une Introduction au premier Évangile.
La tradition est cependant aussi claire, aussi formelle que possible lorsqu’il s’agit de déterminer la langue dans laquelle S. Matthieu composa son Évangile. Nos anciens écrivains ecclésiastiques affirment à l'unanimité que ce fut l’hébreu, ou plus exactement, l’idiôme araméen (souvent appelé syro-chaldaïque. M. Schegg est, croyons-nous, le seul à croire que le premier Évangile a été primitivement écrit en hébreu pur ; cf. Die heilig. Evangelien, Munich, 1863, t. 1, p. 13 et 14) qui était alors en usage dans toute la Palestine, et dont les Talmuds sont un précieux reste. En parlant de l'authenticité du premier Évangile (§ 2), nous avons cité plusieurs de leurs témoignages : il suffira d’en rappeler ici les expressions principales.
Papias : ἑϐραΐδι διαλέϰτῳ, ap. Euseb. Hist. eccl. 3, 39.
S. Irénée : ἐν τοῖς Ἑϐραίος τῇ ἰδία διαλέϰτῳ αὐτῶν, adv. Hær. 3, l.
S. Pantène, au sujet duquel Eusèbe écrit dans son histoire, 5, l0 : « On rapporte (λέγεται) qu'étant allé aux Indes, il y trouva écrit en hébreu (Αὐτοῖς τε Ἑϐραίων γράμμασῖ) l’Évangile selon S. Matthieu que S. Barthélemy avait apporté dans ces contrées.» S. Jérôme, de Vir. illustr., c. 36, raconte le même fait: Reperit (Pantenus) Bartholomæum, de duodecim apostolis, adventum Domini nostri Jesu Christi juxta Matthæi evangelium prædicasse, quod Hebraicis litteris scriptum revertens Alexandriam secum detulit. »
Origène : γράμμασιν Ἑϐραΐϰοις συντεταγμένον, apud Euseb., Hist. Eccl. 6, 25.
Eusèbe de Césarée : πατρίῳ γλώττῃ, dans la langue marteernelle des Hébreux pour lesquelles il écrivait. Hist. eccl., 3, 24. Ailleurs (Ad Marin. Quaest. 2, ap. Mai, Scriptor. Vet. Nova collect. 1, p. 64 et s.), Ἑϐραΐδι γλώττῃ.
S. Jérôme : « Evangelium hebræo sermone edidit » ; Præf. in Matth.; Cf. contr. Pelag. 3, l.
De même S. Cyrille de Jérusalem, Catech. 14, S. Epiphane, Hæres. 30, 3, S. Jean Chrysostôme, S. Grégoire de Nazianze, S. Augustin, en un mot tous les Pères de l’Eglise d'Orient comme de l’Église d’Occident (cf. Richard Simon, Histoire critique du Nouveau Testament, t. 1, p. 54-55 ; Whitty, Preface to the Gospels, sect. 5, 6, 7). De même, à leur suite, tous les commentateurs jusqu’au 16° siècle. Cette longue chaîne de témoignages, remontant d’anneau en anneau jusqu’à l'ère apostolique, ne dirime-t-elle pas la question en faveur de l’idiôme araméen? Nous l'affirmons sans hésiter, à la suite de savants critiques. « Aucun fait relatif à l’histoire des Évangiles, dit M. Cureton (Syriac Recension, p. 83. M. E. Venables, Kitto's Cyclopaedia of the Bible, s. v. Matthiew (Gospel of) termine par une réflexion analogue, une longue série de citations patristiques afférentes à la question qui nous occupe : « Un examen impartial des témoignages qui précèdent nous conduit à cette conclusion : En face d'un si grand nombre de témoins indépendants les uns des autres, nous violerions les premiers principes de la critique historique, si nous refusions d’admettre que S. Matthieu a écrit son Évangile original en hébreu. » ), n’est établi d’une manière plus pleine et plus satisfaisante. Depuis le temps des Apôtres jusqu’à la fin du 4° siècle, tous les écrivains qui ont eu
l'occasion de traiter de cette matière ont attesté la même chose... d’un commun accord. Un tel fait nous paraît largement suffire pour prouver que S. Matthieu a écrit primitivement son Évangile dans le dialecte hébreu qui se parlait alors. »
Malgré cette masse écrasante de témoignages, Erasme le premier (Annotat. in Matth. 8, 23; Cf. Scholia ad Hieron. Vir. illustr. c. 3 : « Mihi videtur probabilius hoc Evanvelium eadem fuisse scriptum lingua qua cæteri scripserunt Evangelistæ; » telle est sa conclusion), essaya de prouver que l’Évangile selon S. Matthieu avait été composé en grec, de même que les trois autres. Ses recherches ne le conduisirent cependant pas au-delà d’une simple probabilité. Thomas de Vio, plus connu sous le nom de cardinal Cajetan, incliné par principe vers les opinions nouvelles et singulières, adopta la conclusion d’Erasme. Ils furent bientôt suivis 1'un et l'autre par de nombreux écrivains protestants (Calvin, Théodorre de Bèze, Calovius, etc.), qui profitèrent volontiers de cette occasion pour attaquer la valeur de la tradition en général, et pour amoindrir 1’autorité de la Vulgate (Voir Bisping, Erklaerung des Evang. nach Matth., 2è édit. p. 27). Le plus célèbre et le plus vigoureux défenseur de la thèse nouvelle fut flaccius Illyricus, qui s appliqua à en prouver la vérité par de nombreux arguments (Nov. Testam. ex versione D. Erasmi Rotterdami emendata, cum glossa compendiaria Matth. flacii Illyrici, Bâle. 4570, p. 1 et ss. On appréciera plus loin la valeur de sa
démonstration, car ses successeurs n’y ont presque rien ajouté). Masch la soutint à son tour avec beaucoup d’entrain (Essai sur la langue originale de l'Évangile selon S. Matthieu, Halle, 1755). Aujourd'hui encore, ses principaux adhérents sont des critiques protestants ou rationalistes (Par exemple, M. Renan, Histoire des langues sémitiques, p. 211 ; de Wette, Fritzsche, Credner; Thiersch, Baumgarten-Crusius, etc. On compte pourtant des noms protestants illustres parmi les partisans de la tradition, v. g. ceux d‘Eichorn, de Guericke, d’Olshausen. Aussi n’a-t-on pas été médiocrement surpris de voir naguère un célèbre professeur catholique, le Dr Hug de Fribourg-en-Brisgau, mettre « toute sa science et son rare talent de combinaison au service de
cette opinion négative (De Valroger, l. c. p. 29 ; Cf. Einleitung in die Schriften des N. Testam., von
Leonhard Hug. .3° édit. § 8-12). »
Pour rompre en visière avec une tradition si constante et si unanime, pour pouvoir écrire, comme l’a fait Holtzmann (Die synopt. Evangelien, 1863, p. 270-359. -Cf. Keim, Leben Jesu, 1ère édit. 1, p. 54 : « Bien que ce fût l'opinion de l'ancienne Église, c’est à peine si quelqu'un croit aujourd'hui à la composition primitive de notre Évangile en langue hébraïque): « En ce qui concerne la langue originale du premier Évangile, nous sommes en état de contredire toute la tradition », il faut être poussé par de puissants motifs. Examinons ceux que nos adversaires répètent à tour de rôle depuis l’époque d’Érasme et de Flaccius.
Ils se sont tout d’abord appliqués à diminuer, et même à détruire complètement la force probante des témoignages que nous avons cités. De tous les Pères, disent-ils, c’est Papias qui a rapporté le premier que S. Matthieu avait composé son Évangile en hébreu : les témoignages subséquents dépendent donc du sien, s'y rattachent comme à une source unique. Or, quel cas devons-nous faire, sur un point de critique, du jugement d’un homme dont, au dire d'Eusèbe (Hist., Ecc. 3, 39), « les facultés intellectuelles étaient fort médiocres », σφόδρα τοι σμιϰρός ὤν τὸν νοῦν? Quelque ébionite lui aura montré l'Évangile apocryphe selon les Hébreux (voir plus bas), en lui affirmant que c’était l’œuvre primitive de 1’apôtre : il l’aura cru, consigné dans ses écrits, et les autres Pères se seront faits les échos de son assertion erronée (cf. Hug, l. c. p. 16-24). Nous avouons qu’un pareil procédé d’argumentation est doué d’une force supérieure, mais pour ruiner, pour anéantir, et vraiment nous ne voyons pas ce qui resterait debout en fait de tradition, si on l'appliquait successivement à tous les points du dogme, de l'histoire, etc.
Mais revenons aux détails pour mieux apprécier l'objection. Papias, il est vrai, était peu judicieux dans le choix de ses renseignements, et c’est ainsi qu’il se laissa induire en erreur par les Millénaires, comme l'ajoute l'historien Eusèbe. Mais fallait-il un si grand génie pour s'assurer qu’un livre avait été écrit en hébreu? Son témoignage ne saurait donc être invalidé à cause de la note sévère de l'évêque de Césarée. Quand nos adversaires affirment ensuite que tous les témoignages subséquents des SS. Pères ne sont qu’un écho de celui de Papias, ils tombent dans une erreur grossière : les écrivains ecclésiastiques que nous avons cités sont au contraire très-indépendants les uns des autres, et représentent chacun l’opinion d"une époque ou d’une Église spéciale. Des hommes tels que S. Irénée, Origène, Eusèbe, S. Jérôme, étaient assurément capables de se former un sentiment par eux-mêmes sur la matière en question, et elle leur offrait assez d'intérêt pour qu’ils prissent directement toutes les informations désirables, ainsi qu'on le voit du reste dans leurs écrits (Cf. l'article de M. L. Venables mentionné plus haut, Kitto's Cyclopaedia, s. v. Matthiew (Gospel of)). Au surplus, selon la remarque fort juste du P. de Valroger (l. c. p. 32), « si l’on pouvait expliquer par quelque intérêt polémique ou dogmatique la tradition relative au texte hébreu de S. Matthieu, la tentative de rendre cette tradition suspecte prendrait peut-être une certaine vraisemblance. Mais, tout au contraire, le désir de rendre notre texte grec plus vénérable, devait disposer à laisser dans l'ombre cette tradition. Pour qu’elle se soit propagée et transmise comme elle l’a fait, il faut qu’elle ait eu de profondes racines et que l'amour pur de la vérité historique en ait maintenu le souvenir. » Elle demeure donc inattaquable sous tous rapports.
Du terrain de la tradition, nos critiques sont passés sur celui de la philologie. La nature même de la question à traiter les y autorisait assurément : voyons s’ils y ont été plus heureux.
Le premier Évangile ayant été directement composé, nous l'avons vu et tout le monde l'admet (cf. le § précédent), pour des habitants de Palestine, convertis du Judaïsme à la religion de Jésus, S. Matthieu devait tout naturellement l’écrire dans la langue de ceux auxquels il l'adressait, c’est-à-dire dans l'idiôme araméen, et c’est là un fait qui corrobore d’une manière singulière l'ancienne tradition. On nous répond au contraire, qu'indépendamment de cette circonstance, ou plutôt qu’à cause de cette circonstance, il devait l'écrire en grec! C’est ici surtout que M. Hug a déployé toute sa science et toute son habileté (cf. Einleit. § 10, p. 30 et ss.). Il essaie de démontrer, à grand renfort de documents et de citations, qu’au premier siècle de l’ère chrétienne la langue grecque était devenue d’un usage universel en Palestine, qu’à de rares exceptions près, chacun pouvait la comprendre, la lire, la parler. Mais, outre qu’il résulterait simplement de là que S. Matthieu pouvait composer son livre en grec, et non qu’il l’a réellement écrit dans cette langue, l'affirmation du Dr Hug est exagérée d’une manière notable. Bien que, depuis Hérode, l'hellénisme sous toutes ses formes eût fait une invasion en règle dans les différentes provinces de la Palestine, le grec était encore loin d’avoir supplanté l'araméen et d’être devenu l'idiome populaire. M. Renan, dont nous sommes loin de nier la compétence en pareille matière, l’admet sans hésiter; « Nous pensons, dit-il, que le syro-chaldaïque était la langue la plus répandue en Judée, et que le Christ ne dut pas en avoir d’autre dans ses entretiens populaires... Le style du Nouveau Testament, et en particulier des lettres de S. Paul, est à demi syriaque par le tour, et l’on peut affirmer que, pour en saisir toutes les nuances, la connaissance du syriaque est presque aussi nécessaire que celle du grec... Josèphe nous apprend que ceux de ses compatriotes qui faisaient cas des lettres helléniques étaient peu nombreux, et que lui-même avait toujours été empêché, par l'habitude de sa langue maternelle, de bien saisir la prononciation du grec. » (Histoire des langues sémitiques, p. 211 et ss.) A côté de l'exemple du juif Josèphe (cf. Bell. Jud. 6, 2, 1), ou peut alléguer celui de S. Paul qui, s’adressant à la foule ameutée contre lui dans l'enceinte du temple, gagna immédiatement la sympathie de tous parce qu’il parlait en hébreu, ἐϐραΐδιδιαλέϰτῳ, Act. 22, 2. Ce fait démontre jusqu’à l'évidence que, durant la seconde moitié du premier siècle, le syro-chaldaïque était demeuré l'idiôme populaire de la Palestine. Le grec, quelque progrès qu’il eût pu faire, était encore une langue étrangère pour la masse des habitants : ceux qui la parlaient, fussent-ils fils d’Abraham, portaient le nom de Ἕλληνες, c’est-à.-dire de païens (Voir Bretschneider, Lexic man. græco-latin. s. h. v.). Pour toutes ces raisons, il était donc très-naturel que S. Matthieu n’écrivît pas en grec, mais en araméen (Cf. Arnoldi. Comm. zum Evangel. d. Matth. p. 27 et 28).
Mais nos adversaires ne se tiennent pas pour battus. Pénétrant au sein même du premier Évangile pour en étudier la diction, ils prétendent que le grec dans lequel on le lit depuis le premier siècle, accuse, par sa pureté relative, une œuvre tout à fait originale et nullement une traduction. On y rencontre des tournures et des expressions élégantes, originales, bien plus, des jeux de mots, dont les équivalents ne peuvent guère avoir existé, vu la différence des langues, dans un livre écrit primitivement en hébreu. Telles sont les locutions suivantes : βαττολογεῖν et πολυλογία, 6, 7; ἀφανίζουσι ... ὅπως φανῶσι, 6, 16 ; ϰαϰοὺς ϰαϰῶς ἀπολέσει, 21, 41, etc (cf Bleek, Einleitung, p. 268 et ss. ; Holtzmann, die synopt. Evangel. p. 267 et ss.). Nous répondons qu’il y a là encore des exagérations considérables. D’autres savants (Bolten, der Bericht des Matth. Altona, 1792; Eichhorn, Einleitung. in das N. T. p. 167 et s., 284 et s.; Bertholdt, Hist. krit. Einleit. p. 1260 et ss., etc.) ont affirmé au contraire que le style grec du premier Évangile sent l’hébreu d’un bout à l’autre et qu’il abonde en fautes de traduction. Ce qui est certain, c’est qu'on y trouve des expressions de couleur tout à fait sémitique, revenant d'une manière fréquente et semblant supposer un texte original araméen; par exemple ϰαὶ ἰδού, דהבה, que S. Matthieu emploie jusqu’à trente fois; ἀποστρέφειν, comme השיב, pour signifier: ramener, rapporter, C. 26, 52 ; 27, 7; ἐγὼ ϰύριε, 21, 30, je suis prêt. הנני ; ὀμνύειν ἐν, formé d’après l’hébreu בשבצ ב sept fois; μέχρι ou ἕως τῆς σήμερον, 11, 23; 27, 8; 8, l5, locution aimée des écrivains de l’Ancien Testament, צד־היום הדה etc. Sur ce point encore, nous avons gain de cause, ou tout au moins la question reste douteuse.
Une dernière objection philologique se tire de la nature des citations de l’Ancien Testament faites par l’auteur du premier Évangile. Ces citations sont de deux sortes : il y a celles que S. Matthieu fait en son propre nom, pour prouver le caractère messianique de Jésus (voici les principales :1, 23, Cf. Is. 7, 14 et ss.: 2, 15, Cf. Os. 11, 4; 2, 48, Cf. Jer. 31, 15 ; 2, 23; Cf. Is. 11, 1 ; 4, 15 et s; Cf. Is. 8, 23; 9, 1 ; 8, 17, Cf. Is. 53, 4; 53, 35, Cf. Ps. 75, 2; 21. Cf. Zach. 9, 9.), et celles qu’il rapporte comme simple narrateur, parce qu’elles se trouvaient dans les discours du Christ ou d’autres personnages (entre autres : 3, 3, Cf. Is. 40, 3; 4, 4, Cf. Dent. 8, 3; 4, 6, Cf. Ps. 90, 2 ; 4, 7,
Cf. Deut. 6, 16; 4, 10, Cf. Deut. 6, 13; 15, 4, Cf. Ex. 20, 12: 15, 8, Cf. Is. 29, 13; 19, 5, Cf. Gen. 2, 24; 21, 42. Cf. Ps. 117, 22; 22, 39, Cf. Lev. 19, 18; 24, 15, Cf. Dan. 9, 27; 26, 31, Cf. Zach. 13, 7). Or, les premières ont lieu le plus souvent d’après le texte hébreu de 1’Ancien Testament, les autres d’une manière régulière d’après la version des Septante, alors même qu’elle s’écarte de l’hébreu. A coup sûr, c’est là un phénomène assez extraordinaire, qui méritait d’attirer 1’attention des critiques (Voir l'intéressant ouvrage d'Anger, Ratio qua loci Vet. Testam. in Evangelio Matth. laudantur, Lips. 1861-1862; Cf. Patritii, de Evangeliis libri tres, t. 2. p. 153-161.). Mais prouve-t-il comme le veulent nos adversaires (Cf. Hug, l. c. § 12, p. 60-63. Voir dans Langen, Einleitung, p. 25, d'autres conclusions singulières que l'on a tirées de ce fait), que l'Évangile selon S. Matthieu a été écrit primitivement en grec? Pas le moins du monde. Nous pourrions en déduire avec tout autant de vérité la composition du premier Évangile en langue araméenne, puisque plusieurs des citations de 1’Ancien Testament, par exemple 2, 15, Cf. Os. 11, 1 ; et 8, l7, Cf. Is. 53, 4, seraient complètement vides de sens, si elles étaient faites d’après les Septante. Quel Juif, demande à bon droit M. Langen (loc. cit.), quel Juif écrivant en grec et citant 1’Ancien Testament, se serait écarté constamment de la version officielle des Septante, pour faire lui-même une traduction indépendante du texte original? Mais, pour être impartial, nous préférons admettre avec Arnoldi (Comm. zu Matth. p. 29.), que le fait signalé ne prouve ni pour ni contre l’emploi du grec ou de l'araméen par Matthieu. Il est vraisemblable que, dans l’écrit primitif de l’Apôtre, toutes les citations étaient conformes au texte hébreu : c’est le traducteur qui, agissant avec une grande indépendance et désirant peut-être établir, toutes les fois qu’il le pouvait sans nuire au fond des choses, une ressemblance aussi grande que possible entre le premier Évangile et les deux suivants qui avaient fait alors leur apparition, aura adapté une partie des citations de S. Matthieu à la version des Septante (Baumgarten-Crusius, Comm. üb. Matth., Iena, 1845, p. 23. bien qu’opposé en principe à la composition du premier Évangile en langue hébraïque, adopte cette explication. Cf. Smith, Diction. of the Bible, t. 2, p. 275.).
Mais, nous dit-on, si S. Matthieu a écrit en hébreu, comment expliquer la prompte disparition du texte original? Est-il concevable qu’à ces âges de foi une œuvre apostolique se soit ainsi perdue, sans qu’il en restât autre chose qu’une traduction ? La réponse que Richard Simon faisait autrefois à cette objection a conservé toute sa valeur : « La raison pour laquelle l'exemplaire hébreu ou chaldaïque ne s’est pas conservé, c’est que les églises de la Judée, pour lesquelles il fut d'abord écrit, n’ont pas subsisté longtemps. Au contraire, les Églises où la langue grecque était florissante, ont toujours duré... Ce n’est donc pas une chose extraordinaire que l'Évangile hébreu de S. Matthieu ait été perdu... Il est cependant à remarquer qu’il ne périt pas entièrement dès les premiers temps du christianisme; car la secte des Nazaréens, qui tirait son origine des premiers Nazaréens ou chrétiens de la Judée, continua longtemps de le lire dans ses assemblées.
Il passa aussi aux Ebionites qui l'altérèrent en plusieurs endroits. Nonobstant ces altérations, on pouvait toujours dire que c'était l’Évangile hébreu de S. Matthieu (Histoire critique du N. T. t. 1, p. 52 et s. « L'original hébreu, dit de même Reithmeyr, disparut sans doute d'assez bonne heure, quand se fut dissipé le petit groupe de chrétiens qui seul en pouvait faire usage. » Einleit. p. 363. Cf. Langen, l. c. p. 22.). » Le savant critique, dans ces dernières lignes, fait allusion a l’écrit célèbre qu’on appelait déjà du temps des Pères « l'Évangile selon les Hébreux » (Εὐαγγέλιον ϰαθʹ Εϐραίους, Euseb. Hist. Eccl. 3, 27; Cf. Hierou. Comm. ad Matth. 12, 13) que plusieurs écrivains ecclésiastiques des premiers siècles identifiaient déjà à l'œuvre originale de S. Matthieu. S. Epiphane n’a pas le moindre doute à ce sujet : « Ils possèdent, dit-il des Nazaréens orthodoxes, l’Évangile selon S. Matthieu très-complet en langue hébraïque : ils conservent encore aujourd’hui manifestement cet Évangile tel qu'il a été écrit primitivement en caractères hébraïques (Haer. 29, 9). » S. Jérôme parlant à différentes reprises de l'Évangile des Hébreux, affirme qu’un grand nombre de ses contemporains le regardaient comme l’écrit primitif de S. Matthieu : « In Evangelio juxta Hebræos... quo utuntur usque hodie Nazareni, secundum Apostolos, sive ut plerique autumant, juxta Matthæum, quod et in Cæsariensi habetur Bibliotheca (Contr. Pelagi. 3, 1.). « Evangelium, quo utuntur Nazareni et Ebionitæ... quod vocatur a plerisque Matthæi authenticum (Comm. ad Matth. 12, 13) ». Il dit encore : « Ipsum hebraicum (scil. Evang Matthæi) habetur usque hodie in Cæsariensi bibliotheca....Mihi quoque a Nazaræis, qui in Berœa urbe Syriæ hoc volumine utuntur, describendi facultas fuit (De Vir. illustr. c. 3. Il raconte au chap. 2 qu’il traduisit cet Évangile de l'hébreu en grec et en latin. De ces témoignages, concluons avec Reithmayr (Traduction du P. de Valroger, t. 2, p. 39 et 40.) et avec beaucoup d’autres exégètes contemporains (entre autres J. Langen, Bisping, Van Steenkiste, Gilly, etc.), que, dans l'Évangile selon les Hébreux, « nous avons trouvé la source d’après laquelle fut rédigé l’Évangile grec de S. Matthieu, tel que nous l'avons. » L'existence de ce livre, bien qu’il ait été rangé parmi les écrits apocryphes à cause des erreurs ou des fables qu’y ajoutèrent les Ebionites (Voir dans Grabe, Spicilog. Patr. 1, 25-31, et dans Fabricius, Cod. apocr. Nov. Test 1, 355 et ss., quelques fragments de 1’ « Evangel. sec. Hebræos. »), confirme donc ce que nous avons dit plus haut, touchant la composition du premier Évangile en langue araméenne.
Il nous reste à dire quelques mots de la traduction grecque qui, depuis tant de siècles, a remplacé, dans l'usage officiel comme dans l'usage privé, le texte original hébreu. Par qui a-t-elle été composée? A quelle époque remonte-t-elle? Quels sont ses rapports avec l'œuvre primitive de S. Matthieu? On aimerait à le savoir d’une manière précise; malheureusement l’on est réduit sur ces trois points à des conjectures plus ou moins incertaines. 1° Le traducteur n’était déjà plus connu du temps de S. Jérôme: « Quis postea in græcum transtulerit non satis certum est » (De vir. illustr., c. 3). Il est vrai que la « Synopsis sacræ Scripturæ » rangée à tort parmi les écrits de S. Athanase (Edit. Bened. t. 2, p. 202 : τὸ μὲν οὖν ϰατὰ Ματθαῖον εὐαγγέλιον ἐγράφη ὑπʹ αὐτοῦ τοῦ Ματθαίου τῆ Εϐραῖδι διαλέϰτῳ ϰαὶ ἐξεδόθη ἐν Ἱερουσαλὴμ, ἡρμηνεύθη δὲ ὑπὀ Ἰαϰώϐου τοῦ αδελφοῦ τοῦ ϰυρίου τό ϰατὰ σάρϰα.) attribue la version grecque du premier Évangile à. S. Jacques-le-Mineur; que Théophylacte, Euthymius Zigabenus et plusieurs manuscrits la regardent comme l'œuvre de l’apôtre S. Jean; que divers auteurs anciens ou modernes ont prononcé dans le même sens les noms de S. Barnabé (Isidor Hispalens.), de S. Marc (l'exégète anglais Greswell), de S. Luc et de S. Paul (Anastasius Sinaïta); enfin que d'assez nombreux exégètes contemporains supposent que la traduction fut faite par S. Matthieu lui-même (Olshausen, Lee, Ebrard, Thierseh, etc.) ou du moins sous sa direction (Guericke) : mais ce sont là de simples assertions dénuées de fondement solide. 2° L’Évangile araméen de S. Matthieu dût être traduit de très-bonne heure en langue grecque. Il parut sans doute sous cette nouvelle forme presque aussitôt après sa publication, en tout cas bien avant la fin du premier siècle, car le texte grec était déjà répandu par toute l'Église à l'époque des Pères apostoliques. S. Clément de Rome, S. Polycarpe, S. Ignace d’Antioche 1’ont connu et cité (relire leurs citations mentionnées au § 2. 1, 22). Une traduction grecque répondait du reste à un besoin trop urgent des premiers convertis de la gentilité pour qu’elle n'ait pas été immédiatement entreprise. Aussi lisons-nous sans aucune surprise dans les fragments qui nous restent de Papias, qu’il y eut tout d’abord des essais multiples en ce sens : ἡρμήνευσε δʹ αὐτὰ (les λογια de S. Matthieu, voir § 3, 1, l°) ὡς ἦν δυνατὸς ἕϰαστος (Ap. Euseb. Hist. Eccl. 3. 39). Toutes ces versions imparfaites vécurent peu de temps; une seule reçut bientôt un caractère officiel, et les différentes chrétientés adhérèrent d’une manière inébranlable, comme si c’eût été l'original même de l’apôtre. C’est cette traduction que nous avons encore aujourd’hui. 3° Aucun écrivain de l'antiquité n’a songé à établir une comparaison entre le texte hébreu de S. Matthieu et la traduction grecque. Ce silence même, la réception prompte et uniforme du texte grec et l’autorité canonique qui lui fut conférée dès le début, prouvent qu’il reproduit exactement Évangile araméen. Nous avons cependant conclu de la classification des citations de l’Ancien-Testament en deux catégories, et du procédé spécial appliqué à chacune des deux classes, que, selon toute vraisemblance, le traducteur s’est conduit parfois d’une manière assez indépendante, sans pourtant jamais cesser d’être fidèle. C’est du texte grec que toutes les autres versions dérivent, à part une seule, en langue syriaque, qui fut faite immédiatement sur l’original hébreu, comme 1’a démontré naguère M. Cureton (Syriac Recei 3, p. 75 et ss. ; Cf. Journal asiatique, juillet 1859, p. 48 et 49; Le Hir, Études bibliques, t. 1, p. 25 et ss.)
§ 7 — CARACTÈRE DU PREMIER ÉVANGILE.
Il est incontestable qu'on ne trouve pas dans le premier Évangile la vie et la rapidité du récit de S. Marc, les brûlantes couleurs et les beautés psychologiques de la narration de S. Luc : c’est, comme on l’a dit (E. Venables, dans Kitto’s Cyclopædia of Bibl. Literature, t. 3, p. 114), le moins graphique de tous les Évangiles. Cela provient de ce que son auteur se borne le plus souvent à tracer les grandes lignes de la vie de Notre-Seigneur Jésus-Christ, à esquisser les contours des événements, sans s’arrêter à dessiner minutieusement les traits particuliers. N’envisageant les choses que sous leur aspect général, il s’intéresse moins aux circonstances secondaires (il est cependant bien loin d’être « mager, dürftig, abgerissen », comme le prétend Kœstlin, ap. Schanz, Composit. des Matth. Evang. p. 43.) : de là ce manque de pittoresque qui a été déjà signalé plus haut. Mais, en revanche, comme il plaît par sa noble simplicité, par son calme parfait, par sa majestueuse grandeur ! S’il est par excellence l’Évangile du royaume des cieux (l'expression ἡ βασιλεία τῶν οὐρανῶν, « regnum cœlorum », y revient jusqu’à trente deux fois), l’Évangile du Messie-Roi, le ton du récit est aussi vraiment royal depuis la première jusqu’à la dernière ligne. Du reste, si S. Matthieu a une certaine infériorité comme écrivain lorsqu’il rapporte les faits, il est au premier rang parmi les synoptiques pour exposer les discours du divin Maître. On peut même dire que sa spécialité comme évangéliste consiste précisément à nous montrer Jésus orateur. Il ajoute peu aux événements qu’il abrège au contraire quand ils ne se rattachent point à son but (Nous noterons dans le commentaire ceux qu’il est seul à raconter); mais il ajoute énormément aux discours et aux paroles du Sauveur. A lui seul, il a conservé jusqu’à sept grands discours se rattachant à différents sujets, et qui suffisent pour nous donner une idée complète du genre d’éloquence de Notre-Seigneur. Ce sont : 1° le sermon sur la montagne, ch. 5-7; 2° l'allocution aux douze Apôtres au moment où Jésus les envoyait prêcher 1’Évangile pour la première fois, ch. 10; 3° une apologie contre les Pharisiens, ch. 12, 25-45; 4° les paraboles du royaume des cieux, ch. 13; 5° un discours adressé aux disciples sur les devoirs réciproques des chrétiens, ch. 18; 6° une vigoureuse polémique à l’adresse de ses adversaires, ch. 23; enfin 7° une prophétie solennelle relative à la ruine de Jérusalem et à la fin du monde, ch. 24-25.
Aux particularités de style qui ont été signalées à l’occasion de la discussion sur l'idiôme dans lequel fut composé le premier Évangile, nous ajouterons les suivantes, qui contribueront aussi à déterminer son caractère général. L'expression δ πατὴρ δ ἐν τοῖς οὐρανοῖς est employée seize fois par S. Matthieu, tandis qu’elle n’apparaît que deux fois dans le second p22 Évangile, pas une seule fois dans le troisième. Jésus y est appelé sept fois υτός Δαϐίδ. La particule τότε ne revient pas moins de quatre-vingt dix fois sous la plume de l’évangéliste, pour ménager quelque transition. Les locutions ϰατʹ ὄναρ, ἡ συντελεία τοῦ αίῶνος, τάφος, προσϰυνεῖν avec le datif, rarement usitées dans les autres écrits du Nouveau-Testament, sont employées six, cinq, six, et dix fois dans notre Évangile. Les mots φρόνιμός, οἰϰιαϰός, ὕστερον, διστάζειν, συναιρεῖν λόγον, μαλαϰία, συμϐούλιον λαμϐάνειν, etc., sont également chers à. S. Matthieu (Voir Credner, Einleitung p. 63 et ss.).
§ 8. — PLAN ET DIVISION.
l. Le but que se proposait S. Matthieu en composant son Évangile (Cf. § 5) a évidemment influé sur le choix qu’il a fait des matériaux, et sur la place qu’il leur a accordée dans le récit. Parmi les miracles et les discours du Sauveur, il a donc choisi ceux qui lui paraissaient mieux prouver le caractère messianique de Jésus, ceux qu’il pouvait plus parfaitement rattacher aux anciennes prophéties relatives à la vie du Christ. C’est pour cela qu’il touche à peine au ministère de Notre-Seigneur en Judée, tandis qu’il s’étend longuement et avec amour sur l’activité déployée par le divin Maître dans la province de Galilée. En effet, avec l’histoire de la Sainte Enfance et de la Passion, c’était bien la vie galiléenne de Jésus qui fournissait le plus de ces traits caractéristiques que S. Matthieu pouvait employer dans l'intérêt de-sa thèse dogmatique et apologétique. En les réunissant, il lui était facile de montrer en Jésus, d’après les prophètes, un Christ aimable, populaire, digne d’attirer à lui tous les cœurs.
L'ordre suivi par l'évangéliste est en général celui de la chronologie. Néanmoins, il l'abandonne souvent dans les détails secondaires, pour grouper d’après un ordre logique des événements qui ne s'étaient pas suivis d’une manière immédiate. C'est ainsi qu’il a réuni, dans les chapitres 8 et 9, de nombreux miracles de Notre-Seigneur, simplement enchaînés les uns aux autres par les vagues formules τότε, ϰαί ἐγένετο, ἐγένετο δὲ, ἐν ἐϰείνῃ τῇ ημέρα, etc. Cette manière d’accumuler les faits analogues, dans laquelle plusieurs écrivains (Cf. Ayre, Treasury of Bible Knowledge, Londres, 1866, p. 574) ont voulu voir un frappant exemple des habitudes d’ordre et de méthode que S. Matthieu avait contractées pendant qu’il exerçait les fonctions de publicain, donne beaucoup de force au récit, et rend irrésistible la preuve que l'évangéliste désirait ainsi mettre en lumière. Mais on a fortement exagéré, quand on a prétendu découvrir presque partout, par exemple dans les chapitres 5-7, 10, 13, 21-24, des arrangements factices contraires à la réalité historique. Nous nous réservons de démontrer ailleurs tout ce qu’il y a d’erroné dans ce système ( Voir en particulier les préambules des chap. 5 et 10).
2. Presque tous les exégètes s’accordent à diviser le premier Évangile en trois parties, qui correspondent à l’histoire préliminaire de Jésus, à sa vie publique en Galilée, et à la catastrophe finale qui le conduisit au Calvaire ; mais il se séparent ensuite les uns des autres quand il s’agit de déterminer le commencement et la fin de chaque partie. Plusieurs conduisent l'histoire préliminaire du Sauveur jusqu’au milieu du chapitre 4, (§.11), et arrêtent la seconde partie à la fin du chap. 18 (Kern, Hilgenfeld, Arnoldi, Cf. Schanz. l. c. p. 37.); d’autres placent dans la première partie les chap. 1 et 2, les chap. 3-25 dans la seconde, enfin les chap. 26-28 dans la troisième (Bisping, Langen, Van Steenkiste, etc. Plusieurs des partisans de cette division vont trop loin quand ils affirment que chaque partie correspond à un des titres du Messie, la première au titre de roi, la seconde au titre de prophète, la seconde à celui de grand-prêtre; Cf. Lutterbeck, die neutestam. Lehrbegriffe, Mayence 1852, t. 2, p. 158 et ss.). Nous avons adopté cette dernière division comme la plus naturelle, en lui faisant subir toutefois une légère modification. Les §§. l-l7 du chapitre 1 nous ont semblé former un prélude général. La fin de ce chapitre et le suivant tout entier correspondent à la première partie que nous intitulons : Vie cachée de Notre-Seigneur Jésus-Christ. La seconde partie, ch. 3-25, correspond à la vie publique du Sauveur; la troisième, ch. 26-27, à sa Vie souffrante. Nous avons considéré l’histoire de la résurrection, ch. 28, comme un appendice. — M. Delitzsch a inventé une division en cinq livres qu’il met ensuite en parallèle avec les cinq parties du Pentateuque, sous prétexte que l'Évangile selon S. Matthieu représente la Thora, c'est-à-dire la loi de la nouvelle théocratie; 1,1-2, l5 formeraient la Genèse; 2, 16-7, l'Exode; 8-9, le lévitique; 10-18, le livre des Nombres; 19-28, le Deutéronome. Mais cette combinaison, quelque ingénieuse qu’elle soit, n’a guère de fondement que dans la belle imagination de l'auteur (Matthæus-Evangelium, p. 60. Voir d'autres divisions dans l'ouvrage précité de M. Schanz, p. 38.).
§ 9. — COMMENTAIRES
Il nous reste à indiquer rapidement les meilleurs commentaires qui ont paru sur le premier Évangile depuis l'époque des Pères jusqu'à nos jours.
1°. Commentaires patristiques.
a. Église grecque. — Origène a expliqué l’Évangile selon S. Matthieu. Malheureusement une partie de ses τομόι s'est perdue : nous n’en possédons plus qu’une traduction latine qui commence au 13è chapitre.
S. Jean Chrysostome a composé sur le premier Évangile 9l homélies dont la réunion forme un chef-d'œuvre d'exégèse et d’éloquence. Elles remplissent deux volumes de la patrologie de Migne.
Plus tard, au 12è siècle, Théophylacte, archevêque des Bulgares, a publié un excellent commentaire grec de S. Matthieu.
De même Euthymius Zigabenus, moine de Constantinople.
b. Église latine. — S. Hilaire de Poitiers, Commentarius in Evangelium Matthaei, Migne, Patrologia latina, t. 9, col. 917 et ss.
S. Jérôme, Commentaria in Evangel. S. Matthaei, Migne, ibid. t. 26, col. l5 et ss.—Excellente interprétation.
S. Augustin, Quæstionum 17 in Evangelium sec. Matth. lib. 1. — Œuvre plutôt théologique qu'exégétique, comme celle de S. Hilaire.
5è. Bède (au 8° siècle), Commentariorum in Matthæii Evangelium lib. 4.
S. Thomas d’Aquin (13è siècle), Commentarius in Evangelium Matthæi, et Catena aurea in 4 Evangelia.
2°. Commentaires modernes.
a. Ouvrages catholiques.
Erasme de Rotterdam, Annotationes in Novum Testamentum, Bâle 1516.
Maldonat, Commentarii in 4 Evangelia, 1re édition en 1596. L’un des meilleurs écrits qui aient été composés sur les Evangiles.
Sylveira, Commentarii in textum Evangelium, edit. 6a, Lugduni,1697.
Cornelius a Lapide, Commentarii in 4 Evangelia, Anvers 1712.
Corn. Jansenius, In Sancta Jesu-Christi Evangelia Commentarius, Louvain 1639.
D. Calmet, Commentaire littéral sur tous les livres de l’Anc. et du Nouv. Testament. t. 19, l'Évangile de S. Matthieu, Paris 1725. Excellent.
Daniel Tobenz, Commentarii in SS. scripturam Novi Fæderis, Vienne, 1818.
Al. Gratz, Hist.-krit. Commentar über das Evangelium des Matthæus, Tubingue,182l-1823.
Aug. von Berlepsch, Quatuor Novi Testamenti Evangelia orthodoxe explanata, Ratisbonne, 1849.
Reischl, die heilig. Schriften des N. Testaments, Ratisb. 1866.
Lipman, het Nieune Testament onzes Heeren Jesus-Christus, 2° édition, 1861.
Arnoldi, Commentar zum Evangelium des S. Matthæus, Trêves, 1856.
Bisping, Erklaerung des Evangeliums nach Matthæus, Munster, 1867, 2° édition.
Schegg, Evangelium nach Matthæus, Munich, 1863, 2°édition.
Mgr Mac-Evilly, Exposition of the Gospels, Dublin, 1876.
Van Steenkiste, Commentarius in Evangelium secundum Matthæum, Bruges, 1876.
b. Ouvrages protestants.
Théodore de Bèze, Annotationes majores in Nov. Testam. Genève, 1565.
Hug. Grotins, Annotationes in Nov. Testamentum, Paris, 1644.
Olearius, Observationes sacræ in Evangelium Matthaei; Leipzig, 1713.
Elsner, Commentarius crit.-philolog. in Evangelium Matthæi, 1769.
Kuinœl, Comment. in libros historicos N . T. t. 1. Evangelium Matthæi, Leipzig, 1807.
Fritzsche, Quatuor Evangelia recensuit, et cum perpetuis commentariis edidit, t. 1, Evangeliam Matth. Leipzig, 1826.
Olhausen, Bibl. Commentar über die Schriften des N. Testam. t.1. die drei ersten Evangelien, Kœnigsberg,1830.
Baumgarten-Crusius, Commentar über das Evang. des Matth. Iena, 1844.
H. W. Meyer, Krit.-exeget. Commentar üb. das N. Test. t. 1, das Evangelium des Matth. 2° édit. Gœttingue, 1844.
J. P. Lange, Theolog.-homilet. Bibelwerk, N. Testam. 1 Theil. Das Evangelium nach Matth. 3° édit. Bielefeld, 1868.
Lymann Abbott, the N. Testament with notes and comments, vol. 1, Matthew. Londres 1875.
Alford, Greek Testament. t.1 the three first Gospels.
c. Ouvrages rationalistes.
Paulus, Philolog. krit. und histor. Commentar üb. das N. Testam 1-3 Th. die drei ersten Evangelien, 1800.
De Wette, Kurzgefasstes exeg. Handbuch zum N. T. t. I, Erklærung des Evang. Matthaei. Leipzig, 1836.
Ewald, die drei ersten Evangelien, Gœttingue, 1850.
Les ouvrages catholiques cités plus haut sont tous remarquables à divers titres : leur réunion forme un commentaire aussi complet que possible sur l’Évangile selon S. Matthieu. Les ouvrages protestants et rationalistes ne sont pas sans valeur; mais nous croyons devoir rappeler ici qu’on ne peut les lire qu’avec une autorisation spéciale et de grandes précautions.
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DIVISION SYNOPTIQUE DE L'ÉVANGILE SELON L.MATTHIEU
PRÉLUDE.
LA GÉNÉALOGIE DE JÉSUS, 1, 1-17.
PREMIÈRE PARTIE.
LA VIE CACHÉE DE NOTRE-SEIGNEUR JÉSUS-CHRIST, 1, 18-2, 23
l. — Mariage de Marie et de Joseph. 1. 18-2, 23.
2. — Adoration des Mages. 2, 1-12.
3. — Fuite en Égypte et massacre des SS. Innocents. 2, 13-18.
4. — Retour d’exil et séjour à Nazareth. 2, 19-23.
SECONDE PARTIE
VIE PUBLIQUE DE NOTRE-SEIGNEUR JÉSUS-CHRIST, 3-20.
§ l. Caractère général de la vie publique.
§2. Période de préparation. 3, 1-4, 11.
1. — Le précurseur. 3, 1-12.
2. — La consécration messianique. 3-13, 4-11.
1° Le baptême. 3, 13-17.
2° La tentation. 4, 1-11.
§3. Le ministère de Notre-Seigneur Jésus-Christ en Galilée. 4,12—18, 15.
1. — Jésus se fixe à Capharnaum et commence à prêcher. 4, 12-17.
2. — Vocation des premiers disciples. 4,18-22.
3. — Grande mission en Galilée. 4, 23-9, 34.
1° Résumé général de la mission. 4. 23-25.
2° Discours sur la montagne. 5-7.
a. Coup d’œil général sur la prédication de Jésus.
b. Le grand discours messianique.
3° Divers miracles de Jésus. 8, 1-9, 34.
a. Les miracles de Jésus considérés dans leur ensemble.
b. Guérison d'un lépreux. 8, 1-4.
c. Guérison du serviteur du centurion. 8, 5-13.
d. Guérison de la belle-mère de S. Pierre. 8, 14-17.
e. La tempête apaisée. 8, 18-27.
f. Les démoniaques de Gadara. 8, 28-34.
g. Guérison d’un paralytique. 9, 1-8.
h. Vocation de S. Matthieu. 9, 9-17.
i. La fille de Jaïre et l'hémorrhoïsse. 9, 18-26.
j. Guérison de deux aveugles. 9, 27-31.
k. Guérison d’un possédé muet. 9, 32-34.
4. — Mission des douze Apôtres. 9, 35-10, 42.
1° Nouvelle mission en Galilée. 9, 35-38.
2° Pouvoirs conférés aux Douze. 10, 1-4.
3° Instruction pastorale que Jésus leur adresse. 10, 5-42.
5. — Ambassade de Jean-Baptiste, et discours de Notre-Seigneur Jésus-Christ à cette occasion. 11, 1-30.
6. — Jésus en lutte ouverte avec les Pharisiens. 12, 1-50.
1° Polémique à propos du Sabbat. 12. 1-21.
a. Les disciples accusés de violer le Sabbat. 12. 1-8.
b. Guérison d'une main desséchée. 12. 9-14.
c. Douceur et humilité de Jésus prédites par Isaïe. 12. 15-21.
2° Polémique à propos de la guérison d’un démoniaque. 12. 22-50.
a. Jésus guérit un démoniaque: accusation des Pharisiens. 12. 22-24.
b. Réplique du Sauveur. 12. 25-37.
c. Le signe accordé aux Pharisiens. 12. 38-45.
d. La mère et les frères de Jésus. 12. 46-50.
7. — Les paraboles du royaume des Cieux. 13, 1-52.
1° Idées générales sur les paraboles évangéliques.
2° Occasion des premières paraboles de Jésus. 13. 1-3a.
3° La parabole du Semeur. 13. 3b-9.
4° Pourquoi Jésus enseigne sous la forme de paraboles. 13.10-17.
5° Explication de la parabole du Semeur. 13. 18-23.
6° Parabole de l'ivraie. 13. 24-30.
7° Parabole du grain de sénevé. 13. 31-32.
8° Parabole du levain. 13. 33.
9° Réflexion de l'évangéliste sur cette nouvelle forme d'enseignement.13. 34-35.
10° Interprétation de la parabole de l’ivraie. 13. 36-43.
11° Parabole du trésor caché. 13. 44.
12° Parabole de la perle. 13. 45-46.
13° Parabole du filet. 13. 45-50.
14° Conclusion des paraboles du royaume des Cieux. 13. 51-52.
8. — Nouvelle série d'attaques et nouveaux miracles. 13, 53-16, 12.
1° Jésus et les habitants de Nazareth. 13, 53-58.
2° singulière opinion d’Hérode au sujet de Jésus, 14, 1-2.
3° Martyre de S. Jean-Baptiste. 14.3-12.
4° La première multiplication des pains. 14, 13-21.
5° Jésus marche sur les eaux. 14, 22-33.
6° Jésus dans la plaine de Génnésareth. 14, 34-36.
7° Conflit avec les Pharisiens a propos des ablutions. 15,1-20.
8° Guérison de la fille de la Chananéenne. 15, 21-28.
9° Seconde multiplication des pains. 15, 29-39.
10° Le signe du ciel. 16. 1-4.
11° Le levain des Pharisiens et des Sadducéens. 16, 5-12.
9. — Confession et primauté de S.Pierre. 16, 13-28.
1° Ce qui précéda la promesse de la Primauté. 16, 13-16.
2° Promesse de la Primauté. 16, 17-19.
3° Ce qui suivit la promesse. 16. 20-28.
10. — La Transfiguration de N.-S. Jésus-Christ. 17, 1-22.
1° Le miracle 17. 1-8.
2° Trois incidents qui se rattachent à la Transfiguration, 17. 9-22.
a. L'avènement d’Elie. 17. 9-13.
b. La guérison d’un lunatique. 17. 14-20.
c. Seconde annonce officielle de la Passion. 17, 21-22.
11. — Dernier séjour de Jésus en Galilée. 17, 23-18, 35.
1° La double drachme. 17, 23-26.
2° Instruction sur les devoirs mutuels des chrétiens. 18, 1-35.
a. Conduite à tenir envers les petits et les humbles. 18, 1-14.
b. La correction fraternelle 18, 15-20.
c. Le pardon des injures. 18, 21-35.
§4. Voyage de Jésus à Jérusalem pour la dernière Pâque. 19, 1-20, 34.
1. — Esquisse générale du voyage. 19, 1-2.
2. — Séjour de Jésus en Pérée, 19,3-20,16.
a. Discussion avec les Pharisiens sur le mariage. 19, 3-9.
b. Entretien avec les disciples sur la virginité. 19, 10-12.
c. Jésus bénit les petits enfants. 19, 13-15.
d. Le jeune homme riche. 19, 16-22.
e. Les richesses et le renoncement. 19, 23-30.
f. Parabole des ouvriers envoyés à la vigne. 20, 1-16.
3. — Derniers incidents du voyage 20, 17-34.
a. Troisième prédiction de la Passion. 20, 17-19.
b. Ambitieuse requête de Salomé. 20, 20-28.
c. Les aveugles de Jéricho. 20, 29-34.
TROISIÈME PARTIE
DERNIÈRE SEMAINE DE LA VIE DE JÉSUS 21-27
1. Première section. Entrée solennelle de Jésus à Jérusalem. 21,1-11
2. Deuxième section. Activité messianique de Jésus à Jérusalem pendant la dernière semaine de sa vie. 21, 12-25, 46
1. Vendeurs chassés du Temple. 21, 12-17.
2. Le figuier maudit. 21, 18-22.
3. Jésus en lutte ouverte avec ses ennemis. 21, 23-23, 39.
1° Première attaque : les délégués du Sanhédrin. 21, 23-22, 14.
a. Les pouvoirs de Jésus. 21, 23-27.
b. Parabole des deux fils. 21, 28-32.
c. Parabole des vignerons perfides. 21, 33-46.
d. Parabole du festin nuptial. 22, 1-14.
2° Deuxième attaque : les Pharisiens et le denier de César. 22, 15-22.
3° Troisième attaque : les Sadducéens et la résurrection. 22, 23-33.
4° Quatrième attaque : encore les Pharisiens. 22, 34-46.
a. Le plus grand commandement. 22, 34-40.
b. Le messie fils de David. 22, 41-46.
5° Réquisitoire de Jésus contre les Pharisiens. 23.
a. Première partie. 23, 1-12.
b. Seconde partie : les malédictions. 23, 13-32.
c. Troisième partie. 23, 33-39.
4. Discours eschatologique du Sauveur. 24-25.
1° Première partie. 24, 1-35.
a. Occasion du discours. 24, 1-3.
b. Pronostic de grandes ruines. 24, 4-35.
2° Seconde partie. 24, 36-25, 30.
a. Il faut veiller. 24, 36-51.
b. Parabole des dix Vierges. 25, 1-13.
c. Parabole du talent. 25, 14-30.
3° Troisième partie. 25, 31-46.
3. Troisième section. Récit des souffrances et de la mort du Sauveur. 26-27
1. Annonce définitive de la Passion. 26, 1-2.
2. Complot du Sanhédrin. 26, 3-5.
3. Le repas et l'onction de Béthanie. 26, 6-13.
4. Trahison de Judas. 26, 14-16.
5. Préparation de la cène pascale. 26, 17-19.
6. Cène légale et prophétie relative au traître. 26, 20-25.
7. Cène eucharistique. 26, 26-29.
8. Jésus prédit la chute de S. Pierre. 26, 20-35.
9. Agonie de Gethsémani. 26, 36-46.
10. Arrestation du Sauveur. 26, 47-56.
11. Jésus devant le Sanhédrin. 26, 57-68.
12. Le reniement de S. Pierre. 26, 69-75.
13. Jésus est conduit au prétoire. 27, 1-2.
14. Désespoir et mort de Judas. 26, 3-5.
15. Emploi des trente deniers. 26, 6-10.
16. Jésus au tribunal de Pilate. 26, 11-26.
17. Le couronnement d'épines. 26, 27-30.
18. La voie douloureuse. 26, 31-34.
19. Jésus en croix. 26, 35-50.
20. Ce qui suivit la mort de Jésus. 26, 51-56.
21. Ensevelissement du Christ. 26, 57-61.
22. Les gardes auprès du Sépulcre. 26, 62-66.
APPENDICE
LA RÉSURRECTION DE NOTRE-SEIGNEUR JÉSUS-CHRIST . 28.
a. Les saintes femmes au Sépulcre. 28, 1-10.
b. Les gardes corrompus par le Sanhédrin. 28, 11-15.
c. Jésus apparaît aux disciples en Galilée. 28, 16-20.