Bible Fillion

LA PROPHÉTIE DE MICHÉE


INTRODUCTION



1° La personne du prophète. — Le nom hébreu de Michée était Mîkâh, forme abrégée de Mikâyah (Jérémie, 26, 18, emploie cette forme complète en parlant de notre prophète. Michée semble faire lui-même allusion à la signification de son nom; cf. 7, 18), « Qui est comme Jéhovah? » Les Septante en ont fait Mίχαιας, et la Vulgate Michaeas. Ce nom était assez commun chez les Hébreux, comme on le voit par son apparition relativement fréquente dans l’Ancien Testament.

Le prophète Michée nous apprend lui-même, dès la première ligne de son·livre, qu’il était originaire de Moréšet (cf. 1, 6. Vulgate : Morasthiten), bourgade située dans la plaine maritime ou Šefélah, dans le royaume de Juda, non loin de Geth, et tout près de la frontière des Philistins (voyez l'Atl. Géogr., pl. 7).

On ne doit pas le confondre, comme on l’a fait quelquefois, avec son homonyme célèbre qui prophétisa sous le règne d’Achab, environ un siècle avant lui (cf. 3 Reg. 22, 8 et ss.).On ne sait absolument rien de sa vie.

L’époque de Michée est également marquée dans le titre de son livre. Il prophétisa sous le gouvernement des trois rois de Juda Joathan (758-741 av. J .-C.), Achaz (741-727), et Ézéchias (727-698); par conséquent, si l’on prend les dates extrêmes, de 758 à 698. Deux faits confirment ces données chronologiques du titre : Michée vécut avant la prise de Samarie (en 722), qu'il prédit (cf 1, 6-7); Jérémie cite un oracle de lui, qu’il rattache au règne d’Ézéchias (Jer. 26, 18). Il fut donc contemporain d’Osée et d’Isaïe; mais ces deux prophètes avaient inauguré leur ministère dès le règne d’Ozias, père de Joathan (cf. Is. 1,1; Os. 1, 1). Michée a plus d’un trait commun avec Isaïe, dont il fut le digne collaborateur; « il a sous les yeux le même tableau moral et social, et il censure les mêmes désordres (comparez les coïncidences suivantes, qui sont comme des échos réciproques : Mich. 2, 11 et Is. 28, 7; Mich. 3, 5-7 et Is. 29, 9-12; Mich. 3, 12 et Is. 31, 13; Mich. 4, 1-3 et Is. 2, 2-5; Mich. 5, 2-4 et Is. 7, 14; 9, 15; Mich. 5, 9-14 et Is. 2, 6-17; Mich. 7, 7 et Is. 8, 17; Mich. 7, 12 et Is. 11, 11, etc.).

Le sujet et la division du livre. - Le livre de Michée, coulé d’un seul jet et remarquable par sa belle unité, n’est que le résumé d’une longue activité prophétique. Le prophète paraît l’avoir composé vers la fin de sa carrière, sous Ézéchias, arrangeant et organisant le tout d’après 1’ordre logique.

Le sujet est exprimé en termes généraux en tête du livre : Verbum Domini...super Samariam et Jerusalem (1,1). Michée s’adresse donc à tout Israël, aux deux royaumes représentés par leurs capitales; néanmoins, ses oracles concernent plus particulièrement le royaume de Juda, car ce n’est qu’en passant, et par manière d’exemple, qu’il s’occupe du royaume schismatique des dix tribus. Après avoir annoncé à Samarie sa ruine prochaine, au commencement de son écrit (1, 2-8), il cesse entièrement de s’occuper d’elle, et ne parle plus qu’à Jérusalem et à Juda.

Ce qu’il prédit aux habitants de Jérusalem et aux sujets du royaume légitime, c'est le châtiment que leurs crimes multiples leur attireront de la part du Seigneur justement irrité; mais il ne manque pas de prophétiser aussi que l'heure de la miséricorde et du pardon viendra ensuite, et que les restes du peuple, épargnés par la vengeance céleste, formeront une semence de laquelle la nation théocratique renaîtra, sainte et vigoureuse, pour jouir du bonheur apporté par le Messie. Le châtiment d’Israël coupable, et son futur rétablissement : tel est donc le thème du livre de Michée. Sous le rapport strictement prophétique, il se meut dans ce triple horizon : les Assyriens détruiront Samarie; les Chaldéens détruiront Jérusalem; le Messie viendra réparer toutes ces ruines.

On divise communément le livre de Michée en trois parties ou discours, qui débutent par une expression identique, Audite (cf. 1, 2; 3, 1; 6, 1), et qui se terminent par des promesses de bonheur (cf. 2, 12-13; 5, 2 et ss.; 7, 14-20). Le premier discours (1, 2-2, 13) développe élégamment cette pensée : Samarie sera détruite, et les villes de Juda seront dans le deuil, à cause des péchés de leurs habitants. Le second discours (3, 1-5, 14) annonce que Sion, après avoir subi les humiliations les plus profondes, sera élevée à une grande gloire. Le troisième (6, 1-7, 20) décrit, en termes prophétiques, dans une sorte de dialogue qui a lieu entre Dieu et son peuple, par quelle voie les Juifs pourront arriver au salut. Dans la première partie, c’est la menace qui domine; dans la seconde, c’est la promesse. La troisième a un caractère à part (c'est pour cela que, de nos jours, quelques rationalistes ont assez vivement attaqué l'authenticité des chap. 6 et 7; mais leurs preuves sont « si faibles, que leur opinion ne mérite pas qu'on en tienne compte » (Kaulen.)); elle tient le milieu entre les deux autres. Autant le commencement du livre est menaçant, autant ses dernières lignes sont suaves et gracieuses (pour l'analyse détaillée, voyez le commentaire, et notre Biblia sacra, p. 1017-1021).

Le genre littéraire de Michée. - Michée est en général un écrivain remarquable. Son style simple et énergique, habituellement très pur, atteste l’âge d’or de la littérature prophétique. Il atteint parfois à la majesté d’Isaïe et à la richesse d’images de Joël. Il est souvent dramatique dans l’exposition. Son parallélisme est assez soigné. Les paronomases (cf. 1, 10-15; 2, 6; 4, 14; 7, 4, 11, etc dans le texte hébreu) et les apostrophes hardies reviennent fréquemment sous sa plume. Il manie admirablement l’ironie. Comme Osée, il est parfois un peu obscur à force d’être concis; il passe, lui aussi, d’une image à une autre sans la moindre transition (cf. 6, 16; 7, 14, 15, 17, etc.). S’il a des passages d’une grande sévérité à cause des menaces que Dieu l’avait chargé de proférer, il en a d’autres d’une exquise tendresse, pour décrire le bonheur des temps messianiques et les miséricordes divines. Il est donc l’un des premiers des petits prophètes sous le rapport de la forme comme sous celui du fond (pour les commentateurs catholiques du livre de Michée voyez la p. 339, note 1. Nous n'avons à signaler, comme ouvrage spécial, que le livre du Dr L.Reinke, Einleitung, grundtext und Ubersetzung des Proph. Michaeas mit einem vollständigen, phililogisch-kritischen und historischen Commentar, Giessen, 1874).