Bible Fillion

L E S N O M B R E S



Le nom. - Nombres, du latin Numeri (au nominatif pluriel, et point, comme on l'a parfois supposé, au génitif singulier), lequel traduit lui-même le grec ’Aριθμοί. Ce livre débute, en effet, par le dénombrement soit des Hébreux capables de porter les armes (Chap. 1), soit des Lévites (Chap. 3), au moment où s’achevait la législation du Sinaï. Et, plus loin (Chap. 26), il contient encore un nouveau recensement de l'armée théocratique. Les Juifs emploient parfois les dénominations analogues de Mispârim, « Nombres, » et de Pikkudim, qui équivaut à Recensiones d’Origène (Ap. Euseb., Hist. Eccl., 6, 25), quoique le nom dont ils se servent le plus fréquemment soit Vayyedabber (« et il parla. » Voyez la page 15), le premier mot du livre. Ils disent aussi: Bammidbar, « dans le désert », et cette appellation, empruntée au vers. 1 du chap. Ier, serait assurément la meilleure sous le rapport du sujet, puisque les Nombres racontent surtout les marches et contremarches des Israélites dans le désert de l’Arabie Pétrée.

Le sujet traité. — Ainsi donc, trajet d’Israël à travers le désert, depuis le pied du Sinaï jusqu’aux steppes de Moab (Voyez l'Atl. Géogr., pl. 5), c’est-à-dire jusqu'à la limite orientale de la Terre promise; ou, en d’autres termes, histoire du peuple hébreu, à partir de la conclusion définitive de l'alliance (Cf. Lev. 27, 34), jusqu’aux derniers préparatifs accomplis par Moïse en vue de la conquête de la Palestine cisjordanienne. Tel est, en abrégé, le sujet du quatrième livre du Pentateuque, qui reprend le fil historique presque entièrement interrompu par les prescriptions du Lévitique (Voyez l'Introduction, p. 323).

A vrai dire, c’est ici que commence l'histoire du « peuple de Dieu » , titre que les Hébreux ne méritèrent d’une manière adéquate qu’après l'achèvement de la législation du Sinaï. Mais dans ces annales, qui comprennent environ trente-neuf ans, le narrateur insiste sur les faits accomplis durant les premiers et les derniers mois, et il glisse très rapidement sur les trente-huit années intermédiaires, tristes, monotones, et sans autre incident remarquable que la lente destruction d’une génération coupable.

Les Hébreux, pleins d’élan, quittent donc le Sinaï après que la vie théocratique a été organisée dans ses parties essentielles, et ils s’en vont conquérir la Palestine, qui leur est réservée d’après d'antiques et nombreuses promesses (Cf. Gen. 12,7; 13, 14-17; 15,16; 17, 8; 26, 3; 28, 13; 35, 12; 46, 4; 50, 23-24; Ex. 3, 7-8, 16-17; 6, 7-8, etc). Mais Dieu les éprouve le long du chemin, pour affermir leur foi et les habituer à ne se confier qu’en lui. Ils subissent mal l’épreuve, et ils s’attirent des châtiments terribles. Cependant ils ressuscitent peu à peu, après s’être vus presque anéantis par le Seigneur, et nous assistons à leurs premières victoires décisives, qui les établissent dans les provinces situées au delà du Jourdain.

Tandis que l'histoire raconte tous ces traits, la législation se perfectionne par quelques nouvelles prescriptions ajoutées aux anciennes. Israël devient l'armée de Jéhovah; on lui indique comment il devra accomplir la conquête, puis le partage de la Palestine. Mais ces ordonnances sont simplement complémentaires.

Par conséquent, comme dans l’Exode, tissu remarquable de faits et de lois, quoique avec prédominance des faits.

Plan et division. - Trois parties principales : 1° les préparatifs du départ, ayant pour but la guerre sainte à entreprendre prochainement, 1, 1-10, 10; 2° les marches et contremarches d’Israël depuis le Sinaï jusqu'aux steppes de Moab, 10, 11-21, 35; 3° les Hébreux dans les steppes de Moab, 22-36.

Quatre sections dans la première partie: 1, 1-4, 49, recensement de l’armée théocratique et des lévites; 5, 1-6, 27, quelques ordonnances relatives à la sainteté légale et morale du camp; 7, 1-9, 14, les derniers événements accomplis au pied du Sinaï; 9,15-10·, 10, divers signaux pour diriger les haltes et les départs.

Deux sections dans la deuxième partie: 10, 11-14, 45, du Sinaï à Cadès; 15, 1-21, 35, les pérégrinations à travers le désert.

Trois sections dans la troisième partie : 22 , 1-25, 18, les machinations des Moabites et des Madianites contre Israël; 26, 1-30, 17, ordonnances relatives à la prochaine prise de possession de la Palestine; 31, 1-36, 13, les premières conquêtes à l'est du Jourdain.

Le commentaire donnera des subdivisions plus complètes (Voyez aussi notre édition de la Biblia sacra).

Chronologie du livre des Nombres.- La période de temps comprise entre le premier et le dernier verset est très clairement déterminée. Le récit commence avec le premier jour du second mois de la seconde année à partir de la sortie d'Égypte, 1, 1. Vers la fin du livre, 33, 38, le narrateur nous apprend que la mort d’Aaron eut lieu « la quarantième année qui suivit la sortie d'Égypte, au cinquième mois, le premier jour du mois ». Ce qui fait un intervalle de trente-huit ans trois mois. Mais à ce chiffre nous devons ajouter quelques mois, pour le temps qui s’écoula jusqu’à la date marquée au début du Deutéronome, 1, 3, « la quarantième année, le onzième mois, le premier jour du mois. » Nous obtenons ainsi, comme durée totale, un peu moins de trente-neuf ans.

5° Sous le rapport de l'intérêt, le livre des Nombres occupe un des premiers rangs parmi les écrits historiques de l’Ancien Testament. Encore la législation théocratique, des extraits importants de la vie du peuple de Dieu, de précieux détails géographiques, des fragments poétiques remarquables par leur antiquité et leur beauté (cf. 6, 24-26; 21, 14-15, 18, 27-30), de hautes révélations messianiques, ou sous forme de types, comme l'histoire du serpent d’airain (Cf. 21, 4-9), ou en termes directs, comme dans l’épisode de Balaam (Chap. 23-24): ces sujets pris en eux mêmes, ou dans leur variété, et dans l'entrain avec lequel ils sont traités, présentent constamment un intérêt spécial, et, comme on l’a dit, partout « la vérité de la narration biblique affirme sa puissance ».

Livres à consulter. - Les bons commentaires catholiques anciens et modernes, spécialement ceux de Calmet; parmi les ouvrages contemporains, Ch. Schœbel, Démonstration de l'authenticité du Lévitique et des Nombres ; L. de Laborde, Commentaire géographique de l’Exode et des Nombres, Paris, 1841; F. Vigouroux, la Bible et les découvertes modernes, t. 2, p. 591 et suiv.