Bible Fillion

LA PROPHÉTIE DE NAHUM

INTRODUCTION

La personne et l'époque du prophète. — La personnalité de Nahum a été laissée complètement dans 1’ombre par l’Esprit-Saint, comme celles de Joël, d’Esdras et de Malachie. Tout ce que nous savons de lui, c’est qu’il s’appelait Nahûm (c'est-à-dire le consolé – cf. 1,1), et qu’il était originaire d’Elqoš (Elcesaei de la Vulgate correspond à l'hébreu ha'Elqošt, habitant d' Elqoš )petit village de Galilée, dont on voyait encore les ruines au temps de saint Jérôme (Comm. In libr. Nahum, Prolog). Plusieurs « expressions dialectiques », employées par Nahum, sont en parfaite conformité avec son origine galiléenne (cf. 1, 3 śeârah, au lieu de seârah; 1, 2, qannô' au lieu de qannâ'; 2, 14, mal'âkékeh au lieu de mal'âkékâ).

L’époque où il vivait est relativement facile à déterminer, au moins d’une manière approximative. 1° D’une part, il cite plusieurs passages d’Isaïe (cf. Nah. 1, 4 et Is. 33, 9; Nah. 1, 15 et Is. 52, 7; Nah. 3, 5 et Is. 47, 3, 9; Nah. 3, 10 et Is. 29, 16); d’autre part, Jérémie l’a imité assez fréquemment (cf. Nah. 1, 13 et Jer. 30, 8; Nah. 3, 5, 13, 17, 19 et Jer. 13, 12 et ss.; 50, 37; 51, 30 etc.) : il a donc vécu entre ces deux grands prophètes. 2° Lorsqu’i1 écrivit son livre, Ninive était encore dans toute sa splendeur (cf. 1, 12; 2, 12; 3, 16), et les Assyriens venaient d’humilier profondément le royaume de Juda (cf. 1, 12-13. Allusion possible à l'invasion de la Judée par Sennachérib, sous le règne d'Ézéchias. cf. 4 Reg. 18, 15-16). Surtout, la ville célèbre de Thèbes, dans la Haute-Égypte, avait été récemment conquise et saccagée par les armées assyriennes (cf. 3, 8-10). Or, les inscriptions cunéiformes nous apprennent que cette conquête eut lieu en 664ou 663. C'est donc entre la ruine de Thèbes et celle de Ninive, en 608, que Nahum a exercé le ministère prophétique. La tradition juive le fait vivre sous le règne de Manassès, fils et successeur d’Ézéchias (698-643 avant J .-C.)

Le sujet, l’organisme et le but du livre. - Ce petit livre, dont personne n’a contesté sérieusement l'authenticité, marque lui-même très nettement son sujet dès sa première ligne, lorsqu’il s’intitule: Onus Ninive; c’est-à-dire, prophétie de malheur contre Ninive. Il prédit, en effet, pour un prochain avenir, la ruine de cette grande cité et la destruction totale de l’empire assyrien. La menace, d'abord générale, va se précisant de plus en plus, et elle acquiert bientôt une terrible clarté. Jonas aussi avait prophétisé contre Ninive; mais la ville coupable s’était repentie, et Dieu lui avait pardonné. Ici aucun pardon n’est offert; Nahum se borne à proclamer, au nom de Jéhovah, un décret d’anéantissement.

Cette sentence est développée comme il suit, d’après un arrangement remarquable par son unité. 1° Le plan divin relatif à Ninive, plan effroyable en ce qui concerne la capitale assyrienne, mais tout miséricordieux pour les Juifs, que l’Assyrie avait tant fait souffrir (1, 2-15). 2° L’exécution intégrale de ce plan : Ninive est prise d’assaut, pillée et renversée (2, 1-13). 3° Les causes et le caractère immuable du plan de Jéhovah (3, 1-19) (pour une analyse plus complète, voyez le commentaire et notre Biblia sacra, p. 1022-1023).

Le but de l’oracle de Nahum est indiqué soit à la fin du premier chapitre (1, 11-15 ), soit au commencement du second (2, 2). Le Seigneur se propose de se venger des Assyriens orgueilleux et cruels, qui avaient maltraité son peuple choisi, et qui voulaient l'exterminer. Le royaume de Dieu sera donc maintenu malgré les efforts de ses puissants ennemis de l’est, et ce sont ceux-ci qui périront. Cette idée, on le voit, est messianique dans son ensemble, et c’est précisément à cause d’elle que le livre de Nahum a été inséré parmi les écrits bibliques.

3° Sous le rapport du style, Nahum ne mérite que des éloges, car il était admirablement doué comme écrivain, et c’est un vrai « chef-d’œuvre poétique » qu’il nous a laissé. « Ce qui frappe chez lui, c’est la vivacité de son pinceau, la force de son coloris, la pureté de sa langue, la rareté de plusieurs de ses expressions, l’originalité et la verve qui distinguent toute sa prophétie.» (Ex omnibus minoribus prophetis, nemo videtur aequare sublimitatem, ardorem et audaces spiritus Nahumi. » Lowth, de Sacra Hebraeorum poesi, édit. de Tosenmüller, p. 246). Ses phrases sont généralement courtes, vigoureuses, très dramatiques. Il y a beaucoup d’art et aussi beaucoup de naturel dans ses descriptions (pour les commentaires catholiques, voyez la page 339. Nous n'avons à ajouter que deux ouvrages spéciaux : L.Reinke, Zur Kritik der ältern Versionen des Propheten Nahum, Münster, 1867; M. Breiteneicher, Ninive une Nahum, mit Beziehung der neuesten Entdeckungen historisch-exegetisch bearbeitet, Munich, 1861).